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livre dans l’information de l’homme moderne (1970)
a
Mesdames et Messieurs, à ma stupéfaction, je me trouve en plein ac
2
able des multiplications à l’école primaire qui m’
a
toujours frappé, et ceci prouve que la liturgie n’est pas seulement l
3
yen mnémotechnique dans certains cas. Ceci dit, j’
aurai
une seule remarque, non pas du tout en contradiction avec ce que vien
4
ractère spécifique de l’information que l’on peut
avoir
par un livre : je le prends dans son sens étymologique qui est très p
5
iste en ceci que, quand vous lisez un livre, vous
avez
en quelque sorte l’esprit polarisé. Cela vous oriente, vous organise,
6
autant qu’à l’enchaînement des arguments. Il n’y
a
pas deux livres pareils, alors qu’il peut y avoir un nombre considéra
7
n’y a pas deux livres pareils, alors qu’il peut y
avoir
un nombre considérable de moyens de faire passer une même information
8
de cet ange et prends ce petit livre ouvert qu’il
a
dans les mains, et quand tu l’auras pris, mange-le, dévore-le ; il te
9
ivre ouvert qu’il a dans les mains, et quand tu l’
auras
pris, mange-le, dévore-le ; il te sera très amer aux entrailles mais
10
je voudrais vous lire une page de Nietzsche que j’
ai
retrouvée ce matin même, sur « la lente lecture ». Je voudrais qu’on
11
el et le livre. On me fait remarquer que le livre
a
ce gros avantage sur la télévision que : « les moyens de communicatio
12
cet agent collectivisant qu’est la télévision. On
a
fait remarquer que la télévision recrée le tribalisme, les sentiments
13
contrairement au livre et à l’imprimé qui, eux, n’
ont
pas de limite en général. La télévision, c’est quelque chose qu’on vo
14
il y a un très petit nombre de programmes, vous n’
avez
aucun choix. C’est fait pour un certain ensemble, une certaine tribu,
15
ême de la nation, si la nation est grande. Vous n’
avez
aucun moyen de répliquer. Vous pouvez protester quelquefois — moi ça
16
nt, en effet, maniées uniquement par les gens qui
ont
le pouvoir et les fonds nécessaires pour le faire. À cet égard, je vo
17
et de certains gouvernements. Alors, quelqu’un m’
a
fait observer qu’on pouvait peut-être s’en tirer pour le moment en di
18
sion. Vous pouvez choisir votre cassette ; vous n’
avez
pas d’actualité immédiate, vous ne l’avez pas non plus dans le livre.
19
vous n’avez pas d’actualité immédiate, vous ne l’
avez
pas non plus dans le livre. Il faut toujours au moins un mois pour so
20
ternationale ? L’espéranto, par exemple, ce qu’on
a
essayé de faire jusqu’ici mais sans grand succès ? » Alors là, je cro
21
l’information au sens de formation, sur lequel j’
ai
insisté tout à l’heure, alors là, la langue est essentielle. La langu
22
rer d’une langue synthétique comme l’espéranto. J’
ai
pris cette question parce qu’elle me permet de préciser ce que j’appe
23
de ménage, l’employé de bureau, le contremaître,
aient
assez de temps. Est-ce que, face au rythme de la vie actuelle auquel
24
» Première remarque : ce ne sont pas les gens qui
ont
le plus de temps qui lisent le mieux, ni même qui lisent le plus. Je
25
un petit peu, pour s’assurer ce qu’il faut, pour
avoir
le temps de lire lentement. Quelqu’un demandait — c’était à M. Louis
26
oudrais pas prendre plus de temps, M. Le Lionnais
a
encore beaucoup de choses à dire sans doute. a. Rougemont Denis de
27
a encore beaucoup de choses à dire sans doute.
a
. Rougemont Denis de, « [Interventions] La place du livre dans l’info
28
, régionales et locales. Cela veut dire qu’il n’y
a
pas d’autre solution à la fois désirable et praticable que l’union da
29
comment expliquer qu’un grand homme d’État belge
ait
pu écrire en ce temps-là (il a changé d’avis depuis) : Ce n’est pas d
30
mme d’État belge ait pu écrire en ce temps-là (il
a
changé d’avis depuis) : Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’est pa
31
’il s’exprime en allemand ou en français. Et l’on
a
pu entendre le recteur d’une de nos universités cantonales condamner
32
u’ici, disait-il, nous sommes fédéralistes ! Je n’
ai
cité que des européistes on ne peut plus engagés. Que sera-ce ailleur
33
n quotidien genevois le 30 janvier : M. Schumann
a
proposé un marché à la Grande-Bretagne, en qui il trouvera certaineme
34
d’une opposition commune au fédéralisme, ce qu’il
a
traduit en ces termes : « La Grande-Bretagne et la France sont toutes
35
elle en tant que nation. » Je m’assure que ce qu’
a
dit Maurice Schumann n’était nullement censé « traduire » un refus de
36
du journaliste, mais ce qui frappe, c’est qu’elle
ait
pu passer inaperçue dans un quotidien qui s’appelle précisément La Su
37
nt fédéralistes contre Berne, les Québécois que j’
ai
visités l’automne dernier se veulent antifédéralistes contre Ottawa.
38
er de toute union vivante de l’Europe. Car il n’y
a
pas d’union et pas de vie possibles hors du paradoxe fondamental de l
39
crète sont causes des confusions de langage que j’
ai
citées et se révèlent nécessairement en elles. « Simples questions de
40
ne fait pas attention aux mots, c’est que l’on n’
a
pas bien vu la chose, et comment pourrait-on la vouloir ? Apprenons d
41
ourquoi la Suisse n’est entrée que dans l’AELE et
a
refusé jusqu’ici d’entrer dans la CEE. Parce que l’AELE n’a que des b
42
usqu’ici d’entrer dans la CEE. Parce que l’AELE n’
a
que des buts économiques, n’a jamais voulu viser à autre chose qu’à d
43
Parce que l’AELE n’a que des buts économiques, n’
a
jamais voulu viser à autre chose qu’à des avantages commerciaux, par
44
i sont ceux du libre-échange, tandis que la CEE n’
a
jamais caché depuis le début qu’elle avait des visées politiques. La
45
e la CEE n’a jamais caché depuis le début qu’elle
avait
des visées politiques. La Suisse, pensant que les visées politiques,
46
es, c’était de l’utopie ou que c’était dangereux,
a
voulu se borner à l’économie, c’est-à-dire à ce qui pouvait servir le
47
? Je vous répondrai évidemment non, car s’il n’y
avait
que les questions économiques qui se posaient, nous aurions tout avan
48
e les questions économiques qui se posaient, nous
aurions
tout avantage à faire appel aux Américains, à les laisser travailler
49
tique et culturelle. Car, en fait, si nos peuples
ont
une possibilité d’union, c’est parce qu’il y a, à la base de notre hi
50
le est cette unité ? Eh bien ! de culture. Il n’y
a
pas de cultures nationales, contrairement à ce que l’on nous a appris
51
ures nationales, contrairement à ce que l’on nous
a
appris à l’école. Il n’y a qu’une grande culture européenne qui vient
52
ent à ce que l’on nous a appris à l’école. Il n’y
a
qu’une grande culture européenne qui vient de nos ancêtres communs :
53
s, un petit peu arabes, un petit peu slaves. Nous
avons
tout cela en commun. Tous les procédés de nos beaux-arts, tous les pr
54
a est complètement commun à tous les Européens. N’
a
jamais été l’apanage d’un seul de nos pays. Ne s’est jamais arrêté au
55
religieuse, sacrée. En Inde, par exemple, il n’y
a
pas de romans qui racontent des petites histoires qui se passent tous
56
s histoires qui se passent tous les jours. Il n’y
a
que des écrits religieux, de la sculpture religieuse dans les temples
57
inture religieuse. Ce n’est qu’en Europe que l’on
a
utilisé tous ces procédés tels que le sonnet, le tableau, la symphoni
58
rs, je pense que la réponse est simple. La Suisse
a
beaucoup à apporter dans l’union de l’Europe. Elle a à apporter ce qu
59
eaucoup à apporter dans l’union de l’Europe. Elle
a
à apporter ce qu’elle est, ce qu’elle est devenue au cours des siècle
60
je pense — le fait que c’est un petit pays, qui n’
a
qu’une petite armée, encore que ce soit la plus forte d’Europe !)… qu
61
économie, comment expliquer que les États-Unis n’
aient
pas gagné tout de suite la guerre contre le petit Vietcong ? Pourquoi
62
uerre contre le petit Vietcong ? Pourquoi ? Ils n’
ont
pas osé utiliser toutes leurs forces, la bombe atomique notamment, pa
63
forces, la bombe atomique notamment, parce qu’ils
auraient
eu contre eux l’opinion du monde entier. Ce n’est donc pas du tout la
64
a bombe atomique notamment, parce qu’ils auraient
eu
contre eux l’opinion du monde entier. Ce n’est donc pas du tout la fo
65
ourquoi je pense qu’un petit pays comme la Suisse
aurait
les plus grandes chances d’agir sur le plan international s’il avait
66
des chances d’agir sur le plan international s’il
avait
le courage de prendre des initiatives. De prendre notamment cette ini
67
it de ce que nous sommes, nous Suisses, dont nous
avons
à prendre toujours mieux conscience naturellement, et elle aurait une
68
toujours mieux conscience naturellement, et elle
aurait
une grande autorité. On la suivrait. On suivrait la Suisse, si petite
69
la Suisse, si petite qu’elle soit, parce qu’elle
aurait
une grande idée. La Suisse, si petite qu’elle soit, n’aurait pas seul
70
grande idée. La Suisse, si petite qu’elle soit, n’
aurait
pas seulement un rôle de parti minoritaire à jouer au sein de cette g
71
nde Europe… Prendre conscience … Non ! Elle
aurait
un rôle qui serait peut-être décisif, qui serait de donner justement
72
dre tout seul contre les puissants voisins. Ils n’
ont
pu défendre leurs petites autonomies qu’en se groupant. Eh bien ! il
73
anque d’initiative ? Qu’en sait-on ? Est-ce qu’on
a
jamais demandé aux Suisses ce qu’ils pensaient de l’Europe et d’une i
74
uisse être acceptable aux yeux des Suisses ? On n’
a
jamais fait cette enquête, que je sache. Alors que voulez-vous qu’il
75
pense de l’Europe, répète naturellement ce qu’il
a
entendu dire à la radio, à la télévision, ce qu’il lit dans la presse
76
bien ! il faut que cela change, lentement. On lui
a
trop dit pendant trop longtemps : « Restons surtout sur la réserve, r
77
eurs secondaires et même de maîtres primaires qui
ont
adopté ce point de vue, qui se mettent à enseigner l’histoire, la géo
78
Elles trouveront même bien curieux que l’on ne l’
ait
pas encore fait. Elles nous reprocheront — à la génération des aînés
79
nous reprocheront — à la génération des aînés — d’
avoir
gardé une prudence exemplaire, qui n’est exemplaire pour personne et
80
e notre vocation historique nous indique que nous
avons
à prendre maintenant une belle initiative sur le plan européen. Et po
81
ntroduits par le chapeau suivant : « L’année 1969
a-t
-elle marqué un tournant dans la politique suisse à l’égard de l’Europ
82
pouvons partiellement y répondre. 1969, en effet,
a
été l’année des voyages. Voyages de nos conseillers fédéraux à l’étra
83
ussi, visites importantes dans notre pays. Il n’y
a
qu’à songer à celle de M. Jean Rey, il y a quelques mois seulement, d
84
lité. Je veux parler de Denis de Rougemont, qui m’
a
fait part de ses impressions sur cette grave question, et je vous liv
85
tion, et je vous livre l’entretien intégral que j’
ai
eu avec lui. »
86
n, et je vous livre l’entretien intégral que j’ai
eu
avec lui. »
87
du prix Robert Schuman] (24 mars 1970)e f Nous
avons
pu atteindre l’écrivain Denis de Rougemont, hier après-midi, à son do
88
Un prix auquel, d’ailleurs, il s’attendait : Je n’
ai
pas été surpris par la décision de la Fondation Freiherr von Stein pu
89
von Stein puisque, en juillet dernier déjà, elle
avait
annoncé que le prix 1970 me serait décerné. Quelle signification atta
90
n activité au Centre européen de la culture qui m’
ont
valu ce prix, attribué jusqu’ici à des hommes politiques seulement :
91
année par le recteur de l’Université de Bonn. Il
a
été créé en 1966 par la Fondation FVS, à Hambourg, et est destiné à r
92
ujet de la brève interview par téléphone que vous
avez
bien voulu publier dans votre numéro du 24 mars, permettez-moi une re
93
rait signifier que la Fondation FVS de Hambourg m’
aurait
exprimé sa gratitude émue, comme on pourrait croire que je l’ai dit (
94
gratitude émue, comme on pourrait croire que je l’
ai
dit (si l’on ne me connaissait pas du tout) mais simplement que je lu
95
) mais simplement que je lui suis reconnaissant d’
avoir
reconnu le travail du Centre européen de la culture. Il y a là une nu
96
La distance matérielle ou morale est abolie. Les
avions
ont réduit les séparations ; la psychanalyse a ruiné les tabous ; les
97
tance matérielle ou morale est abolie. Les avions
ont
réduit les séparations ; la psychanalyse a ruiné les tabous ; les pla
98
ions ont réduit les séparations ; la psychanalyse
a
ruiné les tabous ; les plans sociaux sont nivelés et les princesses é
99
oulait prendre une décision grave le jour où l’on
a
un rhume de cerveau, quand l’esprit et ses facultés sont embrumés et
100
ion moderne des connaissances psychologiques, qui
a
rendu les hommes et les femmes plus exigeants sur la qualité de leur
101
assion ? Pour Denis de Rougemont, ces obstacles n’
ont
pas été supprimés, ils ont été déplacés. On parle un peu abusivement
102
emont, ces obstacles n’ont pas été supprimés, ils
ont
été déplacés. On parle un peu abusivement de la suppression des tabou
103
e n’est plus passé sous silence. Cela dit, nous n’
avons
rien inventé et l’explosion sexuelle s’est surtout produite au niveau
104
donnent l’impression d’une liberté fantastique. J’
ai
lu, l’autre jour, qu’il y avait à Paris, autour de 1890, une quinzain
105
ns extérieures. Voyez Tristan et Iseut. Quand ils
ont
supprimé l’obstacle qui empêchait et exaltait à la fois leur passion
106
e mythe de l’« État-nation », tel que Napoléon en
a
posé le modèle, intégralement centralisé en vue de la guerre. C’est l
107
rre. C’est le culte du sol sacré de la patrie qui
a
engendré cet État-nation où coïncident, à l’intérieur de frontières a
108
r l’Europe à trouver cet ordre nouveau ? L’Europe
a
la chance d’avoir une culture. Je ne crois pas aux cultures nationali
109
rouver cet ordre nouveau ? L’Europe a la chance d’
avoir
une culture. Je ne crois pas aux cultures nationalistes, en dépit des
110
nalistes, en dépit des manuels scolaires : il n’y
a
que des divisions tout arbitraires opérées dans l’ensemble vivant de
111
lème parfaitement homologue à celui que la Suisse
a
résolu avec ses 25 petits cantons souverains. La différence des super
112
tes importante au temps des diligences. Mais tout
a
changé avec l’avion. On peut dire que pratiquement l’Europe d’aujourd
113
Europe ! Il me semble ainsi que l’idée européenne
ait
trouvé son climat autant que son modèle en Suisse. L’anthologie de l’
114
re. Il est vrai que le projet d’union de l’Europe
a
généralement passé pour chimérique en Suisse. Et jusqu’à présent, à c
115
pe de cette lente unification, notre gouvernement
a
dû faire des pieds et des mains pour rattraper l’histoire en train de
116
ours renouvelées. Et de là vient le dynamisme qui
a
porté la civilisation européenne sur tous les continents découverts t
117
la Trinité, hors de la tradition ecclésiastique,
a
fourni le modèle de la dialectique hégélienne, repris par Marx puis p
118
e occidentale, qui place l’économique avant tout,
a
d’ailleurs les mêmes présupposés que Marx ; les vingt dernières année
119
présupposés que Marx ; les vingt dernières années
ont
dissipé cette illusion et je pense, d’autre part, que ce qui peut ent
120
politique. Celle-ci peut même le freiner, comme l’
a
démontré de Gaulle ! Les conceptions politiques de ce dernier reposen
121
e dernier reposent sur une certaine culture qui l’
a
marqué et qui postule qu’il n’y a de sérieux que les nations. Deux de
122
e culture qui l’a marqué et qui postule qu’il n’y
a
de sérieux que les nations. Deux de mes étudiants, ont fait un travai
123
e sérieux que les nations. Deux de mes étudiants,
ont
fait un travail sur les manuels d’histoire utilisés en France et en A
124
en France et en Allemagne entre 1900 et 1914. Ils
ont
relevé les mêmes erreurs, les mêmes préjugés, où l’on décèle l’origin
125
braltar à l’Oural » s’y trouve déjà… Or, le monde
a
changé depuis et de telles conceptions n’ont plus de sens. Tout se pa
126
monde a changé depuis et de telles conceptions n’
ont
plus de sens. Tout se passe, dans ces manuels, comme si la nation ava
127
ut se passe, dans ces manuels, comme si la nation
avait
été créée par Dieu ; ce serait par volonté divine que les rois de Fra
128
serait par volonté divine que les rois de France
ont
unifié l’hexagone, alors qu’il s’est agi d’une conquête par la force
129
i d’une conquête par la force et la ruse… Comment
avez
-vous réagi, au Centre européen de la culture, à une telle situation ?
130
ure, c’est-à-dire, dans notre cas, l’Europe. Nous
avons
donc fait un gros effort sur l’éducation, en réunissant dans le comit
131
certain nombre d’associations d’enseignants. Nous
avons
pu démultiplier notre effort en organisant des stages (5 par année en
132
de futurs citoyens de l’Europe. Actuellement, on
a
pu établir que la leçon d’instruction civique, sous son aspect tradit
133
ntrer que tout est européen, qu’il ne peut plus y
avoir
de perspective nationaliste. Les leçons types sont données dans les é
134
icables par toutes les associations membres. Nous
avons
touché directement 1500 maîtres et une publication nous permet de com
135
x, dans les manuels ou dans l’esprit des gens. On
a
pu observer, par exemple, que les clichés des nations les unes sur le
136
dans les pays du Marché commun et en Angleterre,
ont
montré que le 65 % des gens est pour une fédération européenne. Si l’
137
ge, on voit que le 75 % des partisans de l’Europe
a
moins de 35 ans. L’idée européenne joue un grand rôle au niveau de la
138
joue un grand rôle au niveau de la jeunesse. Ne l’
a-t
-on pas constaté tout particulièrement lors de Mai 68 ? Exactement, pu
139
ce moment-là qu’est sorti un manifeste dont on n’
a
pas assez parlé, bien qu’il fût signé par des gens comme Jacques Mono
140
ne fondée sur les réglons et les communes. Mai 68
a
vu reparaître beaucoup d’idées qui avaient déjà été défendues par not
141
unes. Mai 68 a vu reparaître beaucoup d’idées qui
avaient
déjà été défendues par notre mouvement l’Ordre nouveau. On a aussi re
142
défendues par notre mouvement l’Ordre nouveau. On
a
aussi retrouvé Proudhon, Bakounine, en particulier la notion proudhon
143
ieux si on l’intègre. Le principe de la dimension
a
été constamment appliqué au CEC ; nous n’avons centralisé que ce qui
144
ension a été constamment appliqué au CEC ; nous n’
avons
centralisé que ce qui fonctionnait mieux en étant centralisé. Notre b
145
es. Lors de la Campagne d’éducation civique, nous
avions
un appareil administratif minuscule qui travaillait avec 7 ou 8 grand
146
sinon l’on perd trop de temps. C’est ce que nous
avons
fait au CEC, où les premières nécessités ressenties ont été de créer
147
it au CEC, où les premières nécessités ressenties
ont
été de créer un laboratoire européen de recherche nucléaire et d’assu
148
r une organisation coordonnée des festivals. Nous
avons
désiré aller aussi loin que possible, sans tenir compte des frontière
149
possible, sans tenir compte des frontières. Vous
avez
souvent affirmé qu’il fallait construire l’Europe sur les régions. Un
150
n commence avec le respect des forêts, comme je l’
ai
écrit, ce qui va dans le même sens que le respect de l’autre. L’Europ
151
fausse solitude de l’homme dans l’habitat. Après
avoir
rencontré un esprit aussi éminent, il est assez surprenant de retrouv
152
xemple, les Hongrois se sont soulevés en 1956, on
a
vu que leur appel, leur espoir, c’était l’Europe. Vous vous rappelez
153
l’Europe. Vous vous rappelez que les derniers qui
ont
été tués dans le poste de Radio Budapest appelaient l’Europe à leur s
154
ragique parce que l’Europe n’était pas là. Il n’y
avait
personne pour leur répondre. Et vous pensez que, actuellement, l’alte
155
oire nationalistes, des Européens, les Américains
auront
beau jeu d’intervenir dans ce contexte sans aucune contrepartie. Vous
156
il y avait 1800 habitants ; aujourd’hui, il y en
a
5500, qui ont été amenés depuis cinq ou six ans par l’IOS, affaire am
157
1800 habitants ; aujourd’hui, il y en a 5500, qui
ont
été amenés depuis cinq ou six ans par l’IOS, affaire américaine qui,
158
américaine d’ordinateurs qui va s’installer. Cela
a
complètement transformé le village. Pas seulement le passage de 1800
159
hme de la vie des gens : tous les petits magasins
ont
fait faillite les uns après les autres ; ils ont dû se mettre ensembl
160
ont fait faillite les uns après les autres ; ils
ont
dû se mettre ensemble pour faire un supermarché ; tout l’équilibre de
161
s, au contraire, la pénétration américaine ? Je n’
ai
rien contre la pénétration américaine si c’est une question d’échange
162
s ; mais si nous nous mettons tous ensemble, nous
aurons
des moyens plus importants que ceux des Américains. Nous ne sommes pa
163
de vue démographique, certes … Oui, mais il y en
a
bien d’autres, tout aussi importants : par exemple, la qualité de la
164
les grandes découvertes des temps modernes ; tout
a
été fait en Europe, presque rien aux États-Unis. Ces derniers ont sur
165
Europe, presque rien aux États-Unis. Ces derniers
ont
sur nous une seule supériorité : celle du « management », parce qu’il
166
pace et nous pas. Prenez le cas de la France, qui
a
un retard presque scandaleux dans le domaine de la technique. Cela ti
167
ant ? On pouvait déjà le dire en 1949, quand nous
avons
lancé l’idée du CERN, puisque les Américains avaient presque tout fai
168
vons lancé l’idée du CERN, puisque les Américains
avaient
presque tout fait dans ce domaine des recherches nucléaires. On pouva
169
se dire : « Ce n’est pas la peine de partir, ils
ont
pratiquement un siècle d’avance sur nous. » Mais nous n’avons pas ten
170
uement un siècle d’avance sur nous. » Mais nous n’
avons
pas tenu ce raisonnement. Nous nous sommes dit que les Américains ava
171
onnement. Nous nous sommes dit que les Américains
avaient
réussi à mettre en œuvre des découvertes toutes faites par les Europé
172
découvertes toutes faites par les Européens ; ils
avaient
eu comme supériorité les capitaux, la situation de guerre qui leur on
173
tes toutes faites par les Européens ; ils avaient
eu
comme supériorité les capitaux, la situation de guerre qui leur ont p
174
ité les capitaux, la situation de guerre qui leur
ont
permis de mettre la bombe atomique au point dans le plus grand secret
175
t une question d’organisation, rien de plus. Nous
avons
dit : « Il n’est pas du tout trop tard. Nous avons les cerveaux, nous
176
vons dit : « Il n’est pas du tout trop tard. Nous
avons
les cerveaux, nous avons, par exemple, dans un pays comme la Suisse,
177
du tout trop tard. Nous avons les cerveaux, nous
avons
, par exemple, dans un pays comme la Suisse, l’industrie mécanique de
178
Suisse, l’industrie mécanique de précision ; nous
avons
tous les savants qui pourraient rester chez nous s’ils disposaient d’
179
uffisant ». Cela s’est parfaitement réalisé, nous
avons
réussi à renverser la vapeur. De grands choix à faire Ce serait
180
entraîne une série de conditions auxquelles on n’
avait
jamais réfléchi avant : l’industrie est en train de détruire la natur
181
fois, car jamais avant notre génération l’homme n’
avait
été en mesure de porter des coups pareils à la terre elle-même. Maint
182
oups pareils à la terre elle-même. Maintenant, il
a
ces moyens, donc il est obligé d’avoir une politique. Il s’agit aujou
183
Maintenant, il a ces moyens, donc il est obligé d’
avoir
une politique. Il s’agit aujourd’hui de choisir entre mode de vie et
184
pitaliste : pourvu que le PNB augmente, qu’il n’y
ait
pas de chômage, tout ira bien et tant pis pour la nature. Nous commen
185
e très bonne direction d’évolution. L’Europe, qui
a
hérité de civilisations comme la Grèce dominée par l’idée de nature,
186
ions comme la Grèce dominée par l’idée de nature,
a
toujours ressenti un certain malaise devant le gigantisme américain e
187
omobiles qui marchent à l’essence, alors que l’on
a
les moyens de les faire marcher à l’électricité. Ce serait là un déve
188
e convergence et un mouvement de divergence. Vous
avez
un mouvement de convergence au-delà des États : les organisations mon
189
t est de ceux qui, tout au long de leur carrière,
ont
su accorder leurs actes à leurs écrits. Ce Neuchâtelois qui, dès 1930
190
30, contribuait au lancement de plusieurs revues,
a
été — avec Emmanuel Mounier — l’un des fondateurs du mouvement person
191
Lettre ouverte aux Européens , Denis de Rougemont
a
dressé une synthèse en forme de plaidoyer des idées et des projets po
192
aidoyer des idées et des projets pour lesquels il
a
toujours combattu. L’entreprise européenne a été trop longtemps dénat
193
s il a toujours combattu. L’entreprise européenne
a
été trop longtemps dénaturée pour qu’un tel ouvrage ne soulève pas qu
194
Ce sont là des obstacles dont Denis de Rougemont
a
trop l’habitude pour qu’ils puissent l’arrêter, animé qu’il est par l
195
ude d’exprimer la seule issue pour l’Europe. Nous
avons
soulevé un certain nombre de ces problèmes et de ces objections, au c
196
es objections, au cours d’un entretien qu’il nous
a
accordé dans sa maison de Ferney-Voltaire. »
197
e européenne de l’économie ; il faudra qu’il y en
ait
d’autres qui s’occupent des transports, des recherches scientifiques,
198
s des autres dans une très large mesure, pourront
avoir
leur siège n’importe où en Europe. Le Marché commun est implanté à Br
199
La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux , j’
avais
lancé l’idée de transformer la Suisse en district fédéral de l’Europe
200
les Suisses poussent encore plus loin qu’ils ne l’
ont
fait jusqu’ici leur sens du fédéralisme : il faut qu’ils comprennent
201
le, la Russie soviétique. Coudenhove-Kalergi, qui
a
lancé le premier mouvement européen Vienne en 1923, disait récemment
202
écemment : « On parle toujours des difficultés qu’
a
la Suisse pour adhérer à l’Europe. Pourquoi ne parlerait-on pas de l’
203
lté qui est beaucoup plus intéressante : celle qu’
a
l’Europe pour adhérer à la Suisse ? » De ce point de vue, la Suisse n
204
au monde. C’est là une chose nouvelle car elle n’
a
jamais été appliquée systématiquement, pas même en Suisse. C’est une
205
enez l’exemple de la Suisse, vous voyez qu’on n’y
a
jamais eu cette idée folle de faire coïncider l’économie et la langue
206
emple de la Suisse, vous voyez qu’on n’y a jamais
eu
cette idée folle de faire coïncider l’économie et la langue, et nous
207
faire coïncider l’économie et la langue, et nous
avons
toujours pensé qu’il y avait des ordres de réalités à ne pas mélanger
208
conomie, les mêmes impôts d’après la langue. Nous
avons
parfaitement conçu tous ces mélanges et nous nous débrouillons, parce
209
élanges et nous nous débrouillons, parce que nous
avons
des petites communautés. En fait, mon modèle de gouvernement de l’Eur
210
ce suivante : « Au cours de l’entretien dont nous
avons
commencé la parution la semaine dernière, Denis de Rougemont, après a
211
on la semaine dernière, Denis de Rougemont, après
avoir
montré comment il ne restait plus aujourd’hui d’autre choix que celui
212
ien urbain que rural. Les problèmes d’éducation m’
ont
amené au problème de l’Université, et là, je montre la fécondité des
213
et le continent, qui est beaucoup plus grand, on
aura
une vision plus conforme aux réalités dans tous ces domaines. Toutes
214
ntres locaux se sont créées toutes les écoles qui
ont
fait la culture en Europe et c’est dans l’ensemble de l’Europe que se
215
urréalisme. Pas un seul de ces foyers culturels n’
a
coïncidé avec les frontières nationales. Comment envisagez-vous la cr
216
égions se formeront malgré les États-nations, qui
ont
tout fait pour les empêcher de vivre (voir la France) et qui maintena
217
, en dépit des capitales, et, un beau jour, elles
auront
tissé entre elles tellement de liens qu’on s’apercevra que l’Europe «
218
égions socioculturelles, des régions écologiques,
aura
son agence fédérale et le siège de ces différentes agences pourrait s
219
lle doit rayonner. Les États-nations actuels, qui
ont
nom France, Angleterre, Italie, etc. sont-ils appelés à disparaître ?
220
sont des créations contre nature. Voyez comme ils
ont
coupé en quatre une entité telle que le bassin Ruhr-Moselle. De quell
221
il y avait de plus neuf dans chaque domaine. Nous
avons
réuni les directeurs de centres nucléaires, les directeurs de guildes
222
-vous que vos idées sur la fédération de l’Europe
ont
fait du chemin dans les esprits ces dernières années ? Oui, elles ont
223
ans les esprits ces dernières années ? Oui, elles
ont
progressé, surtout en France, qui est le pays le plus éloigné de comp
224
par cette note : « Les Éditions de la Baconnière
ont
publié, dans le courant du mois d’octobre, deux ouvrages de Denis de
225
pensée occidentale, l’Un et de Divers s’opposent,
ont
besoin l’un de l’autre, et ne se réalisent que l’un par l’autre. Le f
226
e sens. Pour les lecteurs de Livres ouverts, nous
avons
posé à Denis de Rougemont quelques questions suggérées par la lecture
227
pas être imaginée comme un mini État-nation, qui
aurait
tous les inconvénients des grands, plus ceux de la petitesse physique
228
oiter le voisin mais de coopérer avec lui. Elle n’
a
donc nul besoin d’être, comme on le répète, « de taille européenne »
229
n train de sortir mes uniformes d’une malle, je n’
avais
pas de sujet et je défiais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui
230
qui fût de taille à occuper l’énorme scène dont j’
avais
vu les plans : 35 m de large, 18 de profondeur, trois niveaux reliés
231
lerait tout. Sur quoi, le coup de téléphone que j’
ai
dit, toute la vie qui se reprend à vivre, les délais à courir, le suj
232
fuir. Le jour même, une vieille dame américaine m’
avait
fait remettre sans raison apparente une biographie nouvelle de Nicola
233
une biographie nouvelle de Nicolas de Flue. J’en
avais
parcouru distraitement quelques pages. L’image scolaire que je gardai
234
et profond sur l’esprit de ses compatriotes, s’il
a
prévenu in extremis la guerre entre les cantons suisses, c’est par l’
235
uit blanche. Trois actes se composent. Au matin j’
ai
tout le plan de la pièce et j’en ai vu le paradoxe essentiel : peuple
236
t. Au matin j’ai tout le plan de la pièce et j’en
ai
vu le paradoxe essentiel : peupler et animer une scène immense autour
237
d de Clichy avec quelques pages dans ma poche. (J’
ai
écrit le chœur des Compagnons de la Follevie sur les marches de son e
238
une des interventions d’un des trois chœurs que j’
ai
prévus. Quelquefois il m’appelle au téléphone : « Au 5e vers, 3e repr
239
ire ? — Eh bien ! nous mettrons un soupir ». Il m’
a
dit : « Quand vous écrivez les paroles d’un chœur, chantez-les sur un
240
un air quelconque, comme “Frère Jacques”. Ce qui
a
été une fois chanté peut être remis en musique. » À chaque visite dan
241
s son grand atelier, il me joue au piano ce qu’il
a
fait. Il joue mal, je ne distingue pas grand-chose, une fin de choral
242
ment, non seulement mon texte, mais tout ce que j’
ai
pensé, arrière-pensé en l’écrivant et renoncé à y mettre faute de mot
243
matin ». La part du cœur Plus tard, je lui
ai
demandé le secret de cette divination spirituelle, et il m’a dit mode
244
e secret de cette divination spirituelle, et il m’
a
dit modestement : « J’apprends par cœur les paroles, et puis je me le
245
sion par les mots. Jamais, pas un instant, nous n’
avons
eu l’idée de parler du sens profond de la pièce, ni de la religion en
246
ar les mots. Jamais, pas un instant, nous n’avons
eu
l’idée de parler du sens profond de la pièce, ni de la religion en gé
247
ablie, comment ne pas admettre après coup qu’elle
ait
gouverné dans le fait plusieurs séries de « hasards objectifs », comm
248
pour expliquer le phénomène. Tous les biographes
ont
insisté comme il convenait sur l’éducation protestante du jeune Zuric
249
uvres et ses plus grands succès, les trois quarts
ont
des thèmes religieux : le Roi David, Judith, Jeanne au bûcher, la Dan
250
t des formes vidées de la foi qui les forma qu’on
a
jamais créé un style : avec tout cela on ne fait que du folklore, et
251
e, son directeur réunit les principaux textes qui
ont
jalonné l’évolution de cette entreprise si féconde en initiatives d’u
252
’olympisme officiel. Quelques années plus tard, j’
eus
la surprise de recevoir des papiers à en-tête du Conseil de l’Europe
253
sbourg s’attribuait la médaille, mais Paul Martin
avait
gagné la course. u. Rougemont Denis de, « Quand Paul Martin voulai
254
de plus en plus mythique — cette Europe divisée n’
a
pas la moindre chance de résister d’une part à la colonisation idéolo
255
s. Une Europe unifiée et uniformisée, deux hommes
ont
essayé de la faire : Napoléon et Hitler. Dans les deux cas, l’expérie
256
ire ou millénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’
a
duré que dix à douze ans. (La Suisse, en regard, approche du viie si
257
retagne sont immortelles, ce qui suggère qu’elles
auraient
existé de toute éternité, alors qu’en vérité, pour la plupart, en tan
258
plupart, en tant qu’État, et en moyenne, elles n’
ont
même pas un siècle d’âge. Seules la France, l’Angleterre et l’Espagne
259
us grands champions de l’immortalité des nations,
a
beaucoup varié lui-même quant à la date qu’il attribue à la naissance
260
est absolument certain que l’Italie comme État n’
a
que 110 ans, l’Allemagne 100 tout juste, la Norvège 66, la Tchécoslov
261
0, la jeune Islande 27, et Malte 10. L’école vous
a
raconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à un
262
, défini par des frontières naturelles. Et vous l’
avez
cru ! Vous croyez donc que chacun de nos États-nations a sa langue et
263
Vous croyez donc que chacun de nos États-nations
a
sa langue et que ses frontières coïncident avec son extension. Vous c
264
de ces mises au point. Et tout d’abord : il n’y
a
pas de cultures nationales. La culture européenne n’est pas la somme
265
es naturelles, chères à nos maîtres. Cette notion
a
son origine sous Louis XIV, dans les guerres contre l’Espagne et les
266
’Espagne et les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle
a
été mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé dan
267
ise en forme par la Révolution française, et elle
a
triomphé dans l’enseignement de la géographie au xixe , là encore con
268
ce dévot de l’État-nation. C’est ainsi qu’on nous
a
inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses deux rives, mais que l
269
œur des Alpes. Non, les frontières de nos États n’
ont
jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires co
270
la souveraineté stato-nationale, qui ne peut plus
avoir
d’effets que négatifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle d
271
s, fauteurs de deux guerres mondiales où l’Europe
a
failli périr, mais encore ils faussaient notre vision de l’histoire e
272
es, gréco-latines, celtes et germaniques qui nous
ont
tous affectés, à doses variables, et qui ont éduqué notre vision du r
273
nous ont tous affectés, à doses variables, et qui
ont
éduqué notre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nous so
274
musique, de philosophie et de doctrine politique
ont
été paneuropéennes, et non pas nationales : l’art roman et le gothiqu
275
ut ce qui compte dans la vie de la culture et qui
a
marqué les élites intellectuelles de tous nos pays, puis, à travers e
276
ervations faciles à vérifier. Chacun de nos pays
a
un nord et un midi, dans chacun vous trouverez des croyants et des in
277
isant à Paris tous les esprits distingués qu’il n’
avait
pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre culture
278
le quelque chose, à nous Suisses. Car la Suisse n’
a
jamais connu l’illusion d’une « culture nationale » — ne fût-ce qu’en
279
ntières cantonales, et je ne crois pas que nous y
ayons
perdu quoi que ce soit de vraiment précieux. Ces vérités sont assez d
280
s à une Europe des États-nations souverains. Je l’
ai
souvent dit : ce serait une amicale des misanthropes — chose qu’on pe
281
hose qu’on peut écrire, non faire, car ou bien on
a
une vraie amicale, mais alors il n’y a pas de misanthropes, ou bien o
282
ou bien on a une vraie amicale, mais alors il n’y
a
pas de misanthropes, ou bien on a de vrais misanthropes, mais alors i
283
is alors il n’y a pas de misanthropes, ou bien on
a
de vrais misanthropes, mais alors il n’y a pas d’amicale. L’Europe qu
284
ien on a de vrais misanthropes, mais alors il n’y
a
pas d’amicale. L’Europe que nous voulons sera fédérale — ou alors ell
285
pense, la perspective qui s’ouvre à nous. Elle n’
a
rien pour nous effrayer, puisque nous sommes le seul pays européen qu
286
, puisque nous sommes le seul pays européen qui n’
ait
pas pris la forme d’un État-nation au siècle dernier. Le seul constit
287
ommunautés qui le constituent. Donc le seul qui n’
ait
rien à redouter de la disparition des frontières. Mais je vois là aus
288
rl Jaspers n’hésita pas à déclarer que l’Europe n’
avait
plus le choix qu’entre deux solutions : la balkanisation et l’helvéti
289
u’elle les nourrit et les accuse. C’est qu’elle y
a
vu, ou pressenti, le secret de son dynamisme. Aux trois sources d’Ath
290
be : voilà la poésie et le roman de l’Europe. Ils
auront
contre eux, dès le départ, contre leur conception du monde, l’Église,
291
relles et de handicaps en résultent. Nul besoin d’
avoir
lu Homère, Platon, Virgile et saint Thomas, Hölderlin et Rousseau, Ma
292
geois les plus ignares, les paysans, les ouvriers
ont
des réflexes et des goûts conditionnés qui leur sont transmis par leu
293
et celtiques, le droit romain, Dracon, Solon, qui
ont
inventé la liberté en déclarant que c’est l’individu et non le clan q
294
» d’une langue n’est nullement sa vertu, comme l’
a
fait voir T. S. Eliot. L’anglais, dit-il, « offre le plus de richesse
295
ment, dans la variété des sources européennes qui
ont
fait l’anglais : la base germanique, les apports scandinave puis fran
296
nois, l’allemand et le tchèque. Ces différences n’
ont
nullement empêché l’édit de Villers-Cotterêts, imposant à toutes les
297
e français comme seule langue officielle. Elles n’
ont
pas empêché non plus les dragonnades linguistiques perpétrées par l’é
298
es par l’école primaire depuis un siècle. Elles n’
ont
pas empêché le pire, qui est l’unification forcée. Mais grâce à la re
299
ingt autres fleuves et rivières de l’Europe. « Qu’
as
-tu que tu n’aies reçu ? », dit notre « mère l’Europe » — comme l’appe
300
uves et rivières de l’Europe. « Qu’as-tu que tu n’
aies
reçu ? », dit notre « mère l’Europe » — comme l’appelait déjà une chr
301
ritique et l’agressivité stérile qui en résulte n’
ont
jamais existé (avant notre influence) en Inde, en Chine, ou dans les
302
ur, l’humeur, et dont on sait maintenant qu’elles
ont
leur siège dans les masses profondes du cerveau (thalamus, hypothalam
303
ion de l’homme en matière et intellect abstrait —
ont
causé les grandes guerres mondiales. Le nationalisme a drainé les pui
304
sé les grandes guerres mondiales. Le nationalisme
a
drainé les puissances affectives désormais manipulées par l’État et l
305
ue les Asiates ou les Noirs, loin de là. Mais ils
ont
causé, en fait, les grands massacres de l’Histoire : 1914-1918 au nom
306
3. Conditionné par le respect de la Science, qui
a
pris la place qu’occupaient la théologie au xiiie siècle et l’idéolo
307
vantage. Le scientifique gouverne ; c’est lui qui
a
fait la Bombe, qui connaît les mathématiques et qui parle des ordinat
308
l et coupé de l’Histoire autant que de la nature,
a
tout ce qu’il faut pour devenir aliéné. Quant aux éléments libérateu
309
de Mao. Mais c’est bien à tout cela que l’Europe
a
dû ses pouvoirs d’invention, d’innovation, d’expansion planétaire, d’
310
té européenne, depuis le xiie siècle, les femmes
ont
été l’agent principal de civilisation des hommes. » Cette phrase, sig
311
pond Denis de Rougemont, c’est au xiie siècle qu’
a
commencé la poésie des troubadours qui consistait dans l’adoration de
312
mènes qui se sont produits au xiie siècle dont j’
ai
longuement parlé dans mon livre L’Amour et l’Occident . Et maintenan
313
la femme dans les pays d’Europe. Mais la femme n’
avait
-elle pas plutôt un rôle d’inspiratrice, un rôle passif en quelque sor
314
a, il est inutile de dire que le rôle de la femme
a
été considérable dans tout le développement de la culture, surtout en
315
i fait que les hommes qui vont à la Landsgemeinde
ont
encore un sabre à la main — avec un parapluie dans l’autre, parce qu’
316
ngés en Suisse romande, cette idée que la femme n’
a
pas sa place dans les affaires publiques qui doivent être le domaine
317
ès anciennes dont on n’est plus maître, dont on n’
a
plus conscience, justement. Toutes ces valeurs qui tiennent à des épo
318
lqu’un. Égalité, donc service militaire ! Y
a-t
-il des raisons historiques propres à la Suisse qui expliquent cette i
319
sse — prenez cet exemple des Landsgemeinde — vous
avez
des survivances qui nous sont proches, qui sont encore mêlées à notre
320
e libre dont la liberté est démontrée parce qu’il
a
son épée à la main. Comme les nobles au Moyen Âge, les hommes libres
321
e. Et l’homme libre était défini par l’arme. Vous
avez
une quantité de gens, en Suisse, qui vous disent : c’est très bien le
322
ous disent : c’est très bien les femmes, qu’elles
aient
le droit de vote, mais alors qu’elles fassent aussi du service milita
323
qu’elles fassent aussi du service militaire. Vous
avez
tout de suite cette liaison qui vient très directement de ce fond ger
324
ue, médiéval. Lorsque vous dites que les femmes «
ont
été l’agent principal de civilisation », n’exagérez-vous pas leur rôl
325
ur rôle ? En tous les cas, ça choque… Ce que nous
avons
de culture, nous le devons à nos mères plus qu’à nos pères, en grande
326
lleurs, je reproche beaucoup aux femmes suisses d’
avoir
transporté ces valeurs militaires, d’avoir une certaine vénération po
327
sses d’avoir transporté ces valeurs militaires, d’
avoir
une certaine vénération pour l’uniforme, plus que les hommes souvent.
328
la culture européenne ? D’autres civilisations n’
ont
pas accordé le même poids au rôle de la femme. Je pense que c’est spé
329
s pour un homme. Chez nous, considérons qu’il n’y
a
aucune espèce de différence au point de vue public entre hommes et fe
330
hommes et femmes. Je ne dis pas du tout qu’il n’y
a
pas de différence entre masculin et féminin. Je dis que sur le plan d
331
dis que sur le plan de la vie publique il n’y en
a
pas. Je n’en vois pas. Les seules que nous croyons voir, que nous ima
332
France. C’est donc une révolution extérieure qui
a
accordé aux Suisses un droit fondamental. Aujourd’hui, après cent-soi
333
qui se prononcera. Partout ailleurs, où la femme
a
acquis l’égalité civique, elle le doit à une sorte de coup d’État ven
334
volution et les régions (mars 1971)ac Comme l’
avait
vu profondément Arnaud Dandieu, qui, sur ce point, a été vraiment un
335
u profondément Arnaud Dandieu, qui, sur ce point,
a
été vraiment un prophète, il faut garder les yeux fixés à la fois bie
336
que niait précisément l’esprit de la Révolution,
a
fait perdre à celle-ci « son ressort essentiel, son caractère univers
337
essort essentiel, son caractère universel », et l’
a
condamnée à l’échec. Il citait comme un exemple plus frappant encore
338
tradition régionaliste française dans ce qu’elle
a
de plus authentique. Là pouvait être le remède « au mal centralisateu
339
, ni régime ne sauraient changer cette vérité. Il
a
fallu un effort gigantesque pour tromper la révolution au profit de l
340
te par essence. C’est la France, la première, qui
a
détourné la révolution de son but : c’est elle qui doit le lui rendre
341
rance, l’idéal national nommé France. Car Dandieu
a
montré mieux que personne comment le mouvement vers l’autonomie régio
342
révolution fédéraliste européenne, Arnaud Dandieu
aura
tenu une place proprement décisive : il a posé les équations de base,
343
dieu aura tenu une place proprement décisive : il
a
posé les équations de base, formulé les concepts opératoires. Et pour
344
ur ma part, je ne cesse de mieux mesurer ce que j’
ai
dû et dois encore aux trop brèves années de notre collaboration polit
345
ration politique et philosophique6. 4. Ce texte
a
paru dans l’excellente revue qu’était Fédération, n° 78, juillet 1931
346
llectivité inorganique. 6. Cf. le texte que nous
avions
préparé et signé ensemble pour le groupe de discussions philosophique
347
plement administratives. La Communauté européenne
a
été la première à réunir sur ce problème, dès 1960, des groupes d’étu
348
d’Oxford et aux structuralistes de Paris. Il n’y
a
pas de rayonnement continental ou planétaire sans foyers locaux, mais
349
vril 1971)ad ae Votre essai L’Amour l’Occident
a
fait de vous, depuis 1938, un « philosophe de l’amour », et vous êtes
350
et l’un des pionniers des États-Unis d’Europe. Y
a-t
-il un point commun entre ces deux activités ? En somme, vous me deman
351
érieux ? Dans ma Lettre ouverte aux Européens j’
ai
écrit que l’Europe, c’est 480 millions d’Européens qui s’ignorent, et
352
n action en faveur d’une fédération européenne, j’
ai
défini le fédéralisme comme la coexistence en tension de réalités éga
353
es. N’est-ce pas le cas du couple ? Un jour, on m’
a
demandé dans un débat à la radio : « Ne craignez-vous pas que les Eur
354
s uns des autres pour jamais pouvoir s’unir ? » J’
ai
répondu : « Ne craignez-vous pas que les hommes et les femmes ne soie
355
? » Voilà dévoilée l’équation de base de ce que j’
ai
écrit aussi bien dans L’Amour et l’Occident sur le couple humain —
356
, l’uniformisation. Si une certaine idée que nous
avons
de l’amour-passion nous conditionne au point de n’être plus capables
357
lème de l’amour, du mariage et de leur drame vous
a-t
-il passionné depuis trente ans ? Cherchez bien et je suis sûr que vou
358
’adultère. Et cette catastrophe vient de ce qu’on
a
voulu fonder le mariage sur le sentiment amoureux. Serait-ce une base
359
euse pour le mariage ? Je le disais en 1938, je n’
ai
pas changé d’avis. Nous entrons dans le mariage généralement par erre
360
imement admise par les troubadours. Finalement, j’
ai
découvert que le mythe de Tristan et Iseut est l’ennemi intime du mar
361
l dans la vie de tous les Européens, même s’ils n’
ont
jamais lu une ligne de l’histoire de Tristan. La passion amoureuse qu
362
oute sérénité, l’Amérique la déprime et la Russie
a
tenté de la supprimer en tant que force antisociale qui ne peut que g
363
C’est un fait : l’Asie bouddhiste, brahmanique n’
a
jamais connu notre amour et elle le considère avec un étonnement mêlé
364
l’invention de l’amour romanesque au Moyen Âge. L’
avez
-vous influencé ? J’ai rencontré McLuhan à Toronto, en 1969. Je sais p
365
omanesque au Moyen Âge. L’avez-vous influencé ? J’
ai
rencontré McLuhan à Toronto, en 1969. Je sais par ses étudiants qu’il
366
i désigne pour nous le sentiment de la passion, n’
a
pris de sens dans le Languedoc du xiie siècle qu’avec la poésie des
367
ut devenant Mme Tristan ! Mais Tristan et Iseut n’
ont
-ils pas été merveilleusement heureux ? Ils ont été merveilleusement m
368
n’ont-ils pas été merveilleusement heureux ? Ils
ont
été merveilleusement malheureux ! Comprenez-moi bien : je n’ai aucune
369
lleusement malheureux ! Comprenez-moi bien : je n’
ai
aucune recette pour l’amour. Je constate que la passion et le mariage
370
êtres, à réduire l’autre à la loi d’un seul. Qui
a
dit que l’amour rendait libre ? Celui-là charge les gens de chaînes.
371
a mort. L’amour-passion tel que nous le concevons
a
inspiré tous les arts en Europe, mais il ne vaut rien pour cette œuvr
372
t est parti du mythe de Tristan. La Rochefoucauld
a
fort bien compris que l’amour est essentiellement lié à l’expression.
373
it : « Combien d’hommes seraient amoureux s’ils n’
avaient
jamais entendu parler d’amour ? » Il n’y a pas d’amour inexprimé. Il
374
’avaient jamais entendu parler d’amour ? » Il n’y
a
pas d’amour inexprimé. Il y a des désirs, des instincts, faire l’amou
375
e passe-t-il dans les autres civilisations ? Je n’
ai
rien trouvé de tel en Orient, en Inde, en Chine, où n’existe aucune l
376
ion. Mais ce n’est qu’une technique ? Ainsi que l’
a
confirmé le maître du zen, Suzuki, à propos de mes livres, pour le Ja
377
tel que nous l’entendons depuis le xiie siècle n’
a
même pas de nom dans leur langue. Ce qui se rapproche le plus de notr
378
e et le fils. L’amour, l’érotisme et la sexualité
ont
créé en Europe une problématique à peu près unique au monde : ils ne
379
ar les uns ne vivent pas sans les autres. Comment
ont
été accueillies vos thèses de L’Amour et l’Occident ? Très mal, au dé
380
rd’hui, mon livre est au programme de licence… Il
a
influencé beaucoup d’auteurs anglo-saxons, poètes, comme W. H. Auden,
381
McCullers, Lawrence Durrell (auquel Henry Miller
avait
donné pour un anniversaire son propre exemplaire de mon livre, abonda
382
tisme, l’amour-passion et une éthique. En 1969, j’
ai
fait sur ce sujet une conférence à l’université d’Indiana, et, l’été
383
’été dernier, un professeur de cette université m’
a
dit : « Cela a été la dernière fois que les contestataires et les gen
384
n professeur de cette université m’a dit : « Cela
a
été la dernière fois que les contestataires et les gens de l’establis
385
les contestataires et les gens de l’establishment
ont
applaudi quelqu’un en commun. » Aujourd’hui, selon vous, quel est l’a
386
’il y a aujourd’hui une crise du mariage, il y en
a
une aussi de l’amour-passion. Parce que l’amour-passion, lui non plus
387
Si vous avilissez ce monde-là, l’amour-passion n’
a
plus de sens. Vous tombez dans la pariade animale. Konrad Lorenz parl
388
uences païennes, hérétiques, gnostiques, qui nous
ont
fait croire que le « péché originel » n’est autre que la sexualité. Q
389
de la littérature occidentale ? Le Dr Tissot. Il
a
commis un livre à la fin du xviiie siècle dont la thèse était que to
390
fous, etc. Ce docteur, qui était, hélas ! suisse,
a
connu un succès mondial. Il a sans doute créé le maximum de névroses
391
it, hélas ! suisse, a connu un succès mondial. Il
a
sans doute créé le maximum de névroses qu’un homme ait jamais pu décl
392
ans doute créé le maximum de névroses qu’un homme
ait
jamais pu déclencher sur la planète. Pendant une douzaine de générati
393
planète. Pendant une douzaine de générations, il
a
empoisonné les jeunes gens, heurtés par le spectre de l’« impureté ».
394
us trouvez qu’on s’agite beaucoup, mais qu’il n’y
a
guère de révolution ? Il est clair que les tabous de la morale bourge
395
médiat. Dans un livre, Les Mythes de l’amour , j’
ai
analysé trois succès mondiaux : Lolita, de Vladimir Nabokov, Le Docte
396
nak, et L’Homme sans qualités, de Robert Musil. J’
ai
retrouvé l’archétype de Tristan à travers ces trois livres ; les troi
397
ar une femme, bien réelle dans sa vie, comme cela
a
été confirmé plus tard. Si l’obstacle est nécessaire à l’amour-passio
398
’amour-action peut-il s’en passer ? Si la passion
a
besoin d’obstacles pour vivre, elle en trouvera toujours, même dans l
399
effort d’imaginer, de créer l’autre dans ce qu’il
a
de meilleur et de plus personnel n’aboutira complètement. Il y aura t
400
and combattez-vous le totalitarisme ? Dès 1932, j’
ai
contribué avec mes amis Emmanuel Mounier, Arnaud Dandieu, Alexandre M
401
i dominait la politique française de l’époque. On
a
dit que la contestation, surtout dans les pays de l’Est, où elle est
402
t encore clandestine, mais d’autant plus sincère,
a
fait revivre les problèmes que nous avions posés dans les années 1930
403
us sincère, a fait revivre les problèmes que nous
avions
posés dans les années 1930. C’est vrai, une partie de la jeunesse se
404
e de vie ? Je me suis senti justifié. La jeunesse
a
redécouvert notre question trente ans après, sans être bloquée, elle,
405
étais pas le seul dans ce cas à New York. Quand j’
ai
rencontré Einstein, à Princeton, il m’a dit : « Vous n’avez pas idée
406
Quand j’ai rencontré Einstein, à Princeton, il m’
a
dit : « Vous n’avez pas idée de la transformation intellectuelle de l
407
ntré Einstein, à Princeton, il m’a dit : « Vous n’
avez
pas idée de la transformation intellectuelle de l’Amérique sous l’imp
408
sur le sionisme, la médiocrité des universités m’
a
surpris. Le changement inouï qui s’est produit depuis lors est dû en
409
l’afflux des Européens, notamment ceux que Hitler
a
chassés. » Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Einstein ?
410
ue Hitler a chassés. » Dans quelles circonstances
avez
-vous rencontré Einstein ? Je venais d’écrire les Lettres sur la bomb
411
’ONU. Et puis il portait les cheveux longs ! Nous
avons
parlé de l’union de l’Europe. Il m’a dit : « Vous êtes bien optimiste
412
s ! Nous avons parlé de l’union de l’Europe. Il m’
a
dit : « Vous êtes bien optimiste. Cela prendra un temps fou. En tout
413
États-nations visant à la puissance, disait-il, n’
aurait
fait qu’un troisième larron armé jusqu’aux dents. Eh bien, c’est en A
414
mé jusqu’aux dents. Eh bien, c’est en Amérique qu’
a
germé en quelques-uns d’entre nous l’idée de combattre ce nationalism
415
guerres ; et pas seulement Hitler, mais ce qui l’
avait
permis, donc l’idée de « faire l’Europe ». Là-bas, nous nous retrouvi
416
nvoyé à la Gazette de Lausanne , une heure après
avoir
appris l’entrée de Hitler à Paris, le 15 juin 1940. J’écrivais : « C’
417
ements de l’armée suisse m’apprit qu’une démarche
avait
été faite le matin même de la parution de l’article par l’ambassadeur
418
sécurité de la Suisse, me dit ce colonel, mais j’
ai
aimé votre article. » Plus tard, le Conseil fédéral jugea plus pruden
419
en mission aux États-Unis, où les circonstances m’
ont
contraint à demeurer six ans. Depuis vingt ans, vous consacrez une gr
420
ope est loin d’être faite. Ne craignez-vous pas d’
avoir
perdu votre temps ? Je suis probablement l’écrivain qui a présidé le
421
votre temps ? Je suis probablement l’écrivain qui
a
présidé le plus grand nombre de comités ! Mais il faut savoir perdre
422
ent que l’action du Centre européen de la culture
a
imposé peu à peu un certain angle de vision, qualifiant et orientant
423
cherchent à bâtir l’Europe de l’économie ; moi, j’
ai
cherché celle des valeurs et celle des hommes. On vous reproche de fa
424
lement supérieure aux autres civilisations ; elle
a
déclenché des guerres mondiales, inventé le nationalisme, institué de
425
ses révolutions. Cela ne veut pas dire qu’il n’y
a
pas eu Hitler, Staline, Guernica… L’Europe est une unité complexe, pé
426
évolutions. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas
eu
Hitler, Staline, Guernica… L’Europe est une unité complexe, pétrie de
427
uences arabes, slaves, et j’en passe. Tout cela l’
a
distinguée des autres grandes civilisations, fondées sur un principe
428
onolithique. Vous aimez ce que notre civilisation
a
de pluraliste ? C’est le gage de notre liberté. Cela implique la cont
429
aussi, une invention européenne. Ailleurs, il n’y
a
jamais eu, avant le contact avec notre culture et nos doctrines, que
430
e invention européenne. Ailleurs, il n’y a jamais
eu
, avant le contact avec notre culture et nos doctrines, que des révolu
431
iants progressistes de l’Université de Berkeley m’
ont
demandé de leur parler des valeurs occidentales : « Je sais, leur ai-
432
parler des valeurs occidentales : « Je sais, leur
ai
-je dit, vous n’y croyez plus. Mais qu’est-ce qui existe à la place, s
433
le monde par vos antipodes : l’Asie du Sud-Est n’
a
qu’une idée, c’est d’imiter la Chine maoïste, qui, elle, voudrait êtr
434
cle sur lequel nous butons depuis vingt ans. Vous
avez
écrit : « Il faut transformer les frontières en écumoires en attendan
435
listes et les dictatures communistes et fascistes
ont
toutes en commun la religion de l’État-nation centralisé. Il n’y a qu
436
n la religion de l’État-nation centralisé. Il n’y
a
que des différences de degré. Après la guerre, toutes les anciennes c
437
iennes colonies se sont jetées sur ce modèle et l’
ont
imité. Cette structure est la clef des maux du monde actuel. C’est po
438
t la réalité. On ne dit pas, en Suisse : « Un tel
a
été un grand serviteur de l’État. » Pourquoi servir l’État ? C’est lu
439
gne majestueux sur des sujets. En France, quand j’
ai
des démêlés, comme tout le monde, avec des fonctionnaires, douaniers,
440
té sacral qu’il s’est attribué est incroyable. Il
a
le droit de condamner à mort ses hérétiques et incroyants, droit que
441
à mort ses hérétiques et incroyants, droit que n’
a
plus aucune Église, Dieu merci ! Refus de servir et on vous emprisonn
442
ible de l’État français. Je connais un Breton qui
a
fait un livre sur l’Europe régionaliste… Eh bien, il a dû se réfugier
443
t un livre sur l’Europe régionaliste… Eh bien, il
a
dû se réfugier en Irlande ! Pour vous, au contraire, le fédéralisme e
444
ectrifiés. Pour accréditer ce modèle délirant, on
a
truqué nos manuels d’histoire et de géographie. Décréter pour les bes
445
e vous traiterait-il pas d’utopiste ? Jean Monnet
a
très bien fait ce qu’il a fait avec l’appui de Robert Schuman, et qui
446
’utopiste ? Jean Monnet a très bien fait ce qu’il
a
fait avec l’appui de Robert Schuman, et qui a abouti à la création de
447
’il a fait avec l’appui de Robert Schuman, et qui
a
abouti à la création de la CECA et à la CE. Mais il y a ce que j’appe
448
ses se passent. Et que ce n’est pas Karl Marx qui
a
raison sur ce point, mais Mao Zedong, qui a baptisé lui-même une phas
449
x qui a raison sur ce point, mais Mao Zedong, qui
a
baptisé lui-même une phase décisive de sa révolution : « Révolution c
450
s fédéralistes, régionalistes, parce qu’il n’y en
a
pas d’autres. Mais il reste toujours la part du diable. Qui est-ce, l
451
l’homme, le couple, la cité, la société, et vous
avez
le totalitarisme. Quand l’homme ne sert plus à rien, n’a plus de voca
452
talitarisme. Quand l’homme ne sert plus à rien, n’
a
plus de vocation, on le jette à la poubelle ; pour moi, c’est cela, l
453
aligner la réalité sur ce que quelques idéologues
ont
eu l’idée d’en faire. Pas une seule de nos révolutions n’a réussi. Da
454
ner la réalité sur ce que quelques idéologues ont
eu
l’idée d’en faire. Pas une seule de nos révolutions n’a réussi. Dans
455
ée d’en faire. Pas une seule de nos révolutions n’
a
réussi. Dans ce sens, on ne peut pas être trop fier de l’Europe. Comm
456
t voyez-vous l’avenir ? Je crois au progrès. Je l’
ai
décrit, dans L’Aventure occidentale de l’homme , en tant qu’accroiss
457
e, qui est à double tranchant. Ou bien, je vous l’
ai
dit, nous irons vers l’ennui collectif. Mais il me semble improbable
458
jouit d’une notoriété internationale. Parce qu’il
a
publié, avant la guerre, L’Amour et l’Occident , ouvrage fondamental
459
ujets : l’amour. Parce qu’il est l’un de ceux qui
ont
créé, en 1932, avec Emmanuel Mounier ( Esprit ), le mouvement personn
460
evoir le prix Robert Schuman. L’amour et l’Europe
ont
-ils de l’avenir ? Et lequel ? Denis de Rougemont va “plus loin” avec,
461
1971 pour un non-croyant ? Frédéric de Towarnicki
a
posé la question au philosophe Denis de Rougemont : l’auteur célèbre
462
certain regard ». Au xx e siècle, quel sens peut
avoir
une théorie sur le diable ? Au xx e siècle, ce qui nous menace le plu
463
eprésente, le diable ? Croyant ou non, tout homme
a
une faculté d’indignation qui le porte à épouser une cause. Donc il c
464
istoires ! Aujourd’hui, beaucoup disent : « On en
a
assez de la morale ! », mais c’est pour vous en imposer aussitôt une
465
e qu’est pour vous le diable ? C’est quand il n’y
a
personne. Qui peut-on convaincre avec une telle définition ? Le diabl
466
e de la caverne : « Mon nom est Personne. De quoi
aurais
-tu peur ? Je ne suis pas là… » C’est ce que fait Satan ? Singeant Die
467
sante de l’univers. Il nous fait croire qu’il n’y
a
personne, et pourquoi ? Parce que alors il n’y a plus de responsabili
468
a personne, et pourquoi ? Parce que alors il n’y
a
plus de responsabilité, donc plus de culpabilité. C’est l’uniformisat
469
t ce qui conduit le physicien américain Eddington
a
prédire « la mort tiède de l’univers ». En d’autres termes, le diable
470
de notre siècle, le contraire absolu de ce que j’
ai
appelé le « personnalisme », qui consiste à assumer sa vocation perso
471
sques. Car lorsque l’homme ne sert plus à rien, n’
a
plus de vocation, un jour arrive où on le jette à la poubelle. C’est
472
diévale de l’enfer. C’est le rebut des hommes qui
ont
refusé d’être eux-mêmes ; à tous risques. S’ils sont rejetés au bout
473
r le choix de sa vocation personnelle ? Celui qui
a
accepté le risque personnel lutte contre le diable uniformisateur. Qu
474
aussi une paille ; si Hitler était le diable, il
eût
suffi de le tuer, et le mal eût disparu. Mais le diable est bien plus
475
ait le diable, il eût suffi de le tuer, et le mal
eût
disparu. Mais le diable est bien plus malin. Quand Hitler était devan
476
es choses les plus visiblement scandaleuses : ils
ont
tort. Le diable, selon vous, fait tout ce qu’il faut pour qu’on ne le
477
a Genèse. Quand Dieu lui dit : « Qu’est-ce que tu
as
fait ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est elle qui a tout fai
478
il proteste : « Je n’y étais pas, c’est elle qui
a
tout fait, c’est elle qui m’a tendu la pomme ; moi, je n’ai rien vu,
479
pas, c’est elle qui a tout fait, c’est elle qui m’
a
tendu la pomme ; moi, je n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’est pa
480
it, c’est elle qui m’a tendu la pomme ; moi, je n’
ai
rien vu, je ne sais pas ce qui s’est passé ; j’étais derrière les bui
481
le cas de la passion amoureuse vulgarisée, dont j’
ai
parlé dans L’Amour et l’Occident . La passion, qui devient une drogu
482
us enchaîne, et nous rend irresponsables. Comment
avez
-vous écrit votre ouvrage, La Part du diable ? À New York, en 1942, à
483
re au mal pur, donc au diable. Jacques Maritain m’
avait
dit : « Pourquoi n’écrivez-vous pas un livre sur le diable ? ». J’ai
484
n’écrivez-vous pas un livre sur le diable ? ». J’
ai
répondu : « Si j’écris un livre sur le diable, tout le monde va me cr
485
iable, tout le monde va me croire diabolique… » J’
ai
pourtant commencé l’ouvrage après un an de mon séjour en Amérique. La
486
ès un an de mon séjour en Amérique. La Suisse m’y
avait
envoyé en mission à la suite d’un article que j’avais publié sur l’en
487
t envoyé en mission à la suite d’un article que j’
avais
publié sur l’entrée de Hitler à Paris, et qui m’avait valu quinze jou
488
s publié sur l’entrée de Hitler à Paris, et qui m’
avait
valu quinze jours de prison militaire. J’ai écrit les cinquante premi
489
m’avait valu quinze jours de prison militaire. J’
ai
écrit les cinquante premières pages en vingt-quatre heures, sans sort
490
quatre heures, sans sortir de mon atelier, puis j’
ai
voulu aller dans un restaurant du quartier. Il était tard, les patron
491
ié en me voyant entrer : « Voilà le diable ! ». J’
ai
déguerpi, sans demander mon reste. Cinq semaines plus tard, le livre
492
diable » ? Prenez les deux massacres récents qui
ont
provoqué une indignation générale dans le monde : celui de Sharon Tat
493
était barbu. Les filles étaient droguées, et ils
ont
tué délibérément une femme enceinte et quatre ou cinq autres personne
494
tre ou cinq autres personnes sans défense. Et ils
ont
fait cela sans raison. D’un autre côté, à Song My, on a massacré prob
495
cela sans raison. D’un autre côté, à Song My, on
a
massacré probablement plus de cent victimes, hommes, femmes, enfants,
496
mes, femmes, enfants, vieillards, bébés. Et qui l’
a
fait ? Des jeunes gens aux cheveux courts — « crew cut » — c’est la c
497
icaine. Eux aussi étaient drogués, dit-on, et ils
ont
exécuté leur crime avec bonne conscience. Qu’est-ce qui est pire ? Da
498
eux cas, les barbus et les folles, ou les soldats
ont
dit : « Nous n’avons fait qu’obéir ! » Les uns, à leur maître ou gour
499
et les folles, ou les soldats ont dit : « Nous n’
avons
fait qu’obéir ! » Les uns, à leur maître ou gourou, les autres à leur
500
e trouverez vraiment plus personne ! Les gens qui
ont
fait le massacre de Song My se cachent derrière leur supérieur milita
501
é en plein cœur. Peut-on rencontrer le diable ? J’
ai
écrit un jour : « Si vous voulez sérieusement trouver le diable et vo
502
définit ensuite l’adjectif fédéral comme ce « qui
a
rapport à une confédération d’États », ainsi, par exemple, « la Suiss
503
là, et déclarer le problème inexistant, s’il n’y
avait
dans le même Littré ces deux précisions mémorables ajoutées à l’artic
504
is XIV et Napoléon, en centralisant l’Hexagone, l’
ont
sauvé de la sauvagerie (qui règne encore en Suisse, sans doute) et qu
505
mot se trouve ainsi « taboué » pour tous ceux qui
ont
appris leur histoire au lycée. Et voilà qui repose tout le problème.
506
et la lenteur aux « Européens trop pressés ». Il
aurait
fallu, nous dit-on, six-cents ans pour mûrir la fédération suisse, et
507
pe en dix ans ? La vérité historique, c’est qu’il
a
fallu cinq à six siècles pour ne pas fédérer les communes, cités, pri
508
nfédérale, après une dernière guerre civile, il n’
a
fallu que neuf mois, à un jour près, pour concevoir, élaborer et mett
509
ter l’union de l’Europe d’aujourd’hui, comme elle
a
rendu possible la fédération si rapide des cantons suisses. La voici
510
insi que les droits et attributions que le peuple
a
conférés aux autorités ». Ainsi, la force garante des autonomies loca
511
ue c’est un tour de passe-passe. Je réponds qu’il
a
bien réussi. Et j’observe qu’un pouvoir fédéral européen, constitué s
512
tion à l’extérieur, par les mêmes prétentions qui
auront
écrasé le fédéralisme à l’intérieur de leurs frontières. Tout se ramè
513
ence, contre les procédés de M. Pauwels. Nous lui
avons
demandé de témoigner, ici, de sa pensée. Dans ce texteai, Louis Pauwe
514
nseil de l’Europe à la préservation de la nature,
a
provoqué dans le grand public européen deux réactions contradictoires
515
qui vient leur dire, dans son titre même, qu’ils
ont
bien raison de le faire ! Ah ! l’habile homme ! De la fenêtre du ving
516
e — Le Matin, Lausanne, 19 septembre 1971, p. V.
ai
. Il s’agit de Lettre ouverte aux gens heureux et qui ont bien raison
517
s’agit de Lettre ouverte aux gens heureux et qui
ont
bien raison de l’être, publié en 1971 chez Albin Michel.
518
t les formes actives de la participation que nous
aurons
à considérer, puisqu’en effet il s’agit ici de participation à des re
519
du xxe siècle, une importance décisive qu’elle n’
avait
peut-être jamais pu revêtir dans toute l’histoire. C’est au xxe sièc
520
nt du seul fait que, pour la première fois, il en
a
la possibilité — la liberté. Depuis les origines, l’homme n’avait pu
521
lité — la liberté. Depuis les origines, l’homme n’
avait
pu que répondre aux durs défis de la nature. Il s’agissait pour lui d
522
it pour lui de survivre, donc de continuer ce qui
avait
réussi à quelques-uns de ses ancêtres. Lorsque apparut la civilisatio
523
homme contre le destin que la nature lui imposait
ont
abouti, dans notre siècle, à une prise de conscience toute nouvelle d
524
: il va « de l’agriculture au paradoxe » comme l’
a
si justement remarqué E. M. Cioran7. L’agriculture fut en effet le pr
525
le résumé de l’évolution humaine — jusqu’à nous.
Ayant
dépassé la nature, l’homme tente de se dépasser lui-même, mais il ign
526
Déjà, en Occident, il est au terme de l’ère qu’on
a
nommée néolithique, celle qui a vu la fixation des nomades au sol, la
527
me de l’ère qu’on a nommée néolithique, celle qui
a
vu la fixation des nomades au sol, la naissance des partis et des col
528
ptions de base et nos orientations globales, nous
aurons
à considérer non plus seulement les contraintes existantes et la marg
529
is je m’assure que ce ne sont pas les auteurs qui
ont
écrit cela) que « depuis 1960, la spéculation sur le futur (n’est plu
530
vise « gouverner, c’est prévoir », le mot prévoir
a
un sens actif de projet, de projection de la volonté, de plan stratég
531
tre les deux modes de prévoir. Il semble que Marx
ait
eu raison de considérer comme mutuellement exclusives les activités d
532
les deux modes de prévoir. Il semble que Marx ait
eu
raison de considérer comme mutuellement exclusives les activités de c
533
ifier par anticipation le phénomène futur qu’elle
avait
commencé par définir correctement à l’aide d’une projection méthodiqu
534
a vision angoissante projetée par les démographes
a
déclenché des processus variés d’inhibition, dont le plus évident est
535
s effets analogues de rétroaction de la prévision
ont
été bien souvent invoqués à propos de « l’équilibre de la terreur ato
536
e majorité des sociologues des années 1919 à 1939
ont
oblitéré dans les démocraties de l’Ouest toute compréhension en profo
537
urs développements, à court terme — prévision qui
eût
démontré l’impossibilité d’un long terme, et la nécessité d’une catas
538
dans la structure dynamique du phénomène, comme j’
ai
tenté de le montrer dans L’Amour et l’Occident 9. Le positivisme bo
539
es. Si tout variait simultanément, la prévision n’
aurait
pas de sens ; si rien n’était variable, le besoin de prévision serait
540
homme La taille moyenne de l’homme (qui semble
avoir
augmenté de trois à quatre centimètres depuis deux-cents ans) ne vari
541
e réunion, ne sont guère différents… Les hommes n’
ont
pas tant changé10. » D’où l’idée du « droit de vivre dans un environn
542
toutes les « retraites » naturelles, à peine les
a-t
-on repérées, par des commandos de touristes ou d’agents immobiliers —
543
La composition démographique du canton de Genève
a
varié depuis cent ans selon le tableau suivant : 1860 ‰ 19
544
mes civiques et le climat des débats politiques n’
ont
guère changé pour l’essentiel et rappellent davantage la France voisi
545
s et la faible participation aux « votations », n’
ont
été modifiés ni par les changements qualitatifs et quantitatifs de la
546
les structures restent, les dimensions du pays n’
ont
pas varié, et le genius loci agit (par des moyens que je n’ai pas à e
547
, et le genius loci agit (par des moyens que je n’
ai
pas à examiner ici) de manière à maintenir l’invariant local et les d
548
union respectant les différences des cantons et n’
ayant
d’autre fin que la sauvegarde de leurs autonomies. Mais des observati
549
suite à la permanence de leurs différences. Nous
aurons
à revenir sur la relation nécessaire entre le pluralisme des invarian
550
opolis des années 1970, les dimensions de la cité
ont
varié en raison inverse des possibilités de participation civique. Da
551
plein ou square, dérivés de l’agora et du forum —
ont
été le lieu politique par excellence —, le Sénat et le Parlement n’ét
552
l’agora ou du forum, auquel l’époque absolutiste
a
déjà substitué, dans nos capitales, des espaces géométriques socialem
553
las d’une banlieue dénuée de structures, s’il n’y
a
plus qu’un vide au centre de la ville — bureaux déserts dès la fin de
554
couvrir » ou à révoquer après coup — alors il n’y
a
plus de participation, ni de démocratie concevables ou réelles. Entre
555
icipation active aux décisions de la cité varient
a
) avec le degré d’information pratiquement accessible au citoyen, et b
556
d’action recherché par le moyen de l’information.
a
) L’information sur les problèmes locaux étant la plus dense et détail
557
ont l’enseignement scolaire n’est qu’un chapitre)
aura
des actions très différentes selon que, par une visée constante, ou p
558
ciple, ou même par un instituteur à des enfants n’
ayant
pas encore atteint le stade réflexif-critique, n’est pas une atteinte
559
de mille ans » ? C’est la seconde proposition qui
a
été retenue par l’histoire. Peut-on décrire alors le « purgatoire » e
560
le deuxième terme de notre alternative — l’Europe
a
réussi à s’unir, c’est-à-dire à dépasser le stade des États-nations c
561
e sur la base des régions réussit à s’autorégler (
A
), ou bien elle tente de rendre ses déséquilibres créateurs (B). A.
562
s créateurs (B). A. Harmonie des facteurs On
a
vu que l’harmonie civique et politique résulterait pour une communaut
563
nement, impliquent deux conditions nécessaires :
a
) le dépérissement des cadres stato-nationaux, c’est-à-dire : la disso
564
ent deux processus apparemment contradictoires :
a
) L’existence et la vitalité d’unités de base ou communes de dimension
565
à la vie communale, pour ceux des citoyens qui en
ont
envie, et des contacts quotidiens, désordonnés, livrés au hasard, ent
566
’harmonisation des dynamismes civiques, qu’il n’y
aurait
plus qu’à « faire jouer » aux différents niveaux communautaires ? Voi
567
paraît ni souhaitable ni possible, non pas que j’
aie
des doutes sur la valeur du modèle — il est le meilleur que je puisse
568
que je puisse imaginer — mais du fait même qu’il
aura
pour fonction de conjuguer des dynamismes, et non pas d’imposer un ce
569
itives. Toute participation civique exige, nous l’
avons
vu, des conditions précises, dont nulle n’est suffisante, mais qui so
570
nadaptation. Reprenons ces sept points, dont nous
avons
indiqué les coordonnées dans le monde grec de la polis, en essayant d
571
, innovations et examens critiques. L’écart qui n’
a
cessé de croître entre les deux clientèles de l’information est deven
572
u lieu des libres et des serfs du Moyen Âge, nous
avons
les initiés librement critiques et créateurs d’une part, et d’autre p
573
nipulateurs des mass médias. Cette évolution peut
avoir
pour effets civiques de faire passer les « ferments révolutionnaires
574
du conseil d’administration « réuni » de la sorte
a
toutes chances de devenir d’application courante.) L’agora composée p
575
et des associations sans base territoriale. Nous
avons
vu plus haut que les régions économiques, écologiques, socioculturell
576
s, écologiques, socioculturelles et politiques, n’
auront
pas les mêmes aires de rayonnement et ne seront donc ni superposables
577
provinces ; et les stato-nations. Les communes n’
ont
plus assez de compétences pour intéresser le citoyen, et elles en gar
578
tits, leur procès n’est plus à faire : le verdict
a
été prononcé à deux reprises par l’histoire du xxe siècle, en 1914 e
579
ctateurs et non plus d’hommes d’action », comme l’
a
fort bien dit A. Clarke. J’ai rappelé divers sens du verbe participer
580
d’action », comme l’a fort bien dit A. Clarke. J’
ai
rappelé divers sens du verbe participer, et que certains sont actifs,
581
sensible : car la plupart des hommes s’imaginent
avoir
« participé » à ce qu’ils n’ont fait que voir, et se vantent de s’êtr
582
mes s’imaginent avoir « participé » à ce qu’ils n’
ont
fait que voir, et se vantent de s’être « engagés » quand ils n’ont qu
583
, et se vantent de s’être « engagés » quand ils n’
ont
qu’assisté en faisant un peu de bruit. Nous retrouvons ici l’idée des
584
nt nos précédentes analyses. La démocratie semble
avoir
toutes les chances de se réaliser beaucoup mieux dans la République e
585
ps que les nécessités de se déplacer diminuent. J’
ai
parlé tout à l’heure des conseils d’administration tenus en vidéophon
586
chiffrables de l’homme. Un x ou un y dont nous n’
avons
encore aucune idée et qui intervient — peut-être — dans les relations
587
ticipation se multiplient, la notion de politique
ayant
cessé de correspondre essentiellement aux « affaires étrangères » de
588
diaux. — Options relatives aux cadres de la vie :
a
) l’urbanisme ne peut être laissé ni aux architectes, ni aux ingénieur
589
n productiviste peut être contrôlée avant qu’elle
ait
infligé des dommages irréversibles à la biosphère sera nécessairement
590
ssance économique « aveugle », sacralisée, il n’y
a
plus guère d’avenir à supputer : cent ans au maximum pour la survie d
591
de civisme. 7. La liberté d’inadaptation J’
ai
parlé de dysfonctions sociales et de discordances chronologiques pote
592
chronologiques potentiellement créatrices, mais n’
ai
encore donné que des exemples de leur quasi-nécessité ou inévitabilit
593
i l’an 2000, bien d’autres surgiront, dont nous n’
avons
aucune idée. Kierkegaard et Nietzsche ont créé, au xixe siècle, la f
594
ous n’avons aucune idée. Kierkegaard et Nietzsche
ont
créé, au xixe siècle, la fonction de l’objection métaphysique aux sy
595
de conscience, qui refusait le service militaire,
aura
perdu sa motivation particulière avec la fin de la conscription unive
596
le, avec les objecteurs sociaux et politiques. Il
aura
pour fonction civique de démontrer à longueur de journée que le monde
597
trer à longueur de journée que le monde de demain
a
moins besoin de producteurs que de créateurs. 7. E. M. Cioran,
598
ûrs de leur vocation » peuvent se flatter de ne l’
avoir
jamais connu. Non seulement on n’imagine plus de suivre les traces de
599
té des jeunes gens de ma génération me paraissent
avoir
choisi le métier qui était à la fois le moins éloigné de leurs goûts
600
ins éloigné de leurs goûts (dans la mesure où ils
avaient
la chance de les connaître) et le plus près de leur idée d’une carriè
601
lles un nouveau pacte. La science et la technique
ont
provoqué peut-être, et elles ont à coup sûr permis l’essor industriel
602
et la technique ont provoqué peut-être, et elles
ont
à coup sûr permis l’essor industriel et l’urbanisation sauvage qui so
603
unanimes en sauvant du même coup la nature ? N’y
a-t
-il pas là une vocation proprement exaltante pour l’ingénieur ? Une no
604
e à calculer est aussi l’auteur des Pensées. On l’
a
bien dit (en Amérique) : la tour d’ivoire peut être, et a parfois été
605
it (en Amérique) : la tour d’ivoire peut être, et
a
parfois été, le bâtiment le plus productif de la Place du Marché. Nou
606
Je rentrais de l’espace. Des heures durant, je l’
avais
vue qui tournait lentement, merveilleuse, éclatante, seule vivante, b
607
e, verte et blanche dans le noir éternel, et je l’
avais
aimée comme une femme qui vient, comme une patrie d’enfance qu’on ret
608
’enfance qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y
avait
qu’elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre rencontre
609
juxtaposées. Le mouvement libertaire des communes
ayant
pris le pouvoir dans certaines villes, le centre de la vie politique
610
ute vraie commune, ou communauté d’hommes libres,
a
repris dans tous nos pays européens le rôle de l’agora des anciens Gr
611
ateurs. Telle étant l’architecture de la cité qui
a
permis la démocratie, on voit que cette dernière trouve ses ennemis m
612
monde est partout, la théorie de la relativité l’
a
démontré. Mais, que le centre du monde se situe réellement quelque pa
613
ou c’est que vous n’êtes jamais vraiment venu, n’
avez
jamais existé dans ce lieu. Tout ce qui touche à un centre et tout ce
614
quer l’éclat soudain, parfois vociférant (la TV l’
a
fait voir), de la haine la plus injuste — ou l’adhésion d’une ferveur
615
e civilisation. Grâce à elles, l’homme des villes
a
retrouvé le contact avec la nature, et ce contact pour lui vital s’es
616
taire, la foule s’y jette et le supprime. L’homme
a
besoin de solitude. Mais la plupart n’osant aimer que ce qui par d’au
617
etits commerçants et de riches retraités. Un pays
a
besoin de communications, routes, autobus et téléphone, et de station
618
vaux, à jamais, demeure tel qu’un beau jour ils l’
ont
aimé. Or, ses habitants l’aiment aussi, mais ils en usent, c’est-à-di
619
e l’an 2000 sera gérée soit par les Européens qui
ont
aujourd’hui de dix à vingt ans, et qui sont les élèves de nos écoles,
620
Europe est gérée par les Européens, c’est qu’elle
aura
réussi son union ; car autrement elle ne pourra rien à opposer aux en
621
elle tend à nous faire croire que cet État-nation
a
toujours existé, telles une Idée platonicienne ou une Essence métaphy
622
ls d’histoire français, les rois de France ne les
ont
pas conquises par la force ou la ruse, ils les ont simplement « réuni
623
nt pas conquises par la force ou la ruse, ils les
ont
simplement « réunies » de manière à remplir l’Hexagone, forme idéale
624
n 2000 soit gérée par les Européens, c’est-à-dire
ait
fait son union, il faut que l’École cesse d’enseigner que les seules
625
ité biologique, écologique et spirituelle. Il n’y
aura
pas d’Europe unie en l’an 2000 si l’on ne commence pas aujourd’hui et
626
ts sont gouvernés aujourd’hui par les manuels qui
ont
formé nos chefs d’État. L’un d’entre eux répétait dans ses discours —
627
œur du bassin de l’industrie lourde de l’URSS.) J’
ai
mis deux de mes étudiants sur ce problème. Ils ont trouvé que la gran
628
ai mis deux de mes étudiants sur ce problème. Ils
ont
trouvé que la grande majorité des manuels d’histoire et de géographie
629
les leçons de nos écoles secondaires. Si l’École
a
fait le mal nationaliste en alignant les esprits pour le compte de l’
630
itoyen d’un pays qui n’en est pas un, puisqu’il n’
a
pas encore de politique commune et d’organes gouvernementaux ? Point
631
t, pour ce que l’État lui demande. Longtemps elle
a
fait des citoyens pour la nation seulement. Nous avons payé cela par
632
fait des citoyens pour la nation seulement. Nous
avons
payé cela par les deux guerres mondiales. Pourquoi ne ferait-elle pas
633
tion civique, un angle de vision européen : telle
a
été dès l’origine l’idée directrice de la Campagne d’éducation civiqu
634
quelle mesure exacte les enseignants de nos pays
ont
été réellement touchés par la Campagne, c’est-à-dire ont orienté leur
635
réellement touchés par la Campagne, c’est-à-dire
ont
orienté leur enseignement dans le sens d’un civisme européen. Mais on
636
hiffres : — 33 stages de formation, dans 15 pays,
ont
réuni jusqu’ici environ 1500 enseignants du Secondaire et 200 directe
637
rmales. — 25 numéros de la revue Civisme européen
ont
paru en français, prenant la suite de 6 bulletins du Centre européen
638
notre petit staff, que les appuis financiers nous
ont
été plus chichement mesurés, comme on sait qu’il est de règle dans no
639
e si tous les enseignants touchés par la Campagne
avaient
tiré le maximum de conséquences constructives de nos stages et de not
640
ves de nos stages et de notre documentation, et l’
avaient
répercuté sur leurs collègues et leurs élèves avec une efficacité tot
641
je ne vois aucune méthode meilleure que celle qu’
ont
adoptée, depuis dix ans, les associations d’enseignants à vocation eu
642
. Ce ne sont pas nos États qui feront l’Europe, n’
ont
-ils pas prouvé depuis des siècles qu’ils étaient là pour l’empêcher d
643
enseignants dialoguant avec leurs élèves. Si l’on
a
compris cela, et si l’on veut l’Europe, on admettra l’urgence de la C
644
ançaise bien sûr. 14. L’auteur de cet article en
a
rédigé deux pour sa part. an. Rougemont Denis de, « Le sort de l’an
645
ences, de livres denses, de préoccupations ? Quel
a
été le chemin de cet homme depuis la publication de L’Amour et l’Occi
646
ation de L’Amour et l’Occident ? Effectivement, j’
ai
publié L’Amour et l’Occident au début des années 1939, mais ce n’ét
647
nnées 1930, quand je suis arrivé à Paris et que j’
ai
tout de suite collaboré avec des groupes de jeunes écrivains, sociolo
648
personnaliste. Nous parlions déjà d’Europe. Nous
avions
déjà établi toute notre doctrine, commune à la plupart d’entre nous.
649
i-même, j’étais à cheval sur les deux groupes. J’
ai
collaboré aux deux premiers numéros et ensuite à la plupart des autre
650
ropéenne, une fédération européenne qui, ensuite,
aurait
pu se fédérer avec d’autres fédérations continentales pour former une
651
de la culture ou de la morale. C’est ainsi que j’
ai
écrit un de mes premiers livres. Il est intitulé : Penser avec les m
652
us êtes le père ? On ne sait pas exactement qui l’
a
dit en premier, de Mounier ou de moi. En tout cas, dans un premier li
653
te, par toutes sortes de raisons biographiques, j’
ai
été amené à m’intéresser beaucoup à l’opposition entre la passion et
654
nelle en Occident. Et d’autre part, le mariage. J’
ai
étudié cette question par une espèce de symétrie entre les deux grand
655
qu’il dépasse le mariage vers un au-delà où il n’
a
plus besoin de la société et du monde. Il a tout dans une femme, il s
656
il n’a plus besoin de la société et du monde. Il
a
tout dans une femme, il se sépare du monde et il meurt, joyeusement.
657
tive : l’engagement d’un homme et d’une femme qui
ont
chacun leurs lois, à certains égards antinomiques, qui doivent vivre
658
antinomies ou les maintenir en tension. Alors, j’
ai
poussé plus loin. Quand j’ai été rappelé en Suisse par la mobilisatio
659
en tension. Alors, j’ai poussé plus loin. Quand j’
ai
été rappelé en Suisse par la mobilisation — j’étais officier, chargé
660
entre l’état-major, les troupes et le public — j’
ai
été amené à me poser un tas de questions sur la politique, sur la for
661
emps mais je ne savais pas à quel point la Suisse
avait
réalisé le fédéralisme. Bien qu’élevé en Suisse, effectivement, je ne
662
éressé à la vie politique du pays. Parce que vous
avez
beaucoup vécu à l’étranger ? J’ai vécu à Paris depuis l’âge de 25 ans
663
arce que vous avez beaucoup vécu à l’étranger ? J’
ai
vécu à Paris depuis l’âge de 25 ans. J’ai été ramené en Suisse par la
664
ger ? J’ai vécu à Paris depuis l’âge de 25 ans. J’
ai
été ramené en Suisse par la mobilisation, en 1939 ; j’avais 33 ans. P
665
ramené en Suisse par la mobilisation, en 1939 ; j’
avais
33 ans. Puis, j’ai été envoyé aux États-Unis pour y faire des confére
666
a mobilisation, en 1939 ; j’avais 33 ans. Puis, j’
ai
été envoyé aux États-Unis pour y faire des conférences sur le fédéral
667
se. Mais aussi pour y faire jouer une pièce que j’
avais
écrite pour l’Exposition nationale de 1939 et qui avait été mise en m
668
écrite pour l’Exposition nationale de 1939 et qui
avait
été mise en musique par Arthur Honegger. Nous en avions tiré un orato
669
été mise en musique par Arthur Honegger. Nous en
avions
tiré un oratorio16. La guerre m’a surpris là-bas et j’y suis resté si
670
r. Nous en avions tiré un oratorio16. La guerre m’
a
surpris là-bas et j’y suis resté six ans. Je ne suis rentré définitiv
671
ntré définitivement qu’en 1947. Aux États-Unis, j’
ai
découvert l’Europe. Il fallait donc s’éloigner pour la retrouver ? Ou
672
loigner pour la retrouver ? Oui. Beaucoup de gens
ont
fait cette expérience. Presque tous les Européens qui vivaient à New
673
nière, bien que ressortissant d’un pays neutre, j’
ai
pu faire la guerre, ne fût-ce que sur les ondes, en écrivant des text
674
n, il s’est mis à parler d’engagement parce qu’il
avait
lu cela dans Esprit et dans mes livres. Vous connaissiez Jean-Paul
675
ue l’homme doit s’engager. Alors, un jour, je lui
ai
dit : « J’espère que vous savez où vous avez pris cela. » Il m’a répo
676
je lui ai dit : « J’espère que vous savez où vous
avez
pris cela. » Il m’a répondu : « Je le sais très bien. » Mais il ne l’
677
ère que vous savez où vous avez pris cela. » Il m’
a
répondu : « Je le sais très bien. » Mais il ne l’a jamais dit à perso
678
répondu : « Je le sais très bien. » Mais il ne l’
a
jamais dit à personne d’autre… Mais il est bien évident que cette déf
679
sme était illustrée par la pratique suisse. Que j’
avais
apprise à l’école mais que je n’avais jamais très bien comprise. Alor
680
isse. Que j’avais apprise à l’école mais que je n’
avais
jamais très bien comprise. Alors, je me suis dit que maintenant il fa
681
diversités de confession, diversités sociales. J’
ai
compté : il y a 54 types de combinaisons existantes. Bref, une divers
682
n arrivée dans cette maison de Ferney, en 1947, j’
ai
eu la visite d’amis de l’époque d’ Esprit et de L’Ordre nouveau . I
683
rrivée dans cette maison de Ferney, en 1947, j’ai
eu
la visite d’amis de l’époque d’ Esprit et de L’Ordre nouveau . Ils
684
’époque d’ Esprit et de L’Ordre nouveau . Ils m’
ont
convaincu d’aller, un mois plus tard, parler au premier congrès de l’
685
e des fédéralistes qui avait lieu à Montreux. J’y
ai
prononcé le discours d’introduction sur le thème de l’attitude fédéra
686
chill. Ce fut un très grand congrès qui, au fond,
a
tout créé. C’est le grand démarrage de l’Europe. Il y avait 800 perso
687
rsonnes, 16 présidents du conseil, 300 députés. J’
ai
écrit le message final : « Message aux Européens » qui demandait nota
688
forces vives de toutes les nations ». Et là, nous
avons
été frustrés dès la réalisation de notre première ambition. Puisqu’il
689
consultatif. Si bien que le Comité des ministres
avait
la haute main sur le Parlement, paralysant ainsi complètement cette m
690
e popularité pour lancer l’idée de l’Europe. Nous
avons
, si je puis dire, été « refaits ». Parce que loin de faire une fédéra
691
fices aux dépens de leurs voisins. Voilà ce qu’on
a
vu dans la crise monétaire récente et ce qu’on verra chaque fois qu’i
692
Vous êtes déçu ? Non. Je ne suis pas déçu. Je n’y
ai
jamais cru. Je n’ai jamais cru que cette Europe-là pouvait se faire.
693
. Je ne suis pas déçu. Je n’y ai jamais cru. Je n’
ai
jamais cru que cette Europe-là pouvait se faire. Mais j’ai pensé qu’i
694
cru que cette Europe-là pouvait se faire. Mais j’
ai
pensé qu’il valait mieux que les États pratiquent cet hommage que le
695
ge ? C’est la coexistence de deux êtres qui, je l’
ai
dit, ont chacun leurs lois, parfois antinomiques, et qui doivent vivr
696
st la coexistence de deux êtres qui, je l’ai dit,
ont
chacun leurs lois, parfois antinomiques, et qui doivent vivre ensembl
697
s pour sauvegarder les autonomies. Voilà ce que j’
ai
découvert dans l’histoire de la Suisse. Pourquoi ce pays s’est-il fai
698
te où et donner des directives. En économie, vous
avez
déjà un exemple existant d’une de ces agences fédérales européennes :
699
ques et de l’université. Prenons un exemple. Vous
avez
, autour de Genève, une région de 25 km de rayon. C’est une région de
700
ayon. C’est une région de main-d’œuvre. Puis vous
avez
une région écologique qui est beaucoup plus vaste puisqu’elle va jusq
701
ausanne, Fribourg. Chacune de ces régions devrait
avoir
, à mon sens, son autorité régionale et relever de l’agence fédérale e
702
as de réalités différentes. L’utopie, c’est ce qu’
a
fait Napoléon : l’État-nation. C’est de la démence, de la folie. Pend
703
olie. Pendant tout le xixe et le xxe siècle, on
a
voulu imposer les mêmes frontières à des réalités qui n’ont rien à vo
704
imposer les mêmes frontières à des réalités qui n’
ont
rien à voir ensemble comme la langue, le sous-sol, l’économie, l’hist
705
onnel. Je suis né à Neuchâtel qui, jusqu’en 1848,
a
été une principauté dont le prince était le roi de Prusse mais qui se
706
matiquement Suisse. La Suisse est sa nation qui n’
a
pas les mêmes frontières ni les mêmes langues que le canton. De plus,
707
onc, je fais partie de l’ensemble francophone qui
a
des limites tout à fait différentes du canton et de la Suisse puisqu’
708
ient limitées par une même frontière. C’est ce qu’
ont
voulu tous les créateurs d’États totalitaires, à commencer par Napolé
709
t de la folie pure. Ils croient que l’État-nation
a
été créé par Dieu le septième jour de la création, que c’est le somme
710
ans subordination. Ce sont les mêmes termes que j’
ai
utilisés pour définir le couple et définir la coexistence des autonom
711
e dans vos activités ? Ma formation protestante m’
a
permis de mieux formuler le personnalisme en ajoutant le terme de voc
712
ersonnalisme en ajoutant le terme de vocation qui
a
été fortement souligné par Luther et Calvin. Je garde aussi du protes
713
i est très développé dans les pays calvinistes. J’
ai
fait cette observation bien avant 1939 : il y a des régimes totalitai
714
iques : Italie. Espagne et même l’Allemagne. Vous
avez
naturellement le totalitarisme qui correspond à l’orthodoxie russe, g
715
’orthodoxie russe, grecque, roumaine. Mais vous n’
avez
jamais eu de régime totalitaire dans un pays protestant. C’est assez
716
russe, grecque, roumaine. Mais vous n’avez jamais
eu
de régime totalitaire dans un pays protestant. C’est assez frappant.
717
nne définie par une vocation unique. Chaque homme
a
sa vocation propre, c’est-à-dire qu’il part de là où il est, qui est
718
par l’exercice de cette vocation. C’est ce que j’
ai
de plus fondamentalement protestant. À part cela, je suis pour un chr
719
une seule croyance imposée à tout le monde. Vous
avez
parlé d’écologie et vous donnez une conférence17 sur ce thème à Bruxe
720
i me tient fort à cœur depuis quelques années : j’
ai
découvert que l’humanité, aujourd’hui, se voit contrainte de choisir
721
, de l’air pour tout le monde, indéfiniment. On n’
avait
donc pas besoin de politique de développement car on pensait que le p
722
rd’hui, depuis une dizaine d’années pour ceux qui
avaient
l’œil ouvert, depuis trois ou quatre ans dans l’opinion publique, on
723
tout le monde parle, heureusement, nous oblige à
avoir
une politique. C’est-à-dire avoir des finalités pour l’existence et r
724
, nous oblige à avoir une politique. C’est-à-dire
avoir
des finalités pour l’existence et régler les moyens sur ces finalités
725
s moyens sur ces finalités. Or, jusqu’ici, il n’y
avait
d’autre politique que cette finalité générale qu’est le profit, la cr
726
ière fois, dans l’histoire de l’humanité, nous en
avons
les moyens. Mais nous avons aussi les moyens de tout tuer. Et nous so
727
e l’humanité, nous en avons les moyens. Mais nous
avons
aussi les moyens de tout tuer. Et nous sommes d’ailleurs en train de
728
es tas de problèmes radicalement faux. Pourquoi y
aurait
-il une économie qui correspondrait à la Belgique, une autre au Luxem
729
s sont des partisans ou des nationalistes. Mais j’
ai
le plus grand respect pour des hommes qui ont une vision politique du
730
is j’ai le plus grand respect pour des hommes qui
ont
une vision politique du développement de l’humanité. Jean Monnet, par
731
s. Et au hasard de l’ignorance totale de ceux qui
ont
fait les traités. Et qui aujourd’hui encore délimitent les régions, à
732
e de peupliers qui descend du château où Voltaire
a
vécu pendant plus de vingt ans. Un portail vert. Qu’on ouvre et qu’on
733
nis de Rougemont est aussi un grand voyageur : il
a
vécu en Allemagne, en France, aux États-Unis pendant plusieurs années
734
européen de la culture, à Genève, institut qu’il
a
créé en 1950. Mais, Denis de Rougemont est avant tout, à sa manière,
735
Je rentrais de l’espace. Des heures durant, je l’
avais
vue qui tournait lentement, merveilleuse, éclatante, seule vivante, b
736
e, verte et blanche dans le noir éternel, et je l’
avais
aimée comme une femme qui vient, comme une patrie d’enfance qu’on ret
737
’enfance qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y
avait
qu’elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre rencontre
738
juxtaposées. Le mouvement libertaire des communes
ayant
pris le pouvoir dans certaines villes, le centre de la vie politique
739
ute vraie commune, ou communauté d’hommes libres,
a
repris dans tous nos pays européens le rôle de l’« agora » des ancien
740
ateurs. Telle étant l’architecture de la cité qui
a
permis la démocratie, on voit que cette dernière trouve ses ennemis m
741
s frères Fontana, tous Tessinois et tous cousins,
ont
bâti la Rome baroque, Saint-Pierre et les grandes basiliques. L’ingén
742
. Le Corbusier, natif de La Chaux-de-Fonds, qui n’
a
guère fait en Suisse que la maison de sa mère, ira bâtir des capitale
743
amateurs de clichés, qui ne savent pas qu’il n’y
a
plus de salons, qu’ils ont été remplacés depuis le xviiie siècle par
744
ne savent pas qu’il n’y a plus de salons, qu’ils
ont
été remplacés depuis le xviiie siècle par les cafés, et qu’il n’y a
745
uis le xviiie siècle par les cafés, et qu’il n’y
a
plus de cafés littéraires depuis vingt ans, même à Paris. La culture
746
ure n’est pas nécessairement sérieuse. Ceux qui n’
ont
pas le sens de l’arbitraire, de l’humour fût-il noir, de la désinvolt
747
le soit « La culture est ce qui reste quand on
a
tout oublié », disait Édouard Herriot, homme politique bien oublié, m
748
ment, par cette seule phrase sur la culture. On l’
a
prise pour une boutade. J’y vois plutôt une anticipation de certains
749
émoré » par la réactivation de la structure qu’il
a
créée, répondant à un stimulus extérieur. Le message se voit ainsi re
750
est l’appel de sa fin, sa vocation. 4. Il n’y
a
pas de cultures nationales Cette thèse est démontrée sans aucun do
751
. Les vingt-deux autres États-nations de l’Europe
ont
en moyenne 25 ans d’âge. Or, la culture européenne, qui remonte à Sum
752
plus ancienne que nos divisions nationales. « Qu’
as
-tu que tu n’aies reçu ? », dit l’Europe aux nations. Elles n’ont en p
753
que nos divisions nationales. « Qu’as-tu que tu n’
aies
reçu ? », dit l’Europe aux nations. Elles n’ont en propre que leurs v
754
’aies reçu ? », dit l’Europe aux nations. Elles n’
ont
en propre que leurs vanités, leurs chauvinismes, partout pareils et q
755
pareils et qui ne les distinguent en rien. Il n’y
a
pas plus de « musique française » que de « mathématiques soviétiques
756
enèse, continentales dans leur évolution. Elles n’
ont
tout de même pas pu tenir compte par anticipation de frontières qui n
757
Inutile d’insister sur le fait que ces frontières
ont
peu de rapports avec la sagesse politique, aucun rapport avec les int
758
ions phénoménales (voile de Maya). Seule l’Europe
a
osé dépasser le stade de l’initiation (alpha et oméga des cultures ju
759
et oméga des cultures jusqu’à nous) et seule elle
a
couru le risque de promouvoir l’originalité de la personne, d’inciter
760
sme à partir de dix heures du soir ».) « Il vous
a
été dit… mais moi je vous dis… » Cette phrase évangélique ne nie pas
761
euse histoire de Tristan et Iseut [préface] (1973)
as
at Gaston Paris, Joseph Bédier, Ernest Vinaver, et à leur suite An
762
e Tristan et son contexte culturel et historique,
ont
fait bien plus qu’une œuvre scientifique et « sérieuse » aux yeux de
763
et « sérieuse » aux yeux de leurs confrères : ils
ont
permis à l’Occident moderne de reprendre conscience d’une de ses sour
764
’est l’étymologie de nos passions que ces savants
ont
retrouvée. Selon Littré : Les étymologies servent à faire entendre l
765
blic une justification de l’usage personnel qu’il
a
fait. Un mythe, c’est une histoire, généralement très simple et invar
766
is non pas de notre existence intellectuelle, qui
a
bien d’autres manières de s’exprimer, plus directes et abstraites à l
767
e l’âme. Or, c’est dans le mythe de Tristan qu’il
a
trouvé son expression la plus totale, délicieuse et tragique à la foi
768
— et c’est le fameux coup de foudre romantique —
a
cru voir en lui la lueur, toujours fuyante mais en fuite vers la haut
769
vers la hauteur où elle entraîne l’amant ravi. On
aura
reconnu la conclusion gnostique du Second Faust de Goethe, mais aussi
770
le roi Marc, symbole du mariage légal. Les amants
ont
perdu la vie, gagné l’amour. Le mari, lui, partage la vie d’Iseut. Il
771
lution du xiie siècle jusqu’à nos jours, comme j’
ai
tenté de le faire jadis, serait hélas illustrer la lente dégradation
772
seut avec le Roi, père adoptif du héros —, il n’y
aurait
pas de roman, ni de passion mortelle, il n’y aurait donc pas eu de my
773
rait pas de roman, ni de passion mortelle, il n’y
aurait
donc pas eu de mythe. On ne saurait imaginer le grand roi Marc s’incl
774
n, ni de passion mortelle, il n’y aurait donc pas
eu
de mythe. On ne saurait imaginer le grand roi Marc s’inclinant devant
775
c’est-à-dire un malade mental. Un psychanalyste l’
eût
guéri, et le roman n’eût pas eu lieu. Si les derniers tabous viennent
776
ntal. Un psychanalyste l’eût guéri, et le roman n’
eût
pas eu lieu. Si les derniers tabous viennent à céder, c’en sera fait
777
ion de Tristan et d’Iseut : et c’est la mort. ⁂ J’
ai
laissé jusqu’ici dans l’ombre cet aspect, trop souvent, trop facileme
778
t ». Les obstacles sociaux, coutumiers ou sacrés,
ont
cédé à nos sciences, ou c’est tout comme. Qu’en est-il du dernier bar
779
jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car ils
ont
beu leur destruction et leur mort ». Certes, c’est vrai pour leur exi
780
vrai pour leur existence dans ce monde, mais ils
ont
aussi bu l’Amour, un amour qui s’adresse à la part immortelle que lui
781
ythe, ose parler d’un plaisir que l’usage en moi
a
fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort. Et
782
Et Wagner, le dernier auteur de la légende qu’il
a
su recréer d’après nature, s’inspirant de Gottfried de Strasbourg, in
783
— Je suis toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre
a
maltraité son moi, au lieu de la Fravarti c’est une apparition monstr
784
ière qu’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui
aurait
été, sur la Terre, le véritable objet du désir de Tristan, sa princes
785
a grandeur première et drue, les philologues nous
ont
mis au défi d’apporter un peu plus de justesse dans le style de nos é
786
t ce n’est pas seulement de la littérature qu’ils
ont
bien mérité, mais de l’âme. ⁂ Comment résister à la tentation de comp
787
uls, Joseph Bédier en 1908 et André Mary en 1941,
ont
osé récrire la légende, dans leur propre version inspirée des ancienn
788
ais, allemands, danois et même norvégiens, et les
ont
recréés dans des styles différents : Bédier classique, Mary baroque ;
789
l’auteur du Roman en prose. Le Mythe en eux tous
a
dicté, inventé ses moyens d’expression. ⁂ Et cependant, tout étant di
790
ire d’un poème, sauf la poésie. Après Bédier (qui
a
provoqué le premier choc révélateur), après André Mary (pour ceux qui
791
arle de la mort comme nul moderne adaptateur ne l’
a
osé. Tristan surpris par le roi Marc implore son pardon pour la Reine
792
s’en va. » André Mary, d’après Thomas : « Puis il
a
dit trois fois : Amie Iseut ! À la quatrième, il a rendu l’esprit. »
793
dit trois fois : Amie Iseut ! À la quatrième, il
a
rendu l’esprit. » (Bédier : « Il rendit l’âme. ») Mais il y a surtout
794
c quelle rigueur le péché vous malmène ! » Béroul
a
dit seulement ceci : Amour par force vous démène ! (Amors par forc
795
es quelques pages de la préface de Gaston Paris.
as
. Rougemont Denis de, « [Préface] André Mary, La Merveilleuse histoir
796
ais aussi, deux ou trois choses précises, comme :
a
) l’interaction féconde de deux ou plusieurs disciplines ; b) l’applic
797
mbreuses disciplines à un même objet. Exemples de
a
) ? L’exemple désormais classique de la fécondation d’une discipline p
798
industrielle. Exemples de b) L’amour-passion. J’
ai
étudié ce phénomène, si spécifiquement européen par sa genèse, dans
799
en par sa genèse, dans L’Amour et l’Occident . J’
ai
très vite pressenti que la forme d’amour que je cherchais à décrire n
800
cialités, les facultés même ! Toute la Sorbonne m’
a
condamné, mais le même ouvrage, aujourd’hui, figure au programme de l
801
mais si curieusement oubliée par les réformes qui
ont
suivi. au. Rougemont Denis de, « [Entretien] Université et univers
802
énomène politique très précis, dont les Européens
ont
pris conscience au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, joue dans
803
ce carcan militaire, idéologique et douanier, qui
a
moins d’un siècle d’âge en moyenne, n’est plus capable d’assurer la p
804
français, Mezzogiorno, Schleswig-Holstein, etc.)
ont
motivé les premières études régionales au sein du Marché commun, dès
805
régionales au sein du Marché commun, dès 1961, et
ont
abouti à la création d’une Direction générale de la politique régiona
806
e, mais ce miracle ne s’est jamais produit. Et il
aurait
encore moins de chance de survenir dans le cas de régions définies en
807
aires variables : celle-ci serait basée — comme l’
a
proposé le récent colloque des régions frontalières organisé par le C
808
e nous, non des astres. S’il est vrai, comme je l’
ai
toujours pensé, que nous n’avons pas à prévoir notre histoire, mais à
809
st vrai, comme je l’ai toujours pensé, que nous n’
avons
pas à prévoir notre histoire, mais à la faire. aw. Rougemont Deni
810
on. Son œuvre, traduite en plusieurs langues, lui
a
valu diverses distinctions nationales. »
811
ger. Encore faudrait-il décrire ces structures. J’
ai
toujours soutenu que la démocratie, au sens actif et créatif du mot,
812
f et créatif du mot, n’est pas possible, s’il n’y
a
pas une « agora » ou un « forum » — une « place » au cœur de la cité.
813
de plus en plus mythique — cette Europe divisée n’
a
pas la moindre chance de résister d’une part à la colonisation idéolo
814
t uniformisée en vue de la puissance, deux hommes
ont
essayé de la faire : Napoléon et Hitler ; dans les deux cas, l’expéri
815
ire ou millénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’
a
duré qu’une douzaine d’années. La Suisse fédérale, en regard, approch
816
enne pratiquement acceptable pour les nations qui
ont
des problèmes régionaux (laquelle n’en a pas ?), pour les ethnies qui
817
ns qui ont des problèmes régionaux (laquelle n’en
a
pas ?), pour les ethnies qui se trouvent soit divisées par les fronti
818
ollande sont immortelles, ce qui suggère qu’elles
auraient
existé de toute éternité, alors qu’en vérité, pour la plupart, en tan
819
plupart, en tant qu’État, et en moyenne, elles n’
ont
même pas un siècle d’âge. Seules la France, l’Angleterre et l’Espagne
820
est absolument certain que l’Italie comme État n’
a
que 112 ans, l’Allemagne 102, la Norvège 70, la Tchécoslovaquie, la Y
821
lande 50, l’Islande 28, et Malte 11. L’École nous
a
raconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à un
822
, défini par des frontières naturelles. Et nous l’
avons
cru ! Nous croyons donc que chacun de nos États-nations a sa langue e
823
Nous croyons donc que chacun de nos États-nations
a
sa langue et que ses frontières coïncident avec elle. Nous croyons qu
824
royances qui en résultent. Tout d’abord : il n’y
a
pas de cultures nationales, si l’on entend par « nations », comme on
825
es naturelles, chères à nos maîtres. Cette notion
a
son origine sous Louis XIV, dans les guerres contre l’Espagne et cont
826
e et contre les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle
a
été mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé dan
827
ise en forme par la Révolution française, et elle
a
triomphé dans l’enseignement de la géographie au xixe siècle, là enc
828
ce dévot de l’État-nation. C’est ainsi qu’on nous
a
inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses deux rives, mais que l
829
œur des Alpes. Non, les frontières de nos États n’
ont
jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires co
830
s, fauteurs de deux guerres mondiales où l’Europe
a
failli périr, mais encore ils faussaient notre vision de l’histoire e
831
traire que ce sont « les prophètes d’Israël » qui
ont
« déposé dans notre esprit cette soif révolutionnaire de la justice q
832
à un moindre degré, arabes puis slaves — qui nous
ont
tous affectés, à doses variables, et qui ont éduqué notre vision du r
833
nous ont tous affectés, à doses variables, et qui
ont
éduqué notre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nous so
834
musique, de philosophie et de doctrine politique
ont
été paneuropéennes, et non pas nationales : l’art roman et le gothiqu
835
ut ce qui compte dans la vie de la culture et qui
a
marqué les élites intellectuelles de tous nos pays, puis, à travers e
836
servations faciles à vérifier. Chacun de nos pays
a
un nord et un midi, dans chacun l’on trouvera des croyants et des inc
837
isant à Paris tous les esprits distingués qu’il n’
avait
pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre culture
838
excellence et par définition à toute union. Je l’
ai
dit souvent : l’Europe des États, rêvée par de Gaulle, ce serait une
839
ou bien l’on reste misanthrope, mais alors il n’y
a
pas d’amicale. La fédération européenne s’établira sur la base des ré
840
puisque les échanges commerciaux, par exemple, n’
ont
aucune raison de coïncider avec un bassin écologique, ou avec une eth
841
xpérience séculaire montre suffisamment qu’il n’y
a
rien à attendre à cet égard des gouvernements comme tels, soit ecclés
842
avers le monde mais unis par le Saint-Esprit. Ils
ont
été depuis deux-mille ans le sel de la Terre, l’Europe leur doit le m
843
’apporter au monde la guérison des maux qu’elle y
a
causés. 20. La France date-t-elle de Clovis, ou des fils de Charle
844
e et les arts chrétiens que les valeurs bibliques
ont
fécondé l’Europe. En attendant la grande explosion culturelle des Jui
845
n continuelle au gouvernement du pays. L’écrivain
a
bien voulu remonter le temps. Toujours tourné vers l’avenir, il convi
846
ers l’avenir, il convient volontiers qu’il « faut
avoir
le sens de son histoire personnelle ». On ne connaît pas le sens d’un
847
d’une histoire, si on ne connaît pas le passé. Il
a
donc fait des recherches généalogiques qui l’ont conduit à de surpren
848
Il a donc fait des recherches généalogiques qui l’
ont
conduit à de surprenantes découvertes. Ce fils de pasteur compte parm
849
Charlotte Corday. Cela ne vous fait pas peur ? J’
ai
toujours en tête une recommandation d’un de mes oncles : « Plus l’anc
850
’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on
a
de chances de tenir de lui. » Quand débute votre famille ? Si l’on co
851
ace d’une femme de cette famille de Rougemont qui
a
épousé le comte de Neuchâtel en 1360. On trouve également un abbé de
852
uté prussienne, Frédéric II, prince de Neuchâtel,
a
donné à Denis de Rougemont une lettre de reconnaissance de noblesse.
853
ns complètement Suisse. Vous habitez en France. J’
ai
besoin d’être à cheval sur une frontière. Je sens les choses français
854
re vie intellectuelle commence à Paris ? Oui, j’y
ai
publié mes premiers livres. La France ou la Suisse ? Je me sentirais
855
héréditaires » ? C’est vous qui l’écrivez. Vous n’
avez
jamais songé à être pasteur ? Il est intéressant de savoir d’où l’on
856
touchent tant, mais je suis tourné vers l’avenir.
Avez
-vous songé à l’Église ? Quand je suis parti pour Vienne, j’étais très
857
evenir chimiste quand j’étais jeune, mais quand j’
ai
pris des leçons j’ai compris qu’il ne saurait plus en être question.
858
j’étais jeune, mais quand j’ai pris des leçons j’
ai
compris qu’il ne saurait plus en être question. Vous savez, quand la
859
savez, quand la passion est devenue un devoir… j’
ai
compris que j’étais écrivain. J’avais lu un Paradis à l’ombre des ép
860
e un devoir… j’ai compris que j’étais écrivain. J’
avais
lu un Paradis à l’ombre des épées, de Montherlant. J’ai écrit une cr
861
n Paradis à l’ombre des épées, de Montherlant. J’
ai
écrit une critique que j’ai envoyée à une revue à Genève qui l’a publ
862
es, de Montherlant. J’ai écrit une critique que j’
ai
envoyée à une revue à Genève qui l’a publiée. Je n’en étais pas plus
863
tique que j’ai envoyée à une revue à Genève qui l’
a
publiée. Je n’en étais pas plus fier pour ça : je me voulais poète et
864
érédité des dons ? Je n’y crois pas. Disons que j’
ai
eu un milieu favorable. Dans la famille de ma mère, il y avait des ar
865
dité des dons ? Je n’y crois pas. Disons que j’ai
eu
un milieu favorable. Dans la famille de ma mère, il y avait des artis
866
’argumentation et la dialectique légaliste, qui l’
eussent
conduit, en d’autres temps, vers une carrière d’homme politique… Le m
867
u plus grandes, et vers la liberté d’esprit. » Qu’
avez
-vous hérité de lui ? Le sens de l’engagement et celui de la justice.
868
pour les socialistes — ce qui faisait scandale. J’
ai
été très influencé par lui jusqu’à l’âge de 18 ans. De votre mère ? À
869
s se moquent bien que la région à laquelle on les
a
rattachés soit déclarée « compétitive » avec la Ruhr, le Piémont ou l
870
ans l’intention de devenir « compétitifs ». Qu’en
auraient
-ils de plus ? Ça n’a pas de sens pour eux. C’est une idée de technocr
871
compétitifs ». Qu’en auraient-ils de plus ? Ça n’
a
pas de sens pour eux. C’est une idée de technocrate, de ministre ou d
872
de vie, les goûts et volontés de leurs habitants.
A-t
-on jamais exigé une « taille européenne » de nos États-nations ? Du L
873
Luxembourg et de la France, lequel des deux États
a-t
-il la taille ? Je vais vous le dire : c’est le plus petit. En tant qu
874
s, ne s’entend plus. L’angoisse des individus qui
ont
perdu prise sur leur vie, et n’ont plus foi dans les mythes nationaux
875
individus qui ont perdu prise sur leur vie, et n’
ont
plus foi dans les mythes nationaux — tout nous pousse aujourd’hui à c
876
r nos routines mentales, héritées de l’École, qui
ont
substitué les mythes de l’État régalien et de la nation indivisible,
877
ent savent-ils dans quel pays ils sont ? S’il n’y
avait
que les poissons ! Les vents, les fleuves et les nuages, la faune, la
878
e, mais ce miracle ne s’est jamais produit, et il
aurait
encore moins de chance de survenir dans le cas de régions définies en
879
815 à 1919, ces facteurs ancestraux de division n’
ont
nullement empêché la prospérité et l’entente de populations que les c
880
de force de Poincaré que tout s’est gâté. Et l’on
a
, sans sagesse ou sans bonne foi, invoqué de vieux conflits pour « exp
881
’hostilité, de jalousie, ou de simples bisbilles,
ont
en fait disparu de nos jours : les races sont mêlées, l’évolution his
882
Stendhal. Rien de plus aisé, si l’on songe qu’ils
ont
aimé les mêmes paysages, subi les mêmes bises noires, et résisté au m
883
égociateur de la République au congrès de Vienne,
avait
publié quatre opuscules en dialecte savoyard. ⁂ C’est l’École, à ses
884
rd. ⁂ C’est l’École, à ses trois degrés, qui nous
a
convaincus que nous étions différents au point de ne pouvoir rien fai
885
s de la grande passion de sa vie : l’Europe. Nous
avons
profité de cette rencontre pour évoquer avec l’écrivain, à la lumière
886
tout le monde dit qu’il faut faire l’Europe, on n’
a
pas avancé d’un millimètre, hormis quelques progrès en matière économ
887
arde bien de la découper dans le terrain. On nous
a
trop appris, à l’école, à dessiner des pays comme des entités fermées
888
ologiques, de transport ou d’enseignement. Il n’y
a
aucune raison que ces fonctions correspondent à une seule et même air
889
étudions le cas de la région lémano-alpine. Nous
avons
distingué dans ce cadre à géométrie variable différentes régions, don
890
composé non de spécialistes, mais de citoyens qui
aient
une vision générale de la vie, qui équilibrent les différentes foncti
891
ore qu’il y ait des économies nationales ? Il n’y
a
aucune raison pour qu’une entité économique coïncide avec les frontiè
892
ntières d’un de nos États-nations, frontières qui
ont
été fixées au hasard des guerres et des traités sur de tout autres ba
893
nq à dix ans, alors que nos frontières politiques
ont
été établies dans la plupart de nos pays au xixe siècle ou au début
894
en termes complètement différents. Si les régions
avaient
leur mot à dire à propos de tout ce qui se passe sur leur territoire,
895
est un peu loin ! Devant les enseignants, vous
avez
reproché à l’école traditionnelle d’enseigner l’histoire et la géogra
896
ographie à partir du seul cadre national, et vous
avez
suggéré que l’on parte plutôt de l’environnement immédiat des élèves.
897
actuels réels. Une petite phrase de Simone Weil m’
a
frappé : « L’orgueil national est loin de la vie quotidienne. » Je su
898
on histoire et les traces encore visibles qu’elle
a
laissées dans nos vies, on arriverait à de meilleurs résultats « euro
899
aturelles, et finalement sur les décisions qu’ils
auront
à prendre comme citoyens de leur région et de l’Europe des régions fé