1 1970, Articles divers (1970-1973). La place du livre dans l’information de l’homme moderne (1970)
1 toujours frappé, et ceci prouve que la liturgie n’ est pas seulement l’expression d’une émotion mais un moyen mnémotechnique
2 vre : je le prends dans son sens étymologique qui est très proche de formation. Il y a des livres de pure information, comm
3 mation, comme on dit, d’information courante, qui sont les dictionnaires, les encyclopédies, qui sont des réservoirs de rece
4 ui sont les dictionnaires, les encyclopédies, qui sont des réservoirs de recettes, de noms, de dates, des « data banks » com
5 ses éléments constitutifs que les transistors qui sont pour moi le comble de l’élégance en technique, ce petit truc tout sim
6 ur l’infinité des directions possibles. Alors, qu’ est -ce qui produit cet effet d’orientation, d’organisation de l’informati
7 uefois le style ; dans ce cas, c’est le style qui est le message même du livre, qui fonctionne donc comme orientateur, comm
8 dans un ouvrage philosophique, ou quelquefois ce sont simplement des situations dans un ouvrage romanesque. Mais toujours u
9 ue. Mais toujours un livre digne du nom de livre, est un appareil qui fonctionne de cette manière-là, opère, transmet son m
10 de cette manière-là, opère, transmet son message, est lui-même un message, plus ou moins bien imprimé ensuite ou stocké dan
11 individuelle, dans cette banque d’informations qu’ est la mémoire individuelle. Donc il semble que la fonction essentielle d
12 s, c’est de faire passer un message unique et qui est global, qui tient à tout le livre, qui tient à sa composition, à sa s
13 e passer un message unique et qui est global, qui tient à tout le livre, qui tient à sa composition, à sa structure, à son st
14 et qui est global, qui tient à tout le livre, qui tient à sa composition, à sa structure, à son style, à ses rythmes au moins
15 ’une certaine manière. Quand nous disons que nous sommes « absorbés » dans un livre, est-ce que c’est lui qui nous absorbe ou
16 isons que nous sommes « absorbés » dans un livre, est -ce que c’est lui qui nous absorbe ou nous qui l’absorbons ? C’est une
17 uand tu l’auras pris, mange-le, dévore-le ; il te sera très amer aux entrailles mais très doux à la bouche et après cela tu
18 tu pourras simplement agir ou méditer ». Nous ne sommes pas tous destinés à devenir des prophètes. Mais vous voyez qu’il y a
19 i existe dans un livre, dans ce petit appareil qu’ est le livre dont on ne sait jamais si c’est lui qui nous avale, ou nous
20 pas, puisqu’on parle d’information, que le livre est une manière surannée d’informer les gens. La radio, la télévision ou
21 si l’on veut sauver la spécificité du livre, doit être dans le sens de ces quelques lignes de Nietzsche que je vais vous lir
22 l’annonce que je vous citais]. Car la philologie est cet art vénérable qui, de ses admirateurs, exige avant tout une chose
23 ses admirateurs, exige avant tout une chose : se tenir à l’écart, prendre du temps, devenir silencieux, devenir lent. Un art
24 d’orfèvre. C’est justement à cause de cela qu’il est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, justement par là que le livre
25 t vite en finir de toutes choses, même d’un livre fût -il ancien ou nouveau. Il enseigne à bien lire, c’est-à-dire lentement
26 ertain nombre de questions posées. Eh bien, ce ne sont pas les sujets qui manquent, ce qui est difficile, c’est le temps de
27 n, ce ne sont pas les sujets qui manquent, ce qui est difficile, c’est le temps de lente lecture pour bien se pénétrer des
28 les moyens de communication de masse — écrit-on — sont en fait de plus en plus centralisés, contrôlés, par un nombre de plus
29 le même rôle que le livre, c’est-à-dire qui peut être comme le livre un agent d’individualisme, d’individualisation en face
30 ualisation en face de cet agent collectivisant qu’ est la télévision. On a fait remarquer que la télévision recrée le tribal
31 tribu, une partie même de la nation, si la nation est grande. Vous n’avez aucun moyen de répliquer. Vous pouvez protester q
32 vaine, sans aucune suite. Tandis que la situation est complètement différente quand vous êtes devant votre bibliothèque per
33 situation est complètement différente quand vous êtes devant votre bibliothèque personnelle. Vous pouvez choisir, Louis Arm
34 suivant votre humeur, quand vous voulez, le livre est toujours disponible et prêt à correspondre à votre humeur, à votre cu
35 lors, je pense que loin de dire que le livre doit être supplanté par la télévision, il nous faut le développer tant que nous
36 nous imposer certaines doctrines officielles qui sont , en effet, maniées uniquement par les gens qui ont le pouvoir et les
37 ans les programmes. Et alors, on se disait : « Qu’ est -ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’il faut créer un poste européen de té
38 rs, on se disait : « Qu’est-ce qu’il faut faire ? Est -ce qu’il faut créer un poste européen de télévision ? » Ça sera très
39 faut créer un poste européen de télévision ? » Ça sera très difficile d’abord de le créer, et de le financer, et ensuite de
40 on, sur son poste personnel, des petits films qui sont comme l’équivalent du microsillon. C’est dans cette toute petite boît
41 cela. C’est la cassette. C’est un palliatif. Ce n’ est pas suffisant, mais c’est l’équivalent du livre par rapport à la télé
42 e pense pas. Il y a des gens pour lesquels l’ouïe est le sens le plus développé et d’autres pour qui c’est la vision. On pe
43 différentes. Quelqu’un me demande « si le livre étant tributaire de la langue, il n’y aurait pas lieu de développer la rech
44 j’ai insisté tout à l’heure, alors là, la langue est essentielle. La langue fait partie du message du livre. L’espéranto n
45 nto ne le fera jamais. La langue française, si on est de langue française, ça vous apporte plus que de l’information object
46 de bureau, le contremaître, aient assez de temps. Est -ce que, face au rythme de la vie actuelle auquel nous sommes tous sou
47 ue, face au rythme de la vie actuelle auquel nous sommes tous soumis, il est encore possible de se ménager des moments de lent
48 a vie actuelle auquel nous sommes tous soumis, il est encore possible de se ménager des moments de lente lecture ? » Premiè
49 ts de lente lecture ? » Première remarque : ce ne sont pas les gens qui ont le plus de temps qui lisent le mieux, ni même qu
50 même qui lisent le plus. Je connais des gens qui sont tout à fait dans le style employé de bureau, femme de ménage, contrem
51 oyé de bureau, femme de ménage, contremaître, qui sont d’énormes lecteurs. Ils trouvent toujours le temps nécessaire, aux dé
52 s du travail. C’est en train de changer. L’accent est en train de passer sur le temps des loisirs, de la culture, parce que
53 à mesure [que] l’automation se développera. Ce n’ est pas à mon voisin, que j’irai apprendre ce genre de choses. Je pense q
54 , l’aiguille va passer du travail au loisir et ce sera pour le loisir, sérieux de la vie, qu’on travaillera un petit peu, po
55 ses parce que vous savez très bien que les revues sont faites en bonne partie de chapitres de livres publiés d’avance ou de
2 1970, Articles divers (1970-1973). Deux en un, ou le fédéralisme (mars 1970)
56 mmun. Un malentendu tragique et ridicule Tel est le malentendu tragique et ridicule qui bloque depuis vingt ans tous l
57 ère, voici quelques exemples. Le mot fédéralisme est tabou à Strasbourg, déclarait il y a quelques années un représentant
58 je compris par la suite que ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour un système d’unification intégrale, sans respect
59 en ce temps-là (il a changé d’avis depuis) : Ce n’ est pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même qu
60 depuis) : Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’ est pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut ?
61 e à sa haute école, parce qu’ici, disait-il, nous sommes fédéralistes ! Je n’ai cité que des européistes on ne peut plus engag
62 que des européistes on ne peut plus engagés. Que sera -ce ailleurs, dans la grande presse, dans la grande masse des citoyens
63 esse, dans la grande masse des citoyens dont il n’ est pas exclu qu’avant longtemps on l’appelle à se prononcer sur la quest
64 en ces termes : « La Grande-Bretagne et la France sont toutes deux également convaincues que leur premier devoir à l’égard d
65 nt tout à la définition de ses objectifs communs, est de préserver leur personnalité individuelle en tant que nation. » Je
66 » Je m’assure que ce qu’a dit Maurice Schumann n’ était nullement censé « traduire » un refus de la formule fédérale — bien a
67 s de la formule fédérale — bien au contraire ! Il est clair que l’erreur est le fait du journaliste, mais ce qui frappe, c’
68 e — bien au contraire ! Il est clair que l’erreur est le fait du journaliste, mais ce qui frappe, c’est qu’elle ait pu pass
69 ux citations qui l’illustrent : 1) Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
70 ins. Thiers, Histoire de la Révolution. La cause est entendue : le fédéralisme est un système bon pour les sauvages, et en
71 volution. La cause est entendue : le fédéralisme est un système bon pour les sauvages, et en France il mérite l’échafaud,
72 sauvages, et en France il mérite l’échafaud, qui est le sort des traîtres à la République. Ainsi, le Français cultivé se v
73 me, inverse de la première mais non moins fausse, est la plus répandue en Amérique. Si les Vaudois se disent fédéralistes c
74 s, et cela change tout, ces erreurs populaires ne sont point partagées par les hommes politiques responsables de ces pays. C
75 s pour les sauvegarder, car, faute d’union, elles seraient vite absorbées par une puissance voisine. Le fédéralisme repose essen
76 promis : si le consensus dans tous les domaines n’ est pas désirable ou ne peut être atteint, on le réduit à certains domain
77 tous les domaines n’est pas désirable ou ne peut être atteint, on le réduit à certains domaines. Sur un pacte ou quasi-trai
78 , d’impulsion et de création, mais plusieurs. Il est frappant de retrouver sous la plume du gouverneur républicain d’un Ét
79 de la vie publique comme de la vie organique, ils sont conditions l’un de l’autre. Le refus d’assumer le paradoxe et l’incap
80 ire ses exigences en termes de politique concrète sont causes des confusions de langage que j’ai citées et se révèlent néces
81 s questions de mots », si l’on veut. Pourtant, il serait fou d’espérer que l’Europe se fasse un jour dans l’histoire si elle n
3 1970, Articles divers (1970-1973). Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe (19 mars 1970)
82 E. Pour l’instant, les principales préoccupations sont d’ordre économique. Pensez-vous, Denis de Rougemont, que c’est là la
83 mon sens, mais qui explique pourquoi la Suisse n’ est entrée que dans l’AELE et a refusé jusqu’ici d’entrer dans la CEE. Pa
84 qu’à des avantages commerciaux, par exemple, qui sont ceux du libre-échange, tandis que la CEE n’a jamais caché depuis le d
85 isation de notre économie, si nous ne voulons pas être « américanisés », comme on le dit tous les jours, c’est qu’il y a d’a
86 us les jours, c’est qu’il y a d’autres choses qui sont non moins sérieuses que l’économie, qui sont même beaucoup plus série
87 qui sont non moins sérieuses que l’économie, qui sont même beaucoup plus sérieuses, qui sont, par exemple, nos libertés, no
88 nomie, qui sont même beaucoup plus sérieuses, qui sont , par exemple, nos libertés, nos modes de vie… Et c’est à cause de cel
89 urope doit s’opérer sur tous les plans. Elle doit être sociale autant qu’économique, elle doit être technique, elle doit êtr
90 doit être sociale autant qu’économique, elle doit être technique, elle doit être universitaire, scientifique, politique et c
91 u’économique, elle doit être technique, elle doit être universitaire, scientifique, politique et culturelle. Car, en fait, s
92 ité que l’on peut fonder une union solide. Quelle est cette unité ? Eh bien ! de culture. Il n’y a pas de cultures national
93 s thèmes de nos réflexions historiques, tout cela est complètement commun à tous les Européens. N’a jamais été l’apanage d’
94 plètement commun à tous les Européens. N’a jamais été l’apanage d’un seul de nos pays. Ne s’est jamais arrêté aux frontière
95 jamais été l’apanage d’un seul de nos pays. Ne s’ est jamais arrêté aux frontières actuelles de nos pays, qui n’existaient
96 bel et bien. Donc, sur cette unité de culture qui est commune aux Suisses et à tous les voisins de ce pays, on peut édifier
97 de vue, un écrivain allemand ou suisse alémanique est très proche d’un écrivain français ou espagnol ? Beaucoup plus qu’il
98 dans les temples, de la peinture religieuse. Ce n’ est qu’en Europe que l’on a utilisé tous ces procédés tels que le sonnet,
99 t, le tableau, la symphonie. Toutes ces choses-là sont des créations communes à tous les Européens et rapprochent naturellem
100 égration sous toutes ses formes, quelles qu’elles soient , quelle part pourrait prendre la Suisse ? Beaucoup à apporter A
101 coup à apporter Alors, je pense que la réponse est simple. La Suisse a beaucoup à apporter dans l’union de l’Europe. Ell
102 l’union de l’Europe. Elle a à apporter ce qu’elle est , ce qu’elle est devenue au cours des siècles, c’est-à-dire la formule
103 ope. Elle a à apporter ce qu’elle est, ce qu’elle est devenue au cours des siècles, c’est-à-dire la formule fédérale. C’est
104 érale. C’est sur cette formule-là que la Suisse s’ est faite peu à peu, qu’elle s’est créée sous la forme d’une confédératio
105 là que la Suisse s’est faite peu à peu, qu’elle s’ est créée sous la forme d’une confédération en 1848. Et depuis lors, elle
106 sez-vous que la Suisse comprenne exactement ce qu’ est le fédéralisme ? Le fédéralisme est l’une des choses les plus diffici
107 ctement ce qu’est le fédéralisme ? Le fédéralisme est l’une des choses les plus difficiles à comprendre, et même à vivre, q
108 à la télévision suisse romande : « La Suisse doit être modeste, elle doit proportionner ses interventions sur le plan de la
109 pays, qui n’a qu’une petite armée, encore que ce soit la plus forte d’Europe !)… que ce n’est pas une grande puissance comm
110 e que ce soit la plus forte d’Europe !)… que ce n’ est pas une grande puissance comme les États-Unis ou la Russie… » J’estim
111 politique étrangère, de la politique générale, ce sont les initiatives, les exemples qu’il peut donner, les initiatives qu’i
112 peut prendre. Si l’importance politique d’un pays était mesurée uniquement à sa taille, à l’importance de son armée et de son
113 ent eu contre eux l’opinion du monde entier. Ce n’ est donc pas du tout la force, comme on le répète toujours, qui dirige le
114 toute son histoire, elle sortirait de ce que nous sommes , nous Suisses, dont nous avons à prendre toujours mieux conscience na
115 uivrait. On suivrait la Suisse, si petite qu’elle soit , parce qu’elle aurait une grande idée. La Suisse, si petite qu’elle s
116 ait une grande idée. La Suisse, si petite qu’elle soit , n’aurait pas seulement un rôle de parti minoritaire à jouer au sein
117 dre conscience … Non ! Elle aurait un rôle qui serait peut-être décisif, qui serait de donner justement la formule de l’ave
118 aurait un rôle qui serait peut-être décisif, qui serait de donner justement la formule de l’avenir européen. Naturellement, a
119 enir européen. Naturellement, avant que la Suisse soit capable de le faire, de le proposer sur un plan international, il fau
120 Suisses, prenions conscience plus claire de ce qu’ est notre fédéralisme, des richesses de cette formule chez nous. Il faut
121 ais voir plus loin, voir qu’il y a des tâches qui sont de dimensions continentales, européennes, et que la raison, le bon se
122 e puisqu’il manque d’initiative ? Qu’en sait-on ? Est -ce qu’on a jamais demandé aux Suisses ce qu’ils pensaient de l’Europe
123 n, selon la formule fédérale, la seule qui puisse être acceptable aux yeux des Suisses ? On n’a jamais fait cette enquête, q
124 ui va former de nouvelles générations, lesquelles seront complètement d’accord d’entrer dans une Europe unie. Elles trouveront
125 és — d’avoir gardé une prudence exemplaire, qui n’ est exemplaire pour personne et qui fait que nous sommes restés à la traî
126 est exemplaire pour personne et qui fait que nous sommes restés à la traîne loin derrière les autres. Alors que toute notre hi
127 uger par les récentes déclarations des hommes qui sont chargés notamment de nos affaires étrangères. c. Rougemont Denis
128 isse à l’égard de l’Europe ? Cette question, nous sommes en droit de la poser et nous pouvons partiellement y répondre. 1969,
129 uvons partiellement y répondre. 1969, en effet, a été l’année des voyages. Voyages de nos conseillers fédéraux à l’étranger
130 sse, à un pionnier de l’Europe unie. Ces qualités sont réunies dans la même personnalité. Je veux parler de Denis de Rougemo
4 1970, Articles divers (1970-1973). « Un acte de reconnaissance » [à propos du prix Robert Schuman] (24 mars 1970)
131 auquel, d’ailleurs, il s’attendait : Je n’ai pas été surpris par la décision de la Fondation Freiherr von Stein puisque, e
132 nier déjà, elle avait annoncé que le prix 1970 me serait décerné. Quelle signification attachez-vous au fait que ce soit à vou
133 Quelle signification attachez-vous au fait que ce soit à vous, écrivain et directeur du Centre européen de la culture, que s
134 t directeur du Centre européen de la culture, que sera attribué cette année le prix Robert Schuman ? J’y vois essentiellemen
135 es et sans toujours beaucoup d’appuis. Or ce prix est un appui formel. Vous êtes donc particulièrement satisfait ? Enchanté
136 up d’appuis. Or ce prix est un appui formel. Vous êtes donc particulièrement satisfait ? Enchanté ! D’abord parce que cette
137  ? Enchanté ! D’abord parce que cette distinction est un prix politique qui fait suite, après un prix théologique, à une sé
138 vain, c’est toujours un plaisir particulier que d’ être récompensé pour des travaux réalisés en marge de son métier propre. E
139 aux réalisés en marge de son métier propre. Et ce sont mes livres sur l’Europe et mon activité au Centre européen de la cult
140 lstein. Il faut rappeler enfin que Robert Schuman fut président du Centre européen de la culture que je dirige. Et, de rece
141 dirige. Et, de recevoir un prix qui porte son nom est aussi, pour moi, un sujet de satisfaction. e. Rougemont Denis de,
142 une somme de 25 000 marks, le prix Robert Schuman est remis chaque année par le recteur de l’Université de Bonn. Il a été c
143 nnée par le recteur de l’Université de Bonn. Il a été créé en 1966 par la Fondation FVS, à Hambourg, et est destiné à récom
144 créé en 1966 par la Fondation FVS, à Hambourg, et est destiné à récompenser les Européens qui, par leurs travaux ou leurs r
5 1970, Articles divers (1970-1973). Après l’attribution du prix Schuman à M. D. de Rougemont (30 mars 1970)
145 ro du 24 mars, permettez-moi une remarque dont je serais obligé de faire part à vos lecteurs. « L’acte de reconnaissance » mis
146 nnaissait pas du tout) mais simplement que je lui suis reconnaissant d’avoir reconnu le travail du Centre européen de la cul
6 1970, Articles divers (1970-1973). La passion en 1970, est-ce possible ? (mai 1970)
147 La passion en 1970, est -ce possible ? (mai 1970)i « La passion, écrit Denis de Rougemont,
148 1970)i « La passion, écrit Denis de Rougemont, est cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat, fuit le prochain, veut
149 tre les amants ? La distance matérielle ou morale est abolie. Les avions ont réduit les séparations ; la psychanalyse a rui
150 ychanalyse a ruiné les tabous ; les plans sociaux sont nivelés et les princesses épousent des photographes ; le mariage, aff
151 Et la passion, dans nos mariages modernes, qui ne sont en principe que des mariages de passion, comment s’accommode-t-elle d
152 un conflit, si toutefois on parle de passion, qui est autre chose que l’amour. En effet, si l’on se marie en état de passio
153 rhume de cerveau, quand l’esprit et ses facultés sont embrumés et en état de transe. La décision risque de n’être pas excel
154 més et en état de transe. La décision risque de n’ être pas excellente. La passion, d’autre part, est une projection narcissi
155 n’être pas excellente. La passion, d’autre part, est une projection narcissique : on aime, en l’autre, la projection de so
156 que de la relation. Pour moi, un mariage réussi l’ est , quand les deux conjoints estiment que leur vie commune est favorable
157 les deux conjoints estiment que leur vie commune est favorable à l’épanouissement de chacun. C’est le contraire d’une rela
158 p mauvais mariages. Pourquoi les seconds mariages sont -ils souvent plus heureux que les premiers ? C’est que les premiers n’
159 ureux que les premiers ? C’est que les premiers n’ étaient que des mariages-maquettes. Pour moi, le mariage, si on veut faire un
160 iage, si on veut faire une comparaison politique, est le type même d’un rapport fédéral : l’association de deux éléments co
161 es pour l’égalité avec les hommes, alors qu’elles sont plutôt complémentaires. Je suis contre l’égalité, dit-il, c’est la so
162 s, alors qu’elles sont plutôt complémentaires. Je suis contre l’égalité, dit-il, c’est la source de toutes les tyrannies. En
163 Pour Denis de Rougemont, ces obstacles n’ont pas été supprimés, ils ont été déplacés. On parle un peu abusivement de la su
164 t, ces obstacles n’ont pas été supprimés, ils ont été déplacés. On parle un peu abusivement de la suppression des tabous. L
165 sion des tabous. Le tabou sexuel, par exemple. Il est certain que, depuis Freud, le sexe n’est plus passé sous silence. Cel
166 mple. Il est certain que, depuis Freud, le sexe n’ est plus passé sous silence. Cela dit, nous n’avons rien inventé et l’exp
167 us n’avons rien inventé et l’explosion sexuelle s’ est surtout produite au niveau de la parole et de l’information, qui donn
168 » ! Les interdits, les tabous, les convenances ne sont pas arbitraires. Ils expriment des répulsions humaines. Supprimez des
169 éposée entre eux, symbole de chasteté. La passion est toujours possible. Le mythe de Tristan et Iseut est assez rusé pour s
170 t toujours possible. Le mythe de Tristan et Iseut est assez rusé pour se reproduire, quelles que soient les circonstances.
171 ut est assez rusé pour se reproduire, quelles que soient les circonstances. i. Rougemont Denis de, « [Entretien] La passion
172 emont Denis de, « [Entretien] La passion en 1970, est -ce possible ? », Marie Claire, Paris, mai 1970, p. 21.
7 1970, Articles divers (1970-1973). « S’unir, au-delà de nos fausses souverainetés, pour préserver nos vraies diversités » (mai-juin 1970)
173 nos vraies diversités » (mai-juin 1970)h Vous êtes l’auteur d’une phrase fameuse : « Il faut faire des Européens avant d
174 ir ? Le véritable centre de gravité de ma théorie est le mythe de l’« État-nation », tel que Napoléon en a posé le modèle,
175 Rien de plus hostile à toute espèce d’union tant soit peu sérieuse que cet État-nation qui se révèle incapable de répondre
176 ttre pour survivre. Aujourd’hui que le nécessaire est assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influence plus idéologi
177 un mot. Par quelles structures pensez-vous qu’il soit possible de l’établir ? J’admets qu’il y a une pluralité d’allégeance
178 ques, etc.) à la mesure des décisions qui doivent être prises. Autant l’Europe des nations était simpliste, autant l’Europe
179 doivent être prises. Autant l’Europe des nations était simpliste, autant l’Europe des régions sera complexe, mais combien pl
180 ions était simpliste, autant l’Europe des régions sera complexe, mais combien plus simple à vivre ! Je vois l’Europe comme u
181 sordonné… Ne craignez-vous pas l’utopie ? Comment sera-t -il possible de changer le système actuel de notre société, irréversib
182 pour établir un ordre universel nouveau. Le monde est à la limite de ses possibilités : les lacs ne sont plus nageables, le
183 est à la limite de ses possibilités : les lacs ne sont plus nageables, les rues ne sont plus respirables, les villes ne sont
184 és : les lacs ne sont plus nageables, les rues ne sont plus respirables, les villes ne sont plus gouvernables, l’explosion d
185 les rues ne sont plus respirables, les villes ne sont plus gouvernables, l’explosion de population est formidable. Tous les
186 sont plus gouvernables, l’explosion de population est formidable. Tous les équilibres anciens sont détruits : prenez les vi
187 ation est formidable. Tous les équilibres anciens sont détruits : prenez les villages qui éclatent, le paysage qu’on saccage
188 mmune comme dénominateur commun : là aussi, je ne suis pas d’accord. La politique ne doit pas être une activité séparée : c’
189 je ne suis pas d’accord. La politique ne doit pas être une activité séparée : c’est la vie dans la cité, « l’art d’aménager
190 on de l’Europe : pensez-vous que le modèle suisse soit le meilleur et qu’il soit viable à l’échelle européenne ? Le système
191 us que le modèle suisse soit le meilleur et qu’il soit viable à l’échelle européenne ? Le système suisse, à mon avis, est ex
192 helle européenne ? Le système suisse, à mon avis, est excellent, hormis peut-être les cantons qui ne sont pas d’une origina
193 st excellent, hormis peut-être les cantons qui ne sont pas d’une originalité débordante. Unir les États européens en un corp
194 cantons souverains. La différence des superficies était certes importante au temps des diligences. Mais tout a changé avec l’
195 peut dire que pratiquement l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que ne l’était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée
196 t l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que ne l’ était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée ; et les disparités de cou
197 ite que ne l’était la Suisse à l’époque où elle s’ est fédérée ; et les disparités de coutumes ou de richesse, de langue, de
198 e, de langue, de confession, voire de régimes, ne sont guère plus marquées ou plus frappantes entre les États de l’Europe qu
199 ppantes entre les États de l’Europe qu’elles ne l’ étaient entre les cantons suisses avant 1848. Il ne faut pas non plus oublier
200 elle et qu’il ne faudrait surtout pas renier : je suis persuadé que le fédéralisme européen se construira grâce aux ordinate
201 es tâches aux différents niveaux où elles doivent être accomplies)… Bluntschi, auteur d’un code civil cantonal, disait lui-m
202 Suisse à l’idée de l’intégration européenne, qui tient surtout à l’obstacle de sa neutralité ? La neutralité est une surviva
203 out à l’obstacle de sa neutralité ? La neutralité est une survivance historique ! Elle est encore attachée à la conception
204 a neutralité est une survivance historique ! Elle est encore attachée à la conception de l’État-nation. Tout à fait justifi
205 rope unie dont je vous parlais tout à l’heure. Il est vrai que le projet d’union de l’Europe a généralement passé pour chim
206 es et les remplacer par un sentiment européen. Il est clair qu’une Europe une et indivisible serait tout simplement une cat
207 en. Il est clair qu’une Europe une et indivisible serait tout simplement une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la p
208 isse. Mais personne ne la préconise, je crois. Il est clair, en revanche, qu’une Europe fédérée, respectueuse de ses divers
209 s bénéfices de notre fédéralisme pour nous seuls, serait le plus sûr moyen de les perdre ! h. Rougemont Denis de, « S’unir,
8 1970, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture européenne ? (juin 1970)
210 Qu’ est -ce que la culture européenne ? (juin 1970)j Dans le précieux recue
211 de titre au deuxième chapitre : L’Europe, avant d’ être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une commun
212 alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté culturelle. Je pense, avec Robert Schuman, qu’il est p
213 culturelle. Je pense, avec Robert Schuman, qu’il est possible d’unir nos pays pour cette raison littéralement fondamentale
214 e laquelle participent tous les Européens, qu’ils soient d’ailleurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’ils doiven
215 principes, molestés, réveillés, mis en mouvement, fût -ce contre nous, pour le meilleur et pour le pire. Héraclite donne l
216 aclite écrivait cette phrase décisive, qu’il faut tenir pour la formule même de l’unité européenne : Ce qui s’oppose coopère,
217 ut concourt à nourrir ce paradoxe qui paraît bien être la loi constitutive de notre histoire et le ressort de notre pensée :
218 Bien plus, il porte la contradiction au cœur de l’ Être , et la traduit dans l’énoncé de ses dogmes fondamentaux : la Trinité
219 , bouddhistes, ou sans croyance aucune… Mais ce n’ est pas tout. Avec les trois sources classiques d’Athènes, de Rome et de
220 au zéro précédant la suite des nombres, mais qui est l’une des sources principales de la poésie amoureuse, donc de l’amour
221 nfini, mais dont la plus fréquente, de très loin, est le couple d’antinomies inséparables : spirituel et temporel, autorité
222 sauvegarde de nos autonomies. Car ces autonomies seront perdues une à une si nous refusons l’union qui, seule, ferait leur fo
223 ur force ; mais en retour, cette union ne saurait être acquise au prix des libertés qu’elle est censée servir. j. Rougem
224 saurait être acquise au prix des libertés qu’elle est censée servir. j. Rougemont Denis de, « Qu’est‑ce que la culture
225 st censée servir. j. Rougemont Denis de, « Qu’ est ‑ce que la culture européenne ? », 30 Jours d’Europe, Paris, juin 1970
9 1970, Articles divers (1970-1973). « L’Europe ? Une révolution culturelle ! » (15 octobre 1970)
226 rminant, premier dans le devenir social. L’Europe est , en effet, avant tout pour moi une révolution culturelle. Si vous vou
227 moi une révolution culturelle. Si vous voulez, je suis maoïste ! La révolution ne peut se faire que par les superstructures,
228 que par les superstructures, car l’infrastructure est le résultat de nos options morales, spirituelles, religieuses, d’où p
229 t le contraire du marxisme. L’homme d’aujourd’hui est aliéné dans le matériel, le quantitatif, qui tend à le déposséder de
230 art, que ce qui peut entraîner l’économique, ce n’ est pas la politique. Celle-ci peut même le freiner, comme l’a démontré d
231 passe, dans ces manuels, comme si la nation avait été créée par Dieu ; ce serait par volonté divine que les rois de France
232 comme si la nation avait été créée par Dieu ; ce serait par volonté divine que les rois de France ont unifié l’hexagone, alor
233 is de France ont unifié l’hexagone, alors qu’il s’ est agi d’une conquête par la force et la ruse… Comment avez-vous réagi,
234 de la culture, à une telle situation ? Nous nous sommes dit : les institutions économiques européennes ne fonctionneront que
235 ns. Alors que la seule unité d’étude intelligible est une culture, c’est-à-dire, dans notre cas, l’Europe. Nous avons donc
236 onférences, suivies de débats. Le thème principal est de savoir comment introduire le point de vue européen dans l’enseigne
237 nstruction civique, sous son aspect traditionnel, est la plus ennuyeuse… Notre intention n’est pas, du reste, d’introduire
238 tionnel, est la plus ennuyeuse… Notre intention n’ est pas, du reste, d’introduire une heure de plus dans des programmes déj
239 grammes déjà surchargés, mais de montrer que tout est européen, qu’il ne peut plus y avoir de perspective nationaliste. Les
240 oir de perspective nationaliste. Les leçons types sont données dans les écoles et les stages doivent élaborer des modèles ap
241 a documentation et des critiques de livres. Quels sont les thèmes abordés au cours de ces stages ? L’histoire, l’économie, l
242 qui constitue la véritable politique. Des stages sont consacrés aussi à l’étude des stéréotypes nationaux, dans les manuels
243 e les clichés des nations les unes sur les autres sont toujours dépréciatifs, sauf un : fort comme un Turc ! Les clichés sur
244 comme un Turc ! Les clichés sur son propre peuple sont , par contre, toujours laudatifs. Par ces stages, nous cherchons à cré
245 . La Journée de l’Europe, avec les rédactions qui sont faites par les élèves à cette occasion, montre qu’il y a progrès, que
246 , montre qu’il y a progrès, que l’idée européenne est admise, qu’elle fait son chemin. Des enquêtes récentes, réalisées dan
247 et en Angleterre, ont montré que le 65 % des gens est pour une fédération européenne. Si l’on examine les classes d’âge, on
248 68 ? Exactement, puisque c’est à ce moment-là qu’ est sorti un manifeste dont on n’a pas assez parlé, bien qu’il fût signé
249 manifeste dont on n’a pas assez parlé, bien qu’il fût signé par des gens comme Jacques Monod, Kastler, Guy Michaud, et appu
250 Kastler, Guy Michaud, et appuyé par la CFDT, qui était alors le plus gauchiste des syndicats. Ce manifeste demandait une féd
251 a vu reparaître beaucoup d’idées qui avaient déjà été défendues par notre mouvement l’Ordre nouveau. On a aussi retrouvé Pr
252 ux si on l’intègre. Le principe de la dimension a été constamment appliqué au CEC ; nous n’avons centralisé que ce qui fonc
253 avons centralisé que ce qui fonctionnait mieux en étant centralisé. Notre but était, toujours, de servir les parties composan
254 fonctionnait mieux en étant centralisé. Notre but était , toujours, de servir les parties composantes. Lors de la Campagne d’é
255 tutions mais, selon le principe fédéraliste, nous sommes en commun avec elles. Un autre principe me paraît important : il faut
256 u CEC, où les premières nécessités ressenties ont été de créer un laboratoire européen de recherche nucléaire et d’assurer
257 quer à l’excès les réalités socioéconomiques ? Il est certain que l’Europe des régions sera très complexe et diversifiée, d
258 omiques ? Il est certain que l’Europe des régions sera très complexe et diversifiée, d’autant plus que les régions culturell
259 s nécessairement. Je pense qu’une telle Europe ne sera possible que par l’intermédiaire des ordinateurs. Il conviendra, d’au
260 , de maintenir de petites communautés, lesquelles sont les seules à même de protéger l’individu, de l’amener à se sentir enc
261 alisme dérive directement du personnalisme. Quels sont , à votre avis, les obstacles à la réalisation de l’Europe ? Le fédéra
262 s à la réalisation de l’Europe ? Le fédéralisme n’ est pas possible dans une seule nation. L’État national constitue donc l’
263 cipal. Je pense que le problème le plus important est celui de l’environnement, car la civilisation commence avec le respec
264 reiner le gigantisme des villes, pour que l’homme soit intégré à une communauté. Il faut dépasser la fausse solitude de l’ho
265 Après avoir rencontré un esprit aussi éminent, il est assez surprenant de retrouver la réalité des frontières et trois doua
266 e consternante médiocrité… L’Europe des esprits n’ est pas encore, il s’en faut même de beaucoup, devenue l’Europe réelle. M
10 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix I : Niveau de vie ou mode de vie ? (15 novembre 1970)
267 un véritable cri d’alarme : selon vous, l’heure n’ est plus de savoir si on veut rester Français, Suisse ou Italien, mais si
268 ut rester Français, Suisse ou Italien, mais si on sera Européen ou une sorte de colonisé américain ou soviétique. Colonisé d
269 ment entre l’Amérique et la Russie soviétique. Ce sont deux menaces virtuelles pour les nations de l’Europe désunie mais pas
270 que la colonisation à redouter du côté soviétique est déjà un fait dans les pays de l’est de l’Europe, qui sont réellement
271 té soviétique est déjà un fait dans les pays de l’ est de l’Europe, qui sont réellement colonisés… Et il n’est pas impensabl
272 à un fait dans les pays de l’est de l’Europe, qui sont réellement colonisés… Et il n’est pas impensable, si nous continuons
273 l’Europe, qui sont réellement colonisés… Et il n’ est pas impensable, si nous continuons à rester divisés par nations, chac
274 communistes. Quand, par exemple, les Hongrois se sont soulevés en 1956, on a vu que leur appel, leur espoir, c’était l’Euro
275 rope. Vous vous rappelez que les derniers qui ont été tués dans le poste de Radio Budapest appelaient l’Europe à leur secou
276 C’était extrêmement tragique parce que l’Europe n’ était pas là. Il n’y avait personne pour leur répondre. Et vous pensez que,
277 cruciale ? C’est déjà un fait pour les pays de l’ Est . Pour ce qui est de l’Ouest, la colonisation américaine devient chaqu
278 déjà un fait pour les pays de l’Est. Pour ce qui est de l’Ouest, la colonisation américaine devient chaque année plus péné
279 ne quantité immense d’entreprises européennes qui sont contrôlées par le dollar, par le « know-how » américain sans que l’in
280 ge où j’habite depuis vingt-trois ans : quand j’y suis arrivé, il y avait 1800 habitants ; aujourd’hui, il y en a 5500, qui
281 habitants ; aujourd’hui, il y en a 5500, qui ont été amenés depuis cinq ou six ans par l’IOS, affaire américaine qui, chas
282 caine qui, chassée des États-Unis et de Suisse, s’ est installée ici ; maintenant, on bâtit 321 appartements (1300 habitants
283 ’est ce bouleversement des équilibres vivants qui est extrêmement grave ; et ce sera toujours pire, car aucun de nos pays n
284 ilibres vivants qui est extrêmement grave ; et ce sera toujours pire, car aucun de nos pays ne peut se défendre. Il n’est
285 car aucun de nos pays ne peut se défendre. Il n’ est pas trop tard Mais ne pensez-vous pas qu’il est déjà trop tard et
286 st pas trop tard Mais ne pensez-vous pas qu’il est déjà trop tard et que les « États-Unis d’Europe » risquent d’être l’E
287 ard et que les « États-Unis d’Europe » risquent d’ être l’Europe des États-Unis ? Est-ce qu’une Europe unie ne faciliterait p
288 urope » risquent d’être l’Europe des États-Unis ? Est -ce qu’une Europe unie ne faciliterait pas, au contraire, la pénétrati
289 anges, si nous produisons suffisamment et si nous sommes capables d’affirmer notre originalité européenne. Nous ne pouvons le
290 plus importants que ceux des Américains. Nous ne sommes pas du tout écrasés par les deux géants que sont l’Union soviétique e
291 ommes pas du tout écrasés par les deux géants que sont l’Union soviétique et les États-Unis. Pour employer une image, si ceu
292 s grandes découvertes des temps modernes ; tout a été fait en Europe, presque rien aux États-Unis. Ces derniers ont sur nou
293 scandaleux dans le domaine de la technique. Cela tient au fait qu’elle s’est toujours défendue contre l’étranger. Dans cet é
294 ine de la technique. Cela tient au fait qu’elle s’ est toujours défendue contre l’étranger. Dans cet état d’esprit, nous jou
295 ans cet état d’esprit, nous jouons perdants. Mais est -il trop tard pour renverser le courant ? On pouvait déjà le dire en 1
296 echerches nucléaires. On pouvait se dire : « Ce n’ est pas la peine de partir, ils ont pratiquement un siècle d’avance sur n
297 siècle d’avance sur nous. » Mais nous n’avons pas tenu ce raisonnement. Nous nous sommes dit que les Américains avaient réus
298 nous n’avons pas tenu ce raisonnement. Nous nous sommes dit que les Américains avaient réussi à mettre en œuvre des découvert
299 ganisation, rien de plus. Nous avons dit : « Il n’ est pas du tout trop tard. Nous avons les cerveaux, nous avons, par exemp
300 nt d’un appareil de recherche suffisant ». Cela s’ est parfaitement réalisé, nous avons réussi à renverser la vapeur. De
301 erser la vapeur. De grands choix à faire Ce serait donc le moment de « renverser la vapeur » et nous serions aujourd’hui
302 donc le moment de « renverser la vapeur » et nous serions aujourd’hui à la croisée des chemins, parce que — pour la première fo
303 — pour la première fois dans l’histoire — l’homme serait en situation de choisir librement son avenir. Pourquoi serions-nous à
304 tuation de choisir librement son avenir. Pourquoi serions -nous à ce moment privilégiés ? À cause du développement des sciences
305 techniques. Jusqu’au milieu du xxe siècle, quel était le principal effort des hommes ? C’était la lutte contre les dangers
306 il y a eu une sorte de mouvement de bascule qui s’ est fait et nous arrivons à un point où la production dépasse largement l
307 es on n’avait jamais réfléchi avant : l’industrie est en train de détruire la nature, par exemple ; cela nous pose une gran
308 une grande question : que voulons-nous en fait ? Est -ce plus de voitures ? Ou voulons-nous sauver la nature qui nous entou
309 car jamais avant notre génération l’homme n’avait été en mesure de porter des coups pareils à la terre elle-même. Maintenan
310 e elle-même. Maintenant, il a ces moyens, donc il est obligé d’avoir une politique. Il s’agit aujourd’hui de choisir entre
311 niveau de vie, mesuré purement quantitativement. Est -ce que nous voulons, comme les Américains, augmenter simplement le pr
312 e cette illusion. L’autre politique pour l’avenir est beaucoup plus européenne, par tradition : c’est l’attachement à un ce
313 c’est l’attachement à un certain mode de vie. Qu’ est -ce qu’un mode de vie ? C’est l’ensemble des rythmes de la vie, c’est
314 s de la vie, c’est l’ensemble des valeurs. À quoi est -on prêt à sacrifier beaucoup de choses ? Il y a beaucoup de variétés
315 ui de la survie dans la rareté. Attention ! Je ne suis pas du tout pour que l’on freine le développement de la société ; je
316 e l’on freine le développement de la société ; je suis au contraire pour qu’on le pousse, beaucoup plus que nos compartiment
317 cains, mais il nous faut aussi des techniques qui soient adaptées à nos fins. Par exemple, il est absolument faux de continuer
318 s qui soient adaptées à nos fins. Par exemple, il est absolument faux de continuer à faire des automobiles qui marchent à l
319 s moyens de les faire marcher à l’électricité. Ce serait là un développement technique supérieur à celui des États-Unis et qui
320 tains buts généraux que l’on donnera à la vie. Ce serait une révolution complète. Deux mouvements antagonistes Ne touche
321 pport à la consommation individuelle, et là, nous sommes à l’opposé du type de civilisation capitaliste qui se développe en Eu
322 n capitaliste qui se développe en Europe, qu’elle soit fédéraliste ou qu’elle en reste au stade des États-nations. Bien sûr,
323 rend, par exemple, le problème des transports, ce serait un progrès considérable de remplacer, dans les villes, la voiture par
324 e montrer depuis un certain temps, c’est que nous sommes en présence de deux mouvements, dans le monde, qui ont l’air antagoni
325 d’atomisation : les régions. Ces deux mouvements sont -ils contraires, comme ils ont l’air de l’être ? Ne sont-ils pas plutô
326 nts sont-ils contraires, comme ils ont l’air de l’ être  ? Ne sont-ils pas plutôt un seul et même mouvement qui pourrait se dé
327 ls contraires, comme ils ont l’air de l’être ? Ne sont -ils pas plutôt un seul et même mouvement qui pourrait se définir ains
328 s à réaliser ? Il y a des tâches qui, par nature, sont du niveau de décision communal ou de l’entreprise ; d’autres sont de
329 e décision communal ou de l’entreprise ; d’autres sont de dimension supranationale, à cause de leur prix ou de leur extensio
330 essayiste et écrivain engagé, Denis de Rougemont est de ceux qui, tout au long de leur carrière, ont su accorder leurs act
331 , contribuait au lancement de plusieurs revues, a été — avec Emmanuel Mounier — l’un des fondateurs du mouvement personnali
332 il a toujours combattu. L’entreprise européenne a été trop longtemps dénaturée pour qu’un tel ouvrage ne soulève pas questi
333 lève pas questions, réticences ou scepticisme. Ce sont là des obstacles dont Denis de Rougemont a trop l’habitude pour qu’il
334 itude pour qu’ils puissent l’arrêter, animé qu’il est par la certitude d’exprimer la seule issue pour l’Europe. Nous avons
11 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix II : Se rallier à l’idée suisse (22 novembre 1970)
335 ntégration politique, financière, économique, qui sont faits ? Le Marché commun, à mes yeux, est une première agence fédéral
336 e, qui sont faits ? Le Marché commun, à mes yeux, est une première agence fédérale du type que je voudrais voir se multipli
337 me d’une agence fédérale pour l’économie car ce n’ est pas encore une autorité de politique économique et cela ne couvre qu’
338 rs de la fédération. Toutes ces agences fédérales seront indépendantes les unes des autres dans une très large mesure, pourron
339 ur siège n’importe où en Europe. Le Marché commun est implanté à Bruxelles. Mais je vois très bien d’autres agences fédéral
340 ères aux vents ou la pollution du Rhin. La Suisse est destinée à être au cœur de l’Europe et elle doit l’être dans ses entr
341 ou la pollution du Rhin. La Suisse est destinée à être au cœur de l’Europe et elle doit l’être dans ses entreprises communes
342 estinée à être au cœur de l’Europe et elle doit l’ être dans ses entreprises communes. On dit que cela signifierait la fin de
343 une helvétisation de l’Europe. L’Europe fédérale serait une sorte de Suisse grande échelle ? Pour cela il faut que les Suisse
344 certaines tâches dépassent les cantons, d’autres sont trop petites et doivent rester aux communes. Il faut qu’ils vivent, e
345 ’ils ne le font, l’esprit de leur fédéralisme qui est très ancien. Il ne faut jamais oublier que la Suisse s’est fondée sur
346 ancien. Il ne faut jamais oublier que la Suisse s’ est fondée sur les communes, et non sur les cantons qui sont venus plus t
347 ndée sur les communes, et non sur les cantons qui sont venus plus tard. Il y a en Suisse un esprit communal auquel on doit r
348 s-Unis d’Europe, on ne voit pas comment la Suisse serait neutre entre ces États-Unis et, par exemple, la Russie soviétique. Co
349 uoi ne parlerait-on pas de l’autre difficulté qui est beaucoup plus intéressante : celle qu’a l’Europe pour adhérer à la Su
350 n en entrant dans une construction européenne. Ce serait le triomphe de son Idée, au sens platonicien du terme. Pouvez-vous pr
351 r « Idée suisse » le véritable fédéralisme, qui n’ est d’ailleurs pas toujours appliqué en Suisse. Ce fédéralisme va de la c
352 . C’est là une chose nouvelle car elle n’a jamais été appliquée systématiquement, pas même en Suisse. C’est une expérience
353 t, pas même en Suisse. C’est une expérience qui n’ est possible qu’aujourd’hui, grâce au développement de la technique. Par
354 ar exemple, sans ordinateurs, je défie qui que ce soit de maîtriser les mécanismes d’une fédération continentale ou alors, c
355 nismes d’une fédération continentale ou alors, ce serait une tyrannie effroyable, car on devrait édicter des règles sans nuanc
356 tout le monde. Tandis qu’avec les ordinateurs, on est en mesure de respecter les diversités. Aujourd’hui, vous savez ces ca
357 versités. Aujourd’hui, vous savez ces carcans que sont les frontières que l’on essaie de faire coïncider tant bien que mal a
358 it des ordres de réalités à ne pas mélanger. Il n’ était pas question d’imposer la même religion, la même économie, les mêmes
359 l’Europe reproduit le Conseil fédéral suisse. Qu’ est -ce que le Conseil fédéral ? Ce sont sept agences différentes qui font
360 ral suisse. Qu’est-ce que le Conseil fédéral ? Ce sont sept agences différentes qui font chacune leur travail, et dont les c
361 les chefs réunis forment l’exécutif, le souverain étant le peuple. Cela me paraît un modèle parfaitement valable pour l’Europ
362 continent. Cette recherche d’un équilibre humain est d’ailleurs beaucoup plus révolutionnaire qu’on ne le pense. Elle supp
363 de vie ou se mettre en quête d’un mode de vie qui soit conforme aux traditions européennes. Dans la suite de l’entretien que
12 1970, Articles divers (1970-1973). Denis de Rougemont, propos recueillis par E. Liard (décembre 1970)
364 ueillis par E. Liard (décembre 1970)q r Quelle est l’occasion de la parution de ces deux livres, qui sortent peu de temp
365 litique. Dans Le Cheminement des esprits , je me suis surtout attaché aux recherches et à l’action culturelle que suppose l
366 éonien. Si l’on prend comme base les régions, qui sont plus petites que les États, et le continent, qui est beaucoup plus gr
367 plus petites que les États, et le continent, qui est beaucoup plus grand, on aura une vision plus conforme aux réalités da
368 éen. Dans les régions, dans les centres locaux se sont créées toutes les écoles qui ont fait la culture en Europe et c’est d
369 urope et c’est dans l’ensemble de l’Europe que se sont établis les grands courants de l’art et de la pensée, de l’art roman
370 êcher de vivre (voir la France) et qui maintenant sont contraints par les réalités à reconnaître leur existence. Elles se fo
371 ement de liens qu’on s’apercevra que l’Europe « s’ est faite ». Les liens entre les régions seront devenus plus solides que
372 rope « s’est faite ». Les liens entre les régions seront devenus plus solides que les liens qui unissent chacune de ces région
373 e, notre pays devenant un district fédéral. Quels seront les critères de délimitation des régions ? Les régions se formeront d
374 r. Il faut trouver le niveau auquel les décisions seront prises, puis établir le niveau de décision dans la communauté qui est
375 blir le niveau de décision dans la communauté qui est assez grande pour la tâche considérée. La tâche du CERN, par exemple,
376 tâche considérée. La tâche du CERN, par exemple, est de dimension continentale, celle de l’Université s’étend à la région.
377 aut beaucoup de souplesse. Une région ne doit pas être contenue à l’intérieur de limites, elle doit rayonner. Les États-nati
378 els, qui ont nom France, Angleterre, Italie, etc. sont -ils appelés à disparaître ? Je pense que peu à peu ils se déferont. À
379 dans vingt à vingt-cinq ans. Mais cette évolution est marquée dans les faits. Les États-nations sont des créations contre n
380 ion est marquée dans les faits. Les États-nations sont des créations contre nature. Voyez comme ils ont coupé en quatre une
381 dée du travail du CEC. Les activités du Centre se sont toujours portées sur ce qu’il y avait de plus neuf dans chaque domain
382 s, les directeurs de festivals de musique, car il est plus facile d’associer d’abord les choses nouvelles. Les problèmes so
383 ocier d’abord les choses nouvelles. Les problèmes sont les mêmes pour tous et tous sont heureux de se rencontrer en terrain
384 s. Les problèmes sont les mêmes pour tous et tous sont heureux de se rencontrer en terrain neutre. Estimez-vous que vos idée
385 Oui, elles ont progressé, surtout en France, qui est le pays le plus éloigné de comprendre le fédéralisme. De nombreux tém
386 rendre le fédéralisme. De nombreux témoignages me sont parvenus de gens qui m’appuient fortement, comme Louis Armand, Jean-J
387 . 65 % de la population des pays du Marché commun est favorable aux États-Unis d’Europe, et 75 % de ces Européens sont des
388 aux États-Unis d’Europe, et 75 % de ces Européens sont des jeunes. q. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’Un et le Divers
389 er à côté de Robert Schuman et de Jean Monnet. Ce sont L’Un et le Divers et Le Cheminement des esprits . Le premier est u
390 vers et Le Cheminement des esprits . Le premier est une plaquette réunissant deux discours qui illustrent cette parole d’
391 se réalisent que l’un par l’autre. Le fédéralisme est l’expression politique de l’harmonie qui naît de leur lutte créatrice
392 naît de leur lutte créatrice. Le titre du second est emprunté à une phrase de Robert Schuman : “L’unité de l’Europe ne se
393 es esprits. » Les textes recueillis dans ce livre sont très variés de forme, allant du « discours solennel » devant tous les
394 s’agit de surmonter les obstacles à l’union, qui sont d’abord dans les esprits. Puis d’orienter espoirs et volontés vers un
13 1970, Articles divers (1970-1973). Message aux régionalistes (16 mars 1973)
395 Message aux régionalistes (16 mars 1973)ay Je suis régionaliste pour deux raisons majeures : — parce qu’il faut FAIRE L’
396 e l’humanité solidaire. La région ne saurait donc être imposée d’en haut, dictée et planifiée par les bureaux d’une métropol
397 aux d’une métropole tentaculaire. Elle ne saurait être créée par quelque découpage sur la carte, mais seulement par le rayon
398 ar le rayonnement de sa vitalité. Elle ne saurait être octroyée de l’extérieur, mais seulement instaurée par l’essor de ses
399 inissent ses vrais besoins. La région ne doit pas être imaginée comme un mini État-nation, qui aurait tous les inconvénients
400 vivre, de travailler ou de ne rien faire, ce qui est sans doute le meilleur test d’un environnement de qualité. Plutôt que
401 oit chercher à se rendre utile, et son problème n’ est pas d’exploiter le voisin mais de coopérer avec lui. Elle n’a donc nu
402 de coopérer avec lui. Elle n’a donc nul besoin d’ être , comme on le répète, « de taille européenne » — ce qui ne veut strict
403 le — mais on attend d’elle, au contraire, qu’elle soit différente des autres, séduisante pour ses propres habitants plus enc
404 s touristes, unique en son genre et heureuse de l’ être , et d’autant plus curieuse d’échanges. Vous voulez être libres ? Deve
405 et d’autant plus curieuse d’échanges. Vous voulez être libres ? Devenez responsables. N’attendez pas qu’on vous en donne la
406 inventez les moyens de les exercer ! La région ne sera pas l’œuvre des technocrates de l’État central, mais des habitants de
14 1971, Articles divers (1970-1973). Souvenir d’Honegger et de Nicolas de Flue (1971)
407 Dans le monde de l’esprit et de ses œuvres, il n’ est pas de chance imméritée : les choses ne viennent à point que pour qui
408 nt à point que pour qui s’y attendait, pour qui s’ était obscurément disposé à les recevoir. Il importe au propos de ces pages
409 28 septembre 1938, au milieu de l’après-midi, je suis appelé au téléphone par un ami qui est à la radio suisse. Est-ce la g
410 -midi, je suis appelé au téléphone par un ami qui est à la radio suisse. Est-ce la guerre, qu’on attend d’une heure à l’aut
411 u téléphone par un ami qui est à la radio suisse. Est -ce la guerre, qu’on attend d’une heure à l’autre ? C’est Munich, c’es
412 uchait plus qu’aucune de notre temps, si haut que fût à mes yeux Stravinski, et je me disais qu’un jour je ferais quelque c
413 avec et pour cet homme selon mon cœur… Mais ce n’ était pas pour tout de suite ! Je venais d’écrire coup sur coup, en moins d
414 qui devait s’ouvrir à Zurich l’année suivante. J’ étais en train de sortir mes uniformes d’une malle, je n’avais pas de sujet
415 défiais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui fût de taille à occuper l’énorme scène dont j’avais vu les plans : 35 m d
416 laire que je gardais de cet ermite du xve siècle était bien pâle. Mais ce soir-là, je reprends le livre et je découvre un pe
417 ce ! Revenir au théâtre grec, avec son chœur ? Ce serait la solution formelle ; encore faudrait-il l’adapter à la structure ch
418 la crée l’appel au musicien — et celui-ci ne peut être qu’Honegger. La part de la commande Je vais le voir à Paris. Je
419 forme théâtrale à laquelle il croit pour l’avenir est « celle qui arrive à grouper toute une population ». C’est donc oui,
420 se met au travail dès novembre. En janvier, tout sera terminé. J’écris d’abord le deuxième acte, et le lui envoie, puis le
421 ie sur les marches de son escalier, un jour qu’il était en retard.) Nos entretiens sont strictement techniques. Il me demande
422 r, un jour qu’il était en retard.) Nos entretiens sont strictement techniques. Il me demande combien il y a de cuivres durs
423 n air quelconque, comme “Frère Jacques”. Ce qui a été une fois chanté peut être remis en musique. » À chaque visite dans so
424 Frère Jacques”. Ce qui a été une fois chanté peut être remis en musique. » À chaque visite dans son grand atelier, il me jou
425 première fois à une répétition des chœurs — et ce sera la dernière : la guerre est pour demain — je me sens littéralement tr
426 n des chœurs — et ce sera la dernière : la guerre est pour demain — je me sens littéralement transporté ! Voici chanté, cla
427 que, à cette époque) de ma « Légende dramatique » est révélé tantôt en majesté, — toute la prière « Mon Dieu, ton serviteur
428 e par deux protestants ! La part de Dieu Il serait vain de faire appel à des éléments contingents pour expliquer le phén
429 t de la polyphonie du xvie siècle calviniste, ce serait assez pour définir le style d’un musicien confessionnel et du genre p
430 confessionnel et du genre pieux, ce qu’Honegger n’ est à aucun degré. Je ne crois même pas qu’il se soit jamais dit croyant,
431 ’est à aucun degré. Je ne crois même pas qu’il se soit jamais dit croyant, encore moins incroyant, d’ailleurs. Ce n’est pas
432 croyant, encore moins incroyant, d’ailleurs. Ce n’ est pas avec des traces « d’éducation chrétienne » et des formes vidées d
433 tout cela on ne fait que du folklore, et le pire est le folklore religieux. Si le style d’Honegger, dans la plupart des œu
434 à sujet religieux » que je viens d’énumérer, doit être qualifié d’essentiellement chrétien, ce n’est pas à cause des sujets,
435 it être qualifié d’essentiellement chrétien, ce n’ est pas à cause des sujets, ni des paroles et situations mises en musique
436 i même des croyances de l’homme, quelles qu’elles fussent . Sa musique est chrétienne parce qu’elle est une prière, si la prière
437 de l’homme, quelles qu’elles fussent. Sa musique est chrétienne parce qu’elle est une prière, si la prière est l’acte de c
438 fussent. Sa musique est chrétienne parce qu’elle est une prière, si la prière est l’acte de celui qui s’ouvre et s’ordonne
439 tienne parce qu’elle est une prière, si la prière est l’acte de celui qui s’ouvre et s’ordonne à l’amour, c’est-à-dire : à
440 u’il s’annonce au « cœur » de l’homme. Sa musique est chrétienne en cela qu’elle signifie, par son affectivité même, « l’ad
441 (de ma conscience), ou encore « le fondement de l’ être dans le monde, à savoir Dieu »3. En ce point, tout s’éclaire et s’enc
442 ce sens tout d’abord jalonné par les signes, doit être décidé par la personne, et ne peut l’être que dans l’acte de foi, par
443 s, doit être décidé par la personne, et ne peut l’ être que dans l’acte de foi, par quoi je n’entends pas du tout l’adhésion
444 en nous de quelque chose, disons l’Esprit, qui n’ est pas vérifiable autrement que par ses créations ou incarnations. Celle
445 que par ses créations ou incarnations. Celles-ci seront pour l’un certaines actions, pour l’autre certains objets de mots ou
446 mots ou de couleurs ; pour Arthur Honegger, elles furent sa musique. 3. Ernest Ansermet, Les Fondements de la musique dans
15 1971, Articles divers (1970-1973). Le cheminement des esprits (1971)
447 d’union des hommes au-delà des nations. Le titre est emprunté à une phrase de Robert Schuman — qui présida un temps le Com
448 faire du chemin, surtout en ce sens que le chemin est long et qu’on le parcourt lentement ». Ainsi chemine Lancelot dans la
449 en aventures de l’âme. Les textes ici recueillis sont très variés de forme, allant du « discours solennel » devant tous les
450 s’agit de surmonter les obstacles à l’union, qui sont d’abord dans les esprits. Puis d’orienter espoirs et volontés vers un
16 1971, Articles divers (1970-1973). Quand Paul Martin voulait faire courir l’Europe (1971)
451 971)u Ma première rencontre avec Paul Martin s’ est produite sur la scène du Théâtre de Lausanne, envahie par les bellett
452 t tantôt à gauche tantôt à droite. Mon bras droit tenait le gauche d’un aîné prestigieux capable de courir 800 mètres d’un tra
453 point une charte imposante et un brevet. Celui-ci sera dûment testé — et passé avec des succès divers — par les membres du c
454 exte « pour mon information, pensant que ce sujet était peut-être de nature à m’intéresser ». Je reconnus au premier coup d’œ
17 1971, Articles divers (1970-1973). L’Europe est d’abord une unité de culture (1971)
455 L’Europe est d’abord une unité de culture (1971)x y Je pars de ce qui me paraît
456 policière par les Russes — je songe aux pays de l’ Est européen —, d’autre part à la colonisation de notre économie et de no
457 liste, seule pratiquement possible pour l’Europe, est en même temps la seule formule européenne pratiquement acceptable pou
458 enne pratiquement acceptable pour la Suisse. Tout serait parfait, n’était l’obstacle majeur que l’on dresse sans relâche et to
459 acceptable pour la Suisse. Tout serait parfait, n’ était l’obstacle majeur que l’on dresse sans relâche et toujours à nouveau
460 L’école, surtout secondaire — mais l’université n’ était pas en reste vers 1914 —, l’école apprend depuis un siècle aux jeunes
461 ance, l’Allemagne, l’Italie ou la Grande-Bretagne sont immortelles, ce qui suggère qu’elles auraient existé de toute éternit
462 Brennus, chef gaulois probablement mythique, qui est du ive siècle avant notre ère, tantôt à Clovis, qui est du ve siècl
463 ive siècle avant notre ère, tantôt à Clovis, qui est du ve siècle de notre ère, ou enfin à Hugues Capet, qui est du xe s
464 siècle de notre ère, ou enfin à Hugues Capet, qui est du xe siècle, soit une hésitation d’un millénaire et demi, qui ne ma
465 , ou enfin à Hugues Capet, qui est du xe siècle, soit une hésitation d’un millénaire et demi, qui ne manque pas d’une certa
466 çais existe réellement depuis Philippe Le Bel, il est absolument certain que l’Italie comme État n’a que 110 ans, l’Allemag
467 avec son extension. Vous croyez que les Européens sont trop différents les uns des autres pour s’unir et qu’on ne pourra jam
468 ouce de leur sacro-sainte souveraineté, et qu’ils sont immortels. Or, tout est faux dans cet enseignement, et dans les croya
469 souveraineté, et qu’ils sont immortels. Or, tout est faux dans cet enseignement, et dans les croyances qui en résultent. J
470 s de cultures nationales. La culture européenne n’ est pas la somme de vingt-cinq cultures nationales, puisqu’elle existait
471 ne Gilson —, pas un seul des grands professeurs n’ était français : ils étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme B
472 eul des grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme Bonaventure, souabe comm
473 ceux qui parlent une même langue ? Oui, mais il n’ était pas question de les enfermer pour si peu dans les frontières d’un mêm
474 s les frontières d’un même État. D’ailleurs, il n’ est pas vrai que nos stato-nations modernes correspondent à l’aire de dif
475 actuelles : breton, flamand au nord, allemand à l’ est , basque, occitan, catalan et italien au sud, et naturellement le fran
476 de la Volga. On m’objecte souvent que nos langues sont trop différentes pour que nous puissions nous entendre entre Stockhol
477 nos langues (sauf le basque et le finno-ougrien) sont étroitement parentes, alors qu’en Chine on parle quatorze langues rad
478 œurs. Vue de loin, l’unité culturelle de l’Europe est un fait que personne ne conteste — à part nos bons nationalistes. En
479 spagne et les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a été mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé dans l’
480 rénées séparent l’Espagne de la France, voilà qui est clair — à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas qu
481 (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’ est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et à l’oues
482 ’allemand de nouveau des deux côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au cœur des Alpes. Non, les frontières de nos États n
483 es. Non, les frontières de nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires comme les con
484 nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires comme les conflits armés dont elles figu
485 lles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait un historien français, le résultat des « viols répétés
486 cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est une, qu’elle s’est formée à partir des mêmes influences indo-européen
487 la culture de tous nos peuples est une, qu’elle s’ est formée à partir des mêmes influences indo-européennes, gréco-latines,
488 on du réel, que nous le sachions ou non, que nous soyons cultivés ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’architecture, de
489 ique, de philosophie et de doctrine politique ont été paneuropéennes, et non pas nationales : l’art roman et le gothique, l
490 ’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en est -il de ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, co
491 e ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est -il vrai, comme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxell
492 u à Strasbourg, que ces « précieuses diversités » sont celles de nos nations ? Je vous propose là-dessus deux observations f
493 de leur propre nation ; et ainsi de suite. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, c’es
494 de observation : la création culturelle en Europe est d’autant plus riche et intense qu’elle est moins centralisée et que s
495 Europe est d’autant plus riche et intense qu’elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge,
496 e qu’elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création sont les universi
497 us nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création sont les universités, à la renaissance les petites cités du Nord de l’Ital
498 vitalité inégalée de notre culture européenne, il est dans cette interaction perpétuelle des grands courants continentaux,
499 querez que l’échelon national ne joue aucun rôle, est simplement omis, inexistant. Et voilà qui nous rappelle quelque chos
500 connu l’illusion d’une « culture nationale » — ne fût -ce qu’en raison de son appartenance à trois domaines linguistiques ma
501 de la culture à l’échelle du continent. Ce qui s’ est fait en Suisse au point de vue de la culture — et qui est supérieur,
502 en Suisse au point de vue de la culture — et qui est supérieur, proportionnellement, à tout ce qui s’est fait dans n’impor
503 t supérieur, proportionnellement, à tout ce qui s’ est fait dans n’importe quelle tranche de six millions d’hommes découpée
504 orte lequel des pays qui nous entourent —, tout s’ est fait dans nos petites métropoles cantonales, dans ces foyers qui l’un
505 onales, dans ces foyers qui l’un après l’autre se sont allumés puis éteints, le Saint-Gall de Notker et des débuts de la mus
506 u, et à disparaître pratiquement, un peu comme il est arrivé de nos frontières cantonales, et je ne crois pas que nous y ay
507 e ne crois pas que nous y ayons perdu quoi que ce soit de vraiment précieux. Ces vérités sont assez dures à entendre pour le
508 uoi que ce soit de vraiment précieux. Ces vérités sont assez dures à entendre pour les citoyens des grands pays qui nous ent
509 n, de nous laisser entraîner sur un terrain qui n’ est pas le nôtre, dans des termes qui sont étrangers à notre tradition fé
510 rrain qui n’est pas le nôtre, dans des termes qui sont étrangers à notre tradition fédéraliste et à notre habitus, et qui dé
511 listes. L’Europe que nous voulons, nous aussi, ne sera jamais un laborieux et problématique échafaudage d’accords tarifaires
512 tats-nations souverains. Je l’ai souvent dit : ce serait une amicale des misanthropes — chose qu’on peut écrire, non faire, ca
513 il n’y a pas d’amicale. L’Europe que nous voulons sera fédérale — ou alors elle ne se fera pas sérieusement. Voilà, je pense
514 s. Elle n’a rien pour nous effrayer, puisque nous sommes le seul pays européen qui n’ait pas pris la forme d’un État-nation au
515 a balkanisation et l’helvétisation. Ce diagnostic est , si possible, encore plus vrai aujourd’hui et il nous dicte une ligne
516 onduite et d’action. Je sais bien que les Suisses sont timides et qu’ils en font même une vertu, sous le nom de modestie. Qu
517 et d’exiger enfin qu’on la prenne au sérieux. Ce sera « dans les intérêts de l’Europe entière », pour reprendre une formule
518 ntervention. x. Rougemont Denis de, « L’Europe est d’abord une unité de culture », Intégration : Vierteljahreshefte zur
519 trois degrés, nous fait croire que l’État-nation est le dernier mot de l’évolution, qu’il correspond à une langue et à une
520 finit par des “frontières naturelles” : tout cela est faux, comme le fait voir l’auteur par des exemples indiscutables. Not
521 eur par des exemples indiscutables. Notre culture est la création commune et trois fois millénaire de tous les Européens. S
18 1971, Articles divers (1970-1973). L’héritage culturel de l’Europe (1971)
522 rel de l’Europe (1971)t Tout héritage du passé est porteur d’avenir. Il est cette part du passé qui à la fois m’ouvre un
523 Tout héritage du passé est porteur d’avenir. Il est cette part du passé qui à la fois m’ouvre un certain avenir et par av
524 m’autorise à modifier d’une manière inédite — qui sera moi. Distinguons donc trois sens possibles, du moins pour un Européen
525 uoi s’ajoutent, puisque ces éléments constitutifs sont pluriels et souvent antinomiques, leurs combinaisons innombrables en
526 ns en général actualiser qu’une part infime. Il n’ est pour nous, au sens concret, que ce que nous sommes capables d’en util
527 n’est pour nous, au sens concret, que ce que nous sommes capables d’en utiliser pour nos fins propres. Tout héritage culturel
528 ser pour nos fins propres. Tout héritage culturel est en partie offert mais en partie subi. Devant l’immensité de l’offre e
529 et ses complexités au moins trimillénaires, nous sommes bien obligés de choisir. Nous assumons ou récusons certaines valeurs
530 Nous ne deviendrons nous-mêmes qu’à ce prix, qui est d’assumer les risques de notre différence personnelle ; et par là mêm
531 losophie, écouter des deuxièmes programmes, et se tenir au courant de l’évolution des arts en avouant volontiers qu’on ne com
532 de cultivé. Si je dis au contraire que la culture est ce que l’homme ajoute à la nature, on voit qu’elle représente en fait
533 voit qu’elle représente en fait tout ce que nous sommes capables de penser et presque tout ce que nous voyons sur notre petit
534 sol et les nuages. La culture des Européens, qui est leur véritable unité, est à la fois la somme et le produit complexe d
535 ture des Européens, qui est leur véritable unité, est à la fois la somme et le produit complexe de nombreuses sociétés, de
536 et de paysages. (Presque tout le paysage européen est un fait de culture au sens que je viens de noter.) Et non seulement l
537 s assez combien les valeurs qu’elles transportent sont étrangères les unes aux autres — si deux se découvrent compatibles su
538 es sur un point, par quelque chance imméritée, ce sera pour mieux exclure la troisième —, il faut que nous prenions l’habitu
539 tes, empiristes logiques, ou marxistes. Tout cela est européen. Tout cela est culturel ou je ne sais pas ce que c’est. Et t
540 , ou marxistes. Tout cela est européen. Tout cela est culturel ou je ne sais pas ce que c’est. Et tout cela vit en chacun d
541 s, nostalgies et plaisirs alternés. Les meilleurs sont en quête de leur vrai nom ; la masse est fuite devant la personne res
542 illeurs sont en quête de leur vrai nom ; la masse est fuite devant la personne responsable ; et tous, tant que nous sommes,
543 la personne responsable ; et tous, tant que nous sommes , représentons une figure irremplaçable dans le ballet des milliards d
544 sons, voire de permutations des éléments de base, sont compatibles ; d’autres non. Einstein, Churchill, C. G. Jung, Picasso
545 Jung, Picasso peuvent très bien se détester, ils sont dans le droit fil de l’héritage européen ; Hitler et Staline en trave
546 — notre seule unité fondamentale, répétons-le — n’ est pas exceptionnel : il est irrécusable. J’entends qu’il est universel.
547 entale, répétons-le — n’est pas exceptionnel : il est irrécusable. J’entends qu’il est universel. Pas un seul d’entre nous
548 xceptionnel : il est irrécusable. J’entends qu’il est universel. Pas un seul d’entre nous n’y échappe. Que nous soyons « tr
549 l. Pas un seul d’entre nous n’y échappe. Que nous soyons « très cultivés » ou illettrés y change bien moins qu’on ne l’imagine
550 trés y change bien moins qu’on ne l’imagine. Nous sommes tous tributaires de deux mémoires, celle des peuples et celle des gèn
551 t des réflexes et des goûts conditionnés qui leur sont transmis par leur mère, la Maternelle, l’Alma Mater, l’armée, les spo
552 déclarant que c’est l’individu et non le clan qui est responsable en justice ; et à travers eux, derrière eux, il y a l’Égy
553 nous croyons si différents de nos voisins ! Nous sommes si fiers de nos langues, nous affirmons qu’il faut les garder « pures
554 également vains. Car la « pureté » d’une langue n’ est nullement sa vertu, comme l’a fait voir T. S. Eliot. L’anglais, dit-i
555 n. Et il ajoute : « Quand les nations de l’Europe sont coupées les unes des autres, et que les poètes ne lisent plus d’autre
556 peuples entiers dans l’Hexagone, les différences sont aussi grandes qu’entre l’espagnol et le grec, le danois, l’allemand e
557 s un siècle. Elles n’ont pas empêché le pire, qui est l’unification forcée. Mais grâce à la renaissance des régions, elles
558 uropéen. Car des vraies « nations » ou régions ne seront vraiment elles-mêmes que toutes ensemble, dans leurs interrelations.
559 es ensemble, dans leurs interrelations. Aucune ne sera jamais une « culture nationale », ou un microcosme de l’Europe, mais
560 istique du véritable Européen que sa volonté de n’ être pas comme son voisin, de ne ressembler à aucun autre. Cette volonté d
561 tégrante de l’héritage commun. Ceci noté, il n’en est que plus frappant de constater qu’un même mot originel, grec, latin,
562 uelque différence de structure. Moins une culture est homogène, mieux elle incite à cette autonomie, à cette autostructurat
563 e oblige tous ses bénéficiaires au génie pur, qui est d’être malgré tout dans le tout. Chaque homme d’Europe est une dramat
564 ge tous ses bénéficiaires au génie pur, qui est d’ être malgré tout dans le tout. Chaque homme d’Europe est une dramatis pers
565 e malgré tout dans le tout. Chaque homme d’Europe est une dramatis persona qui crée son rôle avec plus ou moins de bonheur
566 istoire de l’humanité. En revanche, tout héritier est hérétique, du seul fait qu’il ne peut embrasser la totalité de l’héri
567 à l’Europe idéale et théoriquement orthodoxe, qui serait non pas la somme de toutes ses sources mais le produit optimal de leu
568 Le nationalisme ou partisanerie, besoin et goût d’ être d’un parti contre un autre, indépendamment de leurs buts allégués. Ce
569 ue, romaine et judéo-chrétienne, en l’occurrence) est à la fois trop englué dans la matière (d’où son impuissance spirituel
570 tions planétaires que l’on sait. Les Européens ne sont pas plus cruels et violents que les Asiates ou les Noirs, loin de là.
571 libérateurs de l’héritage culturel européen, ils sont trop connus et trop souvent exaltés pour qu’il me soit besoin de les
572 trop connus et trop souvent exaltés pour qu’il me soit besoin de les analyser. Il s’agit de : —l’esprit critique ou remise e
573 tribaux, des modes révérées de la Cour avant de l’ être de la Ville, et de toutes les religions nées de la peur (héritage trè
574 plus menacée de notre héritage, celle qu’il nous est possible de dilapider. Car ces vertus ne contraignent pas l’individu
575 du comme le fait un programme génétique, si elles sont ce qui permet seul de le dépasser. Tout cela n’existe guère comme ver
576 sser. Tout cela n’existe guère comme vertus, ou s’ est vu décrié dans les cultures antiques de l’Inde, de la Chine, du Mali,
577 li, des Incas, ou de la Rome impériale. Tout cela est mal vu de nouveau en URSS et dans la Chine de Mao. Mais c’est bien à
578 permettre à chaque Européen de dépasser un jour, fût -ce d’une manière infime — mais décisive, puisque sa personne même se
19 1971, Articles divers (1970-1973). 6 et 7 février, vote sur le suffrage féminin : supprimer un anachronisme et une injustice (4 février 1971)
579 uropéenne, depuis le xiie siècle, les femmes ont été l’agent principal de civilisation des hommes. » Cette phrase, signée
580 ommes. » Cette phrase, signée Denis de Rougemont, est extraite d’un tract publié par l’Association suisse pour le suffrage
581 sse pour le suffrage féminin. Cette affirmation n’ est pas immédiatement évidente à chacun. Et pourquoi dès le xiie siècle 
582 qui consistait dans l’adoration de la femme. Elle était considérée par le poète-troubadour comme le seigneur à qui l’on devai
583 œux, comme le chevalier devant son seigneur. Il s’ est produit à ce moment-là une extraordinaire évolution dans les mœurs et
584 femme. Il y a tout un ordre de phénomènes qui se sont produits au xiie siècle dont j’ai longuement parlé dans mon livre L
585 Elle devenait la maîtresse, le seigneur. Ce qui s’ est passé au xiie siècle, c’est que les femmes sont devenues des sujets
586 s’est passé au xiie siècle, c’est que les femmes sont devenues des sujets de la vie non seulement culturelle, mais politiqu
587 bord un roi de France, puis un roi d’Angleterre — est une des grandes figures agissantes du siècle. Les hommes, autour d’el
588 d’elle, ont l’air de rien du tout. Après cela, il est inutile de dire que le rôle de la femme a été considérable dans tout
589 il est inutile de dire que le rôle de la femme a été considérable dans tout le développement de la culture, surtout en Fra
590 Allemagne. Mythes germaniques Votre analyse est -elle valable également pour la Suisse ? En Suisse, nous sommes un peu
591 alable également pour la Suisse ? En Suisse, nous sommes un peu tributaires de la civilisation germanique, où les hommes porte
592 tion germanique, où les hommes porteurs de l’épée étaient seuls aptes à la liberté, parce que l’épée est le signe de la liberté
593 taient seuls aptes à la liberté, parce que l’épée est le signe de la liberté pour les Germains. Ce qui fait que les hommes
594 nc, chez les Suisses allemands notamment, et nous sommes très mélangés en Suisse romande, cette idée que la femme n’a pas sa p
595 sa place dans les affaires publiques qui doivent être le domaine des guerrières, de l’homme armé, ce qui est un anachronism
596 e domaine des guerrières, de l’homme armé, ce qui est un anachronisme complet dans la société actuelle, où même la guerre n
597 let dans la société actuelle, où même la guerre n’ est plus faite par les gens qui portent un sabre. Si l’on sort des mythes
598 tre dans la société actuelle, je défie qui que ce soit de m’expliquer en quoi les hommes seraient privilégiés par rapport au
599 qui que ce soit de m’expliquer en quoi les hommes seraient privilégiés par rapport aux femmes dans leur activité. En quoi seraie
600 ar rapport aux femmes dans leur activité. En quoi seraient -ils supérieurs ? Ce mythe germanique serait donc à la base du refus d
601 uoi seraient-ils supérieurs ? Ce mythe germanique serait donc à la base du refus des Suisses d’accorder l’égalité politique au
602 sent toujours des choses très anciennes dont on n’ est plus maître, dont on n’a plus conscience, justement. Toutes ces valeu
603 lus conscience, justement. Toutes ces valeurs qui tiennent à des époques où c’était la force physique qui comptait, alors que, d
604 ptait, alors que, dans notre société actuelle, il est impossible qu’on vous démontre en quoi la force physique privilégie q
605 andsgemeinde — vous avez des survivances qui nous sont proches, qui sont encore mêlées à notre vie, des vieilles coutumes ge
606 s avez des survivances qui nous sont proches, qui sont encore mêlées à notre vie, des vieilles coutumes germaniques. Justeme
607 vivance de ce paysan, homme libre dont la liberté est démontrée parce qu’il a son épée à la main. Comme les nobles au Moyen
608 mmes libres en Suisse, c’était la même chose, ils étaient exactement sur le même plan. La noblesse et les hommes libres, c’étai
609 libres, c’était la même classe. Et l’homme libre était défini par l’arme. Vous avez une quantité de gens, en Suisse, qui vou
610 médiéval. Lorsque vous dites que les femmes « ont été l’agent principal de civilisation », n’exagérez-vous pas leur rôle ?
611 ofonde des enfants. Psychanalyser le Suisse Est -ce propre à la culture européenne ? D’autres civilisations n’ont pas
612 ifiquement européen, parce que notre civilisation est fondée sur cette idée de la famille, de la femme qui est à peu près l
613 dée sur cette idée de la famille, de la femme qui est à peu près l’égale de l’homme, moralement parlant. Ce qui n’est absol
614 l’égale de l’homme, moralement parlant. Ce qui n’ est absolument pas le cas en Asie, ce qui n’est pas le cas dans les civil
615 qui n’est absolument pas le cas en Asie, ce qui n’ est pas le cas dans les civilisations où il y a beaucoup de femmes pour u
616 itoyens suisses. À cette époque, la Confédération était tombée sous la coupe militaire de la France. C’est donc une révolutio
617 idèrent eux-mêmes comme un droit inaliénable ? Il serait heureux que la réponse à cette question soit un “oui franc et massif”
618 Il serait heureux que la réponse à cette question soit un “oui franc et massif”. À dire vrai, la seule originalité de la vot
20 1971, Articles divers (1970-1973). Arnaud Dandieu, la révolution et les régions (mars 1971)
619 profondément Arnaud Dandieu, qui, sur ce point, a été vraiment un prophète, il faut garder les yeux fixés à la fois bien en
620 ud Dandieu définissait la seule révolution que je tienne aujourd’hui encore pour nécessaire et réalisable comme un élan libéra
621 une corrélation nécessaire, précisément parce qu’ étant de sens opposés, ils se complètent l’un par l’autre. Nous les séparon
622 mais dans le cœur du peuple révolutionnaire, ils sont unis d’un lien indissoluble. Cette liaison de l’universel et du pers
623 ppelait que si la République une et indivisible s’ est opposée au fédéralisme, c’est parce que la guerre révolutionnaire, re
624 1871 : … le communisme de la Commune ne saurait être compris que si on ne le sépare pas du communalisme de la Commune, c’e
625 dans ce qu’elle a de plus authentique. Là pouvait être le remède « au mal centralisateur et nationaliste qui allait bientôt
626 nationaliste qui allait bientôt se révéler comme étant le cancer de l’Europe et du monde ». Enfin, citant les dispositions
627 sentiment patriotique… Tant que patrie et nation seront confondues, la guerre sera fatale et la révolution impossible. Deux
628 que patrie et nation seront confondues, la guerre sera fatale et la révolution impossible. Deux ans plus tard, en mai 1933,
629 mai 1933, le premier numéro de L’Ordre nouveau était introduit par quelques pages anonymes où l’on retrouve la même pensée
630 c’est-à-dire de la personnalité humaine. L’homme est une personne, ou il n’est rien du tout ; ni race, ni régime ne saurai
631 nalité humaine. L’homme est une personne, ou il n’ est rien du tout ; ni race, ni régime ne sauraient changer cette vérité.
632 n au profit de l’étatisme. La révolution, comme l’ être humain, est antiétatiste par essence. C’est la France, la première, q
633 e l’étatisme. La révolution, comme l’être humain, est antiétatiste par essence. C’est la France, la première, qui a détourn
634 e comment le mouvement vers l’autonomie régionale était dans le droit fil de la véritable vocation française et de son mouvem
635 ission du spirituel et ce refus de l’universel qu’ est le stato-nationalisme centraliste, trahison de la révolution libératr
636 ution fédéraliste européenne, Arnaud Dandieu aura tenu une place proprement décisive : il a posé les équations de base, form
637 . 4. Ce texte a paru dans l’excellente revue qu’ était Fédération, n° 78, juillet 1931. 5. On notera l’usage très particuli
638 s’élance vers l’universel, tandis que l’individu est le produit passif de la décomposition sociale, grain de poussière dan
21 1971, Articles divers (1970-1973). Les régions et la civilisation (mars 1971)
639 ement administratives. La Communauté européenne a été la première à réunir sur ce problème, dès 1960, des groupes d’études
640 prendre forme institutionnelle dès 1967, lorsque fut créée à Bruxelles la Direction générale de la politique régionale. On
641 vie politique française, notamment. Quoi qu’il en soit , et hors de toute politique au sens étroit du terme, il est un fait q
642 rs de toute politique au sens étroit du terme, il est un fait que je crois indispensable de mettre en relief ; c’est que le
643 fondée sur la notion de « frontières naturelles » est un non-sens. Ni les ethnies, ni les langues, ni les traditions religi
644 es, ni les traditions religieuses et sociales, ne sont séparées par les fleuves ou les crêtes des chaînes montagneuses. Quan
645 es chaînes montagneuses. Quant aux nations, elles sont le produit des viols répétés de la géographie par l’histoire. Tout es
646 ols répétés de la géographie par l’histoire. Tout est à refaire dans ce domaine, sur la base des entités régionales, seules
647 les, et de leurs interdépendances. Or ces entités sont souvent définies, géographiquement, par ce qui était censé diviser le
648 nt souvent définies, géographiquement, par ce qui était censé diviser les nations, elles prennent pour axe ce qui les scindai
649 tes. Le livre de Morvan Lebesque, Comment peut-on être Breton ?, donne une idée émouvante des possibilités de renouvellement
650 e de Robert Lafont.) Toute l’histoire de l’Europe étant à refaire de fond en comble, après un siècle et demi de falsification
651 l’ensemble socioculturel de l’Europe tel qu’il s’ est composé pendant trois millénaires. Instruction civique La parti
652 es publiques en tant qu’acteur, non-spectateur, n’ étant possible et praticable en général que dans le cadre communal et régio
653 s et lettres Toute l’histoire de nos créations est à refaire sur cette double donnée de base : — les grands styles euro
654 ’universel. Écologie Cette science nouvelle est à la fois, par excellence, une « science humaine », une « science pol
655 e la politique, de la pensée et de l’action, peut être fournie par la région. ab. Rougemont Denis de, « Les régions et l
22 1971, Articles divers (1970-1973). L’Amour et l’Europe : L’Express va plus loin… avec D. de Rougemont (12 avril 1971)
656 epuis 1938, un « philosophe de l’amour », et vous êtes , d’autre part, depuis vingt ans, le directeur fondateur du Centre eur
657 vités ? En somme, vous me demandez si mon système est sérieux ? Dans ma Lettre ouverte aux Européens j’ai écrit que l’Eur
658 vite dans une fédération. Or, pour moi, le couple est la première cellule de ce que j’appelle le fédéralisme, c’est-à-dire
659 e la racine de mondes politiques différents. Ce n’ est que peu à peu, d’ailleurs, que s’est révélé à moi le principe de cohé
660 érents. Ce n’est que peu à peu, d’ailleurs, que s’ est révélé à moi le principe de cohérence entre le couple, la personne et
661 s qu’il s’agit d’une intuition fondamentale qu’il est très difficile d’exprimer, et c’est pourquoi j’écris tant de livres :
662 s totalitaires ! Le meilleur de l’esprit européen est né, je crois, de cette formule du premier philosophe grec, au vie si
663 udhon. Selon vous, le meilleur exemple qui puisse être donné de la coexistence des contraires est donc le couple ? Dans mon
664 uisse être donné de la coexistence des contraires est donc le couple ? Dans mon action en faveur d’une fédération européenn
665 alables, mais différentes ou même antinomiques. N’ est -ce pas le cas du couple ? Un jour, on m’a demandé dans un débat à la
666 dio : « Ne craignez-vous pas que les Européens ne soient trop différents les uns des autres pour jamais pouvoir s’unir ? » J’a
667 craignez-vous pas que les hommes et les femmes ne soient trop différents pour pouvoir jamais former des couples ? » Voilà dévo
668 de l’amour-passion nous conditionne au point de n’ être plus capables d’aimer l’autre en tant qu’autre, nous ne serons plus c
669 apables d’aimer l’autre en tant qu’autre, nous ne serons plus capables non plus de devenir les éléments d’une cité, d’une comm
670 passionné depuis trente ans ? Cherchez bien et je suis sûr que vous trouverez. Regardez autour de vous : le mariage occident
671 . Regardez autour de vous : le mariage occidental est un désastre ; deux mariages sur trois aboutissent à un divorce aux Ét
672 xemple. La moitié du malheur humain, en Occident, tient dans le terme d’adultère. Et cette catastrophe vient de ce qu’on a vo
673 oulu fonder le mariage sur le sentiment amoureux. Serait -ce une base désastreuse pour le mariage ? Je le disais en 1938, je n’
674 e mariage généralement par erreur, parce que nous sommes amoureux. Et nous en tirons cette conséquence illogique qu’il faut se
675 principe même de tout divorce. L’amour-passion n’ est pas possible dans le mariage ? Non. Je dis autre chose : je dis qu’il
676 mariage ? Non. Je dis autre chose : je dis qu’il est l’ennemi du mariage. Ce n’est pas par hasard que le jugement de la co
677 hose : je dis qu’il est l’ennemi du mariage. Ce n’ est pas par hasard que le jugement de la comtesse Marie de Champagne, au
678 ens mariés : c’est une condamnation radicale, qui était unanimement admise par les troubadours. Finalement, j’ai découvert qu
679 , j’ai découvert que le mythe de Tristan et Iseut est l’ennemi intime du mariage et du couple. C’est un mythe un peu dépass
680 e et du couple. C’est un mythe un peu dépassé… Il est absolument fondamental dans la vie de tous les Européens, même s’ils
681 La passion amoureuse qui nous paraît si naturelle est en réalité exceptionnelle dans le monde, car c’est une invention de l
682 rles Seignobos écrivit déjà, en 1920, que l’amour était une invention du xiie siècle, cela passa pour une boutade. Allons do
683 pour une boutade. Allons donc, disait-on, l’amour est aussi vieux que le genre humain, et que faisaient donc les hommes et
684 e siècle ! Ainsi parle le gros bon sens, mais il est réfuté par les faits. Car c’est un fait que le mot amour, qui désigne
685 nce que chacun s’imagine devoir vivre. Le mariage est en train de voler en éclats, non pas à cause de la passion dans sa be
686 Mme Tristan ! Mais Tristan et Iseut n’ont-ils pas été merveilleusement heureux ? Ils ont été merveilleusement malheureux !
687 nt-ils pas été merveilleusement heureux ? Ils ont été merveilleusement malheureux ! Comprenez-moi bien : je n’ai aucune rec
688 l’amour. Je constate que la passion et le mariage sont des adversaires fondamentaux, bien que je sois pris, moi aussi, dans
689 ge sont des adversaires fondamentaux, bien que je sois pris, moi aussi, dans le drame qui les oppose. Aujourd’hui, je distin
690 n — donc passif — qui tend à uniformiser les deux êtres , à réduire l’autre à la loi d’un seul. Qui a dit que l’amour rendait
691 e, mais il ne vaut rien pour cette œuvre d’art qu’ est le couple. C’est une thèse que la plupart des gens peuvent difficilem
692 La Rochefoucauld a fort bien compris que l’amour est essentiellement lié à l’expression. Il écrit : « Combien d’hommes ser
693 lié à l’expression. Il écrit : « Combien d’hommes seraient amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’amour ? » Il n’y a p
694 L’amour-passion, c’est autre chose. Tant qu’il n’ est pas « déclaré », c’est comme s’il n’existait pas. Grâce à la littérat
695 e innée dans la valeur unique, irremplaçable de l’ être aimé. Or les religions de l’Asie excluent une telle croyance, puisqu’
696 on du moi. En revanche, la littérature érotique y est très développée, sacrée même. Tout le monde connaît le Kamasutra, ce
697 t, quarante jours sur elle, sans la toucher. Ce n’ est qu’après cette épreuve que peut s’opérer l’union sexuelle, qui ne doi
698 ’ailleurs pas aboutir à la procréation. Mais ce n’ est qu’une technique ? Ainsi que l’a confirmé le maître du zen, Suzuki, à
699 ponais traditionnel les relations entre les sexes sont plutôt du domaine de la nature ou de la moralité sociale. Toute espèc
700 s ne peuvent pas devenir des problèmes là où tout est réglé, programmé. La crise du mariage est typique de l’Occident. Elle
701 où tout est réglé, programmé. La crise du mariage est typique de l’Occident. Elle n’existe pas ailleurs. Mais c’est le prix
702 and je pense à l’amour « programmé », calculé, je suis évidemment pour l’amour-passion, bien qu’il ne soit pas viable. Trop
703 is évidemment pour l’amour-passion, bien qu’il ne soit pas viable. Trop rares sont les « beaux moments d’équilibre doré » do
704 assion, bien qu’il ne soit pas viable. Trop rares sont les « beaux moments d’équilibre doré » dont parle Nietzsche. Deux men
705 ontinuellement dans l’un ou dans l’autre. Tristan est l’homme d’un seul amour fatal. Don Juan, héros d’un siècle cynique, l
706 siècle cynique, le xviiie , incapable de passion, est l’antithèse de Tristan, son double négatif, l’homme des rencontres sa
707 semble, en devenant l’une par l’autre ce qu’elles sont . Ce que je veux défendre, c’est donc, en fin de compte, un certain ét
708 es uns ne vivent pas sans les autres. Comment ont été accueillies vos thèses de L’Amour et l’Occident ? Très mal, au début,
709 ères de leurs disciplines. Aujourd’hui, mon livre est au programme de licence… Il a influencé beaucoup d’auteurs anglo-saxo
710 les générations américaines, surtout les hippies, sont également de très bons lecteurs de L’Amour et l’Occident . Eux aussi
711 et une conférence à l’université d’Indiana, et, l’ été dernier, un professeur de cette université m’a dit : « Cela a été la
712 professeur de cette université m’a dit : « Cela a été la dernière fois que les contestataires et les gens de l’establishmen
713 lqu’un en commun. » Aujourd’hui, selon vous, quel est l’avenir de l’amour ? D’une part, il me semble que les jeunes gens d’
714 t, il me semble que les jeunes gens d’aujourd’hui tiennent un peu mieux compte que nous des aspects pratiques du mariage, de ce
715 e, de ce qui permet une amitié durable entre deux êtres différents, les convenances de caractères, d’idées, d’éducation. Tout
716 ns le monde hygiénique et froidement rationnel qu’ est en train de créer la technique, et qui pourra bien se réaliser sous l
717 t programmé. Ce qui nous menace aujourd’hui, ce n’ est plus un excès d’anarchie et de tyrannie brutale, c’est au contraire l
718 otisme ? Même pas. C’est une évidence. L’érotisme est l’usage culturel, non procréateur, de l’instinct sexuel. Faites saute
719 s, la révolution sexuelle ne veut rien dire. Quel est l’ordre neuf que l’on peut déduire de la copulation ? Sur un point, t
720 re de la copulation ? Sur un point, tout le monde est d’accord, des Sumériens jusqu’à Engels et à Toynbee : la condition de
721 et à Toynbee : la condition de toute civilisation est une certaine discipline des instincts de procréation. On parle de bri
722 ts du christianisme : lesquels ? Le christianisme est une religion qui se distingue de toutes les autres par l’absence quas
723 nous ont fait croire que le « péché originel » n’ est autre que la sexualité. Quant aux pseudo-tabous qui règnent sur nous,
724 Quant aux pseudo-tabous qui règnent sur nous, ce sont ceux de la bourgeoisie de l’ère victorienne, ou du clergé avec ses li
725 s feux verts et sans feux rouges. Savez-vous quel est l’auteur le plus néfaste de la littérature occidentale ? Le Dr Tissot
726 un livre à la fin du xviiie siècle dont la thèse était que tout le malheur des hommes venait de la masturbation, qui rend le
727 i rend les jeunes gens fous, etc. Ce docteur, qui était , hélas ! suisse, a connu un succès mondial. Il a sans doute créé le m
728 Tissot s’appelle révolution sexuelle, alors ce n’ est qu’un progrès normal vers le bon sens. En somme, vous trouvez qu’on s
729 aucoup, mais qu’il n’y a guère de révolution ? Il est clair que les tabous de la morale bourgeoise ne tiennent plus. Est-ce
730 t clair que les tabous de la morale bourgeoise ne tiennent plus. Est-ce que cela signifie que la sexualité est plus vigoureuse,
731 tabous de la morale bourgeoise ne tiennent plus. Est -ce que cela signifie que la sexualité est plus vigoureuse, ou l’amour
732 t plus. Est-ce que cela signifie que la sexualité est plus vigoureuse, ou l’amour plus réussi, la morale du couple plus sol
733 Tristan à travers ces trois livres ; les trois en sont des reviviscences probablement inconscientes. Dans le mythe de Trista
734 conscientes. Dans le mythe de Tristan, l’obstacle est l’époux d’Iseut, le roi Marc. Dans Lolita, c’est l’âge (12 ans) de la
735 une femme, bien réelle dans sa vie, comme cela a été confirmé plus tard. Si l’obstacle est nécessaire à l’amour-passion, l
736 omme cela a été confirmé plus tard. Si l’obstacle est nécessaire à l’amour-passion, l’amour-action peut-il s’en passer ? Si
737 l’amour-action. En fin de compte, pour vous, quel serait le couple idéal ? Je voudrais que Tristan découvre Iseut, qu’Iseut dé
738 t pas. Il projette. Ce qu’il aime, c’est l’amour, être en état d’amour. Toutes les femmes qu’on aime d’amour-passion, toutes
739 mmes qu’on aime d’amour-passion, toutes les Iseut sont des femmes rêvées, les produits d’une projection. Vous n’aimez pas te
740 ou moins bien. Vous voyez à quel point la passion est l’ennemie intime du mariage ; elle empêche de voir l’autre avec qui l
741 t que la contestation, surtout dans les pays de l’ Est , où elle est encore clandestine, mais d’autant plus sincère, a fait r
742 estation, surtout dans les pays de l’Est, où elle est encore clandestine, mais d’autant plus sincère, a fait revivre les pr
743 ne société ? Niveau de vie ou mode de vie ? Je me suis senti justifié. La jeunesse a redécouvert notre question trente ans a
744 redécouvert notre question trente ans après, sans être bloquée, elle, par la guerre des empires totalitaires qui fermait not
745 totalitaires qui fermait notre horizon, et qui n’ était pas notre guerre. À cette époque, toute une génération s’est exprimée
746 re guerre. À cette époque, toute une génération s’ est exprimée dans le personnalisme : à l’individualisme et au collectivis
747 sition au nazisme me valut d’ailleurs, en 1940, d’ être envoyé en Amérique… où j’allais découvrir l’Europe. Comment cela ? On
748 end conscience des choses quand on les perd. Je n’ étais pas le seul dans ce cas à New York. Quand j’ai rencontré Einstein, à
749 ’impact des Européens immigrés. En 1922, quand je suis allé aux États-Unis pour une tournée de conférences sur le sionisme,
750 niversités m’a surpris. Le changement inouï qui s’ est produit depuis lors est dû en bonne partie à l’afflux des Européens,
751 Le changement inouï qui s’est produit depuis lors est dû en bonne partie à l’afflux des Européens, notamment ceux que Hitle
752 re « pour la deuxième fois » et me demandait si j’ étais libre ce soir… En Amérique, on l’accusait de communisme, parce qu’il
753 parlé de l’union de l’Europe. Il m’a dit : « Vous êtes bien optimiste. Cela prendra un temps fou. En tout cas, cela ne se fe
754 era pas avec un nationaliste comme Churchill : il est dangereux. » Une Europe d’États-nations visant à la puissance, disait
755 ndant quelques mois, Simone Weil. Aucun de nous n’ était certain de jamais revoir l’Europe. J’écrivais deux textes par jour po
756 parle aux Français ». André Breton, Lévi-Strauss étaient les « parleurs » de mes textes. Mais pourquoi êtes-vous allé en Améri
757 ent les « parleurs » de mes textes. Mais pourquoi êtes -vous allé en Amérique pendant la guerre ? À cause d’un article envoyé
758 de l’armée suisse m’apprit qu’une démarche avait été faite le matin même de la parution de l’article par l’ambassadeur d’A
759 cause d’une fédération européenne. Mais l’Europe est loin d’être faite. Ne craignez-vous pas d’avoir perdu votre temps ? J
760 e fédération européenne. Mais l’Europe est loin d’ être faite. Ne craignez-vous pas d’avoir perdu votre temps ? Je suis proba
761 craignez-vous pas d’avoir perdu votre temps ? Je suis probablement l’écrivain qui a présidé le plus grand nombre de comités
762 ar l’Europe, aujourd’hui, y compris les pays de l’ Est , c’est 480 millions d’hommes. Alors, vous comprenez, « l’Europe écras
763 mble. C’est surtout que 120 millions d’entre nous sont satellisés par l’URSS, tandis que 320 millions sont assez bien coloni
764 nt satellisés par l’URSS, tandis que 320 millions sont assez bien colonisés, disons pour simplifier, par le dollar. Aucun de
765 l’Europe sur la base de l’unité culturelle, qui s’ est formée tout en fondant l’Europe, depuis deux ou trois millénaires, et
766 i grande ni petite à l’Europe : je dis ce qu’elle est parmi les vingt-deux ou vingt-trois civilisations qu’énumère Toynbee.
767 gt-trois civilisations qu’énumère Toynbee. « Tout est venu à l’Europe, et tout en est venu, ou presque », disait Valéry. C’
768 e Toynbee. « Tout est venu à l’Europe, et tout en est venu, ou presque », disait Valéry. C’est vrai : toutes les sciences m
769 t littéraires. Cela ne veut pas dire que l’Europe soit moralement supérieure aux autres civilisations ; elle a déclenché des
770 n’y a pas eu Hitler, Staline, Guernica… L’Europe est une unité complexe, pétrie de contradictions, qui sont dues à la plur
771 une unité complexe, pétrie de contradictions, qui sont dues à la pluralité de ses origines — grecque, romaine, judéo-chrétie
772 e, judéo-chrétienne, germanique, celte, à quoi se sont ajoutées des influences arabes, slaves, et j’en passe. Tout cela l’a
773 la discussion, et, finalement, la révolution, qui est , elle aussi, une invention européenne. Ailleurs, il n’y a jamais eu,
774 is, leur ai-je dit, vous n’y croyez plus. Mais qu’ est -ce qui existe à la place, selon vous ? Prenez le monde par vos antipo
775 st d’imiter la Chine maoïste, qui, elle, voudrait être aussi communiste que la Russie soviétique, dont le slogan est depuis
776 mmuniste que la Russie soviétique, dont le slogan est depuis 1925 : ‟Nous ferons mieux que l’Amérique.” Or l’Amérique est u
777 ‟Nous ferons mieux que l’Amérique.” Or l’Amérique est une invention de l’Europe. Où trouvez-vous des valeurs neuves dans ce
778 dans ce périple ? Le marxisme ? Allons donc ! Il est le produit spécifique des contradictions de l’Europe au xixe siècle.
779 Europe au xixe siècle. » Pourquoi, selon vous, n’ est -ce pas encore fait, la fédération européenne ? D’abord, parce qu’on e
780 l’État-nation, hérité de Napoléon. L’État-nation est la mainmise de l’appareil étatique, administratif et policier sur cet
781 olicier sur cette chose dynamique et affective qu’ est une nation. Instituer un État-nation, c’est livrer sans recours toute
782 Après la guerre, toutes les anciennes colonies se sont jetées sur ce modèle et l’ont imité. Cette structure est la clef des
783 ées sur ce modèle et l’ont imité. Cette structure est la clef des maux du monde actuel. C’est pourquoi, dès le début de not
784 i, dès le début de notre action fédéraliste, nous sommes entrés en opposition avec Churchill, qui, lui, voulait des « États-Un
785 ur ferait mieux, et avec moins de bavardage. Vous êtes suisse, fils d’un pasteur protestant. Merci pour la précision. César
786 tant. Merci pour la précision. César Borgia, lui, était fils d’un pasteur catholique : le pape Alexandre VI. La Suisse est-el
787 teur catholique : le pape Alexandre VI. La Suisse est -elle pour vous un modèle politique idéal ? Vous savez, la vie politiq
788 ue idéal ? Vous savez, la vie politique en Suisse est très loin de la vie politique en France : elle est parfaitement ennuy
789 st très loin de la vie politique en France : elle est parfaitement ennuyeuse. Et c’est très bien comme ça. C’est une admini
790 . Vous lisez dans nos journaux : « Le souverain s’ est prononcé hier. » Ce n’est pas une manière de parler, c’est la réalité
791 naux : « Le souverain s’est prononcé hier. » Ce n’ est pas une manière de parler, c’est la réalité. On ne dit pas, en Suisse
792 la réalité. On ne dit pas, en Suisse : « Un tel a été un grand serviteur de l’État. » Pourquoi servir l’État ? C’est lui qu
793 l’État. » Pourquoi servir l’État ? C’est lui qui est un service. Le souverain gouverne ; le Conseil fédéral, lui, exécute,
794 finis toujours par leur dire : « Monsieur, je ne suis pas votre sujet, mais un libre citoyen. C’est le fonctionnaire qui es
795 mais un libre citoyen. C’est le fonctionnaire qui est au service des citoyens, et non l’inverse. Vous semblez parfois le cr
796 vient des rois de France. Eh bien, non : l’État n’ est qu’un appareil, au mieux utile ! » Tandis que l’État-nation ? Le côté
797 Tandis que l’État-nation ? Le côté sacral qu’il s’ est attribué est incroyable. Il a le droit de condamner à mort ses héréti
798 État-nation ? Le côté sacral qu’il s’est attribué est incroyable. Il a le droit de condamner à mort ses hérétiques et incro
799 Irlande ! Pour vous, au contraire, le fédéralisme est une méthode d’union dans la diversité ? Le fédéralisme est radicaleme
800 éthode d’union dans la diversité ? Le fédéralisme est radicalement contraire à la méthode d’unité par l’uniformité qui fut
801 ntraire à la méthode d’unité par l’uniformité qui fut celle de Louis XIV, des jacobins, de Napoléon, et reste celle des sys
802 entreprendre délibérément cette révolution qui n’ est pas violente, mais qui implique le démantèlement progressif des États
803 ation. Et quand les ordinateurs mesureront que ce sont les régions qui jouent un rôle créateur et actif, l’Europe sera prati
804 ns qui jouent un rôle créateur et actif, l’Europe sera pratiquement faite. Mais n’est-ce pas mettre la charrue devant les bœ
805 t actif, l’Europe sera pratiquement faite. Mais n’ est -ce pas mettre la charrue devant les bœufs ? Un Jean Monnet ne vous tr
806 ique entraînera nécessairement le politique. Nous sommes contraints de voir aujourd’hui que ce n’est pas ainsi que les choses
807 us sommes contraints de voir aujourd’hui que ce n’ est pas ainsi que les choses se passent. Et que ce n’est pas Karl Marx qu
808 pas ainsi que les choses se passent. Et que ce n’ est pas Karl Marx qui a raison sur ce point, mais Mao Zedong, qui a bapti
809 t des superstructures. Eh bien, en ce sens-là, je suis maoïste ! Je crois que la révolution part des grandes options, d’une
810 amentales de notre esprit. Et que l’économie n’en sera jamais que le produit. Vous restez donc optimiste en ce qui concerne
811 jours plus d’anti-Européens qu’il n’en naît. » Je suis certain que nous irons vers des solutions fédéralistes, régionalistes
812 es. Mais il reste toujours la part du diable. Qui est -ce, le diable ? Le diable, c’est l’agent dépersonnalisant du monde, l
813 ation totalitaire. Dès que vous cédez quoi que ce soit sur la personne, tout est perdu : l’homme, le couple, la cité, la soc
814 vous cédez quoi que ce soit sur la personne, tout est perdu : l’homme, le couple, la cité, la société, et vous avez le tota
815 olutions n’a réussi. Dans ce sens, on ne peut pas être trop fier de l’Europe. Comment voyez-vous l’avenir ? Je crois au prog
816 risques humains, comme le montre la science, qui est à double tranchant. Ou bien, je vous l’ai dit, nous irons vers l’ennu
817 ée pas en profondeur la soif de quelque chose qui soit au-delà de l’ordre et qu’il ne provoque pas une rébellion de l’esprit
818 lus fondamental des sujets : l’amour. Parce qu’il est l’un de ceux qui ont créé, en 1932, avec Emmanuel Mounier ( Esprit ),
819 Esprit ), le mouvement personnaliste. Parce qu’il est , depuis vingt ans, le pionnier d’une Europe fédérée. Son dernier ouvr
23 1971, Articles divers (1970-1973). [Entretien] Le diable existe, vous pouvez le rencontrer (17 mai 1971)
820 e notion purement religieuse. Alors le diable, qu’ est -ce que cela peut représenter au juste en 1971 pour un non-croyant ? F
821 ont : l’auteur célèbre de L’Amour et l’Occident est aussi celui de La Part du diable . Il en parlera d’ailleurs, et de l
822 le, ce qui nous menace le plus, c’est que nous ne tenons plus compte de lui dans nos calculs. Nous parlons — enfin ! — tous de
823 enons pas garde aux autres pollutions, celles qui sont spirituelles. Et quand on ne tient plus compte du diable, on risque d
824 ons, celles qui sont spirituelles. Et quand on ne tient plus compte du diable, on risque de ne plus discerner le mal. Pour qu
825 de ne plus discerner le mal. Pour quelqu’un qui n’ est pas croyant, qu’est-ce que cela représente, le diable ? Croyant ou no
826 le mal. Pour quelqu’un qui n’est pas croyant, qu’ est -ce que cela représente, le diable ? Croyant ou non, tout homme a une
827 e à épouser une cause. Donc il croit savoir ce qu’ est le mal et par conséquent le bien. Qu’on ne raconte pas d’histoires !
828 e, danoise, maoïste, marxiste ou hippie. Là, tout est encore très simple. Mais quand on ignore tout simplement que le diabl
829 on nie qu’il existe, c’est alors qu’on commence à être manipulé par lui. Pouvez-vous préciser ce qu’est pour vous le diable 
830 être manipulé par lui. Pouvez-vous préciser ce qu’ est pour vous le diable ? C’est quand il n’y a personne. Qui peut-on conv
831 rès facilement de ne pas croire à son action, qui est spirituelle. C’est son incognito qui fait sa force. Vous connaissez l
832 rmule de Baudelaire : « Le premier tour du diable est de nous faire croire qu’il n’existe pas ». Le diable, c’est celui qui
833 lope aveuglé à l’entrée de la caverne : « Mon nom est Personne. De quoi aurais-tu peur ? Je ne suis pas là… » C’est ce que
834 nom est Personne. De quoi aurais-tu peur ? Je ne suis pas là… » C’est ce que fait Satan ? Singeant Dieu, mais à rebours, il
835 Singeant Dieu, mais à rebours, il nous dit : « Je suis celui qui n’est pas ! ». Il est la force dépersonnalisante de l’unive
836 is à rebours, il nous dit : « Je suis celui qui n’ est pas ! ». Il est la force dépersonnalisante de l’univers. Il nous fait
837 nous dit : « Je suis celui qui n’est pas ! ». Il est la force dépersonnalisante de l’univers. Il nous fait croire qu’il n’
838 civilisation de tous côtés. Mais quelle pourrait être , au xx e siècle, une définition moderne du diable, tel que vous le co
839 ne, je dirais que le diable, c’est l’entropie. Qu’ est -ce que l’entropie ? C’est la dégradation de l’énergie. C’est une loi
840 à un niveau inférieur d’énergie. Non, Hitler n’ était pas le diable C’est donc cela, pour vous, « la part du diable » ?
841 , les forces anonymes et qui rendent tout anonyme sont en expansion. La plupart des forces déchaînées à travers le monde nou
842 teint jamais », comme l’observait Jésus. Et de là est venue l’idée médiévale de l’enfer. C’est le rebut des hommes qui ont
843 enfer. C’est le rebut des hommes qui ont refusé d’ être eux-mêmes ; à tous risques. S’ils sont rejetés au bout du compte, ce
844 t refusé d’être eux-mêmes ; à tous risques. S’ils sont rejetés au bout du compte, ce n’est pas par un tribunal, mais par eux
845 sques. S’ils sont rejetés au bout du compte, ce n’ est pas par un tribunal, mais par eux-mêmes ! Et si l’on se trompe sur le
846 nnel lutte contre le diable uniformisateur. Quels sont les différents tours du diable ? L’un consiste, pendant la dernière g
847 ant la dernière guerre, à nous faire croire qu’il était seulement Adolf Hitler, par exemple. Déguisement grossier, mais habil
848 Déguisement grossier, mais habile, parce que nous étions tous prêts à y croire. Hitler, le diable ? Il y avait vraisemblance,
849 vraisemblance, mais aussi une paille ; si Hitler était le diable, il eût suffi de le tuer, et le mal eût disparu. Mais le di
850 de le tuer, et le mal eût disparu. Mais le diable est bien plus malin. Quand Hitler était devant nous, nous étions en garde
851 Mais le diable est bien plus malin. Quand Hitler était devant nous, nous étions en garde, nous nous battions contre lui, et
852 plus malin. Quand Hitler était devant nous, nous étions en garde, nous nous battions contre lui, et le diable travaillait der
853 ièrement, qu’il n’existe pas, deuxièmement, qu’il est seulement Hitler et personne d’autre, et ainsi de suite. Or le mal co
854 , et ainsi de suite. Or le mal connu et dénoncé n’ est jamais très dangereux. Lorsque nous sommes attaqués de front, nous fa
855 dénoncé n’est jamais très dangereux. Lorsque nous sommes attaqués de front, nous faisons face, notre résistance est alertée. L
856 ués de front, nous faisons face, notre résistance est alertée. La menace véritable, c’est quand nous ne savons pas que nous
857 éritable, c’est quand nous ne savons pas que nous sommes attaqués, quand nous sommes entraînés malgré nous. Car alors, nous pe
858 e savons pas que nous sommes attaqués, quand nous sommes entraînés malgré nous. Car alors, nous perdons notre volonté, notre i
859 té, notre responsabilité personnelle, ce que nous sommes seuls à pouvoir faire au monde. Le diable compte sur la lâcheté qui e
860 ire au monde. Le diable compte sur la lâcheté qui est en chacun de nous, et qui nous fait fuir derrière les buissons — ou d
861 z Adam, dans la Genèse. Quand Dieu lui dit : « Qu’ est -ce que tu as fait ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est elle q
862 est-ce que tu as fait ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est elle qui a tout fait, c’est elle qui m’a tendu la pomme ;
863 e ; moi, je n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’ est passé ; j’étais derrière les buissons, au milieu des arbres du jardin
864 ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’est passé ; j’ étais derrière les buissons, au milieu des arbres du jardin. » L’action du
865 r les Américains, dont la faiblesse me paraissait être dans leur incapacité à croire au mal pur, donc au diable. Jacques Mar
866 ai voulu aller dans un restaurant du quartier. Il était tard, les patrons étaient seuls, et l’on s’est écrié en me voyant ent
867 estaurant du quartier. Il était tard, les patrons étaient seuls, et l’on s’est écrié en me voyant entrer : « Voilà le diable ! 
868 était tard, les patrons étaient seuls, et l’on s’ est écrié en me voyant entrer : « Voilà le diable ! ». J’ai déguerpi, san
869 nder mon reste. Cinq semaines plus tard, le livre était fini : soixante-six courts chapitres, et voilà que je découvre que 66
870 urts chapitres, et voilà que je découvre que 666… est le chiffre du diable, qui refuse d’arriver à 7, le nombre de la Créat
871 s l’esprit du bon bourgeois, du philistin, lequel est le plus diabolique ? C’est bien sûr le meurtre horrible de Sharon Tat
872 bre. L’un des meurtriers, en effet, criait : « Je suis le diable ici pour faire l’œuvre du diable ! ». Il portait les cheveu
873 e du diable ! ». Il portait les cheveux longs, il était barbu. Les filles étaient droguées, et ils ont tué délibérément une f
874 ait les cheveux longs, il était barbu. Les filles étaient droguées, et ils ont tué délibérément une femme enceinte et quatre ou
875 coupe de cheveux de l’armée américaine. Eux aussi étaient drogués, dit-on, et ils ont exécuté leur crime avec bonne conscience.
876 ont exécuté leur crime avec bonne conscience. Qu’ est -ce qui est pire ? Dans les deux cas, les barbus et les folles, ou les
877 é leur crime avec bonne conscience. Qu’est-ce qui est pire ? Dans les deux cas, les barbus et les folles, ou les soldats on
878 urs officiers. Je dis que c’est le second cas qui est vraiment diabolique, parce que l’anonymat y est plus manifeste, la ma
879 i est vraiment diabolique, parce que l’anonymat y est plus manifeste, la manière de se cacher dans les buissons plus éviden
880 tions de crédibilité et de respectabilité, ce qui est vraiment atteindre une société en plein cœur. Peut-on rencontrer le d
881 quer avec lui, prenez-le dans le fauteuil où vous êtes assis ! Là, vous êtes sûr de ne pas le rater. C’est en vous qu’il exi
882 le dans le fauteuil où vous êtes assis ! Là, vous êtes sûr de ne pas le rater. C’est en vous qu’il existe : personne d’autre
24 1971, Articles divers (1970-1973). Fédération ou confédération ? (juillet-août 1971)
883 nte et qu’il n’y avait pas lieu d’en disputer. Il est bien vrai qu’aucune raison logique ou sémantique ne saurait justifier
884 fédérer isolément. Pour Littré, la Confédération est « l’union entre plusieurs États qui, tout en gardant une certaine aut
885 ainsi, par exemple, « la Suisse et les États-Unis sont des gouvernements fédéraux ». D’où l’on conclut en bonne logique qu’u
886 même réalité correspondant aux deux mots, ceux-ci sont équivalents, comme deux quantités égales à une troisième le sont entr
887 s, comme deux quantités égales à une troisième le sont entre elles. Mais la définition de fédération, qui suit, comme « unio
888 ion, qui suit, comme « union politique d’États », est défectueuse puisqu’elle ne mentionne que l’union et ne dit rien de l’
889 mie des parties constituantes n’aurait pas lieu d’ être appelée fédérale. Ce serait simplement une union. Donc, point de diff
890 tes n’aurait pas lieu d’être appelée fédérale. Ce serait simplement une union. Donc, point de différence aux yeux de Littré, e
891 nce aux yeux de Littré, et nous pourrions nous en tenir là, et déclarer le problème inexistant, s’il n’y avait dans le même L
892  », et à lui seul — l’une affirmant que ce régime était en Amérique, selon Chateaubriand, « une des formes politiques les plu
893 », l’autre rappelant qu’en France, le fédéralisme fut le « projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale ». D’o
894 , sans doute) et que les fédéralistes, en France, sont des traîtres. Le mot se trouve ainsi « taboué » pour tous ceux qui on
895 ycée. Et voilà qui repose tout le problème. Telle étant la situation de fait, en France, il fallait bien lui donner un statut
896 ion de 1848 porte à l’article 3 que « les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Con
897 s sont souverains en tant que leur souveraineté n’ est pas limitée par la Constitution fédérale, et comme tels exercent tous
898 le, et comme tels exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral » ; cependant que l’article 5 « garan
899 ». Ainsi, la force garante des autonomies locales est celle qui naît précisément de la mise en commun d’une partie de leurs
900 édéral européen, constitué selon la même formule, serait seul capable de garantir effectivement l’autonomie de chacun de nos p
901 « parapluie » que l’on sait. Toute confédération étant une forme instable de compromis entre ceux qui veulent l’union et ceu
902 pter le mot s’il facilite la chose, — quelles que soient , par ailleurs, les vraies dispositions et intentions des hommes d’Éta
903 ausse alternative « confédération ou fédération » sera définitivement transcendée ; elle reste liée par nature à l’existence
25 1971, Articles divers (1970-1973). Un marchand d’eau sucrée (19 décembre 1971)
904 ntre européen de la culture, Denis de Rougemont s’ est élevé, récemment, lors d’une conférence, contre les procédés de M. Pa
905 faire vendre la dextrose de M. Pauwels — dextrose étant synonyme, je le rappelle, de glucose, liquide sucré. Le succès foudro
906 erte aux gens heureux et qui ont bien raison de l’ être , publié en 1971 chez Albin Michel.
26 1972, Articles divers (1970-1973). Europe divisée ou Europe fédérée ? (1972)
907 t » à un ensemble. Au sens le plus actif, c’est «  tenir sa partie », jouer son rôle, entrer dans un gouvernement, dans la ges
908 . Au sens le plus passif, c’est « faire partie », être inclus dans une classe ou un tout quelconque. La participation désign
909 nque. La participation désigne toujours le fait d’ être « dans le coup », d’être engagé ou concerné, avec une faculté plus ou
910 signe toujours le fait d’être « dans le coup », d’ être engagé ou concerné, avec une faculté plus ou moins actuelle ou virtue
911 le, d’influencer une situation d’ensemble où l’on est pris, et son propre destin en elle. D’où l’on voit que participer act
912 éterminer dans la mesure où l’on agit en elle. Ce sont les formes actives de la participation que nous aurons à considérer,
913 participation à des responsabilités. Or l’homme n’ est responsable (étymologiquement : capable de répondre, de se porter gar
914 apable de répondre, de se porter garant) que s’il est sujet libre de son action. Un homme qui n’est pas reconnu comme libre
915 ’il est sujet libre de son action. Un homme qui n’ est pas reconnu comme libre ne peut être tenu pour responsable de ses act
916 n homme qui n’est pas reconnu comme libre ne peut être tenu pour responsable de ses actes. Inversement, un homme privé de la
917 me qui n’est pas reconnu comme libre ne peut être tenu pour responsable de ses actes. Inversement, un homme privé de la poss
918 sibilité d’assumer des responsabilités ne saurait être tenu pour libre ni se sentir vraiment tel. Quant aux trois adjectifs
919 ité d’assumer des responsabilités ne saurait être tenu pour libre ni se sentir vraiment tel. Quant aux trois adjectifs socia
920 trois adjectifs social, civique, politique, il n’ est guère possible de les distinguer théoriquement, car ils définissent t
921 abulaire de notre siècle, il apparaît que civisme est lié surtout à une participation active à la chose publique et à une a
922 de politique de la recherche, etc.) et que social est à la fois ce qui concerne la foule (dont l’idée est présente dans pol
923 t à la fois ce qui concerne la foule (dont l’idée est présente dans polis par poly, beaucoup) et ce qui fait de la foule un
924 ens de religare, relier. Dans la cité, le civisme sera donc l’ensemble des faits de participation active (personnelle) à la
925 nnelle) à la vie sociale, tandis que la politique sera la définition et le choix des priorités, des options prospectives dan
926 slation sociale, recherches. Ainsi la politique n’ est pas la fin dernière de l’homme, pas plus que ne le sont la cité ou la
927 as la fin dernière de l’homme, pas plus que ne le sont la cité ou la Société. Elle est la stratégie (dont le civisme est la
928 s plus que ne le sont la cité ou la Société. Elle est la stratégie (dont le civisme est la technique) qui permet à la Socié
929 a Société. Elle est la stratégie (dont le civisme est la technique) qui permet à la Société ou à la cité de s’ordonner aux
930 s’ordonner aux buts derniers de l’homme. Or s’il est vrai que ces buts — universels et personnels — transcendent toute com
931 personnels — transcendent toute communauté, ce n’ est pourtant qu’au sein de la communauté, dans le complexe des relations
932 choisir librement l’avenir de l’humanité. Et il y est contraint du seul fait que, pour la première fois, il en a la possibi
933 ée — labourée, fécondée, cultivée —, l’initiative fut assumée au nom de l’espèce par quelques héros légendaires, Prométhée
934 i justement remarqué E. M. Cioran7. L’agriculture fut en effet le premier moyen de commander à la nature en se conformant à
935 la mise en question des buts mêmes de la vie, tel est bien le résumé de l’évolution humaine — jusqu’à nous. Ayant dépassé l
936 , mais il ignore vers quoi. Déjà, en Occident, il est au terme de l’ère qu’on a nommée néolithique, celle qui a vu la fixat
937 ronique, dont on peut facilement imaginer qu’elle sera l’ère des relations humaines de plus en plus indépendantes des contra
938 s humaines dans la cité, au service des finalités soit de la cité elle-même, pour les platoniciens et les totalitaires de to
939 atoniciens et les totalitaires de tous les temps, soit de la personne, pour les autres. Ainsi mis en demeure de choisir nos
940 estion qui se pose alors, c’est de savoir si nous sommes préparés à répondre à ce défi sans précédent. Je vais avouer d’abord
941 plus fameux de ces dernières années que ce livre est « le premier qui fasse passer la prédiction de l’ère des devins à cel
942  ». On nous dit aussi (mais je m’assure que ce ne sont pas les auteurs qui ont écrit cela) que « depuis 1960, la spéculation
943 que « depuis 1960, la spéculation sur le futur (n’ est plus) prophétique mais rationnelle et méthodique ». Sur quoi je lis l
944 e nos savants (d’ailleurs honnêtes et scrupuleux) sont en fait des devins, car, attentifs à ne pas « prophétiser », ils cher
945 au service de ses fins), nous devrions idéalement être à la fois objectifs et normatifs — plus objectifs afin d’être mieux n
946 is objectifs et normatifs — plus objectifs afin d’ être mieux normatifs. Mais on voit qu’il y a antinomie pratique entre les
947 esure où le savant se veut observateur passif, il est mauvais citoyen, et dans la mesure où en tant que citoyen il refuse c
948  », veut changer les données d’un phénomène, il n’ est plus « scientifique ». Objectivité et normativité, ces deux « variabl
949 et normativité, ces deux « variables conjuguées » seraient donc ici en relations d’incertitude. En revanche, et à l’inverse, on
950 és de Heisenberg — que les aspects antinomiques «  sont complémentaires en ce sens qu’il est nécessaire de faire intervenir c
951 inomiques « sont complémentaires en ce sens qu’il est nécessaire de faire intervenir ces deux aspects pour l’interprétation
952 nt d’ores et déjà des effets certains, même s’ils sont malaisément mesurables, sur l’évolution prévue : ils contribuent à la
953 ocessus variés d’inhibition, dont le plus évident est l’abaissement du seuil de résistance à la propagande pour les moyens
954 termes, la vision deviendra fausse parce qu’elle était juste au début ; ou, pour pousser à la limite : l’utilité (l’efficaci
955 fets analogues de rétroaction de la prévision ont été bien souvent invoqués à propos de « l’équilibre de la terreur atomiqu
956 e la prévision « exacte » par son propre effet, n’ est -ce pas en fin de compte un cas particulier d’une dialectique de l’inf
957 ant à la participation civique et politique, s’il est vrai que l’information, dont elle fait partie, est une des conditions
958 st vrai que l’information, dont elle fait partie, est une des conditions sine qua non de cette participation. 3. Rôle de
959 r axiomatique à la thèse hégélienne : tout ce qui est réel est rationnel. Et qu’ils dénomment, à cause de cela, « cauchemar
960 ique à la thèse hégélienne : tout ce qui est réel est rationnel. Et qu’ils dénomment, à cause de cela, « cauchemars », les
961 à explosion dans les mégalopolis de l’an 2000, ne sont pas plus « débrayés » de l’évolution historique que le sociologue d’a
962 randes ou petites inventions dans tous les ordres sont nées de rêves, et l’examen des rêves comme des tendances religieuses
963 t chiffrer. 4. Ceux qui prévoient l’an 2000 ne sont pas ceux qui le vivront « Vous dites : Où vas-tu ? Je l’ignore et
964 t j’y vais », osait écrire Victor Hugo. Voilà qui est beaucoup plus sensé qu’il n’y paraît à première vue. Car si je savais
965 is : car ce « là-bas » ne m’attend pas tel que je suis . Imaginer l’avenir est faux et dangereux dans la mesure même où c’est
966 e m’attend pas tel que je suis. Imaginer l’avenir est faux et dangereux dans la mesure même où c’est « matériellement exact
967 r nous nous y voyons en imagination tels que nous sommes aujourd’hui et c’est en tant que tels que nous jugeons « insupportabl
968 eux qui la vivront — même si c’est nous encore, —  seront différents : ils la supporteront très bien, ou seront déjà blasés, oc
969 nt différents : ils la supporteront très bien, ou seront déjà blasés, occupés par des besoins et des soucis nouveaux. Il faudr
970 rs types d’évolutions psychologiques d’ici là. Il est certain que la prise de conscience progressive de la nature de cet av
971 enir aujourd’hui comme nous le sentirons quand il sera présent ; — si l’évolution même de nos manières de pressentir l’aveni
972 vions évaluer ces modifications ; — bref, si nous étions en mesure de prévoir à la fois l’avenir, nous-mêmes en lui, ses modif
973 ticipation du citoyen au management de la cité ne seront pas les mêmes, d’ici là, aux États-Unis, en URSS, en Europe, dans le
974 le tiers-monde. Les situations de départ en 1970 sont différentes, comme le seront sur les divers continents les évolutions
975 ions de départ en 1970 sont différentes, comme le seront sur les divers continents les évolutions démographiques, l’efficacité
976 nt les situations de départ (traditions incluses) soient comparables et les rythmes de croissance démographique, urbanistique,
977 nt, la prévision n’aurait pas de sens ; si rien n’ était variable, le besoin de prévision serait nul. Par rapport à la partici
978 si rien n’était variable, le besoin de prévision serait nul. Par rapport à la participation sociale, civique et politique, qu
979 civique et politique, quelques invariants doivent être reconnus, au titre de contraintes pour l’imagination, mais aussi de r
980 des moyens individuels de communiquer à distance sera accrue aux dimensions de la planète. 2. Vie personnelle et sociabi
981 ouble emploi permanent de l’homme occidental doit être considéré comme une contrainte primordiale pour tous les plans d’habi
982 t du cadre Un autre besoin qui paraît constant est celui de l’agrément du cadre : « Que l’on vive en 1768 ou en 1968, un
983 promenade plaisante, un beau lieu de réunion, ne sont guère différents… Les hommes n’ont pas tant changé10. » D’où l’idée d
984 a Maison-Blanche du 8 février 1965. Mais ce droit est en fait constamment menacé ou lésé par un autre invariant humain, l’é
985 es ou encombrements de toute nature dont la cause est souvent l’absence de courtoisie ; et dans les campagnes, en contribua
986 tude qui mine les bases mêmes du civisme quel que soit le régime. 4. Spécificité du comportement civique Or, s’il est
987 . Spécificité du comportement civique Or, s’il est vrai que cet égoïsme, cet incivisme (souvent déguisé en individualism
988 la faible participation aux « votations », n’ont été modifiés ni par les changements qualitatifs et quantitatifs de la com
989 tonomies. Mais des observations analogues peuvent être faites à l’échelle européenne, quant aux comportements civiques des F
990 minimiser parfois, le domaine des variables, qui est en revanche celui de la stratégie et de ses efforts d’optimation. Les
991 ation sociale, civique et politique me paraissent être la dimension dans l’habitat ou le cadre urbain, le niveau de décision
992 n ou square, dérivés de l’agora et du forum — ont été le lieu politique par excellence —, le Sénat et le Parlement n’étant
993 ique par excellence —, le Sénat et le Parlement n’ étant qu’une dépendance ou délégation du forum. Là s’exerçait au maximum la
994 aste ne peut plus s’assembler pour discuter, s’il est ensuite chassé de la rue par les autos et perd les occasions quotidie
995 atiquement anonymes, et que des élus transitoires sont censés diriger et orienter, mais qu’ils se bornent en fait à « couvri
996 pluraliste, fédéraliste, les niveaux de décision sont déterminés par la correspondance entre les dimensions des communautés
997 nal, ou continental, ou mondial. Ces possibilités sont d’autant plus nombreuses, plus directes et mieux garanties dans chaqu
998 aque domaine d’activité que le niveau de décision est plus proche des cellules de base ; mais d’autant plus rares, plus dél
999 uées et plus aléatoires que le niveau de décision est plus éloigné — ce qu’il est au maximum dans les régimes stato-nationa
1000 le niveau de décision est plus éloigné — ce qu’il est au maximum dans les régimes stato-nationaux centralisés, dont le modè
1001 gimes stato-nationaux centralisés, dont le modèle fut l’œuvre de Napoléon s’inspirant des principes jacobins. La centralisa
1002 ilités de participation du citoyen : au mieux, il est appelé à voter tous les quatre ou sept ans pour un candidat à la prés
1003 e du modèle napoléonien), la participation active est nulle, la participation passive, obligatoire et universelle, est donc
1004 articipation passive, obligatoire et universelle, est donc totale. Les limites extrêmes de la participation sont ici représ
1005 totale. Les limites extrêmes de la participation sont ici représentées par la distribution pluraliste des pouvoirs à des ni
1006 mation. a) L’information sur les problèmes locaux étant la plus dense et détaillée, la participation aux décisions locales es
1007 détaillée, la participation aux décisions locales est la plus efficace et universelle. À mesure qu’on s’élève dans l’échell
1008 éléguée. Au niveau des tâches continentales (qui est aujourd’hui celui des recherches nucléaires et spatiales, des transpo
1009 de au tiers-monde), une information générale peut être diffusée et assimilée sans trop de peine par l’école, la presse et le
1010 e fonction de mise en forme, analogue à celle qui est assurée d’ores et déjà auprès des responsables de la politique améric
1011 b) L’information (dont l’enseignement scolaire n’ est qu’un chapitre) aura des actions très différentes selon que, par une
1012 oi) pour traiter un problème public sur lequel il est appelé à se prononcer. Dans le second cas, l’information, loin de che
1013 pas encore atteint le stade réflexif-critique, n’ est pas une atteinte à la liberté de jugement mais une empreinte dont le
1014 de lésion infligées à la faculté de participation sont guérissables. Il suffit que l’homme « se reprenne », compare les prom
1015 tés et déclare à ses risques et périls : « Le Roi est nu. » Il n’en va plus de même lorsque l’information s’adresse à l’inc
1016 ples du jeu dont nous venons de poser les règles. Étant bien entendu qu’il ne s’agit encore que d’essais de vérifier quelques
1017 notre alternative, l’Europe, autour de l’an 2000, est restée — ou est revenue, après l’échec des mouvements d’union — au st
1018 e, l’Europe, autour de l’an 2000, est restée — ou est revenue, après l’échec des mouvements d’union — au stade des États-na
1019 les légistes de Philippe le Bel, vers 1300. Qu’en est -il alors de la fameuse prophétie de Proudhon : « Le xxe siècle ouvri
1020 mille ans » ? C’est la seconde proposition qui a été retenue par l’histoire. Peut-on décrire alors le « purgatoire » europ
1021 être une tâche impossible, au surplus vaine, s’il est vain de s’interroger sur les remèdes aux maladies dont sera menacé ap
1022 de s’interroger sur les remèdes aux maladies dont sera menacé après 2000 un homme né avant 1900. La persistance des États-na
1023 sommerait la double satellisation, par l’URSS à l’ Est et en Méditerranée, par les USA à l’Ouest et au Nord. La participatio
1024 La participation civique et politique ne saurait être alors que minimale ou nulle, tout étant dirigé, programmé ou inspiré
1025 ne saurait être alors que minimale ou nulle, tout étant dirigé, programmé ou inspiré de l’extérieur : rythmes de production,
1026 ion. Il importe peu de savoir si l’agent dominant est alors l’État national, le Parti qui l’utilise (« marxiste » ou « fasc
1027 versel et omniscient ; dans tous ces cas, l’agent est en mesure de « sonder les reins et les cœurs », d’enregistrer non seu
1028 e nouvelles castes. Et l’on peut avancer que 1984 serait le résultat nécessaire de l’incapacité de « faire l’Europe » à cette
1029 des conditionnés. La classe informée (ou active) est naturellement dirigeante. La classe pseudo-informée (ou passive) se t
1030 ofit de l’économie américaine, et dans celle de l’ est au profit des maîtres et manipulateurs de l’idéologie communiste. Cet
1031 à ébranler le système. Cependant, elle ne saurait être qu’une image-limite, irréalisable à l’état pur, car non seulement « l
1032 sable à l’état pur, car non seulement « le pire n’ est pas toujours sûr », mais encore et surtout, le pire se limite par ses
1033 le précisément que l’État-nation excluait, et qui est à la fois régionale et continentale. L’État-nation était trop grand p
1034 la fois régionale et continentale. L’État-nation était trop grand pour animer l’existence économique, sociale et culturelle
1035 es régions seules peuvent le faire. L’État-nation était trop petit pour jouer un rôle à l’échelle mondiale : la fédération eu
1036 unautés réelles Les dimensions des communautés sont de deux sortes, que Rousseau dénommait « nombre du peuple » et « éten
1037 erté diminue », tandis que « le gouvernement doit être plus fort à mesure que le peuple est plus nombreux » et qu’en revanch
1038 nement doit être plus fort à mesure que le peuple est plus nombreux » et qu’en revanche « plus les magistrats sont nombreux
1039 ombreux » et qu’en revanche « plus les magistrats sont nombreux, plus le gouvernement est faible ». Ou encore : « le plus ac
1040 es magistrats sont nombreux, plus le gouvernement est faible ». Ou encore : « le plus actif des gouvernements est celui d’u
1041  ». Ou encore : « le plus actif des gouvernements est celui d’un seul », « le nombre des chefs diminue en raison de l’augme
1042 : « si […] le nombre des magistrats suprêmes doit être en raison inverse de celui des citoyens, il s’ensuit qu’en général le
1043 onvient aux petits États », à ceux où « le peuple est facile à rassembler » (Contrat social, III, 1 à 3). Rousseau en vient
1044 r rotation) que de citoyens : plus une communauté est petite, plus le gouvernement peut y être démocratique ; plus un État
1045 ommunauté est petite, plus le gouvernement peut y être démocratique ; plus un État est populeux et étendu, et plus le pouvoi
1046 vernement peut y être démocratique ; plus un État est populeux et étendu, et plus le pouvoir doit être concentré. (À la lim
1047 t est populeux et étendu, et plus le pouvoir doit être concentré. (À la limite, il faudra donc un dictateur.) De là le conse
1048 suppression !) à des niveaux de décision où il ne soit plus seulement contrôleur mais surtout contrôlable par des citoyens i
1049 tes pour qu’en leur sein la participation civique soit aussi directe et aussi fréquente que possible. Or la recréation de la
1050 vitas, de la cité libre ou universitas médiévale) est essentiellement une question d’urbanisme. Elle dépend des possibilité
1051 nes de la polis, du village ou du bourg médiéval, soit des unités d’habitation (quartiers, cités-satellites, ou villes neuve
1052 a mesure d’une vie civique rénovée semble pouvoir être résolu en théorie dès les années 1980. Mais la société de l’an 2000 n
1053 es années 1980. Mais la société de l’an 2000 n’en sera pas moins compromise par la survivance encombrante de quartiers de vi
1054 à l’échelle du continent, ou fédérations. Car il est évident qu’un certain nombre d’activités indispensables à la vitalité
1055 tion civique (communes et entreprises) ne peuvent être exercées qu’à l’échelle d’une fédération continentale. Citons au nomb
1056 compétences et les capacités des régions devront être assumés par des agences fédérales, informées par leurs relais régiona
1057 oriquement permettre un maximum de participation. Est -ce à dire que le système décrit représente un modèle satisfaisant d’h
1058 que j’aie des doutes sur la valeur du modèle — il est le meilleur que je puisse imaginer — mais du fait même qu’il aura pou
1059 in type d’équilibre ou de stabilité. Disons qu’il est méthode d’invention permanente et non pas utopie à joindre un jour. C
1060 liberté, tandis que l’utopie prise pour programme est une fuite devant le réel, devant les risques de la liberté, donc deva
1061 berté elle-même. Un jeu parfait de notre modèle n’ est pas souhaitable, car il rendrait la participation inévitable, obligat
1062 sans « reste » d’anarchie. On sent bien que cela serait en contradiction réelle avec la liberté, qui est le ressort du jeu en
1063 rait en contradiction réelle avec la liberté, qui est le ressort du jeu en même temps que son but, puisqu’elle nourrit les
1064 pation authentique.) Au surplus, un jeu parfait n’ est possible que s’il est limité dans le temps, terminé par une fin autom
1065 u surplus, un jeu parfait n’est possible que s’il est limité dans le temps, terminé par une fin automatique ou convenue, ce
1066 iné par une fin automatique ou convenue, ce qui n’ est pas le cas dans la cité envisagée : ses éléments ne sont pas des pion
1067 s le cas dans la cité envisagée : ses éléments ne sont pas des pions solides en nombre déterminé mais des flux, des couples
1068 s, de déséquilibres, de conflits, dont on ne peut être sûr qu’ils finiront « bien », mais dont il est certain qu’ils perdrai
1069 t être sûr qu’ils finiront « bien », mais dont il est certain qu’ils perdraient toute vertu créatrice s’ils pouvaient être
1070 perdraient toute vertu créatrice s’ils pouvaient être « réglés » ou « contrôlés » d’avance par un programme. B. Difficu
1071 l’avons vu, des conditions précises, dont nulle n’ est suffisante, mais qui sont toutes nécessaires : 1. Information des cit
1072 s précises, dont nulle n’est suffisante, mais qui sont toutes nécessaires : 1. Information des citoyens (enseignement à tous
1073 ation, directe, visible et tangible dans la polis est fournie désormais au plus grand nombre par une école améliorée, plus
1074 roître entre les deux clientèles de l’information est devenu tel que l’on doit parler de deux classes divisant la société e
1075 ditionnées, donc asservies. Les uns et les autres sont fiers de leur supériorité, soit qualitative (opérationnelle), soit qu
1076 uns et les autres sont fiers de leur supériorité, soit qualitative (opérationnelle), soit quantitative (fonctionnelle) ; soi
1077 r supériorité, soit qualitative (opérationnelle), soit quantitative (fonctionnelle) ; soit s’autorisant d’un « gay savoir »
1078 rationnelle), soit quantitative (fonctionnelle) ; soit s’autorisant d’un « gay savoir » nietzschéen et de ses perpétuelles r
1079 estion plus ou moins inactuelles et arbitraires ; soit se fondant sur des évidences tenues pour scientifiques, indiscutables
1080 (Le pluralisme, le goût de différer et de refuser sont en effet les attributs des seules élites. Le passage de la masse aux
1081 La discussion publique La discussion publique était , en Grèce antique, l’affaire de l’ensemble des citoyens (environ le d
1082 e et à trancher par un vote. Ce type d’assemblée est devenu impraticable et impensable (sauf dans de très petits cantons s
1083 cité, dont Aristote pensait que l’étendue devait être mesurée par la portée de la voix d’un homme criant sur l’agora, devie
1084 à l’humanité, c’est-à-dire globale. Si la commune est l’aire où ma voix peut se faire entendre, alors « le monde est ma com
1085 ma voix peut se faire entendre, alors « le monde est ma commune » peut dire l’homme de la fin de ce siècle. Pour Teilhard
1086 e homme moderne, par certaines de ses dimensions, est global. La question demeure, évidemment, de savoir quelles voix peuve
1087 , on vérifie que plus les moyens de communication sont puissants, moins sont nombreux ceux qui peuvent les utiliser. À la li
1088 les moyens de communication sont puissants, moins sont nombreux ceux qui peuvent les utiliser. À la limite, un seul, qui est
1089 i peuvent les utiliser. À la limite, un seul, qui est le chef de l’État, peut aujourd’hui se faire entendre de tous. Cepend
1090 s le fait que les assemblées civiques pourront se tenir , sans que les citoyens se déplacent, sur une agora composée à distanc
1091 es apartés entre deux travées… Mais les avantages seront certains : les économies de temps, d’argent et d’énergie procurées pa
1092 n’auront pas les mêmes aires de rayonnement et ne seront donc ni superposables ni juxtaposables ; ce qui entraînera une plural
1093 s d’action civique Les unités d’action civique sont aujourd’hui les communes ; les départements, ou cantons, ou provinces
1094 la fois trop grands et trop petits, leur procès n’ est plus à faire : le verdict a été prononcé à deux reprises par l’histoi
1095 ts, leur procès n’est plus à faire : le verdict a été prononcé à deux reprises par l’histoire du xxe siècle, en 1914 et en
1096 s de deux ou trois décennies, au terme duquel ils seront pratiquement tombés en désuétude. La disparition progressive des fro
1097 ure de l’Église. Notons que ni l’un ni l’autre ne sont délimités ou définis par une frontière. L’un et l’autre rayonnent, lo
1098 ent civique Participer suppose agir. Or « nous sommes en train de devenir une race de spectateurs et non plus d’hommes d’ac
1099 divers sens du verbe participer, et que certains sont actifs, mais d’autres passifs, tels les « sportifs » du dimanche, qui
1100 lus de possibilités d’agir sur la cité (même sans être là, physiquement, nous venons de le voir) et d’agir en connaissance d
1101 férence entre participants actifs et passifs n’en sera que plus marquée, sinon plus sensible : car la plupart des hommes s’i
1102 ce qu’ils n’ont fait que voir, et se vantent de s’ être « engagés » quand ils n’ont qu’assisté en faisant un peu de bruit. No
1103 rice des préjugés « progressistes » d’hier. Il n’ est pas sans intérêt de relever ici que ma description des passifs et des
1104 rsonnelle L’un des paradoxes de l’ère actuelle tient à ce que nos possibilités de déplacement s’accroissent en même temps
1105 arlé tout à l’heure des conseils d’administration tenus en vidéophonie, et de la possibilité d’étendre à bien d’autres consei
1106 tous ces cas, inutile de se déplacer si l’on peut être utilement présent par d’autres moyens. L’obligation de nous déplacer
1107 ur notre voix et notre vue, — quelle différence ? Serons -nous moins « présents » à 5000 kilomètres en vidéophone que dans l’éc
1108 vie des affaires et les échanges personnels ? Il est possible — et pour ma part j’y crois, sans rien pouvoir prouver — que
1109 elles, ou interraciales. Ces effets ne pourraient être mesurés que sur la base de statistiques qu’il reste encore à imaginer
1110 e à homme », le « contact physique », et ceux qui seront traités comme étant à toutes fins utiles indépendants d’un territoire
1111 tact physique », et ceux qui seront traités comme étant à toutes fins utiles indépendants d’un territoire défini ou de l’immé
1112 Notons ici que l’expression « contact physique » est sans doute impropre. Car la perception d’une image ou d’un son, à que
1113 d’une image ou d’un son, à quelque distance qu’en soit la source, implique toujours un contact proprement physique. La diffé
1114 ommes « en chair et en os », c’est que le premier est sélectif, le second pouvant être « global ». 6. Objectifs communs
1115 st que le premier est sélectif, le second pouvant être « global ». 6. Objectifs communs pour les activités civiques et po
1116 ture des tâches communes qu’une cité ou un groupe tiennent pour politiques. Dans un État-nation centralisé d’aujourd’hui, la par
1117 ivité, la non-participation aux mesures publiques est de règle pour le plus grand nombre. En revanche, dans une société tel
1118 visager possible aux environs de l’an 2000 (si ce sont les seconds termes de notre série d’alternatives qui se réalisent d’i
1119 ves aux cadres de la vie : a) l’urbanisme ne peut être laissé ni aux architectes, ni aux ingénieurs, et encore moins aux spé
1120 ’on se fait de l’homme pour qui maisons et villes sont bâties, ou au contraire que l’on entend utiliser à titre d’acheteur,
1121 itecture ; b) l’aménagement des campagnes ne peut être laissé ni aux maires, ni aux entrepreneurs, ni aux industriels, et en
1122 ental de l’homme : solitude-société, et doit donc être surveillée, équilibrée, normalisée avec un maximum de précautions sen
1123 ersonne. L’identité et l’autonomie de la personne sont en butte à des menaces de tous ordres : pharmacopée, conditionnement
1124 ce « domaine réservé » de chaque citoyen doivent être discutées et faire l’objet de choix mûris en connaissance de cause. C
1125 ivants entre l’homme, ses créations et la nature, soit le terme qui résume désormais civisme, politique et sagesse sociale.
1126 stion de savoir si l’obsession productiviste peut être contrôlée avant qu’elle ait infligé des dommages irréversibles à la b
1127 infligé des dommages irréversibles à la biosphère sera nécessairement tranchée dans les deux décennies à venir. Si c’est au
1128 e participation gardent tout leur intérêt. Car il est évident qu’une attitude humaine arrogante à l’égard de la nature, inc
1129 tière » dont parle saint Paul, une telle attitude est également ruineuse des fondements mêmes de toute société politique. C
1130 revendiquer, ce droit suprême de la personne qui est le droit à l’inadaptation. S’il est vrai que la participation obligat
1131 personne qui est le droit à l’inadaptation. S’il est vrai que la participation obligatoire est la négation même du civisme
1132 n. S’il est vrai que la participation obligatoire est la négation même du civisme, il en découle que la reconnaissance du d
1133 droit à l’objection sociale, civique et politique est la condition même de toute participation authentique, c’est-à-dire li
1134 re et, dans cette mesure même, responsable. Il en est par exemple ainsi de l’objection au dogme du travail : voir Le Droit
1135 oir Le Droit à la paresse, par Paul Lafargue, qui était le gendre de Marx, et de l’objection civique et politique : les hippi
1136 jection civique et politique : les hippies. Ce ne sont là que deux exemples pris au passé récent mais il est clair que, d’ic
1137 là que deux exemples pris au passé récent mais il est clair que, d’ici l’an 2000, bien d’autres surgiront, dont nous n’avon
1138 de refus des nécessités, de défi au destin, doit être à tout prix préservée. Elle est le signe d’une ouverture de l’homme a
1139 au destin, doit être à tout prix préservée. Elle est le signe d’une ouverture de l’homme au transcendant, à ce qui peut en
1140 ’est lui qui empêchera nos systèmes, quels qu’ils soient , de devenir totalitaires, c’est-à-dire de trop bien réussir. Le nouve
1141 s de l’élite intellectuelle et spirituelle qui ne sont possesseurs ni de biens, ni de pouvoirs officiels, des Inadaptés fonc
27 1972, Articles divers (1970-1973). L’ingénieur dans la cité (1971-1972)
1142 squ’il atteint l’âge des études. Cette question n’ est devenue générale, et anxieuse, qu’au xxe siècle. Autrefois, le fils
1143 par l’exemple de Nietzsche. Aujourd’hui que tout est possible, ouvert à tous, et non déterminé par les coutumes, choisir u
1144 ntestataires ou non, d’ailleurs. Autrefois, tout était tracé d’avance. Hier, un nouveau déterminisme commençait à se dessine
1145 nération me paraissent avoir choisi le métier qui était à la fois le moins éloigné de leurs goûts (dans la mesure où ils avai
1146 adjectif. Aujourd’hui, quelque chose de nouveau s’ est produit. Au lieu des traditions remontant au Moyen Âge, au lieu des g
1147 ciété. Prenons l’exemple de l’ingénieur. Hier, il était ingénieur pour produire, pour bâtir et organiser, pour dominer la nat
1148 e pillage. Et l’idée se fait jour en lui que ce n’ est plus aux seuls « besoins de l’économie » qu’il s’agit désormais de ré
1149 omie » qu’il s’agit désormais de répondre (ils ne sont trop souvent que le profit des firmes et le dividende de leurs action
1150 l’essor industriel et l’urbanisation sauvage qui sont en train de bouleverser les équilibres écologiques du continent europ
1151 des airs qui l’entourent. Par un juste retour, n’ est -ce point aux scientifiques, aux techniciens, aux urbanistes qu’il inc
1152 trouver d’urgence les moyens de restaurer ce qui fut compromis par le génie civil et militaire, les moyens de prévenir les
1153 re le reste, au technicien du seul rendement (qui est en fin de compte la rentabilité), nous pouvons et nous devons opposer
1154 nce autant que pour la société. Car notre science est née de la culture, et doit sans cesse s’y replonger pour mieux créer.
1155 e s’y replonger pour mieux créer. Notre technique est née des « folles » spéculations de moines, de mages, de « mèges » et
1156 enteur de la brouette et de la machine à calculer est aussi l’auteur des Pensées. On l’a bien dit (en Amérique) : la tour d
1157 ’a bien dit (en Amérique) : la tour d’ivoire peut être , et a parfois été, le bâtiment le plus productif de la Place du March
1158 rique) : la tour d’ivoire peut être, et a parfois été , le bâtiment le plus productif de la Place du Marché. Nouveau pacte e
1159 olution au troisième tiers du xxe siècle. Elle n’ est pas idéologique. C’est une opération de sauvetage de la Terre. Tout v
1160 combiner sa rigueur avec les exigences de l’art d’ être homme et celles de la santé du corps social : problèmes très neufs po
28 1972, Articles divers (1970-1973). Forteresse au centre de l’Europe : la Suisse (1972)
1161 nt, touchés par le soleil rasant. Ah ! ce ne peut être que l’Europe ! Ces champs morcelés et striés dans tous les sens, et c
1162 gement irriguée et de très dense habitation, ce n’ est pas l’Europe des confins dénudés et brûlés, rocailleux ou glaciaires.
1163 ols de mouettes, devant un monde où les lointains sont devenus immatériels. Les Alpes du Valais et de la Savoie pendent vert
1164 , comme des décors translucides. Mais tout ce qui est proche sur nos rives brille d’un vif éclat humide, repeint à neuf pen
1165 go), mais pas du tout aux statistiques. La Suisse est l’une des régions de la Terre le plus intensément industrialisées, et
1166 ne longue usine blanche et vitrée, là où jadis se fût abrité un couvent. Seuls les arbres nous cachent encore la ville uniq
1167 et du Valais, et vous découvrirez que leur plan s’ est développé soit à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’un
1168 et vous découvrirez que leur plan s’est développé soit à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’une place princip
1169 eloppé soit à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’une place principale. Quand le château forme le centre, il s
1170 au xiiie siècle. Parfois les deux structures se sont juxtaposées. Le mouvement libertaire des communes ayant pris le pouvo
1171 du château dans la plaine, du burg où le seigneur tenait sa cour au bourg (ou borgho) des bourgeois, qui tiennent conseil sur
1172 t sa cour au bourg (ou borgho) des bourgeois, qui tiennent conseil sur la Place. Cette Place, qui définit toute vraie commune, o
1173 et citadins, producteurs et consommateurs. Telle étant l’architecture de la cité qui a permis la démocratie, on voit que cet
1174 voitures et qui assure les fonctions de l’agora, sont des anti-communautés, entassements de solitaires anxieux et mornes, c
1175 uand les hommes pouvaient se rencontrer. Or, il n’ est pas de pays au monde que le gigantisme humain menace dans ses fondeme
1176 lus que la Suisse. Car la Suisse tire sa raison d’ être et les conditions mêmes de ses libertés des petites dimensions du pay
1177 s. Les sociologues les plus avancés d’aujourd’hui sont en bonne voie de redécouvrir les vertus des groupements restreints, à
1178 es groupements restreints, à l’heure où la Suisse est tentée de les oublier et de trahir ainsi ses origines. La Suisse est
1179 ublier et de trahir ainsi ses origines. La Suisse est née de la fédération de trois « communes forestières » ou Waldstätten
1180 moitiés du Saint-Empire. Les communes forestières furent déclarées « immédiates à l’Empire », c’est-à-dire libérées du pouvoir
1181 pouvoir des seigneurs voisins, dont les Habsbourg étaient les plus gênants. La Suisse est née du Gothard, cœur des Alpes et châ
1182 les Habsbourg étaient les plus gênants. La Suisse est née du Gothard, cœur des Alpes et château d’eau de l’Europe médiane.
1183 Alpes et château d’eau de l’Europe médiane. Elle est née des communes rurales qui formaient la grand-garde du col. Et ce s
1184 urales qui formaient la grand-garde du col. Et ce sont les greffiers des villes lombardes, traversant le col à dos de mulet,
1185 rs pactes en beau latin. La vocation de la Suisse est de revaloriser ce qui est petit contre le gigantisme, sauvant ainsi s
1186 a vocation de la Suisse est de revaloriser ce qui est petit contre le gigantisme, sauvant ainsi son âme et ses paysages, en
29 1972, Articles divers (1970-1973). Au centre du monde, Lavaux (1972)
1187 e du monde, Lavaux (1972)aj Le centre du monde est partout, la théorie de la relativité l’a démontré. Mais, que le centr
1188 a vivez « comme on respire », ou c’est que vous n’ êtes jamais vraiment venu, n’avez jamais existé dans ce lieu. Tout ce qui
1189 ortance rapidement fabuleuse, et passionnelle. Il est difficile d’en parler, fût-ce à sa louange éperdue, sans provoquer l’
1190 e, et passionnelle. Il est difficile d’en parler, fût -ce à sa louange éperdue, sans provoquer l’éclat soudain, parfois voci
1191 onscience que donne l’indignation active. Lavaux est beaucoup plus défiguré que les autres vignobles de La Côte, de Begnin
1192 ct avec la nature, et ce contact pour lui vital s’ est révélé mortel pour la nature. C’est l’histoire d’un amour fatal : dès
1193 la plupart n’osant aimer que ce qui par d’autres est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu’ils partagent. Ce pays
1194 les amours qu’ils partagent. Ce paysage sublime est un pays réel, peuplé de vignerons et d’artisans, de petits commerçant
1195 tendent à détruire les raisons de vivre. Mais que tient -on pour nécessaire ? Les maxima contradictoires, toujours à l’œuvre d
1196 res, toujours à l’œuvre dans toute chose humaine, sont ici comme ailleurs la qualité de la vie et les conditions de vie quan
1197 vine — une lumière neutre comme les dieux, qui ne sont de gauche ni de droite, mais toujours d’en haut, rayonnants. Il y a
1198 t vivant, c’est-à-dire changeant selon sa loi. Il est d’autres centres du monde où les problèmes de la survie d’un lieu sub
1199 ime se posent en des termes semblables. Ainsi, qu’ est -ce que sauver Venise ? Non pas offrir des étages de palais sur le Gra
1200 nd Canal à des riches. Il faut d’abord que Venise soit peuplée, animée, habitée par des gens du pays. Et qu’ils y trouvent u
1201 foi, mais chacun sait que la foi sans les œuvres est morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de moins que la prédominance acc
1202 ns héroïsme.   Si Lavaux doit faire son salut, ce sera par la grâce de quelques fous associant leur foi poétique aux calculs
1203 que aux calculs des vrais réalistes — lesquels ne sont nullement ceux qui pensent court et bas et nous jettent dans la pollu
30 1972, Articles divers (1970-1973). Le sort de l’an 2000 se joue dans nos écoles (mars 1972)
1204 résent : restaurer l’économie du continent. Et ce fut la période des organisations intergouvernementales : plan Marshall, O
1205 ilisation post-industrielle équilibrée, voilà qui sera déterminé, en bonne partie, d’une manière largement irréversible, par
1206 Le sort de l’an 2000 se joue maintenant Il est clair, en effet, que les maisons que nous bâtissons, les plans d’urba
1207 des pans de désert rongés pendant des siècles (il serait beaucoup trop cher de les raser, presque impossible d’effacer leurs t
1208 qui dépend de l’éducation. L’Europe de l’an 2000 sera gérée soit par les Européens qui ont aujourd’hui de dix à vingt ans,
1209 de l’éducation. L’Europe de l’an 2000 sera gérée soit par les Européens qui ont aujourd’hui de dix à vingt ans, et qui sont
1210 ns qui ont aujourd’hui de dix à vingt ans, et qui sont les élèves de nos écoles, soit par une commission américaine (selon l
1211 vingt ans, et qui sont les élèves de nos écoles, soit par une commission américaine (selon la prévision de Valéry)12, soit
1212 sion américaine (selon la prévision de Valéry)12, soit par des commissaires soviétiques, ou par quelque combinaison des deux
1213 ou par quelque combinaison des deux. Si l’Europe est gérée par les Européens, c’est qu’elle aura réussi son union ; car au
1214 ais pour qu’elle réussisse son union, qui ne peut être que fédérale, il faut que les jeunes Européens soient élevés dès main
1215 re que fédérale, il faut que les jeunes Européens soient élevés dès maintenant dans un climat mental, psychologique et affecti
1216 l’économie, de la sociologie et du civisme) primo est fausse, contraire aux faits les plus patents, et secundo rend impossi
1217 n Si donc l’on veut que l’Europe de l’an 2000 soit gérée par les Européens, c’est-à-dire ait fait son union, il faut que
1218 l’École cesse d’enseigner que les seules réalités sont les États-nations, car ceux-ci par principe s’opposent à toute espèce
1219 e cesse d’enseigner que la souveraineté nationale est un absolu religieux, le seul que l’on vénère encore et que les Pouvoi
1220 encore et que les Pouvoirs de l’Ouest comme de l’ Est invoquent comme le suprême recours contre les mesures d’union que tou
1221 pelle. Il faut que l’horizon de l’enseignement ne soit plus la nation et ses mythes orgueilleux, mais la région et ses réali
1222 ritable mutation de l’enseignement. Car nos États sont gouvernés aujourd’hui par les manuels qui ont formé nos chefs d’État.
1223 e la Volga, en tous points comparables à la Ruhr, est le cœur du bassin de l’industrie lourde de l’URSS.) J’ai mis deux de
1224 . Mais comment devenir citoyen d’un pays qui n’en est pas un, puisqu’il n’a pas encore de politique commune et d’organes go
1225 oyen pratique pour sortir de ce cercle vicieux ne serait -il pas de s’appuyer sur quelque chose qui existe déjà bel et bien et
1226 on civique, un angle de vision européen : telle a été dès l’origine l’idée directrice de la Campagne d’éducation civique eu
1227 tifier les résultats d’une action éducative ? Ils sont par nature diffus, et visent à la fois le court terme des examens, le
1228 lle mesure exacte les enseignants de nos pays ont été réellement touchés par la Campagne, c’est-à-dire ont orienté leur ens
1229 sessions nationales de formation pour enseignants sont organisées par le ministère belge de l’Éducation et de la Culture ; —
1230 n 1965, un programme national d’éducation civique est élaboré dans une optique européenne ; — après le séminaire de Bruges,
1231 es stéréotypes nationaux, un centre de recherches est créé à l’Université de Gand, pour l’examen des manuels et les contact
1232 e petit staff, que les appuis financiers nous ont été plus chichement mesurés, comme on sait qu’il est de règle dans notre
1233 été plus chichement mesurés, comme on sait qu’il est de règle dans notre société « européenne » par antiphrase — en réalit
1234 es et leurs élèves avec une efficacité totale, ce serait encore dérisoirement insuffisant pour passer le seuil des résistances
1235 nants à vocation européenne dont la Campagne veut être l’expression commune et l’instrument. Il faudrait multiplier par dix,
1236 e, civique, professionnelle et personnelle. Ce ne sont pas nos États qui feront l’Europe, n’ont-ils pas prouvé depuis des si
1237 e, n’ont-ils pas prouvé depuis des siècles qu’ils étaient là pour l’empêcher de se faire ? Ce ne sont pas les grandes bureaucra
1238 ls étaient là pour l’empêcher de se faire ? Ce ne sont pas les grandes bureaucraties de Bruxelles, de Strasbourg, de Luxembo
1239 asbourg, de Luxembourg qui feront l’Europe — s’il est vrai qu’elles y contribuent avec une indéniable compétence dans leurs
1240 mpétence dans leurs domaines. C’est l’École et ce sont les enseignants dialoguant avec leurs élèves. Si l’on a compris cela,
1241 Campagne, et l’on fera ce qu’il faut pour qu’elle soit efficace. Pédagogie écologique, ou de l’utilité des catastrophes
1242 es catastrophes On nous dit que les esprits ne sont pas mûrs pour l’union des Européens. Quand le seront-ils jamais sans
1243 ont pas mûrs pour l’union des Européens. Quand le seront -ils jamais sans la préparation que, dans l’état actuel des choses, l’
1244 que, dans l’état actuel des choses, l’École seule est en mesure de leur donner ? Jusqu’ici, elle était censée, officielleme
1245 le est en mesure de leur donner ? Jusqu’ici, elle était censée, officiellement, préparer tout le contraire d’hommes libres, c
1246 e tribut de la survie de l’homme. L’écologie, qui est art et science des équilibres biologiques et dynamiques, va désormais
1247 umer toute la révolution que nous appelons, qui n’ est ni de gauche ni de droite, qui n’oppose au profit matériel que l’honn
1248 es forêts. 12. « L’Europe aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine », Regards sur le monde actue
31 1972, Articles divers (1970-1973). Autopsie d’un cas : Denis de Rougemont (15 mars 1972)
1249 s : Denis de Rougemont (15 mars 1972)ao ap Qui est Denis de Rougemont ? Quelle est son influence ? Quel fut l’itinéraire
1250 1972)ao ap Qui est Denis de Rougemont ? Quelle est son influence ? Quel fut l’itinéraire de cet homme depuis quarante an
1251 is de Rougemont ? Quelle est son influence ? Quel fut l’itinéraire de cet homme depuis quarante ans, itinéraire jalonné d’e
1252 ces, de livres denses, de préoccupations ? Quel a été le chemin de cet homme depuis la publication de L’Amour et l’Occident
1253 t l’Occident au début des années 1939, mais ce n’ était pas tombé du ciel. Je m’occupais de questions politiques depuis les a
1254 tions politiques depuis les années 1930, quand je suis arrivé à Paris et que j’ai tout de suite collaboré avec des groupes d
1255 Avec différentes nuances, naturellement, les uns étant catholiques, les autres nietzschéens. Mais, nous arrivions à nous ent
1256 chéens. Mais, nous arrivions à nous entendre. Qui étaient ces hommes ? Du côté d’ Esprit , il y avait Emmanuel Mounier, Georges
1257 ndieu, Alexandre Marc et Robert Aron. Moi-même, j’ étais à che­val sur les deux groupes. J’ai collaboré aux deux premiers numé
1258 part des autres numéros jusqu’à la guerre. Quelle était votre définition de la personne ? Ce que nous appelions personne, c’e
1259 ’est l’homme à la fois libre et responsable. Ce n’ était pas l’individu isolé. Ce n’était pas le soldat politique qu’on nous m
1260 esponsable. Ce n’était pas l’individu isolé. Ce n’ était pas le soldat politique qu’on nous montrait dans les pays totalitaire
1261 on nous montrait dans les pays totalitaires. Nous étions contre l’atomisation de la société capitaliste ; nous étions contre l
1262 re l’atomisation de la société capitaliste ; nous étions contre la collectivisation de la société, fasciste ou stalinienne. No
1263 tion de la société, fasciste ou stalinienne. Nous étions pour une troisième voie, qui était celle de la personne, des personne
1264 inienne. Nous étions pour une troisième voie, qui était celle de la personne, des personnes se manifestant dans des communaut
1265 lé et irresponsable/collectivité où tout le monde est réuni comme des grains de poussière dans le ciment — c’est avec la po
1266 treprises se liant par régions ou provinces. Vous étiez , à cette époque, les premiers à parler de fédéralisme et de régions ?
1267 res ou nationalistes locaux. Pour nous, la région était un des degrés de communauté dans lequel la personne peut s’enraciner
1268 la personne peut s’enraciner mais qui ne doit pas être fermé. Qui doit toujours être ouvert vers de plus grandes communautés
1269 ais qui ne doit pas être fermé. Qui doit toujours être ouvert vers de plus grandes communautés, jusqu’à former une communaut
1270 ses racines et participer librement. C’est-à-dire être à la fois libre et responsable, deux qualités que nous ne pouvions sé
1271 base de fédéralisme et de personnalisme, nous en sommes venus, les uns à faire des études plus spécialement économiques, d’au
1272 res sociologiques. Moi, je faisais des études qui étaient plus portées vers une sociologie de la culture ou de la morale. C’est
1273 insi que j’ai écrit un de mes premiers livres. Il est intitulé : Penser avec les mains 15 et il est, en somme, le premier
1274 l est intitulé : Penser avec les mains 15 et il est , en somme, le premier livre sur l’engagement de l’écrivain. Un terme
1275 ur l’engagement de l’écrivain. Un terme dont vous êtes le père ? On ne sait pas exactement qui l’a dit en premier, de Mounie
1276 e du clerc qui s’engage ». Et l’ensemble du livre est un appel à l’engagement des écrivains. Mais pas à l’embrigadement dan
1277 Il s’agissait d’assumer sa responsabilité, ce qui est exactement le contraire. Ensuite, par toutes sortes de raisons biogra
1278 par toutes sortes de raisons biographiques, j’ai été amené à m’intéresser beaucoup à l’opposition entre la passion et le m
1279 l’amour. La passion représentée par Tristan, qui est le grand mythe de la passion originelle en Occident. Et d’autre part,
1280 endra et qui ne la trouve pas. Ces préoccupations étaient -elles antérieures au mouvement personnaliste ? Non. Elles sont absolu
1281 térieures au mouvement personnaliste ? Non. Elles sont absolument simultanées. C’est une partie de la notion de la personne.
1282 sentimentale dans les rapports quotidiens, comme étant l’union de ces deux choses contraires, à mi-chemin entre ces deux myt
1283 tension. Alors, j’ai poussé plus loin. Quand j’ai été rappelé en Suisse par la mobilisation — j’étais officier, chargé des
1284 ’ai été rappelé en Suisse par la mobilisation — j’ étais officier, chargé des relations entre l’état-major, les troupes et le
1285 tre l’état-major, les troupes et le public — j’ai été amené à me poser un tas de questions sur la politique, sur la formule
1286 es, ce qui donnait le fédéralisme. Alors que vous êtes Suisse, le fédéralisme de votre pays semble être une découverte ? J’y
1287 êtes Suisse, le fédéralisme de votre pays semble être une découverte ? J’y pensais depuis longtemps mais je ne savais pas à
1288 . Bien qu’élevé en Suisse, effectivement, je ne m’ étais jamais intéressé à la vie politique du pays. Parce que vous avez beau
1289  ? J’ai vécu à Paris depuis l’âge de 25 ans. J’ai été ramené en Suisse par la mobilisation, en 1939 ; j’avais 33 ans. Puis,
1290 obilisation, en 1939 ; j’avais 33 ans. Puis, j’ai été envoyé aux États-Unis pour y faire des conférences sur le fédéralisme
1291 pour l’Exposition nationale de 1939 et qui avait été mise en musique par Arthur Honegger. Nous en avions tiré un oratorio1
1292 n oratorio16. La guerre m’a surpris là-bas et j’y suis resté six ans. Je ne suis rentré définitivement qu’en 1947. Aux États
1293 a surpris là-bas et j’y suis resté six ans. Je ne suis rentré définitivement qu’en 1947. Aux États-Unis, j’ai découvert l’Eu
1294 ropéens qui vivaient à New York pendant la guerre étaient des gens extraordinairement différents et qui ne se seraient peut-êtr
1295 s gens extraordinairement différents et qui ne se seraient peut-être jamais connus en France ou en Allemagne ou en Italie ou en
1296 ce ou en Allemagne ou en Italie ou en Angleterre. Étant là, réfugiés, ils se trouvaient mis en relation les uns avec les autr
1297 ation les uns avec les autres. C’est ainsi que je suis devenu ami d’André Breton et de tout le groupe des peintres surréalis
1298 tes. Breton me voyait tous les jours, parce qu’il était un des parleurs des textes que j’écrivais pour la voix de l’Amérique
1299 ant d’un pays neutre, j’ai pu faire la guerre, ne fût -ce que sur les ondes, en écrivant des textes d’émissions. Je suis don
1300 les ondes, en écrivant des textes d’émissions. Je suis donc rentré des États-Unis en 1947, en me disant ; je suis l’auteur d
1301 rentré des États-Unis en 1947, en me disant ; je suis l’auteur de la doctrine de l’engagement, je suis fédéraliste ; il s’a
1302 suis l’auteur de la doctrine de l’engagement, je suis fédéraliste ; il s’agit maintenant d’appliquer ces théories, de s’eng
1303 cause du fédéralisme européen. Le mot engagement était alors fort à la mode à Paris. Et tout le monde, je ne sais pas pourqu
1304 nant par les mémoires de Simone de Beauvoir, ne s’ était jamais intéressé le moins du monde à la politique avant 1943-1944. En
1305 monde à la politique avant 1943-1944. Enfin, il s’ est mis à parler d’engagement parce qu’il avait lu cela dans Esprit et
1306 es livres. Vous connaissiez Jean-Paul Sartre ? Il est venu me voir à New York en 1944 ou 1945, premier journaliste français
1307 onférences, il répétait tout le temps que l’homme est à la fois libre et responsable et que l’homme doit s’engager. Alors,
1308 il ne l’a jamais dit à personne d’autre… Mais il est bien évident que cette définition de l’homme et ce terme d’engagement
1309 isse. Que se passe-t-il ? Pendant la guerre, je m’ étais aperçu que ma doctrine du fédéralisme était illustrée par la pratique
1310 je m’étais aperçu que ma doctrine du fédéralisme était illustrée par la pratique suisse. Que j’avais apprise à l’école mais
1311 e n’avais jamais très bien comprise. Alors, je me suis dit que maintenant il fallait faire l’Europe. Qu’on ne pouvait unifie
1312 nvisagées devenaient plus vastes. Mon fédéralisme est basé, notamment, sur la loi de l’extension des tâches. Il faut partir
1313 vers des communautés de plus en plus grandes qui sont capables de résoudre ces problèmes de plus en plus grands. Ce qui peu
1314 ces problèmes de plus en plus grands. Ce qui peut être fait par la commune, doit l’être par la commune. Seules les tâches qu
1315 nds. Ce qui peut être fait par la commune, doit l’ être par la commune. Seules les tâches qui sont trop vastes pour être réal
1316 doit l’être par la commune. Seules les tâches qui sont trop vastes pour être réalisées par une commune, doivent l’être par u
1317 mune. Seules les tâches qui sont trop vastes pour être réalisées par une commune, doivent l’être par une région. Les tâches
1318 es pour être réalisées par une commune, doivent l’ être par une région. Les tâches trop grandes pour une région doivent être
1319 . Les tâches trop grandes pour une région doivent être assumées par une fédération. En fait, vous vouliez exporter le systèm
1320 que. Mais, voilà où les choses se compliquent, il est impossible de réaliser le fédéralisme dans un seul pays. La Suisse ne
1321 s rester un régime réellement fédéraliste si elle est seule, si elle est entourée d’États unitaires. Elle sera forcée de se
1322 réellement fédéraliste si elle est seule, si elle est entourée d’États unitaires. Elle sera forcée de se présenter à eux co
1323 ule, si elle est entourée d’États unitaires. Elle sera forcée de se présenter à eux comme un État unitaire et de se centrali
1324 qui résultent de l’évolution moderne. Vous vous êtes battu pour faire partager vos idées à propos du fédéralisme ? Dans qu
1325 uction sur le thème de l’attitude fédéraliste. Il est résulté de cette réunion de Montreux un projet de congrès qui devait
1326 on de Montreux un projet de congrès qui devait se tenir avec d’autres groupements qui n’étaient pas fédéralistes mais qui vou
1327 i devait se tenir avec d’autres groupements qui n’ étaient pas fédéralistes mais qui voulaient aussi l’Europe. Et nous nous somm
1328 s mais qui voulaient aussi l’Europe. Et nous nous sommes réunis, à La Haye, en 1948, sous la présidence de Churchill. Ce fut u
1329 aye, en 1948, sous la présidence de Churchill. Ce fut un très grand congrès qui, au fond, a tout créé. C’est le grand démar
1330 vives de toutes les nations ». Et là, nous avons été frustrés dès la réalisation de notre première ambition. Puisqu’il s’e
1331 alisation de notre première ambition. Puisqu’il s’ est avéré que le Conseil de l’Europe n’était pas du tout ce que nous voul
1332 uisqu’il s’est avéré que le Conseil de l’Europe n’ était pas du tout ce que nous voulions, n’était pas du tout la représentati
1333 urope n’était pas du tout ce que nous voulions, n’ était pas du tout la représentation des « forces vives de nos nations ». Il
1334 sentation des « forces vives de nos nations ». Il était uniquement formé de délégués des parlements et était purement consult
1335 it uniquement formé de délégués des parlements et était purement consultatif. Si bien que le Comité des ministres avait la ha
1336 l’idée de l’Europe. Nous avons, si je puis dire, été « refaits ». Parce que loin de faire une fédération, les gouvernement
1337 oin de faire une fédération, les gouvernements se sont entendus pour faire le moins possible en restant sur le plan des État
1338 nt sur l’obstacle par excellence à toute union qu’ est l’État-nation ? C’est une tâche absolument impossible que se sont ass
1339 on ? C’est une tâche absolument impossible que se sont assignée les États. Selon vous, l’Europe actuelle n’est qu’une juxtap
1340 signée les États. Selon vous, l’Europe actuelle n’ est qu’une juxtaposition d’États ? Moi, j’appelle cela l’amicale des misa
1341 il y a une amicale et les membres de l’amicale ne sont plus des misanthropes ; ou bien, ils restent des misanthropes et, par
1342 t la morale qui domine l’Europe des nations. Vous êtes déçu ? Non. Je ne suis pas déçu. Je n’y ai jamais cru. Je n’ai jamais
1343 l’Europe des nations. Vous êtes déçu ? Non. Je ne suis pas déçu. Je n’y ai jamais cru. Je n’ai jamais cru que cette Europe-l
1344 uent cet hommage que le vice rend à la vertu, qui est cette hypocrisie de l’union, plutôt que de se faire la guerre. Quel e
1345 e l’union, plutôt que de se faire la guerre. Quel est le lien entre votre doctrine du mariage et celle du fédéralisme ? Qu’
1346 doctrine du mariage et celle du fédéralisme ? Qu’ est -ce que le mariage ? C’est la coexistence de deux êtres qui, je l’ai d
1347 -ce que le mariage ? C’est la coexistence de deux êtres qui, je l’ai dit, ont chacun leurs lois, parfois antinomiques, et qui
1348 té, avec toutes les différences possibles, chacun étant complètement supérieur à l’autre. Je préfère dire que l’homme est sup
1349 supérieur à l’autre. Je préfère dire que l’homme est supérieur à la femme et la femme supérieure à l’homme. Plutôt que de
1350 e supérieure à l’homme. Plutôt que de dire qu’ils sont égaux parce que l’égalité évoque quelque chose qui anéantit la différ
1351 différence entre l’homme et la femme. Bref, deux êtres qui doivent subsister sans se confondre, sans se séparer, sans être s
1352 ubsister sans se confondre, sans se séparer, sans être subordonnés l’un à l’autre. Ça, c’est la formule de base de toute féd
1353 ule de base de toute fédération. Toute fédération est l’art de faire vivre ensemble des êtres apparemment antinomiques ; c’
1354 fédération est l’art de faire vivre ensemble des êtres apparemment antinomiques ; c’est l’art d’allier, par exemple, l’union
1355 dans l’histoire de la Suisse. Pourquoi ce pays s’ est -il fait ? La Suisse ne s’est pas faite pour créer une union plus fort
1356 . Pourquoi ce pays s’est-il fait ? La Suisse ne s’ est pas faite pour créer une union plus forte que les voisins. Elle s’est
1357 réer une union plus forte que les voisins. Elle s’ est fait uniquement pour maintenir les autonomies des parties constituant
1358 te, la force créée par l’union des Suisses devait être juste suffisante pour sauvegarder les différences et les autonomies d
1359 Comment peut-on définir une région ? Les régions sont définies par des problèmes qui sont extrêmement divers. Il y a en Eur
1360 ? Les régions sont définies par des problèmes qui sont extrêmement divers. Il y a en Europe une quantité de régions qui sont
1361 ers. Il y a en Europe une quantité de régions qui sont définies par des problèmes. Il y a, par exemple, une cinquantaine de
1362 gence fédérale européenne de l’écologie. Qui peut être placée n’importe où et donner des directives. En économie, vous avez
1363 ition que celui-ci reste dans ses compétences qui sont essentiellement économiques. À côté de cela, il y aurait une agence d
1364 d’œuvre. Puis vous avez une région écologique qui est beaucoup plus vaste puisqu’elle va jusqu’au milieu du Valais et qu’el
1365 autrement que pour des questions d’état civil. N’ est -ce pas une utopie ? L’utopie, ce n’est pas de vouloir définir les rég
1366 t civil. N’est-ce pas une utopie ? L’utopie, ce n’ est pas de vouloir définir les régions d’après les fonctions et de releve
1367 ains cas, les croyances politiques dès que l’État est quelque peu totalitaire, bref toutes choses qui sont hétérogènes. Trè
1368 t quelque peu totalitaire, bref toutes choses qui sont hétérogènes. Très souvent, les gens disent que mon modèle est folie p
1369 nes. Très souvent, les gens disent que mon modèle est folie pure. Que c’est une complication ce que je veux faire. Alors, v
1370 eux faire. Alors, voici mon exemple personnel. Je suis né à Neuchâtel qui, jusqu’en 1848, a été une principauté dont le prin
1371 nel. Je suis né à Neuchâtel qui, jusqu’en 1848, a été une principauté dont le prince était le roi de Prusse mais qui se gou
1372 squ’en 1848, a été une principauté dont le prince était le roi de Prusse mais qui se gouvernait avec des familles du lieu, do
1373 dont la mienne. Ce canton, différent des autres, est entré dans la Confédération. Donc, un citoyen de cette ancienne princ
1374 n. Donc, un citoyen de cette ancienne principauté est automatiquement Suisse. La Suisse est sa nation qui n’a pas les mêmes
1375 principauté est automatiquement Suisse. La Suisse est sa nation qui n’a pas les mêmes frontières ni les mêmes langues que l
1376 s ni les mêmes langues que le canton. De plus, je suis écrivain français. Donc, je fais partie de l’ensemble francophone qui
1377 un de nos États-nations actuels. D’autre part, je suis protestant. Voilà un autre ensemble auquel je me rattache qui ne corr
1378 une dizaine de sources différentes. Donc, rien n’ est plus simple. Au fond, nous vivons dans ce que j’appelle la pluralité
1379 ’utopie, c’est vouloir que toutes mes allégeances soient limitées par une même frontière. C’est ce qu’ont voulu tous les créat
1380 ment un peuple. Pour pouvoir faire la guerre, qui est la raison fondamentale, génétique des États-nations. Malheureusement,
1381 de la folie pure. Ils croient que l’État-nation a été créé par Dieu le septième jour de la création, que c’est le sommet de
1382 ope. Et il nous faut faire l’Europe ; sinon, nous serons colonisés un peu plus que nous ne le sommes par l’économie américaine
1383 nous serons colonisés un peu plus que nous ne le sommes par l’économie américaine et nous risquons d’être colonisés par la po
1384 mmes par l’économie américaine et nous risquons d’ être colonisés par la politique russe. Vous comparez la région au couple.
1385 elation et en tension. Cette même forme de pensée est très ancienne. On la retrouve chez Héraclite, dans la théologie des p
1386 onfusion, sans séparation, sans subordination. Ce sont les mêmes termes que j’ai utilisés pour définir le couple et définir
1387 sonnalisme en ajoutant le terme de vocation qui a été fortement souligné par Luther et Calvin. Je garde aussi du protestant
1388 ssi du protestantisme un certain sens civique qui est très développé dans les pays calvinistes. J’ai fait cette observation
1389 pays protestant. C’est assez frappant. Cela doit tenir à quelque chose, justement à ce sens de la personne définie par une v
1390 ation propre, c’est-à-dire qu’il part de là où il est , qui est un endroit unique au monde et doit créer son chemin vers Die
1391 pre, c’est-à-dire qu’il part de là où il est, qui est un endroit unique au monde et doit créer son chemin vers Dieu, vers l
1392 doit l’inventer tous les jours. D’autre part, je suis distingué de la tribu par ma vocation, et en même temps relié à la co
1393 plus fondamentalement protestant. À part cela, je suis pour un christianisme œcuménique dépassant définitivement les confess
1394 déralisme et œcuménisme ? L’œcuménisme, pour moi, est la traduction du fédéralisme sur le plan religieux. Il ne s’agit pas
1395 ans cette conférence, j’explique une chose qui me tient fort à cœur depuis quelques années : j’ai découvert que l’humanité, a
1396 ue de développement car on pensait que le progrès était infini, que tout allait s’arranger si on produisait plus. Bref, c’éta
1397 e ans dans l’opinion publique, on sait qu’il n’en est rien. Et que nous touchons partout des limites. Les ressources nature
1398 partout des limites. Les ressources naturelles ne sont pas infinies. Certains calculent déjà l’épuisement du charbon, du pét
1399 d’autre politique que cette finalité générale qu’ est le profit, la croissance, l’augmentation quantitative, mesurable. Il
1400 nous avons aussi les moyens de tout tuer. Et nous sommes d’ailleurs en train de le faire. Donc, nous en sommes à cette charniè
1401 es d’ailleurs en train de le faire. Donc, nous en sommes à cette charnière. Voulons-nous la puissance collective, la puissance
1402 s un certain état d’équilibre. Par ailleurs, nous sommes forcés de renoncer à la forme État-nation et aux soi-disant économies
1403 États-Unis ? Par quel miracle ces frontières, qui sont « des cicatrices de l’histoire », correspondraient-elles à des ensemb
1404 litiques ? Je les trouve funestes. En tant qu’ils sont des représentants des partis ou des États-nations, ils ne sont pas de
1405 ésentants des partis ou des États-nations, ils ne sont pas des hommes politiques, ils sont des partisans ou des nationaliste
1406 tions, ils ne sont pas des hommes politiques, ils sont des partisans ou des nationalistes. Mais j’ai le plus grand respect p
1407 y aurait des régions écologiques où les problèmes seraient bien connus, bien cernés et résolus d’après le génie du lieu. Mais ce
1408 és et résolus d’après le génie du lieu. Mais ce n’ est pas possible avec le système de découpage des États-nations, complète
1409 ans aucune consultation locale. 15. Cet ouvrage sera réédité en collection de poche dans quelques semaines. 16. Titre de
1410 ur dans cette maison où il vit depuis 1947 et qui fut autrefois celle du garde forestier de l’auteur de Candide. Mêlé au mo
1411 ologien protestant Karl Barth, Denis de Rougemont est aussi un grand voyageur : il a vécu en Allemagne, en France, aux État
1412 ance, aux États-Unis pendant plusieurs années. Il est actuellement directeur du Centre européen de la culture, à Genève, in
1413 ut qu’il a créé en 1950. Mais, Denis de Rougemont est avant tout, à sa manière, un Européen. Sa grande idée : le fédéralism
1414 es à réaliser aux dimensions de la communauté qui est le mieux capable de les résoudre” ».
32 1972, Articles divers (1970-1973). Je rentrais de l’espace… (27-28 mai 1972)
1415 nt, touchés par le soleil rasant, ah ! ce ne peut être que l’Europe ! Ces champs morcelés et striés dans tous les sens, et c
1416 gement irriguée et de très dense habitation, ce n’ est pas l’Europe des confins dénudés et brûlés, rocailleux ou glaciaires.
1417 ols de mouettes, devant un monde où les lointains sont devenus immatériels. Les Alpes du Valais et de la Savoie pendent vert
1418 , comme des décors translucides. Mais tout ce qui est proche sur nos rives brille d’un vif éclat humide, repeint à neuf pen
1419 go), mais pas du tout aux statistiques. La Suisse est l’une des régions de la Terre les plus intensément industrialisées, e
1420 qui représente à peine la moitié du pays, l’autre étant occupée par les déserts alpestres et les sombres forêts du Jura. Mais
1421 ourd’hui, où sa constatation, très abusive alors, est en bon train de devenir vraie : sur le même territoire six fois plus
1422 ne longue usine blanche et vitrée, là où jadis se fût abrité un couvent. Seuls les arbres nous cachent encore la ville uniq
1423 et du Valais, et vous découvrirez que leur plan s’ est développé soit à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’un
1424 et vous découvrirez que leur plan s’est développé soit à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’une place princip
1425 eloppé soit à partir d’un château sur sa colline, soit autour d’une place principale. Quand le château forme le centre, il s
1426 au xiiie siècle. Parfois les deux structures se sont juxtaposées. Le mouvement libertaire des communes ayant pris le pouvo
1427 du château dans la plaine, du burg où le seigneur tenait sa cour au bourg (ou « borgho ») des bourgeois, qui tiennent conseil
1428 cour au bourg (ou « borgho ») des bourgeois, qui tiennent conseil sur la place. Cette place, qui définit toute vraie commune, o
1429 et citadins, producteurs et consommateurs. Telle étant l’architecture de la cité qui a permis la démocratie, on voit que cet
1430 voitures et qui assure les fonctions de l’agora, sont des anti-communautés, entassements de solitaires anxieux et mornes, c
1431 uand les hommes pouvaient se rencontrer. Or, il n’ est pas de pays au monde que le gigantisme humain menace dans ses fondeme
1432 lus que la Suisse. Car la Suisse tire sa raison d’ être et les conditions mêmes de ses libertés des petites dimensions du pay
1433 s. Les sociologues les plus avancés d’aujourd’hui sont en bonne voie de redécouvrir les vertus des groupements restreints, à
1434 es groupements restreints, à l’heure où la Suisse est tentée de les oublier et de trahir ainsi ses origines. La vocation de
1435 ahir ainsi ses origines. La vocation de la Suisse est de revaloriser ce qui est petit contre le gigantisme, sauvant ainsi s
1436 a vocation de la Suisse est de revaloriser ce qui est petit contre le gigantisme, sauvant ainsi son âme et ses paysages, en
1437 on de sa mère, ira bâtir des capitales en Inde et sera l’inspirateur de Brasilia. Voyez grand, transformez le monde à votre
1438 nd, transformez le monde à votre idée et, si vous tenez à votre démesure, exportez-la, mais ne touchez pas au trésor, au myst
33 1972, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)
1439 Qu’ est -ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)ar
1440 une hypothèse (juin 1972)ar 1. Ce qu’elle n’ est pas La culture ne consiste pas à lire des romans, à parler peintur
1441 mulation sur la tête des gauchistes. La culture n’ est nullement une distinction, quelque chose qui distingue du vulgaire et
1442 gaire et que l’on acquiert par des études. Elle n’ est pas l’affaire des « salons », comme l’imaginent encore quelques amate
1443 savent pas qu’il n’y a plus de salons, qu’ils ont été remplacés depuis le xviiie siècle par les cafés, et qu’il n’y a plus
1444 ires depuis vingt ans, même à Paris. La culture n’ est pas faite par les « gens cultivés ». Elle n’est pas leur propriété, e
1445 n’est pas faite par les « gens cultivés ». Elle n’ est pas leur propriété, elle ne dépend pas d’eux et ne leur doit rien (mê
1446 même si elle leur donne tout). Enfin la culture n’ est pas nécessairement sérieuse. Ceux qui n’ont pas le sens de l’arbitrai
1447 ui n’ont pas le sens de l’arbitraire, de l’humour fût -il noir, de la désinvolture aimable ou provocante, de l’absurde assum
1448 te, de l’absurde assumé ou de la franche rigolade sont instamment priés de s’abstenir, et de s’inscrire dans un parti. 2.
1449 et de s’inscrire dans un parti. 2. Ce qu’elle est en tous cas La culture est l’ensemble des valeurs (tabous et inte
1450 . 2. Ce qu’elle est en tous cas La culture est l’ensemble des valeurs (tabous et interdits, dogmes, principes moraux
1451 oirement héréditaires) et selon son éducation (il est plus ou moins dirigé, conseillé, orienté dans ses choix par sa famill
1452 -uns, la lecture). 3. Ce qu’il se peut qu’elle soit « La culture est ce qui reste quand on a tout oublié », disait Édo
1453 3. Ce qu’il se peut qu’elle soit « La culture est ce qui reste quand on a tout oublié », disait Édouard Herriot, homme
1454 tes sur le cerveau. À la naissance, notre cerveau est programmé par le code génétique des chromosomes. Mais au fur et à mes
1455 tenu de l’information peut très bien disparaître, être « oublié » : il n’en sera pas moins retrouvé, « remémoré » par la réa
1456 très bien disparaître, être « oublié » : il n’en sera pas moins retrouvé, « remémoré » par la réactivation de la structure
1457 t, encore que son actualisation quasi instantanée soit souvent empêchée par des blocages psychologiques ou somatiques. Ainsi
1458 giques ou somatiques. Ainsi définie, la culture n’ est plus une affaire de fiches, de bibliothèque ou d’œuvres, c’est-à-dire
1459 tituée — je ne dis pas à ce qui la constitue, qui est l’appel de sa fin, sa vocation. 4. Il n’y a pas de cultures nation
1460 l n’y a pas de cultures nationales Cette thèse est démontrée sans aucun doute possible par la date même de la formation
1461 les combinaisons et permutations de ces facteurs, est dix fois, ou cent fois plus ancienne que nos divisions nationales. « 
1462 es branches de la science, des arts, des lettres, sont locales ou régionales dans leur genèse, continentales dans leur évolu
1463 enir compte par anticipation de frontières qui ne seront tracées que plusieurs siècles plus tard au hasard des batailles et de
1464 le Rhône unit…). Nos « précieuses diversités » ne sont pas du tout nationales. Elles divisent et animent nos nations sans le
1465 nnaie qu’on y vénère. La seule culture qui puisse être sucée avec le lait, assimilée, vécue et contrastée avec d’autres cult
1466 contrastée avec d’autres cultures continentales, est la culture européenne. Voilà notre unité de base. Et nos diversités s
1467 nne. Voilà notre unité de base. Et nos diversités sont celles de nos écoles traditionnelles ou d’avant-garde, de nos doctrin
1468 ns, et finalement de nos personnes. Tout le reste est rhétorique ministérielle, clichés journalistiques, paragraphes de man
1469 compte des frontières étatiques dont la réalité n’ est plus que négative. 5. La contestation comme tradition centrale de
1470 Dès l’aube de la pensée des Grecs d’Ionie — qui est théologique, cosmologique et politique d’un seul mouvement — une gran
1471 ition et la Contestation. Socrate et Jésus-Christ sont les plus hauts modèles d’une contestation radicale, opposant la moral
1472 ène, à l’uniforme, à l’orthodoxie sans défaut, et tenaient l’originalité, l’opposition et la personne pour autant d’erreurs, de
1473 frontement avec la tradition des pères, de peur d’ être « récupérés » par le fantasme qu’ils appellent « Système ». Nier le p
1474 e à partir de dix heures du soir ».) « Il vous a été dit… mais moi je vous dis… » Cette phrase évangélique ne nie pas le p
1475 omme l’amour prévaut contre l’indifférence, qui n’ est souvent qu’angoisse refoulée. Elle l’abolit en création. Tel est le s
1476 angoisse refoulée. Elle l’abolit en création. Tel est le sens. ar. Rougemont Denis de, « Qu’est-ce que la culture ? Qua
1477 Tel est le sens. ar. Rougemont Denis de, « Qu’ est -ce que la culture ? Quatre thèses et une hypothèse », Cahiers de l’Al
34 1973, Articles divers (1970-1973). La Merveilleuse histoire de Tristan et Iseut [préface] (1973)
1478 xpriment bien autre chose qu’un thème romanesque, fût -il même le thème exemplaire, l’archétype de tous les romans dignes du
1479 l’archétype de tous les romans dignes du nom. Ils sont comme les premières apparitions, comme les épiphanies quasi sacrées d
1480 n des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’ est -ce qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces
1481 me occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu’ est -ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au publi
1482 ppe au discours, s’exprime en sensations, et peut être traduite à la rigueur en formules de biochimie. De quoi s’agit-il don
1483 ième forme de l’existence proprement humaine, qui est l’âme. Je ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui do
1484 ianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’ est ni proprement physique ni proprement spirituelle, qui n’est pas celle
1485 prement physique ni proprement spirituelle, qui n’ est pas celle du corps ni celle de l’intellect, encore qu’elle tienne aux
1486 du corps ni celle de l’intellect, encore qu’elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais qui est bien plutôt celle du « cœur 
1487 ’elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais qui est bien plutôt celle du « cœur » comme on dit, celle de l’âme. L’âme est
1488 e du « cœur » comme on dit, celle de l’âme. L’âme est en propre le domaine des émotions et des passions. L’émotion est la p
1489 e domaine des émotions et des passions. L’émotion est la preuve de l’âme, tout comme la sensation est la preuve du corps, e
1490 n est la preuve de l’âme, tout comme la sensation est la preuve du corps, et la pensée, la preuve de l’intellect. La passio
1491 aux conventions sociales. Ainsi, l’amour-passion est cette forme de l’amour qui se libère des contraintes naturelles, des
1492 présente. C’est l’amour de l’Amour, plus que de l’ être aimé dans sa réalité toujours irréductible à l’image idéale que la pa
1493 age idéale que la passion s’en fait. Cette image, étant idéale, doit rester à jamais fuyante, inaccessible. Mais la réalité e
1494 r à jamais fuyante, inaccessible. Mais la réalité est lourdement présente. Elle ne saurait donc que freiner l’élan de l’âme
1495 reiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’ est pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie un troubadour tardif, cont
1496 ntemporain de nos légendes tristaniennes. Mais qu’ est -ce alors, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi ? Ce n’est pas
1497 égendes tristaniennes. Mais qu’est-ce alors, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi ? Ce n’est pas le désir comblé, au
1498 uel est le faux amour qui « tourne » ainsi ? Ce n’ est pas le désir comblé, au sens sexuel de l’expression, car cet acte ins
1499 l’Église. C’est le mariage. Constater que Tristan est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’est reconnaî
1500 reconnaître aussi que la vraie victime du mythe n’ est pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui
1501 ue la vraie victime du mythe n’est pas Tristan, n’ est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui triomphe au contra
1502 du mythe n’est pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’ est pas non plus leur passion, qui triomphe au contraire de tout. La vrai
1503 ul vivant, mais sans amour. Aux yeux du mythe, il est perdant. ⁂ À ce premier aspect de notre légende : l’amour-passion tri
1504 ’à nos jours, comme j’ai tenté de le faire jadis, serait hélas illustrer la lente dégradation du mythe, grandiose en sa simpli
1505 ons morales les plus banales et complaisantes. Ce serait aller de l’apparition d’un mythe sacré, voilant de poésie ses secrets
1506 dinettes et films de série, dont le love interest est l’ingrédient forcé, dernière dilution populaire du philtre magique de
1507 de la Reine, du « vin herbé » dont la vertu jadis fut mortelle aux amants séparés, mais fut aussi transfigurante. L’histoi
1508 vertu jadis fut mortelle aux amants séparés, mais fut aussi transfigurante. L’histoire du mythe, dans nos mœurs et coutume
1509 histoire du mythe, dans nos mœurs et coutumes, ne serait -elle que l’histoire d’une longue profanation ? Faut-il penser que les
1510 nation ? Faut-il penser que les pouvoirs du mythe sont épuisés et que nous serons peut-être les derniers à subir son « tourm
1511 ue les pouvoirs du mythe sont épuisés et que nous serons peut-être les derniers à subir son « tourment délicieux », selon l’ex
1512 uteurs de la légende primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’il était vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure qu
1513 primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’il était vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme elle-mêm
1514 mulés entre les amants légendaires — le principal étant le mariage d’Iseut avec le Roi, père adoptif du héros —, il n’y aurai
1515 Tristan ! C’est pourtant bien à cela que nous en sommes aujourd’hui, dès lors que le mariage n’est plus un lien sacré, advers
1516 en sommes aujourd’hui, dès lors que le mariage n’ est plus un lien sacré, adversaire à la taille de la passion ; et que, lo
1517 anciers. Ils savent bien que le roman véritable n’ est jamais qu’une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut.
1518 me sans qualités, de Musil, la Lolita de Nabokov, sont les derniers échos du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous qui
1519 du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous qui tiennent encore. Mais déjà, le héros de Lolita nous est décrit comme un antihé
1520 ennent encore. Mais déjà, le héros de Lolita nous est décrit comme un antihéros, c’est-à-dire un malade mental. Un psychana
1521 eu. Si les derniers tabous viennent à céder, c’en sera fait de la passion. Que deviendront nos romanciers ? Il leur reste le
1522 ittéralement sans histoire. Ou bien encore, et ce serait mieux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négati
1523 rir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’obstacles choisis, et que notre cult
1524 t cédé à nos sciences, ou c’est tout comme. Qu’en est -il du dernier barrage que notre condition d’êtres finis oppose à notr
1525 n est-il du dernier barrage que notre condition d’ êtres finis oppose à notre amour d’un être, à l’Amour même ? Si la passion
1526 condition d’êtres finis oppose à notre amour d’un être , à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien clair
1527 Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien clair que la séparation la plus irrémédiable est dans la mort, e
1528 bien clair que la séparation la plus irrémédiable est dans la mort, et toutes nos sciences, ici, se récusent et se taisent.
1529 uvant le breuvage magique, les amants légendaires sont entrés, nous disent-ils, dans les voies d’une destinée « qui jamais n
1530 lles », le jour de l’Ange. Cet horizon de la mort est l’ultime sens du mythe. Mais il faut croire aux anges pour y croire.
1531 et ses désirs et ses amours, composent au Ciel un être de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa
1532 e de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa personne éternelle. Tout homme est double : individ
1533 son Nom divin, sa personne éternelle. Tout homme est double : individu sur Terre, donc transitoire — et germe d’un être ét
1534 ividu sur Terre, donc transitoire — et germe d’un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Or, ces ang
1535 donc transitoire — et germe d’un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Or, ces anges, nommés Frava
1536 me d’un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Or, ces anges, nommés Fravartis, sont des entités fé
1537 un ange au ciel. Or, ces anges, nommés Fravartis, sont des entités féminines. On retrouve ici Dante, et Goethe, et peut-être
1538 re-de-Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyan
1539 mmortalité »18, au centre du monde spirituel (qui est le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un s
1540 ’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au lieu
1541 ’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été , sur la Terre, le véritable objet du désir de Tristan, sa princesse l
1542 elle. Toute filiation historique mise à part — ce serait le sujet d’autres études — je me demande souvent si l’angélologie de
1543 on ne saurait s’aimer soi-même, puisqu’« il faut être deux pour aimer », comme dit la sagesse populaire. Aimer vraiment, ce
1544 omme dit la sagesse populaire. Aimer vraiment, ce serait aimer l’ange en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce serait d
1545 e en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce serait deviner l’ange, en soi-même et dans l’autre, l’aider à naître, et le
1546 tre amour, provoquant la passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce serait dès ici-bas, l’altérité même du prochain. Que
1547 passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce serait dès ici-bas, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit un Autre i
1548 ici-bas, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit un Autre impénétrable ne tient pas à quelque interdit, à quelque tabo
1549 ochain. Que l’Autre soit un Autre impénétrable ne tient pas à quelque interdit, à quelque tabou religieux, à quelque décret d
1550 morale que l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’être même, au fait de la personne. Nulle technique et nulle scien
1551 l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’ être même, au fait de la personne. Nulle technique et nulle science de l’h
1552 echnique et nulle science de l’homme ne peut nous être ici d’aucun secours. Il faut aimer pour le comprendre, et rapporter l
1553 peut nous y aider, c’est bien là sa fonction, qui est d’orienter notre vie affective, de lui offrir un modèle simple et pur
1554 e justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’ est pas seulement de la littérature qu’ils ont bien mérité, mais de l’âme
1555 ennes. Continuateurs et non pas rewriters, ils se sont pénétrés des textes des trouvères français, anglo-normands, anglais,
1556 de Thomas ; Bédier « français » comme on devait l’ être aux alentours de 190919 ; Mary résolument « anglo-normand » comme son
1557 sorcery départie (départ) = departure Il doit être évident que ces restitutions sont dans la tradition de tous les texte
1558 rture Il doit être évident que ces restitutions sont dans la tradition de tous les textes que nous tenons pour les « origi
1559 ont dans la tradition de tous les textes que nous tenons pour les « originaux » de la légende, et qui, en fait, n’étaient eux-
1560 s « originaux » de la légende, et qui, en fait, n’ étaient eux-mêmes que des versions renouvelées, souvent critiques et parfois
1561 , perdus pour nous. Bédier et Mary, comme Wagner, sont des auteurs de Tristan, à peu près au même titre que Béroul ou Thomas
1562 nté ses moyens d’expression. ⁂ Et cependant, tout étant dit à la louange des modernes complices-victimes-auteurs-recréateurs
35 1973, Articles divers (1970-1973). Université et universalité (janvier 1973)
1563 )au av Depuis quelques années, tout le monde s’ est mis à parler d’interdisciplinarité. Pourquoi ? À cause de l’excès de
1564 urquoi ? À cause de l’excès de spécialisation qui était en train de stériliser les recherches en les soumettant à leur rentab
1565 ue. Ou simplement, la conviction que la réalité n’ est pas divisée en compartiments correspondant aux facultés. Mais aussi,
1566 de la fécondation d’une discipline par une autre est fourni par l’œuvre de Claude Lévi-Strauss, l’ethnographe découvrant d
1567 des structures de la parenté en général. Mais il est d’autres exemples non moins significatifs, celui de la théorie des je
1568 rme d’amour que je cherchais à décrire ne pouvait être saisie par aucune de nos disciplines universitaires (études romanes,
1569 e qu’au lieu même de leur convergence, là où il s’ était constitué. Cela fut ressenti à l’époque comme le péché contre l’espri
1570 eur convergence, là où il s’était constitué. Cela fut ressenti à l’époque comme le péché contre l’esprit (académique), la t
1571 . L’Institut universitaire d’études européennes n’ est -il pas, en vertu même de son titre, condamné à la spécialisation ? En
1572 ion ? En vertu même de l’objet de ses études, qui est l’Europe, il me paraît condamné à l’interdisciplinarité de type b). L
1573 amné à l’interdisciplinarité de type b). L’Europe est un phénomène qui n’existe, au sens fort, ni dans les réalités économi
1574 logie seules. Pas une seule de ces disciplines ne serait capable de saisir l’Europe dans son être historique et virtuel, dans
1575 nes ne serait capable de saisir l’Europe dans son être historique et virtuel, dans son évolution. L’Europe n’apparaît qu’à l
1576 on. L’Europe n’apparaît qu’à leur carrefour, elle est définie par leurs intersections, et ses reliefs ne se révèlent qu’au
1577 yndicats intercommunaux transfrontaliers) ne peut être concrétisée, actualisée, que par des approches multiples et simultané
1578 es les « disciplines » existantes. Ces recherches sont métaphoriques, s’il est vrai que la métaphore naît du rapprochement d
1579 istantes. Ces recherches sont métaphoriques, s’il est vrai que la métaphore naît du rapprochement de deux phénomènes très é
1580 sa ou de ses disciplines, vers un même but. Nous sommes en convergence, pas encore en symbiose, mais elle est potentielle. Qu
1581 en convergence, pas encore en symbiose, mais elle est potentielle. Quelles sont vos chances de l’actualiser ? Notre taille,
1582 e en symbiose, mais elle est potentielle. Quelles sont vos chances de l’actualiser ? Notre taille, Dieu merci minuscule ! El
1583 ur les étudiants de suivre des cours qui ailleurs seraient répartis entre quatre ou cinq facultés. Les universités qui luttent c
1584 ant selon leurs spécialités — voir les treize qui sont issues de la Sorbonne — vont en sens inverse de l’interdisciplinarité
36 1973, Articles divers (1970-1973). De Genève à l’Europe par les régions (mars 1973)
1585 très différents ? Car si tous les États européens sont amenés à reconnaître l’existence d’un problème régional, celui-ci, se
1586 me régional, celui-ci, selon les cas ou les pays, sera de nature ethnique ou économique, linguistique ou géographique, tradi
1587 rogrès, l’aboutissement suprême de l’Histoire. Qu’ est -ce que l’État-nation ? C’est la mainmise d’un appareil étatique — réa
1588 ans des frontières d’autant plus rigides qu’elles sont plus arbitraires, pour la commodité des seuls fonctionnaires et la ra
1589 ais l’obstacle majeur à l’union du continent, qui est le seul moyen d’échapper à la colonisation de nos pays par l’appareil
1590 mé L’État-nation, qui se dit souverain absolu, est manifestement trop petit pour jouer un rôle réel à l’échelle planétai
1591 es. Le seul remède aux trop petites dimensions ne serait -il pas la création d’agences fédérales européennes, qui seraient comp
1592 la création d’agences fédérales européennes, qui seraient compétentes partout où les tâches et leur concertation se révéleraien
1593 nier, qui a moins d’un siècle d’âge en moyenne, n’ est plus capable d’assurer la prospérité des régions et provinces et d’y
1594 t leur relief. Mais il y a plus : leur résurgence serait celle d’un esprit de clocher, d’un chauvinisme local plus irrespirabl
1595 hniques, motifs économiques Mais le problème n’ est pas seulement spéculatif et prospectif. Il est posé en vrac, en terme
1596 n’est pas seulement spéculatif et prospectif. Il est posé en vrac, en termes concrets, mal comparables, voire contradictoi
1597 milaires actuellement étouffés dans les pays de l’ Est européen. Presque partout, ces ethnies brimées déclarent souffrir d’u
1598 lle-Maestricht-Liège, etc. Désormais, le problème est posé par la CEE et par le Conseil de l’Europe, de la constitution de
1599 écrit J.-F. Gravier, auteur d’un livre fameux qui fut à l’origine du néo-régionalisme en France : Paris et le désert frança
1600 y faudrait un vrai miracle, mais ce miracle ne s’ est jamais produit. Et il aurait encore moins de chance de survenir dans
1601 qu’il y aurait lieu d’organiser autour de Genève est particulièrement frappant à cet égard. On connaît le problème : Genèv
1602 réation des régions que je viens de définir, ce n’ est pas plus Genève qui bénéficiera que le pays de Gex, la Savoie, la Rom
1603 ation de ces régions d’aires variables : celle-ci serait basée — comme l’a proposé le récent colloque des régions frontalières
1604 ur former une génération et créer les régions, ne sont -ils pas trop longs face à l’urgence des périls que court l’Europe, j’
1605 s sa colonisation par une hégémonie politique à l’ Est , une hégémonie économique à l’Ouest ? La réponse dépend de nous, non
1606 ? La réponse dépend de nous, non des astres. S’il est vrai, comme je l’ai toujours pensé, que nous n’avons pas à prévoir no
37 1973, Articles divers (1970-1973). Recréer la place publique (1er juillet 1973)
1607 que j’approuve les idées de ces douze articlesbd serait faible : je m’y reconnais. Il s’agirait maintenant de les illustrer.
1608 la démocratie, au sens actif et créatif du mot, n’ est pas possible, s’il n’y a pas une « agora » ou un « forum » — une « pl
1609 la place du village, du quartier, de la ville, n’ est plus qu’un parking, et si les rues sont livrées aux autos qui essaien
1610 a ville, n’est plus qu’un parking, et si les rues sont livrées aux autos qui essaient au mieux de s’éviter, non aux piétons
1611 contrer, la démocratie n’existe plus, ses racines sont coupées et ses sources taries. Dans cet article conclusif, il est que
1612 es sources taries. Dans cet article conclusif, il est question de fédéralisme première et deuxième manière. Je suis pour la
1613 n de fédéralisme première et deuxième manière. Je suis pour la deuxième. Ramuz était pour la première. Il me disait un jour
1614 deuxième manière. Je suis pour la deuxième. Ramuz était pour la première. Il me disait un jour au Central, à Lausanne : « Ent
1615 jour au Central, à Lausanne : « Entre nous, nous sommes fédéralistes, je veux bien dire séparatistes » (parlant de Berne). No
1616 istes » (parlant de Berne). Non, le fédéralisme n’ est pas l’autarcie cantonale, l’État-nation cantonal, la fermeture du can
1617 fermeture du canton sur soi-même ! Le fédéralisme est une méthode pour garantir le maximum d’autonomie des unités fédérées,
1618 ouve aujourd’hui en livre de poche. L’affaire Lip est déjà prévue, définie, et à mon sens résolue, dans la pensée du grand
38 1973, Articles divers (1970-1973). L’Europe, c’est d’abord une culture (juillet-août 1973)
1619 t policière par l’État russe — voir les pays de l’ Est européen —, d’autre part à la colonisation de notre économie et de no
1620 liste, seule pratiquement possible pour l’Europe, est en même temps la seule formule européenne pratiquement acceptable pou
1621 e n’en a pas ?), pour les ethnies qui se trouvent soit divisées par les frontières de deux ou trois États, comme les Basques
1622 u trois États, comme les Basques et les Catalans, soit dispersées, comme les Juifs, les Gitans, les Arméniens ; et pour tous
1623 L’École, surtout secondaire — mais l’Université n’ était pas en reste vers 1914 —, l’École apprend depuis un siècle aux jeunes
1624 e la France, l’Allemagne, l’Italie ou la Hollande sont immortelles, ce qui suggère qu’elles auraient existé de toute éternit
1625 ilippe le Bel — « empereur en son royaume » —, il est absolument certain que l’Italie comme État n’a que 112 ans, l’Allemag
1626 ncident avec elle. Nous croyons que les Européens sont trop différents les uns des autres pour s’unir et qu’on ne pourra jam
1627 ouce de leur sacro-sainte souveraineté, et qu’ils sont immortels. Or tout est faux dans cet enseignement, et dans les croyan
1628 e souveraineté, et qu’ils sont immortels. Or tout est faux dans cet enseignement, et dans les croyances qui en résultent.
1629 ons modernes de l’Europe. La culture européenne n’ est pas la somme de vingt-huit cultures nationales, puisqu’elle existait
1630 ne Gilson —, pas un seul des grands professeurs n’ était français : ils étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme B
1631 eul des grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme Bonaventure, souabe comm
1632 ceux qui parlent une même langue ? Oui, mais il n’ était pas question de les enfermer pour autant dans les frontières d’un mêm
1633 s les frontières d’un même État. D’ailleurs, il n’ est pas vrai que nos stato-nations modernes correspondent à l’aire de dif
1634 et contre les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a été mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé dans l’
1635 rénées séparent l’Espagne de la France, voilà qui est clair — à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas qu
1636 (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’ est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et à l’oues
1637 ’allemand de nouveau des deux côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au cœur des Alpes. Non, les frontières de nos États n
1638 es. Non, les frontières de nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires comme les con
1639 nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires comme les conflits armés dont elles figu
1640 lles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait le professeur français Jacques Ancel, « le résultat de
1641 cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est foncièrement une, et que cette unité de base permet seule de définir
1642 irgile. On sait à quel point ces trois traditions sont à la fois antinomiques et apparentées par le fait même de leur sécula
1643 nnaire, André Siegfried pense au contraire que ce sont « les prophètes d’Israël » qui ont « déposé dans notre esprit cette s
1644 les façades des États-nations, c’est que l’Europe est d’abord une culture, et que cette culture s’est formée à partir des m
1645 e est d’abord une culture, et que cette culture s’ est formée à partir des mêmes influences indo-européennes, gréco-latines,
1646 on du réel, que nous le sachions ou non, que nous soyons cultivés ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’architecture, de
1647 ique, de philosophie et de doctrine politique ont été paneuropéennes, et non pas nationales : l’art roman et le gothique, l
1648 ’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en est -il de ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, co
1649 e ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est -il vrai, comme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxell
1650 u à Strasbourg, que ces « précieuses diversités » sont celles de nos nations ? Je propose là-dessus deux observations facile
1651 de leur propre nation ; et ainsi de suite. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, c’es
1652 de observation : la création culturelle en Europe est d’autant plus riche et intense qu’elle est moins centralisée et que s
1653 Europe est d’autant plus riche et intense qu’elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge,
1654 e qu’elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création sont les universi
1655 us nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création sont les universités, de Bologne à Oxford, de Coimbra à Cracovie et de Tol
1656 vitalité inégalée de notre culture européenne, il est dans cette interaction perpétuelle des grands courants continentaux,
1657 stater que l’échelon national ne joue aucun rôle, est simplement omis, inexistant. Vers l’Europe des régions Si maint
1658 ose en termes politiques mon équation culturelle, soit  : Europe de la culture = courants continentaux à partir de foyers l
1659 régions L’Europe que nous devons vouloir et qui est la seule que nous puissions espérer, ne sera jamais un laborieux et p
1660 t qui est la seule que nous puissions espérer, ne sera jamais un laborieux et problématique échafaudage d’accords tarifaires
1661 ent : l’Europe des États, rêvée par de Gaulle, ce serait une amicale des misanthropes, chose que l’on peut énoncer mais non pa
1662 ’on fait une vraie amicale, mais alors on cesse d’ être misanthrope, ou bien l’on reste misanthrope, mais alors il n’y a pas
1663 établira sur la base des régions, et celles-ci ne seront pas des mini-États-nations, prétendant enfermer dans les mêmes fronti
1664 t non plus par des cordons douaniers, les régions seront fonctionnelles : régions d’échanges économiques, régions écologiques,
1665 essionnelle, etc. — et ces régions fonctionnelles seront d’aires différentes, puisque les échanges commerciaux, par exemple, n
1666 ns qui les définiront ; et leur base territoriale sera tout simplement celle du syndicat intercommunal qui se constituera, d
1667 d’une pluralité d’ensembles fonctionnels, qui ne sont pas de même aire territoriale ni de même appartenance politique, soci
1668 n exemple personnel suffira pour l’illustrer : je suis Neuchâtelois de naissance, ce qui veut dire que la communauté et le t
1669 e (jusqu’en 1848, date de l’adhésion à la Suisse) sont ma patrie. En tant que citoyen du canton de Neuchâtel, je suis Suisse
1670 e. En tant que citoyen du canton de Neuchâtel, je suis Suisse de nationalité. En tant qu’écrivain, je relève de la francopho
1671 e relève du protestantisme, ensemble mondial. (Ce serait pareil si j’étais catholique, ou juif, ou communiste.) Enfin, j’appar
1672 antisme, ensemble mondial. (Ce serait pareil si j’ étais catholique, ou juif, ou communiste.) Enfin, j’appartiens à une vingta
1673 seul territoire, je crierais au fou, — et ce fou serait Napoléon, Hitler, ou n’importe lequel de nos États-nations s’il pouva
1674 itions monopolistes. La pluralité des allégeances est donc la condition du régime fédéraliste tel que je le conçois — seul
1675 tion des personnes à la Vérité unique, dont nul n’ est maître. Cette diversité, à la limite, ruine toute Église en tant qu’i
1676 itable orthodoxie, la « voie droite », ne saurait être que la voie personnelle inventée par chaque vocation : ce que l’insti
1677 ttendre à cet égard des gouvernements comme tels, soit ecclésiastiques, soit stato-nationaux. La fédération européenne ne na
1678 s gouvernements comme tels, soit ecclésiastiques, soit stato-nationaux. La fédération européenne ne naîtra pas d’accords au
1679 s hautes » dont parlent les Actes (qui risquent d’ être plutôt, demain, les catacombes des réduits antiatomiques !), ou dispe
1680 s le monde mais unis par le Saint-Esprit. Ils ont été depuis deux-mille ans le sel de la Terre, l’Europe leur doit le meill
39 1973, Articles divers (1970-1973). « La famille est devenue un choix » (23 septembre 1973)
1681 « La famille est devenue un choix » (23 septembre 1973)az ba Évoquant sa lignée, De
1682 mes oncles : « Plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de chances de tenir de lui. » Quand débute votre
1683 se réclame est éloigné, moins on a de chances de tenir de lui. » Quand débute votre famille ? Si l’on consulte Les Familles
1684 e Rougemont, à Neuchâtel, en 1372. Quand la ville était principauté prussienne, Frédéric II, prince de Neuchâtel, a donné à D
1685 mont une lettre de reconnaissance de noblesse. Je suis le quatorzième du nom. Point de militaires chez vous. Pourquoi ? Cela
1686 gnée de conseillers d’État, le dernier, Frédéric, fut professeur et écrivain. Ses livres de géographie étaient utilisés dan
1687 professeur et écrivain. Ses livres de géographie étaient utilisés dans les écoles. Il y eut aussi un graphologue. Il le fut au
1688 les écoles. Il y eut aussi un graphologue. Il le fut auprès du Tribunal de la Seine au moment de l’affaire Dreyfus. Son an
1689 ent Suisse. Vous habitez en France. J’ai besoin d’ être à cheval sur une frontière. Je sens les choses françaises comme si j’
1690 ontière. Je sens les choses françaises comme si j’ étais Français et je suis complètement Suisse. Est-ce que l’idée de l’unité
1691 choses françaises comme si j’étais Français et je suis complètement Suisse. Est-ce que l’idée de l’unité de l’Europe vous vi
1692 j’étais Français et je suis complètement Suisse. Est -ce que l’idée de l’unité de l’Europe vous vient de vos ancêtres ? Ce
1693 ité de l’Europe vous vient de vos ancêtres ? Ce n’ est pas une idée suisse. Le Suisse est cosmopolite. L’idée est au contrai
1694 ncêtres ? Ce n’est pas une idée suisse. Le Suisse est cosmopolite. L’idée est au contraire très suisse. Les Suisses étaient
1695 ne idée suisse. Le Suisse est cosmopolite. L’idée est au contraire très suisse. Les Suisses étaient destinés à être des Eur
1696 L’idée est au contraire très suisse. Les Suisses étaient destinés à être des Européens. Votre vie intellectuelle commence à Pa
1697 raire très suisse. Les Suisses étaient destinés à être des Européens. Votre vie intellectuelle commence à Paris ? Oui, j’y a
1698 ance ou la Suisse ? Je me sentirais très mal si j’ étais limité à l’une ou à l’autre. « Comment ne pas croire à l’influence de
1699 st vous qui l’écrivez. Vous n’avez jamais songé à être pasteur ? Il est intéressant de savoir d’où l’on vient. Cela ne dicte
1700 vez. Vous n’avez jamais songé à être pasteur ? Il est intéressant de savoir d’où l’on vient. Cela ne dicte pas une carrière
1701 les châteaux en ruines me touchent tant, mais je suis tourné vers l’avenir. Avez-vous songé à l’Église ? Quand je suis part
1702 é à l’Église ? Quand je suis parti pour Vienne, j’ étais très loin de l’Église. Je voulais devenir chimiste quand j’étais jeun
1703 de l’Église. Je voulais devenir chimiste quand j’ étais jeune, mais quand j’ai pris des leçons j’ai compris qu’il ne saurait
1704 des leçons j’ai compris qu’il ne saurait plus en être question. Vous savez, quand la passion est devenue un devoir… j’ai co
1705 us en être question. Vous savez, quand la passion est devenue un devoir… j’ai compris que j’étais écrivain. J’avais lu un
1706 passion est devenue un devoir… j’ai compris que j’ étais écrivain. J’avais lu un Paradis à l’ombre des épées, de Montherlant.
1707 yée à une revue à Genève qui l’a publiée. Je n’en étais pas plus fier pour ça : je me voulais poète et seulement poète. L’hér
1708 e sens de l’engagement et celui de la justice. Il était bon, libéral avec de l’amitié pour les socialistes — ce qui faisait s
1709 r les socialistes — ce qui faisait scandale. J’ai été très influencé par lui jusqu’à l’âge de 18 ans. De votre mère ? À 97
1710 à l’âge de 18 ans. De votre mère ? À 97 ans, elle est comme un fil. Je lui ressemble physiquement. Elle vient d’une famille
1711 e pensez-vous de celui de la famille ? La famille est devenue un choix, pas une nécessité. Ce que je trouve assez bien. Il
1712 autre chose que son père. Vos enfants ? Mon fils est psychologue, ma fille assistante du maître de conférences à l’Univers
1713 à l’Université de Paris. C’est amusant, car elle est enseignante et moi je suis membre du conseil dans la même université.
1714 C’est amusant, car elle est enseignante et moi je suis membre du conseil dans la même université. Nous nous retrouvons chacu
1715 az. Rougemont Denis de, « [Entretien] La famille est devenue un choix », La Suisse, Genève, 23 septembre 1973, p. 4. ba.
40 1973, Articles divers (1970-1973). Sur la taille des régions (octobre 1973)
1716 ’elle signifie. Les régions, nous dit-on, doivent être de « taille européenne ». Quelle est cette taille ? Qui en décide ? A
1717 on, doivent être de « taille européenne ». Quelle est cette taille ? Qui en décide ? Au nom de quoi ? Que veut-on dire ? On
1718 pond qu’il s’agit de « découper » des régions qui soient assez grandes, assez peuplées, assez industrialisées et bétonnées pou
1719 peuplées, assez industrialisées et bétonnées pour être « compétitives à l’échelle européenne ». Mais « compétitives » avec q
1720 bien que la région à laquelle on les a rattachés soit déclarée « compétitive » avec la Ruhr, le Piémont ou les Midlands. Ca
1721 ou les Midlands. Car une région, comme telle, ne sera jamais compétitive : l’adjectif ne saurait s’appliquer qu’à une firme
1722 qu’à une firme. Dassault, Fiat, Péchiney peuvent être « compétitifs » avec ce qui se fait à Détroit, à Essen ou à Bâle, mai
1723 e de ces firmes s’installait dans Rhône-Alpes, ce serait en vertu de ses seuls intérêts, non pas de ceux de la région, et ses
1724 at, se verraient partagés avec les contribuables. Soyons sérieux : jamais les habitants d’une région ne se rassembleront dans
1725 onne qu’en termes de pouvoir et de prestige. Ce n’ est pas un souci d’homme réel, de femme réelle, c’est trop loin de la vie
1726 ional » dont les grandes firmes et l’État central seraient seuls à se partager les avantages éventuels. La prétention compétitiv
1727 es avantages éventuels. La prétention compétitive serait tout simplement puérile22, si l’on ne distinguait derrière l’argument
1728 région, contrairement à celui d’un État-nation, n’ est pas d’affirmer sa puissance mais d’exercer sa liberté ; n’est pas de
1729 firmer sa puissance mais d’exercer sa liberté ; n’ est pas de se montrer plus fort que tel voisin par les armes ou par la ri
1730 e la taille. Si l’on se demande honnêtement quels sont les avantages du grand État sur la petite communauté, on n’en trouve
1731 ions les plus mémorables de la culture européenne sont toutes nées de foyers locaux, Florence, Mantoue, Bruges, Anvers et Di
1732 Prague et Venise : l’Europe vivante et créatrice est née du rayonnement de petites cités, d’écoles locales, jamais de « na
1733 e « nations » en tant que telles. Que Rhône-Alpes soit « compétitif » avec Rhein-Westphalen intéresse peut-être quelques sta
1734 s ce qui intéresserait les habitants de la région serait de pouvoir se prononcer sur les problèmes qui les concernent. Et puis
1735 t qu’État souverain, un et indivisible, la France est trop grande, et il n’en va pas autrement de la Grande-Bretagne, de l’
1736 ir central entende l’imposer à sa manière). Ce ne sont là que signes avant-coureurs d’un phénomène beaucoup plus ample et pl
1737 appelle aujourd’hui les petites unités. Et cela n’ est pas contradictoire avec la tendance qui nous porte à la fédération du
41 1973, Articles divers (1970-1973). Une possibilité européenne : la région genevoise (novembre 1973)
1738 e devant les mass médias d’État, où tout ce qui n’ est pas publicité tonitruée pour des produits, des modes ou des révolutio
1739 e sociale pour recommander cette formule. Mais il est trop souvent inhibé par nos routines mentales, héritées de l’École, q
1740 l’autre côté du lac, c’était la France. — Mais où est la frontière ? demanda Molotov, vaguement inquiet. — Elle passe au mi
1741 s poissons, comment savent-ils dans quel pays ils sont  ? S’il n’y avait que les poissons ! Les vents, les fleuves et les nua
1742 écrit le professeur J. Ancel —, les frontières ne sont plus utiles qu’aux seuls douaniers, lesquels, pour la plupart, aimera
1743 lle-Maestricht-Liège, etc. Désormais, le problème est posé, par la CEE et par le Conseil de l’Europe, de la constitution de
1744 y faudrait un vrai miracle, mais ce miracle ne s’ est jamais produit, et il aurait encore moins de chance de survenir dans
1745 qu’il y aurait lieu d’organiser autour de Genève est particulièrement frappant à cet égard. On connaît le problème : Genèv
1746 réation des régions que je viens de définir, ce n’ est pas plus Genève qui bénéficiera que le pays de Gex, la Savoie, la Rom
1747 l’Isère, le Val d’Aoste et la Franche-Comté. ⁂ Il est facile d’énumérer les motifs de mésentente traditionnelle au sein de
1748 à partir du coup de force de Poincaré que tout s’ est gâté. Et l’on a, sans sagesse ou sans bonne foi, invoqué de vieux con
1749 les, ont en fait disparu de nos jours : les races sont mêlées, l’évolution historique oubliée (n’en restent que les marmites
1750 arlait dans leur inconscient. Avant que Genève ne fût annexée à la France, en 1798, Charles Pictet de Rochemont, le futur n
1751 ses trois degrés, qui nous a convaincus que nous étions différents au point de ne pouvoir rien faire ensemble. C’est par l’Éc
1752 ducation des citoyens, à partir des réalités, qui sont locales et régionales d’abord, puis continentales et mondiales. (Les
1753 uis continentales et mondiales. (Les mythes seuls sont stato-nationaux.) Tout dépend de l’éducation, au cours des trois lust
1754 cours des trois lustres qui viennent. La région n’ est nullement un relai de croissance. C’est un milieu commun de participa
42 1973, Articles divers (1970-1973). Face à la crise de notre continent, l’utopie de Denis de Rougemont : l’Europe des régions (1er-2 décembre 1973)
1755 llement, nous savons tous maintenant que l’Europe est en crise. Il nous reste à voir que c’est une crise de civilisation. »
1756 de cet automne, l’« Utopie » qui l’anime — le mot est de lui — dans son projet de remodelage de la société occidentale. Cet
1757 gétique européenne démontre que les États-nations sont incapables de résoudre un tel problème, comme ils sont impuissants de
1758 incapables de résoudre un tel problème, comme ils sont impuissants devant l’inflation, le chaos monétaire, la pollution, la
1759 trop ces jours-ci… La formule de l’État-nation est à bout de course Faire l’Europe, pour vous, qu’est-ce que c’est, c
1760 à bout de course Faire l’Europe, pour vous, qu’ est -ce que c’est, concrètement ? Au sens littéral, c’est créer de la subs
1761 échelle continentale. La formule de l’État-nation est à bout de course. Nous devons viser à la dépasser à la fois par en ha
1762 isant les régions. Les deux opérations ne peuvent être que simultanées : un pouvoir supranational et un tissu de réalités ré
1763 arrêtaient aux frontières ! La région ne doit pas être circonscrite par une frontière qui enferme tout. Elle se définit de m
1764 pour cent de l’horlogerie européenne. L’essentiel est de redonner au citoyen, dans la région et grâce à elle, un pouvoir de
1765 ementarisme, lequel, il faut bien le reconnaître, est en crise ?… Il est en crise à juste titre dans les pays où il est dev
1766 , il faut bien le reconnaître, est en crise ?… Il est en crise à juste titre dans les pays où il est devenu l’affaire des s
1767 Il est en crise à juste titre dans les pays où il est devenu l’affaire des seuls partis, car ceux-ci ne correspondent plus
1768 d’une vraie vie politique européenne. Mais ce qui est important, c’est qu’il existe au-dessus des régions et à leur service
1769 ssante ? L’existence des sociétés multinationales est une démonstration de l’inadaptation de l’État-nation aux réalités éco
1770 res d’un de nos États-nations, frontières qui ont été fixées au hasard des guerres et des traités sur de tout autres bases
1771 ses que celles de l’économie actuelle. L’économie est une chose très fluente, dont les rythmes de changement sont de cinq à
1772 hose très fluente, dont les rythmes de changement sont de cinq à dix ans, alors que nos frontières politiques ont été établi
1773 dix ans, alors que nos frontières politiques ont été établies dans la plupart de nos pays au xixe siècle ou au début du x
1774 la moyenne d’âge de nos vingt-six États européens est de quatre-vingts ans ! Quant au rythme de changement des ethnies, il
1775 s ! Quant au rythme de changement des ethnies, il est de l’ordre d’un millier d’années ! Bien sûr, les sociétés multination
1776 sumer beaucoup ma position, que dans un monde qui serait structuré par régions, mais dans le cadre d’une politique commune à l
1777 ythes nationaux. Si enthousiasmantes que puissent être les leçons sur Morgarten ou Austerlitz, c’est tout de même très loin
1778 de Simone Weil m’a frappé : « L’orgueil national est loin de la vie quotidienne. » Je suis convaincu qu’en partant de ce q
1779 eil national est loin de la vie quotidienne. » Je suis convaincu qu’en partant de ce que l’enfant peut connaître le mieux, d
1780 « européens » sans faire la moindre propagande. N’ est -ce pas limiter volontairement l’horizon de l’enfant ? Je dis qu’il fa
1781 logie, par exemple, c’est une question vitale. Où est -elle sensible ? À l’échelle locale le plus souvent. L’empoisonnement
1782 es lacs, la destruction des sites, des forêts, ce sont des choses immédiatement perceptibles. Les enfants sont parfaitement
1783 es choses immédiatement perceptibles. Les enfants sont parfaitement conscients que les frontières politiques n’existent pas
1784 es n’existent pas pour la pollution. Les poissons sont les mêmes des deux côtés du Léman et ils y crèvent de la même façon !