1
t se targuer d’avoir donné à l’Europe et au monde
une
« culture nationale » bien caractérisée ; ni même d’avoir été la mère
2
e ou de pensée, marquant leur temps ou propageant
un
style doté du nom de sa terre natale. Il n’y eut jamais de peinture s
3
de peinture suisse, au sens où l’on a pu parler d’
une
peinture vénitienne ou hollandaise ; ni de musique suisse, comme on p
4
landaise ; ni de musique suisse, comme on parle d’
une
musique flamande ou allemande ; ni de poésie, ou de dramaturgie, ou d
5
dramaturgie, ou de roman suisses, comme il y eut
un
lyrisme languedocien, un théâtre élisabéthain, un roman russe. Non po
6
suisses, comme il y eut un lyrisme languedocien,
un
théâtre élisabéthain, un roman russe. Non point que l’apport des Suis
7
un lyrisme languedocien, un théâtre élisabéthain,
un
roman russe. Non point que l’apport des Suisses en ces domaines, de l
8
sabéthain, un roman russe. Non point que l’apport
des
Suisses en ces domaines, de la Renaissance à nos jours, ait été globa
9
cet apport ne fut jamais typique et spécifique d’
une
unité bien évidente, à la fois culturelle et politique, comme le fure
10
sse n’a jamais été défini par autre chose que par
un
système d’alliances, embrassant de multiples unités locales — vallées
11
et de coutumes, mais de régime politique, pendant
des
siècles. C’est ce système, ou pour mieux dire, cette pratique séculai
12
ements de l’autorité centrale. Rien d’étonnant si
une
telle pratique est mal connue ou mal comprise à l’extérieur, et notam
13
épris de logique, disent-ils, et centralisateurs.
Un
Français cultivé et qui se demande quel est le « vrai » sens du mot f
14
gouvernement fédératif. — « Le fédéralisme était
une
des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. »
15
vernement fédératif. — « Le fédéralisme était une
des
formes politiques les plus communes employées par les sauvages. » Cha
16
l’unité nationale et de transformer la France en
une
fédération de petits États. « Aux jacobins, on agita gravement la que
17
Thiers, Histoire de la révolution, chap. I. Pour
un
Français, la cause est entendue : fédéraliste égale sauvage, ou traît
18
due : fédéraliste égale sauvage, ou traître. Pour
un
Suisse, c’est Littré qui perd la face. Essayons d’expliquer ce qui pe
19
les tensions, et cherche à les composer au sein d’
un
organisme vivant, n’allons pas croire que le fédéralisme soit une esp
20
vant, n’allons pas croire que le fédéralisme soit
une
espèce d’éclectisme universel ou d’opportunisme lâche, qui tolère tou
21
incipe et par définition l’uniformité imposée par
un
centre, qu’il s’agisse d’une capitale ou d’un parti, d’un pouvoir clé
22
niformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’
une
capitale ou d’un parti, d’un pouvoir clérical ou politique. Il est do
23
par un centre, qu’il s’agisse d’une capitale ou d’
un
parti, d’un pouvoir clérical ou politique. Il est donc le contraire a
24
e, qu’il s’agisse d’une capitale ou d’un parti, d’
un
pouvoir clérical ou politique. Il est donc le contraire absolu de tou
25
.) Le fédéralisme veut la diversité, la pluralité
des
forces en compétition, et loin de fuir devant la complexité du réel,
26
ant donc le contraire de l’uniformité imposée par
un
centre, mais aussi le contraire des particularismes clos, le fédérali
27
té imposée par un centre, mais aussi le contraire
des
particularismes clos, le fédéralisme représenterait-il alors une sort
28
smes clos, le fédéralisme représenterait-il alors
une
sorte de moyen terme entre ces deux extrêmes ? Point du tout ! La san
29
eux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’est pas
un
moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau
30
pas un moyen terme entre la peste et le choléra.
Un
homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre un
31
l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre
un
homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédérali
32
s à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et
un
homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entr
33
emin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur
un
autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’une seule
34
que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’
une
seule. Il représente la seule attitude rigoureusement contraire à cel
35
maginer que la volonté de centralisation totale d’
une
nation, et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales ja
36
ent aucune diversité politique ou culturelle dans
une
nation manifestent le même état d’esprit que ceux qui n’admettent rie
37
e même manque d’imagination, de vitalité, de sens
des
proportions, d’ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l’attitude
38
nécessité de l’union, d’autre part la légitimité
des
autonomies locales. Elle exige à la fois l’une et l’autre, en dépit d
39
iquement antagoniste. L’attitude fédéraliste veut
une
maîtrise du divers, comme tout art. Elle est un art de la composition
40
une maîtrise du divers, comme tout art. Elle est
un
art de la composition, qui requiert à la fois et en même temps la viv
41
i requiert à la fois et en même temps la vivacité
des
contrastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’une œuvre pictu
42
rastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’
une
œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible dans un table
43
rale : il n’y aurait pas d’harmonie possible dans
un
tableau sans contrastes de couleurs, et sans nuances complexes ; de m
44
urs, et sans nuances complexes ; de même que sans
une
vision d’ensemble, celle de l’artiste, hors de l’unité du tableau, il
45
ns leur boîte. Pour que la qualité particulière d’
un
rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit co
46
faut que ce rouge soit contrasté et composé avec
des
verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre au sein de laque
47
ec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’
une
œuvre au sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’une infini
48
sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’
une
infinie complexité. Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéraliste.
49
d’une infinie complexité. Voilà ce que j’appelle
une
harmonie fédéraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plus
50
caniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à
une
espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mé
51
leurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui
des
chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la d
52
sent à définir le fédéralisme, art de composer en
un
ensemble animé des diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa
53
fédéralisme, art de composer en un ensemble animé
des
diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa manière. La plupart
54
ue l’on oublie ces évidences. Je n’en donnerai qu’
un
seul exemple : l’impasse à laquelle risquent d’aboutir les négociatio
55
tant par le Marché commun. D’une part, on affirme
une
souveraineté globale, qui ne laisserait jouer qu’à regret, et à titre
56
’à regret, et à titre de concession, la diversité
des
fonctions nationales ; d’autre part, on se cramponne à une souveraine
57
ions nationales ; d’autre part, on se cramponne à
une
souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus
58
nationale qui a peur de se laisser englober dans
un
plus grand corps. Les uns sont tentés d’oublier que la santé d’un cor
59
rps. Les uns sont tentés d’oublier que la santé d’
un
corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; et les autres
60
érenciés ; et les autres sont tentés d’oublier qu’
un
organe bien différencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle serai
61
e l’Europe unie apprenne à respecter la diversité
des
petites nations qui la composent, sinon elle trahira sa mission dans
62
s la Suisse apprenne à respecter, dans le cadre d’
une
Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans le
63
n d’être. Mais le fédéralisme n’est pas seulement
un
mode d’organisation politique, le seul « régime de coexistence » dign
64
ne du nom. C’est aussi, et c’est même avant tout,
une
méthode de composition des valeurs diversifiées, — et voilà, me sembl
65
c’est même avant tout, une méthode de composition
des
valeurs diversifiées, — et voilà, me semble-t-il, du même coup, une a
66
ifiées, — et voilà, me semble-t-il, du même coup,
une
assez bonne définition de la culture ! ⁂ Pour qu’il y ait culture en
67
au sens occidental et moderne du terme —, il faut
une
variété aussi riche que possible de créations humaines, un foisonneme
68
é aussi riche que possible de créations humaines,
un
foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d’expression plastiques,
69
lie toutes ces œuvres variées, et qui leur offre
une
commune mesure ; sans quoi, nous ne saurions parler d’une culture, co
70
une mesure ; sans quoi, nous ne saurions parler d’
une
culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fois
71
ulture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers,
une
très riche diversité se détachant sur un fond d’unité essentielle. Qu
72
Divers, une très riche diversité se détachant sur
un
fond d’unité essentielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses,
73
n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir
une
soi-disant « culture nationale », intermédiaire entre l’Europe et nos
74
aire entre l’Europe et nos cités. Je bute ici sur
un
concept aussi néfaste qu’invétéré, et qui me paraît exemplairement in
75
vec la réalité fédéraliste. On nous répète depuis
un
siècle que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent
76
le concept de « culture nationale » corresponde à
des
réalités culturelles. Or il ne correspond qu’à des prétentions nation
77
es réalités culturelles. Or il ne correspond qu’à
des
prétentions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe un certain no
78
tions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe
un
certain nombre de « cultures nationales » bien distinctes et autonome
79
’addition constituerait la culture européenne est
une
pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme bru
80
éenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais
une
addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Eur
81
t pensé et créé depuis 28 siècles, indépendamment
des
nations qui divisent aujourd’hui l’Europe, et dont la plupart n’ont m
82
s ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’
un
seul exemple : celui de la musique, élément important et typiquement
83
e constitue entre les xiie et xive siècles dans
un
certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienn
84
le italienne, en Provence, puis en Île-de-France.
Des
cités italiennes, elle se propage jusqu’aux cités flamandes, le long
85
rcial de la Renaissance, reliant Venise à Bruges.
Une
nouvelle école s’épanouit dans les Flandres. Elle influence bientôt l
86
llemands (comme Schütz) viennent s’initier auprès
des
maîtres italiens. Bach copie avec application des œuvres de Vivaldi.
87
des maîtres italiens. Bach copie avec application
des
œuvres de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musiqu
88
re, la Saxe, Vienne, Bayreuth. C’est alors auprès
des
maîtres allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint
89
s voies. Or ces voies, notons-le, traversent avec
une
glorieuse indifférence des dizaines de nos frontières nationales actu
90
ns-le, traversent avec une glorieuse indifférence
des
dizaines de nos frontières nationales actuelles. Elles relient des ci
91
os frontières nationales actuelles. Elles relient
des
cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. C
92
es nationales actuelles. Elles relient des cités,
des
foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on
93
Elles relient des cités, des foyers de création,
des
maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant l
94
, des foyers de création, des maîtres, et non pas
des
nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nati
95
parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’
un
musicien ou d’un peintre, c’est simplement l’école locale dans laquel
96
la Renaissance, la « nation » d’un musicien ou d’
un
peintre, c’est simplement l’école locale dans laquelle il s’est formé
97
, cette croyance si rarement mise en doute depuis
un
siècle environ, en l’existence de « cultures nationales » ? C’est ava
98
qu’à la langue française. Mais celle-ci n’est pas
une
propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle e
99
’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par
un
décret de François Ier, en 1543. On parle encore dans la France d’auj
100
s nations. De même, l’allemand ne saurait définir
une
« culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui v
101
coïncider approximativement avec les frontières d’
une
de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à ell
102
a plus. La langue ne saurait à elle seule définir
une
culture : elle n’est guère qu’un des éléments de la culture en généra
103
e seule définir une culture : elle n’est guère qu’
un
des éléments de la culture en général, si essentiel soit-il. Tous les
104
eule définir une culture : elle n’est guère qu’un
des
éléments de la culture en général, si essentiel soit-il. Tous les aut
105
e, sont largement ou même totalement indépendants
des
langues modernes, et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à de
106
et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à
des
cadres nationaux. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la
107
? » peut donc dire la culture européenne à chacun
des
24 États-nations qui ont découpé et longtemps déchiré le corps de not
108
tre, préservés mieux que les autres de l’illusion
des
« cultures nationales », fût-ce du seul fait de la composition lingui
109
s à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là
une
garantie de liberté contre les princes de l’époque, — nous dirions au
110
es Suisses romands, par exemple, se différencient
des
Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’École nous donne d
111
antons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été
un
moyen de puissance de l’État. 2° la culture vit chez nous dans de pet
112
es, qui n’ont jamais été unifiés, uniformisés par
un
pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises. 3° nou
113
misés par un pouvoir central, comme ce fut le cas
des
provinces françaises. 3° nous sommes de vieilles républiques — même N
114
Neuchâtel, en dépit de ses princes — fondées sur
une
large autonomie des communes. 4° le protestantisme est majoritaire en
115
de ses princes — fondées sur une large autonomie
des
communes. 4° le protestantisme est majoritaire en Suisse romande ; il
116
ence ou ne voudraient l’admettre. D’où résulte qu’
un
Suisse romand — et tout ce que je viens d’en dire vaut aussi, mutatis
117
ouvrent que très partiellement, et qui permettent
un
grand nombre de combinaisons originales. On ne saurait être moins con
118
es. On ne saurait être moins conforme aux devises
des
États totalitaires (« Une Foi, une Loi, un Roi » sous Louis XIV. « Ei
119
ns conforme aux devises des États totalitaires («
Une
Foi, une Loi, un Roi » sous Louis XIV. « Ein Volk, ein Reich, ein Füh
120
me aux devises des États totalitaires (« Une Foi,
une
Loi, un Roi » sous Louis XIV. « Ein Volk, ein Reich, ein Führer » sou
121
vises des États totalitaires (« Une Foi, une Loi,
un
Roi » sous Louis XIV. « Ein Volk, ein Reich, ein Führer » sous Hitler
122
ques. Densité sans nul doute supérieure à celle d’
une
tranche quelconque d’un million et demi d’habitants, prise au hasard
123
ute supérieure à celle d’une tranche quelconque d’
un
million et demi d’habitants, prise au hasard dans l’une des grandes n
124
n et demi d’habitants, prise au hasard dans l’une
des
grandes nations voisines. Qu’on m’entende bien : ce n’est pas un élog
125
ons voisines. Qu’on m’entende bien : ce n’est pas
un
éloge de la petitesse en soi que je fais ici, ni des petites dimensio
126
éloge de la petitesse en soi que je fais ici, ni
des
petites dimensions matérielles ou morales, mais au contraire de la pl
127
les ou morales, mais au contraire de la pluralité
des
dimensions et de la variété des allégeances possibles, les unes local
128
e de la pluralité des dimensions et de la variété
des
allégeances possibles, les unes locales ou régionales, et les autres
129
s moyennes rassurantes aux œuvres fortes. Offrant
un
jeu de petites et de grandes dimensions à composer diversement, il sa
130
nt-ils dans les structures fédérales de leur pays
une
protection plus efficace de leur vie culturelle et civique, comme de
131
neraient à échanger cette paix — que l’on jalouse
un
peu tout en la couvrant de sarcasmes — contre les régimes prestigieux
132
eurs plus grandes dimensions, il faut admettre qu’
un
régime fédéraliste et pluraliste leur ouvre de belles perspectives :
133
e de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis
des
romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait un pur Vaudois, sé
134
omanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait
un
pur Vaudois, séparatiste (car c’était là le véritable sens de son féd
135
pèce de critère privilégié du niveau de culture d’
un
peuple, qu’elle fut au temps de l’Europe classique puis romantique. L
136
le nombre de prix Nobel par million d’habitants d’
un
pays, de 1901 à 1960. Voici un extrait du tableau1 : 1. Suisse
137
lion d’habitants d’un pays, de 1901 à 1960. Voici
un
extrait du tableau1 : 1. Suisse 2,62 7. Royaume-Uni 0,67 2.
138
typiquement suisse à la culture européenne revêt
une
importance particulière dans le monde de cette deuxième moitié du xxe
139
sse, aujourd’hui, se confond donc avec l’apport d’
une
Europe rajeunie, découvrant le fédéralisme, sa morale et sa philosoph
140
elles de la paix. 1. Léo Moulin, La Nationalité
des
prix Nobel de sciences de 1901 à 1960, Cahiers internationaux de soci
141
se », La Suisse face à l’avenir : interrogation d’
un
petit pays, Berne, Nouvelle Société helvétique, 1963, p. 66-75.
142
ne du Moyen Âge à nos jours (1963)j k Au seuil
des
activités d’enseignement que cet Institut commence aujourd’hui, après
143
ment que cet Institut commence aujourd’hui, après
une
longue période de recherches, d’expériences pratiques et de publicati
144
partout où cela se peut, et donc aussi à Genève,
des
études européennes, c’est parce que la question de l’union de l’Europ
145
et parce qu’elle met en jeu bien autre chose que
des
intérêts matériels. Il serait donc vain de se dissimuler que l’une de
146
s. Il serait donc vain de se dissimuler que l’une
des
raisons d’être de cet Institut, sans doute la principale, tient à la
147
e particulier de notre Institut, comme d’ailleurs
des
quelque vingt-cinq autres instituts d’études européennes qui sont à l
148
nt cependant à garder, par rapport au déroulement
des
faits et à l’action politique militante, la distance nécessaire à la
149
jective. Certes, la question européenne n’est pas
une
question académique ! Elle n’appartient pas à un passé qu’il suffirai
150
une question académique ! Elle n’appartient pas à
un
passé qu’il suffirait de décrire et d’interpréter, mais à un avenir a
151
’il suffirait de décrire et d’interpréter, mais à
un
avenir auquel nous sommes tous vitalement intéressés, et qu’il s’agit
152
ssés, et qu’il s’agit de préparer. Elle est moins
un
acquis à transmettre qu’un problème à résoudre. Est-ce à dire qu’il f
153
éparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’
un
problème à résoudre. Est-ce à dire qu’il faille en laisser le soin au
154
qu’il faille en laisser le soin au seul réalisme
des
hommes d’État, aux seuls calculs des experts officiels, et au seul en
155
eul réalisme des hommes d’État, aux seuls calculs
des
experts officiels, et au seul enthousiasme des militants ? Question g
156
ls des experts officiels, et au seul enthousiasme
des
militants ? Question globale, économique et politique au premier chef
157
up attendent encore d’être étudiés objectivement,
un
à un, et aussi d’être envisagés dans l’ensemble de leurs interconnect
158
tendent encore d’être étudiés objectivement, un à
un
, et aussi d’être envisagés dans l’ensemble de leurs interconnections
159
l’Europe, malgré tout, représente autre chose et
un
peu plus que ce qu’elle est dans sa réalité physique, qui est à peine
160
est dans sa réalité physique, qui est à peine 4 %
des
terres émergées de la planète. Cette question européenne constituant
161
a vu surgir, en lieu et place de la prépondérance
des
États de l’Europe, désunis et rivaux, une constellation toute nouvell
162
dérance des États de l’Europe, désunis et rivaux,
une
constellation toute nouvelle de grands ensembles fortement unifiés, c
163
politiques, de 200 à 600 millions d’hommes. Dans
un
tel monde, quel peut être l’avenir des États de l’Europe, petits et m
164
ommes. Dans un tel monde, quel peut être l’avenir
des
États de l’Europe, petits et moyens désormais — c’est-à-dire comptant
165
se et sa prospérité économique ; ni de poursuivre
une
politique étrangère autonome. Que deviennent, dans ces conditions de
166
rise internationale, ou en cas d’agression contre
un
pays isolé ? Que peut encore signifier l’expression Europe, sinon un
167
peut encore signifier l’expression Europe, sinon
un
ensemble de pays qui vivent, comme le dit alors P.-H. Spaak, « dans l
168
t, comme le dit alors P.-H. Spaak, « dans la peur
des
Russes et de la charité des Américains » ? C’est à ce moment que naît
169
Spaak, « dans la peur des Russes et de la charité
des
Américains » ? C’est à ce moment que naît, ou renaît en Europe le vie
170
Continent. Et cela commence, comme toujours, par
des
manifestes d’intellectuels, des écrits de visionnaires, des groupuscu
171
mme toujours, par des manifestes d’intellectuels,
des
écrits de visionnaires, des groupuscules de militants — pour la plupa
172
stes d’intellectuels, des écrits de visionnaires,
des
groupuscules de militants — pour la plupart issus de la résistance à
173
lie — et qui bientôt formeront l’Union européenne
des
fédéralistes et le Mouvement européen. Les économistes, de leur côté,
174
Allais déclare au congrès de La Haye, en 1948, qu’
une
Europe unie serait en mesure de doubler sa production et son niveau d
175
an français se mettent à l’œuvre en silence, loin
des
congrès et des associations de militants qui leur ont préparé la voie
176
mettent à l’œuvre en silence, loin des congrès et
des
associations de militants qui leur ont préparé la voie dans les espri
177
i leur ont préparé la voie dans les esprits. Puis
des
hommes politiques se proposent pour diriger ce mouvement naissant, qu
178
s en fait dans le même sens final qui est celui d’
une
Europe autonome rendue forte par son union, de Gaulle lui-même. Les p
179
lus loin ». Mais dans notre civilisation moderne,
une
transformation économique de quelque envergure ne saurait être limité
180
itement qu’elle dépend par ailleurs de l’opinion,
des
idéologies nationales et des doctrines. Créer une union économique, m
181
lleurs de l’opinion, des idéologies nationales et
des
doctrines. Créer une union économique, même restreinte à quelques pay
182
des idéologies nationales et des doctrines. Créer
une
union économique, même restreinte à quelques pays pour commencer, c’e
183
la question européenne. Formulée tout d’abord par
des
intellectuels et des utopistes mal écoutés et peu suivis, ayant reçu
184
e. Formulée tout d’abord par des intellectuels et
des
utopistes mal écoutés et peu suivis, ayant reçu ses premières solutio
185
, les parlements, les congrès et les déclarations
des
hommes d’État témoigne de la plus grande confusion. Si l’on examine s
186
tique, traduit non seulement l’ignorance courante
des
problèmes ou l’inévitable manque d’information de l’opinion, mais peu
187
ut-être surtout, et c’est plus grave, l’absence d’
une
vision claire et convaincante des solutions proprement politiques, qu
188
ve, l’absence d’une vision claire et convaincante
des
solutions proprement politiques, qu’il faudra bien donner un jour pro
189
s proprement politiques, qu’il faudra bien donner
un
jour prochain à la question européenne. En vue de cerner et de choisi
190
et de choisir au mieux l’objet de nos études dans
un
champ aussi vaste, essayons donc de définir les quelques types princi
191
oueraient nos États. On peut concevoir idéalement
une
Europe unitaire, unifiée sur le modèle élargi aux dimensions continen
192
lisés, dont l’exemple typique est la France. Dans
une
telle Europe, nos États actuels ne joueraient plus qu’un rôle compara
193
e Europe, nos États actuels ne joueraient plus qu’
un
rôle comparable à celui des départements dans une République une et
194
ne joueraient plus qu’un rôle comparable à celui
des
départements dans une République une et indivisible, ce qui amènerai
195
un rôle comparable à celui des départements dans
une
République une et indivisible, ce qui amènerait à les redécouper en c
196
ble à celui des départements dans une République
une
et indivisible, ce qui amènerait à les redécouper en circonscriptions
197
comme telle défendue par personne, et n’offre pas
un
champ d’études utiles, car chacun voit que l’unification de l’Europe,
198
accessible, qui marquerait le triomphe exclusif d’
une
seule des tendances contradictoires qui composent l’esprit européen,
199
, qui marquerait le triomphe exclusif d’une seule
des
tendances contradictoires qui composent l’esprit européen, je veux di
200
ance à l’unité abstraite, l’esprit de géométrie d’
un
planificateur supposé capable de modeler à son gré la société. Dans l
201
épouvantail. À l’autre extrême, on peut concevoir
une
Europe qui ne serait organisée que par un système d’alliances entre É
202
cevoir une Europe qui ne serait organisée que par
un
système d’alliances entre États souverains. C’est, de fait, la soluti
203
solution préconisée par les tenants de « l’Europe
des
patries », belle expression hélas impropre en l’occurrence, car, ains
204
resse de mai 1962), elle ne désigne en réalité qu’
une
Europe des États. Dans une telle Europe, nos États-nations actuels re
205
i 1962), elle ne désigne en réalité qu’une Europe
des
États. Dans une telle Europe, nos États-nations actuels resteraient p
206
désigne en réalité qu’une Europe des États. Dans
une
telle Europe, nos États-nations actuels resteraient pleinement souver
207
t, par leurs alliances mêmes. Cette solution pose
un
certain nombre de problèmes qui pourraient et devraient faire l’objet
208
cette solution apparemment de statu quo, répond d’
une
manière adéquate aux nouveaux besoins d’union apparus depuis 1945, et
209
question européenne. Elle supposerait en tout cas
un
retrait, éventuellement impraticable ou très onéreux, sur les réalité
210
le Marché commun. D’autre part, elle se fonde sur
une
certaine idée de la souveraineté des États, considérés comme seule ré
211
se fonde sur une certaine idée de la souveraineté
des
États, considérés comme seule réalité tangible, ou par là même, elle
212
e réalité tangible, ou par là même, elle présente
un
attrait certain pour ceux qui souhaiteraient laisser les choses autan
213
riode absolutiste, et reprise par le xixe siècle
des
nationalismes. Il faudrait voir, d’une part, dans quelle mesure cette
214
oit, et d’autre part, si elle correspond encore à
des
réalités tangibles, à des droits et à des devoirs que les États puiss
215
lle correspond encore à des réalités tangibles, à
des
droits et à des devoirs que les États puissent réellement exercer, co
216
ncore à des réalités tangibles, à des droits et à
des
devoirs que les États puissent réellement exercer, comme faire la gue
217
isquerait d’être par trop transitoire, trop lié à
une
actualité mouvante, susceptible de déboucher plus ou moins rapidement
218
eptible de déboucher plus ou moins rapidement sur
une
problématique plus vaste et plus permanente, en quelque sorte. La tr
219
différente de celle de l’unification et de celle
des
alliances entre souverains, c’est la solution fédéraliste. Dans une E
220
e souverains, c’est la solution fédéraliste. Dans
une
Europe fédérée, les États ne seraient pas effacés ou dissouts, ils ne
221
outs, ils ne seraient pas non plus maintenus dans
une
fiction de souveraineté absolue, mais ils joueraient un rôle plus ou
222
joueraient un rôle plus ou moins analogue à celui
des
cantons suisses, dont l’autonomie se voit assurée par la force même d
223
oque aucune solution de cet ordre. La déclaration
des
chefs d’État des Six, faite à Bonn le 18 juillet 1961, parle, il est
224
ion de cet ordre. La déclaration des chefs d’État
des
Six, faite à Bonn le 18 juillet 1961, parle, il est vrai, de « donner
225
voies et moyens qui pourraient permettre d’opérer
un
jour ou l’autre ce passage de l’économique au politique. Ni cette déc
226
ait. Et cela dépendra de la prédominance finale d’
un
des trois types de solutions que je viens de caractériser très briève
227
. Et cela dépendra de la prédominance finale d’un
des
trois types de solutions que je viens de caractériser très brièvement
228
uasi journellement dans les processus de décision
des
Communautés économiques, serait celle des trois solutions qui aurait
229
écision des Communautés économiques, serait celle
des
trois solutions qui aurait le moins de chances dans cette compétition
230
ssi la plus propre à rallier ou à faire converger
un
jour ou l’autre les partisans de l’Europe des États et ceux des États
231
rger un jour ou l’autre les partisans de l’Europe
des
États et ceux des États-Unis d’Europe, ceux qui insistent avant tout
232
autre les partisans de l’Europe des États et ceux
des
États-Unis d’Europe, ceux qui insistent avant tout sur l’autonomie de
233
ys que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison,
une
préfigure de l’Europe unie. Enfin, raisons immédiates et personnelles
234
e manières variées, avec les moyens du bord, dans
un
esprit commun. Or je pense qu’il existe une harmonie préétablie entre
235
, dans un esprit commun. Or je pense qu’il existe
une
harmonie préétablie entre le fédéralisme comme objet d’études et la m
236
qui s’impose à nous. Car le fédéralisme n’est pas
une
doctrine toute faite, un dogme auquel il s’agirait de plier les réali
237
e fédéralisme n’est pas une doctrine toute faite,
un
dogme auquel il s’agirait de plier les réalités, mais une méthode gén
238
e auquel il s’agirait de plier les réalités, mais
une
méthode générale d’aménagement des choses humaines, méthode d’allure
239
réalités, mais une méthode générale d’aménagement
des
choses humaines, méthode d’allure pragmatique qui ne se comprend et n
240
ra le problème de la manière la plus concrète par
une
comparaison des marchés avant et après l’entrée en action des premièr
241
e la manière la plus concrète par une comparaison
des
marchés avant et après l’entrée en action des premières institutions
242
son des marchés avant et après l’entrée en action
des
premières institutions supra- ou plurinationales fonctionnant en Euro
243
, le Marché commun, l’AELE, etc. Il étudiera donc
des
exemples précis d’évolution des structures du stade national aux dive
244
Il étudiera donc des exemples précis d’évolution
des
structures du stade national aux divers stades d’une intégration prog
245
structures du stade national aux divers stades d’
une
intégration progressive à l’échelle européenne. Problème préfédéralis
246
ure ces structures tendent ou non à se rapprocher
des
formes fédéralistes. Il rejoindra de la sorte les études de méthode e
247
de la sorte les études de méthode et d’évaluation
des
tendances politiques vers l’intégration, réunies dans le nouvel ouvra
248
, d’aborder le problème sur le plan de l’histoire
des
idées, en traitant des aspects fédéralistes dans les projets et plans
249
sur le plan de l’histoire des idées, en traitant
des
aspects fédéralistes dans les projets et plans d’union européenne, du
250
et aux travaux de séminaire, nous avons convoqué
un
groupe d’une vingtaine de juristes, philosophes, historiens, économis
251
aux de séminaire, nous avons convoqué un groupe d’
une
vingtaine de juristes, philosophes, historiens, économistes, théorici
252
de l’intégration, pour étudier les perspectives d’
une
solution fédéraliste de la question européenne. Le groupe doit se réu
253
udiants avancés qui auront présenté en conférence
des
travaux intéressants, auront la possibilité d’y participer. Voilà don
254
u proverbe chinois qui dit : « Mieux vaut allumer
une
petite chandelle que de maudire l’obscurité ! » ⁂ Ces quelques propos
255
e trouve que le fédéralisme n’est précisément pas
un
système logique que l’on puisse déduire dans l’abstrait à partir d’un
256
ue l’on puisse déduire dans l’abstrait à partir d’
une
définition simple et de quelques principes axiomatiques. On l’a même
257
ntemporains qui s’en déclarent les adeptes, c’est
une
attitude de pensée et une méthode de conduite, plus qu’une doctrine o
258
rent les adeptes, c’est une attitude de pensée et
une
méthode de conduite, plus qu’une doctrine ou une notion juridique ; u
259
ude de pensée et une méthode de conduite, plus qu’
une
doctrine ou une notion juridique ; une expérience multiforme et non p
260
une méthode de conduite, plus qu’une doctrine ou
une
notion juridique ; une expérience multiforme et non pas une construct
261
e, plus qu’une doctrine ou une notion juridique ;
une
expérience multiforme et non pas une construction dogmatique aux lign
262
juridique ; une expérience multiforme et non pas
une
construction dogmatique aux lignes simples et aux structures géométri
263
s qui éprouvent le moins de scrupules à en donner
des
caractérisations brèves et simples. Et voilà pourquoi les dictionnair
264
finir en tant que méthode, et pas seulement comme
un
système politique. La plupart nous renvoient de fédéralisme à fédérat
265
du gouvernement fédératif. « Le fédéralisme était
une
des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. »
266
ouvernement fédératif. « Le fédéralisme était une
des
formes politiques les plus communes employées par les sauvages. » Cha
267
l’unité nationale et de transformer la France en
une
fédération de petits États. Vingt-et-un ans plus tard, le dictionnai
268
à l’unité nationale le fédéralisme, c’est-à-dire
une
association des départements qui eussent formé autant de républiques
269
nale le fédéralisme, c’est-à-dire une association
des
départements qui eussent formé autant de républiques distinctes, comm
270
, qui définissent ainsi la structure fédérale : «
Une
forme de gouvernement extravagante et inefficace, justifiable là seul
271
agante et inefficace, justifiable là seulement où
une
forme plus stricte d’organisation est pratiquement impraticable (prac
272
sans du fédéralisme comme méthode ou attitude, et
des
régimes qui s’en inspirent, nous constatons qu’il leur faut des livre
273
i s’en inspirent, nous constatons qu’il leur faut
des
livres entiers pour l’exposer ou, mieux, pour en décrire et communiqu
274
ent l’énorme volume intitulé The Federalist (dont
une
traduction française a paru en 1957). En France, c’est l’œuvre posthu
275
ré lui, qui publie en 1879 Der Föderalismus. Puis
des
savants français entreprennent une série de mises au point systémati
276
ralismus. Puis des savants français entreprennent
une
série de mises au point systématiques : Le Fur publie en 1896 son ou
277
ement) ; Georges Scelle, dans son Précis du droit
des
gens, tome I, paru en 1932, généralise la méthode fédéraliste et l’ét
278
j’ai nommé « l’attitude fédéraliste ». Plusieurs
des
membres de ce groupe, dispersé dès 1939, se retrouvent pour déclenche
279
x tomes d’Études sur le fédéralisme, composés par
une
trentaine de professeurs américains sous la direction de Robert Bowie
280
ent traduits en français. Dans le dernier en date
des
très nombreux ouvrages consacrés à notre question après la Seconde Gu
281
t son avenir, [le fédéralisme] est autre chose qu’
une
simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’
282
ne simple recette juridique ou politique : il est
un
des grands types d’aménagement du rapport politique, et peut-être plu
283
simple recette juridique ou politique : il est un
des
grands types d’aménagement du rapport politique, et peut-être plus en
284
t du rapport politique, et peut-être plus encore,
un
des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre q
285
u rapport politique, et peut-être plus encore, un
des
grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre que l
286
ocialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée
des
sociétés. Ainsi donc, entre le fédéralisme considéré par l’esprit ja
287
la nouvelle école que décrit Pierre Duclos comme
un
des grands styles de vie et de civilisation, vous voyez que la discus
288
nouvelle école que décrit Pierre Duclos comme un
des
grands styles de vie et de civilisation, vous voyez que la discussion
289
ouverte… J’ai donc estimé qu’au lieu de partir d’
une
définition pseudo-scientifique, ou secrètement partisane, ou entachée
290
et enseignant d’aller rechercher dans les écrits
des
précurseurs de l’Europe unie, à partir du xive siècle, et en remonta
291
ntant peu à peu vers notre époque, les éléments d’
une
tradition fédéraliste de l’Europe ; quitte à déduire, finalement, de
292
n passant, quelques lumières sur le rôle effectif
des
utopies politiques. La plupart de ces plans sont restés peu connus, v
293
oins encore de résultats. Cependant, ce n’est pas
une
histoire des échecs de l’idée européenne, ni des déchets de la pensée
294
e résultats. Cependant, ce n’est pas une histoire
des
échecs de l’idée européenne, ni des déchets de la pensée fédéraliste,
295
une histoire des échecs de l’idée européenne, ni
des
déchets de la pensée fédéraliste, ni des curiosa de l’esprit occident
296
enne, ni des déchets de la pensée fédéraliste, ni
des
curiosa de l’esprit occidental que je me propose de retracer et qui m
297
de retracer et qui mérite de retenir l’attention
des
étudiants. Ces plans et projets constituent autant de prises sur leur
298
soit qu’ils les reflètent fidèlement — et ce sera
une
occasion de les décrire —, soit qu’ils s’opposent expressément à « ce
299
icipent le dépassement. Ainsi, la considération d’
un
traité de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308) et d’un plan conf
300
de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308) et d’
un
plan confédéral de Pierre Dubois (le De Recuperatione Terre Sancte, q
301
re confédération, qui résulte, elle, du mouvement
des
communes12, troisième composante de l’époque. Vous pressentez qu’il y
302
ces projets et de ceux qui les suivront au cours
des
siècles jusqu’à nous, est certes significatif, et j’en examinerai les
303
Dans ce contexte, il s’agira de repérer la nature
des
obstacles traditionnels de l’union, et d’essayer de mieux voir, de la
304
Rousseau, prétend-il, à l’occasion de sa critique
des
utopies de l’abbé de Saint-Pierre, encore que Proudhon, cent ans plus
305
d, nous aurons l’occasion d’illustrer fréquemment
un
phénomène curieux : la pratique du fédéralisme a précédé de plusieurs
306
été connu qu’au moment où la chose était niée par
un
puissant parti, les jacobins, tandis qu’elle se réalisait enfin, mais
307
s préoccupations économiques, totalement absentes
des
plans du xive siècle, apparaissent avec les plans du xviie , dont ce
308
celui du moine parisien Émeric Crucé, qui propose
une
série de « grands travaux européens » ; comment elles se développent
309
ations que l’on sait dans notre temps. C’est donc
une
sorte de généalogie des grands desseins européens que nous aurons à é
310
s notre temps. C’est donc une sorte de généalogie
des
grands desseins européens que nous aurons à établir, au moins autant
311
ens que nous aurons à établir, au moins autant qu’
un
constat déprimant d’échecs pratiques et de déchets idéologiques. Qu’i
312
déchu qu’était le duc de Sully, ou du créateur d’
un
grand État qu’était William Penn, puis d’un économiste visionnaire co
313
eur d’un grand État qu’était William Penn, puis d’
un
économiste visionnaire comme Saint-Simon ou d’un solide juriste suiss
314
’un économiste visionnaire comme Saint-Simon ou d’
un
solide juriste suisse comme Bluntschli, et finalement d’un autre gran
315
juriste suisse comme Bluntschli, et finalement d’
un
autre grand poète, Saint-John Perse, de son vrai nom Alexis Léger, qu
316
er, qui rédige le Mémorandum sur l’organisation d’
un
régime d’union fédérale européenne adressé par Briand à la Société de
317
iand à la Société des Nations en 1930, la galerie
des
auteurs de plans que nous allons parcourir n’est pas seulement pittor
318
seulement pittoresque : elle nous conduit au cœur
des
débats idéologiques et politiques de l’Europe actuelle. J’inscris don
319
d, Paris 1960. Voir aussi mes « Orientations vers
une
Europe fédérale », Fururibles, n° 56, Paris, 1963. 11. Cité dans Le
320
en, 1963. 12. Comme l’ont montré en premier lieu
des
historiens suisses tels que Karl Meyer puis E. Gagliardi, notamment.
321
ité de Francfort 1935-1936. Cours à l’École libre
des
hautes études de New York de 1941 à 1946. Fonde en 1948 le Centre eur
322
ulture occidentale ; ils n’y entrent en fait et d’
une
manière distincte qu’au troisième quart de l’ère chrétienne : au xvie
323
re chrétienne : au xvie siècle. Mais c’est alors
un
« carré suisse » — cette formation guerrière qui dominait sur les cha
324
tion intellectuelle et artistique dans l’ensemble
des
petits États qui constituent l’actuelle Confédération est sans doute
325
Et dans quelle mesure peut-on dire que cet apport
des
Suisses à la culture représente une contribution de la Suisse en tant
326
ue cet apport des Suisses à la culture représente
une
contribution de la Suisse en tant qu’entité ou système de valeurs spé
327
existe que depuis cent-quinze ans sous la forme d’
un
État fédéral et solidement constitué. Auparavant, de la fin du xiiie
328
’au milieu du xixe siècle, elle n’était guère qu’
une
confédération plus ou moins lâche de petits États souverains, très va
329
la confession, la langue. Elle dépendait ainsi, à
des
titres divers, de plusieurs grands ensembles culturels, religieux, li
330
et les meilleurs artistes suisses sont d’abord d’
un
canton déterminé (qui n’est parfois qu’une ville, Bâle ou Genève) mai
331
abord d’un canton déterminé (qui n’est parfois qu’
une
ville, Bâle ou Genève) mais ils ne trouvent à se réaliser qu’au sein
332
) mais ils ne trouvent à se réaliser qu’au sein d’
une
entité beaucoup plus vaste, impériale, papale ou réformée, germanique
333
réformée, germanique, italienne ou française — à
une
échelle européenne. Toutes nos gloires sont européennes, non seulemen
334
ent par leur rayonnement (comme le furent celle d’
un
Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n
335
rayonnement (comme le furent celle d’un Racine, d’
un
Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n’ont vécu que
336
comme le furent celle d’un Racine, d’un Newton, d’
un
Kant, d’un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n’ont vécu que dans leur se
337
rent celle d’un Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’
un
Novalis, d’un Kierkegaard, qui n’ont vécu que dans leur seule nation,
338
n Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’
un
Kierkegaard, qui n’ont vécu que dans leur seule nation, et d’elle seu
339
le Jean-Jacques. Il s’appelle Burckhardt ou, dans
un
autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Ainsi, le stade
340
. J’oserai dire que je vois là, précisément, l’un
des
grands privilèges culturels des Suisses : quelle que soit leur petite
341
précisément, l’un des grands privilèges culturels
des
Suisses : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils la dépasse
342
miers cantons suisses reçurent leurs libertés non
des
suzerains de la région, mais, par-dessus leur tête, du seul empereur.
343
ccidentale, car celle-ci a toujours été faite par
des
foyers locaux, et non par des nations ; par des écoles fermées puis i
344
jours été faite par des foyers locaux, et non par
des
nations ; par des écoles fermées puis internationales ; par des style
345
r des foyers locaux, et non par des nations ; par
des
écoles fermées puis internationales ; par des styles qui ne connaissa
346
par des écoles fermées puis internationales ; par
des
styles qui ne connaissaient ni péages ni frontières politiques ; et p
347
aient ni péages ni frontières politiques ; et par
des
traditions communes à tous nos peuples, la grecque, la romaine, la ch
348
s que montrent nos atlas d’école. La multiplicité
des
foyers créateurs fournit à la Suisse ses meilleures chances, et c’est
349
— compartimentée à l’extrême, mais liée par tout
un
réseau d’échanges spirituels avec ses grands voisins — constitue la r
350
les trois premiers foyers de rayonnement européen
des
ligues. Aussitôt prolifèrent autour d’eux les bases de lancement de n
351
oningue et à Londres. Jean de Müller, « historien
des
Suisses », mais également auteur de la célèbre Vue générale du genre
352
re Vue générale du genre humain, entre au service
des
empereurs autrichiens puis de la Prusse. Jean-Jacques Rousseau, « cit
353
, en Italie, en Angleterre, défend avec éloquence
un
plan d’union fédérale de l’Europe, et modifie plus que nul autre la s
354
ècle, rayonne l’école suisse du doyen Bodmer puis
des
Idylles de Salomon Gessner et des spéculations mystiques de Lavater ;
355
yen Bodmer puis des Idylles de Salomon Gessner et
des
spéculations mystiques de Lavater ; et Zurich devient le foyer d’une
356
stiques de Lavater ; et Zurich devient le foyer d’
une
renaissance de la littérature dans les Allemagnes. De Coppet rayonne
357
inquante ans plus tard, c’est à Bâle que s’allume
un
nouveau foyer : Bachofen inaugure par son Matriarcat une conception s
358
veau foyer : Bachofen inaugure par son Matriarcat
une
conception sociologique de l’ethnographie, Jacob Burckhardt par ses o
359
t ses Weltgeschichtliche Betrachtungen renouvelle
une
vision synthétique de l’histoire, dont son fervent disciple, Nietzsch
360
’Europe entière et l’Amérique l’Institut Rousseau
des
Claparède, Bovet et Jean Piaget, et l’école du grand C. G. Jung : les
361
e. ⁂ Mais s’il reste vrai que la Suisse n’est pas
une
nation comme les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’un agglom
362
une nation comme les autres, n’ayant été pendant
des
siècles qu’un agglomérat de foyers sans capitale, et moins en relatio
363
me les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’
un
agglomérat de foyers sans capitale, et moins en relations les uns ave
364
c les grands ensembles européens, peut-on déceler
des
caractères communs et spécifiquement suisses dans cette succession ch
365
rée de puissants émetteurs d’énergie culturelle ?
Une
énumération complète de nos gloires ayant atteint le niveau européen,
366
le niveau européen, ou même mondial, dessinerait
un
profil caractéristique par ses dépressions autant que par ses sommets
367
siècle : point de grand art dans les petits pays.
Un
Ludwig Senfl au xvie siècle, un Arthur Honegger et un Frank Martin d
368
les petits pays. Un Ludwig Senfl au xvie siècle,
un
Arthur Honegger et un Frank Martin de nos jours, mais rien qui vraime
369
dwig Senfl au xvie siècle, un Arthur Honegger et
un
Frank Martin de nos jours, mais rien qui vraiment compte dans l’entre
370
aiment compte dans l’entre-deux, cela ne fait pas
une
tradition musicale ; et les épopées symboliques démesurées d’un Carl
371
usicale ; et les épopées symboliques démesurées d’
un
Carl Spitteler ne suffisent pas à compenser des siècles de médiocrité
372
d’un Carl Spitteler ne suffisent pas à compenser
des
siècles de médiocrité dans nos productions versifiées. La peinture av
373
os productions versifiées. La peinture avait pris
un
beau départ au xvie siècle, mais l’école turbulente de Conrad Witz,
374
as Manuel, de Hans Friess et d’Urs Graf ne trouve
un
répondant, par ailleurs discutable, qu’au xxe siècle avec Hodler ; e
375
able, qu’au xxe siècle avec Hodler ; entretemps,
un
Liotard, un Füssli, un Boecklin restent des petits maîtres isolés, dé
376
xxe siècle avec Hodler ; entretemps, un Liotard,
un
Füssli, un Boecklin restent des petits maîtres isolés, délicieux ou e
377
avec Hodler ; entretemps, un Liotard, un Füssli,
un
Boecklin restent des petits maîtres isolés, délicieux ou extravagants
378
temps, un Liotard, un Füssli, un Boecklin restent
des
petits maîtres isolés, délicieux ou extravagants, et leurs succès se
379
leurs succès se font à Paris, Londres et Berlin.
Un
tableau de Paul Klee, une sculpture d’Alberto Giacometti, un poème de
380
aris, Londres et Berlin. Un tableau de Paul Klee,
une
sculpture d’Alberto Giacometti, un poème de Blaise Cendrars : l’amate
381
de Paul Klee, une sculpture d’Alberto Giacometti,
un
poème de Blaise Cendrars : l’amateur non prévenu n’y verra pas la Sui
382
nck. Si l’on veut distinguer les éléments sinon d’
une
« culture suisse » — qui ne saurait exister — du moins d’une attitude
383
re suisse » — qui ne saurait exister — du moins d’
une
attitude d’esprit commune aux créateurs issus de nos divers cantons,
384
Pestalozzi, voire à certains égards les récits d’
un
réalisme stylisé de C. F. Ramuz, se distinguent des romans français,
385
n réalisme stylisé de C. F. Ramuz, se distinguent
des
romans français, anglais ou russes des mêmes époques par la gravité d
386
istinguent des romans français, anglais ou russes
des
mêmes époques par la gravité du propos, le dédain pour l’invention ro
387
tient la place de l’inquiétude métaphysique chez
un
Dostoïevski et un Kafka ou de l’arrière-plan de compétition sociale c
388
l’inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski et
un
Kafka ou de l’arrière-plan de compétition sociale chez un Balzac et u
389
ou de l’arrière-plan de compétition sociale chez
un
Balzac et un Stendhal. Ces traits sont protestants, peut-être. Mais l
390
ère-plan de compétition sociale chez un Balzac et
un
Stendhal. Ces traits sont protestants, peut-être. Mais le goût de la
391
dictées par les dimensions restreintes du pays et
des
communautés diverses qui s’y côtoient. Pays pauvre, au surplus, et do
392
s forestières exploitant le passage du Gothard, «
Un
pour tous, tous pour un », c’est moins un idéal qu’une vitale obligat
393
le passage du Gothard, « Un pour tous, tous pour
un
», c’est moins un idéal qu’une vitale obligation de solidarité pratiq
394
hard, « Un pour tous, tous pour un », c’est moins
un
idéal qu’une vitale obligation de solidarité pratique. Quand un Suiss
395
our tous, tous pour un », c’est moins un idéal qu’
une
vitale obligation de solidarité pratique. Quand un Suisse entreprend
396
e vitale obligation de solidarité pratique. Quand
un
Suisse entreprend de créer quelque chose, tout se passe comme s’il av
397
ou son génie individuel en démontrant qu’il fait
une
œuvre utile au bien commun ; ou bien, il lui faudra courir son aventu
398
Ammann, c’est en France ou en Inde qu’il trouvera
des
commandes pour bâtir une église de Ronchamps ou une capitale — et c’e
399
u en Inde qu’il trouvera des commandes pour bâtir
une
église de Ronchamps ou une capitale — et c’est le cas de Le Corbusier
400
s commandes pour bâtir une église de Ronchamps ou
une
capitale — et c’est le cas de Le Corbusier, père de l’architecture mo
401
ecture moderne, puritain révolutionnaire, né dans
une
vallée du Jura neuchâtelois. Voilà pourquoi les Suisses qui ont excel
402
es Suisses qui ont excellé furent presque tous, à
des
titres divers, hommes utiles, au sens le plus noble, et penseurs enga
403
cul infinitésimal —, nous les voyons tous assumer
des
devoirs sociaux ou civiques, éducatifs ou spirituels, avec un souci p
404
ociaux ou civiques, éducatifs ou spirituels, avec
un
souci primordial de l’efficacité transformatrice. Et c’est en cela qu
405
ela qu’ils sont typiquement suisses. ⁂ Cependant,
une
série de grands noms ne représente pas à elle seule tout l’apport cul
406
résente pas à elle seule tout l’apport culturel d’
un
pays, de même qu’un prestigieux état-major ne suffit pas à renseigner
407
eule tout l’apport culturel d’un pays, de même qu’
un
prestigieux état-major ne suffit pas à renseigner sur la valeur d’un
408
-major ne suffit pas à renseigner sur la valeur d’
un
combat d’une armée et sur la volonté de résistance qui l’appuie dans
409
ffit pas à renseigner sur la valeur d’un combat d’
une
armée et sur la volonté de résistance qui l’appuie dans la population
410
u pays et l’autonomie dans son sein non seulement
des
cantons, mais des communes et des multiples groupes professionnels fa
411
mie dans son sein non seulement des cantons, mais
des
communes et des multiples groupes professionnels favorise une implant
412
n non seulement des cantons, mais des communes et
des
multiples groupes professionnels favorise une implantation relativeme
413
et des multiples groupes professionnels favorise
une
implantation relativement serrée de la vie culturelle. J’en citerai q
414
. J’en citerai quelques exemples. La souveraineté
des
cantons en matière de culture et d’éducation explique et justifie l’e
415
stituts spécialisés de niveau universitaire, pour
une
population de 5 millions. Chaque gros village possède son chœur, et s
416
iothèques et ses associations d’éducation, d’amis
des
arts ou de la nature. Les plus grandes cités — de 150 à 500 000 habit
417
e 150 à 500 000 habitants — entretiennent chacune
un
ou deux orchestres, un opéra, un festival, plusieurs théâtres. Les co
418
ts — entretiennent chacune un ou deux orchestres,
un
opéra, un festival, plusieurs théâtres. Les collections privées de pe
419
tiennent chacune un ou deux orchestres, un opéra,
un
festival, plusieurs théâtres. Les collections privées de peinture son
420
loser à Berne tenant la tête. Les bureaux d’étude
des
grandes firmes industrielles financent des recherches orientées vers
421
’étude des grandes firmes industrielles financent
des
recherches orientées vers l’amélioration technique, mais dont la scie
422
e bénéficie. Deux de ces bureaux sont dirigés par
des
prix Nobel. Soulignons, à ce propos, que la Suisse, avec 11 prix Nobe
423
ent à sa population (Hollande : 9 prix Nobel pour
une
population double ; France : 17 prix Nobel pour une population neuf f
424
e population double ; France : 17 prix Nobel pour
une
population neuf fois plus grande). ⁂ À l’heure de l’Europe unie, la S
425
pe unie, la Suisse semble donc en mesure de tenir
une
place plus qu’honorable dans une compétition continentale où l’arme s
426
mesure de tenir une place plus qu’honorable dans
une
compétition continentale où l’arme secrète sera la matière grise. Ell
427
structures très concrètement fédéralistes depuis
des
siècles. Il s’ensuit que la menace d’uniformisation et d’oblitération
428
que la menace d’uniformisation et d’oblitération
des
traditions locales est bien plus grave pour elle que pour ses grands
429
ovient cette menace de nivellement, mais plutôt d’
un
certain matérialisme philistin favorisé par les succès de la techniqu
430
population, dans les trente ans qui viennent, sur
un
très petit territoire, agira totalement dans le même sens. La Suisse
431
rètes de savoir que le terme de culture n’est pas
un
synonyme de superflu ? b. Rougemont Denis de, « Apport à la civili
432
les tensions, et cherche à les composer au sein d’
un
organisme vivant, n’allez pas croire que le fédéralisme soit une espè
433
ivant, n’allez pas croire que le fédéralisme soit
une
espèce d’éclectisme universel, ou d’opportunisme lâche qui tolère tou
434
incipe et par définition l’uniformité imposée par
un
centre, qu’il s’agisse d’une capitale, d’un État, d’un parti, d’un po
435
niformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’
une
capitale, d’un État, d’un parti, d’un pouvoir clérical, politique, ou
436
e par un centre, qu’il s’agisse d’une capitale, d’
un
État, d’un parti, d’un pouvoir clérical, politique, ou économique. Il
437
ntre, qu’il s’agisse d’une capitale, d’un État, d’
un
parti, d’un pouvoir clérical, politique, ou économique. Il est donc l
438
s’agisse d’une capitale, d’un État, d’un parti, d’
un
pouvoir clérical, politique, ou économique. Il est donc le contraire
439
t. Le fédéralisme veut la diversité, la pluralité
des
forces en compétition, et loin de fuir devant la complexité du réel,
440
ant donc le contraire de l’uniformité imposée par
un
centre, mais aussi le contraire des particularismes clos, le fédérali
441
té imposée par un centre, mais aussi le contraire
des
particularismes clos, le fédéralisme représenterait-il alors une sort
442
smes clos, le fédéralisme représenterait-il alors
une
sorte de moyen terme entre ces deux extrêmes ? Point du tout ! La san
443
eux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’est pas
un
moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau
444
pas un moyen terme entre la peste et le choléra.
Un
homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’est pas à mi-chemin entre u
445
l’eau et qui se lave, n’est pas à mi-chemin entre
un
homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédérali
446
s à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et
un
homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entr
447
emin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur
un
autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’une seule
448
que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’
une
seule. Oui, le fédéralisme représente la seule attitude rigoureusemen
449
maginer que la volonté de centralisation totale d’
une
nation et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jal
450
e même manque d’imagination, de vitalité, de sens
des
proportions, d’ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l’attitude
451
nécessité de l’union, d’autre part la légitimité
des
autonomies locales. Elle exige à la fois l’une et l’autre, en dépit d
452
iquement antagoniste. L’attitude fédéraliste veut
une
maîtrise du divers — comme tout art ! Elle est un art de la compositi
453
ne maîtrise du divers — comme tout art ! Elle est
un
art de la composition qui requiert à la fois et en même temps la viva
454
i requiert à la fois et en même temps la vivacité
des
contrastes et leur harmonisation. Prenez l’exemple d’une œuvre pictur
455
trastes et leur harmonisation. Prenez l’exemple d’
une
œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible sans contrast
456
urs, et sans nuances complexes ; de même que sans
une
vision d’ensemble, celle de l’artiste, hors de l’unité du tableau, il
457
ns leur boîte. Pour que la qualité particulière d’
un
rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit co
458
faut que ce rouge soit contrasté et composé avec
des
verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre au sein de laque
459
ec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’
une
œuvre au sein de laquelle s’opèrent mille échanges d’une infinie comp
460
re au sein de laquelle s’opèrent mille échanges d’
une
infinie complexité. Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéraliste.
461
d’une infinie complexité. Voilà ce que j’appelle
une
harmonie fédéraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plus
462
caniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à
une
espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mé
463
leurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui
des
chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la d
464
sent à définir le fédéralisme, art de composer en
un
ensemble animé des diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa
465
fédéralisme, art de composer en un ensemble animé
des
diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa manière. La plupart
466
ue l’on oublie ces évidences. Je n’en donnerai qu’
un
seul exemple : l’impasse à laquelle risquent bien d’aboutir les négoc
467
tant par le Marché commun. D’une part, on affirme
une
souveraineté globale, qui ne laisserait pas jouer la diversité des fo
468
globale, qui ne laisserait pas jouer la diversité
des
fonctions nationales ; d’autre part, on se cramponne à une souveraine
469
ions nationales ; d’autre part, on se cramponne à
une
souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus
470
nationale qui a peur de se laisser englober dans
un
plus grand corps. Les uns oublient que la santé d’un corps exige le s
471
plus grand corps. Les uns oublient que la santé d’
un
corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; les autres ou
472
rganes bien différenciés ; les autres oublient qu’
un
organe bien différencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle serai
473
e l’Europe unie apprenne à respecter la diversité
des
petites nations qui la composent, sinon elle trahira sa mission dans
474
ps la Suisse apprenne à respecter dans le cadre d’
une
Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans le
475
n d’être. Mais le fédéralisme n’est pas seulement
un
mode d’organisation politique, le seul régime de coexistence digne du
476
ne du nom. C’est aussi, et c’est même avant tout,
une
méthode de composition des valeurs diversifiées, — et voilà, me sembl
477
c’est même avant tout, une méthode de composition
des
valeurs diversifiées, — et voilà, me semble-t-il, une assez bonne déf
478
valeurs diversifiées, — et voilà, me semble-t-il,
une
assez bonne définition de la culture ! II Avec ces quelques préc
479
paraîtraient bien théoriques et bien abstraites à
un
public français, mais je parle après tout à des citoyens suisses, qui
480
à un public français, mais je parle après tout à
des
citoyens suisses, qui n’auront éprouvé aucune peine à me traduire en
481
du terme, très différent de l’asiatique — il faut
une
variété aussi riche que possible de créations humaines, un foisonneme
482
é aussi riche que possible de créations humaines,
un
foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d’expression plastiques,
483
i lie toutes ces œuvres variées et qui leur offre
une
commune mesure ; sans quoi, nous ne saurions parler d’une culture, co
484
une mesure ; sans quoi, nous ne saurions parler d’
une
culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fois
485
ulture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers,
une
très riche diversité se détachant sur un fond d’unité essentielle. Qu
486
Divers, une très riche diversité se détachant sur
un
fond d’unité essentielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses r
487
n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir
une
soi-disant culture nationale, intermédiaire entre l’Europe et nos cit
488
ope et nos cités. Ici, je me permettrai de rompre
une
lance contre le concept aussi néfaste qu’invétéré de « culture nation
489
é de « culture nationale ». On nous répète depuis
un
siècle que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent
490
le concept de « culture nationale » corresponde à
des
réalités culturelles. Or il ne correspond qu’à des prétentions nation
491
es réalités culturelles. Or il ne correspond qu’à
des
prétentions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe un certain no
492
tions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe
un
certain nombre de « cultures nationales » bien distinctes et autonome
493
’ensemble constituerait la culture européenne est
une
pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme bru
494
éenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais
une
addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Eur
495
t pensé et créé depuis 28 siècles, indépendamment
des
nations qui divisent aujourd’hui l’Europe, et dont la plupart n’ont m
496
s ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’
un
seul exemple : celui de la musique, élément important et typiquement
497
: elle naît et se constitue au xiiie siècle dans
un
certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienn
498
le italienne, en Provence, puis en Île-de-France.
Des
cités italiennes, elle se propage jusqu’aux cités flamandes, le long
499
rcial de la Renaissance, reliant Venise à Bruges.
Une
école nouvelle s’épanouit alors dans les Flandres. Elle influence bie
500
ands et les Autrichiens viennent s’initier auprès
des
maîtres italiens. Bach copie avec application des œuvres de Vivaldi.
501
des maîtres italiens. Bach copie avec application
des
œuvres de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musiqu
502
re, la Saxe, Vienne, Bayreuth. C’est alors auprès
des
maîtres allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint
503
s voies. Or ces voies, notons-le, traversent avec
une
glorieuse indifférence des dizaines de nos frontières nationales actu
504
ns-le, traversent avec une glorieuse indifférence
des
dizaines de nos frontières nationales actuelles. Elles relient des ci
505
os frontières nationales actuelles. Elles relient
des
cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. C
506
es nationales actuelles. Elles relient des cités,
des
foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on
507
Elles relient des cités, des foyers de création,
des
maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant l
508
, des foyers de création, des maîtres, et non pas
des
nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nati
509
parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’
un
musicien ou d’un peintre, c’est simplement l’école locale dans laquel
510
la Renaissance, la « nation » d’un musicien ou d’
un
peintre, c’est simplement l’école locale dans laquelle il s’est formé
511
, cette croyance si rarement mise en doute depuis
un
siècle environ, en l’existence de « cultures nationales » ? C’est ava
512
qu’à la langue française. Mais celle-ci n’est pas
une
propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle e
513
’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par
un
décret de François Ier, en 1543. On parle encore dans la France d’auj
514
s nations. De même, l’allemand ne saurait définir
une
« culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui v
515
coïncider approximativement avec les frontières d’
une
de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à ell
516
a plus. La langue ne saurait à elle seule définir
une
culture : elle n’est guère qu’un des éléments de la culture en généra
517
e seule définir une culture : elle n’est guère qu’
un
des éléments de la culture en général. Or tous les autres éléments :
518
eule définir une culture : elle n’est guère qu’un
des
éléments de la culture en général. Or tous les autres éléments : la r
519
e, sont largement ou même totalement indépendants
des
langues modernes, et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à de
520
et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à
des
cadres nationaux. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la
521
» peut donc dire la culture européenne à chacune
des
vingt-quatre nations qui ont découpé leur État dans le corps de ce co
522
tre, préservés mieux que les autres de l’illusion
des
« cultures nationales », du seul fait de la composition linguistique
523
s à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là
une
garantie de liberté contre les princes de l’époque — nous dirions auj
524
i et en quoi les Suisses romands se différencient
des
Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’État français nous
525
antons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été
un
moyen de puissance de l’État ; 2° la culture vit chez nous dans de pe
526
es, qui n’ont jamais été unifiés, uniformisés par
un
pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises ; 3° no
527
misés par un pouvoir central, comme ce fut le cas
des
provinces françaises ; 3° nous sommes de vieilles républiques — même
528
Neuchâtel, en dépit de ses princes — fondées sur
une
large autonomie des communes ; 4° le protestantisme est dominant en S
529
de ses princes — fondées sur une large autonomie
des
communes ; 4° le protestantisme est dominant en Suisse romande ; il d
530
er notre accent particulier, pour nous exprimer d’
une
manière authentique et non pas empruntée, imitée ? Je ne crois guère
531
re « Paris » d’autre part. La défensive n’est pas
une
attitude de créateurs, et la culture est d’abord création, avant d’êt
532
e de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis
des
romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait un pur Vaudois, sé
533
omanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait
un
pur Vaudois, séparatiste (car c’était là le véritable sens de son féd
534
typiquement suisse à la culture européenne revêt
une
importance particulière dans le monde de cette deuxième moitié du xxe
535
econnaître que cela n’est pas possible, en plus d’
un
cas, il pousse à préférer des solutions médiocres, mais « bien de che
536
possible, en plus d’un cas, il pousse à préférer
des
solutions médiocres, mais « bien de chez nous », aux avantages que po
537
chez nous », aux avantages que pourrait procurer
une
coopération sans réserve avec d’autres cantons ou pays. Votre congrès
538
ique, inutile d’insister sur ce point. Mais c’est
une
autre erreur, inverse de la première, qui ne cessera de vous tenter :
539
os villes sont trop petites pour se payer chacune
un
laboratoire de recherches nucléaires, pour ne prendre que cet exemple
540
nt trop petites pour que s’y développent à foison
des
écoles de peintres, des galeries d’exposition, des troupes d’acteurs,
541
s’y développent à foison des écoles de peintres,
des
galeries d’exposition, des troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains
542
es écoles de peintres, des galeries d’exposition,
des
troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains, voire des petites revues
543
des galeries d’exposition, des troupes d’acteurs,
des
groupes d’écrivains, voire des petites revues qui expriment ces group
544
troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains, voire
des
petites revues qui expriment ces groupes avec l’intransigeance nécess
545
andes actuelles. Elles sont tout de même devenues
des
foyers rayonnants de créations du premier ordre. Et cela, je crois, p
546
ns suivantes : premièrement, la passion créatrice
un
peu folle de jeunes gens qui se groupaient en écoles, autour d’un maî
547
jeunes gens qui se groupaient en écoles, autour d’
un
maître du métier ; secondement, le sens de la dépense magnifique, le
548
dier. Les comités ne peuvent faire, au mieux, que
des
choses raisonnables, mais la culture est faite par des passions indiv
549
hoses raisonnables, mais la culture est faite par
des
passions individuelles et par de petits groupes qui ne craignent pas
550
vit d’imprudence, et prospère dans le gaspillage
des
forces et des sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse rom
551
nce, et prospère dans le gaspillage des forces et
des
sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux anti
552
he trop de médiocrité pour peu qu’elles aient été
un
jour inscrites à quelque budget d’État, et sous prétexte de répartiti
553
équitable — ce qui n’est, soit dit en passant, qu’
une
parodie du vrai fédéralisme — c’est tout cela qui mérite aujourd’hui
554
en mendiante, de refuser de la faire participer à
une
prospérité économique sans précédent. Nos raisons d’être et de rester
555
s raisons d’être et de rester Suisses ne sont pas
des
raisons économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le montrer un
556
ai tenté de vous le montrer une fois de plus, vit
des
mêmes réalités spirituelles et morales, et prend ses sources dans les
557
ulture européenne (avril 1963)d e J’ai lu avec
un
étonnement croissant le petit article de M. Chiti-Batelli dans votre
558
lettrés et fanatiques, j’attendais avec curiosité
des
précisions, des noms. On nous les donne à la deuxième colonne : c’est
559
iques, j’attendais avec curiosité des précisions,
des
noms. On nous les donne à la deuxième colonne : c’est le Centre europ
560
it donc à « l’effort vain et absurde de présenter
une
culture européenne unitaire » ; il nierait que l’Europe soit « la pat
561
aire » ; il nierait que l’Europe soit « la patrie
des
contradictions » ; et il pratiquerait le « nationalisme culturel » au
562
ratiquerait le « nationalisme culturel » au nom d’
un
« anticommunisme de type maccarthyste ». Si vos lecteurs prennent la
563
ennent la peine de se reporter à l’une quelconque
des
publications du CEC (l’un de nos 52 bulletins , ou à Vingt-huit siè
564
à Vingt-huit siècles d’Europe , ou le Dialogue
des
cultures ou Les Chances de l’Europe , etc.), ils partageront notre
565
t notre stupeur. M. Chiti-Batelli accuse le CEC d’
un
« défaut capital d’esprit critique » qui « vicie » ses travaux. Quell
566
r ma propre définition de l’Europe comme « patrie
des
contradictions », etc. Bref, la méthode critique de votre auteur cons
567
s tous nos écrits, et non pas à les interpréter d’
une
manière qui pourrait prêter à discussion, mais à les falsifier radica
568
n, mais à les falsifier radicalement. Qu’il y ait
une
tradition « européenne » du fascisme et de ses procédés, comme le rap
569
océdés, comme le rappelle votre auteur — non sans
une
évidente Schadenfreude — c’est indéniable. Il y a eu de tout en Europ
570
suivante : « À la suite de l’article : “Y a-t-il
une
culture européenne ?” publié dans notre numéro de décembre, nous avon
571
Orientations vers
une
Europe fédérale (10 mai 1963)f I. La puissance ou la liberté ?
572
nion de l’Europe ne pourra se faire qu’en vertu d’
une
volonté, mais il n’est pas de volonté sans but, sans quelque utopie d
573
mme soucieux de la chose publique la conception d’
un
but lointain, la vision d’un avenir politique au sens large : et ce s
574
ique la conception d’un but lointain, la vision d’
un
avenir politique au sens large : et ce sont le besoin de puissance et
575
le besoin de liberté. Le premier porte à vouloir
des
régimes unitaires, centralisés, soumis à des lois simples et mécaniqu
576
loir des régimes unitaires, centralisés, soumis à
des
lois simples et mécaniques, réglant tout le détail de l’existence : r
577
talitaires à la limite. Le second porte à désirer
des
régimes pluralistes, arrangés comme ils viennent, ménageant les compl
578
nous trouvons le règne de Louis XIV, la doctrine
des
jacobins, le national-socialisme, le marxisme-léninisme, le stalinism
579
, le stalinisme et les devises de ces régimes : «
Une
foi, une loi, un roi », « Ein Volk, ein Reich, ein Führer », « Mon Pa
580
inisme et les devises de ces régimes : « Une foi,
une
loi, un roi », « Ein Volk, ein Reich, ein Führer », « Mon Parti au po
581
les devises de ces régimes : « Une foi, une loi,
un
roi », « Ein Volk, ein Reich, ein Führer », « Mon Parti au pouvoir et
582
En chemin vers l’autre limite ou utopie, celle d’
un
pluralisme intégral, nous trouvons le régime féodal mais aussi les co
583
édéralisme helvétique mais aussi l’idée primitive
des
soviets (conçue par Lénine lorsqu’il était en Suisse), l’anarchisme à
584
ou de l’anarcho-syndicalisme. Ni l’une ni l’autre
des
deux tendances n’a jamais été isolée à l’état pur et portée dans la r
585
les deux. Mais on remarque, chez les initiateurs
des
mouvements de pensée et d’action politique, des dispositions dominant
586
s des mouvements de pensée et d’action politique,
des
dispositions dominantes qui déterminent nettement leur type. Pour éta
587
, le pluraliste à la biologie ; l’un se préoccupe
des
cadres à imposer, l’autre des forces vives à faire jouer ; l’un se so
588
; l’un se préoccupe des cadres à imposer, l’autre
des
forces vives à faire jouer ; l’un se soucie d’abord de la stabilité,
589
aux méthodes. Mais la volonté ou l’initiative d’
un
seul n’aurait aucune chance de succès si elle ne rencontrait dans les
590
de succès si elle ne rencontrait dans les masses
des
prédispositions de même nature, quoique de signe inverse : la volonté
591
ique de signe inverse : la volonté de puissance d’
un
dictateur réussit dans la mesure exacte où elle rencontre et satisfai
592
s la mesure exacte où elle rencontre et satisfait
un
besoin largement partagé de subir la puissance d’un autre, d’être com
593
besoin largement partagé de subir la puissance d’
un
autre, d’être commandé, d’obéir, donc d’être libéré de sa propre libe
594
de sa propre liberté. Et de même, l’initiative d’
un
animateur sans pouvoir contraignant n’est féconde que dans la mesure
595
e publique conduit à prendre part à l’élaboration
des
plans d’avenir européen, je vois deux types intermédiaires, entre ceu
596
manager et celui du professeur. Ils ont en commun
une
volonté déclarée d’objectivité (technique ou scientifique), et une mé
597
rée d’objectivité (technique ou scientifique), et
une
méfiance affichée à l’endroit des motifs passionnels qui prédétermine
598
ientifique), et une méfiance affichée à l’endroit
des
motifs passionnels qui prédéterminent visiblement les opinions des de
599
nnels qui prédéterminent visiblement les opinions
des
deux autres types. Mais peut-être s’agit-il d’un double refoulement.
600
des deux autres types. Mais peut-être s’agit-il d’
un
double refoulement. Chez le manager, la volonté de puissance ne se tr
601
ager, la volonté de puissance ne se traduit que d’
une
manière abstraite, en termes d’organisation sans défaut, et par le so
602
is, fussent-ils les souverainetés traditionnelles
des
États, de plus en plus incompatibles avec les libertés de la personne
603
sonne… Bornons là cette esquisse caractérologique
des
faiseurs d’utopies et de plans, et de leurs critiques : elle reste à
604
re mon option très nettement pluraliste, au seuil
des
considérations qui suivent sur l’avenir d’une Europe unie. ⁂ II. L
605
uil des considérations qui suivent sur l’avenir d’
une
Europe unie. ⁂ II. L’attitude fédéraliste L’attitude fédéralist
606
le qui conduit à imaginer (pour mieux la vouloir)
une
Europe qui serait unie par des liens proprement fédéraux. Cette Europ
607
mieux la vouloir) une Europe qui serait unie par
des
liens proprement fédéraux. Cette Europe fédérale ne serait donc : —
608
e serait donc : — ni totalement unifiée autour d’
un
centre, — ni simplement liée par l’alliance temporaire d’une vingtain
609
— ni simplement liée par l’alliance temporaire d’
une
vingtaine d’États absolument souverains, — mais dotée d’un pouvoir su
610
ine d’États absolument souverains, — mais dotée d’
un
pouvoir supérieur aux nations, fortement établi au bénéfice des auton
611
périeur aux nations, fortement établi au bénéfice
des
autonomies régionales, elles-mêmes fortement garanties par un pacte p
612
s régionales, elles-mêmes fortement garanties par
un
pacte perpétuel, librement consenti. Cette ambition évoque la quadrat
613
nche, elle apparaît conforme à la logique déduite
des
sciences physiques, et biologiques dans cette seconde moitié du xxe
614
moitié du xxe siècle. Mais en fait, le projet d’
une
Europe fédérale est antérieur à ces deux stades récents de notre aven
615
véritablement la projection au plan continental d’
une
notion de l’homme dans la cité qui est constitutive de l’Europe, et s
616
eu. Lors du premier congrès de l’Union européenne
des
fédéralistes, qui se tint à Montreux en 1947, j’avais tenté de situer
617
s concrètes du présent. Toute politique implique
une
certaine idée de l’homme, et contribue à promouvoir un certain type d
618
rtaine idée de l’homme, et contribue à promouvoir
un
certain type d’humanité, qu’on le veuille ou non, qu’on le sache ou n
619
vec Hitler et les staliniens que l’homme n’est qu’
un
soldat politique, totalement absorbé par le service de la communauté.
620
sommes ici, c’est que nous savons que l’homme est
un
être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation propre et uniq
621
e pur individu, libre mais non engagé, correspond
un
régime démocratique tendant vers l’anarchie, et débouchant dans le dé
622
té, correspond le régime fédéraliste. J’ajouterai
une
remarque encore, pour compléter ce schéma trop rapide, mais qui me pa
623
sable, il ne faut pas penser que la personne soit
un
moyen terme ou un juste milieu entre l’individu sans responsabilité e
624
pas penser que la personne soit un moyen terme ou
un
juste milieu entre l’individu sans responsabilité et le soldat politi
625
’est l’homme réel, et les deux autres ne sont que
des
déviations morbides, des démissions de l’humanité complète. La person
626
deux autres ne sont que des déviations morbides,
des
démissions de l’humanité complète. La personne n’est pas à mi-chemin
627
et le choléra, elle représente la santé civique.
Un
homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre ce
628
e. Et, de même, le fédéralisme ne naîtra jamais d’
un
habile dosage d’anarchie et de dictature, de particularisme borné et
629
centralisation oppressive. Le fédéralisme est sur
un
autre plan que ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait que l’in
630
s’appellent l’un l’autre. C’est avec la poussière
des
individus civiquement irresponsables que les dictateurs font leur cim
631
de groupes de citoyens responsables, c’est-à-dire
des
personnes fédérées.2 On voit que le passage de la personne au fédér
632
ne pouvant d’ailleurs être maintenu qu’au prix d’
une
vigilance toujours alertée, de rétablissements, ajustements, réarrang
633
nt. C’est assez dire que le fédéralisme n’est pas
une
doctrine fixe, ni vraiment un système, et encore moins un plan qu’il
634
éralisme n’est pas une doctrine fixe, ni vraiment
un
système, et encore moins un plan qu’il faudrait appliquer aux réalité
635
ine fixe, ni vraiment un système, et encore moins
un
plan qu’il faudrait appliquer aux réalités humaines et politiques, to
636
urs « mal compassées » comme dit Descartes. C’est
un
art de composer, quand il s’agit d’élaborer une constitution et des l
637
st un art de composer, quand il s’agit d’élaborer
une
constitution et des lois, et une méthode de pilotage quand il s’agit
638
r, quand il s’agit d’élaborer une constitution et
des
lois, et une méthode de pilotage quand il s’agit de gouverner entre l
639
’agit d’élaborer une constitution et des lois, et
une
méthode de pilotage quand il s’agit de gouverner entre le Charybde de
640
agit de gouverner entre le Charybde de l’anarchie
des
particularismes et le Scylla de la centralisation totalitaire. Cet ar
641
secrets du métier, mais il serait vain d’en faire
un
traité théorique. Plutôt que d’essayer de les déduire dans l’abstrait
642
essayer de les déduire dans l’abstrait, observons
des
exemples réussis de fédérations politiques — les États-Unis et la Sui
643
a Suisse. Bien que ces régimes se soient formés d’
une
manière empirique, tout se passe comme si les hommes d’État et les gr
644
ransposer dans l’actualité immédiate, à l’échelle
des
nations européennes. Premier principe. Une fédération ne peut naître
645
helle des nations européennes. Premier principe.
Une
fédération ne peut naître qu’au prix du renoncement formel et vigilan
646
idée d’hégémonie organisatrice, exercée par l’une
des
nations composantes. La croyance populaire — et d’ailleurs partagée p
647
ertains hommes d’États européens — selon laquelle
une
fédération ne peut être que l’œuvre d’un tout-puissant « fédérateur »
648
aquelle une fédération ne peut être que l’œuvre d’
un
tout-puissant « fédérateur » (potentat ou État), n’est confirmée par
649
notre histoire, et tout la réfute en pratique. Si
un
despote ou un État impérialiste détient la force nécessaire, il ne fé
650
, et tout la réfute en pratique. Si un despote ou
un
État impérialiste détient la force nécessaire, il ne fédère pas, il a
651
ont principes fédérateurs, même négatifs. Mais qu’
un
État ou une coalition, disposant de l’hégémonie, décident expressémen
652
es fédérateurs, même négatifs. Mais qu’un État ou
une
coalition, disposant de l’hégémonie, décident expressément d’y renonc
653
surplus de moyens techniques et de richesses dans
une
caisse commune, ils agissent alors en fondateurs d’une fédération. Ne
654
aisse commune, ils agissent alors en fondateurs d’
une
fédération. Ne mérite donc le titre de fédérateur que le groupe, ou l
655
maître de sagesse, ou comme inventeur, proposant
une
vision qui se trouve correspondre à la fois aux besoins réels d’une c
656
trouve correspondre à la fois aux besoins réels d’
une
communauté en puissance, et à des solutions qui figurent l’optimum en
657
besoins réels d’une communauté en puissance, et à
des
solutions qui figurent l’optimum entre les maxima contradictoires de
658
par négation de toute hégémonie. Chaque fois qu’
un
des cantons plus riche ou plus peuplé que les autres, comme Zurich, o
659
r négation de toute hégémonie. Chaque fois qu’un
des
cantons plus riche ou plus peuplé que les autres, comme Zurich, ou un
660
e ou plus peuplé que les autres, comme Zurich, ou
un
groupe de cantons coalisés au nom de leurs intérêts particuliers, ou
661
entrer dans le rang, et l’union fédérale a marqué
un
progrès. Lors de la dernière crise grave, la guerre civile de 1847 op
662
rotestants (le Sonderbund ou « Alliance séparée »
des
catholiques, assez analogue à la « Sécession » des États sudistes de
663
es catholiques, assez analogue à la « Sécession »
des
États sudistes de l’Amérique), les vainqueurs n’ont eu rien de plus p
664
ance certains « grands » s’arroger l’initiative d’
une
fédération continentale ou mondiale. L’échec de Napoléon, puis celui
665
s tentatives pour faire l’unité de l’Europe, sont
des
avertissements utiles. Ils nous confirment dans l’idée qu’on ne peut
666
onfirment dans l’idée qu’on ne peut pas atteindre
une
fin fédérative par des moyens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent condu
667
u’on ne peut pas atteindre une fin fédérative par
des
moyens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent conduire qu’à l’unification
668
re au sujet de l’impérialisme ou de l’hégémonie d’
une
nation vaut également pour l’impérialisme d’une idéologie. On pourrai
669
d’une nation vaut également pour l’impérialisme d’
une
idéologie. On pourrait définir l’attitude fédéraliste comme un refus
670
On pourrait définir l’attitude fédéraliste comme
un
refus constant et instinctif de recourir aux solutions systématiques,
671
au réel, vexants pour les minorités, destructeurs
des
diversités qui sont la condition de toute vie organique. Rappelons-no
672
que fédérer, ce n’est pas mettre en ordre d’après
un
plan géométrique à partir d’un centre ou d’un axe ; fédérer, c’est to
673
e en ordre d’après un plan géométrique à partir d’
un
centre ou d’un axe ; fédérer, c’est tout simplement arranger ensemble
674
rès un plan géométrique à partir d’un centre ou d’
un
axe ; fédérer, c’est tout simplement arranger ensemble, composer ces
675
’agit à la fois de respecter, et d’articuler dans
un
tout. Troisième principe. Le fédéralisme ne connaît pas de problème
676
incipe. Le fédéralisme ne connaît pas de problème
des
minorités. On objectera que le totalitarisme, lui aussi, supprime ce
677
lité qui prime. Par exemple : le totalitaire voit
une
injustice ou une erreur dans le fait qu’une minorité ait les mêmes dr
678
ar exemple : le totalitaire voit une injustice ou
une
erreur dans le fait qu’une minorité ait les mêmes droits qu’une major
679
voit une injustice ou une erreur dans le fait qu’
une
minorité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’à ses yeux la
680
s le fait qu’une minorité ait les mêmes droits qu’
une
majorité. C’est qu’à ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre
681
C’est qu’à ses yeux la minorité ne représente qu’
un
chiffre, et le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’une m
682
plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’
une
minorité puisse compter pour autant, voire pour plus qu’une majorité
683
té puisse compter pour autant, voire pour plus qu’
une
majorité dans certains cas, parce qu’à ses yeux elle représente une q
684
certains cas, parce qu’à ses yeux elle représente
une
qualité irremplaçable. (On pourrait aussi dire une fonction.) Aux Éta
685
ne qualité irremplaçable. (On pourrait aussi dire
une
fonction.) Aux États-Unis, le Sénat garantit l’individualité qualitat
686
is, le Sénat garantit l’individualité qualitative
des
États membres, qui y délèguent le même nombre de représentants quelle
687
ants quelle que soit leur population. Mais le jeu
des
minorités raciales et religieuses qui composent l’ensemble ne se mani
688
e guère au plan municipal. En Suisse, le respect
des
qualités ne se traduit pas seulement dans le mode d’élection du Conse
689
pas seulement dans le mode d’élection du Conseil
des
États (deux députés par canton), mais surtout, et d’une manière beauc
690
ats (deux députés par canton), mais surtout, et d’
une
manière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de la vie politique
691
les diversités et de fondre toutes les nations en
un
seul bloc, mais, au contraire, de sauvegarder leurs qualités propres.
692
er le continent, de tout y mélanger, et d’obtenir
une
sorte de nation européenne où Latins et Germains, Slaves et Anglo-Sax
693
i les brimerait tous. L’attitude fédéraliste veut
une
maîtrise du divers, comme tout art. Art de la composition, elle requi
694
e requiert à la fois et en même temps la vivacité
des
contrastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’une œuvre pictu
695
rastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’
une
œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible, dans un tabl
696
ale : il n’y aurait pas d’harmonie possible, dans
un
tableau, sans contrastes de couleurs et sans nuances complexes ; de m
697
eurs et sans nuances complexes ; de même que sans
une
vision d’ensemble (celle de l’artiste) et hors de l’unité du tableau,
698
ns leur boîte. Pour que la qualité particulière d’
un
rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit co
699
faut que ce rouge soit contrasté et composé avec
des
verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre au sein de laque
700
ec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’
une
œuvre au sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’une infini
701
sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’
une
infinie complexité. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plus e
702
caniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à
une
espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mé
703
leurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui
des
chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la d
704
l’uniforme, — dans tous les sens du mot. Prenons
une
autre image. Chacune des nations qui composent l’Europe y représente
705
les sens du mot. Prenons une autre image. Chacune
des
nations qui composent l’Europe y représente une fonction propre, irre
706
e des nations qui composent l’Europe y représente
une
fonction propre, irremplaçable, comme celle d’un organe dans un corps
707
une fonction propre, irremplaçable, comme celle d’
un
organe dans un corps. Or, la vie normale du corps dépend de la vitali
708
opre, irremplaçable, comme celle d’un organe dans
un
corps. Or, la vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de
709
té de chacun de ses organes, de même que la vie d’
un
organe dépend de son harmonie avec tous les autres. Si les nations de
710
ations de l’Europe arrivaient à se concevoir dans
un
rôle analogue, elles comprendraient que leur harmonie est une nécessi
711
logue, elles comprendraient que leur harmonie est
une
nécessité vitale, et non pas une concession qu’on leur demande, ou un
712
eur harmonie est une nécessité vitale, et non pas
une
concession qu’on leur demande, ou une diminution de leur valeur propr
713
et non pas une concession qu’on leur demande, ou
une
diminution de leur valeur propre. Elles comprendraient aussi que dans
714
aleur propre. Elles comprendraient aussi que dans
une
fédération elles n’auraient pas à se mélanger, mais au contraire à fo
715
cert, chacune selon sa vocation. Ce ne serait pas
une
simple question de tolérance, vertu négative et qui naît le plus souv
716
ôt de participation, vertu positive et qui naît d’
une
juste ambition. Chaque nation serait mise au défi de donner le meille
717
le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’être
un
vrai poumon, d’être aussi poumon que possible, et, dans cette mesure
718
dans cette mesure même, il aidera le cœur à être
un
bon cœur. Cinquième principe. Le fédéralisme repose sur l’amour de l
719
t théorique ou la tolérance complaisante. L’amour
des
complexités culturelles, psychologiques, et même économiques, telle e
720
acob Burckhardt annonçait la venue dès 1880, dans
une
lettre prophétique, ceux qu’il appelait les « terribles simplificateu
721
es étrangers s’étonnent de l’extrême complication
des
institutions suisses, de cette espèce de mouvement d’horlogerie fine
722
t, et que nos législateurs sont obligés de garder
un
contact attentif avec les réalités humaines et naturelles du pays. La
723
nes et naturelles du pays. La Suisse est formée d’
une
multitude de groupes et d’organismes politiques, administratifs, cult
724
nt de cent manières différentes. Il est clair que
des
lois ou des institutions conçues dans un esprit unitaire, jacobin, ou
725
anières différentes. Il est clair que des lois ou
des
institutions conçues dans un esprit unitaire, jacobin, ou totalitaire
726
air que des lois ou des institutions conçues dans
un
esprit unitaire, jacobin, ou totalitaire, brimeraient nécessairement
727
cobin, ou totalitaire, brimeraient nécessairement
un
ou plusieurs de ces groupes, tendraient à réduire leur variété, et mu
728
éter sur table rase, de simplifier les réalités d’
un
trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de
729
lifier les réalités d’un trait de plume, de tirer
des
plans à la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur exécution
730
ait de plume, de tirer des plans à la règle, dans
un
bureau, et de forcer ensuite leur exécution en écrasant tout ce qui r
731
. Mais ce qu’on écrase ainsi, c’est la vitalité d’
un
peuple. Une politique fédéraliste soucieuse de se mouler sur la réali
732
u’on écrase ainsi, c’est la vitalité d’un peuple.
Une
politique fédéraliste soucieuse de se mouler sur la réalité, toujours
733
ins, d’ingéniosité technique, et de compréhension
des
peuples qu’elle administre. Elle exige beaucoup plus de vrai sens pol
734
’est-à-dire l’art d’organiser la cité au bénéfice
des
citoyens. Tandis que les méthodes totalitaires sont antipolitiques pa
735
les diversités, par incapacité de les composer en
un
tout organique et vivant. Sixième principe. Une fédération se forme
736
n un tout organique et vivant. Sixième principe.
Une
fédération se forme de proche en proche, par le moyen des personnes e
737
ration se forme de proche en proche, par le moyen
des
personnes et des groupes, et non point à partir d’un centre ou par le
738
e proche en proche, par le moyen des personnes et
des
groupes, et non point à partir d’un centre ou par le moyen des gouver
739
personnes et des groupes, et non point à partir d’
un
centre ou par le moyen des gouvernements. Nous voyons la fédération e
740
et non point à partir d’un centre ou par le moyen
des
gouvernements. Nous voyons la fédération européenne se composer lente
741
s la fédération européenne se composer lentement,
un
peu partout, et de toutes sortes de manières. Ici, c’est une entente
742
tout, et de toutes sortes de manières. Ici, c’est
une
entente économique, là c’est une parenté culturelle qui s’affirme. Ic
743
ères. Ici, c’est une entente économique, là c’est
une
parenté culturelle qui s’affirme. Ici, ce sont deux églises de confes
744
ines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là ce sont
des
professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont des personnes, des
745
professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont
des
personnes, des groupes, des écoles, qui créent peu à peu des réseaux
746
s’organisent. Et surtout, ce sont des personnes,
des
groupes, des écoles, qui créent peu à peu des réseaux variés d’échang
747
. Et surtout, ce sont des personnes, des groupes,
des
écoles, qui créent peu à peu des réseaux variés d’échanges européens.
748
es, des groupes, des écoles, qui créent peu à peu
des
réseaux variés d’échanges européens. Rien de tout cela n’est inutile.
749
ispersé, si peu efficace souvent, forme peu à peu
des
structures complexes, dessine les linéaments d’une ossature et le sys
750
es structures complexes, dessine les linéaments d’
une
ossature et le système des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra un
751
ssine les linéaments d’une ossature et le système
des
vaisseaux sanguins de ce qui deviendra un jour le corps de l’Europe u
752
ystème des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra
un
jour le corps de l’Europe unie. Au-dessous et au-dessus des gouvernem
753
e corps de l’Europe unie. Au-dessous et au-dessus
des
gouvernements, l’Europe des réalités humaines est beaucoup plus près
754
-dessous et au-dessus des gouvernements, l’Europe
des
réalités humaines est beaucoup plus près de s’organiser qu’il ne le s
755
er que les gouvernements puissent jamais réaliser
une
union viable. Leurs dirigeants ne sont pas qualifiés pour arbitrer le
756
geants ne sont pas qualifiés pour arbitrer le jeu
des
nations. Chacun sait qu’il serait déraisonnable de choisir comme arbi
757
serait déraisonnable de choisir comme arbitres d’
un
match les capitaines des équipes en présence. C’est pourtant bien ce
758
choisir comme arbitres d’un match les capitaines
des
équipes en présence. C’est pourtant bien ce qu’avait tenté de faire l
759
La fédération européenne ne saurait être l’œuvre
des
gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nation contre le
760
ogiques, amèneront quelques parlements à soutenir
des
projets fédéraux, c’est-à-dire supranationaux. On ne voit guère d’aut
761
le ou praticable. Les USA ne sont pas dirigés par
une
assemblée de gouverneurs des cinquante États, ni la Suisse par les dé
762
sont pas dirigés par une assemblée de gouverneurs
des
cinquante États, ni la Suisse par les délégués des vingt-deux cantons
763
es cinquante États, ni la Suisse par les délégués
des
vingt-deux cantons. Ce serait impraticable. Ces deux fédérations sont
764
au-dessus de leurs États, et en dehors d’eux, par
un
exécutif et un législatif issus des peuples et des groupes de tout or
765
urs États, et en dehors d’eux, par un exécutif et
un
législatif issus des peuples et des groupes de tout ordre qui animent
766
ors d’eux, par un exécutif et un législatif issus
des
peuples et des groupes de tout ordre qui animent la vie publique. Se
767
un exécutif et un législatif issus des peuples et
des
groupes de tout ordre qui animent la vie publique. Septième principe
768
qui animent la vie publique. Septième principe.
Une
fédération ne se crée pas contre une menace extérieure, ni à des fins
769
me principe. Une fédération ne se crée pas contre
une
menace extérieure, ni à des fins impérialistes, mais au contraire : p
770
ne se crée pas contre une menace extérieure, ni à
des
fins impérialistes, mais au contraire : pour l’avantage et la surviva
771
ire : pour l’avantage et la survivance de chacune
des
communautés constituantes et pour qu’elles puissent exercer ensemble
772
uantes et pour qu’elles puissent exercer ensemble
des
fonctions qui dépassent les forces de chacune d’elle. Ni les menaces
773
les menaces arabes puis mongoles, ni l’entreprise
des
croisades, ni les Turcs devant Vienne à deux reprises, ni les Soviets
774
entendue. Et quant aux entreprises impérialistes
des
Européens — les colonies —, elles sont restées le fait des États en c
775
éens — les colonies —, elles sont restées le fait
des
États en concurrence nationaliste : elles n’ont contribué qu’à notre
776
fois sauver leurs libertés locales et agir comme
une
seule nation au niveau des réalités de leur époque. Ni les paniques g
777
locales et agir comme une seule nation au niveau
des
réalités de leur époque. Ni les paniques générales, ni les délires de
778
er isolément, et en même temps, la reconnaissance
des
capacités politiques, économiques et culturelles ménagées par l’union
779
e mondiale ont placé les nations européennes dans
une
situation comparable à bien des égards à celle des cantons suisses au
780
européennes dans une situation comparable à bien
des
égards à celle des cantons suisses au lendemain de la guerre du Sonde
781
ne situation comparable à bien des égards à celle
des
cantons suisses au lendemain de la guerre du Sonderbund, et notamment
782
ais non pas simple à définir en quelques mots, en
une
formule. C’est qu’elle est d’un type organique plutôt que rationnel,
783
uelques mots, en une formule. C’est qu’elle est d’
un
type organique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que seulem
784
La pensée fédéraliste ne projette pas devant elle
une
utopie bien cohérente qu’il s’agirait d’imposer, ou des plans statiqu
785
opie bien cohérente qu’il s’agirait d’imposer, ou
des
plans statiques qu’il faudrait réaliser en quatre ou cinq ans, par la
786
quatre ou cinq ans, par la réduction impitoyable
des
réalités vivantes et gênantes. Elle cherche au contraire le secret d’
787
t gênantes. Elle cherche au contraire le secret d’
un
équilibre souple et constamment mouvant entre des groupes qu’il s’agi
788
’un équilibre souple et constamment mouvant entre
des
groupes qu’il s’agit de composer en sauvegardant à la fois leur indiv
789
er serait se condamner à retomber sans cesse dans
un
malentendu fondamental, que l’exemple de la vie politique suisse illu
790
t en réalité les défenseurs jaloux de l’autonomie
des
cantons contre la centralisation. Pour les uns, fédérer veut dire sur
791
le fédéralisme ne consiste ni dans la seule union
des
cantons, ni dans leur seule autonomie. Il consiste dans l’équilibre c
792
e paradoxale ou « dialectique » dans sa forme : «
Un
pour tous, tous pour un ». En effet, « un pour tous » signifie l’élan
793
tique » dans sa forme : « Un pour tous, tous pour
un
». En effet, « un pour tous » signifie l’élan des personnes et des ré
794
rme : « Un pour tous, tous pour un ». En effet, «
un
pour tous » signifie l’élan des personnes et des régions vers l’union
795
un ». En effet, « un pour tous » signifie l’élan
des
personnes et des régions vers l’union, tandis que « tous pour un » si
796
« un pour tous » signifie l’élan des personnes et
des
régions vers l’union, tandis que « tous pour un » signifie l’aide que
797
des régions vers l’union, tandis que « tous pour
un
» signifie l’aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaq
798
je viens de signaler pour la Suisse. Nous aurons
des
fédéralistes qui ne penseront qu’à faire l’union et à la renforcer, e
799
à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons
des
fédéralistes préoccupés avant tout de sauvegarder les droits de chaqu
800
égion contre les empiètements du pouvoir central.
Une
nouvelle gauche et une nouvelle droite, en somme. Et il faudra sans c
801
ements du pouvoir central. Une nouvelle gauche et
une
nouvelle droite, en somme. Et il faudra sans cesse rappeler aux deux
802
oivent pas être imaginés sous la forme négative d’
une
tolérance mutuelle, d’une neutralisation des différences, d’un compro
803
ous la forme négative d’une tolérance mutuelle, d’
une
neutralisation des différences, d’un compromis conclu par gain de pai
804
ve d’une tolérance mutuelle, d’une neutralisation
des
différences, d’un compromis conclu par gain de paix, quelque part à m
805
mutuelle, d’une neutralisation des différences, d’
un
compromis conclu par gain de paix, quelque part à mi-chemin entre les
806
l’établissement de l’union générale et le respect
des
droits particuliers. Car cela ne conduirait en pratique qu’à une unio
807
iculiers. Car cela ne conduirait en pratique qu’à
une
union trop faible mais bientôt accusée d’oppression par ses membres,
808
ientôt accusée d’oppression par ses membres, et à
des
droits trop limités mais taxés d’abusifs par le centre. La saine méth
809
. Deux cas extrêmes illustreront ce point : celui
des
transports, et celui de l’éducation. Il est facile de voir que chacun
810
de l’éducation. Il est facile de voir que chacun
des
membres d’une fédération bénéficiera d’une organisation uniforme et c
811
n. Il est facile de voir que chacun des membres d’
une
fédération bénéficiera d’une organisation uniforme et centralisée des
812
chacun des membres d’une fédération bénéficiera d’
une
organisation uniforme et centralisée des chemins de fer, des postes e
813
iciera d’une organisation uniforme et centralisée
des
chemins de fer, des postes et télécommunications, voire de l’aviation
814
ation uniforme et centralisée des chemins de fer,
des
postes et télécommunications, voire de l’aviation4, la fonction même
815
tte vitalité ne supporterait pas l’uniformisation
des
régimes d’éducation, liés dans chacun de nos pays à des langues, des
816
gimes d’éducation, liés dans chacun de nos pays à
des
langues, des coutumes, des traditions religieuses, des conditions soc
817
tion, liés dans chacun de nos pays à des langues,
des
coutumes, des traditions religieuses, des conditions sociales et des
818
s chacun de nos pays à des langues, des coutumes,
des
traditions religieuses, des conditions sociales et des psychologies d
819
angues, des coutumes, des traditions religieuses,
des
conditions sociales et des psychologies dont chacun sait que la varié
820
raditions religieuses, des conditions sociales et
des
psychologies dont chacun sait que la variété même conditionne la puis
821
’Europe. Il convient donc d’attribuer aux régions
une
totale autonomie en matière d’enseignement (comme c’est le cas aux Ét
822
vidus et les régions, se manifeste la nécessité d’
un
Centre inspirant, équilibrant, coordonnant les efforts et veillant au
823
cipe du pouvoir fédéral (régime fiscal, entretien
des
routes, par exemple) soit d’admettre l’existence parallèle de service
824
te indispensable de laisser à la libre initiative
des
États ou régions, des groupes et des individus. Étant bien entendu qu
825
isser à la libre initiative des États ou régions,
des
groupes et des individus. Étant bien entendu que les frontières entre
826
e initiative des États ou régions, des groupes et
des
individus. Étant bien entendu que les frontières entre le secteur cen
827
res créations individuelles ou locales deviennent
des
phénomènes d’ampleur publique, il est normal qu’un pouvoir central pr
828
s phénomènes d’ampleur publique, il est normal qu’
un
pouvoir central prenne la charge de les organiser, rationaliser et si
829
ralisme comme l’application à la chose publique d’
une
méthode générale de travail et de création, qui rend compte du dynami
830
elles énergies, grâce à l’organisation croissante
des
activités inventées par la personne et assimilées par la communauté.
831
À chaque conquête nouvelle effectuée, correspond
une
organisation de la zone conquise, qui, ainsi colonisée, permet soit d
832
i, ainsi colonisée, permet soit de se lancer vers
des
aventures ou des explorations nouvelles, soit d’accroître les possibi
833
e, permet soit de se lancer vers des aventures ou
des
explorations nouvelles, soit d’accroître les possibilités de libérati
834
e la machine-outil à l’État, du plan de travail d’
un
écrivain au plan de production d’un pool international, des habitudes
835
de travail d’un écrivain au plan de production d’
un
pool international, des habitudes et routines privées aux règlements
836
in au plan de production d’un pool international,
des
habitudes et routines privées aux règlements collectifs et aux lois —
837
s — n’est en fin de compte, comme à l’origine, qu’
un
auxiliaire de la vie créatrice, un moyen ordonné à sa fin. De même,
838
l’origine, qu’un auxiliaire de la vie créatrice,
un
moyen ordonné à sa fin. De même, il serait néfaste et faux de consid
839
bonne exécution ouvre à chacun de leurs citoyens
des
moyens de mieux vivre sa vie propre, et de plus librement se choisir
840
et régionales mieux affirmées, parce qu’allégées
des
tâches indifférenciées et niveleuses ; possibilités de déplacement, d
841
N’est-ce point là ce que l’homme européen, depuis
des
siècles, appelle sa liberté ? Subordonner sans trêve les mécanismes u
842
? Subordonner sans trêve les mécanismes utiles à
des
buts créateurs, l’organisation à la vie, l’uniforme au diversifié, le
843
servir, cette mauvaise foi trahissant à vrai dire
un
manque de foi ; soit de s’imaginer, comme la colombe de Kant, qu’elle
844
. Bureaucratie, technocratie, pédantisme agressif
des
administrations et dictature du plan, d’une part ; condition prolétar
845
étarienne, travail humain à la chaîne, aliénation
des
libertés essentielles et disciplines totalitaires imposées à la révol
846
a révolte individuelle, d’autre part, résultent d’
une
seule et même démission de la personne devant sa liberté et devant sa
847
re accuse les mécanismes, ces objets, et les doue
des
pouvoirs de sujets qu’elle abdique… ⁂ IV. Passage des buts aux moy
848
voirs de sujets qu’elle abdique… ⁂ IV. Passage
des
buts aux moyens Quels sont alors les buts que l’homme européen peu
849
Autonomie (liberté et responsabilité) croissante
des
personnes, des groupes, des communes, des régions, et finalement de l
850
erté et responsabilité) croissante des personnes,
des
groupes, des communes, des régions, et finalement de l’Europe entière
851
nsabilité) croissante des personnes, des groupes,
des
communes, des régions, et finalement de l’Europe entière, pour exerce
852
issante des personnes, des groupes, des communes,
des
régions, et finalement de l’Europe entière, pour exercer de mieux en
853
e surmonter les tendances anarchiques-autarciques
des
individus, groupes, régions, capable donc : a) d’organiser à l’intéri
854
tinent les services libérant personnes et groupes
des
tâches mécanisables ; b) de manifester à l’échelle mondiale la vocati
855
ifester à l’échelle mondiale la vocation générale
des
Européens, c’est-à-dire de donner une Voix à l’ensemble historique et
856
on générale des Européens, c’est-à-dire de donner
une
Voix à l’ensemble historique et culturel qu’est l’Europe. Tout le pro
857
ces personnelles et locales soient dissoutes dans
un
réseau toujours plus serré d’interdépendances mécaniques proliférant
858
soit reportée aux frontières de l’union la somme
des
tendances autarciques-impérialistes dont une union forcée (uniformisa
859
omme des tendances autarciques-impérialistes dont
une
union forcée (uniformisation) aurait frustré chacun de ses membres, a
860
de les transmuer en émulation créatrice au sein d’
un
ensemble plus vaste. Ainsi posé, le problème d’une organisation fédér
861
un ensemble plus vaste. Ainsi posé, le problème d’
une
organisation fédérative de l’Europe se ramène à la recherche d’un opt
862
fédérative de l’Europe se ramène à la recherche d’
un
optimum pratique entre les maxima possiblement contradictoires (en vé
863
omie et de l’union. Sa solution peut apparaître d’
une
complexité sans espoir aux praticiens de la vie politique qui se cont
864
praticiens de la vie politique qui se contentent
des
routines et recettes « réalistes » héritées du siècle dernier (jeux d
865
es « réalistes » héritées du siècle dernier (jeux
des
réflexes partisans et nationalistes, usage des slogans démagogiques,
866
ux des réflexes partisans et nationalistes, usage
des
slogans démagogiques, appels alternés aux passions populaires et aux
867
s qu’on demande, par exemple, aux constructeurs d’
une
fusée balistique ou d’un vaisseau astronautique. Et l’on ne voit pas
868
le, aux constructeurs d’une fusée balistique ou d’
un
vaisseau astronautique. Et l’on ne voit pas comment « l’art du possib
869
it encore servir d’excuse à la paresse d’esprit d’
une
classe politicienne qui n’a pas su prévoir Hitler, et qui trouvait le
870
mun trop technique pour être sérieux. Philosophie
des
buts et science de leurs moyens doivent déterminer conjointement tout
871
urée par la technique occidentale. La nécessité d’
une
union de l’Europe n’étant pas ici discutée mais admise, il faut cherc
872
traduise. En bonne méthode personnaliste, c’est d’
une
vision des Buts qu’il faut partir : car elle seule permettra d’éclair
873
n bonne méthode personnaliste, c’est d’une vision
des
Buts qu’il faut partir : car elle seule permettra d’éclairer les chem
874
s la période de 1975-1980. ⁂ V. Vue générale d’
une
Europe fédérée Buts Le préambule de l’Acte constituant la féd
875
de l’Européen vivant en 1980 ? Tout d’abord, par
un
sentiment de grand espace ouvert. Euphorie pour les uns — les meilleu
876
ivre, en aventures, en découvertes de soi-même et
des
autres hommes. Du rocher de Gibraltar à la steppe monotone, des lacs
877
mes. Du rocher de Gibraltar à la steppe monotone,
des
lacs de l’Écosse aux îles grecques, de la Finlande à la Sicile, tout
878
Sicile, tout s’ouvre aux ambitions ou aux rêves d’
un
jeune homme. Les citoyens de tous les pays membres de la fédération e
879
à chaque guichet, sans rien déclarer à personne.
Des
milliards d’heures de vie active ou de loisirs sont ainsi gagnées cha
880
u de loisirs sont ainsi gagnées chaque année, par
des
millions d’Européens en déplacement professionnel ou en vacances. Ils
881
’Asie, les Amériques ou la Russie, ils produisent
un
passeport européen, délivré à leur lieu d’origine. Chacun peut s’étab
882
s occasionnelles à ce droit fondamental découlent
des
plans d’aménagement locaux, urbains ou agricoles, harmonisés dans le
883
glement, dans les régions les plus favorisées par
une
mode, un climat, une production facile.) Chacun peut vendre ses produ
884
ans les régions les plus favorisées par une mode,
un
climat, une production facile.) Chacun peut vendre ses produits parto
885
ions les plus favorisées par une mode, un climat,
une
production facile.) Chacun peut vendre ses produits partout, sans tax
886
nde liberté cosmopolite n’est pas payée au prix d’
un
déracinement général ; ces ouvertures plus vastes à l’esprit d’aventu
887
l’esprit d’aventure, qui sera toujours le fait d’
une
minorité, n’empêchent nullement ceux qui préfèrent la sécurité matern
888
éfèrent la sécurité maternelle et la protection d’
une
partie limitée, d’en jouir et même mieux qu’avant. Car chaque citoyen
889
qu’avant. Car chaque citoyen de l’Europe relève d’
un
pays d’origine, d’une communauté définie où il a (ou prend) ses racin
890
citoyen de l’Europe relève d’un pays d’origine, d’
une
communauté définie où il a (ou prend) ses racines ; et il peut y exer
891
il peut y exercer ses droits civiques. Le droit à
une
patrie locale est garanti par la Constitution fédérale, et surveillé
892
suffit que l’on devienne d’abord citoyen de l’un
des
pays membres, voire d’une de ses communes. Tout citoyen d’un État mem
893
d’abord citoyen de l’un des pays membres, voire d’
une
de ses communes. Tout citoyen d’un État membre qui s’établit sur le t
894
bres, voire d’une de ses communes. Tout citoyen d’
un
État membre qui s’établit sur le territoire administré par un autre É
895
re qui s’établit sur le territoire administré par
un
autre État membre y bénéficie de tous les droits civiques et sociaux.
896
et sociaux. Il y vote, et il y est éligible après
un
certain délai, qui varie selon qu’il s’agit d’emplois publics municip
897
, régionaux, ou nationaux. Le droit fondamental à
une
patrie locale entraîne que les communautés constituées, régions assoc
898
ntraire à la Constitution fédérale et à la Charte
des
droits de la personne. (Les libertés de culte, d’expression et d’asso
899
ressément garanties ; l’État, ou la majorité dans
une
région, ne peuvent en aucun cas en priver les minorités.) D’autre par
900
leur fédération ait désormais, en tant que telle,
une
politique étrangère commune, signifie que les citoyens d’un de nos pe
901
ue étrangère commune, signifie que les citoyens d’
un
de nos petits États ne sont plus à la merci de la politique d’un de n
902
s États ne sont plus à la merci de la politique d’
un
de nos grands États, les entraînant dans une guerre ou une ruine géné
903
que d’un de nos grands États, les entraînant dans
une
guerre ou une ruine générales : ils participent tous également au dro
904
s grands États, les entraînant dans une guerre ou
une
ruine générales : ils participent tous également au droit de détermin
905
ue de l’ensemble européen s’exprime désormais par
des
décisions fédérales, qui traduisent la conscience et la volonté de la
906
uisent la conscience et la volonté de la majorité
des
États et des Européens responsables de leur État. La fédération europ
907
science et la volonté de la majorité des États et
des
Européens responsables de leur État. La fédération européenne a solen
908
r ses membres contre l’extérieur, elle entretient
des
forces défensives organisées selon le système des milices suisses, mo
909
des forces défensives organisées selon le système
des
milices suisses, mobilisables en quelques heures dans le cadre local.
910
l’Europe ne saurait être l’État-nation unifié, ni
un
système d’alliances bi- ou multilatérales. En effet, la première solu
911
solution porterait atteinte au droit fondamental
des
personnes à se grouper en communautés diversifiées : droit à l’autono
912
solution porterait atteinte au droit fondamental
des
communautés qui est, d’une part, d’être déchargées des tâches d’organ
913
ommunautés qui est, d’une part, d’être déchargées
des
tâches d’organisation (ou « mécaniques ») outrepassant leurs capacité
914
, d’autre part de manifester la vocation générale
des
Européens à l’échelle mondiale : droit à l’Union. L’Europe fédérée se
915
Europe fédérée se présente, en conséquence, comme
un
grand espace composé d’une vingtaine d’États membres, et de quelques
916
, en conséquence, comme un grand espace composé d’
une
vingtaine d’États membres, et de quelques États associés (bordure de
917
tats associés (bordure de l’Est). La souveraineté
des
membres est garantie par la Constitution fédérale, nonobstant la mise
918
es États souverains sont en pleine évolution vers
des
groupements de leurs régions, qui parfois nouent des liens assez étro
919
groupements de leurs régions, qui parfois nouent
des
liens assez étroits, par-delà les frontières étatiques. Cette situati
920
ation mouvante, absolument nouvelle, fait l’objet
des
discussions politiques, juridiques, économiques et culturelles les pl
921
1980. Elle ne saurait s’expliquer qu’en fonction
des
problèmes qui se posaient au départ de la construction de l’Europe. O
922
onstruction de l’Europe. Ouvrons donc en ce point
une
parenthèse, et, faisant retour en arrière, examinons la situation tel
923
n se mit à envisager les divers modes possibles d’
une
union politique, et à supputer les conséquences probables qu’entraîne
924
pputer les conséquences probables qu’entraînerait
une
fédération. Parenthèse 1963 a) Rapports entre les souverain
925
ouverainetés nationales et la fédération Entre
un
unitarisme jacobin opprimant les autonomies, et une nouvelle Sainte-A
926
n unitarisme jacobin opprimant les autonomies, et
une
nouvelle Sainte-Alliance, interdisant toute union efficace, il s’agit
927
n les meilleures recettes de pilotage, de trouver
une
formule d’équilibre en mouvement entre les pouvoirs fédéraux et les É
928
eux est celui de la souveraineté : faut-il exiger
des
États qu’ils y renoncent ? Si c’est une condition sine qua non, y a-t
929
il exiger des États qu’ils y renoncent ? Si c’est
une
condition sine qua non, y a-t-il une chance quelconque qu’on l’obtien
930
t ? Si c’est une condition sine qua non, y a-t-il
une
chance quelconque qu’on l’obtienne jamais, donc qu’on arrive jamais à
931
’on l’obtienne jamais, donc qu’on arrive jamais à
une
fédération ? Ainsi posé, le problème est insoluble. D’une part nos gr
932
e. D’autre part, les mouvements fédéralistes, par
un
grand nombre de résolutions impératives mais dont personne ne semble
933
ouveraineté théorique. Or, on ne saurait attendre
une
nuit du 4 août des États : ce ne sont pas des personnes libres et res
934
ue. Or, on ne saurait attendre une nuit du 4 août
des
États : ce ne sont pas des personnes libres et responsables, et il es
935
dre une nuit du 4 août des États : ce ne sont pas
des
personnes libres et responsables, et il est tout à fait inconcevable
936
inconcevable qu’ils puissent agir sous le coup d’
un
enthousiasme collectif. « L’État est le plus froid des monstres froid
937
nthousiasme collectif. « L’État est le plus froid
des
monstres froids », comme l’a dit Nietzsche. Mais s’il est vain de fon
938
ietzsche. Mais s’il est vain de fonder l’espoir d’
une
construction européenne sur un geste qu’aucun grand État n’est en mes
939
fonder l’espoir d’une construction européenne sur
un
geste qu’aucun grand État n’est en mesure de faire, il est sans doute
940
est sans doute dangereux de s’épuiser à combattre
des
souverainetés en grande partie inexistantes, et qu’on ne pourrait que
941
nt à se défendre au nom sacré de l’indépendance d’
un
pays. Pour sortir de l’impasse, on pourrait recourir à un précédent h
942
Pour sortir de l’impasse, on pourrait recourir à
un
précédent historique qui me paraît tout à fait indiqué en la matière
943
oir résolu la quadrature du cercle. Loin d’exiger
des
cantons une renonciation à leur souveraineté, elle la garantit expres
944
a quadrature du cercle. Loin d’exiger des cantons
une
renonciation à leur souveraineté, elle la garantit expressément, en m
945
Voici les textes : Article premier. — Les peuples
des
vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alli
946
ple… (etc.) Ratifiés par la majorité du peuple et
des
cantons, ces articles ont résolu le problème à la satisfaction généra
947
u’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire.
Un
fait demeure : il n’est pas de constitution plus fédéraliste que cell
948
e subsiste, elle se voit garantie et défendue par
une
constitution, par une armée, et par la volonté unanime des peuples et
949
it garantie et défendue par une constitution, par
une
armée, et par la volonté unanime des peuples et des États confédérés.
950
itution, par une armée, et par la volonté unanime
des
peuples et des États confédérés. Ce qui est bien loin d’être le cas d
951
e armée, et par la volonté unanime des peuples et
des
États confédérés. Ce qui est bien loin d’être le cas des souveraineté
952
ts confédérés. Ce qui est bien loin d’être le cas
des
souverainetés soi-disant « absolues » des grands ou petits États de l
953
le cas des souverainetés soi-disant « absolues »
des
grands ou petits États de l’Europe désunie. Voyons cela d’un peu plus
954
u petits États de l’Europe désunie. Voyons cela d’
un
peu plus près. Les cantons suisses n’ont plus le droit de faire la gu
955
ni d’entretenir leur propre armée, ni de conclure
des
traités séparés ; ces attributs de la souveraineté classique sont rep
956
leurs voisins et frères, mais seulement par l’une
des
puissances extérieures qui ont la souveraineté atomique. Cette situat
957
ndique clairement ce qu’il nous reste à faire : —
une
Constitution fédérale, afin que l’Europe recouvre, au temps des grand
958
on fédérale, afin que l’Europe recouvre, au temps
des
grands empires, l’indépendance de décision qui échappe en fait à ses
959
échappe en fait à ses nations. b) Libération
des
dynamismes régionaux Un second problème fondamental semble bien de
960
de 1963 : c’est qu’il est plus nouveau que celui
des
souverainetés, et qu’il est même sans précédent dans l’ère moderne. V
961
en train de s’instaurer entre les Six (effacement
des
frontières économiques), certains dynamismes nouveaux se trouveront l
962
tropole » économique et culturelle prendra forme.
Des
reliefs nouveaux, comparables à des soulèvements de terrain révélant
963
rendra forme. Des reliefs nouveaux, comparables à
des
soulèvements de terrain révélant un jeu de forces profondes, modèlero
964
omparables à des soulèvements de terrain révélant
un
jeu de forces profondes, modèleront une Europe réelle bien différente
965
n révélant un jeu de forces profondes, modèleront
une
Europe réelle bien différente de celle de nos cartes politiques actue
966
que très arbitrairement délimitées. Et l’on verra
des
États unitaires, comme la France, ou l’Espagne, ou la Belgique, se di
967
il y aura de « métropoles » prouvant leur droit à
une
autonomie de fait. C’est ici que l’exemple de la Suisse cesse de nous
968
modèle, du moins transposable tel quel du régime
des
cantons à celui des États. Car les cantons correspondent à peu près à
969
ansposable tel quel du régime des cantons à celui
des
États. Car les cantons correspondent à peu près à des régions à la fo
970
États. Car les cantons correspondent à peu près à
des
régions à la fois naturelles et culturelles — linguistiques, religieu
971
taines au surplus, coupées de gré ou de force par
une
frontière « nationale », se sont trouvées amalgamées à des États de t
972
ière « nationale », se sont trouvées amalgamées à
des
États de traditions bien différentes8. ⁂ Reprenons maintenant la desc
973
ption de l’Europe fédérée de 1980. On y assiste à
des
regroupements qui ne tiennent plus compte des frontières nationales e
974
e à des regroupements qui ne tiennent plus compte
des
frontières nationales et modifient profondément le régime des États n
975
es nationales et modifient profondément le régime
des
États naguère centralisés. Au lieu d’un puzzle de pièces bizarrement
976
e régime des États naguère centralisés. Au lieu d’
un
puzzle de pièces bizarrement découpées, selon des conjonctures histor
977
’un puzzle de pièces bizarrement découpées, selon
des
conjonctures historiques dépassées, l’Europe fédérale est en train de
978
assées, l’Europe fédérale est en train de devenir
une
constellation de foyers, ou de « métropoles », qui ne sont plus défin
979
mais par leur force de rayonnement. La mobilité
des
industries nouvelles, et leur indépendance par rapport au sous-sol, p
980
te titre privilégiées. L’Europe noire du charbon,
des
corons, des banlieues ouvrières et des mines se vide, au profit des r
981
vilégiées. L’Europe noire du charbon, des corons,
des
banlieues ouvrières et des mines se vide, au profit des régions mérid
982
u charbon, des corons, des banlieues ouvrières et
des
mines se vide, au profit des régions méridionales, fluviales, ou même
983
nlieues ouvrières et des mines se vide, au profit
des
régions méridionales, fluviales, ou même alpestres. Ces phénomènes d’
984
s, fluviales, ou même alpestres. Ces phénomènes d’
une
ampleur croissante ne vont pas sans poser des problèmes très ardus d’
985
s d’une ampleur croissante ne vont pas sans poser
des
problèmes très ardus d’aménagement du territoire européen. Ils requiè
986
ménagement du territoire européen. Ils requièrent
des
solutions neuves, à la recherche desquelles concourent économistes, d
987
s encore que les autres, d’imagination créatrice.
Une
jurisprudence fédérale des régions autonomes se constitue. Une politi
988
imagination créatrice. Une jurisprudence fédérale
des
régions autonomes se constitue. Une politique fédérale de production
989
ence fédérale des régions autonomes se constitue.
Une
politique fédérale de production et de distribution tend à prévoir et
990
, et les incidences industrielles et commerciales
des
associations ou unions régionales. Elle s’efforce d’harmoniser la vit
991
gionales. Elle s’efforce d’harmoniser la vitalité
des
nouveaux centres, les besoins généraux du continent, et les échanges
992
ons, a pour double effet de diminuer l’importance
des
anciens États et d’augmenter celle des foyers locaux. La renaissance
993
importance des anciens États et d’augmenter celle
des
foyers locaux. La renaissance des communes s’affirme. Le citoyen, nag
994
augmenter celle des foyers locaux. La renaissance
des
communes s’affirme. Le citoyen, naguère « démuni de toute influence p
995
ration La structure fédérale et la répartition
des
pouvoirs entre la fédération et ses membres sont l’expression directe
996
dération et ses membres sont l’expression directe
des
principes énoncés plus haut, et s’en déduisent sans autres difficulté
997
sans autres difficultés que celles qui naissent d’
une
volonté fédéraliste de respecter autant que possible les situations s
998
à l’intérieur et à l’extérieur de la fédération,
des
ambassades et consulats chargés d’entretenir les relations qui ne son
999
ges, etc.) La défense de l’Europe est assurée par
des
forces armées aux ordres du pouvoir fédéral, qui ne peuvent entrer en
1000
s, ou en cas de coup de force séparatiste de l’un
des
membres. La réduction des antagonismes intérieurs résultant de l’ouve
1001
rce séparatiste de l’un des membres. La réduction
des
antagonismes intérieurs résultant de l’ouverture d’un grand espace li
1002
ntagonismes intérieurs résultant de l’ouverture d’
un
grand espace libre et de la mise en commun des ressources de base ; l
1003
e d’un grand espace libre et de la mise en commun
des
ressources de base ; la possibilité pour l’individu de répartir ses a
1004
pour l’individu de répartir ses allégeances entre
des
ensembles culturels et spirituels plus restreints ou plus vastes que
1005
cela contribue non seulement à empêcher le retour
des
chocs destructeurs entre États-nations rigides, à l’intérieur de l’Eu
1006
urope, mais aussi à la rendre incapable d’exercer
une
politique agressive. Un tel ensemble de diversités ne saurait être im
1007
ndre incapable d’exercer une politique agressive.
Un
tel ensemble de diversités ne saurait être impérialiste. (Rappelons q
1008
leur liquidation a seule permis le rapprochement
des
peuples de l’Europe.) C’est pourquoi la fédération européenne a solen
1009
moyen d’imposer sa politique commune. Le problème
des
États neutres, adhérant à la fédération, se trouve ainsi résolu, leur
1010
t elle-même neutre, la question se ramène à celle
des
alliances qu’elle peut être amenée à conclure avec d’autres États ou
1011
u fédérations. Si elle accepte de lier son sort à
un
État ou à un groupe d’États qui s’interdit comme elle tout recours à
1012
. Si elle accepte de lier son sort à un État ou à
un
groupe d’États qui s’interdit comme elle tout recours à la guerre, el
1013
à l’alliance ; mais elle peut être entraînée dans
une
guerre qu’un tiers parti ferait à l’allié, comme s’il la faisait à l’
1014
mais elle peut être entraînée dans une guerre qu’
un
tiers parti ferait à l’allié, comme s’il la faisait à l’un de ses mem
1015
lié, comme s’il la faisait à l’un de ses membres.
Une
disposition de ce genre présente le double avantage de rassurer le ti
1016
En revanche, l’Europe fédérée ne saurait conclure
une
alliance militaire avec aucune puissance qui maintiendrait son « droi
1017
sement, de travail, de commerce et de circulation
des
biens sur tout son territoire, elle se charge d’organiser et de subve
1018
entionner les activités qui dépassent la capacité
des
États membres. Elle administre les douanes fédérales. Elle élabore un
1019
le administre les douanes fédérales. Elle élabore
une
politique de production, de répartition intérieure, et d’échanges à l
1020
érales sont définies, à l’intérieur par l’ampleur
des
investissements requis, à l’extérieur par la nécessité de représenter
1021
e représenter l’ensemble européen. À la politique
des
grands travaux continentaux correspond une politique des « grandes re
1022
itique des grands travaux continentaux correspond
une
politique des « grandes recherches » : le CERN à Genève, dès 1959, «
1023
nds travaux continentaux correspond une politique
des
« grandes recherches » : le CERN à Genève, dès 1959, « l’Opération Pe
1024
es problèmes fondamentaux soulevés par le contact
des
traditions différentes de l’Occident, de l’Afrique, de l’Asie, du mon
1025
e l’Afrique, de l’Asie, du monde arabe, au sein d’
une
même civilisation technique née en Europe mais rapidement adoptée par
1026
tous les pays du monde, ont montré la nécessité d’
une
politique commune des Européens dans le domaine de la culture. Débatt
1027
, ont montré la nécessité d’une politique commune
des
Européens dans le domaine de la culture. Débattue et décidée par le C
1028
de la culture. Débattue et décidée par le Conseil
des
recherches et de l’enseignement (voir plus loin) cette politique est
1029
cette politique est représentée dans le monde par
des
Relations culturelles européennes, agissant concurremment avec les mi
1030
péennes, agissant concurremment avec les missions
des
États membres, chaque fois que les problèmes à traiter ou les conflit
1031
ropéens dans le tiers-monde. Formation européenne
des
aides techniques. Relations publiques de l’Europe dans le « monde de
1032
ral garantit l’ordre intérieur, les constitutions
des
États membres, et toutes les libertés personnelles et publiques recon
1033
par la Constitution fédérale. d) Attributions
des
États membres D’une manière générale, les États exercent tous les
1034
dérale. d) Attributions des États membres D’
une
manière générale, les États exercent tous les droits et devoirs légis
1035
ion au régime ancien de souveraineté territoriale
des
États provient de la renaissance des régions et de la formation de «
1036
territoriale des États provient de la renaissance
des
régions et de la formation de « métropoles » nouvelles. En vertu de d
1037
itions spéciales introduites dans la constitution
des
États autrefois « indivisibles », certaines conditions de développeme
1038
éveloppement étant satisfaites, et sous réserve d’
une
approbation fédérale, régions et métropoles peuvent se donner des str
1039
fédérale, régions et métropoles peuvent se donner
des
structures et des pouvoirs autonomes, et elles peuvent aussi s’associ
1040
et métropoles peuvent se donner des structures et
des
pouvoirs autonomes, et elles peuvent aussi s’associer avec d’autres e
1041
cier avec d’autres entités comparables relevant d’
un
État voisin. L’Europe tend de la sorte à se transformer de fédératio
1042
e tend de la sorte à se transformer de fédération
des
États « anciens » (nés d’ailleurs, pour la plupart, aux xixe et xxe
1043
plupart, aux xixe et xxe siècles) en fédération
des
régions réelles. e) Autorités fédérales Législatives : La doub
1044
ssité d’assurer l’union européenne et l’autonomie
des
communautés fédérées implique une dualité correspondante au sein des
1045
et l’autonomie des communautés fédérées implique
une
dualité correspondante au sein des pouvoirs législatifs. L’Assemblée
1046
érées implique une dualité correspondante au sein
des
pouvoirs législatifs. L’Assemblée fédérale se compose donc d’une Cham
1047
gislatifs. L’Assemblée fédérale se compose donc d’
une
Chambre des députés européens et d’un Sénat européen, la première rep
1048
ose donc d’une Chambre des députés européens et d’
un
Sénat européen, la première représentant les peuples, le second, les
1049
le second, les États et les communautés dotées d’
une
autonomie reconnue. Les affaires de la compétence de l’Assemblée sont
1050
de la fédération : législation fédérale, garantie
des
constitutions des États et des autonomies régionales, mesures propres
1051
législation fédérale, garantie des constitutions
des
États et des autonomies régionales, mesures propres à faire respecter
1052
fédérale, garantie des constitutions des États et
des
autonomies régionales, mesures propres à faire respecter la Constitut
1053
titution fédérale, révision de celle-ci, garantie
des
libertés, organisation et droit de disposer de l’armée fédérale, rati
1054
oit de disposer de l’armée fédérale, ratification
des
traités, budget et approbation des comptes de la fédération, élection
1055
, ratification des traités, budget et approbation
des
comptes de la fédération, élection de l’exécutif et de la Cour de jus
1056
édérales ne peuvent être rendues qu’avec l’accord
des
deux chambres. En cas de différend irréductible, un référendum popula
1057
deux chambres. En cas de différend irréductible,
un
référendum populaire est requis. Exécutives : Un complexe de traditi
1058
un référendum populaire est requis. Exécutives :
Un
complexe de traditions, confessions et langues, de conditions naturel
1059
stent en Europe, ne saurait être gouverné que par
un
Collège où s’équilibrent les diversités en évolution permanente. Le C
1060
ermanente. Le Conseil fédéral européen, composé d’
une
douzaine de ministres, représente le chef de l’État européen. Il gère
1061
ne et sont rééligibles. On ne peut choisir plus d’
un
membre dans le même pays. Son président est élu par l’Assemblée. Il p
1062
nt de la commission du Marché commun. Le ministre
des
Relations culturelles et le ministre de la Recherche scientifique co-
1063
inistre de la Recherche scientifique co-président
un
Conseil des recherches et de l’enseignement, composé de représentants
1064
la Recherche scientifique co-président un Conseil
des
recherches et de l’enseignement, composé de représentants des science
1065
es et de l’enseignement, composé de représentants
des
sciences naturelles, sociales, psychologiques, religieuses, de la méd
1066
ues, religieuses, de la médecine et de l’hygiène,
des
arts et lettres, de l’histoire, de l’éducation, de l’architecture et
1067
de l’urbanisme. Le ministre de la Justice préside
une
Commission des droits de la personne, celui de l’Intérieur une Commis
1068
Le ministre de la Justice préside une Commission
des
droits de la personne, celui de l’Intérieur une Commission des région
1069
n des droits de la personne, celui de l’Intérieur
une
Commission des régions et des États, etc. Les projets des lois et arr
1070
la personne, celui de l’Intérieur une Commission
des
régions et des États, etc. Les projets des lois et arrêtés élaborés p
1071
elui de l’Intérieur une Commission des régions et
des
États, etc. Les projets des lois et arrêtés élaborés par ces commissi
1072
ission des régions et des États, etc. Les projets
des
lois et arrêtés élaborés par ces commissions ministérielles, sont pré
1073
essé soient pour autant renversés. Judiciaires :
Une
Cour ou Tribunal fédéral administre la justice en matière fédérale, e
1074
justice en matière fédérale, et connaît notamment
des
conflits de compétence entre la fédération et les États membres ; des
1075
étence entre la fédération et les États membres ;
des
différends entre les États ; des réclamations pour violation des droi
1076
États membres ; des différends entre les États ;
des
réclamations pour violation des droits de la personne garantis par un
1077
entre les États ; des réclamations pour violation
des
droits de la personne garantis par une Charte ou Statut de la personn
1078
violation des droits de la personne garantis par
une
Charte ou Statut de la personne, annexée à la Constitution ; des cas
1079
tatut de la personne, annexée à la Constitution ;
des
cas de trahison ou de révolte concernant la fédération, et d’autres c
1080
d’autres causes qui lui sont soumises par accord
des
parties, quand le litige atteint le degré d’importance déterminé par
1081
éterminé par la législation fédérale. f) Siège
des
autorités fédérales Les mêmes raisons qui veulent que la fédératio
1082
qui veulent que la fédération soit gouvernée par
un
Collège, et non par un seul homme, veulent que son centre ne soit pas
1083
ération soit gouvernée par un Collège, et non par
un
seul homme, veulent que son centre ne soit pas une capitale, mais un
1084
un seul homme, veulent que son centre ne soit pas
une
capitale, mais un District fédéral. La fédération n’étant pas une cré
1085
ent que son centre ne soit pas une capitale, mais
un
District fédéral. La fédération n’étant pas une création sur table ra
1086
is un District fédéral. La fédération n’étant pas
une
création sur table rase, mais l’aboutissement d’un très long processu
1087
e création sur table rase, mais l’aboutissement d’
un
très long processus historique englobant des siècles d’histoire commu
1088
ent d’un très long processus historique englobant
des
siècles d’histoire commune et toutes les diversités que l’on sait, le
1089
e District fédéral ne saurait être, lui non plus,
une
création « synthétique » édifiée sur un terrain vague — il n’y en a d
1090
on plus, une création « synthétique » édifiée sur
un
terrain vague — il n’y en a d’ailleurs plus d’assez vaste, dans l’Eur
1091
ccès facile en temps de paix ; il ne peut être qu’
un
petit pays, cependant très diversifié et si possible de tradition féd
1092
accepter de demeurer, en tant qu’État, à l’écart
des
luttes politiques qui se jouent à l’échelle du continent. Ces conditi
1093
ar la Suisse, d’ailleurs gardienne traditionnelle
des
valeurs et réalités d’intérêt commun pour l’Europe. De même qu’au xii
1094
, de même la Confédération suisse se voit dotée d’
un
statut spécial, d’une sorte « d’immédiateté fédérale », en devenant l
1095
ation suisse se voit dotée d’un statut spécial, d’
une
sorte « d’immédiateté fédérale », en devenant le District européen. L
1096
ont placées sous la protection de l’armée suisse.
Des
dispositions spéciales (analogues à celles en vigueur à Washington, D
1097
sident)9 préviennent toute ingérence particulière
des
affaires suisses dans les affaires fédérales européennes. La Suisse,
1098
cations. VI. Chances de réalisation Voici
une
liste, non exhaustive, des facteurs qui paraissent aujourd’hui suscep
1099
e réalisation Voici une liste, non exhaustive,
des
facteurs qui paraissent aujourd’hui susceptibles de jouer dans le sen
1100
aujourd’hui susceptibles de jouer dans le sens d’
une
solution fédéraliste de nos problèmes. 1. Le fédéralisme est une form
1101
déraliste de nos problèmes. 1. Le fédéralisme est
une
forme de pensée politique spécifiquement européenne qui prend ses sou
1102
plus tard du socialisme proudhonien, aujourd’hui
des
sciences les plus avancées. D’autre part, le fédéralisme est une méth
1103
s plus avancées. D’autre part, le fédéralisme est
une
méthode d’organisation politique qui a fait ses preuves notamment en
1104
tiquée aujourd’hui dans les processus de décision
des
Communautés économiques européennes. La rencontre de cette vieille tr
1105
cette vieille tradition, rénovée au xixe siècle,
des
besoins de l’économie moderne, de la nouvelle vision scientifique et
1106
ie moderne, de la nouvelle vision scientifique et
des
moyens fournis par les techniques d’avant-garde, crée une conjoncture
1107
ns fournis par les techniques d’avant-garde, crée
une
conjoncture favorable à la prise au sérieux des solutions fédéraliste
1108
e une conjoncture favorable à la prise au sérieux
des
solutions fédéralistes. 2. Le régime fédéraliste est au moins théoriq
1109
oins théoriquement adopté par les constitutions d’
un
nombre croissant d’États nouveaux, ou réorganisés de fond en comble a
1110
r que les réussites suisse et nord-américaine ont
une
valeur probante pour les « réalistes », sinon pour les « idéologues »
1111
les « réalistes », sinon pour les « idéologues »
des
vieux partis politiques, espèce en régression rapide, d’ailleurs. 3.
1112
édéralistes. Celles-ci sont d’ailleurs homologues
des
solutions œcuméniques au plan confessionnel, dont on connaît l’essor
1113
ux libéraux agnostiques, ils peuvent trouver dans
un
régime fédéraliste la garantie à des droits qu’ils ont longtemps reve
1114
trouver dans un régime fédéraliste la garantie à
des
droits qu’ils ont longtemps revendiqués contre les cléricalismes unit
1115
s unitaires, voire totalitaires. 4. L’application
des
découvertes récentes et imminentes de la physique et de la biologie n
1116
de la physique et de la biologie non seulement à
des
armes encore plus puissantes et beaucoup plus maniables que la bombe
1117
ucoup plus maniables que la bombe H, mais aussi à
des
procédés de manipulation du psychisme collectif et de conditionnement
1118
de certaines classes favorisées ou fabriquées par
un
parti (armes et procédés dont seul un Pouvoir fortement centralisé et
1119
riquées par un parti (armes et procédés dont seul
un
Pouvoir fortement centralisé et très riche serait en mesure d’user et
1120
ousse également à concevoir la nécessité vitale d’
une
tendance à déconcentrer et à distribuer le pouvoir, afin de l’empêche
1121
istribuer le pouvoir, afin de l’empêcher par tout
un
jeu de contrôles et de dispositifs de sécurité, de prendre une initia
1122
ntrôles et de dispositifs de sécurité, de prendre
une
initiative éventuellement criminelle. Sans préjuger des chances de su
1123
itiative éventuellement criminelle. Sans préjuger
des
chances de succès de cette réaction de défense de la personne, on peu
1124
ra, elle aussi — si peu que ce soit — en faveur d’
un
régime fédéraliste. 5. La résistance des esprits « de droite », des
1125
faveur d’un régime fédéraliste. 5. La résistance
des
esprits « de droite », des nationalismes attardés, des patriotismes o
1126
ste. 5. La résistance des esprits « de droite »,
des
nationalismes attardés, des patriotismes ombrageux, des libéraux doct
1127
sprits « de droite », des nationalismes attardés,
des
patriotismes ombrageux, des libéraux doctrinaires en matière d’économ
1128
tionalismes attardés, des patriotismes ombrageux,
des
libéraux doctrinaires en matière d’économie, des séparatistes régiona
1129
des libéraux doctrinaires en matière d’économie,
des
séparatistes régionaux, des sportifs chauvins, des philatélistes, des
1130
n matière d’économie, des séparatistes régionaux,
des
sportifs chauvins, des philatélistes, des sociétés culturelles munici
1131
es séparatistes régionaux, des sportifs chauvins,
des
philatélistes, des sociétés culturelles municipales et provinciales,
1132
ionaux, des sportifs chauvins, des philatélistes,
des
sociétés culturelles municipales et provinciales, et de tous ceux qui
1133
a « bolchevisation », contraindra les partisans d’
une
Europe unitaire à se replier sur des solutions praticables, qui se tr
1134
partisans d’une Europe unitaire à se replier sur
des
solutions praticables, qui se trouveront être fédéralistes par nécess
1135
éralistes par nécessité, sinon par choix délibéré
des
deux partis. 6. À « gauche », les traditions proudhoniennes et anarch
1136
-syndicalistes jouent dans le sens de l’autonomie
des
groupes, tandis que les traditions internationalistes et autoritaires
1137
ires du socialisme marxiste jouent dans le sens d’
une
opposition systématique aux diversités de tout ordre (assimilées aux
1138
re (assimilées aux « privilèges ») et en faveur d’
une
unification européenne. Là encore, la résultante des forces antagonis
1139
unification européenne. Là encore, la résultante
des
forces antagonistes pointe vers des solutions de type fédéraliste. 7.
1140
la résultante des forces antagonistes pointe vers
des
solutions de type fédéraliste. 7. Le régime des souverainetés nationa
1141
s des solutions de type fédéraliste. 7. Le régime
des
souverainetés nationales absolues est manifestement dépassé, aux yeux
1142
ales absolues est manifestement dépassé, aux yeux
des
jeunes. La nécessité et les promesses d’une union de l’Europe sont ad
1143
yeux des jeunes. La nécessité et les promesses d’
une
union de l’Europe sont admises par plus de 80 % des Européens, quoiqu
1144
e union de l’Europe sont admises par plus de 80 %
des
Européens, quoique d’une manière vague et généralement passive, faute
1145
admises par plus de 80 % des Européens, quoique d’
une
manière vague et généralement passive, faute de modèles ou de maquett
1146
enthousiasme. 8. L’existence du Marché commun est
un
facteur irréversible dans l’évolution vers l’union. Les polémiques en
1147
ion. Les polémiques engagées à son sujet obligent
un
grand nombre d’esprits, dans nos divers pays, professions et partis,
1148
rofessions et partis, à supputer les conséquences
des
principales méthodes d’union possibles : — unification économique tra
1149
sent en termes d’intérêts, soit qu’ils réveillent
des
passions partisanes ou nationales. « Fédérer les Européens » cesse po
1150
édérer les Européens » cesse pour beaucoup d’être
une
expression vague désignant simplement le besoin d’une « union plus ét
1151
expression vague désignant simplement le besoin d’
une
« union plus étroite », et tend à prendre un sens précis et spécifiqu
1152
n d’une « union plus étroite », et tend à prendre
un
sens précis et spécifique, tel que nous l’avons défini plus haut. Cet
1153
cteurs positifs, négatifs, et ambivalents, ménage
des
possibilités plus favorables que jamais à une action fédéraliste. Mai
1154
age des possibilités plus favorables que jamais à
une
action fédéraliste. Mais il faut, pour les réaliser, un élément catal
1155
ion fédéraliste. Mais il faut, pour les réaliser,
un
élément catalyseur : une vision non utopique de ce que peut être l’Eu
1156
faut, pour les réaliser, un élément catalyseur :
une
vision non utopique de ce que peut être l’Europe fédérée. ⁂ VII. L
1157
nce » de l’Europe Pour tracer cette esquisse d’
une
union fédérale, nous n’avons eu qu’à nous laisser guider par deux sér
1158
découle de la conjoncture présente : nécessité d’
une
union économique amorcée par celle des Six ; pression du tiers-monde,
1159
écessité d’une union économique amorcée par celle
des
Six ; pression du tiers-monde, qui exige l’aide de l’Europe et n’en o
1160
ns à son passé mal vu les promesses incertaines d’
un
communisme ouvertement impérialiste et plus néfaste pour les traditio
1161
is notre colonialisme ; nécessité, à cet égard, d’
une
politique commune des Européens ; désuétude des souverainetés nationa
1162
; nécessité, à cet égard, d’une politique commune
des
Européens ; désuétude des souverainetés nationales absolues, tout jus
1163
d’une politique commune des Européens ; désuétude
des
souverainetés nationales absolues, tout juste capables de servir de p
1164
es ou conjoncturels de l’autre, s’opposent encore
des
préjugés nationalistes survivants, certains calculs d’intérêts à cour
1165
n ne sert de maudire la nuit : mieux vaut allumer
une
chandelle, comme dit le proverbe chinois. Éclairer le But est donc l
1166
de ceux qui veulent se mettre en marche. Inventer
des
chemins vers le But est la seconde tâche, indispensable, mais que la
1167
ision du But rend seule possible. On ne trace pas
un
chemin tant qu’on ne sait pas au juste où l’on a décidé d’aller : on
1168
l’on a décidé d’aller : on se contente de charger
des
experts d’étudier les modalités et le coût de l’opération. Ils conclu
1169
cluent que rien n’est possible dans l’état actuel
des
choses. Et leur déni traduit exactement l’incertitude des hommes d’Ét
1170
es. Et leur déni traduit exactement l’incertitude
des
hommes d’État qui les emploient. Qui veut la fin veut les moyens, ma
1171
veut les moyens, mais personne ne saurait vouloir
une
fin qu’il distingue mal. Et c’est pourquoi, dans le domaine qui nous
1172
dans le domaine qui nous occupe, la prévision est
une
action. Bien voir le But, se concentrer sur lui, dégage et mobilise l
1173
J’ai tenté d’éclairer notre avenir fédéral, avec
un
projecteur de fortune. Des reliefs ont été laissés dans l’ombre, des
1174
re avenir fédéral, avec un projecteur de fortune.
Des
reliefs ont été laissés dans l’ombre, des détails ont pris trop d’imp
1175
ortune. Des reliefs ont été laissés dans l’ombre,
des
détails ont pris trop d’importance. Mon regard trop souvent n’a vu qu
1176
Cet essai n’a donc d’autre ambition que d’appeler
des
mises au point optiques. Il y faut le travail d’une équipe munie de m
1177
s mises au point optiques. Il y faut le travail d’
une
équipe munie de meilleurs instruments, multipliant les prises de vues
1178
iscours prononcé au congrès de l’Union européenne
des
fédéralistes, Montreux 1947. Publié dans L’Europe en jeu . (Éditions
1179
radiction ; principe de complémentarité ; théorie
des
jeux de von Neumann et Morgenstern, appliquée à la stratégie, à l’éco
1180
d home… » (Cf., mon Europe en jeu , p. 126). 7.
Une
seule exception notable en Suisse : le Jura bernois, de langue frança
1181
sse protestante et alémanique du canton de Berne.
Un
mouvement séparatiste s’y manifeste. 8. Cas de la Catalogne, de la W
1182
nifeste. 8. Cas de la Catalogne, de la Wallonie,
des
Flandres, du Tyrol, de la Silésie, de la Macédoine, par exemple. 9.
1183
emple. 9. Jusqu’au 3 avril 1961, date à laquelle
un
amendement à la Constitution a autorisé les citoyens du District of C
1184
lle. f. Rougemont Denis de, « Orientations vers
une
Europe fédérale », Bulletin SEDEIS-Futuribles, Paris, 10 mai 1963, p.
1185
Jamais on ne s’est autant marié en France (90 %
des
hommes et 91,5 % des femmes) et jamais on n’a autant divorcé (10 % de
1186
autant marié en France (90 % des hommes et 91,5 %
des
femmes) et jamais on n’a autant divorcé (10 % des couples) : le maria
1187
des femmes) et jamais on n’a autant divorcé (10 %
des
couples) : le mariage se porte donc beaucoup… mais se porte plutôt ma
1188
coup… mais se porte plutôt mal. Y a-t-il vraiment
une
crise du mariage ? Naturellement. Seulement il serait faux d’y voir u
1189
Naturellement. Seulement il serait faux d’y voir
un
mal du siècle, du nôtre. Sans la crise du mariage, que seraient toute
1190
le théâtre, le roman, la poésie en vivent depuis
des
siècles, l’entretiennent en chantant le droit divin de la passion, en
1191
ironisant sur le fameux « trio » dont ils tirent
un
répertoire inépuisable de situations comiques ou cyniques. Et tout ce
1192
r hors-la-loi. La crise du mariage n’est donc pas
un
phénomène de l’ère atomique. Le nombre des divorces a quand même doub
1193
onc pas un phénomène de l’ère atomique. Le nombre
des
divorces a quand même doublé depuis cinquante ans ? C’est que cette c
1194
lé depuis cinquante ans ? C’est que cette crise a
des
causes nombreuses et complexes. Les unes sont liées au progrès et à l
1195
nt un premier facteur important. La vulgarisation
des
connaissances psychologiques en est un autre : chacun maintenant conn
1196
arisation des connaissances psychologiques en est
un
autre : chacun maintenant connaît, au moins sommairement, l’existence
1197
enant connaît, au moins sommairement, l’existence
des
complexes freudiens, des refoulements, des névroses. Ces nouvelles co
1198
ommairement, l’existence des complexes freudiens,
des
refoulements, des névroses. Ces nouvelles connaissances ont créé de n
1199
stence des complexes freudiens, des refoulements,
des
névroses. Ces nouvelles connaissances ont créé de nouvelles exigences
1200
ois donnent l’exemple en abdiquant ou en épousant
des
stars Mais à côté de ces causes-là, causes aggravantes mais secondair
1201
s-là, causes aggravantes mais secondaires liées à
une
évolution irréversible de l’Occident, il y a une cause essentielle et
1202
une évolution irréversible de l’Occident, il y a
une
cause essentielle et séculaire : c’est que tous les adolescents sont
1203
presque inévitable) et en même temps baignés dans
une
atmosphère romantique, la passion étant l’épreuve suprême, que tout h
1204
sion étant l’épreuve suprême, que tout homme doit
un
jour connaître, et qu’il appelle secrètement. Pourquoi mariage et pas
1205
ne, l’accoutumance, et que la passion, elle, veut
des
obstacles qui rendent l’amour plus intense et plus conscient. Le mari
1206
intense et plus conscient. Le mariage, en formant
un
obstacle idéal à l’amour (avec un autre naturellement), favorise cet
1207
age, en formant un obstacle idéal à l’amour (avec
un
autre naturellement), favorise cet amour-passion qui se dénoue alors
1208
us figurons qu’elle a toujours existé a, en fait,
une
date et des origines bien précises. Pendant des siècles, les relation
1209
qu’elle a toujours existé a, en fait, une date et
des
origines bien précises. Pendant des siècles, les relations entre les
1210
, une date et des origines bien précises. Pendant
des
siècles, les relations entre les sexes sont restées du domaine de la
1211
ible avec le mariage (qui n’est alors que l’union
des
corps et des biens). Pour la première fois, l’amour profane emprunte
1212
mariage (qui n’est alors que l’union des corps et
des
biens). Pour la première fois, l’amour profane emprunte à l’amour sac
1213
sacré son vocabulaire. L’amour devient lui aussi
une
sorte de religion. Cet « amour courtois » qui contredisait si fort l
1214
rs » naturellement. Le premier troubadour et l’un
des
plus grands, Guillaume de Poitiers avait séjourné dans le Proche-Orie
1215
s avait séjourné dans le Proche-Orient au cours d’
une
croisade et en Espagne où il avait épousé la veuve d’un roi d’Aragon.
1216
isade et en Espagne où il avait épousé la veuve d’
un
roi d’Aragon. Aux poètes arabes de l’école de Cordoue, il emprunta le
1217
ons, la forme de l’amour courtois. Le fond, c’est
une
hérésie chrétienne d’origine orientale, l’hérésie cathare, qui l’a fo
1218
trices et qui auraient pour effet de faire tomber
une
âme de plus dans un corps vil. La chasteté absolue étant trop diffici
1219
t pour effet de faire tomber une âme de plus dans
un
corps vil. La chasteté absolue étant trop difficile, les cathares se
1220
hares se bornaient à médire du mariage et à louer
des
formes d’amour plus ou moins platoniques ! Les troubadours les imitèr
1221
adours les imitèrent. L’amour courtois étant né d’
une
hérésie et d’une rhétorique toutes deux orientales, pourquoi cette fo
1222
ent. L’amour courtois étant né d’une hérésie et d’
une
rhétorique toutes deux orientales, pourquoi cette forme d’amour est-e
1223
rofondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure
des
résistances qu’elle rencontre. Et c’est l’Europe catholique et nordiq
1224
e la Méditerranée arabe et latine. Dans la poésie
des
troubadours, c’est l’éloge de la chasteté, les lois d’amour stricteme
1225
rmet à l’attrait naturel de s’exalter, de devenir
une
passion. Et c’est le roman de Tristan et Iseut qui restera le prototy
1226
s dans la forêt, ils dorment pourtant séparés par
une
épée. Enfin, malgré son amour toujours aussi fort pour Iseut aux chev
1227
blanches mains. Le roman de Tristan est en somme
une
longue suite de séparations et de revoirs successifs des amants. Or l
1228
gue suite de séparations et de revoirs successifs
des
amants. Or les causes de séparations sont aussi souvent inventées par
1229
est le mythe européen de l’adultère. Qu’est-ce qu’
un
mythe ? Un mythe c’est une histoire simple et frappante résumant un n
1230
e européen de l’adultère. Qu’est-ce qu’un mythe ?
Un
mythe c’est une histoire simple et frappante résumant un nombre infin
1231
’adultère. Qu’est-ce qu’un mythe ? Un mythe c’est
une
histoire simple et frappante résumant un nombre infini de situations
1232
e c’est une histoire simple et frappante résumant
un
nombre infini de situations plus ou moins analogues, permettant de sa
1233
s plus ou moins analogues, permettant de saisir d’
un
coup d’œil certains types de relations constantes et de les dégager d
1234
elations constantes et de les dégager du fouillis
des
apparences quotidiennes. Tristan, c’est un « type » de relations de l
1235
illis des apparences quotidiennes. Tristan, c’est
un
« type » de relations de l’homme et de la femme dans un groupe histor
1236
ype » de relations de l’homme et de la femme dans
un
groupe historique donné : la société courtoise du xiie siècle. Ce gr
1237
donc de deux traditions religieuses, c’est-à-dire
une
décision que nous prenons presque toujours inconsciemment, en faveur
1238
nons presque toujours inconsciemment, en faveur d’
une
morale survivante que nous ne savons plus justifier : la morale chrét
1239
hrétienne, l’orthodoxie, qui ne s’appuie plus sur
une
foi vivante, est devenue la « morale bourgeoise », et le mythe issu d
1240
enue la « morale bourgeoise », et le mythe issu d’
une
hérésie spiritualiste (l’hérésie cathare) dont nous avons perdu la cl
1241
ouse insatisfaite et oisive) ; l’adultère devient
un
sujet de délicates analyses psychologiques ou de plaisanteries vaudev
1242
terrain chaque jour, c’est donc sur les débris d’
un
mythe qu’est édifié notre moderne mariage d’amour ? Exactement. Or, s
1243
Exactement. Or, si l’amour romanesque triomphe d’
une
quantité d’obstacles, il en est un contre lequel il se brisera presqu
1244
ue triomphe d’une quantité d’obstacles, il en est
un
contre lequel il se brisera presque toujours : c’est la durée. Et not
1245
ublicité n’arrange pas les choses. Périodiquement
un
nouveau type de femme « idéale » est proposé à l’admiration des foule
1246
pe de femme « idéale » est proposé à l’admiration
des
foules, disqualifiant automatiquement l’épouse, si elle ne ressemble
1247
ême supposer que l’homme parvienne à se fixer sur
un
type, rencontre un jour son Iseut ? Admettons ! Il rencontre cette fe
1248
homme parvienne à se fixer sur un type, rencontre
un
jour son Iseut ? Admettons ! Il rencontre cette femme, il reconnaît s
1249
Tristan qu’il porte en soi. Mais aussitôt paraît
une
anxiété dans l’entourage : l’amant comblé va-t-il encore aimer Iseut
1250
paré : on la perd en la possédant. Alors commence
une
« passion » nouvelle. On s’ingénie à renouveler l’obstacle et le comb
1251
l’obstacle et le combat et voici les « ruses » d’
une
passion débile qui cherche à s’entretenir : jalousie désirée, provoqu
1252
chez l’autre seulement — la coquetterie est alors
un
peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infidèle
1253
u’en l’imaginant sa maîtresse (ou dans les bras d’
un
autre). Cet amour-passion de Tristan et Iseut qui se dénouait dans la
1254
t qui se dénouait dans la mort, se dénouera alors
un
jour ou l’autre dans l’infidélité. Alors, il n’y a pas de solution ?
1255
dérer le mariage. Ne pas essayer de le fonder sur
une
obsession qu’on subit mais sur une décision qu’on assume. Être amoure
1256
le fonder sur une obsession qu’on subit mais sur
une
décision qu’on assume. Être amoureux est un état, aimer, un acte. On
1257
sur une décision qu’on assume. Être amoureux est
un
état, aimer, un acte. On subit un état. On décide un acte. Mais alor
1258
n qu’on assume. Être amoureux est un état, aimer,
un
acte. On subit un état. On décide un acte. Mais alors, on peut « déc
1259
re amoureux est un état, aimer, un acte. On subit
un
état. On décide un acte. Mais alors, on peut « décider » d’aimer et
1260
état, aimer, un acte. On subit un état. On décide
un
acte. Mais alors, on peut « décider » d’aimer et d’épouser n’importe
1261
ple. On arrive alors à cette conclusion : choisir
un
mari (ou une femme) pour toute la vie, finalement c’est parier. Et il
1262
ve alors à cette conclusion : choisir un mari (ou
une
femme) pour toute la vie, finalement c’est parier. Et il serait beauc
1263
d’apparences très raisonnables, relève toujours d’
une
sorte d’arbitraire dont ils s’engagent à assumer les suites heureuses
1264
heureuses ou non. La fidélité, alors, n’est plus
une
espèce de conservatisme, de conformisme, c’est un parti pris. Cette
1265
ne espèce de conservatisme, de conformisme, c’est
un
parti pris. Cette fidélité-décision représentera pour beaucoup une c
1266
ette fidélité-décision représentera pour beaucoup
une
contrainte exorbitante. Que peut-on en attendre ? Son but n’est pas l
1267
t n’est pas le bonheur, c’est la volonté de faire
une
œuvre. Dans la plus humble, la plus déshéritée des vies, la promesse
1268
ne œuvre. Dans la plus humble, la plus déshéritée
des
vies, la promesse de fidélité introduit une chance de faire œuvre, le
1269
ritée des vies, la promesse de fidélité introduit
une
chance de faire œuvre, le couple devant être considéré comme une œuvr
1270
aire œuvre, le couple devant être considéré comme
une
œuvre qu’on construit à deux et dont on tâche de faire une œuvre d’ar
1271
qu’on construit à deux et dont on tâche de faire
une
œuvre d’art. Cette fidélité-là, ce n’est pas seulement de ne pas trom
1272
st pas seulement de ne pas tromper (ce qui serait
une
preuve d’indigence et non d’amour). C’est vouloir le bien de l’autre
1273
n de l’angoisse, c’est l’acceptation de l’autre :
une
vie qui m’est alliée pour toute la vie, qui veut mon bien autant que
1274
stera-t-elle à la passion, si elle la rencontre ?
Un
homme ne peut à la fois croire au mariage — à la volonté — et à la pa
1275
et à la passion — à la fatalité. On aime croire à
une
« fatalité » — l’alibi de la culpabilité — mais de combien de complai
1276
s de combien de complaisances secrètes se compose
une
« fatalité » ! En résumé, la grande menace du mariage, c’est la passi
1277
de tous nos malheurs, soit définitivement balayé
des
consciences occidentales, et la crise du mariage se dénouera d’elle-m
1278
aussi qui le défie, l’anime, l’oblige à redevenir
un
choix vital et non pas une routine subie : la passion c’est le secret
1279
e, l’oblige à redevenir un choix vital et non pas
une
routine subie : la passion c’est le secret du mariage vivant. Mon but
1280
serait d’abord bien naïf, puisque la passion est
une
décision fondamentale, comme le mariage, et non pas une erreur, mais
1281
cision fondamentale, comme le mariage, et non pas
une
erreur, mais ce serait aussi vouloir supprimer l’un des pôles de notr
1282
reur, mais ce serait aussi vouloir supprimer l’un
des
pôles de notre tension créatrice. Que la passion disparaisse (et le m
1283
rsaire à sa taille) et nous irons tout droit vers
une
société sans surprise ni drames, disciplinée, normalisée, policée, hy
1284
soit au-delà de l’ordre et qu’il n’appelle alors
un
autre xiie siècle de l’amour… qui sera peut-être le xxie siècle.
1285
Introduit par cette note : « Tous les couples ont
des
histoires, même les couples heureux. Ils ont des problèmes, des décep
1286
des histoires, même les couples heureux. Ils ont
des
problèmes, des déceptions, des inquiétudes… Est-ce inévitable ? Non,
1287
même les couples heureux. Ils ont des problèmes,
des
déceptions, des inquiétudes… Est-ce inévitable ? Non, affirme Denis d
1288
s heureux. Ils ont des problèmes, des déceptions,
des
inquiétudes… Est-ce inévitable ? Non, affirme Denis de Rougemont dans
1289
dans L’Amour et l’Occident (Collection 10/18),
un
livre passionnant qui étudie et qui explique pourquoi les hommes et l
1290
leur vie conjugale. En effet, tout le mal vient d’
un
monstrueux contresens qui consiste à fonder le mariage sur la passion
1291
xiie siècle — elle n’en est pas moins elle aussi
une
“importation”, non une fatalité. D’où vient-elle ? Qui l’a introduite
1292
n est pas moins elle aussi une “importation”, non
une
fatalité. D’où vient-elle ? Qui l’a introduite en France ? Comment l’
1293
Une
interview de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle des centres c
1294
iew de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle
des
centres culturels internationaux (16 novembre 1963)i À la suite de
1295
M. Denis de Rougemont a bien voulu nous accorder
un
entretien au cours duquel nous lui avons posé quelques questions qui
1296
péennes », vous avez mentionné l’urgence de créer
des
centres internationaux culturels, au niveau des élites, afin d’établi
1297
r des centres internationaux culturels, au niveau
des
élites, afin d’établir la compréhension entre les peuples. Existe-t-i
1298
union, il a été décidé de former de tels centres,
un
peu partout dans le monde. Quelques-uns sont déjà constitués, notamme
1299
ui de Hammamet en Tunisie, pour le Maghreb arabe.
Un
autre se trouve à Madras, au sud de l’Inde, présidé par le Maharajah
1300
ud de l’Inde, présidé par le Maharajah de Mysore.
Un
Centre vient de se créer à Lagos, capitale du Nigéria, et l’on projet
1301
xistants, ainsi que ceux à créer par la suite, en
une
fédération ayant pour siège Genève. Nous encourageons les centres à p
1302
e Genève. Nous encourageons les centres à publier
des
ouvrages de base, traduits en plusieurs langues. Ces ouvrages doivent
1303
lusieurs langues. Ces ouvrages doivent constituer
une
synthèse de la culture propre à chaque pays ou continent. Notre civil
1304
Évidemment cela n’ira pas tout seul. Il y a tout
un
travail d’éducation à effectuer. Sous ce rapport, il est intéressant
1305
remarquable de l’édition dite « de poche ». C’est
un
excellent moyen de développement culturel. Aux États-Unis, par exempl
1306
livres ont été vendus en 1960, ce qui représente
une
moyenne d’un million par jour ! L’entretien a pris fin. Denis de Roug
1307
é vendus en 1960, ce qui représente une moyenne d’
un
million par jour ! L’entretien a pris fin. Denis de Rougemont s’apprê
1308
icacer quelques-uns de ses livres, parmi lesquels
un
ouvrage publié par une édition « de poche » précisément. Nous vous la
1309
ses livres, parmi lesquels un ouvrage publié par
une
édition « de poche » précisément. Nous vous laissons le soin de le dé
1310
leurs « libertés » et les dégagent de la tutelle
des
grands dynastes voisins, c’est à cause de leur position particulière
1311
dissout en États souverains et devient finalement
un
État comme les autres. Du moins les Ligues conservent-elles le princi
1312
ue leurs guerres font rage sur tout le continent,
des
voix suisses vont s’élever au nom de ce principe, pour rappeler que l
1313
uvernement de Pologne (1772), moins connue mais d’
un
intérêt considérable pour le lecteur d’aujourd’hui. Comme dans le Con
1314
me dans le Contrat social, il s’y fait l’avocat d’
une
confédération de nos pays inspirée de celle du « corps germanique »,
1315
e celle du « corps germanique », ou Saint-Empire,
des
états généraux de Hollande, et de la « Ligue helvétique ». L’Europe u
1316
pelle de ses vœux ne serait nullement unifiée par
un
despote ou par une idéologie, elle devrait être en somme une Europe d
1317
ne serait nullement unifiée par un despote ou par
une
idéologie, elle devrait être en somme une Europe des cités (ou des co
1318
ou par une idéologie, elle devrait être en somme
une
Europe des cités (ou des communes), formée de très petits États « où
1319
idéologie, elle devrait être en somme une Europe
des
cités (ou des communes), formée de très petits États « où tous les ci
1320
le devrait être en somme une Europe des cités (ou
des
communes), formée de très petits États « où tous les citoyens se conn
1321
sent mutuellement », mais qu’unissent les liens d’
une
« commune législation… et subordination au corps de la république ».
1322
subordination au corps de la république ». C’est
une
Europe intégralement fédéraliste qu’il préconise, et son module (élém
1323
lyse, n’être rien d’autre que la cité de Genève !
Un
peu plus tard, le Schaffhousois Jean de Müller, dans sa Vue générale
1324
États de l’Europe courent à leur ruine » faute d’
un
principe d’union, et que si leurs divisions persistent, l’avenir appa
1325
de Staël est suisse dans la mesure où elle ouvre
des
perspectives européennes, soit par son action personnelle à Coppet, o
1326
nos diverses nations se lient d’amitié, soit par
des
livres comme De l’Allemagne, qui rétablissent la circulation internat
1327
e, qui rétablissent la circulation internationale
des
idées, malgré les jacobins et le Premier Empire. Benjamin Constant n’
1328
est la mort. » Au même moment, la Sainte-Alliance
des
rois donne une base et une finalité expressément européenne à la neut
1329
Au même moment, la Sainte-Alliance des rois donne
une
base et une finalité expressément européenne à la neutralité de la Su
1330
nt, la Sainte-Alliance des rois donne une base et
une
finalité expressément européenne à la neutralité de la Suisse indépen
1331
t tandis que se forment dans le reste de l’Europe
des
nations unitaires sur le modèle français, promises aux guerres nation
1332
une Europe », et que le général Garibaldi préside
un
Congrès de la paix par l’unité européenne, auquel Hugo envoie un mess
1333
a paix par l’unité européenne, auquel Hugo envoie
un
message enflammé (Genève, 1864). Proudhon s’est peut-être souvenu de
1334
tre souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut
un
temps typographe) en écrivant son grand livre posthume, Du Principe f
1335
Principe fédératif ; mais il est bien certain qu’
un
de ses contemporains, J. C. Bluntschli, célèbre professeur à Heidelbe
1336
édéraliste suisse en rédigeant son Organisation d’
une
société d’États européens (1879). Auteur du Code civil de son canton
1337
a « nationalité suisse possède au plus haut degré
un
caractère très international », et c’est ce type d’union pluraliste,
1338
ent fédéraliste, qui lui paraît destiné à assurer
un
jour la paix en Europe. « Si cet idéal de l’avenir se réalise un jour
1339
en Europe. « Si cet idéal de l’avenir se réalise
un
jour, écrit-il en 1875, la nationalité suisse devra s’incorporer à la
1340
le projet très précis du juriste zurichois reste
une
des hypothèses de travail les plus fécondes dont les constituants de
1341
projet très précis du juriste zurichois reste une
des
hypothèses de travail les plus fécondes dont les constituants de l’Eu
1342
n de la guerre. À Hertenstein, en septembre 1946,
des
militants issus de la Résistance de plusieurs pays, réunis avec les d
1343
unis avec les dirigeants d’Europa-Union, rédigent
une
déclaration qui va servir de base à la création de l’Union européenne
1344
ervir de base à la création de l’Union européenne
des
fédéralistes. Celle-ci, qui groupe rapidement une vingtaine de mouvem
1345
des fédéralistes. Celle-ci, qui groupe rapidement
une
vingtaine de mouvements nationaux, et plus de 100 000 membres, tient
1346
du congrès de Montreux que germe l’idée de réunir
des
états généraux de l’Europe sous la présidence de Churchill, — dont le
1347
ours appelant les peuples du continent à former «
une
sorte de lien fédéral » a été prononcé à Zurich un an plus tôt. Cette
1348
e sorte de lien fédéral » a été prononcé à Zurich
un
an plus tôt. Cette idée aussitôt adoptée par les leaders de l’UEF con
1349
uté du charbon et de l’acier, tentative avortée d’
une
communauté de défense, puis réussite du Marché commun des Six et répl
1350
unauté de défense, puis réussite du Marché commun
des
Six et réplique des Sept de l’AELE, essor de l’économie européenne, d
1351
uis réussite du Marché commun des Six et réplique
des
Sept de l’AELE, essor de l’économie européenne, discussion généralisé
1352
congrès de La Haye ayant préconisé la création d’
un
Centre européen de la culture, celui-ci s’organise à Genève et convoq
1353
celui-ci s’organise à Genève et convoque aussitôt
une
grande conférence qui se tient à Lausanne, au mois de décembre 1949.
1354
u CERN, la Fondation européenne de la culture, et
une
série d’initiatives groupant des instituts universitaires, des festiv
1355
e la culture, et une série d’initiatives groupant
des
instituts universitaires, des festivals de musique, des éditeurs, édu
1356
nitiatives groupant des instituts universitaires,
des
festivals de musique, des éditeurs, éducateurs, historiens, sociologu
1357
stituts universitaires, des festivals de musique,
des
éditeurs, éducateurs, historiens, sociologues, économistes, spécialis
1358
istoriens, sociologues, économistes, spécialistes
des
cultures d’outre-mer, etc. La première « chaire européenne » a été cr
1359
été créée en 1957 par l’Université de Lausanne et
un
centre de recherches lui a été adjoint tôt après. Genève a suivi en o
1360
été adjoint tôt après. Genève a suivi en ouvrant
un
Institut d’études européennes en 1963. Une nouvelle conférence europé
1361
ouvrant un Institut d’études européennes en 1963.
Une
nouvelle conférence européenne de la culture, sur le thème « L’Europe
1362
l’idée européenne semble avoir trouvé parmi nous
un
climat favorable et un terrain fertile. Rousseau, Benjamin Constant,
1363
le avoir trouvé parmi nous un climat favorable et
un
terrain fertile. Rousseau, Benjamin Constant, Jean de Müller, déjà ci
1364
Reynold auteur de Formation de l’Europe, méritent
une
place de choix dans toute anthologie de l’idée européenne. C’est en S
1365
légale ? Et que pensaient les Suisses moyens ? ⁂
Des
lendemains de la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux environs de 1960,
1366
perdu ! Ça ne se fera jamais ! » Je me souviens d’
un
débat devant le micro en février 1953, au cours duquel un de nos plus
1367
devant le micro en février 1953, au cours duquel
un
de nos plus célèbres professeurs de sciences politiques déclara au su
1368
ransports, notamment. Je me vis dans l’obligation
un
peu gênante de rappeler que le premier passage à la frontière franco-
1369
premier passage à la frontière franco-allemande d’
un
train de charbon libre de droits de douane était fixé au lendemain ma
1370
e de la Suisse allemande : elle relevait en effet
des
affaires « étrangères », plutôt mal vues à cause de l’adjectif. Notre
1371
d’association au Marché commun prit pour certains
une
allure de Canossa sans agenouillement, donc sans pardon. Et notre arr
1372
contraire à cette neutralité. La Suisse recevrait
des
ordres d’un pouvoir extérieur, et c’en serait fait du « rôle particul
1373
ette neutralité. La Suisse recevrait des ordres d’
un
pouvoir extérieur, et c’en serait fait du « rôle particulier » qu’ell
1374
le (Croix-Rouge) ou diplomatique (représentations
des
intérêts d’autres pays en conflit, bons offices lors de la guerre d’A
1375
ments constitutionnels. — Si la Suisse adhérait à
une
union supranationale, le pouvoir fédéral serait amené à promulguer de
1376
ale, le pouvoir fédéral serait amené à promulguer
des
décisions qui sont actuellement du ressort des cantons. Le droit d’ét
1377
er des décisions qui sont actuellement du ressort
des
cantons. Le droit d’établissement, la législation du travail, le régi
1378
— par exemple — devraient être uniformisés selon
des
directives « européennes ». Ce serait contraire à notre Constitution.
1379
jusqu’ici sans subordonner son économie à celle d’
un
groupe de nations européennes. Elle tient à garder libres ses échange
1380
donc pas payante. Arguments traditionalistes. —
Des
représentants de l’industrie, et quelquefois de la culture, croient d
1381
oient distinguer dans les projets d’Europe unie «
une
politique d’unification qui vise à mêler les peuples d’Europe pour él
1382
caractéristiques nationales et les remplacer par
un
sentiment européen », ainsi que le déclarait le 3 mai 1962 M. Homberg
1383
quent les partisans de l’entrée de la Suisse dans
une
Europe unie ou fédérée. Arguments politiques. — La neutralité suisse
1384
intérieures l’ont contrainte à se retirer du jeu
des
puissances militaires. La neutralité n’a jamais été qu’un moyen au se
1385
ances militaires. La neutralité n’a jamais été qu’
un
moyen au service de notre indépendance ; « elle ne fait pas partie de
1386
a permis les interventions de la Croix-Rouge lors
des
conflits européens et celles de la diplomatie suisse lors de la guerr
1387
suisse lors de la guerre d’Algérie, l’existence d’
une
Europe unie eût peut-être été capable, elle, de prévenir ces crises,
1388
Puissances garantirent en 1815. Si elle en vient
un
jour à s’opposer aux intérêts de l’Europe entière, on s’apercevra qu’
1389
URSS ou la Chine de l’autre, c’est d’abord opérer
un
coup d’État contre notre statut présent de neutralité, et c’est absur
1390
tionnels. — Le prof. Paul Guggenheim a démontré d’
une
manière magistrale que l’adhésion de la Suisse à une organisation eur
1391
manière magistrale que l’adhésion de la Suisse à
une
organisation européenne telle que la CEE ne serait pas incompatible a
1392
hé commun, elle ne saurait justifier ce refus par
des
motifs juridiques et des prétextes tirés de la « démocratie directe »
1393
t justifier ce refus par des motifs juridiques et
des
prétextes tirés de la « démocratie directe », mais uniquement par des
1394
de la « démocratie directe », mais uniquement par
des
motifs politiques, qu’elle reste libre d’avancer18. Et ceci nous renv
1395
exemple, nos importations proviennent pour 65,3 %
des
Six, pour 13,4 % des Sept, pour 21,3 % du reste du monde. De nos expo
1396
ions proviennent pour 65,3 % des Six, pour 13,4 %
des
Sept, pour 21,3 % du reste du monde. De nos exportations, deux tiers
1397
800 000 en 1963. Que peuvent bien signifier, dans
une
telle conjoncture, les rêveries des experts fédéraux qui, sans oser p
1398
gnifier, dans une telle conjoncture, les rêveries
des
experts fédéraux qui, sans oser prôner une autarcie plus impossible e
1399
veries des experts fédéraux qui, sans oser prôner
une
autarcie plus impossible encore chez nous qu’ailleurs, n’en affirment
1400
lleurs, n’en affirment pas moins que s’il le faut
un
jour, la Suisse fara da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes
1401
es plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas avec
des
longues piques, des crampons de fer aux pieds et une résolution farou
1402
Morgarten. Ce n’est pas avec des longues piques,
des
crampons de fer aux pieds et une résolution farouche, que nous pourro
1403
longues piques, des crampons de fer aux pieds et
une
résolution farouche, que nous pourrons faire face à une Europe unie,
1404
solution farouche, que nous pourrons faire face à
une
Europe unie, — j’entends unie sans nous et malgré nous. Arguments tr
1405
s. Arguments traditionalistes. — Il est clair qu’
une
Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pour la Suisse.
1406
traditionalistes. — Il est clair qu’une Europe «
une
et indivisible » serait une catastrophe pour la Suisse. Mais personne
1407
clair qu’une Europe « une et indivisible » serait
une
catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la préconise, en réalité
1408
conise, en réalité. Il est clair, en revanche, qu’
une
Europe fédérée, donc respectueuse de ses diversités comme nous des nô
1409
e, donc respectueuse de ses diversités comme nous
des
nôtres, s’accorderait avec la vocation traditionnelle de la Suisse. M
1410
es cantonales. Et il est pour le moins bizarre qu’
un
porte-parole des industriels suisses accuse la « politique d’unificat
1411
t il est pour le moins bizarre qu’un porte-parole
des
industriels suisses accuse la « politique d’unification » de vouloir
1412
er. Si M. Homberger croit vraiment que le mélange
des
peuples est un danger majeur pour son pays, il n’a pas le droit d’en
1413
ger croit vraiment que le mélange des peuples est
un
danger majeur pour son pays, il n’a pas le droit d’en conclure au ref
1414
cause directe du « mal » en question, si c’en est
un
. Mais il y a plus. Les traits typiques de ce pays ont changé avec les
1415
encore, à l’étranger, le nom de la Suisse évoque
des
vaches et des vachers, des fromages, des yodleurs et de gras pâturage
1416
tranger, le nom de la Suisse évoque des vaches et
des
vachers, des fromages, des yodleurs et de gras pâturages. En fait, ce
1417
om de la Suisse évoque des vaches et des vachers,
des
fromages, des yodleurs et de gras pâturages. En fait, cette « caracté
1418
e évoque des vaches et des vachers, des fromages,
des
yodleurs et de gras pâturages. En fait, cette « caractéristique natio
1419
cette « caractéristique nationale » n’en est plus
une
depuis longtemps. Vers 1900 déjà, les Suisses vivant de l’agriculture
1420
vivant de l’agriculture ne représentaient plus qu’
un
tiers de la population totale. En 1963, c’est 10,5 %. On peut le dépl
1421
era rien. (À moins que notre isolement n’entraîne
un
retour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’est pas la Suisse
1422
on de l’Europe unie, sous prétexte de sauvegarder
des
« caractéristiques » déjà perdues, c’est probablement refuser au nom
1423
déjà perdues, c’est probablement refuser au nom d’
un
mythe passéiste le seul moyen de sauver la Suisse réelle. Ou c’est co
1424
. Ou c’est courir à l’aventure certaine, au nom d’
une
prudence aveugle, et sous le prétexte d’une « indépendance » dont not
1425
nom d’une prudence aveugle, et sous le prétexte d’
une
« indépendance » dont notre peuple n’est pas disposé plus qu’un autre
1426
nce » dont notre peuple n’est pas disposé plus qu’
un
autre à payer le prix exorbitant. ⁂ Tels étant les termes du débat qu
1427
ai toujours milité — il faut bien reconnaître que
des
deux côtés, une sorte de gêne empêche d’aller en toute franchise au b
1428
té — il faut bien reconnaître que des deux côtés,
une
sorte de gêne empêche d’aller en toute franchise au bout des argument
1429
en toute franchise au bout des arguments, au fond
des
choses. Elle s’explique peut-être en partie par nos coutumes fédérali
1430
te à fond et qu’on ne se laisse pas entraîner par
une
verve logique ou polémique qui risquerait de paraître peu réaliste, v
1431
eutralité : c’est devenu, dans la Suisse moderne,
un
crime de lèse-majesté. Personne n’ose donc crier trop fort, et c’est
1432
rès clair — mon utopie — est que la Suisse adhère
un
jour à une union européenne de type expressément fédéraliste, qui ren
1433
— mon utopie — est que la Suisse adhère un jour à
une
union européenne de type expressément fédéraliste, qui renoncerait à
1434
ui renoncerait à la guerre comme moyen politique.
Une
telle Europe reprendrait à son compte ce qui demeure valable et même
1435
alable et même indispensable dans la neutralité d’
une
fédération. Mais il n’y a aucune chance qu’on nous offre cela, si nou
1436
nne paraît tourner chez nous autour de la défense
des
intérêts particuliers de la Suisse. Je diffère dans ce domaine de la
1437
ns ce domaine de la majorité. Certes, je crois qu’
une
Europe fédérée sauverait seule à long terme nos chères diversités et
1438
européen. Mais quand j’aurais tort sur ce point,
un
autre aspect non moins important du problème resterait posé hic et nu
1439
tant que Suisses, et comme État qui entend garder
une
raison d’être. Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à don
1440
auver ; ce que l’Europe est en droit d’attendre d’
une
Suisse qui fait partie de sa communauté et qui en est bénéficiaire, e
1441
e nous attendons et surtout redoutons de l’action
des
autres. Situés au cœur géographique et historique du continent europé
1442
n son nom, nous nous devons dorénavant de prendre
des
initiatives. Initiatives pacifiques, je dis bien, dans l’esprit qui e
1443
saurait croire à la seule force comme accoucheuse
des
sociétés, et gardera toujours un œil sur la neutralité étendue à l’Eu
1444
mme accoucheuse des sociétés, et gardera toujours
un
œil sur la neutralité étendue à l’Europe. Aux deux solutions en prése
1445
et pratique négative, quand nous avons à proposer
une
expérience passionnante, remarquablement positive et tellement opport
1446
i cette timidité ? L’histoire n’est pas faite par
des
gens qui défendent leur position, mais bien par ceux qui créent des p
1447
dent leur position, mais bien par ceux qui créent
des
positions nouvelles. Ce que l’Europe et le monde attendent de nous, c
1448
attendent de nous, ce n’est pas l’exposé lassant
des
raisons de notre « réserve » devant tout ce que d’autres proposent, m
1449
devant tout ce que d’autres proposent, mais c’est
un
plan d’union qui nous convienne et auquel nous puissions adhérer « sa
1450
rchés, les plus grandes unions, l’interdépendance
des
pays et les échanges intensifiés, la Suisse doit enfin déclarer une a
1451
hanges intensifiés, la Suisse doit enfin déclarer
une
attitude constructive, au-delà du philanthropisme en fin de compte in
1452
té », conférence au congrès de l’Union européenne
des
fédéralistes de Suisse, le 25 novembre 1962. M. Miéville précise : «
1453
rappelais au début de cet article que c’est pour
une
mission spéciale, la garde du Gothard dans les intérêts de l’Empire e
1454
et neutralité de la Suisse, Bâle, Société suisse
des
juristes, 1963. l. Rougemont Denis de, « L’idée européenne en Suiss
1455
ie en Suisse (1964)n La plus belle œuvre d’art
des
Suisses est d’avoir fédéré librement leurs vingt-deux États souverain
1456
n catholique et l’autre protestant ; l’un qui est
une
ville moderne, l’autre une vallée des Alpes ; ici l’on parle un diale
1457
testant ; l’un qui est une ville moderne, l’autre
une
vallée des Alpes ; ici l’on parle un dialecte allemand, là le françai
1458
’un qui est une ville moderne, l’autre une vallée
des
Alpes ; ici l’on parle un dialecte allemand, là le français, ailleurs
1459
ne, l’autre une vallée des Alpes ; ici l’on parle
un
dialecte allemand, là le français, ailleurs encore l’italien, ou le r
1460
l’inégalité de l’étendue, du nombre d’habitants,
des
ressources matérielles et du mode de vie traditionnel. Mais cette réu
1461
es. Elle exclut, par définition, la possibilité d’
une
culture nationale et uniforme, d’un marché national des lettres et de
1462
ossibilité d’une culture nationale et uniforme, d’
un
marché national des lettres et des arts, et d’une grande capitale int
1463
lture nationale et uniforme, d’un marché national
des
lettres et des arts, et d’une grande capitale intellectuelle. Le peti
1464
et uniforme, d’un marché national des lettres et
des
arts, et d’une grande capitale intellectuelle. Le petit Appenzellois
1465
’un marché national des lettres et des arts, et d’
une
grande capitale intellectuelle. Le petit Appenzellois et le petit Gen
1466
D’autre part, les vertus civiques sans lesquelles
une
solide fédération n’aurait jamais pu s’agencer et n’aurait pas duré l
1467
rbulence intellectuelle indispensable à l’essor d’
une
carrière prestigieuse ou d’une école qui impose un style. Le sens du
1468
nsable à l’essor d’une carrière prestigieuse ou d’
une
école qui impose un style. Le sens du compromis, la réserve prudente
1469
e carrière prestigieuse ou d’une école qui impose
un
style. Le sens du compromis, la réserve prudente dans l’expression de
1470
ession de la pensée s’il s’agit d’autre chose que
des
grands lieux communs mainteneurs d’une communauté, font la force prin
1471
chose que des grands lieux communs mainteneurs d’
une
communauté, font la force principale d’un régime fédéral mais la faib
1472
eurs d’une communauté, font la force principale d’
un
régime fédéral mais la faiblesse des mouvements novateurs en art et e
1473
principale d’un régime fédéral mais la faiblesse
des
mouvements novateurs en art et en littérature. Mosaïque de compartime
1474
la Suisse se verrait condamnée à ne produire que
des
œuvres moyennes ou d’intérêt purement local et folklorique si chacun
1475
rdent le privilège de participer de plein droit à
des
ensembles bien plus vastes que la Suisse : culture germanique ou cult
1476
re latine, tradition réformée ou romaine, ouvrant
des
horizons continentaux. Entre le petit compartiment où ils sont nés et
1477
s’il monte sur la montagne… Alors, cette ivresse
des
sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacle devant la pen
1478
rmaine de Staël. Il s’appelle Burckhardt ou, dans
un
autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. » C’est ainsi qu
1479
si que les Suisses ont donné à l’Europe plusieurs
des
plus grands noms du xxe siècle : Ferdinand de Saussure pour la lingu
1480
a ? Eh bien, ils peuvent se prévaloir en Suisse d’
un
Arthur Honegger pour la musique, d’un Spitteler et d’un Ramuz pour la
1481
en Suisse d’un Arthur Honegger pour la musique, d’
un
Spitteler et d’un Ramuz pour la littérature, d’un Hodler et d’un Paul
1482
hur Honegger pour la musique, d’un Spitteler et d’
un
Ramuz pour la littérature, d’un Hodler et d’un Paul Klee pour la pein
1483
un Spitteler et d’un Ramuz pour la littérature, d’
un
Hodler et d’un Paul Klee pour la peinture, d’un Alberto Giacometti po
1484
d’un Ramuz pour la littérature, d’un Hodler et d’
un
Paul Klee pour la peinture, d’un Alberto Giacometti pour la sculpture
1485
d’un Hodler et d’un Paul Klee pour la peinture, d’
un
Alberto Giacometti pour la sculpture, d’un Dürrenmatt et d’un Max Fri
1486
ure, d’un Alberto Giacometti pour la sculpture, d’
un
Dürrenmatt et d’un Max Frisch pour le théâtre, d’un chef d’orchestre
1487
iacometti pour la sculpture, d’un Dürrenmatt et d’
un
Max Frisch pour le théâtre, d’un chef d’orchestre comme Ernest Anserm
1488
Dürrenmatt et d’un Max Frisch pour le théâtre, d’
un
chef d’orchestre comme Ernest Ansermet, d’un historien de l’art comme
1489
e, d’un chef d’orchestre comme Ernest Ansermet, d’
un
historien de l’art comme Wölfflin. Sans oublier le grand clown que fu
1490
almarès plus qu’honorable ne suffit pas à définir
un
style ni une école particulière, mais il suppose un climat de culture
1491
qu’honorable ne suffit pas à définir un style ni
une
école particulière, mais il suppose un climat de culture d’une densit
1492
style ni une école particulière, mais il suppose
un
climat de culture d’une densité probablement très supérieure à celle
1493
ticulière, mais il suppose un climat de culture d’
une
densité probablement très supérieure à celle qu’on pourrait mesurer d
1494
elle tranche de cinq à six millions d’habitants d’
un
très grand pays. Or, dans le domaine de la culture, la densité vaut s
1495
ité vaut souvent la grandeur. On compte en Suisse
une
université pour 750 000 habitants, contre une pour deux à trois milli
1496
sse une université pour 750 000 habitants, contre
une
pour deux à trois millions dans les autres pays d’Europe. Faut-il met
1497
n avec l’indice Nobel — qui indique la proportion
des
prix décernés pour les sciences par million d’habitants d’un pays, de
1498
ernés pour les sciences par million d’habitants d’
un
pays, de 1901 à 1961 — et qui atteint le maximum de 2,62 pour la Suis
1499
mark, deuxième sur la liste, étant de 1,43, celui
des
États-Unis de 0,4, et celui de la Russie puis de l’URSS de 0,03 ? Il
1500
t de grands avantages culturels, et la Suisse est
une
grappe de pays minuscules… Mais les trop petites dimensions ont aussi
1501
un dans son coin veut tout faire et ne dispose ni
des
moyens ni d’un public suffisant. Nos facultés des sciences comme nos
1502
veut tout faire et ne dispose ni des moyens ni d’
un
public suffisant. Nos facultés des sciences comme nos troupes de théâ
1503
des moyens ni d’un public suffisant. Nos facultés
des
sciences comme nos troupes de théâtre, nos revues comme nos écoles d’
1504
et s’en nourrir, au lieu de s’y laisser dissoudre
une
à une. La santé des arts et des lettres, dans nos cantons, est donc l
1505
n nourrir, au lieu de s’y laisser dissoudre une à
une
. La santé des arts et des lettres, dans nos cantons, est donc liée au
1506
lieu de s’y laisser dissoudre une à une. La santé
des
arts et des lettres, dans nos cantons, est donc liée au vrai fédérali
1507
laisser dissoudre une à une. La santé des arts et
des
lettres, dans nos cantons, est donc liée au vrai fédéralisme, qui n’e
1508
clocher, ni l’abandon à l’uniformité imposée par
une
mode étrangère. Cette condition de la culture en Suisse, cette nécess
1509
ilà ce qui me paraît digne de retenir l’attention
des
visiteurs de la section « Les arts dans la vie ». Ils y verront peut-
1510
« Les arts dans la vie ». Ils y verront peut-être
une
préfigure de l’Europe à venir, cherchant l’union de ses peuples au bé
1511
Suisse, où je subissais l’entraînement intensif d’
une
école d’officiers ; et comme un chagrin très amer m’occupait entièrem
1512
ement intensif d’une école d’officiers ; et comme
un
chagrin très amer m’occupait entièrement le cœur, je trouvais à l’arm
1513
rouvais à l’armée ce que d’autres vont demander à
une
retraite conventuelle. Cette circonstance peut expliquer pourquoi cer
1514
tte circonstance peut expliquer pourquoi certains
des
incidents de la vie militaire, qui n’étaient que routine aux yeux de
1515
de mes instructeurs, m’apparurent tout chargés d’
un
sens qui dépassait de beaucoup leur portée immédiate et l’intention d
1516
n du règlement. J’accueillais toute épreuve comme
une
leçon, et toute leçon comme un symbole. La personnalité exceptionnell
1517
ute épreuve comme une leçon, et toute leçon comme
un
symbole. La personnalité exceptionnelle, et par là même impopulaire,
1518
ositions du moment. Le colonel de P. cachait sous
des
manies, qui le faisaient passer pour un original, une véritable origi
1519
ait sous des manies, qui le faisaient passer pour
un
original, une véritable originalité d’allure et d’âme. Il parlait peu
1520
manies, qui le faisaient passer pour un original,
une
véritable originalité d’allure et d’âme. Il parlait peu, mais l’éléga
1521
rru qu’on tient pour énergique dans les casernes,
une
indépendance d’esprit qui chez un officier plus jeune n’eût pas manqu
1522
les casernes, une indépendance d’esprit qui chez
un
officier plus jeune n’eût pas manqué d’être taxée d’insolence ou d’hu
1523
mes, où il était de mise de ne pas aimer ce chef.
Un
jour, à peine entré dans notre salle de cours, il nous posa cette que
1524
os essais de formulation scolaire, interrompant d’
un
geste bref ceux qui s’annonçaient encore pour répondre, il scanda : «
1525
it de réveiller. » Puis il sortit. Ce n’était pas
une
définition, c’était plus grave : nous comprîmes tous que quelque chos
1526
complet. La deuxième marche fut de 70 kilomètres,
une
semaine plus tard. Et ce n’était qu’une préparation pour la « grande
1527
lomètres, une semaine plus tard. Et ce n’était qu’
une
préparation pour la « grande course » finale : 150 kilomètres par-des
1528
te-trois heures. Pour la plupart des officiers et
des
élèves de l’école, la perspective de la « grande course » était un su
1529
ole, la perspective de la « grande course » était
un
sujet permanent d’irritation et de protestations : « Il nous fera tou
1530
i-voix quand passait le colonel, toujours suivi d’
un
grand chien blanc. On répétait qu’une troupe moderne se déplace en ca
1531
ours suivi d’un grand chien blanc. On répétait qu’
une
troupe moderne se déplace en camion ou en train et que ces marches ne
1532
ifs ? Il concevait l’armée en général, et celle d’
un
pays neutre plus qu’une autre, comme l’instrument d’éducation de cert
1533
mée en général, et celle d’un pays neutre plus qu’
une
autre, comme l’instrument d’éducation de certaines énergies déprimées
1534
épreuve « inutile » à notre école, il poursuivait
un
but précis. Il voulait nous laisser le souvenir d’avoir une fois au m
1535
vie accompli quelque chose d’excessif, et fourni
un
effort qui dépassât de beaucoup le maximum que nous pensions pouvoir
1536
ns pouvoir tirer de nous. Il était de la nature d’
un
tel projet que ses motifs ne fussent point divulgués, mais en même te
1537
de P. nous laissait faire de sa « Grande course »
un
mythe, avec tout ce que le mythe comporte d’effrayant et de contraign
1538
son. Tout cela faisait partie, comme on le verra,
des
conditions nécessaires au succès, et aux leçons que devait illustrer
1539
serait de 25 kilomètres, et devait nous porter d’
un
bond jusqu’au lac Noir. De là, nous gravirions les pentes des Préalpe
1540
qu’au lac Noir. De là, nous gravirions les pentes
des
Préalpes, puis nous longerions la vallée qui monte lentement jusqu’au
1541
faudrait franchir les Alpes pendant la nuit, par
un
col escarpé dans les rochers ; l’aube se lèverait sur le Valais, et c
1542
it sur le Valais, et ce serait la dernière étape,
une
longue dégringolade de deux-mille mètres à travers les alpages dénudé
1543
de châtaigniers, et finalement dans la poussière
des
chemins de vigne, jusqu’aux pavés de la vieille ville de Sion. Nous m
1544
s de la vieille ville de Sion. Nous marchions sur
une
route asphaltée, — une file à gauche, une file à droite — notre vieux
1545
e Sion. Nous marchions sur une route asphaltée, —
une
file à gauche, une file à droite — notre vieux colonel en tête, maigr
1546
ons sur une route asphaltée, — une file à gauche,
une
file à droite — notre vieux colonel en tête, maigre silhouette aux ja
1547
s dans ses bandes molletières grises. L’air vif d’
une
aube automnale nous grisait, mal réveillés encore, et parlant peu. Le
1548
ieurs en profitaient pour rajuster minutieusement
une
courroie du paquetage, le pli d’un sous-vêtement ou d’une chaussette,
1549
inutieusement une courroie du paquetage, le pli d’
un
sous-vêtement ou d’une chaussette, un clou de soulier perçant un peu
1550
roie du paquetage, le pli d’un sous-vêtement ou d’
une
chaussette, un clou de soulier perçant un peu la semelle — détails in
1551
e, le pli d’un sous-vêtement ou d’une chaussette,
un
clou de soulier perçant un peu la semelle — détails infimes et insens
1552
t ou d’une chaussette, un clou de soulier perçant
un
peu la semelle — détails infimes et insensibles au départ, qui se rév
1553
se révèlent à longueur de marche, causant d’abord
une
légère irritation, puis une blessure, et forçant finalement à l’aband
1554
rche, causant d’abord une légère irritation, puis
une
blessure, et forçant finalement à l’abandon de la course, si l’on n’y
1555
rt. La route montait maintenant vers le lac Noir.
Une
auberge blanche à toit rouge, dans un jardin au bord de l’eau, marqua
1556
lac Noir. Une auberge blanche à toit rouge, dans
un
jardin au bord de l’eau, marquait la fin de la première étape. Nous n
1557
in de la première étape. Nous nous assîmes devant
une
collation — pain, beurre, confiture et café — servie sur de longues t
1558
e marche sur route nous laissaient aussi frais qu’
une
promenade. Et tout d’un coup je découvris ceci : Quand on part pour u
1559
aissaient aussi frais qu’une promenade. Et tout d’
un
coup je découvris ceci : Quand on part pour une marche de deux heures
1560
d’un coup je découvris ceci : Quand on part pour
une
marche de deux heures, la fatigue vient au bout d’une heure. Quand on
1561
marche de deux heures, la fatigue vient au bout d’
une
heure. Quand on part pour une marche de cinq heures, on se met à traî
1562
gue vient au bout d’une heure. Quand on part pour
une
marche de cinq heures, on se met à traîner les pieds après la troisiè
1563
t dures. Mais si le corps s’est disposé à fournir
un
effort de trente-trois heures, les cinq premières n’étant qu’une mise
1564
rente-trois heures, les cinq premières n’étant qu’
une
mise en train, ne fatiguent pas. L’organisme, tout simplement, ne se
1565
e nécessaire au succès de l’entreprise. L’appel d’
un
but lointain dégage ainsi des forces ordinairement insoupçonnées par
1566
ntreprise. L’appel d’un but lointain dégage ainsi
des
forces ordinairement insoupçonnées par celui qui se bornait à de cour
1567
la facilité avec laquelle nous venions de couvrir
une
étape de 25 kilomètres. Mais à son tour, cet entraînement n’avait été
1568
remière étape à la Jeunesse. Car la vraie force d’
un
homme jeune ne vient-elle pas de ce qu’il imagine un très long temps
1569
homme jeune ne vient-elle pas de ce qu’il imagine
un
très long temps de marche devant lui, et certains objectifs qui, peut
1570
ps et l’âme en alerte constante se préparent pour
une
course de fond et, c’est ce qui définit, biologiquement et moralement
1571
emps jeunes ceux qui gardent longtemps devant eux
des
buts grands et lointains. Et c’est pourquoi le créateur vieillit moin
1572
la quarantaine poindra l’angoisse de n’avoir plus
un
temps illimité pour rejoindre ses rêves ou sa vision. Beaucoup choisi
1573
ision. Beaucoup choisissent alors de se réduire à
des
objectifs accessibles. Et aussitôt, les forces en réserve — à l’arriè
1574
erve — à l’arrière, mais pour l’avenir — marquent
un
temps d’hésitation : c’est qu’on n’exige plus autant d’elles, et c’es
1575
r voir plus grand et plus loin ; d’où peut naître
une
seconde jeunesse dont on se sentira maître et dispensateur, tandis qu
1576
ravissions maintenant les flancs à l’herbe rase d’
une
montagne en forme de lion couché. Je me souviens de l’élasticité du s
1577
ion couché. Je me souviens de l’élasticité du sol
un
peu glissant sous nos semelles cloutées, et de l’alacrité de l’air al
1578
is l’attrait du sommet qu’on distinguait derrière
des
épaulements sans cesse renaissants produisait dans nos muscles et not
1579
ants produisait dans nos muscles et notre volonté
des
énergies nouvelles pour cet effort nouveau. Nous marchions depuis une
1580
es pour cet effort nouveau. Nous marchions depuis
une
dizaine d’heures, mais la fatigue a la propriété de s’évaporer dans l
1581
tigue a la propriété de s’évaporer dans la joie d’
une
cime conquise. Il y eut une halte horaire de dix minutes, dans le ven
1582
aporer dans la joie d’une cime conquise. Il y eut
une
halte horaire de dix minutes, dans le vent violent des sommets. Déjà
1583
alte horaire de dix minutes, dans le vent violent
des
sommets. Déjà la route parcourue s’effaçait derrière nous sous une br
1584
la route parcourue s’effaçait derrière nous sous
une
brume d’un bleu sombre. Ce premier tiers de l’aventure nous avait sim
1585
rcourue s’effaçait derrière nous sous une brume d’
un
bleu sombre. Ce premier tiers de l’aventure nous avait simplement ass
1586
en tirer plus que la mesure. Devant nous, fermant
une
vallée qu’il nous fallait d’abord aller rejoindre, environ mille mètr
1587
ensuite jusqu’à son origine, se dressait la paroi
des
Alpes. La descente paraît au novice plus facile que la montée, mais c
1588
er et de laisser ainsi se disloquer les rythmes d’
un
effort de longue haleine. D’instinct, nous retenions le pas. La lumiè
1589
. D’instinct, nous retenions le pas. La lumière d’
une
fin d’après-midi découpait chaque détail des parois orangées qui s’él
1590
re d’une fin d’après-midi découpait chaque détail
des
parois orangées qui s’élevaient par degrés autour de nous, modelait l
1591
és autour de nous, modelait largement les croupes
des
alpages, et donnait à ce haut désert sa réalité la plus dure, ses dim
1592
s du spectacle… Nous découvrîmes dans la distance
un
troupeau d’une centaine de chamois. Leur chef en tête bien détaché du
1593
… Nous découvrîmes dans la distance un troupeau d’
une
centaine de chamois. Leur chef en tête bien détaché du gros, ils se d
1594
u gros, ils se déplaçaient par à-coups, au pied d’
une
paroi de rochers couronnant un grand cirque d’éboulis rutilants. À no
1595
-coups, au pied d’une paroi de rochers couronnant
un
grand cirque d’éboulis rutilants. À notre vue, ou peut-être à nos cri
1596
notre vue, ou peut-être à nos cris, on eût dit qu’
une
vague électrique parcourait le troupeau de bout en bout : il ondula d
1597
bout en bout : il ondula d’abord sur place comme
une
houle, puis se mit tout entier à courir, par grands bonds et zigzags
1598
t à angle droit, au petit trot, et coula derrière
une
crête. La peur et la faim le guidaient dans ces détours qu’on eût dit
1599
al de la marche, poursuivait à travers le paysage
une
avance opiniâtre et rectiligne, sans but immédiat ou visible. Les but
1600
ectiligne, sans but immédiat ou visible. Les buts
des
hommes sont dans leur tête, ou dans leur cœur. Quand les ombres monta
1601
s entrâmes dans l’irréel. Le paysage s’éteignait.
Un
dernier sommet rose feu disparut derrière un talus, puis le talus dev
1602
ait. Un dernier sommet rose feu disparut derrière
un
talus, puis le talus devint la nuit, et le monde ne fut plus qu’un ch
1603
talus devint la nuit, et le monde ne fut plus qu’
un
chemin où des pierres roulaient sous nos pas, jetant parfois des étin
1604
la nuit, et le monde ne fut plus qu’un chemin où
des
pierres roulaient sous nos pas, jetant parfois des étincelles. Au fon
1605
es pierres roulaient sous nos pas, jetant parfois
des
étincelles. Au fond de la vallée, nous reprîmes la route — surprise a
1606
plus silencieuse, rythmée par le sourd cliquetis
des
gamelles et des casques fixés aux ceinturons, parut cesser d’être un
1607
e, rythmée par le sourd cliquetis des gamelles et
des
casques fixés aux ceinturons, parut cesser d’être un progrès de but e
1608
casques fixés aux ceinturons, parut cesser d’être
un
progrès de but en but, devint une sorte de durée suspendue dans l’esp
1609
ut cesser d’être un progrès de but en but, devint
une
sorte de durée suspendue dans l’espace obscur, et qui n’était plus me
1610
qui n’était plus mesurée que par l’alourdissement
des
membres. Un vent froid descendait des Alpes, une pluie fine s’établit
1611
lus mesurée que par l’alourdissement des membres.
Un
vent froid descendait des Alpes, une pluie fine s’établit. Tout ne fu
1612
urdissement des membres. Un vent froid descendait
des
Alpes, une pluie fine s’établit. Tout ne fut plus, pendant des heures
1613
des membres. Un vent froid descendait des Alpes,
une
pluie fine s’établit. Tout ne fut plus, pendant des heures, qu’automa
1614
e pluie fine s’établit. Tout ne fut plus, pendant
des
heures, qu’automatismes à peine surveillés, rêveries au loin d’une co
1615
tomatismes à peine surveillés, rêveries au loin d’
une
conscience en veilleuse, interventions presque insensibles d’une volo
1616
en veilleuse, interventions presque insensibles d’
une
volonté descendue dans nos muscles, contre envie de se laisser tomber
1617
se redressait… Si l’on nous avait dit : « Plus qu’
une
heure à marcher », je pense que la plupart auraient flanché pendant c
1618
. L’ordre vint de rectifier la tenue, de reformer
une
colonne par quatre, puis de se mettre au pas de manœuvre à l’entrée d
1619
et la saison d’hiver ne s’ouvrait qu’en décembre.
Un
hôtel vide nous accueillit. Après la collation d’étape posée devant n
1620
Après la collation d’étape posée devant nous par
des
servantes ensommeillées — il devait être plus de minuit — on nous don
1621
la permission inattendue de nous coucher pendant
une
heure. Sur des matelas et des paillasses, sur les housses des canapés
1622
inattendue de nous coucher pendant une heure. Sur
des
matelas et des paillasses, sur les housses des canapés, dans des cham
1623
ous coucher pendant une heure. Sur des matelas et
des
paillasses, sur les housses des canapés, dans des chambres glaciales
1624
ur des matelas et des paillasses, sur les housses
des
canapés, dans des chambres glaciales et qui sentaient le camphre, nou
1625
des paillasses, sur les housses des canapés, dans
des
chambres glaciales et qui sentaient le camphre, nous nous sommes affa
1626
camphre, nous nous sommes affalés, tout équipés.
Un
camarade m’a réveillé : — Le colonel demande des volontaires pour une
1627
. Un camarade m’a réveillé : — Le colonel demande
des
volontaires pour une patrouille. Il faut aller reconnaître le sentier
1628
eillé : — Le colonel demande des volontaires pour
une
patrouille. Il faut aller reconnaître le sentier du col. Un guide a d
1629
lle. Il faut aller reconnaître le sentier du col.
Un
guide a dit qu’il neige au-dessus de deux-mille. Cinq ou six d’entre
1630
ant l’un après l’autre. J’apprends qu’il y a déjà
un
demi-mètre de neige là-haut. Le col sera donc impraticable dans quelq
1631
nuer, et je ne puis pas. Je me prépare à soulever
une
caisse très lourde, et elle est vide. Le savant qui poursuit une long
1632
lourde, et elle est vide. Le savant qui poursuit
une
longue recherche apprend qu’un collègue a trouvé. Une nation qui a te
1633
vant qui poursuit une longue recherche apprend qu’
un
collègue a trouvé. Une nation qui a tendu ses forces vives vers la vi
1634
longue recherche apprend qu’un collègue a trouvé.
Une
nation qui a tendu ses forces vives vers la victoire, et qui l’attein
1635
vers la victoire, et qui l’atteint, voit s’ouvrir
une
paix marécageuse. Le mystique, aux approches du sommet de l’ascension
1636
a déception de l’effort, de l’élan, du désir, est
une
épreuve plus difficile à surmonter, parfois, que l’obstacle lui-même,
1637
si grand soit-il. À la Lenk, cette nuit-là, j’eus
un
accès de fièvre qui me tint éveillé jusqu’au matin. Les énergies aler
1638
âcle nerveuse que les Américains, qui en ont fait
une
catégorie courante, nomment un break-down. Si la première étape de la
1639
, qui en ont fait une catégorie courante, nomment
un
break-down. Si la première étape de la grande course m’avait donné un
1640
première étape de la grande course m’avait donné
une
recette de succès, au sens le moins vulgaire du terme, l’échec accide
1641
pprendre à réussir, ou à marcher, n’est encore qu’
une
moitié de l’art de vivre. Mais apprendre à ne pas réussir jusqu’au bo
1642
récision suivante : « Extrait de l’introduction à
un
essai philosophique inédit : La Morale du But . »
1643
e sentier perdu (1964)m Je voyais d’elle, chez
des
amis, de fascinants portraits d’enfants aux très grands yeux : ils n’
1644
étonner que déjà commence l’angoisse. Mais tout d’
un
coup, voici deux ou trois ans je crois, on dirait une plongée sous-ma
1645
coup, voici deux ou trois ans je crois, on dirait
une
plongée sous-marine et l’humanité disparaît de la peinture de Nora Au
1646
lier qu’on ne sait s’il est vu de sous l’eau ou d’
un
nuage : ce seraient à peu près les mêmes rapports de lumières diffuse
1647
rant le nageur aventureux, dans l’espace brillant
des
hautes pentes. Monde vide où pourtant tout signifie, profondeurs nacr
1648
hauteurs baignées de vapeurs denses. Ce n’est pas
un
monde inhumain, car il est féminin, sans aucun doute possible. Ne fût
1649
aucun doute possible. Ne fût-ce que par ces roses
un
peu gris que je me rappelle, qui s’exagèrent sans doute dans mon souv
1650
nt sans doute dans mon souvenir visuel, ajoutés à
des
verts bien drus, des jaunes blonds et certains noirs assez féroces, à
1651
n souvenir visuel, ajoutés à des verts bien drus,
des
jaunes blonds et certains noirs assez féroces, à la Braque. Et cette
1652
Et cette curieuse bipartition de mainte toile par
un
éclair irrégulier. Rien de gratuit, tout est lisible et composé, comm
1653
en de gratuit, tout est lisible et composé, comme
un
paysage qu’on reconnaît sans l’avoir jamais vu nulle part, mais qui r
1654
t. L’informel a rejoint le style du rêve. Au-delà
des
querelles d’école, l’éternel féminin nous entraîne, vers une sorte d’
1655
es d’école, l’éternel féminin nous entraîne, vers
une
sorte d’Orient alpestre, aux charmes neufs. m. Rougemont Denis de,
1656
acteur de paix (6 mars 1965)q r Je ne suis pas
un
technicien, ni au sens étroit du terme, sujet de récentes controverse
1657
oit du terme, sujet de récentes controverses et d’
une
votation fédérale, ni au sens noble d’un ingénieur diplômé, ou d’un s
1658
es et d’une votation fédérale, ni au sens noble d’
un
ingénieur diplômé, ou d’un savant de l’électronique ou de la science
1659
le, ni au sens noble d’un ingénieur diplômé, ou d’
un
savant de l’électronique ou de la science subnucléonique. Une prudenc
1660
e l’électronique ou de la science subnucléonique.
Une
prudence élémentaire m’incitera donc à ne point vous parler de la tec
1661
ant la nuit. I Comme la très grande majorité
des
hommes de notre siècle, sur tous les continents, la technique me pass
1662
procédés et possibilités comme je peux jouer avec
des
mots ou des concepts, et en tirer quelques effets nouveaux ou justes.
1663
possibilités comme je peux jouer avec des mots ou
des
concepts, et en tirer quelques effets nouveaux ou justes. Faute de qu
1664
me vois réduit à poser quelques grandes questions
des
plus naïves, et qui ne portent pas sur tel ou tel problème précis que
1665
ales américaine et russe — alors que ni l’Afrique
des
tribus et des sorciers, ni l’Inde des castes et des sages, ni la Chin
1666
e et russe — alors que ni l’Afrique des tribus et
des
sorciers, ni l’Inde des castes et des sages, ni la Chine des mandarin
1667
i l’Afrique des tribus et des sorciers, ni l’Inde
des
castes et des sages, ni la Chine des mandarins et des paysans, n’avai
1668
s tribus et des sorciers, ni l’Inde des castes et
des
sages, ni la Chine des mandarins et des paysans, n’avaient pu ou voul
1669
s, ni l’Inde des castes et des sages, ni la Chine
des
mandarins et des paysans, n’avaient pu ou voulu produire de machines,
1670
castes et des sages, ni la Chine des mandarins et
des
paysans, n’avaient pu ou voulu produire de machines, de turbines ou m
1671
défi occidental ? Que signifie l’effort technique
des
Européens, et quelles sont ses racines profondes dans la psyché occid
1672
ale ? J’ai tenté de répondre à ces questions dans
un
livre intitulé L’Aventure occidentale de l’homme , et je me suis vu
1673
ale de l’homme , et je me suis vu amené à établir
une
chaîne continue sinon de causes et d’effets, du moins d’attitudes spi
1674
es plutôt qu’à d’autres, — chaîne continue qui va
des
grands conciles des ive et ve siècles, comme ceux de Nicée et de Ch
1675
res, — chaîne continue qui va des grands conciles
des
ive et ve siècles, comme ceux de Nicée et de Chalcédoine, jusqu’à l
1676
t pur, qui choisit de se rendre connaissable dans
un
corps d’homme. Il en résulte que le corps physique, et la matière du
1677
coup, se trouvent fortement valorisés comme objet
des
recherches de l’esprit. Corps et matière sont bien réels aux yeux de
1678
yeux de l’Occidental christianisé, et ne sont pas
une
simple illusion, une partie du voile de Maya que tout l’effort spirit
1679
christianisé, et ne sont pas une simple illusion,
une
partie du voile de Maya que tout l’effort spirituel doit tendre à dis
1680
l’avait déjà dit saint Paul, dont je rappelle ici
une
déclaration réellement fondamentale : « La création tout entière, dan
1681
t fondamentale : « La création tout entière, dans
une
attente ardente, attend la révélation des fils de Dieu, avec l’espéra
1682
e, dans une attente ardente, attend la révélation
des
fils de Dieu, avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la se
1683
avoir part à la liberté de l’Esprit. » Il y a là
un
programme grandiose d’action sur le cosmos, qui s’offre à l’homme en
1684
tiquement infini, ou qui ne finira qu’avec la fin
des
temps. Mais la croyance en un Dieu créateur et régulateur du cosmos l
1685
ira qu’avec la fin des temps. Mais la croyance en
un
Dieu créateur et régulateur du cosmos le rend cependant concevable po
1686
ver : c’est cela que la Nature attend de l’homme,
une
action qui la maîtrise et la libère, et non pas une révérence dévotie
1687
e action qui la maîtrise et la libère, et non pas
une
révérence dévotieuse et craintive. D’autre part, la religion judéo-ch
1688
ive. D’autre part, la religion judéo-chrétienne d’
un
Dieu incarné, qui appelle l’homme à la liberté dans sa condition conc
1689
éation de la science moderne, et j’entends bien d’
une
science des corps et de la matière qui ne se veut pas seulement spécu
1690
science moderne, et j’entends bien d’une science
des
corps et de la matière qui ne se veut pas seulement spéculative, mais
1691
réel. Ajoutez-y le goût du travail, vertu ou vice
des
populations nordiques, d’ailleurs approuvé par les ordres monastiques
1692
t orare ; et enfin, la nécessité de survivre dans
un
petit coin du monde peu favorisé par les dons gratuits de la Nature,
1693
la matière et de la Nature, effort de création d’
un
milieu artificiel, au service des fins propres de l’homme. II M
1694
rt de création d’un milieu artificiel, au service
des
fins propres de l’homme. II Mais ici se pose une deuxième quest
1695
istoriquement avec les guerres, c’est-à-dire avec
des
explosions de passions tout à fait naturelles et païennes, plutôt qu’
1696
l’inverse, ce que l’on observe à coup sûr, c’est
un
parallélisme ou une interaction constante entre le progrès de nos tec
1697
l’on observe à coup sûr, c’est un parallélisme ou
une
interaction constante entre le progrès de nos techniques et l’aggrava
1698
echniques et l’aggravation du pouvoir destructeur
des
guerres. Le couteau de silex puis le glaive sont les armes du combat
1699
ne dépendent pour leurs fournitures de guerre que
des
forgerons et des menuisiers. Cet artisanat primitif correspond à la g
1700
leurs fournitures de guerre que des forgerons et
des
menuisiers. Cet artisanat primitif correspond à la guerre entre commu
1701
dun. La fin de la guerre de 14-18 voit intervenir
un
élément nouveau, fourni par la technique : le moteur (auto, char, avi
1702
int final de la Deuxième Guerre mondiale, qui fut
une
guerre motorisée, est posé par la bombe d’Hiroshima, début d’une ère
1703
risée, est posé par la bombe d’Hiroshima, début d’
une
ère de fantastique accélération des sciences physiques et de la techn
1704
hima, début d’une ère de fantastique accélération
des
sciences physiques et de la technique. Désormais, les dimensions de l
1705
ce n’est pas plutôt la technique qui a bénéficié
des
commandes militaires. Entre les deux guerres mondiales, Paul Valéry n
1706
que désabusée : la science a su donner aux hommes
des
moyens de s’armer, mais non pas de désarmer. Et il est vrai que les a
1707
que l’effort de la science, mobilisée au service
des
États, a dû se borner en fait à chercher des ripostes à l’emploi de c
1708
vice des États, a dû se borner en fait à chercher
des
ripostes à l’emploi de ces armes, et non pas les moyens de les élimin
1709
, il semble bien que l’excès même de la puissance
des
armes inventées par nos sciences ait tout d’un coup bloqué ce process
1710
e des armes inventées par nos sciences ait tout d’
un
coup bloqué ce processus d’interaction conduisant à des destructions
1711
up bloqué ce processus d’interaction conduisant à
des
destructions toujours plus étendues. La bombe A, puis la bombe H, n’o
1712
ené le désarmement, ni même ralenti la production
des
armes conventionnelles, mais elles ont rendu leur emploi pratiquement
1713
uement impossible à grande échelle, depuis près d’
une
vingtaine d’années. L’immense utilité de la bombe H, c’est en somme q
1714
de la sorte, ou limiter rigoureusement, l’emploi
des
armes moins puissantes, simplement parce que cet emploi risquerait de
1715
arce que cet emploi risquerait de nous jeter dans
une
guerre atomique qu’il semble bien qu’on ait décidé de ne pas faire. O
1716
’on ait décidé de ne pas faire. On a donc atteint
une
limite, une sorte de point mort de la guerre, qui permet à la paix de
1717
dé de ne pas faire. On a donc atteint une limite,
une
sorte de point mort de la guerre, qui permet à la paix de durer tant
1718
la bombe H sert la paix en ceci qu’elle a suscité
un
sentiment encore plus violent que les passions nationalistes ou idéol
1719
es passions — la peur, commencement de la sagesse
des
nations. Encore faut-il s’entendre sur ce terme de peur. Je pense bie
1720
terme de peur. Je pense bien moins ici à la peur
des
masses et des individus dont on parle tant, peur d’une espèce de fin
1721
. Je pense bien moins ici à la peur des masses et
des
individus dont on parle tant, peur d’une espèce de fin du monde qu’en
1722
asses et des individus dont on parle tant, peur d’
une
espèce de fin du monde qu’entraînerait la guerre atomique, et que j’a
1723
, ni autour de moi, tant il est vrai que l’idée d’
un
malheur universel et définitif agit peu sur l’imagination : malheur d
1724
e atomique qu’aux États-Unis, il y a trois ans, à
une
époque où toute la presse parlait de la construction d’abris antiatom
1725
antiatomiques familiaux : si quelques-uns avaient
des
chances d’échapper, alors la menace devenait beaucoup plus sensible a
1726
… L’équilibre de la terreur repose bien moins sur
une
angoisse panique des peuples qui s’opposerait — on ne sait comment —
1727
erreur repose bien moins sur une angoisse panique
des
peuples qui s’opposerait — on ne sait comment — à un conflit atomique
1728
peuples qui s’opposerait — on ne sait comment — à
un
conflit atomique, que sur une crainte bien raisonnée, basée sur des i
1729
ne sait comment — à un conflit atomique, que sur
une
crainte bien raisonnée, basée sur des informations précises, qui reti
1730
ue, que sur une crainte bien raisonnée, basée sur
des
informations précises, qui retient les gouvernants de peser sur le bo
1731
ccident. Sur notre continent, la technique a créé
des
réseaux si serrés d’interdépendance économique et industrielle, qu’un
1732
d’interdépendance économique et industrielle, qu’
un
conflit armé entre deux de nos nations paraît devenu impraticable. Le
1733
battrait-on, au bout de quelques semaines ? Avec
des
bâtons, des couteaux. Les bombes atomiques ne seraient guère utilisab
1734
, au bout de quelques semaines ? Avec des bâtons,
des
couteaux. Les bombes atomiques ne seraient guère utilisables de natio
1735
nation, en Europe : nous sommes trop près les uns
des
autres, et celui qui en lancerait une risquerait d’en recevoir dans l
1736
rès les uns des autres, et celui qui en lancerait
une
risquerait d’en recevoir dans l’heure suivante les retombées mortelle
1737
contres de Genève, et je songeais que ces armes d’
une
puissance folle nous laissent en fait à la merci d’une saute de vent.
1738
uissance folle nous laissent en fait à la merci d’
une
saute de vent. Mais si l’on peut admettre que la technique a réussi à
1739
pratiquement ses passions nationalistes, sources
des
guerres les plus atroces de l’Histoire, et, si l’on constate d’autre
1740
r envie, leur jalousie. Ils prennent conscience d’
une
misère relative, qui autrefois leur paraissait normale ou en tout cas
1741
norance où ils étaient de la simple possibilité d’
une
vie meilleure ou différente, plus affranchie des dures nécessités et
1742
’une vie meilleure ou différente, plus affranchie
des
dures nécessités et limitations naturelles. Ils voient cela, et ils e
1743
de l’exactitude rigoureuse, de la véracité, et d’
une
sorte d’ascèse disciplinée, dont ils n’ont guère la notion, et encore
1744
lus que leur révéler cette misère relative : dans
une
mesure sans cesse croissante, elle la crée. Il a suffi de leur commun
1745
udiments de notre hygiène pour provoquer chez eux
un
accroissement démographique vertigineux, et qui dépasse de très loin
1746
bre entre eux et nous. Tout le monde sent bien qu’
un
tel déséquilibre peut devenir un jour facteur de guerres planétaires
1747
nde sent bien qu’un tel déséquilibre peut devenir
un
jour facteur de guerres planétaires ; non pas demain, car ils sont en
1748
encore faibles et démunis, mais après-demain, si
une
grande nation ayant la bombe les regroupe et se met à leur tête. Que
1749
e sans fournir les moyens de nous en délivrer par
une
action concrète, réalisable. Tous nos surplus alimentaires et les inv
1750
me que notre science découvre les moyens de créer
des
aliments synthétiques, tirés de l’air et de l’eau, et qu’elle réussis
1751
l’air et de l’eau, et qu’elle réussisse à nourrir
des
dizaines de milliards d’humains, ceux-ci seront obligés de manger deb
1752
s le vouloir ce problème gigantesque, branché sur
des
passions fondamentales comme la faim, le racisme et le sentiment d’in
1753
enant les moyens de le résoudre : et cela suppose
un
effort immédiat d’éducation qui permettra seul au tiers-monde de frei
1754
famine, beaucoup plus de technique assimilée par
un
effort éducatif et culturel peut seule permettre de la surmonter. (Ce
1755
la surmonter. (Ce sont là d’énormes problèmes, qu’
une
conférence prochaine, à Bâle, sur le thème « L’Europe et le monde »,
1756
vante : la technique, en principe, n’est pas plus
un
facteur de paix qu’un facteur de guerre. Elle fournit aux armées des
1757
en principe, n’est pas plus un facteur de paix qu’
un
facteur de guerre. Elle fournit aux armées des moyens de faire la gue
1758
qu’un facteur de guerre. Elle fournit aux armées
des
moyens de faire la guerre, mais ce n’est pas elle qui cause les guerr
1759
la technique comme instrument. C’est l’explosion
des
nationalismes en 1914 qui a déclenché la Première Guerre mondiale, et
1760
que possible et surtout pas trop vite », écrivait
une
mère angoissée à son fils aviateur en 1915.) Mais de cette Première G
1761
à la guerre et à la paix, la technique n’est pas
un
facteur indifférent, mais bien ambivalent : pas de guerre possible sa
1762
guerre possible sans elle, mais si elle bénéficie
des
guerres, c’est elle aussi qui leur met fin, et aujourd’hui les freine
1763
ie paix. Celle-ci ne peut naître qu’à la faveur d’
un
équilibre qui ne soit pas celui de la terreur, mais des diverses facu
1764
uilibre qui ne soit pas celui de la terreur, mais
des
diverses facultés humaines développées dans la liberté et une certain
1765
facultés humaines développées dans la liberté et
une
certaine mesure d’harmonie : harmonie entre l’homme et la Nature, ent
1766
le croire dans nos élites humanistes, serait-elle
un
facteur de déshumanisation, qui ne substituerait aux explosions belli
1767
i ne substituerait aux explosions belliqueuses qu’
une
sorte d’implosion des énergies humaines, domestiquées, mécanisées, ca
1768
explosions belliqueuses qu’une sorte d’implosion
des
énergies humaines, domestiquées, mécanisées, canalisées du berceau à
1769
les lois de la production de série, conditionnant
un
bonheur tout fait et uniforme, une sorte de bonheur objectif ? (horri
1770
, conditionnant un bonheur tout fait et uniforme,
une
sorte de bonheur objectif ? (horribile dictu !) C’est la dernière que
1771
t aujourd’hui la planète, je viens de vous donner
une
réponse ambiguë : d’une part la technique a révélé et accentué des di
1772
uë : d’une part la technique a révélé et accentué
des
disparités intolérables, d’autre part elle pourrait les réduire, à co
1773
ire, à condition de concerter ses plans avec ceux
des
éducateurs et des élites culturelles du tiers-monde autant que de l’E
1774
e concerter ses plans avec ceux des éducateurs et
des
élites culturelles du tiers-monde autant que de l’Europe, et j’entend
1775
iers-monde autant que de l’Europe, et j’entends d’
une
Europe agissant comme un tout et non plus comme un concert discordant
1776
’Europe, et j’entends d’une Europe agissant comme
un
tout et non plus comme un concert discordant de nationalismes séniles
1777
e Europe agissant comme un tout et non plus comme
un
concert discordant de nationalismes séniles. Sur la question de savoi
1778
les origines les plus reculées non pas à inventer
des
gadgets, mais à transformer la Nature pour la mettre au service de l’
1779
e d’important sur la terre. Déjà nous vivons dans
un
cadre plus qu’à moitié artificiel. J’ai habité quelques années à New
1780
ciel. J’ai habité quelques années à New York dans
un
paysage urbain d’une grande complexité, où la Nature n’était plus rep
1781
elques années à New York dans un paysage urbain d’
une
grande complexité, où la Nature n’était plus représentée que par des
1782
té, où la Nature n’était plus représentée que par
des
pans de ciel abstrait entre les parois des gratte-ciel, un coin de l’
1783
ue par des pans de ciel abstrait entre les parois
des
gratte-ciel, un coin de l’East River canalisée, entre deux ponts, et
1784
e ciel abstrait entre les parois des gratte-ciel,
un
coin de l’East River canalisée, entre deux ponts, et quelques mouette
1785
lisée, entre deux ponts, et quelques mouettes sur
un
îlot rocheux. Coupés du contact quotidien avec la terre et la végétat
1786
avec la terre et la végétation, en partie libérés
des
rythmes de la vie animale et même des saisons, les citadins du xxe s
1787
tie libérés des rythmes de la vie animale et même
des
saisons, les citadins du xxe siècle seraient-ils des monstres, pâles
1788
saisons, les citadins du xxe siècle seraient-ils
des
monstres, pâles victimes d’une technique qui les enferme dans un mili
1789
iècle seraient-ils des monstres, pâles victimes d’
une
technique qui les enferme dans un milieu de brique et de ciment, d’ai
1790
les victimes d’une technique qui les enferme dans
un
milieu de brique et de ciment, d’air pollué et de vacarme révoltant ?
1791
et ce l’est encore en partie pour le prolétariat
des
villes industrielles. C’est de moins en moins vrai dans une époque où
1792
industrielles. C’est de moins en moins vrai dans
une
époque où Paris, grâce aux trains, à l’auto, à l’avion, se vide à moi
1793
l’ouvrier, loisirs accrus, intimité nouvelle avec
une
nature mieux protégée que nous n’avons su le faire dans cette générat
1794
humanité saura maîtriser la bombe atomique, ou si
un
jour, prochain peut-être, à la suite d’une erreur fatale commise au P
1795
, ou si un jour, prochain peut-être, à la suite d’
une
erreur fatale commise au Pentagone ou au Kremlin, voire à l’Élysée, l
1796
et philosophes les plus sérieux. Bernanos a écrit
un
livre plein de verve et d’indignation patriotique et prophétique inti
1797
étique intitulé : La France contre les robots. Et
une
littérature considérable produit depuis une cinquantaine d’années des
1798
s. Et une littérature considérable produit depuis
une
cinquantaine d’années des variations sur le thème pessimiste de « la
1799
idérable produit depuis une cinquantaine d’années
des
variations sur le thème pessimiste de « la Technique contre l’humain
1800
messieurs, tout cela repose en fin de compte sur
une
illusion enfantine : celle qui consiste à battre la table à laquelle
1801
laquelle on s’est heurté. La technique n’est pas
une
puissance indépendante de l’homme et qui pourrait se tourner subiteme
1802
nèse, elle n’est même pas utilitaire ! L’histoire
des
grandes inventions, de celle du feu à celle de la fusée spatiale, n’e
1803
plications par la magie ou les rites religieux. D’
une
manière générale, et plus près de nous, les grandes inventions qui on
1804
de nos gadgets — ne sont pas nées pour satisfaire
des
besoins matériels que personne n’éprouvait avant elles, mais c’est gé
1805
n’y en avait pas encore — à part quelques rêveurs
un
peu bizarres. C’est du rêve de voler qu’est né l’avion, et du rêve de
1806
e ni génie, était obsédé par l’idée de construire
une
« locomotive routière », comme il l’appelait, c’est-à-dire un véhicul
1807
ive routière », comme il l’appelait, c’est-à-dire
un
véhicule rapide qui ne fût pas astreint à suivre la loi rigide des «
1808
de qui ne fût pas astreint à suivre la loi rigide
des
« voies ferrées » et ses horaires, mais pût aller à l’aventure : phan
1809
explosion interne. On n’ignore pas d’ailleurs que
des
dizaines d’ingénieurs — en France surtout — avaient construit des pro
1810
ngénieurs — en France surtout — avaient construit
des
prototypes variés d’automobiles avant Ford. Son invention, ou sa réin
1811
st bien certain que l’invention de Ford est née d’
un
rêve d’évasion hors des voies imposées de la civilisation, hors des «
1812
nvention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors
des
voies imposées de la civilisation, hors des « chemins de fer » au nom
1813
hors des voies imposées de la civilisation, hors
des
« chemins de fer » au nom évocateur de dure contrainte, tandis que le
1814
à ses fins, ni la mieux calculée pour répondre à
des
besoins pratiques, utilitaires : on le voit bien aujourd’hui, dans no
1815
. Si je veux être libre de rêver, c’est justement
un
train que je vais prendre. Dans mon wagon, je lis, je dors, je mange
1816
ien de pareil : tout ce que je peux lire, ce sont
des
chiffres, des ordres de police routière ; si je mange, ce n’est guère
1817
: tout ce que je peux lire, ce sont des chiffres,
des
ordres de police routière ; si je mange, ce n’est guère qu’un sandwic
1818
police routière ; si je mange, ce n’est guère qu’
un
sandwich, si je rêvasse un klaxon me réveille brutalement, et si je m
1819
nge, ce n’est guère qu’un sandwich, si je rêvasse
un
klaxon me réveille brutalement, et si je m’endors, c’est pour toujour
1820
biguïté, l’ambivalence fondamentale non seulement
des
motifs et des buts de l’invention technique, mais de ses effets sur l
1821
ivalence fondamentale non seulement des motifs et
des
buts de l’invention technique, mais de ses effets sur l’homme et sur
1822
vous dire aujourd’hui se résume en propositions d’
une
extrême simplicité. La technique est un instrument qui ne saurait êtr
1823
itions d’une extrême simplicité. La technique est
un
instrument qui ne saurait être, en soi, mauvais ou bon. Tantôt révéré
1824
de grands problèmes qui appelleraient en réalité
des
décisions politiques ou morales, tantôt mise en accusation parce qu’e
1825
s persuadons que la technique n’est après tout qu’
un
ensemble de procédés ingénieux et utilitaires, destinés à nous facili
1826
és à nous faciliter la vie, mais voilà que tout d’
un
coup, par une inexplicable malice des choses, dont nous ne serions pa
1827
iliter la vie, mais voilà que tout d’un coup, par
une
inexplicable malice des choses, dont nous ne serions pas du tout resp
1828
à que tout d’un coup, par une inexplicable malice
des
choses, dont nous ne serions pas du tout responsables, elle menace au
1829
espèce de vie sur la terre. La technique n’est qu’
un
instrument, n’est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, so
1830
re. La technique n’est qu’un instrument, n’est qu’
un
moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des ch
1831
e la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie
des
choses, soit de la liberté de notre action. Mais surtout, par ses pro
1832
suffit du plus petit geste, comme de presser sur
un
bouton pour produire les plus grands effets de toute l’histoire — la
1833
en est pas qui nous contraigne davantage, et avec
une
urgence plus dramatique, dans le cas de la Bombe par exemple (mais au
1834
, dans le cas de la Bombe par exemple (mais aussi
des
techniques chimiques et biologiques) à nous interroger sur le meilleu
1835
logiques) à nous interroger sur le meilleur usage
des
pouvoirs inouïs qui sont devenus les nôtres. Ainsi, qu’on le veuille
1836
hnique elle-même qui nous oblige à reconsidérer d’
une
manière tout à fait concrète la question des vraies fins de notre vie
1837
er d’une manière tout à fait concrète la question
des
vraies fins de notre vie et de la vraie nature de l’homme. Ne serait-
1838
entée devant les membres de l’Association amicale
des
anciens élèves de l’École polytechnique de l’Université de Lausanne,
1839
La Suisse, maquette pour
une
Europe du bonheur (automne 1965)s Robustes, bien glacées, aux coul
1840
ns déferlent de la Suisse sur le monde, répandant
une
image très sincère du pays où l’art du tourisme fut inventé par les A
1841
où l’art du tourisme fut inventé par les Anglais.
Un
pays que tout le monde croit connaître même sans y avoir jamais été,
1842
est bien aussi grand que la France… Cette Suisse
des
Alpes et des lacs, des quatre langues, des horlogers, des pédagogues
1843
si grand que la France… Cette Suisse des Alpes et
des
lacs, des quatre langues, des horlogers, des pédagogues et des jodleu
1844
ue la France… Cette Suisse des Alpes et des lacs,
des
quatre langues, des horlogers, des pédagogues et des jodleurs est un
1845
Suisse des Alpes et des lacs, des quatre langues,
des
horlogers, des pédagogues et des jodleurs est un cliché mais juste et
1846
s et des lacs, des quatre langues, des horlogers,
des
pédagogues et des jodleurs est un cliché mais juste et bien tiré. Il
1847
quatre langues, des horlogers, des pédagogues et
des
jodleurs est un cliché mais juste et bien tiré. Il ne retient que cer
1848
des horlogers, des pédagogues et des jodleurs est
un
cliché mais juste et bien tiré. Il ne retient que certaines apparence
1849
ivant cela de près que tout repose en réalité sur
un
tissu serré de contradictions théoriquement impraticables. Si cela ma
1850
’usage plusieurs fois séculaires. Car enfin voici
un
pays que la Providence a privé d’absolument tous les facteurs classiq
1851
re en matières premières — il n’a guère que l’eau
des
glaciers pour en tirer de l’énergie — est l’un des plus industrialisé
1852
es glaciers pour en tirer de l’énergie — est l’un
des
plus industrialisés de la planète : 10 % de paysans seulement. Orson
1853
e l’on trouve la plus forte densité de prix Nobel
des
sciences, pour ne rien dire de cette galaxie de génies qui va de Para
1854
he qu’à Paris, à Londres ou à Berlin, on se moque
un
peu des Suisses et on les jalouse un peu, comme si chaque Suisse béné
1855
Paris, à Londres ou à Berlin, on se moque un peu
des
Suisses et on les jalouse un peu, comme si chaque Suisse bénéficiait
1856
on se moque un peu des Suisses et on les jalouse
un
peu, comme si chaque Suisse bénéficiait du secret des banques mais se
1857
peu, comme si chaque Suisse bénéficiait du secret
des
banques mais sentait les vertus agricoles… Le Suisse trait sa vache
1858
st passer du cliché à l’utopie, et de la patrie d’
un
Guillaume Tell qui n’exista jamais que dans le mythe à une Europe féd
1859
aume Tell qui n’exista jamais que dans le mythe à
une
Europe fédérée qui par malheur n’existe encore que dans l’espoir. Ent
1860
les plus heureux de la Terre. À la question : « D’
une
manière générale, diriez-vous que vous êtes très heureux, — plutôt he
1861
me de l’Europe et en plein milieu du xx e siècle,
un
peuple à peu près unanime à s’estimer et à se dire heureux. Mais de q
1862
nt-elles applicables ailleurs ? Le premier secret
des
Suisses, c’est la coopération. Non par idéalisme ou par philanthropie
1863
croit de la révolte de paysans démocrates contre
un
despote autrichien, la Suisse a commencé par une alliance conclue ent
1864
e un despote autrichien, la Suisse a commencé par
une
alliance conclue entre les chefs de trois « communes » ou « coopérati
1865
r au xiii e siècle. C’était le seul col reliant d’
un
seul trait le nord et le sud du Saint-Empire. Il fallait le garder li
1866
e droit de se régir à leur manière, sans dépendre
des
comtes voisins. À cette première alliance — un traité en due forme qu
1867
e des comtes voisins. À cette première alliance —
un
traité en due forme qui ne fut certes pas rédigé par des pâtres, puis
1868
ité en due forme qui ne fut certes pas rédigé par
des
pâtres, puisqu’il était en beau latin — s’agrégèrent au cours des siè
1869
qu’il était en beau latin — s’agrégèrent au cours
des
siècles quantité de petites communautés formées de cités libres ou ép
1870
unautés formées de cités libres ou épiscopales et
des
campagnes qu’elles avaient soumises, entre les Alpes et le Jura. Et c
1871
ra. Et ce fut la période patricienne et guerrière
des
« ligues suisses ». Elle aboutit en 1815 à une espèce de confédératio
1872
re des « ligues suisses ». Elle aboutit en 1815 à
une
espèce de confédération insuffisante. Privée de tout pouvoir supra-ca
1873
upra-cantonal, elle ne sut pas empêcher, en 1847,
une
guerre civile opposant les cantons catholiques aux protestants. L’ann
1874
ns catholiques aux protestants. L’année suivante,
une
constitution fédérale fut rédigée, votée, et mise en vigueur en neuf
1875
s. Et ses vingt-deux petits États n’ont délégué à
un
pouvoir central une certaine part de leur indépendance que pour mieux
1876
x petits États n’ont délégué à un pouvoir central
une
certaine part de leur indépendance que pour mieux assurer la part qu’
1877
vrai secret de la Suisse n’est pas du tout celui
des
banques mais celui du fédéralisme, celui d’une solidarité garante des
1878
ui des banques mais celui du fédéralisme, celui d’
une
solidarité garante des autonomies. Autre secret, lié au premier : dan
1879
ui du fédéralisme, celui d’une solidarité garante
des
autonomies. Autre secret, lié au premier : dans la liberté fédérale,
1880
toujours ainsi, et les Suisses ont connu pendant
des
siècles de furieuses guerres civiles dites de religion, et autres man
1881
soit culturels. Mais à partir de l’instauration d’
une
fédération véritable en 1848, les frontières des États sont devenues
1882
’une fédération véritable en 1848, les frontières
des
États sont devenues invisibles, et dès lors les communautés réelles n
1883
a tradition familiale, fils de la Réforme qui est
un
phénomène occidental au sens le plus large du terme, Suisse par le pa
1884
habitant au surplus près de Genève, où je dirige
un
institut à vocation internationale, ma liberté résulte et se nourrit
1885
ultiples ; elle réfute les devises totalitaires :
une
foi, une loi, un roi (sur un même territoire), et plus tard : ein Vol
1886
; elle réfute les devises totalitaires : une foi,
une
loi, un roi (sur un même territoire), et plus tard : ein Volk, ein Re
1887
fute les devises totalitaires : une foi, une loi,
un
roi (sur un même territoire), et plus tard : ein Volk, ein Reich, ein
1888
ises totalitaires : une foi, une loi, un roi (sur
un
même territoire), et plus tard : ein Volk, ein Reich, ein Führer, dev
1889
ui ont risqué de faire de l’Europe au xx e siècle
un
fouillis d’autarcies barbelées et de camps de concentration. Troisièm
1890
re. On ne leur demande même pas de se connaître !
Un
jodleur d’Appenzell avec son disque de laiton à l’oreille, sa piété c
1891
catholique, son patois médiéval, s’il rencontrait
un
jour un banquier de Genève, avec son chic anglais, ses principes et s
1892
ue, son patois médiéval, s’il rencontrait un jour
un
banquier de Genève, avec son chic anglais, ses principes et ses compl
1893
dont les institutions communes leur garantissent
un
droit fondamental : celui de vivre chacun selon son style et de se go
1894
en est d’accorder quelque vingt-deux pays parlant
des
langues différentes, professant des credos religieux et politiques te
1895
pays parlant des langues différentes, professant
des
credos religieux et politiques tenus pendant des siècles pour incompa
1896
des credos religieux et politiques tenus pendant
des
siècles pour incompatibles, très inégalement industrialisés, pauvres
1897
its États suisses, je ne vois et ne puis imaginer
une
autre solution que l’helvétique. Et je ne vois pas de raison sérieuse
1898
égaler le médiocre à l’auguste. Je ne compare que
des
rapports et constate qu’entre la France par exemple et la Belgique ou
1899
e Zurich et de Zoug ou de Glaris. Et je me dis qu’
un
système qui peut harmoniser les relations entre des cantons inégaux à
1900
n système qui peut harmoniser les relations entre
des
cantons inégaux à tant d’égards, pourrait rendre les mêmes services d
1901
fédéralisme est précisément l’art de composer en
un
ensemble vivant des organes bien différenciés et dont chacun exerce u
1902
écisément l’art de composer en un ensemble vivant
des
organes bien différenciés et dont chacun exerce une fonction unique,
1903
s organes bien différenciés et dont chacun exerce
une
fonction unique, incomparable. Or cette fonction reste la même qu’il
1904
fonction reste la même qu’il s’agisse du corps d’
un
petit enfant ou de celui d’un colosse. Notez d’ailleurs que l’Europe
1905
s’agisse du corps d’un petit enfant ou de celui d’
un
colosse. Notez d’ailleurs que l’Europe actuelle est pratiquement plus
1906
édérée. En 1848, il fallait deux ou trois jours à
un
député de Genève ou des Grisons pour se rendre à la Diète fédérale de
1907
lait deux ou trois jours à un député de Genève ou
des
Grisons pour se rendre à la Diète fédérale de Berne, et autant pour o
1908
a Diète fédérale de Berne, et autant pour obtenir
des
instructions de son gouvernement. En 1965, un député de Stockholm ou
1909
ir des instructions de son gouvernement. En 1965,
un
député de Stockholm ou d’Athènes est à quelques heures de Bruxelles o
1910
ingt-deux souverainetés bien unies, regardez-le d’
un
œil européen et prospectif : vous verrez que tout y correspond à quel
1911
. Rougemont Denis de, « La Suisse, maquette pour
une
Europe du bonheur », Revue des voyages, Genève, automne 1965, p. 57-5
1912
sse, maquette pour une Europe du bonheur », Revue
des
voyages, Genève, automne 1965, p. 57-59.
1913
Un
libéral engagé (1966)t Palais du Trocadéro (vers 1934 ?). — Face
1914
t Palais du Trocadéro (vers 1934 ?). — Face à
une
salle en plein tumulte où les Croix-de-Feu se bagarraient et hurlaien
1915
Feu se bagarraient et hurlaient, couvrant la voix
des
orateurs, je voyais Lord Cecil lire quelque chose, Henri de Jouvenel
1916
lire quelque chose, Henri de Jouvenel gesticuler,
un
Hollandais vraiment très grand marcher lentement le long de la rampe,
1917
e, mains dans les poches, dans l’espoir d’imposer
une
image de calme, et soudain un homme assez petit bondir à la tribune,
1918
l’espoir d’imposer une image de calme, et soudain
un
homme assez petit bondir à la tribune, tournant à droite et à gauche
1919
ondir à la tribune, tournant à droite et à gauche
un
profil agressif et spirituel, cravate rouge en bataille, index pointé
1920
il les couvrait de sarcasmes acérés, lancés comme
des
fléchettes, et s’amusait beaucoup. « C’est l’ambassadeur d’Espagne à
1921
Robert de Traz, qui m’avait amené sur la scène où
une
centaine de « personnalités » avaient pris place sur de petites chais
1922
a tête penchée, errait entre les rangs, cherchant
un
sens à tout cela.) De Traz me présenta à l’orateur quand nous sortîme
1923
u’on se battait encore du parterre au poulailler,
des
hommes tombant des secondes galeries sur les premières… Je dis que j’
1924
ore du parterre au poulailler, des hommes tombant
des
secondes galeries sur les premières… Je dis que j’admirais la liberté
1925
’Espagne à Paris. — Eh bien, fit-il, je trouve qu’
un
ambassadeur, ça doit savoir engueuler le monde ! Et nous allâmes pren
1926
voir engueuler le monde ! Et nous allâmes prendre
un
verre à son hôtel. Une dame survint : « — Excellence, vous avez été s
1927
e ! Et nous allâmes prendre un verre à son hôtel.
Une
dame survint : « — Excellence, vous avez été superbe ! Ah ! que ce do
1928
Et de lui seul ! Tout ce que l’on peut demander d’
un
homme, c’est qu’il fasse le moins de mal possible. » (Ce que je trouv
1929
Ruth Nanda Anshen. Je trouve Madariaga lancé dans
une
diatribe contre les écoles publiques obligatoires, qui font perdre to
1930
pas vivre sans elle. Pour les autres, qu’on élève
des
barrières infranchissables ! C’est le point de vue qu’il a voulu défe
1931
ec les mêmes sauf lui : il a compris. — Sur quoi,
un
intendant général des écoles de l’État de New York fait observer que
1932
: il a compris. — Sur quoi, un intendant général
des
écoles de l’État de New York fait observer que Madariaga « is running
1933
s, n’est-ce pas ? Car ils sont… indéfendables ! »
Une
jeune fille lui demande de définir le bonheur. — « Happiness is just
1934
tre hôtesse : — « Dr de Madariaga, vous avez fait
un
jour une théorie si intéressante sur la féminité de Dieu. Si Dieu ava
1935
sse : — « Dr de Madariaga, vous avez fait un jour
une
théorie si intéressante sur la féminité de Dieu. Si Dieu avait été co
1936
notre logique. » Je retiens aussi de cette soirée
une
théorie pseudo-arithmétique sur l’impossibilité du bonheur durable, e
1937
étique sur l’impossibilité du bonheur durable, et
un
argument du type Pyrrhus et Cinéas sur l’inutilité finale ou la final
1938
union. ⁂ À Royaumont, le 4 avril 1948, au terme d’
une
des dernières réunions consacrées à la préparation du Congrès de l’Eu
1939
n. ⁂ À Royaumont, le 4 avril 1948, au terme d’une
des
dernières réunions consacrées à la préparation du Congrès de l’Europe
1940
que dans mon esprit se soit opéré à ce moment-là
une
complexe synthèse instantanée des souvenirs de mes deux rencontres av
1941
à ce moment-là une complexe synthèse instantanée
des
souvenirs de mes deux rencontres avec l’auteur d’Anglais, français, E
1942
ls et aussi de la Sacred Giraffe. Pour présider à
une
affaire qui mettait en jeu des composantes aussi désespérément hétéro
1943
e. Pour présider à une affaire qui mettait en jeu
des
composantes aussi désespérément hétérogènes que la politique et la mo
1944
que et la morale, l’histoire, et la psychologie d’
une
vingtaine de peuples n’ayant guère en commun que leur conviction d’oc
1945
re en commun que leur conviction d’occuper chacun
une
position absolument particulière et qui leur méritait un traitement t
1946
tion absolument particulière et qui leur méritait
un
traitement tout à fait exceptionnel, il ne fallait ni un doctrinaire
1947
tement tout à fait exceptionnel, il ne fallait ni
un
doctrinaire ni un journaliste, ni un spéculatif, ni un manager, etc.,
1948
exceptionnel, il ne fallait ni un doctrinaire ni
un
journaliste, ni un spéculatif, ni un manager, etc., mais très exactem
1949
e fallait ni un doctrinaire ni un journaliste, ni
un
spéculatif, ni un manager, etc., mais très exactement un diplomate do
1950
ctrinaire ni un journaliste, ni un spéculatif, ni
un
manager, etc., mais très exactement un diplomate doublé d’un militant
1951
ulatif, ni un manager, etc., mais très exactement
un
diplomate doublé d’un militant, un historien mais qui ait été mêlé à
1952
etc., mais très exactement un diplomate doublé d’
un
militant, un historien mais qui ait été mêlé à la vie politique, un i
1953
rès exactement un diplomate doublé d’un militant,
un
historien mais qui ait été mêlé à la vie politique, un idéaliste non
1954
storien mais qui ait été mêlé à la vie politique,
un
idéaliste non exempt de cynisme pour avoir fréquenté les organismes i
1955
ur avoir fréquenté les organismes internationaux,
un
réaliste amateur de nonsense, un patriote antinationaliste, partout c
1956
internationaux, un réaliste amateur de nonsense,
un
patriote antinationaliste, partout chez lui mais toujours exilé, bref
1957
z lui mais toujours exilé, bref quelqu’un qui eût
un
peu le sens du paradoxe… Je me bornai à faire état de ses titres d’an
1958
répondit vite : « Je vous consacrerai volontiers
un
temps qui, à vrai dire, me manque. » Le congrès de La Haye, qui est l
1959
elques pages qui ne vieilliront plus sur l’Europe
des
paysages, des fleuves, des villes, des âmes. ⁂ Engagé désormais dans
1960
ui ne vieilliront plus sur l’Europe des paysages,
des
fleuves, des villes, des âmes. ⁂ Engagé désormais dans l’aventure où
1961
ront plus sur l’Europe des paysages, des fleuves,
des
villes, des âmes. ⁂ Engagé désormais dans l’aventure où nous étions s
1962
r l’Europe des paysages, des fleuves, des villes,
des
âmes. ⁂ Engagé désormais dans l’aventure où nous étions si peu d’inte
1963
ls (écrivains, artistes et savants) à militer par
un
peu plus qu’une signature au bas d’un manifeste, Don Salvador se vit
1964
artistes et savants) à militer par un peu plus qu’
une
signature au bas d’un manifeste, Don Salvador se vit contraint de cré
1965
militer par un peu plus qu’une signature au bas d’
un
manifeste, Don Salvador se vit contraint de créer ce temps qui lui ma
1966
nt de soins formels et de fermeté dans l’approche
des
puissants que de désinvolture à l’égard des pédants et autres fanatiq
1967
trait qui porte et qui assure le succès durable d’
un
discours même de pure circonstance. Sa phrase finale au congrès de la
1968
ture (Lausanne, 1949) fait le lendemain l’affiche
des
journaux : « Oui, Messieurs, si l’Europe doit périr, que ce soit au m
1969
urs, si l’Europe doit périr, que ce soit au moins
une
injustice ! » Mais les grandes heures captées par la radio et plus ta
1970
opos dans l’Odyssée) que l’innombrable succession
des
comités hélas indispensables, et qu’il ne suffit pas de présider mais
1971
ains, mais jamais avec leur cerveau. Et s’ils ont
une
tête, eh bien, c’est pour porter un chapeau ! » Bien peu d’hommes ont
1972
Et s’ils ont une tête, eh bien, c’est pour porter
un
chapeau ! » Bien peu d’hommes ont donné à la cause de l’Europe, cause
1973
la cause de l’Europe, cause commune s’il en fût,
un
temps qui du même coup devait manquer à ce qu’on nomme leur œuvre per
1974
personnelle, et de ceux-là, nul ne l’a fait avec
un
désintéressement aussi total que notre premier président du Centre eu
1975
t à se demander si l’on pouvait encore distinguer
un
Maharati ou un Gujerati d’un Ibérique. Dans le même discours, il mont
1976
si l’on pouvait encore distinguer un Maharati ou
un
Gujerati d’un Ibérique. Dans le même discours, il montre les difficul
1977
it encore distinguer un Maharati ou un Gujerati d’
un
Ibérique. Dans le même discours, il montre les difficultés du dialogu
1978
ultés du dialogue avec les staliniens : « Je suis
un
libéral, toujours prêt à discuter avec n’importe qui, je peux discute
1979
and adversaire, mais je ne peux pas discuter avec
un
gramophone ! » Quelques années plus tard, nous voici à Paris, salle P
1980
aulkner, Wystan Auden et André Malraux à la table
des
orateurs, que je préside, tandis qu’une quarantaine d’écrivains du mo
1981
la table des orateurs, que je préside, tandis qu’
une
quarantaine d’écrivains du monde entier occupent la scène derrière no
1982
e la culture, dont Salvador de Madariaga est l’un
des
présidents d’honneur. Il a fait ce jour-là l’un de ses plus beaux dis
1983
, sur le thème de la liberté telle que la conçoit
un
véritable libéral. Le public français intellectuel, c’est-à-dire de g
1984
’on touche à sa Révolution, qu’on lui rappelle qu’
une
révolution violente, après tout, c’est une maladie du corps social. I
1985
lle qu’une révolution violente, après tout, c’est
une
maladie du corps social. Il fallait du courage pour lui dire : « Vous
1986
e pour lui dire : « Vous vous vantez d’avoir fait
une
glorieuse Révolution, mais aurait-on l’idée de se vanter d’avoir ‟fai
1987
mais aurait-on l’idée de se vanter d’avoir ‟fait”
une
superbe pneumonie ? » Cette boutade va loin, elle symbolise toute une
1988
e ? » Cette boutade va loin, elle symbolise toute
une
philosophie politique et sociale. Et j’ai aimé qu’après vingt ans ce
1989
à mes souvenirs de celui du Trocadéro, mais dans
un
registre plus grave : le combatif ambassadeur et l’orateur habile à s
1990
brillant, le brio, c’était l’engagement de toute
une
vie, œuvre et action, pour la défense et pour l’illustration de la li
1991
erre, accédaient aux honneurs et au pouvoir après
une
longue carrière d’opposant exilé, un sort inverse est échu à notre am
1992
uvoir après une longue carrière d’opposant exilé,
un
sort inverse est échu à notre ami. Et parce qu’il en a maîtrisé les p
1993
nous donne aujourd’hui le rare et haut exemple d’
un
combattant de la liberté demeuré libéral avec rigueur. Démontrer qu’e
1994
plus beau paradoxe ? t. Rougemont Denis de, «
Un
libéral engagé », Liber amicorum Salvador de Madariaga, Bruges, De Te
1995
Au-delà
des
nations (1967)u La fin du douanier est aussi la fin de la fraude.
1996
ergi se plaçait sous l’égide et dans la tradition
des
Sully, Comenius, Saint-Pierre, Kant, Mazzini, Hugo et Nietzsche, dont
1997
e temps, il proposait aux hommes d’État européens
un
plan d’union selon lequel « la communauté des intérêts devait paver l
1998
éens un plan d’union selon lequel « la communauté
des
intérêts devait paver le chemin menant à la Communauté politique ». I
1999
t. En septembre 1930, la France présente à la SDN
un
Memorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne
2000
sente à la SDN un Memorandum sur l’organisation d’
un
régime d’union fédérale européenne. C’est Aristide Briand convaincu p
2001
pour la première fois : il est donc dû non pas à
un
politicien et encore moins à un économiste, mais à un grand poète, Sa
2002
donc dû non pas à un politicien et encore moins à
un
économiste, mais à un grand poète, Saint-John Perse — qui sera prix N
2003
oliticien et encore moins à un économiste, mais à
un
grand poète, Saint-John Perse — qui sera prix Nobel — pseudonyme d’Al
2004
rope sont requis de se prononcer publiquement sur
une
proposition d’union. La montée de Hitler au pouvoir fait oublier leur
2005
péens qui dès la guerre finie vont se réunir avec
des
politiciens et des économistes de tendances plus modérées, en une sér
2006
erre finie vont se réunir avec des politiciens et
des
économistes de tendances plus modérées, en une série de congrès spect
2007
et des économistes de tendances plus modérées, en
une
série de congrès spectaculaires, Montreux, La Haye, Rome, Westminster
2008
xelles, de 1947 à 1950, proclamant la nécessité d’
une
union que les uns veulent sérieuse, donc fédérale, mais que les autre
2009
ale, mais que les autres entendent bien limiter à
des
accords opportunistes, donc révocables, entre États jalousement souve
2010
avec le traité instituant la CECA, s’ouvre l’ère
des
réalisations. En dépit de succès économiques certains, c’est aussi l’
2011
liste qui avait animé la Résistance et la période
des
congrès. Un petit signe le fera voir : la grande presse a pris l’habi
2012
it animé la Résistance et la période des congrès.
Un
petit signe le fera voir : la grande presse a pris l’habitude d’appel
2013
européenne digne du nom, que va-t-il se passer ?
Des
mesures propres à « favoriser » (faute de vouloir la créer) une « uni
2014
opres à « favoriser » (faute de vouloir la créer)
une
« union plus étroite » (que quoi ? on se le demande) entre États-nati
2015
s, feront l’objet de « relances » périodiques par
des
chefs de gouvernements décidés à poursuivre coûte que coûte la politi
2016
hégémonie de leur pays (ou bien celle d’équilibre
des
« Puissances ») qui était la seule sérieuse pour leurs grands-pères.
2017
. À ce mystère, ou plutôt ce scandale, je propose
une
explication tellement simple que c’est elle qui va choquer. Je suis p
2018
nistres, les parlementaires et la grande majorité
des
politologues et des économistes à leur suite ont pris le problème à l
2019
ntaires et la grande majorité des politologues et
des
économistes à leur suite ont pris le problème à l’envers : soucieux d
2020
ux de s’appuyer sur le réel, ils ont voulu partir
des
États-nations tels que les a formés le xixe siècle et achevés le tot
2021
iècle ; ils ont voulu partir de ces nations comme
des
« seules réalités politiques existantes » (ainsi que le répète volont
2022
L’union, pour deux États-nations, n’est jamais qu’
une
mesure de fortune, voire qu’un expédient désespéré (comme par exemple
2023
, n’est jamais qu’une mesure de fortune, voire qu’
un
expédient désespéré (comme par exemple l’union de la Grande-Bretagne
2024
en juin 1940) autrement dit : ce n’est jamais qu’
une
concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent trop faible s
2025
sur les obstacles à l’union ; il faut opérer sur
un
autre plan que celui-là, précisément, où le problème se révèle insolu
2026
lité de notre société, et je vais désigner par là
une
unité d’un type nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que l
2027
e société, et je vais désigner par là une unité d’
un
type nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que la cité anti
2028
que, mais plus dense, mieux structurée et offrant
un
meilleur milieu de participation civique que la nation telle que nous
2029
ssion en Europe. C’est qu’en effet il s’agit là d’
un
phénomène complexe et neuf, que nous voyons lentement prendre forme a
2030
seuil de ce dernier tiers de notre siècle, comme
un
visage dont les traits se composent et s’illuminent peu à peu sur le
2031
States » de l’Amérique du Nord. Ce sont vraiment
des
créations de notre temps, des organismes en train de naître de la com
2032
d. Ce sont vraiment des créations de notre temps,
des
organismes en train de naître de la combinaison de forces les plus di
2033
ographique, l’urbanisation galopante, la mobilité
des
industries, et par suite les nouvelles concentrations de ressources i
2034
autant que matérielles ou naturelles, la densité
des
réseaux de communications et de transports et enfin l’unité géographi
2035
ette dernière n’étant d’ailleurs plus définie par
une
frontière marquée sur le terrain par des bornes et sur les cartes par
2036
inie par une frontière marquée sur le terrain par
des
bornes et sur les cartes par des pointillés méticuleux, mais au contr
2037
r le terrain par des bornes et sur les cartes par
des
pointillés méticuleux, mais au contraire par la force de rayonnement
2038
e par la force de rayonnement de ce qu’on appelle
une
« métropole », c’est-à-dire une grande ville ou un complexe de villes
2039
ce qu’on appelle une « métropole », c’est-à-dire
une
grande ville ou un complexe de villes moyennes forment le cœur, le fo
2040
e « métropole », c’est-à-dire une grande ville ou
un
complexe de villes moyennes forment le cœur, le foyer dynamique d’un
2041
es moyennes forment le cœur, le foyer dynamique d’
un
pays d’une population minimum de 2 millions et maximum de 6 millions.
2042
s forment le cœur, le foyer dynamique d’un pays d’
une
population minimum de 2 millions et maximum de 6 millions. Ce qui don
2043
par exemple, huit à neuf régions pour la France,
une
dizaine pour l’Italie, deux ou trois pour la Hollande, quinze à vingt
2044
cret du problème tel que je l’ai découvert, voici
un
exemple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui
2045
ple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à
un
colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivant :
2046
Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’
une
« métropole régionale » basée sur le complexe Marseille-Aix-Étang de
2047
mplexe Marseille-Aix-Étang de Berre, c’est-à-dire
une
grande ville portuaire et commerçante, une vieille cité universitaire
2048
à-dire une grande ville portuaire et commerçante,
une
vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’un célèbre festival
2049
vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’
un
célèbre festival de musique, et une zone d’intense production industr
2050
relle, dotée d’un célèbre festival de musique, et
une
zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implanter le
2051
: Il peut sembler curieux, Messieurs, qu’à l’âge
des
intégrations continentales, vous vous préoccupiez d’abord de créer da
2052
us préoccupiez d’abord de créer dans votre nation
une
région plus ou moins autonome. L’effort général en vue de l’union et
2053
it en deux le bassin de la Ruhr-Moselle qui est d’
un
seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’à la surface les gens
2054
xte qu’à la surface les gens parlaient allemand d’
un
côté, français de l’autre. La CECA, puis le Marché commun ont permis
2055
ouvertes sur le monde, elles noueront entre elles
des
relations d’échanges aussi nombreuses et fréquentes que possible. Ell
2056
’Europe, non sur les cadres en bonne partie vidés
des
vieilles nations. Ces paroles éveillèrent un écho pour moi, des plus
2057
és des vieilles nations. Ces paroles éveillèrent
un
écho pour moi, des plus inattendus : c’est qu’elles venaient à la ren
2058
tions. Ces paroles éveillèrent un écho pour moi,
des
plus inattendus : c’est qu’elles venaient à la rencontre non seulemen
2059
st qu’elles venaient à la rencontre non seulement
des
souhaits des organisateurs du colloque, qui connaissaient les besoins
2060
enaient à la rencontre non seulement des souhaits
des
organisateurs du colloque, qui connaissaient les besoins de leur régi
2061
issaient les besoins de leur région, mais de tout
un
mouvement de pensée politique, déjà beaucoup plus large et solidement
2062
isation de nos États. Le concept de région a pris
une
place considérable non seulement dans les préoccupations des sociolog
2063
onsidérable non seulement dans les préoccupations
des
sociologues et chez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles un
2064
ez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles
un
important groupe de travail sur ce problème, mais encore dans les mil
2065
ase régionale : j’entends la République française
une
et indivisible. Une bonne douzaine d’ouvrages ont paru en France depu
2066
tends la République française une et indivisible.
Une
bonne douzaine d’ouvrages ont paru en France depuis le début de l’ann
2067
t La Révolution régionaliste 19 et il figure dans
une
collection de livres de poche : c’est dire que l’éditeur estime qu’il
2068
iteur estime qu’il peut répondre à la curiosité d’
un
grand public. Certes, on n’en est encore qu’au stade de la prise de c
2069
de la prise de conscience du phénomène région et
des
motifs de son apparition en ce moment précis de notre histoire et de
2070
ociété occidentale. À peine a-t-on pris la mesure
des
perspectives qu’il nous invite à explorer, notamment politiques et in
2071
lorer, notamment politiques et institutionnelles.
Des
réalisations à ce niveau ne sauraient être décrétées sans transition.
2072
s sans transition. Il est normal qu’elles exigent
une
période d’expériences, et celle-ci connaîtra forcément des échecs. Or
2073
de d’expériences, et celle-ci connaîtra forcément
des
échecs. Organiser, structurer, animer des régions et les doter d’inst
2074
rcément des échecs. Organiser, structurer, animer
des
régions et les doter d’institutions autonomes, ce sera la tâche au mo
2075
stitutions autonomes, ce sera la tâche au moins d’
une
génération, vingt à trente ans, en admettant que tout se passe bien p
2076
la Grèce par hasard. Car je tiens la région pour
une
forme de communauté aussi nouvelle dans notre civilisation que le fut
2077
ïque. Et l’on sait que la polis devint en moins d’
un
siècle l’unité de base de toute vie sociale et publique en Grèce. Ell
2078
avec ses autorités collégiales — s’opposa durant
des
siècles à la monarchie autoritaire et belliqueuse — créant ainsi la p
2079
acun de nos États-nations (qu’on appelait naguère
des
« Puissances ») se rêve ou s’est rêvé un jour Empire. Certains le son
2080
naguère des « Puissances ») se rêve ou s’est rêvé
un
jour Empire. Certains le sont parfois devenus pour le dur malheur de
2081
us n’en sommes encore qu’à l’aube de la formation
des
régions, qui seront les éléments de l’Europe à venir, mais déjà nous
2082
is déjà nous touchons au crépuscule de la période
des
États-nations. Ce qui empêche la plupart des hommes d’aujourd’hui de
2083
le en général. Croyance réfutée, il est vrai, par
un
simple coup d’œil sur l’Histoire, lequel fait voir premièrement que l
2084
iècle dernier, Ernest Renan pouvait s’écrier dans
un
discours célèbre, à la Sorbonne20 : Les nations ne sont pas quelque
2085
à travers les frontières nationales, chaque jour
un
peu moins efficaces. Peu à peu, trop lentement sans doute, mais sûrem
2086
x cadres stato-nationaux se vident, cependant que
des
centres de décision régionaux se nouent, se constituent, acquièrent q
2087
xigeaient et ne l’annonçaient dans l’enthousiasme
des
premiers congrès fédéralistes, au lendemain de la Deuxième Guerre mon
2088
ent de là leurs libertés — sera-t-elle fondée sur
des
réalités en plein essor, non sur des vieilles carcasses historiques e
2089
e fondée sur des réalités en plein essor, non sur
des
vieilles carcasses historiques et des mythes vidés de leur pouvoir. U
2090
or, non sur des vieilles carcasses historiques et
des
mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues français d
2091
historiques et des mythes vidés de leur pouvoir.
Un
des meilleurs sociologues français d’aujourd’hui, spécialiste de la p
2092
storiques et des mythes vidés de leur pouvoir. Un
des
meilleurs sociologues français d’aujourd’hui, spécialiste de la prosp
2093
disait tout récemment devant l’assemblée annuelle
des
préfets de la République : L’Europe peut nous tomber sur la tête un
2094
publique : L’Europe peut nous tomber sur la tête
un
beau matin… vers 1985. La région dans le cadre européen, est une unit
2095
vers 1985. La région dans le cadre européen, est
une
unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le département et
2096
lle que le département et même que la nation. Qu’
une
telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément de
2097
te en France, et cela précisément devant le corps
des
fonctionnaires institués par Napoléon pour effacer jusqu’au souvenir
2098
itués par Napoléon pour effacer jusqu’au souvenir
des
autonomies régionales, voilà qui nous donne à penser que la révolutio
2099
croient réalistes — parce qu’ils sont en retard d’
une
génération sur les réalités du temps. 19. Robert Lafont, La Révolut
2100
es », Paris, Gallimard, 1967. 20. « Qu’est-ce qu’
une
nation ? », Paris, 1882. u. Rougemont Denis de, « Au-delà des natio
2101
, Paris, 1882. u. Rougemont Denis de, « Au-delà
des
nations », Janus, Paris, 1967, p. 81-89.
2102
Le civisme européen : notes pour
un
« Petit Livre rouge » (été 1967)v Les dictatures totalitaires mode
2103
nnes, par exemple, n’attendent de leurs sujets qu’
une
obéissance aveugle. Mais la démocratie exige pour fonctionner d’être
2104
en charge et comprise par la très grande majorité
des
citoyens. C’est pourquoi l’instruction publique est apparue vers le m
2105
lieu du siècle passé, rendant possible la lecture
des
affiches et des journaux, donc le suffrage universel. Une démocratie
2106
assé, rendant possible la lecture des affiches et
des
journaux, donc le suffrage universel. Une démocratie ne mérite son no
2107
ches et des journaux, donc le suffrage universel.
Une
démocratie ne mérite son nom que dans la mesure où, soit par l’enseig
2108
artis, presse, mass médias, elle réussit à former
des
citoyens puis à les informer. Comment former des citoyens et un civis
2109
des citoyens puis à les informer. Comment former
des
citoyens et un civisme européens tant qu’il n’y a pas de Cité europée
2110
is à les informer. Comment former des citoyens et
un
civisme européens tant qu’il n’y a pas de Cité européenne ? Inverseme
2111
de Cité européenne ? Inversement, comment fonder
une
Cité européenne, l’Europe unie, tant qu’il n’y a pas de civisme europ
2112
ndent qu’à croire qu’ils y sont enfermés. Au-delà
des
impasses logiques, le désir bâtit la cité. Le désir d’habiter une vil
2113
iques, le désir bâtit la cité. Le désir d’habiter
une
ville, d’y circuler à l’aise et en sécurité, d’y échanger des propos
2114
’y circuler à l’aise et en sécurité, d’y échanger
des
propos et des produits et de participer à son gouvernement, le désir
2115
l’aise et en sécurité, d’y échanger des propos et
des
produits et de participer à son gouvernement, le désir d’être citoyen
2116
sse à construire la ville, qui à son tour formera
des
traditions civiques, et le besoin d’en changer. Il s’agit donc pour n
2117
les jeunes de nos pays le désir d’habiter demain
une
grande Cité européenne : s’ils la veulent, ils la bâtiront. Ni spon
2118
’union de l’Europe ne se fera pas toute seule par
un
processus mécanique, ou parce qu’elle se trouverait coïncider avec «
2119
tains disent. Elle ne sera pas non plus l’œuvre d’
un
dictateur : Napoléon, Hitler ont échoué pour longtemps. Ni spontanée,
2120
et voulue — exactement comme la démocratie — par
une
majorité de la population. Cette majorité sera suscitée et conduite p
2121
ion. Cette majorité sera suscitée et conduite par
une
minorité qui ne voudra pas forcer mais convaincre. C’est dire qu’on n
2122
C’est dire qu’on ne fera pas l’Europe sans faire
des
Européens. Mais ceux-ci, qui les fera, sinon l’éducation ? Or il faut
2123
açonne les caractères et les esprits, ne fait pas
des
Européens. Quand elle fait quelque chose au niveau du civisme, elle n
2124
leur fonctionnement. Mais surtout, on ne dit rien
des
problèmes vivants et réels qui se posent à la cité et à l’État, et qu
2125
ra trancher quand il votera. La plus ennuyeuse
des
leçons La leçon d’instruction civique est généralement considérée
2126
considérée comme la plus ennuyeuse de toutes. En
un
sens, c’est heureux, car si elle passionnait, les choses étant ce qu’
2127
évitablement au bénéfice du chauvinisme national.
Un
remède pire que le mal serait de substituer à l’heure d’ennui civique
2128
de substituer à l’heure d’ennui civique national
une
heure d’ennui civique européen, qui aurait le défaut supplémentaire d
2129
, qui aurait le défaut supplémentaire de parler d’
une
communauté encore inexistante, et d’institutions fragmentaires, limit
2130
ante, et d’institutions fragmentaires, limitées à
une
partie seulement du seul domaine économique, dans un tiers ou un quar
2131
partie seulement du seul domaine économique, dans
un
tiers ou un quart de nos pays. Dans l’un des derniers ouvrages consac
2132
ment du seul domaine économique, dans un tiers ou
un
quart de nos pays. Dans l’un des derniers ouvrages consacrés à la que
2133
dans un tiers ou un quart de nos pays. Dans l’un
des
derniers ouvrages consacrés à la question européenne, Europa zwischen
2134
lis ceci : Il faut absolument éviter qu’aux yeux
des
jeunes Allemands, Italiens ou Français l’intégration de l’Europe appa
2135
ançais l’intégration de l’Europe apparaisse comme
une
matière scolaire… Le peu d’institutions européennes au sujet desquell
2136
de savoir quelque chose, ne compte pas au regard
des
problèmes réels — ceux qu’il ne s’agit pas de réciter par cœur mais d
2137
(à tous les degrés) consiste dans la connaissance
des
problèmes réels de la cité, dans l’apprentissage des moyens de partic
2138
problèmes réels de la cité, dans l’apprentissage
des
moyens de participer à la vie de la cité, et dans l’éveil du désir d’
2139
ain, n’apparaissent pas souvent dans les discours
des
militants européistes, des ministres invoquant des idéaux abstraits p
2140
vent dans les discours des militants européistes,
des
ministres invoquant des idéaux abstraits pour obtenir des taux préfér
2141
es militants européistes, des ministres invoquant
des
idéaux abstraits pour obtenir des taux préférentiels, des philanthrop
2142
stres invoquant des idéaux abstraits pour obtenir
des
taux préférentiels, des philanthropes, managers et trustees qui suggè
2143
ux abstraits pour obtenir des taux préférentiels,
des
philanthropes, managers et trustees qui suggèrent des échanges de car
2144
philanthropes, managers et trustees qui suggèrent
des
échanges de cartes postales, de sourires officiels, de vœux pieux et
2145
er sur la nécessité de faire l’Europe — à l’étude
des
réalités déterminantes de la vie de nos pays et de l’existence social
2146
mais aussi pour servir le Monde. La connaissance
des
réalités contemporaines constitue la seule propagande absolument honn
2147
ace. Les réalités à enseigner Liste abrégée
des
réalités à enseigner (décrire, définir, illustrer) : a) Les éléments
2148
férenciation qui font de l’Europe dans l’histoire
une
unité caractérisée par sa diversité : Ou encore : — connaître nos pro
2149
encore : — connaître nos problèmes communs, l’un
des
plus réels étant que nous sommes tous différents, et que nous y tenon
2150
initiative privée, de la commune, de la région, d’
un
plan national, de groupes de régions supranationaux, de conventions p
2151
ité qui consisterait à préconiser l’utilisation d’
une
heure hebdomadaire de « réalités européennes » (Europakunde) dans l’e
2152
er l’une à l’autre : car l’Europe se fera au-delà
des
nations mais pas contre elles, ni sans elles. (La Suisse s’est faite
2153
te autonomie s’évanouissait dans l’une ou l’autre
des
nations voisines.) Sensibiliser l’esprit des jeunes Le but de l
2154
e des nations voisines.) Sensibiliser l’esprit
des
jeunes Le but de la Campagne d’éducation civique européenne23 n’es
2155
n civique européenne23 n’est donc pas d’instaurer
une
branche de plus dans l’enseignement déjà pléthorique du second degré,
2156
second degré, mais bien de sensibiliser l’esprit
des
jeunes aux réalités et aux problèmes civiques de la communauté europé
2157
dépend de l’éducation, c’est dire que tout dépend
des
éducateurs et de leur formation. L’avenir de l’Europe unie va se joue
2158
r les y pousser, il importe d’agir sans délai sur
des
groupes forcément restreints d’éducateurs, capables à leur tour d’agi
2159
européenne : de multiplier l’effort de formation
des
formateurs. Je le dis tout crûment comme je le crois : aussi longtemp
2160
de l’union européenne se déroberont sous les pas
des
hommes politiques et des économistes. Car avant de « faire l’Europe »
2161
déroberont sous les pas des hommes politiques et
des
économistes. Car avant de « faire l’Europe », il faut « faire de l’Eu
2162
écoliers de nos pays ? Oui, mais ce sera le livre
des
questions réelles éveillant le sens critique et le besoin d’invention
2163
dis que l’autre, que j’ai sous les yeux, n’est qu’
un
recueil de réponses toutes faites, uniformément optimistes et propre
2164
x qui attaquent notre culture démocratique au nom
des
idéaux qu’elle seule leur enseigna. 21. Cf. Enquête sur l’état de
2165
mont Denis de, « Le civisme européen : Notes pour
un
“Petit Livre rouge” », Éducation et Culture, Strasbourg, été 1967, p.
2166
L’Exode
des
cerveaux [débat] (1968)x M. de Rougemont : Je voudrais apporter un
2167
(1968)x M. de Rougemont : Je voudrais apporter
une
légère correction à ce qu’a dit M. Mach tout à l’heure, à savoir qu’i
2168
r de cette table. Je me considère moi aussi comme
un
chercheur et je le serai jusqu’à la fin de mes jours. Simplement, je
2169
à la fin de mes jours. Simplement, je ne suis pas
un
chercheur scientifique. Je voudrais m’élever contre la hiérarchie des
2170
ifique. Je voudrais m’élever contre la hiérarchie
des
valeurs qu’on est en train d’instaurer. M. Mach se plaignait qu’on n’
2171
staurer. M. Mach se plaignait qu’on n’accorde pas
un
respect suffisant aux chercheurs scientifiques. Il me semble au contr
2172
ues. Il me semble au contraire qu’on leur accorde
un
respect presque exclusif. Pourquoi ? Parce qu’ils sont très utiles à
2173
duit national brut. Je voudrais qu’on fasse aussi
une
petite place — comme l’a demandé M. Lalive tout à l’heure — aux cherc
2174
vous scandaliser, je vais m’inscrire en faveur d’
un
exode généralisé des cerveaux ! Je crois que la santé de la culture a
2175
e vais m’inscrire en faveur d’un exode généralisé
des
cerveaux ! Je crois que la santé de la culture a toujours consisté da
2176
exportations, entre lesquels on cherche à établir
une
certaine balance, balance des paiements, balance commerciale. Pourquo
2177
n cherche à établir une certaine balance, balance
des
paiements, balance commerciale. Pourquoi ne pas introduire la notion
2178
. Pourquoi ne pas introduire la notion de balance
des
paiements intellectuels ? Je vous donnerai tout de suite un exemple d
2179
ts intellectuels ? Je vous donnerai tout de suite
un
exemple de ce qu’on peut entendre par là. J’ai eu la curiosité de reg
2180
de regarder quelle était la composition du groupe
des
14 Suisses — de passeport ou de naissance — qui ont reçu le prix Nobe
2181
nt reçu le prix une fois devenus suisses et après
des
travaux poursuivis en Suisse. Parmi eux, Einstein et Pauli, ou en lit
2182
utre italien. Vous voyez par ce petit exemple qu’
une
certaine balance des échanges intellectuels peut nous être parfaiteme
2183
oyez par ce petit exemple qu’une certaine balance
des
échanges intellectuels peut nous être parfaitement favorable. (D’aill
2184
, je pense aussi aux universités. La plus célèbre
des
anciennes universités, c’est la Sorbonne. Eh bien, je me rappelle le
2185
expliquant, au Congrès de l’Europe à La Haye, qu’
une
certaine année, au milieu du xiie siècle, il n’y avait à la Sorbonne
2186
u du xiie siècle, il n’y avait à la Sorbonne pas
un
seul professeur français. Les grands maîtres d’alors — ce devait être
2187
, qu’y a-t-il eu comme importation et exportation
des
cerveaux en Suisse ? Comment notre culture s’est-elle faite ? D’abord
2188
abord par la conquête romaine, qui nous a apporté
une
civilisation dont nous n’avions pas la moindre idée par nous-mêmes. E
2189
pas la moindre idée par nous-mêmes. Ensuite, par
un
exode de cerveaux irlandais : c’est Colomban et Gall qui ont apporté
2190
té le christianisme en Suisse. Ensuite, il y a eu
un
exode de cerveaux picards, sous la forme de Calvin qui a apporté la R
2191
eu le service étranger. Ce n’était pas exactement
une
exportation de cerveaux, mais sur la masse, sur les dizaines de milli
2192
qui ont été dans les armées étrangères, il y eut
des
centaines de généraux qui avaient un peu de cervelle, quelquefois ; e
2193
peu de cervelle, quelquefois ; et il y avait même
des
amiraux. Je ne vous dis pas cela pour vous faire rire : la célèbre pl
2194
la flotte russe et son premier grand amiral était
un
Genevois, Lefort, et le chef de la flotte de guerre américaine, entre
2195
t tout droit de Suisse allemande. Dans le domaine
des
mathématiques, vous savez que les Suisses ont été de grands exportate
2196
e, dans les Pays-Bas. Ensuite, Agassiz, qui était
un
savant neuchâtelois, a fondé les sciences naturelles aux États-Unis.
2197
s aux États-Unis. Les architectes suisses — voilà
un
grand chapitre de l’exportation suisse. Tous les grands architectes d
2198
inois. Les Borromini, Maderno, Fontana, ont fondé
une
grande tradition d’architectes suisses exportés qui a abouti à Le Cor
2199
lus près de nous. Parmi les ingénieurs, vous avez
des
hommes comme Chevrolet par exemple, qui, ne pouvant pas faire de voit
2200
ès que vous savez. L’ingénieur Ammann a été faire
des
ponts, aux États-Unis, qui sont les plus grands du monde. Et on pourr
2201
an-Luc Godard. M. Nordmann : Il y a tout de même
un
moment où cette exportation, dont vous venez de citer de longs exempl
2202
positive devient négative, c’est-à-dire qu’il y a
un
moment où cette exportation devient ce que nous avons appelé l’exode
2203
ortation devient ce que nous avons appelé l’exode
des
cerveaux. M. de Rougemont : Oui, et il faudrait donc essayer de trouv
2204
ont : Oui, et il faudrait donc essayer de trouver
des
critères pour déterminer à quel moment ce que j’appelle des échanges
2205
es pour déterminer à quel moment ce que j’appelle
des
échanges — et qui est la santé même — devient un exode qu’il faudrait
2206
des échanges — et qui est la santé même — devient
un
exode qu’il faudrait déplorer ou arrêter si on le peut. Je crois qu’i
2207
is qu’il faut considérer là-dedans les dimensions
des
activités en jeu, et les dimensions des communautés qui peuvent les p
2208
imensions des activités en jeu, et les dimensions
des
communautés qui peuvent les prendre en charge. Étant donné la nature,
2209
nature, les conditions et les finalités propres d’
une
certaine activité, quel est le type de communauté qui lui correspond
2210
à à peu près la formule d’analyse que je propose.
Une
analyse nationaliste consisterait à dire — à dire sans analyse d’aill
2211
que tout soit fait dans ses limites. Il lui faut
une
industrie automobile, une industrie aéronautique, il lui faut des ord
2212
es limites. Il lui faut une industrie automobile,
une
industrie aéronautique, il lui faut des ordinateurs, il lui faut un s
2213
tomobile, une industrie aéronautique, il lui faut
des
ordinateurs, il lui faut un synchrocyclotron et tout. Ça, c’est le po
2214
autique, il lui faut des ordinateurs, il lui faut
un
synchrocyclotron et tout. Ça, c’est le point de vue nationaliste. Le
2215
d’après les grandeurs, les dimensions, les moyens
des
communautés qui peuvent s’en occuper. Autrement dit, du point de vue
2216
ste, on se demandera à partir de quelle dimension
une
communauté a le droit de se plaindre d’un exode de ses fils qui vont
2217
ension une communauté a le droit de se plaindre d’
un
exode de ses fils qui vont exercer leur activité ailleurs. Prenez un
2218
s qui vont exercer leur activité ailleurs. Prenez
un
village suisse quelconque ; si un de ses enfants devient professeur d
2219
illeurs. Prenez un village suisse quelconque ; si
un
de ses enfants devient professeur d’université, on ne va pas dire que
2220
fesseur d’université, on ne va pas dire que c’est
un
exode de cerveau, puisque le village n’a pas les dimensions nécessair
2221
de tailles correspondantes) : si à ce moment-là,
une
grande puissance quelconque vient acheter tout le corps professoral,
2222
cela se faisait en Italie pendant le Moyen Âge où
une
ville achetait toute l’université d’une autre ville, ou toute une fac
2223
en Âge où une ville achetait toute l’université d’
une
autre ville, ou toute une faculté, ou un studium — professeurs et étu
2224
it toute l’université d’une autre ville, ou toute
une
faculté, ou un studium — professeurs et étudiants ensemble — à tel po
2225
rsité d’une autre ville, ou toute une faculté, ou
un
studium — professeurs et étudiants ensemble — à tel point que, à Bolo
2226
semble — à tel point que, à Bologne, on dût faire
des
lois terribles contre les « voleurs d’universités » : ils étaient pun
2227
unis de mort — alors là, il s’agira bel et bien d’
un
« exode des cerveaux ». Je reviens à deux des exemples que je vous ai
2228
t — alors là, il s’agira bel et bien d’un « exode
des
cerveaux ». Je reviens à deux des exemples que je vous ai cités tout
2229
en d’un « exode des cerveaux ». Je reviens à deux
des
exemples que je vous ai cités tout à l’heure. Celui de Blaise Cendrar
2230
é à La Chaux-de-Fonds, mais il était originaire d’
un
petit village de l’Oberland bernois qui s’appelle Sigriswil. Si Blais
2231
La Chaux-de-Fonds se serait plainte d’avoir perdu
un
cerveau ? Pas du tout ! Il serait resté à La Chaux-de-Fonds et nous n
2232
Cendrars, puis il est allé à Paris qui en a fait
un
grand écrivain et c’est seulement quand nous avons su qu’il y avait u
2233
c’est seulement quand nous avons su qu’il y avait
un
grand écrivain qui s’appelait Blaise Cendrars que nous avons découver
2234
ts, le Washington Bridge à New York, qui a plus d’
un
kilomètre, et le Golden Gate à San Francisco qui a 2750 mètres de lon
2235
urait pu lui offrir, me direz-vous, de construire
un
pont enjambant la rade de Genève, mais les crédits n’ont pas encore é
2236
e été votés, depuis quarante ans. Et puis, il y a
un
cas particulier, qui a déjà été évoqué tout à l’heure par M. Renold.
2237
out à l’heure par M. Renold. C’est celui du CERN.
Un
chercheur suisse va travailler au CERN : nous ne pouvons pas parler d
2238
la recherche atomique n’est pas aux dimensions d’
un
pays comme la Suisse, ni d’ailleurs d’aucun de nos pays d’Europe : el
2239
ausanne en 1949, nous avons proposé la création d’
un
grand laboratoire européen de recherche nucléaire. C’est un message d
2240
aboratoire européen de recherche nucléaire. C’est
un
message du Prince Louis de Broglie qui a formulé cette idée, que nous
2241
l’Unesco, de manière à pouvoir retenir en Europe
un
certain nombre de savants qu’il était important de garder pour la com
2242
uoi je veux parler… De sorte que l’on peut dire à
un
pays comme la Suisse par exemple, mais aussi à un pays comme la Franc
2243
un pays comme la Suisse par exemple, mais aussi à
un
pays comme la France : si vous voulez garder, en partie tout au moins
2244
ques, favorisez par tous les moyens la création d’
une
fédération européenne qui permettra de multiplier les organismes dont
2245
U, on ne peut pas dire non plus qu’il s’agit là d’
une
perte, d’un exode. Simplement, la Suisse prend sa part de ses obligat
2246
pas dire non plus qu’il s’agit là d’une perte, d’
un
exode. Simplement, la Suisse prend sa part de ses obligations interna
2247
s faire remarquer que, entre ce qui a été dit sur
une
politique d’option, et ce qui vient d’être dit sur une politique de d
2248
olitique d’option, et ce qui vient d’être dit sur
une
politique de dimension, il est facile de retrouver des éléments d’uni
2249
olitique de dimension, il est facile de retrouver
des
éléments d’unité. Ce sont là des notions qui se recouvrent. Avant de
2250
ile de retrouver des éléments d’unité. Ce sont là
des
notions qui se recouvrent. Avant de passer à la discussion générale,
2251
asser à la discussion générale, je voudrais poser
une
dernière question à M. de Rougemont. Vous avez parlé de l’exode dont
2252
M. de Rougemont. Vous avez parlé de l’exode dont
une
part est un échange, mais aussi une part est dommageable. La question
2253
ont. Vous avez parlé de l’exode dont une part est
un
échange, mais aussi une part est dommageable. La question est celle-c
2254
l’exode dont une part est un échange, mais aussi
une
part est dommageable. La question est celle-ci : quelles mesures pren
2255
pas le caractère d’échange mais qu’il sanctionne
un
manque d’organisation ou de structure qui incite les chercheurs à all
2256
sens unique que l’on appelle exode par rapport à
une
certaine communauté et dans une certaine conjoncture. Il y a un premi
2257
ode par rapport à une certaine communauté et dans
une
certaine conjoncture. Il y a un premier choix à faire : je suis perso
2258
en aller, ou bien qui consisterait à les racheter
un
peu plus cher que ce que le concurrent offre. C’est un moyen d’essaye
2259
u plus cher que ce que le concurrent offre. C’est
un
moyen d’essayer de pallier les effets sans toucher les causes. Si on
2260
s effets sans toucher les causes. Si on estime qu’
un
certain échange devient un exode dommageable, je suis d’avis qu’on es
2261
auses. Si on estime qu’un certain échange devient
un
exode dommageable, je suis d’avis qu’on essaie d’y remédier en renver
2262
ier en renversant le flux, c’est-à-dire en créant
des
pôles d’attraction à l’endroit d’où les gens s’en vont. Donc, pas par
2263
l’endroit d’où les gens s’en vont. Donc, pas par
des
barrages, pas d’une manière restrictive, négative ou coercitive, mais
2264
gens s’en vont. Donc, pas par des barrages, pas d’
une
manière restrictive, négative ou coercitive, mais uniquement en dével
2265
ive ou coercitive, mais uniquement en développant
des
pôles et des climats intellectuels qui attirent. Ce n’est pas uniquem
2266
tive, mais uniquement en développant des pôles et
des
climats intellectuels qui attirent. Ce n’est pas uniquement une quest
2267
tellectuels qui attirent. Ce n’est pas uniquement
une
question financière. Naturellement, la question financière constitue
2268
. Naturellement, la question financière constitue
un
préalable. Si vous ne payez pas les gens suffisamment, il ne faut pas
2269
ent renverser le flux, c’est-à-dire comment créer
des
pôles d’attraction ? On y fait allusion déjà. Il s’agit de concentrer
2270
erpunkte. Par exemple, à Genève, nous disposons d’
un
certain nombre de points forts : les études internationales, les rech
2271
cause de la proximité du CERN — ça, c’est presque
un
accident — et les recherches psychologiques. Il y a là de quoi consti
2272
ches psychologiques. Il y a là de quoi constituer
un
point fort, un pôle d’attraction, au lieu de répartir de manière égal
2273
ques. Il y a là de quoi constituer un point fort,
un
pôle d’attraction, au lieu de répartir de manière égalitaire — et don
2274
s d’emploi, ou pas uniquement. Il s’agit de créer
un
climat intellectuel. Je ne vais pas vous en donner la recette. Créer
2275
. Je ne vais pas vous en donner la recette. Créer
un
climat intellectuel, c’est aussi difficile à faire et à définir qu’un
2276
el, c’est aussi difficile à faire et à définir qu’
une
œuvre d’art, parce que c’en est une ! Une œuvre d’art, il faut la fai
2277
à définir qu’une œuvre d’art, parce que c’en est
une
! Une œuvre d’art, il faut la faire, comme dit l’autre, ce n’est pas
2278
inir qu’une œuvre d’art, parce que c’en est une !
Une
œuvre d’art, il faut la faire, comme dit l’autre, ce n’est pas le tou
2279
tions qui me paraissent requises pour qu’il y ait
une
vie intellectuelle, un climat attirant, et pas seulement pour des mus
2280
requises pour qu’il y ait une vie intellectuelle,
un
climat attirant, et pas seulement pour des musiciens ou des artistes,
2281
tuelle, un climat attirant, et pas seulement pour
des
musiciens ou des artistes, mais aussi pour les chercheurs scientifiqu
2282
attirant, et pas seulement pour des musiciens ou
des
artistes, mais aussi pour les chercheurs scientifiques dont parlait M
2283
ach tout à l’heure. Je peux très bien imaginer qu’
un
physicien, ou un médecin, ou un dentiste, soit retenu à Genève, même
2284
e. Je peux très bien imaginer qu’un physicien, ou
un
médecin, ou un dentiste, soit retenu à Genève, même s’il y est moins
2285
bien imaginer qu’un physicien, ou un médecin, ou
un
dentiste, soit retenu à Genève, même s’il y est moins payé qu’ailleur
2286
, il n’est pas uniquement médecin, et s’il trouve
un
bon orchestre, un bon quatuor qui joue de la musique moderne, cela po
2287
quement médecin, et s’il trouve un bon orchestre,
un
bon quatuor qui joue de la musique moderne, cela pourra peut-être le
2288
jà beaucoup ; elles ont fait ces dernières années
un
effort considérable pour intéresser l’ensemble de la population à cer
2289
base souvent, à la radio et à la télévision, sur
des
enquêtes rapides relatives à l’intérêt que les gens ont ou n’ont pas
2290
rme la qualité de ces émissions selon la quantité
des
réponses. Je crois que c’est faux. Il faudrait que la télévision et l
2291
e vais pas allonger trop. Je voudrais dire encore
un
mot sur le rôle de l’Université, des universités dans la création de
2292
s dire encore un mot sur le rôle de l’Université,
des
universités dans la création de ces pôles d’attraction, de ce climat
2293
estation. Mais attention : contestation n’est pas
un
mot inventé par Cohn-Bendit, ni même par Sartre. Contestation, c’est
2294
n-Bendit, ni même par Sartre. Contestation, c’est
un
terme qui est lié à l’Université depuis sa création, au xiie siècle.
2295
ersité depuis sa création, au xiie siècle. Voilà
une
chose qu’on oublie complètement aujourd’hui. La méthode d’enseignemen
2296
dans les groupes d’étudiants et de professeurs —
un
tel groupe s’appelait un « studium » — la discussion, souvent violent
2297
ants et de professeurs — un tel groupe s’appelait
un
« studium » — la discussion, souvent violente, à laquelle tout le mon
2298
dirigeait la discussion — c’était essentiellement
une
contestation. On a même défini la méthode scolastique comme étant ess
2299
a méthode scolastique comme étant essentiellement
une
discussion libre et ouverte où s’opposaient le pour et le contre, sys
2300
ous prierai de croire que ce n’était pas toujours
des
sujets purement techniques ou de grammaire. La grande lutte qui a opp
2301
sé Siger de Brabant et saint Thomas d’Aquin était
une
lutte concernant vraiment les fondements de la société de l’époque. D
2302
. Université engagée si vous voulez, pour prendre
un
autre mot qui a été à la mode lui aussi. Ces notions-là ont repris un
2303
té à la mode lui aussi. Ces notions-là ont repris
une
vie très intense depuis quelques années, comme vous l’avez vu. D’abor
2304
bord aux États-Unis à Berkeley, ensuite ça a fait
une
traînée dans toute l’Europe, de Varsovie à Madrid, de Berlin à Belgra
2305
grade ces jours-ci, à Paris bien entendu, et même
un
tout petit peu à Genève, ai-je entendu dire. Moi, je trouve cela admi
2306
depuis le Moyen Âge, on ne s’était autant occupé
des
universités que depuis qu’on a découvert qu’il fallait les réformer.
2307
que la réforme universitaire dont on parle depuis
des
années, aboutisse vite, mais surtout je souhaite qu’on ne s’en tienne
2308
vitale de notre société, le lieu de la discussion
des
finalités de notre société, de la hiérarchie de ses options. Une cont
2309
e notre société, de la hiérarchie de ses options.
Une
contestation qui ne se fasse pas — ce sera mon dernier mot — en dehor
2310
e ces cours soit la remise en question permanente
des
buts, des hiérarchies, des finalités de notre société, dont je refuse
2311
s soit la remise en question permanente des buts,
des
hiérarchies, des finalités de notre société, dont je refuse absolumen
2312
en question permanente des buts, des hiérarchies,
des
finalités de notre société, dont je refuse absolument que ce soit sim
2313
mmes presque entièrement d’accord. J’ai peut-être
un
peu forcé parce qu’il faut simplifier quand on aborde une quantité de
2314
forcé parce qu’il faut simplifier quand on aborde
une
quantité de sujets importants comme nous le faisons ce soir, en parla
2315
soir, en parlant d’œuvre d’art. Simplement, c’est
une
manière de simplifier les choses. Vous avez peut-être aussi un peu tr
2316
simplifier les choses. Vous avez peut-être aussi
un
peu trop simplifié dans votre sens, en disant que, pour vous, le clim
2317
ens, en disant que, pour vous, le climat, c’est «
un
financement + une organisation ». Je répète : le financement, c’est u
2318
e, pour vous, le climat, c’est « un financement +
une
organisation ». Je répète : le financement, c’est un préalable, on ne
2319
organisation ». Je répète : le financement, c’est
un
préalable, on ne fait rien sans ça. L’organisation aussi. Mais croire
2320
ien sans ça. L’organisation aussi. Mais croire qu’
un
climat, c’est un financement + une organisation, ça c’est croire ce q
2321
ganisation aussi. Mais croire qu’un climat, c’est
un
financement + une organisation, ça c’est croire ce que croient les Am
2322
Mais croire qu’un climat, c’est un financement +
une
organisation, ça c’est croire ce que croient les Américains. Eh bien,
2323
cet immense sujet sur lequel il faudrait revenir
une
autre année. L’Europe doit ajouter à tout le reste un certain sens de
2324
utre année. L’Europe doit ajouter à tout le reste
un
certain sens de la vie, une certaine saveur, ce qui fait que, moi, je
2325
jouter à tout le reste un certain sens de la vie,
une
certaine saveur, ce qui fait que, moi, je suis rentré en Europe, par
2326
icile de vous décrire, et si vous voulez en avoir
une
bonne description, adressez-vous aux Américains qui disent qu’ils vou
2327
us expliqueront cela très bien. Sur le même sujet
des
États-Unis, M. Lalive disait tout à l’heure : Je n’ai pas vu de génie
2328
pas tellement étonnant, vu que l’effort culturel
des
Américains n’est pas porté vers la création de génies individuels. C’
2329
rté vers la création de génies individuels. C’est
un
effort beaucoup plus collectif, par team, c’est un effort qui est por
2330
n effort beaucoup plus collectif, par team, c’est
un
effort qui est porté sur la préparation du terrain. D’ailleurs, nous
2331
très importantes pour la Suisse. Nous avons pris
une
partie de notre Constitution, le bicaméralisme, importé des États-Uni
2332
de notre Constitution, le bicaméralisme, importé
des
États-Unis. Ce qu’a dit M. Mach m’a paru un peu curieux. Il a parlé d
2333
orté des États-Unis. Ce qu’a dit M. Mach m’a paru
un
peu curieux. Il a parlé de mon optimisme béat. Je ne vois pas du tout
2334
pu tomber dans ce penchant vicieux. J’ai proposé
une
méthode d’analyse des situations pour savoir quand il y a lieu de se
2335
chant vicieux. J’ai proposé une méthode d’analyse
des
situations pour savoir quand il y a lieu de se plaindre d’un exode, q
2336
ns pour savoir quand il y a lieu de se plaindre d’
un
exode, quand — je me répète — les échanges qui sont normaux et bénéfi
2337
qui sont normaux et bénéfiques, tendent à devenir
un
exode qui est une perte, qui est défavorable. Cette méthode peut être
2338
et bénéfiques, tendent à devenir un exode qui est
une
perte, qui est défavorable. Cette méthode peut être discutée ; il s’a
2339
l’appliquer, mais je refuse absolument de prendre
une
position, par principe optimiste — ou pessimiste d’ailleurs. Je crois
2340
tout. Mais je vous signale le danger, qui serait
un
danger un peu américain, qu’il y aurait à isoler complètement votre r
2341
s je vous signale le danger, qui serait un danger
un
peu américain, qu’il y aurait à isoler complètement votre recherche s
2342
votre recherche scientifique de tout l’ensemble d’
une
culture. Ça peut marcher pendant quelque temps, quelques années, mais
2343
me pour la recherche scientifique. Je défends ici
une
conception profondément européenne, si vous voulez, mais je persiste
2344
éricains qui nous le demandent. La culture, c’est
un
tout, c’est un ensemble dont toutes les parties sont en interaction.
2345
us le demandent. La culture, c’est un tout, c’est
un
ensemble dont toutes les parties sont en interaction. On peut citer m
2346
très différentes, souvent très éloignées les unes
des
autres. Alors, ne tombons pas dans le travers américain. Rapatrions n
2347
x. Rougemont Denis de, « [Interventions] L’exode
des
cerveaux », Bastions de Genève, Genève, 1968, p. 13-20, 26.
2348
vingt-et-un ans, dans cette même Université, avec
une
poignante éloquence, Winston Churchill appelait la création de quelqu
2349
’Europe » et il s’écriait : « Je dois vous donner
un
avertissement. Le temps presse. Si nous devons constituer les États-U
2350
re à l’appel pathétique du célèbre homme d’État ?
Un
appel ne pouvait suffire à la créer… Au lieu d’une Europe qui se fait
2351
Un appel ne pouvait suffire à la créer… Au lieu d’
une
Europe qui se fait, nous entendons aujourd’hui des déclarations inqui
2352
ne Europe qui se fait, nous entendons aujourd’hui
des
déclarations inquiétantes, comme celle d’André Malraux le mois dernie
2353
es, comme celle d’André Malraux le mois dernier à
un
journal suisse : Les nations sont redevenues le phénomène fondamenta
2354
é Malraux quelques jours plus tard, interrogé par
des
jeunes gens à la radio, répond : Faire l’Europe est la seule chose v
2355
ernationale, comme Marx l’avait dit, ni le siècle
des
fédérations, comme Proudhon l’avait prévu, mais bien le siècle des na
2356
comme Proudhon l’avait prévu, mais bien le siècle
des
nations, est-ce qu’on s’en félicite, ou bien est-ce qu’on dit cela co
2357
me. Le cancer et les maladies mentales sont aussi
des
réalités importantes de notre temps, mais je ne pense pas que le réal
2358
l’impossibilité d’unir l’Europe le démontre avec
une
évidence presque écrasante. Que les nations soient en même temps mal
2359
État totalitaire, — par le besoin d’union au-delà
des
nations, partout ressenti et déclaré, et qui a donné naissance au Mar
2360
Marché commun notamment, enfin par l’existence d’
un
problème chaque année plus aigu, celui du sous-développement de certa
2361
e de leurs capitales. Tous ces symptômes révèlent
une
inadaptation morbide de l’État-nation aux réalités politiques, économ
2362
ôt que nous atteignons le stade de crise finale d’
une
forme d’association qui a dominé et animé l’Europe du xixe siècle, m
2363
voir l’histoire s’imaginent qu’il y a toujours eu
des
États, que les nations sont immortelles (en tout cas la leur !), que
2364
e illusion, il faudrait enseigner dans nos écoles
un
minimum d’histoire générale de l’humanité et des formes politiques, a
2365
s un minimum d’histoire générale de l’humanité et
des
formes politiques, assez pour rappeler d’où viennent la nation, l’Éta
2366
, la France, peut être datée de cette déclaration
des
légistes du Philippe de Bel : « Le Roy de France est empereur en son
2367
yaume », ce qui veut dire que le chef de l’État d’
un
domaine de moyenne grandeur centré sur l’Île-de-France ne se reconnaî
2368
protection en Avignon, et puis réalise aux dépens
des
Juifs qu’il fait dépouiller et des chevaliers du Temple qu’il fait ex
2369
ise aux dépens des Juifs qu’il fait dépouiller et
des
chevaliers du Temple qu’il fait exécuter, une merveilleuse opération
2370
et des chevaliers du Temple qu’il fait exécuter,
une
merveilleuse opération sur l’or ! (si l’on veut bien me passer ce lég
2371
ècle. Ce spectacle, qui est celui de la naissance
des
nations, remplit d’effroi les sages de l’époque. « Ô genre humain, tu
2372
sages de l’époque. « Ô genre humain, tu es devenu
un
monstre aux multiples têtes ! » s’écrie Dante dans son traité de La M
2373
absolue — idée qui est à peine supportable quand
un
prince l’incarne, s’il n’est pas un génie ou un saint, mais qui devie
2374
ortable quand un prince l’incarne, s’il n’est pas
un
génie ou un saint, mais qui devient proprement révoltante — et par ai
2375
d un prince l’incarne, s’il n’est pas un génie ou
un
saint, mais qui devient proprement révoltante — et par ailleurs massi
2376
par ailleurs massivement meurtrière — quand c’est
un
parti qui s’en empare au nom du peuple, comme ce fut le cas des jacob
2377
s’en empare au nom du peuple, comme ce fut le cas
des
jacobins et des « démocraties » plébiscitaires et totalitaires du xxe
2378
om du peuple, comme ce fut le cas des jacobins et
des
« démocraties » plébiscitaires et totalitaires du xxe siècle. La con
2379
ation de modèle napoléonien ? C’est le résultat d’
une
volonté abstraite, peut-être folle, qui entend faire coïncider à tout
2380
, politique et industrie, et les régir à partir d’
un
centre unique de décision, par le moyen de bureaux où se concentrent
2381
res, et plus tard économiques, sous l’hégémonie d’
une
seule ethnie. Modèle monstrueux, si l’on y réfléchit, mais c’est préc
2382
tent à l’idée qu’il pourrait n’être après tout qu’
une
forme transitoire, comme tant d’autres. On enseigne son catéchisme da
2383
nère ses statues sur toutes les places. « Il faut
une
religion pour le peuple » assure-t-on, et comme ce n’est plus guère l
2384
ralisé et unifié s’arroge ainsi tous les pouvoirs
des
grands empires traditionnels jusqu’au Saint-Empire médiéval, bien qu’
2385
l juge non seulement de ses intérêts mais de ceux
des
autres27. C’est donc une partie qui se veut aussi grande que le tout.
2386
es intérêts mais de ceux des autres27. C’est donc
une
partie qui se veut aussi grande que le tout. L’État-nation moderne, u
2387
nation moderne, unitaire et absolu n’est enfin qu’
un
empire manqué. Voilà la vérité fondamentale du xxe siècle des nation
2388
nqué. Voilà la vérité fondamentale du xxe siècle
des
nations. Et il faut souligner à ce propos une constatation des plus p
2389
cle des nations. Et il faut souligner à ce propos
une
constatation des plus paradoxales : c’est que, si tous les États-nati
2390
Et il faut souligner à ce propos une constatation
des
plus paradoxales : c’est que, si tous les États-nations unitaires ont
2391
tous les États-nations unitaires ont été et sont
des
empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les seuls empires
2392
s empires réussis de notre temps se trouvent être
des
fédérations : les USA et l’URSS. Regardons maintenant ces États-natio
2393
nimer leurs régions, et d’offrir à leurs citoyens
une
participation réelle à la vie politique. Le problème du petit État da
2394
olitique. Le problème du petit État dans le monde
des
grands (titre de la série dans laquelle s’inscrit ma conférence), c’e
2395
vrais grands. Ils sont trop petits « à l’échelle
des
moyens techniques modernes, à la mesure de l’Amérique et de la Russie
2396
petits pour se défendre seuls, même avec l’aide d’
une
petite ou moyenne force de frappe, pratiquement annulée par les barra
2397
ratiquement annulée par les barrages antimissiles
des
deux grands. Ils sont trop petits dans le domaine économique pour rép
2398
multipliés sur tous les continents par le retrait
des
puissances naguère coloniales. Enfin, ils sont trop petits pour agir
2399
ont trop petits pour agir politiquement au niveau
des
empires véritables qui dominent notre monde, et surtout pour résister
2400
ela, c’est la plus grave maladie qui puisse miner
un
corps politique. Telle étant la crise présente de l’État-nation, le r
2401
s États-nations, dirait-on. En effet, l’existence
des
empires de l’Est et de l’Ouest leur pose un dilemme aussi simple qu’i
2402
ence des empires de l’Est et de l’Ouest leur pose
un
dilemme aussi simple qu’inexorable : — ou bien ils se contentent de p
2403
eté absolue, dont ils refusent de rien déléguer à
une
autorité supranationale, fédérale, et alors ils seront fatalement sat
2404
dérale, et alors ils seront fatalement satellisés
un
à un ; — ou bien ils font ce qu’il faut pour pouvoir résister, c’est-
2405
e, et alors ils seront fatalement satellisés un à
un
; — ou bien ils font ce qu’il faut pour pouvoir résister, c’est-à-dir
2406
renoncent à leur souveraineté absolue au profit d’
une
fédération qui les protège. C’est ce second parti qu’ont adopté en 18
2407
ons européens en plus de vingt ans n’ont pas fait
un
seul pas effectif en direction de leur fédération politique. Force m’
2408
stes. Le problème de l’union de l’Europe à partir
des
États-nations paraissant insoluble en théorie autant qu’il le reste e
2409
-à-dire laisser nos États continuer à prétendre à
une
indépendance de moins en moins croyable, et qui se borne en fait à la
2410
rales en Europe, Louis Armand formulait récemment
une
règle d’or qui trouve ici son application majeure : Développons en
2411
L’union, pour deux États-nations, n’est jamais qu’
une
mesure de fortune, voire un expédient désespéré (comme par exemple l’
2412
ons, n’est jamais qu’une mesure de fortune, voire
un
expédient désespéré (comme par exemple l’union de la Grande-Bretagne
2413
en juin 1940), autrement dit : ce n’est jamais qu’
une
concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent trop faible s
2414
hose que sur les obstacles à l’union ; opérer sur
un
autre plan que celui-là, précisément, où le problème se révèle insolu
2415
lité de notre société, et je vais désigner par là
une
unité d’un type nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que l
2416
e société, et je vais désigner par là une unité d’
un
type nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que la cnté anti
2417
que, mais plus dense, mieux structurée et offrant
un
meilleur milieu de participation civique que la nation telle que nous
2418
sion en Europe. C’est qu’en effet, il s’agit là d’
un
phénomène complexe et neuf, que nous voyons lentement prendre forme a
2419
seuil de ce dernier tiers de notre siècle, comme
un
visage dont les traits se composent et s’illuminent peu à peu sur le
2420
States » de l’Amérique du Nord. Ce sont vraiment
des
créations de notre temps, des organismes en train de naître de la com
2421
d. Ce sont vraiment des créations de notre temps,
des
organismes en train de naître de la combinaison de forces les plus di
2422
ographique, l’urbanisation galopante, la mobilité
des
industries, et par suite les nouvelles concentrations de ressources i
2423
s intellectuelles, techniques et bancaires autour
des
ressources matérielles et naturelles, la densité des réseaux de commu
2424
ressources matérielles et naturelles, la densité
des
réseaux de communications et de transports, et enfin l’unité géograph
2425
n’étant d’ailleurs plus définie primairement par
une
frontière marquée sur le terrain à l’aide de bornes ou de réseaux de
2426
e par la force de rayonnement de ce qu’on appelle
une
« métropole », grande ville ou complexe de villes moyennes formant le
2427
es moyennes formant le cœur, le foyer dynamique d’
un
pays d’une population minimum d’un à deux millions et maximum de six
2428
s formant le cœur, le foyer dynamique d’un pays d’
une
population minimum d’un à deux millions et maximum de six millions. C
2429
er dynamique d’un pays d’une population minimum d’
un
à deux millions et maximum de six millions. Ce qui donnerait, par exe
2430
nerait, par exemple, neuf régions pour la France,
une
dizaine pour l’Italie, deux ou trois pour la Hollande, quinze à vingt
2431
cret du problème tel que je l’ai découvert, voici
un
exemple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui
2432
ple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à
un
colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivant :
2433
Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’
une
« métropole régionale » basée sur le complexe Marseille-Aix-Étang de
2434
mplexe Marseille-Aix-Étang de Berre, c’est-à-dire
une
grande ville portuaire et commerçante, une vieille cité universitaire
2435
à-dire une grande ville portuaire et commerçante,
une
vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’un célèbre festival
2436
vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’
un
célèbre festival de musique, et une zone d’intense production industr
2437
relle, dotée d’un célèbre festival de musique, et
une
zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implanter le
2438
sembler curieux, Messieurs, qu’à l’âge de l’union
des
nations et des intégrations continentales, vous vous préoccupiez d’ab
2439
, Messieurs, qu’à l’âge de l’union des nations et
des
intégrations continentales, vous vous préoccupiez d’abord de créer da
2440
us préoccupiez d’abord de créer dans votre nation
une
région plus ou moins autonome. L’effort d’union et votre effort, qu’o
2441
it en deux le bassin de la Ruhr-Moselle qui est d’
un
seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’à la surface les gens
2442
xte qu’à la surface les gens parlaient allemand d’
un
côté, français de l’autre. La CECA, puis la CEE ont permis de surmont
2443
. Dans l’Europe de demain, libérée de la tyrannie
des
frontières d’état civil imposées aux réalités économiques, les région
2444
ouvertes sur le monde, elles noueront entre elles
des
relations d’échanges aussi nombreuses et fréquentes que possible. Ell
2445
’Europe, non sur les cadres en bonne partie vidés
des
vieilles nations. Ces paroles éveillèrent un écho pour moi des plus
2446
és des vieilles nations. Ces paroles éveillèrent
un
écho pour moi des plus inattendus : c’est qu’elles venaient à la renc
2447
ations. Ces paroles éveillèrent un écho pour moi
des
plus inattendus : c’est qu’elles venaient à la rencontre non seulemen
2448
st qu’elles venaient à la rencontre non seulement
des
souhaits des organisateurs du colloque, qui connaissaient les besoins
2449
enaient à la rencontre non seulement des souhaits
des
organisateurs du colloque, qui connaissaient les besoins de leur régi
2450
issaient les besoins de leur région, mais de tout
un
mouvement de pensée politique, déjà beaucoup plus large et solidement
2451
les volumes et les congrès sur la régionalisation
des
États européens. Le concept de région a pris une place considérable n
2452
des États européens. Le concept de région a pris
une
place considérable non seulement dans les préoccupations des sociolog
2453
onsidérable non seulement dans les préoccupations
des
sociologues, et chez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles u
2454
ez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles
un
important colloque sur ce problème32, mais encore dans les milieux di
2455
ase régionale : j’entends la République française
une
et indivisible. La bibliographie des ouvrages consacrés en France aux
2456
ue française une et indivisible. La bibliographie
des
ouvrages consacrés en France aux problèmes de la région moderne compo
2457
aux problèmes de la région moderne comporte déjà
une
quarantaine de volumes, et une bonne centaine d’études substantielles
2458
erne comporte déjà une quarantaine de volumes, et
une
bonne centaine d’études substantielles dues à des professeurs de soci
2459
une bonne centaine d’études substantielles dues à
des
professeurs de sociologie, à des politologues, à des économistes, à d
2460
antielles dues à des professeurs de sociologie, à
des
politologues, à des économistes, à des juristes, mais aussi à des res
2461
professeurs de sociologie, à des politologues, à
des
économistes, à des juristes, mais aussi à des responsables du Plan, à
2462
iologie, à des politologues, à des économistes, à
des
juristes, mais aussi à des responsables du Plan, à des hommes politiq
2463
, à des économistes, à des juristes, mais aussi à
des
responsables du Plan, à des hommes politiques comme Mendès-France, Pl
2464
uristes, mais aussi à des responsables du Plan, à
des
hommes politiques comme Mendès-France, Pleven, Debré. Parmi les titre
2465
, je citerai : Décoloniser la province, La France
des
minorités, La Gauche et les régions, Paris et le désert français (ce
2466
rt de recherche scientifique et de renouvellement
des
conceptions de base se développe un véritable mouvement de revendicat
2467
nouvellement des conceptions de base se développe
un
véritable mouvement de revendications politiques. Les candidats de l’
2468
ions politiques. Les candidats de l’opposition et
un
parti au moins, le PSU, demandent déjà des assemblées régionales élue
2469
tion et un parti au moins, le PSU, demandent déjà
des
assemblées régionales élues, la promotion d’une citoyenneté régionale
2470
à des assemblées régionales élues, la promotion d’
une
citoyenneté régionale, la mise en place d’exécutifs régionaux, — tout
2471
positions qui étaient proprement impensables pour
un
esprit français il y a dix ou vingt ans encore. Je viens de recevoir
2472
t ans encore. Je viens de recevoir le manifeste d’
un
nouveau mouvement politique « pour le fédéralisme et le progrès socia
2473
et progressiste française pour la construction d’
une
VIe République. Nous réclamons la création d’États régionaux français
2474
t fédéral français. Parmi les plus graves méfaits
des
bureaucrates et technocrates parisiens et parmi les plus lourdes cons
2475
’agitation populaire et de l’action directe. Dans
un
hebdomadaire de gauche, je lis ceci : Sur les murs des villes breton
2476
bdomadaire de gauche, je lis ceci : Sur les murs
des
villes bretonnes, des affichettes jaunes clament : « La Bretagne crèv
2477
je lis ceci : Sur les murs des villes bretonnes,
des
affichettes jaunes clament : « La Bretagne crève ! Pas d’emplois nouv
2478
’emplois nouveaux, fermeture d’usines, émigration
des
jeunes et des cadres… » Le dépérissement régional n’est pas particuli
2479
aux, fermeture d’usines, émigration des jeunes et
des
cadres… » Le dépérissement régional n’est pas particulier à la Bretag
2480
ative, ne consiste pas à dire non, ou à consentir
un
abandon. Ainsi, elle permet aux États de procéder à leur désarmement
2481
égionaliste naissante, il y a bien autre chose qu’
un
mécontentement accidentel, il y a de sérieuses nécessités, appelant d
2482
identel, il y a de sérieuses nécessités, appelant
des
réformes de structure qui, de proche en proche, mèneront très loin… C
2483
me le disent plusieurs auteurs, de l’exploitation
des
régions par l’État central. On s’est intéressé très spécialement aux
2484
ossibilité révolutionnaire de régions chevauchant
des
frontières, d’unités socioéconomiques plurinationales. Prenez la régi
2485
, qui touche la Belgique. Vue de Paris, Lille est
une
gare terminus, et Roubaix-Tourcoing un cul-de-sac dans un coin de l’H
2486
Lille est une gare terminus, et Roubaix-Tourcoing
un
cul-de-sac dans un coin de l’Hexagone33. Mais dans l’optique du March
2487
terminus, et Roubaix-Tourcoing un cul-de-sac dans
un
coin de l’Hexagone33. Mais dans l’optique du Marché commun de demain,
2488
avec ses cités satellites la métropole de près d’
un
million d’habitants d’une région s’étendant sur la France et la Belgi
2489
s la métropole de près d’un million d’habitants d’
une
région s’étendant sur la France et la Belgique, et au surplus liée au
2490
us liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’est qu’
un
exemple entre bien d’autres : nous avons, tout près d’ici, celui de l
2491
xigeaient et ne l’annonçaient dans l’enthousiasme
des
premiers congrès fédéralistes, au lendemain de la Deuxième Guerre mon
2492
ent de là leurs libertés — sera-t-elle fondée sur
des
réalités en plein essor, non sur des vieilles carcasses historiques e
2493
e fondée sur des réalités en plein essor, non sur
des
vieilles carcasses historiques et des mythes vidés de leur pouvoir. U
2494
or, non sur des vieilles carcasses historiques et
des
mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues français d
2495
historiques et des mythes vidés de leur pouvoir.
Un
des meilleurs sociologues français d’aujourd’hui, spécialiste de la p
2496
storiques et des mythes vidés de leur pouvoir. Un
des
meilleurs sociologues français d’aujourd’hui, spécialiste de la prosp
2497
de la prospective, Jean Fourastié, disait il y a
un
an devant un colloque réunissant tous les préfets de la République :
2498
ctive, Jean Fourastié, disait il y a un an devant
un
colloque réunissant tous les préfets de la République : L’Europe peu
2499
publique : L’Europe peut nous tomber sur la tête
un
beau matin… vers 1985. La région dans le cadre européen, est une unit
2500
vers 1985. La région dans le cadre européen, est
une
unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le département et
2501
lle que le département et même que la nation. Qu’
une
telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément de
2502
te en France, et cela précisément devant le corps
des
fonctionnaires institués par Napoléon pour effacer jusqu’au souvenir
2503
itués par Napoléon pour effacer jusqu’au souvenir
des
autonomies régionales, voilà qui nous donne à penser que la révolutio
2504
de la prise de conscience du phénomène région et
des
motifs de son apparition en ce moment précis de notre histoire et de
2505
té occidentale. À peine avons-nous pris la mesure
des
perspectives qu’il nous invite à explorer, notamment institutionnelle
2506
s invite à explorer, notamment institutionnelles.
Des
réalisations à ce niveau ne sauraient être décrétées sans transition.
2507
s sans transition. Il est normal qu’elles exigent
une
longue période de mise en place silencieuse des réalités de la région
2508
t une longue période de mise en place silencieuse
des
réalités de la région, puis d’expériences concertées, et celles-ci co
2509
es concertées, et celles-ci connaîtront forcément
des
échecs. Organiser, structurer, animer des régions, et finalement les
2510
rcément des échecs. Organiser, structurer, animer
des
régions, et finalement les doter d’institutions autonomes, ce sera la
2511
stitutions autonomes, ce sera la tâche au moins d’
une
génération, vingt à trente ans, en admettant que tout se passe bien p
2512
la Grèce par hasard. Car je tiens la région pour
une
forme de communauté aussi nouvelle dans notre civilisation que le fut
2513
ïque. Et l’on sait que la polis devint en moins d’
un
siècle l’unité de base de toute vie sociale et publique en Grèce. Ell
2514
e participation civique intense — s’opposa durant
des
siècles à la monarchie autoritaire et belliqueuse — créant ainsi la p
2515
sommes encore qu’à la petite aube de la formation
des
régions en tant qu’éléments de base de l’Europe fédérale à venir, mai
2516
he nous touchons déjà au crépuscule de la période
des
États-nations. Ce qui empêche la plupart des hommes d’aujourd’hui de
2517
mais de la forme nationale en général. Bien sûr,
un
coup d’œil sur l’histoire suffit à réfuter cette croyance. Bien sûr,
2518
u siècle dernier, Ernest Renan s’était écrié dans
un
discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne sont pas quelque cho
2519
t cette succession qu’il annonce, ce remplacement
des
États-nations par la fédération, cela ne se fera point par le jeu spo
2520
a révolution la plus difficile à accomplir, celle
des
catégories de pensée dans lesquelles ont vécu tous nos ancêtres depui
2521
dans lesquelles ont vécu tous nos ancêtres depuis
des
siècles, et que nous ont inculquées tous les classiques de la philoso
2522
on seulement invétérées jusqu’à se confondre avec
une
sorte d’instinct, non seulement chargées d’histoire assimilée par l’i
2523
similée par l’inconscient, mais encore chargées d’
une
extrême affectivité, irritabilité, résultant du souvenir de tant de g
2524
nt de guerres récentes, de cent ans de propagande
des
nationalismes, et de cette religion civique dont je vous disais qu’el
2525
tait substituée à la foi chrétienne dans l’esprit
des
masses. Je voudrais vous donner quelques exemples de ces mutations de
2526
ne régional opposé au stato-national. Et d’abord,
un
changement dans le vocabulaire — tout commence toujours par là. Vous
2527
es : L’activité économique suscite dans l’espace
des
formes de polarisation qui naissent de relations d’interdépendance et
2528
mentarité géographique, économique et sociale […]
un
certain nombre d’unités territoriales réunissant des activités économ
2529
certain nombre d’unités territoriales réunissant
des
activités économiques complémentaires et fortement liées, gravitant a
2530
ns. En outre, ces centres jouent presque toujours
un
rôle très important du point de vue intellectuel et culturel. Ces agg
2531
tuel et culturel. Ces agglomérations ont dès lors
une
importance essentielle pour l’identification d’une unité territoriale
2532
ne importance essentielle pour l’identification d’
une
unité territoriale dont, en première approximation, les limites corre
2533
approximation, les limites correspondent à celles
des
aires d’influence de son ou de ses agglomérations principales. Si on
2534
les prend trop petites, le nombre et l’importance
des
fonctions économiques et sociales diminuent dans l’unité territoriale
2535
de considérations contingentes et même comporter
une
part de subjectivité dans l’appréciation. En ce qui concerne l’emplac
2536
réciation. En ce qui concerne l’emplacement exact
des
limites, une certaine indétermination existe manifestement entre régi
2537
ce qui concerne l’emplacement exact des limites,
une
certaine indétermination existe manifestement entre régions contiguës
2538
n sorte que ces limites doivent être tracées avec
une
certaine liberté de jugement.35 Ainsi : — là où, dans le monde stat
2539
res, on parle d’ajustements variables définis par
des
aires d’influence ; là où l’on insistait sur la taille des domaines e
2540
d’influence ; là où l’on insistait sur la taille
des
domaines et sur des chiffres absolus de la population, on se préoccup
2541
l’on insistait sur la taille des domaines et sur
des
chiffres absolus de la population, on se préoccupe de fonctions, de p
2542
lithique, celle qui a été marquée par la fixation
des
tribus nomades sur des territoires cultivés, celle qui a donc été dom
2543
té marquée par la fixation des tribus nomades sur
des
territoires cultivés, celle qui a donc été dominée pendant douze à qu
2544
ilité, statisme, fermes assises, délimitation par
des
cadres invariables, et c’est aussi un symbole de durée. La région au
2545
tation par des cadres invariables, et c’est aussi
un
symbole de durée. La région au contraire se définit par des dynamisme
2546
e de durée. La région au contraire se définit par
des
dynamismes combinés, par leurs résultantes variables, par la densité
2547
, par leurs résultantes variables, par la densité
des
échanges et des transports, toutes choses mobiles, indépendantes du s
2548
ltantes variables, par la densité des échanges et
des
transports, toutes choses mobiles, indépendantes du sol. Pour la prem
2549
cité se détache du territoire, elle « décolle » ;
une
unité politique se définit non plus en termes de limites, mais en ter
2550
son sens simpliste d’autrefois. C’est maintenant
une
question d’échanges, de “flux” diraient les scientifiques : “il faut
2551
mie, qui a l’avantage de rappeler le gouvernement
des
cités par elles-mêmes, et aussi, par sa sobriété, de ne pas réveiller
2552
de la souveraineté sans limites. L’autonomie est
une
notion relative et très précise, quand on parle par exemple de l’auto
2553
uand on parle par exemple de l’autonomie de vol d’
un
appareil, ou de l’autonomie de décision d’un échelon administratif. P
2554
ol d’un appareil, ou de l’autonomie de décision d’
un
échelon administratif. Préférons, dans le monde régional, cette liber
2555
ont se vantaient les États-nations. Enfin, il est
une
grande notion que les régions nous amèneront à mettre en lumière, c’e
2556
à mettre en lumière, c’est celle de la pluralité
des
allégeances soit d’une personne, soit d’un groupe ou d’une région. Au
2557
’est celle de la pluralité des allégeances soit d’
une
personne, soit d’un groupe ou d’une région. Au lieu que l’État-nation
2558
alité des allégeances soit d’une personne, soit d’
un
groupe ou d’une région. Au lieu que l’État-nation voulait tout faire
2559
eances soit d’une personne, soit d’un groupe ou d’
une
région. Au lieu que l’État-nation voulait tout faire coïncider dans l
2560
ité de se rattacher et de donner son allégeance à
des
ensembles différents par la nature et par les dimensions, cité locale
2561
veau et presque révolutionnaire pour les citoyens
des
États unitaires et surtout totalitaires, nous est très familier en Su
2562
fédéralisme intégral. Depuis qu’il est question d’
une
entrée éventuelle de la Suisse dans le Marché commun, j’entends répét
2563
veraineté, qu’elle s’y perdrait. Et si je parle d’
une
fédération basée sur les régions, on me répond que ce serait pire enc
2564
qu’il est grand temps que nous cessions d’opposer
un
refus quasi automatique à toutes les propositions d’union un peu hard
2565
asi automatique à toutes les propositions d’union
un
peu hardies, sous le double prétexte « qu’on n’est pas sûr qu’elles r
2566
nerie, et qui d’ailleurs a contribué à la réduire
un
peu partout au sort d’assistée de l’État. Face au projet régionaliste
2567
s ; de sublime, par les infimes ; et de divin par
un
bébé qu’on ne savait trop comment déclarer… Les régions de demain ser
2568
s bien définis : car les régions, à la différence
des
États, sont faites pour s’unir et pour coopérer, comme l’ont fait nos
2569
ations écrasant toute diversité, et les avantages
des
grandes dimensions procurés par cette fédération dont les États-natio
2570
nos villes et leur hinterland en venaient à nouer
des
liens économiques et sociaux avec les pays voisins, à s’intégrer dans
2571
sociaux avec les pays voisins, à s’intégrer dans
des
régions polynationales, ce ne serait pas encore « la fin de la Conféd
2572
et de sa vocation, car ces deux choses existent à
un
autre niveau, du moins je l’espère. Belle raison d’être nationale que
2573
raison d’être nationale que celle qui dépendrait
des
seuls douaniers et qui serait à la merci d’un accord tarifaire ! Si G
2574
it des seuls douaniers et qui serait à la merci d’
un
accord tarifaire ! Si Genève, par exemple, supprimait ses frontières
2575
ys européen qui n’ait jamais été tenté de devenir
un
État-nation unitaire, d’uniformiser tous ses éléments constitutifs, e
2576
inguistiques, sociaux ; le seul en somme qui soit
une
vraie fédération et qui ait une expérience séculaire de l’existence f
2577
en somme qui soit une vraie fédération et qui ait
une
expérience séculaire de l’existence fédérale. Cela nous indique, me s
2578
à l’échelle du continent. Car ce fédéralisme date
un
peu : c’est un fédéralisme d’États plus que de fonction, de défense p
2579
continent. Car ce fédéralisme date un peu : c’est
un
fédéralisme d’États plus que de fonction, de défense plus que de coop
2580
se détacher, comme j’ai tenté de vous le montrer,
des
États, des territoires, des cadres fixes ; il doit « décoller » du so
2581
, comme j’ai tenté de vous le montrer, des États,
des
territoires, des cadres fixes ; il doit « décoller » du sol, pour dev
2582
é de vous le montrer, des États, des territoires,
des
cadres fixes ; il doit « décoller » du sol, pour devenir de plus en p
2583
« décoller » du sol, pour devenir de plus en plus
une
méthode de résolution de chaque problème selon ses dimensions et à so
2584
va fournir le modèle ! — sont en train d’élaborer
une
théorie qui me paraît mieux adaptée à notre société industrielle et m
2585
strielle et mobile. Mais le fédéralisme est aussi
un
esprit, une forme de pensée et de sentiment, un style de vie, une exp
2586
mobile. Mais le fédéralisme est aussi un esprit,
une
forme de pensée et de sentiment, un style de vie, une expérience et u
2587
i un esprit, une forme de pensée et de sentiment,
un
style de vie, une expérience et une morale. Or j’observe chez beaucou
2588
forme de pensée et de sentiment, un style de vie,
une
expérience et une morale. Or j’observe chez beaucoup de nos concitoye
2589
de sentiment, un style de vie, une expérience et
une
morale. Or j’observe chez beaucoup de nos concitoyens une sorte d’hab
2590
le. Or j’observe chez beaucoup de nos concitoyens
une
sorte d’habitus fédéraliste, qui les fait dépasser en pratique ce qu’
2591
illeur à l’Europe qui se fait : non pas seulement
une
grande idée qui est capable d’ouvrir les voies de l’avenir politique
2592
pour l’Europe et le monde, mais mieux que cela :
un
exemple vécu. 25. Gazette littéraire , Lausanne, 28 octobre 1967.
2593
ui pourrait admettre de bonne foi, à moins d’être
un
imbécile, qu’une seule d’entre elles consentira jamais à remettre une
2594
ttre de bonne foi, à moins d’être un imbécile, qu’
une
seule d’entre elles consentira jamais à remettre une part de ses pouv
2595
seule d’entre elles consentira jamais à remettre
une
part de ses pouvoirs à une autorité supranationale ? », écrivait Fran
2596
tira jamais à remettre une part de ses pouvoirs à
une
autorité supranationale ? », écrivait François Mauriac, dans le Figar
2597
e de l’autoroute Paris-Lille. 34. « Qu’est-ce qu’
une
nation ? », Paris, 1882. 35. Commission de la CEE, Documents de la C
2598
? Alternances d’euphorie et de frustration, dans
une
longue insomnie, et le sentiment, dès l’ouverture solennelle, que dés
2599
timent, dès l’ouverture solennelle, que désormais
un
mécanisme a été mis en marche et nous porte, mais pas nécessairement
2600
ye même, où les séances du Comité de coordination
des
six mouvements participants se prolongeaient jusque fort avant dans l
2601
n discours inaugural, toute la salle se leva pour
une
longue ovation, mais je me revois sur une photo prise à ce moment, en
2602
va pour une longue ovation, mais je me revois sur
une
photo prise à ce moment, entre Retinger et Dautry, encadrant le grand
2603
er et Dautry, encadrant le grand homme qui essuie
une
larme : ma déception commence à ce triomphe verbal. D’autres diront l
2604
ès sans précédent : je ne voudrais évoquer ici qu’
un
incident de couloir dont personne n’a parlé, et dont je fus alors le
2605
eprise, d’inspirer et d’harmoniser le vocabulaire
des
rapports et résolutions, et de rédiger un préambule définissant les b
2606
ulaire des rapports et résolutions, et de rédiger
un
préambule définissant les buts communs des mouvements pour l’union de
2607
rédiger un préambule définissant les buts communs
des
mouvements pour l’union de l’Europe. Ces conditions acceptées en prin
2608
je me mis au travail. J’obtins la collaboration d’
une
cinquantaine de grands noms d’intellectuels, d’éducateurs et d’organi
2609
le texte appelé jusqu’ici préambule constituerait
un
Message aux Européens à faire approuver par acclamations » et forme
2610
vement européen. […] Nous devons tenter de réunir
des
millions de signatures d’Européens, et de créer de la sorte un puissa
2611
e signatures d’Européens, et de créer de la sorte
un
puissant mouvement populaire… Cela ne manquerait pas d’exercer une pr
2612
ement populaire… Cela ne manquerait pas d’exercer
une
pression supplémentaire sur les gouvernements timides et récalcitrant
2613
rnements timides et récalcitrants. Le lancement d’
un
tel manifeste doit constituer l’un des objectifs principaux et immédi
2614
lancement d’un tel manifeste doit constituer l’un
des
objectifs principaux et immédiats du congrès et de notre mouvement. L
2615
grès et de notre mouvement. Le fait de recueillir
des
signatures doit maintenir nos idées constamment actives dans les mass
2616
ives dans les masses. Chaque meeting organisé par
un
de nos groupes affiliés devra se terminer par une collecte de signatu
2617
un de nos groupes affiliés devra se terminer par
une
collecte de signatures (et peut-être de quelques sous donnés par chaq
2618
agne)37. Discuté pendant deux mois, mis au point
une
dernière fois à la veille même du congrès, le Message avait été imp
2619
congrès, le Message avait été imprimé au haut d’
un
long rouleau de fort papier parcheminé, et il était entendu qu’au ter
2620
es prévues par Retinger et devenir l’instrument d’
une
puissante campagne européenne. Or, le 11 mai, en fin d’après-midi, ta
2621
ère sur l’économie, qui devait être suivie, après
une
brève suspension, de la séance de clôture du congrès, je fus appelé d
2622
il contenait cette petite phrase : « Nous voulons
une
défense commune », que le congrès n’avait pas discutée et qui ne figu
2623
à cause de la phrase sur la défense. Par chance,
un
journaliste, qui était en train de m’interviewer lorsque Sandys m’ava
2624
mais en omettant la petite phrase. Ainsi fut fait
une
demi-heure plus tard. L’acclamation fut unanime, mais la campagne pop
2625
e coup se trouvait annulée : plus moyen de signer
un
document où l’on aurait barré une phrase aussi voyante, et qui d’aill
2626
moyen de signer un document où l’on aurait barré
une
phrase aussi voyante, et qui d’ailleurs semblait s’être volatilisé au
2627
nt la parole au peuple européen, pour la donner à
des
ministres, qui en ont fait l’usage que l’on sait. 2. Ne vous semble-t
2628
plus accessible qu’aujourd’hui ? Nous imaginions
une
Europe constituée par les « forces vives » de tous nos peuples, c’est
2629
force de persistance (inertie, vested interests)
des
États-nations. Pour réussir l’Europe du peuple européen, il eût fallu
2630
rope du peuple européen, il eût fallu : 1) lancer
une
campagne populaire de très grande envergure (or on vient de voir comm
2631
ré la doctrine adaptée aux temps nouveaux — celle
des
régions…). 3. Certains « européens » (mais non les fédéralistes) ont
2632
que les Communautés peuvent constituer l’amorce d’
une
fédération européenne ? Estimez-vous que l’on puisse encore compter s
2633
L’union politique de l’Europe n’a pas progressé d’
un
centimètre depuis que Churchill (en 1946 à Zurich) parlait de son urg
2634
que. La preuve est faite de la foncière hostilité
des
États-nations à toute forme d’union réelle (fédérale) et de leur radi
2635
t pour ménager à chaque individu la possibilité d’
une
participation réelle à la vie civique, — les États-nations ne feront
2636
par les nations qui les composent, loin d’amorcer
un
processus quelconque d’union politique, n’atteignent même pas l’objec
2637
nt même pas l’objectif minimum de la chute réelle
des
barrières douanières… Mais on ne bâtira pas l’union sur le respect in
2638
bâtira pas l’union sur le respect inconditionnel
des
obstacles à toute union. 4. Le Mouvement européen — créé lui aussi au
2639
maine culturel, par exemple, peut être attribué d’
une
manière très précise aux projets de quelques non conformistes libérau
2640
directeurs du Mouvement. Ce qu’il a proclamé avec
une
si louable mesure, et, il faut bien le reconnaître, dans l’indifféren
2641
prudente, rassurante, et par là même inefficace,
des
politiciens « réalistes » et pragmatistes à l’anglo-saxonne qui n’ont
2642
chose qui ne peut manquer de se produire du fait
des
autres, ou de la providence, ou du « mouvement de l’Histoire », alors
2643
Mais j’appelle espérance l’intuition qu’il existe
des
moyens de rejoindre le but que l’on veut atteindre. Et cette espéranc
2644
l’ancien (les États-nations), mais seulement sur
des
réalités neuves, eh bien, nous les avons enfin, ces réalités ! Ou plu
2645
que sur les cadres durs mais en train de se vider
des
États-nations, cela signifie dorénavant et concrètement, bâtir sur le
2646
r les régions ethnoéconomiques. Et bâtir l’Europe
des
régions, ce sera tenir enfin les engagements de La Haye. 37. Il est
2647
t à la même époque ; la diachronie impose parfois
des
prises de consciences synchroniques. y. Rougemont Denis de, « Vingt
2648
avant notre ère, sont nées de la considération d’
un
fleuve. Il s’agissait sans nul doute du Méandre, puisque cet ancêtre
2649
son embouchure dans l’Égée. En ce temps-là, temps
des
cités et de l’Ionie, patrie de nos idées, les réflexions sur l’homme
2650
pas encore du seul langage, ni de l’histoire, ni
des
sciences exactes, et encore moins de l’économie, mais de la contempla
2651
coule, résiste, brûle ou s’évapore, c’est-à-dire
des
quatre éléments de la nature primordiale, saisie par notre esprit et
2652
ont les eaux qui s’écoulent, et les âmes à partir
des
liquides s’en vont en vapeurs… La mort pour les âmes est de devenir e
2653
même fleuve. II Il est permis de lire bien
des
choses dans ces phrases. Elles décrivent la métamorphose des éléments
2654
dans ces phrases. Elles décrivent la métamorphose
des
éléments : le feu solaire qui aspire en vapeur l’eau des fleuves jail
2655
ments : le feu solaire qui aspire en vapeur l’eau
des
fleuves jaillis des blessures de la terre, puis l’apaisante pluie ren
2656
re qui aspire en vapeur l’eau des fleuves jaillis
des
blessures de la terre, puis l’apaisante pluie renouvelant les sources
2657
it d’Héraclite, succession ou présence en conflit
des
contraires : naissance de la dialectique. Ce discours méandrique nous
2658
ectique. Ce discours méandrique nous dit aussi qu’
un
fleuve est à la fois mouvement perpétuel et dessin permanent, flot sa
2659
perpétuel et dessin permanent, flot sans fin dans
une
forme arrêtée, celle des rives qu’il a formées, événement toujours fu
2660
nent, flot sans fin dans une forme arrêtée, celle
des
rives qu’il a formées, événement toujours fuyant et qui fascine, figu
2661
ure originelle de ce qui change sans relâche dans
un
trajet presque immuable, qu’il faudra plusieurs millénaires pour dépl
2662
e vus ensemble, génialement assumés par la pensée
des
visionnaires de l’Ionie. Enfin les sentences d’Héraclite me proposent
2663
nie. Enfin les sentences d’Héraclite me proposent
une
idée de l’Europe, telle qu’on l’a quelquefois définie par ses vertus
2664
de plus spécifique de l’Europe — depuis l’aurore
des
temps, bien avant l’homme ! — que ce réseau de fleuves et de rivières
2665
era plus grande longueur de côtes pour la surface
des
terres, ni plus dense réseau de fleuves et de rivières, plus complexe
2666
exe entrelacs d’affluents et de lignes de partage
des
eaux ; ni plus de ports. L’Asie, l’Afrique, les Amériques, sont fendu
2667
frique, les Amériques, sont fendues, blessées par
des
fleuves trop larges et trop longs pour l’usage de l’homme. Ils divise
2668
Europe sont pareils aux artères ou aux nerfs dans
un
corps, aux racines des grands arbres enserrant la terre lourde et à l
2669
x artères ou aux nerfs dans un corps, aux racines
des
grands arbres enserrant la terre lourde et à leurs branches divergean
2670
nombreux bassins largement définis non point par
des
frontières mais bien par des courants venus d’ailleurs et allant aill
2671
éfinis non point par des frontières mais bien par
des
courants venus d’ailleurs et allant ailleurs : c’est la circulation c
2672
t la circulation continuelle qui crée le visage d’
un
pays. Europe sans déserts et sans steppes, jardin du monde, fille des
2673
s déserts et sans steppes, jardin du monde, fille
des
fleuves ! IV Rien de plus fluvial que la Suisse. Si l’Europe es
2674
s fluvial que la Suisse. Si l’Europe est la terre
des
ports, où les fleuves ont formé plus de baies favorables que n’en com
2675
es plus grands continents, la Suisse est la terre
des
sources. Cinq bassins fluviaux s’originent au massif du Gothard, chât
2676
hard, château d’eau de l’Europe. Par eux la terre
des
Suisses est liée sans relâche à l’océan du Nord, où va le Rhin, et à
2677
, le système scientifique à l’éclair de voyance d’
un
génie, et l’œuvre d’art à l’émotion. Les fleuves nés du cœur graniti
2678
sud, après l’affirmation farouche, le nœud serré
des
gorges du Gothard. Les grands fleuves nous bordent et nous quittent.
2679
leuves nous bordent et nous quittent. Mais il est
une
rivière qui d’un large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’est, rama
2680
t et nous quittent. Mais il est une rivière qui d’
un
large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’est, ramasse toutes les au
2681
utres rivières du Plateau suisse et les déverse d’
un
seul geste dans le Rhin, vers l’Atlantique. Elle relie les deux pôles
2682
s du drame originel de notre histoire, le Gothard
des
premières communes confédérées, vaste massif aux flancs duquel elle p
2683
e district de forteresses médiévales édifiées sur
un
camp romain autour de la colline de la Habsbourg, où confluent dans s
2684
rhénan. L’Aar n’est pas seulement la plus longue
des
rivières qui coulent en Suisse d’un bout à l’autre (280 kilomètres, c
2685
plus longue des rivières qui coulent en Suisse d’
un
bout à l’autre (280 kilomètres, c’est la longueur exacte du Méandre !
2686
de Zurich, tandis que la Reuss lui amène les eaux
des
Quatre-Cantons, de Sarnen, de Zoug et d’Aegeri. — Sempach, Baldegg, H
2687
elles. Il illustre au départ torrentueux l’esprit
des
communes médiévales, source des libertés confédérales. Berne ensuite
2688
rentueux l’esprit des communes médiévales, source
des
libertés confédérales. Berne ensuite et le cours plus large et plein
2689
. Berne ensuite et le cours plus large et plein d’
un
fleuve, c’est le moment de la conquête tournée principalement vers l’
2690
de Vaud à l’Argovie, contrées assujetties pendant
des
siècles. Berne si bien nommée « la République de l’Aar » parce qu’ell
2691
s pouvoirs souverains de rassemblement, Berne est
une
expression de l’Aar. Et puis, quand la rivière une première fois s’ém
2692
enir de Besenval et celui de Casanova, Soleure qu’
un
pasteur indigné décrit comme « un centaure franco-allemand », mais qu
2693
ova, Soleure qu’un pasteur indigné décrit comme «
un
centaure franco-allemand », mais qui nous laisse une image classique
2694
centaure franco-allemand », mais qui nous laisse
une
image classique des régimes patriciens du xviiie . L’Argovie, ou « pa
2695
emand », mais qui nous laisse une image classique
des
régimes patriciens du xviiie . L’Argovie, ou « pays de l’Aar », vient
2696
n, c’est elle qui va donner naissance à plusieurs
des
mentors de la Suisse nouvelle et de son régime radical. Ce cours de l
2697
ar d’ouest en est qui fut jadis route commerciale
des
Romains, d’Aventicum à Vindonissa, puis route des vins du Pays de Vau
2698
des Romains, d’Aventicum à Vindonissa, puis route
des
vins du Pays de Vaud et route du sel de la Bourgogne — produits sur l
2699
duits sur lesquels les gens d’Aarburg prélevaient
des
taxes en vertu d’un privilège impérial — va devenir au xxe siècle le
2700
s gens d’Aarburg prélevaient des taxes en vertu d’
un
privilège impérial — va devenir au xxe siècle le cours du progrès so
2701
es blanches et transparentes dans la verdure crue
des
forêts et des prés enserrent les ruines et le mutisme désolé des fort
2702
transparentes dans la verdure crue des forêts et
des
prés enserrent les ruines et le mutisme désolé des forteresses féodal
2703
es prés enserrent les ruines et le mutisme désolé
des
forteresses féodales. Les seigneurs de la production industrielle fon
2704
ce, qui rassemble vingt lacs et vingt rivières en
un
courant puissant qu’elle jette au large Rhin, rassemblons en un seul
2705
ssant qu’elle jette au large Rhin, rassemblons en
un
seul faisceau nos arguments sur les fleuves et la Suisse pour les fai
2706
re comme dans le cours physique de l’Aar. À cause
des
fleuves, qui sont un phénomène tellement typique de cette « péninsule
2707
physique de l’Aar. À cause des fleuves, qui sont
un
phénomène tellement typique de cette « péninsule occidentale de l’Asi
2708
Danube ou Adige —, elle me paraît illustrative d’
une
authenticité européenne. VII Car l’Europe, ce n’est pas un prod
2709
européenne. VII Car l’Europe, ce n’est pas
un
produit synthétique, ni une substance philosophique, ni une nation, e
2710
l’Europe, ce n’est pas un produit synthétique, ni
une
substance philosophique, ni une nation, et encore moins une race. C’e
2711
t synthétique, ni une substance philosophique, ni
une
nation, et encore moins une race. C’est l’accord des tons purs de nos
2712
nce philosophique, ni une nation, et encore moins
une
race. C’est l’accord des tons purs de nos diversités. Ce qui est eur
2713
nation, et encore moins une race. C’est l’accord
des
tons purs de nos diversités. Ce qui est européen n’est pas d’abord c
2714
i est différent, s’affirme singulier et manifeste
une
vocation incomparable. Il n’y a pas d’accent européen, mais l’Europe
2715
s d’accent européen, mais l’Europe est partout où
une
langue est parlée, écrite et chantée librement par une communauté d’h
2716
angue est parlée, écrite et chantée librement par
une
communauté d’hommes libres. Rien n’est authentiquement européen qui n
2717
st authentiquement européen qui ne soit d’abord d’
un
pays. D’un pays à nul autre pareil et pourtant fraternel au voisin, a
2718
quement européen qui ne soit d’abord d’un pays. D’
un
pays à nul autre pareil et pourtant fraternel au voisin, accueillant
2719
fois. Fidèle à soi mais dans le mouvement — comme
un
fleuve. Aucun pays ne m’apparaît alors d’une plus forte densité europ
2720
comme un fleuve. Aucun pays ne m’apparaît alors d’
une
plus forte densité européenne que la Suisse : autour de son cœur, qua
2721
rigine de quatre grands systèmes de ramifications
des
eaux, des routes, autant de voies ouvertes à l’imagination vers les p
2722
quatre grands systèmes de ramifications des eaux,
des
routes, autant de voies ouvertes à l’imagination vers les plaines du
2723
ve dans toute l’Europe, mais ici tirant après soi
un
r qui roule comme les pierres charriées par les torrents alpestres. A
2724
yage, absolument, que parfois je quitte mon lieu.
Un
certain état d’âme, d’alerte au monde est le vrai but du dé-placement
2725
a nature et l’histoire. Mais voyager en Grèce est
une
autre aventure. Qu’on le veuille et le sache ou non, c’est un itinéra
2726
nture. Qu’on le veuille et le sache ou non, c’est
un
itinéraire spirituel que le hasard propose et dont les mythes dispose
2727
vérité son invention sur place ; ses étapes sont
des
prises de conscience ; et il n’a d’autre fin que d’être parcouru. Le
2728
n’a d’autre fin que d’être parcouru. Le voilier —
un
schooner de vingt-deux-mètres — cherche la voie qu’il va tracer sur l
2729
sur l’eau. Nous venons de quitter Poros, non loin
des
portes de Trézène. En Grèce, on va vers des noms émouvants. Quelqu’un
2730
loin des portes de Trézène. En Grèce, on va vers
des
noms émouvants. Quelqu’un dit : Delphes. ⁂ Jusqu’au pied du Parnass
2731
pied du Parnasse j’irai, et dès que dans l’ombre
des
chênes Aux yeux de l’errant brillera ton flot surgissant, Castalie…
2732
es de perles. Soudain, quittant l’immense ombrage
des
vergers d’oliviers de la plaine d’Itea, striés de vives lueurs sur le
2733
rs sur le sol rose, la route monte en lacets vers
un
col dénudé. Des pans de montagne s’élèvent, cachant les hauteurs du P
2734
ose, la route monte en lacets vers un col dénudé.
Des
pans de montagne s’élèvent, cachant les hauteurs du Parnasse. Le pays
2735
gement de dimensions s’éprouve comme l’approche d’
un
vertige, mais au bord de l’espace intérieur. Très loin maintenant, be
2736
port, par instants j’ai cru voir le bateau, comme
un
trait. Passons le village, laissons à gauche l’enceinte sacrée et les
2737
einte sacrée et les temples, allons jusqu’au pied
des
rochers qui dominent et referment le cirque, là où la route s’infléch
2738
route s’infléchit vers la droite, longe la base d’
une
haute falaise puis la contourne, pour redescendre en direction de Thè
2739
ion de Thèbes. Arrêtons-nous dans l’ombre épaisse
des
chênes. Un bref sentier sous les feuillages conduit au bas d’une gorg
2740
s. Arrêtons-nous dans l’ombre épaisse des chênes.
Un
bref sentier sous les feuillages conduit au bas d’une gorge ravinée e
2741
bref sentier sous les feuillages conduit au bas d’
une
gorge ravinée entre les parois nues des roches Phaedriades — la Rouss
2742
au bas d’une gorge ravinée entre les parois nues
des
roches Phaedriades — la Rousse devant nous, la Flamboyante à droite.
2743
bre. Les roches brillent, argentées et dorées sur
un
ciel mat griffé de pins légers. À leur pied, dans l’obscure fraîcheur
2744
eaux saintes et sobres » de la fontaine Castalie.
Une
façade immense et tranchée en plein roc. À mi-hauteur elle est creusé
2745
profondes, aux voûtes surbaissées ; l’une abrite
un
fût de colonne ; une autre est vide ; et la dernière comme une porte
2746
es surbaissées ; l’une abrite un fût de colonne ;
une
autre est vide ; et la dernière comme une porte noire semble s’ouvrir
2747
lonne ; une autre est vide ; et la dernière comme
une
porte noire semble s’ouvrir vers l’intérieur du rocher. Au bas de la
2748
l’intérieur du rocher. Au bas de la paroi court
une
sorte d’auge creusée dans la pierre calcaire ; elle débouche à gauche
2749
la pierre calcaire ; elle débouche à gauche dans
une
vaste pièce d’eau rectangulaire. (Au-delà, un escalier monte vers la
2750
ns une vaste pièce d’eau rectangulaire. (Au-delà,
un
escalier monte vers la gorge noire.) Vers la droite, elle disparaît d
2751
e noire.) Vers la droite, elle disparaît derrière
une
cloison de dalles verticales, puis s’enfonce dans le flanc du rocher.
2752
haute, doucement modelée par la source qui sourd
des
entrailles de la Terre, par mille veines de la pierre, et suinte de l
2753
r mille veines de la pierre, et suinte de la nuit
des
Temps. Jamais plus près du Néant primordial, dans le noir pur. ⁂ Tou
2754
n objectif ne pourra l’enregistrer, il y faudrait
un
œil de l’âme, œil intérieur : on est ici dans l’événement à voir, et
2755
n est ici dans l’événement à voir, et non devant…
Une
autre résistance obscurément s’oppose à l’idée même d’une « prise de
2756
e résistance obscurément s’oppose à l’idée même d’
une
« prise de vue ». Quelque sourd interdit règne ici. Quelque chose ici
2757
mais toujours vient d’être accompli. Il en reste
un
silence énorme, ces pierres nues, et la paix solennelle. Le silence q
2758
upéfiant le monde et notre cœur. Là-haut le feu d’
un
ciel très clair baigne la crête des Brillantes. Ici l’ombre et le cre
2759
-haut le feu d’un ciel très clair baigne la crête
des
Brillantes. Ici l’ombre et le creux, la chênaie, l’antre humide. La G
2760
d et noir, centre du Monde. Au retrait de l’ombre
des
chênes, j’ai trompé le sommeil pour tenter de surprendre l’éveil du m
2761
és à l’attrait de ces lieux. Là sur la gauche, à
une
centaine de pas, dans la gorge où conduit ce très lourd escalier, dév
2762
gorge où conduit ce très lourd escalier, dévalant
des
hauteurs vers le fond du ravin, le dieu solaire a tué Python, le gran
2763
pour les mânes de l’aveuglé, mon frère. (Faute d’
un
pardon pas encore inventé.) Des jeunes filles en cortège, conduites
2764
n frère. (Faute d’un pardon pas encore inventé.)
Des
jeunes filles en cortège, conduites par un pope noir, sont venues se
2765
té.) Des jeunes filles en cortège, conduites par
un
pope noir, sont venues se désaltérer au grand bassin. Le prêtre a bén
2766
béni l’eau païenne. Elles sont parties. Noté sur
une
des pages de garde de mon guide. Paix du bassin, eau verte et noire,
2767
l’eau païenne. Elles sont parties. Noté sur une
des
pages de garde de mon guide. Paix du bassin, eau verte et noire, le s
2768
tre, la tholos, et le temple deux fois frappé par
des
roches tombées du Parnasse : dans la lumière précise des hauteurs, da
2769
hes tombées du Parnasse : dans la lumière précise
des
hauteurs, dans la proximité aimable des colonnes à demi rénovées — en
2770
e précise des hauteurs, dans la proximité aimable
des
colonnes à demi rénovées — en blanc les parties neuves reliant les bl
2771
les parties neuves reliant les blocs d’ancien, d’
un
gris fauve rongé et poreux — parmi les oliviers géants, incultes, les
2772
Tout paraît naturel mais à tel point que parfois
une
arrière-pensée se meut dans l’ombre : est-ce bien ainsi ? n’est-ce qu
2773
jourd’hui parle aux hommes et laisse Deviner
des
propos pleins de sens merveilleux… Car il plaît aujourd’hui comme alo
2774
alors aux souffles du ciel de descendre Dans
un
cœur qui s’émeut et connaît leur présence…) ⁂ Nous avons déjeuné sur
2775
connaît leur présence…) ⁂ Nous avons déjeuné sur
une
terrasse d’auberge accrochée juste au-dessous du tournant de la route
2776
gris, fromage de chèvre, énormes olives noires et
une
cruche bien fraîche de vin rouge du pays. Bonheur pur. 46. Xénophan
2777
Pour
une
définition nouvelle du fédéralisme (1969)z aa En 1863 paraissait l
2778
devenue célèbre : « Le xxe siècle ouvrira l’ère
des
fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. »
2779
l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencera
un
purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie sommes-nous engagés après
2780
ans. » Dans quelle voie sommes-nous engagés après
un
siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie des peuples, ou celle
2781
voie sommes-nous engagés après un siècle ? Celle
des
fédérations et de l’harmonie des peuples, ou celle d’une renaissance
2782
n siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie
des
peuples, ou celle d’une renaissance des particularismes nationaux ? J
2783
érations et de l’harmonie des peuples, ou celle d’
une
renaissance des particularismes nationaux ? Je répondrai : dans les d
2784
’harmonie des peuples, ou celle d’une renaissance
des
particularismes nationaux ? Je répondrai : dans les deux à la fois, e
2785
deux à la fois, et cela n’est pas contradictoire.
Un
phénomène très général de convergence inspire les mouvements d’union
2786
e, en Afrique et en Amérique latine, cependant qu’
une
volonté d’union mondiale anime les Nations unies et l’Unesco, le Cons
2787
Nations unies et l’Unesco, le Conseil œcuménique
des
Églises et Vatican II. Simultanément, mais en sens inverse, un phénom
2788
Vatican II. Simultanément, mais en sens inverse,
un
phénomène tout aussi général d’affirmation des diversités, des autono
2789
se, un phénomène tout aussi général d’affirmation
des
diversités, des autonomies et des volontés d’indépendance, inspire le
2790
tout aussi général d’affirmation des diversités,
des
autonomies et des volontés d’indépendance, inspire les mouvements de
2791
l d’affirmation des diversités, des autonomies et
des
volontés d’indépendance, inspire les mouvements de résurgences commun
2792
e chacun de nos États unitaires. Renaissance donc
des
micronationalismes locaux, qui revendiquent leur autonomie au nom de
2793
omie au nom de leur langue, de leurs coutumes, ou
des
nécessités économiques nouvelles, et qui enfièvrent tour à tour la Br
2794
se prononcent en même temps, résultent en partie
des
mêmes causes, et entraînent des effets complémentaires, j’entends le
2795
sultent en partie des mêmes causes, et entraînent
des
effets complémentaires, j’entends le dépassement de l’État-nation à l
2796
a fois par en haut et par en bas, d’une part vers
des
fédérations continentales et d’autre part vers un fédéralisme régiona
2797
es fédérations continentales et d’autre part vers
un
fédéralisme régional. La victime de ce double mouvement contradictoir
2798
t du Premier Empire, produit de la confiscation d’
une
mystique — la nation — par un appareil administratif et policier — l’
2799
la confiscation d’une mystique — la nation — par
un
appareil administratif et policier — l’État. Un État plus ou moins na
2800
r un appareil administratif et policier — l’État.
Un
État plus ou moins nationalisé ou une nation étatisée, modèle : la Fr
2801
er — l’État. Un État plus ou moins nationalisé ou
une
nation étatisée, modèle : la France, bientôt imitée par presque toute
2802
r presque toute l’Europe — et au xxe siècle, par
une
centaine de nations nouvelles. Centralisé, atomisé et trituré par les
2803
colonialisme. Il est certain que la prétention à
une
politique indépendante, au plein sens du terme, ne saurait être soute
2804
utefois d’en payer le prix, lequel serait celui d’
une
autarcie presque totale ou d’une sorte d’isolation paranoïaque. En fa
2805
l serait celui d’une autarcie presque totale ou d’
une
sorte d’isolation paranoïaque. En fait, les États-Unis, quoique de lo
2806
diale que celle-ci du dollar ou de la télévision.
Une
interdépendance universelle dans tous les ordres tend à réduire l’ind
2807
s tous les ordres tend à réduire l’indépendance d’
un
État à une certaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un ce
2808
ordres tend à réduire l’indépendance d’un État à
une
certaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un certain jeu d
2809
taine liberté dans le choix de ses dépendances, à
un
certain jeu dans l’aménagement de ses réseaux de relations plus ou mo
2810
à la Chambre italienne sur le règlement du statut
des
régions autonomes. Risque d’éclatement de la Belgique. En France, flo
2811
. Succès spectaculaires, aux dernières élections,
des
autonomistes gallois et écossais. Agitation basque et catalane sourde
2812
Jura bernois. Mais en même temps, multiplication
des
jumelages européens entre communes de ces mêmes régions, créations d’
2813
s de liberté et de participation civique, apanage
des
petites communautés ou cités libres, comme Rousseau l’avait si bien v
2814
grands espaces économiques constitués à la mesure
des
possibilités et des besoins de l’ère scientifico-technique. Cet échec
2815
miques constitués à la mesure des possibilités et
des
besoins de l’ère scientifico-technique. Cet échec de la politique cen
2816
tralisatrice et unitaire, secrètement obsédée par
un
rêve d’autarcie, et cette mise en question, voire en accusation, de l
2817
xixe siècle, nous renvoient l’un comme l’autre à
des
formules de type fédéraliste. À la question que je me posais sur la p
2818
réponse : oui, nous sommes bel et bien au seuil d’
une
ère potentiellement fédéraliste. Peut-on dire plus ? Sur les quelque
2819
mi eux les plus grands États et les plus modernes
des
cinq continents — ainsi les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour
2820
isme « désuet ». Mais l’étiquette fédérale couvre
des
marchandises de qualités au moins diverses selon qu’il s’agit par exe
2821
tiques qui sont opprimées par l’État central dont
un
parti unique s’est emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des ré
2822
que s’est emparé ; au Nigéria, c’est au contraire
une
des régions fédérées qui s’érige en État unitaire ; en Suisse, c’est
2823
s’est emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une
des
régions fédérées qui s’érige en État unitaire ; en Suisse, c’est le r
2824
lleurs), pour refuser de se laisser entraîner par
des
mouvements de convergence européenne et mondiale, même s’ils disent s
2825
ent s’inspirer du propre exemple de la fédération
des
cantons suisses ! Il est certain que dans ces trois cas, c’est moins
2826
al compris, ou son blocage délibéré aux limites d’
un
État fédéral. Il ne s’agit pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’un
2827
aux limites d’un État fédéral. Il ne s’agit pas d’
un
défaut du fédéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme ! Et l’on est
2828
ne s’agit pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’
un
défaut de fédéralisme ! Et l’on est en droit de penser que l’applicat
2829
double mouvement de diastole et de systole, vers
des
autonomies plus locales et vers des unions plus vastes, qui est le ba
2830
systole, vers des autonomies plus locales et vers
des
unions plus vastes, qui est le battement même du cœur d’un régime sai
2831
plus vastes, qui est le battement même du cœur d’
un
régime sain, j’entends immunisé contre le virus totalitaire. Mais si
2832
langage politique qui prête à pires malentendus !
Un
Français cultivé qui demande à son Littré le sens du mot fédéralisme
2833
ions qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était
une
des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. C
2834
qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était une
des
formes politiques les plus communes employées par les sauvages. Chate
2835
l’unité nationale et de transformer la France en
une
fédération de petits États. » Pour le Français cultivé et qui a coutu
2836
reporter à son Littré quand il veut savoir ce qu’
un
mot signifie, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui est bon
2837
’un mot signifie, la cause est jugée. Il s’agit d’
un
système qui est bon pour les sauvages et qui semble n’avoir été préco
2838
vages et qui semble n’avoir été préconisé que par
des
traîtres à la République… Il est vrai que mon Littré date de 1865 : «
2839
jet auraient dû suffire, semble-t-il, à clarifier
un
terme que le problème européen et nos situations nationales nous amèn
2840
le malheur congénital du fédéralisme reste d’être
un
concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en tout cas
2841
uelques années, je suggérai au comité directeur d’
un
congrès européen qu’une journée fût réservée à des travaux sur le féd
2842
érai au comité directeur d’un congrès européen qu’
une
journée fût réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentan
2843
un congrès européen qu’une journée fût réservée à
des
travaux sur le fédéralisme. Le représentant du Conseil de l’Europe ti
2844
ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour
un
système d’unification intégrale, sans respect pour les diversités et
2845
ans respect pour les diversités et les autonomies
des
pays membres, c’est-à-dire très exactement le contraire de ce qu’il e
2846
verse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à
une
attitude de suspicion envers tout pouvoir central et à la défense omb
2847
s tout pouvoir central et à la défense ombrageuse
des
autonomies locales ou régionales. C’est ainsi qu’un illustre homme d’
2848
autonomies locales ou régionales. C’est ainsi qu’
un
illustre homme d’État belge, et grand Européen, écrivait récemment :
2849
y a quelques années, on put entendre le recteur d’
une
de nos universités cantonales condamner le principe d’une subvention
2850
os universités cantonales condamner le principe d’
une
subvention fédérale « parce qu’ici, disait-il, nous sommes fédéralist
2851
d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux
des
traditions helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’étant ni
2852
portance pratique de tout effort de clarification
des
concepts de fédération et de fédéralisme. Pour ma part, je voudrais m
2853
proposer quelques définitions, puis les relier à
des
situations contemporaines choisies dans les domaines les plus variés
2854
tions. Je propose d’appeler problème fédéraliste
une
situation dans laquelle s’affrontent deux réalités humaines antinomiq
2855
puisse être cherchée ni dans la réduction de l’un
des
termes, ni dans la subordination de l’un à l’autre, mais seulement da
2856
ordination de l’un à l’autre, mais seulement dans
une
création qui englobe, satisfasse et transcende les exigences de l’un
2857
ositive (on dirait, dans le langage de la théorie
des
jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’agit de déterminer l’opti
2858
ntradictoires, — comme l’offre et la demande dans
un
prix). L’ensemble des problèmes et des solutions ainsi définies const
2859
e l’offre et la demande dans un prix). L’ensemble
des
problèmes et des solutions ainsi définies constitue ce que je nommera
2860
emande dans un prix). L’ensemble des problèmes et
des
solutions ainsi définies constitue ce que je nommerai la politique fé
2861
Avant de chercher à quel type d’homme correspond
une
telle politique, et quel type d’homme elle entend préparer ou éduquer
2862
d préparer ou éduquer, constatons qu’elle traduit
une
forme de pensée, une structure de relations bipolaires dont le « modè
2863
, constatons qu’elle traduit une forme de pensée,
une
structure de relations bipolaires dont le « modèle » nous est connu :
2864
littéralement auto-réglage) comme cellule de base
des
ligues et fédérations. Voilà qui est proprement occidental : devant c
2865
uisant l’un de ses termes — le Divers — au prix d’
une
longue ascèse exténuante. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le bu
2866
de la masse indistincte autant que sur l’anarchie
des
individus isolés, qu’il s’agisse de réalités métaphysiques ou physiqu
2867
itiques. « Ce qui s’oppose coopère et de la lutte
des
contraires procède la plus belle harmonie », dit un fragment célèbre
2868
contraires procède la plus belle harmonie », dit
un
fragment célèbre d’Héraclite. L’art et la science de cette mise en te
2869
que je l’entends, après avoir valu pour la Grèce
des
grands siècles avec sa dialectique de l’individu et de la cité, conci
2870
vers l’approfondissement et l’expansion du modèle
des
contraires en tension créatrice, nous le trouvons dans le christianis
2871
créatrice, nous le trouvons dans le christianisme
des
grands conciles. À Nicée, puis à Chalcédoine, plusieurs centaines d’é
2872
our définir en grec la nature à la fois triple et
une
du Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, et la personne à la fois une et
2873
e, Fils et Saint-Esprit, et la personne à la fois
une
et double de Jésus-Christ. Et ils écrivent : « Nous enseignons un seu
2874
Jésus-Christ. Et ils écrivent : « Nous enseignons
un
seul et même Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme… fils uni
2875
éparation. L’union n’a pas supprimé la différence
des
natures, mais plutôt elle a sauvegardé les propriétés de chaque natur
2876
priétés de chaque nature, qui se rencontrent dans
une
seule personne… » Abstraction faite de la foi que l’on accorde ou non
2877
je retiens que leurs formes et structures posent
un
certain type de relations, posent donc une société et une politique.
2878
posent un certain type de relations, posent donc
une
société et une politique. De même que le modèle trinitaire des concil
2879
ain type de relations, posent donc une société et
une
politique. De même que le modèle trinitaire des conciles sera utilisé
2880
t une politique. De même que le modèle trinitaire
des
conciles sera utilisé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle
2881
marxienne — de même le modèle de la co-existence
des
deux natures « sans confusion ni séparation » et de l’union qui « loi
2882
de l’union qui « loin de supprimer la différence
des
natures sauvegarde leurs propriétés »ab sera repris par tous les pens
2883
s les penseurs occidentaux respectueux du réel et
des
conditions de la vie, qui sont : antinomies, oppositions, lutte des c
2884
la vie, qui sont : antinomies, oppositions, lutte
des
contraires « d’où procède la plus belle harmonie ». Je pense d’abord,
2885
s comme exclusifs l’un et l’autre, a cessé d’être
un
scandale, est même devenue principe fondamental d’interprétation du r
2886
oderne où l’on retrouve les structures typiques d’
un
problème fédéraliste. À la base de notre analyse, plaçons une concept
2887
fédéraliste. À la base de notre analyse, plaçons
une
conception de l’homme analogue au modèle bipolaire posé par le concil
2888
Chalcédoine. La personne humaine, notion déduite
des
dogmes relatifs aux trois Personnes divines, et surtout à la deuxième
2889
nauté, cet homme se constitue dans la dialectique
des
contraires. Et ce caractère va se transmettre à tous les groupes qu’i
2890
— l’autonomie. Quelques exemples : 1° Le problème
des
universités résulte d’un couple d’exigences contradictoires, qui para
2891
emples : 1° Le problème des universités résulte d’
un
couple d’exigences contradictoires, qui paraissent exclusives l’une d
2892
ces communs, de participation efficace à la vie d’
un
groupe concret et d’horizons ouverts, d’adhésion à des communautés pl
2893
roupe concret et d’horizons ouverts, d’adhésion à
des
communautés plus vastes et de cadres qui rassurent, d’enracinement et
2894
on de l’homme qui veut à la fois sa vie privée et
une
vie sociale est homologue de la situation de la région qui veut à la
2895
eut à la fois son autonomie et sa participation à
un
plus grand ensemble, en association. 4° Enfin, le problème général de
2896
venons d’évoquer, puisqu’il consiste à concilier
des
confessions distinctes dans l’unité de l’Église, c’est-à-dire, en der
2897
é de l’Église, c’est-à-dire, en dernière analyse,
des
vocations particulières au sein de l’Être même de l’Universel, source
2898
éthode dictés par le souci fédéraliste de respect
des
diversités, des conditions contradictoires de la vie, comme la libert
2899
r le souci fédéraliste de respect des diversités,
des
conditions contradictoires de la vie, comme la liberté des personnes
2900
tions contradictoires de la vie, comme la liberté
des
personnes et la force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’une
2901
force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’
une
situation part du concret, en ce sens que d’abord elle considère la n
2902
en ce sens que d’abord elle considère la nature d’
une
tâche ou d’une fonction particulière dont on aura reconnu la nécessit
2903
d’abord elle considère la nature d’une tâche ou d’
une
fonction particulière dont on aura reconnu la nécessité ou l’agrément
2904
d’exécution requise, et elle le fait en fonction
des
trois facteurs suivants : possibilités de participation (civique, int
2905
intellectuelle, économique), efficacité, économie
des
moyens. Enfin, troisième étape, une fois déterminée cette dimension e
2906
égions, tous les hommes de quelques régions, ou d’
une
seule. Je conviendrai que le nombre des combinaisons auxquelles peut
2907
ons, ou d’une seule. Je conviendrai que le nombre
des
combinaisons auxquelles peut conduire cette méthode a de quoi donner
2908
cité. Pour moi, le fédéralisme, c’est l’autonomie
des
régions plus les ordinateurs, c’est-à-dire le respect du réel et de s
2909
allons voir, enfin, que nos critères d’évaluation
des
dimensions et d’attribution des niveaux décisionnels — la participati
2910
ères d’évaluation des dimensions et d’attribution
des
niveaux décisionnels — la participation, l’efficacité et l’économie d
2911
ls — la participation, l’efficacité et l’économie
des
moyens — sont en interdépendance générale. Prenons l’exemple de l’hab
2912
e. Prenons l’exemple de l’habitat : le gigantisme
des
villes, l’entassement dans les grands ensembles conçus pour rapporter
2913
rapporter, non pour servir ou plaire, ont produit
une
situation de crise dont l’acuité se mesure notamment par le chiffre é
2914
l’acuité se mesure notamment par le chiffre élevé
des
suicides. L’homme des ensembles à bon marché, trop serré avec d’autre
2915
amment par le chiffre élevé des suicides. L’homme
des
ensembles à bon marché, trop serré avec d’autres chez soi, et qui vou
2916
l, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est
une
mauvaise solitude, née de l’absence de communication avec ceux que l’
2917
taines dimensions et structures architecturales :
des
unités d’habitation de 5000 à 25 000 habitants, dotées non seulement
2918
ts, mais de rues réservées aux seuls piétons et d’
une
place remplissant la fonction de l’agora ou du forum dans la cité ant
2919
u de rencontres, d’intrigues, de flirts, de criée
des
journaux et de manifestations. La possibilité physique et morale de p
2920
générale au sens traditionnel et l’acquisition d’
un
savoir professionnel souvent d’autant plus rentable qu’il est plus ét
2921
étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle
des
étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement, est un contrecoup mé
2922
diants, sorte de tourbillon dans l’égarement, est
un
contrecoup mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez par dix
2923
ement, est un contrecoup mécanique de l’explosion
des
effectifs. Multipliez par dix les dimensions d’un escalier, il devien
2924
es effectifs. Multipliez par dix les dimensions d’
un
escalier, il devient impraticable. De même, le décuplement des effect
2925
il devient impraticable. De même, le décuplement
des
effectifs estudiantins transforme en acrobatie toute participation ré
2926
aliste : commencer par réévaluer les dimensions d’
une
université digne du nom, ménageant des possibilités de recherches trè
2927
mensions d’une université digne du nom, ménageant
des
possibilités de recherches très spécialisées et de travaux interdisci
2928
ités de base de douze à quinze étudiants autour d’
un
enseignant (c’étaient les dimensions d’un studium de la Sorbonne au x
2929
utour d’un enseignant (c’étaient les dimensions d’
un
studium de la Sorbonne au xiiie siècle), puis une fédération de peti
2930
un studium de la Sorbonne au xiiie siècle), puis
une
fédération de petites unités en départements, et je retrouve ici la s
2931
ameux colloque de Caen, en 1966. L’université fut
une
commune libre au Moyen Âge. Toute vie civique, depuis la cité grecque
2932
ue du fédéralisme : comment assurer la cohésion d’
un
ensemble assez vaste pour pouvoir se charger de tâches communes (tell
2933
) sans léser les droits essentiels et l’autonomie
des
unités de base ? Comment devenir assez grand pour être fort, tout en
2934
ez petit pour être libre ? Ce n’est pas le vote d’
une
constitution, de type plus ou moins fédéral, qui peut résoudre une fo
2935
fois pour toutes ce conflit permanent. Il y faut
une
méthode vivante, celle que j’ai dite : sans cesse évaluer à nouveau l
2936
ite : sans cesse évaluer à nouveau les dimensions
des
tâches à entreprendre, répartir en conséquence les pouvoirs de décisi
2937
ndant aux exigences de l’habitat, de la formation
des
esprits et de l’exercice du civisme, c’est dans cette dialectique con
2938
ain de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’
une
centaine de régions à métropole destinées à devenir, à plus ou moins
2939
future fédération continentale, en lieu et place
des
États-nations constitués au xixe siècle. On s’aperçoit alors que le
2940
par les auteurs classiques, n’était en réalité qu’
un
cas particulier d’une conception beaucoup plus large des relations hu
2941
iques, n’était en réalité qu’un cas particulier d’
une
conception beaucoup plus large des relations humaines dans la cité, d
2942
particulier d’une conception beaucoup plus large
des
relations humaines dans la cité, des relations publiques en général.
2943
p plus large des relations humaines dans la cité,
des
relations publiques en général. C’est ce qu’avait bien vu le regretté
2944
os, lorsqu’il relevait que « le fédéralisme vit d’
une
vie que la forme institutionnelle dénommée État ne suffit pas à quali
2945
il ajoutait : Le fédéralisme est autre chose qu’
une
simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’
2946
ne simple recette juridique ou politique : il est
un
des grands types d’aménagement du rapport politique et peut-être plus
2947
simple recette juridique ou politique : il est un
des
grands types d’aménagement du rapport politique et peut-être plus enc
2948
nt du rapport politique et peut-être plus encore,
un
des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre q
2949
du rapport politique et peut-être plus encore, un
des
grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre que l
2950
ocialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée
des
sociétés et de dicter aux hommes ces « images de comportement » dont
2951
les sauvages dont parlait Littré. Mais loin aussi
des
définitions étroitement légales et constitutionnelles du xixe siècle
2952
voici sur le seuil de l’ère de grandes unions et
des
petites unités fonctionnelles, et l’on va peut-être trouver, dans les
2953
ition. En tant que méthode générale d’aménagement
des
relations humaines, le fédéralisme tel que j’ai tenté de le définir n
2954
ute l’histoire prouve que les confédérations sont
des
formules transitoires qui sont destinées à se défaire assez rapidemen
2955
ys qui aujourd’hui s’appellent confédération sont
des
fédérations qui, pour certaines raisons, n’ont pas voulu dire leur no
2956
la fédération absolument classique et pas du tout
des
confédérations. La confédération est une mesure d’opportunisme pour d
2957
du tout des confédérations. La confédération est
une
mesure d’opportunisme pour des gens qui voient que l’on ne peut pas c
2958
confédération est une mesure d’opportunisme pour
des
gens qui voient que l’on ne peut pas continuer sans faire quelque cho
2959
continuer sans faire quelque chose dans le sens d’
une
fédération, mais qui n’osent pas aller jusqu’au bout. Vous avez dit q
2960
retournerai la proposition et dirai que, s’il y a
un
sens civique en Suisse, c’est dû précisément au système fédéraliste,
2961
système fédéraliste, c’est-à-dire aux dimensions
des
unités dans lesquelles un citoyen peut se manifester. Si les dimensio
2962
-à-dire aux dimensions des unités dans lesquelles
un
citoyen peut se manifester. Si les dimensions sont celles d’un peuple
2963
ut se manifester. Si les dimensions sont celles d’
un
peuple de 50 millions, qu’est-ce qu’il se produit ? On vote, de temps
2964
n temps, sur de grandes options générales, ou sur
un
homme ou sur un député ; cela n’est pas réellement l’activité du civi
2965
grandes options générales, ou sur un homme ou sur
un
député ; cela n’est pas réellement l’activité du civisme, c’est-à-dir
2966
soient pas plus vastes que la portée de la voix d’
un
homme criant sur l’agora, mais il faut garder cet exemple dans l’espr
2967
er cet exemple dans l’esprit, si l’on veut donner
un
contenu réel à la notion de civisme. Il y a interaction de l’institut
2968
t, le premier remède c’est d’appliquer ce critère
des
dimensions — communales ou régionales — de l’unité de base de partici
2969
oir si le mouvement vers les régions aboutirait à
une
dissociation de la Suisse, on me pose souvent la question. Il faudrai
2970
arlant de régions, viennent de ce qu’on s’imagine
une
région comme un petit État-nation. C’est autre chose. On peut très bi
2971
, viennent de ce qu’on s’imagine une région comme
un
petit État-nation. C’est autre chose. On peut très bien concevoir des
2972
n. C’est autre chose. On peut très bien concevoir
des
régions comme celle qui est en train de s’organiser autour de Bâle, l
2973
de jusqu’à Fribourg en Allemagne. Cette regio est
une
unité essentiellement économique. Si une région se constitue vraiment
2974
egio est une unité essentiellement économique. Si
une
région se constitue vraiment et solidement, comme le veulent ses prom
2975
ouvent qu’elle doit nécessairement coïncider avec
une
région politique. Pas du tout, ni avec une région linguistique. On pe
2976
r avec une région politique. Pas du tout, ni avec
une
région linguistique. On peut très bien continuer à y parler, comme en
2977
emand y soit majoritaire. Il faut s’orienter vers
une
vision de l’Europe de demain correspondant aux réalités diverses qui
2978
main correspondant aux réalités diverses qui sont
des
réalités techniques, culturelles, économiques, linguistiques, univers
2979
ersitaires, finalement politiques. Les dimensions
des
diverses régions correspondant à ces divers niveaux ne seront pas néc
2980
veut, à tout prix, imposer les mêmes frontières à
des
réalités qui n’ont rien en commun, totalement hétérogènes, comme les
2981
la division de la région Ruhr-Moselle, qui est d’
un
seul tenant au point de vue du sous-sol, d’après la langue qu’on parl
2982
ue du sous-sol, d’après la langue qu’on parlait d’
un
côté ou de l’autre d’une frontière tracée à la surface. Ce genre d’ab
2983
la langue qu’on parlait d’un côté ou de l’autre d’
une
frontière tracée à la surface. Ce genre d’absurdité se révèle intenab
2984
ble et nous oblige à chercher autre chose du côté
des
régions. Il est certain que le système stato-national actuel n’est pl
2985
ssez puissant pour aboutir, pour former la base d’
une
fédération ? Je n’en sais rien. Nous devons y travailler d’une manièr
2986
n ? Je n’en sais rien. Nous devons y travailler d’
une
manière active. Sur la question précise des ordinateurs, je peux vous
2987
ler d’une manière active. Sur la question précise
des
ordinateurs, je peux vous citer un exemple tiré de l’expérience suiss
2988
stion précise des ordinateurs, je peux vous citer
un
exemple tiré de l’expérience suisse. Il s’est agi, il y a cinq ou six
2989
s, de décider de la priorité pour la construction
des
autoroutes. Le plan général est fait à Berne, mais chaque tracé doit
2990
communes qui peuvent refuser qu’on ruine la vie d’
une
petite ville en la coupant en deux, par exemple. La question s’est po
2991
ait tenir compte : l’intensité du trafic, le prix
des
travaux d’après la nature du sous-sol, les questions de tourisme, de
2992
r les fonctionnaires, même les mieux entraînés, d’
une
vieille fédération. Les ordinateurs ont trouvé par quoi il fallait co
2993
-à-dire le respect poussé aussi loin que possible
des
diversités, devient possible, aujourd’hui, à cause de procédés techni
2994
is, 1963, p. 151. z. Rougemont Denis de, « Pour
une
définition nouvelle du fédéralisme », Revue des travaux de l’Académie
2995
r une définition nouvelle du fédéralisme », Revue
des
travaux de l’Académie des sciences morales et politiques et comptes r
2996
du fédéralisme », Revue des travaux de l’Académie
des
sciences morales et politiques et comptes rendus de ses séances, Pari
2997
: « Le fédéralisme est présence au pouvoir global
des
éléments particuliers — demeurant distincts et reconnaissables — dont
2998
aissables — dont se compose la fédération. Il est
une
symbiose sans confusion ni disparition des spécificités ».
2999
Il est une symbiose sans confusion ni disparition
des
spécificités ».
3000
« La lecture
des
Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence
3001
lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à
un
questionnaire sur l’influence d’André Gide] (printemps 1969)ac ad
3002
d’André Gide] (printemps 1969)ac ad La lecture
des
Nourritures terrestres à 16 ans m’a fait jouer du violon comme jamais
3003
ans le petit bureau de la NRF ; Paulhan me dit,
un
peu plus tard, dans un coin : « Il refuse de dîner avec nous, c’est s
3004
la NRF ; Paulhan me dit, un peu plus tard, dans
un
coin : « Il refuse de dîner avec nous, c’est singulier, mais vous l’i
3005
s vous l’intimidez. » C’est qu’il ne m’était plus
un
dieu, et que j’étais jeune. Il s’efforçait tristement de lire Marx, e
3006
arx, et trouvait Kierkegaard « trop long ». Fin d’
un
prestige. Puis il m’a, très généreusement, hébergé quelques semaines
3007
son absence n’ôte ou n’ajoute rien à la valeur d’
une
œuvre pour qui sait la comprendre. (Pour les autres, il est vrai, cel
3008
ubliés tôt après… Gide n’a contesté sérieusement,
des
fondements de notre société, que son orthodoxie sexuelle. Puis le col
3009
este, il ne cesse d’alterner éloge et doute, avec
un
sens critique d’autant plus exemplaire que les contestataires de 1968
3010
gne d’en faire fi. Mais il n’a pas créé l’image d’
un
ordre neuf — seule valable contestation, à mes yeux, du désordre étab
3011
e établi. ac. Rougemont Denis de, « La lecture
des
Nourritures terrestres… », Revue neuchâteloise, Neuchâtel, 1969, p. 9
3012
ssent les plus actuels ? 2. Gide fut de son temps
un
grand contestateur ; vous semble-t-il garder aujourd’hui valeur d’exe
3013
Un
souvenir de Solférino de Henry Dunant [préface] (1969)af La lectur
3014
ant [préface] (1969)af La lecture après plus d’
un
siècle d’Un Souvenir de Solférino a quelque chose de bien déconcertan
3015
] (1969)af La lecture après plus d’un siècle d’
Un
Souvenir de Solférino a quelque chose de bien déconcertant pour nos h
3016
nelle du phénomène de la guerre devait conduire à
une
innovation proprement révolutionnaire, envers et contre tous les préj
3017
avait coutume de prononcer à la Chambre française
des
discours qui défiaient la syntaxe et qu’il fallait recomposer pour l’
3018
isait à ses proches — qu’il ne doit rien rester d’
un
bon discours, sauf la loi qu’il a fait voter. Quelle que soit la vale
3019
ns aujourd’hui au bref ouvrage intitulé (non sans
une
provocante simplicité) Un Souvenir de Solférino, son résultat fut la
3020
age intitulé (non sans une provocante simplicité)
Un
Souvenir de Solférino, son résultat fut la Croix-Rouge. Ce très curie
3021
la Croix-Rouge. Ce très curieux récit s’ouvre sur
un
rappel de l’ordre de bataille des armées en présence et des étapes de
3022
écit s’ouvre sur un rappel de l’ordre de bataille
des
armées en présence et des étapes de la journée, suivi d’une énumérati
3023
de l’ordre de bataille des armées en présence et
des
étapes de la journée, suivi d’une énumération vraiment très longue de
3024
en présence et des étapes de la journée, suivi d’
une
énumération vraiment très longue de faits d’armes individuels, décrit
3025
rits à grand renfort de beaux noms de la noblesse
des
trois pays aux prises, et d’épithètes strictement conventionnelles :
3026
ans irrésistibles », « l’inébranlable constance »
des
maréchaux n’a d’égale que « le sang-froid admirable » des deux empere
3027
chaux n’a d’égale que « le sang-froid admirable »
des
deux empereurs, et l’énergie de leurs troupes est bien sûr « indompta
3028
upes est bien sûr « indomptable ». Tout cela fait
une
« mémorable journée » où de « vaillantes colonnes » prennent et repre
3029
« vaillantes colonnes » prennent et reprennent «
des
crêtes et des collines qui aboutissent au gracieux mamelon des Cyprès
3030
colonnes » prennent et reprennent « des crêtes et
des
collines qui aboutissent au gracieux mamelon des Cyprès, rendu pour j
3031
des collines qui aboutissent au gracieux mamelon
des
Cyprès, rendu pour jamais célèbre avec la Tour et le cimetière de Sol
3032
théâtre… » L’on ne trouve dans ces pages pas même
une
inflexion qui puisse trahir le moindre doute de l’auteur quant à la v
3033
ir le moindre doute de l’auteur quant à la valeur
des
armées et de la chose militaire en général. Et quand il sacrifie si l
3034
demander dans quel dessein il consacre à peu près
un
tiers de son écrit à la chronique de faits d’armes dont il n’a pas ét
3035
ure ou de cette grandeur d’âme qui fait la gloire
des
armes et justifie la guerre aux yeux de beaucoup. Faut-il voir là une
3036
e la guerre aux yeux de beaucoup. Faut-il voir là
une
captatio benevolentiae délibérée, un procédé qui assure l’auteur, dès
3037
-il voir là une captatio benevolentiae délibérée,
un
procédé qui assure l’auteur, dès le départ, d’une audience sympathiqu
3038
un procédé qui assure l’auteur, dès le départ, d’
une
audience sympathique auprès des cours, des salons de la haute bourgeo
3039
dès le départ, d’une audience sympathique auprès
des
cours, des salons de la haute bourgeoisie victorienne, et des grandes
3040
art, d’une audience sympathique auprès des cours,
des
salons de la haute bourgeoisie victorienne, et des grandes dames de t
3041
es salons de la haute bourgeoisie victorienne, et
des
grandes dames de toute l’Europe qui croient aux mâles vertus des offi
3042
es de toute l’Europe qui croient aux mâles vertus
des
officiers bien nés ? Louant leurs frères, leurs fils, ou leurs maris
3043
i. Mais alors, au-delà de la captatio, n’y a-t-il
une
secrète et profonde ironie, une intention de souligner le contraste a
3044
tatio, n’y a-t-il une secrète et profonde ironie,
une
intention de souligner le contraste avec ce que l’on va lire dans le
3045
où Dunant vient d’arriver par hasard — convergent
des
colonnes interminables de blessés des trois armées. On les entasse pa
3046
convergent des colonnes interminables de blessés
des
trois armées. On les entasse par milliers dans les églises, le cloîtr
3047
du coup cela devient effroyable. On croirait lire
une
description d’Hiroshima au ralenti. Cent-mille victimes, là aussi, ma
3048
alenti. Cent-mille victimes, là aussi, mais non d’
un
cataclysme instantané : d’un coup de crosse sur le crâne, d’un coup d
3049
là aussi, mais non d’un cataclysme instantané : d’
un
coup de crosse sur le crâne, d’un coup de baïonnette au ventre, d’un
3050
instantané : d’un coup de crosse sur le crâne, d’
un
coup de baïonnette au ventre, d’un coup de sabre au travers du visage
3051
ur le crâne, d’un coup de baïonnette au ventre, d’
un
coup de sabre au travers du visage. Un général a eu l’épaule fracassé
3052
ventre, d’un coup de sabre au travers du visage.
Un
général a eu l’épaule fracassée par un boulet qui reste enclavé dans
3053
du visage. Un général a eu l’épaule fracassée par
un
boulet qui reste enclavé dans les muscles de l’aisselle. Des centaine
3054
qui reste enclavé dans les muscles de l’aisselle.
Des
centaines agonisent en silence, ou hurlent. La figure noire de mouch
3055
ent à leurs plaies, ceux-ci portent de tous côtés
des
regards éperdus qui n’obtiennent aucune réponse ; la capote, la chemi
3056
ise, les chairs et le sang ont formé chez ceux-là
un
horrible et indéfinissable mélange où les vers se sont mis ; plusieur
3057
ent voir sortir de leur corps, et qui proviennent
des
myriades de mouches dont l’air est infesté. Ici est un soldat, entièr
3058
riades de mouches dont l’air est infesté. Ici est
un
soldat, entièrement défiguré, dont la langue sort démesurément de sa
3059
èvres desséchées et sa langue durcie ; saisissant
une
poignée de charpie, je la trempe dans le seau que l’on porte derrière
3060
s impersonnelle, à propos de la quasi-inexistence
des
secours médicaux aux blessés : « Il faut donc, tant bien que mal, org
3061
és : « Il faut donc, tant bien que mal, organiser
un
service volontaire, mais c’est bien difficile au milieu d’un pareil d
3062
volontaire, mais c’est bien difficile au milieu d’
un
pareil désordre, qui se complique d’une espèce de panique… » Or c’est
3063
u milieu d’un pareil désordre, qui se complique d’
une
espèce de panique… » Or c’est lui seul (mais rien ne l’indique dans l
3064
sés et d’organiser ces secours, bientôt suivi par
un
petit groupe formé de deux touristes anglais de passage, d’un vieil o
3065
upe formé de deux touristes anglais de passage, d’
un
vieil officier de marine, d’un abbé italien, d’un journaliste de Pari
3066
lais de passage, d’un vieil officier de marine, d’
un
abbé italien, d’un journaliste de Paris, d’un Belge exalté et d’un né
3067
un vieil officier de marine, d’un abbé italien, d’
un
journaliste de Paris, d’un Belge exalté et d’un négociant de Neuchâte
3068
, d’un abbé italien, d’un journaliste de Paris, d’
un
Belge exalté et d’un négociant de Neuchâtel qui écrit pour les mouran
3069
d’un journaliste de Paris, d’un Belge exalté et d’
un
négociant de Neuchâtel qui écrit pour les mourants des lettres d’adie
3070
égociant de Neuchâtel qui écrit pour les mourants
des
lettres d’adieux à leurs familles. Peu à peu, les femmes du lieu « vo
3071
: Il arrive que le cœur se brise parfois tout d’
un
coup, et comme frappé soudain d’une amère et invincible tristesse, à
3072
parfois tout d’un coup, et comme frappé soudain d’
une
amère et invincible tristesse, à la vue d’un simple incident, d’un dé
3073
n d’une amère et invincible tristesse, à la vue d’
un
simple incident, d’un détail inattendu, qui va plus directement à l’â
3074
cible tristesse, à la vue d’un simple incident, d’
un
détail inattendu, qui va plus directement à l’âme, et qui ébranle les
3075
is ans plus tard, et il se borne à suggérer, dans
une
note, que si ces pages pouvaient faire naître, ou développer et pres
3076
aire naître, ou développer et presser la question
des
secours à donner aux militaires blessés en temps de guerre… et si ell
3077
guerre… et si elles pouvaient attirer l’attention
des
personnes douées d’humanité et de philanthropie, en un mot, si la pré
3078
rsonnes douées d’humanité et de philanthropie, en
un
mot, si la préoccupation et l’étude de ce sujet si important devaient
3079
en le faisant avancer de quelques pas, améliorer
un
état de choses où de nouveaux progrès ne sauraient être de trop, même
3080
t atteint mon but. Toute sa proposition tient en
une
phrase, au surplus interrogative : N’y aurait-il pas moyen de consti
3081
rogative : N’y aurait-il pas moyen de constituer
des
sociétés de secours dont le but serait de faire donner des soins aux
3082
tés de secours dont le but serait de faire donner
des
soins aux blessés, en temps de guerre, par des volontaires zélés, dév
3083
er des soins aux blessés, en temps de guerre, par
des
volontaires zélés, dévoués, et bien qualifiés pour une pareille œuvre
3084
olontaires zélés, dévoués, et bien qualifiés pour
une
pareille œuvre ? Tel est l’homme que l’on a traité d’utopiste et d’i
3085
on a tant reproché de manquer du sens élémentaire
des
réalités. On ne saurait être plus respectueux des conventions et des
3086
des réalités. On ne saurait être plus respectueux
des
conventions et des vertus de la Société de son temps ; ni plus dénué
3087
saurait être plus respectueux des conventions et
des
vertus de la Société de son temps ; ni plus dénué d’amer et de vengeu
3088
dénué d’amer et de vengeur esprit critique : pas
un
mot de reproche à quiconque dans ce livre ! On ne saurait être plus p
3089
ailleurs révoltant, que l’on vient d’évoquer avec
une
émotion si contagieuse. On ne saurait être, enfin, plus efficace : qu
3090
nfin, plus efficace : quatre ans après Solférino,
un
an après la parution hors commerce du Souvenir, la Croix-Rouge est fo
3091
s meurtrier du siècle depuis Waterloo : il n’a qu’
une
seule idée en tête, qui est d’approcher l’empereur et d’obtenir de lu
3092
permission (refusée par les ministères) d’acheter
des
terres en Algérie pour la « Société anonyme des Moulins de Mons Djemi
3093
r des terres en Algérie pour la « Société anonyme
des
Moulins de Mons Djemila », qu’il a fondée. Mais d’autres soucis, ce j
3094
crire cette seule phrase qui est sans doute l’une
des
plus saugrenues de l’histoire : Simple touriste, entièrement étrange
3095
à cette grande lutte, j’eus le rare privilège par
un
concours de circonstances particulières, de pouvoir assister aux scèn
3096
Waterloo dans la Chartreuse de Parme, mais plutôt
un
parfait gentleman de Toepffer gardant, quoi qu’il arrive d’invraisemb
3097
ote et son désir de se rendre utile. Il cherchait
un
empereur et il trouve une idée, aurait pu dire Victor Hugo. Je vois i
3098
ndre utile. Il cherchait un empereur et il trouve
une
idée, aurait pu dire Victor Hugo. Je vois ici la situation classique
3099
o. Je vois ici la situation classique qui définit
une
vocation. On court après un but habituel et quelconque, le succès d’u
3100
lassique qui définit une vocation. On court après
un
but habituel et quelconque, le succès d’une affaire, la richesse… On
3101
après un but habituel et quelconque, le succès d’
une
affaire, la richesse… On le manque, « par la faute des circonstances
3102
ffaire, la richesse… On le manque, « par la faute
des
circonstances », dit-on, et l’on est pris par quelque chose qu’on ne
3103
souvent la misère, mais peu importe, pour prix d’
une
gloire presque toujours secrète. En 1864, la Première Convention de G
3104
signée par douze États qui, à leur tour, fondent
des
sociétés nationales de secours en cas de guerre. En 1867, après trois
3105
trois ans de succès de sa vocation, Dunant subit
une
faillite totale sur le plan de sa profession. Le Comité de la Croix-R
3106
ns soulagement sa démission. Et commence pour lui
une
période de vingt ans de réprobation sociale, d’exil, d’obscurité et d
3107
bation sociale, d’exil, d’obscurité et de famine.
Un
jour, on lui a demandé de parler à Plymouth : il ne peut arriver au b
3108
trouées, il teint à l’encre ses talons. En 1887,
une
espèce de vagabond sans bagage échoue dans un village du canton d’App
3109
7, une espèce de vagabond sans bagage échoue dans
un
village du canton d’Appenzell, Heiden. Il y vivra obscurément dans la
3110
ans la misère, pendant huit ans, jusqu’au jour où
un
jeune journaliste, Georg Baumberger, découvre que « le fondateur de l
3111
12, réussit à le faire parler, et publie sur lui
un
article qui, bientôt reproduit partout, rend Dunant en quelques semai
3112
élèbre dans le monde entier. L’Allemagne organise
une
souscription en sa faveur. Mille médecins russes réunis en congrès lu
3113
a plus entreprenante, portant sur la grande œuvre
un
jour fondée par lui un regard dénué de complaisance, lucide et sans e
3114
ortant sur la grande œuvre un jour fondée par lui
un
regard dénué de complaisance, lucide et sans espoir quant à l’avenir
3115
out. » ⁂ J’ai dit qu’on chercherait en vain, dans
un
Souvenir, la moindre note d’antimilitarisme, et rien n’est dit non pl
3116
us contre la guerre en soi (sinon par la violence
des
images réalistes de Castiglione, mais sans nul commentaire même impli
3117
ommentaire même implicite). Dunant se limite, par
une
tactique que je ne saurais croire toute inconsciente, à « attirer l’a
3118
toute inconsciente, à « attirer l’attention » sur
un
sujet précis, à partir duquel on pourrait « avancer de quelques pas »
3119
rait « avancer de quelques pas » : l’organisation
des
secours aux blessés en temps de guerre. Sur ce seul point, dans ce se
3120
ement défini de l’immense phénomène de la guerre,
un
succès indéniable a été remporté par la fondation de la Croix-Rouge.
3121
déclarée à toutes fins d’efficacité, c’est encore
une
manière d’admettre, avec les bien-pensants de tous les temps, que ces
3122
ux ; c’est encore admettre la guerre. (Que serait
une
guerre sans « horreurs » ?) J’avoue qu’à ma première lecture du Souve
3123
’avais achoppé sur ce point. Mais la mise au jour
des
cahiers de Heiden, dont une quinzaine d’extraits enrichissent ce volu
3124
Mais la mise au jour des cahiers de Heiden, dont
une
quinzaine d’extraits enrichissent ce volume, révèle enfin, sans la mo
3125
vouer à lui-même, alors qu’il écrivait le début d’
Un
Souvenir. Son vrai discours contre la guerre et le militarisme qui la
3126
marque la transition entre l’attitude initiale d’
Un
Souvenir et finale des cahiers de Heiden. La « modestie du but » auqu
3127
entre l’attitude initiale d’Un Souvenir et finale
des
cahiers de Heiden. La « modestie du but » auquel Dunant veut se limit
3128
la guerre « divine » ; d’autres la tiennent pour
une
« loi de la nature » ; lui, sans vouloir « toucher au redoutable prob
3129
ette évolution : le texte de 1872 sur la question
des
francs-tireurs : Héros ou bandits ? Un code de la guerre serait une
3130
question des francs-tireurs : Héros ou bandits ?
Un
code de la guerre serait une chose odieuse à l’époque de civilisation
3131
: Héros ou bandits ? Un code de la guerre serait
une
chose odieuse à l’époque de civilisation où nous vivons, parce qu’il
3132
vivons, parce qu’il semblerait légitimer par trop
un
état de choses regardé aujourd’hui comme abominable. Déclaration pou
3133
entions diplomatiques spéciales, traitant chacune
une
question particulière », on ne peut manquer de sentir ici qu’un doute
3134
rticulière », on ne peut manquer de sentir ici qu’
un
doute profond s’est éveillé en lui quant à la nature finale des relat
3135
ond s’est éveillé en lui quant à la nature finale
des
relations entre la Croix-Rouge et la guerre. Vingt ans plus tard, dan
3136
ntre la guerre et le militarisme, afin d’en faire
un
petit arsenal où l’on pourra puiser pour construire une œuvre digne d
3137
tit arsenal où l’on pourra puiser pour construire
une
œuvre digne du but.43 Il ne s’agit plus d’améliorer la peste, mais
3138
nements captieux tendant à démontrer le contraire
des
évidences, afin de justifier à tout prix des instincts que la raison
3139
aire des évidences, afin de justifier à tout prix
des
instincts que la raison et la religion répriment : Pourquoi bénir de
3140
raison et la religion répriment : Pourquoi bénir
des
bataillons partant pour la tuerie après leur avoir enseigné dans leur
3141
nant répond encore dans le même fragment intitulé
Un
christianisme blasphématoire : La guerre, cette science du désordre,
3142
s vertus guerrières ne sont, le plus souvent, que
des
utopies traditionnelles intéressées… Ce qu’on désigne sous le nom de
3143
esser de parler de la chrétienté. Nous voilà loin
des
clichés d’Un Souvenir et de ses prudences tactiques. Serait-ce que Du
3144
r de la chrétienté. Nous voilà loin des clichés d’
Un
Souvenir et de ses prudences tactiques. Serait-ce que Dunant, écarté
3145
ménager, s’abandonnerait au zèle amer du censeur
des
temps nouveaux et aux compensations fictives d’utopies qui, comme cel
3146
ntendons ? Il convient de s’entendre sur le sens
des
termes d’utopie et de réalisme. L’utopiste est celui qui voit la fin
3147
’est aussi celui qui fait erreur sur l’adéquation
des
moyens qu’il préconise aux fins qu’il allègue, tel celui qui répète (
3148
n étendue comme en puissance de mort à proportion
des
sacrifices financiers et des efforts de développement technique qu’on
3149
de mort à proportion des sacrifices financiers et
des
efforts de développement technique qu’on consacre à les préparer. Mai
3150
at (de droite, à gauche) d’aboutir à l’alignement
des
réflexes mentaux et physiques, des espoirs et des peurs, et des curio
3151
à l’alignement des réflexes mentaux et physiques,
des
espoirs et des peurs, et des curiosités, bref, à ce que Dunant nomme
3152
des réflexes mentaux et physiques, des espoirs et
des
peurs, et des curiosités, bref, à ce que Dunant nomme très exactement
3153
entaux et physiques, des espoirs et des peurs, et
des
curiosités, bref, à ce que Dunant nomme très exactement : encaserner
3154
s pour illustrer ce schéma dont je découvre, avec
une
sorte d’étonnement reconnaissant, qu’il est celui que j’utilisais dep
3155
t autres institutions en plusieurs pays d’Europe,
une
indéniable école d’immoralité politique. » On y apprend à ne voir « r
3156
les empire rapaces et sanguinaires d’Alexandre et
des
Césars, de Charlemagne et de Bonaparte ». La Conscription universell
3157
lle qui fait l’opinion publique… le plus puissant
des
potentats… » Elle a changé en trois générations l’esprit de bien des
3158
le a changé en trois générations l’esprit de bien
des
peuples. « Si, en s’unissant, elle se mettait résolument à l’œuvre po
3159
que le monde ait jamais connue, elle deviendrait
un
véritable bienfait… » Le Nationalisme et le colonialisme : il pousse
3160
sme : il pousse les nations de l’Europe à envahir
des
pays inoffensifs (Afrique, Asie) pour les asservir, pour les massacre
3161
assacrer s’ils résistent, « toujours en alléguant
un
prétexte dérisoire, celui de châtier leur insolence… C’est sans remor
3162
ant sur ces peuples, leur enlève souvent plus que
des
coutumes barbares, elle les dépouille de leur vieille et respectable
3163
eu de temps, et l’homme aura, grâce à la science,
des
moyens si prodigieux de faire le mal qu’il ne pourra être sauvé de lu
3164
ême, au milieu d’épouvantables désastres, que par
une
intervention divine ». (On sent que Dunant juge cette dernière fort p
3165
n gré mal gré (d’où guerres mondiales) et jetés à
une
forme de barbarie nouvelle : « la barbarie scientifique ». En effet,
3166
désormais « le progrès consiste dans la recherche
des
meilleurs engins de destruction ». Les ministres cyniques ou prudents
3167
es ou prudents qui croyaient diriger le « concert
des
nations » et contrôler le système si vis pacem tout en exaltant le Pr
3168
enfer n’aura pas prévalu contre la vision juste d’
un
vieillard en colère, et qui avait fait en outre plus de bien qu’aucun
3169
directeur de l’Institut Henry-Dunant, destinée à
un
ouvrage collectif consacré aux lauréats du prix Nobel de la paix (Fra
3170
U Ms fr. 4556. 44. Fragment intitulé L’armée est
une
école, dit-on ! 45. Dunant avait publié, en 1859, un volume intitulé
3171
cole, dit-on ! 45. Dunant avait publié, en 1859,
un
volume intitulé la Régence de Tunis dans lequel il témoigne d’un resp
3172
ulé la Régence de Tunis dans lequel il témoigne d’
un
respect, des plus insolites à l’époque, pour les « indigènes » et pou
3173
ce de Tunis dans lequel il témoigne d’un respect,
des
plus insolites à l’époque, pour les « indigènes » et pour la civilisa
3174
Denis de, Dunant Henry, « [Préface] Henry Dunant,
Un
souvenir de Solférino », dans Un souvenir de Solférino, Lausanne, L’
3175
] Henry Dunant, Un souvenir de Solférino », dans
Un
souvenir de Solférino, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1969, p. VII-XXII.
3176
de ceux avec qui j’ai longtemps collaboré et dans
des
circonstances très diverses, je n’arrive plus du tout à retrouver qua
3177
hergilde Gutenberg venait d’éditer mon Journal d’
un
intellectuel en chômage . Aux débuts de la guerre à Berne ? Mais je f
3178
i 1940, et Hans Oprecht fondait l’automne suivant
un
mouvement rival (à ce qu’il m’apprit beaucoup plus tard), quoiqu’égal
3179
ses — car chacun sait que Hans Oprecht a été l’un
des
premiers à utiliser cette forme moderne du cabinet de travail étiré s
3180
erche nucléaire et les moyens de prévenir l’exode
des
cerveaux (résultante : le CERN). Dans les beaux-arts, le succès rapid
3181
ns les beaux-arts, le succès rapide de la formule
des
festivals et les dangers qu’entraînait leur multiplication en concurr
3182
uropéens). Dans l’édition, la création et l’essor
des
guildes du livre, alors considérées — mais nous pensions le contraire
3183
idérées — mais nous pensions le contraire — comme
un
danger pour les libraires, les éditeurs et les corporations du livre
3184
emettre à l’expérience et à l’initiative de celui
des
membres de son comité qui avait le mieux démontré le mouvement en mar
3185
du livre, dès 1951. Elle devait grouper au cours
des
années suivantes jusqu’à neuf guildes totalisant plusieurs centaines
3186
de milliers de lecteurs, en sept pays. Elle créa
un
Prix européen destiné à lancer de jeunes auteurs sur le plan internat
3187
succès commerciaux et même littéraires, par ceux
des
grands éditeurs d’Europe qui, dès le début, s’étaient montrés les plu
3188
rtout, elle contribua à régulariser les relations
des
dirigeants des guildes entre eux d’abord, puis entre eux et les édite
3189
tribua à régulariser les relations des dirigeants
des
guildes entre eux d’abord, puis entre eux et les éditeurs. Quant à le
3190
je viens de citer permettent de les mesurer avec
une
certaine précision, pays par pays. Si bien que l’on peut affirmer que
3191
mer que les guildes ont au moins triplé le nombre
des
Européens contaminés par le goût de la lecture et victimes de son acc
3192
occasion d’avouer tout ce que nous devons à l’un
des
Suisses les plus remarquables et les plus originaux qui soient : l’un
3193
arquables et les plus originaux qui soient : l’un
des
rares qui ait trouvé le secret d’être à la fois efficace et d’humeur
3194
doutablement organisé et toujours disponible pour
une
aventure éducative ou culturelle, ouvert à toute l’Europe et parfait
3195
« Il faut donner aux gens le goût
des
belles choses » (15 février 1969)ai aj Vous avez écrit : « N’habit
3196
l’extrême laideur de tout ce que l’on construit,
une
laideur irréversible. En Hollande, dans le Sud du Portugal, toutes le
3197
sons sont belles, sans être plus luxueuses. C’est
une
fête de voir ça. Denis de Rougemont illustre ses propos de quelques p
3198
phies : Voyez-vous, on a su, dans ces pays, créer
une
atmosphère, un style. Mais n’était-il pas urgent de construire des lo
3199
us, on a su, dans ces pays, créer une atmosphère,
un
style. Mais n’était-il pas urgent de construire des logements ? On au
3200
n style. Mais n’était-il pas urgent de construire
des
logements ? On aurait pu faire, plus loin, dans ces immenses champs,
3201
it pu faire, plus loin, dans ces immenses champs,
un
joli village avec une place, une église, des cafés… C’est ce qui a ét
3202
n, dans ces immenses champs, un joli village avec
une
place, une église, des cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Mey
3203
immenses champs, un joli village avec une place,
une
église, des cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin est viv
3204
amps, un joli village avec une place, une église,
des
cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin est vivant à cause
3205
e au plus pressé. J’ai pu le constater à propos d’
un
petit village du Midi où je possède une maison. On y a tué la poule a
3206
à propos d’un petit village du Midi où je possède
une
maison. On y a tué la poule aux œufs d’or car on n’a pas pensé que l’
3207
dans les cinq années à venir ? Il est heureux qu’
une
enquête telle que la vôtre le révèle, car autour de tout ceci, on gar
3208
ôtre le révèle, car autour de tout ceci, on garde
un
secret jaloux. Une telle transformation devrait faire l’objet d’un dé
3209
r autour de tout ceci, on garde un secret jaloux.
Une
telle transformation devrait faire l’objet d’un débat public. La vrai
3210
Une telle transformation devrait faire l’objet d’
un
débat public. La vraie démocratie, ce serait que les gens puissent di
3211
ocratie, ce serait que les gens puissent discuter
des
projets car c’est leur vie qui va être modifiée. Il faut rendre les g
3212
que de savoir si l’on est de droite ou de gauche.
Une
telle discussion ne risque-t-elle pas de faire obstacle à tous les pr
3213
le à tous les projets ? Je ne suis pas partisan d’
une
stagnation complète. Il faut éduquer les gens, les rendre sensibles à
3214
les gens, les rendre sensibles à la beauté. C’est
un
immense problème d’éducation qui doit se traiter au niveau des écoles
3215
roblème d’éducation qui doit se traiter au niveau
des
écoles. Mais des usines nouvelles se créent. Où les construire ? Il f
3216
on qui doit se traiter au niveau des écoles. Mais
des
usines nouvelles se créent. Où les construire ? Il faut les édifier l
3217
ent. Où les construire ? Il faut les édifier loin
des
villes et loger le personnel dans des cités nouvelles où puisse naîtr
3218
difier loin des villes et loger le personnel dans
des
cités nouvelles où puisse naître un esprit de communauté, et non pas
3219
rsonnel dans des cités nouvelles où puisse naître
un
esprit de communauté, et non pas dans des casernes accrochées à de vi
3220
e naître un esprit de communauté, et non pas dans
des
casernes accrochées à de vieux villages que cela détruit. Un grand
3221
crochées à de vieux villages que cela détruit.
Un
grand espoir : « la régionalisation » Vous semblez bien pessimiste
3222
ion » Vous semblez bien pessimiste ? Il existe
un
grand espoir, c’est la régionalisation, si elle se réalise véritablem
3223
i elle se réalise véritablement. On arrivera, sur
des
régions plus petites, plus homogènes, à créer un style. Mais n’y aura
3224
des régions plus petites, plus homogènes, à créer
un
style. Mais n’y aurait-il pas un grand bouleversement, dans tous les
3225
mogènes, à créer un style. Mais n’y aurait-il pas
un
grand bouleversement, dans tous les domaines ? Il faudra « s’équilibr
3226
ans le chaos ». C’est ma conclusion du Journal d’
une
époque . ai. Rougemont Denis de, « [Entretien] Il faut donner aux
3227
de, « [Entretien] Il faut donner aux gens le goût
des
belles choses », Le Progrès, Lyon, 15 février 1969, p. 5. aj. Propos
3228
quelques chiffres grisants qui semblent annoncer
un
avenir brillant… Comment, cependant, ne pas être saisi d’un certain e
3229
brillant… Comment, cependant, ne pas être saisi d’
un
certain effroi devant une telle expansion ? Le pays de Gex, où l’on a
3230
ant, ne pas être saisi d’un certain effroi devant
une
telle expansion ? Le pays de Gex, où l’on a eu, de tout temps, le goû
3231
olidité, de la simplicité ne souffrira-t-il pas d’
une
mutation aussi profonde ? Nous avons posé cette troublante question a
3232
e vingt ans, il a choisi de vivre dans la “Maison
des
Bois“, demeure simple et belle dans la tradition voltairienne, où log
3233
abinet de travail s’ouvre sur les prés, les bois,
une
image paisible du pays de Gex que bientôt peut-être on ne pourra plus
3234
Les résistances mentales à l’Europe
des
régions (avril 1969)ak I. Les objections courantes Depuis 196
3235
rdre nouveau trente ans plus tôt — je préconisais
une
organisation fédérale de l’Europe basée sur les régions et non sur le
3236
plupart des cas, la résistance ne provient pas d’
un
refus motivé de nos positions régionalistes, mais d’un ensemble de ré
3237
fus motivé de nos positions régionalistes, mais d’
un
ensemble de réflexes conditionnés par un siècle et demi d’éducation s
3238
, mais d’un ensemble de réflexes conditionnés par
un
siècle et demi d’éducation stato-nationaliste gratuite et obligatoire
3239
te et obligatoire : uniformisation et mise au pas
des
corps par la discipline militaire, des esprits par les manuels scolai
3240
ise au pas des corps par la discipline militaire,
des
esprits par les manuels scolaires, des curiosités par la presse à gra
3241
militaire, des esprits par les manuels scolaires,
des
curiosités par la presse à grand tirage et ses agences officieuses, d
3242
presse à grand tirage et ses agences officieuses,
des
émotions par l’éloquence patriotique, enfin du sentiment religieux pa
3243
ar le culte du Soldat inconnu et la sacralisation
des
bornes-frontières. Distinguons quatre groupes parmi les « difficultés
3244
on lequel la nation est le Progrès. La région est
une
nostalgie réactionnaire. Le progrès et l’efficacité, au xxe siècle,
3245
progrès et l’efficacité, au xxe siècle, exigent
des
ensembles plus centralisés ou intégrés. L’État-nation demeurera longt
3246
uement arriérés. (Z. Brzezinski)48 (Principes d’
une
réponse : Les hypothèses prospectives, formées par extrapolation du p
3247
du passé ou du présent, sont toutes à la merci d’
une
équation nouvelle, d’une action aujourd’hui encore impondérable, d’un
3248
sont toutes à la merci d’une équation nouvelle, d’
une
action aujourd’hui encore impondérable, d’une volonté qui peut surgir
3249
, d’une action aujourd’hui encore impondérable, d’
une
volonté qui peut surgir demain, posant un but nouveau et créant ses m
3250
ble, d’une volonté qui peut surgir demain, posant
un
but nouveau et créant ses moyens. Si l’on ne déclare pas ce qu’on veu
3251
sera : « l’objectivité scientifique » dissimulant
une
démission civique rend le pire de plus en plus sûr.) Objections ta
3252
votre utopie ! On ne peut passer sans transition
des
nations souveraines aux régions fédérées. Cela prendra des décennies.
3253
ns souveraines aux régions fédérées. Cela prendra
des
décennies. Ce qui est urgent, c’est le prix du lait et le taux d’accr
3254
nt de la productivité industrielle. (Principes d’
une
réponse : a) N’est-il pas justement trop difficile de faire l’Europe
3255
difficile de faire l’Europe politique sur la base
des
États-nations ? Pour quelles raisons ne l’a-t-on pas encore faite ?
3256
re mesure de transition. (Suppression instantanée
des
péages entre vingt-cinq États et installation d’un cordon douanier co
3257
s péages entre vingt-cinq États et installation d’
un
cordon douanier commun, par exemple.) Il n’y a qu’une transition du p
3258
cordon douanier commun, par exemple.) Il n’y a qu’
une
transition du projet au succès : c’est l’acte créateur, ou révolution
3259
c’est l’acte créateur, ou révolution, procédant d’
une
vision claire et d’une volonté sincère de réalisation.) Résistance
3260
ou révolution, procédant d’une vision claire et d’
une
volonté sincère de réalisation.) Résistances conditionnées par l’é
3261
, de vos régions autonomes. Ils préfèrent mendier
des
subventions à Paris. Voyez les Bretons, qui votent gaulliste. Les con
3262
étourderies et boutades ne sont guère passibles d’
une
réfutation.) Résistances conditionnées par nos habitudes visuelles
3263
r nos habitudes visuelles et les atlas scolaires (
une
couleur par pays) Comment allez-vous découper vos régions ? Quell
3264
leurs frontières exactes ? Faut-il qu’elles aient
des
superficies ou des populations à peu près égales ? La région de Paris
3265
actes ? Faut-il qu’elles aient des superficies ou
des
populations à peu près égales ? La région de Paris, avec ses 9 ou 10
3266
tants. Ça ne se tient pas ! La Bretagne n’est pas
une
entité économique viable. Et qui parle breton à Rennes ? Les ethnies
3267
ltés qui est la cause principale de l’ajournement
des
solutions régionalistes, c’est-à-dire de l’incertitude ou insécurité
3268
II. Que la région ne doit pas être conçue comme
un
État-notion en réduction Presque tous les difficultés, obscurités,
3269
rités, incertitudes, blocages mentaux, qu’éprouve
un
homme de cette seconde moitié du xxe siècle à concevoir une Europe d
3270
e cette seconde moitié du xxe siècle à concevoir
une
Europe des régions, proviennent du « modèle » que l’École (aux trois
3271
onde moitié du xxe siècle à concevoir une Europe
des
régions, proviennent du « modèle » que l’École (aux trois degrés) a i
3272
» que l’École (aux trois degrés) a imposé depuis
un
siècle au moins. L’homme d’aujourd’hui, formé par les manuels, croit,
3273
r les manuels, croit, sans la moindre discussion,
une
série de propositions axiomatiques de ce genre : — L’État doit être u
3274
publique de la nation, c’est-à-dire de l’ensemble
des
hommes vivant à l’intérieur d’un territoire délimité par les hasards
3275
e de l’ensemble des hommes vivant à l’intérieur d’
un
territoire délimité par les hasards des guerres et les calculs des ar
3276
ntérieur d’un territoire délimité par les hasards
des
guerres et les calculs des arpenteurs. — Tout ce qui relève du domain
3277
limité par les hasards des guerres et les calculs
des
arpenteurs. — Tout ce qui relève du domaine public (économie, politiq
3278
scalité, défense, tourisme, etc.) doit dépendre d’
un
seul et même organisme, l’État, dans les limites d’un seul et même te
3279
eul et même organisme, l’État, dans les limites d’
un
seul et même territoire sur lequel cet État se déclare souverain. — C
3280
unité nationale, terme absolu de toute histoire d’
un
peuple digne de ce nom. Ayant « fait son unité » (comme on fait sa pu
3281
on unité » (comme on fait sa puberté), il devient
une
« nation immortelle » et l’État qui agit en son nom dispose de la vie
3282
elles et physiques, culturelles et économiques) à
une
seule et unique surface géographique déclarée « sol sacré de la patri
3283
sacré de la patrie » (et dont le « territoire » d’
un
chien fournit le modèle) correspond à quelque chose de fondamental ch
3284
artir du Xe millénaire avant notre ère). Au cours
des
siècles de l’histoire moderne, ce sont les guerres qui ont servi de p
3285
nt accrédité l’idée que l’économie est au service
des
desseins politiques d’un État et non de la prospérité de ses citoyens
3286
économie est au service des desseins politiques d’
un
État et non de la prospérité de ses citoyens. Aujourd’hui, cette même
3287
ivilisation visuelle, de l’imprimé, de la lecture
des
signes alignés, des plans, des cartes et des graphiques, l’homme de l
3288
, de l’imprimé, de la lecture des signes alignés,
des
plans, des cartes et des graphiques, l’homme de la « Galaxie Gutenber
3289
imé, de la lecture des signes alignés, des plans,
des
cartes et des graphiques, l’homme de la « Galaxie Gutenberg » si géni
3290
ture des signes alignés, des plans, des cartes et
des
graphiques, l’homme de la « Galaxie Gutenberg » si génialement décrit
3291
ce qu’il voit. L’expression « Faut-il vous faire
un
dessin ? » évoque le modèle même de toute explication propre à convai
3292
de toute explication propre à convaincre le pire
des
imbéciles dans ce monde-là. Aux yeux de cet homme gutenbergien, que n
3293
région ne saurait apparaître que sous la forme d’
un
mini-État centralisé, et d’une mini-nation régie par des bureaux conc
3294
que sous la forme d’un mini-État centralisé, et d’
une
mini-nation régie par des bureaux concentrés dans une métropole régio
3295
i-État centralisé, et d’une mini-nation régie par
des
bureaux concentrés dans une métropole régionale au lieu de l’être dan
3296
mini-nation régie par des bureaux concentrés dans
une
métropole régionale au lieu de l’être dans une capitale. Les possibil
3297
ns une métropole régionale au lieu de l’être dans
une
capitale. Les possibilités pratiques de participation du citoyen à la
3298
pratiques de participation du citoyen à la vie d’
une
région de ce type ne seraient pas d’un ordre essentiellement différen
3299
la vie d’une région de ce type ne seraient pas d’
un
ordre essentiellement différent de ce qu’elles sont aujourd’hui. La v
3300
nécessairement restaurée par la simple division d’
un
pays en vingt et une régions, par exemple, plutôt qu’en quatre-vingt-
3301
urée par la simple division d’un pays en vingt et
une
régions, par exemple, plutôt qu’en quatre-vingt-onze départements. La
3302
u’État-nation réduit — c’est-à-dire gouvernée par
un
pouvoir unique et s’exerçant dans tous les domaines clés : le politiq
3303
s libertés civiques. Elle ne serait à aucun titre
un
modèle neuf de relations humaines et de structure du pouvoir. Elle ne
3304
fie pas « tout casser » mais, au contraire, poser
un
nouvel ordre. Voilà pourquoi cette région nous laisse froids, en tant
3305
ation inévitable, à plus ou moins brève échéance,
des
grands États-nations européens. (C’est un peu ce que l’on voit se des
3306
éance, des grands États-nations européens. (C’est
un
peu ce que l’on voit se dessiner — encore un terme visuel ! — avec l’
3307
’est un peu ce que l’on voit se dessiner — encore
un
terme visuel ! — avec l’essai de « régionalisation » de la France et
3308
tion du centralisme de la capitale au centralisme
des
métropoles de développement. Le pouvoir de sécuriser une population a
3309
ropoles de développement. Le pouvoir de sécuriser
une
population a de tout temps constitué la force principale d’un chef, r
3310
n a de tout temps constitué la force principale d’
un
chef, roi, dictateur ou État républicain. Or ce pouvoir paraît mieux
3311
ts États que par les ex-puissances — et cela pour
une
série de raisons (pas seulement militaires) qu’il serait trop long de
3312
dèles. Essayons de les approcher en tenant compte
des
résistances décrites et des réflexes stato-nationalistes dont, je le
3313
cher en tenant compte des résistances décrites et
des
réflexes stato-nationalistes dont, je le répète, nul de nous n’est in
3314
ul de nous n’est indemne. III. De la pluralité
des
allégeances Comment échapper aux réflexes unitaires conditionnés p
3315
saluts au drapeau, et par deux guerres mondiales
des
plus réussies (trente-huit-millions de morts en deux séances, l’une d
3316
surante unité, ou au moins à l’uniformité ? C’est
un
problème d’éducation ou de recyclage qui va nous prendre au moins dou
3317
à penser par problèmes et non par nations. Devant
un
problème donné (urbanisme, participation civique, Université, par exe
3318
national, continental ou mondial) ; 3° à admettre
une
pluralité d’appartenance ou d’allégeances, conforme à la pluralité de
3319
tenance ou d’allégeances, conforme à la pluralité
des
activités humaines, aux dimensions variées des tâches entreprises et
3320
té des activités humaines, aux dimensions variées
des
tâches entreprises et des cadres sociaux qui leur offrent appui. Qu’o
3321
aux dimensions variées des tâches entreprises et
des
cadres sociaux qui leur offrent appui. Qu’on me permette un exemple p
3322
sociaux qui leur offrent appui. Qu’on me permette
un
exemple personnel, pour aller vite et rester dans le concret. Je suis
3323
Mais je suis aussi protestant, ce qui représente
une
allégeance mondiale (ce serait pareil si j’étais communiste, ou catho
3324
, ou catholique, évidemment). Et je fais partie d’
un
très grand nombre de réseaux de relations parentales, professionnelle
3325
ié et uniformisé dans les limites géographiques d’
un
territoire délimité au mètre près par les hasards de l’histoire, je c
3326
ré qu’entre les ambitions de Napoléon et celles d’
un
dictateur du xxe siècle il y ait d’autres différences que celles due
3327
elles dues aux moyens techniques de mise au pas d’
une
nation. Et de Napoléon à tout État-nation contemporain, la continuité
3328
pas que je récuse l’État ni l’ordre contractuel d’
une
société, avec ses cadres et ses mécanismes. Je demande seulement qu’i
3329
nde la dissociation et la répartition fédéraliste
des
pouvoirs aujourd’hui concentrés en un seul lieu, accaparés par l’État
3330
édéraliste des pouvoirs aujourd’hui concentrés en
un
seul lieu, accaparés par l’État national et qui le seront, demain, pa
3331
seront, demain, par l’État régional. IV. Vers
une
formule fédéraliste de l’État Dans une page essentielle de son Pri
3332
V. Vers une formule fédéraliste de l’État Dans
une
page essentielle de son Principe fédératif, où Proudhon estime qu’il
3333
déré le gouvernement d’après la loi de séparation
des
organes ; — je veux dire : séparer dans le pouvoir tout ce qui peut ê
3334
es attributions de l’État (autorité centrale) « à
un
simple rôle d’initiative générale, de garantie mutuelle et de surveil
3335
Et il estime puéril de restreindre la séparation
des
pouvoirs aux membres d’un cabinet : Ce n’est pas seulement entre sep
3336
treindre la séparation des pouvoirs aux membres d’
un
cabinet : Ce n’est pas seulement entre sept ou huit élus […] que doi
3337
élus […] que doit être partagé le gouvernement d’
un
pays, c’est entre les provinces et les communes : faute de quoi la vi
3338
dans l’indivision » : grande maxime, qui conteste
un
monde : celui de la République une et indivisible des jacobins, de l’
3339
e, qui conteste un monde : celui de la République
une
et indivisible des jacobins, de l’Empire napoléonien qui la continue,
3340
monde : celui de la République une et indivisible
des
jacobins, de l’Empire napoléonien qui la continue, et des totalitaire
3341
bins, de l’Empire napoléonien qui la continue, et
des
totalitaires du xxe siècle qui l’achèvent. Il ne s’agit donc, pour P
3342
er, de partager. Seulement, Proudhon s’en tient à
un
partage ou répartition du pouvoir entre les échelons géographiques :
3343
e, sans que soit pour autant décidée la structure
des
réseaux d’échange et groupes de production économiques, ni des instit
3344
’échange et groupes de production économiques, ni
des
institutions sociales et culturelles. 2° Les modules ou unités de bas
3345
aux et culturels d’aires différentes, définissant
des
régions spécifiques. « Faut-il vous faire un dessin ? » Ce ne serait
3346
ant des régions spécifiques. « Faut-il vous faire
un
dessin ? » Ce ne serait pas facile. Essayez de figurer, par exemple,
3347
l est assez facile de visualiser l’appartenance d’
un
élément à deux ensembles (dans mon cas : « Suisse » et « francophonie
3348
de continuer à se rattacher politiquement à l’une
des
trois nations dont la Regio est le carrefour ou l’intersection50. La
3349
ette liberté (ou variété) d’appartenance démontre
une
déficience ou un retard d’éducation démocratique. (« Ce qui n’est pas
3350
ariété) d’appartenance démontre une déficience ou
un
retard d’éducation démocratique. (« Ce qui n’est pas prescrit à tous,
3351
ocratique. (« Ce qui n’est pas prescrit à tous, d’
une
manière uniforme, sans choix possible, n’est pas sérieux », pensent t
3352
le saint patron fut « le Petit Caporal ».) V.
Un
programme d’études Le champ d’études régionaliste, que ces quelque
3353
ommencer par opérer les dissociations nécessaires
des
pouvoirs de nature étatique. b) Puis rechercher si les pouvoirs dist
3354
n définis. Le Marché commun, par exemple, qui est
un
pouvoir économique, doit-il entretenir des visées politiques, ou lais
3355
qui est un pouvoir économique, doit-il entretenir
des
visées politiques, ou laisser cela à des organes diversifiés fédérant
3356
tretenir des visées politiques, ou laisser cela à
des
organes diversifiés fédérant des régions politiques, ou ethniques, ou
3357
u laisser cela à des organes diversifiés fédérant
des
régions politiques, ou ethniques, ou culturelles d’aires différentes
3358
l, national-fédéral et continental. c) Le niveau
des
fédérations « nationales » de régions ouvre un autre champ de recherc
3359
u des fédérations « nationales » de régions ouvre
un
autre champ de recherches. Il s’agirait ici de la réunion de régions
3360
s qui jugeraient souhaitable de renouer librement
des
liens du type national, politique ; non exclusifs, bien entendu, de l
3361
eau de vache ibérique… 47. « Orientations vers
une
Europe fédérale », Bulletin SEDEIS-Futuribles, n° 853, 10 mai 1963, p
3362
de la revue L’Ordre nouveau ; et mon Journal d’
une
époque , 1968, p. 107, note 1. 48. Mais quand Malraux dit que la nat
3363
ont pas dessaisis, en tant qu’entités politiques,
des
« droits » économiques qu’ils s’arrogent en barons pillards ; et tant
3364
t tant qu’il n’y aura pas, au niveau continental,
une
autorité politique fédérale. ak. Rougemont Denis de, « Les résistan
3365
t Denis de, « Les résistances mentales à l’Europe
des
régions », L’Europe en formation, Nice, avril 1969, p. 3-6.
3366
nt quelques souvenirs, quelques cheveux blancs et
des
enfants du premier lit : ça pose des problèmes (voir Elle n° 1216) ma
3367
ux blancs et des enfants du premier lit : ça pose
des
problèmes (voir Elle n° 1216) mais on ne fait pas pour autant un rema
3368
oir Elle n° 1216) mais on ne fait pas pour autant
un
remariage de « raison », de consolation. Le second mariage, ce n’est
3369
’est pas la session de repêchage, c’est la saison
des
amours vraies, solides, bien bâties. On a passé l’âge de Roméo et Jul
3370
n de ces couples dont on dit simplement : « C’est
un
vrai couple. » Le remariage est non seulement un problème d’actualit
3371
un vrai couple. » Le remariage est non seulement
un
problème d’actualité mais un problème d’avenir. C’est une conséquence
3372
ge est non seulement un problème d’actualité mais
un
problème d’avenir. C’est une conséquence du divorce plus fréquent mai
3373
lème d’actualité mais un problème d’avenir. C’est
une
conséquence du divorce plus fréquent mais aussi du progrès médical. C
3374
pays — aux gens qui veulent divorcer : le nombre
des
foyers détruits par le divorce équivaut en 1968 au nombre des foyers
3375
étruits par le divorce équivaut en 1968 au nombre
des
foyers détruits il y a cinquante ans par la mort de l’un des conjoint
3376
détruits il y a cinquante ans par la mort de l’un
des
conjoints. Il y a la mobilité actuelle succédant à la stabilité d’aut
3377
ies — on change de pays, d’emploi, de milieu avec
une
facilité croissante et on admet avoir d’autres aspirations à 40 ans q
3378
ions à 40 ans qu’à 20 ans. D’où la multiplication
des
déséquilibres dans un couple — le cas classique de la femme qui n’a p
3379
ns. D’où la multiplication des déséquilibres dans
un
couple — le cas classique de la femme qui n’a pas su « suivre » son m
3380
n’en arrive jamais au remariage. Pourquoi ? L’une
des
grandes difficultés du sujet tient à ce qu’il n’existe pas de littéra
3381
rait pouvoir comparer les âges et les motivations
des
conjoints lors du premier et du second mariage. Analyser leur évoluti
3382
d mariage. Analyser leur évolution, les réactions
des
enfants, etc. Il faut aussi savoir distinguer ce qui tient aux acteur
3383
me vois réduit à ma propre expérience et à celle
des
couples remariés que je connais. La première fois, on épouse ses co
3384
’il a beaucoup plus de chances de l’être : il y a
des
écueils inhérents à un premier mariage qui ne le sont plus à un secon
3385
ent à ce que fait croire le langage courant, avec
des
phrases comme « Je suis pleine de complexes » ou « Il me donne un com
3386
« Je suis pleine de complexes » ou « Il me donne
un
complexe d’infériorité », les complexes sont des ensembles de réactio
3387
e un complexe d’infériorité », les complexes sont
des
ensembles de réactions et d’associations affectives formés dans l’enf
3388
emps inconscientes. Complexe d’Œdipe, recherche d’
un
type de conjoint qui est (sans qu’on le sache) celui de la mère, ou d
3389
e, ou du père. Ou au contraire, inhibition devant
une
femme aimée, parce que l’inconscient l’assimile à la mère interdite…
3390
a mère interdite… Ces fixations amoureuses dues à
des
motifs inconscients ont bien des chances de correspondre à la réalité
3391
moureuses dues à des motifs inconscients ont bien
des
chances de correspondre à la réalité des êtres et de leur vie à deux
3392
ont bien des chances de correspondre à la réalité
des
êtres et de leur vie à deux ! On tombe amoureux d’une image sans le s
3393
êtres et de leur vie à deux ! On tombe amoureux d’
une
image sans le savoir. Et l’on se trouve marié avec une femme réelle,
3394
mage sans le savoir. Et l’on se trouve marié avec
une
femme réelle, bien différente. Elle, eh bien, elle a aussi son image
3395
tombée amoureuse de lui avant même qu’il ait dit
un
mot… » Y a-t-il des causes d’échec qui soient plus spécifiquement att
3396
e lui avant même qu’il ait dit un mot… » Y a-t-il
des
causes d’échec qui soient plus spécifiquement attachées à telle class
3397
ttachées à telle classe d’âge ? Oui, l’immaturité
des
conjoints, souvent accompagnée du désir (conscient ou non) de se libé
3398
nesse, aussi, cette façon de balayer l’expérience
des
autres, ce refus de tenir compte des données de fait : goûts, situati
3399
l’expérience des autres, ce refus de tenir compte
des
données de fait : goûts, situation, milieu social. On balaye avec un
3400
: goûts, situation, milieu social. On balaye avec
un
beau mépris les objections des autres, celles des parents, en premier
3401
ial. On balaye avec un beau mépris les objections
des
autres, celles des parents, en premier lieu ; leur couple est-il si b
3402
un beau mépris les objections des autres, celles
des
parents, en premier lieu ; leur couple est-il si bien réussi ? On pen
3403
-pied de leurs conseils. Ce qui conduit souvent à
un
mariage « d’attitude » : on veut prouver aux autres — et à soi-même q
3404
a passion n’est pas comme on l’imagine volontiers
un
super-amour mais une certaine forme d’amour qui veut l’obstacle et qu
3405
comme on l’imagine volontiers un super-amour mais
une
certaine forme d’amour qui veut l’obstacle et qui l’invente au besoin
3406
rs entre le sujet et l’objet — Tristan et Iseut —
un
roi Marc qui les sépare : la morale, la société, le père, le mari ou
3407
’hui. Il n’y a plus d’obstacle objectif : si l’un
des
deux est marié, il n’a qu’à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’est-c
3408
otidienneté, la banalité. Ne peut-on pas imaginer
une
passion qui ne serait pas fatale, qui pourrait flamber au grand jour
3409
lique la fatalité. La passion dit : « Oui, j’aime
une
telle, son caractère et ses goûts seront peut-être incompatibles avec
3410
é, c’est l’alibi. Et il est nécessaire d’en avoir
un
, de pouvoir accuser le sort, puisque la passion sera forcément malheu
3411
— est né avec « Tristan et Iseut » et que, depuis
des
siècles, nous vivons sous l’emprise de ce mythe dégénéré en romans, o
3412
puis films, chansonnettes, etc. Ce n’est donc pas
une
invention récente. Or la crise du mariage n’a pas six siècles. Quel r
3413
t l’autre ? C’est qu’autrefois on se mariait pour
des
raisons : fortune, terres, agrément du caractère et du physique, et o
3414
aractère et du physique, et on restait marié pour
des
raisons : religieuses, sociales, familiales. La passion, on la rencon
3415
urs. Vouloir fonder le mariage sur la passion est
une
exigence récente, ou plutôt une aberration récente : c’est vouloir fo
3416
ur la passion est une exigence récente, ou plutôt
une
aberration récente : c’est vouloir fonder une institution faite pour
3417
tôt une aberration récente : c’est vouloir fonder
une
institution faite pour la durée sur un état passager, sur une crise a
3418
ir fonder une institution faite pour la durée sur
un
état passager, sur une crise affective. La passion retranche du monde
3419
ion faite pour la durée sur un état passager, sur
une
crise affective. La passion retranche du monde comme la fièvre ; quan
3420
us courant, c’est un premier mariage raté suivi d’
une
réflexion lucide sur les causes de cet échec et de déductions constru
3421
ux. Parce qu’on est « vacciné » : on dépend moins
des
autres — parents, entourage — on est donc moins poussé à braver leur
3422
donc moins poussé à braver leur opinion, à faire
un
mariage « d’attitude ». On est plus conscient et on ne se joue plus l
3423
ut pas changer de place les raies du zèbre », dit
un
proverbe oriental) et, comme on a pris conscience de la nécessité de
3424
onscience de la nécessité de la durée, on accorde
une
plus grande attention à la compatibilité des caractères, aux éléments
3425
orde une plus grande attention à la compatibilité
des
caractères, aux éléments durables et indispensables à la durée du mar
3426
s remariez pas pour vous venger N’y a-t-il pas
des
causes d’échec spéciales à un deuxième mariage ? Oui, il y en a deux,
3427
e, la peur de rester « en carafe » peut pousser à
un
remariage précipité. Et aussi le désir de prendre une revanche, de ma
3428
remariage précipité. Et aussi le désir de prendre
une
revanche, de marquer un point sur son ex-conjoint (comme dans le prem
3429
ussi le désir de prendre une revanche, de marquer
un
point sur son ex-conjoint (comme dans le premier mariage, on voulait
3430
, quoi qu’on en dise, est toujours ressenti comme
un
échec. Mais autant il est bon de vouloir en tirer une leçon, de voulo
3431
échec. Mais autant il est bon de vouloir en tirer
une
leçon, de vouloir faire mieux la deuxième fois, autant il est mauvais
3432
oir comme je vais être heureuse sans toi. » C’est
une
réaction infantile. Et des difficultés particulières une fois qu’on e
3433
euse sans toi. » C’est une réaction infantile. Et
des
difficultés particulières une fois qu’on est remarié ? C’est ici qu’i
3434
ant à la difficulté de la situation elle tient en
une
phrase ou un fait évident et qui sera ressenti plus ou moins douloure
3435
culté de la situation elle tient en une phrase ou
un
fait évident et qui sera ressenti plus ou moins douloureusement : ce
3436
ouffert, cette fois-ci je vais faire au contraire
un
mariage de tout repos », est un autre piège. Notre mentalité, influen
3437
aire au contraire un mariage de tout repos », est
un
autre piège. Notre mentalité, influencée par l’héritage littéraire oc
3438
ime les caractères, les goûts et les antécédents.
Un
mariage où il n’y aurait que des « convenances » a plus de chances de
3439
les antécédents. Un mariage où il n’y aurait que
des
« convenances » a plus de chances de durer mais guère plus de chances
3440
de durer mais guère plus de chances de bonheur qu’
un
mariage où il n’y aurait que de l’amour. Le vrai amour c’est le co
3441
goûts, les aspirations communs ne réussiraient qu’
un
mariage de raison ? C’est l’intuition du véritable moi de l’autre. C’
3442
alter ou comme objet de contemplation, mais comme
une
existence incomparable et autonome à laquelle on voudrait participer
3443
’image de la mère sans qu’il s’en doute, ou alors
une
certaine beauté qui est l’idéal standard de sa génération. Sa passion
3444
Sa passion n’est que la projection sur l’autre d’
un
idéal qui n’existe pas — et l’on s’en aperçoit très vite — alors que
3445
river à le prôner systématiquement ? Je pense que
des
solutions « préventives » sont infiniment préférables. Il faudrait to
3446
s continuent à croire que l’analyser l’amoindrit.
Une
passion « inexplicable » paraît plus forte qu’un amour justifié par d
3447
Une passion « inexplicable » paraît plus forte qu’
un
amour justifié par de bonnes raisons. Or il faudrait toujours pouvoir
3448
us encore pour le divorce : si l’on veut en tirer
une
leçon, il est essentiel de ne pas le refouler comme un acte dont on a
3449
çon, il est essentiel de ne pas le refouler comme
un
acte dont on a honte ou peur. Je suis pour le « mariage-maquette »
3450
pour le « mariage-maquette » Ceci appelle donc
une
réforme de la mentalité. On va souvent jusqu’à la réforme des mœurs l
3451
de la mentalité. On va souvent jusqu’à la réforme
des
mœurs lorsqu’on envisage le « mariage à l’essai ». Qu’en pensez-vous
3452
a donc pas de victimes. Appelons cette expérience
un
« mariage-maquette », un numéro zéro comme celui qui précède dans les
3453
ppelons cette expérience un « mariage-maquette »,
un
numéro zéro comme celui qui précède dans les revues la sortie du numé
3454
fiançailles traditionnelles qui fortifiaient par
des
obstacles artificiels — défense de cohabiter, de faire l’amour, de pa
3455
n’est pas question d’essais multiples. Pour avoir
une
valeur expérimentale il faut qu’un mariage-maquette se prolonge plusi
3456
s. Pour avoir une valeur expérimentale il faut qu’
un
mariage-maquette se prolonge plusieurs années. Aucun rapport avec les
3457
nouées sans idée de durée. Mais il y a quand même
des
différences énormes avec un vrai mariage : il manque les enfants et i
3458
is il y a quand même des différences énormes avec
un
vrai mariage : il manque les enfants et il manque tout le côté social
3459
e côté social — être reconnu par les autres comme
un
vrai couple, ce qui est un ciment — et surtout l’idée que ça doit dur
3460
u par les autres comme un vrai couple, ce qui est
un
ciment — et surtout l’idée que ça doit durer toujours. « Après tout,
3461
pant la plus longue durée. Le but lointain dégage
une
plus grande énergie — pour le rejoindre — que le but proche. Quand je
3462
je faisais mon service militaire on nous imposait
des
marches d’entraînement et j’ai fait à cette occasion une découverte q
3463
ches d’entraînement et j’ai fait à cette occasion
une
découverte qui a joué un rôle important dans ma vie : si l’on part po
3464
un rôle important dans ma vie : si l’on part pour
une
promenade d’une heure, on traîne la patte après trois quarts d’heure.
3465
t dans ma vie : si l’on part pour une promenade d’
une
heure, on traîne la patte après trois quarts d’heure. Quand nous pens
3466
Mais vous n’avez pas fait lors du premier coup
une
marche de 140 km ? C’est pourquoi le mariage-maquette peut être consi
3467
uoi le mariage-maquette peut être considéré comme
une
marche d’entraînement. Le seuil de fatigue et de lassitude sera infin
3468
e-pensée. J’ai assisté, en Amérique, au mariage d’
une
jeune héritière qui répétait avec enthousiasme : « Comme c’est mervei
3469
ecs qui ont suivi. Donc le mariage-maquette donne
une
idée de ce qu’est le mariage, mais ne peut guère, faute de pacte, rem
3470
u plutôt, soyons réalistes, du désir de ressentir
une
passion, qui fait croire que « ça y est », avec la réalité. Quand les
3471
passion est l’épreuve privilégiée qui seule donne
un
sens à la vie, quand ils comprendront que la passion n’est jamais une
3472
uand ils comprendront que la passion n’est jamais
une
raison de se marier mais au contraire une raison de ne pas se marier,
3473
jamais une raison de se marier mais au contraire
une
raison de ne pas se marier, et qu’être heureux longtemps avec quelqu’
3474
u mariage sera résolue en principe et la majorité
des
divorces évités. Mais l’emprise du mythe est tellement forte que notr
3475
ne peut renoncer ni à la durée ni à la fidélité.
Un
mariage c’est une œuvre d’art, une construction à deux et comme toute
3476
ni à la durée ni à la fidélité. Un mariage c’est
une
œuvre d’art, une construction à deux et comme toute création il a ses
3477
à la fidélité. Un mariage c’est une œuvre d’art,
une
construction à deux et comme toute création il a ses difficultés. Il
3478
uer, découvrir et inventer. La fidélité n’est pas
un
luxe, une coquetterie morale et encore moins une « convenance » ou un
3479
uvrir et inventer. La fidélité n’est pas un luxe,
une
coquetterie morale et encore moins une « convenance » ou un « agent d
3480
s un luxe, une coquetterie morale et encore moins
une
« convenance » ou un « agent de répression », elle est la base indisp
3481
erie morale et encore moins une « convenance » ou
un
« agent de répression », elle est la base indispensable d’une créatio
3482
de répression », elle est la base indispensable d’
une
création. Quand un peintre commence une toile il doit sans cesse lutt
3483
e est la base indispensable d’une création. Quand
un
peintre commence une toile il doit sans cesse lutter contre le doute
3484
ensable d’une création. Quand un peintre commence
une
toile il doit sans cesse lutter contre le doute (est-ce que ça vaut v
3485
ue de se borner à ne pas tromper sa femme : c’est
une
œuvre d’art exigeante et qui tente le meilleur en chacun de nous. Je
3486
illeur en chacun de nous. Je sais bien que depuis
des
siècles, la fidélité nous est présentée comme une sorte de devoir sin
3487
des siècles, la fidélité nous est présentée comme
une
sorte de devoir sinistre, une mutilation volontaire : nous n’avons pa
3488
est présentée comme une sorte de devoir sinistre,
une
mutilation volontaire : nous n’avons pas été élevés pour être heureux
3489
ie, du déséquilibre, de la passion, dans l’esprit
des
gens, c’est l’ennui. En somme, lorsqu’un homme pourra dire à une femm
3490
’esprit des gens, c’est l’ennui. En somme, lorsqu’
un
homme pourra dire à une femme : « Je suis sage de toi », le mariage s
3491
l’ennui. En somme, lorsqu’un homme pourra dire à
une
femme : « Je suis sage de toi », le mariage sera sauvé ! Qui l’osera
3492
’auteur de L’Amour et l’Occident — ce livre est
un
chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’ont lu sont mieux armés pour r
3493
emont, aux yeux du grand public, c’est l’auteur d’
un
livre « unique », d’une thèse retentissante, L’Amour et l’Occident .
3494
d public, c’est l’auteur d’un livre « unique », d’
une
thèse retentissante, L’Amour et l’Occident . Cet ouvrage, qui démont
3495
avoir de nombreux prolongements. Ce sera, au fil
des
ans, Doctrine fabuleuse, Personne du drame [sic] et Les Mythes de l’a
3496
donc l’illustre théoricien de l’amour-passion qu’
un
public nombreux et enthousiaste était venu entendre jeudi soir à l’Un
3497
ais l’œuvre de M. de Rougemont ne se réduit pas à
un
seul titre : elle ne gravite pas uniquement autour de ce seul thème d
3498
ce seul thème de l’amour-passion. La célébrité d’
un
ouvrage a malencontreusement relégué dans l’ombre l’action non moins
3499
r du prix Paul Tillich qui est, en quelque sorte,
un
prix de théologie, on aura, je crois, défini les différents pôles aut
3500
M. de Rougemont à Montréal pour essayer de cerner
un
peu mieux, d’un peu plus près, ce personnage énigmatique. D’entrée de
3501
à Montréal pour essayer de cerner un peu mieux, d’
un
peu plus près, ce personnage énigmatique. D’entrée de jeu, il tient à
3502
et mes livres. Au-delà, donc, de cette diversité
des
thèmes, il y a continuité de pensée. C’est ce que nous explique M. de
3503
emont. Mon ami Jacques de Bourbon-Busset m’a dit,
un
jour, qu’il se considérait comme mon disciple en érotique personnalis
3504
n’était plus facile. Car pour moi, le couple est
une
espèce de banc d’essai du fédéralisme, c’est-à-dire du système d’amén
3505
’est-à-dire du système d’aménagement qui permet à
des
natures diverses de vivre ensemble, de coexister en tension, sans se
3506
restant donc parfaitement distincte. Il y a donc
une
ressemblance profonde entre le problème de l’homme et de la femme dan
3507
l’homme et de la femme dans le mariage, et celui
des
autonomies locales et de l’union dans une fédération, où il s’agit pr
3508
t celui des autonomies locales et de l’union dans
une
fédération, où il s’agit précisément de respecter complètement les dr
3509
’autonomie locale et de l’union, ceci au bénéfice
des
deux, naturellement. Je me réfère toujours, poursuit-il, aux définiti
3510
me réfère toujours, poursuit-il, aux définitions
des
conciles du ive au vie siècle qui ont défini la personne à propos d
3511
as s’empresser de s’en sortir en supprimant l’une
des
deux, ou en les mélangeant, ou encore en les subordonnant l’une à l’a
3512
fondement de ce que j’appellerai ma philosophie.
Une
philosophie qui s’est lentement élaborée, en réaction surtout contre
3513
ction surtout contre « cette ignorance satisfaite
des
injustices établies ». Et là, deux dates cruciales marquent la biogra
3514
re revue Hic et Nunc qui regroupe autour de lui
des
écrivains, des philosophes et des théologiens protestants. Mais, 1932
3515
t Nunc qui regroupe autour de lui des écrivains,
des
philosophes et des théologiens protestants. Mais, 1932 marque aussi l
3516
e autour de lui des écrivains, des philosophes et
des
théologiens protestants. Mais, 1932 marque aussi la naissance du pers
3517
ité profonde de l’homme ». Il publiera d’ailleurs
un
ouvrage d’une importance capitale pour qui veut comprendre le personn
3518
de l’homme ». Il publiera d’ailleurs un ouvrage d’
une
importance capitale pour qui veut comprendre le personnalisme, ouvrag
3519
itique de la personne . On peut y lire, en effet,
un
article qui avait déjà paru dans la revue Esprit et qui constitue,
3520
stes. Pour moi, nous dit-il, la personne n’est ni
un
individu refermé sur lui-même, ni la minuscule partie d’une masse, ma
3521
du refermé sur lui-même, ni la minuscule partie d’
une
masse, mais un homme ouvert aux idées, à la fois libre et responsable
3522
ui-même, ni la minuscule partie d’une masse, mais
un
homme ouvert aux idées, à la fois libre et responsable. C’est l’indiv
3523
est définie par son acte. Ainsi se trouve fondée
une
certaine notion de la communauté qui postule l’engagement de l’indivi
3524
e remarquer, n’implique pas qu’on s’inscrive dans
un
parti ou qu’on accepte la discipline de ce parti. C’est réaliser ce q
3525
que l’on croit le plus intimement, que ce soit d’
un
point de vue religieux, politique ou philosophique. La contestatio
3526
sévit aujourd’hui de Paris à Tokyo n’est-elle pas
une
contestation personnaliste ? M. de Rougemont n’hésite pas à répondre
3527
par l’affirmative : C’est, en effet, nous dit-il
une
contestation personnaliste qui s’ignore. Dans ces motivations, on ret
3528
les termes d’aujourd’hui. Nous y avions peut-être
un
peu plus de mérite, car la situation extérieure n’était visiblement p
3529
l’avait déjà vécue. Il désire néanmoins apporter
une
légère correction : Je dois dire que j’ai souvent pu déceler dans la
3530
utaire. Elle ressemble plus souvent à la réaction
des
jeunes fascistes italiens et nazis qui ne respectaient plus rien fina
3531
avions en 1932. Il s’agissait alors de substituer
un
nouvel ordre à ce que nous appelions le désordre établi. La contestat
3532
st celle qui conteste le désordre établi au nom d’
un
ordre plus réel. Ce qui paraît être, pour beaucoup de jeunes contesta
3533
aît être, pour beaucoup de jeunes contestataires,
une
conception inacceptable. Mais je suis malheureusement certain qu’ils
3534
ément. Car, pour notre interlocuteur, la réaction
des
jeunes est fondamentalement saine. C’est une réaction contre le monde
3535
tion des jeunes est fondamentalement saine. C’est
une
réaction contre le monde de la technique, contre la discipline qu’exi
3536
s d’impôt. Nous sommes pris, de plus en plus, par
des
réseaux de règles dont le fondement n’est absolument pas la dialectiq
3537
n, même s’il y a trop de drogues à l’appui. C’est
une
réaction vitale de leur part contre ce monde qui est en train de ruin
3538
imer tous les problèmes individuels on aboutira à
un
monde où la passion, la tentation de la passion n’aura plus aucun sen
3539
ucun sens. Alors qu’avec le mouvement anarchisant
des
hippies qui essaient aussi de recréer une communauté véritable, tout
3540
chisant des hippies qui essaient aussi de recréer
une
communauté véritable, tout redevient possible. Mais jusqu’où cela ira
3541
que cela ira très loin. Il reste, néanmoins, que
des
rassemblements comme celui qui a eu lieu récemment à Bethel, près de
3542
démonstration éclatante de ce besoin qui existe d’
une
nouvelle communauté, d’un principe de communauté qui soit l’amour : u
3543
ce besoin qui existe d’une nouvelle communauté, d’
un
principe de communauté qui soit l’amour : un amour pas seulement sexu
3544
é, d’un principe de communauté qui soit l’amour :
un
amour pas seulement sexuel, mais également spirituel. Cette communaut
3545
ix ans d’exil en Amérique, il retourne en Europe,
une
Europe en paix certes, mais qu’il faut reconstruire. Cette guerre qui
3546
i à patauger, pouvons-nous lire dans son Journal
des
deux mondes , parce que nos voisins se font la guerre, et s’ils la fo
3547
nt. Cette guerre marque la faillite retentissante
des
systèmes centralisateurs et du nationalisme étatisé. C’est la guerre
3548
je préconise et qui n’est que la transposition à
une
échelle géante de la Confédération helvétique. Je ne souhaite ni une
3549
de la Confédération helvétique. Je ne souhaite ni
une
agglomération d’États soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni un
3550
ne souhaite ni une agglomération d’États soumis à
un
pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des États, mais une assoc
3551
tats soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni
une
Europe des États, mais une association de républiques autonomes, libr
3552
à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe
des
États, mais une association de républiques autonomes, libres de leur
3553
ique et dictatorial ni une Europe des États, mais
une
association de républiques autonomes, libres de leur gestion intérieu
3554
leur gestion intérieure et responsables les unes
des
autres devant le danger commun. Personnalisme et fédéralisme, c’est u
3555
anger commun. Personnalisme et fédéralisme, c’est
un
tout. Cette théorie fédéraliste nous amène, on l’aura remarqué, loin
3556
a tendance unitaire par opposition aux libertés d’
un
Québec autonome. Or le fédéralisme, pour moi, est tout autre chose. I
3557
s au service de l’autonomie, et pas le contraire.
Un
Québec séparé signifierait donc, pour M. de Rougemont, qu’on est reto
3558
ieille formule de l’État-nation du xixe siècle ;
une
conception qui ne s’accorde plus aux exigences de notre époque, car c
3559
pour l’auteur de L’Amour et l’Occident de créer
des
autonomies au niveau de la commune, par la recréation de communauté d
3560
le habitants qu’on appelle, en urbanisme moderne,
des
unités d’habitation. Ces autonomies, il faut donc aller les chercher
3561
hercher très bas. On les regroupera alors suivant
un
modèle pyramidal, mais sans s’arrêter aux frontières du Québec ou mêm
3562
ne à s’entendre. On arriverait ainsi à construire
une
Europe unie, faite de régions, mais qui seraient découpées différemme
3563
n les administrait séparément. Il y aurait ainsi,
une
Agence européenne des universités, une autre pour le charbon et l’aci
3564
arément. Il y aurait ainsi, une Agence européenne
des
universités, une autre pour le charbon et l’acier, et ainsi de suite.
3565
ait ainsi, une Agence européenne des universités,
une
autre pour le charbon et l’acier, et ainsi de suite. Alors qu’un Cons
3566
e charbon et l’acier, et ainsi de suite. Alors qu’
un
Conseil fédéral établira les grandes options politiques. Si vous voul
3567
grandes options politiques. Si vous voulez avoir
une
vision fédéraliste du monde, nous dit M. de Rougemont, il vous faudra
3568
est la seule assurance », lit-on dans Journal d’
une
époque . Et ailleurs : « il faut être absolument moderne. L’immobilis
3569
s que nous rappelle M de Rougemont tout au long d’
une
œuvre qu’on découvre avec ravissement. an. Rougemont Denis de, «
3570
La révolution
des
meilleurs (4 octobre 1969)ap aq Comment faire une communauté hum
3571
eilleurs (4 octobre 1969)ap aq Comment faire
une
communauté humaine ? Serait-ce vous insulter ou simplifier par tro
3572
du sang et tout ça, mais comme la substitution d’
un
ordre nouveau à ce que nous appelions le « désordre établi ». Désordr
3573
i ». Désordre par rapport à l’homme. C’est-à-dire
un
ordre qui ne reposait — et c’est encore bien plus visible aujourd’hui
3574
de la production industrielle, de la distribution
des
richesses, du profit, et de choses aussi pauvres que cela, pour créer
3575
, et de choses aussi pauvres que cela, pour créer
une
communauté. Qui, au fond, ont eu comme résultat que la communauté est
3576
, je pense, il nous faut retrouver les formules d’
une
communauté nouvelle — il nous faut tout refaire ! Nos villes devienne
3577
ère fois dans l’évolution humaine : Comment faire
une
communauté ? Est-ce dans ce sens-là que vous êtes passé — ou peut-on
3578
tes passé — du personnalisme au fédéralisme ? Par
un
cheminement absolument normal et logique — inévitable. La personne, c
3579
[…] Les deux choses sont absolument liées. C’est
une
formule, d’ailleurs, que Sartre m’a prise sachant très bien, me disan
3580
et la chose « engagement » ont encore aujourd’hui
une
signification quelconque ? Ça a pris une signification idiote, chez b
3581
ourd’hui une signification quelconque ? Ça a pris
une
signification idiote, chez beaucoup de jeunes Français, notamment — q
3582
Français, notamment — qui était de s’engager dans
un
parti, c’est-à-dire de démissionner complètement de sa responsabilité
3583
jugement, pour se livrer, pieds et poings liés, à
un
parti, à condition qu’il soit de gauche d’étiquette. Pour moi — enfin
3584
compris Vous savez sans doute que le Canada a
un
régime politique fédéral ? Est-ce que vous avez étudié le fédéralisme
3585
ce que vous avez étudié le fédéralisme canadien ?
Un
peu. Mais je suis devenu, presque, le théoricien, en Europe, du fédér
3586
héoricien, en Europe, du fédéralisme — je prépare
un
grand ouvrage qui s’appellera Théorie générale du fédéralisme, où je
3587
compris. Et c’est presque fatal, parce que c’est
un
mot qui joint deux réalités contradictoires : la réalité des autonomi
3588
joint deux réalités contradictoires : la réalité
des
autonomies locales, personnelles, et la réalité de l’union qui, dans
3589
de concevoir la vie politique et la vie publique.
Une
vise à la puissance collective ou d’un homme, l’autre vise à la liber
3590
publique. Une vise à la puissance collective ou d’
un
homme, l’autre vise à la liberté et à la libération maximales des hom
3591
re vise à la liberté et à la libération maximales
des
hommes, des personnes. Je suis contre l’État-nation dans sa formule x
3592
liberté et à la libération maximales des hommes,
des
personnes. Je suis contre l’État-nation dans sa formule xixe siècle,
3593
] Souveraineté nationale groupant à l’intérieur d’
une
frontière unique imposée à toutes espèces de réalités humaines — que
3594
toutes espèces de réalités humaines — que ce soit
des
réalités religieuses, politiques, monétaires, économiques, d’état civ
3595
es, tout ce que vous voulez — on met tout ça dans
une
même frontière, ce qui est démentiel, n’est-ce pas ? C’est une absurd
3596
tière, ce qui est démentiel, n’est-ce pas ? C’est
une
absurdité totale, qu’on a voulu nous faire avaler pendant tout le xix
3597
e xixe siècle, et dans nos manuels encore, comme
une
forme possible de gouvernement. Qu’est-ce que le Centre européen de l
3598
epartie, sur le plan de l’unification européenne,
des
efforts économiques qui étaient faits à Luxembourg par Jean Monnet, e
3599
ui étaient faits à Luxembourg par Jean Monnet, et
des
efforts politiques qui étaient faits par le Conseil de l’Europe à Str
3600
idemment, n’ont jamais d’argent. Enfin, j’ai, par
des
tours de force, réussi à créer ce Centre et à le maintenir. Qui devai
3601
réer ce Centre et à le maintenir. Qui devait être
un
lieu de rencontre pour les hommes de culture qui voulaient l’union de
3602
mes de culture qui voulaient l’union de l’Europe,
un
lieu, un foyer de recherche, un foyer de création d’institutions euro
3603
lture qui voulaient l’union de l’Europe, un lieu,
un
foyer de recherche, un foyer de création d’institutions européennes.
3604
nion de l’Europe, un lieu, un foyer de recherche,
un
foyer de création d’institutions européennes. Nous avons créé toutes
3605
manifestaient et les possibilités d’y répondre :
une
Association européenne des festivals de musique ; une Campagne europé
3606
bilités d’y répondre : une Association européenne
des
festivals de musique ; une Campagne européenne d’éducation civique au
3607
Association européenne des festivals de musique ;
une
Campagne européenne d’éducation civique au niveau secondaire, avec l’
3608
cation civique au niveau secondaire, avec l’appui
des
ministères de l’Éducation de plusieurs pays d’Europe ; une réunion de
3609
tères de l’Éducation de plusieurs pays d’Europe ;
une
réunion des directeurs d’agences nucléaires de six pays, qui a donné
3610
ducation de plusieurs pays d’Europe ; une réunion
des
directeurs d’agences nucléaires de six pays, qui a donné lieu à la cr
3611
trement, seraient tous partis en Amérique — exode
des
cerveaux ! Nous avons créé aussi des fédérations de guildes du livre,
3612
ique — exode des cerveaux ! Nous avons créé aussi
des
fédérations de guildes du livre, d’historiens, pour la révision des m
3613
guildes du livre, d’historiens, pour la révision
des
manuels, une agence de distribution d’articles — enfin, toutes sortes
3614
ivre, d’historiens, pour la révision des manuels,
une
agence de distribution d’articles — enfin, toutes sortes de choses. T
3615
sortes de choses. Toutes les fois que nous voyons
un
besoin européen, une possibilité d’y répondre, et un certain nombre d
3616
utes les fois que nous voyons un besoin européen,
une
possibilité d’y répondre, et un certain nombre de gens qui ont envie
3617
besoin européen, une possibilité d’y répondre, et
un
certain nombre de gens qui ont envie qu’on le fasse, nous les réuniss
3618
ie qu’on le fasse, nous les réunissons. Ceci avec
un
tout petit staff, à Genève, auquel nous avons finalement ajouté, aprè
3619
ns finalement ajouté, après de nombreuses années,
un
centre universitaire d’enseignement. Pour utiliser ce capital d’infor
3620
ennes, d’expériences européennes, nous avons créé
un
Institut universitaire — qui est lié à une université — qui se consac
3621
ns créé un Institut universitaire — qui est lié à
une
université — qui se consacre à des études d’intérêt largement europée
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qui est lié à une université — qui se consacre à
des
études d’intérêt largement européen : économiques, politiques, cultur
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combattre avec pas mal de succès cette idée folle
des
manuels de notre jeunesse — des manuels scolaires, n’est-ce pas ? — q
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cette idée folle des manuels de notre jeunesse —
des
manuels scolaires, n’est-ce pas ? — qui présentaient l’Europe comme u
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n’est-ce pas ? — qui présentaient l’Europe comme
une
addition de cultures nationales. Nous avons à peu près renversé cela,
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la culture concevable, intelligible, en dehors d’
une
unité de civilisation — qui est l’unité européenne. Ma passion fon
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européenne. Ma passion fondamentale : trouver
un
sens à la vie Vous êtes probablement dans le monde l’un des grands
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vie Vous êtes probablement dans le monde l’un
des
grands exégètes de l’amour ; quelle expérience de votre vie personnel
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u fond, ma passion fondamentale, c’est de trouver
un
sens à la vie. Trouver un sens, c’est aussi trouver un principe de co
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ntale, c’est de trouver un sens à la vie. Trouver
un
sens, c’est aussi trouver un principe de cohérence entre les différen
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ns à la vie. Trouver un sens, c’est aussi trouver
un
principe de cohérence entre les différentes activités d’un homme. J’a
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pe de cohérence entre les différentes activités d’
un
homme. J’ai un ami français qui se dit mon disciple en érotique perso
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entre les différentes activités d’un homme. J’ai
un
ami français qui se dit mon disciple en érotique personnaliste, et qu
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e le fédéralisme ? C’est faire coexister ensemble
des
natures différentes — l’autonomie et l’union — et chacune portée à so
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le mariage, c’est exactement la même chose entre
un
homme et une femme. […] Vous avez du monde une vue qui est religieuse
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c’est exactement la même chose entre un homme et
une
femme. […] Vous avez du monde une vue qui est religieuse en ceci que
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tre un homme et une femme. […] Vous avez du monde
une
vue qui est religieuse en ceci que vous dites que l’amour ou les mode
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les modes d’expression de l’amour sont basés sur
des
choix essentiellement de nature religieuse. Avec la débandade général
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use, du phénomène religieux. Au contraire, il y a
une
débandade des institutions religieuses — ce qui est tout à fait autre
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ène religieux. Au contraire, il y a une débandade
des
institutions religieuses — ce qui est tout à fait autre chose, n’est-
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pas loin. […] Comme je le disais d’ailleurs dans
un
livre écrit pendant la guerre à New York, La Part du diable , nous a
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hnique, dont la contrepartie sera immanquablement
une
espèce d’immense surgissement, une lame de fond religieuse — gnostiqu
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mmanquablement une espèce d’immense surgissement,
une
lame de fond religieuse — gnostique, hérétique tant qu’on voudra — ma
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r l’opposition Bien et Mal. Vous faites notamment
une
sortie contre la psychanalyse. Est-ce que… Non, pas du tout. Je suis
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e livre en Amérique, pour laquelle on m’a demandé
une
postface que j’ai presque terminée, et dans laquelle je décris le dia
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amique qui dit que tout ensemble de forces tend à
une
certaine dégradation de l’énergie, par exemple, l’énergie lumineuse e
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ectricité, et d’électricité en chaleur — toujours
une
forme d’organisation de l’énergie inférieure à la précédente. Alors c
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lsion de vie et pulsion de mort ? Eh bien, il y a
une
certaine correspondance, une analogie. Il est certain que pour moi, l
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rt ? Eh bien, il y a une certaine correspondance,
une
analogie. Il est certain que pour moi, le diable, c’est une espèce de
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ie. Il est certain que pour moi, le diable, c’est
une
espèce de symbole de tout ce qui tend à détendre les énergies humaine
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impliste, le plus totalitaire. Contre ça, il faut
des
révoltes qui ne peuvent être que personnelles, individuelles, qui rec
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tre que personnelles, individuelles, qui recréent
des
petits foyers de rayonnement, d’inégalité, de lumière, de création ar
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Rougemont Denis de, « [Entretien] La révolution
des
meilleurs », La Presse, Montréal, 4 octobre 1969, p. 31. aq. Propos
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lance, avec toute sa génération, à la recherche d’
un
humanisme socialiste de type marxiste ou chrétien. À l’entendre appro
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ppie occidental dans le renouvellement de l’ordre
des
choses actuelles n’est pas qu’un clin d’œil poli ou cajoleur à la jeu
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ment de l’ordre des choses actuelles n’est pas qu’
un
clin d’œil poli ou cajoleur à la jeunesse. Qu’il ne se gêne cependant