1 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme suisse (1963)
1 t se targuer d’avoir donné à l’Europe et au monde une « culture nationale » bien caractérisée ; ni même d’avoir été la mère
2 e ou de pensée, marquant leur temps ou propageant un style doté du nom de sa terre natale. Il n’y eut jamais de peinture s
3 de peinture suisse, au sens où l’on a pu parler d’ une peinture vénitienne ou hollandaise ; ni de musique suisse, comme on p
4 landaise ; ni de musique suisse, comme on parle d’ une musique flamande ou allemande ; ni de poésie, ou de dramaturgie, ou d
5 dramaturgie, ou de roman suisses, comme il y eut un lyrisme languedocien, un théâtre élisabéthain, un roman russe. Non po
6 suisses, comme il y eut un lyrisme languedocien, un théâtre élisabéthain, un roman russe. Non point que l’apport des Suis
7 un lyrisme languedocien, un théâtre élisabéthain, un roman russe. Non point que l’apport des Suisses en ces domaines, de l
8 sabéthain, un roman russe. Non point que l’apport des Suisses en ces domaines, de la Renaissance à nos jours, ait été globa
9 cet apport ne fut jamais typique et spécifique d’ une unité bien évidente, à la fois culturelle et politique, comme le fure
10 sse n’a jamais été défini par autre chose que par un système d’alliances, embrassant de multiples unités locales — vallées
11 et de coutumes, mais de régime politique, pendant des siècles. C’est ce système, ou pour mieux dire, cette pratique séculai
12 ements de l’autorité centrale. Rien d’étonnant si une telle pratique est mal connue ou mal comprise à l’extérieur, et notam
13 épris de logique, disent-ils, et centralisateurs. Un Français cultivé et qui se demande quel est le « vrai » sens du mot f
14 gouvernement fédératif. — « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. »
15 vernement fédératif. — « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. » Cha
16 l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. « Aux jacobins, on agita gravement la que
17 Thiers, Histoire de la révolution, chap. I. Pour un Français, la cause est entendue : fédéraliste égale sauvage, ou traît
18 due : fédéraliste égale sauvage, ou traître. Pour un Suisse, c’est Littré qui perd la face. Essayons d’expliquer ce qui pe
19 les tensions, et cherche à les composer au sein d’ un organisme vivant, n’allons pas croire que le fédéralisme soit une esp
20 vant, n’allons pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’éclectisme universel ou d’opportunisme lâche, qui tolère tou
21 incipe et par définition l’uniformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’une capitale ou d’un parti, d’un pouvoir clé
22 niformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’ une capitale ou d’un parti, d’un pouvoir clérical ou politique. Il est do
23 par un centre, qu’il s’agisse d’une capitale ou d’ un parti, d’un pouvoir clérical ou politique. Il est donc le contraire a
24 e, qu’il s’agisse d’une capitale ou d’un parti, d’ un pouvoir clérical ou politique. Il est donc le contraire absolu de tou
25 .) Le fédéralisme veut la diversité, la pluralité des forces en compétition, et loin de fuir devant la complexité du réel,
26 ant donc le contraire de l’uniformité imposée par un centre, mais aussi le contraire des particularismes clos, le fédérali
27 té imposée par un centre, mais aussi le contraire des particularismes clos, le fédéralisme représenterait-il alors une sort
28 smes clos, le fédéralisme représenterait-il alors une sorte de moyen terme entre ces deux extrêmes ? Point du tout ! La san
29 eux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau
30 pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre un
31 l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédérali
32 s à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entr
33 emin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’une seule
34 que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’ une seule. Il représente la seule attitude rigoureusement contraire à cel
35 maginer que la volonté de centralisation totale d’ une nation, et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales ja
36 ent aucune diversité politique ou culturelle dans une nation manifestent le même état d’esprit que ceux qui n’admettent rie
37 e même manque d’imagination, de vitalité, de sens des proportions, d’ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l’attitude
38 nécessité de l’union, d’autre part la légitimité des autonomies locales. Elle exige à la fois l’une et l’autre, en dépit d
39 iquement antagoniste. L’attitude fédéraliste veut une maîtrise du divers, comme tout art. Elle est un art de la composition
40 une maîtrise du divers, comme tout art. Elle est un art de la composition, qui requiert à la fois et en même temps la viv
41 i requiert à la fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’une œuvre pictu
42 rastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’ une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible dans un table
43 rale : il n’y aurait pas d’harmonie possible dans un tableau sans contrastes de couleurs, et sans nuances complexes ; de m
44 urs, et sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’ensemble, celle de l’artiste, hors de l’unité du tableau, il
45 ns leur boîte. Pour que la qualité particulière d’ un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit co
46 faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre au sein de laque
47 ec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’ une œuvre au sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’une infini
48 sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’ une infinie complexité. Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéraliste.
49 d’une infinie complexité. Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plus
50 caniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mé
51 leurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la d
52 sent à définir le fédéralisme, art de composer en un ensemble animé des diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa
53 fédéralisme, art de composer en un ensemble animé des diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa manière. La plupart
54 ue l’on oublie ces évidences. Je n’en donnerai qu’ un seul exemple : l’impasse à laquelle risquent d’aboutir les négociatio
55 tant par le Marché commun. D’une part, on affirme une souveraineté globale, qui ne laisserait jouer qu’à regret, et à titre
56 ’à regret, et à titre de concession, la diversité des fonctions nationales ; d’autre part, on se cramponne à une souveraine
57 ions nationales ; d’autre part, on se cramponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus
58 nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus grand corps. Les uns sont tentés d’oublier que la santé d’un cor
59 rps. Les uns sont tentés d’oublier que la santé d’ un corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; et les autres
60 érenciés ; et les autres sont tentés d’oublier qu’ un organe bien différencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle serai
61 e l’Europe unie apprenne à respecter la diversité des petites nations qui la composent, sinon elle trahira sa mission dans
62 s la Suisse apprenne à respecter, dans le cadre d’ une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans le
63 n d’être. Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation politique, le seul « régime de coexistence » dign
64 ne du nom. C’est aussi, et c’est même avant tout, une méthode de composition des valeurs diversifiées, — et voilà, me sembl
65 c’est même avant tout, une méthode de composition des valeurs diversifiées, — et voilà, me semble-t-il, du même coup, une a
66 ifiées, — et voilà, me semble-t-il, du même coup, une assez bonne définition de la culture ! ⁂ Pour qu’il y ait culture en
67 au sens occidental et moderne du terme —, il faut une variété aussi riche que possible de créations humaines, un foisonneme
68 é aussi riche que possible de créations humaines, un foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d’expression plastiques,
69 lie toutes ces œuvres variées, et qui leur offre une commune mesure ; sans quoi, nous ne saurions parler d’une culture, co
70 une mesure ; sans quoi, nous ne saurions parler d’ une culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fois
71 ulture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité essentielle. Qu
72 Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses,
73 n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir une soi-disant « culture nationale », intermédiaire entre l’Europe et nos
74 aire entre l’Europe et nos cités. Je bute ici sur un concept aussi néfaste qu’invétéré, et qui me paraît exemplairement in
75 vec la réalité fédéraliste. On nous répète depuis un siècle que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent
76 le concept de « culture nationale » corresponde à des réalités culturelles. Or il ne correspond qu’à des prétentions nation
77 es réalités culturelles. Or il ne correspond qu’à des prétentions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe un certain no
78 tions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe un certain nombre de « cultures nationales » bien distinctes et autonome
79 ’addition constituerait la culture européenne est une pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme bru
80 éenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Eur
81 t pensé et créé depuis 28 siècles, indépendamment des nations qui divisent aujourd’hui l’Europe, et dont la plupart n’ont m
82 s ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’ un seul exemple : celui de la musique, élément important et typiquement
83 e constitue entre les xiie et xive siècles dans un certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienn
84 le italienne, en Provence, puis en Île-de-France. Des cités italiennes, elle se propage jusqu’aux cités flamandes, le long
85 rcial de la Renaissance, reliant Venise à Bruges. Une nouvelle école s’épanouit dans les Flandres. Elle influence bientôt l
86 llemands (comme Schütz) viennent s’initier auprès des maîtres italiens. Bach copie avec application des œuvres de Vivaldi.
87 des maîtres italiens. Bach copie avec application des œuvres de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musiqu
88 re, la Saxe, Vienne, Bayreuth. C’est alors auprès des maîtres allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint
89 s voies. Or ces voies, notons-le, traversent avec une glorieuse indifférence des dizaines de nos frontières nationales actu
90 ns-le, traversent avec une glorieuse indifférence des dizaines de nos frontières nationales actuelles. Elles relient des ci
91 os frontières nationales actuelles. Elles relient des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. C
92 es nationales actuelles. Elles relient des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on
93 Elles relient des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant l
94 , des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nati
95 parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’ un musicien ou d’un peintre, c’est simplement l’école locale dans laquel
96 la Renaissance, la « nation » d’un musicien ou d’ un peintre, c’est simplement l’école locale dans laquelle il s’est formé
97 , cette croyance si rarement mise en doute depuis un siècle environ, en l’existence de « cultures nationales » ? C’est ava
98 qu’à la langue française. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle e
99 ’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore dans la France d’auj
100 s nations. De même, l’allemand ne saurait définir une « culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui v
101 coïncider approximativement avec les frontières d’ une de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à ell
102 a plus. La langue ne saurait à elle seule définir une culture : elle n’est guère qu’un des éléments de la culture en généra
103 e seule définir une culture : elle n’est guère qu’ un des éléments de la culture en général, si essentiel soit-il. Tous les
104 eule définir une culture : elle n’est guère qu’un des éléments de la culture en général, si essentiel soit-il. Tous les aut
105 e, sont largement ou même totalement indépendants des langues modernes, et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à de
106 et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la
107 ? » peut donc dire la culture européenne à chacun des 24 États-nations qui ont découpé et longtemps déchiré le corps de not
108 tre, préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures nationales », fût-ce du seul fait de la composition lingui
109 s à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là une garantie de liberté contre les princes de l’époque, — nous dirions au
110 es Suisses romands, par exemple, se différencient des Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’École nous donne d
111 antons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État. 2° la culture vit chez nous dans de pet
112 es, qui n’ont jamais été unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises. 3° nou
113 misés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises. 3° nous sommes de vieilles républiques — même N
114 Neuchâtel, en dépit de ses princes — fondées sur une large autonomie des communes. 4° le protestantisme est majoritaire en
115 de ses princes — fondées sur une large autonomie des communes. 4° le protestantisme est majoritaire en Suisse romande ; il
116 ence ou ne voudraient l’admettre. D’où résulte qu’ un Suisse romand — et tout ce que je viens d’en dire vaut aussi, mutatis
117 ouvrent que très partiellement, et qui permettent un grand nombre de combinaisons originales. On ne saurait être moins con
118 es. On ne saurait être moins conforme aux devises des États totalitaires (« Une Foi, une Loi, un Roi » sous Louis XIV. « Ei
119 ns conforme aux devises des États totalitaires («  Une Foi, une Loi, un Roi » sous Louis XIV. « Ein Volk, ein Reich, ein Füh
120 me aux devises des États totalitaires (« Une Foi, une Loi, un Roi » sous Louis XIV. « Ein Volk, ein Reich, ein Führer » sou
121 vises des États totalitaires (« Une Foi, une Loi, un Roi » sous Louis XIV. « Ein Volk, ein Reich, ein Führer » sous Hitler
122 ques. Densité sans nul doute supérieure à celle d’ une tranche quelconque d’un million et demi d’habitants, prise au hasard
123 ute supérieure à celle d’une tranche quelconque d’ un million et demi d’habitants, prise au hasard dans l’une des grandes n
124 n et demi d’habitants, prise au hasard dans l’une des grandes nations voisines. Qu’on m’entende bien : ce n’est pas un élog
125 ons voisines. Qu’on m’entende bien : ce n’est pas un éloge de la petitesse en soi que je fais ici, ni des petites dimensio
126 éloge de la petitesse en soi que je fais ici, ni des petites dimensions matérielles ou morales, mais au contraire de la pl
127 les ou morales, mais au contraire de la pluralité des dimensions et de la variété des allégeances possibles, les unes local
128 e de la pluralité des dimensions et de la variété des allégeances possibles, les unes locales ou régionales, et les autres
129 s moyennes rassurantes aux œuvres fortes. Offrant un jeu de petites et de grandes dimensions à composer diversement, il sa
130 nt-ils dans les structures fédérales de leur pays une protection plus efficace de leur vie culturelle et civique, comme de
131 neraient à échanger cette paix — que l’on jalouse un peu tout en la couvrant de sarcasmes — contre les régimes prestigieux
132 eurs plus grandes dimensions, il faut admettre qu’ un régime fédéraliste et pluraliste leur ouvre de belles perspectives :
133 e de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait un pur Vaudois, sé
134 omanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait un pur Vaudois, séparatiste (car c’était là le véritable sens de son féd
135 pèce de critère privilégié du niveau de culture d’ un peuple, qu’elle fut au temps de l’Europe classique puis romantique. L
136 le nombre de prix Nobel par million d’habitants d’ un pays, de 1901 à 1960. Voici un extrait du tableau1 : 1. Suisse
137 lion d’habitants d’un pays, de 1901 à 1960. Voici un extrait du tableau1 : 1. Suisse 2,62 7. Royaume-Uni 0,67 2.
138 typiquement suisse à la culture européenne revêt une importance particulière dans le monde de cette deuxième moitié du xxe
139 sse, aujourd’hui, se confond donc avec l’apport d’ une Europe rajeunie, découvrant le fédéralisme, sa morale et sa philosoph
140 elles de la paix. 1. Léo Moulin, La Nationalité des prix Nobel de sciences de 1901 à 1960, Cahiers internationaux de soci
141 se », La Suisse face à l’avenir : interrogation d’ un petit pays, Berne, Nouvelle Société helvétique, 1963, p. 66-75.
2 1963, Articles divers (1963-1969). Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)
142 ne du Moyen Âge à nos jours (1963)j k Au seuil des activités d’enseignement que cet Institut commence aujourd’hui, après
143 ment que cet Institut commence aujourd’hui, après une longue période de recherches, d’expériences pratiques et de publicati
144 partout où cela se peut, et donc aussi à Genève, des études européennes, c’est parce que la question de l’union de l’Europ
145 et parce qu’elle met en jeu bien autre chose que des intérêts matériels. Il serait donc vain de se dissimuler que l’une de
146 s. Il serait donc vain de se dissimuler que l’une des raisons d’être de cet Institut, sans doute la principale, tient à la
147 e particulier de notre Institut, comme d’ailleurs des quelque vingt-cinq autres instituts d’études européennes qui sont à l
148 nt cependant à garder, par rapport au déroulement des faits et à l’action politique militante, la distance nécessaire à la
149 jective. Certes, la question européenne n’est pas une question académique ! Elle n’appartient pas à un passé qu’il suffirai
150 une question académique ! Elle n’appartient pas à un passé qu’il suffirait de décrire et d’interpréter, mais à un avenir a
151 ’il suffirait de décrire et d’interpréter, mais à un avenir auquel nous sommes tous vitalement intéressés, et qu’il s’agit
152 ssés, et qu’il s’agit de préparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’un problème à résoudre. Est-ce à dire qu’il f
153 éparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’ un problème à résoudre. Est-ce à dire qu’il faille en laisser le soin au
154 qu’il faille en laisser le soin au seul réalisme des hommes d’État, aux seuls calculs des experts officiels, et au seul en
155 eul réalisme des hommes d’État, aux seuls calculs des experts officiels, et au seul enthousiasme des militants ? Question g
156 ls des experts officiels, et au seul enthousiasme des militants ? Question globale, économique et politique au premier chef
157 up attendent encore d’être étudiés objectivement, un à un, et aussi d’être envisagés dans l’ensemble de leurs interconnect
158 tendent encore d’être étudiés objectivement, un à un , et aussi d’être envisagés dans l’ensemble de leurs interconnections
159 l’Europe, malgré tout, représente autre chose et un peu plus que ce qu’elle est dans sa réalité physique, qui est à peine
160 est dans sa réalité physique, qui est à peine 4 % des terres émergées de la planète. Cette question européenne constituant
161 a vu surgir, en lieu et place de la prépondérance des États de l’Europe, désunis et rivaux, une constellation toute nouvell
162 dérance des États de l’Europe, désunis et rivaux, une constellation toute nouvelle de grands ensembles fortement unifiés, c
163 politiques, de 200 à 600 millions d’hommes. Dans un tel monde, quel peut être l’avenir des États de l’Europe, petits et m
164 ommes. Dans un tel monde, quel peut être l’avenir des États de l’Europe, petits et moyens désormais — c’est-à-dire comptant
165 se et sa prospérité économique ; ni de poursuivre une politique étrangère autonome. Que deviennent, dans ces conditions de
166 rise internationale, ou en cas d’agression contre un pays isolé ? Que peut encore signifier l’expression Europe, sinon un
167 peut encore signifier l’expression Europe, sinon un ensemble de pays qui vivent, comme le dit alors P.-H. Spaak, « dans l
168 t, comme le dit alors P.-H. Spaak, « dans la peur des Russes et de la charité des Américains » ? C’est à ce moment que naît
169 Spaak, « dans la peur des Russes et de la charité des Américains » ? C’est à ce moment que naît, ou renaît en Europe le vie
170 Continent. Et cela commence, comme toujours, par des manifestes d’intellectuels, des écrits de visionnaires, des groupuscu
171 mme toujours, par des manifestes d’intellectuels, des écrits de visionnaires, des groupuscules de militants — pour la plupa
172 stes d’intellectuels, des écrits de visionnaires, des groupuscules de militants — pour la plupart issus de la résistance à
173 lie — et qui bientôt formeront l’Union européenne des fédéralistes et le Mouvement européen. Les économistes, de leur côté,
174 Allais déclare au congrès de La Haye, en 1948, qu’ une Europe unie serait en mesure de doubler sa production et son niveau d
175 an français se mettent à l’œuvre en silence, loin des congrès et des associations de militants qui leur ont préparé la voie
176 mettent à l’œuvre en silence, loin des congrès et des associations de militants qui leur ont préparé la voie dans les espri
177 i leur ont préparé la voie dans les esprits. Puis des hommes politiques se proposent pour diriger ce mouvement naissant, qu
178 s en fait dans le même sens final qui est celui d’ une Europe autonome rendue forte par son union, de Gaulle lui-même. Les p
179 lus loin ». Mais dans notre civilisation moderne, une transformation économique de quelque envergure ne saurait être limité
180 itement qu’elle dépend par ailleurs de l’opinion, des idéologies nationales et des doctrines. Créer une union économique, m
181 lleurs de l’opinion, des idéologies nationales et des doctrines. Créer une union économique, même restreinte à quelques pay
182 des idéologies nationales et des doctrines. Créer une union économique, même restreinte à quelques pays pour commencer, c’e
183 la question européenne. Formulée tout d’abord par des intellectuels et des utopistes mal écoutés et peu suivis, ayant reçu
184 e. Formulée tout d’abord par des intellectuels et des utopistes mal écoutés et peu suivis, ayant reçu ses premières solutio
185 , les parlements, les congrès et les déclarations des hommes d’État témoigne de la plus grande confusion. Si l’on examine s
186 tique, traduit non seulement l’ignorance courante des problèmes ou l’inévitable manque d’information de l’opinion, mais peu
187 ut-être surtout, et c’est plus grave, l’absence d’ une vision claire et convaincante des solutions proprement politiques, qu
188 ve, l’absence d’une vision claire et convaincante des solutions proprement politiques, qu’il faudra bien donner un jour pro
189 s proprement politiques, qu’il faudra bien donner un jour prochain à la question européenne. En vue de cerner et de choisi
190 et de choisir au mieux l’objet de nos études dans un champ aussi vaste, essayons donc de définir les quelques types princi
191 oueraient nos États. On peut concevoir idéalement une Europe unitaire, unifiée sur le modèle élargi aux dimensions continen
192 lisés, dont l’exemple typique est la France. Dans une telle Europe, nos États actuels ne joueraient plus qu’un rôle compara
193 e Europe, nos États actuels ne joueraient plus qu’ un rôle comparable à celui des dépar­tements dans une République une et
194 ne joueraient plus qu’un rôle comparable à celui des dépar­tements dans une République une et indivisible, ce qui amènerai
195 un rôle comparable à celui des dépar­tements dans une République une et indivisible, ce qui amènerait à les redécouper en c
196 ble à celui des dépar­tements dans une République une et indivisible, ce qui amènerait à les redécouper en circonscriptions
197 comme telle défendue par personne, et n’offre pas un champ d’études utiles, car chacun voit que l’unification de l’Europe,
198 accessible, qui marquerait le triomphe exclusif d’ une seule des tendances contradictoires qui composent l’esprit européen,
199 , qui marquerait le triomphe exclusif d’une seule des tendances contradictoires qui composent l’esprit européen, je veux di
200 ance à l’unité abstraite, l’esprit de géométrie d’ un planificateur supposé capable de modeler à son gré la société. Dans l
201 épouvantail. À l’autre extrême, on peut concevoir une Europe qui ne serait organisée que par un système d’alliances entre É
202 cevoir une Europe qui ne serait organisée que par un système d’alliances entre États souverains. C’est, de fait, la soluti
203 solution préconisée par les tenants de « l’Europe des patries », belle expression hélas impropre en l’occurrence, car, ains
204 resse de mai 1962), elle ne désigne en réalité qu’ une Europe des États. Dans une telle Europe, nos États-nations actuels re
205 i 1962), elle ne désigne en réalité qu’une Europe des États. Dans une telle Europe, nos États-nations actuels resteraient p
206 désigne en réalité qu’une Europe des États. Dans une telle Europe, nos États-nations actuels resteraient pleinement souver
207 t, par leurs alliances mêmes. Cette solution pose un certain nombre de problèmes qui pourraient et devraient faire l’objet
208 cette solution apparemment de statu quo, répond d’ une manière adéquate aux nouveaux besoins d’union apparus depuis 1945, et
209 question européenne. Elle supposerait en tout cas un retrait, éventuellement impraticable ou très onéreux, sur les réalité
210 le Marché commun. D’autre part, elle se fonde sur une certaine idée de la souveraineté des États, considérés comme seule ré
211 se fonde sur une certaine idée de la souveraineté des États, considérés comme seule réalité tangible, ou par là même, elle
212 e réalité tangible, ou par là même, elle présente un attrait certain pour ceux qui souhaiteraient laisser les choses autan
213 riode absolutiste, et reprise par le xixe siècle des nationalismes. Il faudrait voir, d’une part, dans quelle mesure cette
214 oit, et d’autre part, si elle correspond encore à des réalités tangibles, à des droits et à des devoirs que les États puiss
215 lle correspond encore à des réalités tangibles, à des droits et à des devoirs que les États puissent réellement exercer, co
216 ncore à des réalités tangibles, à des droits et à des devoirs que les États puissent réellement exercer, comme faire la gue
217 isquerait d’être par trop transitoire, trop lié à une actualité mouvante, susceptible de déboucher plus ou moins rapidement
218 eptible de déboucher plus ou moins rapidement sur une problématique plus vaste et plus permanente, en quelque sorte. La tr
219 différente de celle de l’unification et de celle des alliances entre souverains, c’est la solution fédéraliste. Dans une E
220 e souverains, c’est la solution fédéraliste. Dans une Europe fédérée, les États ne seraient pas effacés ou dissouts, ils ne
221 outs, ils ne seraient pas non plus maintenus dans une fiction de souveraineté absolue, mais ils joueraient un rôle plus ou
222 joueraient un rôle plus ou moins analogue à celui des cantons suisses, dont l’autonomie se voit assurée par la force même d
223 oque aucune solution de cet ordre. La déclaration des chefs d’État des Six, faite à Bonn le 18 juillet 1961, parle, il est
224 ion de cet ordre. La déclaration des chefs d’État des Six, faite à Bonn le 18 juillet 1961, parle, il est vrai, de « donner
225 voies et moyens qui pourraient permettre d’opérer un jour ou l’autre ce passage de l’économique au politique. Ni cette déc
226 ait. Et cela dépendra de la prédominance finale d’ un des trois types de solutions que je viens de caractériser très briève
227 . Et cela dépendra de la prédominance finale d’un des trois types de solutions que je viens de caractériser très brièvement
228 uasi journellement dans les processus de décision des Communautés économiques, serait celle des trois solutions qui aurait
229 écision des Communautés économiques, serait celle des trois solutions qui aurait le moins de chances dans cette compétition
230 ssi la plus propre à rallier ou à faire converger un jour ou l’autre les partisans de l’Europe des États et ceux des États
231 rger un jour ou l’autre les partisans de l’Europe des États et ceux des États-Unis d’Europe, ceux qui insistent avant tout
232 autre les partisans de l’Europe des États et ceux des États-Unis d’Europe, ceux qui insistent avant tout sur l’autonomie de
233 ys que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison, une préfigure de l’Europe unie. Enfin, raisons immédiates et personnelles
234 e manières variées, avec les moyens du bord, dans un esprit commun. Or je pense qu’il existe une harmonie préétablie entre
235 , dans un esprit commun. Or je pense qu’il existe une harmonie préétablie entre le fédéralisme comme objet d’études et la m
236 qui s’impose à nous. Car le fédéralisme n’est pas une doctrine toute faite, un dogme auquel il s’agirait de plier les réali
237 e fédéralisme n’est pas une doctrine toute faite, un dogme auquel il s’agirait de plier les réalités, mais une méthode gén
238 e auquel il s’agirait de plier les réalités, mais une méthode générale d’aménagement des choses humaines, méthode d’allure
239 réalités, mais une méthode générale d’aménagement des choses humaines, méthode d’allure pragmatique qui ne se comprend et n
240 ra le problème de la manière la plus concrète par une comparaison des marchés avant et après l’entrée en action des premièr
241 e la manière la plus concrète par une comparaison des marchés avant et après l’entrée en action des premières institutions
242 son des marchés avant et après l’entrée en action des premières institutions supra- ou plurinationales fonctionnant en Euro
243 , le Marché commun, l’AELE, etc. Il étudiera donc des exemples précis d’évolution des structures du stade national aux dive
244 Il étudiera donc des exemples précis d’évolution des structures du stade national aux divers stades d’une intégration prog
245 structures du stade national aux divers stades d’ une intégration progressive à l’échelle européenne. Problème préfédéralis
246 ure ces structures tendent ou non à se rapprocher des formes fédéralistes. Il rejoindra de la sorte les études de méthode e
247 de la sorte les études de méthode et d’évaluation des tendances politiques vers l’intégration, réunies dans le nouvel ouvra
248 , d’aborder le problème sur le plan de l’histoire des idées, en traitant des aspects fédéralistes dans les projets et plans
249 sur le plan de l’histoire des idées, en traitant des aspects fédéralistes dans les projets et plans d’union européenne, du
250 et aux travaux de séminaire, nous avons convoqué un groupe d’une vingtaine de juristes, philosophes, historiens, économis
251 aux de séminaire, nous avons convoqué un groupe d’ une vingtaine de juristes, philosophes, historiens, économistes, théorici
252 de l’intégration, pour étudier les perspectives d’ une solution fédéraliste de la question européenne. Le groupe doit se réu
253 udiants avancés qui auront présenté en conférence des travaux intéressants, auront la possibilité d’y participer. Voilà don
254 u proverbe chinois qui dit : « Mieux vaut allumer une petite chandelle que de maudire l’obscurité ! » ⁂ Ces quelques propos
255 e trouve que le fédéralisme n’est précisément pas un système logique que l’on puisse déduire dans l’abstrait à partir d’un
256 ue l’on puisse déduire dans l’abstrait à partir d’ une définition simple et de quelques principes axiomatiques. On l’a même
257 ntemporains qui s’en déclarent les adeptes, c’est une attitude de pensée et une méthode de conduite, plus qu’une doctrine o
258 rent les adeptes, c’est une attitude de pensée et une méthode de conduite, plus qu’une doctrine ou une notion juridique ; u
259 ude de pensée et une méthode de conduite, plus qu’ une doctrine ou une notion juridique ; une expérience multiforme et non p
260 une méthode de conduite, plus qu’une doctrine ou une notion juridique ; une expérience multiforme et non pas une construct
261 e, plus qu’une doctrine ou une notion juridique ; une expérience multiforme et non pas une construction dogmatique aux lign
262 juridique ; une expérience multiforme et non pas une construction dogmatique aux lignes simples et aux structures géométri
263 s qui éprouvent le moins de scrupules à en donner des caractérisations brèves et simples. Et voilà pourquoi les dictionnair
264 finir en tant que méthode, et pas seulement comme un système politique. La plupart nous renvoient de fédéralisme à fédérat
265 du gouvernement fédératif. « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. »
266 ouvernement fédératif. « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. » Cha
267 l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. Vingt-et-un ans plus tard, le dictionnai
268 à l’unité nationale le fédéralisme, c’est-à-dire une association des départements qui eussent formé autant de républiques
269 nale le fédéralisme, c’est-à-dire une association des départements qui eussent formé autant de républiques distinctes, comm
270 , qui définissent ainsi la structure fédérale : «  Une forme de gouvernement extravagante et inefficace, justifiable là seul
271 agante et inefficace, justifiable là seulement où une forme plus stricte d’organisation est pratiquement impraticable (prac
272 sans du fédéralisme comme méthode ou attitude, et des régimes qui s’en inspirent, nous constatons qu’il leur faut des livre
273 i s’en inspirent, nous constatons qu’il leur faut des livres entiers pour l’exposer ou, mieux, pour en décrire et communiqu
274 ent l’énorme volume intitulé The Federalist (dont une traduction française a paru en 1957). En France, c’est l’œuvre posthu
275 ré lui, qui publie en 1879 Der Föderalismus. Puis des savants français entreprennent une série de mises au point systéma­ti
276 ralismus. Puis des savants français entreprennent une série de mises au point systéma­tiques : Le Fur publie en 1896 son ou
277 ement) ; Georges Scelle, dans son Précis du droit des gens, tome I, paru en 1932, généralise la méthode fédéraliste et l’ét
278 j’ai nommé « l’attitude fédéraliste ». Plusieurs des membres de ce groupe, dispersé dès 1939, se retrouvent pour déclenche
279 x tomes d’Études sur le fédéralisme, composés par une trentaine de professeurs américains sous la direction de Robert Bowie
280 ent traduits en français. Dans le dernier en date des très nombreux ouvrages consacrés à notre question après la Seconde Gu
281 t son avenir, [le fédéralisme] est autre chose qu’ une simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’
282 ne simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’aménagement du rapport politique, et peut-être plu
283 simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’aménagement du rapport politique, et peut-être plus en
284 t du rapport politique, et peut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre q
285 u rapport politique, et peut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre que l
286 ocialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés. Ainsi donc, entre le fédéralisme considéré par l’esprit ja
287 la nouvelle école que décrit Pierre Duclos comme un des grands styles de vie et de civilisation, vous voyez que la discus
288 nouvelle école que décrit Pierre Duclos comme un des grands styles de vie et de civilisation, vous voyez que la discussion
289 ouverte… J’ai donc estimé qu’au lieu de partir d’ une définition pseudo-scientifique, ou secrètement partisane, ou entachée
290 et enseignant d’aller rechercher dans les écrits des précurseurs de l’Europe unie, à partir du xive siècle, et en remonta
291 ntant peu à peu vers notre époque, les éléments d’ une tradition fédéraliste de l’Europe ; quitte à déduire, finalement, de
292 n passant, quelques lumières sur le rôle effectif des utopies politiques. La plupart de ces plans sont restés peu connus, v
293 oins encore de résultats. Cependant, ce n’est pas une histoire des échecs de l’idée européenne, ni des déchets de la pensée
294 e résultats. Cependant, ce n’est pas une histoire des échecs de l’idée européenne, ni des déchets de la pensée fédéraliste,
295 une histoire des échecs de l’idée européenne, ni des déchets de la pensée fédéraliste, ni des curiosa de l’esprit occident
296 enne, ni des déchets de la pensée fédéraliste, ni des curiosa de l’esprit occidental que je me propose de retracer et qui m
297 de retracer et qui mérite de retenir l’attention des étudiants. Ces plans et projets constituent autant de prises sur leur
298 soit qu’ils les reflètent fidèlement — et ce sera une occasion de les décrire —, soit qu’ils s’opposent expressément à « ce
299 icipent le dépassement. Ainsi, la considération d’ un traité de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308) et d’un plan conf
300 de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308) et d’ un plan confédéral de Pierre Dubois (le De Recuperatione Terre Sancte, q
301 re confédération, qui résulte, elle, du mouvement des communes12, troisième composante de l’époque. Vous pressentez qu’il y
302 ces projets et de ceux qui les suivront au cours des siècles jusqu’à nous, est certes significatif, et j’en examinerai les
303 Dans ce contexte, il s’agira de repérer la nature des obstacles traditionnels de l’union, et d’essayer de mieux voir, de la
304 Rousseau, prétend-il, à l’occasion de sa critique des utopies de l’abbé de Saint-Pierre, encore que Proudhon, cent ans plus
305 d, nous aurons l’occasion d’illustrer fréquemment un phénomène curieux : la pratique du fédéralisme a précédé de plusieurs
306 été connu qu’au moment où la chose était niée par un puissant parti, les jacobins, tandis qu’elle se réalisait enfin, mais
307 s préoccupations économiques, totalement absentes des plans du xive siècle, apparaissent avec les plans du xviie , dont ce
308 celui du moine parisien Émeric Crucé, qui propose une série de « grands travaux européens » ; comment elles se développent
309 ations que l’on sait dans notre temps. C’est donc une sorte de généalogie des grands desseins européens que nous aurons à é
310 s notre temps. C’est donc une sorte de généalogie des grands desseins européens que nous aurons à établir, au moins autant
311 ens que nous aurons à établir, au moins autant qu’ un constat déprimant d’échecs pratiques et de déchets idéologiques. Qu’i
312 déchu qu’était le duc de Sully, ou du créateur d’ un grand État qu’était William Penn, puis d’un économiste visionnaire co
313 eur d’un grand État qu’était William Penn, puis d’ un économiste visionnaire comme Saint-Simon ou d’un solide juriste suiss
314 ’un économiste visionnaire comme Saint-Simon ou d’ un solide juriste suisse comme Bluntschli, et finalement d’un autre gran
315 juriste suisse comme Bluntschli, et finalement d’ un autre grand poète, Saint-John Perse, de son vrai nom Alexis Léger, qu
316 er, qui rédige le Mémorandum sur l’organisation d’ un régime d’union fédérale européenne adressé par Briand à la Société de
317 iand à la Société des Nations en 1930, la galerie des auteurs de plans que nous allons parcourir n’est pas seulement pittor
318 seulement pittoresque : elle nous conduit au cœur des débats idéologiques et politiques de l’Europe actuelle. J’inscris don
319 d, Paris 1960. Voir aussi mes « Orientations vers une Europe fédérale », Fururibles, n° 56, Paris, 1963. 11. Cité dans Le
320 en, 1963. 12. Comme l’ont montré en premier lieu des historiens suisses tels que Karl Meyer puis E. Gagliardi, notamment.
321 ité de Francfort 1935-1936. Cours à l’École libre des hautes études de New York de 1941 à 1946. Fonde en 1948 le Centre eur
3 1963, Articles divers (1963-1969). Apport à la civilisation occidentale (janvier 1963)
322 ulture occidentale ; ils n’y entrent en fait et d’ une manière distincte qu’au troisième quart de l’ère chrétienne : au xvie
323 re chrétienne : au xvie siècle. Mais c’est alors un « carré suisse » — cette formation guerrière qui dominait sur les cha
324 tion intellectuelle et artistique dans l’ensemble des petits États qui constituent l’actuelle Confédération est sans doute
325 Et dans quelle mesure peut-on dire que cet apport des Suisses à la culture représente une contribution de la Suisse en tant
326 ue cet apport des Suisses à la culture représente une contribution de la Suisse en tant qu’entité ou système de valeurs spé
327 existe que depuis cent-quinze ans sous la forme d’ un État fédéral et solidement constitué. Auparavant, de la fin du xiiie
328 ’au milieu du xixe siècle, elle n’était guère qu’ une confédération plus ou moins lâche de petits États souverains, très va
329 la confession, la langue. Elle dépendait ainsi, à des titres divers, de plusieurs grands ensembles culturels, religieux, li
330 et les meilleurs artistes suisses sont d’abord d’ un canton déterminé (qui n’est parfois qu’une ville, Bâle ou Genève) mai
331 abord d’un canton déterminé (qui n’est parfois qu’ une ville, Bâle ou Genève) mais ils ne trouvent à se réaliser qu’au sein
332 ) mais ils ne trouvent à se réaliser qu’au sein d’ une entité beaucoup plus vaste, impériale, papale ou réformée, germanique
333 réformée, germanique, italienne ou française — à une échelle européenne. Toutes nos gloires sont européennes, non seulemen
334 ent par leur rayonnement (comme le furent celle d’ un Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n
335 rayonnement (comme le furent celle d’un Racine, d’ un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n’ont vécu que
336 comme le furent celle d’un Racine, d’un Newton, d’ un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n’ont vécu que dans leur se
337 rent celle d’un Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’ un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n’ont vécu que dans leur seule nation,
338 n Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’ un Kierkegaard, qui n’ont vécu que dans leur seule nation, et d’elle seu
339 le Jean-Jacques. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Ainsi, le stade
340 . J’oserai dire que je vois là, précisément, l’un des grands privilèges culturels des Suisses : quelle que soit leur petite
341 précisément, l’un des grands privilèges culturels des Suisses : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils la dépasse
342 miers cantons suisses reçurent leurs libertés non des suzerains de la région, mais, par-dessus leur tête, du seul empereur.
343 ccidentale, car celle-ci a toujours été faite par des foyers locaux, et non par des nations ; par des écoles fermées puis i
344 jours été faite par des foyers locaux, et non par des nations ; par des écoles fermées puis internationales ; par des style
345 r des foyers locaux, et non par des nations ; par des écoles fermées puis internationales ; par des styles qui ne connaissa
346 par des écoles fermées puis internationales ; par des styles qui ne connaissaient ni péages ni frontières politiques ; et p
347 aient ni péages ni frontières politiques ; et par des traditions communes à tous nos peuples, la grecque, la romaine, la ch
348 s que montrent nos atlas d’école. La multiplicité des foyers créateurs fournit à la Suisse ses meilleures chances, et c’est
349 — compartimentée à l’extrême, mais liée par tout un réseau d’échanges spirituels avec ses grands voisins — constitue la r
350 les trois premiers foyers de rayonnement européen des ligues. Aussitôt prolifèrent autour d’eux les bases de lancement de n
351 oningue et à Londres. Jean de Müller, « historien des Suisses », mais également auteur de la célèbre Vue générale du genre
352 re Vue générale du genre humain, entre au service des empereurs autrichiens puis de la Prusse. Jean-Jacques Rousseau, « cit
353 , en Italie, en Angleterre, défend avec éloquence un plan d’union fédérale de l’Europe, et modifie plus que nul autre la s
354 ècle, rayonne l’école suisse du doyen Bodmer puis des Idylles de Salomon Gessner et des spéculations mystiques de Lavater ;
355 yen Bodmer puis des Idylles de Salomon Gessner et des spéculations mystiques de Lavater ; et Zurich devient le foyer d’une
356 stiques de Lavater ; et Zurich devient le foyer d’ une renaissance de la littérature dans les Allemagnes. De Coppet rayonne
357 inquante ans plus tard, c’est à Bâle que s’allume un nouveau foyer : Bachofen inaugure par son Matriarcat une conception s
358 veau foyer : Bachofen inaugure par son Matriarcat une conception sociologique de l’ethnographie, Jacob Burckhardt par ses o
359 t ses Weltgeschichtliche Betrachtungen renouvelle une vision synthétique de l’histoire, dont son fervent disciple, Nietzsch
360 ’Europe entière et l’Amérique l’Institut Rousseau des Claparède, Bovet et Jean Piaget, et l’école du grand C. G. Jung : les
361 e. ⁂ Mais s’il reste vrai que la Suisse n’est pas une nation comme les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’un agglom
362 une nation comme les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’un agglomérat de foyers sans capitale, et moins en relatio
363 me les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’ un agglomérat de foyers sans capitale, et moins en relations les uns ave
364 c les grands ensembles européens, peut-on déceler des caractères communs et spécifiquement suisses dans cette succession ch
365 rée de puissants émetteurs d’énergie culturelle ? Une énumération complète de nos gloires ayant atteint le niveau européen,
366 le niveau européen, ou même mondial, dessinerait un profil caractéristique par ses dépressions autant que par ses sommets
367 siècle : point de grand art dans les petits pays. Un Ludwig Senfl au xvie siècle, un Arthur Honegger et un Frank Martin d
368 les petits pays. Un Ludwig Senfl au xvie siècle, un Arthur Honegger et un Frank Martin de nos jours, mais rien qui vraime
369 dwig Senfl au xvie siècle, un Arthur Honegger et un Frank Martin de nos jours, mais rien qui vraiment compte dans l’entre
370 aiment compte dans l’entre-deux, cela ne fait pas une tradition musicale ; et les épopées symboliques démesurées d’un Carl
371 usicale ; et les épopées symboliques démesurées d’ un Carl Spitteler ne suffisent pas à compenser des siècles de médiocrité
372 d’un Carl Spitteler ne suffisent pas à compenser des siècles de médiocrité dans nos productions versifiées. La peinture av
373 os productions versifiées. La peinture avait pris un beau départ au xvie siècle, mais l’école turbulente de Conrad Witz,
374 as Manuel, de Hans Friess et d’Urs Graf ne trouve un répondant, par ailleurs discutable, qu’au xxe siècle avec Hodler ; e
375 able, qu’au xxe siècle avec Hodler ; entretemps, un Liotard, un Füssli, un Boecklin restent des petits maîtres isolés, dé
376 xxe siècle avec Hodler ; entretemps, un Liotard, un Füssli, un Boecklin restent des petits maîtres isolés, délicieux ou e
377 avec Hodler ; entretemps, un Liotard, un Füssli, un Boecklin restent des petits maîtres isolés, délicieux ou extravagants
378 temps, un Liotard, un Füssli, un Boecklin restent des petits maîtres isolés, délicieux ou extravagants, et leurs succès se
379 leurs succès se font à Paris, Londres et Berlin. Un tableau de Paul Klee, une sculpture d’Alberto Giacometti, un poème de
380 aris, Londres et Berlin. Un tableau de Paul Klee, une sculpture d’Alberto Giacometti, un poème de Blaise Cendrars : l’amate
381 de Paul Klee, une sculpture d’Alberto Giacometti, un poème de Blaise Cendrars : l’amateur non prévenu n’y verra pas la Sui
382 nck. Si l’on veut distinguer les éléments sinon d’ une « culture suisse » — qui ne saurait exister — du moins d’une attitude
383 re suisse » — qui ne saurait exister — du moins d’ une attitude d’esprit commune aux créateurs issus de nos divers cantons,
384 Pestalozzi, voire à certains égards les récits d’ un réalisme stylisé de C. F. Ramuz, se distinguent des romans français,
385 n réalisme stylisé de C. F. Ramuz, se distinguent des romans français, anglais ou russes des mêmes époques par la gravité d
386 istinguent des romans français, anglais ou russes des mêmes époques par la gravité du propos, le dédain pour l’invention ro
387 tient la place de l’inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski et un Kafka ou de l’arrière-plan de compétition sociale c
388 l’inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski et un Kafka ou de l’arrière-plan de compétition sociale chez un Balzac et u
389 ou de l’arrière-plan de compétition sociale chez un Balzac et un Stendhal. Ces traits sont protestants, peut-être. Mais l
390 ère-plan de compétition sociale chez un Balzac et un Stendhal. Ces traits sont protestants, peut-être. Mais le goût de la
391 dictées par les dimensions restreintes du pays et des communautés diverses qui s’y côtoient. Pays pauvre, au surplus, et do
392 s forestières exploitant le passage du Gothard, «  Un pour tous, tous pour un », c’est moins un idéal qu’une vitale obligat
393 le passage du Gothard, « Un pour tous, tous pour un  », c’est moins un idéal qu’une vitale obligation de solidarité pratiq
394 hard, « Un pour tous, tous pour un », c’est moins un idéal qu’une vitale obligation de solidarité pratique. Quand un Suiss
395 our tous, tous pour un », c’est moins un idéal qu’ une vitale obligation de solidarité pratique. Quand un Suisse entreprend
396 e vitale obligation de solidarité pratique. Quand un Suisse entreprend de créer quelque chose, tout se passe comme s’il av
397 ou son génie individuel en démontrant qu’il fait une œuvre utile au bien commun ; ou bien, il lui faudra courir son aventu
398 Ammann, c’est en France ou en Inde qu’il trouvera des commandes pour bâtir une église de Ronchamps ou une capitale — et c’e
399 u en Inde qu’il trouvera des commandes pour bâtir une église de Ronchamps ou une capitale — et c’est le cas de Le Corbusier
400 s commandes pour bâtir une église de Ronchamps ou une capitale — et c’est le cas de Le Corbusier, père de l’architecture mo
401 ecture moderne, puritain révolutionnaire, né dans une vallée du Jura neuchâtelois. Voilà pourquoi les Suisses qui ont excel
402 es Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titres divers, hommes utiles, au sens le plus noble, et penseurs enga
403 cul infinitésimal —, nous les voyons tous assumer des devoirs sociaux ou civiques, éducatifs ou spirituels, avec un souci p
404 ociaux ou civiques, éducatifs ou spirituels, avec un souci primordial de l’efficacité transformatrice. Et c’est en cela qu
405 ela qu’ils sont typiquement suisses. ⁂ Cependant, une série de grands noms ne représente pas à elle seule tout l’apport cul
406 résente pas à elle seule tout l’apport culturel d’ un pays, de même qu’un prestigieux état-major ne suffit pas à renseigner
407 eule tout l’apport culturel d’un pays, de même qu’ un prestigieux état-major ne suffit pas à renseigner sur la valeur d’un
408 -major ne suffit pas à renseigner sur la valeur d’ un combat d’une armée et sur la volonté de résistance qui l’appuie dans
409 ffit pas à renseigner sur la valeur d’un combat d’ une armée et sur la volonté de résistance qui l’appuie dans la population
410 u pays et l’autonomie dans son sein non seulement des cantons, mais des communes et des multiples groupes professionnels fa
411 mie dans son sein non seulement des cantons, mais des communes et des multiples groupes professionnels favorise une implant
412 n non seulement des cantons, mais des communes et des multiples groupes professionnels favorise une implantation relativeme
413 et des multiples groupes professionnels favorise une implantation relativement serrée de la vie culturelle. J’en citerai q
414 . J’en citerai quelques exemples. La souveraineté des cantons en matière de culture et d’éducation explique et justifie l’e
415 stituts spécialisés de niveau universitaire, pour une population de 5 millions. Chaque gros village possède son chœur, et s
416 iothèques et ses associations d’éducation, d’amis des arts ou de la nature. Les plus grandes cités — de 150 à 500 000 habit
417 e 150 à 500 000 habitants — entretiennent chacune un ou deux orchestres, un opéra, un festival, plusieurs théâtres. Les co
418 ts — entretiennent chacune un ou deux orchestres, un opéra, un festival, plusieurs théâtres. Les collections privées de pe
419 tiennent chacune un ou deux orchestres, un opéra, un festival, plusieurs théâtres. Les collections privées de peinture son
420 loser à Berne tenant la tête. Les bureaux d’étude des grandes firmes industrielles financent des recherches orientées vers
421 ’étude des grandes firmes industrielles financent des recherches orientées vers l’amélioration technique, mais dont la scie
422 e bénéficie. Deux de ces bureaux sont dirigés par des prix Nobel. Soulignons, à ce propos, que la Suisse, avec 11 prix Nobe
423 ent à sa population (Hollande : 9 prix Nobel pour une population double ; France : 17 prix Nobel pour une population neuf f
424 e population double ; France : 17 prix Nobel pour une population neuf fois plus grande). ⁂ À l’heure de l’Europe unie, la S
425 pe unie, la Suisse semble donc en mesure de tenir une place plus qu’honorable dans une compétition continentale où l’arme s
426 mesure de tenir une place plus qu’honorable dans une compétition continentale où l’arme secrète sera la matière grise. Ell
427 structures très concrètement fédéralistes depuis des siècles. Il s’ensuit que la menace d’uniformisation et d’oblitération
428 que la menace d’uniformisation et d’oblitération des traditions locales est bien plus grave pour elle que pour ses grands
429 ovient cette menace de nivellement, mais plutôt d’ un certain matérialisme philistin favorisé par les succès de la techniqu
430 population, dans les trente ans qui viennent, sur un très petit territoire, agira totalement dans le même sens. La Suisse
431 rètes de savoir que le terme de culture n’est pas un synonyme de superflu ? b. Rougemont Denis de, « Apport à la civili
4 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme et notre temps (mars 1963)
432 les tensions, et cherche à les composer au sein d’ un organisme vivant, n’allez pas croire que le fédéralisme soit une espè
433 ivant, n’allez pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’éclectisme universel, ou d’opportunisme lâche qui tolère tou
434 incipe et par définition l’uniformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’une capitale, d’un État, d’un parti, d’un po
435 niformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’ une capitale, d’un État, d’un parti, d’un pouvoir clérical, politique, ou
436 e par un centre, qu’il s’agisse d’une capitale, d’ un État, d’un parti, d’un pouvoir clérical, politique, ou économique. Il
437 ntre, qu’il s’agisse d’une capitale, d’un État, d’ un parti, d’un pouvoir clérical, politique, ou économique. Il est donc l
438 s’agisse d’une capitale, d’un État, d’un parti, d’ un pouvoir clérical, politique, ou économique. Il est donc le contraire
439 t. Le fédéralisme veut la diversité, la pluralité des forces en compétition, et loin de fuir devant la complexité du réel,
440 ant donc le contraire de l’uniformité imposée par un centre, mais aussi le contraire des particularismes clos, le fédérali
441 té imposée par un centre, mais aussi le contraire des particularismes clos, le fédéralisme représenterait-il alors une sort
442 smes clos, le fédéralisme représenterait-il alors une sorte de moyen terme entre ces deux extrêmes ? Point du tout ! La san
443 eux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau
444 pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’est pas à mi-chemin entre u
445 l’eau et qui se lave, n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédérali
446 s à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entr
447 emin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’une seule
448 que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’ une seule. Oui, le fédéralisme représente la seule attitude rigoureusemen
449 maginer que la volonté de centralisation totale d’ une nation et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jal
450 e même manque d’imagination, de vitalité, de sens des proportions, d’ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l’attitude
451 nécessité de l’union, d’autre part la légitimité des autonomies locales. Elle exige à la fois l’une et l’autre, en dépit d
452 iquement antagoniste. L’attitude fédéraliste veut une maîtrise du divers — comme tout art ! Elle est un art de la compositi
453 ne maîtrise du divers — comme tout art ! Elle est un art de la composition qui requiert à la fois et en même temps la viva
454 i requiert à la fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Prenez l’exemple d’une œuvre pictur
455 trastes et leur harmonisation. Prenez l’exemple d’ une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible sans contrast
456 urs, et sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’ensemble, celle de l’artiste, hors de l’unité du tableau, il
457 ns leur boîte. Pour que la qualité particulière d’ un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit co
458 faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre au sein de laque
459 ec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’ une œuvre au sein de laquelle s’opèrent mille échanges d’une infinie comp
460 re au sein de laquelle s’opèrent mille échanges d’ une infinie complexité. Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéraliste.
461 d’une infinie complexité. Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plus
462 caniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mé
463 leurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la d
464 sent à définir le fédéralisme, art de composer en un ensemble animé des diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa
465 fédéralisme, art de composer en un ensemble animé des diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa manière. La plupart
466 ue l’on oublie ces évidences. Je n’en donnerai qu’ un seul exemple : l’impasse à laquelle risquent bien d’aboutir les négoc
467 tant par le Marché commun. D’une part, on affirme une souveraineté globale, qui ne laisserait pas jouer la diversité des fo
468 globale, qui ne laisserait pas jouer la diversité des fonctions nationales ; d’autre part, on se cramponne à une souveraine
469 ions nationales ; d’autre part, on se cramponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus
470 nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus grand corps. Les uns oublient que la santé d’un corps exige le s
471 plus grand corps. Les uns oublient que la santé d’ un corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; les autres ou
472 rganes bien différenciés ; les autres oublient qu’ un organe bien différencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle serai
473 e l’Europe unie apprenne à respecter la diversité des petites nations qui la composent, sinon elle trahira sa mission dans
474 ps la Suisse apprenne à respecter dans le cadre d’ une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans le
475 n d’être. Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation politique, le seul régime de coexistence digne du
476 ne du nom. C’est aussi, et c’est même avant tout, une méthode de composition des valeurs diversifiées, — et voilà, me sembl
477 c’est même avant tout, une méthode de composition des valeurs diversifiées, — et voilà, me semble-t-il, une assez bonne déf
478 valeurs diversifiées, — et voilà, me semble-t-il, une assez bonne définition de la culture ! II Avec ces quelques préc
479 paraîtraient bien théoriques et bien abstraites à un public français, mais je parle après tout à des citoyens suisses, qui
480 à un public français, mais je parle après tout à des citoyens suisses, qui n’auront éprouvé aucune peine à me traduire en
481 du terme, très différent de l’asiatique — il faut une variété aussi riche que possible de créations humaines, un foisonneme
482 é aussi riche que possible de créations humaines, un foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d’expression plastiques,
483 i lie toutes ces œuvres variées et qui leur offre une commune mesure ; sans quoi, nous ne saurions parler d’une culture, co
484 une mesure ; sans quoi, nous ne saurions parler d’ une culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fois
485 ulture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité essentielle. Qu
486 Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses r
487 n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir une soi-disant culture nationale, intermédiaire entre l’Europe et nos cit
488 ope et nos cités. Ici, je me permettrai de rompre une lance contre le concept aussi néfaste qu’invétéré de « culture nation
489 é de « culture nationale ». On nous répète depuis un siècle que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent
490 le concept de « culture nationale » corresponde à des réalités culturelles. Or il ne correspond qu’à des prétentions nation
491 es réalités culturelles. Or il ne correspond qu’à des prétentions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe un certain no
492 tions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe un certain nombre de « cultures nationales » bien distinctes et autonome
493 ’ensemble constituerait la culture européenne est une pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme bru
494 éenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Eur
495 t pensé et créé depuis 28 siècles, indépendamment des nations qui divisent aujourd’hui l’Europe, et dont la plupart n’ont m
496 s ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’ un seul exemple : celui de la musique, élément important et typiquement
497 : elle naît et se constitue au xiiie siècle dans un certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienn
498 le italienne, en Provence, puis en Île-de-France. Des cités italiennes, elle se propage jusqu’aux cités flamandes, le long
499 rcial de la Renaissance, reliant Venise à Bruges. Une école nouvelle s’épanouit alors dans les Flandres. Elle influence bie
500 ands et les Autrichiens viennent s’initier auprès des maîtres italiens. Bach copie avec application des œuvres de Vivaldi.
501 des maîtres italiens. Bach copie avec application des œuvres de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musiqu
502 re, la Saxe, Vienne, Bayreuth. C’est alors auprès des maîtres allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint
503 s voies. Or ces voies, notons-le, traversent avec une glorieuse indifférence des dizaines de nos frontières nationales actu
504 ns-le, traversent avec une glorieuse indifférence des dizaines de nos frontières nationales actuelles. Elles relient des ci
505 os frontières nationales actuelles. Elles relient des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. C
506 es nationales actuelles. Elles relient des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on
507 Elles relient des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant l
508 , des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nati
509 parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’ un musicien ou d’un peintre, c’est simplement l’école locale dans laquel
510 la Renaissance, la « nation » d’un musicien ou d’ un peintre, c’est simplement l’école locale dans laquelle il s’est formé
511 , cette croyance si rarement mise en doute depuis un siècle environ, en l’existence de « cultures nationales » ? C’est ava
512 qu’à la langue française. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle e
513 ’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore dans la France d’auj
514 s nations. De même, l’allemand ne saurait définir une « culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui v
515 coïncider approximativement avec les frontières d’ une de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à ell
516 a plus. La langue ne saurait à elle seule définir une culture : elle n’est guère qu’un des éléments de la culture en généra
517 e seule définir une culture : elle n’est guère qu’ un des éléments de la culture en général. Or tous les autres éléments :
518 eule définir une culture : elle n’est guère qu’un des éléments de la culture en général. Or tous les autres éléments : la r
519 e, sont largement ou même totalement indépendants des langues modernes, et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à de
520 et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la
521  » peut donc dire la culture européenne à chacune des vingt-quatre nations qui ont découpé leur État dans le corps de ce co
522 tre, préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures nationales », du seul fait de la composition linguistique
523 s à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là une garantie de liberté contre les princes de l’époque — nous dirions auj
524 i et en quoi les Suisses romands se différencient des Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’État français nous
525 antons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ; 2° la culture vit chez nous dans de pe
526 es, qui n’ont jamais été unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises ; 3° no
527 misés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises ; 3° nous sommes de vieilles républiques — même
528 Neuchâtel, en dépit de ses princes — fondées sur une large autonomie des communes ; 4° le protestantisme est dominant en S
529 de ses princes — fondées sur une large autonomie des communes ; 4° le protestantisme est dominant en Suisse romande ; il d
530 er notre accent particulier, pour nous exprimer d’ une manière authentique et non pas empruntée, imitée ? Je ne crois guère
531 re « Paris » d’autre part. La défensive n’est pas une attitude de créateurs, et la culture est d’abord création, avant d’êt
532 e de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait un pur Vaudois, sé
533 omanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait un pur Vaudois, séparatiste (car c’était là le véritable sens de son féd
534 typiquement suisse à la culture européenne revêt une importance particulière dans le monde de cette deuxième moitié du xxe
535 econnaître que cela n’est pas possible, en plus d’ un cas, il pousse à préférer des solutions médiocres, mais « bien de che
536 possible, en plus d’un cas, il pousse à préférer des solutions médiocres, mais « bien de chez nous », aux avantages que po
537 chez nous », aux avantages que pourrait procurer une coopération sans réserve avec d’autres cantons ou pays. Votre congrès
538 ique, inutile d’insister sur ce point. Mais c’est une autre erreur, inverse de la première, qui ne cessera de vous tenter :
539 os villes sont trop petites pour se payer chacune un laboratoire de recherches nucléaires, pour ne prendre que cet exemple
540 nt trop petites pour que s’y développent à foison des écoles de peintres, des galeries d’exposition, des troupes d’acteurs,
541 s’y développent à foison des écoles de peintres, des galeries d’exposition, des troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains
542 es écoles de peintres, des galeries d’exposition, des troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains, voire des petites revues
543 des galeries d’exposition, des troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains, voire des petites revues qui expriment ces group
544 troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains, voire des petites revues qui expriment ces groupes avec l’intransigeance nécess
545 andes actuelles. Elles sont tout de même devenues des foyers rayonnants de créations du premier ordre. Et cela, je crois, p
546 ns suivantes : premièrement, la passion créatrice un peu folle de jeunes gens qui se groupaient en écoles, autour d’un maî
547 jeunes gens qui se groupaient en écoles, autour d’ un maître du métier ; secondement, le sens de la dépense magnifique, le
548 dier. Les comités ne peuvent faire, au mieux, que des choses raisonnables, mais la culture est faite par des passions indiv
549 hoses raisonnables, mais la culture est faite par des passions individuelles et par de petits groupes qui ne craignent pas
550 vit d’imprudence, et prospère dans le gaspillage des forces et des sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse rom
551 nce, et prospère dans le gaspillage des forces et des sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux anti
552 he trop de médiocrité pour peu qu’elles aient été un jour inscrites à quelque budget d’État, et sous prétexte de répartiti
553 équitable — ce qui n’est, soit dit en passant, qu’ une parodie du vrai fédéralisme — c’est tout cela qui mérite aujourd’hui
554 en mendiante, de refuser de la faire participer à une prospérité économique sans précédent. Nos raisons d’être et de rester
555 s raisons d’être et de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le montrer un
556 ai tenté de vous le montrer une fois de plus, vit des mêmes réalités spirituelles et morales, et prend ses sources dans les
5 1963, Articles divers (1963-1969). À propos de la culture européenne (avril 1963)
557 ulture européenne (avril 1963)d e J’ai lu avec un étonnement croissant le petit article de M. Chiti-Batelli dans votre
558 lettrés et fanatiques, j’attendais avec curiosité des précisions, des noms. On nous les donne à la deuxième colonne : c’est
559 iques, j’attendais avec curiosité des précisions, des noms. On nous les donne à la deuxième colonne : c’est le Centre europ
560 it donc à « l’effort vain et absurde de présenter une culture européenne unitaire » ; il nierait que l’Europe soit « la pat
561 aire » ; il nierait que l’Europe soit « la patrie des contradictions » ; et il pratiquerait le « nationalisme culturel » au
562 ratiquerait le « nationalisme culturel » au nom d’ un « anticommunisme de type maccarthyste ». Si vos lecteurs prennent la
563 ennent la peine de se reporter à l’une quelconque des publications du CEC (l’un de nos 52 bulletins , ou à Vingt-huit siè
564 à Vingt-huit siècles d’Europe , ou le Dialogue des cultures ou Les Chances de l’Europe , etc.), ils partageront notre
565 t notre stupeur. M. Chiti-Batelli accuse le CEC d’ un « défaut capital d’esprit critique » qui « vicie » ses travaux. Quell
566 r ma propre définition de l’Europe comme « patrie des contradictions », etc. Bref, la méthode critique de votre auteur cons
567 s tous nos écrits, et non pas à les interpréter d’ une manière qui pourrait prêter à discussion, mais à les falsifier radica
568 n, mais à les falsifier radicalement. Qu’il y ait une tradition « européenne » du fascisme et de ses procédés, comme le rap
569 océdés, comme le rappelle votre auteur — non sans une évidente Schadenfreude — c’est indéniable. Il y a eu de tout en Europ
570 suivante : « À la suite de l’article : “Y a-t-il une culture européenne ?” publié dans notre numéro de décembre, nous avon
6 1963, Articles divers (1963-1969). Orientations vers une Europe fédérale (10 mai 1963)
571 Orientations vers une Europe fédérale (10 mai 1963)f I. La puissance ou la liberté ?
572 nion de l’Europe ne pourra se faire qu’en vertu d’ une volonté, mais il n’est pas de volonté sans but, sans quelque utopie d
573 mme soucieux de la chose publique la conception d’ un but lointain, la vision d’un avenir politique au sens large : et ce s
574 ique la conception d’un but lointain, la vision d’ un avenir politique au sens large : et ce sont le besoin de puissance et
575 le besoin de liberté. Le premier porte à vouloir des régimes unitaires, centralisés, soumis à des lois simples et mécaniqu
576 loir des régimes unitaires, centralisés, soumis à des lois simples et mécaniques, réglant tout le détail de l’existence : r
577 talitaires à la limite. Le second porte à désirer des régimes pluralistes, arrangés comme ils viennent, ménageant les compl
578 nous trouvons le règne de Louis XIV, la doctrine des jacobins, le national-socialisme, le marxisme-léninisme, le stalinism
579 , le stalinisme et les devises de ces régimes : «  Une foi, une loi, un roi », « Ein Volk, ein Reich, ein Führer », « Mon Pa
580 inisme et les devises de ces régimes : « Une foi, une loi, un roi », « Ein Volk, ein Reich, ein Führer », « Mon Parti au po
581 les devises de ces régimes : « Une foi, une loi, un roi », « Ein Volk, ein Reich, ein Führer », « Mon Parti au pouvoir et
582 En chemin vers l’autre limite ou utopie, celle d’ un pluralisme intégral, nous trouvons le régime féodal mais aussi les co
583 édéralisme helvétique mais aussi l’idée primitive des soviets (conçue par Lénine lorsqu’il était en Suisse), l’anarchisme à
584 ou de l’anarcho-syndicalisme. Ni l’une ni l’autre des deux tendances n’a jamais été isolée à l’état pur et portée dans la r
585 les deux. Mais on remarque, chez les initiateurs des mouvements de pensée et d’action politique, des dispositions dominant
586 s des mouvements de pensée et d’action politique, des dispositions dominantes qui déterminent nettement leur type. Pour éta
587 , le pluraliste à la biologie ; l’un se préoccupe des cadres à imposer, l’autre des forces vives à faire jouer ; l’un se so
588 ; l’un se préoccupe des cadres à imposer, l’autre des forces vives à faire jouer ; l’un se soucie d’abord de la stabilité,
589 aux méthodes. Mais la volonté ou l’initiative d’ un seul n’aurait aucune chance de succès si elle ne rencontrait dans les
590 de succès si elle ne rencontrait dans les masses des prédispositions de même nature, quoique de signe inverse : la volonté
591 ique de signe inverse : la volonté de puissance d’ un dictateur réussit dans la mesure exacte où elle rencontre et satisfai
592 s la mesure exacte où elle rencontre et satisfait un besoin largement partagé de subir la puissance d’un autre, d’être com
593 besoin largement partagé de subir la puissance d’ un autre, d’être commandé, d’obéir, donc d’être libéré de sa propre libe
594 de sa propre liberté. Et de même, l’initiative d’ un animateur sans pouvoir contraignant n’est féconde que dans la mesure
595 e publique conduit à prendre part à l’élaboration des plans d’avenir européen, je vois deux types intermédiaires, entre ceu
596 manager et celui du professeur. Ils ont en commun une volonté déclarée d’objectivité (technique ou scientifique), et une mé
597 rée d’objectivité (technique ou scientifique), et une méfiance affichée à l’endroit des motifs passionnels qui prédétermine
598 ientifique), et une méfiance affichée à l’endroit des motifs passionnels qui prédéterminent visiblement les opinions des de
599 nnels qui prédéterminent visiblement les opinions des deux autres types. Mais peut-être s’agit-il d’un double refoulement.
600 des deux autres types. Mais peut-être s’agit-il d’ un double refoulement. Chez le manager, la volonté de puissance ne se tr
601 ager, la volonté de puissance ne se traduit que d’ une manière abstraite, en termes d’organisation sans défaut, et par le so
602 is, fussent-ils les souverainetés traditionnelles des États, de plus en plus incompatibles avec les libertés de la personne
603 sonne… Bornons là cette esquisse caractérologique des faiseurs d’utopies et de plans, et de leurs critiques : elle reste à
604 re mon option très nettement pluraliste, au seuil des considérations qui suivent sur l’avenir d’une Europe unie. ⁂ II. L
605 uil des considérations qui suivent sur l’avenir d’ une Europe unie. ⁂ II. L’attitude fédéraliste L’attitude fédéralist
606 le qui conduit à imaginer (pour mieux la vouloir) une Europe qui serait unie par des liens proprement fédéraux. Cette Europ
607 mieux la vouloir) une Europe qui serait unie par des liens proprement fédéraux. Cette Europe fédérale ne serait donc : —
608 e serait donc : — ni totalement unifiée autour d’ un centre, — ni simplement liée par l’alliance temporaire d’une vingtain
609 — ni simplement liée par l’alliance temporaire d’ une vingtaine d’États absolument souverains, — mais dotée d’un pouvoir su
610 ine d’États absolument souverains, — mais dotée d’ un pouvoir supérieur aux nations, fortement établi au bénéfice des auton
611 périeur aux nations, fortement établi au bénéfice des autonomies régionales, elles-mêmes fortement garanties par un pacte p
612 s régionales, elles-mêmes fortement garanties par un pacte perpétuel, librement consenti. Cette ambition évoque la quadrat
613 nche, elle apparaît conforme à la logique déduite des sciences physiques, et biologiques dans cette seconde moitié du xxe
614 moitié du xxe siècle. Mais en fait, le projet d’ une Europe fédérale est antérieur à ces deux stades récents de notre aven
615 véritablement la projection au plan continental d’ une notion de l’homme dans la cité qui est constitutive de l’Europe, et s
616 eu. Lors du premier congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui se tint à Montreux en 1947, j’avais tenté de situer
617 s concrètes du présent. Toute politique implique une certaine idée de l’homme, et contribue à promouvoir un certain type d
618 rtaine idée de l’homme, et contribue à promouvoir un certain type d’humanité, qu’on le veuille ou non, qu’on le sache ou n
619 vec Hitler et les staliniens que l’homme n’est qu’ un soldat politique, totalement absorbé par le service de la communauté.
620 sommes ici, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation propre et uniq
621 e pur individu, libre mais non engagé, correspond un régime démocratique tendant vers l’anarchie, et débouchant dans le dé
622 té, correspond le régime fédéraliste. J’ajouterai une remarque encore, pour compléter ce schéma trop rapide, mais qui me pa
623 sable, il ne faut pas penser que la personne soit un moyen terme ou un juste milieu entre l’individu sans responsabilité e
624 pas penser que la personne soit un moyen terme ou un juste milieu entre l’individu sans responsabilité et le soldat politi
625 ’est l’homme réel, et les deux autres ne sont que des déviations morbides, des démissions de l’humanité complète. La person
626 deux autres ne sont que des déviations morbides, des démissions de l’humanité complète. La personne n’est pas à mi-chemin
627 et le choléra, elle représente la santé civique. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre ce
628 e. Et, de même, le fédéralisme ne naîtra jamais d’ un habile dosage d’anarchie et de dictature, de particularisme borné et
629 centralisation oppressive. Le fédéralisme est sur un autre plan que ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait que l’in
630 s’appellent l’un l’autre. C’est avec la poussière des individus civiquement irresponsables que les dictateurs font leur cim
631 de groupes de citoyens responsables, c’est-à-dire des personnes fédérées.2 On voit que le passage de la personne au fédér
632 ne pouvant d’ailleurs être maintenu qu’au prix d’ une vigilance toujours alertée, de rétablissements, ajustements, réarrang
633 nt. C’est assez dire que le fédéralisme n’est pas une doctrine fixe, ni vraiment un système, et encore moins un plan qu’il
634 éralisme n’est pas une doctrine fixe, ni vraiment un système, et encore moins un plan qu’il faudrait appliquer aux réalité
635 ine fixe, ni vraiment un système, et encore moins un plan qu’il faudrait appliquer aux réalités humaines et politiques, to
636 urs « mal compassées » comme dit Descartes. C’est un art de composer, quand il s’agit d’élaborer une constitution et des l
637 st un art de composer, quand il s’agit d’élaborer une constitution et des lois, et une méthode de pilotage quand il s’agit
638 r, quand il s’agit d’élaborer une constitution et des lois, et une méthode de pilotage quand il s’agit de gouverner entre l
639 ’agit d’élaborer une constitution et des lois, et une méthode de pilotage quand il s’agit de gouverner entre le Charybde de
640 agit de gouverner entre le Charybde de l’anarchie des particularismes et le Scylla de la centralisation totalitaire. Cet ar
641 secrets du métier, mais il serait vain d’en faire un traité théorique. Plutôt que d’essayer de les déduire dans l’abstrait
642 essayer de les déduire dans l’abstrait, observons des exemples réussis de fédérations politiques — les États-Unis et la Sui
643 a Suisse. Bien que ces régimes se soient formés d’ une manière empirique, tout se passe comme si les hommes d’État et les gr
644 ransposer dans l’actualité immédiate, à l’échelle des nations européennes. Premier principe. Une fédération ne peut naître
645 helle des nations européennes. Premier principe. Une fédération ne peut naître qu’au prix du renoncement formel et vigilan
646 idée d’hégémonie organisatrice, exercée par l’une des nations composantes. La croyance populaire — et d’ailleurs partagée p
647 ertains hommes d’États européens — selon laquelle une fédération ne peut être que l’œuvre d’un tout-puissant « fédérateur »
648 aquelle une fédération ne peut être que l’œuvre d’ un tout-puissant « fédérateur » (potentat ou État), n’est confirmée par
649 notre histoire, et tout la réfute en pratique. Si un despote ou un État impérialiste détient la force nécessaire, il ne fé
650 , et tout la réfute en pratique. Si un despote ou un État impérialiste détient la force nécessaire, il ne fédère pas, il a
651 ont principes fédérateurs, même négatifs. Mais qu’ un État ou une coalition, disposant de l’hégémonie, décident expressémen
652 es fédérateurs, même négatifs. Mais qu’un État ou une coalition, disposant de l’hégémonie, décident expressément d’y renonc
653 surplus de moyens techniques et de richesses dans une caisse commune, ils agissent alors en fondateurs d’une fédération. Ne
654 aisse commune, ils agissent alors en fondateurs d’ une fédération. Ne mérite donc le titre de fédérateur que le groupe, ou l
655 maître de sagesse, ou comme inventeur, proposant une vision qui se trouve correspondre à la fois aux besoins réels d’une c
656 trouve correspondre à la fois aux besoins réels d’ une communauté en puissance, et à des solutions qui figurent l’optimum en
657 besoins réels d’une communauté en puissance, et à des solutions qui figurent l’optimum entre les maxima contradictoires de
658 par négation de toute hégémonie. Chaque fois qu’ un des cantons plus riche ou plus peuplé que les autres, comme Zurich, o
659 r négation de toute hégémonie. Chaque fois qu’un des cantons plus riche ou plus peuplé que les autres, comme Zurich, ou un
660 e ou plus peuplé que les autres, comme Zurich, ou un groupe de cantons coalisés au nom de leurs intérêts particuliers, ou
661 entrer dans le rang, et l’union fédérale a marqué un progrès. Lors de la dernière crise grave, la guerre civile de 1847 op
662 rotestants (le Sonderbund ou « Alliance séparée » des catholiques, assez analogue à la « Sécession » des États sudistes de
663 es catholiques, assez analogue à la « Sécession » des États sudistes de l’Amérique), les vainqueurs n’ont eu rien de plus p
664 ance certains « grands » s’arroger l’initiative d’ une fédération continentale ou mondiale. L’échec de Napoléon, puis celui
665 s tentatives pour faire l’unité de l’Europe, sont des avertissements utiles. Ils nous confirment dans l’idée qu’on ne peut
666 onfirment dans l’idée qu’on ne peut pas atteindre une fin fédérative par des moyens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent condu
667 u’on ne peut pas atteindre une fin fédérative par des moyens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent conduire qu’à l’unification
668 re au sujet de l’impérialisme ou de l’hégémonie d’ une nation vaut également pour l’impérialisme d’une idéologie. On pourrai
669 d’une nation vaut également pour l’impérialisme d’ une idéologie. On pourrait définir l’attitude fédéraliste comme un refus
670 On pourrait définir l’attitude fédéraliste comme un refus constant et instinctif de recourir aux solutions systématiques,
671 au réel, vexants pour les minorités, destructeurs des diversités qui sont la condition de toute vie organique. Rappelons-no
672 que fédérer, ce n’est pas mettre en ordre d’après un plan géométrique à partir d’un centre ou d’un axe ; fédérer, c’est to
673 e en ordre d’après un plan géométrique à partir d’ un centre ou d’un axe ; fédérer, c’est tout simplement arranger ensemble
674 rès un plan géométrique à partir d’un centre ou d’ un axe ; fédérer, c’est tout simplement arranger ensemble, composer ces
675 ’agit à la fois de respecter, et d’articuler dans un tout. Troisième principe. Le fédéralisme ne connaît pas de problème
676 incipe. Le fédéralisme ne connaît pas de problème des minorités. On objectera que le totalitarisme, lui aussi, supprime ce
677 lité qui prime. Par exemple : le totalitaire voit une injustice ou une erreur dans le fait qu’une minorité ait les mêmes dr
678 ar exemple : le totalitaire voit une injustice ou une erreur dans le fait qu’une minorité ait les mêmes droits qu’une major
679 voit une injustice ou une erreur dans le fait qu’ une minorité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’à ses yeux la
680 s le fait qu’une minorité ait les mêmes droits qu’ une majorité. C’est qu’à ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre
681 C’est qu’à ses yeux la minorité ne représente qu’ un chiffre, et le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’une m
682 plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’ une minorité puisse compter pour autant, voire pour plus qu’une majorité
683 té puisse compter pour autant, voire pour plus qu’ une majorité dans certains cas, parce qu’à ses yeux elle représente une q
684 certains cas, parce qu’à ses yeux elle représente une qualité irremplaçable. (On pourrait aussi dire une fonction.) Aux Éta
685 ne qualité irremplaçable. (On pourrait aussi dire une fonction.) Aux États-Unis, le Sénat garantit l’individualité qualitat
686 is, le Sénat garantit l’individualité qualitative des États membres, qui y délèguent le même nombre de représentants quelle
687 ants quelle que soit leur population. Mais le jeu des minorités raciales et religieuses qui composent l’ensemble ne se mani
688 e guère au plan municipal. En Suisse, le respect des qualités ne se traduit pas seulement dans le mode d’élection du Conse
689 pas seulement dans le mode d’élection du Conseil des États (deux députés par canton), mais surtout, et d’une manière beauc
690 ats (deux députés par canton), mais surtout, et d’ une manière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de la vie politique
691 les diversités et de fondre toutes les nations en un seul bloc, mais, au contraire, de sauvegarder leurs qualités propres.
692 er le continent, de tout y mélanger, et d’obtenir une sorte de nation européenne où Latins et Germains, Slaves et Anglo-Sax
693 i les brimerait tous. L’attitude fédéraliste veut une maîtrise du divers, comme tout art. Art de la composition, elle requi
694 e requiert à la fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’une œuvre pictu
695 rastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’ une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible, dans un tabl
696 ale : il n’y aurait pas d’harmonie possible, dans un tableau, sans contrastes de couleurs et sans nuances complexes ; de m
697 eurs et sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’ensemble (celle de l’artiste) et hors de l’unité du tableau,
698 ns leur boîte. Pour que la qualité particulière d’ un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit co
699 faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre au sein de laque
700 ec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’ une œuvre au sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’une infini
701 sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’ une infinie complexité. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plus e
702 caniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mé
703 leurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la d
704 l’uniforme, — dans tous les sens du mot. Prenons une autre image. Chacune des nations qui composent l’Europe y représente
705 les sens du mot. Prenons une autre image. Chacune des nations qui composent l’Europe y représente une fonction propre, irre
706 e des nations qui composent l’Europe y représente une fonction propre, irremplaçable, comme celle d’un organe dans un corps
707 une fonction propre, irremplaçable, comme celle d’ un organe dans un corps. Or, la vie normale du corps dépend de la vitali
708 opre, irremplaçable, comme celle d’un organe dans un corps. Or, la vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de
709 té de chacun de ses organes, de même que la vie d’ un organe dépend de son harmonie avec tous les autres. Si les nations de
710 ations de l’Europe arrivaient à se concevoir dans un rôle analogue, elles comprendraient que leur harmonie est une nécessi
711 logue, elles comprendraient que leur harmonie est une nécessité vitale, et non pas une concession qu’on leur demande, ou un
712 eur harmonie est une nécessité vitale, et non pas une concession qu’on leur demande, ou une diminution de leur valeur propr
713 et non pas une concession qu’on leur demande, ou une diminution de leur valeur propre. Elles comprendraient aussi que dans
714 aleur propre. Elles comprendraient aussi que dans une fédération elles n’auraient pas à se mélanger, mais au contraire à fo
715 cert, chacune selon sa vocation. Ce ne serait pas une simple question de tolérance, vertu négative et qui naît le plus souv
716 ôt de participation, vertu positive et qui naît d’ une juste ambition. Chaque nation serait mise au défi de donner le meille
717 le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’être un vrai poumon, d’être aussi poumon que possible, et, dans cette mesure
718 dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Cinquième principe. Le fédéralisme repose sur l’amour de l
719 t théorique ou la tolérance complaisante. L’amour des complexités culturelles, psychologiques, et même économiques, telle e
720 acob Burckhardt annonçait la venue dès 1880, dans une lettre prophétique, ceux qu’il appelait les « terribles simplificateu
721 es étrangers s’étonnent de l’extrême complication des institutions suisses, de cette espèce de mouvement d’horlogerie fine
722 t, et que nos législateurs sont obligés de garder un contact attentif avec les réalités humaines et naturelles du pays. La
723 nes et naturelles du pays. La Suisse est formée d’ une multitude de groupes et d’organismes politiques, administratifs, cult
724 nt de cent manières différentes. Il est clair que des lois ou des institutions conçues dans un esprit unitaire, jacobin, ou
725 anières différentes. Il est clair que des lois ou des institutions conçues dans un esprit unitaire, jacobin, ou totalitaire
726 air que des lois ou des institutions conçues dans un esprit unitaire, jacobin, ou totalitaire, brimeraient nécessairement
727 cobin, ou totalitaire, brimeraient nécessairement un ou plusieurs de ces groupes, tendraient à réduire leur variété, et mu
728 éter sur table rase, de simplifier les réalités d’ un trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de
729 lifier les réalités d’un trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur exécution
730 ait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur exécution en écrasant tout ce qui r
731 . Mais ce qu’on écrase ainsi, c’est la vitalité d’ un peuple. Une politique fédéraliste soucieuse de se mouler sur la réali
732 u’on écrase ainsi, c’est la vitalité d’un peuple. Une politique fédéraliste soucieuse de se mouler sur la réalité, toujours
733 ins, d’ingéniosité technique, et de compréhension des peuples qu’elle administre. Elle exige beaucoup plus de vrai sens pol
734 ’est-à-dire l’art d’organiser la cité au bénéfice des citoyens. Tandis que les méthodes totalitaires sont antipolitiques pa
735 les diversités, par incapacité de les composer en un tout organique et vivant. Sixième principe. Une fédération se forme
736 n un tout organique et vivant. Sixième principe. Une fédération se forme de proche en proche, par le moyen des personnes e
737 ration se forme de proche en proche, par le moyen des personnes et des groupes, et non point à partir d’un centre ou par le
738 e proche en proche, par le moyen des personnes et des groupes, et non point à partir d’un centre ou par le moyen des gouver
739 personnes et des groupes, et non point à partir d’ un centre ou par le moyen des gouvernements. Nous voyons la fédération e
740 et non point à partir d’un centre ou par le moyen des gouvernements. Nous voyons la fédération européenne se composer lente
741 s la fédération européenne se composer lentement, un peu partout, et de toutes sortes de manières. Ici, c’est une entente
742 tout, et de toutes sortes de manières. Ici, c’est une entente économique, là c’est une parenté culturelle qui s’affirme. Ic
743 ères. Ici, c’est une entente économique, là c’est une parenté culturelle qui s’affirme. Ici, ce sont deux églises de confes
744 ines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là ce sont des professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont des personnes, des
745 professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont des personnes, des groupes, des écoles, qui créent peu à peu des réseaux
746 s’organisent. Et surtout, ce sont des personnes, des groupes, des écoles, qui créent peu à peu des réseaux variés d’échang
747 . Et surtout, ce sont des personnes, des groupes, des écoles, qui créent peu à peu des réseaux variés d’échanges européens.
748 es, des groupes, des écoles, qui créent peu à peu des réseaux variés d’échanges européens. Rien de tout cela n’est inutile.
749 ispersé, si peu efficace souvent, forme peu à peu des structures complexes, dessine les linéaments d’une ossature et le sys
750 es structures complexes, dessine les linéaments d’ une ossature et le système des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra un
751 ssine les linéaments d’une ossature et le système des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra un jour le corps de l’Europe u
752 ystème des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra un jour le corps de l’Europe unie. Au-dessous et au-dessus des gouvernem
753 e corps de l’Europe unie. Au-dessous et au-dessus des gouvernements, l’Europe des réalités humaines est beaucoup plus près
754 -dessous et au-dessus des gouvernements, l’Europe des réalités humaines est beaucoup plus près de s’organiser qu’il ne le s
755 er que les gouvernements puissent jamais réaliser une union viable. Leurs dirigeants ne sont pas qualifiés pour arbitrer le
756 geants ne sont pas qualifiés pour arbitrer le jeu des nations. Chacun sait qu’il serait déraisonnable de choisir comme arbi
757 serait déraisonnable de choisir comme arbitres d’ un match les capitaines des équipes en présence. C’est pourtant bien ce
758 choisir comme arbitres d’un match les capitaines des équipes en présence. C’est pourtant bien ce qu’avait tenté de faire l
759 La fédération européenne ne saurait être l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nation contre le
760 ogiques, amèneront quelques parlements à soutenir des projets fédéraux, c’est-à-dire supranationaux. On ne voit guère d’aut
761 le ou praticable. Les USA ne sont pas dirigés par une assemblée de gouverneurs des cinquante États, ni la Suisse par les dé
762 sont pas dirigés par une assemblée de gouverneurs des cinquante États, ni la Suisse par les délégués des vingt-deux cantons
763 es cinquante États, ni la Suisse par les délégués des vingt-deux cantons. Ce serait impraticable. Ces deux fédérations sont
764 au-dessus de leurs États, et en dehors d’eux, par un exécutif et un législatif issus des peuples et des groupes de tout or
765 urs États, et en dehors d’eux, par un exécutif et un législatif issus des peuples et des groupes de tout ordre qui animent
766 ors d’eux, par un exécutif et un législatif issus des peuples et des groupes de tout ordre qui animent la vie publique. Se
767 un exécutif et un législatif issus des peuples et des groupes de tout ordre qui animent la vie publique. Septième principe
768 qui animent la vie publique. Septième principe. Une fédération ne se crée pas contre une menace extérieure, ni à des fins
769 me principe. Une fédération ne se crée pas contre une menace extérieure, ni à des fins impérialistes, mais au contraire : p
770 ne se crée pas contre une menace extérieure, ni à des fins impérialistes, mais au contraire : pour l’avantage et la surviva
771 ire : pour l’avantage et la survivance de chacune des communautés constituantes et pour qu’elles puissent exercer ensemble
772 uantes et pour qu’elles puissent exercer ensemble des fonctions qui dépassent les forces de chacune d’elle. Ni les menaces
773 les menaces arabes puis mongoles, ni l’entreprise des croisades, ni les Turcs devant Vienne à deux reprises, ni les Soviets
774 entendue. Et quant aux entreprises impérialistes des Européens — les colonies —, elles sont restées le fait des États en c
775 éens — les colonies —, elles sont restées le fait des États en concurrence nationaliste : elles n’ont contribué qu’à notre
776 fois sauver leurs libertés locales et agir comme une seule nation au niveau des réalités de leur époque. Ni les paniques g
777 locales et agir comme une seule nation au niveau des réalités de leur époque. Ni les paniques générales, ni les délires de
778 er isolément, et en même temps, la reconnaissance des capacités politiques, économiques et culturelles ménagées par l’union
779 e mondiale ont placé les nations européennes dans une situation comparable à bien des égards à celle des cantons suisses au
780 européennes dans une situation comparable à bien des égards à celle des cantons suisses au lendemain de la guerre du Sonde
781 ne situation comparable à bien des égards à celle des cantons suisses au lendemain de la guerre du Sonderbund, et notamment
782 ais non pas simple à définir en quelques mots, en une formule. C’est qu’elle est d’un type organique plutôt que rationnel,
783 uelques mots, en une formule. C’est qu’elle est d’ un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que seulem
784 La pensée fédéraliste ne projette pas devant elle une utopie bien cohérente qu’il s’agirait d’imposer, ou des plans statiqu
785 opie bien cohérente qu’il s’agirait d’imposer, ou des plans statiques qu’il faudrait réaliser en quatre ou cinq ans, par la
786 quatre ou cinq ans, par la réduction impitoyable des réalités vivantes et gênantes. Elle cherche au contraire le secret d’
787 t gênantes. Elle cherche au contraire le secret d’ un équilibre souple et constamment mouvant entre des groupes qu’il s’agi
788 ’un équilibre souple et constamment mouvant entre des groupes qu’il s’agit de composer en sauvegardant à la fois leur indiv
789 er serait se condamner à retomber sans cesse dans un malentendu fondamental, que l’exemple de la vie politique suisse illu
790 t en réalité les défenseurs jaloux de l’autonomie des cantons contre la centralisation. Pour les uns, fédérer veut dire sur
791 le fédéralisme ne consiste ni dans la seule union des cantons, ni dans leur seule autonomie. Il consiste dans l’équilibre c
792 e paradoxale ou « dialectique » dans sa forme : «  Un pour tous, tous pour un ». En effet, « un pour tous » signifie l’élan
793 tique » dans sa forme : « Un pour tous, tous pour un  ». En effet, « un pour tous » signifie l’élan des personnes et des ré
794 rme : « Un pour tous, tous pour un ». En effet, «  un pour tous » signifie l’élan des personnes et des régions vers l’union
795 un ». En effet, « un pour tous » signifie l’élan des personnes et des régions vers l’union, tandis que « tous pour un » si
796 « un pour tous » signifie l’élan des personnes et des régions vers l’union, tandis que « tous pour un » signifie l’aide que
797 des régions vers l’union, tandis que « tous pour un  » signifie l’aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaq
798 je viens de signaler pour la Suisse. Nous aurons des fédéralistes qui ne penseront qu’à faire l’union et à la renforcer, e
799 à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout de sauvegarder les droits de chaqu
800 égion contre les empiètements du pouvoir central. Une nouvelle gauche et une nouvelle droite, en somme. Et il faudra sans c
801 ements du pouvoir central. Une nouvelle gauche et une nouvelle droite, en somme. Et il faudra sans cesse rappeler aux deux
802 oivent pas être imaginés sous la forme négative d’ une tolérance mutuelle, d’une neutralisation des différences, d’un compro
803 ous la forme négative d’une tolérance mutuelle, d’ une neutralisation des différences, d’un compromis conclu par gain de pai
804 ve d’une tolérance mutuelle, d’une neutralisation des différences, d’un compromis conclu par gain de paix, quelque part à m
805 mutuelle, d’une neutralisation des différences, d’ un compromis conclu par gain de paix, quelque part à mi-chemin entre les
806 l’établissement de l’union générale et le respect des droits particuliers. Car cela ne conduirait en pratique qu’à une unio
807 iculiers. Car cela ne conduirait en pratique qu’à une union trop faible mais bientôt accusée d’oppression par ses membres,
808 ientôt accusée d’oppression par ses membres, et à des droits trop limités mais taxés d’abusifs par le centre. La saine méth
809 . Deux cas extrêmes illustreront ce point : celui des transports, et celui de l’éducation. Il est facile de voir que chacun
810 de l’éducation. Il est facile de voir que chacun des membres d’une fédération bénéficiera d’une organisation uniforme et c
811 n. Il est facile de voir que chacun des membres d’ une fédération bénéficiera d’une organisation uniforme et centralisée des
812 chacun des membres d’une fédération bénéficiera d’ une organisation uniforme et centralisée des chemins de fer, des postes e
813 iciera d’une organisation uniforme et centralisée des chemins de fer, des postes et télécommunications, voire de l’aviation
814 ation uniforme et centralisée des chemins de fer, des postes et télécommunications, voire de l’aviation4, la fonction même
815 tte vitalité ne supporterait pas l’uniformisation des régimes d’éducation, liés dans chacun de nos pays à des langues, des
816 gimes d’éducation, liés dans chacun de nos pays à des langues, des coutumes, des traditions religieuses, des conditions soc
817 tion, liés dans chacun de nos pays à des langues, des coutumes, des traditions religieuses, des conditions sociales et des
818 s chacun de nos pays à des langues, des coutumes, des traditions religieuses, des conditions sociales et des psychologies d
819 angues, des coutumes, des traditions religieuses, des conditions sociales et des psychologies dont chacun sait que la varié
820 raditions religieuses, des conditions sociales et des psychologies dont chacun sait que la variété même conditionne la puis
821 ’Europe. Il convient donc d’attribuer aux régions une totale autonomie en matière d’enseignement (comme c’est le cas aux Ét
822 vidus et les régions, se manifeste la nécessité d’ un Centre inspirant, équilibrant, coordonnant les efforts et veillant au
823 cipe du pouvoir fédéral (régime fiscal, entretien des routes, par exemple) soit d’admettre l’existence parallèle de service
824 te indispensable de laisser à la libre initiative des États ou régions, des groupes et des individus. Étant bien entendu qu
825 isser à la libre initiative des États ou régions, des groupes et des individus. Étant bien entendu que les frontières entre
826 e initiative des États ou régions, des groupes et des individus. Étant bien entendu que les frontières entre le secteur cen
827 res créations individuelles ou locales deviennent des phénomènes d’ampleur publique, il est normal qu’un pouvoir central pr
828 s phénomènes d’ampleur publique, il est normal qu’ un pouvoir central prenne la charge de les organiser, rationaliser et si
829 ralisme comme l’application à la chose publique d’ une méthode générale de travail et de création, qui rend compte du dynami
830 elles énergies, grâce à l’organisation croissante des activités inventées par la personne et assimilées par la communauté.
831 À chaque conquête nouvelle effectuée, correspond une organisation de la zone conquise, qui, ainsi colonisée, permet soit d
832 i, ainsi colonisée, permet soit de se lancer vers des aventures ou des explorations nouvelles, soit d’accroître les possibi
833 e, permet soit de se lancer vers des aventures ou des explorations nouvelles, soit d’accroître les possibilités de libérati
834 e la machine-outil à l’État, du plan de travail d’ un écrivain au plan de production d’un pool international, des habitudes
835 de travail d’un écrivain au plan de production d’ un pool international, des habitudes et routines privées aux règlements
836 in au plan de production d’un pool international, des habitudes et routines privées aux règlements collectifs et aux lois —
837 s — n’est en fin de compte, comme à l’origine, qu’ un auxiliaire de la vie créatrice, un moyen ordonné à sa fin. De même,
838 l’origine, qu’un auxiliaire de la vie créatrice, un moyen ordonné à sa fin. De même, il serait néfaste et faux de consid
839 bonne exécution ouvre à chacun de leurs citoyens des moyens de mieux vivre sa vie propre, et de plus librement se choisir 
840 et régionales mieux affirmées, parce qu’allégées des tâches indifférenciées et niveleuses ; possibilités de déplacement, d
841 N’est-ce point là ce que l’homme européen, depuis des siècles, appelle sa liberté ? Subordonner sans trêve les mécanismes u
842  ? Subordonner sans trêve les mécanismes utiles à des buts créateurs, l’organisation à la vie, l’uniforme au diversifié, le
843 servir, cette mauvaise foi trahissant à vrai dire un manque de foi ; soit de s’imaginer, comme la colombe de Kant, qu’elle
844 . Bureaucratie, technocratie, pédantisme agressif des administrations et dictature du plan, d’une part ; condition prolétar
845 étarienne, travail humain à la chaîne, aliénation des libertés essentielles et disciplines totalitaires imposées à la révol
846 a révolte individuelle, d’autre part, résultent d’ une seule et même démission de la personne devant sa liberté et devant sa
847 re accuse les mécanismes, ces objets, et les doue des pouvoirs de sujets qu’elle abdique… ⁂ IV. Passage des buts aux moy
848 voirs de sujets qu’elle abdique… ⁂ IV. Passage des buts aux moyens Quels sont alors les buts que l’homme européen peu
849 Autonomie (liberté et responsabilité) croissante des personnes, des groupes, des communes, des régions, et finalement de l
850 erté et responsabilité) croissante des personnes, des groupes, des communes, des régions, et finalement de l’Europe entière
851 nsabilité) croissante des personnes, des groupes, des communes, des régions, et finalement de l’Europe entière, pour exerce
852 issante des personnes, des groupes, des communes, des régions, et finalement de l’Europe entière, pour exercer de mieux en
853 e surmonter les tendances anarchiques-autarciques des individus, groupes, régions, capable donc : a) d’organiser à l’intéri
854 tinent les services libérant personnes et groupes des tâches mécanisables ; b) de manifester à l’échelle mondiale la vocati
855 ifester à l’échelle mondiale la vocation générale des Européens, c’est-à-dire de donner une Voix à l’ensemble historique et
856 on générale des Européens, c’est-à-dire de donner une Voix à l’ensemble historique et culturel qu’est l’Europe. Tout le pro
857 ces personnelles et locales soient dissoutes dans un réseau toujours plus serré d’interdépendances mécaniques proliférant
858 soit reportée aux frontières de l’union la somme des tendances autarciques-impérialistes dont une union forcée (uniformisa
859 omme des tendances autarciques-impérialistes dont une union forcée (uniformisation) aurait frustré chacun de ses membres, a
860 de les transmuer en émulation créatrice au sein d’ un ensemble plus vaste. Ainsi posé, le problème d’une organisation fédér
861 un ensemble plus vaste. Ainsi posé, le problème d’ une organisation fédérative de l’Europe se ramène à la recherche d’un opt
862 fédérative de l’Europe se ramène à la recherche d’ un optimum pratique entre les maxima possiblement contradictoires (en vé
863 omie et de l’union. Sa solution peut apparaître d’ une complexité sans espoir aux praticiens de la vie politique qui se cont
864 praticiens de la vie politique qui se contentent des routines et recettes « réalistes » héritées du siècle dernier (jeux d
865 es « réalistes » héritées du siècle dernier (jeux des réflexes partisans et nationalistes, usage des slogans démagogiques,
866 ux des réflexes partisans et nationalistes, usage des slogans démagogiques, appels alternés aux passions populaires et aux
867 s qu’on demande, par exemple, aux constructeurs d’ une fusée balistique ou d’un vaisseau astronautique. Et l’on ne voit pas
868 le, aux constructeurs d’une fusée balistique ou d’ un vaisseau astronautique. Et l’on ne voit pas comment « l’art du possib
869 it encore servir d’excuse à la paresse d’esprit d’ une classe politicienne qui n’a pas su prévoir Hitler, et qui trouvait le
870 mun trop technique pour être sérieux. Philosophie des buts et science de leurs moyens doivent déterminer conjointement tout
871 urée par la technique occidentale. La nécessité d’ une union de l’Europe n’étant pas ici discutée mais admise, il faut cherc
872 traduise. En bonne méthode personnaliste, c’est d’ une vision des Buts qu’il faut partir : car elle seule permettra d’éclair
873 n bonne méthode personnaliste, c’est d’une vision des Buts qu’il faut partir : car elle seule permettra d’éclairer les chem
874 s la période de 1975-1980. ⁂ V. Vue générale d’ une Europe fédérée Buts Le préambule de l’Acte constituant la féd
875 de l’Européen vivant en 1980 ? Tout d’abord, par un sentiment de grand espace ouvert. Euphorie pour les uns — les meilleu
876 ivre, en aventures, en découvertes de soi-même et des autres hommes. Du rocher de Gibraltar à la steppe monotone, des lacs
877 mes. Du rocher de Gibraltar à la steppe monotone, des lacs de l’Écosse aux îles grecques, de la Finlande à la Sicile, tout
878 Sicile, tout s’ouvre aux ambitions ou aux rêves d’ un jeune homme. Les citoyens de tous les pays membres de la fédération e
879 à chaque guichet, sans rien déclarer à personne. Des milliards d’heures de vie active ou de loisirs sont ainsi gagnées cha
880 u de loisirs sont ainsi gagnées chaque année, par des millions d’Européens en déplacement professionnel ou en vacances. Ils
881 ’Asie, les Amériques ou la Russie, ils produisent un passeport européen, délivré à leur lieu d’origine. Chacun peut s’étab
882 s occasionnelles à ce droit fondamental découlent des plans d’aménagement locaux, urbains ou agricoles, harmonisés dans le
883 glement, dans les régions les plus favorisées par une mode, un climat, une production facile.) Chacun peut vendre ses produ
884 ans les régions les plus favorisées par une mode, un climat, une production facile.) Chacun peut vendre ses produits parto
885 ions les plus favorisées par une mode, un climat, une production facile.) Chacun peut vendre ses produits partout, sans tax
886 nde liberté cosmopolite n’est pas payée au prix d’ un déracinement général ; ces ouvertures plus vastes à l’esprit d’aventu
887 l’esprit d’aventure, qui sera toujours le fait d’ une minorité, n’empêchent nullement ceux qui préfèrent la sécurité matern
888 éfèrent la sécurité maternelle et la protection d’ une partie limitée, d’en jouir et même mieux qu’avant. Car chaque citoyen
889 qu’avant. Car chaque citoyen de l’Europe relève d’ un pays d’origine, d’une communauté définie où il a (ou prend) ses racin
890 citoyen de l’Europe relève d’un pays d’origine, d’ une communauté définie où il a (ou prend) ses racines ; et il peut y exer
891 il peut y exercer ses droits civiques. Le droit à une patrie locale est garanti par la Constitution fédérale, et surveillé
892 suffit que l’on devienne d’abord citoyen de l’un des pays membres, voire d’une de ses communes. Tout citoyen d’un État mem
893 d’abord citoyen de l’un des pays membres, voire d’ une de ses communes. Tout citoyen d’un État membre qui s’établit sur le t
894 bres, voire d’une de ses communes. Tout citoyen d’ un État membre qui s’établit sur le territoire administré par un autre É
895 re qui s’établit sur le territoire administré par un autre État membre y bénéficie de tous les droits civiques et sociaux.
896 et sociaux. Il y vote, et il y est éligible après un certain délai, qui varie selon qu’il s’agit d’emplois publics municip
897 , régionaux, ou nationaux. Le droit fondamental à une patrie locale entraîne que les communautés constituées, régions assoc
898 ntraire à la Constitution fédérale et à la Charte des droits de la personne. (Les libertés de culte, d’expression et d’asso
899 ressément garanties ; l’État, ou la majorité dans une région, ne peuvent en aucun cas en priver les minorités.) D’autre par
900 leur fédération ait désormais, en tant que telle, une politique étrangère commune, signifie que les citoyens d’un de nos pe
901 ue étrangère commune, signifie que les citoyens d’ un de nos petits États ne sont plus à la merci de la politique d’un de n
902 s États ne sont plus à la merci de la politique d’ un de nos grands États, les entraînant dans une guerre ou une ruine géné
903 que d’un de nos grands États, les entraînant dans une guerre ou une ruine générales : ils participent tous également au dro
904 s grands États, les entraînant dans une guerre ou une ruine générales : ils participent tous également au droit de détermin
905 ue de l’ensemble européen s’exprime désormais par des décisions fédérales, qui traduisent la conscience et la volonté de la
906 uisent la conscience et la volonté de la majorité des États et des Européens responsables de leur État. La fédération europ
907 science et la volonté de la majorité des États et des Européens responsables de leur État. La fédération européenne a solen
908 r ses membres contre l’extérieur, elle entretient des forces défensives organisées selon le système des milices suisses, mo
909 des forces défensives organisées selon le système des milices suisses, mobilisables en quelques heures dans le cadre local.
910 l’Europe ne saurait être l’État-nation unifié, ni un système d’alliances bi- ou multilatérales. En effet, la première solu
911 solution porterait atteinte au droit fondamental des personnes à se grouper en communautés diversifiées : droit à l’autono
912 solution porterait atteinte au droit fondamental des communautés qui est, d’une part, d’être déchargées des tâches d’organ
913 ommunautés qui est, d’une part, d’être déchargées des tâches d’organisation (ou « mécaniques ») outrepassant leurs capacité
914 , d’autre part de manifester la vocation générale des Européens à l’échelle mondiale : droit à l’Union. L’Europe fédérée se
915 Europe fédérée se présente, en conséquence, comme un grand espace composé d’une vingtaine d’États membres, et de quelques
916 , en conséquence, comme un grand espace composé d’ une vingtaine d’États membres, et de quelques États associés (bordure de
917 tats associés (bordure de l’Est). La souveraineté des membres est garantie par la Constitution fédérale, nonobstant la mise
918 es États souverains sont en pleine évolution vers des groupements de leurs régions, qui parfois nouent des liens assez étro
919 groupements de leurs régions, qui parfois nouent des liens assez étroits, par-delà les frontières étatiques. Cette situati
920 ation mouvante, absolument nouvelle, fait l’objet des discussions politiques, juridiques, économiques et culturelles les pl
921 1980. Elle ne saurait s’expliquer qu’en fonction des problèmes qui se posaient au départ de la construction de l’Europe. O
922 onstruction de l’Europe. Ouvrons donc en ce point une parenthèse, et, faisant retour en arrière, examinons la situation tel
923 n se mit à envisager les divers modes possibles d’ une union politique, et à supputer les conséquences probables qu’entraîne
924 pputer les conséquences probables qu’entraînerait une fédération. Parenthèse 1963 a) Rapports entre les souverain
925 ouverainetés nationales et la fédération Entre un unitarisme jacobin opprimant les autonomies, et une nouvelle Sainte-A
926 n unitarisme jacobin opprimant les autonomies, et une nouvelle Sainte-Alliance, interdisant toute union efficace, il s’agit
927 n les meilleures recettes de pilotage, de trouver une formule d’équilibre en mouvement entre les pouvoirs fédéraux et les É
928 eux est celui de la souveraineté : faut-il exiger des États qu’ils y renoncent ? Si c’est une condition sine qua non, y a-t
929 il exiger des États qu’ils y renoncent ? Si c’est une condition sine qua non, y a-t-il une chance quelconque qu’on l’obtien
930 t ? Si c’est une condition sine qua non, y a-t-il une chance quelconque qu’on l’obtienne jamais, donc qu’on arrive jamais à
931 ’on l’obtienne jamais, donc qu’on arrive jamais à une fédération ? Ainsi posé, le problème est insoluble. D’une part nos gr
932 e. D’autre part, les mouvements fédéralistes, par un grand nombre de résolutions impératives mais dont personne ne semble
933 ouveraineté théorique. Or, on ne saurait attendre une nuit du 4 août des États : ce ne sont pas des personnes libres et res
934 ue. Or, on ne saurait attendre une nuit du 4 août des États : ce ne sont pas des personnes libres et responsables, et il es
935 dre une nuit du 4 août des États : ce ne sont pas des personnes libres et responsables, et il est tout à fait inconcevable
936 inconcevable qu’ils puissent agir sous le coup d’ un enthousiasme collectif. « L’État est le plus froid des monstres froid
937 nthousiasme collectif. « L’État est le plus froid des monstres froids », comme l’a dit Nietzsche. Mais s’il est vain de fon
938 ietzsche. Mais s’il est vain de fonder l’espoir d’ une construction européenne sur un geste qu’aucun grand État n’est en mes
939 fonder l’espoir d’une construction européenne sur un geste qu’aucun grand État n’est en mesure de faire, il est sans doute
940 est sans doute dangereux de s’épuiser à combattre des souverainetés en grande partie inexistantes, et qu’on ne pourrait que
941 nt à se défendre au nom sacré de l’indépendance d’ un pays. Pour sortir de l’impasse, on pourrait recourir à un précédent h
942 Pour sortir de l’impasse, on pourrait recourir à un précédent historique qui me paraît tout à fait indiqué en la matière 
943 oir résolu la quadrature du cercle. Loin d’exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, elle la garantit expres
944 a quadrature du cercle. Loin d’exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, elle la garantit expressément, en m
945 Voici les textes : Article premier. — Les peuples des vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alli
946 ple… (etc.) Ratifiés par la majorité du peuple et des cantons, ces articles ont résolu le problème à la satisfaction généra
947 u’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’est pas de constitution plus fédéraliste que cell
948 e subsiste, elle se voit garantie et défendue par une constitution, par une armée, et par la volonté unanime des peuples et
949 it garantie et défendue par une constitution, par une armée, et par la volonté unanime des peuples et des États confédérés.
950 itution, par une armée, et par la volonté unanime des peuples et des États confédérés. Ce qui est bien loin d’être le cas d
951 e armée, et par la volonté unanime des peuples et des États confédérés. Ce qui est bien loin d’être le cas des souveraineté
952 ts confédérés. Ce qui est bien loin d’être le cas des souverainetés soi-disant « absolues » des grands ou petits États de l
953 le cas des souverainetés soi-disant « absolues » des grands ou petits États de l’Europe désunie. Voyons cela d’un peu plus
954 u petits États de l’Europe désunie. Voyons cela d’ un peu plus près. Les cantons suisses n’ont plus le droit de faire la gu
955 ni d’entretenir leur propre armée, ni de conclure des traités séparés ; ces attributs de la souveraineté classique sont rep
956 leurs voisins et frères, mais seulement par l’une des puissances extérieures qui ont la souveraineté atomique. Cette situat
957 ndique clairement ce qu’il nous reste à faire : — une Constitution fédérale, afin que l’Europe recouvre, au temps des grand
958 on fédérale, afin que l’Europe recouvre, au temps des grands empires, l’indépendance de décision qui échappe en fait à ses
959 échappe en fait à ses nations. b) Libération des dynamismes régionaux Un second problème fondamental semble bien de
960 de 1963 : c’est qu’il est plus nouveau que celui des souverainetés, et qu’il est même sans précédent dans l’ère moderne. V
961 en train de s’instaurer entre les Six (effacement des frontières économiques), certains dynamismes nouveaux se trouveront l
962 tropole » économique et culturelle prendra forme. Des reliefs nouveaux, comparables à des soulèvements de terrain révélant
963 rendra forme. Des reliefs nouveaux, comparables à des soulèvements de terrain révélant un jeu de forces profondes, modèlero
964 omparables à des soulèvements de terrain révélant un jeu de forces profondes, modèleront une Europe réelle bien différente
965 n révélant un jeu de forces profondes, modèleront une Europe réelle bien différente de celle de nos cartes politiques actue
966 que très arbitrairement délimitées. Et l’on verra des États unitaires, comme la France, ou l’Espagne, ou la Belgique, se di
967 il y aura de « métropoles » prouvant leur droit à une autonomie de fait. C’est ici que l’exemple de la Suisse cesse de nous
968 modèle, du moins transposable tel quel du régime des cantons à celui des États. Car les cantons correspondent à peu près à
969 ansposable tel quel du régime des cantons à celui des États. Car les cantons correspondent à peu près à des régions à la fo
970 États. Car les cantons correspondent à peu près à des régions à la fois naturelles et culturelles — linguistiques, religieu
971 taines au surplus, coupées de gré ou de force par une frontière « nationale », se sont trouvées amalgamées à des États de t
972 ière « nationale », se sont trouvées amalgamées à des États de traditions bien différentes8. ⁂ Reprenons maintenant la desc
973 ption de l’Europe fédérée de 1980. On y assiste à des regroupements qui ne tiennent plus compte des frontières nationales e
974 e à des regroupements qui ne tiennent plus compte des frontières nationales et modifient profondément le régime des États n
975 es nationales et modifient profondément le régime des États naguère centralisés. Au lieu d’un puzzle de pièces bizarrement
976 e régime des États naguère centralisés. Au lieu d’ un puzzle de pièces bizarrement découpées, selon des conjonctures histor
977 ’un puzzle de pièces bizarrement découpées, selon des conjonctures historiques dépassées, l’Europe fédérale est en train de
978 assées, l’Europe fédérale est en train de devenir une constellation de foyers, ou de « métropoles », qui ne sont plus défin
979 mais par leur force de rayonnement. La mobilité des industries nouvelles, et leur indépendance par rapport au sous-sol, p
980 te titre privilégiées. L’Europe noire du charbon, des corons, des banlieues ouvrières et des mines se vide, au profit des r
981 vilégiées. L’Europe noire du charbon, des corons, des banlieues ouvrières et des mines se vide, au profit des régions mérid
982 u charbon, des corons, des banlieues ouvrières et des mines se vide, au profit des régions méridionales, fluviales, ou même
983 nlieues ouvrières et des mines se vide, au profit des régions méridionales, fluviales, ou même alpestres. Ces phénomènes d’
984 s, fluviales, ou même alpestres. Ces phénomènes d’ une ampleur croissante ne vont pas sans poser des problèmes très ardus d’
985 s d’une ampleur croissante ne vont pas sans poser des problèmes très ardus d’aménagement du territoire européen. Ils requiè
986 ménagement du territoire européen. Ils requièrent des solutions neuves, à la recherche desquelles concourent économistes, d
987 s encore que les autres, d’imagination créatrice. Une jurisprudence fédérale des régions autonomes se constitue. Une politi
988 imagination créatrice. Une jurisprudence fédérale des régions autonomes se constitue. Une politique fédérale de production
989 ence fédérale des régions autonomes se constitue. Une politique fédérale de production et de distribution tend à prévoir et
990 , et les incidences industrielles et commerciales des associations ou unions régionales. Elle s’efforce d’harmoniser la vit
991 gionales. Elle s’efforce d’harmoniser la vitalité des nouveaux centres, les besoins généraux du continent, et les échanges
992 ons, a pour double effet de diminuer l’importance des anciens États et d’augmenter celle des foyers locaux. La renaissance
993 importance des anciens États et d’augmenter celle des foyers locaux. La renaissance des communes s’affirme. Le citoyen, nag
994 augmenter celle des foyers locaux. La renaissance des communes s’affirme. Le citoyen, naguère « démuni de toute influence p
995 ration La structure fédérale et la répartition des pouvoirs entre la fédération et ses membres sont l’expression directe
996 dération et ses membres sont l’expression directe des principes énoncés plus haut, et s’en déduisent sans autres difficulté
997 sans autres difficultés que celles qui naissent d’ une volonté fédéraliste de respecter autant que possible les situations s
998 à l’intérieur et à l’extérieur de la fédération, des ambassades et consulats chargés d’entretenir les relations qui ne son
999 ges, etc.) La défense de l’Europe est assurée par des forces armées aux ordres du pouvoir fédéral, qui ne peuvent entrer en
1000 s, ou en cas de coup de force séparatiste de l’un des membres. La réduction des antagonismes intérieurs résultant de l’ouve
1001 rce séparatiste de l’un des membres. La réduction des antagonismes intérieurs résultant de l’ouverture d’un grand espace li
1002 ntagonismes intérieurs résultant de l’ouverture d’ un grand espace libre et de la mise en commun des ressources de base ; l
1003 e d’un grand espace libre et de la mise en commun des ressources de base ; la possibilité pour l’individu de répartir ses a
1004 pour l’individu de répartir ses allégeances entre des ensembles culturels et spirituels plus restreints ou plus vastes que
1005 cela contribue non seulement à empêcher le retour des chocs destructeurs entre États-nations rigides, à l’intérieur de l’Eu
1006 urope, mais aussi à la rendre incapable d’exercer une politique agressive. Un tel ensemble de diversités ne saurait être im
1007 ndre incapable d’exercer une politique agressive. Un tel ensemble de diversités ne saurait être impérialiste. (Rappelons q
1008 leur liquidation a seule permis le rapprochement des peuples de l’Europe.) C’est pourquoi la fédération européenne a solen
1009 moyen d’imposer sa politique commune. Le problème des États neutres, adhérant à la fédération, se trouve ainsi résolu, leur
1010 t elle-même neutre, la question se ramène à celle des alliances qu’elle peut être amenée à conclure avec d’autres États ou
1011 u fédérations. Si elle accepte de lier son sort à un État ou à un groupe d’États qui s’interdit comme elle tout recours à
1012 . Si elle accepte de lier son sort à un État ou à un groupe d’États qui s’interdit comme elle tout recours à la guerre, el
1013 à l’alliance ; mais elle peut être entraînée dans une guerre qu’un tiers parti ferait à l’allié, comme s’il la faisait à l’
1014 mais elle peut être entraînée dans une guerre qu’ un tiers parti ferait à l’allié, comme s’il la faisait à l’un de ses mem
1015 lié, comme s’il la faisait à l’un de ses membres. Une disposition de ce genre présente le double avantage de rassurer le ti
1016 En revanche, l’Europe fédérée ne saurait conclure une alliance militaire avec aucune puissance qui maintiendrait son « droi
1017 sement, de travail, de commerce et de circulation des biens sur tout son territoire, elle se charge d’organiser et de subve
1018 entionner les activités qui dépassent la capacité des États membres. Elle administre les douanes fédérales. Elle élabore un
1019 le administre les douanes fédérales. Elle élabore une politique de production, de répartition intérieure, et d’échanges à l
1020 érales sont définies, à l’intérieur par l’ampleur des investissements requis, à l’extérieur par la nécessité de représenter
1021 e représenter l’ensemble européen. À la politique des grands travaux continentaux correspond une politique des « grandes re
1022 itique des grands travaux continentaux correspond une politique des « grandes recherches » : le CERN à Genève, dès 1959, « 
1023 nds travaux continentaux correspond une politique des « grandes recherches » : le CERN à Genève, dès 1959, « l’Opération Pe
1024 es problèmes fondamentaux soulevés par le contact des traditions différentes de l’Occident, de l’Afrique, de l’Asie, du mon
1025 e l’Afrique, de l’Asie, du monde arabe, au sein d’ une même civilisation technique née en Europe mais rapidement adoptée par
1026 tous les pays du monde, ont montré la nécessité d’ une politique commune des Européens dans le domaine de la culture. Débatt
1027 , ont montré la nécessité d’une politique commune des Européens dans le domaine de la culture. Débattue et décidée par le C
1028 de la culture. Débattue et décidée par le Conseil des recherches et de l’enseignement (voir plus loin) cette politique est
1029 cette politique est représentée dans le monde par des Relations culturelles européennes, agissant concurremment avec les mi
1030 péennes, agissant concurremment avec les missions des États membres, chaque fois que les problèmes à traiter ou les conflit
1031 ropéens dans le tiers-monde. Formation européenne des aides techniques. Relations publiques de l’Europe dans le « monde de
1032 ral garantit l’ordre intérieur, les constitutions des États membres, et toutes les libertés personnelles et publiques recon
1033 par la Constitution fédérale. d) Attributions des États membres D’une manière générale, les États exercent tous les
1034 dérale. d) Attributions des États membres D’ une manière générale, les États exercent tous les droits et devoirs légis
1035 ion au régime ancien de souveraineté territoriale des États provient de la renaissance des régions et de la formation de « 
1036 territoriale des États provient de la renaissance des régions et de la formation de « métropoles » nouvelles. En vertu de d
1037 itions spéciales introduites dans la constitution des États autrefois « indivisibles », certaines conditions de développeme
1038 éveloppement étant satisfaites, et sous réserve d’ une approbation fédérale, régions et métropoles peuvent se donner des str
1039 fédérale, régions et métropoles peuvent se donner des structures et des pouvoirs autonomes, et elles peuvent aussi s’associ
1040 et métropoles peuvent se donner des structures et des pouvoirs autonomes, et elles peuvent aussi s’associer avec d’autres e
1041 cier avec d’autres entités comparables relevant d’ un État voisin. L’Europe tend de la sorte à se transformer de fédératio
1042 e tend de la sorte à se transformer de fédération des États « anciens » (nés d’ailleurs, pour la plupart, aux xixe et xxe
1043 plupart, aux xixe et xxe siècles) en fédération des régions réelles. e) Autorités fédérales Législatives : La doub
1044 ssité d’assurer l’union européenne et l’autonomie des communautés fédérées implique une dualité correspondante au sein des
1045 et l’autonomie des communautés fédérées implique une dualité correspondante au sein des pouvoirs législatifs. L’Assemblée
1046 érées implique une dualité correspondante au sein des pouvoirs législatifs. L’Assemblée fédérale se compose donc d’une Cham
1047 gislatifs. L’Assemblée fédérale se compose donc d’ une Chambre des députés européens et d’un Sénat européen, la première rep
1048 ose donc d’une Chambre des députés européens et d’ un Sénat européen, la première représentant les peuples, le second, les
1049 le second, les États et les communautés dotées d’ une autonomie reconnue. Les affaires de la compétence de l’Assemblée sont
1050 de la fédération : législation fédérale, garantie des constitutions des États et des autonomies régionales, mesures propres
1051 législation fédérale, garantie des constitutions des États et des autonomies régionales, mesures propres à faire respecter
1052 fédérale, garantie des constitutions des États et des autonomies régionales, mesures propres à faire respecter la Constitut
1053 titution fédérale, révision de celle-ci, garantie des libertés, organisation et droit de disposer de l’armée fédérale, rati
1054 oit de disposer de l’armée fédérale, ratification des traités, budget et approbation des comptes de la fédération, élection
1055 , ratification des traités, budget et approbation des comptes de la fédération, élection de l’exécutif et de la Cour de jus
1056 édérales ne peuvent être rendues qu’avec l’accord des deux chambres. En cas de différend irréductible, un référendum popula
1057 deux chambres. En cas de différend irréductible, un référendum populaire est requis. Exécutives : Un complexe de traditi
1058 un référendum populaire est requis. Exécutives : Un complexe de traditions, confessions et langues, de conditions naturel
1059 stent en Europe, ne saurait être gouverné que par un Collège où s’équilibrent les diversités en évolution permanente. Le C
1060 ermanente. Le Conseil fédéral européen, composé d’ une douzaine de ministres, représente le chef de l’État européen. Il gère
1061 ne et sont rééligibles. On ne peut choisir plus d’ un membre dans le même pays. Son président est élu par l’Assemblée. Il p
1062 nt de la commission du Marché commun. Le ministre des Relations culturelles et le ministre de la Recherche scientifique co-
1063 inistre de la Recherche scientifique co-président un Conseil des recherches et de l’enseignement, composé de représentants
1064 la Recherche scientifique co-président un Conseil des recherches et de l’enseignement, composé de représentants des science
1065 es et de l’enseignement, composé de représentants des sciences naturelles, sociales, psychologiques, religieuses, de la méd
1066 ues, religieuses, de la médecine et de l’hygiène, des arts et lettres, de l’histoire, de l’éducation, de l’architecture et
1067 de l’urbanisme. Le ministre de la Justice préside une Commission des droits de la personne, celui de l’Intérieur une Commis
1068 Le ministre de la Justice préside une Commission des droits de la personne, celui de l’Intérieur une Commission des région
1069 n des droits de la personne, celui de l’Intérieur une Commission des régions et des États, etc. Les projets des lois et arr
1070 la personne, celui de l’Intérieur une Commission des régions et des États, etc. Les projets des lois et arrêtés élaborés p
1071 elui de l’Intérieur une Commission des régions et des États, etc. Les projets des lois et arrêtés élaborés par ces commissi
1072 ission des régions et des États, etc. Les projets des lois et arrêtés élaborés par ces commissions ministérielles, sont pré
1073 essé soient pour autant renversés. Judiciaires : Une Cour ou Tribunal fédéral administre la justice en matière fédérale, e
1074 justice en matière fédérale, et connaît notamment des conflits de compétence entre la fédération et les États membres ; des
1075 étence entre la fédération et les États membres ; des différends entre les États ; des réclamations pour violation des droi
1076 États membres ; des différends entre les États ; des réclamations pour violation des droits de la personne garantis par un
1077 entre les États ; des réclamations pour violation des droits de la personne garantis par une Charte ou Statut de la personn
1078 violation des droits de la personne garantis par une Charte ou Statut de la personne, annexée à la Constitution ; des cas
1079 tatut de la personne, annexée à la Constitution ; des cas de trahison ou de révolte concernant la fédération, et d’autres c
1080 d’autres causes qui lui sont soumises par accord des parties, quand le litige atteint le degré d’importance déterminé par
1081 éterminé par la législation fédérale. f) Siège des autorités fédérales Les mêmes raisons qui veulent que la fédératio
1082 qui veulent que la fédération soit gouvernée par un Collège, et non par un seul homme, veulent que son centre ne soit pas
1083 ération soit gouvernée par un Collège, et non par un seul homme, veulent que son centre ne soit pas une capitale, mais un
1084 un seul homme, veulent que son centre ne soit pas une capitale, mais un District fédéral. La fédération n’étant pas une cré
1085 ent que son centre ne soit pas une capitale, mais un District fédéral. La fédération n’étant pas une création sur table ra
1086 is un District fédéral. La fédération n’étant pas une création sur table rase, mais l’aboutissement d’un très long processu
1087 e création sur table rase, mais l’aboutissement d’ un très long processus historique englobant des siècles d’histoire commu
1088 ent d’un très long processus historique englobant des siècles d’histoire commune et toutes les diversités que l’on sait, le
1089 e District fédéral ne saurait être, lui non plus, une création « synthétique » édifiée sur un terrain vague — il n’y en a d
1090 on plus, une création « synthétique » édifiée sur un terrain vague — il n’y en a d’ailleurs plus d’assez vaste, dans l’Eur
1091 ccès facile en temps de paix ; il ne peut être qu’ un petit pays, cependant très diversifié et si possible de tradition féd
1092 accepter de demeurer, en tant qu’État, à l’écart des luttes politiques qui se jouent à l’échelle du continent. Ces conditi
1093 ar la Suisse, d’ailleurs gardienne traditionnelle des valeurs et réalités d’intérêt commun pour l’Europe. De même qu’au xii
1094 , de même la Confédération suisse se voit dotée d’ un statut spécial, d’une sorte « d’immédiateté fédérale », en devenant l
1095 ation suisse se voit dotée d’un statut spécial, d’ une sorte « d’immédiateté fédérale », en devenant le District européen. L
1096 ont placées sous la protection de l’armée suisse. Des dispositions spéciales (analogues à celles en vigueur à Washington, D
1097 sident)9 préviennent toute ingérence particulière des affaires suisses dans les affaires fédérales européennes. La Suisse,
1098 cations. VI. Chances de réalisation Voici une liste, non exhaustive, des facteurs qui paraissent aujourd’hui suscep
1099 e réalisation Voici une liste, non exhaustive, des facteurs qui paraissent aujourd’hui susceptibles de jouer dans le sen
1100 aujourd’hui susceptibles de jouer dans le sens d’ une solution fédéraliste de nos problèmes. 1. Le fédéralisme est une form
1101 déraliste de nos problèmes. 1. Le fédéralisme est une forme de pensée politique spécifiquement européenne qui prend ses sou
1102 plus tard du socialisme proudhonien, aujourd’hui des sciences les plus avancées. D’autre part, le fédéralisme est une méth
1103 s plus avancées. D’autre part, le fédéralisme est une méthode d’organisation politique qui a fait ses preuves notamment en
1104 tiquée aujourd’hui dans les processus de décision des Communautés économiques européennes. La rencontre de cette vieille tr
1105 cette vieille tradition, rénovée au xixe siècle, des besoins de l’économie moderne, de la nouvelle vision scientifique et
1106 ie moderne, de la nouvelle vision scientifique et des moyens fournis par les techniques d’avant-garde, crée une conjoncture
1107 ns fournis par les techniques d’avant-garde, crée une conjoncture favorable à la prise au sérieux des solutions fédéraliste
1108 e une conjoncture favorable à la prise au sérieux des solutions fédéralistes. 2. Le régime fédéraliste est au moins théoriq
1109 oins théoriquement adopté par les constitutions d’ un nombre croissant d’États nouveaux, ou réorganisés de fond en comble a
1110 r que les réussites suisse et nord-américaine ont une valeur probante pour les « réalistes », sinon pour les « idéologues »
1111 les « réalistes », sinon pour les « idéologues » des vieux partis politiques, espèce en régression rapide, d’ailleurs. 3.
1112 édéralistes. Celles-ci sont d’ailleurs homologues des solutions œcuméniques au plan confessionnel, dont on connaît l’essor
1113 ux libéraux agnostiques, ils peuvent trouver dans un régime fédéraliste la garantie à des droits qu’ils ont longtemps reve
1114 trouver dans un régime fédéraliste la garantie à des droits qu’ils ont longtemps revendiqués contre les cléricalismes unit
1115 s unitaires, voire totalitaires. 4. L’application des découvertes récentes et imminentes de la physique et de la biologie n
1116 de la physique et de la biologie non seulement à des armes encore plus puissantes et beaucoup plus maniables que la bombe
1117 ucoup plus maniables que la bombe H, mais aussi à des procédés de manipulation du psychisme collectif et de conditionnement
1118 de certaines classes favorisées ou fabriquées par un parti (armes et procédés dont seul un Pouvoir fortement centralisé et
1119 riquées par un parti (armes et procédés dont seul un Pouvoir fortement centralisé et très riche serait en mesure d’user et
1120 ousse également à concevoir la nécessité vitale d’ une tendance à déconcentrer et à distribuer le pouvoir, afin de l’empêche
1121 istribuer le pouvoir, afin de l’empêcher par tout un jeu de contrôles et de dispositifs de sécurité, de prendre une initia
1122 ntrôles et de dispositifs de sécurité, de prendre une initiative éventuellement criminelle. Sans préjuger des chances de su
1123 itiative éventuellement criminelle. Sans préjuger des chances de succès de cette réaction de défense de la personne, on peu
1124 ra, elle aussi — si peu que ce soit — en faveur d’ un régime fédéraliste. 5. La résistance des esprits « de droite », des
1125 faveur d’un régime fédéraliste. 5. La résistance des esprits « de droite », des nationalismes attardés, des patriotismes o
1126 ste. 5. La résistance des esprits « de droite », des nationalismes attardés, des patriotismes ombrageux, des libéraux doct
1127 sprits « de droite », des nationalismes attardés, des patriotismes ombrageux, des libéraux doctrinaires en matière d’économ
1128 tionalismes attardés, des patriotismes ombrageux, des libéraux doctrinaires en matière d’économie, des séparatistes régiona
1129 des libéraux doctrinaires en matière d’économie, des séparatistes régionaux, des sportifs chauvins, des philatélistes, des
1130 n matière d’économie, des séparatistes régionaux, des sportifs chauvins, des philatélistes, des sociétés culturelles munici
1131 es séparatistes régionaux, des sportifs chauvins, des philatélistes, des sociétés culturelles municipales et provinciales,
1132 ionaux, des sportifs chauvins, des philatélistes, des sociétés culturelles municipales et provinciales, et de tous ceux qui
1133 a « bolchevisation », contraindra les partisans d’ une Europe unitaire à se replier sur des solutions praticables, qui se tr
1134 partisans d’une Europe unitaire à se replier sur des solutions praticables, qui se trouveront être fédéralistes par nécess
1135 éralistes par nécessité, sinon par choix délibéré des deux partis. 6. À « gauche », les traditions proudhoniennes et anarch
1136 -syndicalistes jouent dans le sens de l’autonomie des groupes, tandis que les traditions internationalistes et autoritaires
1137 ires du socialisme marxiste jouent dans le sens d’ une opposition systématique aux diversités de tout ordre (assimilées aux
1138 re (assimilées aux « privilèges ») et en faveur d’ une unification européenne. Là encore, la résultante des forces antagonis
1139 unification européenne. Là encore, la résultante des forces antagonistes pointe vers des solutions de type fédéraliste. 7.
1140 la résultante des forces antagonistes pointe vers des solutions de type fédéraliste. 7. Le régime des souverainetés nationa
1141 s des solutions de type fédéraliste. 7. Le régime des souverainetés nationales absolues est manifestement dépassé, aux yeux
1142 ales absolues est manifestement dépassé, aux yeux des jeunes. La nécessité et les promesses d’une union de l’Europe sont ad
1143 yeux des jeunes. La nécessité et les promesses d’ une union de l’Europe sont admises par plus de 80 % des Européens, quoiqu
1144 e union de l’Europe sont admises par plus de 80 % des Européens, quoique d’une manière vague et généralement passive, faute
1145 admises par plus de 80 % des Européens, quoique d’ une manière vague et généralement passive, faute de modèles ou de maquett
1146 enthousiasme. 8. L’existence du Marché commun est un facteur irréversible dans l’évolution vers l’union. Les polémiques en
1147 ion. Les polémiques engagées à son sujet obligent un grand nombre d’esprits, dans nos divers pays, professions et partis,
1148 rofessions et partis, à supputer les conséquences des principales méthodes d’union possibles : — unification économique tra
1149 sent en termes d’intérêts, soit qu’ils réveillent des passions partisanes ou nationales. « Fédérer les Européens » cesse po
1150 édérer les Européens » cesse pour beaucoup d’être une expression vague désignant simplement le besoin d’une « union plus ét
1151 expression vague désignant simplement le besoin d’ une « union plus étroite », et tend à prendre un sens précis et spécifiqu
1152 n d’une « union plus étroite », et tend à prendre un sens précis et spécifique, tel que nous l’avons défini plus haut. Cet
1153 cteurs positifs, négatifs, et ambivalents, ménage des possibilités plus favorables que jamais à une action fédéraliste. Mai
1154 age des possibilités plus favorables que jamais à une action fédéraliste. Mais il faut, pour les réaliser, un élément catal
1155 ion fédéraliste. Mais il faut, pour les réaliser, un élément catalyseur : une vision non utopique de ce que peut être l’Eu
1156 faut, pour les réaliser, un élément catalyseur : une vision non utopique de ce que peut être l’Europe fédérée. ⁂ VII. L
1157 nce » de l’Europe Pour tracer cette esquisse d’ une union fédérale, nous n’avons eu qu’à nous laisser guider par deux sér
1158 découle de la conjoncture présente : nécessité d’ une union économique amorcée par celle des Six ; pression du tiers-monde,
1159 écessité d’une union économique amorcée par celle des Six ; pression du tiers-monde, qui exige l’aide de l’Europe et n’en o
1160 ns à son passé mal vu les promesses incertaines d’ un communisme ouvertement impérialiste et plus néfaste pour les traditio
1161 is notre colonialisme ; nécessité, à cet égard, d’ une politique commune des Européens ; désuétude des souverainetés nationa
1162 ; nécessité, à cet égard, d’une politique commune des Européens ; désuétude des souverainetés nationales absolues, tout jus
1163 d’une politique commune des Européens ; désuétude des souverainetés nationales absolues, tout juste capables de servir de p
1164 es ou conjoncturels de l’autre, s’opposent encore des préjugés nationalistes survivants, certains calculs d’intérêts à cour
1165 n ne sert de maudire la nuit : mieux vaut allumer une chandelle, comme dit le proverbe chinois. Éclairer le But est donc l
1166 de ceux qui veulent se mettre en marche. Inventer des chemins vers le But est la seconde tâche, indispensable, mais que la
1167 ision du But rend seule possible. On ne trace pas un chemin tant qu’on ne sait pas au juste où l’on a décidé d’aller : on
1168 l’on a décidé d’aller : on se contente de charger des experts d’étudier les modalités et le coût de l’opération. Ils conclu
1169 cluent que rien n’est possible dans l’état actuel des choses. Et leur déni traduit exactement l’incertitude des hommes d’Ét
1170 es. Et leur déni traduit exactement l’incertitude des hommes d’État qui les emploient. Qui veut la fin veut les moyens, ma
1171 veut les moyens, mais personne ne saurait vouloir une fin qu’il distingue mal. Et c’est pourquoi, dans le domaine qui nous
1172 dans le domaine qui nous occupe, la prévision est une action. Bien voir le But, se concentrer sur lui, dégage et mobilise l
1173 J’ai tenté d’éclairer notre avenir fédéral, avec un projecteur de fortune. Des reliefs ont été laissés dans l’ombre, des
1174 re avenir fédéral, avec un projecteur de fortune. Des reliefs ont été laissés dans l’ombre, des détails ont pris trop d’imp
1175 ortune. Des reliefs ont été laissés dans l’ombre, des détails ont pris trop d’importance. Mon regard trop souvent n’a vu qu
1176 Cet essai n’a donc d’autre ambition que d’appeler des mises au point optiques. Il y faut le travail d’une équipe munie de m
1177 s mises au point optiques. Il y faut le travail d’ une équipe munie de meilleurs instruments, multipliant les prises de vues
1178 iscours prononcé au congrès de l’Union européenne des fédéralistes, Montreux 1947. Publié dans L’Europe en jeu . (Éditions
1179 radiction ; principe de complémentarité ; théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, appliquée à la stratégie, à l’éco
1180 d home… » (Cf., mon Europe en jeu , p. 126). 7. Une seule exception notable en Suisse : le Jura bernois, de langue frança
1181 sse protestante et alémanique du canton de Berne. Un mouvement séparatiste s’y manifeste. 8. Cas de la Catalogne, de la W
1182 nifeste. 8. Cas de la Catalogne, de la Wallonie, des Flandres, du Tyrol, de la Silésie, de la Macédoine, par exemple. 9.
1183 emple. 9. Jusqu’au 3 avril 1961, date à laquelle un amendement à la Constitution a autorisé les citoyens du District of C
1184 lle. f. Rougemont Denis de, « Orientations vers une Europe fédérale », Bulletin SEDEIS-Futuribles, Paris, 10 mai 1963, p.
7 1963, Articles divers (1963-1969). L’amour ? le mariage ? la fidélité ? l’adultère ? la passion ? le couple ? (25 octobre 1963)
1185 Jamais on ne s’est autant marié en France (90 % des hommes et 91,5 % des femmes) et jamais on n’a autant divorcé (10 % de
1186 autant marié en France (90 % des hommes et 91,5 % des femmes) et jamais on n’a autant divorcé (10 % des couples) : le maria
1187 des femmes) et jamais on n’a autant divorcé (10 % des couples) : le mariage se porte donc beaucoup… mais se porte plutôt ma
1188 coup… mais se porte plutôt mal. Y a-t-il vraiment une crise du mariage ? Naturellement. Seulement il serait faux d’y voir u
1189 Naturellement. Seulement il serait faux d’y voir un mal du siècle, du nôtre. Sans la crise du mariage, que seraient toute
1190 le théâtre, le roman, la poésie en vivent depuis des siècles, l’entretiennent en chantant le droit divin de la passion, en
1191 ironisant sur le fameux « trio » dont ils tirent un répertoire inépuisable de situations comiques ou cyniques. Et tout ce
1192 r hors-la-loi. La crise du mariage n’est donc pas un phénomène de l’ère atomique. Le nombre des divorces a quand même doub
1193 onc pas un phénomène de l’ère atomique. Le nombre des divorces a quand même doublé depuis cinquante ans ? C’est que cette c
1194 lé depuis cinquante ans ? C’est que cette crise a des causes nombreuses et complexes. Les unes sont liées au progrès et à l
1195 nt un premier facteur important. La vulgarisation des connaissances psychologiques en est un autre : chacun maintenant conn
1196 arisation des connaissances psychologiques en est un autre : chacun maintenant connaît, au moins sommairement, l’existence
1197 enant connaît, au moins sommairement, l’existence des complexes freudiens, des refoulements, des névroses. Ces nouvelles co
1198 ommairement, l’existence des complexes freudiens, des refoulements, des névroses. Ces nouvelles connaissances ont créé de n
1199 stence des complexes freudiens, des refoulements, des névroses. Ces nouvelles connaissances ont créé de nouvelles exigences
1200 ois donnent l’exemple en abdiquant ou en épousant des stars Mais à côté de ces causes-là, causes aggravantes mais secondair
1201 s-là, causes aggravantes mais secondaires liées à une évolution irréversible de l’Occident, il y a une cause essentielle et
1202 une évolution irréversible de l’Occident, il y a une cause essentielle et séculaire : c’est que tous les adolescents sont
1203 presque inévitable) et en même temps baignés dans une atmosphère romantique, la passion étant l’épreuve suprême, que tout h
1204 sion étant l’épreuve suprême, que tout homme doit un jour connaître, et qu’il appelle secrètement. Pourquoi mariage et pas
1205 ne, l’accoutumance, et que la passion, elle, veut des obstacles qui rendent l’amour plus intense et plus conscient. Le mari
1206 intense et plus conscient. Le mariage, en formant un obstacle idéal à l’amour (avec un autre naturellement), favorise cet
1207 age, en formant un obstacle idéal à l’amour (avec un autre naturellement), favorise cet amour-passion qui se dénoue alors
1208 us figurons qu’elle a toujours existé a, en fait, une date et des origines bien précises. Pendant des siècles, les relation
1209 qu’elle a toujours existé a, en fait, une date et des origines bien précises. Pendant des siècles, les relations entre les
1210 , une date et des origines bien précises. Pendant des siècles, les relations entre les sexes sont restées du domaine de la
1211 ible avec le mariage (qui n’est alors que l’union des corps et des biens). Pour la première fois, l’amour profane emprunte
1212 mariage (qui n’est alors que l’union des corps et des biens). Pour la première fois, l’amour profane emprunte à l’amour sac
1213 sacré son vocabulaire. L’amour devient lui aussi une sorte de religion. Cet « amour courtois » qui contredisait si fort l
1214 rs » naturellement. Le premier troubadour et l’un des plus grands, Guillaume de Poitiers avait séjourné dans le Proche-Orie
1215 s avait séjourné dans le Proche-Orient au cours d’ une croisade et en Espagne où il avait épousé la veuve d’un roi d’Aragon.
1216 isade et en Espagne où il avait épousé la veuve d’ un roi d’Aragon. Aux poètes arabes de l’école de Cordoue, il emprunta le
1217 ons, la forme de l’amour courtois. Le fond, c’est une hérésie chrétienne d’origine orientale, l’hérésie cathare, qui l’a fo
1218 trices et qui auraient pour effet de faire tomber une âme de plus dans un corps vil. La chasteté absolue étant trop diffici
1219 t pour effet de faire tomber une âme de plus dans un corps vil. La chasteté absolue étant trop difficile, les cathares se
1220 hares se bornaient à médire du mariage et à louer des formes d’amour plus ou moins platoniques ! Les troubadours les imitèr
1221 adours les imitèrent. L’amour courtois étant né d’ une hérésie et d’une rhétorique toutes deux orientales, pourquoi cette fo
1222 ent. L’amour courtois étant né d’une hérésie et d’ une rhétorique toutes deux orientales, pourquoi cette forme d’amour est-e
1223 rofondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure des résistances qu’elle rencontre. Et c’est l’Europe catholique et nordiq
1224 e la Méditerranée arabe et latine. Dans la poésie des troubadours, c’est l’éloge de la chasteté, les lois d’amour stricteme
1225 rmet à l’attrait naturel de s’exalter, de devenir une passion. Et c’est le roman de Tristan et Iseut qui restera le prototy
1226 s dans la forêt, ils dorment pourtant séparés par une épée. Enfin, malgré son amour toujours aussi fort pour Iseut aux chev
1227 blanches mains. Le roman de Tristan est en somme une longue suite de séparations et de revoirs successifs des amants. Or l
1228 gue suite de séparations et de revoirs successifs des amants. Or les causes de séparations sont aussi souvent inventées par
1229 est le mythe européen de l’adultère. Qu’est-ce qu’ un mythe ? Un mythe c’est une histoire simple et frappante résumant un n
1230 e européen de l’adultère. Qu’est-ce qu’un mythe ? Un mythe c’est une histoire simple et frappante résumant un nombre infin
1231 ’adultère. Qu’est-ce qu’un mythe ? Un mythe c’est une histoire simple et frappante résumant un nombre infini de situations
1232 e c’est une histoire simple et frappante résumant un nombre infini de situations plus ou moins analogues, permettant de sa
1233 s plus ou moins analogues, permettant de saisir d’ un coup d’œil certains types de relations constantes et de les dégager d
1234 elations constantes et de les dégager du fouillis des apparences quotidiennes. Tristan, c’est un « type » de relations de l
1235 illis des apparences quotidiennes. Tristan, c’est un « type » de relations de l’homme et de la femme dans un groupe histor
1236 ype » de relations de l’homme et de la femme dans un groupe historique donné : la société courtoise du xiie siècle. Ce gr
1237 donc de deux traditions religieuses, c’est-à-dire une décision que nous prenons presque toujours inconsciemment, en faveur
1238 nons presque toujours inconsciemment, en faveur d’ une morale survivante que nous ne savons plus justifier : la morale chrét
1239 hrétienne, l’orthodoxie, qui ne s’appuie plus sur une foi vivante, est devenue la « morale bourgeoise », et le mythe issu d
1240 enue la « morale bourgeoise », et le mythe issu d’ une hérésie spiritualiste (l’hérésie cathare) dont nous avons perdu la cl
1241 ouse insatisfaite et oisive) ; l’adultère devient un sujet de délicates analyses psychologiques ou de plaisanteries vaudev
1242 terrain chaque jour, c’est donc sur les débris d’ un mythe qu’est édifié notre moderne mariage d’amour ? Exactement. Or, s
1243 Exactement. Or, si l’amour romanesque triomphe d’ une quantité d’obstacles, il en est un contre lequel il se brisera presqu
1244 ue triomphe d’une quantité d’obstacles, il en est un contre lequel il se brisera presque toujours : c’est la durée. Et not
1245 ublicité n’arrange pas les choses. Périodiquement un nouveau type de femme « idéale » est proposé à l’admiration des foule
1246 pe de femme « idéale » est proposé à l’admiration des foules, disqualifiant automatiquement l’épouse, si elle ne ressemble
1247 ême supposer que l’homme parvienne à se fixer sur un type, rencontre un jour son Iseut ? Admettons ! Il rencontre cette fe
1248 homme parvienne à se fixer sur un type, rencontre un jour son Iseut ? Admettons ! Il rencontre cette femme, il reconnaît s
1249 Tristan qu’il porte en soi. Mais aussitôt paraît une anxiété dans l’entourage : l’amant comblé va-t-il encore aimer Iseut
1250 paré : on la perd en la possédant. Alors commence une « passion » nouvelle. On s’ingénie à renouveler l’obstacle et le comb
1251 l’obstacle et le combat et voici les « ruses » d’ une passion débile qui cherche à s’entretenir : jalousie désirée, provoqu
1252 chez l’autre seulement — la coquetterie est alors un peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infidèle
1253 u’en l’imaginant sa maîtresse (ou dans les bras d’ un autre). Cet amour-passion de Tristan et Iseut qui se dénouait dans la
1254 t qui se dénouait dans la mort, se dénouera alors un jour ou l’autre dans l’infidélité. Alors, il n’y a pas de solution ?
1255 dérer le mariage. Ne pas essayer de le fonder sur une obsession qu’on subit mais sur une décision qu’on assume. Être amoure
1256 le fonder sur une obsession qu’on subit mais sur une décision qu’on assume. Être amoureux est un état, aimer, un acte. On
1257 sur une décision qu’on assume. Être amoureux est un état, aimer, un acte. On subit un état. On décide un acte. Mais alor
1258 n qu’on assume. Être amoureux est un état, aimer, un acte. On subit un état. On décide un acte. Mais alors, on peut « déc
1259 re amoureux est un état, aimer, un acte. On subit un état. On décide un acte. Mais alors, on peut « décider » d’aimer et
1260 état, aimer, un acte. On subit un état. On décide un acte. Mais alors, on peut « décider » d’aimer et d’épouser n’importe
1261 ple. On arrive alors à cette conclusion : choisir un mari (ou une femme) pour toute la vie, finalement c’est parier. Et il
1262 ve alors à cette conclusion : choisir un mari (ou une femme) pour toute la vie, finalement c’est parier. Et il serait beauc
1263 d’apparences très raisonnables, relève toujours d’ une sorte d’arbitraire dont ils s’engagent à assumer les suites heureuses
1264 heureuses ou non. La fidélité, alors, n’est plus une espèce de conservatisme, de conformisme, c’est un parti pris. Cette
1265 ne espèce de conservatisme, de conformisme, c’est un parti pris. Cette fidélité-décision représentera pour beaucoup une c
1266 ette fidélité-décision représentera pour beaucoup une contrainte exorbitante. Que peut-on en attendre ? Son but n’est pas l
1267 t n’est pas le bonheur, c’est la volonté de faire une œuvre. Dans la plus humble, la plus déshéritée des vies, la promesse
1268 ne œuvre. Dans la plus humble, la plus déshéritée des vies, la promesse de fidélité introduit une chance de faire œuvre, le
1269 ritée des vies, la promesse de fidélité introduit une chance de faire œuvre, le couple devant être considéré comme une œuvr
1270 aire œuvre, le couple devant être considéré comme une œuvre qu’on construit à deux et dont on tâche de faire une œuvre d’ar
1271 qu’on construit à deux et dont on tâche de faire une œuvre d’art. Cette fidélité-là, ce n’est pas seulement de ne pas trom
1272 st pas seulement de ne pas tromper (ce qui serait une preuve d’indigence et non d’amour). C’est vouloir le bien de l’autre
1273 n de l’angoisse, c’est l’acceptation de l’autre : une vie qui m’est alliée pour toute la vie, qui veut mon bien autant que
1274 stera-t-elle à la passion, si elle la rencontre ? Un homme ne peut à la fois croire au mariage — à la volonté — et à la pa
1275 et à la passion — à la fatalité. On aime croire à une « fatalité » — l’alibi de la culpabilité — mais de combien de complai
1276 s de combien de complaisances secrètes se compose une « fatalité » ! En résumé, la grande menace du mariage, c’est la passi
1277 de tous nos malheurs, soit définitivement balayé des consciences occidentales, et la crise du mariage se dénouera d’elle-m
1278 aussi qui le défie, l’anime, l’oblige à redevenir un choix vital et non pas une routine subie : la passion c’est le secret
1279 e, l’oblige à redevenir un choix vital et non pas une routine subie : la passion c’est le secret du mariage vivant. Mon but
1280 serait d’abord bien naïf, puisque la passion est une décision fondamentale, comme le mariage, et non pas une erreur, mais
1281 cision fondamentale, comme le mariage, et non pas une erreur, mais ce serait aussi vouloir supprimer l’un des pôles de notr
1282 reur, mais ce serait aussi vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. Que la passion disparaisse (et le m
1283 rsaire à sa taille) et nous irons tout droit vers une société sans surprise ni drames, disciplinée, normalisée, policée, hy
1284 soit au-delà de l’ordre et qu’il n’appelle alors un autre xiie siècle de l’amour… qui sera peut-être le xxie siècle.
1285 Introduit par cette note : « Tous les couples ont des histoires, même les couples heureux. Ils ont des problèmes, des décep
1286 des histoires, même les couples heureux. Ils ont des problèmes, des déceptions, des inquiétudes… Est-ce inévitable ? Non,
1287 même les couples heureux. Ils ont des problèmes, des déceptions, des inquiétudes… Est-ce inévitable ? Non, affirme Denis d
1288 s heureux. Ils ont des problèmes, des déceptions, des inquiétudes… Est-ce inévitable ? Non, affirme Denis de Rougemont dans
1289 dans L’Amour et l’Occident (Collection 10/18), un livre passionnant qui étudie et qui explique pourquoi les hommes et l
1290 leur vie conjugale. En effet, tout le mal vient d’ un monstrueux contresens qui consiste à fonder le mariage sur la passion
1291 xiie siècle — elle n’en est pas moins elle aussi une “importation”, non une fatalité. D’où vient-elle ? Qui l’a introduite
1292 n est pas moins elle aussi une “importation”, non une fatalité. D’où vient-elle ? Qui l’a introduite en France ? Comment l’
8 1963, Articles divers (1963-1969). Une interview de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle des centres culturels internationaux (16 novembre 1963)
1293 Une interview de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle des centres c
1294 iew de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle des centres culturels internationaux (16 novembre 1963)i À la suite de
1295 M. Denis de Rougemont a bien voulu nous accorder un entretien au cours duquel nous lui avons posé quelques questions qui
1296 péennes », vous avez mentionné l’urgence de créer des centres internationaux culturels, au niveau des élites, afin d’établi
1297 r des centres internationaux culturels, au niveau des élites, afin d’établir la compréhension entre les peuples. Existe-t-i
1298 union, il a été décidé de former de tels centres, un peu partout dans le monde. Quelques-uns sont déjà constitués, notamme
1299 ui de Hammamet en Tunisie, pour le Maghreb arabe. Un autre se trouve à Madras, au sud de l’Inde, présidé par le Maharajah
1300 ud de l’Inde, présidé par le Maharajah de Mysore. Un Centre vient de se créer à Lagos, capitale du Nigéria, et l’on projet
1301 xistants, ainsi que ceux à créer par la suite, en une fédération ayant pour siège Genève. Nous encourageons les centres à p
1302 e Genève. Nous encourageons les centres à publier des ouvrages de base, traduits en plusieurs langues. Ces ouvrages doivent
1303 lusieurs langues. Ces ouvrages doivent constituer une synthèse de la culture propre à chaque pays ou continent. Notre civil
1304 Évidemment cela n’ira pas tout seul. Il y a tout un travail d’éducation à effectuer. Sous ce rapport, il est intéressant
1305 remarquable de l’édition dite « de poche ». C’est un excellent moyen de développement culturel. Aux États-Unis, par exempl
1306 livres ont été vendus en 1960, ce qui représente une moyenne d’un million par jour ! L’entretien a pris fin. Denis de Roug
1307 é vendus en 1960, ce qui représente une moyenne d’ un million par jour ! L’entretien a pris fin. Denis de Rougemont s’apprê
1308 icacer quelques-uns de ses livres, parmi lesquels un ouvrage publié par une édition « de poche » précisément. Nous vous la
1309 ses livres, parmi lesquels un ouvrage publié par une édition « de poche » précisément. Nous vous laissons le soin de le dé
9 1964, Articles divers (1963-1969). L’idée européenne en Suisse (1964)
1310 leurs « libertés » et les dégagent de la tutelle des grands dynastes voisins, c’est à cause de leur position particulière
1311 dissout en États souverains et devient finalement un État comme les autres. Du moins les Ligues conservent-elles le princi
1312 ue leurs guerres font rage sur tout le continent, des voix suisses vont s’élever au nom de ce principe, pour rappeler que l
1313 uvernement de Pologne (1772), moins connue mais d’ un intérêt considérable pour le lecteur d’aujourd’hui. Comme dans le Con
1314 me dans le Contrat social, il s’y fait l’avocat d’ une confédération de nos pays inspirée de celle du « corps germanique »,
1315 e celle du « corps germanique », ou Saint-Empire, des états généraux de Hollande, et de la « Ligue helvétique ». L’Europe u
1316 pelle de ses vœux ne serait nullement unifiée par un despote ou par une idéologie, elle devrait être en somme une Europe d
1317 ne serait nullement unifiée par un despote ou par une idéologie, elle devrait être en somme une Europe des cités (ou des co
1318 ou par une idéologie, elle devrait être en somme une Europe des cités (ou des communes), formée de très petits États « où
1319 idéologie, elle devrait être en somme une Europe des cités (ou des communes), formée de très petits États « où tous les ci
1320 le devrait être en somme une Europe des cités (ou des communes), formée de très petits États « où tous les citoyens se conn
1321 sent mutuellement », mais qu’unissent les liens d’ une « commune législation… et subordination au corps de la république ».
1322 subordination au corps de la république ». C’est une Europe intégralement fédéraliste qu’il préconise, et son module (élém
1323 lyse, n’être rien d’autre que la cité de Genève ! Un peu plus tard, le Schaffhousois Jean de Müller, dans sa Vue générale
1324 États de l’Europe courent à leur ruine » faute d’ un principe d’union, et que si leurs divisions persistent, l’avenir appa
1325 de Staël est suisse dans la mesure où elle ouvre des perspectives européennes, soit par son action personnelle à Coppet, o
1326 nos diverses nations se lient d’amitié, soit par des livres comme De l’Allemagne, qui rétablissent la circulation internat
1327 e, qui rétablissent la circulation internationale des idées, malgré les jacobins et le Premier Empire. Benjamin Constant n’
1328 est la mort. » Au même moment, la Sainte-Alliance des rois donne une base et une finalité expressément européenne à la neut
1329 Au même moment, la Sainte-Alliance des rois donne une base et une finalité expressément européenne à la neutralité de la Su
1330 nt, la Sainte-Alliance des rois donne une base et une finalité expressément européenne à la neutralité de la Suisse indépen
1331 t tandis que se forment dans le reste de l’Europe des nations unitaires sur le modèle français, promises aux guerres nation
1332 une Europe », et que le général Garibaldi préside un Congrès de la paix par l’unité européenne, auquel Hugo envoie un mess
1333 a paix par l’unité européenne, auquel Hugo envoie un message enflammé (Genève, 1864). Proudhon s’est peut-être souvenu de
1334 tre souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typographe) en écrivant son grand livre posthume, Du Principe f
1335 Principe fédératif ; mais il est bien certain qu’ un de ses contemporains, J. C. Bluntschli, célèbre professeur à Heidelbe
1336 édéraliste suisse en rédigeant son Organisation d’ une société d’États européens (1879). Auteur du Code civil de son canton
1337 a « nationalité suisse possède au plus haut degré un caractère très international », et c’est ce type d’union pluraliste,
1338 ent fédéraliste, qui lui paraît destiné à assurer un jour la paix en Europe. « Si cet idéal de l’avenir se réalise un jour
1339 en Europe. « Si cet idéal de l’avenir se réalise un jour, écrit-il en 1875, la nationalité suisse devra s’incorporer à la
1340 le projet très précis du juriste zurichois reste une des hypothèses de travail les plus fécondes dont les constituants de
1341 projet très précis du juriste zurichois reste une des hypothèses de travail les plus fécondes dont les constituants de l’Eu
1342 n de la guerre. À Hertenstein, en septembre 1946, des militants issus de la Résistance de plusieurs pays, réunis avec les d
1343 unis avec les dirigeants d’Europa-Union, rédigent une déclaration qui va servir de base à la création de l’Union européenne
1344 ervir de base à la création de l’Union européenne des fédéralistes. Celle-ci, qui groupe rapidement une vingtaine de mouvem
1345 des fédéralistes. Celle-ci, qui groupe rapidement une vingtaine de mouvements nationaux, et plus de 100 000 membres, tient
1346 du congrès de Montreux que germe l’idée de réunir des états généraux de l’Europe sous la présidence de Churchill, — dont le
1347 ours appelant les peuples du continent à former «  une sorte de lien fédéral » a été prononcé à Zurich un an plus tôt. Cette
1348 e sorte de lien fédéral » a été prononcé à Zurich un an plus tôt. Cette idée aussitôt adoptée par les leaders de l’UEF con
1349 uté du charbon et de l’acier, tentative avortée d’ une communauté de défense, puis réussite du Marché commun des Six et répl
1350 unauté de défense, puis réussite du Marché commun des Six et réplique des Sept de l’AELE, essor de l’économie européenne, d
1351 uis réussite du Marché commun des Six et réplique des Sept de l’AELE, essor de l’économie européenne, discussion généralisé
1352 congrès de La Haye ayant préconisé la création d’ un Centre européen de la culture, celui-ci s’organise à Genève et convoq
1353 celui-ci s’organise à Genève et convoque aussitôt une grande conférence qui se tient à Lausanne, au mois de décembre 1949.
1354 u CERN, la Fondation européenne de la culture, et une série d’initiatives groupant des instituts universitaires, des festiv
1355 e la culture, et une série d’initiatives groupant des instituts universitaires, des festivals de musique, des éditeurs, édu
1356 nitiatives groupant des instituts universitaires, des festivals de musique, des éditeurs, éducateurs, historiens, sociologu
1357 stituts universitaires, des festivals de musique, des éditeurs, éducateurs, historiens, sociologues, économistes, spécialis
1358 istoriens, sociologues, économistes, spécialistes des cultures d’outre-mer, etc. La première « chaire européenne » a été cr
1359 été créée en 1957 par l’Université de Lausanne et un centre de recherches lui a été adjoint tôt après. Genève a suivi en o
1360 été adjoint tôt après. Genève a suivi en ouvrant un Institut d’études européennes en 1963. Une nouvelle conférence europé
1361 ouvrant un Institut d’études européennes en 1963. Une nouvelle conférence européenne de la culture, sur le thème « L’Europe
1362 l’idée européenne semble avoir trouvé parmi nous un climat favorable et un terrain fertile. Rousseau, Benjamin Constant,
1363 le avoir trouvé parmi nous un climat favorable et un terrain fertile. Rousseau, Benjamin Constant, Jean de Müller, déjà ci
1364 Reynold auteur de Formation de l’Europe, méritent une place de choix dans toute anthologie de l’idée européenne. C’est en S
1365 légale ? Et que pensaient les Suisses moyens ? ⁂ Des lendemains de la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux environs de 1960,
1366 perdu ! Ça ne se fera jamais ! » Je me souviens d’ un débat devant le micro en février 1953, au cours duquel un de nos plus
1367 devant le micro en février 1953, au cours duquel un de nos plus célèbres professeurs de sciences politiques déclara au su
1368 ransports, notamment. Je me vis dans l’obligation un peu gênante de rappeler que le premier passage à la frontière franco-
1369 premier passage à la frontière franco-allemande d’ un train de charbon libre de droits de douane était fixé au lendemain ma
1370 e de la Suisse allemande : elle relevait en effet des affaires « étrangères », plutôt mal vues à cause de l’adjectif. Notre
1371 d’association au Marché commun prit pour certains une allure de Canossa sans agenouillement, donc sans pardon. Et notre arr
1372 contraire à cette neutralité. La Suisse recevrait des ordres d’un pouvoir extérieur, et c’en serait fait du « rôle particul
1373 ette neutralité. La Suisse recevrait des ordres d’ un pouvoir extérieur, et c’en serait fait du « rôle particulier » qu’ell
1374 le (Croix-Rouge) ou diplomatique (représentations des intérêts d’autres pays en conflit, bons offices lors de la guerre d’A
1375 ments constitutionnels. — Si la Suisse adhérait à une union supranationale, le pouvoir fédéral serait amené à promulguer de
1376 ale, le pouvoir fédéral serait amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des cantons. Le droit d’ét
1377 er des décisions qui sont actuellement du ressort des cantons. Le droit d’établissement, la législation du travail, le régi
1378 — par exemple — devraient être uniformisés selon des directives « européennes ». Ce serait contraire à notre Constitution.
1379 jusqu’ici sans subordonner son économie à celle d’ un groupe de nations européennes. Elle tient à garder libres ses échange
1380 donc pas payante. Arguments traditionalistes. — Des représentants de l’industrie, et quelquefois de la culture, croient d
1381 oient distinguer dans les projets d’Europe unie «  une politique d’unification qui vise à mêler les peuples d’Europe pour él
1382 caractéristiques nationales et les remplacer par un sentiment européen », ainsi que le déclarait le 3 mai 1962 M. Homberg
1383 quent les partisans de l’entrée de la Suisse dans une Europe unie ou fédérée. Arguments politiques. — La neutralité suisse
1384 intérieures l’ont contrainte à se retirer du jeu des puissances militaires. La neutralité n’a jamais été qu’un moyen au se
1385 ances militaires. La neutralité n’a jamais été qu’ un moyen au service de notre indépendance ; « elle ne fait pas partie de
1386 a permis les interventions de la Croix-Rouge lors des conflits européens et celles de la diplomatie suisse lors de la guerr
1387 suisse lors de la guerre d’Algérie, l’existence d’ une Europe unie eût peut-être été capable, elle, de prévenir ces crises,
1388 Puissances garantirent en 1815. Si elle en vient un jour à s’opposer aux intérêts de l’Europe entière, on s’apercevra qu’
1389 URSS ou la Chine de l’autre, c’est d’abord opérer un coup d’État contre notre statut présent de neutralité, et c’est absur
1390 tionnels. — Le prof. Paul Guggenheim a démontré d’ une manière magistrale que l’adhésion de la Suisse à une organisation eur
1391 manière magistrale que l’adhésion de la Suisse à une organisation européenne telle que la CEE ne serait pas incompatible a
1392 hé commun, elle ne saurait justifier ce refus par des motifs juridiques et des prétextes tirés de la « démocratie directe »
1393 t justifier ce refus par des motifs juridiques et des prétextes tirés de la « démocratie directe », mais uniquement par des
1394 de la « démocratie directe », mais uniquement par des motifs politiques, qu’elle reste libre d’avancer18. Et ceci nous renv
1395 exemple, nos importations proviennent pour 65,3 % des Six, pour 13,4 % des Sept, pour 21,3 % du reste du monde. De nos expo
1396 ions proviennent pour 65,3 % des Six, pour 13,4 % des Sept, pour 21,3 % du reste du monde. De nos exportations, deux tiers
1397 800 000 en 1963. Que peuvent bien signifier, dans une telle conjoncture, les rêveries des experts fédéraux qui, sans oser p
1398 gnifier, dans une telle conjoncture, les rêveries des experts fédéraux qui, sans oser prôner une autarcie plus impossible e
1399 veries des experts fédéraux qui, sans oser prôner une autarcie plus impossible encore chez nous qu’ailleurs, n’en affirment
1400 lleurs, n’en affirment pas moins que s’il le faut un jour, la Suisse fara da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes
1401 es plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas avec des longues piques, des crampons de fer aux pieds et une résolution farou
1402 Morgarten. Ce n’est pas avec des longues piques, des crampons de fer aux pieds et une résolution farouche, que nous pourro
1403 longues piques, des crampons de fer aux pieds et une résolution farouche, que nous pourrons faire face à une Europe unie,
1404 solution farouche, que nous pourrons faire face à une Europe unie, — j’entends unie sans nous et malgré nous. Arguments tr
1405 s. Arguments traditionalistes. — Il est clair qu’ une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pour la Suisse.
1406 traditionalistes. — Il est clair qu’une Europe «  une et indivisible » serait une catastrophe pour la Suisse. Mais personne
1407 clair qu’une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la préconise, en réalité
1408 conise, en réalité. Il est clair, en revanche, qu’ une Europe fédérée, donc respectueuse de ses diversités comme nous des nô
1409 e, donc respectueuse de ses diversités comme nous des nôtres, s’accorderait avec la vocation traditionnelle de la Suisse. M
1410 es cantonales. Et il est pour le moins bizarre qu’ un porte-parole des industriels suisses accuse la « politique d’unificat
1411 t il est pour le moins bizarre qu’un porte-parole des industriels suisses accuse la « politique d’unification » de vouloir
1412 er. Si M. Homberger croit vraiment que le mélange des peuples est un danger majeur pour son pays, il n’a pas le droit d’en
1413 ger croit vraiment que le mélange des peuples est un danger majeur pour son pays, il n’a pas le droit d’en conclure au ref
1414 cause directe du « mal » en question, si c’en est un . Mais il y a plus. Les traits typiques de ce pays ont changé avec les
1415 encore, à l’étranger, le nom de la Suisse évoque des vaches et des vachers, des fromages, des yodleurs et de gras pâturage
1416 tranger, le nom de la Suisse évoque des vaches et des vachers, des fromages, des yodleurs et de gras pâturages. En fait, ce
1417 om de la Suisse évoque des vaches et des vachers, des fromages, des yodleurs et de gras pâturages. En fait, cette « caracté
1418 e évoque des vaches et des vachers, des fromages, des yodleurs et de gras pâturages. En fait, cette « caractéristique natio
1419 cette « caractéristique nationale » n’en est plus une depuis longtemps. Vers 1900 déjà, les Suisses vivant de l’agriculture
1420 vivant de l’agriculture ne représentaient plus qu’ un tiers de la population totale. En 1963, c’est 10,5 %. On peut le dépl
1421 era rien. (À moins que notre isolement n’entraîne un retour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’est pas la Suisse
1422 on de l’Europe unie, sous prétexte de sauvegarder des « caractéristiques » déjà perdues, c’est probablement refuser au nom
1423 déjà perdues, c’est probablement refuser au nom d’ un mythe passéiste le seul moyen de sauver la Suisse réelle. Ou c’est co
1424 . Ou c’est courir à l’aventure certaine, au nom d’ une prudence aveugle, et sous le prétexte d’une « indépendance » dont not
1425 nom d’une prudence aveugle, et sous le prétexte d’ une « indépendance » dont notre peuple n’est pas disposé plus qu’un autre
1426 nce » dont notre peuple n’est pas disposé plus qu’ un autre à payer le prix exorbitant. ⁂ Tels étant les termes du débat qu
1427 ai toujours milité — il faut bien reconnaître que des deux côtés, une sorte de gêne empêche d’aller en toute franchise au b
1428 té — il faut bien reconnaître que des deux côtés, une sorte de gêne empêche d’aller en toute franchise au bout des argument
1429 en toute franchise au bout des arguments, au fond des choses. Elle s’explique peut-être en partie par nos coutumes fédérali
1430 te à fond et qu’on ne se laisse pas entraîner par une verve logique ou polémique qui risquerait de paraître peu réaliste, v
1431 eutralité : c’est devenu, dans la Suisse moderne, un crime de lèse-majesté. Personne n’ose donc crier trop fort, et c’est
1432 rès clair — mon utopie — est que la Suisse adhère un jour à une union européenne de type expressément fédéraliste, qui ren
1433 — mon utopie — est que la Suisse adhère un jour à une union européenne de type expressément fédéraliste, qui renoncerait à
1434 ui renoncerait à la guerre comme moyen politique. Une telle Europe reprendrait à son compte ce qui demeure valable et même
1435 alable et même indispensable dans la neutralité d’ une fédération. Mais il n’y a aucune chance qu’on nous offre cela, si nou
1436 nne paraît tourner chez nous autour de la défense des intérêts particuliers de la Suisse. Je diffère dans ce domaine de la
1437 ns ce domaine de la majorité. Certes, je crois qu’ une Europe fédérée sauverait seule à long terme nos chères diversités et
1438 européen. Mais quand j’aurais tort sur ce point, un autre aspect non moins important du problème resterait posé hic et nu
1439 tant que Suisses, et comme État qui entend garder une raison d’être. Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à don
1440 auver ; ce que l’Europe est en droit d’attendre d’ une Suisse qui fait partie de sa communauté et qui en est bénéficiaire, e
1441 e nous attendons et surtout redoutons de l’action des autres. Situés au cœur géographique et historique du continent europé
1442 n son nom, nous nous devons dorénavant de prendre des initiatives. Initiatives pacifiques, je dis bien, dans l’esprit qui e
1443 saurait croire à la seule force comme accoucheuse des sociétés, et gardera toujours un œil sur la neutralité étendue à l’Eu
1444 mme accoucheuse des sociétés, et gardera toujours un œil sur la neutralité étendue à l’Europe. Aux deux solutions en prése
1445 et pratique négative, quand nous avons à proposer une expérience passionnante, remarquablement positive et tellement opport
1446 i cette timidité ? L’histoire n’est pas faite par des gens qui défendent leur position, mais bien par ceux qui créent des p
1447 dent leur position, mais bien par ceux qui créent des positions nouvelles. Ce que l’Europe et le monde attendent de nous, c
1448 attendent de nous, ce n’est pas l’exposé lassant des raisons de notre « réserve » devant tout ce que d’autres proposent, m
1449 devant tout ce que d’autres proposent, mais c’est un plan d’union qui nous convienne et auquel nous puissions adhérer « sa
1450 rchés, les plus grandes unions, l’interdépendance des pays et les échanges intensifiés, la Suisse doit enfin déclarer une a
1451 hanges intensifiés, la Suisse doit enfin déclarer une attitude constructive, au-delà du philanthropisme en fin de compte in
1452 té », conférence au congrès de l’Union européenne des fédéralistes de Suisse, le 25 novembre 1962. M. Miéville précise : « 
1453 rappelais au début de cet article que c’est pour une mission spéciale, la garde du Gothard dans les intérêts de l’Empire e
1454 et neutralité de la Suisse, Bâle, Société suisse des juristes, 1963. l. Rougemont Denis de, « L’idée européenne en Suiss
10 1964, Articles divers (1963-1969). Les arts dans la vie en Suisse (1964)
1455 ie en Suisse (1964)n La plus belle œuvre d’art des Suisses est d’avoir fédéré librement leurs vingt-deux États souverain
1456 n catholique et l’autre protestant ; l’un qui est une ville moderne, l’autre une vallée des Alpes ; ici l’on parle un diale
1457 testant ; l’un qui est une ville moderne, l’autre une vallée des Alpes ; ici l’on parle un dialecte allemand, là le françai
1458 ’un qui est une ville moderne, l’autre une vallée des Alpes ; ici l’on parle un dialecte allemand, là le français, ailleurs
1459 ne, l’autre une vallée des Alpes ; ici l’on parle un dialecte allemand, là le français, ailleurs encore l’italien, ou le r
1460 l’inégalité de l’étendue, du nombre d’habitants, des ressources matérielles et du mode de vie traditionnel. Mais cette réu
1461 es. Elle exclut, par définition, la possibilité d’ une culture nationale et uniforme, d’un marché national des lettres et de
1462 ossibilité d’une culture nationale et uniforme, d’ un marché national des lettres et des arts, et d’une grande capitale int
1463 lture nationale et uniforme, d’un marché national des lettres et des arts, et d’une grande capitale intellectuelle. Le peti
1464 et uniforme, d’un marché national des lettres et des arts, et d’une grande capitale intellectuelle. Le petit Appenzellois
1465 ’un marché national des lettres et des arts, et d’ une grande capitale intellectuelle. Le petit Appenzellois et le petit Gen
1466 D’autre part, les vertus civiques sans lesquelles une solide fédération n’aurait jamais pu s’agencer et n’aurait pas duré l
1467 rbulence intellectuelle indispensable à l’essor d’ une carrière prestigieuse ou d’une école qui impose un style. Le sens du
1468 nsable à l’essor d’une carrière prestigieuse ou d’ une école qui impose un style. Le sens du compromis, la réserve prudente
1469 e carrière prestigieuse ou d’une école qui impose un style. Le sens du compromis, la réserve prudente dans l’expression de
1470 ession de la pensée s’il s’agit d’autre chose que des grands lieux communs mainteneurs d’une communauté, font la force prin
1471 chose que des grands lieux communs mainteneurs d’ une communauté, font la force principale d’un régime fédéral mais la faib
1472 eurs d’une communauté, font la force principale d’ un régime fédéral mais la faiblesse des mouvements novateurs en art et e
1473 principale d’un régime fédéral mais la faiblesse des mouvements novateurs en art et en littérature. Mosaïque de compartime
1474 la Suisse se verrait condamnée à ne produire que des œuvres moyennes ou d’intérêt purement local et folklorique si chacun
1475 rdent le privilège de participer de plein droit à des ensembles bien plus vastes que la Suisse : culture germanique ou cult
1476 re latine, tradition réformée ou romaine, ouvrant des horizons continentaux. Entre le petit compartiment où ils sont nés et
1477 s’il monte sur la montagne… Alors, cette ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacle devant la pen
1478 rmaine de Staël. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. » C’est ainsi qu
1479 si que les Suisses ont donné à l’Europe plusieurs des plus grands noms du xxe siècle : Ferdinand de Saussure pour la lingu
1480 a ? Eh bien, ils peuvent se prévaloir en Suisse d’ un Arthur Honegger pour la musique, d’un Spitteler et d’un Ramuz pour la
1481 en Suisse d’un Arthur Honegger pour la musique, d’ un Spitteler et d’un Ramuz pour la littérature, d’un Hodler et d’un Paul
1482 hur Honegger pour la musique, d’un Spitteler et d’ un Ramuz pour la littérature, d’un Hodler et d’un Paul Klee pour la pein
1483 un Spitteler et d’un Ramuz pour la littérature, d’ un Hodler et d’un Paul Klee pour la peinture, d’un Alberto Giacometti po
1484 d’un Ramuz pour la littérature, d’un Hodler et d’ un Paul Klee pour la peinture, d’un Alberto Giacometti pour la sculpture
1485 d’un Hodler et d’un Paul Klee pour la peinture, d’ un Alberto Giacometti pour la sculpture, d’un Dürrenmatt et d’un Max Fri
1486 ure, d’un Alberto Giacometti pour la sculpture, d’ un Dürrenmatt et d’un Max Frisch pour le théâtre, d’un chef d’orchestre
1487 iacometti pour la sculpture, d’un Dürrenmatt et d’ un Max Frisch pour le théâtre, d’un chef d’orchestre comme Ernest Anserm
1488 Dürrenmatt et d’un Max Frisch pour le théâtre, d’ un chef d’orchestre comme Ernest Ansermet, d’un historien de l’art comme
1489 e, d’un chef d’orchestre comme Ernest Ansermet, d’ un historien de l’art comme Wölfflin. Sans oublier le grand clown que fu
1490 almarès plus qu’honorable ne suffit pas à définir un style ni une école particulière, mais il suppose un climat de culture
1491 qu’honorable ne suffit pas à définir un style ni une école particulière, mais il suppose un climat de culture d’une densit
1492 style ni une école particulière, mais il suppose un climat de culture d’une densité probablement très supérieure à celle
1493 ticulière, mais il suppose un climat de culture d’ une densité probablement très supérieure à celle qu’on pourrait mesurer d
1494 elle tranche de cinq à six millions d’habitants d’ un très grand pays. Or, dans le domaine de la culture, la densité vaut s
1495 ité vaut souvent la grandeur. On compte en Suisse une université pour 750 000 habitants, contre une pour deux à trois milli
1496 sse une université pour 750 000 habitants, contre une pour deux à trois millions dans les autres pays d’Europe. Faut-il met
1497 n avec l’indice Nobel — qui indique la proportion des prix décernés pour les sciences par million d’habitants d’un pays, de
1498 ernés pour les sciences par million d’habitants d’ un pays, de 1901 à 1961 — et qui atteint le maximum de 2,62 pour la Suis
1499 mark, deuxième sur la liste, étant de 1,43, celui des États-Unis de 0,4, et celui de la Russie puis de l’URSS de 0,03 ? Il
1500 t de grands avantages culturels, et la Suisse est une grappe de pays minuscules… Mais les trop petites dimensions ont aussi
1501 un dans son coin veut tout faire et ne dispose ni des moyens ni d’un public suffisant. Nos facultés des sciences comme nos
1502 veut tout faire et ne dispose ni des moyens ni d’ un public suffisant. Nos facultés des sciences comme nos troupes de théâ
1503 des moyens ni d’un public suffisant. Nos facultés des sciences comme nos troupes de théâtre, nos revues comme nos écoles d’
1504 et s’en nourrir, au lieu de s’y laisser dissoudre une à une. La santé des arts et des lettres, dans nos cantons, est donc l
1505 n nourrir, au lieu de s’y laisser dissoudre une à une . La santé des arts et des lettres, dans nos cantons, est donc liée au
1506 lieu de s’y laisser dissoudre une à une. La santé des arts et des lettres, dans nos cantons, est donc liée au vrai fédérali
1507 laisser dissoudre une à une. La santé des arts et des lettres, dans nos cantons, est donc liée au vrai fédéralisme, qui n’e
1508 clocher, ni l’abandon à l’uniformité imposée par une mode étrangère. Cette condition de la culture en Suisse, cette nécess
1509 ilà ce qui me paraît digne de retenir l’attention des visiteurs de la section « Les arts dans la vie ». Ils y verront peut-
1510 « Les arts dans la vie ». Ils y verront peut-être une préfigure de l’Europe à venir, cherchant l’union de ses peuples au bé
11 1964, Articles divers (1963-1969). De la marche / De l’échec (1964)
1511 Suisse, où je subissais l’entraînement intensif d’ une école d’officiers ; et comme un chagrin très amer m’occupait entièrem
1512 ement intensif d’une école d’officiers ; et comme un chagrin très amer m’occupait entièrement le cœur, je trouvais à l’arm
1513 rouvais à l’armée ce que d’autres vont demander à une retraite conventuelle. Cette circonstance peut expliquer pourquoi cer
1514 tte circonstance peut expliquer pourquoi certains des incidents de la vie militaire, qui n’étaient que routine aux yeux de
1515 de mes instructeurs, m’apparurent tout chargés d’ un sens qui dépassait de beaucoup leur portée immédiate et l’intention d
1516 n du règlement. J’accueillais toute épreuve comme une leçon, et toute leçon comme un symbole. La personnalité exceptionnell
1517 ute épreuve comme une leçon, et toute leçon comme un symbole. La personnalité exceptionnelle, et par là même impopulaire,
1518 ositions du moment. Le colonel de P. cachait sous des manies, qui le faisaient passer pour un original, une véritable origi
1519 ait sous des manies, qui le faisaient passer pour un original, une véritable originalité d’allure et d’âme. Il parlait peu
1520 manies, qui le faisaient passer pour un original, une véritable originalité d’allure et d’âme. Il parlait peu, mais l’éléga
1521 rru qu’on tient pour énergique dans les casernes, une indépendance d’esprit qui chez un officier plus jeune n’eût pas manqu
1522 les casernes, une indépendance d’esprit qui chez un officier plus jeune n’eût pas manqué d’être taxée d’insolence ou d’hu
1523 mes, où il était de mise de ne pas aimer ce chef. Un jour, à peine entré dans notre salle de cours, il nous posa cette que
1524 os essais de formulation scolaire, interrompant d’ un geste bref ceux qui s’annonçaient encore pour répondre, il scanda : «
1525 it de réveiller. » Puis il sortit. Ce n’était pas une définition, c’était plus grave : nous comprîmes tous que quelque chos
1526 complet. La deuxième marche fut de 70 kilomètres, une semaine plus tard. Et ce n’était qu’une préparation pour la « grande
1527 lomètres, une semaine plus tard. Et ce n’était qu’ une préparation pour la « grande course » finale : 150 kilomètres par-des
1528 te-trois heures. Pour la plupart des officiers et des élèves de l’école, la perspective de la « grande course » était un su
1529 ole, la perspective de la « grande course » était un sujet permanent d’irritation et de protestations : « Il nous fera tou
1530 i-voix quand passait le colonel, toujours suivi d’ un grand chien blanc. On répétait qu’une troupe moderne se déplace en ca
1531 ours suivi d’un grand chien blanc. On répétait qu’ une troupe moderne se déplace en camion ou en train et que ces marches ne
1532 ifs ? Il concevait l’armée en général, et celle d’ un pays neutre plus qu’une autre, comme l’instrument d’éducation de cert
1533 mée en général, et celle d’un pays neutre plus qu’ une autre, comme l’instrument d’éducation de certaines énergies déprimées
1534 épreuve « inutile » à notre école, il poursuivait un but précis. Il voulait nous laisser le souvenir d’avoir une fois au m
1535 vie accompli quelque chose d’excessif, et fourni un effort qui dépassât de beaucoup le maximum que nous pensions pouvoir
1536 ns pouvoir tirer de nous. Il était de la nature d’ un tel projet que ses motifs ne fussent point divulgués, mais en même te
1537 de P. nous laissait faire de sa « Grande course » un mythe, avec tout ce que le mythe comporte d’effrayant et de contraign
1538 son. Tout cela faisait partie, comme on le verra, des conditions nécessaires au succès, et aux leçons que devait illustrer
1539 serait de 25 kilomètres, et devait nous porter d’ un bond jusqu’au lac Noir. De là, nous gravirions les pentes des Préalpe
1540 qu’au lac Noir. De là, nous gravirions les pentes des Préalpes, puis nous longerions la vallée qui monte lentement jusqu’au
1541 faudrait franchir les Alpes pendant la nuit, par un col escarpé dans les rochers ; l’aube se lèverait sur le Valais, et c
1542 it sur le Valais, et ce serait la dernière étape, une longue dégringolade de deux-mille mètres à travers les alpages dénudé
1543 de châtaigniers, et finalement dans la poussière des chemins de vigne, jusqu’aux pavés de la vieille ville de Sion. Nous m
1544 s de la vieille ville de Sion. Nous marchions sur une route asphaltée, — une file à gauche, une file à droite — notre vieux
1545 e Sion. Nous marchions sur une route asphaltée, —  une file à gauche, une file à droite — notre vieux colonel en tête, maigr
1546 ons sur une route asphaltée, — une file à gauche, une file à droite — notre vieux colonel en tête, maigre silhouette aux ja
1547 s dans ses bandes molletières grises. L’air vif d’ une aube automnale nous grisait, mal réveillés encore, et parlant peu. Le
1548 ieurs en profitaient pour rajuster minutieusement une courroie du paquetage, le pli d’un sous-vêtement ou d’une chaussette,
1549 inutieusement une courroie du paquetage, le pli d’ un sous-vêtement ou d’une chaussette, un clou de soulier perçant un peu
1550 roie du paquetage, le pli d’un sous-vêtement ou d’ une chaussette, un clou de soulier perçant un peu la semelle — détails in
1551 e, le pli d’un sous-vêtement ou d’une chaussette, un clou de soulier perçant un peu la semelle — détails infimes et insens
1552 t ou d’une chaussette, un clou de soulier perçant un peu la semelle — détails infimes et insensibles au départ, qui se rév
1553 se révèlent à longueur de marche, causant d’abord une légère irritation, puis une blessure, et forçant finalement à l’aband
1554 rche, causant d’abord une légère irritation, puis une blessure, et forçant finalement à l’abandon de la course, si l’on n’y
1555 rt. La route montait maintenant vers le lac Noir. Une auberge blanche à toit rouge, dans un jardin au bord de l’eau, marqua
1556 lac Noir. Une auberge blanche à toit rouge, dans un jardin au bord de l’eau, marquait la fin de la première étape. Nous n
1557 in de la première étape. Nous nous assîmes devant une collation — pain, beurre, confiture et café — servie sur de longues t
1558 e marche sur route nous laissaient aussi frais qu’ une promenade. Et tout d’un coup je découvris ceci : Quand on part pour u
1559 aissaient aussi frais qu’une promenade. Et tout d’ un coup je découvris ceci : Quand on part pour une marche de deux heures
1560 d’un coup je découvris ceci : Quand on part pour une marche de deux heures, la fatigue vient au bout d’une heure. Quand on
1561 marche de deux heures, la fatigue vient au bout d’ une heure. Quand on part pour une marche de cinq heures, on se met à traî
1562 gue vient au bout d’une heure. Quand on part pour une marche de cinq heures, on se met à traîner les pieds après la troisiè
1563 t dures. Mais si le corps s’est disposé à fournir un effort de trente-trois heures, les cinq premières n’étant qu’une mise
1564 rente-trois heures, les cinq premières n’étant qu’ une mise en train, ne fatiguent pas. L’organisme, tout simplement, ne se
1565 e nécessaire au succès de l’entreprise. L’appel d’ un but lointain dégage ainsi des forces ordinairement insoupçonnées par
1566 ntreprise. L’appel d’un but lointain dégage ainsi des forces ordinairement insoupçonnées par celui qui se bornait à de cour
1567 la facilité avec laquelle nous venions de couvrir une étape de 25 kilomètres. Mais à son tour, cet entraînement n’avait été
1568 remière étape à la Jeunesse. Car la vraie force d’ un homme jeune ne vient-elle pas de ce qu’il imagine un très long temps
1569 homme jeune ne vient-elle pas de ce qu’il imagine un très long temps de marche devant lui, et certains objectifs qui, peut
1570 ps et l’âme en alerte constante se préparent pour une course de fond et, c’est ce qui définit, biologiquement et moralement
1571 emps jeunes ceux qui gardent longtemps devant eux des buts grands et lointains. Et c’est pourquoi le créateur vieillit moin
1572 la quarantaine poindra l’angoisse de n’avoir plus un temps illimité pour rejoindre ses rêves ou sa vision. Beaucoup choisi
1573 ision. Beaucoup choisissent alors de se réduire à des objectifs accessibles. Et aussitôt, les forces en réserve — à l’arriè
1574 erve — à l’arrière, mais pour l’avenir — marquent un temps d’hésitation : c’est qu’on n’exige plus autant d’elles, et c’es
1575 r voir plus grand et plus loin ; d’où peut naître une seconde jeunesse dont on se sentira maître et dispensateur, tandis qu
1576 ravissions maintenant les flancs à l’herbe rase d’ une montagne en forme de lion couché. Je me souviens de l’élasticité du s
1577 ion couché. Je me souviens de l’élasticité du sol un peu glissant sous nos semelles cloutées, et de l’alacrité de l’air al
1578 is l’attrait du sommet qu’on distinguait derrière des épaulements sans cesse renaissants produisait dans nos muscles et not
1579 ants produisait dans nos muscles et notre volonté des énergies nouvelles pour cet effort nouveau. Nous marchions depuis une
1580 es pour cet effort nouveau. Nous marchions depuis une dizaine d’heures, mais la fatigue a la propriété de s’évaporer dans l
1581 tigue a la propriété de s’évaporer dans la joie d’ une cime conquise. Il y eut une halte horaire de dix minutes, dans le ven
1582 aporer dans la joie d’une cime conquise. Il y eut une halte horaire de dix minutes, dans le vent violent des sommets. Déjà
1583 alte horaire de dix minutes, dans le vent violent des sommets. Déjà la route parcourue s’effaçait derrière nous sous une br
1584 la route parcourue s’effaçait derrière nous sous une brume d’un bleu sombre. Ce premier tiers de l’aventure nous avait sim
1585 rcourue s’effaçait derrière nous sous une brume d’ un bleu sombre. Ce premier tiers de l’aventure nous avait simplement ass
1586 en tirer plus que la mesure. Devant nous, fermant une vallée qu’il nous fallait d’abord aller rejoindre, environ mille mètr
1587 ensuite jusqu’à son origine, se dressait la paroi des Alpes. La descente paraît au novice plus facile que la montée, mais c
1588 er et de laisser ainsi se disloquer les rythmes d’ un effort de longue haleine. D’instinct, nous retenions le pas. La lumiè
1589 . D’instinct, nous retenions le pas. La lumière d’ une fin d’après-midi découpait chaque détail des parois orangées qui s’él
1590 re d’une fin d’après-midi découpait chaque détail des parois orangées qui s’élevaient par degrés autour de nous, modelait l
1591 és autour de nous, modelait largement les croupes des alpages, et donnait à ce haut désert sa réalité la plus dure, ses dim
1592 s du spectacle… Nous découvrîmes dans la distance un troupeau d’une centaine de chamois. Leur chef en tête bien détaché du
1593 … Nous découvrîmes dans la distance un troupeau d’ une centaine de chamois. Leur chef en tête bien détaché du gros, ils se d
1594 u gros, ils se déplaçaient par à-coups, au pied d’ une paroi de rochers couronnant un grand cirque d’éboulis rutilants. À no
1595 -coups, au pied d’une paroi de rochers couronnant un grand cirque d’éboulis rutilants. À notre vue, ou peut-être à nos cri
1596 notre vue, ou peut-être à nos cris, on eût dit qu’ une vague électrique parcourait le troupeau de bout en bout : il ondula d
1597 bout en bout : il ondula d’abord sur place comme une houle, puis se mit tout entier à courir, par grands bonds et zigzags
1598 t à angle droit, au petit trot, et coula derrière une crête. La peur et la faim le guidaient dans ces détours qu’on eût dit
1599 al de la marche, poursuivait à travers le paysage une avance opiniâtre et rectiligne, sans but immédiat ou visible. Les but
1600 ectiligne, sans but immédiat ou visible. Les buts des hommes sont dans leur tête, ou dans leur cœur. Quand les ombres monta
1601 s entrâmes dans l’irréel. Le paysage s’éteignait. Un dernier sommet rose feu disparut derrière un talus, puis le talus dev
1602 ait. Un dernier sommet rose feu disparut derrière un talus, puis le talus devint la nuit, et le monde ne fut plus qu’un ch
1603 talus devint la nuit, et le monde ne fut plus qu’ un chemin où des pierres roulaient sous nos pas, jetant parfois des étin
1604 la nuit, et le monde ne fut plus qu’un chemin où des pierres roulaient sous nos pas, jetant parfois des étincelles. Au fon
1605 es pierres roulaient sous nos pas, jetant parfois des étincelles. Au fond de la vallée, nous reprîmes la route — surprise a
1606 plus silencieuse, rythmée par le sourd cliquetis des gamelles et des casques fixés aux ceinturons, parut cesser d’être un
1607 e, rythmée par le sourd cliquetis des gamelles et des casques fixés aux ceinturons, parut cesser d’être un progrès de but e
1608 casques fixés aux ceinturons, parut cesser d’être un progrès de but en but, devint une sorte de durée suspendue dans l’esp
1609 ut cesser d’être un progrès de but en but, devint une sorte de durée suspendue dans l’espace obscur, et qui n’était plus me
1610 qui n’était plus mesurée que par l’alourdissement des membres. Un vent froid descendait des Alpes, une pluie fine s’établit
1611 lus mesurée que par l’alourdissement des membres. Un vent froid descendait des Alpes, une pluie fine s’établit. Tout ne fu
1612 urdissement des membres. Un vent froid descendait des Alpes, une pluie fine s’établit. Tout ne fut plus, pendant des heures
1613 des membres. Un vent froid descendait des Alpes, une pluie fine s’établit. Tout ne fut plus, pendant des heures, qu’automa
1614 e pluie fine s’établit. Tout ne fut plus, pendant des heures, qu’automatismes à peine surveillés, rêveries au loin d’une co
1615 tomatismes à peine surveillés, rêveries au loin d’ une conscience en veilleuse, interventions presque insensibles d’une volo
1616 en veilleuse, interventions presque insensibles d’ une volonté descendue dans nos muscles, contre envie de se laisser tomber
1617 se redressait… Si l’on nous avait dit : « Plus qu’ une heure à marcher », je pense que la plupart auraient flanché pendant c
1618 . L’ordre vint de rectifier la tenue, de reformer une colonne par quatre, puis de se mettre au pas de manœuvre à l’entrée d
1619 et la saison d’hiver ne s’ouvrait qu’en décembre. Un hôtel vide nous accueillit. Après la collation d’étape posée devant n
1620 Après la collation d’étape posée devant nous par des servantes ensommeillées — il devait être plus de minuit — on nous don
1621 la permission inattendue de nous coucher pendant une heure. Sur des matelas et des paillasses, sur les housses des canapés
1622 inattendue de nous coucher pendant une heure. Sur des matelas et des paillasses, sur les housses des canapés, dans des cham
1623 ous coucher pendant une heure. Sur des matelas et des paillasses, sur les housses des canapés, dans des chambres glaciales
1624 ur des matelas et des paillasses, sur les housses des canapés, dans des chambres glaciales et qui sentaient le camphre, nou
1625 des paillasses, sur les housses des canapés, dans des chambres glaciales et qui sentaient le camphre, nous nous sommes affa
1626 camphre, nous nous sommes affalés, tout équipés. Un camarade m’a réveillé : — Le colonel demande des volontaires pour une
1627 . Un camarade m’a réveillé : — Le colonel demande des volontaires pour une patrouille. Il faut aller reconnaître le sentier
1628 eillé : — Le colonel demande des volontaires pour une patrouille. Il faut aller reconnaître le sentier du col. Un guide a d
1629 lle. Il faut aller reconnaître le sentier du col. Un guide a dit qu’il neige au-dessus de deux-mille. Cinq ou six d’entre
1630 ant l’un après l’autre. J’apprends qu’il y a déjà un demi-mètre de neige là-haut. Le col sera donc impraticable dans quelq
1631 nuer, et je ne puis pas. Je me prépare à soulever une caisse très lourde, et elle est vide. Le savant qui poursuit une long
1632 lourde, et elle est vide. Le savant qui poursuit une longue recherche apprend qu’un collègue a trouvé. Une nation qui a te
1633 vant qui poursuit une longue recherche apprend qu’ un collègue a trouvé. Une nation qui a tendu ses forces vives vers la vi
1634 longue recherche apprend qu’un collègue a trouvé. Une nation qui a tendu ses forces vives vers la victoire, et qui l’attein
1635 vers la victoire, et qui l’atteint, voit s’ouvrir une paix marécageuse. Le mystique, aux approches du sommet de l’ascension
1636 a déception de l’effort, de l’élan, du désir, est une épreuve plus difficile à surmonter, parfois, que l’obstacle lui-même,
1637 si grand soit-il. À la Lenk, cette nuit-là, j’eus un accès de fièvre qui me tint éveillé jusqu’au matin. Les énergies aler
1638 âcle nerveuse que les Américains, qui en ont fait une catégorie courante, nomment un break-down. Si la première étape de la
1639 , qui en ont fait une catégorie courante, nomment un break-down. Si la première étape de la grande course m’avait donné un
1640 première étape de la grande course m’avait donné une recette de succès, au sens le moins vulgaire du terme, l’échec accide
1641 pprendre à réussir, ou à marcher, n’est encore qu’ une moitié de l’art de vivre. Mais apprendre à ne pas réussir jusqu’au bo
1642 récision suivante : « Extrait de l’introduction à un essai philosophique inédit : La Morale du But . »
12 1964, Articles divers (1963-1969). Le sentier perdu (1964)
1643 e sentier perdu (1964)m Je voyais d’elle, chez des amis, de fascinants portraits d’enfants aux très grands yeux : ils n’
1644 étonner que déjà commence l’angoisse. Mais tout d’ un coup, voici deux ou trois ans je crois, on dirait une plongée sous-ma
1645 coup, voici deux ou trois ans je crois, on dirait une plongée sous-marine et l’humanité disparaît de la peinture de Nora Au
1646 lier qu’on ne sait s’il est vu de sous l’eau ou d’ un nuage : ce seraient à peu près les mêmes rapports de lumières diffuse
1647 rant le nageur aventureux, dans l’espace brillant des hautes pentes. Monde vide où pourtant tout signifie, profondeurs nacr
1648 hauteurs baignées de vapeurs denses. Ce n’est pas un monde inhumain, car il est féminin, sans aucun doute possible. Ne fût
1649 aucun doute possible. Ne fût-ce que par ces roses un peu gris que je me rappelle, qui s’exagèrent sans doute dans mon souv
1650 nt sans doute dans mon souvenir visuel, ajoutés à des verts bien drus, des jaunes blonds et certains noirs assez féroces, à
1651 n souvenir visuel, ajoutés à des verts bien drus, des jaunes blonds et certains noirs assez féroces, à la Braque. Et cette
1652 Et cette curieuse bipartition de mainte toile par un éclair irrégulier. Rien de gratuit, tout est lisible et composé, comm
1653 en de gratuit, tout est lisible et composé, comme un paysage qu’on reconnaît sans l’avoir jamais vu nulle part, mais qui r
1654 t. L’informel a rejoint le style du rêve. Au-delà des querelles d’école, l’éternel féminin nous entraîne, vers une sorte d’
1655 es d’école, l’éternel féminin nous entraîne, vers une sorte d’Orient alpestre, aux charmes neufs. m. Rougemont Denis de,
13 1965, Articles divers (1963-1969). La technique, facteur de paix (6 mars 1965)
1656 acteur de paix (6 mars 1965)q r Je ne suis pas un technicien, ni au sens étroit du terme, sujet de récentes controverse
1657 oit du terme, sujet de récentes controverses et d’ une votation fédérale, ni au sens noble d’un ingénieur diplômé, ou d’un s
1658 es et d’une votation fédérale, ni au sens noble d’ un ingénieur diplômé, ou d’un savant de l’électronique ou de la science
1659 le, ni au sens noble d’un ingénieur diplômé, ou d’ un savant de l’électronique ou de la science subnucléonique. Une prudenc
1660 e l’électronique ou de la science subnucléonique. Une prudence élémentaire m’incitera donc à ne point vous parler de la tec
1661 ant la nuit. I Comme la très grande majorité des hommes de notre siècle, sur tous les continents, la technique me pass
1662 procédés et possibilités comme je peux jouer avec des mots ou des concepts, et en tirer quelques effets nouveaux ou justes.
1663 possibilités comme je peux jouer avec des mots ou des concepts, et en tirer quelques effets nouveaux ou justes. Faute de qu
1664 me vois réduit à poser quelques grandes questions des plus naïves, et qui ne portent pas sur tel ou tel problème précis que
1665 ales américaine et russe — alors que ni l’Afrique des tribus et des sorciers, ni l’Inde des castes et des sages, ni la Chin
1666 e et russe — alors que ni l’Afrique des tribus et des sorciers, ni l’Inde des castes et des sages, ni la Chine des mandarin
1667 i l’Afrique des tribus et des sorciers, ni l’Inde des castes et des sages, ni la Chine des mandarins et des paysans, n’avai
1668 s tribus et des sorciers, ni l’Inde des castes et des sages, ni la Chine des mandarins et des paysans, n’avaient pu ou voul
1669 s, ni l’Inde des castes et des sages, ni la Chine des mandarins et des paysans, n’avaient pu ou voulu produire de machines,
1670 castes et des sages, ni la Chine des mandarins et des paysans, n’avaient pu ou voulu produire de machines, de turbines ou m
1671 défi occidental ? Que signifie l’effort technique des Européens, et quelles sont ses racines profondes dans la psyché occid
1672 ale ? J’ai tenté de répondre à ces questions dans un livre intitulé L’Aventure occidentale de l’homme , et je me suis vu
1673 ale de l’homme , et je me suis vu amené à établir une chaîne continue sinon de causes et d’effets, du moins d’attitudes spi
1674 es plutôt qu’à d’autres, — chaîne continue qui va des grands conciles des ive et ve siècles, comme ceux de Nicée et de Ch
1675 res, — chaîne continue qui va des grands conciles des ive et ve siècles, comme ceux de Nicée et de Chalcédoine, jusqu’à l
1676 t pur, qui choisit de se rendre connaissable dans un corps d’homme. Il en résulte que le corps physique, et la matière du
1677 coup, se trouvent fortement valorisés comme objet des recherches de l’esprit. Corps et matière sont bien réels aux yeux de
1678 yeux de l’Occidental christianisé, et ne sont pas une simple illusion, une partie du voile de Maya que tout l’effort spirit
1679 christianisé, et ne sont pas une simple illusion, une partie du voile de Maya que tout l’effort spirituel doit tendre à dis
1680 l’avait déjà dit saint Paul, dont je rappelle ici une déclaration réellement fondamentale : « La création tout entière, dan
1681 t fondamentale : « La création tout entière, dans une attente ardente, attend la révélation des fils de Dieu, avec l’espéra
1682 e, dans une attente ardente, attend la révélation des fils de Dieu, avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la se
1683 avoir part à la liberté de l’Esprit. » Il y a là un programme grandiose d’action sur le cosmos, qui s’offre à l’homme en
1684 tiquement infini, ou qui ne finira qu’avec la fin des temps. Mais la croyance en un Dieu créateur et régulateur du cosmos l
1685 ira qu’avec la fin des temps. Mais la croyance en un Dieu créateur et régulateur du cosmos le rend cependant concevable po
1686 ver : c’est cela que la Nature attend de l’homme, une action qui la maîtrise et la libère, et non pas une révérence dévotie
1687 e action qui la maîtrise et la libère, et non pas une révérence dévotieuse et craintive. D’autre part, la religion judéo-ch
1688 ive. D’autre part, la religion judéo-chrétienne d’ un Dieu incarné, qui appelle l’homme à la liberté dans sa condition conc
1689 éation de la science moderne, et j’entends bien d’ une science des corps et de la matière qui ne se veut pas seulement spécu
1690 science moderne, et j’entends bien d’une science des corps et de la matière qui ne se veut pas seulement spéculative, mais
1691 réel. Ajoutez-y le goût du travail, vertu ou vice des populations nordiques, d’ailleurs approuvé par les ordres monastiques
1692 t orare ; et enfin, la nécessité de survivre dans un petit coin du monde peu favorisé par les dons gratuits de la Nature,
1693 la matière et de la Nature, effort de création d’ un milieu artificiel, au service des fins propres de l’homme. II M
1694 rt de création d’un milieu artificiel, au service des fins propres de l’homme. II Mais ici se pose une deuxième quest
1695 istoriquement avec les guerres, c’est-à-dire avec des explosions de passions tout à fait naturelles et païennes, plutôt qu’
1696 l’inverse, ce que l’on observe à coup sûr, c’est un parallélisme ou une interaction constante entre le progrès de nos tec
1697 l’on observe à coup sûr, c’est un parallélisme ou une interaction constante entre le progrès de nos techniques et l’aggrava
1698 echniques et l’aggravation du pouvoir destructeur des guerres. Le couteau de silex puis le glaive sont les armes du combat
1699 ne dépendent pour leurs fournitures de guerre que des forgerons et des menuisiers. Cet artisanat primitif correspond à la g
1700 leurs fournitures de guerre que des forgerons et des menuisiers. Cet artisanat primitif correspond à la guerre entre commu
1701 dun. La fin de la guerre de 14-18 voit intervenir un élément nouveau, fourni par la technique : le moteur (auto, char, avi
1702 int final de la Deuxième Guerre mondiale, qui fut une guerre motorisée, est posé par la bombe d’Hiroshima, début d’une ère
1703 risée, est posé par la bombe d’Hiroshima, début d’ une ère de fantastique accélération des sciences physiques et de la techn
1704 hima, début d’une ère de fantastique accélération des sciences physiques et de la technique. Désormais, les dimensions de l
1705 ce n’est pas plutôt la technique qui a bénéficié des commandes militaires. Entre les deux guerres mondiales, Paul Valéry n
1706 que désabusée : la science a su donner aux hommes des moyens de s’armer, mais non pas de désarmer. Et il est vrai que les a
1707 que l’effort de la science, mobilisée au service des États, a dû se borner en fait à chercher des ripostes à l’emploi de c
1708 vice des États, a dû se borner en fait à chercher des ripostes à l’emploi de ces armes, et non pas les moyens de les élimin
1709 , il semble bien que l’excès même de la puissance des armes inventées par nos sciences ait tout d’un coup bloqué ce process
1710 e des armes inventées par nos sciences ait tout d’ un coup bloqué ce processus d’interaction conduisant à des destructions
1711 up bloqué ce processus d’interaction conduisant à des destructions toujours plus étendues. La bombe A, puis la bombe H, n’o
1712 ené le désarmement, ni même ralenti la production des armes conventionnelles, mais elles ont rendu leur emploi pratiquement
1713 uement impossible à grande échelle, depuis près d’ une vingtaine d’années. L’immense utilité de la bombe H, c’est en somme q
1714 de la sorte, ou limiter rigoureusement, l’emploi des armes moins puissantes, simplement parce que cet emploi risquerait de
1715 arce que cet emploi risquerait de nous jeter dans une guerre atomique qu’il semble bien qu’on ait décidé de ne pas faire. O
1716 ’on ait décidé de ne pas faire. On a donc atteint une limite, une sorte de point mort de la guerre, qui permet à la paix de
1717 dé de ne pas faire. On a donc atteint une limite, une sorte de point mort de la guerre, qui permet à la paix de durer tant
1718 la bombe H sert la paix en ceci qu’elle a suscité un sentiment encore plus violent que les passions nationalistes ou idéol
1719 es passions — la peur, commencement de la sagesse des nations. Encore faut-il s’entendre sur ce terme de peur. Je pense bie
1720 terme de peur. Je pense bien moins ici à la peur des masses et des individus dont on parle tant, peur d’une espèce de fin
1721 . Je pense bien moins ici à la peur des masses et des individus dont on parle tant, peur d’une espèce de fin du monde qu’en
1722 asses et des individus dont on parle tant, peur d’ une espèce de fin du monde qu’entraînerait la guerre atomique, et que j’a
1723 , ni autour de moi, tant il est vrai que l’idée d’ un malheur universel et définitif agit peu sur l’imagination : malheur d
1724 e atomique qu’aux États-Unis, il y a trois ans, à une époque où toute la presse parlait de la construction d’abris antiatom
1725 antiatomiques familiaux : si quelques-uns avaient des chances d’échapper, alors la menace devenait beaucoup plus sensible a
1726 … L’équilibre de la terreur repose bien moins sur une angoisse panique des peuples qui s’opposerait — on ne sait comment —
1727 erreur repose bien moins sur une angoisse panique des peuples qui s’opposerait — on ne sait comment — à un conflit atomique
1728 peuples qui s’opposerait — on ne sait comment — à un conflit atomique, que sur une crainte bien raisonnée, basée sur des i
1729 ne sait comment — à un conflit atomique, que sur une crainte bien raisonnée, basée sur des informations précises, qui reti
1730 ue, que sur une crainte bien raisonnée, basée sur des informations précises, qui retient les gouvernants de peser sur le bo
1731 ccident. Sur notre continent, la technique a créé des réseaux si serrés d’interdépendance économique et industrielle, qu’un
1732 d’interdépendance économique et industrielle, qu’ un conflit armé entre deux de nos nations paraît devenu impraticable. Le
1733 battrait-on, au bout de quelques semaines ? Avec des bâtons, des couteaux. Les bombes atomiques ne seraient guère utilisab
1734 , au bout de quelques semaines ? Avec des bâtons, des couteaux. Les bombes atomiques ne seraient guère utilisables de natio
1735 nation, en Europe : nous sommes trop près les uns des autres, et celui qui en lancerait une risquerait d’en recevoir dans l
1736 rès les uns des autres, et celui qui en lancerait une risquerait d’en recevoir dans l’heure suivante les retombées mortelle
1737 contres de Genève, et je songeais que ces armes d’ une puissance folle nous laissent en fait à la merci d’une saute de vent.
1738 uissance folle nous laissent en fait à la merci d’ une saute de vent. Mais si l’on peut admettre que la technique a réussi à
1739 pratiquement ses passions nationalistes, sources des guerres les plus atroces de l’Histoire, et, si l’on constate d’autre
1740 r envie, leur jalousie. Ils prennent conscience d’ une misère relative, qui autrefois leur paraissait normale ou en tout cas
1741 norance où ils étaient de la simple possibilité d’ une vie meilleure ou différente, plus affranchie des dures nécessités et
1742 ’une vie meilleure ou différente, plus affranchie des dures nécessités et limitations naturelles. Ils voient cela, et ils e
1743 de l’exactitude rigoureuse, de la véracité, et d’ une sorte d’ascèse disciplinée, dont ils n’ont guère la notion, et encore
1744 lus que leur révéler cette misère relative : dans une mesure sans cesse croissante, elle la crée. Il a suffi de leur commun
1745 udiments de notre hygiène pour provoquer chez eux un accroissement démographique vertigineux, et qui dépasse de très loin
1746 bre entre eux et nous. Tout le monde sent bien qu’ un tel déséquilibre peut devenir un jour facteur de guerres planétaires 
1747 nde sent bien qu’un tel déséquilibre peut devenir un jour facteur de guerres planétaires ; non pas demain, car ils sont en
1748 encore faibles et démunis, mais après-demain, si une grande nation ayant la bombe les regroupe et se met à leur tête. Que
1749 e sans fournir les moyens de nous en délivrer par une action concrète, réalisable. Tous nos surplus alimentaires et les inv
1750 me que notre science découvre les moyens de créer des aliments synthétiques, tirés de l’air et de l’eau, et qu’elle réussis
1751 l’air et de l’eau, et qu’elle réussisse à nourrir des dizaines de milliards d’humains, ceux-ci seront obligés de manger deb
1752 s le vouloir ce problème gigantesque, branché sur des passions fondamentales comme la faim, le racisme et le sentiment d’in
1753 enant les moyens de le résoudre : et cela suppose un effort immédiat d’éducation qui permettra seul au tiers-monde de frei
1754 famine, beaucoup plus de technique assimilée par un effort éducatif et culturel peut seule permettre de la surmonter. (Ce
1755 la surmonter. (Ce sont là d’énormes problèmes, qu’ une conférence prochaine, à Bâle, sur le thème « L’Europe et le monde »,
1756 vante : la technique, en principe, n’est pas plus un facteur de paix qu’un facteur de guerre. Elle fournit aux armées des
1757 en principe, n’est pas plus un facteur de paix qu’ un facteur de guerre. Elle fournit aux armées des moyens de faire la gue
1758 qu’un facteur de guerre. Elle fournit aux armées des moyens de faire la guerre, mais ce n’est pas elle qui cause les guerr
1759 la technique comme instrument. C’est l’explosion des nationalismes en 1914 qui a déclenché la Première Guerre mondiale, et
1760 que possible et surtout pas trop vite », écrivait une mère angoissée à son fils aviateur en 1915.) Mais de cette Première G
1761 à la guerre et à la paix, la technique n’est pas un facteur indifférent, mais bien ambivalent : pas de guerre possible sa
1762 guerre possible sans elle, mais si elle bénéficie des guerres, c’est elle aussi qui leur met fin, et aujourd’hui les freine
1763 ie paix. Celle-ci ne peut naître qu’à la faveur d’ un équilibre qui ne soit pas celui de la terreur, mais des diverses facu
1764 uilibre qui ne soit pas celui de la terreur, mais des diverses facultés humaines développées dans la liberté et une certain
1765 facultés humaines développées dans la liberté et une certaine mesure d’harmonie : harmonie entre l’homme et la Nature, ent
1766 le croire dans nos élites humanistes, serait-elle un facteur de déshumanisation, qui ne substituerait aux explosions belli
1767 i ne substituerait aux explosions belliqueuses qu’ une sorte d’implosion des énergies humaines, domestiquées, mécanisées, ca
1768 explosions belliqueuses qu’une sorte d’implosion des énergies humaines, domestiquées, mécanisées, canalisées du berceau à
1769 les lois de la production de série, conditionnant un bonheur tout fait et uniforme, une sorte de bonheur objectif ? (horri
1770 , conditionnant un bonheur tout fait et uniforme, une sorte de bonheur objectif ? (horribile dictu !) C’est la dernière que
1771 t aujourd’hui la planète, je viens de vous donner une réponse ambiguë : d’une part la technique a révélé et accentué des di
1772 uë : d’une part la technique a révélé et accentué des disparités intolérables, d’autre part elle pourrait les réduire, à co
1773 ire, à condition de concerter ses plans avec ceux des éducateurs et des élites culturelles du tiers-monde autant que de l’E
1774 e concerter ses plans avec ceux des éducateurs et des élites culturelles du tiers-monde autant que de l’Europe, et j’entend
1775 iers-monde autant que de l’Europe, et j’entends d’ une Europe agissant comme un tout et non plus comme un concert discordant
1776 ’Europe, et j’entends d’une Europe agissant comme un tout et non plus comme un concert discordant de nationalismes séniles
1777 e Europe agissant comme un tout et non plus comme un concert discordant de nationalismes séniles. Sur la question de savoi
1778 les origines les plus reculées non pas à inventer des gadgets, mais à transformer la Nature pour la mettre au service de l’
1779 e d’important sur la terre. Déjà nous vivons dans un cadre plus qu’à moitié artificiel. J’ai habité quelques années à New
1780 ciel. J’ai habité quelques années à New York dans un paysage urbain d’une grande complexité, où la Nature n’était plus rep
1781 elques années à New York dans un paysage urbain d’ une grande complexité, où la Nature n’était plus représentée que par des
1782 té, où la Nature n’était plus représentée que par des pans de ciel abstrait entre les parois des gratte-ciel, un coin de l’
1783 ue par des pans de ciel abstrait entre les parois des gratte-ciel, un coin de l’East River canalisée, entre deux ponts, et
1784 e ciel abstrait entre les parois des gratte-ciel, un coin de l’East River canalisée, entre deux ponts, et quelques mouette
1785 lisée, entre deux ponts, et quelques mouettes sur un îlot rocheux. Coupés du contact quotidien avec la terre et la végétat
1786 avec la terre et la végétation, en partie libérés des rythmes de la vie animale et même des saisons, les citadins du xxe s
1787 tie libérés des rythmes de la vie animale et même des saisons, les citadins du xxe siècle seraient-ils des monstres, pâles
1788 saisons, les citadins du xxe siècle seraient-ils des monstres, pâles victimes d’une technique qui les enferme dans un mili
1789 iècle seraient-ils des monstres, pâles victimes d’ une technique qui les enferme dans un milieu de brique et de ciment, d’ai
1790 les victimes d’une technique qui les enferme dans un milieu de brique et de ciment, d’air pollué et de vacarme révoltant ?
1791 et ce l’est encore en partie pour le prolétariat des villes industrielles. C’est de moins en moins vrai dans une époque où
1792 industrielles. C’est de moins en moins vrai dans une époque où Paris, grâce aux trains, à l’auto, à l’avion, se vide à moi
1793 l’ouvrier, loisirs accrus, intimité nouvelle avec une nature mieux protégée que nous n’avons su le faire dans cette générat
1794 humanité saura maîtriser la bombe atomique, ou si un jour, prochain peut-être, à la suite d’une erreur fatale commise au P
1795 , ou si un jour, prochain peut-être, à la suite d’ une erreur fatale commise au Pentagone ou au Kremlin, voire à l’Élysée, l
1796 et philosophes les plus sérieux. Bernanos a écrit un livre plein de verve et d’indignation patriotique et prophétique inti
1797 étique intitulé : La France contre les robots. Et une littérature considérable produit depuis une cinquantaine d’années des
1798 s. Et une littérature considérable produit depuis une cinquantaine d’années des variations sur le thème pessimiste de « la
1799 idérable produit depuis une cinquantaine d’années des variations sur le thème pessimiste de « la Technique contre l’humain 
1800 messieurs, tout cela repose en fin de compte sur une illusion enfantine : celle qui consiste à battre la table à laquelle
1801 laquelle on s’est heurté. La technique n’est pas une puissance indépendante de l’homme et qui pourrait se tourner subiteme
1802 nèse, elle n’est même pas utilitaire ! L’histoire des grandes inventions, de celle du feu à celle de la fusée spatiale, n’e
1803 plications par la magie ou les rites religieux. D’ une manière générale, et plus près de nous, les grandes inventions qui on
1804 de nos gadgets — ne sont pas nées pour satisfaire des besoins matériels que personne n’éprouvait avant elles, mais c’est gé
1805 n’y en avait pas encore — à part quelques rêveurs un peu bizarres. C’est du rêve de voler qu’est né l’avion, et du rêve de
1806 e ni génie, était obsédé par l’idée de construire une « locomotive routière », comme il l’appelait, c’est-à-dire un véhicul
1807 ive routière », comme il l’appelait, c’est-à-dire un véhicule rapide qui ne fût pas astreint à suivre la loi rigide des « 
1808 de qui ne fût pas astreint à suivre la loi rigide des « voies ferrées » et ses horaires, mais pût aller à l’aventure : phan
1809 explosion interne. On n’ignore pas d’ailleurs que des dizaines d’ingénieurs — en France surtout — avaient construit des pro
1810 ngénieurs — en France surtout — avaient construit des prototypes variés d’automobiles avant Ford. Son invention, ou sa réin
1811 st bien certain que l’invention de Ford est née d’ un rêve d’évasion hors des voies imposées de la civilisation, hors des «
1812 nvention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors des voies imposées de la civilisation, hors des « chemins de fer » au nom
1813 hors des voies imposées de la civilisation, hors des « chemins de fer » au nom évocateur de dure contrainte, tandis que le
1814 à ses fins, ni la mieux calculée pour répondre à des besoins pratiques, utilitaires : on le voit bien aujourd’hui, dans no
1815 . Si je veux être libre de rêver, c’est justement un train que je vais prendre. Dans mon wagon, je lis, je dors, je mange
1816 ien de pareil : tout ce que je peux lire, ce sont des chiffres, des ordres de police routière ; si je mange, ce n’est guère
1817 : tout ce que je peux lire, ce sont des chiffres, des ordres de police routière ; si je mange, ce n’est guère qu’un sandwic
1818 police routière ; si je mange, ce n’est guère qu’ un sandwich, si je rêvasse un klaxon me réveille brutalement, et si je m
1819 nge, ce n’est guère qu’un sandwich, si je rêvasse un klaxon me réveille brutalement, et si je m’endors, c’est pour toujour
1820 biguïté, l’ambivalence fondamentale non seulement des motifs et des buts de l’invention technique, mais de ses effets sur l
1821 ivalence fondamentale non seulement des motifs et des buts de l’invention technique, mais de ses effets sur l’homme et sur
1822 vous dire aujourd’hui se résume en propositions d’ une extrême simplicité. La technique est un instrument qui ne saurait êtr
1823 itions d’une extrême simplicité. La technique est un instrument qui ne saurait être, en soi, mauvais ou bon. Tantôt révéré
1824 de grands problèmes qui appelleraient en réalité des décisions politiques ou morales, tantôt mise en accusation parce qu’e
1825 s persuadons que la technique n’est après tout qu’ un ensemble de procédés ingénieux et utilitaires, destinés à nous facili
1826 és à nous faciliter la vie, mais voilà que tout d’ un coup, par une inexplicable malice des choses, dont nous ne serions pa
1827 iliter la vie, mais voilà que tout d’un coup, par une inexplicable malice des choses, dont nous ne serions pas du tout resp
1828 à que tout d’un coup, par une inexplicable malice des choses, dont nous ne serions pas du tout responsables, elle menace au
1829 espèce de vie sur la terre. La technique n’est qu’ un instrument, n’est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, so
1830 re. La technique n’est qu’un instrument, n’est qu’ un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des ch
1831 e la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de notre action. Mais surtout, par ses pro
1832 suffit du plus petit geste, comme de presser sur un bouton pour produire les plus grands effets de toute l’histoire — la
1833 en est pas qui nous contraigne davantage, et avec une urgence plus dramatique, dans le cas de la Bombe par exemple (mais au
1834 , dans le cas de la Bombe par exemple (mais aussi des techniques chimiques et biologiques) à nous interroger sur le meilleu
1835 logiques) à nous interroger sur le meilleur usage des pouvoirs inouïs qui sont devenus les nôtres. Ainsi, qu’on le veuille
1836 hnique elle-même qui nous oblige à reconsidérer d’ une manière tout à fait concrète la question des vraies fins de notre vie
1837 er d’une manière tout à fait concrète la question des vraies fins de notre vie et de la vraie nature de l’homme. Ne serait-
1838 entée devant les membres de l’Association amicale des anciens élèves de l’École polytechnique de l’Université de Lausanne,
14 1965, Articles divers (1963-1969). La Suisse, maquette pour une Europe du bonheur (automne 1965)
1839 La Suisse, maquette pour une Europe du bonheur (automne 1965)s Robustes, bien glacées, aux coul
1840 ns déferlent de la Suisse sur le monde, répandant une image très sincère du pays où l’art du tourisme fut inventé par les A
1841 où l’art du tourisme fut inventé par les Anglais. Un pays que tout le monde croit connaître même sans y avoir jamais été,
1842 est bien aussi grand que la France… Cette Suisse des Alpes et des lacs, des quatre langues, des horlogers, des pédagogues
1843 si grand que la France… Cette Suisse des Alpes et des lacs, des quatre langues, des horlogers, des pédagogues et des jodleu
1844 ue la France… Cette Suisse des Alpes et des lacs, des quatre langues, des horlogers, des pédagogues et des jodleurs est un
1845 Suisse des Alpes et des lacs, des quatre langues, des horlogers, des pédagogues et des jodleurs est un cliché mais juste et
1846 s et des lacs, des quatre langues, des horlogers, des pédagogues et des jodleurs est un cliché mais juste et bien tiré. Il
1847 quatre langues, des horlogers, des pédagogues et des jodleurs est un cliché mais juste et bien tiré. Il ne retient que cer
1848 des horlogers, des pédagogues et des jodleurs est un cliché mais juste et bien tiré. Il ne retient que certaines apparence
1849 ivant cela de près que tout repose en réalité sur un tissu serré de contradictions théoriquement impraticables. Si cela ma
1850 ’usage plusieurs fois séculaires. Car enfin voici un pays que la Providence a privé d’absolument tous les facteurs classiq
1851 re en matières premières — il n’a guère que l’eau des glaciers pour en tirer de l’énergie — est l’un des plus industrialisé
1852 es glaciers pour en tirer de l’énergie — est l’un des plus industrialisés de la planète : 10 % de paysans seulement. Orson
1853 e l’on trouve la plus forte densité de prix Nobel des sciences, pour ne rien dire de cette galaxie de génies qui va de Para
1854 he qu’à Paris, à Londres ou à Berlin, on se moque un peu des Suisses et on les jalouse un peu, comme si chaque Suisse béné
1855 Paris, à Londres ou à Berlin, on se moque un peu des Suisses et on les jalouse un peu, comme si chaque Suisse bénéficiait
1856 on se moque un peu des Suisses et on les jalouse un peu, comme si chaque Suisse bénéficiait du secret des banques mais se
1857 peu, comme si chaque Suisse bénéficiait du secret des banques mais sentait les vertus agricoles… Le Suisse trait sa vache
1858 st passer du cliché à l’utopie, et de la patrie d’ un Guillaume Tell qui n’exista jamais que dans le mythe à une Europe féd
1859 aume Tell qui n’exista jamais que dans le mythe à une Europe fédérée qui par malheur n’existe encore que dans l’espoir. Ent
1860 les plus heureux de la Terre. À la question : « D’ une manière générale, diriez-vous que vous êtes très heureux, — plutôt he
1861 me de l’Europe et en plein milieu du xx e siècle, un peuple à peu près unanime à s’estimer et à se dire heureux. Mais de q
1862 nt-elles applicables ailleurs ? Le premier secret des Suisses, c’est la coopération. Non par idéalisme ou par philanthropie
1863 croit de la révolte de paysans démocrates contre un despote autrichien, la Suisse a commencé par une alliance conclue ent
1864 e un despote autrichien, la Suisse a commencé par une alliance conclue entre les chefs de trois « communes » ou « coopérati
1865 r au xiii e siècle. C’était le seul col reliant d’ un seul trait le nord et le sud du Saint-Empire. Il fallait le garder li
1866 e droit de se régir à leur manière, sans dépendre des comtes voisins. À cette première alliance — un traité en due forme qu
1867 e des comtes voisins. À cette première alliance —  un traité en due forme qui ne fut certes pas rédigé par des pâtres, puis
1868 ité en due forme qui ne fut certes pas rédigé par des pâtres, puisqu’il était en beau latin — s’agrégèrent au cours des siè
1869 qu’il était en beau latin — s’agrégèrent au cours des siècles quantité de petites communautés formées de cités libres ou ép
1870 unautés formées de cités libres ou épiscopales et des campagnes qu’elles avaient soumises, entre les Alpes et le Jura. Et c
1871 ra. Et ce fut la période patricienne et guerrière des « ligues suisses ». Elle aboutit en 1815 à une espèce de confédératio
1872 re des « ligues suisses ». Elle aboutit en 1815 à une espèce de confédération insuffisante. Privée de tout pouvoir supra-ca
1873 upra-cantonal, elle ne sut pas empêcher, en 1847, une guerre civile opposant les cantons catholiques aux protestants. L’ann
1874 ns catholiques aux protestants. L’année suivante, une constitution fédérale fut rédigée, votée, et mise en vigueur en neuf
1875 s. Et ses vingt-deux petits États n’ont délégué à un pouvoir central une certaine part de leur indépendance que pour mieux
1876 x petits États n’ont délégué à un pouvoir central une certaine part de leur indépendance que pour mieux assurer la part qu’
1877 vrai secret de la Suisse n’est pas du tout celui des banques mais celui du fédéralisme, celui d’une solidarité garante des
1878 ui des banques mais celui du fédéralisme, celui d’ une solidarité garante des autonomies. Autre secret, lié au premier : dan
1879 ui du fédéralisme, celui d’une solidarité garante des autonomies. Autre secret, lié au premier : dans la liberté fédérale,
1880 toujours ainsi, et les Suisses ont connu pendant des siècles de furieuses guerres civiles dites de religion, et autres man
1881 soit culturels. Mais à partir de l’instauration d’ une fédération véritable en 1848, les frontières des États sont devenues
1882 ’une fédération véritable en 1848, les frontières des États sont devenues invisibles, et dès lors les communautés réelles n
1883 a tradition familiale, fils de la Réforme qui est un phénomène occidental au sens le plus large du terme, Suisse par le pa
1884 habitant au surplus près de Genève, où je dirige un institut à vocation internationale, ma liberté résulte et se nourrit
1885 ultiples ; elle réfute les devises totalitaires : une foi, une loi, un roi (sur un même territoire), et plus tard : ein Vol
1886 ; elle réfute les devises totalitaires : une foi, une loi, un roi (sur un même territoire), et plus tard : ein Volk, ein Re
1887 fute les devises totalitaires : une foi, une loi, un roi (sur un même territoire), et plus tard : ein Volk, ein Reich, ein
1888 ises totalitaires : une foi, une loi, un roi (sur un même territoire), et plus tard : ein Volk, ein Reich, ein Führer, dev
1889 ui ont risqué de faire de l’Europe au xx e siècle un fouillis d’autarcies barbelées et de camps de concentration. Troisièm
1890 re. On ne leur demande même pas de se connaître ! Un jodleur d’Appenzell avec son disque de laiton à l’oreille, sa piété c
1891 catholique, son patois médiéval, s’il rencontrait un jour un banquier de Genève, avec son chic anglais, ses principes et s
1892 ue, son patois médiéval, s’il rencontrait un jour un banquier de Genève, avec son chic anglais, ses principes et ses compl
1893 dont les institutions communes leur garantissent un droit fondamental : celui de vivre chacun selon son style et de se go
1894 en est d’accorder quelque vingt-deux pays parlant des langues différentes, professant des credos religieux et politiques te
1895 pays parlant des langues différentes, professant des credos religieux et politiques tenus pendant des siècles pour incompa
1896 des credos religieux et politiques tenus pendant des siècles pour incompatibles, très inégalement industrialisés, pauvres
1897 its États suisses, je ne vois et ne puis imaginer une autre solution que l’helvétique. Et je ne vois pas de raison sérieuse
1898 égaler le médiocre à l’auguste. Je ne compare que des rapports et constate qu’entre la France par exemple et la Belgique ou
1899 e Zurich et de Zoug ou de Glaris. Et je me dis qu’ un système qui peut harmoniser les relations entre des cantons inégaux à
1900 n système qui peut harmoniser les relations entre des cantons inégaux à tant d’égards, pourrait rendre les mêmes services d
1901 fédéralisme est précisément l’art de composer en un ensemble vivant des organes bien différenciés et dont chacun exerce u
1902 écisément l’art de composer en un ensemble vivant des organes bien différenciés et dont chacun exerce une fonction unique,
1903 s organes bien différenciés et dont chacun exerce une fonction unique, incomparable. Or cette fonction reste la même qu’il
1904 fonction reste la même qu’il s’agisse du corps d’ un petit enfant ou de celui d’un colosse. Notez d’ailleurs que l’Europe
1905 s’agisse du corps d’un petit enfant ou de celui d’ un colosse. Notez d’ailleurs que l’Europe actuelle est pratiquement plus
1906 édérée. En 1848, il fallait deux ou trois jours à un député de Genève ou des Grisons pour se rendre à la Diète fédérale de
1907 lait deux ou trois jours à un député de Genève ou des Grisons pour se rendre à la Diète fédérale de Berne, et autant pour o
1908 a Diète fédérale de Berne, et autant pour obtenir des instructions de son gouvernement. En 1965, un député de Stockholm ou
1909 ir des instructions de son gouvernement. En 1965, un député de Stockholm ou d’Athènes est à quelques heures de Bruxelles o
1910 ingt-deux souverainetés bien unies, regardez-le d’ un œil européen et prospectif : vous verrez que tout y correspond à quel
1911 . Rougemont Denis de, « La Suisse, maquette pour une Europe du bonheur », Revue des voyages, Genève, automne 1965, p. 57-5
1912 sse, maquette pour une Europe du bonheur », Revue des voyages, Genève, automne 1965, p. 57-59.
15 1966, Articles divers (1963-1969). Un libéral engagé (1966)
1913 Un libéral engagé (1966)t Palais du Trocadéro (vers 1934 ?). — Face
1914 t Palais du Trocadéro (vers 1934 ?). — Face à une salle en plein tumulte où les Croix-de-Feu se bagarraient et hurlaien
1915 Feu se bagarraient et hurlaient, couvrant la voix des orateurs, je voyais Lord Cecil lire quelque chose, Henri de Jouvenel
1916 lire quelque chose, Henri de Jouvenel gesticuler, un Hollandais vraiment très grand marcher lentement le long de la rampe,
1917 e, mains dans les poches, dans l’espoir d’imposer une image de calme, et soudain un homme assez petit bondir à la tribune,
1918 l’espoir d’imposer une image de calme, et soudain un homme assez petit bondir à la tribune, tournant à droite et à gauche
1919 ondir à la tribune, tournant à droite et à gauche un profil agressif et spirituel, cravate rouge en bataille, index pointé
1920 il les couvrait de sarcasmes acérés, lancés comme des fléchettes, et s’amusait beaucoup. « C’est l’ambassadeur d’Espagne à
1921 Robert de Traz, qui m’avait amené sur la scène où une centaine de « personnalités » avaient pris place sur de petites chais
1922 a tête penchée, errait entre les rangs, cherchant un sens à tout cela.) De Traz me présenta à l’orateur quand nous sortîme
1923 u’on se battait encore du parterre au poulailler, des hommes tombant des secondes galeries sur les premières… Je dis que j’
1924 ore du parterre au poulailler, des hommes tombant des secondes galeries sur les premières… Je dis que j’admirais la liberté
1925 ’Espagne à Paris. — Eh bien, fit-il, je trouve qu’ un ambassadeur, ça doit savoir engueuler le monde ! Et nous allâmes pren
1926 voir engueuler le monde ! Et nous allâmes prendre un verre à son hôtel. Une dame survint : « — Excellence, vous avez été s
1927 e ! Et nous allâmes prendre un verre à son hôtel. Une dame survint : « — Excellence, vous avez été superbe ! Ah ! que ce do
1928 Et de lui seul ! Tout ce que l’on peut demander d’ un homme, c’est qu’il fasse le moins de mal possible. » (Ce que je trouv
1929 Ruth Nanda Anshen. Je trouve Madariaga lancé dans une diatribe contre les écoles publiques obligatoires, qui font perdre to
1930 pas vivre sans elle. Pour les autres, qu’on élève des barrières infranchissables ! C’est le point de vue qu’il a voulu défe
1931 ec les mêmes sauf lui : il a compris. — Sur quoi, un intendant général des écoles de l’État de New York fait observer que
1932  : il a compris. — Sur quoi, un intendant général des écoles de l’État de New York fait observer que Madariaga « is running
1933 s, n’est-ce pas ? Car ils sont… indéfendables ! » Une jeune fille lui demande de définir le bonheur. — « Happiness is just
1934 tre hôtesse : — « Dr de Madariaga, vous avez fait un jour une théorie si intéressante sur la féminité de Dieu. Si Dieu ava
1935 sse : — « Dr de Madariaga, vous avez fait un jour une théorie si intéressante sur la féminité de Dieu. Si Dieu avait été co
1936 notre logique. » Je retiens aussi de cette soirée une théorie pseudo-arithmétique sur l’impossibilité du bonheur durable, e
1937 étique sur l’impossibilité du bonheur durable, et un argument du type Pyrrhus et Cinéas sur l’inutilité finale ou la final
1938 union. ⁂ À Royaumont, le 4 avril 1948, au terme d’ une des dernières réunions consacrées à la préparation du Congrès de l’Eu
1939 n. ⁂ À Royaumont, le 4 avril 1948, au terme d’une des dernières réunions consacrées à la préparation du Congrès de l’Europe
1940 que dans mon esprit se soit opéré à ce moment-là une complexe synthèse instantanée des souvenirs de mes deux rencontres av
1941 à ce moment-là une complexe synthèse instantanée des souvenirs de mes deux rencontres avec l’auteur d’Anglais, français, E
1942 ls et aussi de la Sacred Giraffe. Pour présider à une affaire qui mettait en jeu des composantes aussi désespérément hétéro
1943 e. Pour présider à une affaire qui mettait en jeu des composantes aussi désespérément hétérogènes que la politique et la mo
1944 que et la morale, l’histoire, et la psychologie d’ une vingtaine de peuples n’ayant guère en commun que leur conviction d’oc
1945 re en commun que leur conviction d’occuper chacun une position absolument particulière et qui leur méritait un traitement t
1946 tion absolument particulière et qui leur méritait un traitement tout à fait exceptionnel, il ne fallait ni un doctrinaire
1947 tement tout à fait exceptionnel, il ne fallait ni un doctrinaire ni un journaliste, ni un spéculatif, ni un manager, etc.,
1948 exceptionnel, il ne fallait ni un doctrinaire ni un journaliste, ni un spéculatif, ni un manager, etc., mais très exactem
1949 e fallait ni un doctrinaire ni un journaliste, ni un spéculatif, ni un manager, etc., mais très exactement un diplomate do
1950 ctrinaire ni un journaliste, ni un spéculatif, ni un manager, etc., mais très exactement un diplomate doublé d’un militant
1951 ulatif, ni un manager, etc., mais très exactement un diplomate doublé d’un militant, un historien mais qui ait été mêlé à
1952 etc., mais très exactement un diplomate doublé d’ un militant, un historien mais qui ait été mêlé à la vie politique, un i
1953 rès exactement un diplomate doublé d’un militant, un historien mais qui ait été mêlé à la vie politique, un idéaliste non
1954 storien mais qui ait été mêlé à la vie politique, un idéaliste non exempt de cynisme pour avoir fréquenté les organismes i
1955 ur avoir fréquenté les organismes internationaux, un réaliste amateur de nonsense, un patriote antinationaliste, partout c
1956 internationaux, un réaliste amateur de nonsense, un patriote antinationaliste, partout chez lui mais toujours exilé, bref
1957 z lui mais toujours exilé, bref quelqu’un qui eût un peu le sens du paradoxe… Je me bornai à faire état de ses titres d’an
1958 répondit vite : « Je vous consacrerai volontiers un temps qui, à vrai dire, me manque. » Le congrès de La Haye, qui est l
1959 elques pages qui ne vieilliront plus sur l’Europe des paysages, des fleuves, des villes, des âmes. ⁂ Engagé désormais dans
1960 ui ne vieilliront plus sur l’Europe des paysages, des fleuves, des villes, des âmes. ⁂ Engagé désormais dans l’aventure où
1961 ront plus sur l’Europe des paysages, des fleuves, des villes, des âmes. ⁂ Engagé désormais dans l’aventure où nous étions s
1962 r l’Europe des paysages, des fleuves, des villes, des âmes. ⁂ Engagé désormais dans l’aventure où nous étions si peu d’inte
1963 ls (écrivains, artistes et savants) à militer par un peu plus qu’une signature au bas d’un manifeste, Don Salvador se vit
1964 artistes et savants) à militer par un peu plus qu’ une signature au bas d’un manifeste, Don Salvador se vit contraint de cré
1965 militer par un peu plus qu’une signature au bas d’ un manifeste, Don Salvador se vit contraint de créer ce temps qui lui ma
1966 nt de soins formels et de fermeté dans l’approche des puissants que de désinvolture à l’égard des pédants et autres fanatiq
1967 trait qui porte et qui assure le succès durable d’ un discours même de pure circonstance. Sa phrase finale au congrès de la
1968 ture (Lausanne, 1949) fait le lendemain l’affiche des journaux : « Oui, Messieurs, si l’Europe doit périr, que ce soit au m
1969 urs, si l’Europe doit périr, que ce soit au moins une injustice ! » Mais les grandes heures captées par la radio et plus ta
1970 opos dans l’Odyssée) que l’innombrable succession des comités hélas indispensables, et qu’il ne suffit pas de présider mais
1971 ains, mais jamais avec leur cerveau. Et s’ils ont une tête, eh bien, c’est pour porter un chapeau ! » Bien peu d’hommes ont
1972 Et s’ils ont une tête, eh bien, c’est pour porter un chapeau ! » Bien peu d’hommes ont donné à la cause de l’Europe, cause
1973 la cause de l’Europe, cause commune s’il en fût, un temps qui du même coup devait manquer à ce qu’on nomme leur œuvre per
1974 personnelle, et de ceux-là, nul ne l’a fait avec un désintéressement aussi total que notre premier président du Centre eu
1975 t à se demander si l’on pouvait encore distinguer un Maharati ou un Gujerati d’un Ibérique. Dans le même discours, il mont
1976 si l’on pouvait encore distinguer un Maharati ou un Gujerati d’un Ibérique. Dans le même discours, il montre les difficul
1977 it encore distinguer un Maharati ou un Gujerati d’ un Ibérique. Dans le même discours, il montre les difficultés du dialogu
1978 ultés du dialogue avec les staliniens : « Je suis un libéral, toujours prêt à discuter avec n’importe qui, je peux discute
1979 and adversaire, mais je ne peux pas discuter avec un gramophone ! » Quelques années plus tard, nous voici à Paris, salle P
1980 aulkner, Wystan Auden et André Malraux à la table des orateurs, que je préside, tandis qu’une quarantaine d’écrivains du mo
1981 la table des orateurs, que je préside, tandis qu’ une quarantaine d’écrivains du monde entier occupent la scène derrière no
1982 e la culture, dont Salvador de Madariaga est l’un des présidents d’honneur. Il a fait ce jour-là l’un de ses plus beaux dis
1983 , sur le thème de la liberté telle que la conçoit un véritable libéral. Le public français intellectuel, c’est-à-dire de g
1984 ’on touche à sa Révolution, qu’on lui rappelle qu’ une révolution violente, après tout, c’est une maladie du corps social. I
1985 lle qu’une révolution violente, après tout, c’est une maladie du corps social. Il fallait du courage pour lui dire : « Vous
1986 e pour lui dire : « Vous vous vantez d’avoir fait une glorieuse Révolution, mais aurait-on l’idée de se vanter d’avoir ‟fai
1987 mais aurait-on l’idée de se vanter d’avoir ‟fait” une superbe pneumonie ? » Cette boutade va loin, elle symbolise toute une
1988 e ? » Cette boutade va loin, elle symbolise toute une philosophie politique et sociale. Et j’ai aimé qu’après vingt ans ce
1989 à mes souvenirs de celui du Trocadéro, mais dans un registre plus grave : le combatif ambassadeur et l’orateur habile à s
1990 brillant, le brio, c’était l’engagement de toute une vie, œuvre et action, pour la défense et pour l’illustration de la li
1991 erre, accédaient aux honneurs et au pouvoir après une longue carrière d’opposant exilé, un sort inverse est échu à notre am
1992 uvoir après une longue carrière d’opposant exilé, un sort inverse est échu à notre ami. Et parce qu’il en a maîtrisé les p
1993 nous donne aujourd’hui le rare et haut exemple d’ un combattant de la liberté demeuré libéral avec rigueur. Démontrer qu’e
1994 plus beau paradoxe ? t. Rougemont Denis de, «  Un libéral engagé », Liber amicorum Salvador de Madariaga, Bruges, De Te
16 1967, Articles divers (1963-1969). Au-delà des nations (1967)
1995 Au-delà des nations (1967)u La fin du douanier est aussi la fin de la fraude.
1996 ergi se plaçait sous l’égide et dans la tradition des Sully, Comenius, Saint-Pierre, Kant, Mazzini, Hugo et Nietzsche, dont
1997 e temps, il proposait aux hommes d’État européens un plan d’union selon lequel « la communauté des intérêts devait paver l
1998 éens un plan d’union selon lequel « la communauté des intérêts devait paver le chemin menant à la Communauté politique ». I
1999 t. En septembre 1930, la France présente à la SDN un Memorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne
2000 sente à la SDN un Memorandum sur l’organisation d’ un régime d’union fédérale européenne. C’est Aristide Briand convaincu p
2001 pour la première fois : il est donc dû non pas à un politicien et encore moins à un économiste, mais à un grand poète, Sa
2002 donc dû non pas à un politicien et encore moins à un économiste, mais à un grand poète, Saint-John Perse — qui sera prix N
2003 oliticien et encore moins à un économiste, mais à un grand poète, Saint-John Perse — qui sera prix Nobel — pseudonyme d’Al
2004 rope sont requis de se prononcer publiquement sur une proposition d’union. La montée de Hitler au pouvoir fait oublier leur
2005 péens qui dès la guerre finie vont se réunir avec des politiciens et des économistes de tendances plus modérées, en une sér
2006 erre finie vont se réunir avec des politiciens et des économistes de tendances plus modérées, en une série de congrès spect
2007 et des économistes de tendances plus modérées, en une série de congrès spectaculaires, Montreux, La Haye, Rome, Westminster
2008 xelles, de 1947 à 1950, proclamant la nécessité d’ une union que les uns veulent sérieuse, donc fédérale, mais que les autre
2009 ale, mais que les autres entendent bien limiter à des accords opportunistes, donc révocables, entre États jalousement souve
2010 avec le traité instituant la CECA, s’ouvre l’ère des réalisations. En dépit de succès économiques certains, c’est aussi l’
2011 liste qui avait animé la Résistance et la période des congrès. Un petit signe le fera voir : la grande presse a pris l’habi
2012 it animé la Résistance et la période des congrès. Un petit signe le fera voir : la grande presse a pris l’habitude d’appel
2013 européenne digne du nom, que va-t-il se passer ? Des mesures propres à « favoriser » (faute de vouloir la créer) une « uni
2014 opres à « favoriser » (faute de vouloir la créer) une « union plus étroite » (que quoi ? on se le demande) entre États-nati
2015 s, feront l’objet de « relances » périodiques par des chefs de gouvernements décidés à poursuivre coûte que coûte la politi
2016 hégémonie de leur pays (ou bien celle d’équilibre des « Puissances ») qui était la seule sérieuse pour leurs grands-pères.
2017 . À ce mystère, ou plutôt ce scandale, je propose une explication tellement simple que c’est elle qui va choquer. Je suis p
2018 nistres, les parlementaires et la grande majorité des politologues et des économistes à leur suite ont pris le problème à l
2019 ntaires et la grande majorité des politologues et des économistes à leur suite ont pris le problème à l’envers : soucieux d
2020 ux de s’appuyer sur le réel, ils ont voulu partir des États-nations tels que les a formés le xixe siècle et achevés le tot
2021 iècle ; ils ont voulu partir de ces nations comme des « seules réalités politiques existantes » (ainsi que le répète volont
2022 L’union, pour deux États-nations, n’est jamais qu’ une mesure de fortune, voire qu’un expédient désespéré (comme par exemple
2023 , n’est jamais qu’une mesure de fortune, voire qu’ un expédient désespéré (comme par exemple l’union de la Grande-Bretagne
2024 en juin 1940) autrement dit : ce n’est jamais qu’ une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent trop faible s
2025 sur les obstacles à l’union ; il faut opérer sur un autre plan que celui-là, précisément, où le problème se révèle insolu
2026 lité de notre société, et je vais désigner par là une unité d’un type nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que l
2027 e société, et je vais désigner par là une unité d’ un type nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que la cité anti
2028 que, mais plus dense, mieux structurée et offrant un meilleur milieu de participation civique que la nation telle que nous
2029 ssion en Europe. C’est qu’en effet il s’agit là d’ un phénomène complexe et neuf, que nous voyons lentement prendre forme a
2030 seuil de ce dernier tiers de notre siècle, comme un visage dont les traits se composent et s’illuminent peu à peu sur le
2031  States » de l’Amérique du Nord. Ce sont vraiment des créations de notre temps, des organismes en train de naître de la com
2032 d. Ce sont vraiment des créations de notre temps, des organismes en train de naître de la combinaison de forces les plus di
2033 ographique, l’urbanisation galopante, la mobilité des industries, et par suite les nouvelles concentrations de ressources i
2034 autant que matérielles ou naturelles, la densité des réseaux de communications et de transports et enfin l’unité géographi
2035 ette dernière n’étant d’ailleurs plus définie par une frontière marquée sur le terrain par des bornes et sur les cartes par
2036 inie par une frontière marquée sur le terrain par des bornes et sur les cartes par des pointillés méticuleux, mais au contr
2037 r le terrain par des bornes et sur les cartes par des pointillés méticuleux, mais au contraire par la force de rayonnement
2038 e par la force de rayonnement de ce qu’on appelle une « métropole », c’est-à-dire une grande ville ou un complexe de villes
2039 ce qu’on appelle une « métropole », c’est-à-dire une grande ville ou un complexe de villes moyennes forment le cœur, le fo
2040 e « métropole », c’est-à-dire une grande ville ou un complexe de villes moyennes forment le cœur, le foyer dynamique d’un
2041 es moyennes forment le cœur, le foyer dynamique d’ un pays d’une population minimum de 2 millions et maximum de 6 millions.
2042 s forment le cœur, le foyer dynamique d’un pays d’ une population minimum de 2 millions et maximum de 6 millions. Ce qui don
2043 par exemple, huit à neuf régions pour la France, une dizaine pour l’Italie, deux ou trois pour la Hollande, quinze à vingt
2044 cret du problème tel que je l’ai découvert, voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui
2045 ple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivant :
2046 Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’ une « métropole régionale » basée sur le complexe Marseille-Aix-Étang de
2047 mplexe Marseille-Aix-Étang de Berre, c’est-à-dire une grande ville portuaire et commerçante, une vieille cité universitaire
2048 à-dire une grande ville portuaire et commerçante, une vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’un célèbre festival
2049 vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’ un célèbre festival de musique, et une zone d’intense production industr
2050 relle, dotée d’un célèbre festival de musique, et une zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implanter le
2051 : Il peut sembler curieux, Messieurs, qu’à l’âge des intégrations continentales, vous vous préoccupiez d’abord de créer da
2052 us préoccupiez d’abord de créer dans votre nation une région plus ou moins autonome. L’effort général en vue de l’union et
2053 it en deux le bassin de la Ruhr-Moselle qui est d’ un seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’à la surface les gens
2054 xte qu’à la surface les gens parlaient allemand d’ un côté, français de l’autre. La CECA, puis le Marché commun ont permis
2055 ouvertes sur le monde, elles noueront entre elles des relations d’échanges aussi nombreuses et fréquentes que possible. Ell
2056 ’Europe, non sur les cadres en bonne partie vidés des vieilles nations. Ces paroles éveillèrent un écho pour moi, des plus
2057 és des vieilles nations. Ces paroles éveillèrent un écho pour moi, des plus inattendus : c’est qu’elles venaient à la ren
2058 tions. Ces paroles éveillèrent un écho pour moi, des plus inattendus : c’est qu’elles venaient à la rencontre non seulemen
2059 st qu’elles venaient à la rencontre non seulement des souhaits des organisateurs du colloque, qui connaissaient les besoins
2060 enaient à la rencontre non seulement des souhaits des organisateurs du colloque, qui connaissaient les besoins de leur régi
2061 issaient les besoins de leur région, mais de tout un mouvement de pensée politique, déjà beaucoup plus large et solidement
2062 isation de nos États. Le concept de région a pris une place considérable non seulement dans les préoccupations des sociolog
2063 onsidérable non seulement dans les préoccupations des sociologues et chez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles un
2064 ez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles un important groupe de travail sur ce problème, mais encore dans les mil
2065 ase régionale : j’entends la République française une et indivisible. Une bonne douzaine d’ouvrages ont paru en France depu
2066 tends la République française une et indivisible. Une bonne douzaine d’ouvrages ont paru en France depuis le début de l’ann
2067 t La Révolution régionaliste 19 et il figure dans une collection de livres de poche : c’est dire que l’éditeur estime qu’il
2068 iteur estime qu’il peut répondre à la curiosité d’ un grand public. Certes, on n’en est encore qu’au stade de la prise de c
2069 de la prise de conscience du phénomène région et des motifs de son apparition en ce moment précis de notre histoire et de
2070 ociété occidentale. À peine a-t-on pris la mesure des perspectives qu’il nous invite à explorer, notamment politiques et in
2071 lorer, notamment politiques et institutionnelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient être décrétées sans transition.
2072 s sans transition. Il est normal qu’elles exigent une période d’expériences, et celle-ci connaîtra forcément des échecs. Or
2073 de d’expériences, et celle-ci connaîtra forcément des échecs. Organiser, structurer, animer des régions et les doter d’inst
2074 rcément des échecs. Organiser, structurer, animer des régions et les doter d’institutions autonomes, ce sera la tâche au mo
2075 stitutions autonomes, ce sera la tâche au moins d’ une génération, vingt à trente ans, en admettant que tout se passe bien p
2076 la Grèce par hasard. Car je tiens la région pour une forme de communauté aussi nouvelle dans notre civilisation que le fut
2077 ïque. Et l’on sait que la polis devint en moins d’ un siècle l’unité de base de toute vie sociale et publique en Grèce. Ell
2078 avec ses autorités collégiales — s’opposa durant des siècles à la monarchie autoritaire et belliqueuse — créant ainsi la p
2079 acun de nos États-nations (qu’on appelait naguère des « Puissances ») se rêve ou s’est rêvé un jour Empire. Certains le son
2080 naguère des « Puissances ») se rêve ou s’est rêvé un jour Empire. Certains le sont parfois devenus pour le dur malheur de
2081 us n’en sommes encore qu’à l’aube de la formation des régions, qui seront les éléments de l’Europe à venir, mais déjà nous
2082 is déjà nous touchons au crépuscule de la période des États-nations. Ce qui empêche la plupart des hommes d’aujourd’hui de
2083 le en général. Croyance réfutée, il est vrai, par un simple coup d’œil sur l’Histoire, lequel fait voir premièrement que l
2084 iècle dernier, Ernest Renan pouvait s’écrier dans un discours célèbre, à la Sorbonne20 : Les nations ne sont pas quelque
2085 à travers les frontières nationales, chaque jour un peu moins efficaces. Peu à peu, trop lentement sans doute, mais sûrem
2086 x cadres stato-nationaux se vident, cependant que des centres de décision régionaux se nouent, se constituent, acquièrent q
2087 xigeaient et ne l’annonçaient dans l’enthousiasme des premiers congrès fédéralistes, au lendemain de la Deuxième Guerre mon
2088 ent de là leurs libertés — sera-t-elle fondée sur des réalités en plein essor, non sur des vieilles carcasses historiques e
2089 e fondée sur des réalités en plein essor, non sur des vieilles carcasses historiques et des mythes vidés de leur pouvoir. U
2090 or, non sur des vieilles carcasses historiques et des mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues français d
2091 historiques et des mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues français d’aujourd’hui, spécialiste de la p
2092 storiques et des mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues français d’aujourd’hui, spécialiste de la prosp
2093 disait tout récemment devant l’assemblée annuelle des préfets de la République : L’Europe peut nous tomber sur la tête un
2094 publique : L’Europe peut nous tomber sur la tête un beau matin… vers 1985. La région dans le cadre européen, est une unit
2095 vers 1985. La région dans le cadre européen, est une unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le département et
2096 lle que le département et même que la nation. Qu’ une telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément de
2097 te en France, et cela précisément devant le corps des fonctionnaires institués par Napoléon pour effacer jusqu’au souvenir
2098 itués par Napoléon pour effacer jusqu’au souvenir des autonomies régionales, voilà qui nous donne à penser que la révolutio
2099 croient réalistes — parce qu’ils sont en retard d’ une génération sur les réalités du temps. 19. Robert Lafont, La Révolut
2100 es », Paris, Gallimard, 1967. 20. « Qu’est-ce qu’ une nation ? », Paris, 1882. u. Rougemont Denis de, « Au-delà des natio
2101 , Paris, 1882. u. Rougemont Denis de, « Au-delà des nations », Janus, Paris, 1967, p. 81-89.
17 1967, Articles divers (1963-1969). Le civisme européen : notes pour un « Petit Livre rouge » (été 1967)
2102 Le civisme européen : notes pour un « Petit Livre rouge » (été 1967)v Les dictatures totalitaires mode
2103 nnes, par exemple, n’attendent de leurs sujets qu’ une obéissance aveugle. Mais la démocratie exige pour fonctionner d’être
2104 en charge et comprise par la très grande majorité des citoyens. C’est pourquoi l’instruction publique est apparue vers le m
2105 lieu du siècle passé, rendant possible la lecture des affiches et des journaux, donc le suffrage universel. Une démocratie
2106 assé, rendant possible la lecture des affiches et des journaux, donc le suffrage universel. Une démocratie ne mérite son no
2107 ches et des journaux, donc le suffrage universel. Une démocratie ne mérite son nom que dans la mesure où, soit par l’enseig
2108 artis, presse, mass médias, elle réussit à former des citoyens puis à les informer. Comment former des citoyens et un civis
2109 des citoyens puis à les informer. Comment former des citoyens et un civisme européens tant qu’il n’y a pas de Cité europée
2110 is à les informer. Comment former des citoyens et un civisme européens tant qu’il n’y a pas de Cité européenne ? Inverseme
2111 de Cité européenne ? Inversement, comment fonder une Cité européenne, l’Europe unie, tant qu’il n’y a pas de civisme europ
2112 ndent qu’à croire qu’ils y sont enfermés. Au-delà des impasses logiques, le désir bâtit la cité. Le désir d’habiter une vil
2113 iques, le désir bâtit la cité. Le désir d’habiter une ville, d’y circuler à l’aise et en sécurité, d’y échanger des propos
2114 ’y circuler à l’aise et en sécurité, d’y échanger des propos et des produits et de participer à son gouvernement, le désir
2115 l’aise et en sécurité, d’y échanger des propos et des produits et de participer à son gouvernement, le désir d’être citoyen
2116 sse à construire la ville, qui à son tour formera des traditions civiques, et le besoin d’en changer. Il s’agit donc pour n
2117 les jeunes de nos pays le désir d’habiter demain une grande Cité européenne : s’ils la veulent, ils la bâtiront. Ni spon
2118 ’union de l’Europe ne se fera pas toute seule par un processus mécanique, ou parce qu’elle se trouverait coïncider avec « 
2119 tains disent. Elle ne sera pas non plus l’œuvre d’ un dictateur : Napoléon, Hitler ont échoué pour longtemps. Ni spontanée,
2120 et voulue — exactement comme la démocratie — par une majorité de la population. Cette majorité sera suscitée et conduite p
2121 ion. Cette majorité sera suscitée et conduite par une minorité qui ne voudra pas forcer mais convaincre. C’est dire qu’on n
2122 C’est dire qu’on ne fera pas l’Europe sans faire des Européens. Mais ceux-ci, qui les fera, sinon l’éducation ? Or il faut
2123 açonne les caractères et les esprits, ne fait pas des Européens. Quand elle fait quelque chose au niveau du civisme, elle n
2124 leur fonctionnement. Mais surtout, on ne dit rien des problèmes vivants et réels qui se posent à la cité et à l’État, et qu
2125 ra trancher quand il votera. La plus ennuyeuse des leçons La leçon d’instruction civique est généralement considérée
2126 considérée comme la plus ennuyeuse de toutes. En un sens, c’est heureux, car si elle passionnait, les choses étant ce qu’
2127 évitablement au bénéfice du chauvinisme national. Un remède pire que le mal serait de substituer à l’heure d’ennui civique
2128 de substituer à l’heure d’ennui civique national une heure d’ennui civique européen, qui aurait le défaut supplémentaire d
2129 , qui aurait le défaut supplémentaire de parler d’ une communauté encore inexistante, et d’institutions fragmentaires, limit
2130 ante, et d’institutions fragmentaires, limitées à une partie seulement du seul domaine économique, dans un tiers ou un quar
2131 partie seulement du seul domaine économique, dans un tiers ou un quart de nos pays. Dans l’un des derniers ouvrages consac
2132 ment du seul domaine économique, dans un tiers ou un quart de nos pays. Dans l’un des derniers ouvrages consacrés à la que
2133 dans un tiers ou un quart de nos pays. Dans l’un des derniers ouvrages consacrés à la question européenne, Europa zwischen
2134 lis ceci : Il faut absolument éviter qu’aux yeux des jeunes Allemands, Italiens ou Français l’intégration de l’Europe appa
2135 ançais l’intégration de l’Europe apparaisse comme une matière scolaire… Le peu d’institutions européennes au sujet desquell
2136 de savoir quelque chose, ne compte pas au regard des problèmes réels — ceux qu’il ne s’agit pas de réciter par cœur mais d
2137 (à tous les degrés) consiste dans la connaissance des problèmes réels de la cité, dans l’apprentissage des moyens de partic
2138 problèmes réels de la cité, dans l’apprentissage des moyens de participer à la vie de la cité, et dans l’éveil du désir d’
2139 ain, n’apparaissent pas souvent dans les discours des militants européistes, des ministres invoquant des idéaux abstraits p
2140 vent dans les discours des militants européistes, des ministres invoquant des idéaux abstraits pour obtenir des taux préfér
2141 es militants européistes, des ministres invoquant des idéaux abstraits pour obtenir des taux préférentiels, des philanthrop
2142 stres invoquant des idéaux abstraits pour obtenir des taux préférentiels, des philanthropes, managers et trustees qui suggè
2143 ux abstraits pour obtenir des taux préférentiels, des philanthropes, managers et trustees qui suggèrent des échanges de car
2144 philanthropes, managers et trustees qui suggèrent des échanges de cartes postales, de sourires officiels, de vœux pieux et
2145 er sur la nécessité de faire l’Europe — à l’étude des réalités déterminantes de la vie de nos pays et de l’existence social
2146 mais aussi pour servir le Monde. La connaissance des réalités contemporaines constitue la seule propagande absolument honn
2147 ace. Les réalités à enseigner Liste abrégée des réalités à enseigner (décrire, définir, illustrer) : a) Les éléments
2148 férenciation qui font de l’Europe dans l’histoire une unité caractérisée par sa diversité : Ou encore : — connaître nos pro
2149 encore : — connaître nos problèmes communs, l’un des plus réels étant que nous sommes tous différents, et que nous y tenon
2150 initiative privée, de la commune, de la région, d’ un plan national, de groupes de régions supranationaux, de conventions p
2151 ité qui consisterait à préconiser l’utilisation d’ une heure hebdomadaire de « réalités européennes » (Europakunde) dans l’e
2152 er l’une à l’autre : car l’Europe se fera au-delà des nations mais pas contre elles, ni sans elles. (La Suisse s’est faite
2153 te autonomie s’évanouissait dans l’une ou l’autre des nations voisines.) Sensibiliser l’esprit des jeunes Le but de l
2154 e des nations voisines.) Sensibiliser l’esprit des jeunes Le but de la Campagne d’éducation civique européenne23 n’es
2155 n civique européenne23 n’est donc pas d’instaurer une branche de plus dans l’enseignement déjà pléthorique du second degré,
2156 second degré, mais bien de sensibiliser l’esprit des jeunes aux réalités et aux problèmes civiques de la communauté europé
2157 dépend de l’éducation, c’est dire que tout dépend des éducateurs et de leur formation. L’avenir de l’Europe unie va se joue
2158 r les y pousser, il importe d’agir sans délai sur des groupes forcément restreints d’éducateurs, capables à leur tour d’agi
2159 européenne : de multiplier l’effort de formation des formateurs. Je le dis tout crûment comme je le crois : aussi longtemp
2160 de l’union européenne se déroberont sous les pas des hommes politiques et des économistes. Car avant de « faire l’Europe »
2161 déroberont sous les pas des hommes politiques et des économistes. Car avant de « faire l’Europe », il faut « faire de l’Eu
2162 écoliers de nos pays ? Oui, mais ce sera le livre des questions réelles éveillant le sens critique et le besoin d’invention
2163 dis que l’autre, que j’ai sous les yeux, n’est qu’ un recueil de réponses toutes faites, unifor­mément optimistes et propre
2164 x qui attaquent notre culture démocratique au nom des idéaux qu’elle seule leur enseigna. 21. Cf. Enquête sur l’état de
2165 mont Denis de, « Le civisme européen : Notes pour un “Petit Livre rouge” », Éducation et Culture, Strasbourg, été 1967, p.
18 1968, Articles divers (1963-1969). L’Exode des cerveaux [débat] (1968)
2166 L’Exode des cerveaux [débat] (1968)x M. de Rougemont : Je voudrais apporter un
2167 (1968)x M. de Rougemont : Je voudrais apporter une légère correction à ce qu’a dit M. Mach tout à l’heure, à savoir qu’i
2168 r de cette table. Je me considère moi aussi comme un chercheur et je le serai jusqu’à la fin de mes jours. Simplement, je
2169 à la fin de mes jours. Simplement, je ne suis pas un chercheur scientifique. Je voudrais m’élever contre la hiérarchie des
2170 ifique. Je voudrais m’élever contre la hiérarchie des valeurs qu’on est en train d’instaurer. M. Mach se plaignait qu’on n’
2171 staurer. M. Mach se plaignait qu’on n’accorde pas un respect suffisant aux chercheurs scientifiques. Il me semble au contr
2172 ues. Il me semble au contraire qu’on leur accorde un respect presque exclusif. Pourquoi ? Parce qu’ils sont très utiles à
2173 duit national brut. Je voudrais qu’on fasse aussi une petite place — comme l’a demandé M. Lalive tout à l’heure — aux cherc
2174 vous scandaliser, je vais m’inscrire en faveur d’ un exode généralisé des cerveaux ! Je crois que la santé de la culture a
2175 e vais m’inscrire en faveur d’un exode généralisé des cerveaux ! Je crois que la santé de la culture a toujours consisté da
2176 exportations, entre lesquels on cherche à établir une certaine balance, balance des paiements, balance commerciale. Pourquo
2177 n cherche à établir une certaine balance, balance des paiements, balance commerciale. Pourquoi ne pas introduire la notion
2178 . Pourquoi ne pas introduire la notion de balance des paiements intellectuels ? Je vous donnerai tout de suite un exemple d
2179 ts intellectuels ? Je vous donnerai tout de suite un exemple de ce qu’on peut entendre par là. J’ai eu la curiosité de reg
2180 de regarder quelle était la composition du groupe des 14 Suisses — de passeport ou de naissance — qui ont reçu le prix Nobe
2181 nt reçu le prix une fois devenus suisses et après des travaux poursuivis en Suisse. Parmi eux, Einstein et Pauli, ou en lit
2182 utre italien. Vous voyez par ce petit exemple qu’ une certaine balance des échanges intellectuels peut nous être parfaiteme
2183 oyez par ce petit exemple qu’une certaine balance des échanges intellectuels peut nous être parfaitement favorable. (D’aill
2184 , je pense aussi aux universités. La plus célèbre des anciennes universités, c’est la Sorbonne. Eh bien, je me rappelle le
2185 expliquant, au Congrès de l’Europe à La Haye, qu’ une certaine année, au milieu du xiie siècle, il n’y avait à la Sorbonne
2186 u du xiie siècle, il n’y avait à la Sorbonne pas un seul professeur français. Les grands maîtres d’alors — ce devait être
2187 , qu’y a-t-il eu comme importation et exportation des cerveaux en Suisse ? Comment notre culture s’est-elle faite ? D’abord
2188 abord par la conquête romaine, qui nous a apporté une civilisation dont nous n’avions pas la moindre idée par nous-mêmes. E
2189 pas la moindre idée par nous-mêmes. Ensuite, par un exode de cerveaux irlandais : c’est Colomban et Gall qui ont apporté
2190 té le christianisme en Suisse. Ensuite, il y a eu un exode de cerveaux picards, sous la forme de Calvin qui a apporté la R
2191 eu le service étranger. Ce n’était pas exactement une exportation de cerveaux, mais sur la masse, sur les dizaines de milli
2192 qui ont été dans les armées étrangères, il y eut des centaines de généraux qui avaient un peu de cervelle, quelquefois ; e
2193 peu de cervelle, quelquefois ; et il y avait même des amiraux. Je ne vous dis pas cela pour vous faire rire : la célèbre pl
2194 la flotte russe et son premier grand amiral était un Genevois, Lefort, et le chef de la flotte de guerre américaine, entre
2195 t tout droit de Suisse allemande. Dans le domaine des mathématiques, vous savez que les Suisses ont été de grands exportate
2196 e, dans les Pays-Bas. Ensuite, Agassiz, qui était un savant neuchâtelois, a fondé les sciences naturelles aux États-Unis.
2197 s aux États-Unis. Les architectes suisses — voilà un grand chapitre de l’exportation suisse. Tous les grands architectes d
2198 inois. Les Borromini, Maderno, Fontana, ont fondé une grande tradition d’architectes suisses exportés qui a abouti à Le Cor
2199 lus près de nous. Parmi les ingénieurs, vous avez des hommes comme Chevrolet par exemple, qui, ne pouvant pas faire de voit
2200 ès que vous savez. L’ingénieur Ammann a été faire des ponts, aux États-Unis, qui sont les plus grands du monde. Et on pourr
2201 an-Luc Godard. M. Nordmann : Il y a tout de même un moment où cette exportation, dont vous venez de citer de longs exempl
2202 positive devient négative, c’est-à-dire qu’il y a un moment où cette exportation devient ce que nous avons appelé l’exode
2203 ortation devient ce que nous avons appelé l’exode des cerveaux. M. de Rougemont : Oui, et il faudrait donc essayer de trouv
2204 ont : Oui, et il faudrait donc essayer de trouver des critères pour déterminer à quel moment ce que j’appelle des échanges
2205 es pour déterminer à quel moment ce que j’appelle des échanges — et qui est la santé même — devient un exode qu’il faudrait
2206 des échanges — et qui est la santé même — devient un exode qu’il faudrait déplorer ou arrêter si on le peut. Je crois qu’i
2207 is qu’il faut considérer là-dedans les dimensions des activités en jeu, et les dimensions des communautés qui peuvent les p
2208 imensions des activités en jeu, et les dimensions des communautés qui peuvent les prendre en charge. Étant donné la nature,
2209 nature, les conditions et les finalités propres d’ une certaine activité, quel est le type de communauté qui lui correspond
2210 à à peu près la formule d’analyse que je propose. Une analyse nationaliste consisterait à dire — à dire sans analyse d’aill
2211 que tout soit fait dans ses limites. Il lui faut une industrie automobile, une industrie aéronautique, il lui faut des ord
2212 es limites. Il lui faut une industrie automobile, une industrie aéronautique, il lui faut des ordinateurs, il lui faut un s
2213 tomobile, une industrie aéronautique, il lui faut des ordinateurs, il lui faut un synchrocyclotron et tout. Ça, c’est le po
2214 autique, il lui faut des ordinateurs, il lui faut un synchrocyclotron et tout. Ça, c’est le point de vue nationaliste. Le
2215 d’après les grandeurs, les dimensions, les moyens des communautés qui peuvent s’en occuper. Autrement dit, du point de vue
2216 ste, on se demandera à partir de quelle dimension une communauté a le droit de se plaindre d’un exode de ses fils qui vont
2217 ension une communauté a le droit de se plaindre d’ un exode de ses fils qui vont exercer leur activité ailleurs. Prenez un
2218 s qui vont exercer leur activité ailleurs. Prenez un village suisse quelconque ; si un de ses enfants devient professeur d
2219 illeurs. Prenez un village suisse quelconque ; si un de ses enfants devient professeur d’université, on ne va pas dire que
2220 fesseur d’université, on ne va pas dire que c’est un exode de cerveau, puisque le village n’a pas les dimensions nécessair
2221 de tailles correspondantes) : si à ce moment-là, une grande puissance quelconque vient acheter tout le corps professoral,
2222 cela se faisait en Italie pendant le Moyen Âge où une ville achetait toute l’université d’une autre ville, ou toute une fac
2223 en Âge où une ville achetait toute l’université d’ une autre ville, ou toute une faculté, ou un studium — professeurs et étu
2224 it toute l’université d’une autre ville, ou toute une faculté, ou un studium — professeurs et étudiants ensemble — à tel po
2225 rsité d’une autre ville, ou toute une faculté, ou un studium — professeurs et étudiants ensemble — à tel point que, à Bolo
2226 semble — à tel point que, à Bologne, on dût faire des lois terribles contre les « voleurs d’universités » : ils étaient pun
2227 unis de mort — alors là, il s’agira bel et bien d’ un « exode des cerveaux ». Je reviens à deux des exemples que je vous ai
2228 t — alors là, il s’agira bel et bien d’un « exode des cerveaux ». Je reviens à deux des exemples que je vous ai cités tout
2229 en d’un « exode des cerveaux ». Je reviens à deux des exemples que je vous ai cités tout à l’heure. Celui de Blaise Cendrar
2230 é à La Chaux-de-Fonds, mais il était originaire d’ un petit village de l’Oberland bernois qui s’appelle Sigriswil. Si Blais
2231 La Chaux-de-Fonds se serait plainte d’avoir perdu un cerveau ? Pas du tout ! Il serait resté à La Chaux-de-Fonds et nous n
2232 Cendrars, puis il est allé à Paris qui en a fait un grand écrivain et c’est seulement quand nous avons su qu’il y avait u
2233 c’est seulement quand nous avons su qu’il y avait un grand écrivain qui s’appelait Blaise Cendrars que nous avons découver
2234 ts, le Washington Bridge à New York, qui a plus d’ un kilomètre, et le Golden Gate à San Francisco qui a 2750 mètres de lon
2235 urait pu lui offrir, me direz-vous, de construire un pont enjambant la rade de Genève, mais les crédits n’ont pas encore é
2236 e été votés, depuis quarante ans. Et puis, il y a un cas particulier, qui a déjà été évoqué tout à l’heure par M. Renold.
2237 out à l’heure par M. Renold. C’est celui du CERN. Un chercheur suisse va travailler au CERN : nous ne pouvons pas parler d
2238 la recherche atomique n’est pas aux dimensions d’ un pays comme la Suisse, ni d’ailleurs d’aucun de nos pays d’Europe : el
2239 ausanne en 1949, nous avons proposé la création d’ un grand laboratoire européen de recherche nucléaire. C’est un message d
2240 aboratoire européen de recherche nucléaire. C’est un message du Prince Louis de Broglie qui a formulé cette idée, que nous
2241 l’Unesco, de manière à pouvoir retenir en Europe un certain nombre de savants qu’il était important de garder pour la com
2242 uoi je veux parler… De sorte que l’on peut dire à un pays comme la Suisse par exemple, mais aussi à un pays comme la Franc
2243 un pays comme la Suisse par exemple, mais aussi à un pays comme la France : si vous voulez garder, en partie tout au moins
2244 ques, favorisez par tous les moyens la création d’ une fédération européenne qui permettra de multiplier les organismes dont
2245 U, on ne peut pas dire non plus qu’il s’agit là d’ une perte, d’un exode. Simplement, la Suisse prend sa part de ses obligat
2246 pas dire non plus qu’il s’agit là d’une perte, d’ un exode. Simplement, la Suisse prend sa part de ses obligations interna
2247 s faire remarquer que, entre ce qui a été dit sur une politique d’option, et ce qui vient d’être dit sur une politique de d
2248 olitique d’option, et ce qui vient d’être dit sur une politique de dimension, il est facile de retrouver des éléments d’uni
2249 olitique de dimension, il est facile de retrouver des éléments d’unité. Ce sont là des notions qui se recouvrent. Avant de
2250 ile de retrouver des éléments d’unité. Ce sont là des notions qui se recouvrent. Avant de passer à la discussion générale,
2251 asser à la discussion générale, je voudrais poser une dernière question à M. de Rougemont. Vous avez parlé de l’exode dont
2252 M. de Rougemont. Vous avez parlé de l’exode dont une part est un échange, mais aussi une part est dommageable. La question
2253 ont. Vous avez parlé de l’exode dont une part est un échange, mais aussi une part est dommageable. La question est celle-c
2254 l’exode dont une part est un échange, mais aussi une part est dommageable. La question est celle-ci : quelles mesures pren
2255 pas le caractère d’échange mais qu’il sanctionne un manque d’organisation ou de structure qui incite les chercheurs à all
2256 sens unique que l’on appelle exode par rapport à une certaine communauté et dans une certaine conjoncture. Il y a un premi
2257 ode par rapport à une certaine communauté et dans une certaine conjoncture. Il y a un premier choix à faire : je suis perso
2258 en aller, ou bien qui consisterait à les racheter un peu plus cher que ce que le concurrent offre. C’est un moyen d’essaye
2259 u plus cher que ce que le concurrent offre. C’est un moyen d’essayer de pallier les effets sans toucher les causes. Si on
2260 s effets sans toucher les causes. Si on estime qu’ un certain échange devient un exode dommageable, je suis d’avis qu’on es
2261 auses. Si on estime qu’un certain échange devient un exode dommageable, je suis d’avis qu’on essaie d’y remédier en renver
2262 ier en renversant le flux, c’est-à-dire en créant des pôles d’attraction à l’endroit d’où les gens s’en vont. Donc, pas par
2263 l’endroit d’où les gens s’en vont. Donc, pas par des barrages, pas d’une manière restrictive, négative ou coercitive, mais
2264 gens s’en vont. Donc, pas par des barrages, pas d’ une manière restrictive, négative ou coercitive, mais uniquement en dével
2265 ive ou coercitive, mais uniquement en développant des pôles et des climats intellectuels qui attirent. Ce n’est pas uniquem
2266 tive, mais uniquement en développant des pôles et des climats intellectuels qui attirent. Ce n’est pas uniquement une quest
2267 tellectuels qui attirent. Ce n’est pas uniquement une question financière. Naturellement, la question financière constitue
2268 . Naturellement, la question financière constitue un préalable. Si vous ne payez pas les gens suffisamment, il ne faut pas
2269 ent renverser le flux, c’est-à-dire comment créer des pôles d’attraction ? On y fait allusion déjà. Il s’agit de concentrer
2270 erpunkte. Par exemple, à Genève, nous disposons d’ un certain nombre de points forts : les études internationales, les rech
2271 cause de la proximité du CERN — ça, c’est presque un accident — et les recherches psychologiques. Il y a là de quoi consti
2272 ches psychologiques. Il y a là de quoi constituer un point fort, un pôle d’attraction, au lieu de répartir de manière égal
2273 ques. Il y a là de quoi constituer un point fort, un pôle d’attraction, au lieu de répartir de manière égalitaire — et don
2274 s d’emploi, ou pas uniquement. Il s’agit de créer un climat intellectuel. Je ne vais pas vous en donner la recette. Créer
2275 . Je ne vais pas vous en donner la recette. Créer un climat intellectuel, c’est aussi difficile à faire et à définir qu’un
2276 el, c’est aussi difficile à faire et à définir qu’ une œuvre d’art, parce que c’en est une ! Une œuvre d’art, il faut la fai
2277 à définir qu’une œuvre d’art, parce que c’en est une  ! Une œuvre d’art, il faut la faire, comme dit l’autre, ce n’est pas
2278 inir qu’une œuvre d’art, parce que c’en est une ! Une œuvre d’art, il faut la faire, comme dit l’autre, ce n’est pas le tou
2279 tions qui me paraissent requises pour qu’il y ait une vie intellectuelle, un climat attirant, et pas seulement pour des mus
2280 requises pour qu’il y ait une vie intellectuelle, un climat attirant, et pas seulement pour des musiciens ou des artistes,
2281 tuelle, un climat attirant, et pas seulement pour des musiciens ou des artistes, mais aussi pour les chercheurs scientifiqu
2282 attirant, et pas seulement pour des musiciens ou des artistes, mais aussi pour les chercheurs scientifiques dont parlait M
2283 ach tout à l’heure. Je peux très bien imaginer qu’ un physicien, ou un médecin, ou un dentiste, soit retenu à Genève, même
2284 e. Je peux très bien imaginer qu’un physicien, ou un médecin, ou un dentiste, soit retenu à Genève, même s’il y est moins
2285 bien imaginer qu’un physicien, ou un médecin, ou un dentiste, soit retenu à Genève, même s’il y est moins payé qu’ailleur
2286 , il n’est pas uniquement médecin, et s’il trouve un bon orchestre, un bon quatuor qui joue de la musique moderne, cela po
2287 quement médecin, et s’il trouve un bon orchestre, un bon quatuor qui joue de la musique moderne, cela pourra peut-être le
2288 jà beaucoup ; elles ont fait ces dernières années un effort considérable pour intéresser l’ensemble de la population à cer
2289 base souvent, à la radio et à la télévision, sur des enquêtes rapides relatives à l’intérêt que les gens ont ou n’ont pas
2290 rme la qualité de ces émissions selon la quantité des réponses. Je crois que c’est faux. Il faudrait que la télévision et l
2291 e vais pas allonger trop. Je voudrais dire encore un mot sur le rôle de l’Université, des universités dans la création de
2292 s dire encore un mot sur le rôle de l’Université, des universités dans la création de ces pôles d’attraction, de ce climat
2293 estation. Mais attention : contestation n’est pas un mot inventé par Cohn-Bendit, ni même par Sartre. Contestation, c’est
2294 n-Bendit, ni même par Sartre. Contestation, c’est un terme qui est lié à l’Université depuis sa création, au xiie siècle.
2295 ersité depuis sa création, au xiie siècle. Voilà une chose qu’on oublie complètement aujourd’hui. La méthode d’enseignemen
2296 dans les groupes d’étudiants et de professeurs — un tel groupe s’appelait un « studium » — la discussion, souvent violent
2297 ants et de professeurs — un tel groupe s’appelait un « studium » — la discussion, souvent violente, à laquelle tout le mon
2298 dirigeait la discussion — c’était essentiellement une contestation. On a même défini la méthode scolastique comme étant ess
2299 a méthode scolastique comme étant essentiellement une discussion libre et ouverte où s’opposaient le pour et le contre, sys
2300 ous prierai de croire que ce n’était pas toujours des sujets purement techniques ou de grammaire. La grande lutte qui a opp
2301 sé Siger de Brabant et saint Thomas d’Aquin était une lutte concernant vraiment les fondements de la société de l’époque. D
2302 . Université engagée si vous voulez, pour prendre un autre mot qui a été à la mode lui aussi. Ces notions-là ont repris un
2303 té à la mode lui aussi. Ces notions-là ont repris une vie très intense depuis quelques années, comme vous l’avez vu. D’abor
2304 bord aux États-Unis à Berkeley, ensuite ça a fait une traînée dans toute l’Europe, de Varsovie à Madrid, de Berlin à Belgra
2305 grade ces jours-ci, à Paris bien entendu, et même un tout petit peu à Genève, ai-je entendu dire. Moi, je trouve cela admi
2306 depuis le Moyen Âge, on ne s’était autant occupé des universités que depuis qu’on a découvert qu’il fallait les réformer.
2307 que la réforme universitaire dont on parle depuis des années, aboutisse vite, mais surtout je souhaite qu’on ne s’en tienne
2308 vitale de notre société, le lieu de la discussion des finalités de notre société, de la hiérarchie de ses options. Une cont
2309 e notre société, de la hiérarchie de ses options. Une contestation qui ne se fasse pas — ce sera mon dernier mot — en dehor
2310 e ces cours soit la remise en question permanente des buts, des hiérarchies, des finalités de notre société, dont je refuse
2311 s soit la remise en question permanente des buts, des hiérarchies, des finalités de notre société, dont je refuse absolumen
2312 en question permanente des buts, des hiérarchies, des finalités de notre société, dont je refuse absolument que ce soit sim
2313 mmes presque entièrement d’accord. J’ai peut-être un peu forcé parce qu’il faut simplifier quand on aborde une quantité de
2314 forcé parce qu’il faut simplifier quand on aborde une quantité de sujets importants comme nous le faisons ce soir, en parla
2315 soir, en parlant d’œuvre d’art. Simplement, c’est une manière de simplifier les choses. Vous avez peut-être aussi un peu tr
2316 simplifier les choses. Vous avez peut-être aussi un peu trop simplifié dans votre sens, en disant que, pour vous, le clim
2317 ens, en disant que, pour vous, le climat, c’est «  un financement + une organisation ». Je répète : le financement, c’est u
2318 e, pour vous, le climat, c’est « un financement + une organisation ». Je répète : le financement, c’est un préalable, on ne
2319 organisation ». Je répète : le financement, c’est un préalable, on ne fait rien sans ça. L’organisation aussi. Mais croire
2320 ien sans ça. L’organisation aussi. Mais croire qu’ un climat, c’est un financement + une organisation, ça c’est croire ce q
2321 ganisation aussi. Mais croire qu’un climat, c’est un financement + une organisation, ça c’est croire ce que croient les Am
2322 Mais croire qu’un climat, c’est un financement + une organisation, ça c’est croire ce que croient les Américains. Eh bien,
2323 cet immense sujet sur lequel il faudrait revenir une autre année. L’Europe doit ajouter à tout le reste un certain sens de
2324 utre année. L’Europe doit ajouter à tout le reste un certain sens de la vie, une certaine saveur, ce qui fait que, moi, je
2325 jouter à tout le reste un certain sens de la vie, une certaine saveur, ce qui fait que, moi, je suis rentré en Europe, par
2326 icile de vous décrire, et si vous voulez en avoir une bonne description, adressez-vous aux Américains qui disent qu’ils vou
2327 us expliqueront cela très bien. Sur le même sujet des États-Unis, M. Lalive disait tout à l’heure : Je n’ai pas vu de génie
2328 pas tellement étonnant, vu que l’effort culturel des Américains n’est pas porté vers la création de génies individuels. C’
2329 rté vers la création de génies individuels. C’est un effort beaucoup plus collectif, par team, c’est un effort qui est por
2330 n effort beaucoup plus collectif, par team, c’est un effort qui est porté sur la préparation du terrain. D’ailleurs, nous
2331 très importantes pour la Suisse. Nous avons pris une partie de notre Constitution, le bicaméralisme, importé des États-Uni
2332 de notre Constitution, le bicaméralisme, importé des États-Unis. Ce qu’a dit M. Mach m’a paru un peu curieux. Il a parlé d
2333 orté des États-Unis. Ce qu’a dit M. Mach m’a paru un peu curieux. Il a parlé de mon optimisme béat. Je ne vois pas du tout
2334 pu tomber dans ce penchant vicieux. J’ai proposé une méthode d’analyse des situations pour savoir quand il y a lieu de se
2335 chant vicieux. J’ai proposé une méthode d’analyse des situations pour savoir quand il y a lieu de se plaindre d’un exode, q
2336 ns pour savoir quand il y a lieu de se plaindre d’ un exode, quand — je me répète — les échanges qui sont normaux et bénéfi
2337 qui sont normaux et bénéfiques, tendent à devenir un exode qui est une perte, qui est défavorable. Cette méthode peut être
2338 et bénéfiques, tendent à devenir un exode qui est une perte, qui est défavorable. Cette méthode peut être discutée ; il s’a
2339 l’appliquer, mais je refuse absolument de prendre une position, par principe optimiste — ou pessimiste d’ailleurs. Je crois
2340 tout. Mais je vous signale le danger, qui serait un danger un peu américain, qu’il y aurait à isoler complètement votre r
2341 s je vous signale le danger, qui serait un danger un peu américain, qu’il y aurait à isoler complètement votre recherche s
2342 votre recherche scientifique de tout l’ensemble d’ une culture. Ça peut marcher pendant quelque temps, quelques années, mais
2343 me pour la recherche scientifique. Je défends ici une conception profondément européenne, si vous voulez, mais je persiste
2344 éricains qui nous le demandent. La culture, c’est un tout, c’est un ensemble dont toutes les parties sont en interaction.
2345 us le demandent. La culture, c’est un tout, c’est un ensemble dont toutes les parties sont en interaction. On peut citer m
2346 très différentes, souvent très éloignées les unes des autres. Alors, ne tombons pas dans le travers américain. Rapatrions n
2347 x. Rougemont Denis de, « [Interventions] L’exode des cerveaux », Bastions de Genève, Genève, 1968, p. 13-20, 26.
19 1968, Articles divers (1963-1969). De l’État-nation aux régions fédérées (1968)
2348 vingt-et-un ans, dans cette même Université, avec une poignante éloquence, Winston Churchill appelait la création de quelqu
2349 ’Europe » et il s’écriait : « Je dois vous donner un avertissement. Le temps presse. Si nous devons constituer les États-U
2350 re à l’appel pathétique du célèbre homme d’État ? Un appel ne pouvait suffire à la créer… Au lieu d’une Europe qui se fait
2351 Un appel ne pouvait suffire à la créer… Au lieu d’ une Europe qui se fait, nous entendons aujourd’hui des déclarations inqui
2352 ne Europe qui se fait, nous entendons aujourd’hui des déclarations inquiétantes, comme celle d’André Malraux le mois dernie
2353 es, comme celle d’André Malraux le mois dernier à un journal suisse : Les nations sont redevenues le phénomène fondamenta
2354 é Malraux quelques jours plus tard, interrogé par des jeunes gens à la radio, répond : Faire l’Europe est la seule chose v
2355 ernationale, comme Marx l’avait dit, ni le siècle des fédérations, comme Proudhon l’avait prévu, mais bien le siècle des na
2356 comme Proudhon l’avait prévu, mais bien le siècle des nations, est-ce qu’on s’en félicite, ou bien est-ce qu’on dit cela co
2357 me. Le cancer et les maladies mentales sont aussi des réalités importantes de notre temps, mais je ne pense pas que le réal
2358 l’impossibilité d’unir l’Europe le démontre avec une évidence presque écrasante. Que les nations soient en même temps mal
2359 État totalitaire, — par le besoin d’union au-delà des nations, partout ressenti et déclaré, et qui a donné naissance au Mar
2360 Marché commun notamment, enfin par l’existence d’ un problème chaque année plus aigu, celui du sous-développement de certa
2361 e de leurs capitales. Tous ces symptômes révèlent une inadaptation morbide de l’État-nation aux réalités politiques, économ
2362 ôt que nous atteignons le stade de crise finale d’ une forme d’association qui a dominé et animé l’Europe du xixe siècle, m
2363 voir l’histoire s’imaginent qu’il y a toujours eu des États, que les nations sont immortelles (en tout cas la leur !), que
2364 e illusion, il faudrait enseigner dans nos écoles un minimum d’histoire générale de l’humanité et des formes politiques, a
2365 s un minimum d’histoire générale de l’humanité et des formes politiques, assez pour rappeler d’où viennent la nation, l’Éta
2366 , la France, peut être datée de cette déclaration des légistes du Philippe de Bel : « Le Roy de France est empereur en son
2367 yaume », ce qui veut dire que le chef de l’État d’ un domaine de moyenne grandeur centré sur l’Île-de-France ne se reconnaî
2368 protection en Avignon, et puis réalise aux dépens des Juifs qu’il fait dépouiller et des chevaliers du Temple qu’il fait ex
2369 ise aux dépens des Juifs qu’il fait dépouiller et des chevaliers du Temple qu’il fait exécuter, une merveilleuse opération
2370 et des chevaliers du Temple qu’il fait exécuter, une merveilleuse opération sur l’or ! (si l’on veut bien me passer ce lég
2371 ècle. Ce spectacle, qui est celui de la naissance des nations, remplit d’effroi les sages de l’époque. « Ô genre humain, tu
2372 sages de l’époque. « Ô genre humain, tu es devenu un monstre aux multiples têtes ! » s’écrie Dante dans son traité de La M
2373 absolue — idée qui est à peine supportable quand un prince l’incarne, s’il n’est pas un génie ou un saint, mais qui devie
2374 ortable quand un prince l’incarne, s’il n’est pas un génie ou un saint, mais qui devient proprement révoltante — et par ai
2375 d un prince l’incarne, s’il n’est pas un génie ou un saint, mais qui devient proprement révoltante — et par ailleurs massi
2376 par ailleurs massivement meurtrière — quand c’est un parti qui s’en empare au nom du peuple, comme ce fut le cas des jacob
2377 s’en empare au nom du peuple, comme ce fut le cas des jacobins et des « démocraties » plébiscitaires et totalitaires du xxe
2378 om du peuple, comme ce fut le cas des jacobins et des « démocraties » plébiscitaires et totalitaires du xxe siècle. La con
2379 ation de modèle napoléonien ? C’est le résultat d’ une volonté abstraite, peut-être folle, qui entend faire coïncider à tout
2380 , politique et industrie, et les régir à partir d’ un centre unique de décision, par le moyen de bureaux où se concentrent
2381 res, et plus tard économiques, sous l’hégémonie d’ une seule ethnie. Modèle monstrueux, si l’on y réfléchit, mais c’est préc
2382 tent à l’idée qu’il pourrait n’être après tout qu’ une forme transitoire, comme tant d’autres. On enseigne son catéchisme da
2383 nère ses statues sur toutes les places. « Il faut une religion pour le peuple » assure-t-on, et comme ce n’est plus guère l
2384 ralisé et unifié s’arroge ainsi tous les pouvoirs des grands empires traditionnels jusqu’au Saint-Empire médiéval, bien qu’
2385 l juge non seulement de ses intérêts mais de ceux des autres27. C’est donc une partie qui se veut aussi grande que le tout.
2386 es intérêts mais de ceux des autres27. C’est donc une partie qui se veut aussi grande que le tout. L’État-nation moderne, u
2387 nation moderne, unitaire et absolu n’est enfin qu’ un empire manqué. Voilà la vérité fondamentale du xxe siècle des nation
2388 nqué. Voilà la vérité fondamentale du xxe siècle des nations. Et il faut souligner à ce propos une constatation des plus p
2389 cle des nations. Et il faut souligner à ce propos une constatation des plus paradoxales : c’est que, si tous les États-nati
2390 Et il faut souligner à ce propos une constatation des plus paradoxales : c’est que, si tous les États-nations unitaires ont
2391 tous les États-nations unitaires ont été et sont des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les seuls empires
2392 s empires réussis de notre temps se trouvent être des fédérations : les USA et l’URSS. Regardons maintenant ces États-natio
2393 nimer leurs régions, et d’offrir à leurs citoyens une participation réelle à la vie politique. Le problème du petit État da
2394 olitique. Le problème du petit État dans le monde des grands (titre de la série dans laquelle s’inscrit ma conférence), c’e
2395 vrais grands. Ils sont trop petits « à l’échelle des moyens techniques modernes, à la mesure de l’Amérique et de la Russie
2396 petits pour se défendre seuls, même avec l’aide d’ une petite ou moyenne force de frappe, pratiquement annulée par les barra
2397 ratiquement annulée par les barrages antimissiles des deux grands. Ils sont trop petits dans le domaine économique pour rép
2398 multipliés sur tous les continents par le retrait des puissances naguère coloniales. Enfin, ils sont trop petits pour agir
2399 ont trop petits pour agir politiquement au niveau des empires véritables qui dominent notre monde, et surtout pour résister
2400 ela, c’est la plus grave maladie qui puisse miner un corps politique. Telle étant la crise présente de l’État-nation, le r
2401 s États-nations, dirait-on. En effet, l’existence des empires de l’Est et de l’Ouest leur pose un dilemme aussi simple qu’i
2402 ence des empires de l’Est et de l’Ouest leur pose un dilemme aussi simple qu’inexorable : — ou bien ils se contentent de p
2403 eté absolue, dont ils refusent de rien déléguer à une autorité supranationale, fédérale, et alors ils seront fatalement sat
2404 dérale, et alors ils seront fatalement satellisés un à un ; — ou bien ils font ce qu’il faut pour pouvoir résister, c’est-
2405 e, et alors ils seront fatalement satellisés un à un  ; — ou bien ils font ce qu’il faut pour pouvoir résister, c’est-à-dir
2406 renoncent à leur souveraineté absolue au profit d’ une fédération qui les protège. C’est ce second parti qu’ont adopté en 18
2407 ons européens en plus de vingt ans n’ont pas fait un seul pas effectif en direction de leur fédération politique. Force m’
2408 stes. Le problème de l’union de l’Europe à partir des États-nations paraissant insoluble en théorie autant qu’il le reste e
2409 -à-dire laisser nos États continuer à prétendre à une indépendance de moins en moins croyable, et qui se borne en fait à la
2410 rales en Europe, Louis Armand formulait récemment une règle d’or qui trouve ici son application majeure : Développons en
2411 L’union, pour deux États-nations, n’est jamais qu’ une mesure de fortune, voire un expédient désespéré (comme par exemple l’
2412 ons, n’est jamais qu’une mesure de fortune, voire un expédient désespéré (comme par exemple l’union de la Grande-Bretagne
2413 en juin 1940), autrement dit : ce n’est jamais qu’ une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent trop faible s
2414 hose que sur les obstacles à l’union ; opérer sur un autre plan que celui-là, précisément, où le problème se révèle insolu
2415 lité de notre société, et je vais désigner par là une unité d’un type nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que l
2416 e société, et je vais désigner par là une unité d’ un type nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que la cnté anti
2417 que, mais plus dense, mieux structurée et offrant un meilleur milieu de participation civique que la nation telle que nous
2418 sion en Europe. C’est qu’en effet, il s’agit là d’ un phénomène complexe et neuf, que nous voyons lentement prendre forme a
2419 seuil de ce dernier tiers de notre siècle, comme un visage dont les traits se composent et s’illuminent peu à peu sur le
2420  States » de l’Amérique du Nord. Ce sont vraiment des créations de notre temps, des organismes en train de naître de la com
2421 d. Ce sont vraiment des créations de notre temps, des organismes en train de naître de la combinaison de forces les plus di
2422 ographique, l’urbanisation galopante, la mobilité des industries, et par suite les nouvelles concentrations de ressources i
2423 s intellectuelles, techniques et bancaires autour des ressources matérielles et naturelles, la densité des réseaux de commu
2424 ressources matérielles et naturelles, la densité des réseaux de communications et de transports, et enfin l’unité géograph
2425 n’étant d’ailleurs plus définie primairement par une frontière marquée sur le terrain à l’aide de bornes ou de réseaux de
2426 e par la force de rayonnement de ce qu’on appelle une « métropole », grande ville ou complexe de villes moyennes formant le
2427 es moyennes formant le cœur, le foyer dynamique d’ un pays d’une population minimum d’un à deux millions et maximum de six
2428 s formant le cœur, le foyer dynamique d’un pays d’ une population minimum d’un à deux millions et maximum de six millions. C
2429 er dynamique d’un pays d’une population minimum d’ un à deux millions et maximum de six millions. Ce qui donnerait, par exe
2430 nerait, par exemple, neuf régions pour la France, une dizaine pour l’Italie, deux ou trois pour la Hollande, quinze à vingt
2431 cret du problème tel que je l’ai découvert, voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui
2432 ple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivant :
2433 Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’ une « métropole régionale » basée sur le complexe Marseille-Aix-Étang de
2434 mplexe Marseille-Aix-Étang de Berre, c’est-à-dire une grande ville portuaire et commerçante, une vieille cité universitaire
2435 à-dire une grande ville portuaire et commerçante, une vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’un célèbre festival
2436 vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’ un célèbre festival de musique, et une zone d’intense production industr
2437 relle, dotée d’un célèbre festival de musique, et une zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implanter le
2438 sembler curieux, Messieurs, qu’à l’âge de l’union des nations et des intégrations continentales, vous vous préoccupiez d’ab
2439 , Messieurs, qu’à l’âge de l’union des nations et des intégrations continentales, vous vous préoccupiez d’abord de créer da
2440 us préoccupiez d’abord de créer dans votre nation une région plus ou moins autonome. L’effort d’union et votre effort, qu’o
2441 it en deux le bassin de la Ruhr-Moselle qui est d’ un seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’à la surface les gens
2442 xte qu’à la surface les gens parlaient allemand d’ un côté, français de l’autre. La CECA, puis la CEE ont permis de surmont
2443 . Dans l’Europe de demain, libérée de la tyrannie des frontières d’état civil imposées aux réalités économiques, les région
2444 ouvertes sur le monde, elles noueront entre elles des relations d’échanges aussi nombreuses et fréquentes que possible. Ell
2445 ’Europe, non sur les cadres en bonne partie vidés des vieilles nations. Ces paroles éveillèrent un écho pour moi des plus
2446 és des vieilles nations. Ces paroles éveillèrent un écho pour moi des plus inattendus : c’est qu’elles venaient à la renc
2447 ations. Ces paroles éveillèrent un écho pour moi des plus inattendus : c’est qu’elles venaient à la rencontre non seulemen
2448 st qu’elles venaient à la rencontre non seulement des souhaits des organisateurs du colloque, qui connaissaient les besoins
2449 enaient à la rencontre non seulement des souhaits des organisateurs du colloque, qui connaissaient les besoins de leur régi
2450 issaient les besoins de leur région, mais de tout un mouvement de pensée politique, déjà beaucoup plus large et solidement
2451 les volumes et les congrès sur la régionalisation des États européens. Le concept de région a pris une place considérable n
2452 des États européens. Le concept de région a pris une place considérable non seulement dans les préoccupations des sociolog
2453 onsidérable non seulement dans les préoccupations des sociologues, et chez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles u
2454 ez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles un important colloque sur ce problème32, mais encore dans les milieux di
2455 ase régionale : j’entends la République française une et indivisible. La bibliographie des ouvrages consacrés en France aux
2456 ue française une et indivisible. La bibliographie des ouvrages consacrés en France aux problèmes de la région moderne compo
2457 aux problèmes de la région moderne comporte déjà une quarantaine de volumes, et une bonne centaine d’études substantielles
2458 erne comporte déjà une quarantaine de volumes, et une bonne centaine d’études substantielles dues à des professeurs de soci
2459 une bonne centaine d’études substantielles dues à des professeurs de sociologie, à des politologues, à des économistes, à d
2460 antielles dues à des professeurs de sociologie, à des politologues, à des économistes, à des juristes, mais aussi à des res
2461 professeurs de sociologie, à des politologues, à des économistes, à des juristes, mais aussi à des responsables du Plan, à
2462 iologie, à des politologues, à des économistes, à des juristes, mais aussi à des responsables du Plan, à des hommes politiq
2463 , à des économistes, à des juristes, mais aussi à des responsables du Plan, à des hommes politiques comme Mendès-France, Pl
2464 uristes, mais aussi à des responsables du Plan, à des hommes politiques comme Mendès-France, Pleven, Debré. Parmi les titre
2465 , je citerai : Décoloniser la province, La France des minorités, La Gauche et les régions, Paris et le désert français (ce
2466 rt de recherche scientifique et de renouvellement des conceptions de base se développe un véritable mouvement de revendicat
2467 nouvellement des conceptions de base se développe un véritable mouvement de revendications politiques. Les candidats de l’
2468 ions politiques. Les candidats de l’opposition et un parti au moins, le PSU, demandent déjà des assemblées régionales élue
2469 tion et un parti au moins, le PSU, demandent déjà des assemblées régionales élues, la promotion d’une citoyenneté régionale
2470 à des assemblées régionales élues, la promotion d’ une citoyenneté régionale, la mise en place d’exécutifs régionaux, — tout
2471 positions qui étaient proprement impensables pour un esprit français il y a dix ou vingt ans encore. Je viens de recevoir
2472 t ans encore. Je viens de recevoir le manifeste d’ un nouveau mouvement politique « pour le fédéralisme et le progrès socia
2473 et progressiste française pour la construction d’ une VIe République. Nous réclamons la création d’États régionaux français
2474 t fédéral français. Parmi les plus graves méfaits des bureaucrates et technocrates parisiens et parmi les plus lourdes cons
2475 ’agitation populaire et de l’action directe. Dans un hebdomadaire de gauche, je lis ceci : Sur les murs des villes breton
2476 bdomadaire de gauche, je lis ceci : Sur les murs des villes bretonnes, des affichettes jaunes clament : « La Bretagne crèv
2477 je lis ceci : Sur les murs des villes bretonnes, des affichettes jaunes clament : « La Bretagne crève ! Pas d’emplois nouv
2478 ’emplois nouveaux, fermeture d’usines, émigration des jeunes et des cadres… » Le dépérissement régional n’est pas particuli
2479 aux, fermeture d’usines, émigration des jeunes et des cadres… » Le dépérissement régional n’est pas particulier à la Bretag
2480 ative, ne consiste pas à dire non, ou à consentir un abandon. Ainsi, elle permet aux États de procéder à leur désarmement
2481 égionaliste naissante, il y a bien autre chose qu’ un mécontentement accidentel, il y a de sérieuses nécessités, appelant d
2482 identel, il y a de sérieuses nécessités, appelant des réformes de structure qui, de proche en proche, mèneront très loin… C
2483 me le disent plusieurs auteurs, de l’exploitation des régions par l’État central. On s’est intéressé très spécialement aux
2484 ossibilité révolutionnaire de régions chevauchant des frontières, d’unités socioéconomiques plurinationales. Prenez la régi
2485 , qui touche la Belgique. Vue de Paris, Lille est une gare terminus, et Roubaix-Tourcoing un cul-de-sac dans un coin de l’H
2486 Lille est une gare terminus, et Roubaix-Tourcoing un cul-de-sac dans un coin de l’Hexagone33. Mais dans l’optique du March
2487 terminus, et Roubaix-Tourcoing un cul-de-sac dans un coin de l’Hexagone33. Mais dans l’optique du Marché commun de demain,
2488 avec ses cités satellites la métropole de près d’ un million d’habitants d’une région s’étendant sur la France et la Belgi
2489 s la métropole de près d’un million d’habitants d’ une région s’étendant sur la France et la Belgique, et au surplus liée au
2490 us liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’est qu’ un exemple entre bien d’autres : nous avons, tout près d’ici, celui de l
2491 xigeaient et ne l’annonçaient dans l’enthousiasme des premiers congrès fédéralistes, au lendemain de la Deuxième Guerre mon
2492 ent de là leurs libertés — sera-t-elle fondée sur des réalités en plein essor, non sur des vieilles carcasses historiques e
2493 e fondée sur des réalités en plein essor, non sur des vieilles carcasses historiques et des mythes vidés de leur pouvoir. U
2494 or, non sur des vieilles carcasses historiques et des mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues français d
2495 historiques et des mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues français d’aujourd’hui, spécialiste de la p
2496 storiques et des mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues français d’aujourd’hui, spécialiste de la prosp
2497 de la prospective, Jean Fourastié, disait il y a un an devant un colloque réunissant tous les préfets de la République :
2498 ctive, Jean Fourastié, disait il y a un an devant un colloque réunissant tous les préfets de la République : L’Europe peu
2499 publique : L’Europe peut nous tomber sur la tête un beau matin… vers 1985. La région dans le cadre européen, est une unit
2500 vers 1985. La région dans le cadre européen, est une unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le département et
2501 lle que le département et même que la nation. Qu’ une telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément de
2502 te en France, et cela précisément devant le corps des fonctionnaires institués par Napoléon pour effacer jusqu’au souvenir
2503 itués par Napoléon pour effacer jusqu’au souvenir des autonomies régionales, voilà qui nous donne à penser que la révolutio
2504 de la prise de conscience du phénomène région et des motifs de son apparition en ce moment précis de notre histoire et de
2505 té occidentale. À peine avons-nous pris la mesure des perspectives qu’il nous invite à explorer, notamment institutionnelle
2506 s invite à explorer, notamment institutionnelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient être décrétées sans transition.
2507 s sans transition. Il est normal qu’elles exigent une longue période de mise en place silencieuse des réalités de la région
2508 t une longue période de mise en place silencieuse des réalités de la région, puis d’expériences concertées, et celles-ci co
2509 es concertées, et celles-ci connaîtront forcément des échecs. Organiser, structurer, animer des régions, et finalement les
2510 rcément des échecs. Organiser, structurer, animer des régions, et finalement les doter d’institutions autonomes, ce sera la
2511 stitutions autonomes, ce sera la tâche au moins d’ une génération, vingt à trente ans, en admettant que tout se passe bien p
2512 la Grèce par hasard. Car je tiens la région pour une forme de communauté aussi nouvelle dans notre civilisation que le fut
2513 ïque. Et l’on sait que la polis devint en moins d’ un siècle l’unité de base de toute vie sociale et publique en Grèce. Ell
2514 e participation civique intense — s’opposa durant des siècles à la monarchie autoritaire et belliqueuse — créant ainsi la p
2515 sommes encore qu’à la petite aube de la formation des régions en tant qu’éléments de base de l’Europe fédérale à venir, mai
2516 he nous touchons déjà au crépuscule de la période des États-nations. Ce qui empêche la plupart des hommes d’aujourd’hui de
2517 mais de la forme nationale en général. Bien sûr, un coup d’œil sur l’histoire suffit à réfuter cette croyance. Bien sûr,
2518 u siècle dernier, Ernest Renan s’était écrié dans un discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne sont pas quelque cho
2519 t cette succession qu’il annonce, ce remplacement des États-nations par la fédération, cela ne se fera point par le jeu spo
2520 a révolution la plus difficile à accomplir, celle des catégories de pensée dans lesquelles ont vécu tous nos ancêtres depui
2521 dans lesquelles ont vécu tous nos ancêtres depuis des siècles, et que nous ont inculquées tous les classiques de la philoso
2522 on seulement invétérées jusqu’à se confondre avec une sorte d’instinct, non seulement chargées d’histoire assimilée par l’i
2523 similée par l’inconscient, mais encore chargées d’ une extrême affectivité, irritabilité, résultant du souvenir de tant de g
2524 nt de guerres récentes, de cent ans de propagande des nationalismes, et de cette religion civique dont je vous disais qu’el
2525 tait substituée à la foi chrétienne dans l’esprit des masses. Je voudrais vous donner quelques exemples de ces mutations de
2526 ne régional opposé au stato-national. Et d’abord, un changement dans le vocabulaire — tout commence toujours par là. Vous
2527 es : L’activité économique suscite dans l’espace des formes de polarisation qui naissent de relations d’interdépendance et
2528 mentarité géographique, économique et sociale […] un certain nombre d’unités territoriales réunissant des activités économ
2529 certain nombre d’unités territoriales réunissant des activités économiques complémentaires et fortement liées, gravitant a
2530 ns. En outre, ces centres jouent presque toujours un rôle très important du point de vue intellectuel et culturel. Ces agg
2531 tuel et culturel. Ces agglomérations ont dès lors une importance essentielle pour l’identification d’une unité territoriale
2532 ne importance essentielle pour l’identification d’ une unité territoriale dont, en première approximation, les limites corre
2533 approximation, les limites correspondent à celles des aires d’influence de son ou de ses agglomérations principales. Si on
2534 les prend trop petites, le nombre et l’importance des fonctions économiques et sociales diminuent dans l’unité territoriale
2535 de considérations contingentes et même comporter une part de subjectivité dans l’appréciation. En ce qui concerne l’emplac
2536 réciation. En ce qui concerne l’emplacement exact des limites, une certaine indétermination existe manifestement entre régi
2537 ce qui concerne l’emplacement exact des limites, une certaine indétermination existe manifestement entre régions contiguës
2538 n sorte que ces limites doivent être tracées avec une certaine liberté de jugement.35 Ainsi : — là où, dans le monde stat
2539 res, on parle d’ajustements variables définis par des aires d’influence ; là où l’on insistait sur la taille des domaines e
2540 d’influence ; là où l’on insistait sur la taille des domaines et sur des chiffres absolus de la population, on se préoccup
2541 l’on insistait sur la taille des domaines et sur des chiffres absolus de la population, on se préoccupe de fonctions, de p
2542 lithique, celle qui a été marquée par la fixation des tribus nomades sur des territoires cultivés, celle qui a donc été dom
2543 té marquée par la fixation des tribus nomades sur des territoires cultivés, celle qui a donc été dominée pendant douze à qu
2544 ilité, statisme, fermes assises, délimitation par des cadres invariables, et c’est aussi un symbole de durée. La région au
2545 tation par des cadres invariables, et c’est aussi un symbole de durée. La région au contraire se définit par des dynamisme
2546 e de durée. La région au contraire se définit par des dynamismes combinés, par leurs résultantes variables, par la densité
2547 , par leurs résultantes variables, par la densité des échanges et des transports, toutes choses mobiles, indépendantes du s
2548 ltantes variables, par la densité des échanges et des transports, toutes choses mobiles, indépendantes du sol. Pour la prem
2549 cité se détache du territoire, elle « décolle » ; une unité politique se définit non plus en termes de limites, mais en ter
2550 son sens simpliste d’autrefois. C’est maintenant une question d’échanges, de “flux” diraient les scientifiques : “il faut
2551 mie, qui a l’avantage de rappeler le gouvernement des cités par elles-mêmes, et aussi, par sa sobriété, de ne pas réveiller
2552 de la souveraineté sans limites. L’autonomie est une notion relative et très précise, quand on parle par exemple de l’auto
2553 uand on parle par exemple de l’autonomie de vol d’ un appareil, ou de l’autonomie de décision d’un échelon administratif. P
2554 ol d’un appareil, ou de l’autonomie de décision d’ un échelon administratif. Préférons, dans le monde régional, cette liber
2555 ont se vantaient les États-nations. Enfin, il est une grande notion que les régions nous amèneront à mettre en lumière, c’e
2556 à mettre en lumière, c’est celle de la pluralité des allégeances soit d’une personne, soit d’un groupe ou d’une région. Au
2557 ’est celle de la pluralité des allégeances soit d’ une personne, soit d’un groupe ou d’une région. Au lieu que l’État-nation
2558 alité des allégeances soit d’une personne, soit d’ un groupe ou d’une région. Au lieu que l’État-nation voulait tout faire
2559 eances soit d’une personne, soit d’un groupe ou d’ une région. Au lieu que l’État-nation voulait tout faire coïncider dans l
2560 ité de se rattacher et de donner son allégeance à des ensembles différents par la nature et par les dimensions, cité locale
2561 veau et presque révolutionnaire pour les citoyens des États unitaires et surtout totalitaires, nous est très familier en Su
2562 fédéralisme intégral. Depuis qu’il est question d’ une entrée éventuelle de la Suisse dans le Marché commun, j’entends répét
2563 veraineté, qu’elle s’y perdrait. Et si je parle d’ une fédération basée sur les régions, on me répond que ce serait pire enc
2564 qu’il est grand temps que nous cessions d’opposer un refus quasi automatique à toutes les propositions d’union un peu hard
2565 asi automatique à toutes les propositions d’union un peu hardies, sous le double prétexte « qu’on n’est pas sûr qu’elles r
2566 nerie, et qui d’ailleurs a contribué à la réduire un peu partout au sort d’assistée de l’État. Face au projet régionaliste
2567 s ; de sublime, par les infimes ; et de divin par un bébé qu’on ne savait trop comment déclarer… Les régions de demain ser
2568 s bien définis : car les régions, à la différence des États, sont faites pour s’unir et pour coopérer, comme l’ont fait nos
2569 ations écrasant toute diversité, et les avantages des grandes dimensions procurés par cette fédération dont les États-natio
2570 nos villes et leur hinterland en venaient à nouer des liens économiques et sociaux avec les pays voisins, à s’intégrer dans
2571 sociaux avec les pays voisins, à s’intégrer dans des régions polynationales, ce ne serait pas encore « la fin de la Conféd
2572 et de sa vocation, car ces deux choses existent à un autre niveau, du moins je l’espère. Belle raison d’être nationale que
2573 raison d’être nationale que celle qui dépendrait des seuls douaniers et qui serait à la merci d’un accord tarifaire ! Si G
2574 it des seuls douaniers et qui serait à la merci d’ un accord tarifaire ! Si Genève, par exemple, supprimait ses frontières
2575 ys européen qui n’ait jamais été tenté de devenir un État-nation unitaire, d’uniformiser tous ses éléments constitutifs, e
2576 inguistiques, sociaux ; le seul en somme qui soit une vraie fédération et qui ait une expérience séculaire de l’existence f
2577 en somme qui soit une vraie fédération et qui ait une expérience séculaire de l’existence fédérale. Cela nous indique, me s
2578 à l’échelle du continent. Car ce fédéralisme date un peu : c’est un fédéralisme d’États plus que de fonction, de défense p
2579 continent. Car ce fédéralisme date un peu : c’est un fédéralisme d’États plus que de fonction, de défense plus que de coop
2580 se détacher, comme j’ai tenté de vous le montrer, des États, des territoires, des cadres fixes ; il doit « décoller » du so
2581 , comme j’ai tenté de vous le montrer, des États, des territoires, des cadres fixes ; il doit « décoller » du sol, pour dev
2582 é de vous le montrer, des États, des territoires, des cadres fixes ; il doit « décoller » du sol, pour devenir de plus en p
2583 « décoller » du sol, pour devenir de plus en plus une méthode de résolution de chaque problème selon ses dimensions et à so
2584 va fournir le modèle ! — sont en train d’élaborer une théorie qui me paraît mieux adaptée à notre société industrielle et m
2585 strielle et mobile. Mais le fédéralisme est aussi un esprit, une forme de pensée et de sentiment, un style de vie, une exp
2586 mobile. Mais le fédéralisme est aussi un esprit, une forme de pensée et de sentiment, un style de vie, une expérience et u
2587 i un esprit, une forme de pensée et de sentiment, un style de vie, une expérience et une morale. Or j’observe chez beaucou
2588 forme de pensée et de sentiment, un style de vie, une expérience et une morale. Or j’observe chez beaucoup de nos concitoye
2589 de sentiment, un style de vie, une expérience et une morale. Or j’observe chez beaucoup de nos concitoyens une sorte d’hab
2590 le. Or j’observe chez beaucoup de nos concitoyens une sorte d’habitus fédéraliste, qui les fait dépasser en pratique ce qu’
2591 illeur à l’Europe qui se fait : non pas seulement une grande idée qui est capable d’ouvrir les voies de l’avenir politique
2592 pour l’Europe et le monde, mais mieux que cela : un exemple vécu. 25. Gazette littéraire , Lausanne, 28 octobre 1967.
2593 ui pourrait admettre de bonne foi, à moins d’être un imbécile, qu’une seule d’entre elles consentira jamais à remettre une
2594 ttre de bonne foi, à moins d’être un imbécile, qu’ une seule d’entre elles consentira jamais à remettre une part de ses pouv
2595 seule d’entre elles consentira jamais à remettre une part de ses pouvoirs à une autorité supranationale ? », écrivait Fran
2596 tira jamais à remettre une part de ses pouvoirs à une autorité supranationale ? », écrivait François Mauriac, dans le Figar
2597 e de l’autoroute Paris-Lille. 34. « Qu’est-ce qu’ une nation ? », Paris, 1882. 35. Commission de la CEE, Documents de la C
20 1968, Articles divers (1963-1969). Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? (mai 1968)
2598 ? Alternances d’euphorie et de frustration, dans une longue insomnie, et le sentiment, dès l’ouverture solennelle, que dés
2599 timent, dès l’ouverture solennelle, que désormais un mécanisme a été mis en marche et nous porte, mais pas nécessairement
2600 ye même, où les séances du Comité de coordination des six mouvements participants se prolongeaient jusque fort avant dans l
2601 n discours inaugural, toute la salle se leva pour une longue ovation, mais je me revois sur une photo prise à ce moment, en
2602 va pour une longue ovation, mais je me revois sur une photo prise à ce moment, entre Retinger et Dautry, encadrant le grand
2603 er et Dautry, encadrant le grand homme qui essuie une larme : ma déception commence à ce triomphe verbal. D’autres diront l
2604 ès sans précédent : je ne voudrais évoquer ici qu’ un incident de couloir dont personne n’a parlé, et dont je fus alors le
2605 eprise, d’inspirer et d’harmoniser le vocabulaire des rapports et résolutions, et de rédiger un préambule définissant les b
2606 ulaire des rapports et résolutions, et de rédiger un préambule définissant les buts communs des mouvements pour l’union de
2607 rédiger un préambule définissant les buts communs des mouvements pour l’union de l’Europe. Ces conditions acceptées en prin
2608 je me mis au travail. J’obtins la collaboration d’ une cinquantaine de grands noms d’intellectuels, d’éducateurs et d’organi
2609 le texte appelé jusqu’ici préambule constituerait un Message aux Européens à faire approuver par acclamations » et forme
2610 vement européen. […] Nous devons tenter de réunir des millions de signatures d’Européens, et de créer de la sorte un puissa
2611 e signatures d’Européens, et de créer de la sorte un puissant mouvement populaire… Cela ne manquerait pas d’exercer une pr
2612 ement populaire… Cela ne manquerait pas d’exercer une pression supplémentaire sur les gouvernements timides et récalcitrant
2613 rnements timides et récalcitrants. Le lancement d’ un tel manifeste doit constituer l’un des objectifs principaux et immédi
2614 lancement d’un tel manifeste doit constituer l’un des objectifs principaux et immédiats du congrès et de notre mouvement. L
2615 grès et de notre mouvement. Le fait de recueillir des signatures doit maintenir nos idées constamment actives dans les mass
2616 ives dans les masses. Chaque meeting organisé par un de nos groupes affiliés devra se terminer par une collecte de signatu
2617 un de nos groupes affiliés devra se terminer par une collecte de signatures (et peut-être de quelques sous donnés par chaq
2618 agne)37. Discuté pendant deux mois, mis au point une dernière fois à la veille même du congrès, le Message avait été imp
2619 congrès, le Message avait été imprimé au haut d’ un long rouleau de fort papier parcheminé, et il était entendu qu’au ter
2620 es prévues par Retinger et devenir l’instrument d’ une puissante campagne européenne. Or, le 11 mai, en fin d’après-midi, ta
2621 ère sur l’économie, qui devait être suivie, après une brève suspension, de la séance de clôture du congrès, je fus appelé d
2622 il contenait cette petite phrase : « Nous voulons une défense commune », que le congrès n’avait pas discutée et qui ne figu
2623 à cause de la phrase sur la défense. Par chance, un journaliste, qui était en train de m’interviewer lorsque Sandys m’ava
2624 mais en omettant la petite phrase. Ainsi fut fait une demi-heure plus tard. L’acclamation fut unanime, mais la campagne pop
2625 e coup se trouvait annulée : plus moyen de signer un document où l’on aurait barré une phrase aussi voyante, et qui d’aill
2626 moyen de signer un document où l’on aurait barré une phrase aussi voyante, et qui d’ailleurs semblait s’être volatilisé au
2627 nt la parole au peuple européen, pour la donner à des ministres, qui en ont fait l’usage que l’on sait. 2. Ne vous semble-t
2628 plus accessible qu’aujourd’hui ? Nous imaginions une Europe constituée par les « forces vives » de tous nos peuples, c’est
2629 force de persistance (inertie, vested interests) des États-nations. Pour réussir l’Europe du peuple européen, il eût fallu
2630 rope du peuple européen, il eût fallu : 1) lancer une campagne populaire de très grande envergure (or on vient de voir comm
2631 ré la doctrine adaptée aux temps nouveaux — celle des régions…). 3. Certains « européens » (mais non les fédéralistes) ont
2632 que les Communautés peuvent constituer l’amorce d’ une fédération européenne ? Estimez-vous que l’on puisse encore compter s
2633 L’union politique de l’Europe n’a pas progressé d’ un centimètre depuis que Churchill (en 1946 à Zurich) parlait de son urg
2634 que. La preuve est faite de la foncière hostilité des États-nations à toute forme d’union réelle (fédérale) et de leur radi
2635 t pour ménager à chaque individu la possibilité d’ une participation réelle à la vie civique, — les États-nations ne feront
2636 par les nations qui les composent, loin d’amorcer un processus quelconque d’union politique, n’atteignent même pas l’objec
2637 nt même pas l’objectif minimum de la chute réelle des barrières douanières… Mais on ne bâtira pas l’union sur le respect in
2638 bâtira pas l’union sur le respect inconditionnel des obstacles à toute union. 4. Le Mouvement européen — créé lui aussi au
2639 maine culturel, par exemple, peut être attribué d’ une manière très précise aux projets de quelques non conformistes libérau
2640 directeurs du Mouvement. Ce qu’il a proclamé avec une si louable mesure, et, il faut bien le reconnaître, dans l’indifféren
2641 prudente, rassurante, et par là même inefficace, des politiciens « réalistes » et pragmatistes à l’anglo-saxonne qui n’ont
2642 chose qui ne peut manquer de se produire du fait des autres, ou de la providence, ou du « mouvement de l’Histoire », alors
2643 Mais j’appelle espérance l’intuition qu’il existe des moyens de rejoindre le but que l’on veut atteindre. Et cette espéranc
2644 l’ancien (les États-nations), mais seulement sur des réalités neuves, eh bien, nous les avons enfin, ces réalités ! Ou plu
2645 que sur les cadres durs mais en train de se vider des États-nations, cela signifie dorénavant et concrètement, bâtir sur le
2646 r les régions ethnoéconomiques. Et bâtir l’Europe des régions, ce sera tenir enfin les engagements de La Haye. 37. Il est
2647 t à la même époque ; la diachronie impose parfois des prises de consciences synchroniques. y. Rougemont Denis de, « Vingt
21 1969, Articles divers (1963-1969). De l’Aar à l’Europe (1969)
2648 avant notre ère, sont nées de la considération d’ un fleuve. Il s’agissait sans nul doute du Méandre, puisque cet ancêtre
2649 son embouchure dans l’Égée. En ce temps-là, temps des cités et de l’Ionie, patrie de nos idées, les réflexions sur l’homme
2650 pas encore du seul langage, ni de l’histoire, ni des sciences exactes, et encore moins de l’économie, mais de la contempla
2651 coule, résiste, brûle ou s’évapore, c’est-à-dire des quatre éléments de la nature primordiale, saisie par notre esprit et
2652 ont les eaux qui s’écoulent, et les âmes à partir des liquides s’en vont en vapeurs… La mort pour les âmes est de devenir e
2653 même fleuve. II Il est permis de lire bien des choses dans ces phrases. Elles décrivent la métamorphose des éléments
2654 dans ces phrases. Elles décrivent la métamorphose des éléments : le feu solaire qui aspire en vapeur l’eau des fleuves jail
2655 ments : le feu solaire qui aspire en vapeur l’eau des fleuves jaillis des blessures de la terre, puis l’apaisante pluie ren
2656 re qui aspire en vapeur l’eau des fleuves jaillis des blessures de la terre, puis l’apaisante pluie renouvelant les sources
2657 it d’Héraclite, succession ou présence en conflit des contraires : naissance de la dialectique. Ce discours méandrique nous
2658 ectique. Ce discours méandrique nous dit aussi qu’ un fleuve est à la fois mouvement perpétuel et dessin permanent, flot sa
2659 perpétuel et dessin permanent, flot sans fin dans une forme arrêtée, celle des rives qu’il a formées, événement toujours fu
2660 nent, flot sans fin dans une forme arrêtée, celle des rives qu’il a formées, événement toujours fuyant et qui fascine, figu
2661 ure originelle de ce qui change sans relâche dans un trajet presque immuable, qu’il faudra plusieurs millénaires pour dépl
2662 e vus ensemble, génialement assumés par la pensée des visionnaires de l’Ionie. Enfin les sentences d’Héraclite me proposent
2663 nie. Enfin les sentences d’Héraclite me proposent une idée de l’Europe, telle qu’on l’a quelquefois définie par ses vertus
2664 de plus spécifique de l’Europe — depuis l’aurore des temps, bien avant l’homme ! — que ce réseau de fleuves et de rivières
2665 era plus grande longueur de côtes pour la surface des terres, ni plus dense réseau de fleuves et de rivières, plus complexe
2666 exe entrelacs d’affluents et de lignes de partage des eaux ; ni plus de ports. L’Asie, l’Afrique, les Amériques, sont fendu
2667 frique, les Amériques, sont fendues, blessées par des fleuves trop larges et trop longs pour l’usage de l’homme. Ils divise
2668 Europe sont pareils aux artères ou aux nerfs dans un corps, aux racines des grands arbres enserrant la terre lourde et à l
2669 x artères ou aux nerfs dans un corps, aux racines des grands arbres enserrant la terre lourde et à leurs branches divergean
2670 nombreux bassins largement définis non point par des frontières mais bien par des courants venus d’ailleurs et allant aill
2671 éfinis non point par des frontières mais bien par des courants venus d’ailleurs et allant ailleurs : c’est la circulation c
2672 t la circulation continuelle qui crée le visage d’ un pays. Europe sans déserts et sans steppes, jardin du monde, fille des
2673 s déserts et sans steppes, jardin du monde, fille des fleuves ! IV Rien de plus fluvial que la Suisse. Si l’Europe es
2674 s fluvial que la Suisse. Si l’Europe est la terre des ports, où les fleuves ont formé plus de baies favorables que n’en com
2675 es plus grands continents, la Suisse est la terre des sources. Cinq bassins fluviaux s’originent au massif du Gothard, chât
2676 hard, château d’eau de l’Europe. Par eux la terre des Suisses est liée sans relâche à l’océan du Nord, où va le Rhin, et à
2677 , le système scientifique à l’éclair de voyance d’ un génie, et l’œuvre d’art à l’émotion. Les fleuves nés du cœur graniti
2678 sud, après l’affirmation farouche, le nœud serré des gorges du Gothard. Les grands fleuves nous bordent et nous quittent.
2679 leuves nous bordent et nous quittent. Mais il est une rivière qui d’un large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’est, rama
2680 t et nous quittent. Mais il est une rivière qui d’ un large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’est, ramasse toutes les au
2681 utres rivières du Plateau suisse et les déverse d’ un seul geste dans le Rhin, vers l’Atlantique. Elle relie les deux pôles
2682 s du drame originel de notre histoire, le Gothard des premières communes confédérées, vaste massif aux flancs duquel elle p
2683 e district de forteresses médiévales édifiées sur un camp romain autour de la colline de la Habsbourg, où confluent dans s
2684 rhénan. L’Aar n’est pas seulement la plus longue des rivières qui coulent en Suisse d’un bout à l’autre (280 kilomètres, c
2685 plus longue des rivières qui coulent en Suisse d’ un bout à l’autre (280 kilomètres, c’est la longueur exacte du Méandre !
2686 de Zurich, tandis que la Reuss lui amène les eaux des Quatre-Cantons, de Sarnen, de Zoug et d’Aegeri. — Sempach, Baldegg, H
2687 elles. Il illustre au départ torrentueux l’esprit des communes médiévales, source des libertés confédérales. Berne ensuite
2688 rentueux l’esprit des communes médiévales, source des libertés confédérales. Berne ensuite et le cours plus large et plein
2689 . Berne ensuite et le cours plus large et plein d’ un fleuve, c’est le moment de la conquête tournée principalement vers l’
2690 de Vaud à l’Argovie, contrées assujetties pendant des siècles. Berne si bien nommée « la République de l’Aar » parce qu’ell
2691 s pouvoirs souverains de rassemblement, Berne est une expression de l’Aar. Et puis, quand la rivière une première fois s’ém
2692 enir de Besenval et celui de Casanova, Soleure qu’ un pasteur indigné décrit comme « un centaure franco-allemand », mais qu
2693 ova, Soleure qu’un pasteur indigné décrit comme «  un centaure franco-allemand », mais qui nous laisse une image classique
2694 centaure franco-allemand », mais qui nous laisse une image classique des régimes patriciens du xviiie . L’Argovie, ou « pa
2695 emand », mais qui nous laisse une image classique des régimes patriciens du xviiie . L’Argovie, ou « pays de l’Aar », vient
2696 n, c’est elle qui va donner naissance à plusieurs des mentors de la Suisse nouvelle et de son régime radical. Ce cours de l
2697 ar d’ouest en est qui fut jadis route commerciale des Romains, d’Aventicum à Vindonissa, puis route des vins du Pays de Vau
2698 des Romains, d’Aventicum à Vindonissa, puis route des vins du Pays de Vaud et route du sel de la Bourgogne — produits sur l
2699 duits sur lesquels les gens d’Aarburg prélevaient des taxes en vertu d’un privilège impérial — va devenir au xxe siècle le
2700 s gens d’Aarburg prélevaient des taxes en vertu d’ un privilège impérial — va devenir au xxe siècle le cours du progrès so
2701 es blanches et transparentes dans la verdure crue des forêts et des prés enserrent les ruines et le mutisme désolé des fort
2702 transparentes dans la verdure crue des forêts et des prés enserrent les ruines et le mutisme désolé des forteresses féodal
2703 es prés enserrent les ruines et le mutisme désolé des forteresses féodales. Les seigneurs de la production industrielle fon
2704 ce, qui rassemble vingt lacs et vingt rivières en un courant puissant qu’elle jette au large Rhin, rassemblons en un seul
2705 ssant qu’elle jette au large Rhin, rassemblons en un seul faisceau nos arguments sur les fleuves et la Suisse pour les fai
2706 re comme dans le cours physique de l’Aar. À cause des fleuves, qui sont un phénomène tellement typique de cette « péninsule
2707 physique de l’Aar. À cause des fleuves, qui sont un phénomène tellement typique de cette « péninsule occidentale de l’Asi
2708 Danube ou Adige —, elle me paraît illustrative d’ une authenticité européenne. VII Car l’Europe, ce n’est pas un prod
2709 européenne. VII Car l’Europe, ce n’est pas un produit synthétique, ni une substance philosophique, ni une nation, e
2710 l’Europe, ce n’est pas un produit synthétique, ni une substance philosophique, ni une nation, et encore moins une race. C’e
2711 t synthétique, ni une substance philosophique, ni une nation, et encore moins une race. C’est l’accord des tons purs de nos
2712 nce philosophique, ni une nation, et encore moins une race. C’est l’accord des tons purs de nos diversités. Ce qui est eur
2713 nation, et encore moins une race. C’est l’accord des tons purs de nos diversités. Ce qui est européen n’est pas d’abord c
2714 i est différent, s’affirme singulier et manifeste une vocation incomparable. Il n’y a pas d’accent européen, mais l’Europe
2715 s d’accent européen, mais l’Europe est partout où une langue est parlée, écrite et chantée librement par une communauté d’h
2716 angue est parlée, écrite et chantée librement par une communauté d’hommes libres. Rien n’est authentiquement européen qui n
2717 st authentiquement européen qui ne soit d’abord d’ un pays. D’un pays à nul autre pareil et pourtant fraternel au voisin, a
2718 quement européen qui ne soit d’abord d’un pays. D’ un pays à nul autre pareil et pourtant fraternel au voisin, accueillant
2719 fois. Fidèle à soi mais dans le mouvement — comme un fleuve. Aucun pays ne m’apparaît alors d’une plus forte densité europ
2720 comme un fleuve. Aucun pays ne m’apparaît alors d’ une plus forte densité européenne que la Suisse : autour de son cœur, qua
2721 rigine de quatre grands systèmes de ramifications des eaux, des routes, autant de voies ouvertes à l’imagination vers les p
2722 quatre grands systèmes de ramifications des eaux, des routes, autant de voies ouvertes à l’imagination vers les plaines du
2723 ve dans toute l’Europe, mais ici tirant après soi un r qui roule comme les pierres charriées par les torrents alpestres. A
22 1969, Articles divers (1963-1969). À la fontaine Castalie (1969)
2724 yage, absolument, que parfois je quitte mon lieu. Un certain état d’âme, d’alerte au monde est le vrai but du dé-placement
2725 a nature et l’histoire. Mais voyager en Grèce est une autre aventure. Qu’on le veuille et le sache ou non, c’est un itinéra
2726 nture. Qu’on le veuille et le sache ou non, c’est un itinéraire spirituel que le hasard propose et dont les mythes dispose
2727 vérité son invention sur place ; ses étapes sont des prises de conscience ; et il n’a d’autre fin que d’être parcouru. Le
2728 n’a d’autre fin que d’être parcouru. Le voilier — un schooner de vingt-deux-mètres — cherche la voie qu’il va tracer sur l
2729 sur l’eau. Nous venons de quitter Poros, non loin des portes de Trézène. En Grèce, on va vers des noms émouvants. Quelqu’un
2730 loin des portes de Trézène. En Grèce, on va vers des noms émouvants. Quelqu’un dit : Delphes. ⁂ Jusqu’au pied du Parnass
2731 pied du Parnasse j’irai, et dès que dans l’ombre des chênes Aux yeux de l’errant brillera ton flot surgissant, Castalie…
2732 es de perles. Soudain, quittant l’immense ombrage des vergers d’oliviers de la plaine d’Itea, striés de vives lueurs sur le
2733 rs sur le sol rose, la route monte en lacets vers un col dénudé. Des pans de montagne s’élèvent, cachant les hauteurs du P
2734 ose, la route monte en lacets vers un col dénudé. Des pans de montagne s’élèvent, cachant les hauteurs du Parnasse. Le pays
2735 gement de dimensions s’éprouve comme l’approche d’ un vertige, mais au bord de l’espace intérieur. Très loin maintenant, be
2736 port, par instants j’ai cru voir le bateau, comme un trait. Passons le village, laissons à gauche l’enceinte sacrée et les
2737 einte sacrée et les temples, allons jusqu’au pied des rochers qui dominent et referment le cirque, là où la route s’infléch
2738 route s’infléchit vers la droite, longe la base d’ une haute falaise puis la contourne, pour redescendre en direction de Thè
2739 ion de Thèbes. Arrêtons-nous dans l’ombre épaisse des chênes. Un bref sentier sous les feuillages conduit au bas d’une gorg
2740 s. Arrêtons-nous dans l’ombre épaisse des chênes. Un bref sentier sous les feuillages conduit au bas d’une gorge ravinée e
2741 bref sentier sous les feuillages conduit au bas d’ une gorge ravinée entre les parois nues des roches Phaedriades — la Rouss
2742 au bas d’une gorge ravinée entre les parois nues des roches Phaedriades — la Rousse devant nous, la Flamboyante à droite.
2743 bre. Les roches brillent, argentées et dorées sur un ciel mat griffé de pins légers. À leur pied, dans l’obscure fraîcheur
2744 eaux saintes et sobres » de la fontaine Castalie. Une façade immense et tranchée en plein roc. À mi-hauteur elle est creusé
2745 profondes, aux voûtes surbaissées ; l’une abrite un fût de colonne ; une autre est vide ; et la dernière comme une porte
2746 es surbaissées ; l’une abrite un fût de colonne ; une autre est vide ; et la dernière comme une porte noire semble s’ouvrir
2747 lonne ; une autre est vide ; et la dernière comme une porte noire semble s’ouvrir vers l’intérieur du rocher. Au bas de la
2748 l’intérieur du rocher. Au bas de la paroi court une sorte d’auge creusée dans la pierre calcaire ; elle débouche à gauche
2749 la pierre calcaire ; elle débouche à gauche dans une vaste pièce d’eau rectangulaire. (Au-delà, un escalier monte vers la
2750 ns une vaste pièce d’eau rectangulaire. (Au-delà, un escalier monte vers la gorge noire.) Vers la droite, elle disparaît d
2751 e noire.) Vers la droite, elle disparaît derrière une cloison de dalles verticales, puis s’enfonce dans le flanc du rocher.
2752 haute, doucement modelée par la source qui sourd des entrailles de la Terre, par mille veines de la pierre, et suinte de l
2753 r mille veines de la pierre, et suinte de la nuit des Temps. Jamais plus près du Néant primordial, dans le noir pur. ⁂ Tou
2754 n objectif ne pourra l’enregistrer, il y faudrait un œil de l’âme, œil intérieur : on est ici dans l’événement à voir, et
2755 n est ici dans l’événement à voir, et non devant… Une autre résistance obscurément s’oppose à l’idée même d’une « prise de
2756 e résistance obscurément s’oppose à l’idée même d’ une « prise de vue ». Quelque sourd interdit règne ici. Quelque chose ici
2757 mais toujours vient d’être accompli. Il en reste un silence énorme, ces pierres nues, et la paix solennelle. Le silence q
2758 upéfiant le monde et notre cœur. Là-haut le feu d’ un ciel très clair baigne la crête des Brillantes. Ici l’ombre et le cre
2759 -haut le feu d’un ciel très clair baigne la crête des Brillantes. Ici l’ombre et le creux, la chênaie, l’antre humide. La G
2760 d et noir, centre du Monde. Au retrait de l’ombre des chênes, j’ai trompé le sommeil pour tenter de surprendre l’éveil du m
2761 és à l’attrait de ces lieux. Là sur la gauche, à une centaine de pas, dans la gorge où conduit ce très lourd escalier, dév
2762 gorge où conduit ce très lourd escalier, dévalant des hauteurs vers le fond du ravin, le dieu solaire a tué Python, le gran
2763 pour les mânes de l’aveuglé, mon frère. (Faute d’ un pardon pas encore inventé.) Des jeunes filles en cortège, conduites
2764 n frère. (Faute d’un pardon pas encore inventé.) Des jeunes filles en cortège, conduites par un pope noir, sont venues se
2765 té.) Des jeunes filles en cortège, conduites par un pope noir, sont venues se désaltérer au grand bassin. Le prêtre a bén
2766 béni l’eau païenne. Elles sont parties. Noté sur une des pages de garde de mon guide. Paix du bassin, eau verte et noire,
2767 l’eau païenne. Elles sont parties. Noté sur une des pages de garde de mon guide. Paix du bassin, eau verte et noire, le s
2768 tre, la tholos, et le temple deux fois frappé par des roches tombées du Parnasse : dans la lumière précise des hauteurs, da
2769 hes tombées du Parnasse : dans la lumière précise des hauteurs, dans la proximité aimable des colonnes à demi rénovées — en
2770 e précise des hauteurs, dans la proximité aimable des colonnes à demi rénovées — en blanc les parties neuves reliant les bl
2771 les parties neuves reliant les blocs d’ancien, d’ un gris fauve rongé et poreux — parmi les oliviers géants, incultes, les
2772 Tout paraît naturel mais à tel point que parfois une arrière-pensée se meut dans l’ombre : est-ce bien ainsi ? n’est-ce qu
2773 jourd’hui parle aux hommes et laisse Deviner des propos pleins de sens merveilleux… Car il plaît aujourd’hui comme alo
2774 alors aux souffles du ciel de descendre Dans un cœur qui s’émeut et connaît leur présence…) ⁂ Nous avons déjeuné sur
2775 connaît leur présence…) ⁂ Nous avons déjeuné sur une terrasse d’auberge accrochée juste au-dessous du tournant de la route
2776 gris, fromage de chèvre, énormes olives noires et une cruche bien fraîche de vin rouge du pays. Bonheur pur. 46. Xénophan
23 1969, Articles divers (1963-1969). Pour une définition nouvelle du fédéralisme (1969)
2777 Pour une définition nouvelle du fédéralisme (1969)z aa En 1863 paraissait l
2778 devenue célèbre : « Le xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. »
2779 l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie sommes-nous engagés après
2780 ans. » Dans quelle voie sommes-nous engagés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie des peuples, ou celle
2781 voie sommes-nous engagés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie des peuples, ou celle d’une renaissance
2782 n siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie des peuples, ou celle d’une renaissance des particularismes nationaux ? J
2783 érations et de l’harmonie des peuples, ou celle d’ une renaissance des particularismes nationaux ? Je répondrai : dans les d
2784 ’harmonie des peuples, ou celle d’une renaissance des particularismes nationaux ? Je répondrai : dans les deux à la fois, e
2785 deux à la fois, et cela n’est pas contradictoire. Un phénomène très général de convergence inspire les mouvements d’union
2786 e, en Afrique et en Amérique latine, cependant qu’ une volonté d’union mondiale anime les Nations unies et l’Unesco, le Cons
2787 Nations unies et l’Unesco, le Conseil œcuménique des Églises et Vatican II. Simultanément, mais en sens inverse, un phénom
2788 Vatican II. Simultanément, mais en sens inverse, un phénomène tout aussi général d’affirmation des diversités, des autono
2789 se, un phénomène tout aussi général d’affirmation des diversités, des autonomies et des volontés d’indépendance, inspire le
2790 tout aussi général d’affirmation des diversités, des autonomies et des volontés d’indépendance, inspire les mouvements de
2791 l d’affirmation des diversités, des autonomies et des volontés d’indépendance, inspire les mouvements de résurgences commun
2792 e chacun de nos États unitaires. Renaissance donc des micronationalismes locaux, qui revendiquent leur autonomie au nom de
2793 omie au nom de leur langue, de leurs coutumes, ou des nécessités économiques nouvelles, et qui enfièvrent tour à tour la Br
2794 se prononcent en même temps, résultent en partie des mêmes causes, et entraînent des effets complémentaires, j’entends le
2795 sultent en partie des mêmes causes, et entraînent des effets complémentaires, j’entends le dépassement de l’État-nation à l
2796 a fois par en haut et par en bas, d’une part vers des fédérations continentales et d’autre part vers un fédéralisme régiona
2797 es fédérations continentales et d’autre part vers un fédéralisme régional. La victime de ce double mouvement contradictoir
2798 t du Premier Empire, produit de la confiscation d’ une mystique — la nation — par un appareil administratif et policier — l’
2799 la confiscation d’une mystique — la nation — par un appareil administratif et policier — l’État. Un État plus ou moins na
2800 r un appareil administratif et policier — l’État. Un État plus ou moins nationalisé ou une nation étatisée, modèle : la Fr
2801 er — l’État. Un État plus ou moins nationalisé ou une nation étatisée, modèle : la France, bientôt imitée par presque toute
2802 r presque toute l’Europe — et au xxe siècle, par une centaine de nations nouvelles. Centralisé, atomisé et trituré par les
2803 colonialisme. Il est certain que la prétention à une politique indépendante, au plein sens du terme, ne saurait être soute
2804 utefois d’en payer le prix, lequel serait celui d’ une autarcie presque totale ou d’une sorte d’isolation paranoïaque. En fa
2805 l serait celui d’une autarcie presque totale ou d’ une sorte d’isolation paranoïaque. En fait, les États-Unis, quoique de lo
2806 diale que celle-ci du dollar ou de la télévision. Une interdépendance universelle dans tous les ordres tend à réduire l’ind
2807 s tous les ordres tend à réduire l’indépendance d’ un État à une certaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un ce
2808 ordres tend à réduire l’indépendance d’un État à une certaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un certain jeu d
2809 taine liberté dans le choix de ses dépendances, à un certain jeu dans l’aménagement de ses réseaux de relations plus ou mo
2810 à la Chambre italienne sur le règlement du statut des régions autonomes. Risque d’éclatement de la Belgique. En France, flo
2811 . Succès spectaculaires, aux dernières élections, des autonomistes gallois et écossais. Agitation basque et catalane sourde
2812 Jura bernois. Mais en même temps, multiplication des jumelages européens entre communes de ces mêmes régions, créations d’
2813 s de liberté et de participation civique, apanage des petites communautés ou cités libres, comme Rousseau l’avait si bien v
2814 grands espaces économiques constitués à la mesure des possibilités et des besoins de l’ère scientifico-technique. Cet échec
2815 miques constitués à la mesure des possibilités et des besoins de l’ère scientifico-technique. Cet échec de la politique cen
2816 tralisatrice et unitaire, secrètement obsédée par un rêve d’autarcie, et cette mise en question, voire en accusation, de l
2817 xixe siècle, nous renvoient l’un comme l’autre à des formules de type fédéraliste. À la question que je me posais sur la p
2818 réponse : oui, nous sommes bel et bien au seuil d’ une ère potentiellement fédéraliste. Peut-on dire plus ? Sur les quelque
2819 mi eux les plus grands États et les plus modernes des cinq continents — ainsi les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour
2820 isme « désuet ». Mais l’étiquette fédérale couvre des marchandises de qualités au moins diverses selon qu’il s’agit par exe
2821 tiques qui sont opprimées par l’État central dont un parti unique s’est emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des ré
2822 que s’est emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des régions fédérées qui s’érige en État unitaire ; en Suisse, c’est
2823 s’est emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des régions fédérées qui s’érige en État unitaire ; en Suisse, c’est le r
2824 lleurs), pour refuser de se laisser entraîner par des mouvements de convergence européenne et mondiale, même s’ils disent s
2825 ent s’inspirer du propre exemple de la fédération des cantons suisses ! Il est certain que dans ces trois cas, c’est moins
2826 al compris, ou son blocage délibéré aux limites d’ un État fédéral. Il ne s’agit pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’un
2827 aux limites d’un État fédéral. Il ne s’agit pas d’ un défaut du fédéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme ! Et l’on est
2828 ne s’agit pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’ un défaut de fédéralisme ! Et l’on est en droit de penser que l’applicat
2829 double mouvement de diastole et de systole, vers des autonomies plus locales et vers des unions plus vastes, qui est le ba
2830 systole, vers des autonomies plus locales et vers des unions plus vastes, qui est le battement même du cœur d’un régime sai
2831 plus vastes, qui est le battement même du cœur d’ un régime sain, j’entends immunisé contre le virus totalitaire. Mais si
2832 langage politique qui prête à pires malentendus ! Un Français cultivé qui demande à son Littré le sens du mot fédéralisme
2833 ions qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. C
2834 qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. Chate
2835 l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. » Pour le Français cultivé et qui a coutu
2836 reporter à son Littré quand il veut savoir ce qu’ un mot signifie, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui est bon
2837 ’un mot signifie, la cause est jugée. Il s’agit d’ un système qui est bon pour les sauvages et qui semble n’avoir été préco
2838 vages et qui semble n’avoir été préconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon Littré date de 1865 : «
2839 jet auraient dû suffire, semble-t-il, à clarifier un terme que le problème européen et nos situations nationales nous amèn
2840 le malheur congénital du fédéralisme reste d’être un concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en tout cas
2841 uelques années, je suggérai au comité directeur d’ un congrès européen qu’une journée fût réservée à des travaux sur le féd
2842 érai au comité directeur d’un congrès européen qu’ une journée fût réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentan
2843 un congrès européen qu’une journée fût réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentant du Conseil de l’Europe ti
2844 ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour un système d’unification intégrale, sans respect pour les diversités et
2845 ans respect pour les diversités et les autonomies des pays membres, c’est-à-dire très exactement le contraire de ce qu’il e
2846 verse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion envers tout pouvoir central et à la défense omb
2847 s tout pouvoir central et à la défense ombrageuse des autonomies locales ou régionales. C’est ainsi qu’un illustre homme d’
2848 autonomies locales ou régionales. C’est ainsi qu’ un illustre homme d’État belge, et grand Européen, écrivait récemment :
2849 y a quelques années, on put entendre le recteur d’ une de nos universités cantonales condamner le principe d’une subvention
2850 os universités cantonales condamner le principe d’ une subvention fédérale « parce qu’ici, disait-il, nous sommes fédéralist
2851 d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditions helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’étant ni
2852 portance pratique de tout effort de clarification des concepts de fédération et de fédéralisme. Pour ma part, je voudrais m
2853 proposer quelques définitions, puis les relier à des situations contemporaines choisies dans les domaines les plus variés
2854 tions. Je propose d’appeler problème fédéraliste une situation dans laquelle s’affrontent deux réalités humaines antinomiq
2855 puisse être cherchée ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans la subordination de l’un à l’autre, mais seulement da
2856 ordination de l’un à l’autre, mais seulement dans une création qui englobe, satisfasse et transcende les exigences de l’un
2857 ositive (on dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’agit de déterminer l’opti
2858 ntradictoires, — comme l’offre et la demande dans un prix). L’ensemble des problèmes et des solutions ainsi définies const
2859 e l’offre et la demande dans un prix). L’ensemble des problèmes et des solutions ainsi définies constitue ce que je nommera
2860 emande dans un prix). L’ensemble des problèmes et des solutions ainsi définies constitue ce que je nommerai la politique fé
2861 Avant de chercher à quel type d’homme correspond une telle politique, et quel type d’homme elle entend préparer ou éduquer
2862 d préparer ou éduquer, constatons qu’elle traduit une forme de pensée, une structure de relations bipolaires dont le « modè
2863 , constatons qu’elle traduit une forme de pensée, une structure de relations bipolaires dont le « modèle » nous est connu :
2864 littéralement auto-réglage) comme cellule de base des ligues et fédérations. Voilà qui est proprement occidental : devant c
2865 uisant l’un de ses termes — le Divers — au prix d’ une longue ascèse exténuante. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le bu
2866 de la masse indistincte autant que sur l’anarchie des individus isolés, qu’il s’agisse de réalités métaphysiques ou physiqu
2867 itiques. « Ce qui s’oppose coopère et de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie », dit un fragment célèbre
2868 contraires procède la plus belle harmonie », dit un fragment célèbre d’Héraclite. L’art et la science de cette mise en te
2869 que je l’entends, après avoir valu pour la Grèce des grands siècles avec sa dialectique de l’individu et de la cité, conci
2870 vers l’approfondissement et l’expansion du modèle des contraires en tension créatrice, nous le trouvons dans le christianis
2871 créatrice, nous le trouvons dans le christianisme des grands conciles. À Nicée, puis à Chalcédoine, plusieurs centaines d’é
2872 our définir en grec la nature à la fois triple et une du Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, et la personne à la fois une et
2873 e, Fils et Saint-Esprit, et la personne à la fois une et double de Jésus-Christ. Et ils écrivent : « Nous enseignons un seu
2874 Jésus-Christ. Et ils écrivent : « Nous enseignons un seul et même Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme… fils uni
2875 éparation. L’union n’a pas supprimé la différence des natures, mais plutôt elle a sauvegardé les propriétés de chaque natur
2876 priétés de chaque nature, qui se rencontrent dans une seule personne… » Abstraction faite de la foi que l’on accorde ou non
2877 je retiens que leurs formes et structures posent un certain type de relations, posent donc une société et une politique.
2878 posent un certain type de relations, posent donc une société et une politique. De même que le modèle trinitaire des concil
2879 ain type de relations, posent donc une société et une politique. De même que le modèle trinitaire des conciles sera utilisé
2880 t une politique. De même que le modèle trinitaire des conciles sera utilisé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle
2881 marxienne — de même le modèle de la co-existence des deux natures « sans confusion ni séparation » et de l’union qui « loi
2882 de l’union qui « loin de supprimer la différence des natures sauvegarde leurs propriétés »ab sera repris par tous les pens
2883 s les penseurs occidentaux respectueux du réel et des conditions de la vie, qui sont : antinomies, oppositions, lutte des c
2884 la vie, qui sont : antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’où procède la plus belle harmonie ». Je pense d’abord,
2885 s comme exclusifs l’un et l’autre, a cessé d’être un scandale, est même devenue principe fondamental d’interprétation du r
2886 oderne où l’on retrouve les structures typiques d’ un problème fédéraliste. À la base de notre analyse, plaçons une concept
2887 fédéraliste. À la base de notre analyse, plaçons une conception de l’homme analogue au modèle bipolaire posé par le concil
2888 Chalcédoine. La personne humaine, notion déduite des dogmes relatifs aux trois Personnes divines, et surtout à la deuxième
2889 nauté, cet homme se constitue dans la dialectique des contraires. Et ce caractère va se transmettre à tous les groupes qu’i
2890 — l’autonomie. Quelques exemples : 1° Le problème des universités résulte d’un couple d’exigences contradictoires, qui para
2891 emples : 1° Le problème des universités résulte d’ un couple d’exigences contradictoires, qui paraissent exclusives l’une d
2892 ces communs, de participation efficace à la vie d’ un groupe concret et d’horizons ouverts, d’adhésion à des communautés pl
2893 roupe concret et d’horizons ouverts, d’adhésion à des communautés plus vastes et de cadres qui rassurent, d’enracinement et
2894 on de l’homme qui veut à la fois sa vie privée et une vie sociale est homologue de la situation de la région qui veut à la
2895 eut à la fois son autonomie et sa participation à un plus grand ensemble, en association. 4° Enfin, le problème général de
2896 venons d’évoquer, puisqu’il consiste à concilier des confessions distinctes dans l’unité de l’Église, c’est-à-dire, en der
2897 é de l’Église, c’est-à-dire, en dernière analyse, des vocations particulières au sein de l’Être même de l’Universel, source
2898 éthode dictés par le souci fédéraliste de respect des diversités, des conditions contradictoires de la vie, comme la libert
2899 r le souci fédéraliste de respect des diversités, des conditions contradictoires de la vie, comme la liberté des personnes
2900 tions contradictoires de la vie, comme la liberté des personnes et la force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’une
2901 force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’ une situation part du concret, en ce sens que d’abord elle considère la n
2902 en ce sens que d’abord elle considère la nature d’ une tâche ou d’une fonction particulière dont on aura reconnu la nécessit
2903 d’abord elle considère la nature d’une tâche ou d’ une fonction particulière dont on aura reconnu la nécessité ou l’agrément
2904 d’exécution requise, et elle le fait en fonction des trois facteurs suivants : possibilités de participation (civique, int
2905 intellectuelle, économique), efficacité, économie des moyens. Enfin, troisième étape, une fois déterminée cette dimension e
2906 égions, tous les hommes de quelques régions, ou d’ une seule. Je conviendrai que le nombre des combinaisons auxquelles peut
2907 ons, ou d’une seule. Je conviendrai que le nombre des combinaisons auxquelles peut conduire cette méthode a de quoi donner
2908 cité. Pour moi, le fédéralisme, c’est l’autonomie des régions plus les ordinateurs, c’est-à-dire le respect du réel et de s
2909 allons voir, enfin, que nos critères d’évaluation des dimensions et d’attribution des niveaux décisionnels — la participati
2910 ères d’évaluation des dimensions et d’attribution des niveaux décisionnels — la participation, l’efficacité et l’économie d
2911 ls — la participation, l’efficacité et l’économie des moyens — sont en interdépendance générale. Prenons l’exemple de l’hab
2912 e. Prenons l’exemple de l’habitat : le gigantisme des villes, l’entassement dans les grands ensembles conçus pour rapporter
2913 rapporter, non pour servir ou plaire, ont produit une situation de crise dont l’acuité se mesure notamment par le chiffre é
2914 l’acuité se mesure notamment par le chiffre élevé des suicides. L’homme des ensembles à bon marché, trop serré avec d’autre
2915 amment par le chiffre élevé des suicides. L’homme des ensembles à bon marché, trop serré avec d’autres chez soi, et qui vou
2916 l, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de l’absence de communication avec ceux que l’
2917 taines dimensions et structures architecturales : des unités d’habitation de 5000 à 25 000 habitants, dotées non seulement
2918 ts, mais de rues réservées aux seuls piétons et d’ une place remplissant la fonction de l’agora ou du forum dans la cité ant
2919 u de rencontres, d’intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manifestations. La possibilité physique et morale de p
2920 générale au sens traditionnel et l’acquisition d’ un savoir professionnel souvent d’autant plus rentable qu’il est plus ét
2921 étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle des étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement, est un contrecoup mé
2922 diants, sorte de tourbillon dans l’égarement, est un contrecoup mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez par dix
2923 ement, est un contrecoup mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez par dix les dimensions d’un escalier, il devien
2924 es effectifs. Multipliez par dix les dimensions d’ un escalier, il devient impraticable. De même, le décuplement des effect
2925 il devient impraticable. De même, le décuplement des effectifs estudiantins transforme en acrobatie toute participation ré
2926 aliste : commencer par réévaluer les dimensions d’ une université digne du nom, ménageant des possibilités de recherches trè
2927 mensions d’une université digne du nom, ménageant des possibilités de recherches très spécialisées et de travaux interdisci
2928 ités de base de douze à quinze étudiants autour d’ un enseignant (c’étaient les dimensions d’un studium de la Sorbonne au x
2929 utour d’un enseignant (c’étaient les dimensions d’ un studium de la Sorbonne au xiiie siècle), puis une fédération de peti
2930 un studium de la Sorbonne au xiiie siècle), puis une fédération de petites unités en départements, et je retrouve ici la s
2931 ameux colloque de Caen, en 1966. L’université fut une commune libre au Moyen Âge. Toute vie civique, depuis la cité grecque
2932 ue du fédéralisme : comment assurer la cohésion d’ un ensemble assez vaste pour pouvoir se charger de tâches communes (tell
2933 ) sans léser les droits essentiels et l’autonomie des unités de base ? Comment devenir assez grand pour être fort, tout en
2934 ez petit pour être libre ? Ce n’est pas le vote d’ une constitution, de type plus ou moins fédéral, qui peut résoudre une fo
2935 fois pour toutes ce conflit permanent. Il y faut une méthode vivante, celle que j’ai dite : sans cesse évaluer à nouveau l
2936 ite : sans cesse évaluer à nouveau les dimensions des tâches à entreprendre, répartir en conséquence les pouvoirs de décisi
2937 ndant aux exigences de l’habitat, de la formation des esprits et de l’exercice du civisme, c’est dans cette dialectique con
2938 ain de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’ une centaine de régions à métropole destinées à devenir, à plus ou moins
2939 future fédération continentale, en lieu et place des États-nations constitués au xixe siècle. On s’aperçoit alors que le
2940 par les auteurs classiques, n’était en réalité qu’ un cas particulier d’une conception beaucoup plus large des relations hu
2941 iques, n’était en réalité qu’un cas particulier d’ une conception beaucoup plus large des relations humaines dans la cité, d
2942 particulier d’une conception beaucoup plus large des relations humaines dans la cité, des relations publiques en général.
2943 p plus large des relations humaines dans la cité, des relations publiques en général. C’est ce qu’avait bien vu le regretté
2944 os, lorsqu’il relevait que « le fédéralisme vit d’ une vie que la forme institutionnelle dénommée État ne suffit pas à quali
2945 il ajoutait : Le fédéralisme est autre chose qu’ une simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’
2946 ne simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’aménagement du rapport politique et peut-être plus
2947 simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’aménagement du rapport politique et peut-être plus enc
2948 nt du rapport politique et peut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre q
2949 du rapport politique et peut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre que l
2950 ocialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés et de dicter aux hommes ces « images de comportement » dont
2951 les sauvages dont parlait Littré. Mais loin aussi des définitions étroitement légales et constitutionnelles du xixe siècle
2952 voici sur le seuil de l’ère de grandes unions et des petites unités fonctionnelles, et l’on va peut-être trouver, dans les
2953 ition. En tant que méthode générale d’aménagement des relations humaines, le fédéralisme tel que j’ai tenté de le définir n
2954 ute l’histoire prouve que les confédérations sont des formules transitoires qui sont destinées à se défaire assez rapidemen
2955 ys qui aujourd’hui s’appellent confédération sont des fédérations qui, pour certaines raisons, n’ont pas voulu dire leur no
2956 la fédération absolument classique et pas du tout des confédérations. La confédération est une mesure d’opportunisme pour d
2957 du tout des confédérations. La confédération est une mesure d’opportunisme pour des gens qui voient que l’on ne peut pas c
2958 confédération est une mesure d’opportunisme pour des gens qui voient que l’on ne peut pas continuer sans faire quelque cho
2959 continuer sans faire quelque chose dans le sens d’ une fédération, mais qui n’osent pas aller jusqu’au bout. Vous avez dit q
2960 retournerai la proposition et dirai que, s’il y a un sens civique en Suisse, c’est dû précisément au système fédéraliste,
2961 système fédéraliste, c’est-à-dire aux dimensions des unités dans lesquelles un citoyen peut se manifester. Si les dimensio
2962 -à-dire aux dimensions des unités dans lesquelles un citoyen peut se manifester. Si les dimensions sont celles d’un peuple
2963 ut se manifester. Si les dimensions sont celles d’ un peuple de 50 millions, qu’est-ce qu’il se produit ? On vote, de temps
2964 n temps, sur de grandes options générales, ou sur un homme ou sur un député ; cela n’est pas réellement l’activité du civi
2965 grandes options générales, ou sur un homme ou sur un député ; cela n’est pas réellement l’activité du civisme, c’est-à-dir
2966 soient pas plus vastes que la portée de la voix d’ un homme criant sur l’agora, mais il faut garder cet exemple dans l’espr
2967 er cet exemple dans l’esprit, si l’on veut donner un contenu réel à la notion de civisme. Il y a interaction de l’institut
2968 t, le premier remède c’est d’appliquer ce critère des dimensions — communales ou régionales — de l’unité de base de partici
2969 oir si le mouvement vers les régions aboutirait à une dissociation de la Suisse, on me pose souvent la question. Il faudrai
2970 arlant de régions, viennent de ce qu’on s’imagine une région comme un petit État-nation. C’est autre chose. On peut très bi
2971 , viennent de ce qu’on s’imagine une région comme un petit État-nation. C’est autre chose. On peut très bien concevoir des
2972 n. C’est autre chose. On peut très bien concevoir des régions comme celle qui est en train de s’organiser autour de Bâle, l
2973 de jusqu’à Fribourg en Allemagne. Cette regio est une unité essentiellement économique. Si une région se constitue vraiment
2974 egio est une unité essentiellement économique. Si une région se constitue vraiment et solidement, comme le veulent ses prom
2975 ouvent qu’elle doit nécessairement coïncider avec une région politique. Pas du tout, ni avec une région linguistique. On pe
2976 r avec une région politique. Pas du tout, ni avec une région linguistique. On peut très bien continuer à y parler, comme en
2977 emand y soit majoritaire. Il faut s’orienter vers une vision de l’Europe de demain correspondant aux réalités diverses qui
2978 main correspondant aux réalités diverses qui sont des réalités techniques, culturelles, économiques, linguistiques, univers
2979 ersitaires, finalement politiques. Les dimensions des diverses régions correspondant à ces divers niveaux ne seront pas néc
2980 veut, à tout prix, imposer les mêmes frontières à des réalités qui n’ont rien en commun, totalement hétérogènes, comme les
2981 la division de la région Ruhr-Moselle, qui est d’ un seul tenant au point de vue du sous-sol, d’après la langue qu’on parl
2982 ue du sous-sol, d’après la langue qu’on parlait d’ un côté ou de l’autre d’une frontière tracée à la surface. Ce genre d’ab
2983 la langue qu’on parlait d’un côté ou de l’autre d’ une frontière tracée à la surface. Ce genre d’absurdité se révèle intenab
2984 ble et nous oblige à chercher autre chose du côté des régions. Il est certain que le système stato-national actuel n’est pl
2985 ssez puissant pour aboutir, pour former la base d’ une fédération ? Je n’en sais rien. Nous devons y travailler d’une manièr
2986 n ? Je n’en sais rien. Nous devons y travailler d’ une manière active. Sur la question précise des ordinateurs, je peux vous
2987 ler d’une manière active. Sur la question précise des ordinateurs, je peux vous citer un exemple tiré de l’expérience suiss
2988 stion précise des ordinateurs, je peux vous citer un exemple tiré de l’expérience suisse. Il s’est agi, il y a cinq ou six
2989 s, de décider de la priorité pour la construction des autoroutes. Le plan général est fait à Berne, mais chaque tracé doit
2990 communes qui peuvent refuser qu’on ruine la vie d’ une petite ville en la coupant en deux, par exemple. La question s’est po
2991 ait tenir compte : l’intensité du trafic, le prix des travaux d’après la nature du sous-sol, les questions de tourisme, de
2992 r les fonctionnaires, même les mieux entraînés, d’ une vieille fédération. Les ordinateurs ont trouvé par quoi il fallait co
2993 -à-dire le respect poussé aussi loin que possible des diversités, devient possible, aujourd’hui, à cause de procédés techni
2994 is, 1963, p. 151. z. Rougemont Denis de, « Pour une définition nouvelle du fédéralisme », Revue des travaux de l’Académie
2995 r une définition nouvelle du fédéralisme », Revue des travaux de l’Académie des sciences morales et politiques et comptes r
2996 du fédéralisme », Revue des travaux de l’Académie des sciences morales et politiques et comptes rendus de ses séances, Pari
2997 : « Le fédéralisme est présence au pouvoir global des éléments particuliers — demeurant distincts et reconnaissables — dont
2998 aissables — dont se compose la fédération. Il est une symbiose sans confusion ni disparition des spécificités ».
2999 Il est une symbiose sans confusion ni disparition des spécificités ».
24 1969, Articles divers (1963-1969). « La lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence d’André Gide] (printemps 1969)
3000 « La lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence
3001 lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence d’André Gide] (printemps 1969)ac ad
3002 d’André Gide] (printemps 1969)ac ad La lecture des Nourritures terrestres à 16 ans m’a fait jouer du violon comme jamais
3003 ans le petit bureau de la NRF  ; Paulhan me dit, un peu plus tard, dans un coin : « Il refuse de dîner avec nous, c’est s
3004 la NRF  ; Paulhan me dit, un peu plus tard, dans un coin : « Il refuse de dîner avec nous, c’est singulier, mais vous l’i
3005 s vous l’intimidez. » C’est qu’il ne m’était plus un dieu, et que j’étais jeune. Il s’efforçait tristement de lire Marx, e
3006 arx, et trouvait Kierkegaard « trop long ». Fin d’ un prestige. Puis il m’a, très généreusement, hébergé quelques semaines
3007 son absence n’ôte ou n’ajoute rien à la valeur d’ une œuvre pour qui sait la comprendre. (Pour les autres, il est vrai, cel
3008 ubliés tôt après… Gide n’a contesté sérieusement, des fondements de notre société, que son orthodoxie sexuelle. Puis le col
3009 este, il ne cesse d’alterner éloge et doute, avec un sens critique d’autant plus exemplaire que les contestataires de 1968
3010 gne d’en faire fi. Mais il n’a pas créé l’image d’ un ordre neuf — seule valable contestation, à mes yeux, du désordre étab
3011 e établi. ac. Rougemont Denis de, « La lecture des Nourritures terrestres… », Revue neuchâteloise, Neuchâtel, 1969, p. 9
3012 ssent les plus actuels ? 2. Gide fut de son temps un grand contestateur ; vous semble-t-il garder aujourd’hui valeur d’exe
25 1969, Articles divers (1963-1969). Un souvenir de Solférino de Henry Dunant [préface] (1969)
3013 Un souvenir de Solférino de Henry Dunant [préface] (1969)af La lectur
3014 ant [préface] (1969)af La lecture après plus d’ un siècle d’Un Souvenir de Solférino a quelque chose de bien déconcertan
3015 ] (1969)af La lecture après plus d’un siècle d’ Un Souvenir de Solférino a quelque chose de bien déconcertant pour nos h
3016 nelle du phénomène de la guerre devait conduire à une innovation proprement révolutionnaire, envers et contre tous les préj
3017 avait coutume de prononcer à la Chambre française des discours qui défiaient la syntaxe et qu’il fallait recomposer pour l’
3018 isait à ses proches — qu’il ne doit rien rester d’ un bon discours, sauf la loi qu’il a fait voter. Quelle que soit la vale
3019 ns aujourd’hui au bref ouvrage intitulé (non sans une provocante simplicité) Un Souvenir de Solférino, son résultat fut la
3020 age intitulé (non sans une provocante simplicité) Un Souvenir de Solférino, son résultat fut la Croix-Rouge. Ce très curie
3021 la Croix-Rouge. Ce très curieux récit s’ouvre sur un rappel de l’ordre de bataille des armées en présence et des étapes de
3022 écit s’ouvre sur un rappel de l’ordre de bataille des armées en présence et des étapes de la journée, suivi d’une énumérati
3023 de l’ordre de bataille des armées en présence et des étapes de la journée, suivi d’une énumération vraiment très longue de
3024 en présence et des étapes de la journée, suivi d’ une énumération vraiment très longue de faits d’armes individuels, décrit
3025 rits à grand renfort de beaux noms de la noblesse des trois pays aux prises, et d’épithètes strictement conventionnelles :
3026 ans irrésistibles », « l’inébranlable constance » des maréchaux n’a d’égale que « le sang-froid admirable » des deux empere
3027 chaux n’a d’égale que « le sang-froid admirable » des deux empereurs, et l’énergie de leurs troupes est bien sûr « indompta
3028 upes est bien sûr « indomptable ». Tout cela fait une « mémorable journée » où de « vaillantes colonnes » prennent et repre
3029 « vaillantes colonnes » prennent et reprennent «  des crêtes et des collines qui aboutissent au gracieux mamelon des Cyprès
3030 colonnes » prennent et reprennent « des crêtes et des collines qui aboutissent au gracieux mamelon des Cyprès, rendu pour j
3031 des collines qui aboutissent au gracieux mamelon des Cyprès, rendu pour jamais célèbre avec la Tour et le cimetière de Sol
3032 théâtre… » L’on ne trouve dans ces pages pas même une inflexion qui puisse trahir le moindre doute de l’auteur quant à la v
3033 ir le moindre doute de l’auteur quant à la valeur des armées et de la chose militaire en général. Et quand il sacrifie si l
3034 demander dans quel dessein il consacre à peu près un tiers de son écrit à la chronique de faits d’armes dont il n’a pas ét
3035 ure ou de cette grandeur d’âme qui fait la gloire des armes et justifie la guerre aux yeux de beaucoup. Faut-il voir là une
3036 e la guerre aux yeux de beaucoup. Faut-il voir là une captatio benevolentiae délibérée, un procédé qui assure l’auteur, dès
3037 -il voir là une captatio benevolentiae délibérée, un procédé qui assure l’auteur, dès le départ, d’une audience sympathiqu
3038 un procédé qui assure l’auteur, dès le départ, d’ une audience sympathique auprès des cours, des salons de la haute bourgeo
3039 dès le départ, d’une audience sympathique auprès des cours, des salons de la haute bourgeoisie victorienne, et des grandes
3040 art, d’une audience sympathique auprès des cours, des salons de la haute bourgeoisie victorienne, et des grandes dames de t
3041 es salons de la haute bourgeoisie victorienne, et des grandes dames de toute l’Europe qui croient aux mâles vertus des offi
3042 es de toute l’Europe qui croient aux mâles vertus des officiers bien nés ? Louant leurs frères, leurs fils, ou leurs maris
3043 i. Mais alors, au-delà de la captatio, n’y a-t-il une secrète et profonde ironie, une intention de souligner le contraste a
3044 tatio, n’y a-t-il une secrète et profonde ironie, une intention de souligner le contraste avec ce que l’on va lire dans le
3045 où Dunant vient d’arriver par hasard — convergent des colonnes interminables de blessés des trois armées. On les entasse pa
3046 convergent des colonnes interminables de blessés des trois armées. On les entasse par milliers dans les églises, le cloîtr
3047 du coup cela devient effroyable. On croirait lire une description d’Hiroshima au ralenti. Cent-mille victimes, là aussi, ma
3048 alenti. Cent-mille victimes, là aussi, mais non d’ un cataclysme instantané : d’un coup de crosse sur le crâne, d’un coup d
3049 là aussi, mais non d’un cataclysme instantané : d’ un coup de crosse sur le crâne, d’un coup de baïonnette au ventre, d’un
3050 instantané : d’un coup de crosse sur le crâne, d’ un coup de baïonnette au ventre, d’un coup de sabre au travers du visage
3051 ur le crâne, d’un coup de baïonnette au ventre, d’ un coup de sabre au travers du visage. Un général a eu l’épaule fracassé
3052 ventre, d’un coup de sabre au travers du visage. Un général a eu l’épaule fracassée par un boulet qui reste enclavé dans
3053 du visage. Un général a eu l’épaule fracassée par un boulet qui reste enclavé dans les muscles de l’aisselle. Des centaine
3054 qui reste enclavé dans les muscles de l’aisselle. Des centaines agonisent en silence, ou hurlent. La figure noire de mouch
3055 ent à leurs plaies, ceux-ci portent de tous côtés des regards éperdus qui n’obtiennent aucune réponse ; la capote, la chemi
3056 ise, les chairs et le sang ont formé chez ceux-là un horrible et indéfinissable mélange où les vers se sont mis ; plusieur
3057 ent voir sortir de leur corps, et qui proviennent des myriades de mouches dont l’air est infesté. Ici est un soldat, entièr
3058 riades de mouches dont l’air est infesté. Ici est un soldat, entièrement défiguré, dont la langue sort démesurément de sa
3059 èvres desséchées et sa langue durcie ; saisissant une poignée de charpie, je la trempe dans le seau que l’on porte derrière
3060 s impersonnelle, à propos de la quasi-inexistence des secours médicaux aux blessés : « Il faut donc, tant bien que mal, org
3061 és : « Il faut donc, tant bien que mal, organiser un service volontaire, mais c’est bien difficile au milieu d’un pareil d
3062 volontaire, mais c’est bien difficile au milieu d’ un pareil désordre, qui se complique d’une espèce de panique… » Or c’est
3063 u milieu d’un pareil désordre, qui se complique d’ une espèce de panique… » Or c’est lui seul (mais rien ne l’indique dans l
3064 sés et d’organiser ces secours, bientôt suivi par un petit groupe formé de deux touristes anglais de passage, d’un vieil o
3065 upe formé de deux touristes anglais de passage, d’ un vieil officier de marine, d’un abbé italien, d’un journaliste de Pari
3066 lais de passage, d’un vieil officier de marine, d’ un abbé italien, d’un journaliste de Paris, d’un Belge exalté et d’un né
3067 un vieil officier de marine, d’un abbé italien, d’ un journaliste de Paris, d’un Belge exalté et d’un négociant de Neuchâte
3068 , d’un abbé italien, d’un journaliste de Paris, d’ un Belge exalté et d’un négociant de Neuchâtel qui écrit pour les mouran
3069 d’un journaliste de Paris, d’un Belge exalté et d’ un négociant de Neuchâtel qui écrit pour les mourants des lettres d’adie
3070 égociant de Neuchâtel qui écrit pour les mourants des lettres d’adieux à leurs familles. Peu à peu, les femmes du lieu « vo
3071  : Il arrive que le cœur se brise parfois tout d’ un coup, et comme frappé soudain d’une amère et invincible tristesse, à
3072 parfois tout d’un coup, et comme frappé soudain d’ une amère et invincible tristesse, à la vue d’un simple incident, d’un dé
3073 n d’une amère et invincible tristesse, à la vue d’ un simple incident, d’un détail inattendu, qui va plus directement à l’â
3074 cible tristesse, à la vue d’un simple incident, d’ un détail inattendu, qui va plus directement à l’âme, et qui ébranle les
3075 is ans plus tard, et il se borne à suggérer, dans une note, que si ces pages pouvaient faire naître, ou développer et pres
3076 aire naître, ou développer et presser la question des secours à donner aux militaires blessés en temps de guerre… et si ell
3077 guerre… et si elles pouvaient attirer l’attention des personnes douées d’humanité et de philanthropie, en un mot, si la pré
3078 rsonnes douées d’humanité et de philanthropie, en un mot, si la préoccupation et l’étude de ce sujet si important devaient
3079 en le faisant avancer de quelques pas, améliorer un état de choses où de nouveaux progrès ne sauraient être de trop, même
3080 t atteint mon but. Toute sa proposition tient en une phrase, au surplus interrogative : N’y aurait-il pas moyen de consti
3081 rogative : N’y aurait-il pas moyen de constituer des sociétés de secours dont le but serait de faire donner des soins aux
3082 tés de secours dont le but serait de faire donner des soins aux blessés, en temps de guerre, par des volontaires zélés, dév
3083 er des soins aux blessés, en temps de guerre, par des volontaires zélés, dévoués, et bien qualifiés pour une pareille œuvre
3084 olontaires zélés, dévoués, et bien qualifiés pour une pareille œuvre ? Tel est l’homme que l’on a traité d’utopiste et d’i
3085 on a tant reproché de manquer du sens élémentaire des réalités. On ne saurait être plus respectueux des conventions et des
3086 des réalités. On ne saurait être plus respectueux des conventions et des vertus de la Société de son temps ; ni plus dénué
3087 saurait être plus respectueux des conventions et des vertus de la Société de son temps ; ni plus dénué d’amer et de vengeu
3088 dénué d’amer et de vengeur esprit critique : pas un mot de reproche à quiconque dans ce livre ! On ne saurait être plus p
3089 ailleurs révoltant, que l’on vient d’évoquer avec une émotion si contagieuse. On ne saurait être, enfin, plus efficace : qu
3090 nfin, plus efficace : quatre ans après Solférino, un an après la parution hors commerce du Souvenir, la Croix-Rouge est fo
3091 s meurtrier du siècle depuis Waterloo : il n’a qu’ une seule idée en tête, qui est d’approcher l’empereur et d’obtenir de lu
3092 permission (refusée par les ministères) d’acheter des terres en Algérie pour la « Société anonyme des Moulins de Mons Djemi
3093 r des terres en Algérie pour la « Société anonyme des Moulins de Mons Djemila », qu’il a fondée. Mais d’autres soucis, ce j
3094 crire cette seule phrase qui est sans doute l’une des plus saugrenues de l’histoire : Simple touriste, entièrement étrange
3095 à cette grande lutte, j’eus le rare privilège par un concours de circonstances particulières, de pouvoir assister aux scèn
3096 Waterloo dans la Chartreuse de Parme, mais plutôt un parfait gentleman de Toepffer gardant, quoi qu’il arrive d’invraisemb
3097 ote et son désir de se rendre utile. Il cherchait un empereur et il trouve une idée, aurait pu dire Victor Hugo. Je vois i
3098 ndre utile. Il cherchait un empereur et il trouve une idée, aurait pu dire Victor Hugo. Je vois ici la situation classique
3099 o. Je vois ici la situation classique qui définit une vocation. On court après un but habituel et quelconque, le succès d’u
3100 lassique qui définit une vocation. On court après un but habituel et quelconque, le succès d’une affaire, la richesse… On
3101 après un but habituel et quelconque, le succès d’ une affaire, la richesse… On le manque, « par la faute des circonstances 
3102 ffaire, la richesse… On le manque, « par la faute des circonstances », dit-on, et l’on est pris par quelque chose qu’on ne
3103 souvent la misère, mais peu importe, pour prix d’ une gloire presque toujours secrète. En 1864, la Première Convention de G
3104 signée par douze États qui, à leur tour, fondent des sociétés nationales de secours en cas de guerre. En 1867, après trois
3105 trois ans de succès de sa vocation, Dunant subit une faillite totale sur le plan de sa profession. Le Comité de la Croix-R
3106 ns soulagement sa démission. Et commence pour lui une période de vingt ans de réprobation sociale, d’exil, d’obscurité et d
3107 bation sociale, d’exil, d’obscurité et de famine. Un jour, on lui a demandé de parler à Plymouth : il ne peut arriver au b
3108 trouées, il teint à l’encre ses talons. En 1887, une espèce de vagabond sans bagage échoue dans un village du canton d’App
3109 7, une espèce de vagabond sans bagage échoue dans un village du canton d’Appenzell, Heiden. Il y vivra obscurément dans la
3110 ans la misère, pendant huit ans, jusqu’au jour où un jeune journaliste, Georg Baumberger, découvre que « le fondateur de l
3111 12, réussit à le faire parler, et publie sur lui un article qui, bientôt reproduit partout, rend Dunant en quelques semai
3112 élèbre dans le monde entier. L’Allemagne organise une souscription en sa faveur. Mille médecins russes réunis en congrès lu
3113 a plus entreprenante, portant sur la grande œuvre un jour fondée par lui un regard dénué de complaisance, lucide et sans e
3114 ortant sur la grande œuvre un jour fondée par lui un regard dénué de complaisance, lucide et sans espoir quant à l’avenir
3115 out. » ⁂ J’ai dit qu’on chercherait en vain, dans un Souvenir, la moindre note d’antimilitarisme, et rien n’est dit non pl
3116 us contre la guerre en soi (sinon par la violence des images réalistes de Castiglione, mais sans nul commentaire même impli
3117 ommentaire même implicite). Dunant se limite, par une tactique que je ne saurais croire toute inconsciente, à « attirer l’a
3118 toute inconsciente, à « attirer l’attention » sur un sujet précis, à partir duquel on pourrait « avancer de quelques pas »
3119 rait « avancer de quelques pas » : l’organisation des secours aux blessés en temps de guerre. Sur ce seul point, dans ce se
3120 ement défini de l’immense phénomène de la guerre, un succès indéniable a été remporté par la fondation de la Croix-Rouge.
3121 déclarée à toutes fins d’efficacité, c’est encore une manière d’admettre, avec les bien-pensants de tous les temps, que ces
3122 ux ; c’est encore admettre la guerre. (Que serait une guerre sans « horreurs » ?) J’avoue qu’à ma première lecture du Souve
3123 ’avais achoppé sur ce point. Mais la mise au jour des cahiers de Heiden, dont une quinzaine d’extraits enrichissent ce volu
3124 Mais la mise au jour des cahiers de Heiden, dont une quinzaine d’extraits enrichissent ce volume, révèle enfin, sans la mo
3125 vouer à lui-même, alors qu’il écrivait le début d’ Un Souvenir. Son vrai discours contre la guerre et le militarisme qui la
3126 marque la transition entre l’attitude initiale d’ Un Souvenir et finale des cahiers de Heiden. La « modestie du but » auqu
3127 entre l’attitude initiale d’Un Souvenir et finale des cahiers de Heiden. La « modestie du but » auquel Dunant veut se limit
3128 la guerre « divine » ; d’autres la tiennent pour une « loi de la nature » ; lui, sans vouloir « toucher au redoutable prob
3129 ette évolution : le texte de 1872 sur la question des francs-tireurs : Héros ou bandits ? Un code de la guerre serait une
3130 question des francs-tireurs : Héros ou bandits ? Un code de la guerre serait une chose odieuse à l’époque de civilisation
3131 : Héros ou bandits ? Un code de la guerre serait une chose odieuse à l’époque de civilisation où nous vivons, parce qu’il
3132 vivons, parce qu’il semblerait légitimer par trop un état de choses regardé aujourd’hui comme abominable. Déclaration pou
3133 entions diplomatiques spéciales, traitant chacune une question particulière », on ne peut manquer de sentir ici qu’un doute
3134 rticulière », on ne peut manquer de sentir ici qu’ un doute profond s’est éveillé en lui quant à la nature finale des relat
3135 ond s’est éveillé en lui quant à la nature finale des relations entre la Croix-Rouge et la guerre. Vingt ans plus tard, dan
3136 ntre la guerre et le militarisme, afin d’en faire un petit arsenal où l’on pourra puiser pour construire une œuvre digne d
3137 tit arsenal où l’on pourra puiser pour construire une œuvre digne du but.43 Il ne s’agit plus d’améliorer la peste, mais
3138 nements captieux tendant à démontrer le contraire des évidences, afin de justifier à tout prix des instincts que la raison
3139 aire des évidences, afin de justifier à tout prix des instincts que la raison et la religion répriment : Pourquoi bénir de
3140 raison et la religion répriment : Pourquoi bénir des bataillons partant pour la tuerie après leur avoir enseigné dans leur
3141 nant répond encore dans le même fragment intitulé Un christianisme blasphématoire : La guerre, cette science du désordre,
3142 s vertus guerrières ne sont, le plus souvent, que des utopies traditionnelles intéressées… Ce qu’on désigne sous le nom de
3143 esser de parler de la chrétienté. Nous voilà loin des clichés d’Un Souvenir et de ses prudences tactiques. Serait-ce que Du
3144 r de la chrétienté. Nous voilà loin des clichés d’ Un Souvenir et de ses prudences tactiques. Serait-ce que Dunant, écarté
3145 ménager, s’abandonnerait au zèle amer du censeur des temps nouveaux et aux compensations fictives d’utopies qui, comme cel
3146 ntendons ? Il convient de s’entendre sur le sens des termes d’utopie et de réalisme. L’utopiste est celui qui voit la fin
3147 ’est aussi celui qui fait erreur sur l’adéquation des moyens qu’il préconise aux fins qu’il allègue, tel celui qui répète (
3148 n étendue comme en puissance de mort à proportion des sacrifices financiers et des efforts de développement technique qu’on
3149 de mort à proportion des sacrifices financiers et des efforts de développement technique qu’on consacre à les préparer. Mai
3150 at (de droite, à gauche) d’aboutir à l’alignement des réflexes mentaux et physiques, des espoirs et des peurs, et des curio
3151 à l’alignement des réflexes mentaux et physiques, des espoirs et des peurs, et des curiosités, bref, à ce que Dunant nomme
3152 des réflexes mentaux et physiques, des espoirs et des peurs, et des curiosités, bref, à ce que Dunant nomme très exactement
3153 entaux et physiques, des espoirs et des peurs, et des curiosités, bref, à ce que Dunant nomme très exactement : encaserner
3154 s pour illustrer ce schéma dont je découvre, avec une sorte d’étonnement reconnaissant, qu’il est celui que j’utilisais dep
3155 t autres institutions en plusieurs pays d’Europe, une indéniable école d’immoralité politique. » On y apprend à ne voir « r
3156 les empire rapaces et sanguinaires d’Alexandre et des Césars, de Charlemagne et de Bonaparte ». La Conscription universell
3157 lle qui fait l’opinion publique… le plus puissant des potentats… » Elle a changé en trois générations l’esprit de bien des
3158 le a changé en trois générations l’esprit de bien des peuples. « Si, en s’unissant, elle se mettait résolument à l’œuvre po
3159 que le monde ait jamais connue, elle deviendrait un véritable bienfait… » Le Nationalisme et le colonialisme : il pousse
3160 sme : il pousse les nations de l’Europe à envahir des pays inoffensifs (Afrique, Asie) pour les asservir, pour les massacre
3161 assacrer s’ils résistent, « toujours en alléguant un prétexte dérisoire, celui de châtier leur insolence… C’est sans remor
3162 ant sur ces peuples, leur enlève souvent plus que des coutumes barbares, elle les dépouille de leur vieille et respectable
3163 eu de temps, et l’homme aura, grâce à la science, des moyens si prodigieux de faire le mal qu’il ne pourra être sauvé de lu
3164 ême, au milieu d’épouvantables désastres, que par une intervention divine ». (On sent que Dunant juge cette dernière fort p
3165 n gré mal gré (d’où guerres mondiales) et jetés à une forme de barbarie nouvelle : « la barbarie scientifique ». En effet,
3166 désormais « le progrès consiste dans la recherche des meilleurs engins de destruction ». Les ministres cyniques ou prudents
3167 es ou prudents qui croyaient diriger le « concert des nations » et contrôler le système si vis pacem tout en exaltant le Pr
3168 enfer n’aura pas prévalu contre la vision juste d’ un vieillard en colère, et qui avait fait en outre plus de bien qu’aucun
3169 directeur de l’Institut Henry-Dunant, destinée à un ouvrage collectif consacré aux lauréats du prix Nobel de la paix (Fra
3170 U Ms fr. 4556. 44. Fragment intitulé L’armée est une école, dit-on ! 45. Dunant avait publié, en 1859, un volume intitulé
3171 cole, dit-on ! 45. Dunant avait publié, en 1859, un volume intitulé la Régence de Tunis dans lequel il témoigne d’un resp
3172 ulé la Régence de Tunis dans lequel il témoigne d’ un respect, des plus insolites à l’époque, pour les « indigènes » et pou
3173 ce de Tunis dans lequel il témoigne d’un respect, des plus insolites à l’époque, pour les « indigènes » et pour la civilisa
3174 Denis de, Dunant Henry, « [Préface] Henry Dunant, Un souvenir de Solférino  », dans Un souvenir de Solférino, Lausanne, L’
3175 ] Henry Dunant, Un souvenir de Solférino  », dans Un souvenir de Solférino, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1969, p. VII-XXII.
26 1969, Articles divers (1963-1969). Toujours disponible (1969)
3176 de ceux avec qui j’ai longtemps collaboré et dans des circonstances très diverses, je n’arrive plus du tout à retrouver qua
3177 hergilde Gutenberg venait d’éditer mon Journal d’ un intellectuel en chômage . Aux débuts de la guerre à Berne ? Mais je f
3178 i 1940, et Hans Oprecht fondait l’automne suivant un mouvement rival (à ce qu’il m’apprit beaucoup plus tard), quoiqu’égal
3179 ses — car chacun sait que Hans Oprecht a été l’un des premiers à utiliser cette forme moderne du cabinet de travail étiré s
3180 erche nucléaire et les moyens de prévenir l’exode des cerveaux (résultante : le CERN). Dans les beaux-arts, le succès rapid
3181 ns les beaux-arts, le succès rapide de la formule des festivals et les dangers qu’entraînait leur multiplication en concurr
3182 uropéens). Dans l’édition, la création et l’essor des guildes du livre, alors considérées — mais nous pensions le contraire
3183 idérées — mais nous pensions le contraire — comme un danger pour les libraires, les éditeurs et les corporations du livre
3184 emettre à l’expérience et à l’initiative de celui des membres de son comité qui avait le mieux démontré le mouvement en mar
3185 du livre, dès 1951. Elle devait grouper au cours des années suivantes jusqu’à neuf guildes totalisant plusieurs centaines
3186 de milliers de lecteurs, en sept pays. Elle créa un Prix européen destiné à lancer de jeunes auteurs sur le plan internat
3187 succès commerciaux et même littéraires, par ceux des grands éditeurs d’Europe qui, dès le début, s’étaient montrés les plu
3188 rtout, elle contribua à régulariser les relations des dirigeants des guildes entre eux d’abord, puis entre eux et les édite
3189 tribua à régulariser les relations des dirigeants des guildes entre eux d’abord, puis entre eux et les éditeurs. Quant à le
3190 je viens de citer permettent de les mesurer avec une certaine précision, pays par pays. Si bien que l’on peut affirmer que
3191 mer que les guildes ont au moins triplé le nombre des Européens contaminés par le goût de la lecture et victimes de son acc
3192 occasion d’avouer tout ce que nous devons à l’un des Suisses les plus remarquables et les plus originaux qui soient : l’un
3193 arquables et les plus originaux qui soient : l’un des rares qui ait trouvé le secret d’être à la fois efficace et d’humeur
3194 doutablement organisé et toujours disponible pour une aventure éducative ou culturelle, ouvert à toute l’Europe et parfait
27 1969, Articles divers (1963-1969). « Il faut donner aux gens le goût des belles choses » (15 février 1969)
3195 « Il faut donner aux gens le goût des belles choses » (15 février 1969)ai aj Vous avez écrit : « N’habit
3196 l’extrême laideur de tout ce que l’on construit, une laideur irréversible. En Hollande, dans le Sud du Portugal, toutes le
3197 sons sont belles, sans être plus luxueuses. C’est une fête de voir ça. Denis de Rougemont illustre ses propos de quelques p
3198 phies : Voyez-vous, on a su, dans ces pays, créer une atmosphère, un style. Mais n’était-il pas urgent de construire des lo
3199 us, on a su, dans ces pays, créer une atmosphère, un style. Mais n’était-il pas urgent de construire des logements ? On au
3200 n style. Mais n’était-il pas urgent de construire des logements ? On aurait pu faire, plus loin, dans ces immenses champs,
3201 it pu faire, plus loin, dans ces immenses champs, un joli village avec une place, une église, des cafés… C’est ce qui a ét
3202 n, dans ces immenses champs, un joli village avec une place, une église, des cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Mey
3203 immenses champs, un joli village avec une place, une église, des cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin est viv
3204 amps, un joli village avec une place, une église, des cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin est vivant à cause
3205 e au plus pressé. J’ai pu le constater à propos d’ un petit village du Midi où je possède une maison. On y a tué la poule a
3206 à propos d’un petit village du Midi où je possède une maison. On y a tué la poule aux œufs d’or car on n’a pas pensé que l’
3207 dans les cinq années à venir ? Il est heureux qu’ une enquête telle que la vôtre le révèle, car autour de tout ceci, on gar
3208 ôtre le révèle, car autour de tout ceci, on garde un secret jaloux. Une telle transformation devrait faire l’objet d’un dé
3209 r autour de tout ceci, on garde un secret jaloux. Une telle transformation devrait faire l’objet d’un débat public. La vrai
3210 Une telle transformation devrait faire l’objet d’ un débat public. La vraie démocratie, ce serait que les gens puissent di
3211 ocratie, ce serait que les gens puissent discuter des projets car c’est leur vie qui va être modifiée. Il faut rendre les g
3212 que de savoir si l’on est de droite ou de gauche. Une telle discussion ne risque-t-elle pas de faire obstacle à tous les pr
3213 le à tous les projets ? Je ne suis pas partisan d’ une stagnation complète. Il faut éduquer les gens, les rendre sensibles à
3214 les gens, les rendre sensibles à la beauté. C’est un immense problème d’éducation qui doit se traiter au niveau des écoles
3215 roblème d’éducation qui doit se traiter au niveau des écoles. Mais des usines nouvelles se créent. Où les construire ? Il f
3216 on qui doit se traiter au niveau des écoles. Mais des usines nouvelles se créent. Où les construire ? Il faut les édifier l
3217 ent. Où les construire ? Il faut les édifier loin des villes et loger le personnel dans des cités nouvelles où puisse naîtr
3218 difier loin des villes et loger le personnel dans des cités nouvelles où puisse naître un esprit de communauté, et non pas
3219 rsonnel dans des cités nouvelles où puisse naître un esprit de communauté, et non pas dans des casernes accrochées à de vi
3220 e naître un esprit de communauté, et non pas dans des casernes accrochées à de vieux villages que cela détruit. Un grand
3221 crochées à de vieux villages que cela détruit. Un grand espoir : « la régionalisation » Vous semblez bien pessimiste
3222 ion » Vous semblez bien pessimiste ? Il existe un grand espoir, c’est la régionalisation, si elle se réalise véritablem
3223 i elle se réalise véritablement. On arrivera, sur des régions plus petites, plus homogènes, à créer un style. Mais n’y aura
3224 des régions plus petites, plus homogènes, à créer un style. Mais n’y aurait-il pas un grand bouleversement, dans tous les
3225 mogènes, à créer un style. Mais n’y aurait-il pas un grand bouleversement, dans tous les domaines ? Il faudra « s’équilibr
3226 ans le chaos ». C’est ma conclusion du Journal d’ une époque . ai. Rougemont Denis de, « [Entretien] Il faut donner aux
3227 de, « [Entretien] Il faut donner aux gens le goût des belles choses », Le Progrès, Lyon, 15 février 1969, p. 5. aj. Propos
3228 quelques chiffres grisants qui semblent annoncer un avenir brillant… Comment, cependant, ne pas être saisi d’un certain e
3229 brillant… Comment, cependant, ne pas être saisi d’ un certain effroi devant une telle expansion ? Le pays de Gex, où l’on a
3230 ant, ne pas être saisi d’un certain effroi devant une telle expansion ? Le pays de Gex, où l’on a eu, de tout temps, le goû
3231 olidité, de la simplicité ne souffrira-t-il pas d’ une mutation aussi profonde ? Nous avons posé cette troublante question a
3232 e vingt ans, il a choisi de vivre dans la “Maison des Bois“, demeure simple et belle dans la tradition voltairienne, où log
3233 abinet de travail s’ouvre sur les prés, les bois, une image paisible du pays de Gex que bientôt peut-être on ne pourra plus
28 1969, Articles divers (1963-1969). Les résistances mentales à l’Europe des régions (avril 1969)
3234 Les résistances mentales à l’Europe des régions (avril 1969)ak I. Les objections courantes Depuis 196
3235 rdre nouveau trente ans plus tôt — je préconisais une organisation fédérale de l’Europe basée sur les régions et non sur le
3236 plupart des cas, la résistance ne provient pas d’ un refus motivé de nos positions régionalistes, mais d’un ensemble de ré
3237 fus motivé de nos positions régionalistes, mais d’ un ensemble de réflexes conditionnés par un siècle et demi d’éducation s
3238 , mais d’un ensemble de réflexes conditionnés par un siècle et demi d’éducation stato-nationaliste gratuite et obligatoire
3239 te et obligatoire : uniformisation et mise au pas des corps par la discipline militaire, des esprits par les manuels scolai
3240 ise au pas des corps par la discipline militaire, des esprits par les manuels scolaires, des curiosités par la presse à gra
3241 militaire, des esprits par les manuels scolaires, des curiosités par la presse à grand tirage et ses agences officieuses, d
3242 presse à grand tirage et ses agences officieuses, des émotions par l’éloquence patriotique, enfin du sentiment religieux pa
3243 ar le culte du Soldat inconnu et la sacralisation des bornes-frontières. Distinguons quatre groupes parmi les « difficultés
3244 on lequel la nation est le Progrès. La région est une nostalgie réactionnaire. Le progrès et l’efficacité, au xxe siècle,
3245 progrès et l’efficacité, au xxe siècle, exigent des ensembles plus centralisés ou intégrés. L’État-nation demeurera longt
3246 uement arriérés. (Z. Brzezinski)48 (Principes d’ une réponse : Les hypothèses prospectives, formées par extrapolation du p
3247 du passé ou du présent, sont toutes à la merci d’ une équation nouvelle, d’une action aujourd’hui encore impondérable, d’un
3248 sont toutes à la merci d’une équation nouvelle, d’ une action aujourd’hui encore impondérable, d’une volonté qui peut surgir
3249 , d’une action aujourd’hui encore impondérable, d’ une volonté qui peut surgir demain, posant un but nouveau et créant ses m
3250 ble, d’une volonté qui peut surgir demain, posant un but nouveau et créant ses moyens. Si l’on ne déclare pas ce qu’on veu
3251 sera : « l’objectivité scientifique » dissimulant une démission civique rend le pire de plus en plus sûr.) Objections ta
3252 votre utopie ! On ne peut passer sans transition des nations souveraines aux régions fédérées. Cela prendra des décennies.
3253 ns souveraines aux régions fédérées. Cela prendra des décennies. Ce qui est urgent, c’est le prix du lait et le taux d’accr
3254 nt de la productivité industrielle. (Principes d’ une réponse : a) N’est-il pas justement trop difficile de faire l’Europe
3255 difficile de faire l’Europe politique sur la base des États-nations ? Pour quelles raisons ne l’a-t-on pas encore faite ?
3256 re mesure de transition. (Suppression instantanée des péages entre vingt-cinq États et installation d’un cordon douanier co
3257 s péages entre vingt-cinq États et installation d’ un cordon douanier commun, par exemple.) Il n’y a qu’une transition du p
3258 cordon douanier commun, par exemple.) Il n’y a qu’ une transition du projet au succès : c’est l’acte créateur, ou révolution
3259 c’est l’acte créateur, ou révolution, procédant d’ une vision claire et d’une volonté sincère de réalisation.) Résistance
3260 ou révolution, procédant d’une vision claire et d’ une volonté sincère de réalisation.) Résistances conditionnées par l’é
3261 , de vos régions autonomes. Ils préfèrent mendier des subventions à Paris. Voyez les Bretons, qui votent gaulliste. Les con
3262 étourderies et boutades ne sont guère passibles d’ une réfutation.) Résistances conditionnées par nos habitudes visuelles
3263 r nos habitudes visuelles et les atlas scolaires ( une couleur par pays) Comment allez-vous découper vos régions ? Quell
3264 leurs frontières exactes ? Faut-il qu’elles aient des superficies ou des populations à peu près égales ? La région de Paris
3265 actes ? Faut-il qu’elles aient des superficies ou des populations à peu près égales ? La région de Paris, avec ses 9 ou 10
3266 tants. Ça ne se tient pas ! La Bretagne n’est pas une entité économique viable. Et qui parle breton à Rennes ? Les ethnies
3267 ltés qui est la cause principale de l’ajournement des solutions régionalistes, c’est-à-dire de l’incertitude ou insécurité
3268 II. Que la région ne doit pas être conçue comme un État-notion en réduction Presque tous les difficultés, obscurités,
3269 rités, incertitudes, blocages mentaux, qu’éprouve un homme de cette seconde moitié du xxe siècle à concevoir une Europe d
3270 e cette seconde moitié du xxe siècle à concevoir une Europe des régions, proviennent du « modèle » que l’École (aux trois
3271 onde moitié du xxe siècle à concevoir une Europe des régions, proviennent du « modèle » que l’École (aux trois degrés) a i
3272  » que l’École (aux trois degrés) a imposé depuis un siècle au moins. L’homme d’aujourd’hui, formé par les manuels, croit,
3273 r les manuels, croit, sans la moindre discussion, une série de propositions axiomatiques de ce genre : — L’État doit être u
3274 publique de la nation, c’est-à-dire de l’ensemble des hommes vivant à l’intérieur d’un territoire délimité par les hasards
3275 e de l’ensemble des hommes vivant à l’intérieur d’ un territoire délimité par les hasards des guerres et les calculs des ar
3276 ntérieur d’un territoire délimité par les hasards des guerres et les calculs des arpenteurs. — Tout ce qui relève du domain
3277 limité par les hasards des guerres et les calculs des arpenteurs. — Tout ce qui relève du domaine public (économie, politiq
3278 scalité, défense, tourisme, etc.) doit dépendre d’ un seul et même organisme, l’État, dans les limites d’un seul et même te
3279 eul et même organisme, l’État, dans les limites d’ un seul et même territoire sur lequel cet État se déclare souverain. — C
3280 unité nationale, terme absolu de toute histoire d’ un peuple digne de ce nom. Ayant « fait son unité » (comme on fait sa pu
3281 on unité » (comme on fait sa puberté), il devient une « nation immortelle » et l’État qui agit en son nom dispose de la vie
3282 elles et physiques, culturelles et économiques) à une seule et unique surface géographique déclarée « sol sacré de la patri
3283 sacré de la patrie » (et dont le « territoire » d’ un chien fournit le modèle) correspond à quelque chose de fondamental ch
3284 artir du Xe millénaire avant notre ère). Au cours des siècles de l’histoire moderne, ce sont les guerres qui ont servi de p
3285 nt accrédité l’idée que l’économie est au service des desseins politiques d’un État et non de la prospérité de ses citoyens
3286 économie est au service des desseins politiques d’ un État et non de la prospérité de ses citoyens. Aujourd’hui, cette même
3287 ivilisation visuelle, de l’imprimé, de la lecture des signes alignés, des plans, des cartes et des graphiques, l’homme de l
3288 , de l’imprimé, de la lecture des signes alignés, des plans, des cartes et des graphiques, l’homme de la « Galaxie Gutenber
3289 imé, de la lecture des signes alignés, des plans, des cartes et des graphiques, l’homme de la « Galaxie Gutenberg » si géni
3290 ture des signes alignés, des plans, des cartes et des graphiques, l’homme de la « Galaxie Gutenberg » si génialement décrit
3291 ce qu’il voit. L’expression « Faut-il vous faire un dessin ? » évoque le modèle même de toute explication propre à convai
3292 de toute explication propre à convaincre le pire des imbéciles dans ce monde-là. Aux yeux de cet homme gutenbergien, que n
3293 région ne saurait apparaître que sous la forme d’ un mini-État centralisé, et d’une mini-nation régie par des bureaux conc
3294 que sous la forme d’un mini-État centralisé, et d’ une mini-nation régie par des bureaux concentrés dans une métropole régio
3295 i-État centralisé, et d’une mini-nation régie par des bureaux concentrés dans une métropole régionale au lieu de l’être dan
3296 mini-nation régie par des bureaux concentrés dans une métropole régionale au lieu de l’être dans une capitale. Les possibil
3297 ns une métropole régionale au lieu de l’être dans une capitale. Les possibilités pratiques de participation du citoyen à la
3298 pratiques de participation du citoyen à la vie d’ une région de ce type ne seraient pas d’un ordre essentiellement différen
3299 la vie d’une région de ce type ne seraient pas d’ un ordre essentiellement différent de ce qu’elles sont aujourd’hui. La v
3300 nécessairement restaurée par la simple division d’ un pays en vingt et une régions, par exemple, plutôt qu’en quatre-vingt-
3301 urée par la simple division d’un pays en vingt et une régions, par exemple, plutôt qu’en quatre-vingt-onze départements. La
3302 u’État-nation réduit — c’est-à-dire gouvernée par un pouvoir unique et s’exerçant dans tous les domaines clés : le politiq
3303 s libertés civiques. Elle ne serait à aucun titre un modèle neuf de relations humaines et de structure du pouvoir. Elle ne
3304 fie pas « tout casser » mais, au contraire, poser un nouvel ordre. Voilà pourquoi cette région nous laisse froids, en tant
3305 ation inévitable, à plus ou moins brève échéance, des grands États-nations européens. (C’est un peu ce que l’on voit se des
3306 éance, des grands États-nations européens. (C’est un peu ce que l’on voit se dessiner — encore un terme visuel ! — avec l’
3307 ’est un peu ce que l’on voit se dessiner — encore un terme visuel ! — avec l’essai de « régionalisation » de la France et
3308 tion du centralisme de la capitale au centralisme des métropoles de développement. Le pouvoir de sécuriser une population a
3309 ropoles de développement. Le pouvoir de sécuriser une population a de tout temps constitué la force principale d’un chef, r
3310 n a de tout temps constitué la force principale d’ un chef, roi, dictateur ou État républicain. Or ce pouvoir paraît mieux
3311 ts États que par les ex-puissances — et cela pour une série de raisons (pas seulement militaires) qu’il serait trop long de
3312 dèles. Essayons de les approcher en tenant compte des résistances décrites et des réflexes stato-nationalistes dont, je le
3313 cher en tenant compte des résistances décrites et des réflexes stato-nationalistes dont, je le répète, nul de nous n’est in
3314 ul de nous n’est indemne. III. De la pluralité des allégeances Comment échapper aux réflexes unitaires conditionnés p
3315 saluts au drapeau, et par deux guerres mondiales des plus réussies (trente-huit-millions de morts en deux séances, l’une d
3316 surante unité, ou au moins à l’uniformité ? C’est un problème d’éducation ou de recyclage qui va nous prendre au moins dou
3317 à penser par problèmes et non par nations. Devant un problème donné (urbanisme, participation civique, Université, par exe
3318 national, continental ou mondial) ; 3° à admettre une pluralité d’appartenance ou d’allégeances, conforme à la pluralité de
3319 tenance ou d’allégeances, conforme à la pluralité des activités humaines, aux dimensions variées des tâches entreprises et
3320 té des activités humaines, aux dimensions variées des tâches entreprises et des cadres sociaux qui leur offrent appui. Qu’o
3321 aux dimensions variées des tâches entreprises et des cadres sociaux qui leur offrent appui. Qu’on me permette un exemple p
3322 sociaux qui leur offrent appui. Qu’on me permette un exemple personnel, pour aller vite et rester dans le concret. Je suis
3323 Mais je suis aussi protestant, ce qui représente une allégeance mondiale (ce serait pareil si j’étais communiste, ou catho
3324 , ou catholique, évidemment). Et je fais partie d’ un très grand nombre de réseaux de relations parentales, professionnelle
3325 ié et uniformisé dans les limites géographiques d’ un territoire délimité au mètre près par les hasards de l’histoire, je c
3326 ré qu’entre les ambitions de Napoléon et celles d’ un dictateur du xxe siècle il y ait d’autres différences que celles due
3327 elles dues aux moyens techniques de mise au pas d’ une nation. Et de Napoléon à tout État-nation contemporain, la continuité
3328 pas que je récuse l’État ni l’ordre contractuel d’ une société, avec ses cadres et ses mécanismes. Je demande seulement qu’i
3329 nde la dissociation et la répartition fédéraliste des pouvoirs aujourd’hui concentrés en un seul lieu, accaparés par l’État
3330 édéraliste des pouvoirs aujourd’hui concentrés en un seul lieu, accaparés par l’État national et qui le seront, demain, pa
3331 seront, demain, par l’État régional. IV. Vers une formule fédéraliste de l’État Dans une page essentielle de son Pri
3332 V. Vers une formule fédéraliste de l’État Dans une page essentielle de son Principe fédératif, où Proudhon estime qu’il
3333 déré le gouvernement d’après la loi de séparation des organes ; — je veux dire : séparer dans le pouvoir tout ce qui peut ê
3334 es attributions de l’État (autorité centrale) « à un simple rôle d’initiative générale, de garantie mutuelle et de surveil
3335 Et il estime puéril de restreindre la séparation des pouvoirs aux membres d’un cabinet : Ce n’est pas seulement entre sep
3336 treindre la séparation des pouvoirs aux membres d’ un cabinet : Ce n’est pas seulement entre sept ou huit élus […] que doi
3337 élus […] que doit être partagé le gouvernement d’ un pays, c’est entre les provinces et les communes : faute de quoi la vi
3338 dans l’indivision » : grande maxime, qui conteste un monde : celui de la République une et indivisible des jacobins, de l’
3339 e, qui conteste un monde : celui de la République une et indivisible des jacobins, de l’Empire napoléonien qui la continue,
3340 monde : celui de la République une et indivisible des jacobins, de l’Empire napoléonien qui la continue, et des totalitaire
3341 bins, de l’Empire napoléonien qui la continue, et des totalitaires du xxe siècle qui l’achèvent. Il ne s’agit donc, pour P
3342 er, de partager. Seulement, Proudhon s’en tient à un partage ou répartition du pouvoir entre les échelons géographiques :
3343 e, sans que soit pour autant décidée la structure des réseaux d’échange et groupes de production économiques, ni des instit
3344 ’échange et groupes de production économiques, ni des institutions sociales et culturelles. 2° Les modules ou unités de bas
3345 aux et culturels d’aires différentes, définissant des régions spécifiques. « Faut-il vous faire un dessin ? » Ce ne serait
3346 ant des régions spécifiques. « Faut-il vous faire un dessin ? » Ce ne serait pas facile. Essayez de figurer, par exemple,
3347 l est assez facile de visualiser l’appartenance d’ un élément à deux ensembles (dans mon cas : « Suisse » et « francophonie
3348 de continuer à se rattacher politiquement à l’une des trois nations dont la Regio est le carrefour ou l’intersection50. La
3349 ette liberté (ou variété) d’appartenance démontre une déficience ou un retard d’éducation démocratique. (« Ce qui n’est pas
3350 ariété) d’appartenance démontre une déficience ou un retard d’éducation démocratique. (« Ce qui n’est pas prescrit à tous,
3351 ocratique. (« Ce qui n’est pas prescrit à tous, d’ une manière uniforme, sans choix possible, n’est pas sérieux », pensent t
3352 le saint patron fut « le Petit Caporal ».) V. Un programme d’études Le champ d’études régionaliste, que ces quelque
3353 ommencer par opérer les dissociations nécessaires des pouvoirs de nature étatique. b) Puis rechercher si les pouvoirs dist
3354 n définis. Le Marché commun, par exemple, qui est un pouvoir économique, doit-il entretenir des visées politiques, ou lais
3355 qui est un pouvoir économique, doit-il entretenir des visées politiques, ou laisser cela à des organes diversifiés fédérant
3356 tretenir des visées politiques, ou laisser cela à des organes diversifiés fédérant des régions politiques, ou ethniques, ou
3357 u laisser cela à des organes diversifiés fédérant des régions politiques, ou ethniques, ou culturelles d’aires différentes 
3358 l, national-fédéral et continental. c) Le niveau des fédérations « nationales » de régions ouvre un autre champ de recherc
3359 u des fédérations « nationales » de régions ouvre un autre champ de recherches. Il s’agirait ici de la réunion de régions
3360 s qui jugeraient souhaitable de renouer librement des liens du type national, politique ; non exclusifs, bien entendu, de l
3361 eau de vache ibérique… 47. « Orientations vers une Europe fédérale », Bulletin SEDEIS-Futuribles, n° 853, 10 mai 1963, p
3362 de la revue L’Ordre nouveau  ; et mon Journal d’ une époque , 1968, p. 107, note 1. 48. Mais quand Malraux dit que la nat
3363 ont pas dessaisis, en tant qu’entités politiques, des « droits » économiques qu’ils s’arrogent en barons pillards ; et tant
3364 t tant qu’il n’y aura pas, au niveau continental, une autorité politique fédérale. ak. Rougemont Denis de, « Les résistan
3365 t Denis de, « Les résistances mentales à l’Europe des régions », L’Europe en formation, Nice, avril 1969, p. 3-6.
29 1969, Articles divers (1963-1969). Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)
3366 nt quelques souvenirs, quelques cheveux blancs et des enfants du premier lit : ça pose des problèmes (voir Elle n° 1216) ma
3367 ux blancs et des enfants du premier lit : ça pose des problèmes (voir Elle n° 1216) mais on ne fait pas pour autant un rema
3368 oir Elle n° 1216) mais on ne fait pas pour autant un remariage de « raison », de consolation. Le second mariage, ce n’est
3369 ’est pas la session de repêchage, c’est la saison des amours vraies, solides, bien bâties. On a passé l’âge de Roméo et Jul
3370 n de ces couples dont on dit simplement : « C’est un vrai couple. » Le remariage est non seulement un problème d’actualit
3371 un vrai couple. » Le remariage est non seulement un problème d’actualité mais un problème d’avenir. C’est une conséquence
3372 ge est non seulement un problème d’actualité mais un problème d’avenir. C’est une conséquence du divorce plus fréquent mai
3373 lème d’actualité mais un problème d’avenir. C’est une conséquence du divorce plus fréquent mais aussi du progrès médical. C
3374 pays — aux gens qui veulent divorcer : le nombre des foyers détruits par le divorce équivaut en 1968 au nombre des foyers
3375 étruits par le divorce équivaut en 1968 au nombre des foyers détruits il y a cinquante ans par la mort de l’un des conjoint
3376 détruits il y a cinquante ans par la mort de l’un des conjoints. Il y a la mobilité actuelle succédant à la stabilité d’aut
3377 ies — on change de pays, d’emploi, de milieu avec une facilité croissante et on admet avoir d’autres aspirations à 40 ans q
3378 ions à 40 ans qu’à 20 ans. D’où la multiplication des déséquilibres dans un couple — le cas classique de la femme qui n’a p
3379 ns. D’où la multiplication des déséquilibres dans un couple — le cas classique de la femme qui n’a pas su « suivre » son m
3380 n’en arrive jamais au remariage. Pourquoi ? L’une des grandes difficultés du sujet tient à ce qu’il n’existe pas de littéra
3381 rait pouvoir comparer les âges et les motivations des conjoints lors du premier et du second mariage. Analyser leur évoluti
3382 d mariage. Analyser leur évolution, les réactions des enfants, etc. Il faut aussi savoir distinguer ce qui tient aux acteur
3383 me vois réduit à ma propre expérience et à celle des couples remariés que je connais. La première fois, on épouse ses co
3384 ’il a beaucoup plus de chances de l’être : il y a des écueils inhérents à un premier mariage qui ne le sont plus à un secon
3385 ent à ce que fait croire le langage courant, avec des phrases comme « Je suis pleine de complexes » ou « Il me donne un com
3386 « Je suis pleine de complexes » ou « Il me donne un complexe d’infériorité », les complexes sont des ensembles de réactio
3387 e un complexe d’infériorité », les complexes sont des ensembles de réactions et d’associations affectives formés dans l’enf
3388 emps inconscientes. Complexe d’Œdipe, recherche d’ un type de conjoint qui est (sans qu’on le sache) celui de la mère, ou d
3389 e, ou du père. Ou au contraire, inhibition devant une femme aimée, parce que l’inconscient l’assimile à la mère interdite…
3390 a mère interdite… Ces fixations amoureuses dues à des motifs inconscients ont bien des chances de correspondre à la réalité
3391 moureuses dues à des motifs inconscients ont bien des chances de correspondre à la réalité des êtres et de leur vie à deux 
3392 ont bien des chances de correspondre à la réalité des êtres et de leur vie à deux ! On tombe amoureux d’une image sans le s
3393 êtres et de leur vie à deux ! On tombe amoureux d’ une image sans le savoir. Et l’on se trouve marié avec une femme réelle,
3394 mage sans le savoir. Et l’on se trouve marié avec une femme réelle, bien différente. Elle, eh bien, elle a aussi son image
3395 tombée amoureuse de lui avant même qu’il ait dit un mot… » Y a-t-il des causes d’échec qui soient plus spécifiquement att
3396 e lui avant même qu’il ait dit un mot… » Y a-t-il des causes d’échec qui soient plus spécifiquement attachées à telle class
3397 ttachées à telle classe d’âge ? Oui, l’immaturité des conjoints, souvent accompagnée du désir (conscient ou non) de se libé
3398 nesse, aussi, cette façon de balayer l’expérience des autres, ce refus de tenir compte des données de fait : goûts, situati
3399 l’expérience des autres, ce refus de tenir compte des données de fait : goûts, situation, milieu social. On balaye avec un
3400 : goûts, situation, milieu social. On balaye avec un beau mépris les objections des autres, celles des parents, en premier
3401 ial. On balaye avec un beau mépris les objections des autres, celles des parents, en premier lieu ; leur couple est-il si b
3402 un beau mépris les objections des autres, celles des parents, en premier lieu ; leur couple est-il si bien réussi ? On pen
3403 -pied de leurs conseils. Ce qui conduit souvent à un mariage « d’attitude » : on veut prouver aux autres — et à soi-même q
3404 a passion n’est pas comme on l’imagine volontiers un super-amour mais une certaine forme d’amour qui veut l’obstacle et qu
3405 comme on l’imagine volontiers un super-amour mais une certaine forme d’amour qui veut l’obstacle et qui l’invente au besoin
3406 rs entre le sujet et l’objet — Tristan et Iseut — un roi Marc qui les sépare : la morale, la société, le père, le mari ou
3407 ’hui. Il n’y a plus d’obstacle objectif : si l’un des deux est marié, il n’a qu’à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’est-c
3408 otidienneté, la banalité. Ne peut-on pas imaginer une passion qui ne serait pas fatale, qui pourrait flamber au grand jour
3409 lique la fatalité. La passion dit : « Oui, j’aime une telle, son caractère et ses goûts seront peut-être incompatibles avec
3410 é, c’est l’alibi. Et il est nécessaire d’en avoir un , de pouvoir accuser le sort, puisque la passion sera forcément malheu
3411 — est né avec « Tristan et Iseut » et que, depuis des siècles, nous vivons sous l’emprise de ce mythe dégénéré en romans, o
3412 puis films, chansonnettes, etc. Ce n’est donc pas une invention récente. Or la crise du mariage n’a pas six siècles. Quel r
3413 t l’autre ? C’est qu’autrefois on se mariait pour des raisons : fortune, terres, agrément du caractère et du physique, et o
3414 aractère et du physique, et on restait marié pour des raisons : religieuses, sociales, familiales. La passion, on la rencon
3415 urs. Vouloir fonder le mariage sur la passion est une exigence récente, ou plutôt une aberration récente : c’est vouloir fo
3416 ur la passion est une exigence récente, ou plutôt une aberration récente : c’est vouloir fonder une institution faite pour
3417 tôt une aberration récente : c’est vouloir fonder une institution faite pour la durée sur un état passager, sur une crise a
3418 ir fonder une institution faite pour la durée sur un état passager, sur une crise affective. La passion retranche du monde
3419 ion faite pour la durée sur un état passager, sur une crise affective. La passion retranche du monde comme la fièvre ; quan
3420 us courant, c’est un premier mariage raté suivi d’ une réflexion lucide sur les causes de cet échec et de déductions constru
3421 ux. Parce qu’on est « vacciné » : on dépend moins des autres — parents, entourage — on est donc moins poussé à braver leur
3422 donc moins poussé à braver leur opinion, à faire un mariage « d’attitude ». On est plus conscient et on ne se joue plus l
3423 ut pas changer de place les raies du zèbre », dit un proverbe oriental) et, comme on a pris conscience de la nécessité de
3424 onscience de la nécessité de la durée, on accorde une plus grande attention à la compatibilité des caractères, aux éléments
3425 orde une plus grande attention à la compatibilité des caractères, aux éléments durables et indispensables à la durée du mar
3426 s remariez pas pour vous venger N’y a-t-il pas des causes d’échec spéciales à un deuxième mariage ? Oui, il y en a deux,
3427 e, la peur de rester « en carafe » peut pousser à un remariage précipité. Et aussi le désir de prendre une revanche, de ma
3428 remariage précipité. Et aussi le désir de prendre une revanche, de marquer un point sur son ex-conjoint (comme dans le prem
3429 ussi le désir de prendre une revanche, de marquer un point sur son ex-conjoint (comme dans le premier mariage, on voulait
3430 , quoi qu’on en dise, est toujours ressenti comme un échec. Mais autant il est bon de vouloir en tirer une leçon, de voulo
3431 échec. Mais autant il est bon de vouloir en tirer une leçon, de vouloir faire mieux la deuxième fois, autant il est mauvais
3432 oir comme je vais être heureuse sans toi. » C’est une réaction infantile. Et des difficultés particulières une fois qu’on e
3433 euse sans toi. » C’est une réaction infantile. Et des difficultés particulières une fois qu’on est remarié ? C’est ici qu’i
3434 ant à la difficulté de la situation elle tient en une phrase ou un fait évident et qui sera ressenti plus ou moins douloure
3435 culté de la situation elle tient en une phrase ou un fait évident et qui sera ressenti plus ou moins douloureusement : ce
3436 ouffert, cette fois-ci je vais faire au contraire un mariage de tout repos », est un autre piège. Notre mentalité, influen
3437 aire au contraire un mariage de tout repos », est un autre piège. Notre mentalité, influencée par l’héritage littéraire oc
3438 ime les caractères, les goûts et les antécédents. Un mariage où il n’y aurait que des « convenances » a plus de chances de
3439 les antécédents. Un mariage où il n’y aurait que des « convenances » a plus de chances de durer mais guère plus de chances
3440 de durer mais guère plus de chances de bonheur qu’ un mariage où il n’y aurait que de l’amour. Le vrai amour c’est le co
3441 goûts, les aspirations communs ne réussiraient qu’ un mariage de raison ? C’est l’intuition du véritable moi de l’autre. C’
3442 alter ou comme objet de contemplation, mais comme une existence incomparable et autonome à laquelle on voudrait participer 
3443 ’image de la mère sans qu’il s’en doute, ou alors une certaine beauté qui est l’idéal standard de sa génération. Sa passion
3444 Sa passion n’est que la projection sur l’autre d’ un idéal qui n’existe pas — et l’on s’en aperçoit très vite — alors que
3445 river à le prôner systématiquement ? Je pense que des solutions « préventives » sont infiniment préférables. Il faudrait to
3446 s continuent à croire que l’analyser l’amoindrit. Une passion « inexplicable » paraît plus forte qu’un amour justifié par d
3447 Une passion « inexplicable » paraît plus forte qu’ un amour justifié par de bonnes raisons. Or il faudrait toujours pouvoir
3448 us encore pour le divorce : si l’on veut en tirer une leçon, il est essentiel de ne pas le refouler comme un acte dont on a
3449 çon, il est essentiel de ne pas le refouler comme un acte dont on a honte ou peur. Je suis pour le « mariage-maquette »
3450 pour le « mariage-maquette » Ceci appelle donc une réforme de la mentalité. On va souvent jusqu’à la réforme des mœurs l
3451 de la mentalité. On va souvent jusqu’à la réforme des mœurs lorsqu’on envisage le « mariage à l’essai ». Qu’en pensez-vous 
3452 a donc pas de victimes. Appelons cette expérience un « mariage-maquette », un numéro zéro comme celui qui précède dans les
3453 ppelons cette expérience un « mariage-maquette », un numéro zéro comme celui qui précède dans les revues la sortie du numé
3454 fiançailles traditionnelles qui fortifiaient par des obstacles artificiels — défense de cohabiter, de faire l’amour, de pa
3455 n’est pas question d’essais multiples. Pour avoir une valeur expérimentale il faut qu’un mariage-maquette se prolonge plusi
3456 s. Pour avoir une valeur expérimentale il faut qu’ un mariage-maquette se prolonge plusieurs années. Aucun rapport avec les
3457 nouées sans idée de durée. Mais il y a quand même des différences énormes avec un vrai mariage : il manque les enfants et i
3458 is il y a quand même des différences énormes avec un vrai mariage : il manque les enfants et il manque tout le côté social
3459 e côté social — être reconnu par les autres comme un vrai couple, ce qui est un ciment — et surtout l’idée que ça doit dur
3460 u par les autres comme un vrai couple, ce qui est un ciment — et surtout l’idée que ça doit durer toujours. « Après tout,
3461 pant la plus longue durée. Le but lointain dégage une plus grande énergie — pour le rejoindre — que le but proche. Quand je
3462 je faisais mon service militaire on nous imposait des marches d’entraînement et j’ai fait à cette occasion une découverte q
3463 ches d’entraînement et j’ai fait à cette occasion une découverte qui a joué un rôle important dans ma vie : si l’on part po
3464 un rôle important dans ma vie : si l’on part pour une promenade d’une heure, on traîne la patte après trois quarts d’heure.
3465 t dans ma vie : si l’on part pour une promenade d’ une heure, on traîne la patte après trois quarts d’heure. Quand nous pens
3466 Mais vous n’avez pas fait lors du premier coup une marche de 140 km ? C’est pourquoi le mariage-maquette peut être consi
3467 uoi le mariage-maquette peut être considéré comme une marche d’entraînement. Le seuil de fatigue et de lassitude sera infin
3468 e-pensée. J’ai assisté, en Amérique, au mariage d’ une jeune héritière qui répétait avec enthousiasme : « Comme c’est mervei
3469 ecs qui ont suivi. Donc le mariage-maquette donne une idée de ce qu’est le mariage, mais ne peut guère, faute de pacte, rem
3470 u plutôt, soyons réalistes, du désir de ressentir une passion, qui fait croire que « ça y est », avec la réalité. Quand les
3471 passion est l’épreuve privilégiée qui seule donne un sens à la vie, quand ils comprendront que la passion n’est jamais une
3472 uand ils comprendront que la passion n’est jamais une raison de se marier mais au contraire une raison de ne pas se marier,
3473 jamais une raison de se marier mais au contraire une raison de ne pas se marier, et qu’être heureux longtemps avec quelqu’
3474 u mariage sera résolue en principe et la majorité des divorces évités. Mais l’emprise du mythe est tellement forte que notr
3475 ne peut renoncer ni à la durée ni à la fidélité. Un mariage c’est une œuvre d’art, une construction à deux et comme toute
3476 ni à la durée ni à la fidélité. Un mariage c’est une œuvre d’art, une construction à deux et comme toute création il a ses
3477 à la fidélité. Un mariage c’est une œuvre d’art, une construction à deux et comme toute création il a ses difficultés. Il
3478 uer, découvrir et inventer. La fidélité n’est pas un luxe, une coquetterie morale et encore moins une « convenance » ou un
3479 uvrir et inventer. La fidélité n’est pas un luxe, une coquetterie morale et encore moins une « convenance » ou un « agent d
3480 s un luxe, une coquetterie morale et encore moins une « convenance » ou un « agent de répression », elle est la base indisp
3481 erie morale et encore moins une « convenance » ou un « agent de répression », elle est la base indispensable d’une créatio
3482 de répression », elle est la base indispensable d’ une création. Quand un peintre commence une toile il doit sans cesse lutt
3483 e est la base indispensable d’une création. Quand un peintre commence une toile il doit sans cesse lutter contre le doute
3484 ensable d’une création. Quand un peintre commence une toile il doit sans cesse lutter contre le doute (est-ce que ça vaut v
3485 ue de se borner à ne pas tromper sa femme : c’est une œuvre d’art exigeante et qui tente le meilleur en chacun de nous. Je
3486 illeur en chacun de nous. Je sais bien que depuis des siècles, la fidélité nous est présentée comme une sorte de devoir sin
3487 des siècles, la fidélité nous est présentée comme une sorte de devoir sinistre, une mutilation volontaire : nous n’avons pa
3488 est présentée comme une sorte de devoir sinistre, une mutilation volontaire : nous n’avons pas été élevés pour être heureux
3489 ie, du déséquilibre, de la passion, dans l’esprit des gens, c’est l’ennui. En somme, lorsqu’un homme pourra dire à une femm
3490 ’esprit des gens, c’est l’ennui. En somme, lorsqu’ un homme pourra dire à une femme : « Je suis sage de toi », le mariage s
3491 l’ennui. En somme, lorsqu’un homme pourra dire à une femme : « Je suis sage de toi », le mariage sera sauvé ! Qui l’osera 
3492 ’auteur de L’Amour et l’Occident — ce livre est un chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’ont lu sont mieux armés pour r
30 1969, Articles divers (1963-1969). Le personnalisme, la contestation, les hippies et… le fédéralisme (27 septembre 1969)
3493 emont, aux yeux du grand public, c’est l’auteur d’ un livre « unique », d’une thèse retentissante, L’Amour et l’Occident .
3494 d public, c’est l’auteur d’un livre « unique », d’ une thèse retentissante, L’Amour et l’Occident . Cet ouvrage, qui démont
3495 avoir de nombreux prolongements. Ce sera, au fil des ans, Doctrine fabuleuse, Personne du drame [sic] et Les Mythes de l’a
3496 donc l’illustre théoricien de l’amour-passion qu’ un public nombreux et enthousiaste était venu entendre jeudi soir à l’Un
3497 ais l’œuvre de M. de Rougemont ne se réduit pas à un seul titre : elle ne gravite pas uniquement autour de ce seul thème d
3498 ce seul thème de l’amour-passion. La célébrité d’ un ouvrage a malencontreusement relégué dans l’ombre l’action non moins
3499 r du prix Paul Tillich qui est, en quelque sorte, un prix de théologie, on aura, je crois, défini les différents pôles aut
3500 M. de Rougemont à Montréal pour essayer de cerner un peu mieux, d’un peu plus près, ce personnage énigmatique. D’entrée de
3501 à Montréal pour essayer de cerner un peu mieux, d’ un peu plus près, ce personnage énigmatique. D’entrée de jeu, il tient à
3502 et mes livres. Au-delà, donc, de cette diversité des thèmes, il y a continuité de pensée. C’est ce que nous explique M. de
3503 emont. Mon ami Jacques de Bourbon-Busset m’a dit, un jour, qu’il se considérait comme mon disciple en érotique personnalis
3504 n’était plus facile. Car pour moi, le couple est une espèce de banc d’essai du fédéralisme, c’est-à-dire du système d’amén
3505 ’est-à-dire du système d’aménagement qui permet à des natures diverses de vivre ensemble, de coexister en tension, sans se
3506 restant donc parfaitement distincte. Il y a donc une ressemblance profonde entre le problème de l’homme et de la femme dan
3507 l’homme et de la femme dans le mariage, et celui des autonomies locales et de l’union dans une fédération, où il s’agit pr
3508 t celui des autonomies locales et de l’union dans une fédération, où il s’agit précisément de respecter complètement les dr
3509 ’autonomie locale et de l’union, ceci au bénéfice des deux, naturellement. Je me réfère toujours, poursuit-il, aux définiti
3510 me réfère toujours, poursuit-il, aux définitions des conciles du ive au vie siècle qui ont défini la personne à propos d
3511 as s’empresser de s’en sortir en supprimant l’une des deux, ou en les mélangeant, ou encore en les subordonnant l’une à l’a
3512 fondement de ce que j’appellerai ma philosophie. Une philosophie qui s’est lentement élaborée, en réaction surtout contre
3513 ction surtout contre « cette ignorance satisfaite des injustices établies ». Et là, deux dates cruciales marquent la biogra
3514 re revue Hic et Nunc qui regroupe autour de lui des écrivains, des philosophes et des théologiens protestants. Mais, 1932
3515 t Nunc qui regroupe autour de lui des écrivains, des philosophes et des théologiens protestants. Mais, 1932 marque aussi l
3516 e autour de lui des écrivains, des philosophes et des théologiens protestants. Mais, 1932 marque aussi la naissance du pers
3517 ité profonde de l’homme ». Il publiera d’ailleurs un ouvrage d’une importance capitale pour qui veut comprendre le personn
3518 de l’homme ». Il publiera d’ailleurs un ouvrage d’ une importance capitale pour qui veut comprendre le personnalisme, ouvrag
3519 itique de la personne . On peut y lire, en effet, un article qui avait déjà paru dans la revue Esprit et qui constitue,
3520 stes. Pour moi, nous dit-il, la personne n’est ni un individu refermé sur lui-même, ni la minuscule partie d’une masse, ma
3521 du refermé sur lui-même, ni la minuscule partie d’ une masse, mais un homme ouvert aux idées, à la fois libre et responsable
3522 ui-même, ni la minuscule partie d’une masse, mais un homme ouvert aux idées, à la fois libre et responsable. C’est l’indiv
3523 est définie par son acte. Ainsi se trouve fondée une certaine notion de la communauté qui postule l’engagement de l’indivi
3524 e remarquer, n’implique pas qu’on s’inscrive dans un parti ou qu’on accepte la discipline de ce parti. C’est réaliser ce q
3525 que l’on croit le plus intimement, que ce soit d’ un point de vue religieux, politique ou philosophique. La contestatio
3526 sévit aujourd’hui de Paris à Tokyo n’est-elle pas une contestation personnaliste ? M. de Rougemont n’hésite pas à répondre
3527 par l’affirmative : C’est, en effet, nous dit-il une contestation personnaliste qui s’ignore. Dans ces motivations, on ret
3528 les termes d’aujourd’hui. Nous y avions peut-être un peu plus de mérite, car la situation extérieure n’était visiblement p
3529 l’avait déjà vécue. Il désire néanmoins apporter une légère correction : Je dois dire que j’ai souvent pu déceler dans la
3530 utaire. Elle ressemble plus souvent à la réaction des jeunes fascistes italiens et nazis qui ne respectaient plus rien fina
3531 avions en 1932. Il s’agissait alors de substituer un nouvel ordre à ce que nous appelions le désordre établi. La contestat
3532 st celle qui conteste le désordre établi au nom d’ un ordre plus réel. Ce qui paraît être, pour beaucoup de jeunes contesta
3533 aît être, pour beaucoup de jeunes contestataires, une conception inacceptable. Mais je suis malheureusement certain qu’ils
3534 ément. Car, pour notre interlocuteur, la réaction des jeunes est fondamentalement saine. C’est une réaction contre le monde
3535 tion des jeunes est fondamentalement saine. C’est une réaction contre le monde de la technique, contre la discipline qu’exi
3536 s d’impôt. Nous sommes pris, de plus en plus, par des réseaux de règles dont le fondement n’est absolument pas la dialectiq
3537 n, même s’il y a trop de drogues à l’appui. C’est une réaction vitale de leur part contre ce monde qui est en train de ruin
3538 imer tous les problèmes individuels on aboutira à un monde où la passion, la tentation de la passion n’aura plus aucun sen
3539 ucun sens. Alors qu’avec le mouvement anarchisant des hippies qui essaient aussi de recréer une communauté véritable, tout
3540 chisant des hippies qui essaient aussi de recréer une communauté véritable, tout redevient possible. Mais jusqu’où cela ira
3541 que cela ira très loin. Il reste, néanmoins, que des rassemblements comme celui qui a eu lieu récemment à Bethel, près de
3542 démonstration éclatante de ce besoin qui existe d’ une nouvelle communauté, d’un principe de communauté qui soit l’amour : u
3543 ce besoin qui existe d’une nouvelle communauté, d’ un principe de communauté qui soit l’amour : un amour pas seulement sexu
3544 é, d’un principe de communauté qui soit l’amour : un amour pas seulement sexuel, mais également spirituel. Cette communaut
3545 ix ans d’exil en Amérique, il retourne en Europe, une Europe en paix certes, mais qu’il faut reconstruire. Cette guerre qui
3546 i à patauger, pouvons-nous lire dans son Journal des deux mondes , parce que nos voisins se font la guerre, et s’ils la fo
3547 nt. Cette guerre marque la faillite retentissante des systèmes centralisateurs et du nationalisme étatisé. C’est la guerre
3548 je préconise et qui n’est que la transposition à une échelle géante de la Confédération helvétique. Je ne souhaite ni une
3549 de la Confédération helvétique. Je ne souhaite ni une agglomération d’États soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni un
3550 ne souhaite ni une agglomération d’États soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des États, mais une assoc
3551 tats soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des États, mais une association de républiques autonomes, libr
3552 à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des États, mais une association de républiques autonomes, libres de leur
3553 ique et dictatorial ni une Europe des États, mais une association de républiques autonomes, libres de leur gestion intérieu
3554 leur gestion intérieure et responsables les unes des autres devant le danger commun. Personnalisme et fédéralisme, c’est u
3555 anger commun. Personnalisme et fédéralisme, c’est un tout. Cette théorie fédéraliste nous amène, on l’aura remarqué, loin
3556 a tendance unitaire par opposition aux libertés d’ un Québec autonome. Or le fédéralisme, pour moi, est tout autre chose. I
3557 s au service de l’autonomie, et pas le contraire. Un Québec séparé signifierait donc, pour M. de Rougemont, qu’on est reto
3558 ieille formule de l’État-nation du xixe siècle ; une conception qui ne s’accorde plus aux exigences de notre époque, car c
3559 pour l’auteur de L’Amour et l’Occident de créer des autonomies au niveau de la commune, par la recréation de communauté d
3560 le habitants qu’on appelle, en urbanisme moderne, des unités d’habitation. Ces autonomies, il faut donc aller les chercher
3561 hercher très bas. On les regroupera alors suivant un modèle pyramidal, mais sans s’arrêter aux frontières du Québec ou mêm
3562 ne à s’entendre. On arriverait ainsi à construire une Europe unie, faite de régions, mais qui seraient découpées différemme
3563 n les administrait séparément. Il y aurait ainsi, une Agence européenne des universités, une autre pour le charbon et l’aci
3564 arément. Il y aurait ainsi, une Agence européenne des universités, une autre pour le charbon et l’acier, et ainsi de suite.
3565 ait ainsi, une Agence européenne des universités, une autre pour le charbon et l’acier, et ainsi de suite. Alors qu’un Cons
3566 e charbon et l’acier, et ainsi de suite. Alors qu’ un Conseil fédéral établira les grandes options politiques. Si vous voul
3567 grandes options politiques. Si vous voulez avoir une vision fédéraliste du monde, nous dit M. de Rougemont, il vous faudra
3568 est la seule assurance », lit-on dans Journal d’ une époque . Et ailleurs : « il faut être absolument moderne. L’immobilis
3569 s que nous rappelle M de Rougemont tout au long d’ une œuvre qu’on découvre avec ravissement. an. Rougemont Denis de, « 
31 1969, Articles divers (1963-1969). La révolution des meilleurs (4 octobre 1969)
3570 La révolution des meilleurs (4 octobre 1969)ap aq Comment faire une communauté hum
3571 eilleurs (4 octobre 1969)ap aq Comment faire une communauté humaine ? Serait-ce vous insulter ou simplifier par tro
3572 du sang et tout ça, mais comme la substitution d’ un ordre nouveau à ce que nous appelions le « désordre établi ». Désordr
3573 i ». Désordre par rapport à l’homme. C’est-à-dire un ordre qui ne reposait — et c’est encore bien plus visible aujourd’hui
3574 de la production industrielle, de la distribution des richesses, du profit, et de choses aussi pauvres que cela, pour créer
3575 , et de choses aussi pauvres que cela, pour créer une communauté. Qui, au fond, ont eu comme résultat que la communauté est
3576 , je pense, il nous faut retrouver les formules d’ une communauté nouvelle — il nous faut tout refaire ! Nos villes devienne
3577 ère fois dans l’évolution humaine : Comment faire une communauté ? Est-ce dans ce sens-là que vous êtes passé — ou peut-on
3578 tes passé — du personnalisme au fédéralisme ? Par un cheminement absolument normal et logique — inévitable. La personne, c
3579 […] Les deux choses sont absolument liées. C’est une formule, d’ailleurs, que Sartre m’a prise sachant très bien, me disan
3580 et la chose « engagement » ont encore aujourd’hui une signification quelconque ? Ça a pris une signification idiote, chez b
3581 ourd’hui une signification quelconque ? Ça a pris une signification idiote, chez beaucoup de jeunes Français, notamment — q
3582 Français, notamment — qui était de s’engager dans un parti, c’est-à-dire de démissionner complètement de sa responsabilité
3583 jugement, pour se livrer, pieds et poings liés, à un parti, à condition qu’il soit de gauche d’étiquette. Pour moi — enfin
3584 compris Vous savez sans doute que le Canada a un régime politique fédéral ? Est-ce que vous avez étudié le fédéralisme
3585 ce que vous avez étudié le fédéralisme canadien ? Un peu. Mais je suis devenu, presque, le théoricien, en Europe, du fédér
3586 héoricien, en Europe, du fédéralisme — je prépare un grand ouvrage qui s’appellera Théorie générale du fédéralisme, où je
3587 compris. Et c’est presque fatal, parce que c’est un mot qui joint deux réalités contradictoires : la réalité des autonomi
3588 joint deux réalités contradictoires : la réalité des autonomies locales, personnelles, et la réalité de l’union qui, dans
3589 de concevoir la vie politique et la vie publique. Une vise à la puissance collective ou d’un homme, l’autre vise à la liber
3590 publique. Une vise à la puissance collective ou d’ un homme, l’autre vise à la liberté et à la libération maximales des hom
3591 re vise à la liberté et à la libération maximales des hommes, des personnes. Je suis contre l’État-nation dans sa formule x
3592 liberté et à la libération maximales des hommes, des personnes. Je suis contre l’État-nation dans sa formule xixe siècle,
3593 ] Souveraineté nationale groupant à l’intérieur d’ une frontière unique imposée à toutes espèces de réalités humaines — que
3594 toutes espèces de réalités humaines — que ce soit des réalités religieuses, politiques, monétaires, économiques, d’état civ
3595 es, tout ce que vous voulez — on met tout ça dans une même frontière, ce qui est démentiel, n’est-ce pas ? C’est une absurd
3596 tière, ce qui est démentiel, n’est-ce pas ? C’est une absurdité totale, qu’on a voulu nous faire avaler pendant tout le xix
3597 e xixe siècle, et dans nos manuels encore, comme une forme possible de gouvernement. Qu’est-ce que le Centre européen de l
3598 epartie, sur le plan de l’unification européenne, des efforts économiques qui étaient faits à Luxembourg par Jean Monnet, e
3599 ui étaient faits à Luxembourg par Jean Monnet, et des efforts politiques qui étaient faits par le Conseil de l’Europe à Str
3600 idemment, n’ont jamais d’argent. Enfin, j’ai, par des tours de force, réussi à créer ce Centre et à le maintenir. Qui devai
3601 réer ce Centre et à le maintenir. Qui devait être un lieu de rencontre pour les hommes de culture qui voulaient l’union de
3602 mes de culture qui voulaient l’union de l’Europe, un lieu, un foyer de recherche, un foyer de création d’institutions euro
3603 lture qui voulaient l’union de l’Europe, un lieu, un foyer de recherche, un foyer de création d’institutions européennes.
3604 nion de l’Europe, un lieu, un foyer de recherche, un foyer de création d’institutions européennes. Nous avons créé toutes
3605 manifestaient et les possibilités d’y répondre : une Association européenne des festivals de musique ; une Campagne europé
3606 bilités d’y répondre : une Association européenne des festivals de musique ; une Campagne européenne d’éducation civique au
3607 Association européenne des festivals de musique ; une Campagne européenne d’éducation civique au niveau secondaire, avec l’
3608 cation civique au niveau secondaire, avec l’appui des ministères de l’Éducation de plusieurs pays d’Europe ; une réunion de
3609 tères de l’Éducation de plusieurs pays d’Europe ; une réunion des directeurs d’agences nucléaires de six pays, qui a donné
3610 ducation de plusieurs pays d’Europe ; une réunion des directeurs d’agences nucléaires de six pays, qui a donné lieu à la cr
3611 trement, seraient tous partis en Amérique — exode des cerveaux ! Nous avons créé aussi des fédérations de guildes du livre,
3612 ique — exode des cerveaux ! Nous avons créé aussi des fédérations de guildes du livre, d’historiens, pour la révision des m
3613 guildes du livre, d’historiens, pour la révision des manuels, une agence de distribution d’articles — enfin, toutes sortes
3614 ivre, d’historiens, pour la révision des manuels, une agence de distribution d’articles — enfin, toutes sortes de choses. T
3615 sortes de choses. Toutes les fois que nous voyons un besoin européen, une possibilité d’y répondre, et un certain nombre d
3616 utes les fois que nous voyons un besoin européen, une possibilité d’y répondre, et un certain nombre de gens qui ont envie
3617 besoin européen, une possibilité d’y répondre, et un certain nombre de gens qui ont envie qu’on le fasse, nous les réuniss
3618 ie qu’on le fasse, nous les réunissons. Ceci avec un tout petit staff, à Genève, auquel nous avons finalement ajouté, aprè
3619 ns finalement ajouté, après de nombreuses années, un centre universitaire d’enseignement. Pour utiliser ce capital d’infor
3620 ennes, d’expériences européennes, nous avons créé un Institut universitaire — qui est lié à une université — qui se consac
3621 ns créé un Institut universitaire — qui est lié à une université — qui se consacre à des études d’intérêt largement europée
3622 qui est lié à une université — qui se consacre à des études d’intérêt largement européen : économiques, politiques, cultur
3623 combattre avec pas mal de succès cette idée folle des manuels de notre jeunesse — des manuels scolaires, n’est-ce pas ? — q
3624 cette idée folle des manuels de notre jeunesse — des manuels scolaires, n’est-ce pas ? — qui présentaient l’Europe comme u
3625 n’est-ce pas ? — qui présentaient l’Europe comme une addition de cultures nationales. Nous avons à peu près renversé cela,
3626 la culture concevable, intelligible, en dehors d’ une unité de civilisation — qui est l’unité européenne. Ma passion fon
3627 européenne. Ma passion fondamentale : trouver un sens à la vie Vous êtes probablement dans le monde l’un des grands
3628 vie Vous êtes probablement dans le monde l’un des grands exégètes de l’amour ; quelle expérience de votre vie personnel
3629 u fond, ma passion fondamentale, c’est de trouver un sens à la vie. Trouver un sens, c’est aussi trouver un principe de co
3630 ntale, c’est de trouver un sens à la vie. Trouver un sens, c’est aussi trouver un principe de cohérence entre les différen
3631 ns à la vie. Trouver un sens, c’est aussi trouver un principe de cohérence entre les différentes activités d’un homme. J’a
3632 pe de cohérence entre les différentes activités d’ un homme. J’ai un ami français qui se dit mon disciple en érotique perso
3633 entre les différentes activités d’un homme. J’ai un ami français qui se dit mon disciple en érotique personnaliste, et qu
3634 e le fédéralisme ? C’est faire coexister ensemble des natures différentes — l’autonomie et l’union — et chacune portée à so
3635 le mariage, c’est exactement la même chose entre un homme et une femme. […] Vous avez du monde une vue qui est religieuse
3636 c’est exactement la même chose entre un homme et une femme. […] Vous avez du monde une vue qui est religieuse en ceci que
3637 tre un homme et une femme. […] Vous avez du monde une vue qui est religieuse en ceci que vous dites que l’amour ou les mode
3638 les modes d’expression de l’amour sont basés sur des choix essentiellement de nature religieuse. Avec la débandade général
3639 use, du phénomène religieux. Au contraire, il y a une débandade des institutions religieuses — ce qui est tout à fait autre
3640 ène religieux. Au contraire, il y a une débandade des institutions religieuses — ce qui est tout à fait autre chose, n’est-
3641 pas loin. […] Comme je le disais d’ailleurs dans un livre écrit pendant la guerre à New York, La Part du diable , nous a
3642 hnique, dont la contrepartie sera immanquablement une espèce d’immense surgissement, une lame de fond religieuse — gnostiqu
3643 mmanquablement une espèce d’immense surgissement, une lame de fond religieuse — gnostique, hérétique tant qu’on voudra — ma
3644 r l’opposition Bien et Mal. Vous faites notamment une sortie contre la psychanalyse. Est-ce que… Non, pas du tout. Je suis
3645 e livre en Amérique, pour laquelle on m’a demandé une postface que j’ai presque terminée, et dans laquelle je décris le dia
3646 amique qui dit que tout ensemble de forces tend à une certaine dégradation de l’énergie, par exemple, l’énergie lumineuse e
3647 ectricité, et d’électricité en chaleur — toujours une forme d’organisation de l’énergie inférieure à la précédente. Alors c
3648 lsion de vie et pulsion de mort ? Eh bien, il y a une certaine correspondance, une analogie. Il est certain que pour moi, l
3649 rt ? Eh bien, il y a une certaine correspondance, une analogie. Il est certain que pour moi, le diable, c’est une espèce de
3650 ie. Il est certain que pour moi, le diable, c’est une espèce de symbole de tout ce qui tend à détendre les énergies humaine
3651 impliste, le plus totalitaire. Contre ça, il faut des révoltes qui ne peuvent être que personnelles, individuelles, qui rec
3652 tre que personnelles, individuelles, qui recréent des petits foyers de rayonnement, d’inégalité, de lumière, de création ar
3653 Rougemont Denis de, « [Entretien] La révolution des meilleurs », La Presse, Montréal, 4 octobre 1969, p. 31. aq. Propos
3654 lance, avec toute sa génération, à la recherche d’ un humanisme socialiste de type marxiste ou chrétien. À l’entendre appro
3655 ppie occidental dans le renouvellement de l’ordre des choses actuelles n’est pas qu’un clin d’œil poli ou cajoleur à la jeu
3656 ment de l’ordre des choses actuelles n’est pas qu’ un clin d’œil poli ou cajoleur à la jeunesse. Qu’il ne se gêne cependant