1
toujours frappé, et ceci prouve que la liturgie n’
est
pas seulement l’expression d’une émotion mais un moyen mnémotechnique
2
vre : je le prends dans son sens étymologique qui
est
très proche de formation. Il y a des livres de pure information, comm
3
mation, comme on dit, d’information courante, qui
sont
les dictionnaires, les encyclopédies, qui sont des réservoirs de rece
4
ui sont les dictionnaires, les encyclopédies, qui
sont
des réservoirs de recettes, de noms, de dates, des « data banks » com
5
ses éléments constitutifs que les transistors qui
sont
pour moi le comble de l’élégance en technique, ce petit truc tout sim
6
ur l’infinité des directions possibles. Alors, qu’
est
-ce qui produit cet effet d’orientation, d’organisation de l’informati
7
uefois le style ; dans ce cas, c’est le style qui
est
le message même du livre, qui fonctionne donc comme orientateur, comm
8
dans un ouvrage philosophique, ou quelquefois ce
sont
simplement des situations dans un ouvrage romanesque. Mais toujours u
9
ue. Mais toujours un livre digne du nom de livre,
est
un appareil qui fonctionne de cette manière-là, opère, transmet son m
10
de cette manière-là, opère, transmet son message,
est
lui-même un message, plus ou moins bien imprimé ensuite ou stocké dan
11
individuelle, dans cette banque d’informations qu’
est
la mémoire individuelle. Donc il semble que la fonction essentielle d
12
s, c’est de faire passer un message unique et qui
est
global, qui tient à tout le livre, qui tient à sa composition, à sa s
13
’une certaine manière. Quand nous disons que nous
sommes
« absorbés » dans un livre, est-ce que c’est lui qui nous absorbe ou
14
isons que nous sommes « absorbés » dans un livre,
est
-ce que c’est lui qui nous absorbe ou nous qui l’absorbons ? C’est une
15
uand tu l’auras pris, mange-le, dévore-le ; il te
sera
très amer aux entrailles mais très doux à la bouche et après cela tu
16
tu pourras simplement agir ou méditer ». Nous ne
sommes
pas tous destinés à devenir des prophètes. Mais vous voyez qu’il y a
17
i existe dans un livre, dans ce petit appareil qu’
est
le livre dont on ne sait jamais si c’est lui qui nous avale, ou nous
18
pas, puisqu’on parle d’information, que le livre
est
une manière surannée d’informer les gens. La radio, la télévision ou
19
si l’on veut sauver la spécificité du livre, doit
être
dans le sens de ces quelques lignes de Nietzsche que je vais vous lir
20
l’annonce que je vous citais]. Car la philologie
est
cet art vénérable qui, de ses admirateurs, exige avant tout une chose
21
d’orfèvre. C’est justement à cause de cela qu’il
est
aujourd’hui plus nécessaire que jamais, justement par là que le livre
22
t vite en finir de toutes choses, même d’un livre
fût
-il ancien ou nouveau. Il enseigne à bien lire, c’est-à-dire lentement
23
ertain nombre de questions posées. Eh bien, ce ne
sont
pas les sujets qui manquent, ce qui est difficile, c’est le temps de
24
n, ce ne sont pas les sujets qui manquent, ce qui
est
difficile, c’est le temps de lente lecture pour bien se pénétrer des
25
les moyens de communication de masse — écrit-on —
sont
en fait de plus en plus centralisés, contrôlés, par un nombre de plus
26
le même rôle que le livre, c’est-à-dire qui peut
être
comme le livre un agent d’individualisme, d’individualisation en face
27
ualisation en face de cet agent collectivisant qu’
est
la télévision. On a fait remarquer que la télévision recrée le tribal
28
tribu, une partie même de la nation, si la nation
est
grande. Vous n’avez aucun moyen de répliquer. Vous pouvez protester q
29
vaine, sans aucune suite. Tandis que la situation
est
complètement différente quand vous êtes devant votre bibliothèque per
30
situation est complètement différente quand vous
êtes
devant votre bibliothèque personnelle. Vous pouvez choisir, Louis Arm
31
suivant votre humeur, quand vous voulez, le livre
est
toujours disponible et prêt à correspondre à votre humeur, à votre cu
32
lors, je pense que loin de dire que le livre doit
être
supplanté par la télévision, il nous faut le développer tant que nous
33
nous imposer certaines doctrines officielles qui
sont
, en effet, maniées uniquement par les gens qui ont le pouvoir et les
34
ans les programmes. Et alors, on se disait : « Qu’
est
-ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’il faut créer un poste européen de té
35
rs, on se disait : « Qu’est-ce qu’il faut faire ?
Est
-ce qu’il faut créer un poste européen de télévision ? » Ça sera très
36
faut créer un poste européen de télévision ? » Ça
sera
très difficile d’abord de le créer, et de le financer, et ensuite de
37
on, sur son poste personnel, des petits films qui
sont
comme l’équivalent du microsillon. C’est dans cette toute petite boît
38
cela. C’est la cassette. C’est un palliatif. Ce n’
est
pas suffisant, mais c’est l’équivalent du livre par rapport à la télé
39
e pense pas. Il y a des gens pour lesquels l’ouïe
est
le sens le plus développé et d’autres pour qui c’est la vision. On pe
40
différentes. Quelqu’un me demande « si le livre
étant
tributaire de la langue, il n’y aurait pas lieu de développer la rech
41
j’ai insisté tout à l’heure, alors là, la langue
est
essentielle. La langue fait partie du message du livre. L’espéranto n
42
nto ne le fera jamais. La langue française, si on
est
de langue française, ça vous apporte plus que de l’information object
43
de bureau, le contremaître, aient assez de temps.
Est
-ce que, face au rythme de la vie actuelle auquel nous sommes tous sou
44
ue, face au rythme de la vie actuelle auquel nous
sommes
tous soumis, il est encore possible de se ménager des moments de lent
45
a vie actuelle auquel nous sommes tous soumis, il
est
encore possible de se ménager des moments de lente lecture ? » Premiè
46
ts de lente lecture ? » Première remarque : ce ne
sont
pas les gens qui ont le plus de temps qui lisent le mieux, ni même qu
47
même qui lisent le plus. Je connais des gens qui
sont
tout à fait dans le style employé de bureau, femme de ménage, contrem
48
oyé de bureau, femme de ménage, contremaître, qui
sont
d’énormes lecteurs. Ils trouvent toujours le temps nécessaire, aux dé
49
s du travail. C’est en train de changer. L’accent
est
en train de passer sur le temps des loisirs, de la culture, parce que
50
à mesure [que] l’automation se développera. Ce n’
est
pas à mon voisin, que j’irai apprendre ce genre de choses. Je pense q
51
, l’aiguille va passer du travail au loisir et ce
sera
pour le loisir, sérieux de la vie, qu’on travaillera un petit peu, po
52
ses parce que vous savez très bien que les revues
sont
faites en bonne partie de chapitres de livres publiés d’avance ou de
53
mmun. Un malentendu tragique et ridicule Tel
est
le malentendu tragique et ridicule qui bloque depuis vingt ans tous l
54
ère, voici quelques exemples. Le mot fédéralisme
est
tabou à Strasbourg, déclarait il y a quelques années un représentant
55
en ce temps-là (il a changé d’avis depuis) : Ce n’
est
pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même qu
56
depuis) : Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’
est
pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut ?
57
e à sa haute école, parce qu’ici, disait-il, nous
sommes
fédéralistes ! Je n’ai cité que des européistes on ne peut plus engag
58
que des européistes on ne peut plus engagés. Que
sera
-ce ailleurs, dans la grande presse, dans la grande masse des citoyens
59
esse, dans la grande masse des citoyens dont il n’
est
pas exclu qu’avant longtemps on l’appelle à se prononcer sur la quest
60
en ces termes : « La Grande-Bretagne et la France
sont
toutes deux également convaincues que leur premier devoir à l’égard d
61
nt tout à la définition de ses objectifs communs,
est
de préserver leur personnalité individuelle en tant que nation. » Je
62
» Je m’assure que ce qu’a dit Maurice Schumann n’
était
nullement censé « traduire » un refus de la formule fédérale — bien a
63
s de la formule fédérale — bien au contraire ! Il
est
clair que l’erreur est le fait du journaliste, mais ce qui frappe, c’
64
e — bien au contraire ! Il est clair que l’erreur
est
le fait du journaliste, mais ce qui frappe, c’est qu’elle ait pu pass
65
ux citations qui l’illustrent : 1) Le fédéralisme
était
une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
66
ins. Thiers, Histoire de la Révolution. La cause
est
entendue : le fédéralisme est un système bon pour les sauvages, et en
67
volution. La cause est entendue : le fédéralisme
est
un système bon pour les sauvages, et en France il mérite l’échafaud,
68
sauvages, et en France il mérite l’échafaud, qui
est
le sort des traîtres à la République. Ainsi, le Français cultivé se v
69
me, inverse de la première mais non moins fausse,
est
la plus répandue en Amérique. Si les Vaudois se disent fédéralistes c
70
s, et cela change tout, ces erreurs populaires ne
sont
point partagées par les hommes politiques responsables de ces pays. C
71
s pour les sauvegarder, car, faute d’union, elles
seraient
vite absorbées par une puissance voisine. Le fédéralisme repose essen
72
promis : si le consensus dans tous les domaines n’
est
pas désirable ou ne peut être atteint, on le réduit à certains domain
73
tous les domaines n’est pas désirable ou ne peut
être
atteint, on le réduit à certains domaines. Sur un pacte ou quasi-trai
74
, d’impulsion et de création, mais plusieurs. Il
est
frappant de retrouver sous la plume du gouverneur républicain d’un Ét
75
de la vie publique comme de la vie organique, ils
sont
conditions l’un de l’autre. Le refus d’assumer le paradoxe et l’incap
76
ire ses exigences en termes de politique concrète
sont
causes des confusions de langage que j’ai citées et se révèlent néces
77
s questions de mots », si l’on veut. Pourtant, il
serait
fou d’espérer que l’Europe se fasse un jour dans l’histoire si elle n
78
E. Pour l’instant, les principales préoccupations
sont
d’ordre économique. Pensez-vous, Denis de Rougemont, que c’est là la
79
mon sens, mais qui explique pourquoi la Suisse n’
est
entrée que dans l’AELE et a refusé jusqu’ici d’entrer dans la CEE. Pa
80
qu’à des avantages commerciaux, par exemple, qui
sont
ceux du libre-échange, tandis que la CEE n’a jamais caché depuis le d
81
isation de notre économie, si nous ne voulons pas
être
« américanisés », comme on le dit tous les jours, c’est qu’il y a d’a
82
us les jours, c’est qu’il y a d’autres choses qui
sont
non moins sérieuses que l’économie, qui sont même beaucoup plus série
83
qui sont non moins sérieuses que l’économie, qui
sont
même beaucoup plus sérieuses, qui sont, par exemple, nos libertés, no
84
nomie, qui sont même beaucoup plus sérieuses, qui
sont
, par exemple, nos libertés, nos modes de vie… Et c’est à cause de cel
85
urope doit s’opérer sur tous les plans. Elle doit
être
sociale autant qu’économique, elle doit être technique, elle doit êtr
86
doit être sociale autant qu’économique, elle doit
être
technique, elle doit être universitaire, scientifique, politique et c
87
u’économique, elle doit être technique, elle doit
être
universitaire, scientifique, politique et culturelle. Car, en fait, s
88
ité que l’on peut fonder une union solide. Quelle
est
cette unité ? Eh bien ! de culture. Il n’y a pas de cultures national
89
s thèmes de nos réflexions historiques, tout cela
est
complètement commun à tous les Européens. N’a jamais été l’apanage d’
90
plètement commun à tous les Européens. N’a jamais
été
l’apanage d’un seul de nos pays. Ne s’est jamais arrêté aux frontière
91
jamais été l’apanage d’un seul de nos pays. Ne s’
est
jamais arrêté aux frontières actuelles de nos pays, qui n’existaient
92
bel et bien. Donc, sur cette unité de culture qui
est
commune aux Suisses et à tous les voisins de ce pays, on peut édifier
93
de vue, un écrivain allemand ou suisse alémanique
est
très proche d’un écrivain français ou espagnol ? Beaucoup plus qu’il
94
dans les temples, de la peinture religieuse. Ce n’
est
qu’en Europe que l’on a utilisé tous ces procédés tels que le sonnet,
95
t, le tableau, la symphonie. Toutes ces choses-là
sont
des créations communes à tous les Européens et rapprochent naturellem
96
égration sous toutes ses formes, quelles qu’elles
soient
, quelle part pourrait prendre la Suisse ? Beaucoup à apporter A
97
coup à apporter Alors, je pense que la réponse
est
simple. La Suisse a beaucoup à apporter dans l’union de l’Europe. Ell
98
l’union de l’Europe. Elle a à apporter ce qu’elle
est
, ce qu’elle est devenue au cours des siècles, c’est-à-dire la formule
99
ope. Elle a à apporter ce qu’elle est, ce qu’elle
est
devenue au cours des siècles, c’est-à-dire la formule fédérale. C’est
100
érale. C’est sur cette formule-là que la Suisse s’
est
faite peu à peu, qu’elle s’est créée sous la forme d’une confédératio
101
là que la Suisse s’est faite peu à peu, qu’elle s’
est
créée sous la forme d’une confédération en 1848. Et depuis lors, elle
102
sez-vous que la Suisse comprenne exactement ce qu’
est
le fédéralisme ? Le fédéralisme est l’une des choses les plus diffici
103
ctement ce qu’est le fédéralisme ? Le fédéralisme
est
l’une des choses les plus difficiles à comprendre, et même à vivre, q
104
à la télévision suisse romande : « La Suisse doit
être
modeste, elle doit proportionner ses interventions sur le plan de la
105
pays, qui n’a qu’une petite armée, encore que ce
soit
la plus forte d’Europe !)… que ce n’est pas une grande puissance comm
106
e que ce soit la plus forte d’Europe !)… que ce n’
est
pas une grande puissance comme les États-Unis ou la Russie… » J’estim
107
politique étrangère, de la politique générale, ce
sont
les initiatives, les exemples qu’il peut donner, les initiatives qu’i
108
peut prendre. Si l’importance politique d’un pays
était
mesurée uniquement à sa taille, à l’importance de son armée et de son
109
ent eu contre eux l’opinion du monde entier. Ce n’
est
donc pas du tout la force, comme on le répète toujours, qui dirige le
110
toute son histoire, elle sortirait de ce que nous
sommes
, nous Suisses, dont nous avons à prendre toujours mieux conscience na
111
uivrait. On suivrait la Suisse, si petite qu’elle
soit
, parce qu’elle aurait une grande idée. La Suisse, si petite qu’elle s
112
ait une grande idée. La Suisse, si petite qu’elle
soit
, n’aurait pas seulement un rôle de parti minoritaire à jouer au sein
113
dre conscience … Non ! Elle aurait un rôle qui
serait
peut-être décisif, qui serait de donner justement la formule de l’ave
114
aurait un rôle qui serait peut-être décisif, qui
serait
de donner justement la formule de l’avenir européen. Naturellement, a
115
enir européen. Naturellement, avant que la Suisse
soit
capable de le faire, de le proposer sur un plan international, il fau
116
Suisses, prenions conscience plus claire de ce qu’
est
notre fédéralisme, des richesses de cette formule chez nous. Il faut
117
ais voir plus loin, voir qu’il y a des tâches qui
sont
de dimensions continentales, européennes, et que la raison, le bon se
118
e puisqu’il manque d’initiative ? Qu’en sait-on ?
Est
-ce qu’on a jamais demandé aux Suisses ce qu’ils pensaient de l’Europe
119
n, selon la formule fédérale, la seule qui puisse
être
acceptable aux yeux des Suisses ? On n’a jamais fait cette enquête, q
120
ui va former de nouvelles générations, lesquelles
seront
complètement d’accord d’entrer dans une Europe unie. Elles trouveront
121
és — d’avoir gardé une prudence exemplaire, qui n’
est
exemplaire pour personne et qui fait que nous sommes restés à la traî
122
est exemplaire pour personne et qui fait que nous
sommes
restés à la traîne loin derrière les autres. Alors que toute notre hi
123
uger par les récentes déclarations des hommes qui
sont
chargés notamment de nos affaires étrangères. c. Rougemont Denis
124
isse à l’égard de l’Europe ? Cette question, nous
sommes
en droit de la poser et nous pouvons partiellement y répondre. 1969,
125
uvons partiellement y répondre. 1969, en effet, a
été
l’année des voyages. Voyages de nos conseillers fédéraux à l’étranger
126
sse, à un pionnier de l’Europe unie. Ces qualités
sont
réunies dans la même personnalité. Je veux parler de Denis de Rougemo
127
auquel, d’ailleurs, il s’attendait : Je n’ai pas
été
surpris par la décision de la Fondation Freiherr von Stein puisque, e
128
nier déjà, elle avait annoncé que le prix 1970 me
serait
décerné. Quelle signification attachez-vous au fait que ce soit à vou
129
Quelle signification attachez-vous au fait que ce
soit
à vous, écrivain et directeur du Centre européen de la culture, que s
130
t directeur du Centre européen de la culture, que
sera
attribué cette année le prix Robert Schuman ? J’y vois essentiellemen
131
es et sans toujours beaucoup d’appuis. Or ce prix
est
un appui formel. Vous êtes donc particulièrement satisfait ? Enchanté
132
up d’appuis. Or ce prix est un appui formel. Vous
êtes
donc particulièrement satisfait ? Enchanté ! D’abord parce que cette
133
? Enchanté ! D’abord parce que cette distinction
est
un prix politique qui fait suite, après un prix théologique, à une sé
134
vain, c’est toujours un plaisir particulier que d’
être
récompensé pour des travaux réalisés en marge de son métier propre. E
135
aux réalisés en marge de son métier propre. Et ce
sont
mes livres sur l’Europe et mon activité au Centre européen de la cult
136
lstein. Il faut rappeler enfin que Robert Schuman
fut
président du Centre européen de la culture que je dirige. Et, de rece
137
dirige. Et, de recevoir un prix qui porte son nom
est
aussi, pour moi, un sujet de satisfaction. e. Rougemont Denis de,
138
une somme de 25 000 marks, le prix Robert Schuman
est
remis chaque année par le recteur de l’Université de Bonn. Il a été c
139
nnée par le recteur de l’Université de Bonn. Il a
été
créé en 1966 par la Fondation FVS, à Hambourg, et est destiné à récom
140
créé en 1966 par la Fondation FVS, à Hambourg, et
est
destiné à récompenser les Européens qui, par leurs travaux ou leurs r
141
ro du 24 mars, permettez-moi une remarque dont je
serais
obligé de faire part à vos lecteurs. « L’acte de reconnaissance » mis
142
nnaissait pas du tout) mais simplement que je lui
suis
reconnaissant d’avoir reconnu le travail du Centre européen de la cul
143
La passion en 1970,
est
-ce possible ? (mai 1970)i « La passion, écrit Denis de Rougemont,
144
1970)i « La passion, écrit Denis de Rougemont,
est
cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat, fuit le prochain, veut
145
tre les amants ? La distance matérielle ou morale
est
abolie. Les avions ont réduit les séparations ; la psychanalyse a rui
146
ychanalyse a ruiné les tabous ; les plans sociaux
sont
nivelés et les princesses épousent des photographes ; le mariage, aff
147
Et la passion, dans nos mariages modernes, qui ne
sont
en principe que des mariages de passion, comment s’accommode-t-elle d
148
un conflit, si toutefois on parle de passion, qui
est
autre chose que l’amour. En effet, si l’on se marie en état de passio
149
rhume de cerveau, quand l’esprit et ses facultés
sont
embrumés et en état de transe. La décision risque de n’être pas excel
150
més et en état de transe. La décision risque de n’
être
pas excellente. La passion, d’autre part, est une projection narcissi
151
n’être pas excellente. La passion, d’autre part,
est
une projection narcissique : on aime, en l’autre, la projection de so
152
que de la relation. Pour moi, un mariage réussi l’
est
, quand les deux conjoints estiment que leur vie commune est favorable
153
les deux conjoints estiment que leur vie commune
est
favorable à l’épanouissement de chacun. C’est le contraire d’une rela
154
p mauvais mariages. Pourquoi les seconds mariages
sont
-ils souvent plus heureux que les premiers ? C’est que les premiers n’
155
ureux que les premiers ? C’est que les premiers n’
étaient
que des mariages-maquettes. Pour moi, le mariage, si on veut faire un
156
iage, si on veut faire une comparaison politique,
est
le type même d’un rapport fédéral : l’association de deux éléments co
157
es pour l’égalité avec les hommes, alors qu’elles
sont
plutôt complémentaires. Je suis contre l’égalité, dit-il, c’est la so
158
s, alors qu’elles sont plutôt complémentaires. Je
suis
contre l’égalité, dit-il, c’est la source de toutes les tyrannies. En
159
Pour Denis de Rougemont, ces obstacles n’ont pas
été
supprimés, ils ont été déplacés. On parle un peu abusivement de la su
160
t, ces obstacles n’ont pas été supprimés, ils ont
été
déplacés. On parle un peu abusivement de la suppression des tabous. L
161
sion des tabous. Le tabou sexuel, par exemple. Il
est
certain que, depuis Freud, le sexe n’est plus passé sous silence. Cel
162
mple. Il est certain que, depuis Freud, le sexe n’
est
plus passé sous silence. Cela dit, nous n’avons rien inventé et l’exp
163
us n’avons rien inventé et l’explosion sexuelle s’
est
surtout produite au niveau de la parole et de l’information, qui donn
164
» ! Les interdits, les tabous, les convenances ne
sont
pas arbitraires. Ils expriment des répulsions humaines. Supprimez des
165
éposée entre eux, symbole de chasteté. La passion
est
toujours possible. Le mythe de Tristan et Iseut est assez rusé pour s
166
t toujours possible. Le mythe de Tristan et Iseut
est
assez rusé pour se reproduire, quelles que soient les circonstances.
167
ut est assez rusé pour se reproduire, quelles que
soient
les circonstances. i. Rougemont Denis de, « [Entretien] La passion
168
emont Denis de, « [Entretien] La passion en 1970,
est
-ce possible ? », Marie Claire, Paris, mai 1970, p. 21.
169
nos vraies diversités » (mai-juin 1970)h Vous
êtes
l’auteur d’une phrase fameuse : « Il faut faire des Européens avant d
170
ir ? Le véritable centre de gravité de ma théorie
est
le mythe de l’« État-nation », tel que Napoléon en a posé le modèle,
171
Rien de plus hostile à toute espèce d’union tant
soit
peu sérieuse que cet État-nation qui se révèle incapable de répondre
172
ttre pour survivre. Aujourd’hui que le nécessaire
est
assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influence plus idéologi
173
un mot. Par quelles structures pensez-vous qu’il
soit
possible de l’établir ? J’admets qu’il y a une pluralité d’allégeance
174
ques, etc.) à la mesure des décisions qui doivent
être
prises. Autant l’Europe des nations était simpliste, autant l’Europe
175
doivent être prises. Autant l’Europe des nations
était
simpliste, autant l’Europe des régions sera complexe, mais combien pl
176
ions était simpliste, autant l’Europe des régions
sera
complexe, mais combien plus simple à vivre ! Je vois l’Europe comme u
177
sordonné… Ne craignez-vous pas l’utopie ? Comment
sera-t
-il possible de changer le système actuel de notre société, irréversib
178
pour établir un ordre universel nouveau. Le monde
est
à la limite de ses possibilités : les lacs ne sont plus nageables, le
179
est à la limite de ses possibilités : les lacs ne
sont
plus nageables, les rues ne sont plus respirables, les villes ne sont
180
és : les lacs ne sont plus nageables, les rues ne
sont
plus respirables, les villes ne sont plus gouvernables, l’explosion d
181
les rues ne sont plus respirables, les villes ne
sont
plus gouvernables, l’explosion de population est formidable. Tous les
182
sont plus gouvernables, l’explosion de population
est
formidable. Tous les équilibres anciens sont détruits : prenez les vi
183
ation est formidable. Tous les équilibres anciens
sont
détruits : prenez les villages qui éclatent, le paysage qu’on saccage
184
mmune comme dénominateur commun : là aussi, je ne
suis
pas d’accord. La politique ne doit pas être une activité séparée : c’
185
je ne suis pas d’accord. La politique ne doit pas
être
une activité séparée : c’est la vie dans la cité, « l’art d’aménager
186
on de l’Europe : pensez-vous que le modèle suisse
soit
le meilleur et qu’il soit viable à l’échelle européenne ? Le système
187
us que le modèle suisse soit le meilleur et qu’il
soit
viable à l’échelle européenne ? Le système suisse, à mon avis, est ex
188
helle européenne ? Le système suisse, à mon avis,
est
excellent, hormis peut-être les cantons qui ne sont pas d’une origina
189
st excellent, hormis peut-être les cantons qui ne
sont
pas d’une originalité débordante. Unir les États européens en un corp
190
cantons souverains. La différence des superficies
était
certes importante au temps des diligences. Mais tout a changé avec l’
191
peut dire que pratiquement l’Europe d’aujourd’hui
est
plus petite que ne l’était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée
192
t l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que ne l’
était
la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée ; et les disparités de cou
193
ite que ne l’était la Suisse à l’époque où elle s’
est
fédérée ; et les disparités de coutumes ou de richesse, de langue, de
194
e, de langue, de confession, voire de régimes, ne
sont
guère plus marquées ou plus frappantes entre les États de l’Europe qu
195
ppantes entre les États de l’Europe qu’elles ne l’
étaient
entre les cantons suisses avant 1848. Il ne faut pas non plus oublier
196
elle et qu’il ne faudrait surtout pas renier : je
suis
persuadé que le fédéralisme européen se construira grâce aux ordinate
197
es tâches aux différents niveaux où elles doivent
être
accomplies)… Bluntschi, auteur d’un code civil cantonal, disait lui-m
198
out à l’obstacle de sa neutralité ? La neutralité
est
une survivance historique ! Elle est encore attachée à la conception
199
a neutralité est une survivance historique ! Elle
est
encore attachée à la conception de l’État-nation. Tout à fait justifi
200
rope unie dont je vous parlais tout à l’heure. Il
est
vrai que le projet d’union de l’Europe a généralement passé pour chim
201
es et les remplacer par un sentiment européen. Il
est
clair qu’une Europe une et indivisible serait tout simplement une cat
202
en. Il est clair qu’une Europe une et indivisible
serait
tout simplement une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la p
203
isse. Mais personne ne la préconise, je crois. Il
est
clair, en revanche, qu’une Europe fédérée, respectueuse de ses divers
204
s bénéfices de notre fédéralisme pour nous seuls,
serait
le plus sûr moyen de les perdre ! h. Rougemont Denis de, « S’unir,
205
Qu’
est
-ce que la culture européenne ? (juin 1970)j Dans le précieux recue
206
de titre au deuxième chapitre : L’Europe, avant d’
être
une alliance militaire ou une entité économique, doit être une commun
207
alliance militaire ou une entité économique, doit
être
une communauté culturelle. Je pense, avec Robert Schuman, qu’il est p
208
culturelle. Je pense, avec Robert Schuman, qu’il
est
possible d’unir nos pays pour cette raison littéralement fondamentale
209
e laquelle participent tous les Européens, qu’ils
soient
d’ailleurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’ils doiven
210
principes, molestés, réveillés, mis en mouvement,
fût
-ce contre nous, pour le meilleur et pour le pire. Héraclite donne l
211
ut concourt à nourrir ce paradoxe qui paraît bien
être
la loi constitutive de notre histoire et le ressort de notre pensée :
212
Bien plus, il porte la contradiction au cœur de l’
Être
, et la traduit dans l’énoncé de ses dogmes fondamentaux : la Trinité
213
, bouddhistes, ou sans croyance aucune… Mais ce n’
est
pas tout. Avec les trois sources classiques d’Athènes, de Rome et de
214
au zéro précédant la suite des nombres, mais qui
est
l’une des sources principales de la poésie amoureuse, donc de l’amour
215
nfini, mais dont la plus fréquente, de très loin,
est
le couple d’antinomies inséparables : spirituel et temporel, autorité
216
sauvegarde de nos autonomies. Car ces autonomies
seront
perdues une à une si nous refusons l’union qui, seule, ferait leur fo
217
ur force ; mais en retour, cette union ne saurait
être
acquise au prix des libertés qu’elle est censée servir. j. Rougem
218
saurait être acquise au prix des libertés qu’elle
est
censée servir. j. Rougemont Denis de, « Qu’est‑ce que la culture
219
st censée servir. j. Rougemont Denis de, « Qu’
est
‑ce que la culture européenne ? », 30 Jours d’Europe, Paris, juin 1970
220
rminant, premier dans le devenir social. L’Europe
est
, en effet, avant tout pour moi une révolution culturelle. Si vous vou
221
moi une révolution culturelle. Si vous voulez, je
suis
maoïste ! La révolution ne peut se faire que par les superstructures,
222
que par les superstructures, car l’infrastructure
est
le résultat de nos options morales, spirituelles, religieuses, d’où p
223
t le contraire du marxisme. L’homme d’aujourd’hui
est
aliéné dans le matériel, le quantitatif, qui tend à le déposséder de
224
art, que ce qui peut entraîner l’économique, ce n’
est
pas la politique. Celle-ci peut même le freiner, comme l’a démontré d
225
passe, dans ces manuels, comme si la nation avait
été
créée par Dieu ; ce serait par volonté divine que les rois de France
226
comme si la nation avait été créée par Dieu ; ce
serait
par volonté divine que les rois de France ont unifié l’hexagone, alor
227
is de France ont unifié l’hexagone, alors qu’il s’
est
agi d’une conquête par la force et la ruse… Comment avez-vous réagi,
228
de la culture, à une telle situation ? Nous nous
sommes
dit : les institutions économiques européennes ne fonctionneront que
229
ns. Alors que la seule unité d’étude intelligible
est
une culture, c’est-à-dire, dans notre cas, l’Europe. Nous avons donc
230
onférences, suivies de débats. Le thème principal
est
de savoir comment introduire le point de vue européen dans l’enseigne
231
nstruction civique, sous son aspect traditionnel,
est
la plus ennuyeuse… Notre intention n’est pas, du reste, d’introduire
232
tionnel, est la plus ennuyeuse… Notre intention n’
est
pas, du reste, d’introduire une heure de plus dans des programmes déj
233
grammes déjà surchargés, mais de montrer que tout
est
européen, qu’il ne peut plus y avoir de perspective nationaliste. Les
234
oir de perspective nationaliste. Les leçons types
sont
données dans les écoles et les stages doivent élaborer des modèles ap
235
a documentation et des critiques de livres. Quels
sont
les thèmes abordés au cours de ces stages ? L’histoire, l’économie, l
236
qui constitue la véritable politique. Des stages
sont
consacrés aussi à l’étude des stéréotypes nationaux, dans les manuels
237
e les clichés des nations les unes sur les autres
sont
toujours dépréciatifs, sauf un : fort comme un Turc ! Les clichés sur
238
comme un Turc ! Les clichés sur son propre peuple
sont
, par contre, toujours laudatifs. Par ces stages, nous cherchons à cré
239
. La Journée de l’Europe, avec les rédactions qui
sont
faites par les élèves à cette occasion, montre qu’il y a progrès, que
240
, montre qu’il y a progrès, que l’idée européenne
est
admise, qu’elle fait son chemin. Des enquêtes récentes, réalisées dan
241
et en Angleterre, ont montré que le 65 % des gens
est
pour une fédération européenne. Si l’on examine les classes d’âge, on
242
68 ? Exactement, puisque c’est à ce moment-là qu’
est
sorti un manifeste dont on n’a pas assez parlé, bien qu’il fût signé
243
manifeste dont on n’a pas assez parlé, bien qu’il
fût
signé par des gens comme Jacques Monod, Kastler, Guy Michaud, et appu
244
Kastler, Guy Michaud, et appuyé par la CFDT, qui
était
alors le plus gauchiste des syndicats. Ce manifeste demandait une féd
245
a vu reparaître beaucoup d’idées qui avaient déjà
été
défendues par notre mouvement l’Ordre nouveau. On a aussi retrouvé Pr
246
ux si on l’intègre. Le principe de la dimension a
été
constamment appliqué au CEC ; nous n’avons centralisé que ce qui fonc
247
avons centralisé que ce qui fonctionnait mieux en
étant
centralisé. Notre but était, toujours, de servir les parties composan
248
fonctionnait mieux en étant centralisé. Notre but
était
, toujours, de servir les parties composantes. Lors de la Campagne d’é
249
tutions mais, selon le principe fédéraliste, nous
sommes
en commun avec elles. Un autre principe me paraît important : il faut
250
u CEC, où les premières nécessités ressenties ont
été
de créer un laboratoire européen de recherche nucléaire et d’assurer
251
quer à l’excès les réalités socioéconomiques ? Il
est
certain que l’Europe des régions sera très complexe et diversifiée, d
252
omiques ? Il est certain que l’Europe des régions
sera
très complexe et diversifiée, d’autant plus que les régions culturell
253
s nécessairement. Je pense qu’une telle Europe ne
sera
possible que par l’intermédiaire des ordinateurs. Il conviendra, d’au
254
, de maintenir de petites communautés, lesquelles
sont
les seules à même de protéger l’individu, de l’amener à se sentir enc
255
alisme dérive directement du personnalisme. Quels
sont
, à votre avis, les obstacles à la réalisation de l’Europe ? Le fédéra
256
s à la réalisation de l’Europe ? Le fédéralisme n’
est
pas possible dans une seule nation. L’État national constitue donc l’
257
cipal. Je pense que le problème le plus important
est
celui de l’environnement, car la civilisation commence avec le respec
258
reiner le gigantisme des villes, pour que l’homme
soit
intégré à une communauté. Il faut dépasser la fausse solitude de l’ho
259
Après avoir rencontré un esprit aussi éminent, il
est
assez surprenant de retrouver la réalité des frontières et trois doua
260
e consternante médiocrité… L’Europe des esprits n’
est
pas encore, il s’en faut même de beaucoup, devenue l’Europe réelle. M
261
un véritable cri d’alarme : selon vous, l’heure n’
est
plus de savoir si on veut rester Français, Suisse ou Italien, mais si
262
ut rester Français, Suisse ou Italien, mais si on
sera
Européen ou une sorte de colonisé américain ou soviétique. Colonisé d
263
ment entre l’Amérique et la Russie soviétique. Ce
sont
deux menaces virtuelles pour les nations de l’Europe désunie mais pas
264
que la colonisation à redouter du côté soviétique
est
déjà un fait dans les pays de l’est de l’Europe, qui sont réellement
265
té soviétique est déjà un fait dans les pays de l’
est
de l’Europe, qui sont réellement colonisés… Et il n’est pas impensabl
266
à un fait dans les pays de l’est de l’Europe, qui
sont
réellement colonisés… Et il n’est pas impensable, si nous continuons
267
l’Europe, qui sont réellement colonisés… Et il n’
est
pas impensable, si nous continuons à rester divisés par nations, chac
268
communistes. Quand, par exemple, les Hongrois se
sont
soulevés en 1956, on a vu que leur appel, leur espoir, c’était l’Euro
269
rope. Vous vous rappelez que les derniers qui ont
été
tués dans le poste de Radio Budapest appelaient l’Europe à leur secou
270
C’était extrêmement tragique parce que l’Europe n’
était
pas là. Il n’y avait personne pour leur répondre. Et vous pensez que,
271
cruciale ? C’est déjà un fait pour les pays de l’
Est
. Pour ce qui est de l’Ouest, la colonisation américaine devient chaqu
272
déjà un fait pour les pays de l’Est. Pour ce qui
est
de l’Ouest, la colonisation américaine devient chaque année plus péné
273
ne quantité immense d’entreprises européennes qui
sont
contrôlées par le dollar, par le « know-how » américain sans que l’in
274
ge où j’habite depuis vingt-trois ans : quand j’y
suis
arrivé, il y avait 1800 habitants ; aujourd’hui, il y en a 5500, qui
275
habitants ; aujourd’hui, il y en a 5500, qui ont
été
amenés depuis cinq ou six ans par l’IOS, affaire américaine qui, chas
276
caine qui, chassée des États-Unis et de Suisse, s’
est
installée ici ; maintenant, on bâtit 321 appartements (1300 habitants
277
’est ce bouleversement des équilibres vivants qui
est
extrêmement grave ; et ce sera toujours pire, car aucun de nos pays n
278
ilibres vivants qui est extrêmement grave ; et ce
sera
toujours pire, car aucun de nos pays ne peut se défendre. Il n’est
279
car aucun de nos pays ne peut se défendre. Il n’
est
pas trop tard Mais ne pensez-vous pas qu’il est déjà trop tard et
280
st pas trop tard Mais ne pensez-vous pas qu’il
est
déjà trop tard et que les « États-Unis d’Europe » risquent d’être l’E
281
ard et que les « États-Unis d’Europe » risquent d’
être
l’Europe des États-Unis ? Est-ce qu’une Europe unie ne faciliterait p
282
urope » risquent d’être l’Europe des États-Unis ?
Est
-ce qu’une Europe unie ne faciliterait pas, au contraire, la pénétrati
283
anges, si nous produisons suffisamment et si nous
sommes
capables d’affirmer notre originalité européenne. Nous ne pouvons le
284
plus importants que ceux des Américains. Nous ne
sommes
pas du tout écrasés par les deux géants que sont l’Union soviétique e
285
ommes pas du tout écrasés par les deux géants que
sont
l’Union soviétique et les États-Unis. Pour employer une image, si ceu
286
s grandes découvertes des temps modernes ; tout a
été
fait en Europe, presque rien aux États-Unis. Ces derniers ont sur nou
287
ine de la technique. Cela tient au fait qu’elle s’
est
toujours défendue contre l’étranger. Dans cet état d’esprit, nous jou
288
ans cet état d’esprit, nous jouons perdants. Mais
est
-il trop tard pour renverser le courant ? On pouvait déjà le dire en 1
289
echerches nucléaires. On pouvait se dire : « Ce n’
est
pas la peine de partir, ils ont pratiquement un siècle d’avance sur n
290
nous n’avons pas tenu ce raisonnement. Nous nous
sommes
dit que les Américains avaient réussi à mettre en œuvre des découvert
291
ganisation, rien de plus. Nous avons dit : « Il n’
est
pas du tout trop tard. Nous avons les cerveaux, nous avons, par exemp
292
nt d’un appareil de recherche suffisant ». Cela s’
est
parfaitement réalisé, nous avons réussi à renverser la vapeur. De
293
erser la vapeur. De grands choix à faire Ce
serait
donc le moment de « renverser la vapeur » et nous serions aujourd’hui
294
donc le moment de « renverser la vapeur » et nous
serions
aujourd’hui à la croisée des chemins, parce que — pour la première fo
295
— pour la première fois dans l’histoire — l’homme
serait
en situation de choisir librement son avenir. Pourquoi serions-nous à
296
tuation de choisir librement son avenir. Pourquoi
serions
-nous à ce moment privilégiés ? À cause du développement des sciences
297
techniques. Jusqu’au milieu du xxe siècle, quel
était
le principal effort des hommes ? C’était la lutte contre les dangers
298
il y a eu une sorte de mouvement de bascule qui s’
est
fait et nous arrivons à un point où la production dépasse largement l
299
es on n’avait jamais réfléchi avant : l’industrie
est
en train de détruire la nature, par exemple ; cela nous pose une gran
300
une grande question : que voulons-nous en fait ?
Est
-ce plus de voitures ? Ou voulons-nous sauver la nature qui nous entou
301
car jamais avant notre génération l’homme n’avait
été
en mesure de porter des coups pareils à la terre elle-même. Maintenan
302
e elle-même. Maintenant, il a ces moyens, donc il
est
obligé d’avoir une politique. Il s’agit aujourd’hui de choisir entre
303
niveau de vie, mesuré purement quantitativement.
Est
-ce que nous voulons, comme les Américains, augmenter simplement le pr
304
e cette illusion. L’autre politique pour l’avenir
est
beaucoup plus européenne, par tradition : c’est l’attachement à un ce
305
c’est l’attachement à un certain mode de vie. Qu’
est
-ce qu’un mode de vie ? C’est l’ensemble des rythmes de la vie, c’est
306
s de la vie, c’est l’ensemble des valeurs. À quoi
est
-on prêt à sacrifier beaucoup de choses ? Il y a beaucoup de variétés
307
ui de la survie dans la rareté. Attention ! Je ne
suis
pas du tout pour que l’on freine le développement de la société ; je
308
e l’on freine le développement de la société ; je
suis
au contraire pour qu’on le pousse, beaucoup plus que nos compartiment
309
cains, mais il nous faut aussi des techniques qui
soient
adaptées à nos fins. Par exemple, il est absolument faux de continuer
310
s qui soient adaptées à nos fins. Par exemple, il
est
absolument faux de continuer à faire des automobiles qui marchent à l
311
s moyens de les faire marcher à l’électricité. Ce
serait
là un développement technique supérieur à celui des États-Unis et qui
312
tains buts généraux que l’on donnera à la vie. Ce
serait
une révolution complète. Deux mouvements antagonistes Ne touche
313
pport à la consommation individuelle, et là, nous
sommes
à l’opposé du type de civilisation capitaliste qui se développe en Eu
314
n capitaliste qui se développe en Europe, qu’elle
soit
fédéraliste ou qu’elle en reste au stade des États-nations. Bien sûr,
315
rend, par exemple, le problème des transports, ce
serait
un progrès considérable de remplacer, dans les villes, la voiture par
316
e montrer depuis un certain temps, c’est que nous
sommes
en présence de deux mouvements, dans le monde, qui ont l’air antagoni
317
d’atomisation : les régions. Ces deux mouvements
sont
-ils contraires, comme ils ont l’air de l’être ? Ne sont-ils pas plutô
318
nts sont-ils contraires, comme ils ont l’air de l’
être
? Ne sont-ils pas plutôt un seul et même mouvement qui pourrait se dé
319
ls contraires, comme ils ont l’air de l’être ? Ne
sont
-ils pas plutôt un seul et même mouvement qui pourrait se définir ains
320
s à réaliser ? Il y a des tâches qui, par nature,
sont
du niveau de décision communal ou de l’entreprise ; d’autres sont de
321
e décision communal ou de l’entreprise ; d’autres
sont
de dimension supranationale, à cause de leur prix ou de leur extensio
322
essayiste et écrivain engagé, Denis de Rougemont
est
de ceux qui, tout au long de leur carrière, ont su accorder leurs act
323
, contribuait au lancement de plusieurs revues, a
été
— avec Emmanuel Mounier — l’un des fondateurs du mouvement personnali
324
il a toujours combattu. L’entreprise européenne a
été
trop longtemps dénaturée pour qu’un tel ouvrage ne soulève pas questi
325
lève pas questions, réticences ou scepticisme. Ce
sont
là des obstacles dont Denis de Rougemont a trop l’habitude pour qu’il
326
itude pour qu’ils puissent l’arrêter, animé qu’il
est
par la certitude d’exprimer la seule issue pour l’Europe. Nous avons
327
ntégration politique, financière, économique, qui
sont
faits ? Le Marché commun, à mes yeux, est une première agence fédéral
328
e, qui sont faits ? Le Marché commun, à mes yeux,
est
une première agence fédérale du type que je voudrais voir se multipli
329
me d’une agence fédérale pour l’économie car ce n’
est
pas encore une autorité de politique économique et cela ne couvre qu’
330
rs de la fédération. Toutes ces agences fédérales
seront
indépendantes les unes des autres dans une très large mesure, pourron
331
ur siège n’importe où en Europe. Le Marché commun
est
implanté à Bruxelles. Mais je vois très bien d’autres agences fédéral
332
ères aux vents ou la pollution du Rhin. La Suisse
est
destinée à être au cœur de l’Europe et elle doit l’être dans ses entr
333
ou la pollution du Rhin. La Suisse est destinée à
être
au cœur de l’Europe et elle doit l’être dans ses entreprises communes
334
estinée à être au cœur de l’Europe et elle doit l’
être
dans ses entreprises communes. On dit que cela signifierait la fin de
335
une helvétisation de l’Europe. L’Europe fédérale
serait
une sorte de Suisse grande échelle ? Pour cela il faut que les Suisse
336
certaines tâches dépassent les cantons, d’autres
sont
trop petites et doivent rester aux communes. Il faut qu’ils vivent, e
337
’ils ne le font, l’esprit de leur fédéralisme qui
est
très ancien. Il ne faut jamais oublier que la Suisse s’est fondée sur
338
ancien. Il ne faut jamais oublier que la Suisse s’
est
fondée sur les communes, et non sur les cantons qui sont venus plus t
339
ndée sur les communes, et non sur les cantons qui
sont
venus plus tard. Il y a en Suisse un esprit communal auquel on doit r
340
s-Unis d’Europe, on ne voit pas comment la Suisse
serait
neutre entre ces États-Unis et, par exemple, la Russie soviétique. Co
341
uoi ne parlerait-on pas de l’autre difficulté qui
est
beaucoup plus intéressante : celle qu’a l’Europe pour adhérer à la Su
342
n en entrant dans une construction européenne. Ce
serait
le triomphe de son Idée, au sens platonicien du terme. Pouvez-vous pr
343
r « Idée suisse » le véritable fédéralisme, qui n’
est
d’ailleurs pas toujours appliqué en Suisse. Ce fédéralisme va de la c
344
. C’est là une chose nouvelle car elle n’a jamais
été
appliquée systématiquement, pas même en Suisse. C’est une expérience
345
t, pas même en Suisse. C’est une expérience qui n’
est
possible qu’aujourd’hui, grâce au développement de la technique. Par
346
ar exemple, sans ordinateurs, je défie qui que ce
soit
de maîtriser les mécanismes d’une fédération continentale ou alors, c
347
nismes d’une fédération continentale ou alors, ce
serait
une tyrannie effroyable, car on devrait édicter des règles sans nuanc
348
tout le monde. Tandis qu’avec les ordinateurs, on
est
en mesure de respecter les diversités. Aujourd’hui, vous savez ces ca
349
versités. Aujourd’hui, vous savez ces carcans que
sont
les frontières que l’on essaie de faire coïncider tant bien que mal a
350
it des ordres de réalités à ne pas mélanger. Il n’
était
pas question d’imposer la même religion, la même économie, les mêmes
351
l’Europe reproduit le Conseil fédéral suisse. Qu’
est
-ce que le Conseil fédéral ? Ce sont sept agences différentes qui font
352
ral suisse. Qu’est-ce que le Conseil fédéral ? Ce
sont
sept agences différentes qui font chacune leur travail, et dont les c
353
les chefs réunis forment l’exécutif, le souverain
étant
le peuple. Cela me paraît un modèle parfaitement valable pour l’Europ
354
continent. Cette recherche d’un équilibre humain
est
d’ailleurs beaucoup plus révolutionnaire qu’on ne le pense. Elle supp
355
de vie ou se mettre en quête d’un mode de vie qui
soit
conforme aux traditions européennes. Dans la suite de l’entretien que
356
ueillis par E. Liard (décembre 1970)q r Quelle
est
l’occasion de la parution de ces deux livres, qui sortent peu de temp
357
litique. Dans Le Cheminement des esprits , je me
suis
surtout attaché aux recherches et à l’action culturelle que suppose l
358
éonien. Si l’on prend comme base les régions, qui
sont
plus petites que les États, et le continent, qui est beaucoup plus gr
359
plus petites que les États, et le continent, qui
est
beaucoup plus grand, on aura une vision plus conforme aux réalités da
360
éen. Dans les régions, dans les centres locaux se
sont
créées toutes les écoles qui ont fait la culture en Europe et c’est d
361
urope et c’est dans l’ensemble de l’Europe que se
sont
établis les grands courants de l’art et de la pensée, de l’art roman
362
êcher de vivre (voir la France) et qui maintenant
sont
contraints par les réalités à reconnaître leur existence. Elles se fo
363
ement de liens qu’on s’apercevra que l’Europe « s’
est
faite ». Les liens entre les régions seront devenus plus solides que
364
rope « s’est faite ». Les liens entre les régions
seront
devenus plus solides que les liens qui unissent chacune de ces région
365
e, notre pays devenant un district fédéral. Quels
seront
les critères de délimitation des régions ? Les régions se formeront d
366
r. Il faut trouver le niveau auquel les décisions
seront
prises, puis établir le niveau de décision dans la communauté qui est
367
blir le niveau de décision dans la communauté qui
est
assez grande pour la tâche considérée. La tâche du CERN, par exemple,
368
tâche considérée. La tâche du CERN, par exemple,
est
de dimension continentale, celle de l’Université s’étend à la région.
369
aut beaucoup de souplesse. Une région ne doit pas
être
contenue à l’intérieur de limites, elle doit rayonner. Les États-nati
370
els, qui ont nom France, Angleterre, Italie, etc.
sont
-ils appelés à disparaître ? Je pense que peu à peu ils se déferont. À
371
dans vingt à vingt-cinq ans. Mais cette évolution
est
marquée dans les faits. Les États-nations sont des créations contre n
372
ion est marquée dans les faits. Les États-nations
sont
des créations contre nature. Voyez comme ils ont coupé en quatre une
373
dée du travail du CEC. Les activités du Centre se
sont
toujours portées sur ce qu’il y avait de plus neuf dans chaque domain
374
s, les directeurs de festivals de musique, car il
est
plus facile d’associer d’abord les choses nouvelles. Les problèmes so
375
ocier d’abord les choses nouvelles. Les problèmes
sont
les mêmes pour tous et tous sont heureux de se rencontrer en terrain
376
s. Les problèmes sont les mêmes pour tous et tous
sont
heureux de se rencontrer en terrain neutre. Estimez-vous que vos idée
377
Oui, elles ont progressé, surtout en France, qui
est
le pays le plus éloigné de comprendre le fédéralisme. De nombreux tém
378
rendre le fédéralisme. De nombreux témoignages me
sont
parvenus de gens qui m’appuient fortement, comme Louis Armand, Jean-J
379
. 65 % de la population des pays du Marché commun
est
favorable aux États-Unis d’Europe, et 75 % de ces Européens sont des
380
aux États-Unis d’Europe, et 75 % de ces Européens
sont
des jeunes. q. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’Un et le Divers
381
er à côté de Robert Schuman et de Jean Monnet. Ce
sont
L’Un et le Divers et Le Cheminement des esprits . Le premier est u
382
vers et Le Cheminement des esprits . Le premier
est
une plaquette réunissant deux discours qui illustrent cette parole d’
383
se réalisent que l’un par l’autre. Le fédéralisme
est
l’expression politique de l’harmonie qui naît de leur lutte créatrice
384
naît de leur lutte créatrice. Le titre du second
est
emprunté à une phrase de Robert Schuman : “L’unité de l’Europe ne se
385
es esprits. » Les textes recueillis dans ce livre
sont
très variés de forme, allant du « discours solennel » devant tous les
386
s’agit de surmonter les obstacles à l’union, qui
sont
d’abord dans les esprits. Puis d’orienter espoirs et volontés vers un
387
Message aux régionalistes (16 mars 1973)ay Je
suis
régionaliste pour deux raisons majeures : — parce qu’il faut FAIRE L’
388
e l’humanité solidaire. La région ne saurait donc
être
imposée d’en haut, dictée et planifiée par les bureaux d’une métropol
389
aux d’une métropole tentaculaire. Elle ne saurait
être
créée par quelque découpage sur la carte, mais seulement par le rayon
390
ar le rayonnement de sa vitalité. Elle ne saurait
être
octroyée de l’extérieur, mais seulement instaurée par l’essor de ses
391
inissent ses vrais besoins. La région ne doit pas
être
imaginée comme un mini État-nation, qui aurait tous les inconvénients
392
vivre, de travailler ou de ne rien faire, ce qui
est
sans doute le meilleur test d’un environnement de qualité. Plutôt que
393
oit chercher à se rendre utile, et son problème n’
est
pas d’exploiter le voisin mais de coopérer avec lui. Elle n’a donc nu
394
de coopérer avec lui. Elle n’a donc nul besoin d’
être
, comme on le répète, « de taille européenne » — ce qui ne veut strict
395
le — mais on attend d’elle, au contraire, qu’elle
soit
différente des autres, séduisante pour ses propres habitants plus enc
396
s touristes, unique en son genre et heureuse de l’
être
, et d’autant plus curieuse d’échanges. Vous voulez être libres ? Deve
397
et d’autant plus curieuse d’échanges. Vous voulez
être
libres ? Devenez responsables. N’attendez pas qu’on vous en donne la
398
inventez les moyens de les exercer ! La région ne
sera
pas l’œuvre des technocrates de l’État central, mais des habitants de
399
Dans le monde de l’esprit et de ses œuvres, il n’
est
pas de chance imméritée : les choses ne viennent à point que pour qui
400
nt à point que pour qui s’y attendait, pour qui s’
était
obscurément disposé à les recevoir. Il importe au propos de ces pages
401
28 septembre 1938, au milieu de l’après-midi, je
suis
appelé au téléphone par un ami qui est à la radio suisse. Est-ce la g
402
-midi, je suis appelé au téléphone par un ami qui
est
à la radio suisse. Est-ce la guerre, qu’on attend d’une heure à l’aut
403
u téléphone par un ami qui est à la radio suisse.
Est
-ce la guerre, qu’on attend d’une heure à l’autre ? C’est Munich, c’es
404
uchait plus qu’aucune de notre temps, si haut que
fût
à mes yeux Stravinski, et je me disais qu’un jour je ferais quelque c
405
avec et pour cet homme selon mon cœur… Mais ce n’
était
pas pour tout de suite ! Je venais d’écrire coup sur coup, en moins d
406
qui devait s’ouvrir à Zurich l’année suivante. J’
étais
en train de sortir mes uniformes d’une malle, je n’avais pas de sujet
407
défiais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui
fût
de taille à occuper l’énorme scène dont j’avais vu les plans : 35 m d
408
laire que je gardais de cet ermite du xve siècle
était
bien pâle. Mais ce soir-là, je reprends le livre et je découvre un pe
409
ce ! Revenir au théâtre grec, avec son chœur ? Ce
serait
la solution formelle ; encore faudrait-il l’adapter à la structure ch
410
la crée l’appel au musicien — et celui-ci ne peut
être
qu’Honegger. La part de la commande Je vais le voir à Paris. Je
411
forme théâtrale à laquelle il croit pour l’avenir
est
« celle qui arrive à grouper toute une population ». C’est donc oui,
412
se met au travail dès novembre. En janvier, tout
sera
terminé. J’écris d’abord le deuxième acte, et le lui envoie, puis le
413
ie sur les marches de son escalier, un jour qu’il
était
en retard.) Nos entretiens sont strictement techniques. Il me demande
414
r, un jour qu’il était en retard.) Nos entretiens
sont
strictement techniques. Il me demande combien il y a de cuivres durs
415
n air quelconque, comme “Frère Jacques”. Ce qui a
été
une fois chanté peut être remis en musique. » À chaque visite dans so
416
Frère Jacques”. Ce qui a été une fois chanté peut
être
remis en musique. » À chaque visite dans son grand atelier, il me jou
417
première fois à une répétition des chœurs — et ce
sera
la dernière : la guerre est pour demain — je me sens littéralement tr
418
n des chœurs — et ce sera la dernière : la guerre
est
pour demain — je me sens littéralement transporté ! Voici chanté, cla
419
que, à cette époque) de ma « Légende dramatique »
est
révélé tantôt en majesté, — toute la prière « Mon Dieu, ton serviteur
420
e par deux protestants ! La part de Dieu Il
serait
vain de faire appel à des éléments contingents pour expliquer le phén
421
t de la polyphonie du xvie siècle calviniste, ce
serait
assez pour définir le style d’un musicien confessionnel et du genre p
422
confessionnel et du genre pieux, ce qu’Honegger n’
est
à aucun degré. Je ne crois même pas qu’il se soit jamais dit croyant,
423
’est à aucun degré. Je ne crois même pas qu’il se
soit
jamais dit croyant, encore moins incroyant, d’ailleurs. Ce n’est pas
424
croyant, encore moins incroyant, d’ailleurs. Ce n’
est
pas avec des traces « d’éducation chrétienne » et des formes vidées d
425
tout cela on ne fait que du folklore, et le pire
est
le folklore religieux. Si le style d’Honegger, dans la plupart des œu
426
à sujet religieux » que je viens d’énumérer, doit
être
qualifié d’essentiellement chrétien, ce n’est pas à cause des sujets,
427
it être qualifié d’essentiellement chrétien, ce n’
est
pas à cause des sujets, ni des paroles et situations mises en musique
428
i même des croyances de l’homme, quelles qu’elles
fussent
. Sa musique est chrétienne parce qu’elle est une prière, si la prière
429
de l’homme, quelles qu’elles fussent. Sa musique
est
chrétienne parce qu’elle est une prière, si la prière est l’acte de c
430
fussent. Sa musique est chrétienne parce qu’elle
est
une prière, si la prière est l’acte de celui qui s’ouvre et s’ordonne
431
tienne parce qu’elle est une prière, si la prière
est
l’acte de celui qui s’ouvre et s’ordonne à l’amour, c’est-à-dire : à
432
u’il s’annonce au « cœur » de l’homme. Sa musique
est
chrétienne en cela qu’elle signifie, par son affectivité même, « l’ad
433
(de ma conscience), ou encore « le fondement de l’
être
dans le monde, à savoir Dieu »3. En ce point, tout s’éclaire et s’enc
434
ce sens tout d’abord jalonné par les signes, doit
être
décidé par la personne, et ne peut l’être que dans l’acte de foi, par
435
s, doit être décidé par la personne, et ne peut l’
être
que dans l’acte de foi, par quoi je n’entends pas du tout l’adhésion
436
en nous de quelque chose, disons l’Esprit, qui n’
est
pas vérifiable autrement que par ses créations ou incarnations. Celle
437
que par ses créations ou incarnations. Celles-ci
seront
pour l’un certaines actions, pour l’autre certains objets de mots ou
438
mots ou de couleurs ; pour Arthur Honegger, elles
furent
sa musique. 3. Ernest Ansermet, Les Fondements de la musique dans
439
d’union des hommes au-delà des nations. Le titre
est
emprunté à une phrase de Robert Schuman — qui présida un temps le Com
440
faire du chemin, surtout en ce sens que le chemin
est
long et qu’on le parcourt lentement ». Ainsi chemine Lancelot dans la
441
en aventures de l’âme. Les textes ici recueillis
sont
très variés de forme, allant du « discours solennel » devant tous les
442
s’agit de surmonter les obstacles à l’union, qui
sont
d’abord dans les esprits. Puis d’orienter espoirs et volontés vers un
443
971)u Ma première rencontre avec Paul Martin s’
est
produite sur la scène du Théâtre de Lausanne, envahie par les bellett
444
point une charte imposante et un brevet. Celui-ci
sera
dûment testé — et passé avec des succès divers — par les membres du c
445
exte « pour mon information, pensant que ce sujet
était
peut-être de nature à m’intéresser ». Je reconnus au premier coup d’œ
446
L’Europe
est
d’abord une unité de culture (1971)x y Je pars de ce qui me paraît
447
policière par les Russes — je songe aux pays de l’
Est
européen —, d’autre part à la colonisation de notre économie et de no
448
liste, seule pratiquement possible pour l’Europe,
est
en même temps la seule formule européenne pratiquement acceptable pou
449
enne pratiquement acceptable pour la Suisse. Tout
serait
parfait, n’était l’obstacle majeur que l’on dresse sans relâche et to
450
acceptable pour la Suisse. Tout serait parfait, n’
était
l’obstacle majeur que l’on dresse sans relâche et toujours à nouveau
451
L’école, surtout secondaire — mais l’université n’
était
pas en reste vers 1914 —, l’école apprend depuis un siècle aux jeunes
452
ance, l’Allemagne, l’Italie ou la Grande-Bretagne
sont
immortelles, ce qui suggère qu’elles auraient existé de toute éternit
453
Brennus, chef gaulois probablement mythique, qui
est
du ive siècle avant notre ère, tantôt à Clovis, qui est du ve siècl
454
ive siècle avant notre ère, tantôt à Clovis, qui
est
du ve siècle de notre ère, ou enfin à Hugues Capet, qui est du xe s
455
siècle de notre ère, ou enfin à Hugues Capet, qui
est
du xe siècle, soit une hésitation d’un millénaire et demi, qui ne ma
456
, ou enfin à Hugues Capet, qui est du xe siècle,
soit
une hésitation d’un millénaire et demi, qui ne manque pas d’une certa
457
çais existe réellement depuis Philippe Le Bel, il
est
absolument certain que l’Italie comme État n’a que 110 ans, l’Allemag
458
avec son extension. Vous croyez que les Européens
sont
trop différents les uns des autres pour s’unir et qu’on ne pourra jam
459
ouce de leur sacro-sainte souveraineté, et qu’ils
sont
immortels. Or, tout est faux dans cet enseignement, et dans les croya
460
souveraineté, et qu’ils sont immortels. Or, tout
est
faux dans cet enseignement, et dans les croyances qui en résultent. J
461
s de cultures nationales. La culture européenne n’
est
pas la somme de vingt-cinq cultures nationales, puisqu’elle existait
462
ne Gilson —, pas un seul des grands professeurs n’
était
français : ils étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme B
463
eul des grands professeurs n’était français : ils
étaient
napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme Bonaventure, souabe comm
464
ceux qui parlent une même langue ? Oui, mais il n’
était
pas question de les enfermer pour si peu dans les frontières d’un mêm
465
s les frontières d’un même État. D’ailleurs, il n’
est
pas vrai que nos stato-nations modernes correspondent à l’aire de dif
466
actuelles : breton, flamand au nord, allemand à l’
est
, basque, occitan, catalan et italien au sud, et naturellement le fran
467
de la Volga. On m’objecte souvent que nos langues
sont
trop différentes pour que nous puissions nous entendre entre Stockhol
468
nos langues (sauf le basque et le finno-ougrien)
sont
étroitement parentes, alors qu’en Chine on parle quatorze langues rad
469
œurs. Vue de loin, l’unité culturelle de l’Europe
est
un fait que personne ne conteste — à part nos bons nationalistes. En
470
spagne et les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a
été
mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé dans l’
471
rénées séparent l’Espagne de la France, voilà qui
est
clair — à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas qu
472
(ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’
est
de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et à l’oues
473
’allemand de nouveau des deux côtés. Et la Suisse
est
née du Gothard, au cœur des Alpes. Non, les frontières de nos États n
474
es. Non, les frontières de nos États n’ont jamais
été
« naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires comme les con
475
nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles
sont
accidentelles et arbitraires comme les conflits armés dont elles figu
476
lles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles
sont
encore, disait un historien français, le résultat des « viols répétés
477
cachait, c’est que la culture de tous nos peuples
est
une, qu’elle s’est formée à partir des mêmes influences indo-européen
478
la culture de tous nos peuples est une, qu’elle s’
est
formée à partir des mêmes influences indo-européennes, gréco-latines,
479
on du réel, que nous le sachions ou non, que nous
soyons
cultivés ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’architecture, de
480
ique, de philosophie et de doctrine politique ont
été
paneuropéennes, et non pas nationales : l’art roman et le gothique, l
481
’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en
est
-il de ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, co
482
e ses diversités tant vantées, et à juste titre ?
Est
-il vrai, comme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxell
483
u à Strasbourg, que ces « précieuses diversités »
sont
celles de nos nations ? Je vous propose là-dessus deux observations f
484
de leur propre nation ; et ainsi de suite. Ce ne
sont
pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, c’es
485
de observation : la création culturelle en Europe
est
d’autant plus riche et intense qu’elle est moins centralisée et que s
486
Europe est d’autant plus riche et intense qu’elle
est
moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge,
487
e qu’elle est moins centralisée et que ses foyers
sont
plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création sont les universi
488
us nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création
sont
les universités, à la renaissance les petites cités du Nord de l’Ital
489
vitalité inégalée de notre culture européenne, il
est
dans cette interaction perpétuelle des grands courants continentaux,
490
querez que l’échelon national ne joue aucun rôle,
est
simplement omis, inexistant. Et voilà qui nous rappelle quelque chos
491
connu l’illusion d’une « culture nationale » — ne
fût
-ce qu’en raison de son appartenance à trois domaines linguistiques ma
492
de la culture à l’échelle du continent. Ce qui s’
est
fait en Suisse au point de vue de la culture — et qui est supérieur,
493
en Suisse au point de vue de la culture — et qui
est
supérieur, proportionnellement, à tout ce qui s’est fait dans n’impor
494
t supérieur, proportionnellement, à tout ce qui s’
est
fait dans n’importe quelle tranche de six millions d’hommes découpée
495
orte lequel des pays qui nous entourent —, tout s’
est
fait dans nos petites métropoles cantonales, dans ces foyers qui l’un
496
onales, dans ces foyers qui l’un après l’autre se
sont
allumés puis éteints, le Saint-Gall de Notker et des débuts de la mus
497
u, et à disparaître pratiquement, un peu comme il
est
arrivé de nos frontières cantonales, et je ne crois pas que nous y ay
498
e ne crois pas que nous y ayons perdu quoi que ce
soit
de vraiment précieux. Ces vérités sont assez dures à entendre pour le
499
uoi que ce soit de vraiment précieux. Ces vérités
sont
assez dures à entendre pour les citoyens des grands pays qui nous ent
500
n, de nous laisser entraîner sur un terrain qui n’
est
pas le nôtre, dans des termes qui sont étrangers à notre tradition fé
501
rrain qui n’est pas le nôtre, dans des termes qui
sont
étrangers à notre tradition fédéraliste et à notre habitus, et qui dé
502
listes. L’Europe que nous voulons, nous aussi, ne
sera
jamais un laborieux et problématique échafaudage d’accords tarifaires
503
tats-nations souverains. Je l’ai souvent dit : ce
serait
une amicale des misanthropes — chose qu’on peut écrire, non faire, ca
504
il n’y a pas d’amicale. L’Europe que nous voulons
sera
fédérale — ou alors elle ne se fera pas sérieusement. Voilà, je pense
505
s. Elle n’a rien pour nous effrayer, puisque nous
sommes
le seul pays européen qui n’ait pas pris la forme d’un État-nation au
506
a balkanisation et l’helvétisation. Ce diagnostic
est
, si possible, encore plus vrai aujourd’hui et il nous dicte une ligne
507
onduite et d’action. Je sais bien que les Suisses
sont
timides et qu’ils en font même une vertu, sous le nom de modestie. Qu
508
et d’exiger enfin qu’on la prenne au sérieux. Ce
sera
« dans les intérêts de l’Europe entière », pour reprendre une formule
509
ntervention. x. Rougemont Denis de, « L’Europe
est
d’abord une unité de culture », Intégration : Vierteljahreshefte zur
510
trois degrés, nous fait croire que l’État-nation
est
le dernier mot de l’évolution, qu’il correspond à une langue et à une
511
finit par des “frontières naturelles” : tout cela
est
faux, comme le fait voir l’auteur par des exemples indiscutables. Not
512
eur par des exemples indiscutables. Notre culture
est
la création commune et trois fois millénaire de tous les Européens. S
513
rel de l’Europe (1971)t Tout héritage du passé
est
porteur d’avenir. Il est cette part du passé qui à la fois m’ouvre un
514
Tout héritage du passé est porteur d’avenir. Il
est
cette part du passé qui à la fois m’ouvre un certain avenir et par av
515
m’autorise à modifier d’une manière inédite — qui
sera
moi. Distinguons donc trois sens possibles, du moins pour un Européen
516
uoi s’ajoutent, puisque ces éléments constitutifs
sont
pluriels et souvent antinomiques, leurs combinaisons innombrables en
517
ns en général actualiser qu’une part infime. Il n’
est
pour nous, au sens concret, que ce que nous sommes capables d’en util
518
n’est pour nous, au sens concret, que ce que nous
sommes
capables d’en utiliser pour nos fins propres. Tout héritage culturel
519
ser pour nos fins propres. Tout héritage culturel
est
en partie offert mais en partie subi. Devant l’immensité de l’offre e
520
et ses complexités au moins trimillénaires, nous
sommes
bien obligés de choisir. Nous assumons ou récusons certaines valeurs
521
Nous ne deviendrons nous-mêmes qu’à ce prix, qui
est
d’assumer les risques de notre différence personnelle ; et par là mêm
522
de cultivé. Si je dis au contraire que la culture
est
ce que l’homme ajoute à la nature, on voit qu’elle représente en fait
523
voit qu’elle représente en fait tout ce que nous
sommes
capables de penser et presque tout ce que nous voyons sur notre petit
524
sol et les nuages. La culture des Européens, qui
est
leur véritable unité, est à la fois la somme et le produit complexe d
525
ture des Européens, qui est leur véritable unité,
est
à la fois la somme et le produit complexe de nombreuses sociétés, de
526
et de paysages. (Presque tout le paysage européen
est
un fait de culture au sens que je viens de noter.) Et non seulement l
527
s assez combien les valeurs qu’elles transportent
sont
étrangères les unes aux autres — si deux se découvrent compatibles su
528
es sur un point, par quelque chance imméritée, ce
sera
pour mieux exclure la troisième —, il faut que nous prenions l’habitu
529
tes, empiristes logiques, ou marxistes. Tout cela
est
européen. Tout cela est culturel ou je ne sais pas ce que c’est. Et t
530
, ou marxistes. Tout cela est européen. Tout cela
est
culturel ou je ne sais pas ce que c’est. Et tout cela vit en chacun d
531
s, nostalgies et plaisirs alternés. Les meilleurs
sont
en quête de leur vrai nom ; la masse est fuite devant la personne res
532
illeurs sont en quête de leur vrai nom ; la masse
est
fuite devant la personne responsable ; et tous, tant que nous sommes,
533
la personne responsable ; et tous, tant que nous
sommes
, représentons une figure irremplaçable dans le ballet des milliards d
534
sons, voire de permutations des éléments de base,
sont
compatibles ; d’autres non. Einstein, Churchill, C. G. Jung, Picasso
535
Jung, Picasso peuvent très bien se détester, ils
sont
dans le droit fil de l’héritage européen ; Hitler et Staline en trave
536
— notre seule unité fondamentale, répétons-le — n’
est
pas exceptionnel : il est irrécusable. J’entends qu’il est universel.
537
entale, répétons-le — n’est pas exceptionnel : il
est
irrécusable. J’entends qu’il est universel. Pas un seul d’entre nous
538
xceptionnel : il est irrécusable. J’entends qu’il
est
universel. Pas un seul d’entre nous n’y échappe. Que nous soyons « tr
539
l. Pas un seul d’entre nous n’y échappe. Que nous
soyons
« très cultivés » ou illettrés y change bien moins qu’on ne l’imagine
540
trés y change bien moins qu’on ne l’imagine. Nous
sommes
tous tributaires de deux mémoires, celle des peuples et celle des gèn
541
t des réflexes et des goûts conditionnés qui leur
sont
transmis par leur mère, la Maternelle, l’Alma Mater, l’armée, les spo
542
déclarant que c’est l’individu et non le clan qui
est
responsable en justice ; et à travers eux, derrière eux, il y a l’Égy
543
nous croyons si différents de nos voisins ! Nous
sommes
si fiers de nos langues, nous affirmons qu’il faut les garder « pures
544
également vains. Car la « pureté » d’une langue n’
est
nullement sa vertu, comme l’a fait voir T. S. Eliot. L’anglais, dit-i
545
n. Et il ajoute : « Quand les nations de l’Europe
sont
coupées les unes des autres, et que les poètes ne lisent plus d’autre
546
peuples entiers dans l’Hexagone, les différences
sont
aussi grandes qu’entre l’espagnol et le grec, le danois, l’allemand e
547
s un siècle. Elles n’ont pas empêché le pire, qui
est
l’unification forcée. Mais grâce à la renaissance des régions, elles
548
uropéen. Car des vraies « nations » ou régions ne
seront
vraiment elles-mêmes que toutes ensemble, dans leurs interrelations.
549
es ensemble, dans leurs interrelations. Aucune ne
sera
jamais une « culture nationale », ou un microcosme de l’Europe, mais
550
istique du véritable Européen que sa volonté de n’
être
pas comme son voisin, de ne ressembler à aucun autre. Cette volonté d
551
tégrante de l’héritage commun. Ceci noté, il n’en
est
que plus frappant de constater qu’un même mot originel, grec, latin,
552
uelque différence de structure. Moins une culture
est
homogène, mieux elle incite à cette autonomie, à cette autostructurat
553
e oblige tous ses bénéficiaires au génie pur, qui
est
d’être malgré tout dans le tout. Chaque homme d’Europe est une dramat
554
ge tous ses bénéficiaires au génie pur, qui est d’
être
malgré tout dans le tout. Chaque homme d’Europe est une dramatis pers
555
e malgré tout dans le tout. Chaque homme d’Europe
est
une dramatis persona qui crée son rôle avec plus ou moins de bonheur
556
istoire de l’humanité. En revanche, tout héritier
est
hérétique, du seul fait qu’il ne peut embrasser la totalité de l’héri
557
à l’Europe idéale et théoriquement orthodoxe, qui
serait
non pas la somme de toutes ses sources mais le produit optimal de leu
558
Le nationalisme ou partisanerie, besoin et goût d’
être
d’un parti contre un autre, indépendamment de leurs buts allégués. Ce
559
ue, romaine et judéo-chrétienne, en l’occurrence)
est
à la fois trop englué dans la matière (d’où son impuissance spirituel
560
tions planétaires que l’on sait. Les Européens ne
sont
pas plus cruels et violents que les Asiates ou les Noirs, loin de là.
561
libérateurs de l’héritage culturel européen, ils
sont
trop connus et trop souvent exaltés pour qu’il me soit besoin de les
562
trop connus et trop souvent exaltés pour qu’il me
soit
besoin de les analyser. Il s’agit de : —l’esprit critique ou remise e
563
tribaux, des modes révérées de la Cour avant de l’
être
de la Ville, et de toutes les religions nées de la peur (héritage trè
564
plus menacée de notre héritage, celle qu’il nous
est
possible de dilapider. Car ces vertus ne contraignent pas l’individu
565
du comme le fait un programme génétique, si elles
sont
ce qui permet seul de le dépasser. Tout cela n’existe guère comme ver
566
sser. Tout cela n’existe guère comme vertus, ou s’
est
vu décrié dans les cultures antiques de l’Inde, de la Chine, du Mali,
567
li, des Incas, ou de la Rome impériale. Tout cela
est
mal vu de nouveau en URSS et dans la Chine de Mao. Mais c’est bien à
568
permettre à chaque Européen de dépasser un jour,
fût
-ce d’une manière infime — mais décisive, puisque sa personne même se
569
uropéenne, depuis le xiie siècle, les femmes ont
été
l’agent principal de civilisation des hommes. » Cette phrase, signée
570
ommes. » Cette phrase, signée Denis de Rougemont,
est
extraite d’un tract publié par l’Association suisse pour le suffrage
571
sse pour le suffrage féminin. Cette affirmation n’
est
pas immédiatement évidente à chacun. Et pourquoi dès le xiie siècle
572
qui consistait dans l’adoration de la femme. Elle
était
considérée par le poète-troubadour comme le seigneur à qui l’on devai
573
œux, comme le chevalier devant son seigneur. Il s’
est
produit à ce moment-là une extraordinaire évolution dans les mœurs et
574
femme. Il y a tout un ordre de phénomènes qui se
sont
produits au xiie siècle dont j’ai longuement parlé dans mon livre L
575
Elle devenait la maîtresse, le seigneur. Ce qui s’
est
passé au xiie siècle, c’est que les femmes sont devenues des sujets
576
s’est passé au xiie siècle, c’est que les femmes
sont
devenues des sujets de la vie non seulement culturelle, mais politiqu
577
bord un roi de France, puis un roi d’Angleterre —
est
une des grandes figures agissantes du siècle. Les hommes, autour d’el
578
d’elle, ont l’air de rien du tout. Après cela, il
est
inutile de dire que le rôle de la femme a été considérable dans tout
579
il est inutile de dire que le rôle de la femme a
été
considérable dans tout le développement de la culture, surtout en Fra
580
Allemagne. Mythes germaniques Votre analyse
est
-elle valable également pour la Suisse ? En Suisse, nous sommes un peu
581
alable également pour la Suisse ? En Suisse, nous
sommes
un peu tributaires de la civilisation germanique, où les hommes porte
582
tion germanique, où les hommes porteurs de l’épée
étaient
seuls aptes à la liberté, parce que l’épée est le signe de la liberté
583
taient seuls aptes à la liberté, parce que l’épée
est
le signe de la liberté pour les Germains. Ce qui fait que les hommes
584
nc, chez les Suisses allemands notamment, et nous
sommes
très mélangés en Suisse romande, cette idée que la femme n’a pas sa p
585
sa place dans les affaires publiques qui doivent
être
le domaine des guerrières, de l’homme armé, ce qui est un anachronism
586
e domaine des guerrières, de l’homme armé, ce qui
est
un anachronisme complet dans la société actuelle, où même la guerre n
587
let dans la société actuelle, où même la guerre n’
est
plus faite par les gens qui portent un sabre. Si l’on sort des mythes
588
tre dans la société actuelle, je défie qui que ce
soit
de m’expliquer en quoi les hommes seraient privilégiés par rapport au
589
qui que ce soit de m’expliquer en quoi les hommes
seraient
privilégiés par rapport aux femmes dans leur activité. En quoi seraie
590
ar rapport aux femmes dans leur activité. En quoi
seraient
-ils supérieurs ? Ce mythe germanique serait donc à la base du refus d
591
uoi seraient-ils supérieurs ? Ce mythe germanique
serait
donc à la base du refus des Suisses d’accorder l’égalité politique au
592
sent toujours des choses très anciennes dont on n’
est
plus maître, dont on n’a plus conscience, justement. Toutes ces valeu
593
ptait, alors que, dans notre société actuelle, il
est
impossible qu’on vous démontre en quoi la force physique privilégie q
594
andsgemeinde — vous avez des survivances qui nous
sont
proches, qui sont encore mêlées à notre vie, des vieilles coutumes ge
595
s avez des survivances qui nous sont proches, qui
sont
encore mêlées à notre vie, des vieilles coutumes germaniques. Justeme
596
vivance de ce paysan, homme libre dont la liberté
est
démontrée parce qu’il a son épée à la main. Comme les nobles au Moyen
597
mmes libres en Suisse, c’était la même chose, ils
étaient
exactement sur le même plan. La noblesse et les hommes libres, c’étai
598
libres, c’était la même classe. Et l’homme libre
était
défini par l’arme. Vous avez une quantité de gens, en Suisse, qui vou
599
médiéval. Lorsque vous dites que les femmes « ont
été
l’agent principal de civilisation », n’exagérez-vous pas leur rôle ?
600
ofonde des enfants. Psychanalyser le Suisse
Est
-ce propre à la culture européenne ? D’autres civilisations n’ont pas
601
ifiquement européen, parce que notre civilisation
est
fondée sur cette idée de la famille, de la femme qui est à peu près l
602
dée sur cette idée de la famille, de la femme qui
est
à peu près l’égale de l’homme, moralement parlant. Ce qui n’est absol
603
l’égale de l’homme, moralement parlant. Ce qui n’
est
absolument pas le cas en Asie, ce qui n’est pas le cas dans les civil
604
qui n’est absolument pas le cas en Asie, ce qui n’
est
pas le cas dans les civilisations où il y a beaucoup de femmes pour u
605
itoyens suisses. À cette époque, la Confédération
était
tombée sous la coupe militaire de la France. C’est donc une révolutio
606
idèrent eux-mêmes comme un droit inaliénable ? Il
serait
heureux que la réponse à cette question soit un “oui franc et massif”
607
Il serait heureux que la réponse à cette question
soit
un “oui franc et massif”. À dire vrai, la seule originalité de la vot
608
profondément Arnaud Dandieu, qui, sur ce point, a
été
vraiment un prophète, il faut garder les yeux fixés à la fois bien en
609
une corrélation nécessaire, précisément parce qu’
étant
de sens opposés, ils se complètent l’un par l’autre. Nous les séparon
610
mais dans le cœur du peuple révolutionnaire, ils
sont
unis d’un lien indissoluble. Cette liaison de l’universel et du pers
611
ppelait que si la République une et indivisible s’
est
opposée au fédéralisme, c’est parce que la guerre révolutionnaire, re
612
1871 : … le communisme de la Commune ne saurait
être
compris que si on ne le sépare pas du communalisme de la Commune, c’e
613
dans ce qu’elle a de plus authentique. Là pouvait
être
le remède « au mal centralisateur et nationaliste qui allait bientôt
614
nationaliste qui allait bientôt se révéler comme
étant
le cancer de l’Europe et du monde ». Enfin, citant les dispositions
615
sentiment patriotique… Tant que patrie et nation
seront
confondues, la guerre sera fatale et la révolution impossible. Deux
616
que patrie et nation seront confondues, la guerre
sera
fatale et la révolution impossible. Deux ans plus tard, en mai 1933,
617
mai 1933, le premier numéro de L’Ordre nouveau
était
introduit par quelques pages anonymes où l’on retrouve la même pensée
618
c’est-à-dire de la personnalité humaine. L’homme
est
une personne, ou il n’est rien du tout ; ni race, ni régime ne saurai
619
nalité humaine. L’homme est une personne, ou il n’
est
rien du tout ; ni race, ni régime ne sauraient changer cette vérité.
620
n au profit de l’étatisme. La révolution, comme l’
être
humain, est antiétatiste par essence. C’est la France, la première, q
621
e l’étatisme. La révolution, comme l’être humain,
est
antiétatiste par essence. C’est la France, la première, qui a détourn
622
e comment le mouvement vers l’autonomie régionale
était
dans le droit fil de la véritable vocation française et de son mouvem
623
ission du spirituel et ce refus de l’universel qu’
est
le stato-nationalisme centraliste, trahison de la révolution libératr
624
. 4. Ce texte a paru dans l’excellente revue qu’
était
Fédération, n° 78, juillet 1931. 5. On notera l’usage très particuli
625
s’élance vers l’universel, tandis que l’individu
est
le produit passif de la décomposition sociale, grain de poussière dan
626
ement administratives. La Communauté européenne a
été
la première à réunir sur ce problème, dès 1960, des groupes d’études
627
prendre forme institutionnelle dès 1967, lorsque
fut
créée à Bruxelles la Direction générale de la politique régionale. On
628
vie politique française, notamment. Quoi qu’il en
soit
, et hors de toute politique au sens étroit du terme, il est un fait q
629
rs de toute politique au sens étroit du terme, il
est
un fait que je crois indispensable de mettre en relief ; c’est que le
630
fondée sur la notion de « frontières naturelles »
est
un non-sens. Ni les ethnies, ni les langues, ni les traditions religi
631
es, ni les traditions religieuses et sociales, ne
sont
séparées par les fleuves ou les crêtes des chaînes montagneuses. Quan
632
es chaînes montagneuses. Quant aux nations, elles
sont
le produit des viols répétés de la géographie par l’histoire. Tout es
633
ols répétés de la géographie par l’histoire. Tout
est
à refaire dans ce domaine, sur la base des entités régionales, seules
634
les, et de leurs interdépendances. Or ces entités
sont
souvent définies, géographiquement, par ce qui était censé diviser le
635
nt souvent définies, géographiquement, par ce qui
était
censé diviser les nations, elles prennent pour axe ce qui les scindai
636
tes. Le livre de Morvan Lebesque, Comment peut-on
être
Breton ?, donne une idée émouvante des possibilités de renouvellement
637
e de Robert Lafont.) Toute l’histoire de l’Europe
étant
à refaire de fond en comble, après un siècle et demi de falsification
638
l’ensemble socioculturel de l’Europe tel qu’il s’
est
composé pendant trois millénaires. Instruction civique La parti
639
es publiques en tant qu’acteur, non-spectateur, n’
étant
possible et praticable en général que dans le cadre communal et régio
640
s et lettres Toute l’histoire de nos créations
est
à refaire sur cette double donnée de base : — les grands styles euro
641
’universel. Écologie Cette science nouvelle
est
à la fois, par excellence, une « science humaine », une « science pol
642
e la politique, de la pensée et de l’action, peut
être
fournie par la région. ab. Rougemont Denis de, « Les régions et l
643
epuis 1938, un « philosophe de l’amour », et vous
êtes
, d’autre part, depuis vingt ans, le directeur fondateur du Centre eur
644
vités ? En somme, vous me demandez si mon système
est
sérieux ? Dans ma Lettre ouverte aux Européens j’ai écrit que l’Eur
645
vite dans une fédération. Or, pour moi, le couple
est
la première cellule de ce que j’appelle le fédéralisme, c’est-à-dire
646
e la racine de mondes politiques différents. Ce n’
est
que peu à peu, d’ailleurs, que s’est révélé à moi le principe de cohé
647
érents. Ce n’est que peu à peu, d’ailleurs, que s’
est
révélé à moi le principe de cohérence entre le couple, la personne et
648
s qu’il s’agit d’une intuition fondamentale qu’il
est
très difficile d’exprimer, et c’est pourquoi j’écris tant de livres :
649
s totalitaires ! Le meilleur de l’esprit européen
est
né, je crois, de cette formule du premier philosophe grec, au vie si
650
udhon. Selon vous, le meilleur exemple qui puisse
être
donné de la coexistence des contraires est donc le couple ? Dans mon
651
uisse être donné de la coexistence des contraires
est
donc le couple ? Dans mon action en faveur d’une fédération européenn
652
alables, mais différentes ou même antinomiques. N’
est
-ce pas le cas du couple ? Un jour, on m’a demandé dans un débat à la
653
dio : « Ne craignez-vous pas que les Européens ne
soient
trop différents les uns des autres pour jamais pouvoir s’unir ? » J’a
654
craignez-vous pas que les hommes et les femmes ne
soient
trop différents pour pouvoir jamais former des couples ? » Voilà dévo
655
de l’amour-passion nous conditionne au point de n’
être
plus capables d’aimer l’autre en tant qu’autre, nous ne serons plus c
656
apables d’aimer l’autre en tant qu’autre, nous ne
serons
plus capables non plus de devenir les éléments d’une cité, d’une comm
657
passionné depuis trente ans ? Cherchez bien et je
suis
sûr que vous trouverez. Regardez autour de vous : le mariage occident
658
. Regardez autour de vous : le mariage occidental
est
un désastre ; deux mariages sur trois aboutissent à un divorce aux Ét
659
oulu fonder le mariage sur le sentiment amoureux.
Serait
-ce une base désastreuse pour le mariage ? Je le disais en 1938, je n’
660
e mariage généralement par erreur, parce que nous
sommes
amoureux. Et nous en tirons cette conséquence illogique qu’il faut se
661
principe même de tout divorce. L’amour-passion n’
est
pas possible dans le mariage ? Non. Je dis autre chose : je dis qu’il
662
mariage ? Non. Je dis autre chose : je dis qu’il
est
l’ennemi du mariage. Ce n’est pas par hasard que le jugement de la co
663
hose : je dis qu’il est l’ennemi du mariage. Ce n’
est
pas par hasard que le jugement de la comtesse Marie de Champagne, au
664
ens mariés : c’est une condamnation radicale, qui
était
unanimement admise par les troubadours. Finalement, j’ai découvert qu
665
, j’ai découvert que le mythe de Tristan et Iseut
est
l’ennemi intime du mariage et du couple. C’est un mythe un peu dépass
666
e et du couple. C’est un mythe un peu dépassé… Il
est
absolument fondamental dans la vie de tous les Européens, même s’ils
667
La passion amoureuse qui nous paraît si naturelle
est
en réalité exceptionnelle dans le monde, car c’est une invention de l
668
rles Seignobos écrivit déjà, en 1920, que l’amour
était
une invention du xiie siècle, cela passa pour une boutade. Allons do
669
pour une boutade. Allons donc, disait-on, l’amour
est
aussi vieux que le genre humain, et que faisaient donc les hommes et
670
e siècle ! Ainsi parle le gros bon sens, mais il
est
réfuté par les faits. Car c’est un fait que le mot amour, qui désigne
671
nce que chacun s’imagine devoir vivre. Le mariage
est
en train de voler en éclats, non pas à cause de la passion dans sa be
672
Mme Tristan ! Mais Tristan et Iseut n’ont-ils pas
été
merveilleusement heureux ? Ils ont été merveilleusement malheureux !
673
nt-ils pas été merveilleusement heureux ? Ils ont
été
merveilleusement malheureux ! Comprenez-moi bien : je n’ai aucune rec
674
l’amour. Je constate que la passion et le mariage
sont
des adversaires fondamentaux, bien que je sois pris, moi aussi, dans
675
ge sont des adversaires fondamentaux, bien que je
sois
pris, moi aussi, dans le drame qui les oppose. Aujourd’hui, je distin
676
n — donc passif — qui tend à uniformiser les deux
êtres
, à réduire l’autre à la loi d’un seul. Qui a dit que l’amour rendait
677
e, mais il ne vaut rien pour cette œuvre d’art qu’
est
le couple. C’est une thèse que la plupart des gens peuvent difficilem
678
La Rochefoucauld a fort bien compris que l’amour
est
essentiellement lié à l’expression. Il écrit : « Combien d’hommes ser
679
lié à l’expression. Il écrit : « Combien d’hommes
seraient
amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’amour ? » Il n’y a p
680
L’amour-passion, c’est autre chose. Tant qu’il n’
est
pas « déclaré », c’est comme s’il n’existait pas. Grâce à la littérat
681
e innée dans la valeur unique, irremplaçable de l’
être
aimé. Or les religions de l’Asie excluent une telle croyance, puisqu’
682
on du moi. En revanche, la littérature érotique y
est
très développée, sacrée même. Tout le monde connaît le Kamasutra, ce
683
t, quarante jours sur elle, sans la toucher. Ce n’
est
qu’après cette épreuve que peut s’opérer l’union sexuelle, qui ne doi
684
’ailleurs pas aboutir à la procréation. Mais ce n’
est
qu’une technique ? Ainsi que l’a confirmé le maître du zen, Suzuki, à
685
ponais traditionnel les relations entre les sexes
sont
plutôt du domaine de la nature ou de la moralité sociale. Toute espèc
686
s ne peuvent pas devenir des problèmes là où tout
est
réglé, programmé. La crise du mariage est typique de l’Occident. Elle
687
où tout est réglé, programmé. La crise du mariage
est
typique de l’Occident. Elle n’existe pas ailleurs. Mais c’est le prix
688
and je pense à l’amour « programmé », calculé, je
suis
évidemment pour l’amour-passion, bien qu’il ne soit pas viable. Trop
689
is évidemment pour l’amour-passion, bien qu’il ne
soit
pas viable. Trop rares sont les « beaux moments d’équilibre doré » do
690
assion, bien qu’il ne soit pas viable. Trop rares
sont
les « beaux moments d’équilibre doré » dont parle Nietzsche. Deux men
691
ontinuellement dans l’un ou dans l’autre. Tristan
est
l’homme d’un seul amour fatal. Don Juan, héros d’un siècle cynique, l
692
siècle cynique, le xviiie , incapable de passion,
est
l’antithèse de Tristan, son double négatif, l’homme des rencontres sa
693
semble, en devenant l’une par l’autre ce qu’elles
sont
. Ce que je veux défendre, c’est donc, en fin de compte, un certain ét
694
es uns ne vivent pas sans les autres. Comment ont
été
accueillies vos thèses de L’Amour et l’Occident ? Très mal, au début,
695
ères de leurs disciplines. Aujourd’hui, mon livre
est
au programme de licence… Il a influencé beaucoup d’auteurs anglo-saxo
696
les générations américaines, surtout les hippies,
sont
également de très bons lecteurs de L’Amour et l’Occident . Eux aussi
697
et une conférence à l’université d’Indiana, et, l’
été
dernier, un professeur de cette université m’a dit : « Cela a été la
698
professeur de cette université m’a dit : « Cela a
été
la dernière fois que les contestataires et les gens de l’establishmen
699
lqu’un en commun. » Aujourd’hui, selon vous, quel
est
l’avenir de l’amour ? D’une part, il me semble que les jeunes gens d’
700
e, de ce qui permet une amitié durable entre deux
êtres
différents, les convenances de caractères, d’idées, d’éducation. Tout
701
ns le monde hygiénique et froidement rationnel qu’
est
en train de créer la technique, et qui pourra bien se réaliser sous l
702
t programmé. Ce qui nous menace aujourd’hui, ce n’
est
plus un excès d’anarchie et de tyrannie brutale, c’est au contraire l
703
otisme ? Même pas. C’est une évidence. L’érotisme
est
l’usage culturel, non procréateur, de l’instinct sexuel. Faites saute
704
s, la révolution sexuelle ne veut rien dire. Quel
est
l’ordre neuf que l’on peut déduire de la copulation ? Sur un point, t
705
re de la copulation ? Sur un point, tout le monde
est
d’accord, des Sumériens jusqu’à Engels et à Toynbee : la condition de
706
et à Toynbee : la condition de toute civilisation
est
une certaine discipline des instincts de procréation. On parle de bri
707
ts du christianisme : lesquels ? Le christianisme
est
une religion qui se distingue de toutes les autres par l’absence quas
708
nous ont fait croire que le « péché originel » n’
est
autre que la sexualité. Quant aux pseudo-tabous qui règnent sur nous,
709
Quant aux pseudo-tabous qui règnent sur nous, ce
sont
ceux de la bourgeoisie de l’ère victorienne, ou du clergé avec ses li
710
s feux verts et sans feux rouges. Savez-vous quel
est
l’auteur le plus néfaste de la littérature occidentale ? Le Dr Tissot
711
un livre à la fin du xviiie siècle dont la thèse
était
que tout le malheur des hommes venait de la masturbation, qui rend le
712
i rend les jeunes gens fous, etc. Ce docteur, qui
était
, hélas ! suisse, a connu un succès mondial. Il a sans doute créé le m
713
Tissot s’appelle révolution sexuelle, alors ce n’
est
qu’un progrès normal vers le bon sens. En somme, vous trouvez qu’on s
714
aucoup, mais qu’il n’y a guère de révolution ? Il
est
clair que les tabous de la morale bourgeoise ne tiennent plus. Est-ce
715
tabous de la morale bourgeoise ne tiennent plus.
Est
-ce que cela signifie que la sexualité est plus vigoureuse, ou l’amour
716
t plus. Est-ce que cela signifie que la sexualité
est
plus vigoureuse, ou l’amour plus réussi, la morale du couple plus sol
717
Tristan à travers ces trois livres ; les trois en
sont
des reviviscences probablement inconscientes. Dans le mythe de Trista
718
conscientes. Dans le mythe de Tristan, l’obstacle
est
l’époux d’Iseut, le roi Marc. Dans Lolita, c’est l’âge (12 ans) de la
719
une femme, bien réelle dans sa vie, comme cela a
été
confirmé plus tard. Si l’obstacle est nécessaire à l’amour-passion, l
720
omme cela a été confirmé plus tard. Si l’obstacle
est
nécessaire à l’amour-passion, l’amour-action peut-il s’en passer ? Si
721
l’amour-action. En fin de compte, pour vous, quel
serait
le couple idéal ? Je voudrais que Tristan découvre Iseut, qu’Iseut dé
722
t pas. Il projette. Ce qu’il aime, c’est l’amour,
être
en état d’amour. Toutes les femmes qu’on aime d’amour-passion, toutes
723
mmes qu’on aime d’amour-passion, toutes les Iseut
sont
des femmes rêvées, les produits d’une projection. Vous n’aimez pas te
724
ou moins bien. Vous voyez à quel point la passion
est
l’ennemie intime du mariage ; elle empêche de voir l’autre avec qui l
725
t que la contestation, surtout dans les pays de l’
Est
, où elle est encore clandestine, mais d’autant plus sincère, a fait r
726
estation, surtout dans les pays de l’Est, où elle
est
encore clandestine, mais d’autant plus sincère, a fait revivre les pr
727
ne société ? Niveau de vie ou mode de vie ? Je me
suis
senti justifié. La jeunesse a redécouvert notre question trente ans a
728
redécouvert notre question trente ans après, sans
être
bloquée, elle, par la guerre des empires totalitaires qui fermait not
729
totalitaires qui fermait notre horizon, et qui n’
était
pas notre guerre. À cette époque, toute une génération s’est exprimée
730
re guerre. À cette époque, toute une génération s’
est
exprimée dans le personnalisme : à l’individualisme et au collectivis
731
sition au nazisme me valut d’ailleurs, en 1940, d’
être
envoyé en Amérique… où j’allais découvrir l’Europe. Comment cela ? On
732
end conscience des choses quand on les perd. Je n’
étais
pas le seul dans ce cas à New York. Quand j’ai rencontré Einstein, à
733
’impact des Européens immigrés. En 1922, quand je
suis
allé aux États-Unis pour une tournée de conférences sur le sionisme,
734
niversités m’a surpris. Le changement inouï qui s’
est
produit depuis lors est dû en bonne partie à l’afflux des Européens,
735
Le changement inouï qui s’est produit depuis lors
est
dû en bonne partie à l’afflux des Européens, notamment ceux que Hitle
736
re « pour la deuxième fois » et me demandait si j’
étais
libre ce soir… En Amérique, on l’accusait de communisme, parce qu’il
737
parlé de l’union de l’Europe. Il m’a dit : « Vous
êtes
bien optimiste. Cela prendra un temps fou. En tout cas, cela ne se fe
738
era pas avec un nationaliste comme Churchill : il
est
dangereux. » Une Europe d’États-nations visant à la puissance, disait
739
ndant quelques mois, Simone Weil. Aucun de nous n’
était
certain de jamais revoir l’Europe. J’écrivais deux textes par jour po
740
parle aux Français ». André Breton, Lévi-Strauss
étaient
les « parleurs » de mes textes. Mais pourquoi êtes-vous allé en Améri
741
ent les « parleurs » de mes textes. Mais pourquoi
êtes
-vous allé en Amérique pendant la guerre ? À cause d’un article envoyé
742
de l’armée suisse m’apprit qu’une démarche avait
été
faite le matin même de la parution de l’article par l’ambassadeur d’A
743
cause d’une fédération européenne. Mais l’Europe
est
loin d’être faite. Ne craignez-vous pas d’avoir perdu votre temps ? J
744
e fédération européenne. Mais l’Europe est loin d’
être
faite. Ne craignez-vous pas d’avoir perdu votre temps ? Je suis proba
745
craignez-vous pas d’avoir perdu votre temps ? Je
suis
probablement l’écrivain qui a présidé le plus grand nombre de comités
746
ar l’Europe, aujourd’hui, y compris les pays de l’
Est
, c’est 480 millions d’hommes. Alors, vous comprenez, « l’Europe écras
747
mble. C’est surtout que 120 millions d’entre nous
sont
satellisés par l’URSS, tandis que 320 millions sont assez bien coloni
748
nt satellisés par l’URSS, tandis que 320 millions
sont
assez bien colonisés, disons pour simplifier, par le dollar. Aucun de
749
l’Europe sur la base de l’unité culturelle, qui s’
est
formée tout en fondant l’Europe, depuis deux ou trois millénaires, et
750
i grande ni petite à l’Europe : je dis ce qu’elle
est
parmi les vingt-deux ou vingt-trois civilisations qu’énumère Toynbee.
751
gt-trois civilisations qu’énumère Toynbee. « Tout
est
venu à l’Europe, et tout en est venu, ou presque », disait Valéry. C’
752
e Toynbee. « Tout est venu à l’Europe, et tout en
est
venu, ou presque », disait Valéry. C’est vrai : toutes les sciences m
753
t littéraires. Cela ne veut pas dire que l’Europe
soit
moralement supérieure aux autres civilisations ; elle a déclenché des
754
n’y a pas eu Hitler, Staline, Guernica… L’Europe
est
une unité complexe, pétrie de contradictions, qui sont dues à la plur
755
une unité complexe, pétrie de contradictions, qui
sont
dues à la pluralité de ses origines — grecque, romaine, judéo-chrétie
756
e, judéo-chrétienne, germanique, celte, à quoi se
sont
ajoutées des influences arabes, slaves, et j’en passe. Tout cela l’a
757
la discussion, et, finalement, la révolution, qui
est
, elle aussi, une invention européenne. Ailleurs, il n’y a jamais eu,
758
is, leur ai-je dit, vous n’y croyez plus. Mais qu’
est
-ce qui existe à la place, selon vous ? Prenez le monde par vos antipo
759
st d’imiter la Chine maoïste, qui, elle, voudrait
être
aussi communiste que la Russie soviétique, dont le slogan est depuis
760
mmuniste que la Russie soviétique, dont le slogan
est
depuis 1925 : ‟Nous ferons mieux que l’Amérique.” Or l’Amérique est u
761
‟Nous ferons mieux que l’Amérique.” Or l’Amérique
est
une invention de l’Europe. Où trouvez-vous des valeurs neuves dans ce
762
dans ce périple ? Le marxisme ? Allons donc ! Il
est
le produit spécifique des contradictions de l’Europe au xixe siècle.
763
Europe au xixe siècle. » Pourquoi, selon vous, n’
est
-ce pas encore fait, la fédération européenne ? D’abord, parce qu’on e
764
l’État-nation, hérité de Napoléon. L’État-nation
est
la mainmise de l’appareil étatique, administratif et policier sur cet
765
olicier sur cette chose dynamique et affective qu’
est
une nation. Instituer un État-nation, c’est livrer sans recours toute
766
Après la guerre, toutes les anciennes colonies se
sont
jetées sur ce modèle et l’ont imité. Cette structure est la clef des
767
ées sur ce modèle et l’ont imité. Cette structure
est
la clef des maux du monde actuel. C’est pourquoi, dès le début de not
768
i, dès le début de notre action fédéraliste, nous
sommes
entrés en opposition avec Churchill, qui, lui, voulait des « États-Un
769
ur ferait mieux, et avec moins de bavardage. Vous
êtes
suisse, fils d’un pasteur protestant. Merci pour la précision. César
770
tant. Merci pour la précision. César Borgia, lui,
était
fils d’un pasteur catholique : le pape Alexandre VI. La Suisse est-el
771
teur catholique : le pape Alexandre VI. La Suisse
est
-elle pour vous un modèle politique idéal ? Vous savez, la vie politiq
772
ue idéal ? Vous savez, la vie politique en Suisse
est
très loin de la vie politique en France : elle est parfaitement ennuy
773
st très loin de la vie politique en France : elle
est
parfaitement ennuyeuse. Et c’est très bien comme ça. C’est une admini
774
. Vous lisez dans nos journaux : « Le souverain s’
est
prononcé hier. » Ce n’est pas une manière de parler, c’est la réalité
775
naux : « Le souverain s’est prononcé hier. » Ce n’
est
pas une manière de parler, c’est la réalité. On ne dit pas, en Suisse
776
la réalité. On ne dit pas, en Suisse : « Un tel a
été
un grand serviteur de l’État. » Pourquoi servir l’État ? C’est lui qu
777
l’État. » Pourquoi servir l’État ? C’est lui qui
est
un service. Le souverain gouverne ; le Conseil fédéral, lui, exécute,
778
finis toujours par leur dire : « Monsieur, je ne
suis
pas votre sujet, mais un libre citoyen. C’est le fonctionnaire qui es
779
mais un libre citoyen. C’est le fonctionnaire qui
est
au service des citoyens, et non l’inverse. Vous semblez parfois le cr
780
vient des rois de France. Eh bien, non : l’État n’
est
qu’un appareil, au mieux utile ! » Tandis que l’État-nation ? Le côté
781
Tandis que l’État-nation ? Le côté sacral qu’il s’
est
attribué est incroyable. Il a le droit de condamner à mort ses héréti
782
État-nation ? Le côté sacral qu’il s’est attribué
est
incroyable. Il a le droit de condamner à mort ses hérétiques et incro
783
Irlande ! Pour vous, au contraire, le fédéralisme
est
une méthode d’union dans la diversité ? Le fédéralisme est radicaleme
784
éthode d’union dans la diversité ? Le fédéralisme
est
radicalement contraire à la méthode d’unité par l’uniformité qui fut
785
ntraire à la méthode d’unité par l’uniformité qui
fut
celle de Louis XIV, des jacobins, de Napoléon, et reste celle des sys
786
entreprendre délibérément cette révolution qui n’
est
pas violente, mais qui implique le démantèlement progressif des États
787
ation. Et quand les ordinateurs mesureront que ce
sont
les régions qui jouent un rôle créateur et actif, l’Europe sera prati
788
ns qui jouent un rôle créateur et actif, l’Europe
sera
pratiquement faite. Mais n’est-ce pas mettre la charrue devant les bœ
789
t actif, l’Europe sera pratiquement faite. Mais n’
est
-ce pas mettre la charrue devant les bœufs ? Un Jean Monnet ne vous tr
790
ique entraînera nécessairement le politique. Nous
sommes
contraints de voir aujourd’hui que ce n’est pas ainsi que les choses
791
us sommes contraints de voir aujourd’hui que ce n’
est
pas ainsi que les choses se passent. Et que ce n’est pas Karl Marx qu
792
pas ainsi que les choses se passent. Et que ce n’
est
pas Karl Marx qui a raison sur ce point, mais Mao Zedong, qui a bapti
793
t des superstructures. Eh bien, en ce sens-là, je
suis
maoïste ! Je crois que la révolution part des grandes options, d’une
794
amentales de notre esprit. Et que l’économie n’en
sera
jamais que le produit. Vous restez donc optimiste en ce qui concerne
795
jours plus d’anti-Européens qu’il n’en naît. » Je
suis
certain que nous irons vers des solutions fédéralistes, régionalistes
796
es. Mais il reste toujours la part du diable. Qui
est
-ce, le diable ? Le diable, c’est l’agent dépersonnalisant du monde, l
797
ation totalitaire. Dès que vous cédez quoi que ce
soit
sur la personne, tout est perdu : l’homme, le couple, la cité, la soc
798
vous cédez quoi que ce soit sur la personne, tout
est
perdu : l’homme, le couple, la cité, la société, et vous avez le tota
799
olutions n’a réussi. Dans ce sens, on ne peut pas
être
trop fier de l’Europe. Comment voyez-vous l’avenir ? Je crois au prog
800
risques humains, comme le montre la science, qui
est
à double tranchant. Ou bien, je vous l’ai dit, nous irons vers l’ennu
801
ée pas en profondeur la soif de quelque chose qui
soit
au-delà de l’ordre et qu’il ne provoque pas une rébellion de l’esprit
802
lus fondamental des sujets : l’amour. Parce qu’il
est
l’un de ceux qui ont créé, en 1932, avec Emmanuel Mounier ( Esprit ),
803
Esprit ), le mouvement personnaliste. Parce qu’il
est
, depuis vingt ans, le pionnier d’une Europe fédérée. Son dernier ouvr
804
e notion purement religieuse. Alors le diable, qu’
est
-ce que cela peut représenter au juste en 1971 pour un non-croyant ? F
805
ont : l’auteur célèbre de L’Amour et l’Occident
est
aussi celui de La Part du diable . Il en parlera d’ailleurs, et de l
806
enons pas garde aux autres pollutions, celles qui
sont
spirituelles. Et quand on ne tient plus compte du diable, on risque d
807
de ne plus discerner le mal. Pour quelqu’un qui n’
est
pas croyant, qu’est-ce que cela représente, le diable ? Croyant ou no
808
le mal. Pour quelqu’un qui n’est pas croyant, qu’
est
-ce que cela représente, le diable ? Croyant ou non, tout homme a une
809
e à épouser une cause. Donc il croit savoir ce qu’
est
le mal et par conséquent le bien. Qu’on ne raconte pas d’histoires !
810
e, danoise, maoïste, marxiste ou hippie. Là, tout
est
encore très simple. Mais quand on ignore tout simplement que le diabl
811
on nie qu’il existe, c’est alors qu’on commence à
être
manipulé par lui. Pouvez-vous préciser ce qu’est pour vous le diable
812
être manipulé par lui. Pouvez-vous préciser ce qu’
est
pour vous le diable ? C’est quand il n’y a personne. Qui peut-on conv
813
rès facilement de ne pas croire à son action, qui
est
spirituelle. C’est son incognito qui fait sa force. Vous connaissez l
814
rmule de Baudelaire : « Le premier tour du diable
est
de nous faire croire qu’il n’existe pas ». Le diable, c’est celui qui
815
lope aveuglé à l’entrée de la caverne : « Mon nom
est
Personne. De quoi aurais-tu peur ? Je ne suis pas là… » C’est ce que
816
nom est Personne. De quoi aurais-tu peur ? Je ne
suis
pas là… » C’est ce que fait Satan ? Singeant Dieu, mais à rebours, il
817
Singeant Dieu, mais à rebours, il nous dit : « Je
suis
celui qui n’est pas ! ». Il est la force dépersonnalisante de l’unive
818
is à rebours, il nous dit : « Je suis celui qui n’
est
pas ! ». Il est la force dépersonnalisante de l’univers. Il nous fait
819
nous dit : « Je suis celui qui n’est pas ! ». Il
est
la force dépersonnalisante de l’univers. Il nous fait croire qu’il n’
820
civilisation de tous côtés. Mais quelle pourrait
être
, au xx e siècle, une définition moderne du diable, tel que vous le co
821
ne, je dirais que le diable, c’est l’entropie. Qu’
est
-ce que l’entropie ? C’est la dégradation de l’énergie. C’est une loi
822
à un niveau inférieur d’énergie. Non, Hitler n’
était
pas le diable C’est donc cela, pour vous, « la part du diable » ?
823
, les forces anonymes et qui rendent tout anonyme
sont
en expansion. La plupart des forces déchaînées à travers le monde nou
824
teint jamais », comme l’observait Jésus. Et de là
est
venue l’idée médiévale de l’enfer. C’est le rebut des hommes qui ont
825
enfer. C’est le rebut des hommes qui ont refusé d’
être
eux-mêmes ; à tous risques. S’ils sont rejetés au bout du compte, ce
826
t refusé d’être eux-mêmes ; à tous risques. S’ils
sont
rejetés au bout du compte, ce n’est pas par un tribunal, mais par eux
827
sques. S’ils sont rejetés au bout du compte, ce n’
est
pas par un tribunal, mais par eux-mêmes ! Et si l’on se trompe sur le
828
nnel lutte contre le diable uniformisateur. Quels
sont
les différents tours du diable ? L’un consiste, pendant la dernière g
829
ant la dernière guerre, à nous faire croire qu’il
était
seulement Adolf Hitler, par exemple. Déguisement grossier, mais habil
830
Déguisement grossier, mais habile, parce que nous
étions
tous prêts à y croire. Hitler, le diable ? Il y avait vraisemblance,
831
vraisemblance, mais aussi une paille ; si Hitler
était
le diable, il eût suffi de le tuer, et le mal eût disparu. Mais le di
832
de le tuer, et le mal eût disparu. Mais le diable
est
bien plus malin. Quand Hitler était devant nous, nous étions en garde
833
Mais le diable est bien plus malin. Quand Hitler
était
devant nous, nous étions en garde, nous nous battions contre lui, et
834
plus malin. Quand Hitler était devant nous, nous
étions
en garde, nous nous battions contre lui, et le diable travaillait der
835
ièrement, qu’il n’existe pas, deuxièmement, qu’il
est
seulement Hitler et personne d’autre, et ainsi de suite. Or le mal co
836
, et ainsi de suite. Or le mal connu et dénoncé n’
est
jamais très dangereux. Lorsque nous sommes attaqués de front, nous fa
837
dénoncé n’est jamais très dangereux. Lorsque nous
sommes
attaqués de front, nous faisons face, notre résistance est alertée. L
838
ués de front, nous faisons face, notre résistance
est
alertée. La menace véritable, c’est quand nous ne savons pas que nous
839
éritable, c’est quand nous ne savons pas que nous
sommes
attaqués, quand nous sommes entraînés malgré nous. Car alors, nous pe
840
e savons pas que nous sommes attaqués, quand nous
sommes
entraînés malgré nous. Car alors, nous perdons notre volonté, notre i
841
té, notre responsabilité personnelle, ce que nous
sommes
seuls à pouvoir faire au monde. Le diable compte sur la lâcheté qui e
842
ire au monde. Le diable compte sur la lâcheté qui
est
en chacun de nous, et qui nous fait fuir derrière les buissons — ou d
843
z Adam, dans la Genèse. Quand Dieu lui dit : « Qu’
est
-ce que tu as fait ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est elle q
844
est-ce que tu as fait ? », il proteste : « Je n’y
étais
pas, c’est elle qui a tout fait, c’est elle qui m’a tendu la pomme ;
845
e ; moi, je n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’
est
passé ; j’étais derrière les buissons, au milieu des arbres du jardin
846
ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’est passé ; j’
étais
derrière les buissons, au milieu des arbres du jardin. » L’action du
847
r les Américains, dont la faiblesse me paraissait
être
dans leur incapacité à croire au mal pur, donc au diable. Jacques Mar
848
ai voulu aller dans un restaurant du quartier. Il
était
tard, les patrons étaient seuls, et l’on s’est écrié en me voyant ent
849
estaurant du quartier. Il était tard, les patrons
étaient
seuls, et l’on s’est écrié en me voyant entrer : « Voilà le diable !
850
était tard, les patrons étaient seuls, et l’on s’
est
écrié en me voyant entrer : « Voilà le diable ! ». J’ai déguerpi, san
851
nder mon reste. Cinq semaines plus tard, le livre
était
fini : soixante-six courts chapitres, et voilà que je découvre que 66
852
urts chapitres, et voilà que je découvre que 666…
est
le chiffre du diable, qui refuse d’arriver à 7, le nombre de la Créat
853
s l’esprit du bon bourgeois, du philistin, lequel
est
le plus diabolique ? C’est bien sûr le meurtre horrible de Sharon Tat
854
bre. L’un des meurtriers, en effet, criait : « Je
suis
le diable ici pour faire l’œuvre du diable ! ». Il portait les cheveu
855
e du diable ! ». Il portait les cheveux longs, il
était
barbu. Les filles étaient droguées, et ils ont tué délibérément une f
856
ait les cheveux longs, il était barbu. Les filles
étaient
droguées, et ils ont tué délibérément une femme enceinte et quatre ou
857
coupe de cheveux de l’armée américaine. Eux aussi
étaient
drogués, dit-on, et ils ont exécuté leur crime avec bonne conscience.
858
ont exécuté leur crime avec bonne conscience. Qu’
est
-ce qui est pire ? Dans les deux cas, les barbus et les folles, ou les
859
é leur crime avec bonne conscience. Qu’est-ce qui
est
pire ? Dans les deux cas, les barbus et les folles, ou les soldats on
860
urs officiers. Je dis que c’est le second cas qui
est
vraiment diabolique, parce que l’anonymat y est plus manifeste, la ma
861
i est vraiment diabolique, parce que l’anonymat y
est
plus manifeste, la manière de se cacher dans les buissons plus éviden
862
tions de crédibilité et de respectabilité, ce qui
est
vraiment atteindre une société en plein cœur. Peut-on rencontrer le d
863
quer avec lui, prenez-le dans le fauteuil où vous
êtes
assis ! Là, vous êtes sûr de ne pas le rater. C’est en vous qu’il exi
864
le dans le fauteuil où vous êtes assis ! Là, vous
êtes
sûr de ne pas le rater. C’est en vous qu’il existe : personne d’autre
865
nte et qu’il n’y avait pas lieu d’en disputer. Il
est
bien vrai qu’aucune raison logique ou sémantique ne saurait justifier
866
fédérer isolément. Pour Littré, la Confédération
est
« l’union entre plusieurs États qui, tout en gardant une certaine aut
867
ainsi, par exemple, « la Suisse et les États-Unis
sont
des gouvernements fédéraux ». D’où l’on conclut en bonne logique qu’u
868
même réalité correspondant aux deux mots, ceux-ci
sont
équivalents, comme deux quantités égales à une troisième le sont entr
869
s, comme deux quantités égales à une troisième le
sont
entre elles. Mais la définition de fédération, qui suit, comme « unio
870
ion, qui suit, comme « union politique d’États »,
est
défectueuse puisqu’elle ne mentionne que l’union et ne dit rien de l’
871
mie des parties constituantes n’aurait pas lieu d’
être
appelée fédérale. Ce serait simplement une union. Donc, point de diff
872
tes n’aurait pas lieu d’être appelée fédérale. Ce
serait
simplement une union. Donc, point de différence aux yeux de Littré, e
873
», et à lui seul — l’une affirmant que ce régime
était
en Amérique, selon Chateaubriand, « une des formes politiques les plu
874
», l’autre rappelant qu’en France, le fédéralisme
fut
le « projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale ». D’o
875
, sans doute) et que les fédéralistes, en France,
sont
des traîtres. Le mot se trouve ainsi « taboué » pour tous ceux qui on
876
ycée. Et voilà qui repose tout le problème. Telle
étant
la situation de fait, en France, il fallait bien lui donner un statut
877
ion de 1848 porte à l’article 3 que « les cantons
sont
souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Con
878
s sont souverains en tant que leur souveraineté n’
est
pas limitée par la Constitution fédérale, et comme tels exercent tous
879
le, et comme tels exercent tous les droits qui ne
sont
pas délégués au pouvoir fédéral » ; cependant que l’article 5 « garan
880
». Ainsi, la force garante des autonomies locales
est
celle qui naît précisément de la mise en commun d’une partie de leurs
881
édéral européen, constitué selon la même formule,
serait
seul capable de garantir effectivement l’autonomie de chacun de nos p
882
« parapluie » que l’on sait. Toute confédération
étant
une forme instable de compromis entre ceux qui veulent l’union et ceu
883
pter le mot s’il facilite la chose, — quelles que
soient
, par ailleurs, les vraies dispositions et intentions des hommes d’Éta
884
ausse alternative « confédération ou fédération »
sera
définitivement transcendée ; elle reste liée par nature à l’existence
885
ntre européen de la culture, Denis de Rougemont s’
est
élevé, récemment, lors d’une conférence, contre les procédés de M. Pa
886
faire vendre la dextrose de M. Pauwels — dextrose
étant
synonyme, je le rappelle, de glucose, liquide sucré. Le succès foudro
887
erte aux gens heureux et qui ont bien raison de l’
être
, publié en 1971 chez Albin Michel.
888
. Au sens le plus passif, c’est « faire partie »,
être
inclus dans une classe ou un tout quelconque. La participation désign
889
nque. La participation désigne toujours le fait d’
être
« dans le coup », d’être engagé ou concerné, avec une faculté plus ou
890
signe toujours le fait d’être « dans le coup », d’
être
engagé ou concerné, avec une faculté plus ou moins actuelle ou virtue
891
le, d’influencer une situation d’ensemble où l’on
est
pris, et son propre destin en elle. D’où l’on voit que participer act
892
éterminer dans la mesure où l’on agit en elle. Ce
sont
les formes actives de la participation que nous aurons à considérer,
893
participation à des responsabilités. Or l’homme n’
est
responsable (étymologiquement : capable de répondre, de se porter gar
894
apable de répondre, de se porter garant) que s’il
est
sujet libre de son action. Un homme qui n’est pas reconnu comme libre
895
’il est sujet libre de son action. Un homme qui n’
est
pas reconnu comme libre ne peut être tenu pour responsable de ses act
896
n homme qui n’est pas reconnu comme libre ne peut
être
tenu pour responsable de ses actes. Inversement, un homme privé de la
897
sibilité d’assumer des responsabilités ne saurait
être
tenu pour libre ni se sentir vraiment tel. Quant aux trois adjectifs
898
trois adjectifs social, civique, politique, il n’
est
guère possible de les distinguer théoriquement, car ils définissent t
899
abulaire de notre siècle, il apparaît que civisme
est
lié surtout à une participation active à la chose publique et à une a
900
de politique de la recherche, etc.) et que social
est
à la fois ce qui concerne la foule (dont l’idée est présente dans pol
901
t à la fois ce qui concerne la foule (dont l’idée
est
présente dans polis par poly, beaucoup) et ce qui fait de la foule un
902
ens de religare, relier. Dans la cité, le civisme
sera
donc l’ensemble des faits de participation active (personnelle) à la
903
nnelle) à la vie sociale, tandis que la politique
sera
la définition et le choix des priorités, des options prospectives dan
904
slation sociale, recherches. Ainsi la politique n’
est
pas la fin dernière de l’homme, pas plus que ne le sont la cité ou la
905
as la fin dernière de l’homme, pas plus que ne le
sont
la cité ou la Société. Elle est la stratégie (dont le civisme est la
906
s plus que ne le sont la cité ou la Société. Elle
est
la stratégie (dont le civisme est la technique) qui permet à la Socié
907
a Société. Elle est la stratégie (dont le civisme
est
la technique) qui permet à la Société ou à la cité de s’ordonner aux
908
s’ordonner aux buts derniers de l’homme. Or s’il
est
vrai que ces buts — universels et personnels — transcendent toute com
909
personnels — transcendent toute communauté, ce n’
est
pourtant qu’au sein de la communauté, dans le complexe des relations
910
choisir librement l’avenir de l’humanité. Et il y
est
contraint du seul fait que, pour la première fois, il en a la possibi
911
ée — labourée, fécondée, cultivée —, l’initiative
fut
assumée au nom de l’espèce par quelques héros légendaires, Prométhée
912
i justement remarqué E. M. Cioran7. L’agriculture
fut
en effet le premier moyen de commander à la nature en se conformant à
913
la mise en question des buts mêmes de la vie, tel
est
bien le résumé de l’évolution humaine — jusqu’à nous. Ayant dépassé l
914
, mais il ignore vers quoi. Déjà, en Occident, il
est
au terme de l’ère qu’on a nommée néolithique, celle qui a vu la fixat
915
ronique, dont on peut facilement imaginer qu’elle
sera
l’ère des relations humaines de plus en plus indépendantes des contra
916
s humaines dans la cité, au service des finalités
soit
de la cité elle-même, pour les platoniciens et les totalitaires de to
917
atoniciens et les totalitaires de tous les temps,
soit
de la personne, pour les autres. Ainsi mis en demeure de choisir nos
918
estion qui se pose alors, c’est de savoir si nous
sommes
préparés à répondre à ce défi sans précédent. Je vais avouer d’abord
919
plus fameux de ces dernières années que ce livre
est
« le premier qui fasse passer la prédiction de l’ère des devins à cel
920
». On nous dit aussi (mais je m’assure que ce ne
sont
pas les auteurs qui ont écrit cela) que « depuis 1960, la spéculation
921
que « depuis 1960, la spéculation sur le futur (n’
est
plus) prophétique mais rationnelle et méthodique ». Sur quoi je lis l
922
e nos savants (d’ailleurs honnêtes et scrupuleux)
sont
en fait des devins, car, attentifs à ne pas « prophétiser », ils cher
923
au service de ses fins), nous devrions idéalement
être
à la fois objectifs et normatifs — plus objectifs afin d’être mieux n
924
is objectifs et normatifs — plus objectifs afin d’
être
mieux normatifs. Mais on voit qu’il y a antinomie pratique entre les
925
esure où le savant se veut observateur passif, il
est
mauvais citoyen, et dans la mesure où en tant que citoyen il refuse c
926
», veut changer les données d’un phénomène, il n’
est
plus « scientifique ». Objectivité et normativité, ces deux « variabl
927
et normativité, ces deux « variables conjuguées »
seraient
donc ici en relations d’incertitude. En revanche, et à l’inverse, on
928
és de Heisenberg — que les aspects antinomiques «
sont
complémentaires en ce sens qu’il est nécessaire de faire intervenir c
929
inomiques « sont complémentaires en ce sens qu’il
est
nécessaire de faire intervenir ces deux aspects pour l’interprétation
930
nt d’ores et déjà des effets certains, même s’ils
sont
malaisément mesurables, sur l’évolution prévue : ils contribuent à la
931
ocessus variés d’inhibition, dont le plus évident
est
l’abaissement du seuil de résistance à la propagande pour les moyens
932
termes, la vision deviendra fausse parce qu’elle
était
juste au début ; ou, pour pousser à la limite : l’utilité (l’efficaci
933
fets analogues de rétroaction de la prévision ont
été
bien souvent invoqués à propos de « l’équilibre de la terreur atomiqu
934
e la prévision « exacte » par son propre effet, n’
est
-ce pas en fin de compte un cas particulier d’une dialectique de l’inf
935
ant à la participation civique et politique, s’il
est
vrai que l’information, dont elle fait partie, est une des conditions
936
st vrai que l’information, dont elle fait partie,
est
une des conditions sine qua non de cette participation. 3. Rôle de
937
r axiomatique à la thèse hégélienne : tout ce qui
est
réel est rationnel. Et qu’ils dénomment, à cause de cela, « cauchemar
938
ique à la thèse hégélienne : tout ce qui est réel
est
rationnel. Et qu’ils dénomment, à cause de cela, « cauchemars », les
939
à explosion dans les mégalopolis de l’an 2000, ne
sont
pas plus « débrayés » de l’évolution historique que le sociologue d’a
940
randes ou petites inventions dans tous les ordres
sont
nées de rêves, et l’examen des rêves comme des tendances religieuses
941
t chiffrer. 4. Ceux qui prévoient l’an 2000 ne
sont
pas ceux qui le vivront « Vous dites : Où vas-tu ? Je l’ignore et
942
t j’y vais », osait écrire Victor Hugo. Voilà qui
est
beaucoup plus sensé qu’il n’y paraît à première vue. Car si je savais
943
is : car ce « là-bas » ne m’attend pas tel que je
suis
. Imaginer l’avenir est faux et dangereux dans la mesure même où c’est
944
e m’attend pas tel que je suis. Imaginer l’avenir
est
faux et dangereux dans la mesure même où c’est « matériellement exact
945
r nous nous y voyons en imagination tels que nous
sommes
aujourd’hui et c’est en tant que tels que nous jugeons « insupportabl
946
eux qui la vivront — même si c’est nous encore, —
seront
différents : ils la supporteront très bien, ou seront déjà blasés, oc
947
nt différents : ils la supporteront très bien, ou
seront
déjà blasés, occupés par des besoins et des soucis nouveaux. Il faudr
948
rs types d’évolutions psychologiques d’ici là. Il
est
certain que la prise de conscience progressive de la nature de cet av
949
enir aujourd’hui comme nous le sentirons quand il
sera
présent ; — si l’évolution même de nos manières de pressentir l’aveni
950
vions évaluer ces modifications ; — bref, si nous
étions
en mesure de prévoir à la fois l’avenir, nous-mêmes en lui, ses modif
951
ticipation du citoyen au management de la cité ne
seront
pas les mêmes, d’ici là, aux États-Unis, en URSS, en Europe, dans le
952
le tiers-monde. Les situations de départ en 1970
sont
différentes, comme le seront sur les divers continents les évolutions
953
ions de départ en 1970 sont différentes, comme le
seront
sur les divers continents les évolutions démographiques, l’efficacité
954
nt les situations de départ (traditions incluses)
soient
comparables et les rythmes de croissance démographique, urbanistique,
955
nt, la prévision n’aurait pas de sens ; si rien n’
était
variable, le besoin de prévision serait nul. Par rapport à la partici
956
si rien n’était variable, le besoin de prévision
serait
nul. Par rapport à la participation sociale, civique et politique, qu
957
civique et politique, quelques invariants doivent
être
reconnus, au titre de contraintes pour l’imagination, mais aussi de r
958
des moyens individuels de communiquer à distance
sera
accrue aux dimensions de la planète. 2. Vie personnelle et sociabi
959
ouble emploi permanent de l’homme occidental doit
être
considéré comme une contrainte primordiale pour tous les plans d’habi
960
t du cadre Un autre besoin qui paraît constant
est
celui de l’agrément du cadre : « Que l’on vive en 1768 ou en 1968, un
961
promenade plaisante, un beau lieu de réunion, ne
sont
guère différents… Les hommes n’ont pas tant changé10. » D’où l’idée d
962
a Maison-Blanche du 8 février 1965. Mais ce droit
est
en fait constamment menacé ou lésé par un autre invariant humain, l’é
963
es ou encombrements de toute nature dont la cause
est
souvent l’absence de courtoisie ; et dans les campagnes, en contribua
964
tude qui mine les bases mêmes du civisme quel que
soit
le régime. 4. Spécificité du comportement civique Or, s’il est
965
. Spécificité du comportement civique Or, s’il
est
vrai que cet égoïsme, cet incivisme (souvent déguisé en individualism
966
la faible participation aux « votations », n’ont
été
modifiés ni par les changements qualitatifs et quantitatifs de la com
967
tonomies. Mais des observations analogues peuvent
être
faites à l’échelle européenne, quant aux comportements civiques des F
968
minimiser parfois, le domaine des variables, qui
est
en revanche celui de la stratégie et de ses efforts d’optimation. Les
969
ation sociale, civique et politique me paraissent
être
la dimension dans l’habitat ou le cadre urbain, le niveau de décision
970
n ou square, dérivés de l’agora et du forum — ont
été
le lieu politique par excellence —, le Sénat et le Parlement n’étant
971
ique par excellence —, le Sénat et le Parlement n’
étant
qu’une dépendance ou délégation du forum. Là s’exerçait au maximum la
972
aste ne peut plus s’assembler pour discuter, s’il
est
ensuite chassé de la rue par les autos et perd les occasions quotidie
973
atiquement anonymes, et que des élus transitoires
sont
censés diriger et orienter, mais qu’ils se bornent en fait à « couvri
974
pluraliste, fédéraliste, les niveaux de décision
sont
déterminés par la correspondance entre les dimensions des communautés
975
nal, ou continental, ou mondial. Ces possibilités
sont
d’autant plus nombreuses, plus directes et mieux garanties dans chaqu
976
aque domaine d’activité que le niveau de décision
est
plus proche des cellules de base ; mais d’autant plus rares, plus dél
977
uées et plus aléatoires que le niveau de décision
est
plus éloigné — ce qu’il est au maximum dans les régimes stato-nationa
978
le niveau de décision est plus éloigné — ce qu’il
est
au maximum dans les régimes stato-nationaux centralisés, dont le modè
979
gimes stato-nationaux centralisés, dont le modèle
fut
l’œuvre de Napoléon s’inspirant des principes jacobins. La centralisa
980
ilités de participation du citoyen : au mieux, il
est
appelé à voter tous les quatre ou sept ans pour un candidat à la prés
981
e du modèle napoléonien), la participation active
est
nulle, la participation passive, obligatoire et universelle, est donc
982
articipation passive, obligatoire et universelle,
est
donc totale. Les limites extrêmes de la participation sont ici représ
983
totale. Les limites extrêmes de la participation
sont
ici représentées par la distribution pluraliste des pouvoirs à des ni
984
mation. a) L’information sur les problèmes locaux
étant
la plus dense et détaillée, la participation aux décisions locales es
985
détaillée, la participation aux décisions locales
est
la plus efficace et universelle. À mesure qu’on s’élève dans l’échell
986
éléguée. Au niveau des tâches continentales (qui
est
aujourd’hui celui des recherches nucléaires et spatiales, des transpo
987
de au tiers-monde), une information générale peut
être
diffusée et assimilée sans trop de peine par l’école, la presse et le
988
e fonction de mise en forme, analogue à celle qui
est
assurée d’ores et déjà auprès des responsables de la politique améric
989
b) L’information (dont l’enseignement scolaire n’
est
qu’un chapitre) aura des actions très différentes selon que, par une
990
oi) pour traiter un problème public sur lequel il
est
appelé à se prononcer. Dans le second cas, l’information, loin de che
991
pas encore atteint le stade réflexif-critique, n’
est
pas une atteinte à la liberté de jugement mais une empreinte dont le
992
de lésion infligées à la faculté de participation
sont
guérissables. Il suffit que l’homme « se reprenne », compare les prom
993
tés et déclare à ses risques et périls : « Le Roi
est
nu. » Il n’en va plus de même lorsque l’information s’adresse à l’inc
994
ples du jeu dont nous venons de poser les règles.
Étant
bien entendu qu’il ne s’agit encore que d’essais de vérifier quelques
995
notre alternative, l’Europe, autour de l’an 2000,
est
restée — ou est revenue, après l’échec des mouvements d’union — au st
996
e, l’Europe, autour de l’an 2000, est restée — ou
est
revenue, après l’échec des mouvements d’union — au stade des États-na
997
les légistes de Philippe le Bel, vers 1300. Qu’en
est
-il alors de la fameuse prophétie de Proudhon : « Le xxe siècle ouvri
998
mille ans » ? C’est la seconde proposition qui a
été
retenue par l’histoire. Peut-on décrire alors le « purgatoire » europ
999
être une tâche impossible, au surplus vaine, s’il
est
vain de s’interroger sur les remèdes aux maladies dont sera menacé ap
1000
de s’interroger sur les remèdes aux maladies dont
sera
menacé après 2000 un homme né avant 1900. La persistance des États-na
1001
sommerait la double satellisation, par l’URSS à l’
Est
et en Méditerranée, par les USA à l’Ouest et au Nord. La participatio
1002
La participation civique et politique ne saurait
être
alors que minimale ou nulle, tout étant dirigé, programmé ou inspiré
1003
ne saurait être alors que minimale ou nulle, tout
étant
dirigé, programmé ou inspiré de l’extérieur : rythmes de production,
1004
ion. Il importe peu de savoir si l’agent dominant
est
alors l’État national, le Parti qui l’utilise (« marxiste » ou « fasc
1005
versel et omniscient ; dans tous ces cas, l’agent
est
en mesure de « sonder les reins et les cœurs », d’enregistrer non seu
1006
e nouvelles castes. Et l’on peut avancer que 1984
serait
le résultat nécessaire de l’incapacité de « faire l’Europe » à cette
1007
des conditionnés. La classe informée (ou active)
est
naturellement dirigeante. La classe pseudo-informée (ou passive) se t
1008
ofit de l’économie américaine, et dans celle de l’
est
au profit des maîtres et manipulateurs de l’idéologie communiste. Cet
1009
à ébranler le système. Cependant, elle ne saurait
être
qu’une image-limite, irréalisable à l’état pur, car non seulement « l
1010
sable à l’état pur, car non seulement « le pire n’
est
pas toujours sûr », mais encore et surtout, le pire se limite par ses
1011
le précisément que l’État-nation excluait, et qui
est
à la fois régionale et continentale. L’État-nation était trop grand p
1012
la fois régionale et continentale. L’État-nation
était
trop grand pour animer l’existence économique, sociale et culturelle
1013
es régions seules peuvent le faire. L’État-nation
était
trop petit pour jouer un rôle à l’échelle mondiale : la fédération eu
1014
unautés réelles Les dimensions des communautés
sont
de deux sortes, que Rousseau dénommait « nombre du peuple » et « éten
1015
erté diminue », tandis que « le gouvernement doit
être
plus fort à mesure que le peuple est plus nombreux » et qu’en revanch
1016
nement doit être plus fort à mesure que le peuple
est
plus nombreux » et qu’en revanche « plus les magistrats sont nombreux
1017
ombreux » et qu’en revanche « plus les magistrats
sont
nombreux, plus le gouvernement est faible ». Ou encore : « le plus ac
1018
es magistrats sont nombreux, plus le gouvernement
est
faible ». Ou encore : « le plus actif des gouvernements est celui d’u
1019
». Ou encore : « le plus actif des gouvernements
est
celui d’un seul », « le nombre des chefs diminue en raison de l’augme
1020
: « si […] le nombre des magistrats suprêmes doit
être
en raison inverse de celui des citoyens, il s’ensuit qu’en général le
1021
onvient aux petits États », à ceux où « le peuple
est
facile à rassembler » (Contrat social, III, 1 à 3). Rousseau en vient
1022
r rotation) que de citoyens : plus une communauté
est
petite, plus le gouvernement peut y être démocratique ; plus un État
1023
ommunauté est petite, plus le gouvernement peut y
être
démocratique ; plus un État est populeux et étendu, et plus le pouvoi
1024
vernement peut y être démocratique ; plus un État
est
populeux et étendu, et plus le pouvoir doit être concentré. (À la lim
1025
t est populeux et étendu, et plus le pouvoir doit
être
concentré. (À la limite, il faudra donc un dictateur.) De là le conse
1026
suppression !) à des niveaux de décision où il ne
soit
plus seulement contrôleur mais surtout contrôlable par des citoyens i
1027
tes pour qu’en leur sein la participation civique
soit
aussi directe et aussi fréquente que possible. Or la recréation de la
1028
vitas, de la cité libre ou universitas médiévale)
est
essentiellement une question d’urbanisme. Elle dépend des possibilité
1029
nes de la polis, du village ou du bourg médiéval,
soit
des unités d’habitation (quartiers, cités-satellites, ou villes neuve
1030
a mesure d’une vie civique rénovée semble pouvoir
être
résolu en théorie dès les années 1980. Mais la société de l’an 2000 n
1031
es années 1980. Mais la société de l’an 2000 n’en
sera
pas moins compromise par la survivance encombrante de quartiers de vi
1032
à l’échelle du continent, ou fédérations. Car il
est
évident qu’un certain nombre d’activités indispensables à la vitalité
1033
tion civique (communes et entreprises) ne peuvent
être
exercées qu’à l’échelle d’une fédération continentale. Citons au nomb
1034
compétences et les capacités des régions devront
être
assumés par des agences fédérales, informées par leurs relais régiona
1035
oriquement permettre un maximum de participation.
Est
-ce à dire que le système décrit représente un modèle satisfaisant d’h
1036
que j’aie des doutes sur la valeur du modèle — il
est
le meilleur que je puisse imaginer — mais du fait même qu’il aura pou
1037
in type d’équilibre ou de stabilité. Disons qu’il
est
méthode d’invention permanente et non pas utopie à joindre un jour. C
1038
liberté, tandis que l’utopie prise pour programme
est
une fuite devant le réel, devant les risques de la liberté, donc deva
1039
berté elle-même. Un jeu parfait de notre modèle n’
est
pas souhaitable, car il rendrait la participation inévitable, obligat
1040
sans « reste » d’anarchie. On sent bien que cela
serait
en contradiction réelle avec la liberté, qui est le ressort du jeu en
1041
rait en contradiction réelle avec la liberté, qui
est
le ressort du jeu en même temps que son but, puisqu’elle nourrit les
1042
pation authentique.) Au surplus, un jeu parfait n’
est
possible que s’il est limité dans le temps, terminé par une fin autom
1043
u surplus, un jeu parfait n’est possible que s’il
est
limité dans le temps, terminé par une fin automatique ou convenue, ce
1044
iné par une fin automatique ou convenue, ce qui n’
est
pas le cas dans la cité envisagée : ses éléments ne sont pas des pion
1045
s le cas dans la cité envisagée : ses éléments ne
sont
pas des pions solides en nombre déterminé mais des flux, des couples
1046
s, de déséquilibres, de conflits, dont on ne peut
être
sûr qu’ils finiront « bien », mais dont il est certain qu’ils perdrai
1047
t être sûr qu’ils finiront « bien », mais dont il
est
certain qu’ils perdraient toute vertu créatrice s’ils pouvaient être
1048
perdraient toute vertu créatrice s’ils pouvaient
être
« réglés » ou « contrôlés » d’avance par un programme. B. Difficu
1049
l’avons vu, des conditions précises, dont nulle n’
est
suffisante, mais qui sont toutes nécessaires : 1. Information des cit
1050
s précises, dont nulle n’est suffisante, mais qui
sont
toutes nécessaires : 1. Information des citoyens (enseignement à tous
1051
ation, directe, visible et tangible dans la polis
est
fournie désormais au plus grand nombre par une école améliorée, plus
1052
roître entre les deux clientèles de l’information
est
devenu tel que l’on doit parler de deux classes divisant la société e
1053
ditionnées, donc asservies. Les uns et les autres
sont
fiers de leur supériorité, soit qualitative (opérationnelle), soit qu
1054
uns et les autres sont fiers de leur supériorité,
soit
qualitative (opérationnelle), soit quantitative (fonctionnelle) ; soi
1055
r supériorité, soit qualitative (opérationnelle),
soit
quantitative (fonctionnelle) ; soit s’autorisant d’un « gay savoir »
1056
rationnelle), soit quantitative (fonctionnelle) ;
soit
s’autorisant d’un « gay savoir » nietzschéen et de ses perpétuelles r
1057
estion plus ou moins inactuelles et arbitraires ;
soit
se fondant sur des évidences tenues pour scientifiques, indiscutables
1058
(Le pluralisme, le goût de différer et de refuser
sont
en effet les attributs des seules élites. Le passage de la masse aux
1059
La discussion publique La discussion publique
était
, en Grèce antique, l’affaire de l’ensemble des citoyens (environ le d
1060
e et à trancher par un vote. Ce type d’assemblée
est
devenu impraticable et impensable (sauf dans de très petits cantons s
1061
cité, dont Aristote pensait que l’étendue devait
être
mesurée par la portée de la voix d’un homme criant sur l’agora, devie
1062
à l’humanité, c’est-à-dire globale. Si la commune
est
l’aire où ma voix peut se faire entendre, alors « le monde est ma com
1063
ma voix peut se faire entendre, alors « le monde
est
ma commune » peut dire l’homme de la fin de ce siècle. Pour Teilhard
1064
e homme moderne, par certaines de ses dimensions,
est
global. La question demeure, évidemment, de savoir quelles voix peuve
1065
, on vérifie que plus les moyens de communication
sont
puissants, moins sont nombreux ceux qui peuvent les utiliser. À la li
1066
les moyens de communication sont puissants, moins
sont
nombreux ceux qui peuvent les utiliser. À la limite, un seul, qui est
1067
i peuvent les utiliser. À la limite, un seul, qui
est
le chef de l’État, peut aujourd’hui se faire entendre de tous. Cepend
1068
es apartés entre deux travées… Mais les avantages
seront
certains : les économies de temps, d’argent et d’énergie procurées pa
1069
n’auront pas les mêmes aires de rayonnement et ne
seront
donc ni superposables ni juxtaposables ; ce qui entraînera une plural
1070
s d’action civique Les unités d’action civique
sont
aujourd’hui les communes ; les départements, ou cantons, ou provinces
1071
la fois trop grands et trop petits, leur procès n’
est
plus à faire : le verdict a été prononcé à deux reprises par l’histoi
1072
ts, leur procès n’est plus à faire : le verdict a
été
prononcé à deux reprises par l’histoire du xxe siècle, en 1914 et en
1073
s de deux ou trois décennies, au terme duquel ils
seront
pratiquement tombés en désuétude. La disparition progressive des fro
1074
ure de l’Église. Notons que ni l’un ni l’autre ne
sont
délimités ou définis par une frontière. L’un et l’autre rayonnent, lo
1075
ent civique Participer suppose agir. Or « nous
sommes
en train de devenir une race de spectateurs et non plus d’hommes d’ac
1076
divers sens du verbe participer, et que certains
sont
actifs, mais d’autres passifs, tels les « sportifs » du dimanche, qui
1077
lus de possibilités d’agir sur la cité (même sans
être
là, physiquement, nous venons de le voir) et d’agir en connaissance d
1078
férence entre participants actifs et passifs n’en
sera
que plus marquée, sinon plus sensible : car la plupart des hommes s’i
1079
ce qu’ils n’ont fait que voir, et se vantent de s’
être
« engagés » quand ils n’ont qu’assisté en faisant un peu de bruit. No
1080
rice des préjugés « progressistes » d’hier. Il n’
est
pas sans intérêt de relever ici que ma description des passifs et des
1081
tous ces cas, inutile de se déplacer si l’on peut
être
utilement présent par d’autres moyens. L’obligation de nous déplacer
1082
ur notre voix et notre vue, — quelle différence ?
Serons
-nous moins « présents » à 5000 kilomètres en vidéophone que dans l’éc
1083
vie des affaires et les échanges personnels ? Il
est
possible — et pour ma part j’y crois, sans rien pouvoir prouver — que
1084
elles, ou interraciales. Ces effets ne pourraient
être
mesurés que sur la base de statistiques qu’il reste encore à imaginer
1085
e à homme », le « contact physique », et ceux qui
seront
traités comme étant à toutes fins utiles indépendants d’un territoire
1086
tact physique », et ceux qui seront traités comme
étant
à toutes fins utiles indépendants d’un territoire défini ou de l’immé
1087
Notons ici que l’expression « contact physique »
est
sans doute impropre. Car la perception d’une image ou d’un son, à que
1088
d’une image ou d’un son, à quelque distance qu’en
soit
la source, implique toujours un contact proprement physique. La diffé
1089
ommes « en chair et en os », c’est que le premier
est
sélectif, le second pouvant être « global ». 6. Objectifs communs
1090
st que le premier est sélectif, le second pouvant
être
« global ». 6. Objectifs communs pour les activités civiques et po
1091
ivité, la non-participation aux mesures publiques
est
de règle pour le plus grand nombre. En revanche, dans une société tel
1092
visager possible aux environs de l’an 2000 (si ce
sont
les seconds termes de notre série d’alternatives qui se réalisent d’i
1093
ves aux cadres de la vie : a) l’urbanisme ne peut
être
laissé ni aux architectes, ni aux ingénieurs, et encore moins aux spé
1094
’on se fait de l’homme pour qui maisons et villes
sont
bâties, ou au contraire que l’on entend utiliser à titre d’acheteur,
1095
itecture ; b) l’aménagement des campagnes ne peut
être
laissé ni aux maires, ni aux entrepreneurs, ni aux industriels, et en
1096
ental de l’homme : solitude-société, et doit donc
être
surveillée, équilibrée, normalisée avec un maximum de précautions sen
1097
ersonne. L’identité et l’autonomie de la personne
sont
en butte à des menaces de tous ordres : pharmacopée, conditionnement
1098
ce « domaine réservé » de chaque citoyen doivent
être
discutées et faire l’objet de choix mûris en connaissance de cause. C
1099
ivants entre l’homme, ses créations et la nature,
soit
le terme qui résume désormais civisme, politique et sagesse sociale.
1100
stion de savoir si l’obsession productiviste peut
être
contrôlée avant qu’elle ait infligé des dommages irréversibles à la b
1101
infligé des dommages irréversibles à la biosphère
sera
nécessairement tranchée dans les deux décennies à venir. Si c’est au
1102
e participation gardent tout leur intérêt. Car il
est
évident qu’une attitude humaine arrogante à l’égard de la nature, inc
1103
tière » dont parle saint Paul, une telle attitude
est
également ruineuse des fondements mêmes de toute société politique. C
1104
revendiquer, ce droit suprême de la personne qui
est
le droit à l’inadaptation. S’il est vrai que la participation obligat
1105
personne qui est le droit à l’inadaptation. S’il
est
vrai que la participation obligatoire est la négation même du civisme
1106
n. S’il est vrai que la participation obligatoire
est
la négation même du civisme, il en découle que la reconnaissance du d
1107
droit à l’objection sociale, civique et politique
est
la condition même de toute participation authentique, c’est-à-dire li
1108
re et, dans cette mesure même, responsable. Il en
est
par exemple ainsi de l’objection au dogme du travail : voir Le Droit
1109
oir Le Droit à la paresse, par Paul Lafargue, qui
était
le gendre de Marx, et de l’objection civique et politique : les hippi
1110
jection civique et politique : les hippies. Ce ne
sont
là que deux exemples pris au passé récent mais il est clair que, d’ic
1111
là que deux exemples pris au passé récent mais il
est
clair que, d’ici l’an 2000, bien d’autres surgiront, dont nous n’avon
1112
de refus des nécessités, de défi au destin, doit
être
à tout prix préservée. Elle est le signe d’une ouverture de l’homme a
1113
au destin, doit être à tout prix préservée. Elle
est
le signe d’une ouverture de l’homme au transcendant, à ce qui peut en
1114
’est lui qui empêchera nos systèmes, quels qu’ils
soient
, de devenir totalitaires, c’est-à-dire de trop bien réussir. Le nouve
1115
s de l’élite intellectuelle et spirituelle qui ne
sont
possesseurs ni de biens, ni de pouvoirs officiels, des Inadaptés fonc
1116
squ’il atteint l’âge des études. Cette question n’
est
devenue générale, et anxieuse, qu’au xxe siècle. Autrefois, le fils
1117
par l’exemple de Nietzsche. Aujourd’hui que tout
est
possible, ouvert à tous, et non déterminé par les coutumes, choisir u
1118
ntestataires ou non, d’ailleurs. Autrefois, tout
était
tracé d’avance. Hier, un nouveau déterminisme commençait à se dessine
1119
nération me paraissent avoir choisi le métier qui
était
à la fois le moins éloigné de leurs goûts (dans la mesure où ils avai
1120
adjectif. Aujourd’hui, quelque chose de nouveau s’
est
produit. Au lieu des traditions remontant au Moyen Âge, au lieu des g
1121
ciété. Prenons l’exemple de l’ingénieur. Hier, il
était
ingénieur pour produire, pour bâtir et organiser, pour dominer la nat
1122
e pillage. Et l’idée se fait jour en lui que ce n’
est
plus aux seuls « besoins de l’économie » qu’il s’agit désormais de ré
1123
omie » qu’il s’agit désormais de répondre (ils ne
sont
trop souvent que le profit des firmes et le dividende de leurs action
1124
l’essor industriel et l’urbanisation sauvage qui
sont
en train de bouleverser les équilibres écologiques du continent europ
1125
des airs qui l’entourent. Par un juste retour, n’
est
-ce point aux scientifiques, aux techniciens, aux urbanistes qu’il inc
1126
trouver d’urgence les moyens de restaurer ce qui
fut
compromis par le génie civil et militaire, les moyens de prévenir les
1127
re le reste, au technicien du seul rendement (qui
est
en fin de compte la rentabilité), nous pouvons et nous devons opposer
1128
nce autant que pour la société. Car notre science
est
née de la culture, et doit sans cesse s’y replonger pour mieux créer.
1129
e s’y replonger pour mieux créer. Notre technique
est
née des « folles » spéculations de moines, de mages, de « mèges » et
1130
enteur de la brouette et de la machine à calculer
est
aussi l’auteur des Pensées. On l’a bien dit (en Amérique) : la tour d
1131
’a bien dit (en Amérique) : la tour d’ivoire peut
être
, et a parfois été, le bâtiment le plus productif de la Place du March
1132
rique) : la tour d’ivoire peut être, et a parfois
été
, le bâtiment le plus productif de la Place du Marché. Nouveau pacte e
1133
olution au troisième tiers du xxe siècle. Elle n’
est
pas idéologique. C’est une opération de sauvetage de la Terre. Tout v
1134
combiner sa rigueur avec les exigences de l’art d’
être
homme et celles de la santé du corps social : problèmes très neufs po
1135
nt, touchés par le soleil rasant. Ah ! ce ne peut
être
que l’Europe ! Ces champs morcelés et striés dans tous les sens, et c
1136
gement irriguée et de très dense habitation, ce n’
est
pas l’Europe des confins dénudés et brûlés, rocailleux ou glaciaires.
1137
ols de mouettes, devant un monde où les lointains
sont
devenus immatériels. Les Alpes du Valais et de la Savoie pendent vert
1138
, comme des décors translucides. Mais tout ce qui
est
proche sur nos rives brille d’un vif éclat humide, repeint à neuf pen
1139
go), mais pas du tout aux statistiques. La Suisse
est
l’une des régions de la Terre le plus intensément industrialisées, et
1140
ne longue usine blanche et vitrée, là où jadis se
fût
abrité un couvent. Seuls les arbres nous cachent encore la ville uniq
1141
et du Valais, et vous découvrirez que leur plan s’
est
développé soit à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’un
1142
et vous découvrirez que leur plan s’est développé
soit
à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’une place princip
1143
eloppé soit à partir d’un château sur sa colline,
soit
autour d’une place principale. Quand le château forme le centre, il s
1144
au xiiie siècle. Parfois les deux structures se
sont
juxtaposées. Le mouvement libertaire des communes ayant pris le pouvo
1145
et citadins, producteurs et consommateurs. Telle
étant
l’architecture de la cité qui a permis la démocratie, on voit que cet
1146
voitures et qui assure les fonctions de l’agora,
sont
des anti-communautés, entassements de solitaires anxieux et mornes, c
1147
uand les hommes pouvaient se rencontrer. Or, il n’
est
pas de pays au monde que le gigantisme humain menace dans ses fondeme
1148
lus que la Suisse. Car la Suisse tire sa raison d’
être
et les conditions mêmes de ses libertés des petites dimensions du pay
1149
s. Les sociologues les plus avancés d’aujourd’hui
sont
en bonne voie de redécouvrir les vertus des groupements restreints, à
1150
es groupements restreints, à l’heure où la Suisse
est
tentée de les oublier et de trahir ainsi ses origines. La Suisse est
1151
ublier et de trahir ainsi ses origines. La Suisse
est
née de la fédération de trois « communes forestières » ou Waldstätten
1152
moitiés du Saint-Empire. Les communes forestières
furent
déclarées « immédiates à l’Empire », c’est-à-dire libérées du pouvoir
1153
pouvoir des seigneurs voisins, dont les Habsbourg
étaient
les plus gênants. La Suisse est née du Gothard, cœur des Alpes et châ
1154
les Habsbourg étaient les plus gênants. La Suisse
est
née du Gothard, cœur des Alpes et château d’eau de l’Europe médiane.
1155
Alpes et château d’eau de l’Europe médiane. Elle
est
née des communes rurales qui formaient la grand-garde du col. Et ce s
1156
urales qui formaient la grand-garde du col. Et ce
sont
les greffiers des villes lombardes, traversant le col à dos de mulet,
1157
rs pactes en beau latin. La vocation de la Suisse
est
de revaloriser ce qui est petit contre le gigantisme, sauvant ainsi s
1158
a vocation de la Suisse est de revaloriser ce qui
est
petit contre le gigantisme, sauvant ainsi son âme et ses paysages, en
1159
e du monde, Lavaux (1972)aj Le centre du monde
est
partout, la théorie de la relativité l’a démontré. Mais, que le centr
1160
a vivez « comme on respire », ou c’est que vous n’
êtes
jamais vraiment venu, n’avez jamais existé dans ce lieu. Tout ce qui
1161
ortance rapidement fabuleuse, et passionnelle. Il
est
difficile d’en parler, fût-ce à sa louange éperdue, sans provoquer l’
1162
e, et passionnelle. Il est difficile d’en parler,
fût
-ce à sa louange éperdue, sans provoquer l’éclat soudain, parfois voci
1163
onscience que donne l’indignation active. Lavaux
est
beaucoup plus défiguré que les autres vignobles de La Côte, de Begnin
1164
ct avec la nature, et ce contact pour lui vital s’
est
révélé mortel pour la nature. C’est l’histoire d’un amour fatal : dès
1165
la plupart n’osant aimer que ce qui par d’autres
est
aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu’ils partagent. Ce pays
1166
les amours qu’ils partagent. Ce paysage sublime
est
un pays réel, peuplé de vignerons et d’artisans, de petits commerçant
1167
res, toujours à l’œuvre dans toute chose humaine,
sont
ici comme ailleurs la qualité de la vie et les conditions de vie quan
1168
vine — une lumière neutre comme les dieux, qui ne
sont
de gauche ni de droite, mais toujours d’en haut, rayonnants. Il y a
1169
t vivant, c’est-à-dire changeant selon sa loi. Il
est
d’autres centres du monde où les problèmes de la survie d’un lieu sub
1170
ime se posent en des termes semblables. Ainsi, qu’
est
-ce que sauver Venise ? Non pas offrir des étages de palais sur le Gra
1171
nd Canal à des riches. Il faut d’abord que Venise
soit
peuplée, animée, habitée par des gens du pays. Et qu’ils y trouvent u
1172
foi, mais chacun sait que la foi sans les œuvres
est
morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de moins que la prédominance acc
1173
ns héroïsme. Si Lavaux doit faire son salut, ce
sera
par la grâce de quelques fous associant leur foi poétique aux calculs
1174
que aux calculs des vrais réalistes — lesquels ne
sont
nullement ceux qui pensent court et bas et nous jettent dans la pollu
1175
résent : restaurer l’économie du continent. Et ce
fut
la période des organisations intergouvernementales : plan Marshall, O
1176
ilisation post-industrielle équilibrée, voilà qui
sera
déterminé, en bonne partie, d’une manière largement irréversible, par
1177
Le sort de l’an 2000 se joue maintenant Il
est
clair, en effet, que les maisons que nous bâtissons, les plans d’urba
1178
des pans de désert rongés pendant des siècles (il
serait
beaucoup trop cher de les raser, presque impossible d’effacer leurs t
1179
qui dépend de l’éducation. L’Europe de l’an 2000
sera
gérée soit par les Européens qui ont aujourd’hui de dix à vingt ans,
1180
de l’éducation. L’Europe de l’an 2000 sera gérée
soit
par les Européens qui ont aujourd’hui de dix à vingt ans, et qui sont
1181
ns qui ont aujourd’hui de dix à vingt ans, et qui
sont
les élèves de nos écoles, soit par une commission américaine (selon l
1182
vingt ans, et qui sont les élèves de nos écoles,
soit
par une commission américaine (selon la prévision de Valéry)12, soit
1183
sion américaine (selon la prévision de Valéry)12,
soit
par des commissaires soviétiques, ou par quelque combinaison des deux
1184
ou par quelque combinaison des deux. Si l’Europe
est
gérée par les Européens, c’est qu’elle aura réussi son union ; car au
1185
ais pour qu’elle réussisse son union, qui ne peut
être
que fédérale, il faut que les jeunes Européens soient élevés dès main
1186
re que fédérale, il faut que les jeunes Européens
soient
élevés dès maintenant dans un climat mental, psychologique et affecti
1187
l’économie, de la sociologie et du civisme) primo
est
fausse, contraire aux faits les plus patents, et secundo rend impossi
1188
n Si donc l’on veut que l’Europe de l’an 2000
soit
gérée par les Européens, c’est-à-dire ait fait son union, il faut que
1189
l’École cesse d’enseigner que les seules réalités
sont
les États-nations, car ceux-ci par principe s’opposent à toute espèce
1190
e cesse d’enseigner que la souveraineté nationale
est
un absolu religieux, le seul que l’on vénère encore et que les Pouvoi
1191
encore et que les Pouvoirs de l’Ouest comme de l’
Est
invoquent comme le suprême recours contre les mesures d’union que tou
1192
pelle. Il faut que l’horizon de l’enseignement ne
soit
plus la nation et ses mythes orgueilleux, mais la région et ses réali
1193
ritable mutation de l’enseignement. Car nos États
sont
gouvernés aujourd’hui par les manuels qui ont formé nos chefs d’État.
1194
e la Volga, en tous points comparables à la Ruhr,
est
le cœur du bassin de l’industrie lourde de l’URSS.) J’ai mis deux de
1195
. Mais comment devenir citoyen d’un pays qui n’en
est
pas un, puisqu’il n’a pas encore de politique commune et d’organes go
1196
oyen pratique pour sortir de ce cercle vicieux ne
serait
-il pas de s’appuyer sur quelque chose qui existe déjà bel et bien et
1197
on civique, un angle de vision européen : telle a
été
dès l’origine l’idée directrice de la Campagne d’éducation civique eu
1198
tifier les résultats d’une action éducative ? Ils
sont
par nature diffus, et visent à la fois le court terme des examens, le
1199
lle mesure exacte les enseignants de nos pays ont
été
réellement touchés par la Campagne, c’est-à-dire ont orienté leur ens
1200
sessions nationales de formation pour enseignants
sont
organisées par le ministère belge de l’Éducation et de la Culture ; —
1201
n 1965, un programme national d’éducation civique
est
élaboré dans une optique européenne ; — après le séminaire de Bruges,
1202
es stéréotypes nationaux, un centre de recherches
est
créé à l’Université de Gand, pour l’examen des manuels et les contact
1203
e petit staff, que les appuis financiers nous ont
été
plus chichement mesurés, comme on sait qu’il est de règle dans notre
1204
été plus chichement mesurés, comme on sait qu’il
est
de règle dans notre société « européenne » par antiphrase — en réalit
1205
es et leurs élèves avec une efficacité totale, ce
serait
encore dérisoirement insuffisant pour passer le seuil des résistances
1206
nants à vocation européenne dont la Campagne veut
être
l’expression commune et l’instrument. Il faudrait multiplier par dix,
1207
e, civique, professionnelle et personnelle. Ce ne
sont
pas nos États qui feront l’Europe, n’ont-ils pas prouvé depuis des si
1208
e, n’ont-ils pas prouvé depuis des siècles qu’ils
étaient
là pour l’empêcher de se faire ? Ce ne sont pas les grandes bureaucra
1209
ls étaient là pour l’empêcher de se faire ? Ce ne
sont
pas les grandes bureaucraties de Bruxelles, de Strasbourg, de Luxembo
1210
asbourg, de Luxembourg qui feront l’Europe — s’il
est
vrai qu’elles y contribuent avec une indéniable compétence dans leurs
1211
mpétence dans leurs domaines. C’est l’École et ce
sont
les enseignants dialoguant avec leurs élèves. Si l’on a compris cela,
1212
Campagne, et l’on fera ce qu’il faut pour qu’elle
soit
efficace. Pédagogie écologique, ou de l’utilité des catastrophes
1213
es catastrophes On nous dit que les esprits ne
sont
pas mûrs pour l’union des Européens. Quand le seront-ils jamais sans
1214
ont pas mûrs pour l’union des Européens. Quand le
seront
-ils jamais sans la préparation que, dans l’état actuel des choses, l’
1215
que, dans l’état actuel des choses, l’École seule
est
en mesure de leur donner ? Jusqu’ici, elle était censée, officielleme
1216
le est en mesure de leur donner ? Jusqu’ici, elle
était
censée, officiellement, préparer tout le contraire d’hommes libres, c
1217
e tribut de la survie de l’homme. L’écologie, qui
est
art et science des équilibres biologiques et dynamiques, va désormais
1218
umer toute la révolution que nous appelons, qui n’
est
ni de gauche ni de droite, qui n’oppose au profit matériel que l’honn
1219
es forêts. 12. « L’Europe aspire visiblement à
être
gouvernée par une commission américaine », Regards sur le monde actue
1220
s : Denis de Rougemont (15 mars 1972)ao ap Qui
est
Denis de Rougemont ? Quelle est son influence ? Quel fut l’itinéraire
1221
1972)ao ap Qui est Denis de Rougemont ? Quelle
est
son influence ? Quel fut l’itinéraire de cet homme depuis quarante an
1222
is de Rougemont ? Quelle est son influence ? Quel
fut
l’itinéraire de cet homme depuis quarante ans, itinéraire jalonné d’e
1223
ces, de livres denses, de préoccupations ? Quel a
été
le chemin de cet homme depuis la publication de L’Amour et l’Occident
1224
t l’Occident au début des années 1939, mais ce n’
était
pas tombé du ciel. Je m’occupais de questions politiques depuis les a
1225
tions politiques depuis les années 1930, quand je
suis
arrivé à Paris et que j’ai tout de suite collaboré avec des groupes d
1226
Avec différentes nuances, naturellement, les uns
étant
catholiques, les autres nietzschéens. Mais, nous arrivions à nous ent
1227
chéens. Mais, nous arrivions à nous entendre. Qui
étaient
ces hommes ? Du côté d’ Esprit , il y avait Emmanuel Mounier, Georges
1228
ndieu, Alexandre Marc et Robert Aron. Moi-même, j’
étais
à cheval sur les deux groupes. J’ai collaboré aux deux premiers numé
1229
part des autres numéros jusqu’à la guerre. Quelle
était
votre définition de la personne ? Ce que nous appelions personne, c’e
1230
’est l’homme à la fois libre et responsable. Ce n’
était
pas l’individu isolé. Ce n’était pas le soldat politique qu’on nous m
1231
esponsable. Ce n’était pas l’individu isolé. Ce n’
était
pas le soldat politique qu’on nous montrait dans les pays totalitaire
1232
on nous montrait dans les pays totalitaires. Nous
étions
contre l’atomisation de la société capitaliste ; nous étions contre l
1233
re l’atomisation de la société capitaliste ; nous
étions
contre la collectivisation de la société, fasciste ou stalinienne. No
1234
tion de la société, fasciste ou stalinienne. Nous
étions
pour une troisième voie, qui était celle de la personne, des personne
1235
inienne. Nous étions pour une troisième voie, qui
était
celle de la personne, des personnes se manifestant dans des communaut
1236
lé et irresponsable/collectivité où tout le monde
est
réuni comme des grains de poussière dans le ciment — c’est avec la po
1237
treprises se liant par régions ou provinces. Vous
étiez
, à cette époque, les premiers à parler de fédéralisme et de régions ?
1238
res ou nationalistes locaux. Pour nous, la région
était
un des degrés de communauté dans lequel la personne peut s’enraciner
1239
la personne peut s’enraciner mais qui ne doit pas
être
fermé. Qui doit toujours être ouvert vers de plus grandes communautés
1240
ais qui ne doit pas être fermé. Qui doit toujours
être
ouvert vers de plus grandes communautés, jusqu’à former une communaut
1241
ses racines et participer librement. C’est-à-dire
être
à la fois libre et responsable, deux qualités que nous ne pouvions sé
1242
base de fédéralisme et de personnalisme, nous en
sommes
venus, les uns à faire des études plus spécialement économiques, d’au
1243
res sociologiques. Moi, je faisais des études qui
étaient
plus portées vers une sociologie de la culture ou de la morale. C’est
1244
insi que j’ai écrit un de mes premiers livres. Il
est
intitulé : Penser avec les mains 15 et il est, en somme, le premier
1245
l est intitulé : Penser avec les mains 15 et il
est
, en somme, le premier livre sur l’engagement de l’écrivain. Un terme
1246
ur l’engagement de l’écrivain. Un terme dont vous
êtes
le père ? On ne sait pas exactement qui l’a dit en premier, de Mounie
1247
e du clerc qui s’engage ». Et l’ensemble du livre
est
un appel à l’engagement des écrivains. Mais pas à l’embrigadement dan
1248
Il s’agissait d’assumer sa responsabilité, ce qui
est
exactement le contraire. Ensuite, par toutes sortes de raisons biogra
1249
par toutes sortes de raisons biographiques, j’ai
été
amené à m’intéresser beaucoup à l’opposition entre la passion et le m
1250
l’amour. La passion représentée par Tristan, qui
est
le grand mythe de la passion originelle en Occident. Et d’autre part,
1251
endra et qui ne la trouve pas. Ces préoccupations
étaient
-elles antérieures au mouvement personnaliste ? Non. Elles sont absolu
1252
térieures au mouvement personnaliste ? Non. Elles
sont
absolument simultanées. C’est une partie de la notion de la personne.
1253
sentimentale dans les rapports quotidiens, comme
étant
l’union de ces deux choses contraires, à mi-chemin entre ces deux myt
1254
tension. Alors, j’ai poussé plus loin. Quand j’ai
été
rappelé en Suisse par la mobilisation — j’étais officier, chargé des
1255
’ai été rappelé en Suisse par la mobilisation — j’
étais
officier, chargé des relations entre l’état-major, les troupes et le
1256
tre l’état-major, les troupes et le public — j’ai
été
amené à me poser un tas de questions sur la politique, sur la formule
1257
es, ce qui donnait le fédéralisme. Alors que vous
êtes
Suisse, le fédéralisme de votre pays semble être une découverte ? J’y
1258
êtes Suisse, le fédéralisme de votre pays semble
être
une découverte ? J’y pensais depuis longtemps mais je ne savais pas à
1259
. Bien qu’élevé en Suisse, effectivement, je ne m’
étais
jamais intéressé à la vie politique du pays. Parce que vous avez beau
1260
? J’ai vécu à Paris depuis l’âge de 25 ans. J’ai
été
ramené en Suisse par la mobilisation, en 1939 ; j’avais 33 ans. Puis,
1261
obilisation, en 1939 ; j’avais 33 ans. Puis, j’ai
été
envoyé aux États-Unis pour y faire des conférences sur le fédéralisme
1262
pour l’Exposition nationale de 1939 et qui avait
été
mise en musique par Arthur Honegger. Nous en avions tiré un oratorio1
1263
n oratorio16. La guerre m’a surpris là-bas et j’y
suis
resté six ans. Je ne suis rentré définitivement qu’en 1947. Aux États
1264
a surpris là-bas et j’y suis resté six ans. Je ne
suis
rentré définitivement qu’en 1947. Aux États-Unis, j’ai découvert l’Eu
1265
ropéens qui vivaient à New York pendant la guerre
étaient
des gens extraordinairement différents et qui ne se seraient peut-êtr
1266
s gens extraordinairement différents et qui ne se
seraient
peut-être jamais connus en France ou en Allemagne ou en Italie ou en
1267
ce ou en Allemagne ou en Italie ou en Angleterre.
Étant
là, réfugiés, ils se trouvaient mis en relation les uns avec les autr
1268
ation les uns avec les autres. C’est ainsi que je
suis
devenu ami d’André Breton et de tout le groupe des peintres surréalis
1269
tes. Breton me voyait tous les jours, parce qu’il
était
un des parleurs des textes que j’écrivais pour la voix de l’Amérique
1270
ant d’un pays neutre, j’ai pu faire la guerre, ne
fût
-ce que sur les ondes, en écrivant des textes d’émissions. Je suis don
1271
les ondes, en écrivant des textes d’émissions. Je
suis
donc rentré des États-Unis en 1947, en me disant ; je suis l’auteur d
1272
rentré des États-Unis en 1947, en me disant ; je
suis
l’auteur de la doctrine de l’engagement, je suis fédéraliste ; il s’a
1273
suis l’auteur de la doctrine de l’engagement, je
suis
fédéraliste ; il s’agit maintenant d’appliquer ces théories, de s’eng
1274
cause du fédéralisme européen. Le mot engagement
était
alors fort à la mode à Paris. Et tout le monde, je ne sais pas pourqu
1275
nant par les mémoires de Simone de Beauvoir, ne s’
était
jamais intéressé le moins du monde à la politique avant 1943-1944. En
1276
monde à la politique avant 1943-1944. Enfin, il s’
est
mis à parler d’engagement parce qu’il avait lu cela dans Esprit et
1277
es livres. Vous connaissiez Jean-Paul Sartre ? Il
est
venu me voir à New York en 1944 ou 1945, premier journaliste français
1278
onférences, il répétait tout le temps que l’homme
est
à la fois libre et responsable et que l’homme doit s’engager. Alors,
1279
il ne l’a jamais dit à personne d’autre… Mais il
est
bien évident que cette définition de l’homme et ce terme d’engagement
1280
isse. Que se passe-t-il ? Pendant la guerre, je m’
étais
aperçu que ma doctrine du fédéralisme était illustrée par la pratique
1281
je m’étais aperçu que ma doctrine du fédéralisme
était
illustrée par la pratique suisse. Que j’avais apprise à l’école mais
1282
e n’avais jamais très bien comprise. Alors, je me
suis
dit que maintenant il fallait faire l’Europe. Qu’on ne pouvait unifie
1283
nvisagées devenaient plus vastes. Mon fédéralisme
est
basé, notamment, sur la loi de l’extension des tâches. Il faut partir
1284
vers des communautés de plus en plus grandes qui
sont
capables de résoudre ces problèmes de plus en plus grands. Ce qui peu
1285
ces problèmes de plus en plus grands. Ce qui peut
être
fait par la commune, doit l’être par la commune. Seules les tâches qu
1286
nds. Ce qui peut être fait par la commune, doit l’
être
par la commune. Seules les tâches qui sont trop vastes pour être réal
1287
doit l’être par la commune. Seules les tâches qui
sont
trop vastes pour être réalisées par une commune, doivent l’être par u
1288
mune. Seules les tâches qui sont trop vastes pour
être
réalisées par une commune, doivent l’être par une région. Les tâches
1289
es pour être réalisées par une commune, doivent l’
être
par une région. Les tâches trop grandes pour une région doivent être
1290
. Les tâches trop grandes pour une région doivent
être
assumées par une fédération. En fait, vous vouliez exporter le systèm
1291
que. Mais, voilà où les choses se compliquent, il
est
impossible de réaliser le fédéralisme dans un seul pays. La Suisse ne
1292
s rester un régime réellement fédéraliste si elle
est
seule, si elle est entourée d’États unitaires. Elle sera forcée de se
1293
réellement fédéraliste si elle est seule, si elle
est
entourée d’États unitaires. Elle sera forcée de se présenter à eux co
1294
ule, si elle est entourée d’États unitaires. Elle
sera
forcée de se présenter à eux comme un État unitaire et de se centrali
1295
qui résultent de l’évolution moderne. Vous vous
êtes
battu pour faire partager vos idées à propos du fédéralisme ? Dans qu
1296
uction sur le thème de l’attitude fédéraliste. Il
est
résulté de cette réunion de Montreux un projet de congrès qui devait
1297
i devait se tenir avec d’autres groupements qui n’
étaient
pas fédéralistes mais qui voulaient aussi l’Europe. Et nous nous somm
1298
s mais qui voulaient aussi l’Europe. Et nous nous
sommes
réunis, à La Haye, en 1948, sous la présidence de Churchill. Ce fut u
1299
aye, en 1948, sous la présidence de Churchill. Ce
fut
un très grand congrès qui, au fond, a tout créé. C’est le grand démar
1300
vives de toutes les nations ». Et là, nous avons
été
frustrés dès la réalisation de notre première ambition. Puisqu’il s’e
1301
alisation de notre première ambition. Puisqu’il s’
est
avéré que le Conseil de l’Europe n’était pas du tout ce que nous voul
1302
uisqu’il s’est avéré que le Conseil de l’Europe n’
était
pas du tout ce que nous voulions, n’était pas du tout la représentati
1303
urope n’était pas du tout ce que nous voulions, n’
était
pas du tout la représentation des « forces vives de nos nations ». Il
1304
sentation des « forces vives de nos nations ». Il
était
uniquement formé de délégués des parlements et était purement consult
1305
it uniquement formé de délégués des parlements et
était
purement consultatif. Si bien que le Comité des ministres avait la ha
1306
l’idée de l’Europe. Nous avons, si je puis dire,
été
« refaits ». Parce que loin de faire une fédération, les gouvernement
1307
oin de faire une fédération, les gouvernements se
sont
entendus pour faire le moins possible en restant sur le plan des État
1308
nt sur l’obstacle par excellence à toute union qu’
est
l’État-nation ? C’est une tâche absolument impossible que se sont ass
1309
on ? C’est une tâche absolument impossible que se
sont
assignée les États. Selon vous, l’Europe actuelle n’est qu’une juxtap
1310
signée les États. Selon vous, l’Europe actuelle n’
est
qu’une juxtaposition d’États ? Moi, j’appelle cela l’amicale des misa
1311
il y a une amicale et les membres de l’amicale ne
sont
plus des misanthropes ; ou bien, ils restent des misanthropes et, par
1312
t la morale qui domine l’Europe des nations. Vous
êtes
déçu ? Non. Je ne suis pas déçu. Je n’y ai jamais cru. Je n’ai jamais
1313
l’Europe des nations. Vous êtes déçu ? Non. Je ne
suis
pas déçu. Je n’y ai jamais cru. Je n’ai jamais cru que cette Europe-l
1314
uent cet hommage que le vice rend à la vertu, qui
est
cette hypocrisie de l’union, plutôt que de se faire la guerre. Quel e
1315
e l’union, plutôt que de se faire la guerre. Quel
est
le lien entre votre doctrine du mariage et celle du fédéralisme ? Qu’
1316
doctrine du mariage et celle du fédéralisme ? Qu’
est
-ce que le mariage ? C’est la coexistence de deux êtres qui, je l’ai d
1317
-ce que le mariage ? C’est la coexistence de deux
êtres
qui, je l’ai dit, ont chacun leurs lois, parfois antinomiques, et qui
1318
té, avec toutes les différences possibles, chacun
étant
complètement supérieur à l’autre. Je préfère dire que l’homme est sup
1319
supérieur à l’autre. Je préfère dire que l’homme
est
supérieur à la femme et la femme supérieure à l’homme. Plutôt que de
1320
e supérieure à l’homme. Plutôt que de dire qu’ils
sont
égaux parce que l’égalité évoque quelque chose qui anéantit la différ
1321
différence entre l’homme et la femme. Bref, deux
êtres
qui doivent subsister sans se confondre, sans se séparer, sans être s
1322
ubsister sans se confondre, sans se séparer, sans
être
subordonnés l’un à l’autre. Ça, c’est la formule de base de toute féd
1323
ule de base de toute fédération. Toute fédération
est
l’art de faire vivre ensemble des êtres apparemment antinomiques ; c’
1324
fédération est l’art de faire vivre ensemble des
êtres
apparemment antinomiques ; c’est l’art d’allier, par exemple, l’union
1325
dans l’histoire de la Suisse. Pourquoi ce pays s’
est
-il fait ? La Suisse ne s’est pas faite pour créer une union plus fort
1326
. Pourquoi ce pays s’est-il fait ? La Suisse ne s’
est
pas faite pour créer une union plus forte que les voisins. Elle s’est
1327
réer une union plus forte que les voisins. Elle s’
est
fait uniquement pour maintenir les autonomies des parties constituant
1328
te, la force créée par l’union des Suisses devait
être
juste suffisante pour sauvegarder les différences et les autonomies d
1329
Comment peut-on définir une région ? Les régions
sont
définies par des problèmes qui sont extrêmement divers. Il y a en Eur
1330
? Les régions sont définies par des problèmes qui
sont
extrêmement divers. Il y a en Europe une quantité de régions qui sont
1331
ers. Il y a en Europe une quantité de régions qui
sont
définies par des problèmes. Il y a, par exemple, une cinquantaine de
1332
gence fédérale européenne de l’écologie. Qui peut
être
placée n’importe où et donner des directives. En économie, vous avez
1333
ition que celui-ci reste dans ses compétences qui
sont
essentiellement économiques. À côté de cela, il y aurait une agence d
1334
d’œuvre. Puis vous avez une région écologique qui
est
beaucoup plus vaste puisqu’elle va jusqu’au milieu du Valais et qu’el
1335
autrement que pour des questions d’état civil. N’
est
-ce pas une utopie ? L’utopie, ce n’est pas de vouloir définir les rég
1336
t civil. N’est-ce pas une utopie ? L’utopie, ce n’
est
pas de vouloir définir les régions d’après les fonctions et de releve
1337
ains cas, les croyances politiques dès que l’État
est
quelque peu totalitaire, bref toutes choses qui sont hétérogènes. Trè
1338
t quelque peu totalitaire, bref toutes choses qui
sont
hétérogènes. Très souvent, les gens disent que mon modèle est folie p
1339
nes. Très souvent, les gens disent que mon modèle
est
folie pure. Que c’est une complication ce que je veux faire. Alors, v
1340
eux faire. Alors, voici mon exemple personnel. Je
suis
né à Neuchâtel qui, jusqu’en 1848, a été une principauté dont le prin
1341
nel. Je suis né à Neuchâtel qui, jusqu’en 1848, a
été
une principauté dont le prince était le roi de Prusse mais qui se gou
1342
squ’en 1848, a été une principauté dont le prince
était
le roi de Prusse mais qui se gouvernait avec des familles du lieu, do
1343
dont la mienne. Ce canton, différent des autres,
est
entré dans la Confédération. Donc, un citoyen de cette ancienne princ
1344
n. Donc, un citoyen de cette ancienne principauté
est
automatiquement Suisse. La Suisse est sa nation qui n’a pas les mêmes
1345
principauté est automatiquement Suisse. La Suisse
est
sa nation qui n’a pas les mêmes frontières ni les mêmes langues que l
1346
s ni les mêmes langues que le canton. De plus, je
suis
écrivain français. Donc, je fais partie de l’ensemble francophone qui
1347
un de nos États-nations actuels. D’autre part, je
suis
protestant. Voilà un autre ensemble auquel je me rattache qui ne corr
1348
une dizaine de sources différentes. Donc, rien n’
est
plus simple. Au fond, nous vivons dans ce que j’appelle la pluralité
1349
’utopie, c’est vouloir que toutes mes allégeances
soient
limitées par une même frontière. C’est ce qu’ont voulu tous les créat
1350
ment un peuple. Pour pouvoir faire la guerre, qui
est
la raison fondamentale, génétique des États-nations. Malheureusement,
1351
de la folie pure. Ils croient que l’État-nation a
été
créé par Dieu le septième jour de la création, que c’est le sommet de
1352
ope. Et il nous faut faire l’Europe ; sinon, nous
serons
colonisés un peu plus que nous ne le sommes par l’économie américaine
1353
nous serons colonisés un peu plus que nous ne le
sommes
par l’économie américaine et nous risquons d’être colonisés par la po
1354
mmes par l’économie américaine et nous risquons d’
être
colonisés par la politique russe. Vous comparez la région au couple.
1355
elation et en tension. Cette même forme de pensée
est
très ancienne. On la retrouve chez Héraclite, dans la théologie des p
1356
onfusion, sans séparation, sans subordination. Ce
sont
les mêmes termes que j’ai utilisés pour définir le couple et définir
1357
sonnalisme en ajoutant le terme de vocation qui a
été
fortement souligné par Luther et Calvin. Je garde aussi du protestant
1358
ssi du protestantisme un certain sens civique qui
est
très développé dans les pays calvinistes. J’ai fait cette observation
1359
ation propre, c’est-à-dire qu’il part de là où il
est
, qui est un endroit unique au monde et doit créer son chemin vers Die
1360
pre, c’est-à-dire qu’il part de là où il est, qui
est
un endroit unique au monde et doit créer son chemin vers Dieu, vers l
1361
doit l’inventer tous les jours. D’autre part, je
suis
distingué de la tribu par ma vocation, et en même temps relié à la co
1362
plus fondamentalement protestant. À part cela, je
suis
pour un christianisme œcuménique dépassant définitivement les confess
1363
déralisme et œcuménisme ? L’œcuménisme, pour moi,
est
la traduction du fédéralisme sur le plan religieux. Il ne s’agit pas
1364
ue de développement car on pensait que le progrès
était
infini, que tout allait s’arranger si on produisait plus. Bref, c’éta
1365
e ans dans l’opinion publique, on sait qu’il n’en
est
rien. Et que nous touchons partout des limites. Les ressources nature
1366
partout des limites. Les ressources naturelles ne
sont
pas infinies. Certains calculent déjà l’épuisement du charbon, du pét
1367
d’autre politique que cette finalité générale qu’
est
le profit, la croissance, l’augmentation quantitative, mesurable. Il
1368
nous avons aussi les moyens de tout tuer. Et nous
sommes
d’ailleurs en train de le faire. Donc, nous en sommes à cette charniè
1369
es d’ailleurs en train de le faire. Donc, nous en
sommes
à cette charnière. Voulons-nous la puissance collective, la puissance
1370
s un certain état d’équilibre. Par ailleurs, nous
sommes
forcés de renoncer à la forme État-nation et aux soi-disant économies
1371
États-Unis ? Par quel miracle ces frontières, qui
sont
« des cicatrices de l’histoire », correspondraient-elles à des ensemb
1372
litiques ? Je les trouve funestes. En tant qu’ils
sont
des représentants des partis ou des États-nations, ils ne sont pas de
1373
ésentants des partis ou des États-nations, ils ne
sont
pas des hommes politiques, ils sont des partisans ou des nationaliste
1374
tions, ils ne sont pas des hommes politiques, ils
sont
des partisans ou des nationalistes. Mais j’ai le plus grand respect p
1375
y aurait des régions écologiques où les problèmes
seraient
bien connus, bien cernés et résolus d’après le génie du lieu. Mais ce
1376
és et résolus d’après le génie du lieu. Mais ce n’
est
pas possible avec le système de découpage des États-nations, complète
1377
ans aucune consultation locale. 15. Cet ouvrage
sera
réédité en collection de poche dans quelques semaines. 16. Titre de
1378
ur dans cette maison où il vit depuis 1947 et qui
fut
autrefois celle du garde forestier de l’auteur de Candide. Mêlé au mo
1379
ologien protestant Karl Barth, Denis de Rougemont
est
aussi un grand voyageur : il a vécu en Allemagne, en France, aux État
1380
ance, aux États-Unis pendant plusieurs années. Il
est
actuellement directeur du Centre européen de la culture, à Genève, in
1381
ut qu’il a créé en 1950. Mais, Denis de Rougemont
est
avant tout, à sa manière, un Européen. Sa grande idée : le fédéralism
1382
es à réaliser aux dimensions de la communauté qui
est
le mieux capable de les résoudre” ».
1383
nt, touchés par le soleil rasant, ah ! ce ne peut
être
que l’Europe ! Ces champs morcelés et striés dans tous les sens, et c
1384
gement irriguée et de très dense habitation, ce n’
est
pas l’Europe des confins dénudés et brûlés, rocailleux ou glaciaires.
1385
ols de mouettes, devant un monde où les lointains
sont
devenus immatériels. Les Alpes du Valais et de la Savoie pendent vert
1386
, comme des décors translucides. Mais tout ce qui
est
proche sur nos rives brille d’un vif éclat humide, repeint à neuf pen
1387
go), mais pas du tout aux statistiques. La Suisse
est
l’une des régions de la Terre les plus intensément industrialisées, e
1388
qui représente à peine la moitié du pays, l’autre
étant
occupée par les déserts alpestres et les sombres forêts du Jura. Mais
1389
ourd’hui, où sa constatation, très abusive alors,
est
en bon train de devenir vraie : sur le même territoire six fois plus
1390
ne longue usine blanche et vitrée, là où jadis se
fût
abrité un couvent. Seuls les arbres nous cachent encore la ville uniq
1391
et du Valais, et vous découvrirez que leur plan s’
est
développé soit à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’un
1392
et vous découvrirez que leur plan s’est développé
soit
à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’une place princip
1393
eloppé soit à partir d’un château sur sa colline,
soit
autour d’une place principale. Quand le château forme le centre, il s
1394
au xiiie siècle. Parfois les deux structures se
sont
juxtaposées. Le mouvement libertaire des communes ayant pris le pouvo
1395
et citadins, producteurs et consommateurs. Telle
étant
l’architecture de la cité qui a permis la démocratie, on voit que cet
1396
voitures et qui assure les fonctions de l’agora,
sont
des anti-communautés, entassements de solitaires anxieux et mornes, c
1397
uand les hommes pouvaient se rencontrer. Or, il n’
est
pas de pays au monde que le gigantisme humain menace dans ses fondeme
1398
lus que la Suisse. Car la Suisse tire sa raison d’
être
et les conditions mêmes de ses libertés des petites dimensions du pay
1399
s. Les sociologues les plus avancés d’aujourd’hui
sont
en bonne voie de redécouvrir les vertus des groupements restreints, à
1400
es groupements restreints, à l’heure où la Suisse
est
tentée de les oublier et de trahir ainsi ses origines. La vocation de
1401
ahir ainsi ses origines. La vocation de la Suisse
est
de revaloriser ce qui est petit contre le gigantisme, sauvant ainsi s
1402
a vocation de la Suisse est de revaloriser ce qui
est
petit contre le gigantisme, sauvant ainsi son âme et ses paysages, en
1403
on de sa mère, ira bâtir des capitales en Inde et
sera
l’inspirateur de Brasilia. Voyez grand, transformez le monde à votre
1404
Qu’
est
-ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)ar
1405
une hypothèse (juin 1972)ar 1. Ce qu’elle n’
est
pas La culture ne consiste pas à lire des romans, à parler peintur
1406
mulation sur la tête des gauchistes. La culture n’
est
nullement une distinction, quelque chose qui distingue du vulgaire et
1407
gaire et que l’on acquiert par des études. Elle n’
est
pas l’affaire des « salons », comme l’imaginent encore quelques amate
1408
savent pas qu’il n’y a plus de salons, qu’ils ont
été
remplacés depuis le xviiie siècle par les cafés, et qu’il n’y a plus
1409
ires depuis vingt ans, même à Paris. La culture n’
est
pas faite par les « gens cultivés ». Elle n’est pas leur propriété, e
1410
n’est pas faite par les « gens cultivés ». Elle n’
est
pas leur propriété, elle ne dépend pas d’eux et ne leur doit rien (mê
1411
même si elle leur donne tout). Enfin la culture n’
est
pas nécessairement sérieuse. Ceux qui n’ont pas le sens de l’arbitrai
1412
ui n’ont pas le sens de l’arbitraire, de l’humour
fût
-il noir, de la désinvolture aimable ou provocante, de l’absurde assum
1413
te, de l’absurde assumé ou de la franche rigolade
sont
instamment priés de s’abstenir, et de s’inscrire dans un parti. 2.
1414
et de s’inscrire dans un parti. 2. Ce qu’elle
est
en tous cas La culture est l’ensemble des valeurs (tabous et inte
1415
. 2. Ce qu’elle est en tous cas La culture
est
l’ensemble des valeurs (tabous et interdits, dogmes, principes moraux
1416
oirement héréditaires) et selon son éducation (il
est
plus ou moins dirigé, conseillé, orienté dans ses choix par sa famill
1417
-uns, la lecture). 3. Ce qu’il se peut qu’elle
soit
« La culture est ce qui reste quand on a tout oublié », disait Édo
1418
3. Ce qu’il se peut qu’elle soit « La culture
est
ce qui reste quand on a tout oublié », disait Édouard Herriot, homme
1419
tes sur le cerveau. À la naissance, notre cerveau
est
programmé par le code génétique des chromosomes. Mais au fur et à mes
1420
tenu de l’information peut très bien disparaître,
être
« oublié » : il n’en sera pas moins retrouvé, « remémoré » par la réa
1421
très bien disparaître, être « oublié » : il n’en
sera
pas moins retrouvé, « remémoré » par la réactivation de la structure
1422
t, encore que son actualisation quasi instantanée
soit
souvent empêchée par des blocages psychologiques ou somatiques. Ainsi
1423
giques ou somatiques. Ainsi définie, la culture n’
est
plus une affaire de fiches, de bibliothèque ou d’œuvres, c’est-à-dire
1424
tituée — je ne dis pas à ce qui la constitue, qui
est
l’appel de sa fin, sa vocation. 4. Il n’y a pas de cultures nation
1425
l n’y a pas de cultures nationales Cette thèse
est
démontrée sans aucun doute possible par la date même de la formation
1426
les combinaisons et permutations de ces facteurs,
est
dix fois, ou cent fois plus ancienne que nos divisions nationales. «
1427
es branches de la science, des arts, des lettres,
sont
locales ou régionales dans leur genèse, continentales dans leur évolu
1428
enir compte par anticipation de frontières qui ne
seront
tracées que plusieurs siècles plus tard au hasard des batailles et de
1429
le Rhône unit…). Nos « précieuses diversités » ne
sont
pas du tout nationales. Elles divisent et animent nos nations sans le
1430
nnaie qu’on y vénère. La seule culture qui puisse
être
sucée avec le lait, assimilée, vécue et contrastée avec d’autres cult
1431
contrastée avec d’autres cultures continentales,
est
la culture européenne. Voilà notre unité de base. Et nos diversités s
1432
nne. Voilà notre unité de base. Et nos diversités
sont
celles de nos écoles traditionnelles ou d’avant-garde, de nos doctrin
1433
ns, et finalement de nos personnes. Tout le reste
est
rhétorique ministérielle, clichés journalistiques, paragraphes de man
1434
compte des frontières étatiques dont la réalité n’
est
plus que négative. 5. La contestation comme tradition centrale de
1435
Dès l’aube de la pensée des Grecs d’Ionie — qui
est
théologique, cosmologique et politique d’un seul mouvement — une gran
1436
ition et la Contestation. Socrate et Jésus-Christ
sont
les plus hauts modèles d’une contestation radicale, opposant la moral
1437
frontement avec la tradition des pères, de peur d’
être
« récupérés » par le fantasme qu’ils appellent « Système ». Nier le p
1438
e à partir de dix heures du soir ».) « Il vous a
été
dit… mais moi je vous dis… » Cette phrase évangélique ne nie pas le p
1439
omme l’amour prévaut contre l’indifférence, qui n’
est
souvent qu’angoisse refoulée. Elle l’abolit en création. Tel est le s
1440
angoisse refoulée. Elle l’abolit en création. Tel
est
le sens. ar. Rougemont Denis de, « Qu’est-ce que la culture ? Qua
1441
Tel est le sens. ar. Rougemont Denis de, « Qu’
est
-ce que la culture ? Quatre thèses et une hypothèse », Cahiers de l’Al
1442
xpriment bien autre chose qu’un thème romanesque,
fût
-il même le thème exemplaire, l’archétype de tous les romans dignes du
1443
l’archétype de tous les romans dignes du nom. Ils
sont
comme les premières apparitions, comme les épiphanies quasi sacrées d
1444
n des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’
est
-ce qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces
1445
me occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu’
est
-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au publi
1446
ppe au discours, s’exprime en sensations, et peut
être
traduite à la rigueur en formules de biochimie. De quoi s’agit-il don
1447
ième forme de l’existence proprement humaine, qui
est
l’âme. Je ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui do
1448
ianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’
est
ni proprement physique ni proprement spirituelle, qui n’est pas celle
1449
prement physique ni proprement spirituelle, qui n’
est
pas celle du corps ni celle de l’intellect, encore qu’elle tienne aux
1450
’elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais qui
est
bien plutôt celle du « cœur » comme on dit, celle de l’âme. L’âme est
1451
e du « cœur » comme on dit, celle de l’âme. L’âme
est
en propre le domaine des émotions et des passions. L’émotion est la p
1452
e domaine des émotions et des passions. L’émotion
est
la preuve de l’âme, tout comme la sensation est la preuve du corps, e
1453
n est la preuve de l’âme, tout comme la sensation
est
la preuve du corps, et la pensée, la preuve de l’intellect. La passio
1454
aux conventions sociales. Ainsi, l’amour-passion
est
cette forme de l’amour qui se libère des contraintes naturelles, des
1455
présente. C’est l’amour de l’Amour, plus que de l’
être
aimé dans sa réalité toujours irréductible à l’image idéale que la pa
1456
age idéale que la passion s’en fait. Cette image,
étant
idéale, doit rester à jamais fuyante, inaccessible. Mais la réalité e
1457
r à jamais fuyante, inaccessible. Mais la réalité
est
lourdement présente. Elle ne saurait donc que freiner l’élan de l’âme
1458
reiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’
est
pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie un troubadour tardif, cont
1459
ntemporain de nos légendes tristaniennes. Mais qu’
est
-ce alors, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi ? Ce n’est pas
1460
égendes tristaniennes. Mais qu’est-ce alors, quel
est
le faux amour qui « tourne » ainsi ? Ce n’est pas le désir comblé, au
1461
uel est le faux amour qui « tourne » ainsi ? Ce n’
est
pas le désir comblé, au sens sexuel de l’expression, car cet acte ins
1462
l’Église. C’est le mariage. Constater que Tristan
est
tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’est reconnaî
1463
reconnaître aussi que la vraie victime du mythe n’
est
pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui
1464
ue la vraie victime du mythe n’est pas Tristan, n’
est
pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui triomphe au contra
1465
du mythe n’est pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’
est
pas non plus leur passion, qui triomphe au contraire de tout. La vrai
1466
ul vivant, mais sans amour. Aux yeux du mythe, il
est
perdant. ⁂ À ce premier aspect de notre légende : l’amour-passion tri
1467
’à nos jours, comme j’ai tenté de le faire jadis,
serait
hélas illustrer la lente dégradation du mythe, grandiose en sa simpli
1468
ons morales les plus banales et complaisantes. Ce
serait
aller de l’apparition d’un mythe sacré, voilant de poésie ses secrets
1469
dinettes et films de série, dont le love interest
est
l’ingrédient forcé, dernière dilution populaire du philtre magique de
1470
de la Reine, du « vin herbé » dont la vertu jadis
fut
mortelle aux amants séparés, mais fut aussi transfigurante. L’histoi
1471
vertu jadis fut mortelle aux amants séparés, mais
fut
aussi transfigurante. L’histoire du mythe, dans nos mœurs et coutume
1472
histoire du mythe, dans nos mœurs et coutumes, ne
serait
-elle que l’histoire d’une longue profanation ? Faut-il penser que les
1473
nation ? Faut-il penser que les pouvoirs du mythe
sont
épuisés et que nous serons peut-être les derniers à subir son « tourm
1474
ue les pouvoirs du mythe sont épuisés et que nous
serons
peut-être les derniers à subir son « tourment délicieux », selon l’ex
1475
uteurs de la légende primitive ? Mais si le mythe
est
épuisé, et s’il était vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure qu
1476
primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’il
était
vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme elle-mêm
1477
mulés entre les amants légendaires — le principal
étant
le mariage d’Iseut avec le Roi, père adoptif du héros —, il n’y aurai
1478
Tristan ! C’est pourtant bien à cela que nous en
sommes
aujourd’hui, dès lors que le mariage n’est plus un lien sacré, advers
1479
en sommes aujourd’hui, dès lors que le mariage n’
est
plus un lien sacré, adversaire à la taille de la passion ; et que, lo
1480
anciers. Ils savent bien que le roman véritable n’
est
jamais qu’une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut.
1481
me sans qualités, de Musil, la Lolita de Nabokov,
sont
les derniers échos du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous qui
1482
ennent encore. Mais déjà, le héros de Lolita nous
est
décrit comme un antihéros, c’est-à-dire un malade mental. Un psychana
1483
eu. Si les derniers tabous viennent à céder, c’en
sera
fait de la passion. Que deviendront nos romanciers ? Il leur reste le
1484
ittéralement sans histoire. Ou bien encore, et ce
serait
mieux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négati
1485
rir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’il
est
vrai que la passion se nourrit d’obstacles choisis, et que notre cult
1486
t cédé à nos sciences, ou c’est tout comme. Qu’en
est
-il du dernier barrage que notre condition d’êtres finis oppose à notr
1487
n est-il du dernier barrage que notre condition d’
êtres
finis oppose à notre amour d’un être, à l’Amour même ? Si la passion
1488
condition d’êtres finis oppose à notre amour d’un
être
, à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien clair
1489
Amour même ? Si la passion vit de séparations, il
est
bien clair que la séparation la plus irrémédiable est dans la mort, e
1490
bien clair que la séparation la plus irrémédiable
est
dans la mort, et toutes nos sciences, ici, se récusent et se taisent.
1491
uvant le breuvage magique, les amants légendaires
sont
entrés, nous disent-ils, dans les voies d’une destinée « qui jamais n
1492
lles », le jour de l’Ange. Cet horizon de la mort
est
l’ultime sens du mythe. Mais il faut croire aux anges pour y croire.
1493
et ses désirs et ses amours, composent au Ciel un
être
de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa
1494
e de lumière, une contrepartie transcendante, qui
est
son Nom divin, sa personne éternelle. Tout homme est double : individ
1495
son Nom divin, sa personne éternelle. Tout homme
est
double : individu sur Terre, donc transitoire — et germe d’un être ét
1496
ividu sur Terre, donc transitoire — et germe d’un
être
éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Or, ces ang
1497
donc transitoire — et germe d’un être éternel qui
est
son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Or, ces anges, nommés Frava
1498
me d’un être éternel qui est son vrai moi, et qui
est
un ange au ciel. Or, ces anges, nommés Fravartis, sont des entités fé
1499
un ange au ciel. Or, ces anges, nommés Fravartis,
sont
des entités féminines. On retrouve ici Dante, et Goethe, et peut-être
1500
re-de-Gloire restituant toutes choses et tous les
êtres
dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyan
1501
mmortalité »18, au centre du monde spirituel (qui
est
le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un s
1502
’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je
suis
toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au lieu
1503
’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait
été
, sur la Terre, le véritable objet du désir de Tristan, sa princesse l
1504
elle. Toute filiation historique mise à part — ce
serait
le sujet d’autres études — je me demande souvent si l’angélologie de
1505
on ne saurait s’aimer soi-même, puisqu’« il faut
être
deux pour aimer », comme dit la sagesse populaire. Aimer vraiment, ce
1506
omme dit la sagesse populaire. Aimer vraiment, ce
serait
aimer l’ange en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce serait d
1507
e en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce
serait
deviner l’ange, en soi-même et dans l’autre, l’aider à naître, et le
1508
tre amour, provoquant la passion créatrice, ce ne
serait
plus la mort, ce serait dès ici-bas, l’altérité même du prochain. Que
1509
passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce
serait
dès ici-bas, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit un Autre i
1510
ici-bas, l’altérité même du prochain. Que l’Autre
soit
un Autre impénétrable ne tient pas à quelque interdit, à quelque tabo
1511
l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’
être
même, au fait de la personne. Nulle technique et nulle science de l’h
1512
echnique et nulle science de l’homme ne peut nous
être
ici d’aucun secours. Il faut aimer pour le comprendre, et rapporter l
1513
peut nous y aider, c’est bien là sa fonction, qui
est
d’orienter notre vie affective, de lui offrir un modèle simple et pur
1514
e justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’
est
pas seulement de la littérature qu’ils ont bien mérité, mais de l’âme
1515
ennes. Continuateurs et non pas rewriters, ils se
sont
pénétrés des textes des trouvères français, anglo-normands, anglais,
1516
de Thomas ; Bédier « français » comme on devait l’
être
aux alentours de 190919 ; Mary résolument « anglo-normand » comme son
1517
sorcery départie (départ) = departure Il doit
être
évident que ces restitutions sont dans la tradition de tous les texte
1518
rture Il doit être évident que ces restitutions
sont
dans la tradition de tous les textes que nous tenons pour les « origi
1519
s « originaux » de la légende, et qui, en fait, n’
étaient
eux-mêmes que des versions renouvelées, souvent critiques et parfois
1520
, perdus pour nous. Bédier et Mary, comme Wagner,
sont
des auteurs de Tristan, à peu près au même titre que Béroul ou Thomas
1521
nté ses moyens d’expression. ⁂ Et cependant, tout
étant
dit à la louange des modernes complices-victimes-auteurs-recréateurs
1522
)au av Depuis quelques années, tout le monde s’
est
mis à parler d’interdisciplinarité. Pourquoi ? À cause de l’excès de
1523
urquoi ? À cause de l’excès de spécialisation qui
était
en train de stériliser les recherches en les soumettant à leur rentab
1524
ue. Ou simplement, la conviction que la réalité n’
est
pas divisée en compartiments correspondant aux facultés. Mais aussi,
1525
de la fécondation d’une discipline par une autre
est
fourni par l’œuvre de Claude Lévi-Strauss, l’ethnographe découvrant d
1526
des structures de la parenté en général. Mais il
est
d’autres exemples non moins significatifs, celui de la théorie des je
1527
rme d’amour que je cherchais à décrire ne pouvait
être
saisie par aucune de nos disciplines universitaires (études romanes,
1528
e qu’au lieu même de leur convergence, là où il s’
était
constitué. Cela fut ressenti à l’époque comme le péché contre l’espri
1529
eur convergence, là où il s’était constitué. Cela
fut
ressenti à l’époque comme le péché contre l’esprit (académique), la t
1530
. L’Institut universitaire d’études européennes n’
est
-il pas, en vertu même de son titre, condamné à la spécialisation ? En
1531
ion ? En vertu même de l’objet de ses études, qui
est
l’Europe, il me paraît condamné à l’interdisciplinarité de type b). L
1532
amné à l’interdisciplinarité de type b). L’Europe
est
un phénomène qui n’existe, au sens fort, ni dans les réalités économi
1533
logie seules. Pas une seule de ces disciplines ne
serait
capable de saisir l’Europe dans son être historique et virtuel, dans
1534
nes ne serait capable de saisir l’Europe dans son
être
historique et virtuel, dans son évolution. L’Europe n’apparaît qu’à l
1535
on. L’Europe n’apparaît qu’à leur carrefour, elle
est
définie par leurs intersections, et ses reliefs ne se révèlent qu’au
1536
yndicats intercommunaux transfrontaliers) ne peut
être
concrétisée, actualisée, que par des approches multiples et simultané
1537
es les « disciplines » existantes. Ces recherches
sont
métaphoriques, s’il est vrai que la métaphore naît du rapprochement d
1538
istantes. Ces recherches sont métaphoriques, s’il
est
vrai que la métaphore naît du rapprochement de deux phénomènes très é
1539
sa ou de ses disciplines, vers un même but. Nous
sommes
en convergence, pas encore en symbiose, mais elle est potentielle. Qu
1540
en convergence, pas encore en symbiose, mais elle
est
potentielle. Quelles sont vos chances de l’actualiser ? Notre taille,
1541
e en symbiose, mais elle est potentielle. Quelles
sont
vos chances de l’actualiser ? Notre taille, Dieu merci minuscule ! El
1542
ur les étudiants de suivre des cours qui ailleurs
seraient
répartis entre quatre ou cinq facultés. Les universités qui luttent c
1543
ant selon leurs spécialités — voir les treize qui
sont
issues de la Sorbonne — vont en sens inverse de l’interdisciplinarité
1544
très différents ? Car si tous les États européens
sont
amenés à reconnaître l’existence d’un problème régional, celui-ci, se
1545
me régional, celui-ci, selon les cas ou les pays,
sera
de nature ethnique ou économique, linguistique ou géographique, tradi
1546
rogrès, l’aboutissement suprême de l’Histoire. Qu’
est
-ce que l’État-nation ? C’est la mainmise d’un appareil étatique — réa
1547
ans des frontières d’autant plus rigides qu’elles
sont
plus arbitraires, pour la commodité des seuls fonctionnaires et la ra
1548
ais l’obstacle majeur à l’union du continent, qui
est
le seul moyen d’échapper à la colonisation de nos pays par l’appareil
1549
mé L’État-nation, qui se dit souverain absolu,
est
manifestement trop petit pour jouer un rôle réel à l’échelle planétai
1550
es. Le seul remède aux trop petites dimensions ne
serait
-il pas la création d’agences fédérales européennes, qui seraient comp
1551
la création d’agences fédérales européennes, qui
seraient
compétentes partout où les tâches et leur concertation se révéleraien
1552
nier, qui a moins d’un siècle d’âge en moyenne, n’
est
plus capable d’assurer la prospérité des régions et provinces et d’y
1553
t leur relief. Mais il y a plus : leur résurgence
serait
celle d’un esprit de clocher, d’un chauvinisme local plus irrespirabl
1554
hniques, motifs économiques Mais le problème n’
est
pas seulement spéculatif et prospectif. Il est posé en vrac, en terme
1555
n’est pas seulement spéculatif et prospectif. Il
est
posé en vrac, en termes concrets, mal comparables, voire contradictoi
1556
milaires actuellement étouffés dans les pays de l’
Est
européen. Presque partout, ces ethnies brimées déclarent souffrir d’u
1557
lle-Maestricht-Liège, etc. Désormais, le problème
est
posé par la CEE et par le Conseil de l’Europe, de la constitution de
1558
écrit J.-F. Gravier, auteur d’un livre fameux qui
fut
à l’origine du néo-régionalisme en France : Paris et le désert frança
1559
y faudrait un vrai miracle, mais ce miracle ne s’
est
jamais produit. Et il aurait encore moins de chance de survenir dans
1560
qu’il y aurait lieu d’organiser autour de Genève
est
particulièrement frappant à cet égard. On connaît le problème : Genèv
1561
réation des régions que je viens de définir, ce n’
est
pas plus Genève qui bénéficiera que le pays de Gex, la Savoie, la Rom
1562
ation de ces régions d’aires variables : celle-ci
serait
basée — comme l’a proposé le récent colloque des régions frontalières
1563
ur former une génération et créer les régions, ne
sont
-ils pas trop longs face à l’urgence des périls que court l’Europe, j’
1564
s sa colonisation par une hégémonie politique à l’
Est
, une hégémonie économique à l’Ouest ? La réponse dépend de nous, non
1565
? La réponse dépend de nous, non des astres. S’il
est
vrai, comme je l’ai toujours pensé, que nous n’avons pas à prévoir no
1566
que j’approuve les idées de ces douze articlesbd
serait
faible : je m’y reconnais. Il s’agirait maintenant de les illustrer.
1567
la démocratie, au sens actif et créatif du mot, n’
est
pas possible, s’il n’y a pas une « agora » ou un « forum » — une « pl
1568
la place du village, du quartier, de la ville, n’
est
plus qu’un parking, et si les rues sont livrées aux autos qui essaien
1569
a ville, n’est plus qu’un parking, et si les rues
sont
livrées aux autos qui essaient au mieux de s’éviter, non aux piétons
1570
contrer, la démocratie n’existe plus, ses racines
sont
coupées et ses sources taries. Dans cet article conclusif, il est que
1571
es sources taries. Dans cet article conclusif, il
est
question de fédéralisme première et deuxième manière. Je suis pour la
1572
n de fédéralisme première et deuxième manière. Je
suis
pour la deuxième. Ramuz était pour la première. Il me disait un jour
1573
deuxième manière. Je suis pour la deuxième. Ramuz
était
pour la première. Il me disait un jour au Central, à Lausanne : « Ent
1574
jour au Central, à Lausanne : « Entre nous, nous
sommes
fédéralistes, je veux bien dire séparatistes » (parlant de Berne). No
1575
istes » (parlant de Berne). Non, le fédéralisme n’
est
pas l’autarcie cantonale, l’État-nation cantonal, la fermeture du can
1576
fermeture du canton sur soi-même ! Le fédéralisme
est
une méthode pour garantir le maximum d’autonomie des unités fédérées,
1577
ouve aujourd’hui en livre de poche. L’affaire Lip
est
déjà prévue, définie, et à mon sens résolue, dans la pensée du grand
1578
t policière par l’État russe — voir les pays de l’
Est
européen —, d’autre part à la colonisation de notre économie et de no
1579
liste, seule pratiquement possible pour l’Europe,
est
en même temps la seule formule européenne pratiquement acceptable pou
1580
e n’en a pas ?), pour les ethnies qui se trouvent
soit
divisées par les frontières de deux ou trois États, comme les Basques
1581
u trois États, comme les Basques et les Catalans,
soit
dispersées, comme les Juifs, les Gitans, les Arméniens ; et pour tous
1582
L’École, surtout secondaire — mais l’Université n’
était
pas en reste vers 1914 —, l’École apprend depuis un siècle aux jeunes
1583
e la France, l’Allemagne, l’Italie ou la Hollande
sont
immortelles, ce qui suggère qu’elles auraient existé de toute éternit
1584
ilippe le Bel — « empereur en son royaume » —, il
est
absolument certain que l’Italie comme État n’a que 112 ans, l’Allemag
1585
ncident avec elle. Nous croyons que les Européens
sont
trop différents les uns des autres pour s’unir et qu’on ne pourra jam
1586
ouce de leur sacro-sainte souveraineté, et qu’ils
sont
immortels. Or tout est faux dans cet enseignement, et dans les croyan
1587
e souveraineté, et qu’ils sont immortels. Or tout
est
faux dans cet enseignement, et dans les croyances qui en résultent.
1588
ons modernes de l’Europe. La culture européenne n’
est
pas la somme de vingt-huit cultures nationales, puisqu’elle existait
1589
ne Gilson —, pas un seul des grands professeurs n’
était
français : ils étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme B
1590
eul des grands professeurs n’était français : ils
étaient
napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme Bonaventure, souabe comm
1591
ceux qui parlent une même langue ? Oui, mais il n’
était
pas question de les enfermer pour autant dans les frontières d’un mêm
1592
s les frontières d’un même État. D’ailleurs, il n’
est
pas vrai que nos stato-nations modernes correspondent à l’aire de dif
1593
et contre les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a
été
mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé dans l’
1594
rénées séparent l’Espagne de la France, voilà qui
est
clair — à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas qu
1595
(ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’
est
de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et à l’oues
1596
’allemand de nouveau des deux côtés. Et la Suisse
est
née du Gothard, au cœur des Alpes. Non, les frontières de nos États n
1597
es. Non, les frontières de nos États n’ont jamais
été
« naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires comme les con
1598
nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles
sont
accidentelles et arbitraires comme les conflits armés dont elles figu
1599
lles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles
sont
encore, disait le professeur français Jacques Ancel, « le résultat de
1600
cachait, c’est que la culture de tous nos peuples
est
foncièrement une, et que cette unité de base permet seule de définir
1601
irgile. On sait à quel point ces trois traditions
sont
à la fois antinomiques et apparentées par le fait même de leur sécula
1602
nnaire, André Siegfried pense au contraire que ce
sont
« les prophètes d’Israël » qui ont « déposé dans notre esprit cette s
1603
les façades des États-nations, c’est que l’Europe
est
d’abord une culture, et que cette culture s’est formée à partir des m
1604
e est d’abord une culture, et que cette culture s’
est
formée à partir des mêmes influences indo-européennes, gréco-latines,
1605
on du réel, que nous le sachions ou non, que nous
soyons
cultivés ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’architecture, de
1606
ique, de philosophie et de doctrine politique ont
été
paneuropéennes, et non pas nationales : l’art roman et le gothique, l
1607
’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en
est
-il de ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, co
1608
e ses diversités tant vantées, et à juste titre ?
Est
-il vrai, comme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxell
1609
u à Strasbourg, que ces « précieuses diversités »
sont
celles de nos nations ? Je propose là-dessus deux observations facile
1610
de leur propre nation ; et ainsi de suite. Ce ne
sont
pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, c’es
1611
de observation : la création culturelle en Europe
est
d’autant plus riche et intense qu’elle est moins centralisée et que s
1612
Europe est d’autant plus riche et intense qu’elle
est
moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge,
1613
e qu’elle est moins centralisée et que ses foyers
sont
plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création sont les universi
1614
us nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création
sont
les universités, de Bologne à Oxford, de Coimbra à Cracovie et de Tol
1615
vitalité inégalée de notre culture européenne, il
est
dans cette interaction perpétuelle des grands courants continentaux,
1616
stater que l’échelon national ne joue aucun rôle,
est
simplement omis, inexistant. Vers l’Europe des régions Si maint
1617
ose en termes politiques mon équation culturelle,
soit
: Europe de la culture = courants continentaux à partir de foyers l
1618
régions L’Europe que nous devons vouloir et qui
est
la seule que nous puissions espérer, ne sera jamais un laborieux et p
1619
t qui est la seule que nous puissions espérer, ne
sera
jamais un laborieux et problématique échafaudage d’accords tarifaires
1620
ent : l’Europe des États, rêvée par de Gaulle, ce
serait
une amicale des misanthropes, chose que l’on peut énoncer mais non pa
1621
’on fait une vraie amicale, mais alors on cesse d’
être
misanthrope, ou bien l’on reste misanthrope, mais alors il n’y a pas
1622
établira sur la base des régions, et celles-ci ne
seront
pas des mini-États-nations, prétendant enfermer dans les mêmes fronti
1623
t non plus par des cordons douaniers, les régions
seront
fonctionnelles : régions d’échanges économiques, régions écologiques,
1624
essionnelle, etc. — et ces régions fonctionnelles
seront
d’aires différentes, puisque les échanges commerciaux, par exemple, n
1625
ns qui les définiront ; et leur base territoriale
sera
tout simplement celle du syndicat intercommunal qui se constituera, d
1626
d’une pluralité d’ensembles fonctionnels, qui ne
sont
pas de même aire territoriale ni de même appartenance politique, soci
1627
n exemple personnel suffira pour l’illustrer : je
suis
Neuchâtelois de naissance, ce qui veut dire que la communauté et le t
1628
e (jusqu’en 1848, date de l’adhésion à la Suisse)
sont
ma patrie. En tant que citoyen du canton de Neuchâtel, je suis Suisse
1629
e. En tant que citoyen du canton de Neuchâtel, je
suis
Suisse de nationalité. En tant qu’écrivain, je relève de la francopho
1630
e relève du protestantisme, ensemble mondial. (Ce
serait
pareil si j’étais catholique, ou juif, ou communiste.) Enfin, j’appar
1631
antisme, ensemble mondial. (Ce serait pareil si j’
étais
catholique, ou juif, ou communiste.) Enfin, j’appartiens à une vingta
1632
seul territoire, je crierais au fou, — et ce fou
serait
Napoléon, Hitler, ou n’importe lequel de nos États-nations s’il pouva
1633
itions monopolistes. La pluralité des allégeances
est
donc la condition du régime fédéraliste tel que je le conçois — seul
1634
tion des personnes à la Vérité unique, dont nul n’
est
maître. Cette diversité, à la limite, ruine toute Église en tant qu’i
1635
itable orthodoxie, la « voie droite », ne saurait
être
que la voie personnelle inventée par chaque vocation : ce que l’insti
1636
ttendre à cet égard des gouvernements comme tels,
soit
ecclésiastiques, soit stato-nationaux. La fédération européenne ne na
1637
s gouvernements comme tels, soit ecclésiastiques,
soit
stato-nationaux. La fédération européenne ne naîtra pas d’accords au
1638
s hautes » dont parlent les Actes (qui risquent d’
être
plutôt, demain, les catacombes des réduits antiatomiques !), ou dispe
1639
s le monde mais unis par le Saint-Esprit. Ils ont
été
depuis deux-mille ans le sel de la Terre, l’Europe leur doit le meill
1640
« La famille
est
devenue un choix » (23 septembre 1973)az ba Évoquant sa lignée, De
1641
mes oncles : « Plus l’ancêtre dont on se réclame
est
éloigné, moins on a de chances de tenir de lui. » Quand débute votre
1642
e Rougemont, à Neuchâtel, en 1372. Quand la ville
était
principauté prussienne, Frédéric II, prince de Neuchâtel, a donné à D
1643
mont une lettre de reconnaissance de noblesse. Je
suis
le quatorzième du nom. Point de militaires chez vous. Pourquoi ? Cela
1644
gnée de conseillers d’État, le dernier, Frédéric,
fut
professeur et écrivain. Ses livres de géographie étaient utilisés dan
1645
professeur et écrivain. Ses livres de géographie
étaient
utilisés dans les écoles. Il y eut aussi un graphologue. Il le fut au
1646
les écoles. Il y eut aussi un graphologue. Il le
fut
auprès du Tribunal de la Seine au moment de l’affaire Dreyfus. Son an
1647
ent Suisse. Vous habitez en France. J’ai besoin d’
être
à cheval sur une frontière. Je sens les choses françaises comme si j’
1648
ontière. Je sens les choses françaises comme si j’
étais
Français et je suis complètement Suisse. Est-ce que l’idée de l’unité
1649
choses françaises comme si j’étais Français et je
suis
complètement Suisse. Est-ce que l’idée de l’unité de l’Europe vous vi
1650
j’étais Français et je suis complètement Suisse.
Est
-ce que l’idée de l’unité de l’Europe vous vient de vos ancêtres ? Ce
1651
ité de l’Europe vous vient de vos ancêtres ? Ce n’
est
pas une idée suisse. Le Suisse est cosmopolite. L’idée est au contrai
1652
ncêtres ? Ce n’est pas une idée suisse. Le Suisse
est
cosmopolite. L’idée est au contraire très suisse. Les Suisses étaient
1653
ne idée suisse. Le Suisse est cosmopolite. L’idée
est
au contraire très suisse. Les Suisses étaient destinés à être des Eur
1654
L’idée est au contraire très suisse. Les Suisses
étaient
destinés à être des Européens. Votre vie intellectuelle commence à Pa
1655
raire très suisse. Les Suisses étaient destinés à
être
des Européens. Votre vie intellectuelle commence à Paris ? Oui, j’y a
1656
ance ou la Suisse ? Je me sentirais très mal si j’
étais
limité à l’une ou à l’autre. « Comment ne pas croire à l’influence de
1657
st vous qui l’écrivez. Vous n’avez jamais songé à
être
pasteur ? Il est intéressant de savoir d’où l’on vient. Cela ne dicte
1658
vez. Vous n’avez jamais songé à être pasteur ? Il
est
intéressant de savoir d’où l’on vient. Cela ne dicte pas une carrière
1659
les châteaux en ruines me touchent tant, mais je
suis
tourné vers l’avenir. Avez-vous songé à l’Église ? Quand je suis part
1660
é à l’Église ? Quand je suis parti pour Vienne, j’
étais
très loin de l’Église. Je voulais devenir chimiste quand j’étais jeun
1661
de l’Église. Je voulais devenir chimiste quand j’
étais
jeune, mais quand j’ai pris des leçons j’ai compris qu’il ne saurait
1662
des leçons j’ai compris qu’il ne saurait plus en
être
question. Vous savez, quand la passion est devenue un devoir… j’ai co
1663
us en être question. Vous savez, quand la passion
est
devenue un devoir… j’ai compris que j’étais écrivain. J’avais lu un
1664
passion est devenue un devoir… j’ai compris que j’
étais
écrivain. J’avais lu un Paradis à l’ombre des épées, de Montherlant.
1665
yée à une revue à Genève qui l’a publiée. Je n’en
étais
pas plus fier pour ça : je me voulais poète et seulement poète. L’hér
1666
e sens de l’engagement et celui de la justice. Il
était
bon, libéral avec de l’amitié pour les socialistes — ce qui faisait s
1667
r les socialistes — ce qui faisait scandale. J’ai
été
très influencé par lui jusqu’à l’âge de 18 ans. De votre mère ? À 97
1668
à l’âge de 18 ans. De votre mère ? À 97 ans, elle
est
comme un fil. Je lui ressemble physiquement. Elle vient d’une famille
1669
e pensez-vous de celui de la famille ? La famille
est
devenue un choix, pas une nécessité. Ce que je trouve assez bien. Il
1670
autre chose que son père. Vos enfants ? Mon fils
est
psychologue, ma fille assistante du maître de conférences à l’Univers
1671
à l’Université de Paris. C’est amusant, car elle
est
enseignante et moi je suis membre du conseil dans la même université.
1672
C’est amusant, car elle est enseignante et moi je
suis
membre du conseil dans la même université. Nous nous retrouvons chacu
1673
az. Rougemont Denis de, « [Entretien] La famille
est
devenue un choix », La Suisse, Genève, 23 septembre 1973, p. 4. ba.
1674
’elle signifie. Les régions, nous dit-on, doivent
être
de « taille européenne ». Quelle est cette taille ? Qui en décide ? A
1675
on, doivent être de « taille européenne ». Quelle
est
cette taille ? Qui en décide ? Au nom de quoi ? Que veut-on dire ? On
1676
pond qu’il s’agit de « découper » des régions qui
soient
assez grandes, assez peuplées, assez industrialisées et bétonnées pou
1677
peuplées, assez industrialisées et bétonnées pour
être
« compétitives à l’échelle européenne ». Mais « compétitives » avec q
1678
bien que la région à laquelle on les a rattachés
soit
déclarée « compétitive » avec la Ruhr, le Piémont ou les Midlands. Ca
1679
ou les Midlands. Car une région, comme telle, ne
sera
jamais compétitive : l’adjectif ne saurait s’appliquer qu’à une firme
1680
qu’à une firme. Dassault, Fiat, Péchiney peuvent
être
« compétitifs » avec ce qui se fait à Détroit, à Essen ou à Bâle, mai
1681
e de ces firmes s’installait dans Rhône-Alpes, ce
serait
en vertu de ses seuls intérêts, non pas de ceux de la région, et ses
1682
at, se verraient partagés avec les contribuables.
Soyons
sérieux : jamais les habitants d’une région ne se rassembleront dans
1683
onne qu’en termes de pouvoir et de prestige. Ce n’
est
pas un souci d’homme réel, de femme réelle, c’est trop loin de la vie
1684
ional » dont les grandes firmes et l’État central
seraient
seuls à se partager les avantages éventuels. La prétention compétitiv
1685
es avantages éventuels. La prétention compétitive
serait
tout simplement puérile22, si l’on ne distinguait derrière l’argument
1686
région, contrairement à celui d’un État-nation, n’
est
pas d’affirmer sa puissance mais d’exercer sa liberté ; n’est pas de
1687
firmer sa puissance mais d’exercer sa liberté ; n’
est
pas de se montrer plus fort que tel voisin par les armes ou par la ri
1688
e la taille. Si l’on se demande honnêtement quels
sont
les avantages du grand État sur la petite communauté, on n’en trouve
1689
ions les plus mémorables de la culture européenne
sont
toutes nées de foyers locaux, Florence, Mantoue, Bruges, Anvers et Di
1690
Prague et Venise : l’Europe vivante et créatrice
est
née du rayonnement de petites cités, d’écoles locales, jamais de « na
1691
e « nations » en tant que telles. Que Rhône-Alpes
soit
« compétitif » avec Rhein-Westphalen intéresse peut-être quelques sta
1692
s ce qui intéresserait les habitants de la région
serait
de pouvoir se prononcer sur les problèmes qui les concernent. Et puis
1693
t qu’État souverain, un et indivisible, la France
est
trop grande, et il n’en va pas autrement de la Grande-Bretagne, de l’
1694
ir central entende l’imposer à sa manière). Ce ne
sont
là que signes avant-coureurs d’un phénomène beaucoup plus ample et pl
1695
appelle aujourd’hui les petites unités. Et cela n’
est
pas contradictoire avec la tendance qui nous porte à la fédération du
1696
e devant les mass médias d’État, où tout ce qui n’
est
pas publicité tonitruée pour des produits, des modes ou des révolutio
1697
e sociale pour recommander cette formule. Mais il
est
trop souvent inhibé par nos routines mentales, héritées de l’École, q
1698
l’autre côté du lac, c’était la France. — Mais où
est
la frontière ? demanda Molotov, vaguement inquiet. — Elle passe au mi
1699
s poissons, comment savent-ils dans quel pays ils
sont
? S’il n’y avait que les poissons ! Les vents, les fleuves et les nua
1700
écrit le professeur J. Ancel —, les frontières ne
sont
plus utiles qu’aux seuls douaniers, lesquels, pour la plupart, aimera
1701
lle-Maestricht-Liège, etc. Désormais, le problème
est
posé, par la CEE et par le Conseil de l’Europe, de la constitution de
1702
y faudrait un vrai miracle, mais ce miracle ne s’
est
jamais produit, et il aurait encore moins de chance de survenir dans
1703
qu’il y aurait lieu d’organiser autour de Genève
est
particulièrement frappant à cet égard. On connaît le problème : Genèv
1704
réation des régions que je viens de définir, ce n’
est
pas plus Genève qui bénéficiera que le pays de Gex, la Savoie, la Rom
1705
l’Isère, le Val d’Aoste et la Franche-Comté. ⁂ Il
est
facile d’énumérer les motifs de mésentente traditionnelle au sein de
1706
à partir du coup de force de Poincaré que tout s’
est
gâté. Et l’on a, sans sagesse ou sans bonne foi, invoqué de vieux con
1707
les, ont en fait disparu de nos jours : les races
sont
mêlées, l’évolution historique oubliée (n’en restent que les marmites
1708
arlait dans leur inconscient. Avant que Genève ne
fût
annexée à la France, en 1798, Charles Pictet de Rochemont, le futur n
1709
ses trois degrés, qui nous a convaincus que nous
étions
différents au point de ne pouvoir rien faire ensemble. C’est par l’Éc
1710
ducation des citoyens, à partir des réalités, qui
sont
locales et régionales d’abord, puis continentales et mondiales. (Les
1711
uis continentales et mondiales. (Les mythes seuls
sont
stato-nationaux.) Tout dépend de l’éducation, au cours des trois lust
1712
cours des trois lustres qui viennent. La région n’
est
nullement un relai de croissance. C’est un milieu commun de participa
1713
llement, nous savons tous maintenant que l’Europe
est
en crise. Il nous reste à voir que c’est une crise de civilisation. »
1714
de cet automne, l’« Utopie » qui l’anime — le mot
est
de lui — dans son projet de remodelage de la société occidentale. Cet
1715
gétique européenne démontre que les États-nations
sont
incapables de résoudre un tel problème, comme ils sont impuissants de
1716
incapables de résoudre un tel problème, comme ils
sont
impuissants devant l’inflation, le chaos monétaire, la pollution, la
1717
trop ces jours-ci… La formule de l’État-nation
est
à bout de course Faire l’Europe, pour vous, qu’est-ce que c’est, c
1718
à bout de course Faire l’Europe, pour vous, qu’
est
-ce que c’est, concrètement ? Au sens littéral, c’est créer de la subs
1719
échelle continentale. La formule de l’État-nation
est
à bout de course. Nous devons viser à la dépasser à la fois par en ha
1720
isant les régions. Les deux opérations ne peuvent
être
que simultanées : un pouvoir supranational et un tissu de réalités ré
1721
arrêtaient aux frontières ! La région ne doit pas
être
circonscrite par une frontière qui enferme tout. Elle se définit de m
1722
pour cent de l’horlogerie européenne. L’essentiel
est
de redonner au citoyen, dans la région et grâce à elle, un pouvoir de
1723
ementarisme, lequel, il faut bien le reconnaître,
est
en crise ?… Il est en crise à juste titre dans les pays où il est dev
1724
, il faut bien le reconnaître, est en crise ?… Il
est
en crise à juste titre dans les pays où il est devenu l’affaire des s
1725
Il est en crise à juste titre dans les pays où il
est
devenu l’affaire des seuls partis, car ceux-ci ne correspondent plus
1726
d’une vraie vie politique européenne. Mais ce qui
est
important, c’est qu’il existe au-dessus des régions et à leur service
1727
ssante ? L’existence des sociétés multinationales
est
une démonstration de l’inadaptation de l’État-nation aux réalités éco
1728
res d’un de nos États-nations, frontières qui ont
été
fixées au hasard des guerres et des traités sur de tout autres bases
1729
ses que celles de l’économie actuelle. L’économie
est
une chose très fluente, dont les rythmes de changement sont de cinq à
1730
hose très fluente, dont les rythmes de changement
sont
de cinq à dix ans, alors que nos frontières politiques ont été établi
1731
dix ans, alors que nos frontières politiques ont
été
établies dans la plupart de nos pays au xixe siècle ou au début du x
1732
la moyenne d’âge de nos vingt-six États européens
est
de quatre-vingts ans ! Quant au rythme de changement des ethnies, il
1733
s ! Quant au rythme de changement des ethnies, il
est
de l’ordre d’un millier d’années ! Bien sûr, les sociétés multination
1734
sumer beaucoup ma position, que dans un monde qui
serait
structuré par régions, mais dans le cadre d’une politique commune à l
1735
ythes nationaux. Si enthousiasmantes que puissent
être
les leçons sur Morgarten ou Austerlitz, c’est tout de même très loin
1736
de Simone Weil m’a frappé : « L’orgueil national
est
loin de la vie quotidienne. » Je suis convaincu qu’en partant de ce q
1737
eil national est loin de la vie quotidienne. » Je
suis
convaincu qu’en partant de ce que l’enfant peut connaître le mieux, d
1738
« européens » sans faire la moindre propagande. N’
est
-ce pas limiter volontairement l’horizon de l’enfant ? Je dis qu’il fa
1739
logie, par exemple, c’est une question vitale. Où
est
-elle sensible ? À l’échelle locale le plus souvent. L’empoisonnement
1740
es lacs, la destruction des sites, des forêts, ce
sont
des choses immédiatement perceptibles. Les enfants sont parfaitement
1741
es choses immédiatement perceptibles. Les enfants
sont
parfaitement conscients que les frontières politiques n’existent pas
1742
es n’existent pas pour la pollution. Les poissons
sont
les mêmes des deux côtés du Léman et ils y crèvent de la même façon !