1 1970, Articles divers (1970-1973). La place du livre dans l’information de l’homme moderne (1970)
1 l’homme moderne (1970)a Mesdames et Messieurs, à ma stupéfaction, je me trouve en plein accord avec mon ami Louis Arma
2 nd il dit que les mathématiques ne se prêtent pas à la liturgie, ne se prêtent pas au chant. Il y a tout de même un exemp
3 anière de psalmodier la table des multiplications à l’école primaire qui m’a toujours frappé, et ceci prouve que la litur
4 s appareils formés d’éléments extrêmement simples à usages complexes et nombreux, dont le pouvoir spécifique d’informatio
5 er un message unique et qui est global, qui tient à tout le livre, qui tient à sa composition, à sa structure, à son styl
6 est global, qui tient à tout le livre, qui tient à sa composition, à sa structure, à son style, à ses rythmes au moins a
7 ient à tout le livre, qui tient à sa composition, à sa structure, à son style, à ses rythmes au moins autant qu’à l’encha
8 ivre, qui tient à sa composition, à sa structure, à son style, à ses rythmes au moins autant qu’à l’enchaînement des argu
9 nt à sa composition, à sa structure, à son style, à ses rythmes au moins autant qu’à l’enchaînement des arguments. Il n’y
10 re, à son style, à ses rythmes au moins autant qu’ à l’enchaînement des arguments. Il n’y a pas deux livres pareils, alors
11 stion qu’on peut se poser, et cela me fait penser à ce passage très fameux de l’Apocalypse où l’auteur entend une voix du
12 l te sera très amer aux entrailles mais très doux à la bouche et après cela tu pourras prophétiser. » Moi, je dirais : « 
13 ir ou méditer ». Nous ne sommes pas tous destinés à devenir des prophètes. Mais vous voyez qu’il y a cette espèce d’inter
14 ns toutes les librairies et je voudrais l’opposer à une annonce publicitaire qu’on voit paraître de plus en plus fréquemm
15 uemment dans les journaux et qui dit : « apprenez à lire vite ». Le président Kennedy lisait très, très vite ; il absorba
16 absorbait, je ne sais combien de milliers de mots à la minute. Alors je crois que toute la propagande en faveur du livre,
17 dmirateurs, exige avant tout une chose : se tenir à l’écart, prendre du temps, devenir silencieux, devenir lent. Un art d
18 d’un livre fût-il ancien ou nouveau. Il enseigne à bien lire, c’est-à-dire lentement, avec profondeur, égards, avec des
19 aite pour lui que des lecteurs parfaits. Apprenez à bien me lire. Lisez-moi lentement. M. Denis de Rougemont va mainten
20 . M. Denis de Rougemont va maintenant répondre, à son tour, à un certain nombre de questions posées. Eh bien, ce ne son
21 de Rougemont va maintenant répondre, à son tour, à un certain nombre de questions posées. Eh bien, ce ne sont pas les su
22 as, mais le temps de les lire lentement me manque à cette tribune, et je devrais manger les fiches, les unes après les au
23 rouper plusieurs de ces questions qui se réfèrent à l’audiovisuel, aux rapports entre l’audiovisuel et le livre. On me fa
24 orique, ne rencontre-t-il pas plus de difficultés à s’exprimer qu’au temps où il suffisait d’une très modeste mise de fon
25 que-là s’adresse essentiellement, me semble-t-il, à la télévision, ou dans un sens moins grave à la radio, à quoi il faut
26 -il, à la télévision, ou dans un sens moins grave à la radio, à quoi il faut opposer non pas seulement le livre, mais le
27 lévision, ou dans un sens moins grave à la radio, à quoi il faut opposer non pas seulement le livre, mais le disque. La b
28 beaucoup plus loin, et contrairement au livre et à l’imprimé qui, eux, n’ont pas de limite en général. La télévision, c’
29 Vous pouvez choisir, Louis Armand le disait tout à l’heure, suivant votre humeur, quand vous voulez, le livre est toujou
30 re est toujours disponible et prêt à correspondre à votre humeur, à votre curiosité, à votre faim du moment. Alors, je pe
31 disponible et prêt à correspondre à votre humeur, à votre curiosité, à votre faim du moment. Alors, je pense que loin de
32 à correspondre à votre humeur, à votre curiosité, à votre faim du moment. Alors, je pense que loin de dire que le livre d
33 ons, au fur et à mesure que la télévision cherche à nous imposer certaines doctrines officielles qui sont, en effet, mani
34 dre en réponse la distinction que je faisais tout à l’heure entre deux sens du mot « information ». S’il s’agit d’informa
35 toire, pourquoi ne pas les diffuser en espéranto, à supposer qu’il y ait beaucoup de gens qui le sachent. Cela, c’est l’i
36 u sens de formation, sur lequel j’ai insisté tout à l’heure, alors là, la langue est essentielle. La langue fait partie d
37 réciser ce que j’appellerais « information » tout à l’heure. Quelqu’un me dit : « C’est très joli, lente lecture, mais en
38 lisent le plus. Je connais des gens qui sont tout à fait dans le style employé de bureau, femme de ménage, contremaître,
39 leur travail. C’est dommage, il faudrait arriver à réduire ce temps de travail ; c’est au fond tout l’effort de la techn
40 bien entendu, le temps qu’on consacre au travail, à gagner sa vie. Et puis ensuite, on se repose comme on peut, on s’amus
41 e [que] l’automation se développera. Ce n’est pas à mon voisin, que j’irai apprendre ce genre de choses. Je pense que nou
42 de lire lentement. Quelqu’un demandait — c’était à M. Louis Armand d’ailleurs — « s’il ne fallait pas opposer le livre à
43 ailleurs — « s’il ne fallait pas opposer le livre à la revue » et faisait observer « qu’on lit énormément de revues en Fr
44 temps, M. Le Lionnais a encore beaucoup de choses à dire sans doute. a. Rougemont Denis de, « [Interventions] La place
2 1970, Articles divers (1970-1973). Deux en un, ou le fédéralisme (mars 1970)
45 ité et la multitude. Duo aut tres in unum. Erreur à exclure l’un des deux, comme font les papistes qui excluent la multit
46 lements éclatent sur tous les bancs, de la gauche à la droite et du Marais à la Montagne. Car pour les uns, fédéraliste s
47 les bancs, de la gauche à la droite et du Marais à la Montagne. Car pour les uns, fédéraliste signifie unification aux d
48 quelques exemples. Le mot fédéralisme est tabou à Strasbourg, déclarait il y a quelques années un représentant du Conse
49 uement le principe même d’une subvention fédérale à sa haute école, parce qu’ici, disait-il, nous sommes fédéralistes ! J
50 l n’est pas exclu qu’avant longtemps on l’appelle à se prononcer sur la question européenne. Je prendrai mon dernier exem
51 le 30 janvier : M. Schumann a proposé un marché à la Grande-Bretagne, en qui il trouvera certainement preneur : soutien
52 en qui il trouvera certainement preneur : soutien à la candidature britannique en échange d’une opposition commune au féd
53 d de l’Europe, le moyen le plus sûr de contribuer à son unité, c’est-à-dire avant tout à la définition de ses objectifs c
54 e contribuer à son unité, c’est-à-dire avant tout à la définition de ses objectifs communs, est de préserver leur personn
55 tir de tant de confusions, le francophone recourt à son Littré, dépositaire depuis un siècle du « vrai » sens des mots fr
56 l mérite l’échafaud, qui est le sort des traîtres à la République. Ainsi, le Français cultivé se voit naturellement porté
57 , le Français cultivé se voit naturellement porté à condamner le fédéralisme interne comme visant à la division de l’État
58 é à condamner le fédéralisme interne comme visant à la division de l’État souverain, mais chose curieuse, cela ne l’empêc
59 le fédéralisme externe comme visant cette fois-ci à l’intégration totale dans un super-État européen. Cette deuxième « id
60 dans le Oxford Dictionnary, en référence expresse à l’histoire américaine. Toutefois, et cela change tout, ces erreurs po
61 s désirable ou ne peut être atteint, on le réduit à certains domaines. Sur un pacte ou quasi-traité : on ne peut unilatér
62 vrais croyants de la religion nationaliste. Quant à Nelson Rockefeller, il écrit : Pour moi, l’idée fédéraliste suppose u
63 vue de sa sauvegarde, une part de sa souveraineté à une organisation politique ne possédant pas un centre unique de pouvo
64 e législatif, l’exécutif et le judiciaire, mais «  à différents niveaux » (ce qui introduit le thème des communes et des r
65 tituer aux gouvernements d’État mais de les aider à résoudre leurs problèmes de la façon qui convient. Pour Nelson Rockef
66 ce vocabulaire souple et précis doit-elle rester à jamais étrangère aux esprits qui se veulent « cartésiens » ? Il nous
67 emble ces deux termes : dans tous les domaines et à tous les niveaux de la vie publique comme de la vie organique, ils so
68 t comment pourrait-on la vouloir ? Apprenons donc à bien parler, voilà le principe de la bonne politique. 1. Le Fédér
3 1970, Articles divers (1970-1973). Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe (19 mars 1970)
69 Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe (19 mars 1970)c d On assiste depuis quelque temps à un ef
70 mars 1970)c d On assiste depuis quelque temps à un effort de rapprochement entre la CEE et les pays de l’AELE. Pour l
71 ement l’économie. C’est une considérable illusion à mon sens, mais qui explique pourquoi la Suisse n’est entrée que dans
72 que des buts économiques, n’a jamais voulu viser à autre chose qu’à des avantages commerciaux, par exemple, qui sont ceu
73 nomiques, n’a jamais voulu viser à autre chose qu’ à des avantages commerciaux, par exemple, qui sont ceux du libre-échang
74 topie ou que c’était dangereux, a voulu se borner à l’économie, c’est-à-dire à ce qui pouvait servir les intérêts réputés
75 eux, a voulu se borner à l’économie, c’est-à-dire à ce qui pouvait servir les intérêts réputés sérieux, surtout sur les b
76 iques qui se posaient, nous aurions tout avantage à faire appel aux Américains, à les laisser travailler en Europe et à n
77 rions tout avantage à faire appel aux Américains, à les laisser travailler en Europe et à nous « américaniser » au maximu
78 Américains, à les laisser travailler en Europe et à nous « américaniser » au maximum. Si nous répugnons à le faire, si no
79 us « américaniser » au maximum. Si nous répugnons à le faire, si nous pensons que le problème européen dépasse celui d’un
80 commune Il faut beaucoup plus même que la CEE à mon sens. L’intégration de l’Europe… disons, d’un mot moins savant, l
81 t une possibilité d’union, c’est parce qu’il y a, à la base de notre histoire, une unité. C’est sur une unité que l’on pe
82 onales, contrairement à ce que l’on nous a appris à l’école. Il n’y a qu’une grande culture européenne qui vient de nos a
83 ns historiques, tout cela est complètement commun à tous les Européens. N’a jamais été l’apanage d’un seul de nos pays. N
84 e unité de culture qui est commune aux Suisses et à tous les voisins de ce pays, on peut édifier une union. Je dis bien :
85 n que je vois possible pour l’Europe, et la seule à laquelle la Suisse puisse adhérer de tout cœur, c’est une union dans
86 bsistent sur ce fond d’unité. Denis de Rougemont, à votre point de vue, un écrivain allemand ou suisse alémanique est trè
87 Toutes ces choses-là sont des créations communes à tous les Européens et rapprochent naturellement tous les artistes de
88 lle part pourrait prendre la Suisse ? Beaucoup à apporter Alors, je pense que la réponse est simple. La Suisse a be
89 e que la réponse est simple. La Suisse a beaucoup à apporter dans l’union de l’Europe. Elle a à apporter ce qu’elle est,
90 ucoup à apporter dans l’union de l’Europe. Elle a à apporter ce qu’elle est, ce qu’elle est devenue au cours des siècles,
91 mule, celle-là même qui pourrait servir de modèle à l’Europe. On rejoint la pensée de votre livre : La Suisse ou l’histoi
92 éralisme est l’une des choses les plus difficiles à comprendre, et même à vivre, que je connaisse. De toutes les doctrine
93 choses les plus difficiles à comprendre, et même à vivre, que je connaisse. De toutes les doctrines politiques, c’est ce
94 politiques, c’est certainement la plus difficile à expliquer parce que, pour bien la comprendre, il faut penser ensemble
95 union et diversité en même temps. Il faut penser à l’égalité des petits États avec des grands. Il faut penser à une quan
96 des petits États avec des grands. Il faut penser à une quantité de choses qui répugnent à la logique. J’entendais l’autr
97 aut penser à une quantité de choses qui répugnent à la logique. J’entendais l’autre jour encore à la télévision suisse ro
98 ent à la logique. J’entendais l’autre jour encore à la télévision suisse romande : « La Suisse doit être modeste, elle do
99 terventions sur le plan de la politique étrangère à sa modeste importance… (entendant par là — je pense — le fait que c’e
100 Russie… » J’estime que c’est là une attitude tout à fait erronée, car ce qui fait le poids, l’autorité d’un pays dans le
101 té d’un pays dans le monde, ce qui donne du poids à ses interventions dans le domaine de la politique étrangère, de la po
102 ance politique d’un pays était mesurée uniquement à sa taille, à l’importance de son armée et de son économie, comment ex
103 e d’un pays était mesurée uniquement à sa taille, à l’importance de son armée et de son économie, comment expliquer que l
104 . Les États-Unis savent qu’ils ne peuvent opposer à cet idéal qu’un idéal démocratique et de liberté, et qu’ils l’illustr
105 ce que nous sommes, nous Suisses, dont nous avons à prendre toujours mieux conscience naturellement, et elle aurait une g
106 aurait pas seulement un rôle de parti minoritaire à jouer au sein de cette grande Europe… Prendre conscience … Non 
107 enant au-delà de nos frontières, ne pas l’arrêter à nos frontières cantonales, ne pas l’arrêter à notre frontière nationa
108 ter à nos frontières cantonales, ne pas l’arrêter à notre frontière nationale, mais voir plus loin, voir qu’il y a des tâ
109 uisse même veulent que l’on étende le fédéralisme à la dimension des tâches nouvelles qui se posent aux hommes. À vous en
110 on des tâches nouvelles qui se posent aux hommes. À vous entendre, Denis de Rougemont, le citoyen suisse, qui appartient
111 s de Rougemont, le citoyen suisse, qui appartient à ce peuple heureux que vous décrivez, ne semble pas très prêt à assume
112 ope, répète naturellement ce qu’il a entendu dire à la radio, à la télévision, ce qu’il lit dans la presse, ce qu’il ente
113 naturellement ce qu’il a entendu dire à la radio, à la télévision, ce qu’il lit dans la presse, ce qu’il entend dans les
114 st une question d’éducation ; cela doit commencer à l’école déjà. Je connais heureusement beaucoup de professeurs seconda
115 es qui ont adopté ce point de vue, qui se mettent à enseigner l’histoire, la géographie, l’instruction civique, dans un e
116 l’ait pas encore fait. Elles nous reprocheront — à la génération des aînés — d’avoir gardé une prudence exemplaire, qui
117 pour personne et qui fait que nous sommes restés à la traîne loin derrière les autres. Alors que toute notre histoire —
118 e vocation historique nous indique que nous avons à prendre maintenant une belle initiative sur le plan européen. Et pour
119 s confiance au Conseil fédéral qui me paraît tout à fait disposé dans ce sens, à en juger par les récentes déclarations d
120 l qui me paraît tout à fait disposé dans ce sens, à en juger par les récentes déclarations des hommes qui sont chargés no
121 de, « [Entretien] Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe », Construire, Lausanne, 19 mars 1970, p. 3. d. Propos recu
122 des voyages. Voyages de nos conseillers fédéraux à l’étranger et, aussi, visites importantes dans notre pays. Il n’y a q
123 visites importantes dans notre pays. Il n’y a qu’ à songer à celle de M. Jean Rey, il y a quelques mois seulement, dans l
124 importantes dans notre pays. Il n’y a qu’à songer à celle de M. Jean Rey, il y a quelques mois seulement, dans la capital
125 ’Europe ? Pour y répondre, il fallait faire appel à un écrivain d’expression française traduit dans le monde entier, à un
126 xpression française traduit dans le monde entier, à un citoyen suisse, à un pionnier de l’Europe unie. Ces qualités sont
127 raduit dans le monde entier, à un citoyen suisse, à un pionnier de l’Europe unie. Ces qualités sont réunies dans la même
4 1970, Articles divers (1970-1973). « Un acte de reconnaissance » [à propos du prix Robert Schuman] (24 mars 1970)
128 e l’écrivain Denis de Rougemont, hier après-midi, à son domicile de Ferney-Voltaire, où il prépare actuellement le discou
129 ent le discours qu’il prononcera le mois prochain à Bonn à l’occasion de la remise officielle du prix [Robert Schuman]. U
130 discours qu’il prononcera le mois prochain à Bonn à l’occasion de la remise officielle du prix [Robert Schuman]. Un prix
131 e signification attachez-vous au fait que ce soit à vous, écrivain et directeur du Centre européen de la culture, que ser
132 itique qui fait suite, après un prix théologique, à une série de prix littéraires. Ensuite parce pour un écrivain, c’est
133 ulture qui m’ont valu ce prix, attribué jusqu’ici à des hommes politiques seulement : Jean Monnet, Joseph Bech, S. Mansho
134 tration de la Fondation Freiherr von Stein (FVS), à Hambourg, vient de décider à l’unanimité de remettre le prix Robert S
135 err von Stein (FVS), à Hambourg, vient de décider à l’unanimité de remettre le prix Robert Schuman pour 1970 à l’écrivain
136 mité de remettre le prix Robert Schuman pour 1970 à l’écrivain neuchâtelois Denis de Rougemont, directeur du Centre europ
137 a culture, pour l’ensemble de son œuvre consacrée à la promotion de l’esprit européen. Parmi cette œuvre, il faut notamme
138 Bonn. Il a été créé en 1966 par la Fondation FVS, à Hambourg, et est destiné à récompenser les Européens qui, par leurs t
139 par la Fondation FVS, à Hambourg, et est destiné à récompenser les Européens qui, par leurs travaux ou leurs recherches,
140 u leurs recherches, se distinguent en contribuant à la réalisation de l’unité européenne. La remise du prix aura lieu le
141 La remise du prix aura lieu le 15 avril prochain à l’Université de Bonn. À cette occasion, l’écrivain suisse prononcera
142 lieu le 15 avril prochain à l’Université de Bonn. À cette occasion, l’écrivain suisse prononcera une allocution : “Res pu
5 1970, Articles divers (1970-1973). Après l’attribution du prix Schuman à M. D. de Rougemont (30 mars 1970)
143 Après l’attribution du prix Schuman à M. D. de Rougemont (30 mars 1970)g M. Denis de Rougemont nous écri
144 une remarque dont je serais obligé de faire part à vos lecteurs. « L’acte de reconnaissance » mis en valeur par votre ti
145 t Denis de, « Après l’attribution du prix Schuman à M. D. de Rougemont », La Suisse, Genève, 30 mars 1970, p. 12.
6 1970, Articles divers (1970-1973). La passion en 1970, est-ce possible ? (mai 1970)
146 rrit d’obstacles par définition, que devient-elle à notre époque où les obstacles ne se dressent plus entre les amants ?
147 oints estiment que leur vie commune est favorable à l’épanouissement de chacun. C’est le contraire d’une relation narciss
148 e d’une relation narcissique. Mais si l’on arrive à passer de la transe à la réalité, la passion peut conduire à l’amour.
149 ssique. Mais si l’on arrive à passer de la transe à la réalité, la passion peut conduire à l’amour. Le mariage à l’essai
150 la transe à la réalité, la passion peut conduire à l’amour. Le mariage à l’essai qui, maintenant et de plus en plus, tie
151 é, la passion peut conduire à l’amour. Le mariage à l’essai qui, maintenant et de plus en plus, tient lieu de fiançailles
152 s sur la qualité de leur mariage, c’est-à-dire qu’ à force d’entendre prôner l’idéale harmonie psychologique, indispensabl
153 as toujours les réponses. Et ces fameux obstacles à la passion ? Pour Denis de Rougemont, ces obstacles n’ont pas été sup
154 fantastique. J’ai lu, l’autre jour, qu’il y avait à Paris, autour de 1890, une quinzaine de théâtres de nus qui offraient
155 rime des gênes extérieures, cela ne correspond qu’ à des permissions extérieures. Voyez Tristan et Iseut. Quand ils ont su
7 1970, Articles divers (1970-1973). « S’unir, au-delà de nos fausses souverainetés, pour préserver nos vraies diversités » (mai-juin 1970)
156 frontières absolument factices, des réalités tout à fait hétérogènes. Rien de plus hostile à toute espèce d’union tant so
157 tés tout à fait hétérogènes. Rien de plus hostile à toute espèce d’union tant soit peu sérieuse que cet État-nation qui s
158 otre temps, puisqu’à la fois trop petit pour agir à l’échelle mondiale et trop grand pour permettre une participation civ
159 certaine finalité ; quelle finalité trouvez-vous à l’Europe ? Jusqu’à nous, voyez-vous, il fallait se battre pour surviv
160 ; quelle finalité trouvez-vous à l’Europe ? Jusqu’ à nous, voyez-vous, il fallait se battre pour survivre. Aujourd’hui que
161 ommunauté vivante ? Il faut d’autre part épargner à l’Europe de se faire purement et simplement absorber par d’autres éco
162 er par d’autres économies. Cela ne revient-il pas à se poser la question fondamentale du sens même de notre vie ? Oui, je
163 mentale du sens même de notre vie ? Oui, je crois à la personne humaine et à sa liberté. Pour surmonter les aliénations a
164 otre vie ? Oui, je crois à la personne humaine et à sa liberté. Pour surmonter les aliénations actuelles, il faut poser u
165 eligieuses, contre la prétention de l’État-nation à leur monopole absolu. Il faut donc distribuer les pouvoirs étatiques
166 imensions et celles de la communauté la plus apte à les administrer. Concrètement, cela revient à appliquer la méthode du
167 pte à les administrer. Concrètement, cela revient à appliquer la méthode du fédéralisme. Une Europe divisée en régions au
168 re d’« agences » (culturelles, économiques, etc.) à la mesure des décisions qui doivent être prises. Autant l’Europe des
169 s régions sera complexe, mais combien plus simple à vivre ! Je vois l’Europe comme un grand jardin plein de surprises, ma
170 établir un ordre universel nouveau. Le monde est à la limite de ses possibilités : les lacs ne sont plus nageables, les
171 ! Quel dénominateur commun peut-il aider l’Europe à trouver cet ordre nouveau ? L’Europe a la chance d’avoir une culture.
172 dèle suisse soit le meilleur et qu’il soit viable à l’échelle européenne ? Le système suisse, à mon avis, est excellent,
173 iable à l’échelle européenne ? Le système suisse, à mon avis, est excellent, hormis peut-être les cantons qui ne sont pas
174 membres, c’est un problème parfaitement homologue à celui que la Suisse a résolu avec ses 25 petits cantons souverains. L
175 ourd’hui est plus petite que ne l’était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée ; et les disparités de coutumes ou de
176 oublier les moyens techniques dont nous disposons à l’heure actuelle et qu’il ne faudrait surtout pas renier : je suis pe
177 européenne réserve d’ailleurs une place de choix à Rousseau, Constant, Robert de Traz et Gonzague de Reynold, pour ne vo
178 que pensez-vous de la réserve mise par la Suisse à l’idée de l’intégration européenne, qui tient surtout à l’obstacle de
179 ée de l’intégration européenne, qui tient surtout à l’obstacle de sa neutralité ? La neutralité est une survivance histor
180 survivance historique ! Elle est encore attachée à la conception de l’État-nation. Tout à fait justifiée jusqu’à la Seco
181 e attachée à la conception de l’État-nation. Tout à fait justifiée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, elle ne se justifi
182 ion de l’État-nation. Tout à fait justifiée jusqu’ à la Seconde Guerre mondiale, elle ne se justifierait plus en tout cas
183 ut cas dans une Europe unie. Mais je verrais tout à fait une Suisse-district fédéral, siège de toutes les « agences » de
184 nces » de l’Europe unie dont je vous parlais tout à l’heure. Il est vrai que le projet d’union de l’Europe a généralement
185 sé pour chimérique en Suisse. Et jusqu’à présent, à chaque étape de cette lente unification, notre gouvernement a dû fair
186 se que la politique d’unification européenne vise à mêler les peuples pour éliminer peu à peu les caractéristiques nation
187 voir si elle se fera dépend de nous aussi : c’est à nous de faire valoir dans les Conseils qui élaborent l’Europe future
8 1970, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture européenne ? (juin 1970)
188 s textes Pour l’Europe, publié par Robert Schuman à la fin de sa vie, je lis ces mots qu’on ne saurait souhaiter plus écl
189 conscients ou non de ce qu’ils doivent, en fait, à la culture. Unité non pas homogène, et qui ne résulte pas d’un proces
190 es, nos efforts pour les surmonter par le recours à des instances universelles, et toutes les créations qui ne cessent de
191 rmonie. De ce temps jusqu’au nôtre, tout concourt à nourrir ce paradoxe qui paraît bien être la loi constitutive de notre
192 invente aussi l’analyse critique, elle la conduit à ses dernières conséquences, découvre ainsi en même temps l’idée de l’
193 eront pas d’appeler la tyrannie. Rome, en réponse à ce défi de l’anarchie, invente l’État et les institutions centralisée
194 la stabilité dans l’uniformité universelle jusqu’ à l’irrémédiable et dangereux Ennui, jusqu’à ce vide de l’âme inoccupée
195 jusqu’à l’irrémédiable et dangereux Ennui, jusqu’ à ce vide de l’âme inoccupée qui appelle les tempêtes et les révolution
196 es de la sagesse grecque, et totalement contraire à celles de Rome. À la morale de la mesure et de la raison utilitaire,
197 recque, et totalement contraire à celles de Rome. À la morale de la mesure et de la raison utilitaire, il oppose les élan
198 l’Un et du divers, tandis que l’incarnation porte à l’extrême la coexistence des contraires, l’impensable définition de l
199 la se combine en figures et en structures variées à l’infini, mais dont la plus fréquente, de très loin, est le couple d’
200 besoins économiques. Tout cela nous incite aussi à remettre en question ces déterminations, et nous en fournit les moyen
201 autonomies. Car ces autonomies seront perdues une à une si nous refusons l’union qui, seule, ferait leur force ; mais en
9 1970, Articles divers (1970-1973). « L’Europe ? Une révolution culturelle ! » (15 octobre 1970)
202 nt votre Lettre ouverte aux Européens , c’est qu’ à l’inverse du marxisme, vous attribuez à l’idée, à la culture un rôle
203 c’est qu’à l’inverse du marxisme, vous attribuez à l’idée, à la culture un rôle déterminant, premier dans le devenir soc
204 à l’inverse du marxisme, vous attribuez à l’idée, à la culture un rôle déterminant, premier dans le devenir social. L’Eur
205 aliéné dans le matériel, le quantitatif, qui tend à le déposséder de lui-même. Je me sens assez proche de Maurice Clavel
206 es ; le fameux cliché d’une Europe « de Gibraltar à l’Oural » s’y trouve déjà… Or, le monde a changé depuis et de telles
207 vez-vous réagi, au Centre européen de la culture, à une telle situation ? Nous nous sommes dit : les institutions économi
208 ion au niveau de l’enseignement, où l’on continue à apprendre la géographie et l’histoire par nations. Alors que la seule
209 itable politique. Des stages sont consacrés aussi à l’étude des stéréotypes nationaux, dans les manuels ou dans l’esprit
210 oujours laudatifs. Par ces stages, nous cherchons à créer un état d’esprit européen chez les maîtres, ce qui permettra d’
211 vec les rédactions qui sont faites par les élèves à cette occasion, montre qu’il y a progrès, que l’idée européenne est a
212 rement lors de Mai 68 ? Exactement, puisque c’est à ce moment-là qu’est sorti un manifeste dont on n’a pas assez parlé, b
213 Une telle conception ne va-t-elle pas compliquer à l’excès les réalités socioéconomiques ? Il est certain que l’Europe d
214 e petites communautés, lesquelles sont les seules à même de protéger l’individu, de l’amener à se sentir encadré. Les rég
215 seules à même de protéger l’individu, de l’amener à se sentir encadré. Les régions nous permettront de revenir à des enti
216 encadré. Les régions nous permettront de revenir à des entités plus petites, de recréer des communautés centrées. Votre
217 dérive directement du personnalisme. Quels sont, à votre avis, les obstacles à la réalisation de l’Europe ? Le fédéralis
218 nnalisme. Quels sont, à votre avis, les obstacles à la réalisation de l’Europe ? Le fédéralisme n’est pas possible dans u
219 antisme des villes, pour que l’homme soit intégré à une communauté. Il faut dépasser la fausse solitude de l’homme dans l
10 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix I : Niveau de vie ou mode de vie ? (15 novembre 1970)
220 L’Europe à l’heure de ses choix I : Niveau de vie ou mode de vie ? (15 novembre
221 urel et sur les mœurs. Tandis que la colonisation à redouter du côté soviétique est déjà un fait dans les pays de l’est d
222 s… Et il n’est pas impensable, si nous continuons à rester divisés par nations, chacune trop faible pour se défendre, qu’
223 ns le poste de Radio Budapest appelaient l’Europe à leur secours. C’était extrêmement tragique parce que l’Europe n’était
224 ormé le village. Pas seulement le passage de 1800 à 5500 habitants, mais les mœurs, le rythme de la vie des gens : tous l
225 s épaules l’un de l’autre, ils n’arriveraient pas à notre hauteur. Au point de vue démographique, certes … Oui, mais il y
226 nous sommes dit que les Américains avaient réussi à mettre en œuvre des découvertes toutes faites par les Européens ; ils
227 ela s’est parfaitement réalisé, nous avons réussi à renverser la vapeur. De grands choix à faire Ce serait donc le
228 réussi à renverser la vapeur. De grands choix à faire Ce serait donc le moment de « renverser la vapeur » et nous
229 renverser la vapeur » et nous serions aujourd’hui à la croisée des chemins, parce que — pour la première fois dans l’hist
230 oisir librement son avenir. Pourquoi serions-nous à ce moment privilégiés ? À cause du développement des sciences et des
231 . Pourquoi serions-nous à ce moment privilégiés ? À cause du développement des sciences et des techniques. Jusqu’au milie
232 vement de bascule qui s’est fait et nous arrivons à un point où la production dépasse largement le minimum vital, où elle
233 s ne pourrions pas vivre ? Il y a de grands choix à faire et cela pour la première fois, car jamais avant notre génératio
234 n’avait été en mesure de porter des coups pareils à la terre elle-même. Maintenant, il a ces moyens, donc il est obligé d
235 bien et tant pis pour la nature. Nous commençons à nous réveiller de cette illusion. L’autre politique pour l’avenir est
236 s européenne, par tradition : c’est l’attachement à un certain mode de vie. Qu’est-ce qu’un mode de vie ? C’est l’ensembl
237 rythmes de la vie, c’est l’ensemble des valeurs. À quoi est-on prêt à sacrifier beaucoup de choses ? Il y a beaucoup de
238 t c’est très heureux, car cela constitue un frein à ce développement, à l’infini, du niveau de vie. Je pense que maintena
239 , car cela constitue un frein à ce développement, à l’infini, du niveau de vie. Je pense que maintenant se dessine une ré
240 ssaient de recréer un mode de vie qui corresponde à un certain nombre de valeurs qu’ils jugent plus importantes que l’acc
241 même pas. Pour eux, le problème se résume encore à celui de la survie dans la rareté. Attention ! Je ne suis pas du tout
242 ous faut aussi des techniques qui soient adaptées à nos fins. Par exemple, il est absolument faux de continuer à faire de
243 Par exemple, il est absolument faux de continuer à faire des automobiles qui marchent à l’essence, alors que l’on a les
244 de continuer à faire des automobiles qui marchent à l’essence, alors que l’on a les moyens de les faire marcher à l’élect
245 alors que l’on a les moyens de les faire marcher à l’électricité. Ce serait là un développement technique supérieur à ce
246 Ce serait là un développement technique supérieur à celui des États-Unis et qui changerait tout dans le monde. Mais on y
247 compte de certains buts généraux que l’on donnera à la vie. Ce serait une révolution complète. Deux mouvements antagon
248 la consommation individuelle, et là, nous sommes à l’opposé du type de civilisation capitaliste qui se développe en Euro
249 t pas de bruit, qui ne dégagent pas de gaz. Quant à savoir si cela touche l’organisation sociale et politique ? Oui, prof
250 ’exécuter ces dernières aux dimensions des tâches à réaliser ? Il y a des tâches qui, par nature, sont du niveau de décis
251 m. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’Europe à l’heure de ses choix I : Niveau de vie ou mode de vie ? », Tribune de
252 ong de leur carrière, ont su accorder leurs actes à leurs écrits. Ce Neuchâtelois qui, dès 1930, contribuait au lancement
253 Haye, de Rome et de Lausanne et fonde, dès 1949, à Genève, le Centre européen de la culture. En publiant ces dernières s
11 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix II : Se rallier à l’idée suisse (22 novembre 1970)
254 L’Europe à l’heure de ses choix II : Se rallier à l’idée suisse (22 novembre 197
255 L’Europe à l’heure de ses choix II : Se rallier à l’idée suisse (22 novembre 1970)o p Dans cette optique d’une Europ
256 e, économique, qui sont faits ? Le Marché commun, à mes yeux, est une première agence fédérale du type que je voudrais vo
257 porte où en Europe. Le Marché commun est implanté à Bruxelles. Mais je vois très bien d’autres agences fédérales européen
258 s ou la pollution du Rhin. La Suisse est destinée à être au cœur de l’Europe et elle doit l’être dans ses entreprises com
259 jours des difficultés qu’a la Suisse pour adhérer à l’Europe. Pourquoi ne parlerait-on pas de l’autre difficulté qui est
260 s intéressante : celle qu’a l’Europe pour adhérer à la Suisse ? » De ce point de vue, la Suisse ne perdrait rien en entra
261 tés de ce que vous appelez l’adhésion de l’Europe à l’Idée suisse ? Quand je parle de l’adhésion de l’Europe à l’Idée sui
262 suisse ? Quand je parle de l’adhésion de l’Europe à l’Idée suisse, j’entends par « Idée suisse » le véritable fédéralisme
263 édéralisme va de la commune aux entreprises jusqu’ à l’Europe puis au monde. C’est là une chose nouvelle car elle n’a jama
264 ites, comme la langue ou l’économie. Cela aboutit à des monstruosités et des guerres. Mais si vous reprenez l’exemple de
265 ujours pensé qu’il y avait des ordres de réalités à ne pas mélanger. Il n’était pas question d’imposer la même religion,
266 qui pourrait donner des résultats considérables, à l’échelle du continent. Cette recherche d’un équilibre humain est d’a
267 o. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’Europe à l’heure de ses choix II : Se rallier à l’idée suisse », Tribune de La
268 ] L’Europe à l’heure de ses choix II : Se rallier à l’idée suisse », Tribune de Lausanne — Le Matin, Lausanne, 22 novembr
12 1970, Articles divers (1970-1973). Denis de Rougemont, propos recueillis par E. Liard (décembre 1970)
269 chel ? C’est en partie une coïncidence, en partie à l’occasion du vingtième anniversaire du Centre européen de la culture
270 ts , je me suis surtout attaché aux recherches et à l’action culturelle que suppose la fédération de l’Europe telle que j
271 ntières. Dans tous ces cas, on passe de la région à l’ensemble européen. Dans les régions, dans les centres locaux se son
272 t qui maintenant sont contraints par les réalités à reconnaître leur existence. Elles se formeront, je pense, par la forc
273 que les liens qui unissent chacune de ces régions à sa capitale nationale. Et à ce moment-là, il suffira d’installer des
274 hacune de ces régions à sa capitale nationale. Et à ce moment-là, il suffira d’installer des agences fédérales européenne
275 ions se formeront d’après la dimension des tâches à accomplir. Il faut trouver le niveau auquel les décisions seront pris
276 nsion continentale, celle de l’Université s’étend à la région. Une région bretonne devrait déborder sur les Cornouailles
277 France, Angleterre, Italie, etc. sont-ils appelés à disparaître ? Je pense que peu à peu ils se déferont. À mesure que le
278 araître ? Je pense que peu à peu ils se déferont. À mesure que le tissu de liens réels se resserrera entre les régions, l
279 omberont en désuétude. Cela se passera dans vingt à vingt-cinq ans. Mais cette évolution est marquée dans les faits. Les
280 e le Centre européen de la culture contribue-t-il à la création d’une Europe unie ? Le Cheminement des esprits donne u
281 lutte créatrice. Le titre du second est emprunté à une phrase de Robert Schuman : “L’unité de l’Europe ne se fera ni uni
282 s solennel » devant tous les recteurs de l’Europe à l’interview improvisée pour une revue de militants. Chacun marque une
283 pe fédérée : il s’agit de surmonter les obstacles à l’union, qui sont d’abord dans les esprits. Puis d’orienter espoirs e
284 r les lecteurs de Livres ouverts, nous avons posé à Denis de Rougemont quelques questions suggérées par la lecture de ses
13 1970, Articles divers (1970-1973). Message aux régionalistes (16 mars 1973)
285 et nous offrira seule les structures nécessaires à toute vraie participation. Mais la région doit naître comme poussent
286 ne histoire, de leurs besoins et de leurs désirs, à la rencontre d’un appel qui vient de l’Europe et de l’humanité solida
287 n propre gâteau, et créer ses propres ressources, à sa manière et selon ses goûts, qui définissent ses vrais besoins. La
288 environnement de qualité. Plutôt que de chercher à se rendre concurrentielle, elle doit chercher à se rendre utile, et s
289 r à se rendre concurrentielle, elle doit chercher à se rendre utile, et son problème n’est pas d’exploiter le voisin mais
14 1971, Articles divers (1970-1973). Souvenir d’Honegger et de Nicolas de Flue (1971)
290 pas de chance imméritée : les choses ne viennent à point que pour qui s’y attendait, pour qui s’était obscurément dispos
291 y attendait, pour qui s’était obscurément disposé à les recevoir. Il importe au propos de ces pages que je marque d’abord
292 i, je suis appelé au téléphone par un ami qui est à la radio suisse. Est-ce la guerre, qu’on attend d’une heure à l’autre
293 uisse. Est-ce la guerre, qu’on attend d’une heure à l’autre ? C’est Munich, c’est la paix (pense-t-on vraiment ce jour-là
294 aussi les problèmes qui reviennent, cette réponse à donner surtout… Deux semaines plus tôt, à Venise, j’écoutais Honegger
295 réponse à donner surtout… Deux semaines plus tôt, à Venise, j’écoutais Honegger dirigeant son Nocturne au théâtre de la F
296 it plus qu’aucune de notre temps, si haut que fût à mes yeux Stravinski, et je me disais qu’un jour je ferais quelque cho
297 irent rentrer en Suisse plus tôt que prévu. C’est à ce moment que l’on m’offrit d’écrire une pièce pour l’Exposition nati
298 e pour l’Exposition nationale qui devait s’ouvrir à Zurich l’année suivante. J’étais en train de sortir mes uniformes d’u
299 que d’en trouver un, en Suisse, qui fût de taille à occuper l’énorme scène dont j’avais vu les plans : 35 m de large, 18
300 léphone que j’ai dit, toute la vie qui se reprend à vivre, les délais à courir, le sujet à me fuir. Le jour même, une vie
301 , toute la vie qui se reprend à vivre, les délais à courir, le sujet à me fuir. Le jour même, une vieille dame américaine
302 se reprend à vivre, les délais à courir, le sujet à me fuir. Le jour même, une vieille dame américaine m’avait fait remet
303 vie d’ascète donne au message secret qu’il envoie à la Diète, et dont on ne connaît que le résultat : la paix sauvée, « c
304 le attend l’annonce fatidique, et tout d’un coup, à grandes volées, les cloches de la délivrance : c’est cela que l’Europ
305 solution formelle ; encore faudrait-il l’adapter à la structure chrétienne du sujet. Je songe alors au style monumental
306 violente simplicité qui peut s’adapter à la fois à la déclamation d’un chœur en marche et au dialogue du drame civique e
307 ger. La part de la commande Je vais le voir à Paris. Je ne le connaissais pas. En pleine gloire, à 46 ans, il vient
308 aris. Je ne le connaissais pas. En pleine gloire, à 46 ans, il vient d’écrire Jeanne au bûcher et La Danse des morts avec
309 agnie de théâtre d’amateurs et deux petits chœurs à Neuchâtel, un grand chœur et une fanfare à La Chaux-de-Fonds, 400 fig
310 chœurs à Neuchâtel, un grand chœur et une fanfare à La Chaux-de-Fonds, 400 figurants fournis par diverses sociétés, et l’
311 iverses sociétés, et l’on fabriquera les costumes à domicile. Je tombe bien : Honegger vient d’écrire que la seule forme
312 egger vient d’écrire que la seule forme théâtrale à laquelle il croit pour l’avenir est « celle qui arrive à grouper tout
313 lle il croit pour l’avenir est « celle qui arrive à grouper toute une population ». C’est donc oui, et l’on se met au tra
314 oisième. Une ou deux fois la semaine, je descends à Paris, de La Celle-Saint-Cloud où j’habite, et je monte au boulevard
315 été une fois chanté peut être remis en musique. » À chaque visite dans son grand atelier, il me joue au piano ce qu’il a
316 il me dit en riant : « Vous voyez, ça finit comme à l’église — catholique ou protestante peu importe. » Mais un soir d’ao
317 testante peu importe. » Mais un soir d’août 1939, à La Chaux-de-Fonds, assistant pour la première fois à une répétition d
318 a Chaux-de-Fonds, assistant pour la première fois à une répétition des chœurs — et ce sera la dernière : la guerre est po
319 ’ai pensé, arrière-pensé en l’écrivant et renoncé à y mettre faute de mots… Et surtout, l’arrière-plan religieux (voire p
320 rière-plan religieux (voire pour moi théologique, à cette époque) de ma « Légende dramatique » est révélé tantôt en majes
321 ier, dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’ à ce que la mélodie sorte des paroles. » Je le crois, c’est évident, ma
322 gion en général, ni de nos positions personnelles à son égard. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs. Par pudeur ? Je ne le
323 is de son langage particulier. Or, l’aisance même à nous mettre d’accord sur ces règles du jeu, puis à jouer — la partie
324 nous mettre d’accord sur ces règles du jeu, puis à jouer — la partie de création proprement dite nous prit deux mois — v
325 ergence avec l’événement historique, pour aboutir à notre oratorio, puis en 1945 à son exécution au Vatican, lors des fêt
326 ique, pour aboutir à notre oratorio, puis en 1945 à son exécution au Vatican, lors des fêtes de la canonisation (combien
327 La part de Dieu Il serait vain de faire appel à des éléments contingents pour expliquer le phénomène. Tous les biogra
328 ion protestante du jeune Zurichois, né au Havre : à 13 ans, il écrit un oratorio intitulé le Calvaire ; à 15 ans, il reço
329 ans, il écrit un oratorio intitulé le Calvaire ; à 15 ans, il reçoit le choc de sa vie lorsque Caplet vient diriger au t
330 essionnel et du genre pieux, ce qu’Honegger n’est à aucun degré. Je ne crois même pas qu’il se soit jamais dit croyant, e
331 le style d’Honegger, dans la plupart des œuvres «  à sujet religieux » que je viens d’énumérer, doit être qualifié d’essen
332 qualifié d’essentiellement chrétien, ce n’est pas à cause des sujets, ni des paroles et situations mises en musique, ni m
333 ière est l’acte de celui qui s’ouvre et s’ordonne à l’amour, c’est-à-dire : à Dieu tel qu’il s’annonce au « cœur » de l’h
334 ui s’ouvre et s’ordonne à l’amour, c’est-à-dire : à Dieu tel qu’il s’annonce au « cœur » de l’homme. Sa musique est chrét
335 ou encore « le fondement de l’être dans le monde, à savoir Dieu »3. En ce point, tout s’éclaire et s’enchaîne. L’anecdote
336 foi, par quoi je n’entends pas du tout l’adhésion à quelque credo, mais la réalité de l’opération en nous de quelque chos
15 1971, Articles divers (1970-1973). Le cheminement des esprits (1971)
337 Le cheminement des esprits (1971)s À l’occasion du xxe anniversaire du Centre européen de la culture, son
338 hommes au-delà des nations. Le titre est emprunté à une phrase de Robert Schuman — qui présida un temps le Comité du Cent
339 s solennel » devant tous les recteurs de l’Europe à l’interview improvisée pour une revue de militants. Chacun marque une
340 pe fédérée : il s’agit de surmonter les obstacles à l’union, qui sont d’abord dans les esprits. Puis d’orienter espoirs e
16 1971, Articles divers (1970-1973). Quand Paul Martin voulait faire courir l’Europe (1971)
341 ous chantions à tue-tête en nous balançant tantôt à gauche tantôt à droite. Mon bras droit tenait le gauche d’un aîné pre
342 tue-tête en nous balançant tantôt à gauche tantôt à droite. Mon bras droit tenait le gauche d’un aîné prestigieux capable
343 tous amis de Paul Martin et amenés par ses soins à collaborer avec le Centre. Une si heureuse initiative, et si rondemen
344 s tard, j’eus la surprise de recevoir des papiers à en-tête du Conseil de l’Europe annonçant la création par ce dernier d
345 n, pensant que ce sujet était peut-être de nature à m’intéresser ». Je reconnus au premier coup d’œil « notre » texte. St
346 l Martin voulait faire courir l’Europe », Hommage à Paul Martin, s. l., 1971, p. 41.
17 1971, Articles divers (1970-1973). L’Europe est d’abord une unité de culture (1971)
347 etite pour se défendre seule, et chacune acharnée à rester seule, au nom d’une souveraineté de plus en plus mythique — ce
348 n’a pas la moindre chance de résister d’une part à la colonisation idéologique, militaire et policière par les Russes —
349 songe aux pays de l’Est européen —, d’autre part à la colonisation de notre économie et de nos coutumes sociales par les
350 re qu’ils prétendaient inaugurer n’a duré que dix à douze ans. (La Suisse, en regard, approche du viie siècle de sa cont
351 de cent pays dans le monde entier, l’État-nation à souveraineté théoriquement illimitée, sacro-sainte mais en fait toujo
352 oup varié lui-même quant à la date qu’il attribue à la naissance de l’histoire de France : tantôt il la fait remonter à B
353 l’histoire de France : tantôt il la fait remonter à Brennus, chef gaulois probablement mythique, qui est du ive siècle a
354 e, qui est du ive siècle avant notre ère, tantôt à Clovis, qui est du ve siècle de notre ère, ou enfin à Hugues Capet,
355 vis, qui est du ve siècle de notre ère, ou enfin à Hugues Capet, qui est du xe siècle, soit une hésitation d’un milléna
356 aconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, histori
357 cun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géograp
358 ts-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géographique, défini
359 x dans une cité universitaire, rien de plus. Mais à l’université même, on ne parlait qu’en latin, et l’on ignorait tout d
360 tionales » au sens moderne du mot. C’est ainsi qu’ à la Sorbonne, vers 1267 — comme me le faisait observer un jour Étienne
361 rmait une grande culture commune, bien antérieure à l’idée même d’État-nation. Mais, me direz-vous, le mot « nation » dés
362 vrai que nos stato-nations modernes correspondent à l’aire de diffusion d’une langue. Prenez la France : on parle huit la
363 res actuelles : breton, flamand au nord, allemand à l’est, basque, occitan, catalan et italien au sud, et naturellement l
364 oïncider avec un État-nation, il faudrait annexer à la République fédérale outre l’Allemagne de l’Est, l’Autriche, la Sui
365 ses concitoyens quand il les appelait précisément à se libérer du joug anglais. Alors que les Chinois de langues différen
366 notions scientifiques et techniques aujourd’hui, à quoi viendront se superposer les influences dominantes de l’italien à
367 superposer les influences dominantes de l’italien à la fin du Moyen Âge, du français au xviiie siècle, de l’allemand des
368 l y a l’affaire des frontières naturelles, chères à nos maîtres. Cette notion a son origine sous Louis XIV, dans les guer
369 ent l’Espagne de la France, voilà qui est clair — à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on tro
370 fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et à
371 aîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et à l’ouest les mêmes Basques. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier qu’o
372 en des deux côtés au sud, français des deux côtés à la hauteur des vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus loin l’allem
373 de Genève, en suivant cette frontière qui ne rime à rien, qui ne sert à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce
374 t cette frontière qui ne rime à rien, qui ne sert à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’il faudrait arrê
375 de tous nos peuples est une, qu’elle s’est formée à partir des mêmes influences indo-européennes, gréco-latines, celtes e
376 celtes et germaniques qui nous ont tous affectés, à doses variables, et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous le
377 es troubadours du Languedoc, dès le xiie siècle, à Saint-Martial de Limoges, à Notre-Dame de Paris, puis plus tard en Ch
378 dès le xiie siècle, à Saint-Martial de Limoges, à Notre-Dame de Paris, puis plus tard en Champagne et dans le Nord et à
379 s, puis plus tard en Champagne et dans le Nord et à Florence simultanément — laudi et madrigaux —, enfin à la cour de Bou
380 rence simultanément — laudi et madrigaux —, enfin à la cour de Bourgogne et dans les Flandres. Entre les cités flamandes
381 mercial de la Renaissance, celui qui relie Venise à Bruges, les échanges de compositeurs et de styles se multiplient au x
382 jusqu’au xvie siècle, quand Roland de Lattre, né à Mons, devient Orlando Lasso à Naples, puis Roland de Lassus à Paris e
383 oland de Lattre, né à Mons, devient Orlando Lasso à Naples, puis Roland de Lassus à Paris et en Bavière. Plus tard, les A
384 ent Orlando Lasso à Naples, puis Roland de Lassus à Paris et en Bavière. Plus tard, les Allemands comme Heinrich Schütz v
385 sieurs Russes, tels que Stravinsky, influenceront à leur tour la musique occidentale, en imposant leurs œuvres à Paris… L
386 la musique occidentale, en imposant leurs œuvres à Paris… L’évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes
387 s œuvres à Paris… L’évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies. Or ces voies, notons-le, traverse
388 omme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg, que ces « précieuses diversités » sont cel
389 trop souvent d’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg, que ces « précieuses diversités » sont celles de nos nati
390 vous propose là-dessus deux observations faciles à vérifier. Chacun de nos pays a un nord et un midi, dans chacun vous
391 Âge, ces foyers de création sont les universités, à la renaissance les petites cités du Nord de l’Italie, des Flandres, d
392 ait de la France un désert culturel en mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’il n’avait pas bannis. Le grand
393 stant. Et voilà qui nous rappelle quelque chose, à nous Suisses. Car la Suisse n’a jamais connu l’illusion d’une « cultu
394 le » — ne fût-ce qu’en raison de son appartenance à trois domaines linguistiques majoritaires dans les pays voisins. La s
395 actement en microcosme la situation de la culture à l’échelle du continent. Ce qui s’est fait en Suisse au point de vue d
396 ture — et qui est supérieur, proportionnellement, à tout ce qui s’est fait dans n’importe quelle tranche de six millions
397 ionales… Foyers locaux ou régionaux, et ouverture à tous les grands courants européens — en sautant le stade national : v
398 des nations, à l’intérieur de leurs frontières ou à cheval sur les frontières. C’est dire que là encore, le stade stato-n
399 à encore, le stade stato-national paraît condamné à s’effacer progressivement devant les réalités du monde nouveau, et à
400 sivement devant les réalités du monde nouveau, et à disparaître pratiquement, un peu comme il est arrivé de nos frontière
401 e vraiment précieux. Ces vérités sont assez dures à entendre pour les citoyens des grands pays qui nous entourent ; mais
402 pas le nôtre, dans des termes qui sont étrangers à notre tradition fédéraliste et à notre habitus, et qui dérivent des t
403 i sont étrangers à notre tradition fédéraliste et à notre habitus, et qui dérivent des théories et des pratiques stato-na
404 nt et renforcent le principe. Nous ne croyons pas à une Europe des États-nations souverains. Je l’ai souvent dit : ce ser
405 ment. Voilà, je pense, la perspective qui s’ouvre à nous. Elle n’a rien pour nous effrayer, puisque nous sommes le seul p
406 s qui le constituent. Donc le seul qui n’ait rien à redouter de la disparition des frontières. Mais je vois là aussi plus
407 le philosophe allemand Karl Jaspers n’hésita pas à déclarer que l’Europe n’avait plus le choix qu’entre deux solutions :
408 en allemand, anglais, italien et néerlandais : «  À l’union fédérale des Européens, l’État-nation oppose le dogme sacro-s
409 sa souveraineté illimitée, illusoire d’ailleurs, à cela près qu’elle bloque tout ! L’école, aux trois degrés, nous fait
410 t le dernier mot de l’évolution, qu’il correspond à une langue et à une culture particulière, qu’il forme une unité écono
411 de l’évolution, qu’il correspond à une langue et à une culture particulière, qu’il forme une unité économique et qu’il s
18 1971, Articles divers (1970-1973). L’héritage culturel de l’Europe (1971)
412 te. Je ne le connaîtrai vraiment qu’en découvrant à l’expérience ce qu’il me dicte ou m’interdit, mais aussi ce qu’il m’i
413 erdit, mais aussi ce qu’il m’incite ou m’autorise à modifier d’une manière inédite — qui sera moi. Distinguons donc trois
414 ionnent — modes de sentir, de juger, de penser —, à quoi s’ajoutent, puisque ces éléments constitutifs sont pluriels et s
415 n faire, mais pose aussi des limitations précises à leur action, qu’ils ne peuvent éluder, surtout s’ils les ignorent. 3.
416 r des hérésies. Nous ne deviendrons nous-mêmes qu’ à ce prix, qui est d’assumer les risques de notre différence personnell
417 La bourgeoisie occidentale (et tout le peuple à sa suite, et l’École à sa tête) croit encore, dans l’ensemble « naïve
418 dentale (et tout le peuple à sa suite, et l’École à sa tête) croit encore, dans l’ensemble « naïvement », que la culture
419 l’ensemble « naïvement », que la culture consiste à lire ou écrire des romans, enseigner la philosophie, écouter des deux
420 ontraire que la culture est ce que l’homme ajoute à la nature, on voit qu’elle représente en fait tout ce que nous sommes
421 absorbantes, évoluant à travers les âges de Sumer à Thulé — ou l’inverse peut-être — avec leur chargement continental de
422 nt unifier les conduites créatrices, mais encore, à la différence des grandes cultures du passé asiatique, proche-orienta
423 u non, conscient ou non, le rapport d’un Européen à la culture européenne — notre seule unité fondamentale, répétons-le —
424 bistrot, et dont les origines remontent toujours à des œuvres qui firent leur temps, littéralement. Dans chacun de nos c
425 s depuis un siècle et demi, grâce à Napoléon puis à nos écoles nationales, nous nous croyons si différents de nos voisins
426 l faut les garder « pures », et nous allons jusqu’ à prétendre que leur diversité empêche l’union de l’Europe. Orgueils, c
427 . L’anglais, dit-il, « offre le plus de richesses à qui veut écrire de la poésie ». Et il en voit la raison, précisément,
428 ne cesse de trahir ce qu’il prétend sauver. Quant à la diversité des langues, si on la respecte, elle n’empêche pas l’uni
429 ent empêché l’édit de Villers-Cotterêts, imposant à toutes les nations annexées par les rois de France le français comme
430 ensemble d’œuvres composées d’éléments empruntés à l’héritage commun, et qui vont l’enrichir en retour. Rien de plus com
431 ui vont l’enrichir en retour. Rien de plus commun à toutes les nations de l’Europe que leur désir de se trouver une vocat
432 de n’être pas comme son voisin, de ne ressembler à aucun autre. Cette volonté de différer fait partie intégrante de l’hé
433 ton armoricain, donne leur nom au Douro espagnol, à la Drance et à la Thur suisses, à la Dordogne, à la Durance, à la Drô
434 donne leur nom au Douro espagnol, à la Drance et à la Thur suisses, à la Dordogne, à la Durance, à la Drôme et aux Dore
435 Douro espagnol, à la Drance et à la Thur suisses, à la Dordogne, à la Durance, à la Drôme et aux Dore françaises, aux deu
436 à la Drance et à la Thur suisses, à la Dordogne, à la Durance, à la Drôme et aux Dore françaises, aux deux Doire italien
437 t à la Thur suisses, à la Dordogne, à la Durance, à la Drôme et aux Dore françaises, aux deux Doire italiennes, à Dordrec
438 t aux Dore françaises, aux deux Doire italiennes, à Dordrecht en Hollande, et à vingt autres fleuves et rivières de l’Eur
439 eux Doire italiennes, à Dordrecht en Hollande, et à vingt autres fleuves et rivières de l’Europe. « Qu’as-tu que tu n’aie
440 Moins une culture est homogène, mieux elle incite à cette autonomie, à cette autostructuration de la personne, de l’œuvre
441 st homogène, mieux elle incite à cette autonomie, à cette autostructuration de la personne, de l’œuvre, des régions ou na
442 la personne, de l’œuvre, des régions ou nations… À la limite, osons le dire : l’héritage culturel de l’Europe oblige tou
443 res choix, d’autre part, font nécessairement tort à l’Europe idéale et théoriquement orthodoxe, qui serait non pas la som
444 e aux « sportifs » des cinq continents et surtout à la droite et à la gauche dans le jeu politique de nos pays, ces deux
445 s » des cinq continents et surtout à la droite et à la gauche dans le jeu politique de nos pays, ces deux partis qui n’ar
446 de nos pays, ces deux partis qui n’arrivent plus à se définir autrement que par leur opposition. Cette limitation du ju
447 e, de détachement et de liberté, si on le compare à l’Hindou ou aux bouddhistes), et trop désincarné par l’abstraction (d
448 ction (d’où sa pauvreté animique si on le compare à l’Africain noir). Il en résulte une étonnante absence de grandes qual
449 calculables écartées sous le nom de subjectivité à partir du xixe siècle mais déjà condamnées par Descartes. Il y a la
450 ui que les curés d’hier, ou les marxistes de tout à l’heure, s’il ne les comprend pas davantage. Le scientifique gouverne
451 en URSS et dans la Chine de Mao. Mais c’est bien à tout cela que l’Europe a dû ses pouvoirs d’invention, d’innovation, d
452 tel, et de la foi jurée. Tout cela peut permettre à chaque Européen de dépasser un jour, fût-ce d’une manière infime — ma
19 1971, Articles divers (1970-1973). 6 et 7 février, vote sur le suffrage féminin : supprimer un anachronisme et une injustice (4 février 1971)
453 ette affirmation n’est pas immédiatement évidente à chacun. Et pourquoi dès le xiie siècle ? C’est parce que, répond Den
454 sidérée par le poète-troubadour comme le seigneur à qui l’on devait l’obéissance, l’allégeance, la fidélité. Le troubadou
455 ètement nouvelle — s’agenouillait devant la femme à qui il donnait ses vœux, comme le chevalier devant son seigneur. Il s
456 e chevalier devant son seigneur. Il s’est produit à ce moment-là une extraordinaire évolution dans les mœurs et ce culte
457 ittérature en Europe, et il y a donc un lien tout à fait évident entre la culture, la civilisation, le raffinement des mœ
458 les hommes porteurs de l’épée étaient seuls aptes à la liberté, parce que l’épée est le signe de la liberté pour les Germ
459 les Germains. Ce qui fait que les hommes qui vont à la Landsgemeinde ont encore un sabre à la main — avec un parapluie da
460 s qui vont à la Landsgemeinde ont encore un sabre à la main — avec un parapluie dans l’autre, parce qu’il pleut toujours 
461 -ils supérieurs ? Ce mythe germanique serait donc à la base du refus des Suisses d’accorder l’égalité politique aux femme
462 ience, justement. Toutes ces valeurs qui tiennent à des époques où c’était la force physique qui comptait, alors que, dan
463 ire ! Y a-t-il des raisons historiques propres à la Suisse qui expliquent cette inégalité des sexes ? Oui, parce qu’en
464 ces qui nous sont proches, qui sont encore mêlées à notre vie, des vieilles coutumes germaniques. Justement la survivance
465 t la liberté est démontrée parce qu’il a son épée à la main. Comme les nobles au Moyen Âge, les hommes libres en Suisse,
466 que… Ce que nous avons de culture, nous le devons à nos mères plus qu’à nos pères, en grande partie. Je n’entends pas cul
467 ns de culture, nous le devons à nos mères plus qu’ à nos pères, en grande partie. Je n’entends pas culture au sens scolair
468 ants. Psychanalyser le Suisse Est-ce propre à la culture européenne ? D’autres civilisations n’ont pas accordé le m
469 conscient qui ressort et qui influe nos décisions à notre insu. Autrement dit, il faudrait une bonne petite psychanalyse
470 s imposait le droit de vote aux citoyens suisses. À cette époque, la Confédération était tombée sous la coupe militaire d
471 it inaliénable ? Il serait heureux que la réponse à cette question soit un “oui franc et massif”. À dire vrai, la seule o
472 e à cette question soit un “oui franc et massif”. À dire vrai, la seule originalité de la votation de ce week-end réside
473 la femme a acquis l’égalité civique, elle le doit à une sorte de coup d’État venu d’en haut : par simple décision gouvern
474 ue, partiellement, la lenteur mise par les hommes à supprimer ce qui apparaît, aujourd’hui, comme une injustice. Mais il
20 1971, Articles divers (1970-1973). Arnaud Dandieu, la révolution et les régions (mars 1971)
475 rs l’universel, où l’individualisme agressif tend à créer, au-dessus de toutes les frontières, une communauté révolutionn
476 « l’insistance des Cahiers de doléances (de 1789) à réclamer le rétablissement des États provinciaux », et il rappelait q
477 cisément l’esprit de la Révolution, a fait perdre à celle-ci « son ressort essentiel, son caractère universel », et l’a c
478 tiel, son caractère universel », et l’a condamnée à l’échec. Il citait comme un exemple plus frappant encore de « l’équil
479 lan révolutionnaire ». Et il concluait : Fidèles à la véritable tradition française, nous nous appuyons à la fois sur le
480 la même pensée, en référence plus précise encore à la « mission ou démission de la France » : À la dictature nationale
481 ore à la « mission ou démission de la France » : À la dictature nationale ou internationale, la France doit opposer un n
482 l’usage très particulier du terme individualisme à ce stade de la pensée de Dandieu (cf. supra « individualisme agressif
483 e ce que nous conviendrons un peu plus tard, tant à Esprit qu’à L’Ordre nouveau , d’appeler personnalisme. Dans le lex
484 conviendrons un peu plus tard, tant à Esprit qu’ à L’Ordre nouveau , d’appeler personnalisme. Dans le lexique unifié de
485 que unifié de ces groupes, la personne s’opposera à l’individu comme l’actualité — indiquée chez Dandieu par le prédicat
486 Dandieu par le prédicat « agressif » qu’il accole à « individu » — s’oppose à la donnée inerte, résultat d’une division a
487 agressif » qu’il accole à « individu » — s’oppose à la donnée inerte, résultat d’une division atomisante du corps social.
21 1971, Articles divers (1970-1973). Les régions et la civilisation (mars 1971)
488 Le thème de la région s’impose de plus en plus à l’attention des responsables de la vie politique de nos pays, qu’il s
489 tives. La Communauté européenne a été la première à réunir sur ce problème, dès 1960, des groupes d’études dont les trava
490 orme institutionnelle dès 1967, lorsque fut créée à Bruxelles la Direction générale de la politique régionale. On sait du
491 ’est que les études régionales paraissent propres à renouveler non seulement les méthodes mais les conditions concrètes d
492 répétés de la géographie par l’histoire. Tout est à refaire dans ce domaine, sur la base des entités régionales, seules r
493 lités de renouvellement de l’histoire interprétée à partir des réalités humaines, et non plus des mythes stato-nationaux.
494 obert Lafont.) Toute l’histoire de l’Europe étant à refaire de fond en comble, après un siècle et demi de falsifications
495 ou sectoriel), fédération — et loin de se borner à décrire les institutions de la Capitale, elle fera voir les problèmes
496 s de la vie publique et les moyens d’y participer à tous les étages décisionnels. Arts et lettres Toute l’histoire
497 lettres Toute l’histoire de nos créations est à refaire sur cette double donnée de base : — les grands styles europé
498 s mondiaux, du roman et du gothique au Bauhaus et à « l’architecture visionnaire » ; du classicisme et du baroque au surr
499  ; du classicisme et du baroque au surréalisme et à l’art abstrait ; de la polyphonie à l’atonalité et à la musique concr
500 urréalisme et à l’art abstrait ; de la polyphonie à l’atonalité et à la musique concrète ; du rationalisme aux romantisme
501 ’art abstrait ; de la polyphonie à l’atonalité et à la musique concrète ; du rationalisme aux romantismes de toutes les é
502 ompte des obstacles que les États-nations mettent à toute stratégie écologique cohérente, c’est-à-dire transnationale, et
503 té du genre humain. Enfin, l’écologie nous oblige à poser la question des vraies fins de la cité et de ses priorités : le
504 s fins de la cité et de ses priorités : le profit à tout prix, ou un certain sens de la vie ? Un niveau de vie quantitati
505 ffrable, ou un mode de vie qualitatif et conforme à nos idéaux ? Et ceci doit remettre en cause les fameuses « nécessités
506 aux, remplacés par une planification continentale à base d’unités régionales en interdépendances globales. Dans tous ces
22 1971, Articles divers (1970-1973). L’Amour et l’Europe : L’Express va plus loin… avec D. de Rougemont (12 avril 1971)
507 n’est que peu à peu, d’ailleurs, que s’est révélé à moi le principe de cohérence entre le couple, la personne et le fédér
508 ne, des conciles de Nicée et de Chalcédoine jusqu’ à Hegel et Proudhon. Selon vous, le meilleur exemple qui puisse être do
509 du couple ? Un jour, on m’a demandé dans un débat à la radio : « Ne craignez-vous pas que les Européens ne soient trop di
510 la diversité, et non pas la subordination de l’un à l’autre ou la fusion des deux, l’uniformisation. Si une certaine idée
511 un désastre ; deux mariages sur trois aboutissent à un divorce aux États-Unis, par exemple. La moitié du malheur humain,
512 e. L’avez-vous influencé ? J’ai rencontré McLuhan à Toronto, en 1969. Je sais par ses étudiants qu’il parle souvent de me
513 chante, tel qu’on l’écrit, tel qu’on le vit jusqu’ à nos jours. Je pense surtout aux effets dégradés du mythe à travers le
514 tif — de l’amour-passion — donc passif — qui tend à uniformiser les deux êtres, à réduire l’autre à la loi d’un seul. Qui
515 c passif — qui tend à uniformiser les deux êtres, à réduire l’autre à la loi d’un seul. Qui a dit que l’amour rendait lib
516 d à uniformiser les deux êtres, à réduire l’autre à la loi d’un seul. Qui a dit que l’amour rendait libre ? Celui-là char
517 ible fusion, qui, finalement, ne peut conduire qu’ à la mort. L’amour-passion tel que nous le concevons a inspiré tous les
518 bien compris que l’amour est essentiellement lié à l’expression. Il écrit : « Combien d’hommes seraient amoureux s’ils n
519 déclaré », c’est comme s’il n’existait pas. Grâce à la littérature, la passion obsède nos rêves. Et c’est une invention s
520 qu’elles tendent, au contraire, au dépassement et à la dissolution du moi. En revanche, la littérature érotique y est trè
521 n ne s’approfondit et ne dégage ses puissances qu’ à la mesure des résistances qu’elle rencontre. On ne retrouve en Orient
522 nion sexuelle, qui ne doit d’ailleurs pas aboutir à la procréation. Mais ce n’est qu’une technique ? Ainsi que l’a confir
523 é. Mais vous, que souhaitez-vous ? Quand je pense à l’amour « programmé », calculé, je suis évidemment pour l’amour-passi
524 mmunion des deux personnes, qui se révèlent l’une à l’autre, dans leur différence, se créent ensemble, en devenant l’une
525 e. En 1969, j’ai fait sur ce sujet une conférence à l’université d’Indiana, et, l’été dernier, un professeur de cette uni
526 de la bourgeoisie du xixe siècle. Et le mariage à l’essai, même s’il ne garantit pas de l’erreur, augmente les chances
527 , tout le monde est d’accord, des Sumériens jusqu’ à Engels et à Toynbee : la condition de toute civilisation est une cert
528 nde est d’accord, des Sumériens jusqu’à Engels et à Toynbee : la condition de toute civilisation est une certaine discipl
529 occidentale ? Le Dr Tissot. Il a commis un livre à la fin du xviiie siècle dont la thèse était que tout le malheur des
530 confirmé plus tard. Si l’obstacle est nécessaire à l’amour-passion, l’amour-action peut-il s’en passer ? Si la passion a
531 nse, un dernier secret de l’autre qui suffit bien à ressusciter une passion au sein même de l’amour-action. En fin de com
532 mme, qui la reçoit plus ou moins bien. Vous voyez à quel point la passion est l’ennemie intime du mariage ; elle empêche
533 mathématicien Claude Chevalley, et vingt autres, à la formation du mouvement personnaliste, qui s’opposait aux totalitar
534 te, qui s’opposait aux totalitarismes, mais aussi à nos démocraties capitalistes, à la société de profit que nous appelio
535 ismes, mais aussi à nos démocraties capitalistes, à la société de profit que nous appelions le « désordre établi ». Nous
536 t notre horizon, et qui n’était pas notre guerre. À cette époque, toute une génération s’est exprimée dans le personnalis
537 génération s’est exprimée dans le personnalisme : à l’individualisme et au collectivisme, nous opposions la personne et l
538 d on les perd. Je n’étais pas le seul dans ce cas à New York. Quand j’ai rencontré Einstein, à Princeton, il m’a dit : « 
539 ce cas à New York. Quand j’ai rencontré Einstein, à Princeton, il m’a dit : « Vous n’avez pas idée de la transformation i
540 s’est produit depuis lors est dû en bonne partie à l’afflux des Européens, notamment ceux que Hitler a chassés. » Dans q
541 ait tendre la main aux Russes et les faire entrer à l’ONU. Et puis il portait les cheveux longs ! Nous avons parlé de l’u
542 st dangereux. » Une Europe d’États-nations visant à la puissance, disait-il, n’aurait fait qu’un troisième larron armé ju
543 oi êtes-vous allé en Amérique pendant la guerre ? À cause d’un article envoyé à la Gazette de Lausanne , une heure après
544 e pendant la guerre ? À cause d’un article envoyé à la Gazette de Lausanne , une heure après avoir appris l’entrée de Hi
545 , une heure après avoir appris l’entrée de Hitler à Paris, le 15 juin 1940. J’écrivais : « C’est ici l’impuissance tragiq
546 victorieux : tout ce qu’il veut saisir se change à son approche en fer tordu, en pierraille lépreuse. » Un coup de télép
547 États-Unis, où les circonstances m’ont contraint à demeurer six ans. Depuis vingt ans, vous consacrez une grande partie
548 ns, vous consacrez une grande partie de votre vie à la cause d’une fédération européenne. Mais l’Europe est loin d’être f
549 temps pour que le dernier dixième serve peut-être à quelque chose. C’est une des lois de l’action. Je crois que nous pour
550 . Je crois que nous pourrons faire l’Europe d’ici à vingt ans sur la base des régions, au-delà des nationalismes. Je cons
551 ctérise la société européenne. D’autres cherchent à bâtir l’Europe de l’économie ; moi, j’ai cherché celle des valeurs et
552 risme ? Je ne donne une place ni grande ni petite à l’Europe : je dis ce qu’elle est parmi les vingt-deux ou vingt-trois
553 civilisations qu’énumère Toynbee. « Tout est venu à l’Europe, et tout en est venu, ou presque », disait Valéry. C’est vra
554 complexe, pétrie de contradictions, qui sont dues à la pluralité de ses origines — grecque, romaine, judéo-chrétienne, ge
555 ue, romaine, judéo-chrétienne, germanique, celte, à quoi se sont ajoutées des influences arabes, slaves, et j’en passe. T
556 d’uniformisation, de subordination totale de tous à un ordre monolithique. Vous aimez ce que notre civilisation a de plur
557 , vous n’y croyez plus. Mais qu’est-ce qui existe à la place, selon vous ? Prenez le monde par vos antipodes : l’Asie du
558 est livrer sans recours toute l’existence humaine à la bureaucratie anonyme d’une seule capitale : c’est-à-dire à personn
559 ratie anonyme d’une seule capitale : c’est-à-dire à personne. Les démocraties capitalistes et les dictatures communistes
560 de complot des gouvernements. Vous ne croyez pas à l’homme politique ? C’est probablement une fonction à supprimer. Il f
561 homme politique ? C’est probablement une fonction à supprimer. Il faut des économistes, des écologistes, des éducateurs,
562 ucateurs, des scientifiques, des administrateurs. À quoi sert le politicien s’il ne sait rien de tout cela ? N’importe qu
563 récemment notre ministre des Affaires étrangères, à quelques grands principes : neutralité, fédéralisme, démocratie direc
564 tribué est incroyable. Il a le droit de condamner à mort ses hérétiques et incroyants, droit que n’a plus aucune Église,
565 rsité ? Le fédéralisme est radicalement contraire à la méthode d’unité par l’uniformité qui fut celle de Louis XIV, des j
566 ant de faire l’Europe. Ce tissu se révélera d’ici à vingt ans, ou avant, plus solide et plus vivant que les liens entre l
567 t avec l’appui de Robert Schuman, et qui a abouti à la création de la CECA et à la CE. Mais il y a ce que j’appelle l’ill
568 uman, et qui a abouti à la création de la CECA et à la CE. Mais il y a ce que j’appelle l’illusion Monnet : croire que l’
569 avez le totalitarisme. Quand l’homme ne sert plus à rien, n’a plus de vocation, on le jette à la poubelle ; pour moi, c’e
570 rt plus à rien, n’a plus de vocation, on le jette à la poubelle ; pour moi, c’est cela, l’Enfer. Pour combattre ce que vo
571 ombattre ce que vous appelez l’Enfer, croyez-vous à la révolution ? Oui, si elle apporte la liberté, si elle consiste à r
572 Oui, si elle apporte la liberté, si elle consiste à renverser, à retourner les institutions de la tyrannie. Mais une soci
573 apporte la liberté, si elle consiste à renverser, à retourner les institutions de la tyrannie. Mais une société ne se ret
574 ques humains, comme le montre la science, qui est à double tranchant. Ou bien, je vous l’ai dit, nous irons vers l’ennui
23 1971, Articles divers (1970-1973). [Entretien] Le diable existe, vous pouvez le rencontrer (17 mai 1971)
575 ut homme a une faculté d’indignation qui le porte à épouser une cause. Donc il croit savoir ce qu’est le mal et par consé
576 d on nie qu’il existe, c’est alors qu’on commence à être manipulé par lui. Pouvez-vous préciser ce qu’est pour vous le di
577 le vous convainc très facilement de ne pas croire à son action, qui est spirituelle. C’est son incognito qui fait sa forc
578 t, comme dans L’Odyssée Ulysse au cyclope aveuglé à l’entrée de la caverne : « Mon nom est Personne. De quoi aurais-tu pe
579 oncevez ? Pour m’exprimer en des termes empruntés à la physique moderne, je dirais que le diable, c’est l’entropie. Qu’es
580 ent et passe d’un état de plus haute organisation à un état de plus basse organisation. D’uniformisation ? De moindre dif
581 gger appelle la « néantisation ». Le diable tente à chaque instant de ruiner la création dans son principe créateur, de r
582 de ruiner la personne humaine, et de tout réduire à un niveau inférieur d’énergie. Non, Hitler n’était pas le diable
583 orces déchaînées à travers le monde nous invitent à fuir dans la masse, à démissionner de notre personne, à renoncer à no
584 vers le monde nous invitent à fuir dans la masse, à démissionner de notre personne, à renoncer à notre vocation personnel
585 dans la masse, à démissionner de notre personne, à renoncer à notre vocation personnelle, à la mettre en doute, donc à c
586 sse, à démissionner de notre personne, à renoncer à notre vocation personnelle, à la mettre en doute, donc à céder à l’en
587 ersonne, à renoncer à notre vocation personnelle, à la mettre en doute, donc à céder à l’entropie physique et morale. C’e
588 vocation personnelle, à la mettre en doute, donc à céder à l’entropie physique et morale. C’est là le mal de notre siècl
589 n personnelle, à la mettre en doute, donc à céder à l’entropie physique et morale. C’est là le mal de notre siècle, le co
590 ue j’ai appelé le « personnalisme », qui consiste à assumer sa vocation personnelle, quoi qu’il arrive, et à tous risques
591 er sa vocation personnelle, quoi qu’il arrive, et à tous risques. Car lorsque l’homme ne sert plus à rien, n’a plus de vo
592 à tous risques. Car lorsque l’homme ne sert plus à rien, n’a plus de vocation, un jour arrive où on le jette à la poubel
593 a plus de vocation, un jour arrive où on le jette à la poubelle. C’est là l’enfer ! La Géhenne de l’Évangile, savez-vous
594 ebut des hommes qui ont refusé d’être eux-mêmes ; à tous risques. S’ils sont rejetés au bout du compte, ce n’est pas par
595 able ? L’un consiste, pendant la dernière guerre, à nous faire croire qu’il était seulement Adolf Hitler, par exemple. Dé
596 er, mais habile, parce que nous étions tous prêts à y croire. Hitler, le diable ? Il y avait vraisemblance, mais aussi un
597 ponsabilité personnelle, ce que nous sommes seuls à pouvoir faire au monde. Le diable compte sur la lâcheté qui est en ch
598 s arbres du jardin. » L’action du diable consiste à nous priver de notre responsabilité personnelle. C’est le cas de la p
599 vez-vous écrit votre ouvrage, La Part du diable ? À New York, en 1942, à la suite d’une conversation sur les Américains,
600 ouvrage, La Part du diable ? À New York, en 1942, à la suite d’une conversation sur les Américains, dont la faiblesse me
601 faiblesse me paraissait être dans leur incapacité à croire au mal pur, donc au diable. Jacques Maritain m’avait dit : « P
602 n Amérique. La Suisse m’y avait envoyé en mission à la suite d’un article que j’avais publié sur l’entrée de Hitler à Par
603 article que j’avais publié sur l’entrée de Hitler à Paris, et qui m’avait valu quinze jours de prison militaire. J’ai écr
604 6… est le chiffre du diable, qui refuse d’arriver à 7, le nombre de la Création… La tentation diabolique de l’obéissan
605 t ils ont fait cela sans raison. D’un autre côté, à Song My, on a massacré probablement plus de cent victimes, hommes, fe
606 t dit : « Nous n’avons fait qu’obéir ! » Les uns, à leur maître ou gourou, les autres à leurs officiers. Je dis que c’est
607  ! » Les uns, à leur maître ou gourou, les autres à leurs officiers. Je dis que c’est le second cas qui est vraiment diab
24 1971, Articles divers (1970-1973). Fédération ou confédération ? (juillet-août 1971)
608 suite l’adjectif fédéral comme ce « qui a rapport à une confédération d’États », ainsi, par exemple, « la Suisse et les É
609 -ci sont équivalents, comme deux quantités égales à une troisième le sont entre elles. Mais la définition de fédération,
610 me Littré ces deux précisions mémorables ajoutées à l’article « Fédéralisme », et à lui seul — l’une affirmant que ce rég
611 morables ajoutées à l’article « Fédéralisme », et à lui seul — l’une affirmant que ce régime était en Amérique, selon Cha
612 fallait bien lui donner un statut de droit. C’est à quoi Louis Le Fur s’appliqua, vers 1900, dans une thèse qui précise e
613 aucoup moins que les fédérer tout court. On aime à répéter que l’exemple suisse conseillerait la prudence et la lenteur
614  ? La vérité historique, c’est qu’il a fallu cinq à six siècles pour ne pas fédérer les communes, cités, principautés et
615 rnière guerre civile, il n’a fallu que neuf mois, à un jour près, pour concevoir, élaborer et mettre en œuvre la Constitu
616 mplicité. Loin d’exiger que les cantons renoncent à leur souveraineté, la Constitution de 1848 porte à l’article 3 que « 
617 leur souveraineté, la Constitution de 1848 porte à l’article 3 que « les cantons sont souverains en tant que leur souver
618 sauraient se contenter du modèle suisse transposé à l’échelle européenne, c’est-à-dire du passage probable de la future c
619 ssage probable de la future confédération d’États à un État fédéral européen. Car, d’une part, la Suisse demeure juridiqu
620 ques ; d’autre part, l’État fédéral suisse limite à ses frontières politiques le processus de fédéralisation, si bien que
621 ral va bien au-delà de cette formule, il consiste à répartir les fonctions étatiques et les organes de décision de telle
622 anière que la nature et les dimensions des tâches à entreprendre correspondent à la nature et aux dimensions des communau
623 imensions des tâches à entreprendre correspondent à la nature et aux dimensions des communautés les plus aptes à les gére
624 et aux dimensions des communautés les plus aptes à les gérer. Ainsi, pour ne donner que ces exemples simples : aux munic
625 gions les plans d’aménagement et les universités, à la fédération européenne les transports continentaux et les grands ce
626 tivement transcendée ; elle reste liée par nature à l’existence des États-nations de formule napoléonienne ; or ceux-ci f
627 ceux-ci feront toujours échouer la confédération à l’extérieur, par les mêmes prétentions qui auront écrasé le fédéralis
628 rontières. Tout se ramène donc, en fin de compte, à la seule alternative sérieuse du siècle : État-nation fermé ou sociét
25 1971, Articles divers (1970-1973). Un marchand d’eau sucrée (19 décembre 1971)
629 agit là que d’une opération publicitaire destinée à recueillir des fonds. Opération publicitaire On pourrait rétorqu
630 c’est-à-dire l’attirance morbide, qu’il attribue à la gauche, pour les désastres et les apocalypses provoqués par la tec
631 s’agit que d’une opération publicitaire destinée à faire vendre la dextrose de M. Pauwels — dextrose étant synonyme, je
632 ’année 1970, consacrée par le Conseil de l’Europe à la préservation de la nature, a provoqué dans le grand public europée
633 coup de personnes, surtout âgées, ne demandent qu’ à se réfugier avec un soulagement profond et jubilant dans les illusion
634 ngtième étage d’un gratte-ciel, il tend son livre à ceux qui tombent du quarantième en leur criant : « Jusqu’ici tout va
26 1972, Articles divers (1970-1973). Europe divisée ou Europe fédérée ? (1972)
635 rtie, et capere, prendre), c’est « prendre part » à un ensemble. Au sens le plus actif, c’est « tenir sa partie », jouer
636 ormes actives de la participation que nous aurons à considérer, puisqu’en effet il s’agit ici de participation à des resp
637 r, puisqu’en effet il s’agit ici de participation à des responsabilités. Or l’homme n’est responsable (étymologiquement :
638 en latin donne civique, donc point de différence à l’origine. Mais dans le vocabulaire de notre siècle, il apparaît que
639 e siècle, il apparaît que civisme est lié surtout à une participation active à la chose publique et à une attitude de res
640 ivisme est lié surtout à une participation active à la chose publique et à une attitude de responsabilité dans la cité ;
641 à une participation active à la chose publique et à une attitude de responsabilité dans la cité ; que politique évoque fi
642 e détermination des fins et adaptation des moyens à ces fins (on parle ainsi de politique économique ou monétaire, de pol
643 e des faits de participation active (personnelle) à la vie sociale, tandis que la politique sera la définition et le choi
644 gie (dont le civisme est la technique) qui permet à la Société ou à la cité de s’ordonner aux buts derniers de l’homme. O
645 isme est la technique) qui permet à la Société ou à la cité de s’ordonner aux buts derniers de l’homme. Or s’il est vrai
646 omplexe des relations humaines, qu’on peut suivre à la trace les vocations, activées par un appel invisible en soi. En ta
647 e survivre, donc de continuer ce qui avait réussi à quelques-uns de ses ancêtres. Lorsque apparut la civilisation, c’est-
648 ature lui imposait ont abouti, dans notre siècle, à une prise de conscience toute nouvelle du mouvement général des civil
649 ulture fut en effet le premier moyen de commander à la nature en se conformant à ses lois. Mais à mesure que cet impérial
650 r moyen de commander à la nature en se conformant à ses lois. Mais à mesure que cet impérialisme humain se fait moins res
651 der à la nature en se conformant à ses lois. Mais à mesure que cet impérialisme humain se fait moins respectueux des dieu
652 s aisément les impératifs naturels ou les incline à son profit, la civilisation se met à retourner ses efforts sur elle-m
653 les incline à son profit, la civilisation se met à retourner ses efforts sur elle-même, à travailler sur ses produits eu
654 ion se met à retourner ses efforts sur elle-même, à travailler sur ses produits eux-mêmes plus que sur les contraintes na
655 désormais partiellement neutralisées. Elle se met à créer « librement », c’est-à-dire selon les lois et les buts qu’elle
656 De la mise en question des nécessités naturelles à la mise en question des buts mêmes de la vie, tel est bien le résumé
657 est bien le résumé de l’évolution humaine — jusqu’ à nous. Ayant dépassé la nature, l’homme tente de se dépasser lui-même,
658 ccès même de l’effort civilisateur qui nous force à choisir notre avenir et par là nous met en demeure de formuler une po
659 de base et nos orientations globales, nous aurons à considérer non plus seulement les contraintes existantes et la marge
660 s, économiques et architecturales, propres ou non à la participation civique. Nous voici donc soumis à l’impératif nouvea
661 la participation civique. Nous voici donc soumis à l’impératif nouveau de la prévision responsable, c’est-à-dire condamn
662 la prévision responsable, c’est-à-dire condamnés à la pratique paradoxale d’une prospective consciente de ses propres ef
663 se alors, c’est de savoir si nous sommes préparés à répondre à ce défi sans précédent. Je vais avouer d’abord mes raisons
664 ’est de savoir si nous sommes préparés à répondre à ce défi sans précédent. Je vais avouer d’abord mes raisons d’en doute
665 ui fasse passer la prédiction de l’ère des devins à celle des savants ». On nous dit aussi (mais je m’assure que ce ne so
666 rupuleux) sont en fait des devins, car, attentifs à ne pas « prophétiser », ils cherchent à prévoir objectivement, donc p
667 attentifs à ne pas « prophétiser », ils cherchent à prévoir objectivement, donc passivement, ce qui se fera dans tel aven
668 c ici en relations d’incertitude. En revanche, et à l’inverse, on pourrait aussi bien soutenir — par un raisonnement homo
669 ssi bien soutenir — par un raisonnement homologue à celui de L. de Broglie sur le dualisme onde-corpuscule et sur les iné
670 « prévision rationnelle et méthodique » s’oppose à « prophétie » comme « science purement descriptive » s’opposerait à «
671 mme « science purement descriptive » s’opposerait à « appel à l’action ». Car la prévision même se trouve dans bien des c
672 nce purement descriptive » s’opposerait à « appel à l’action ». Car la prévision même se trouve dans bien des cas modifie
673 r qu’elle avait commencé par définir correctement à l’aide d’une projection méthodique et globale. Prenons l’exemple de l
674 urables, sur l’évolution prévue : ils contribuent à la freiner. La vision angoissante projetée par les démographes a décl
675 évident est l’abaissement du seuil de résistance à la propagande pour les moyens de contraception en général et la pilul
676 e qu’elle était juste au début ; ou, pour pousser à la limite : l’utilité (l’efficacité) de la prévision se mesurera à so
677 tilité (l’efficacité) de la prévision se mesurera à son inexactitude finale. Des effets analogues de rétroaction de la pr
678 dialectique de l’information ? Nous verrons tout à l’heure que la prospective (ou futurologie, ou prévision systématique
679 es » de ce temps accordent une valeur axiomatique à la thèse hégélienne : tout ce qui est réel est rationnel. Et qu’ils d
680 ales de 1950, ou le futurologue de 1950 cherchant à empêcher les embouteillages de véhicules à moteur à explosion dans le
681 rchant à empêcher les embouteillages de véhicules à moteur à explosion dans les mégalopolis de l’an 2000, ne sont pas plu
682 empêcher les embouteillages de véhicules à moteur à explosion dans les mégalopolis de l’an 2000, ne sont pas plus « débra
683 ou d’explosions mystiques d’efficacité comparable à celle des taches solaires. Le daltonisme ou la cécité religieuse de l
684 ’immense majorité des sociologues des années 1919 à 1939 ont oblitéré dans les démocraties de l’Ouest toute compréhension
685 et toute prévision quant à leurs développements, à court terme — prévision qui eût démontré l’impossibilité d’un long te
686 détient sûrement plus de secrets de notre avenir à déchiffrer, qu’aucune de nos sciences n’en pourrait chiffrer. 4. C
687 oilà qui est beaucoup plus sensé qu’il n’y paraît à première vue. Car si je savais ce qui m’attend « là-bas » en l’an 200
688 njuguées ; ou encore : les influences récurrentes à l’infini des images projetées et de leur feed-back. Ce genre d’opérat
689 e d’autres besoins. On se limitera dans ces pages à l’Europe de l’Ouest, c’est-à-dire au seul ensemble des nations dont l
690 ignification pour les changements possibles. 1. À l’échelle de l’homme La taille moyenne de l’homme (qui semble avoi
691 ne de l’homme (qui semble avoir augmenté de trois à quatre centimètres depuis deux-cents ans) ne variera plus guère une f
692 nt d’une part la tendance générale des techniques à la miniaturisation : on ne peut faire une chambre, une auto ou une ca
693 u moins) et des moyens individuels de communiquer à distance sera accrue aux dimensions de la planète. 2. Vie personne
694 onner un sens aux modifications de l’existence ou à cette existence même. Ainsi, le double besoin de vie personnelle et d
695 ociabilité, qu’exprime le couple d’adjectifs cher à Hugo : solitaire et solidaire. C’est un besoin doublement frustré dan
696 ve d’autre alternance que celle de la promiscuité à domicile et de la solitude morale dans la foule des rues embouteillée
697 nature et la qualité de la participation civique à l’avenir. 3. Agrément du cadre Un autre besoin qui paraît const
698 insensibles aux désagréments que nous infligeons à nos voisins par agressions directes dans les villes : bruits, fumées,
699 ourtoisie ; et dans les campagnes, en contribuant à l’enlaidissement irrémédiable de l’environnement : pavillons dignes d
700 cependant de grandes différences d’une communauté à l’autre dans l’espace européen. Le brassage des populations dans les
701 genius loci agit (par des moyens que je n’ai pas à examiner ici) de manière à maintenir l’invariant local et les différe
702 is des observations analogues peuvent être faites à l’échelle européenne, quant aux comportements civiques des Français d
703 nçais du Midi, ou des Tchèques, ou des Espagnols, à leur remarquable constance au travers des régimes les plus divers, et
704 travers des régimes les plus divers, et par suite à la permanence de leurs différences. Nous aurons à revenir sur la rela
705 à la permanence de leurs différences. Nous aurons à revenir sur la relation nécessaire entre le pluralisme des invariants
706 ariants et conseille de s’y adapter. Elle cherche à diminuer, quitte à le minimiser parfois, le domaine des variables, qu
707 e de s’y adapter. Elle cherche à diminuer, quitte à le minimiser parfois, le domaine des variables, qui est en revanche c
708 habitat ou le cadre urbain De la polis grecque à la mégalopolis des années 1970, les dimensions de la cité ont varié e
709 e de la voix d’un homme criant sur l’agora. Jusqu’ à nos jours, en toutes provinces européennes, de Grenade à Riga, d’Édim
710 ours, en toutes provinces européennes, de Grenade à Riga, d’Édimbourg à Istanbul, et d’Athènes à Stockholm, rues à piéton
711 inces européennes, de Grenade à Riga, d’Édimbourg à Istanbul, et d’Athènes à Stockholm, rues à piétons et place centrale
712 nade à Riga, d’Édimbourg à Istanbul, et d’Athènes à Stockholm, rues à piétons et place centrale — piazza, plaza, praça, P
713 mbourg à Istanbul, et d’Athènes à Stockholm, rues à piétons et place centrale — piazza, plaza, praça, Platz, plein ou squ
714 ux échanges d’opinions et de nouvelles, plus tard à la lecture de la presse, on trouvait très généralement l’église, l’hô
715 riger et orienter, mais qu’ils se bornent en fait à « couvrir » ou à révoquer après coup — alors il n’y a plus de partici
716 , mais qu’ils se bornent en fait à « couvrir » ou à révoquer après coup — alors il n’y a plus de participation, ni de dém
717 ) et la réduction de tous les niveaux de décision à un seul, au sommet ministériel dans la capitale, rendent minimales ou
718 articipation du citoyen : au mieux, il est appelé à voter tous les quatre ou sept ans pour un candidat à la présidence de
719 oter tous les quatre ou sept ans pour un candidat à la présidence de la nation, pour un candidat député qui représente un
720 ntées par la distribution pluraliste des pouvoirs à des niveaux divers en partant des cellules de base autonomes, et par
721 ions locales est la plus efficace et universelle. À mesure qu’on s’élève dans l’échelle des niveaux de décision correspon
722 s l’échelle des niveaux de décision correspondant à l’envergure de tâches plus vastes ou plus spéciales et aux dimensions
723 ’information devient moins directement accessible à l’individu, moins spontanément assimilable, et la participation plus
724 vernants, une fonction de mise en forme, analogue à celle qui est assurée d’ores et déjà auprès des responsables de la po
725 par ses modes de diffusion, elle servira en fait à éduquer et stimuler le jugement libre ou, au contraire, à le conditio
726 r et stimuler le jugement libre ou, au contraire, à le conditionner, voire à le programmer. Dans le premier cas, elle ren
727 libre ou, au contraire, à le conditionner, voire à le programmer. Dans le premier cas, elle rendra le citoyen mieux capa
728 aiter un problème public sur lequel il est appelé à se prononcer. Dans le second cas, l’information, loin de chercher à s
729 ns le second cas, l’information, loin de chercher à stimuler la liberté du jugement personnel, visera à la diriger, puis
730 stimuler la liberté du jugement personnel, visera à la diriger, puis à la limiter, puis à la précontraindre, enfin à lui
731 du jugement personnel, visera à la diriger, puis à la limiter, puis à la précontraindre, enfin à lui substituer un progr
732 nel, visera à la diriger, puis à la limiter, puis à la précontraindre, enfin à lui substituer un programme défini par d’a
733 uis à la limiter, puis à la précontraindre, enfin à lui substituer un programme défini par d’autres : État, Parti, Dictat
734  instructions » ou ordres donnés par un supérieur à un subordonné, par un maître à son disciple, ou même par un institute
735 s par un supérieur à un subordonné, par un maître à son disciple, ou même par un instituteur à des enfants n’ayant pas en
736 maître à son disciple, ou même par un instituteur à des enfants n’ayant pas encore atteint le stade réflexif-critique, n’
737 e stade réflexif-critique, n’est pas une atteinte à la liberté de jugement mais une empreinte dont le jugement plus tard
738 ctures, réseaux de canaux et nervures. L’atteinte à la liberté commence avec la propagande politique et la publicité comm
739 le jugement adulte, l’autre habituant les masses à s’amuser du mensonge qui rapporte, et bientôt à le préférer à toute v
740 s à s’amuser du mensonge qui rapporte, et bientôt à le préférer à toute vérité qui ennuie. Ces deux formes de lésion infl
741 u mensonge qui rapporte, et bientôt à le préférer à toute vérité qui ennuie. Ces deux formes de lésion infligées à la fac
742 é qui ennuie. Ces deux formes de lésion infligées à la faculté de participation sont guérissables. Il suffit que l’homme
743  », compare les promesses aux réalités et déclare à ses risques et périls : « Le Roi est nu. » Il n’en va plus de même lo
744 n va plus de même lorsque l’information s’adresse à l’inconscient (hidden persuasion), conditionne les réflexes, modifie
745 ariables principales repérés, il ne nous reste qu’ à tenter quelques coups simples du jeu dont nous venons de poser les rè
746 elques groupes de connexions, et, comme on le dit à l’armée, de « voir si les liaisons jouent ». Posons d’entrée de jeu q
747 x par suite du refus opposé par les États-nations à toute forme d’union efficace et au moins concurrentielle avec les Sup
748 consommerait la double satellisation, par l’URSS à l’Est et en Méditerranée, par les USA à l’Ouest et au Nord. La partic
749 ar l’URSS à l’Est et en Méditerranée, par les USA à l’Ouest et au Nord. La participation civique et politique ne saurait
750 onnelle et finalement information, ce qui revient à dire éducation. Il importe peu de savoir si l’agent dominant est alor
751 nécessaire de l’incapacité de « faire l’Europe » à cette date ! En effet, « l’intérêt supérieur de la nation », invoqué
752 les électeurs non prévenus. On arrive assez vite à un clivage de la société en deux classes : celle qui reçoit l’informa
753 çoit l’information en temps utile, et qui en joue à son profit ; et celle qui reçoit des « instructions » sous forme de p
754 paraît inévitable si nos États-nations persistent à refuser toute forme d’union fédérale et de distribution du pouvoir ét
755 ) ; de même, si aucune révolte populaire n’arrive à ébranler le système. Cependant, elle ne saurait être qu’une image-lim
756 ne saurait être qu’une image-limite, irréalisable à l’état pur, car non seulement « le pire n’est pas toujours sûr », mai
757  indépendance » : il ne pourra longtemps survivre à cette dissolution de ses cadres rigides et à la dérision de ses préte
758 ivre à cette dissolution de ses cadres rigides et à la dérision de ses prétentions absolues. Une autre société naîtra par
759 me terme de notre alternative — l’Europe a réussi à s’unir, c’est-à-dire à dépasser le stade des États-nations centralisé
760 native — l’Europe a réussi à s’unir, c’est-à-dire à dépasser le stade des États-nations centralisés de modèle jacobin-nap
761 L’État-nation était trop petit pour jouer un rôle à l’échelle mondiale : la fédération européenne peut y prétendre. Ce se
762 econd terme de notre alternative linéaire conduit à une nouvelle bifurcation possible : l’Europe fédérée sur la base des
763 l’Europe fédérée sur la base des régions réussit à s’autorégler (A), ou bien elle tente de rendre ses déséquilibres créa
764 tandis que « le gouvernement doit être plus fort à mesure que le peuple est plus nombreux » et qu’en revanche « plus les
765 rnement démocratique convient aux petits États », à ceux où « le peuple est facile à rassembler » (Contrat social, III, 1
766 petits États », à ceux où « le peuple est facile à rassembler » (Contrat social, III, 1 à 3). Rousseau en vient ainsi à
767 est facile à rassembler » (Contrat social, III, 1 à 3). Rousseau en vient ainsi à formuler une loi de la participation qu
768 trat social, III, 1 à 3). Rousseau en vient ainsi à formuler une loi de la participation qu’illustrent les exemples des p
769 llustrent les exemples des petits cantons suisses à Landsgemeinde, ou de Genève, et avant eux des cités grecques où l’on
770 étendu, et plus le pouvoir doit être concentré. ( À la limite, il faudra donc un dictateur.) De là le conseil de Rousseau
771 areil étatique (non pas du tout sa suppression !) à des niveaux de décision où il ne soit plus seulement contrôleur mais
772 res pluralistes La santé des régions autonomes à son tour implique nécessairement deux processus apparemment contradic
773 le dépend des possibilités de recréer, au sein ou à l’écart des mégalopolis (qui continuent à se développer d’une manière
774 sein ou à l’écart des mégalopolis (qui continuent à se développer d’une manière semi-anarchique, semi-planifiée et totale
775 iers, cités-satellites, ou villes neuves) de 5000 à 50 000 habitants, dotés au moins d’une place centrale et de rues à pi
776 s, dotés au moins d’une place centrale et de rues à piétons, permettant une participation réelle à la vie communale, pour
777 es à piétons, permettant une participation réelle à la vie communale, pour ceux des citoyens qui en ont envie, et des con
778 me des unités d’habitation et de leurs dimensions à la mesure d’une vie civique rénovée semble pouvoir être résolu en thé
779 et de grands ensembles « invivables » et coûteux à détruire, construits dans l’anarchie et sur la seule notion de rappor
780 blissement de liens interrégionaux de tous ordres à l’échelle du continent, ou fédérations. Car il est évident qu’un cert
781 t qu’un certain nombre d’activités indispensables à la vitalité des régions et de leurs unités de participation civique (
782 munes et entreprises) ne peuvent être exercées qu’ à l’échelle d’une fédération continentale. Citons au nombre de ces acti
783 nformées par leurs relais régionaux, et informant à leur tour l’ensemble des gouvernants et citoyens européens. Aux trois
784 ent permettre un maximum de participation. Est-ce à dire que le système décrit représente un modèle satisfaisant d’harmon
785 des dynamismes civiques, qu’il n’y aurait plus qu’ à « faire jouer » aux différents niveaux communautaires ? Voilà qui ne
786 méthode d’invention permanente et non pas utopie à joindre un jour. Car il suppose la liberté, tandis que l’utopie prise
787 faite pour les personnes, non pour la rentabilité à moyen terme d’investissements spéculatifs. (Je reviendrai plus loin s
788 péculatifs. (Je reviendrai plus loin sur le droit à l’inadaptation comme condition dernière de toute vraie vie civique et
789 aires : 1. Information des citoyens (enseignement à tous les degrés, mass médias, banques d’informations, etc.) 2. Discus
790 d nombre par une école améliorée, plus égalitaire à la base dès la première enfance et plus préoccupée d’enseignements co
791 entifiques, indiscutables, et constamment remises à la mode, aux yeux des masses, par les manipulateurs des mass médias.
792 ent informés, de première main, sur les problèmes à débattre et à trancher par un vote. Ce type d’assemblée est devenu i
793 de première main, sur les problèmes à débattre et à trancher par un vote. Ce type d’assemblée est devenu impraticable et
794 ent des populations, cent ou mille fois supérieur à celui des places publiques ou des salles disponibles. Subitement, à p
795 ertu de la même exigence et grâce à la radio puis à la TV relayée par satellites, coextensive à l’humanité, c’est-à-dire
796 puis à la TV relayée par satellites, coextensive à l’humanité, c’est-à-dire globale. Si la commune est l’aire où ma voix
797 tte communauté globalisée. En effet, par analogie à la Loi de J.-J. Rousseau (citée plus haut), on vérifie que plus les m
798 oins sont nombreux ceux qui peuvent les utiliser. À la limite, un seul, qui est le chef de l’État, peut aujourd’hui se fa
799 ement ramener les dimensions de la commune future à un ordre de grandeur comparable (égal ou double) à celui des cités cl
800 un ordre de grandeur comparable (égal ou double) à celui des cités classiques d’Ionie, d’Attique ou de Sicile. La différ
801 les citoyens se déplacent, sur une agora composée à distance et définie comme un carrefour d’ondes. (Déjà, dans les année
802 courante.) L’agora composée par la participation à distance peut recréer les conditions de la Landsgemeinde suisse ou de
803 nients d’une nature encore insoupçonnée résultent à l’expérience du fait de la rencontre d’hommes séparés les uns des aut
804 re rendre indispensable la formule des assemblées à distance : je veux parler de la pluralité des types de régions et des
805 de gestion et de réunions ; tout cela se prêtant à des formules d’ubiquité du contrôle, du conseil, de la représentation
806 mations dont disposent leurs maires. Trop petites à la campagne (étouffantes), trop grandes dans les régions urbaines (vi
807 que active. Les départements, cantons, provinces, à l’étage au-dessus, souffrent des mêmes défauts. Quant aux États-natio
808 rop grands et trop petits, leur procès n’est plus à faire : le verdict a été prononcé à deux reprises par l’histoire du x
809 ès n’est plus à faire : le verdict a été prononcé à deux reprises par l’histoire du xxe siècle, en 1914 et en 1939. Il y
810 l’autre rayonnent, localement ou universellement, à partir d’un patron, d’un chef, d’une tête, d’une doctrine ou d’une Ré
811 unités du premier degré. Et ainsi de suite, jusqu’ à la fédération continentale. 4. L’action ou engagement civique P
812 lupart des hommes s’imaginent avoir « participé » à ce qu’ils n’ont fait que voir, et se vantent de s’être « engagés » qu
813 ée des deux classes — les actifs et les passifs — à quoi nous conduisaient nos précédentes analyses. La démocratie semble
814 e) et politiques (groupes de pression) s’opposant à la majorité, toujours conservatrice des préjugés « progressistes » d’
815 mesurables (dont le facteur religieux) correspond à l’angoisse de l’homme actuel devant les risques de la participation r
816 devant les risques de la participation réelle, et à son désir d’un ordre automatisé. 5. La présence personnelle L’u
817 lle L’un des paradoxes de l’ère actuelle tient à ce que nos possibilités de déplacement s’accroissent en même temps qu
818 essités de se déplacer diminuent. J’ai parlé tout à l’heure des conseils d’administration tenus en vidéophonie, et de la
819 us en vidéophonie, et de la possibilité d’étendre à bien d’autres conseils de la cité le procédé du multiplex. Dans tous
820 uelle différence ? Serons-nous moins « présents » à 5000 kilomètres en vidéophone que dans l’échange si difficilement com
821 ue sur la base de statistiques qu’il reste encore à imaginer et de mesures qui feront peut-être un jour comprendre ce qui
822  » et deux images des mêmes hommes qui se tendent à distance des mains réunies sur l’écran. Si la présence-à-distance et
823 -distance et les téléactivités paraissent propres à résoudre certains problèmes pratiques de la participation, elles semb
824 quer « l’enracinement », les rencontres « d’homme à homme », le « contact physique », et ceux qui seront traités comme ét
825 hysique », et ceux qui seront traités comme étant à toutes fins utiles indépendants d’un territoire défini ou de l’immédi
826 ropre. Car la perception d’une image ou d’un son, à quelque distance qu’en soit la source, implique toujours un contact p
827 oprement physique. La différence entre le contact à distance et celui qui s’établit entre deux hommes « en chair et en os
828 bre et active se réduit pour le plus grand nombre à la discussion (cafés, partis, radio-télévision) et à des votes peu fr
829 a discussion (cafés, partis, radio-télévision) et à des votes peu fréquents (élections, référendum). Pour un très petit n
830 Pour un très petit nombre s’ajoute l’appartenance à un conseil (municipal, départemental ou provincial, parlementaire), e
831 é dont les structures favorisent la participation à tous les niveaux, changent de nature : ils concernent les grandes opt
832 avenir de tous et de chacun : — Options relatives à l’éducation : spécialisée ou générale ? — égalitaire ou sélective ? —
833 tc. — Options relatives aux recherches : priorité à l’espace sidéral ou à l’espace psychique ? — hygiène physique et ment
834 s aux recherches : priorité à l’espace sidéral ou à l’espace psychique ? — hygiène physique et mentale ou productivité ?
835 bâties, ou au contraire que l’on entend utiliser à titre d’acheteur, locataire, contribuable, électeur… Rien donc de plu
836 sensibles. Sinon la solitude campagnarde conduit à la révolte contre l’isolement, à la désertion, tandis que la solidari
837 pagnarde conduit à la révolte contre l’isolement, à la désertion, tandis que la solidarité anonyme et forcée des villes c
838 a solidarité anonyme et forcée des villes conduit à la révolte anarchisante contre toute forme de société réglée. Seule,
839 ntité et l’autonomie de la personne sont en butte à des menaces de tous ordres : pharmacopée, conditionnement psychosomat
840 ort d’information nécessaire. — Options relatives à l’antinomie productivité-écologie. On peut concevoir que toutes les o
841 ir que toutes les options précédentes se ramènent à celle-ci, et qu’en fin de compte ce que nous appelons aujourd’hui l’é
842 nt qu’elle ait infligé des dommages irréversibles à la biosphère sera nécessairement tranchée dans les deux décennies à v
843 a nécessairement tranchée dans les deux décennies à venir. Si c’est au bénéfice de la croissance économique « aveugle »,
844 eugle », sacralisée, il n’y a plus guère d’avenir à supputer : cent ans au maximum pour la survie de l’humanité, si l’on
845 humanité, si l’on ne renverse pas la vapeur d’ici à dix ans : c’est tout ce que nous accordent certains écologistes améri
846 essources, sourde au langage des paysages, fermée à la leçon de lenteur des arbres, sans réponse à l’affectivité bondissa
847 ée à la leçon de lenteur des arbres, sans réponse à l’affectivité bondissante du monde animal et à cette « attente ardent
848 se à l’affectivité bondissante du monde animal et à cette « attente ardente de la création tout entière » dont parle sain
849 . En conclusion ouverte sur l’avenir, il me reste à définir, pour le revendiquer, ce droit suprême de la personne qui est
850 ce droit suprême de la personne qui est le droit à l’inadaptation. S’il est vrai que la participation obligatoire est la
851 sme, il en découle que la reconnaissance du droit à l’objection sociale, civique et politique est la condition même de to
852 e l’objection au dogme du travail : voir Le Droit à la paresse, par Paul Lafargue, qui était le gendre de Marx, et de l’o
853 efus des nécessités, de défi au destin, doit être à tout prix préservée. Elle est le signe d’une ouverture de l’homme au
854 signe d’une ouverture de l’homme au transcendant, à ce qui peut englober, nier et réorganiser dans le temps de l’éclair c
855 donner un sens possible, ultime, vraiment humain, à la mise en question globale du « siècle ». Point de participation civ
856 ficient » d’un statut comparable mutatis mutandis à celui du holy man mendiant, du gourou, ou du philosophe indépendant,
857 gourou, ou du philosophe indépendant, de Diogène à Abélard, de Rousseau à Nietzsche. Il vivra dans la frange effervescen
858 he indépendant, de Diogène à Abélard, de Rousseau à Nietzsche. Il vivra dans la frange effervescente de notre société occ
859 iques. Il aura pour fonction civique de démontrer à longueur de journée que le monde de demain a moins besoin de producte
27 1972, Articles divers (1970-1973). L’ingénieur dans la cité (1971-1972)
860 tzsche. Aujourd’hui que tout est possible, ouvert à tous, et non déterminé par les coutumes, choisir une profession devie
861 ’avance. Hier, un nouveau déterminisme commençait à se dessiner, prenant le relais des contraintes coutumières : la major
862 ociété, et du sens de ma participation — ou non — à cette société. Prenons l’exemple de l’ingénieur. Hier, il était ingén
863 ui, il constate que la nature risque de succomber à l’industrie, qui la pille sans le moindre scrupule, puis l’empoisonne
864 science professionnelle mais ne veut pas chercher à comprendre le reste, au technicien du seul rendement (qui est en fin
865 et de science réintégré dans la communauté, relié à l’ensemble social par le souci des fins dernières de la cité, et de l
866 , car l’inventeur de la brouette et de la machine à calculer est aussi l’auteur des Pensées. On l’a bien dit (en Amérique
867 tement vingt siècles pour qu’on relie ce problème à l’art de l’ingénieur et aux calculs de l’astronome, ou plus tard de l
868 tion d’Einstein, du vivant de son auteur, aboutit à Hiroshima. Tout va vite aujourd’hui, surtout la traduction d’une déco
869 ur fins et pour motivations non plus le rendement à n’importe quel prix pour le profit privé ou collectif, mais l’équilib
870 rra s’opérer par un quelconque retour anarchisant à l’état prétechnique des sociétés humaines. Il s’agit au contraire de
871 evient ou une épreuve de résistance du matériel : à ce prix, l’imagination deviendra créatrice de libertés réelles. Loin
28 1972, Articles divers (1970-1973). Forteresse au centre de l’Europe : la Suisse (1972)
872 ’elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre rencontre, nous entoure et nous engloutit, la nuée, la nuit, le
873 tres dimensions. Nous volons maintenant en orbite à la poursuite d’une aube de la Terre. Où allons-nous descendre, et sur
874 as, ni pampas, ni déserts. Point de défis brutaux à la nature, plutôt un lent dialogue amical et confiant. Mais cette ver
875 vert d’abord. Souvenirs de réveils dans un palace à Vevey, Montreux ou Clarens, devant le lac et ses envols de mouettes,
876 r nos rives brille d’un vif éclat humide, repeint à neuf pendant la nuit, luisant, lustré, revêtu d’innocence. Ensuite, u
877 aysan : nos bourgs et même nos villes ont l’air «  à la campagne », et la campagne les pénètre. Cette vision champêtre cor
878 vue de l’air, une Suisse verte et paysanne survit à l’ère industrielle. Or, traversez cette Suisse-là en chemin de fer, e
879 présence partout imminente. Ce qui ne trompe pas, à l’observer du ciel, c’est la structure des agglomérations : elle révè
880 communauté civique et sociale d’un pays. Survolez à basse altitude les gros villages et les petites villes du Plateau sui
881 us découvrirez que leur plan s’est développé soit à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’une place principal
882 edécouvrir les vertus des groupements restreints, à l’heure où la Suisse est tentée de les oublier et de trahir ainsi ses
883 iie siècle traversait les deux chaînes des Alpes à leur seul point d’intersection, et reliait ainsi d’un seul trait les
884 ommunes forestières furent déclarées « immédiates à l’Empire », c’est-à-dire libérées du pouvoir des seigneurs voisins, d
885 greffiers des villes lombardes, traversant le col à dos de mulet, qui vinrent apprendre aux premiers Suisses confédérés à
886 vinrent apprendre aux premiers Suisses confédérés à rédiger leurs pactes en beau latin. La vocation de la Suisse est de r
29 1972, Articles divers (1970-1973). Au centre du monde, Lavaux (1972)
887 nt quelque part dans les airs au-dessus du Léman, à mi-hauteur du grand vignoble de Lavaux, cette évidence ne saurait exi
888 ez jamais existé dans ce lieu. Tout ce qui touche à un centre et tout ce qui respire dans la grâce de son rayonnement, re
889 assionnelle. Il est difficile d’en parler, fût-ce à sa louange éperdue, sans provoquer l’éclat soudain, parfois vociféran
890 dance m’inquiète : elle m’empêche de m’abandonner à l’euphorie d’un lyrisme contemplatif, ou de céder à cette espèce de b
891 l’euphorie d’un lyrisme contemplatif, ou de céder à cette espèce de bonne conscience que donne l’indignation active. Lav
892 é que les autres vignobles de La Côte, de Begnins à Vufflens par exemple. On y voit beaucoup plus de maisons neuves et la
893 e du paradoxe majeur de notre civilisation. Grâce à elles, l’homme des villes a retrouvé le contact avec la nature, et ce
894 du paysage. Les « nécessités » de la vie tendent à détruire les raisons de vivre. Mais que tient-on pour nécessaire ? Le
895 nécessaire ? Les maxima contradictoires, toujours à l’œuvre dans toute chose humaine, sont ici comme ailleurs la qualité
896 es enfants qui habitent ici ? « Lavaux appartient à tout le monde », à tous ceux qui aiment la beauté, et qui voudraient
897 tent ici ? « Lavaux appartient à tout le monde », à tous ceux qui aiment la beauté, et qui voudraient que Lavaux, à jamai
898 i aiment la beauté, et qui voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’un beau jour ils l’ont aimé. Or, ses habitants
899 aux que nous aimons, faudrait-il qu’ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sauver Lavaux, oui, mais vivant non pas figé.
900 aimons, faudrait-il qu’ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sauver Lavaux, oui, mais vivant non pas figé. Et vivant, c
901 as offrir des étages de palais sur le Grand Canal à des riches. Il faut d’abord que Venise soit peuplée, animée, habitée
902 moins que la prédominance accordée par un peuple à la saveur de vivre sur le niveau de vie. Gens de Lavaux, vous habitez
30 1972, Articles divers (1970-1973). Le sort de l’an 2000 se joue dans nos écoles (mars 1972)
903 nchées par le choc de nos nationalismes étatisés. À cette urgence définie en termes de contre-passé, et qui allait abouti
904 en termes de contre-passé, et qui allait aboutir à la formation du Conseil de l’Europe, succéda bientôt l’urgence du pré
905 s « réalisations » expliquent la montée soudaine, à laquelle nous assistons, d’une urgence tout à fait différente, défini
906 ne, à laquelle nous assistons, d’une urgence tout à fait différente, définie cette fois-ci en termes d’avenir : savoir si
907 soit par les Européens qui ont aujourd’hui de dix à vingt ans, et qui sont les élèves de nos écoles, soit par une commiss
908 ssi son union ; car autrement elle ne pourra rien à opposer aux entreprises des deux impérialismes, l’économique et l’idé
909 le de société humaine. Et du même coup, elle tend à nous faire croire que cet État-nation a toujours existé, telles une I
910 ts de nations) qui forment la France actuelle13 : à en croire les manuels d’histoire français, les rois de France ne les
911 mpossible toute union supranationale ou fédérale, à l’échelle du continent. La condition sine qua non Si donc l’on
912 tats-nations, car ceux-ci par principe s’opposent à toute espèce d’union sérieuse, qui s’opère dans la réalité et non dan
913 tés de son parti — que « l’Europe va de Gibraltar à l’Oural ». Et sa politique étrangère se fondait en partie sur cette d
914 affluent de la Volga, en tous points comparables à la Ruhr, est le cœur du bassin de l’industrie lourde de l’URSS.) J’ai
915 nuels d’histoire et de géographie des années 1900 à 1914, définissaient précisément l’Europe comme allant « de Gibraltar
916 précisément l’Europe comme allant « de Gibraltar à l’Oural ». L’an 2000 se joue aujourd’hui dans les leçons de nos école
917 la question suivante : comment ouvrir nos écoles à l’Europe, en sorte qu’elles préparent désormais non plus de petits na
918 s de leurs appartenances multiples mais concrètes à leur commune, à leur région, à notre Europe, et à l’Humanité dans son
919 tenances multiples mais concrètes à leur commune, à leur région, à notre Europe, et à l’Humanité dans son ensemble ? Dès
920 les mais concrètes à leur commune, à leur région, à notre Europe, et à l’Humanité dans son ensemble ? Dès le printemps de
921 à leur commune, à leur région, à notre Europe, et à l’Humanité dans son ensemble ? Dès le printemps de 1961, nous arrêtio
922 avec l’aide des enseignants, non pas en ajoutant à des programmes déjà trop chargés des heures sur l’Europe, mais en int
923 nne. Et quant à la méthode, elle devait consister à équiper et à former au cours de stages quelques milliers d’enseignant
924 à la méthode, elle devait consister à équiper et à former au cours de stages quelques milliers d’enseignants qui, à leur
925 rs de stages quelques milliers d’enseignants qui, à leur tour, propageraient l’idée civique européenne parmi leurs collèg
926 citer quelques résultats de nos stages, destinés à faire entrer l’éducation européenne dans les programmes et les manuel
927 e de l’Éducation et de la Culture ; — en Irlande, à la suite du stage de Malahide, en 1965, un programme national d’éduca
928 types nationaux, un centre de recherches est créé à l’Université de Gand, pour l’examen des manuels et les contacts avec
929 mensions et de l’urgence des tâches qui incombent à l’École, si l’on veut réellement construire l’Europe. Même si tous le
930 e, depuis dix ans, les associations d’enseignants à vocation européenne dont la Campagne veut être l’expression commune e
931 s, vont forcer les plus sourds et les plus myopes à secouer leur torpeur, à faire des choix, à décider une politique de l
932 sourds et les plus myopes à secouer leur torpeur, à faire des choix, à décider une politique de l’homme : — veut-on la Pu
933 myopes à secouer leur torpeur, à faire des choix, à décider une politique de l’homme : — veut-on la Puissance à tout prix
934 une politique de l’homme : — veut-on la Puissance à tout prix (celle de l’État-nation, s’entend), la Croissance à tout pr
935 (celle de l’État-nation, s’entend), la Croissance à tout prix (du PNB, des salaires et des dividendes), et alors on se ru
936 des forêts. 12. « L’Europe aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine », Regards sur le monde
31 1972, Articles divers (1970-1973). Autopsie d’un cas : Denis de Rougemont (15 mars 1972)
937 ques depuis les années 1930, quand je suis arrivé à Paris et que j’ai tout de suite collaboré avec des groupes de jeunes
938 avions déjà établi toute notre doctrine, commune à la plupart d’entre nous. Avec différentes nuances, naturellement, les
939 es, les autres nietzschéens. Mais, nous arrivions à nous entendre. Qui étaient ces hommes ? Du côté d’ Esprit , il y avai
940 Alexandre Marc et Robert Aron. Moi-même, j’étais à che­val sur les deux groupes. J’ai collaboré aux deux premiers numéro
941 ai collaboré aux deux premiers numéros et ensuite à la plupart des autres numéros jusqu’à la guerre. Quelle était votre d
942 et ensuite à la plupart des autres numéros jusqu’ à la guerre. Quelle était votre définition de la personne ? Ce que nous
943 es se liant par régions ou provinces. Vous étiez, à cette époque, les premiers à parler de fédéralisme et de régions ? Ab
944 ovinces. Vous étiez, à cette époque, les premiers à parler de fédéralisme et de régions ? Absolument. Nous parlions de ré
945 ent. Nous parlions de régions dans un sens opposé à celui des régionalistes réactionnaires ou nationalistes locaux. Pour
946 re ouvert vers de plus grandes communautés, jusqu’ à former une communauté européenne, une fédération européenne qui, ensu
947 t de personnalisme, nous en sommes venus, les uns à faire des études plus spécialement économiques, d’autres sociologique
948 de moi. En tout cas, dans un premier livre publié à Paris, en 1934, intitulé : Politique de la personne et qui réunissa
949 i s’engage ». Et l’ensemble du livre est un appel à l’engagement des écrivains. Mais pas à l’embrigadement dans un parti.
950 t un appel à l’engagement des écrivains. Mais pas à l’embrigadement dans un parti. Il s’agissait d’assumer sa responsabil
951 s sortes de raisons biographiques, j’ai été amené à m’intéresser beaucoup à l’opposition entre la passion et le mariage d
952 raphiques, j’ai été amené à m’intéresser beaucoup à l’opposition entre la passion et le mariage dans l’amour. La passion
953 omme étant l’union de ces deux choses contraires, à mi-chemin entre ces deux mythes mais en en faisant une synthèse posit
954 n homme et d’une femme qui ont chacun leurs lois, à certains égards antinomiques, qui doivent vivre ensemble, qui doivent
955 -major, les troupes et le public — j’ai été amené à me poser un tas de questions sur la politique, sur la formule politiq
956 rmule politique de la Suisse : le fédéralisme. Et à transposer une fois de plus notre doctrine personnaliste en termes po
957 ’y pensais depuis longtemps mais je ne savais pas à quel point la Suisse avait réalisé le fédéralisme. Bien qu’élevé en S
958 se, effectivement, je ne m’étais jamais intéressé à la vie politique du pays. Parce que vous avez beaucoup vécu à l’étran
959 itique du pays. Parce que vous avez beaucoup vécu à l’étranger ? J’ai vécu à Paris depuis l’âge de 25 ans. J’ai été ramen
960 vous avez beaucoup vécu à l’étranger ? J’ai vécu à Paris depuis l’âge de 25 ans. J’ai été ramené en Suisse par la mobili
961 périence. Presque tous les Européens qui vivaient à New York pendant la guerre étaient des gens extraordinairement différ
962 la voix de l’Amérique parle aux Français. Ainsi, à ma manière, bien que ressortissant d’un pays neutre, j’ai pu faire la
963 isme européen. Le mot engagement était alors fort à la mode à Paris. Et tout le monde, je ne sais pas pourquoi, l’attribu
964 éen. Le mot engagement était alors fort à la mode à Paris. Et tout le monde, je ne sais pas pourquoi, l’attribuait à Sart
965 t le monde, je ne sais pas pourquoi, l’attribuait à Sartre. Or, Sartre, comme on le sait maintenant par les mémoires de S
966 ir, ne s’était jamais intéressé le moins du monde à la politique avant 1943-1944. Enfin, il s’est mis à parler d’engageme
967 la politique avant 1943-1944. Enfin, il s’est mis à parler d’engagement parce qu’il avait lu cela dans Esprit et dans m
968 onnaissiez Jean-Paul Sartre ? Il est venu me voir à New York en 1944 ou 1945, premier journaliste français. Dans ses conf
969 Je le sais très bien. » Mais il ne l’a jamais dit à personne d’autre… Mais il est bien évident que cette définition de l’
970 omme et ce terme d’engagement, vous les retrouvez à chaque page d’ Esprit et de L’Ordre nouveau . Dix ans plus tôt. Vou
971 strée par la pratique suisse. Que j’avais apprise à l’école mais que je n’avais jamais très bien comprise. Alors, je me s
972 -dire de la base et en remontant de plus en plus, à mesure que les tâches envisagées devenaient plus vastes. Mon fédérali
973 vouliez exporter le système suisse ? Et l’étendre à toutes les régions de l’Europe ? Les communes, bien avant les cantons
974 communes, bien avant les cantons — on ne commence à parler des cantons qu’aux xviiie et xixe siècles — constituent la b
975 tes. Bref, une diversité considérable qui aboutit à quelque chose de créateur. Et ces tensions qu’on n’essaie pas de rédu
976 conserve et qu’on tâche d’équilibrer aboutissent à une très grande vitalité civique. Mais, voilà où les choses se compli
977 États unitaires. Elle sera forcée de se présenter à eux comme un État unitaire et de se centraliser de plus en plus à cau
978 ’Union européenne des fédéralistes qui avait lieu à Montreux. J’y ai prononcé le discours d’introduction sur le thème de
979 aient aussi l’Europe. Et nous nous sommes réunis, à La Haye, en 1948, sous la présidence de Churchill. Ce fut un très gra
980 États-nations. C’est ce que j’attaque maintenant à boulets rouges. Comment voulez-vous réussir l’Europe en la fondant su
981 urope en la fondant sur l’obstacle par excellence à toute union qu’est l’État-nation ? C’est une tâche absolument impossi
982 les États pratiquent cet hommage que le vice rend à la vertu, qui est cette hypocrisie de l’union, plutôt que de se faire
983 es possibles, chacun étant complètement supérieur à l’autre. Je préfère dire que l’homme est supérieur à la femme et la f
984 ’autre. Je préfère dire que l’homme est supérieur à la femme et la femme supérieure à l’homme. Plutôt que de dire qu’ils
985 e est supérieur à la femme et la femme supérieure à l’homme. Plutôt que de dire qu’ils sont égaux parce que l’égalité évo
986 ndre, sans se séparer, sans être subordonnés l’un à l’autre. Ça, c’est la formule de base de toute fédération. Toute fédé
987 s : c’est donc une formule diamétralement opposée à celle de l’unification d’un État pour créer une puissance. En fin de
988 stème que je voudrais étendre de proche en proche à toute l’Europe, en suivant la loi des dimensions des tâches. Comment
989 agences fédérales européennes : le Marché commun, à condition que celui-ci reste dans ses compétences qui sont essentiell
990 u’elle descend assez bas dans la vallée du Rhône, à certains égards jusqu’à Marseille. Il y a également une région économ
991 dans la vallée du Rhône, à certains égards jusqu’ à Marseille. Il y a également une région économique ou d’investissement
992 mique ou d’investissements. Cette région va jusqu’ à Grenoble et englobe une partie de la Suisse romande et une partie de
993 , Fribourg. Chacune de ces régions devrait avoir, à mon sens, son autorité régionale et relever de l’agence fédérale euro
994 siècle, on a voulu imposer les mêmes frontières à des réalités qui n’ont rien à voir ensemble comme la langue, le sous-
995 e. Alors, voici mon exemple personnel. Je suis né à Neuchâtel qui, jusqu’en 1848, a été une principauté dont le prince ét
996 de l’ensemble francophone qui a des limites tout à fait différentes du canton et de la Suisse puisqu’il englobe un tiers
997 etit bout de l’Italie. Cet ensemble ne correspond à aucun de nos États-nations actuels. D’autre part, je suis protestant.
998 semble auquel je me rattache qui ne correspond ni à l’ensemble national, ni à l’ensemble linguistique, ni politique, ni é
999 he qui ne correspond ni à l’ensemble national, ni à l’ensemble linguistique, ni politique, ni économique mais à un ensemb
1000 le linguistique, ni politique, ni économique mais à un ensemble mondial qui recouvre deux petites parties de la France, l
1001 un certain nombre de sociétés. Je paie des impôts à une dizaine de sources différentes. Donc, rien n’est plus simple. Au
1002 nt voulu tous les créateurs d’États totalitaires, à commencer par Napoléon qui voulait imposer ces mêmes frontières à tou
1003 Napoléon qui voulait imposer ces mêmes frontières à toutes ces choses différentes. Pourquoi ? Pour pouvoir mobiliser rapi
1004 es antinomiques, en les laissant subsister chacun à sa manière et même devenant lui-même par leur mise en relation et en
1005 es. Voilà au nom de quelle pensée nous arriverons à faire l’Europe. Le sentiment religieux joue un très grand rôle dans v
1006 vez naturellement le totalitarisme qui correspond à l’orthodoxie russe, grecque, roumaine. Mais vous n’avez jamais eu de
1007 protestant. C’est assez frappant. Cela doit tenir à quelque chose, justement à ce sens de la personne définie par une voc
1008 ppant. Cela doit tenir à quelque chose, justement à ce sens de la personne définie par une vocation unique. Chaque homme
1009 la tribu par ma vocation, et en même temps relié à la communauté par l’exercice de cette vocation. C’est ce que j’ai de
1010 ut le monde et de voir une seule croyance imposée à tout le monde. Vous avez parlé d’écologie et vous donnez une conféren
1011 ogie et vous donnez une conférence17 sur ce thème à Bruxelles. Pourquoi cet intérêt vis-à-vis de l’écologie ? Dans cette
1012 onférence, j’explique une chose qui me tient fort à cœur depuis quelques années : j’ai découvert que l’humanité, aujourd’
1013 nt tout le monde parle, heureusement, nous oblige à avoir une politique. C’est-à-dire avoir des finalités pour l’existenc
1014 jourd’hui un sérieux coup d’arrêt qui nous oblige à choisir nos finalités. Voilà pourquoi j’en viens à cette formule para
1015 choisir nos finalités. Voilà pourquoi j’en viens à cette formule paradoxale : contraints de choisir librement nos finali
1016 lleurs en train de le faire. Donc, nous en sommes à cette charnière. Voulons-nous la puissance collective, la puissance d
1017 bre. Par ailleurs, nous sommes forcés de renoncer à la forme État-nation et aux soi-disant économies nationales qui posen
1018 quoi y aurait-il une écono­mie qui correspondrait à la Belgique, une autre au Luxembourg et une autre aux États-Unis ? Pa
1019 icatrices de l’histoire », correspondraient-elles à des ensembles économiques ? C’est une idiotie ! C’est indéfendable. E
1020 Et qui aujourd’hui encore délimitent les régions, à partir d’un bureau dans la capitale, sans aucune consultation locale.
1021 e de ce drame : Nicolas de Flue . 17. Organisée à l’initiative d’Entreprise de demain, cette conférence traitera de « l
1022 Joveneau et introduits par le chapeau suivant : «  À Ferney, en territoire français, à quelques kilomètres seulement de l’
1023 eau suivant : « À Ferney, en territoire français, à quelques kilomètres seulement de l’aéroport de Genève-Cointrin. La fr
1024 ement directeur du Centre européen de la culture, à Genève, institut qu’il a créé en 1950. Mais, Denis de Rougemont est a
1025 en 1950. Mais, Denis de Rougemont est avant tout, à sa manière, un Européen. Sa grande idée : le fédéralisme. Qu’il défin
1026 ours faire correspondre les dimensions des tâches à réaliser aux dimensions de la communauté qui est le mieux capable de
32 1972, Articles divers (1970-1973). Je rentrais de l’espace… (27-28 mai 1972)
1027 ’elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre rencontre, nous entoure et nous engloutit, la nuée, la nuit, le
1028 tres dimensions. Nous volons maintenant en orbite à la poursuite d’une aube de la Terre. Où allons-nous descendre, et sur
1029 as, ni pampas, ni déserts. Point de défis brutaux à la nature, plutôt un lent dialogue amical et confiant. Mais cette ver
1030 vert d’abord. Souvenirs de réveils dans un palace à Vevey, Montreux ou Clarens, devant le lac et ses envols de mouettes,
1031 r nos rives brille d’un vif éclat humide, repeint à neuf pendant la nuit, luisant, lustré, revêtu d’innocence. Ensuite, u
1032 aysan : nos bourgs et même nos villes ont l’air «  à la campagne », et la campagne les pénètre. Cette vision champêtre cor
1033 , vu de l’air une Suisse verte et paysanne survit à l’ère industrielle. Or, il y a plus de deux-cents ans que l’on déplor
1034 présence partout imminente. Ce qui ne trompe pas, à l’observer du ciel, c’est la structure des agglomérations : elle révè
1035 communauté civique et sociale d’un pays. Survolez à basse altitude les gros villages et les petites villes du Plateau sui
1036 us découvrirez que leur plan s’est développé soit à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’une place principal
1037 edécouvrir les vertus des groupements restreints, à l’heure où la Suisse est tentée de les oublier et de trahir ainsi ses
1038 . Petit veut dire aussi mesquin, prudent, hostile à toute espèce de grandeur. Les Suisses qui s’en offusquent vont ailleu
1039 ur de Brasilia. Voyez grand, transformez le monde à votre idée et, si vous tenez à votre démesure, exportez-la, mais ne t
1040 ansformez le monde à votre idée et, si vous tenez à votre démesure, exportez-la, mais ne touchez pas au trésor, au mystèr
1041 stère de la « pax helvetica », votre contribution à l’aventure humaine. aq. Rougemont Denis de, « Je rentrais de l’esp
33 1972, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)
1042 e qu’elle n’est pas La culture ne consiste pas à lire des romans, à parler peinture, à participer à des jeux télévisés
1043 La culture ne consiste pas à lire des romans, à parler peinture, à participer à des jeux télévisés, à organiser des é
1044 onsiste pas à lire des romans, à parler peinture, à participer à des jeux télévisés, à organiser des échanges d’étudiants
1045 lire des romans, à parler peinture, à participer à des jeux télévisés, à organiser des échanges d’étudiants, de touriste
1046 rler peinture, à participer à des jeux télévisés, à organiser des échanges d’étudiants, de touristes culturels et d’exper
1047 es, des moustaches tombantes par les symbolistes, à la rigoureuse exclusion de tous ces ornements par l’avant-garde d’ent
1048 par l’avant-garde d’entre les deux guerres, puis à leur accumulation sur la tête des gauchistes. La culture n’est nullem
1049 plus de cafés littéraires depuis vingt ans, même à Paris. La culture n’est pas faite par les « gens cultivés ». Elle n’e
1050 des recherches les plus récentes sur le cerveau. À la naissance, notre cerveau est programmé par le code génétique des c
1051 , une « voie » ou une « piste » particulière liée à d’innombrés réseaux, se trouve créée par toute information nouvelle q
1052 tivation de la structure qu’il a créée, répondant à un stimulus extérieur. Le message se voit ainsi restitué par le code,
1053 titué par le code, par le médium, dirait McLuhan. À la notion classique d’une mémoire catalogique, consciente, laborieuse
1054 laborieusement stratifiée et pas toujours facile à consulter, se substitue une mnémoélectronique d’une infinie complexit
1055 té et totalement présente en synchronie virtuelle à chaque instant, encore que son actualisation quasi instantanée soit s
1056 pour chaque individu, s’identifie progressivement à la personne constituée — je ne dis pas à ce qui la constitue, qui est
1057 sivement à la personne constituée — je ne dis pas à ce qui la constitue, qui est l’appel de sa fin, sa vocation. 4. Il
1058 ans d’âge. Or, la culture européenne, qui remonte à Sumer, à l’Égypte, à la Crête, à l’Iran et aux Scythes, à la Syrie et
1059 . Or, la culture européenne, qui remonte à Sumer, à l’Égypte, à la Crête, à l’Iran et aux Scythes, à la Syrie et aux Juif
1060 ture européenne, qui remonte à Sumer, à l’Égypte, à la Crête, à l’Iran et aux Scythes, à la Syrie et aux Juifs, aux Grecs
1061 nne, qui remonte à Sumer, à l’Égypte, à la Crête, à l’Iran et aux Scythes, à la Syrie et aux Juifs, aux Grecs et aux Roma
1062 à l’Égypte, à la Crête, à l’Iran et aux Scythes, à la Syrie et aux Juifs, aux Grecs et aux Romains, aux Celtes et aux Ge
1063 ristianisme et aux religions du Proche-Orient, et à toutes les combinaisons et permutations de ces facteurs, est dix fois
1064 rale aux règles collectives et la Foi personnelle à la Loi. Il en résulte une valorisation par les élites culturelles de
1065 modernes tant communistes que fascistes) visaient à l’homogène, à l’uniforme, à l’orthodoxie sans défaut, et tenaient l’o
1066 communistes que fascistes) visaient à l’homogène, à l’uniforme, à l’orthodoxie sans défaut, et tenaient l’originalité, l’
1067 e fascistes) visaient à l’homogène, à l’uniforme, à l’orthodoxie sans défaut, et tenaient l’originalité, l’opposition et
1068 e l’initiation (alpha et oméga des cultures jusqu’ à nous) et seule elle a couru le risque de promouvoir l’originalité de
1069 romouvoir l’originalité de la personne, d’inciter à l’initiative. Mais il résulte aussi de ce grand paradoxe qu’une conte
34 1973, Articles divers (1970-1973). La Merveilleuse histoire de Tristan et Iseut [préface] (1973)
1070 Gaston Paris, Joseph Bédier, Ernest Vinaver, et à leur suite André Mary, en restituant pour les lecteurs du xxe siècle
1071 se » aux yeux de leurs confrères : ils ont permis à l’Occident moderne de reprendre conscience d’une de ses sources, d’un
1072 seule expression moins pédante qu’elle ne paraît à première vue : avec la légende de Tristan, c’est l’étymologie de nos
1073 etrouvée. Selon Littré : Les étymologies servent à faire entendre la force des mots et à les retenir par la liaison qui
1074 ies servent à faire entendre la force des mots et à les retenir par la liaison qui se trouve entre le mot primitif et les
1075 près ceci : « Les restitutions de Tristan servent à faire entendre la force du mythe, par la liaison qui se trouve entre
1076 t de la justesse dans le style de nos émotions. » À mon sens, en effet, les textes primitifs de la légende de Tristan, qu
1077 s, s’exprime en sensations, et peut être traduite à la rigueur en formules de biochimie. De quoi s’agit-il donc ici ? Ent
1078 s totale, délicieuse et tragique à la fois. C’est à ce mythe qu’il doit, depuis le xiie siècle, et dans nos sociétés occ
1079 e, et dans nos sociétés occidentales, son pouvoir à jamais contagieux. Cela posé, considérons le mythe lui-même dans sa p
1080 l’être aimé dans sa réalité toujours irréductible à l’image idéale que la passion s’en fait. Cette image, étant idéale, d
1081 s’en fait. Cette image, étant idéale, doit rester à jamais fuyante, inaccessible. Mais la réalité est lourdement présente
1082 s l’Ange désiré. « Ce n’est pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie un troubadour tardif, contemporain de nos légendes
1083 sans amour. Aux yeux du mythe, il est perdant. ⁂ À ce premier aspect de notre légende : l’amour-passion triomphant du ma
1084 an. Retracer leur évolution du xiie siècle jusqu’ à nos jours, comme j’ai tenté de le faire jadis, serait hélas illustrer
1085 é, voilant de poésie ses secrets religieux, jusqu’ à son utilisation tout impudente, ou ignorante, ou inconsciente à des f
1086 ion tout impudente, ou ignorante, ou inconsciente à des fins de rendement commercial : comédies à succès sur le thème du
1087 nte à des fins de rendement commercial : comédies à succès sur le thème du triangle, roman pour midinettes et films de sé
1088 épuisés et que nous serons peut-être les derniers à subir son « tourment délicieux », selon l’expression célèbre de Thoma
1089 ation du mythe, au cours des siècles, inclinerait à des conclusions très pessimistes. Elle consisterait à montrer la dégr
1090 s conclusions très pessimistes. Elle consisterait à montrer la dégradation continue et, semble-t-il, irréversible, des ob
1091 semble-t-il, irréversible, des obstacles opposés à la passion. Or on sait que la passion vit d’obstacles, naturels ou sa
1092 eut devenant Madame Tristan ! C’est pourtant bien à cela que nous en sommes aujourd’hui, dès lors que le mariage n’est pl
1093 e le mariage n’est plus un lien sacré, adversaire à la taille de la passion ; et que, loin de provoquer celle-ci par ses
1094 ’eût pas eu lieu. Si les derniers tabous viennent à céder, c’en sera fait de la passion. Que deviendront nos romanciers ?
1095 e cliché négatif de Tristan : la surprise opposée à la fidélité, l’excitation rapide au lieu de l’intensité, la noirceur
1096 it d’obstacles choisis, et que notre culture tend à les supprimer, il reste un obstacle suprême, celui-là justement dont
1097 obstacles sociaux, coutumiers ou sacrés, ont cédé à nos sciences, ou c’est tout comme. Qu’en est-il du dernier barrage qu
1098 barrage que notre condition d’êtres finis oppose à notre amour d’un être, à l’Amour même ? Si la passion vit de séparati
1099 ion d’êtres finis oppose à notre amour d’un être, à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien clair qu
1100 ils ont aussi bu l’Amour, un amour qui s’adresse à la part immortelle que lui seul pourra deviner, ou susciter dans l’au
1101 drame de la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit qui suit la mort terrestre : c’est la ren
1102 c’est la rencontre de l’âme avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumière-de-Gloi
1103 reliant un sommet au monde des Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune f
1104 du prochain ne s’en trouverait-elle pas éclairée, à son tour ? ⁂ Aimer le prochain « comme soi-même » suppose d’abord une
1105 iner l’ange, en soi-même et dans l’autre, l’aider à naître, et le rejoindre enfin dans le monde lumineux de la nostalgie.
1106 ux de la nostalgie. Mais alors l’obstacle dernier à notre amour, provoquant la passion créatrice, ce ne serait plus la mo
1107 e l’Autre soit un Autre impénétrable ne tient pas à quelque interdit, à quelque tabou religieux, à quelque décret de la m
1108 tre impénétrable ne tient pas à quelque interdit, à quelque tabou religieux, à quelque décret de la morale que l’on pourr
1109 as à quelque interdit, à quelque tabou religieux, à quelque décret de la morale que l’on pourrait un jour abandonner, mai
1110 que l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’être même, au fait de la personne. Nulle technique et nulle science
1111 ut aimer pour le comprendre, et rapporter l’amour à ses fins spirituelles. Le mythe peut nous y aider, c’est bien là sa f
1112 e image ordonnatrice de la passion. En restituant à notre temps ce modèle de l’amour-passion, dans sa grandeur première e
1113 nt bien mérité, mais de l’âme. ⁂ Comment résister à la tentation de comparer les versions modernes du mythe ? Il existe e
1114 l’on préfère — dont je citerai quelques exemples à la volée : Thomas et Mary Anglais remembrer (remémorer) = re
1115 yens d’expression. ⁂ Et cependant, tout étant dit à la louange des modernes complices-victimes-auteurs-recréateurs du Myt
1116 homas : « Puis il a dit trois fois : Amie Iseut ! À la quatrième, il a rendu l’esprit. » (Bédier : « Il rendit l’âme. »)
1117 s qui nous jette au cœur du Mythe et qui demeure, à tout jamais, la plus poignante définition de la passion. 18. Cf. He
1118 Gallimard, Gallimard, 1973, p. 8-25. at. Préface à l’édition d’André Mary.
35 1973, Articles divers (1970-1973). Université et universalité (janvier 1973)
1119 Depuis quelques années, tout le monde s’est mis à parler d’interdisciplinarité. Pourquoi ? À cause de l’excès de spécia
1120 in de stériliser les recherches en les soumettant à leur rentabilité (économique, militaire ou idéologique), de scléroser
1121 de scléroser l’enseignement, en le faisant servir à la vanité académique, de ruiner les notions mêmes d’Université et d’u
1122 s d’Université et d’universalité (cette « version à l’unité », disait Claudel), et par suite de ruiner nos possibilités d
1123 t les produits de la pensée, devait nous conduire à l’idée d’interdisciplinarité. Qui veut dire quoi ? Beaucoup de choses
1124 ines ; b) l’application de nombreuses disciplines à un même objet. Exemples de a) ? L’exemple désormais classique de la f
1125 la cybernétique, dont on connaît les applications à la biologie, à la psychologie ou à la politologie autant qu’à l’autom
1126 , dont on connaît les applications à la biologie, à la psychologie ou à la politologie autant qu’à l’automation industrie
1127 s applications à la biologie, à la psychologie ou à la politologie autant qu’à l’automation industrielle. Exemples de b)
1128 e, à la psychologie ou à la politologie autant qu’ à l’automation industrielle. Exemples de b) L’amour-passion. J’ai étud
1129 e pressenti que la forme d’amour que je cherchais à décrire ne pouvait être saisie par aucune de nos disciplines universi
1130 ce, là où il s’était constitué. Cela fut ressenti à l’époque comme le péché contre l’esprit (académique), la transgressio
1131 ’est-il pas, en vertu même de son titre, condamné à la spécialisation ? En vertu même de l’objet de ses études, qui est l
1132 s études, qui est l’Europe, il me paraît condamné à l’interdisciplinarité de type b). L’Europe est un phénomène qui n’exi
1133 rtuel, dans son évolution. L’Europe n’apparaît qu’ à leur carrefour, elle est définie par leurs intersections, et ses reli
1134 e recherches. La notion de régions fonctionnelles à base territoriale variable (syndicats intercommunaux transfrontaliers
1135 elles. Vous pratiquez donc l’interdisciplinarité, à l’IUEE ? L’interdisciplinarité requise par l’objet d’études ne peut e
1136 é requise par l’objet d’études ne peut exister qu’ à des degrés très variables chez les sujets qui la pratiquent, enseigna
36 1973, Articles divers (1970-1973). De Genève à l’Europe par les régions (mars 1973)
1137 De Genève à l’Europe par les régions (mars 1973)aw ax Plasticages en Bretagne,
1138 eu près inaperçus du grand public, quoi de commun à première vue, sinon le terme de « région » pris dans des sens très di
1139 nts ? Car si tous les États européens sont amenés à reconnaître l’existence d’un problème régional, celui-ci, selon les c
1140 régional en cette seconde moitié du xxe siècle : à la croissance si rapide de nos sociétés nationales, à leur excessive
1141 croissance si rapide de nos sociétés nationales, à leur excessive distension, répondent, quasi mécaniquement, la fragmen
1142 ent, la fragmentation, les coagulations locales ; à la vertigineuse uniformisation de collectivités urbaines agrandies ho
1143 ciation nécessaire Cette loi structurelle tout à fait générale me paraît gouverner, comme à leur insu, les entreprises
1144 e tout à fait générale me paraît gouverner, comme à leur insu, les entreprises régionalistes les plus diverses. Mais un p
1145 t la cause de nos guerres, mais l’obstacle majeur à l’union du continent, qui est le seul moyen d’échapper à la colonisat
1146 on du continent, qui est le seul moyen d’échapper à la colonisation de nos pays par l’appareil soviétique ou par l’économ
1147 n, les sociologues et les politologues se mettent à dénoncer l’État national centralisé, souverain et bardé de frontières
1148 manifestement trop petit pour jouer un rôle réel à l’échelle planétaire. Aucun de nos vingt-huit États européens ne peut
1149 follement imposer les mêmes limites territoriales à des réalités aussi hétérogènes que la langue parlée à la surface et l
1150 s réalités aussi hétérogènes que la langue parlée à la surface et l’exploitation du sous-sol, l’économie nouvelle et le t
1151 culier que celui des nations modèle xixe siècle. À mesure que les frontières dites « historiques » ou « naturelles » sel
1152 core que l’autre, si elle ne répondait en réalité à une prise de conscience européenne et d’horizon mondial. La conscienc
1153 ’Europe et la reconnaissance de l’obstacle majeur à cette union que constituent les prétentions de l’État-nation à une so
1154 que constituent les prétentions de l’État-nation à une souveraineté sans limites (laquelle ne peut plus rien animer si e
1155 animer si elle peut encore tout bloquer) amènent à constater que si l’on veut faire l’Europe il faut ouvrir le cadre sta
1156 mal comparables, voire contradictoires d’un pays à l’autre. Toutefois, si l’on considère l’ensemble de ces « cas spéciau
1157 nes leur séparation et leur rattachement immédiat à l’Europe fédérée de demain. II. Les plans d’aménagement du territoire
1158 au sein du Marché commun, dès 1961, et ont abouti à la création d’une Direction générale de la politique régionale. Là en
1159 rres et des traités, et qui ne correspondent plus à nulle réalité, ni ethnique ni économique. Sur toutes les frontières d
1160 t J.-F. Gravier, auteur d’un livre fameux qui fut à l’origine du néo-régionalisme en France : Paris et le désert français
1161 es ou bloquées par un cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté » (d’ailleur
1162 uées par un cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté » (d’ailleurs de plus
1163 laire des travailleurs français ; 25 000 environ, à cette date, viennent chaque matin à Genève, et rentrent le soir en Fr
1164  000 environ, à cette date, viennent chaque matin à Genève, et rentrent le soir en France. Cette région s’étend dans un r
1165 fin une région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribourg, Lausann
1166 e, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribourg, Lausanne, Grenoble, Lyon et Genève
1167 lissements d’enseignement supérieur, densité tout à fait exceptionnelle, entre lesquels des liens spéciaux pourraient et
1168 instituer. Or cette région se trouve correspondre à l’aire du franco-provençal, entre la langue d’oc et la langue d’oïl,
1169 paralyser par la fiction, décidément indéfendable à tous points de vue, des frontières nationales héritées d’autres âges.
1170 mandie tout entière et, dans une mesure qui reste à déterminer, l’Isère, le Val d’Aoste et la Franche-Comté. L’avenir
1171 harger de la concertation continentale de régions à géométrie variable selon la fonction qui les définit. Voilà qui paraî
1172 nouveau problème : les délais nécessaires, quinze à vingt ans pour former une génération et créer les régions, ne sont-il
1173 tends sa colonisation par une hégémonie politique à l’Est, une hégémonie économique à l’Ouest ? La réponse dépend de nous
1174 monie politique à l’Est, une hégémonie économique à l’Ouest ? La réponse dépend de nous, non des astres. S’il est vrai, c
1175 omme je l’ai toujours pensé, que nous n’avons pas à prévoir notre histoire, mais à la faire. aw. Rougemont Denis de,
1176 e nous n’avons pas à prévoir notre histoire, mais à la faire. aw. Rougemont Denis de, « De Genève à l’Europe par les
1177 la faire. aw. Rougemont Denis de, « De Genève à l’Europe par les régions », Bulletin du Crédit suisse, Zurich, mars 1
1178 cette note : « M. Denis de Rougemont, né en 1906 à Neuchâtel, dirige le Centre européen de la culture et l’Institut univ
37 1973, Articles divers (1970-1973). Recréer la place publique (1er juillet 1973)
1179 our la première. Il me disait un jour au Central, à Lausanne : « Entre nous, nous sommes fédéralistes, je veux bien dire
1180 unautaire correspondant aux dimensions des tâches à résoudre. Le chemin vicinal ressort de la commune, l’autoroute contin
1181 ela « dans la rue » ou « sur la place publique », à la bonne heure ! Mais encore faut-il qu’elles existent, cette rue, ce
1182 poche. L’affaire Lip est déjà prévue, définie, et à mon sens résolue, dans la pensée du grand fédéraliste franc-comtois.
38 1973, Articles divers (1970-1973). L’Europe, c’est d’abord une culture (juillet-août 1973)
1183 etite pour se défendre seule, et chacune acharnée à rester seule, au nom d’une souveraineté de plus en plus mythique — ce
1184 n’a pas la moindre chance de résister d’une part à la colonisation idéologique, militaire et policière par l’État russe
1185 — voir les pays de l’Est européen —, d’autre part à la colonisation de notre économie et de nos coutumes sociales par cer
1186 plus, une Europe divisée ne peut jouer aucun rôle à l’échelle mondiale. Elle ne peut que subir l’histoire faite par les a
1187 » ou Waldstätten, sises autour du col du Gothard, à seule fin de sauvegarder leurs vraies diversités, leur autonomie judi
1188 s, leur autonomie judiciaire, leur droit de vivre à leur manière, autrement dit, leur droit de différer. Or il se trouve
1189 l’Europe Ici, l’on bute sur l’obstacle majeur à toute union fédérale : l’État national de type jacobin et napoléonien
1190 nt-vingt pays dans le monde entier, l’État-nation à souveraineté théoriquement illimitée, sacro-sainte mais en fait toujo
1191 ngleterre et l’Espagne comptent, comme État, deux à cinq siècles au plus, selon les options politiques des historiens20.
1192 aconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, histori
1193 cun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géograp
1194 ts-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géographique, défini
1195 x dans une cité universitaire, rien de plus. Mais à l’Université même, on ne parlait qu’en latin, et l’on ignorait tout d
1196 tionales » au sens moderne du mot. C’est ainsi qu’ à la Sorbonne, vers 1260 — comme me le faisait observer un jour Étienne
1197 rmait une grande culture commune, bien antérieure à l’idée même d’État-nation. Mais, dira-t-on, le mot « nation » désigna
1198 vrai que nos stato-nations modernes correspondent à l’aire de diffusion d’une langue. Prenons la France : on parle huit l
1199 oïncider avec un État-nation, il faudrait annexer à la République fédérale outre l’Allemagne de l’Est, la Suisse alémaniq
1200 l y a l’affaire des frontières naturelles, chères à nos maîtres. Cette notion a son origine sous Louis XIV, dans les guer
1201 ent l’Espagne de la France, voilà qui est clair — à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on tro
1202 fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et à
1203 aîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et à l’ouest les mêmes Basques. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier qu’o
1204 en des deux côtés au sud, français des deux côtés à la hauteur des vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus loin l’allem
1205 et saint Paul, César, Trajan et Virgile. On sait à quel point ces trois traditions sont à la fois antinomiques et appare
1206 rd une culture, et que cette culture s’est formée à partir des mêmes influences indo-européennes, gréco-latines, chrétien
1207 à juives21, celtes et germaniques — et plus tard, à un moindre degré, arabes puis slaves — qui nous ont tous affectés, à
1208 arabes puis slaves — qui nous ont tous affectés, à doses variables, et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous le
1209 e la musique, de la mystique, de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies au travers de notre continent : de
1210 voies au travers de notre continent : de l’Italie à la Flandre et retour, par la Rhénanie et la Bourgogne, et de là d’un
1211 omme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg, que ces « précieuses diversités » sont cel
1212 trop souvent d’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg, que ces « précieuses diversités » sont celles de nos nati
1213  ? Je propose là-dessus deux observations faciles à vérifier. Chacun de nos pays a un nord et un midi, dans chacun l’on t
1214 les de pensée et des styles de vie qu’on retrouve à divers degrés dans toutes nos nations. Supprimons les frontières nati
1215 yers de création sont les universités, de Bologne à Oxford, de Coimbra à Cracovie et de Tolède à Prague ; à la Renaissanc
1216 les universités, de Bologne à Oxford, de Coimbra à Cracovie et de Tolède à Prague ; à la Renaissance, les cités du Nord
1217 ogne à Oxford, de Coimbra à Cracovie et de Tolède à Prague ; à la Renaissance, les cités du Nord de l’Italie, des Flandre
1218 rd, de Coimbra à Cracovie et de Tolède à Prague ; à la Renaissance, les cités du Nord de l’Italie, des Flandres, de la Bo
1219 it de la France un désert culturel, en mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’il n’avait pas bannis. Le grand
1220 ner : Europe politique = fédération continentale à partir des régions L’Europe que nous devons vouloir et qui est la s
1221 ennent et renforcent le principe. Je ne crois pas à une Europe des États-nations souverains, parce qu’on ne peut pas fond
1222 n sur l’obstacle par excellence et par définition à toute union. Je l’ai dit souvent : l’Europe des États, rêvée par de G
1223 assin écologique, ou avec une ethnie. Ces régions à géométrie variable se recouperont de diverses manières, sans presque
1224 é indépendante (jusqu’en 1848, date de l’adhésion à la Suisse) sont ma patrie. En tant que citoyen du canton de Neuchâtel
1225 nsembles — patrie, nation, langue — correspondent à trois territoires différents. Du point de vue religieux, je relève du
1226 que, ou juif, ou communiste.) Enfin, j’appartiens à une vingtaine de sociétés locales, régionales, continentales et mondi
1227 elever d’un seul pouvoir central qui les limitera à un seul territoire, je crierais au fou, — et ce fou serait Napoléon,
1228 is plus encore dans l’appropriation des personnes à la Vérité unique, dont nul n’est maître. Cette diversité, à la limite
1229 é unique, dont nul n’est maître. Cette diversité, à la limite, ruine toute Église en tant qu’institution, au même titre q
1230 ce séculaire montre suffisamment qu’il n’y a rien à attendre à cet égard des gouvernements comme tels, soit ecclésiastiqu
39 1973, Articles divers (1970-1973). « La famille est devenue un choix » (23 septembre 1973)
1231 ns Suite neuchâteloise : « Cela fait, au début et à la fin, pas mal de robes et de rabats » et entre-temps plus de deux s
1232 it des recherches généalogiques qui l’ont conduit à de surprenantes découvertes. Ce fils de pasteur compte parmi lointain
1233 n 1360. On trouve également un abbé de Rougemont, à Neuchâtel, en 1372. Quand la ville était principauté prussienne, Fréd
1234 sienne, Frédéric II, prince de Neuchâtel, a donné à Denis de Rougemont une lettre de reconnaissance de noblesse. Je suis
1235 taine. Sur les trente-deux ancêtres de votre père à la cinquième génération, vous comptez quatorze Neuchâtelois, un Holla
1236 uisse. Vous habitez en France. J’ai besoin d’être à cheval sur une frontière. Je sens les choses françaises comme si j’ét
1237 ntraire très suisse. Les Suisses étaient destinés à être des Européens. Votre vie intellectuelle commence à Paris ? Oui,
1238 des Européens. Votre vie intellectuelle commence à Paris ? Oui, j’y ai publié mes premiers livres. La France ou la Suiss
1239 isse ? Je me sentirais très mal si j’étais limité à l’une ou à l’autre. « Comment ne pas croire à l’influence des profess
1240 e sentirais très mal si j’étais limité à l’une ou à l’autre. « Comment ne pas croire à l’influence des professions hérédi
1241 ité à l’une ou à l’autre. « Comment ne pas croire à l’influence des professions héréditaires » ? C’est vous qui l’écrivez
1242 ’est vous qui l’écrivez. Vous n’avez jamais songé à être pasteur ? Il est intéressant de savoir d’où l’on vient. Cela ne
1243 ais je suis tourné vers l’avenir. Avez-vous songé à l’Église ? Quand je suis parti pour Vienne, j’étais très loin de l’Ég
1244 pris que j’étais écrivain. J’avais lu un Paradis à l’ombre des épées, de Montherlant. J’ai écrit une critique que j’ai e
1245 herlant. J’ai écrit une critique que j’ai envoyée à une revue à Genève qui l’a publiée. Je n’en étais pas plus fier pour
1246 i écrit une critique que j’ai envoyée à une revue à Genève qui l’a publiée. Je n’en étais pas plus fier pour ça : je me v
1247 t scandale. J’ai été très influencé par lui jusqu’ à l’âge de 18 ans. De votre mère ? À 97 ans, elle est comme un fil. Je
1248 par lui jusqu’à l’âge de 18 ans. De votre mère ? À 97 ans, elle est comme un fil. Je lui ressemble physiquement. Elle vi
1249 gue, ma fille assistante du maître de conférences à l’Université de Paris. C’est amusant, car elle est enseignante et moi
40 1973, Articles divers (1970-1973). Sur la taille des régions (octobre 1973)
1250 strialisées et bétonnées pour être « compétitives à l’échelle européenne ». Mais « compétitives » avec quoi ? — Avec les
1251 fait, les Savoyards se moquent bien que la région à laquelle on les a rattachés soit déclarée « compétitive » avec la Ruh
1252 ompétitive : l’adjectif ne saurait s’appliquer qu’ à une firme. Dassault, Fiat, Péchiney peuvent être « compétitifs » avec
1253 peuvent être « compétitifs » avec ce qui se fait à Détroit, à Essen ou à Bâle, mais si une de ces firmes s’installait da
1254 re « compétitifs » avec ce qui se fait à Détroit, à Essen ou à Bâle, mais si une de ces firmes s’installait dans Rhône-Al
1255 itifs » avec ce qui se fait à Détroit, à Essen ou à Bâle, mais si une de ces firmes s’installait dans Rhône-Alpes, ce ser
1256 s grandes firmes et l’État central seraient seuls à se partager les avantages éventuels. La prétention compétitive serait
1257 phalen intéresse peut-être quelques statisticiens à l’échelon national (c’est-à-dire à Paris), mais ce qui intéresserait
1258 statisticiens à l’échelon national (c’est-à-dire à Paris), mais ce qui intéresserait les habitants de la région serait d
1259 llemagne se divise en Länder, l’Italie en régions à parlements élus, la Grande-Bretagne procède à une « dévolution » des
1260 ons à parlements élus, la Grande-Bretagne procède à une « dévolution » des pouvoirs de la capitale aux conseils locaux, e
1261 (encore que le pouvoir central entende l’imposer à sa manière). Ce ne sont là que signes avant-coureurs d’un phénomène b
1262 as contradictoire avec la tendance qui nous porte à la fédération du continent. Car seules les petites unités accepteront
41 1973, Articles divers (1970-1973). Une possibilité européenne : la région genevoise (novembre 1973)
1263 s mythes nationaux — tout nous pousse aujourd’hui à chercher des formes de communauté nouvelles ou renouvelées, utopiques
1264 ans la villa qu’occupait la délégation française, à Versoix. De la terrasse, il lui fit admirer le paysage, en précisant
1265 t, aimeraient faire autre chose que de poser huit à neuf-cents fois par jour les mêmes questions convenues (personne n’y
1266 rres et des traités, et qui ne correspondent plus à nulle réalité, ni ethnique ni économique. Sur toutes les frontières d
1267 es ou bloquées par un cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté » (d’ailleur
1268 uées par un cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté » (d’ailleurs de plus
1269 laire des travailleurs français : 23 000 environ, à cette date, viennent chaque matin à Genève, et rentrent le soir en Fr
1270  000 environ, à cette date, viennent chaque matin à Genève, et rentrent le soir en France. Cette région s’étend dans un r
1271 fin une région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribourg et Lausa
1272 e, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribourg et Lausanne, Grenoble, Lyon et Genè
1273 lissements d’enseignement supérieur, densité tout à fait exceptionnelle, entre lesquels des liens spéciaux pourraient s’i
1274 nstituer. Or, cette région se trouve correspondre à l’aire du franco-provençal, insérée depuis le xe siècle entre la lan
1275 paralyser par la fiction, décidément indéfendable à tous points de vue, des frontières nationales héritées d’autres âges.
1276 mandie tout entière, et dans une mesure qui reste à déterminer, l’Isère, le Val d’Aoste et la Franche-Comté. ⁂ Il est fac
1277 as, c’est-à-dire des communes. Mais quoi, de 1815 à 1919, ces facteurs ancestraux de division n’ont nullement empêché la
1278 ue les cordons douaniers ne séparaient pas. C’est à partir du coup de force de Poincaré que tout s’est gâté. Et l’on a, s
1279 ité confessionnelle inversée (54 % de catholiques à Genève). Restent les seules frontières, les seuls cordons douaniers,
1280 ris, partout ailleurs indéfendables. Et demeurent à réconcilier les grands noms de la culture dans nos régions : Jean Cal
1281 leur inconscient. Avant que Genève ne fût annexée à la France, en 1798, Charles Pictet de Rochemont, le futur négociateur
1282 opuscules en dialecte savoyard. ⁂ C’est l’École, à ses trois degrés, qui nous a convaincus que nous étions différents au
1283 rés, qu’il faut refaire l’éducation des citoyens, à partir des réalités, qui sont locales et régionales d’abord, puis con
42 1973, Articles divers (1970-1973). Face à la crise de notre continent, l’utopie de Denis de Rougemont : l’Europe des régions (1er-2 décembre 1973)
1284 Face à la crise de notre continent, l’utopie de Denis de Rougemont : l’Europ
1285 e politique commune, à cause de leurs prétentions à la souveraineté absolue, les voici tous livrés aux volontés de quelqu
1286 e à partir de nos vies quotidiennes, pour aboutir à une société organisée à l’échelle continentale. La formule de l’État-
1287 uotidiennes, pour aboutir à une société organisée à l’échelle continentale. La formule de l’État-nation est à bout de cou
1288 at-nation est à bout de course. Nous devons viser à la dépasser à la fois par en haut, en créant une fédération à l’échel
1289 r à la fois par en haut, en créant une fédération à l’échelle continentale, et par en bas en organisant les régions. Les
1290 découper dans le terrain. On nous a trop appris, à l’école, à dessiner des pays comme des entités fermées. Sur nos « cro
1291 ans le terrain. On nous a trop appris, à l’école, à dessiner des pays comme des entités fermées. Sur nos « croquis », les
1292 y a aucune raison que ces fonctions correspondent à une seule et même aire géographique. Citez-nous un exemple. À l’Insti
1293 et même aire géographique. Citez-nous un exemple. À l’Institut universitaire d’études européennes, que je dirige, nous ét
1294 lémano-alpine. Nous avons distingué dans ce cadre à géométrie variable différentes régions, dont les aires géographiques
1295 n, de Cointrin, de la centrale nucléaire projetée à Verbois ; ou encore une région universitaire, qui va de Saint-Étienne
1296 une région universitaire, qui va de Saint-Étienne à Neuchâtel et de Besançon à Aoste, en passant par Lyon, Grenoble, Cham
1297 ui va de Saint-Étienne à Neuchâtel et de Besançon à Aoste, en passant par Lyon, Grenoble, Chambéry, Genève, Lausanne et F
1298 omment coordonner toutes ces activités régionales à l’échelle de l’Europe ? En créant au niveau continental des agences f
1299 certer et de prendre les décisions communautaires à l’échelle du continent. Quelque chose comme nos départements fédéraux
1300 s seuls partis, car ceux-ci ne correspondent plus à grand-chose aujourd’hui. Ce que je souhaite, personnellement, c’est l
1301 tant, c’est qu’il existe au-dessus des régions et à leur service une fonction proprement politique, d’arbitrage et d’équi
1302 re les différentes fonctions particulières. C’est à ce niveau qu’il faudrait un Conseil élu par le peuple européen et com
1303 z l’existence des États-nations comme une entrave à l’engagement des citoyens dans leurs communautés naturelles régionale
1304 ente, dont les rythmes de changement sont de cinq à dix ans, alors que nos frontières politiques ont été établies dans la
1305 r certains intérêts nationaux, mais, pour revenir à mon sujet, il me semble que rien ne les empêche de chercher à s’adapt
1306 il me semble que rien ne les empêche de chercher à s’adapter aux réalités régionales. … sans se faire l’avocat du diable
1307 sociétés multinationales profite essentiellement à ces dernières ! Certes, elles cherchent d’abord leur profit et c’est
1308 épète, rien ne les empêche d’accorder leur profit à celui d’une région, et certaines le font. Disons, pour résumer beauco
1309 gions, mais dans le cadre d’une politique commune à l’échelle continentale, la question se poserait en termes complètemen
1310 ement différents. Si les régions avaient leur mot à dire à propos de tout ce qui se passe sur leur territoire, par exempl
1311 n ! Devant les enseignants, vous avez reproché à l’école traditionnelle d’enseigner l’histoire et la géographie à part
1312 tionnelle d’enseigner l’histoire et la géographie à partir du seul cadre national, et vous avez suggéré que l’on parte pl
1313 s élèves. Vous vous souvenez qu’on vous apprenait à énumérer les affluents de l’Amazone, alors qu’on ne vous disait rien,
1314 le mieux, des curiosités les plus vite éveillées à son âge, celles qui concernent sa région, son économie, et aussi son
1315 s qu’elle a laissées dans nos vies, on arriverait à de meilleurs résultats « européens » sans faire la moindre propagande
1316 c’est une question vitale. Où est-elle sensible ? À l’échelle locale le plus souvent. L’empoisonnement des rivières, la p
1317 . Et à partir de ces réalités, on peut les amener à se poser des questions sur la vie réelle, sur l’économie et les resso
1318 es, et finalement sur les décisions qu’ils auront à prendre comme citoyens de leur région et de l’Europe des régions fédé
1319  ! bg. Rougemont Denis de, « [Entretien] Face à la crise de notre continent, l’utopie de Denis de Rougemont : l’Europ