1 1970, Articles divers (1970-1973). La place du livre dans l’information de l’homme moderne (1970)
1 e remarque, non pas du tout en contradiction avec ce que vient de vous dire M. Armand, mais plutôt complémentaire à propos
2 nt pour moi le comble de l’élégance en technique, ce petit truc tout simple… Donc des appareils formés d’éléments extrêmem
3 veut faire passer ne passe que dans la mesure où ce système de mots et de phrases oriente l’esprit du lecteur de la maniè
4 ’infinité des directions possibles. Alors, qu’est- ce qui produit cet effet d’orientation, d’organisation de l’information
5 qualification ? C’est quelquefois le style ; dans ce cas, c’est le style qui est le message même du livre, qui fonctionne
6 nts dans un ouvrage philosophique, ou quelquefois ce sont simplement des situations dans un ouvrage romanesque. Mais toujo
7 ion qui nous transforme nous-mêmes, nous digérons ce qu’il y a dans le livre et je dirai qu’en revanche et en retour le li
8 s que nous sommes « absorbés » dans un livre, est- ce que c’est lui qui nous absorbe ou nous qui l’absorbons ? C’est une qu
9 ion qu’on peut se poser, et cela me fait penser à ce passage très fameux de l’Apocalypse où l’auteur entend une voix du ci
10 ui lui dit : « Va au-devant de cet ange et prends ce petit livre ouvert qu’il a dans les mains, et quand tu l’auras pris,
11 ur transformatrice qui existe dans un livre, dans ce petit appareil qu’est le livre dont on ne sait jamais si c’est lui qu
12 ous lire une page de Nietzsche que j’ai retrouvée ce matin même, sur « la lente lecture ». Je voudrais qu’on affiche cette
13 par écrire lentement. Ne rien écrire d’autre que ce qui pourrait désespérer l’espèce d’homme qui se hâte ! [voilà pour l’
14 vec des doigts et des yeux délicats. Ami patient, ce livre ne souhaite pour lui que des lecteurs parfaits. Apprenez à bien
15 à un certain nombre de questions posées. Eh bien, ce ne sont pas les sujets qui manquent, ce qui est difficile, c’est le t
16 Eh bien, ce ne sont pas les sujets qui manquent, ce qui est difficile, c’est le temps de lente lecture pour bien se pénét
17 et le livre. On me fait remarquer que le livre a ce gros avantage sur la télévision que : « les moyens de communication d
18 eint d’hommes ou d’intérêts. Le dissentiment dans ce qu’il y a de plus scandaleux, et non pas seulement de pittoresque et
19 les programmes. Et alors, on se disait : « Qu’est- ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’il faut créer un poste européen de télév
20 on se disait : « Qu’est-ce qu’il faut faire ? Est- ce qu’il faut créer un poste européen de télévision ? » Ça sera très dif
21 sser cela. C’est la cassette. C’est un palliatif. Ce n’est pas suffisant, mais c’est l’équivalent du livre par rapport à l
22 langue internationale ? L’espéranto, par exemple, ce qu’on a essayé de faire jusqu’ici mais sans grand succès ? » Alors là
23 ette question parce qu’elle me permet de préciser ce que j’appellerais « information » tout à l’heure. Quelqu’un me dit :
24 ureau, le contremaître, aient assez de temps. Est- ce que, face au rythme de la vie actuelle auquel nous sommes tous soumis
25 moments de lente lecture ? » Première remarque : ce ne sont pas les gens qui ont le plus de temps qui lisent le mieux, ni
26 ail. C’est dommage, il faudrait arriver à réduire ce temps de travail ; c’est au fond tout l’effort de la technique actuel
27 ur et à mesure [que] l’automation se développera. Ce n’est pas à mon voisin, que j’irai apprendre ce genre de choses. Je p
28 . Ce n’est pas à mon voisin, que j’irai apprendre ce genre de choses. Je pense que nous allons maintenant vers un état de
29 ent, l’aiguille va passer du travail au loisir et ce sera pour le loisir, sérieux de la vie, qu’on travaillera un petit pe
30 e, qu’on travaillera un petit peu, pour s’assurer ce qu’il faut, pour avoir le temps de lire lentement. Quelqu’un demandai
31 erver « qu’on lit énormément de revues en France, ce qui pourrait compenser les chiffres un peu pessimistes des statistiqu
2 1970, Articles divers (1970-1973). Deux en un, ou le fédéralisme (mars 1970)
32 Conseil de l’Europe : je compris par la suite que ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour un système d’unificatio
33 r qu’un grand homme d’État belge ait pu écrire en ce temps-là (il a changé d’avis depuis) : Ce n’est pas dans le fédéralis
34 rire en ce temps-là (il a changé d’avis depuis) : Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-m
35 ’avis depuis) : Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son s
36 des européistes on ne peut plus engagés. Que sera- ce ailleurs, dans la grande presse, dans la grande masse des citoyens do
37 échange d’une opposition commune au fédéralisme, ce qu’il a traduit en ces termes : « La Grande-Bretagne et la France son
38 dividuelle en tant que nation. » Je m’assure que ce qu’a dit Maurice Schumann n’était nullement censé « traduire » un ref
39 air que l’erreur est le fait du journaliste, mais ce qui frappe, c’est qu’elle ait pu passer inaperçue dans un quotidien q
40 et le judiciaire, mais « à différents niveaux » ( ce qui introduit le thème des communes et des régions autonomes), enfin,
41 réatrices. L’attitude intellectuelle que traduit ce vocabulaire souple et précis doit-elle rester à jamais étrangère aux
3 1970, Articles divers (1970-1973). Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe (19 mars 1970)
42 Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe (19 mars 1970)c d On assist
43 en Suisse — que c’est la seule voie sérieuse. Que ce qu’il y a de sérieux quand on parle de l’Europe, c’est uniquement l’é
44 x, a voulu se borner à l’économie, c’est-à-dire à ce qui pouvait servir les intérêts réputés sérieux, surtout sur les bord
45 n’y a pas de cultures nationales, contrairement à ce que l’on nous a appris à l’école. Il n’y a qu’une grande culture euro
46 est commune aux Suisses et à tous les voisins de ce pays, on peut édifier une union. Je dis bien : une « union » et non p
47 te les diversités qui tout de même subsistent sur ce fond d’unité. Denis de Rougemont, à votre point de vue, un écrivain a
48 euse dans les temples, de la peinture religieuse. Ce n’est qu’en Europe que l’on a utilisé tous ces procédés tels que le s
49 orter dans l’union de l’Europe. Elle a à apporter ce qu’elle est, ce qu’elle est devenue au cours des siècles, c’est-à-dir
50 on de l’Europe. Elle a à apporter ce qu’elle est, ce qu’elle est devenue au cours des siècles, c’est-à-dire la formule féd
51  » Pensez-vous que la Suisse comprenne exactement ce qu’est le fédéralisme ? Le fédéralisme est l’une des choses les plus
52 tit pays, qui n’a qu’une petite armée, encore que ce soit la plus forte d’Europe !)… que ce n’est pas une grande puissance
53 encore que ce soit la plus forte d’Europe !)… que ce n’est pas une grande puissance comme les États-Unis ou la Russie… » J
54 ue c’est là une attitude tout à fait erronée, car ce qui fait le poids, l’autorité d’un pays dans le monde, ce qui donne d
55 ait le poids, l’autorité d’un pays dans le monde, ce qui donne du poids à ses interventions dans le domaine de la politiqu
56 la politique étrangère, de la politique générale, ce sont les initiatives, les exemples qu’il peut donner, les initiatives
57 auraient eu contre eux l’opinion du monde entier. Ce n’est donc pas du tout la force, comme on le répète toujours, qui dir
58 ortirait de toute son histoire, elle sortirait de ce que nous sommes, nous Suisses, dont nous avons à prendre toujours mie
59 , les Suisses, prenions conscience plus claire de ce qu’est notre fédéralisme, des richesses de cette formule chez nous. I
60 de Rougemont, le citoyen suisse, qui appartient à ce peuple heureux que vous décrivez, ne semble pas très prêt à assumer l
61 isqu’il manque d’initiative ? Qu’en sait-on ? Est- ce qu’on a jamais demandé aux Suisses ce qu’ils pensaient de l’Europe et
62 it-on ? Est-ce qu’on a jamais demandé aux Suisses ce qu’ils pensaient de l’Europe et d’une intégration de l’Europe, d’une
63 se moyen, l’homme de la rue, quand on lui demande ce qu’il pense de l’Europe, répète naturellement ce qu’il a entendu dire
64 ce qu’il pense de l’Europe, répète naturellement ce qu’il a entendu dire à la radio, à la télévision, ce qu’il lit dans l
65 qu’il a entendu dire à la radio, à la télévision, ce qu’il lit dans la presse, ce qu’il entend dans les discours de ses ho
66 io, à la télévision, ce qu’il lit dans la presse, ce qu’il entend dans les discours de ses hommes d’État, de ses députés.
67 aires et même de maîtres primaires qui ont adopté ce point de vue, qui se mettent à enseigner l’histoire, la géographie, l
68 il fédéral qui me paraît tout à fait disposé dans ce sens, à en juger par les récentes déclarations des hommes qui sont ch
69 angères. c. Rougemont Denis de, « [Entretien] Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe », Construire, Lausanne, 19 ma
4 1970, Articles divers (1970-1973). « Un acte de reconnaissance » [à propos du prix Robert Schuman] (24 mars 1970)
70 é. Quelle signification attachez-vous au fait que ce soit à vous, écrivain et directeur du Centre européen de la culture,
71 et marées et sans toujours beaucoup d’appuis. Or ce prix est un appui formel. Vous êtes donc particulièrement satisfait ?
72 ravaux réalisés en marge de son métier propre. Et ce sont mes livres sur l’Europe et mon activité au Centre européen de la
73 é au Centre européen de la culture qui m’ont valu ce prix, attribué jusqu’ici à des hommes politiques seulement : Jean Mon
5 1970, Articles divers (1970-1973). La passion en 1970, est-ce possible ? (mai 1970)
74 La passion en 1970, est- ce possible ? (mai 1970)i « La passion, écrit Denis de Rougemont, est
75 fiançailles, me semble un bon moyen de faciliter ce passage et d’éviter les trop mauvais mariages. Pourquoi les seconds m
76 t Denis de, « [Entretien] La passion en 1970, est- ce possible ? », Marie Claire, Paris, mai 1970, p. 21.
6 1970, Articles divers (1970-1973). « S’unir, au-delà de nos fausses souverainetés, pour préserver nos vraies diversités » (mai-juin 1970)
77 t le culte prolongé d’un mythe, il faut choisir ! Ce choix doit s’opérer dans une certaine finalité ; quelle finalité trou
78 que commerciales. Il va falloir maintenant savoir ce que nous voulons au juste : un niveau de vie quantitatif ou un certai
79 egré un caractère très international et que c’est ce type d’union pluraliste qui peut seul assurer la paix de l’Europe ! I
7 1970, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture européenne ? (juin 1970)
80 Qu’est- ce que la culture européenne ? (juin 1970)j Dans le précieux recueil
81 illeurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’ils doivent, en fait, à la culture. Unité non pas homogène, et qui
82 ’uniformisation, de nivellement et d’exclusion de ce qui diffère, mais qui au contraire englobe, et compose largement, dan
83 cipes, molestés, réveillés, mis en mouvement, fût- ce contre nous, pour le meilleur et pour le pire. Héraclite donne la f
84 enir pour la formule même de l’unité européenne : Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus b
85 des contraires procède la plus belle harmonie. De ce temps jusqu’au nôtre, tout concourt à nourrir ce paradoxe qui paraît
86 ce temps jusqu’au nôtre, tout concourt à nourrir ce paradoxe qui paraît bien être la loi constitutive de notre histoire e
87 ont pas d’appeler la tyrannie. Rome, en réponse à ce défi de l’anarchie, invente l’État et les institutions centralisées :
88 usqu’à l’irrémédiable et dangereux Ennui, jusqu’à ce vide de l’âme inoccupée qui appelle les tempêtes et les révolutions.
89 istes, bouddhistes, ou sans croyance aucune… Mais ce n’est pas tout. Avec les trois sources classiques d’Athènes, de Rome
90 ensée servir. j. Rougemont Denis de, « Qu’est‑ ce que la culture européenne ? », 30 Jours d’Europe, Paris, juin 1970, p
8 1970, Articles divers (1970-1973). « L’Europe ? Une révolution culturelle ! » (15 octobre 1970)
91 révolution culturelle ! » (15 octobre 1970)k l Ce qui me frappe, Denis de Rougemont, en lisant votre Lettre ouverte au
92 ipé cette illusion et je pense, d’autre part, que ce qui peut entraîner l’économique, ce n’est pas la politique. Celle-ci
93 tre part, que ce qui peut entraîner l’économique, ce n’est pas la politique. Celle-ci peut même le freiner, comme l’a démo
94 ls, comme si la nation avait été créée par Dieu ; ce serait par volonté divine que les rois de France ont unifié l’hexagon
95 créer un état d’esprit européen chez les maîtres, ce qui permettra d’espérer un changement sérieux en une génération. La J
96 ment lors de Mai 68 ? Exactement, puisque c’est à ce moment-là qu’est sorti un manifeste dont on n’a pas assez parlé, bien
97 qui était alors le plus gauchiste des syndicats. Ce manifeste demandait une fédération européenne fondée sur les réglons
98 rein et sans mesure humaine ; nous affirmions que ce productivisme traduisait une mentalité commune au capitalisme bourgeo
99 ues permettant la participation, mettre en commun ce qui marche mieux si on l’intègre. Le principe de la dimension a été c
100 ent appliqué au CEC ; nous n’avons centralisé que ce qui fonctionnait mieux en étant centralisé. Notre but était, toujours
101 oses neuves, sinon l’on perd trop de temps. C’est ce que nous avons fait au CEC, où les premières nécessités ressenties on
102 avec le respect des forêts, comme je l’ai écrit, ce qui va dans le même sens que le respect de l’autre. L’Europe devrait
103 c’est la raison pour laquelle nous devons sauver ce qui nous reste de nature et de cellule civique, la commune tout parti
9 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix I : Niveau de vie ou mode de vie ? (15 novembre 1970)
104 onisé de manière assez différente. Je veux éviter ce parallèle que l’on fait trop facilement entre l’Amérique et la Russie
105 ilement entre l’Amérique et la Russie soviétique. Ce sont deux menaces virtuelles pour les nations de l’Europe désunie mai
106 ons de l’Europe désunie mais pas de même nature. Ce que j’appelle la colonisation possible par les États-Unis — si nous n
107 ? C’est déjà un fait pour les pays de l’Est. Pour ce qui est de l’Ouest, la colonisation américaine devient chaque année p
108 les Américains auront beau jeu d’intervenir dans ce contexte sans aucune contrepartie. Vous voyez une quantité immense d’
109 là un danger extrêmement grave. Par exemple, dans ce village où j’habite depuis vingt-trois ans : quand j’y suis arrivé, i
110 otidiennes entre les gens se trouve changé. C’est ce bouleversement des équilibres vivants qui est extrêmement grave ; et
111 équilibres vivants qui est extrêmement grave ; et ce sera toujours pire, car aucun de nos pays ne peut se défendre. Il n
112 e » risquent d’être l’Europe des États-Unis ? Est- ce qu’une Europe unie ne faciliterait pas, au contraire, la pénétration
113 que les Américains avaient presque tout fait dans ce domaine des recherches nucléaires. On pouvait se dire : « Ce n’est pa
114 des recherches nucléaires. On pouvait se dire : «  Ce n’est pas la peine de partir, ils ont pratiquement un siècle d’avance
115 e d’avance sur nous. » Mais nous n’avons pas tenu ce raisonnement. Nous nous sommes dit que les Américains avaient réussi
116 enverser la vapeur. De grands choix à faire Ce serait donc le moment de « renverser la vapeur » et nous serions aujo
117 sir librement son avenir. Pourquoi serions-nous à ce moment privilégiés ? À cause du développement des sciences et des tec
118 grande question : que voulons-nous en fait ? Est- ce plus de voitures ? Ou voulons-nous sauver la nature qui nous entoure
119 eau de vie, mesuré purement quantitativement. Est- ce que nous voulons, comme les Américains, augmenter simplement le produ
120 st l’attachement à un certain mode de vie. Qu’est- ce qu’un mode de vie ? C’est l’ensemble des rythmes de la vie, c’est l’e
121 c’est très heureux, car cela constitue un frein à ce développement, à l’infini, du niveau de vie. Je pense que maintenant
122 pays européens, pour une partie de la population, ce dilemme entre niveau de vie et mode de vie ne se pose même pas. Pour
123 les moyens de les faire marcher à l’électricité. Ce serait là un développement technique supérieur à celui des États-Unis
124 certains buts généraux que l’on donnera à la vie. Ce serait une révolution complète. Deux mouvements antagonistes Ne
125 n prend, par exemple, le problème des transports, ce serait un progrès considérable de remplacer, dans les villes, la voit
126 isation sociale et politique ? Oui, profondément. Ce que j’essaie de montrer depuis un certain temps, c’est que nous somme
127 ière, ont su accorder leurs actes à leurs écrits. Ce Neuchâtelois qui, dès 1930, contribuait au lancement de plusieurs rev
128 soulève pas questions, réticences ou scepticisme. Ce sont là des obstacles dont Denis de Rougemont a trop l’habitude pour
10 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix II : Se rallier à l’idée suisse (22 novembre 1970)
129 e germe d’une agence fédérale pour l’économie car ce n’est pas encore une autorité de politique économique et cela ne couv
130 former la Suisse en district fédéral de l’Europe. Ce qui résoudrait beaucoup de questions, et notamment celle de la neutra
131 lle qu’a l’Europe pour adhérer à la Suisse ? » De ce point de vue, la Suisse ne perdrait rien en entrant dans une construc
132 rien en entrant dans une construction européenne. Ce serait le triomphe de son Idée, au sens platonicien du terme. Pouvez-
133 s préciser comment vous concevez les modalités de ce que vous appelez l’adhésion de l’Europe à l’Idée suisse ? Quand je pa
134 n’est d’ailleurs pas toujours appliqué en Suisse. Ce fédéralisme va de la commune aux entreprises jusqu’à l’Europe puis au
135 . Par exemple, sans ordinateurs, je défie qui que ce soit de maîtriser les mécanismes d’une fédération continentale ou alo
136 écanismes d’une fédération continentale ou alors, ce serait une tyrannie effroyable, car on devrait édicter des règles san
137 urope reproduit le Conseil fédéral suisse. Qu’est- ce que le Conseil fédéral ? Ce sont sept agences différentes qui font ch
138 édéral suisse. Qu’est-ce que le Conseil fédéral ? Ce sont sept agences différentes qui font chacune leur travail, et dont
139 atellite, des États-Unis ou de l’URSS, esquissait ce problème crucial devant lequel se trouvent aujourd’hui confrontés les
140 tre comment la Suisse peut et doit s’insérer dans ce processus d’édification d’une Europe fédérale. De telles réflexions n
11 1970, Articles divers (1970-1973). Denis de Rougemont, propos recueillis par E. Liard (décembre 1970)
141 cune de ces régions à sa capitale nationale. Et à ce moment-là, il suffira d’installer des agences fédérales européennes s
142 activités du Centre se sont toujours portées sur ce qu’il y avait de plus neuf dans chaque domaine. Nous avons réuni les
143 lacer à côté de Robert Schuman et de Jean Monnet. Ce sont L’Un et le Divers et Le Cheminement des esprits . Le premier
144 scours qui illustrent cette parole d’Héraclite : “ Ce qui s’oppose coopère et de la lutte des contraires procède la plus be
145 inement des esprits. » Les textes recueillis dans ce livre sont très variés de forme, allant du « discours solennel » deva
12 1970, Articles divers (1970-1973). Message aux régionalistes (16 mars 1973)
146 reux de vivre, de travailler ou de ne rien faire, ce qui est sans doute le meilleur test d’un environnement de qualité. Pl
147 e, comme on le répète, « de taille européenne » — ce qui ne veut strictement rien dire hors du jargon de la guerre commerc
13 1971, Articles divers (1970-1973). Souvenir d’Honegger et de Nicolas de Flue (1971)
148 léphone par un ami qui est à la radio suisse. Est- ce la guerre, qu’on attend d’une heure à l’autre ? C’est Munich, c’est l
149 C’est Munich, c’est la paix (pense-t-on vraiment ce jour-là…) et l’avenir d’un coup qui se rouvre, mais aussi les problèm
150 être, avec et pour cet homme selon mon cœur… Mais ce n’était pas pour tout de suite ! Je venais d’écrire coup sur coup, en
151 ent rentrer en Suisse plus tôt que prévu. C’est à ce moment que l’on m’offrit d’écrire une pièce pour l’Exposition nationa
152 e cet ermite du xve siècle était bien pâle. Mais ce soir-là, je reprends le livre et je découvre un personnage fascinant.
153 lence ! Revenir au théâtre grec, avec son chœur ? Ce serait la solution formelle ; encore faudrait-il l’adapter à la struc
154 les sur un air quelconque, comme “Frère Jacques”. Ce qui a été une fois chanté peut être remis en musique. » À chaque visi
155 isite dans son grand atelier, il me joue au piano ce qu’il a fait. Il joue mal, je ne distingue pas grand-chose, une fin d
156 la première fois à une répétition des chœurs — et ce sera la dernière : la guerre est pour demain — je me sens littéraleme
157 le sentiment, non seulement mon texte, mais tout ce que j’ai pensé, arrière-pensé en l’écrivant et renoncé à y mettre fau
158 r, dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’à ce que la mélodie sorte des paroles. » Je le crois, c’est évident, mais
159 n et de la polyphonie du xvie siècle calviniste, ce serait assez pour définir le style d’un musicien confessionnel et du
160 le d’un musicien confessionnel et du genre pieux, ce qu’Honegger n’est à aucun degré. Je ne crois même pas qu’il se soit j
161 dit croyant, encore moins incroyant, d’ailleurs. Ce n’est pas avec des traces « d’éducation chrétienne » et des formes vi
162 r, doit être qualifié d’essentiellement chrétien, ce n’est pas à cause des sujets, ni des paroles et situations mises en m
163 ent de l’être dans le monde, à savoir Dieu »3. En ce point, tout s’éclaire et s’enchaîne. L’anecdote dont je parlais prend
164 r qui ne se renonce que dans le choix du sens. Or ce sens tout d’abord jalonné par les signes, doit être décidé par la per
14 1971, Articles divers (1970-1973). Le cheminement des esprits (1971)
165 selon Littré, c’est « faire du chemin, surtout en ce sens que le chemin est long et qu’on le parcourt lentement ». Ainsi c
15 1971, Articles divers (1970-1973). Quand Paul Martin voulait faire courir l’Europe (1971)
166 uait le texte « pour mon information, pensant que ce sujet était peut-être de nature à m’intéresser ». Je reconnus au prem
16 1971, Articles divers (1970-1973). L’Europe est d’abord une unité de culture (1971)
167 bord une unité de culture (1971)x y Je pars de ce qui me paraît une évidence majeure : il nous faut faire l’Europe afin
168 l’Italie ou la Grande-Bretagne sont immortelles, ce qui suggère qu’elles auraient existé de toute éternité, alors qu’en v
169 , me direz-vous, le mot « nation » désignait, dès ce temps, ceux qui parlent une même langue ? Oui, mais il n’était pas qu
170 commune origine indo-européenne, mais encore tout ce que leur histoire y ajouta au cours des âges, notions philosophiques
171 à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’il faudrait arrêter — la tempête, les épidémies, la pollution de l
172 ialisme, le libéralisme et le marxisme, bref tout ce qui compte dans la vie de la culture et qui a marqué les élites intel
173 mistes de leur propre nation ; et ainsi de suite. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraime
174 rse, et vous ne risquerez pas un instant de créer ce fameux volapük que dénonçait de Gaulle, non sans démagogie un peu fac
175 ion et renouvellent les données communes. Or dans ce jeu entre les grands courants et les foyers locaux, entre l’unité et
176 u l’illusion d’une « culture nationale » — ne fût- ce qu’en raison de son appartenance à trois domaines linguistiques major
177 situation de la culture à l’échelle du continent. Ce qui s’est fait en Suisse au point de vue de la culture — et qui est s
178 et qui est supérieur, proportionnellement, à tout ce qui s’est fait dans n’importe quelle tranche de six millions d’hommes
179 t je ne crois pas que nous y ayons perdu quoi que ce soit de vraiment précieux. Ces vérités sont assez dures à entendre po
180 s États-nations souverains. Je l’ai souvent dit : ce serait une amicale des misanthropes — chose qu’on peut écrire, non fa
181 solutions : la balkanisation et l’helvétisation. Ce diagnostic est, si possible, encore plus vrai aujourd’hui et il nous
182 ps, et d’exiger enfin qu’on la prenne au sérieux. Ce sera « dans les intérêts de l’Europe entière », pour reprendre une fo
183 evant le parti libéral genevois. » Accompagnée de ce résumé, également traduit en allemand, anglais, italien et néerlandai
17 1971, Articles divers (1970-1973). L’héritage culturel de l’Europe (1971)
184 nnaîtrai vraiment qu’en découvrant à l’expérience ce qu’il me dicte ou m’interdit, mais aussi ce qu’il m’incite ou m’autor
185 ience ce qu’il me dicte ou m’interdit, mais aussi ce qu’il m’incite ou m’autorise à modifier d’une manière inédite — qui s
186 verbiale, et enfin ou d’abord les langues et tout ce qu’elles conditionnent — modes de sentir, de juger, de penser —, à qu
187 simultanés, et les interactions de ces systèmes… Ce donné historique toujours vivant en nous, ce passé jamais accompli, n
188 mes… Ce donné historique toujours vivant en nous, ce passé jamais accompli, nul n’en peut prendre les mesures : il s’agran
189 grandit sans fin au regard du chercheur, comme si ce regard même causait son expansion, sa profondeur et ses complexités i
190 infime. Il n’est pour nous, au sens concret, que ce que nous sommes capables d’en utiliser pour nos fins propres. Tout hé
191 des hérésies. Nous ne deviendrons nous-mêmes qu’à ce prix, qui est d’assumer les risques de notre différence personnelle ;
192 ultivé. Si je dis au contraire que la culture est ce que l’homme ajoute à la nature, on voit qu’elle représente en fait to
193 a nature, on voit qu’elle représente en fait tout ce que nous sommes capables de penser et presque tout ce que nous voyons
194 ue nous sommes capables de penser et presque tout ce que nous voyons sur notre petit coin de la planète, entre le sol et l
195 ibles sur un point, par quelque chance imméritée, ce sera pour mieux exclure la troisième —, il faut que nous prenions l’h
196 uropéen. Tout cela est culturel ou je ne sais pas ce que c’est. Et tout cela vit en chacun de nous, sous forme de conflits
197 bienfaits du chauvinisme : il ne cesse de trahir ce qu’il prétend sauver. Quant à la diversité des langues, si on la resp
198 e, se retrouve dans tous nos États et montre bien ce qu’il faut penser de leur soi-disant « originalité culturelle ». Ains
199 un autre, indépendamment de leurs buts allégués. Ce besoin et ce goût stimulent sans aucun doute, provoquent l’émulation,
200 dépendamment de leurs buts allégués. Ce besoin et ce goût stimulent sans aucun doute, provoquent l’émulation, l’ardeur au
201 r leur opposition. Cette limitation du jugement, ce blocage du sens critique et l’agressivité stérile qui en résulte n’on
202 -dire du « sens de l’Histoire », fiction commode. Ce faisant, il se coupe de la mémoire humaine, de l’approche familière d
203 upé de l’Histoire autant que de la nature, a tout ce qu’il faut pour devenir aliéné. Quant aux éléments libérateurs de l’
204 mme le fait un programme génétique, si elles sont ce qui permet seul de le dépasser. Tout cela n’existe guère comme vertus
205 mettre à chaque Européen de dépasser un jour, fût- ce d’une manière infime — mais décisive, puisque sa personne même se déf
18 1971, Articles divers (1970-1973). 6 et 7 février, vote sur le suffrage féminin : supprimer un anachronisme et une injustice (4 février 1971)
206 chevalier devant son seigneur. Il s’est produit à ce moment-là une extraordinaire évolution dans les mœurs et ce culte de
207 là une extraordinaire évolution dans les mœurs et ce culte de la femme coïncide avec le culte de la Vierge dans l’Église c
208 ent pas. Elle devenait la maîtresse, le seigneur. Ce qui s’est passé au xiie siècle, c’est que les femmes sont devenues d
209 pée est le signe de la liberté pour les Germains. Ce qui fait que les hommes qui vont à la Landsgemeinde ont encore un sab
210 être le domaine des guerrières, de l’homme armé, ce qui est un anachronisme complet dans la société actuelle, où même la
211 entre dans la société actuelle, je défie qui que ce soit de m’expliquer en quoi les hommes seraient privilégiés par rappo
212 leur activité. En quoi seraient-ils supérieurs ? Ce mythe germanique serait donc à la base du refus des Suisses d’accorde
213 coutumes germaniques. Justement la survivance de ce paysan, homme libre dont la liberté est démontrée parce qu’il a son é
214 suite cette liaison qui vient très directement de ce fond germanique, médiéval. Lorsque vous dites que les femmes « ont ét
215 -vous pas leur rôle ? En tous les cas, ça choque… Ce que nous avons de culture, nous le devons à nos mères plus qu’à nos p
216 de des enfants. Psychanalyser le Suisse Est- ce propre à la culture européenne ? D’autres civilisations n’ont pas acc
217 peu près l’égale de l’homme, moralement parlant. Ce qui n’est absolument pas le cas en Asie, ce qui n’est pas le cas dans
218 lant. Ce qui n’est absolument pas le cas en Asie, ce qui n’est pas le cas dans les civilisations où il y a beaucoup de fem
219 s voir, que nous imaginons voir, c’est à cause de ce vieux fond inconscient qui ressort et qui influe nos décisions à notr
220 ne, les citoyens suisses donneront-ils aux femmes ce qu’ils considèrent eux-mêmes comme un droit inaliénable ? Il serait h
221 dire vrai, la seule originalité de la votation de ce week-end réside dans le fait que c’est “le peuple”, en l’occurrence l
222 ement, la lenteur mise par les hommes à supprimer ce qui apparaît, aujourd’hui, comme une injustice. Mais il y a d’autres
223 de Rougemont, pouvait analyser les motivations de ce refus, aujourd’hui anachronique ? »
19 1971, Articles divers (1970-1973). Arnaud Dandieu, la révolution et les régions (mars 1971)
224 l’avait vu profondément Arnaud Dandieu, qui, sur ce point, a été vraiment un prophète, il faut garder les yeux fixés à la
225 -dire de la tradition régionaliste française dans ce qu’elle a de plus authentique. Là pouvait être le remède « au mal cen
226 la France, contre cette démission du spirituel et ce refus de l’universel qu’est le stato-nationalisme centraliste, trahis
227 es. Et pour ma part, je ne cesse de mieux mesurer ce que j’ai dû et dois encore aux trop brèves années de notre collaborat
228 e collaboration politique et philosophique6. 4. Ce texte a paru dans l’excellente revue qu’était Fédération, n° 78, juil
229 ’usage très particulier du terme individualisme à ce stade de la pensée de Dandieu (cf. supra « individualisme agressif »
230 s la première citation) : il s’agit en réalité de ce que nous conviendrons un peu plus tard, tant à Esprit qu’à L’Ordre
20 1971, Articles divers (1970-1973). Les régions et la civilisation (mars 1971)
231 munauté européenne a été la première à réunir sur ce problème, dès 1960, des groupes d’études dont les travaux devaient pr
232 éographie par l’histoire. Tout est à refaire dans ce domaine, sur la base des entités régionales, seules réelles, et de le
233 ités sont souvent définies, géographiquement, par ce qui était censé diviser les nations, elles prennent pour axe ce qui l
234 ensé diviser les nations, elles prennent pour axe ce qui les scindait ou bornait : un fleuve (la région rhénane) ou une ch
235 i des régions. Toute instruction civique digne de ce nom commencera donc par définir les conditions concrètes d’exercice d
21 1971, Articles divers (1970-1973). L’Amour et l’Europe : L’Express va plus loin… avec D. de Rougemont (12 avril 1971)
236 r, pour moi, le couple est la première cellule de ce que j’appelle le fédéralisme, c’est-à-dire l’union dans la diversité.
237 trouve la racine de mondes politiques différents. Ce n’est que peu à peu, d’ailleurs, que s’est révélé à moi le principe d
238 aires. Vous connaissez la formule d’Héraclite : «  Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus b
239 les, mais différentes ou même antinomiques. N’est- ce pas le cas du couple ? Un jour, on m’a demandé dans un débat à la rad
240 couples ? » Voilà dévoilée l’équation de base de ce que j’ai écrit aussi bien dans L’Amour et l’Occident sur le couple
241 e terme d’adultère. Et cette catastrophe vient de ce qu’on a voulu fonder le mariage sur le sentiment amoureux. Serait-ce
242 nder le mariage sur le sentiment amoureux. Serait- ce une base désastreuse pour le mariage ? Je le disais en 1938, je n’ai
243 tre chose : je dis qu’il est l’ennemi du mariage. Ce n’est pas par hasard que le jugement de la comtesse Marie de Champagn
244 sacrée même. Tout le monde connaît le Kamasutra, ce cours d’initiation sexuelle totalement dépourvu de sentiments. C’est
245 r, la distance et le goût de l’obstacle, sur tout ce qui fait mieux sentir et ressentir l’amour, l’« amour de loin » que c
246 droit, quarante jours sur elle, sans la toucher. Ce n’est qu’après cette épreuve que peut s’opérer l’union sexuelle, qui
247 oit d’ailleurs pas aboutir à la procréation. Mais ce n’est qu’une technique ? Ainsi que l’a confirmé le maître du zen, Suz
248 iie siècle n’a même pas de nom dans leur langue. Ce qui se rapproche le plus de notre verbe aimer en chinois désigne la r
249 ncontres sans lendemain, infidèle par définition. Ce qui manque dans les deux cas, c’est la communion des deux personnes,
250 se créent ensemble, en devenant l’une par l’autre ce qu’elles sont. Ce que je veux défendre, c’est donc, en fin de compte,
251 , en devenant l’une par l’autre ce qu’elles sont. Ce que je veux défendre, c’est donc, en fin de compte, un certain état d
252 ur-passion et une éthique. En 1969, j’ai fait sur ce sujet une conférence à l’université d’Indiana, et, l’été dernier, un
253 pte que nous des aspects pratiques du mariage, de ce qui permet une amitié durable entre deux êtres différents, les conven
254 un monde d’ennui, parfaitement plat et programmé. Ce qui nous menace aujourd’hui, ce n’est plus un excès d’anarchie et de
255 lat et programmé. Ce qui nous menace aujourd’hui, ce n’est plus un excès d’anarchie et de tyrannie brutale, c’est au contr
256 s d’un certain monde spirituel. Si vous avilissez ce monde-là, l’amour-passion n’a plus de sens. Vous tombez dans la paria
257 possibilité même de toutes les formes d’amour. En ce sens, la révolution sexuelle ne veut rien dire. Quel est l’ordre neuf
258 té. Quant aux pseudo-tabous qui règnent sur nous, ce sont ceux de la bourgeoisie de l’ère victorienne, ou du clergé avec s
259 masturbation, qui rend les jeunes gens fous, etc. Ce docteur, qui était, hélas ! suisse, a connu un succès mondial. Il a s
260 le Dr Tissot s’appelle révolution sexuelle, alors ce n’est qu’un progrès normal vers le bon sens. En somme, vous trouvez q
261 ous de la morale bourgeoise ne tiennent plus. Est- ce que cela signifie que la sexualité est plus vigoureuse, ou l’amour pl
262 mais cet effort d’imaginer, de créer l’autre dans ce qu’il a de meilleur et de plus personnel n’aboutira complètement. Il
263 éellement Isolde. Il ne la voit pas. Il projette. Ce qu’il aime, c’est l’amour, être en état d’amour. Toutes les femmes qu
264 es quand on les perd. Je n’étais pas le seul dans ce cas à New York. Quand j’ai rencontré Einstein, à Princeton, il m’a di
265 deuxième fois » et me demandait si j’étais libre ce soir… En Amérique, on l’accusait de communisme, parce qu’il pensait q
266 en quelques-uns d’entre nous l’idée de combattre ce nationalisme fauteur de guerres ; et pas seulement Hitler, mais ce qu
267 auteur de guerres ; et pas seulement Hitler, mais ce qui l’avait permis, donc l’idée de « faire l’Europe ». Là-bas, nous n
268 ’écrivais : « C’est ici l’impuissance tragique de ce victorieux : tout ce qu’il veut saisir se change à son approche en fe
269 ci l’impuissance tragique de ce victorieux : tout ce qu’il veut saisir se change à son approche en fer tordu, en pierraill
270 mettez en danger la sécurité de la Suisse, me dit ce colonel, mais j’ai aimé votre article. » Plus tard, le Conseil fédéra
271 une place ni grande ni petite à l’Europe : je dis ce qu’elle est parmi les vingt-deux ou vingt-trois civilisations qu’énum
272 otale de tous à un ordre monolithique. Vous aimez ce que notre civilisation a de pluraliste ? C’est le gage de notre liber
273 leur ai-je dit, vous n’y croyez plus. Mais qu’est- ce qui existe à la place, selon vous ? Prenez le monde par vos antipodes
274 l’Europe. Où trouvez-vous des valeurs neuves dans ce périple ? Le marxisme ? Allons donc ! Il est le produit spécifique de
275 pe au xixe siècle. » Pourquoi, selon vous, n’est- ce pas encore fait, la fédération européenne ? D’abord, parce qu’on est
276 toutes les anciennes colonies se sont jetées sur ce modèle et l’ont imité. Cette structure est la clef des maux du monde
277 journaux : « Le souverain s’est prononcé hier. » Ce n’est pas une manière de parler, c’est la réalité. On ne dit pas, en
278 leurs. L’État-nation prétend faire coïncider dans ce qu’il nomme ses « frontières naturelles » des réalités absolument hét
279 ne ligne de barbelés électrifiés. Pour accréditer ce modèle délirant, on a truqué nos manuels d’histoire et de géographie.
280 ion régionaliste et fédéraliste ? Au contraire de ce que pensent les ministres, on ne fera pas l’Europe sans casser des œu
281 l faut faire de l’Europe avant de faire l’Europe. Ce tissu se révélera d’ici à vingt ans, ou avant, plus solide et plus vi
282 t-nation. Et quand les ordinateurs mesureront que ce sont les régions qui jouent un rôle créateur et actif, l’Europe sera
283 tif, l’Europe sera pratiquement faite. Mais n’est- ce pas mettre la charrue devant les bœufs ? Un Jean Monnet ne vous trait
284 -il pas d’utopiste ? Jean Monnet a très bien fait ce qu’il a fait avec l’appui de Robert Schuman, et qui a abouti à la cré
285 et qui a abouti à la création de la CECA et à la CE . Mais il y a ce que j’appelle l’illusion Monnet : croire que l’économ
286 à la création de la CECA et à la CE. Mais il y a ce que j’appelle l’illusion Monnet : croire que l’économique entraînera
287 e. Nous sommes contraints de voir aujourd’hui que ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Et que ce n’est pas Karl M
288 n’est pas ainsi que les choses se passent. Et que ce n’est pas Karl Marx qui a raison sur ce point, mais Mao Zedong, qui a
289 t. Et que ce n’est pas Karl Marx qui a raison sur ce point, mais Mao Zedong, qui a baptisé lui-même une phase décisive de
290 olution qui part des superstructures. Eh bien, en ce sens-là, je suis maoïste ! Je crois que la révolution part des grande
291 ais que le produit. Vous restez donc optimiste en ce qui concerne l’Europe ? Les statistiques sur l’idée européenne me per
292 Mais il reste toujours la part du diable. Qui est- ce , le diable ? Le diable, c’est l’agent dépersonnalisant du monde, la f
293 misation totalitaire. Dès que vous cédez quoi que ce soit sur la personne, tout est perdu : l’homme, le couple, la cité, l
294 e ; pour moi, c’est cela, l’Enfer. Pour combattre ce que vous appelez l’Enfer, croyez-vous à la révolution ? Oui, si elle
295 iolence et la terreur pour aligner la réalité sur ce que quelques idéologues ont eu l’idée d’en faire. Pas une seule de no
296 Pas une seule de nos révolutions n’a réussi. Dans ce sens, on ne peut pas être trop fier de l’Europe. Comment voyez-vous l
22 1971, Articles divers (1970-1973). [Entretien] Le diable existe, vous pouvez le rencontrer (17 mai 1971)
297 tion purement religieuse. Alors le diable, qu’est- ce que cela peut représenter au juste en 1971 pour un non-croyant ? Fréd
298 avoir une théorie sur le diable ? Au xx e siècle, ce qui nous menace le plus, c’est que nous ne tenons plus compte de lui
299 mal. Pour quelqu’un qui n’est pas croyant, qu’est- ce que cela représente, le diable ? Croyant ou non, tout homme a une fac
300 e porte à épouser une cause. Donc il croit savoir ce qu’est le mal et par conséquent le bien. Qu’on ne raconte pas d’histo
301 nce à être manipulé par lui. Pouvez-vous préciser ce qu’est pour vous le diable ? C’est quand il n’y a personne. Qui peut-
302 quoi aurais-tu peur ? Je ne suis pas là… » C’est ce que fait Satan ? Singeant Dieu, mais à rebours, il nous dit : « Je su
303 je dirais que le diable, c’est l’entropie. Qu’est- ce que l’entropie ? C’est la dégradation de l’énergie. C’est une loi du
304 ion ? De moindre différence, d’égalisation. C’est ce qui conduit le physicien américain Eddington a prédire « la mort tièd
305 s, le diable introduit le concept de dé-création, ce que le philosophe allemand Heidegger appelle la « néantisation ». Le
306 là le mal de notre siècle, le contraire absolu de ce que j’ai appelé le « personnalisme », qui consiste à assumer sa vocat
307 là l’enfer ! La Géhenne de l’Évangile, savez-vous ce que c’était ? « Gé-hinnon », un vallon près de Jérusalem, où l’on jet
308 us risques. S’ils sont rejetés au bout du compte, ce n’est pas par un tribunal, mais par eux-mêmes ! Et si l’on se trompe
309  : ils ont tort. Le diable, selon vous, fait tout ce qu’il faut pour qu’on ne le détecte pas ? Je disais que Satan nous fa
310 notre identité, notre responsabilité personnelle, ce que nous sommes seuls à pouvoir faire au monde. Le diable compte sur
311 am, dans la Genèse. Quand Dieu lui dit : « Qu’est- ce que tu as fait ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est elle qui
312 u la pomme ; moi, je n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’est passé ; j’étais derrière les buissons, au milieu des arbres
313 exécuté leur crime avec bonne conscience. Qu’est- ce qui est pire ? Dans les deux cas, les barbus et les folles, ou les so
314 ces notions de crédibilité et de respectabilité, ce qui est vraiment atteindre une société en plein cœur. Peut-on rencont
23 1971, Articles divers (1970-1973). Fédération ou confédération ? (juillet-août 1971)
315 is ». Il définit ensuite l’adjectif fédéral comme ce « qui a rapport à une confédération d’États », ainsi, par exemple, « 
316 uantes n’aurait pas lieu d’être appelée fédérale. Ce serait simplement une union. Donc, point de différence aux yeux de Li
317 édéralisme », et à lui seul — l’une affirmant que ce régime était en Amérique, selon Chateaubriand, « une des formes polit
318 fédération et de confédération se distinguent en ce que la première seule de ces deux formes possède la souveraineté, man
319 nentaux et les grands centres de recherches. Dans ce système seulement, la fausse alternative « confédération ou fédératio
24 1971, Articles divers (1970-1973). Un marchand d’eau sucrée (19 décembre 1971)
320 ons demandé de témoigner, ici, de sa pensée. Dans ce texteai, Louis Pauwels ose écrire, à propos de la pollution et des ge
321 ix Nobel de l’escroquerie. » Quand on lui demande ce qu’il pense du commandant Cousteau, fondateur d’un Institut d’études
322 lorsqu’il se fait le champion de la lutte contre ce qu’il appelle la sinistrose, c’est-à-dire l’attirance morbide, qu’il
323 et jubilant dans les illusions de hier, et voilà ce bon M. Pauwels qui vient leur dire, dans son titre même, qu’ils ont b
25 1972, Articles divers (1970-1973). Europe divisée ou Europe fédérée ? (1972)
324 todéterminer dans la mesure où l’on agit en elle. Ce sont les formes actives de la participation que nous aurons à considé
325 e la recherche, etc.) et que social est à la fois ce qui concerne la foule (dont l’idée est présente dans polis par poly,
326 ée est présente dans polis par poly, beaucoup) et ce qui fait de la foule une société : le principe qui associe les hommes
327 ls et personnels — transcendent toute communauté, ce n’est pourtant qu’au sein de la communauté, dans le complexe des rela
328 ’agissait pour lui de survivre, donc de continuer ce qui avait réussi à quelques-uns de ses ancêtres. Lorsque apparut la c
329 st de savoir si nous sommes préparés à répondre à ce défi sans précédent. Je vais avouer d’abord mes raisons d’en douter.
330 ctive les plus fameux de ces dernières années que ce livre est « le premier qui fasse passer la prédiction de l’ère des de
331 avants ». On nous dit aussi (mais je m’assure que ce ne sont pas les auteurs qui ont écrit cela) que « depuis 1960, la spé
332 rchent à prévoir objectivement, donc passivement, ce qui se fera dans tel avenir… sans eux ! J’entends sans nulle action d
333 n pas un sens scientifique de prévision inerte de ce qui « se passera », en vertu d’on ne sait quels dynamismes anonymes,
334 es aspects antinomiques « sont complémentaires en ce sens qu’il est nécessaire de faire intervenir ces deux aspects pour l
335 révisions si souvent publiées depuis le milieu de ce siècle quant aux effets de « l’explosion démographique » au xxie siè
336 prévision « exacte » par son propre effet, n’est- ce pas en fin de compte un cas particulier d’une dialectique de l’inform
337 se Il semble que plusieurs « futurologues » de ce temps accordent une valeur axiomatique à la thèse hégélienne : tout c
338 e valeur axiomatique à la thèse hégélienne : tout ce qui est réel est rationnel. Et qu’ils dénomment, à cause de cela, « c
339 qu’il n’y paraît à première vue. Car si je savais ce qui m’attend « là-bas » en l’an 2000, je refuserais sans doute d’avan
340 tôt chez les hippies. Mais je me tromperais : car ce « là-bas » ne m’attend pas tel que je suis. Imaginer l’avenir est fau
341 infini des images projetées et de leur feed-back. Ce genre d’opération où l’imagination va et vient sans relâche du tout a
342 tout aux parties en interaction créatrice évoque ce qui se passe dans la tête d’un dramaturge, ou plus précisément d’un p
343 yens de transport, et, d’une façon générale, tout ce qui dépend de la taille de l’homme dans le calcul des plans d’aliment
344 sparaître sans que disparaisse en même temps tout ce qui pourrait donner un sens aux modifications de l’existence ou à cet
345 e même de l’anti-communauté. Tenter de satisfaire ce double emploi permanent de l’homme occidental doit être considéré com
346 sage de la Maison-Blanche du 8 février 1965. Mais ce droit est en fait constamment menacé ou lésé par un autre invariant h
347 continent. Mais c’est ici le lieu de signaler que ce pluralisme même différencie l’ensemble européen des ensembles plus un
348 ires que le niveau de décision est plus éloigné — ce qu’il est au maximum dans les régimes stato-nationaux centralisés, do
349 mation professionnelle et finalement information, ce qui revient à dire éducation. Il importe peu de savoir si l’agent dom
350 iale : la fédération européenne peut y prétendre. Ce second terme de notre alternative linéaire conduit à une nouvelle bif
351 rer vos limites. » 2. Répartition de l’État Ce principe admis, on s’aperçoit que l’existence du petit État ou commun
352 uement permettre un maximum de participation. Est- ce à dire que le système décrit représente un modèle satisfaisant d’harm
353 mps, terminé par une fin automatique ou convenue, ce qui n’est pas le cas dans la cité envisagée : ses éléments ne sont pa
354 problèmes à débattre et à trancher par un vote. Ce type d’assemblée est devenu impraticable et impensable (sauf dans de
355 e est ma commune » peut dire l’homme de la fin de ce siècle. Pour Teilhard de Chardin et pour Marshall McLuhan, chaque hom
356 e seront donc ni superposables ni juxtaposables ; ce qui entraînera une pluralité de « capitales », « métropoles », « chef
357 ions, que l’État-nation prétendait interdire, ou, ce qui revient au même, unifier. Les unités nouvelles de participation s
358 part des hommes s’imaginent avoir « participé » à ce qu’ils n’ont fait que voir, et se vantent de s’être « engagés » quand
359 e L’un des paradoxes de l’ère actuelle tient à ce que nos possibilités de déplacement s’accroissent en même temps que l
360 e mesures qui feront peut-être un jour comprendre ce qui se passe de différent entre deux hommes qui se serrent la main « 
361 ’envisager possible aux environs de l’an 2000 (si ce sont les seconds termes de notre série d’alternatives qui se réalisen
362 e la conscience de soi. Des politiques concernant ce « domaine réservé » de chaque citoyen doivent être discutées et faire
363 es se ramènent à celle-ci, et qu’en fin de compte ce que nous appelons aujourd’hui l’écologie, art et science des équilibr
364 nverse pas la vapeur d’ici à dix ans : c’est tout ce que nous accordent certains écologistes américains. Si c’est au bénéf
365 enir, il me reste à définir, pour le revendiquer, ce droit suprême de la personne qui est le droit à l’inadaptation. S’il
366 e l’objection civique et politique : les hippies. Ce ne sont là que deux exemples pris au passé récent mais il est clair q
367 gne d’une ouverture de l’homme au transcendant, à ce qui peut englober, nier et réorganiser dans le temps de l’éclair créa
26 1972, Articles divers (1970-1973). L’ingénieur dans la cité (1971-1972)
368 poisonne par le moyen des produits transformés de ce pillage. Et l’idée se fait jour en lui que ce n’est plus aux seuls « 
369 de ce pillage. Et l’idée se fait jour en lui que ce n’est plus aux seuls « besoins de l’économie » qu’il s’agit désormais
370 airs qui l’entourent. Par un juste retour, n’est- ce point aux scientifiques, aux techniciens, aux urbanistes qu’il incomb
371 r et de trouver d’urgence les moyens de restaurer ce qui fut compromis par le génie civil et militaire, les moyens de prév
372 fallut exactement vingt siècles pour qu’on relie ce problème à l’art de l’ingénieur et aux calculs de l’astronome, ou plu
373 pe et l’humanité, entre celle-ci et la nature. Or ce changement de motivations finales, ce passage du niveau de vie quanti
374 nature. Or ce changement de motivations finales, ce passage du niveau de vie quantitatif au mode de vie qualitatif, il ne
375 ient ou une épreuve de résistance du matériel : à ce prix, l’imagination deviendra créatrice de libertés réelles. Loin de
27 1972, Articles divers (1970-1973). Forteresse au centre de l’Europe : la Suisse (1972)
376 s s’éclairent, touchés par le soleil rasant. Ah ! ce ne peut être que l’Europe ! Ces champs morcelés et striés dans tous l
377 e largement irriguée et de très dense habitation, ce n’est pas l’Europe des confins dénudés et brûlés, rocailleux ou glaci
378 visible, comme des décors translucides. Mais tout ce qui est proche sur nos rives brille d’un vif éclat humide, repeint à
379 e la ville unique, sa présence partout imminente. Ce qui ne trompe pas, à l’observer du ciel, c’est la structure des agglo
380 de Nidwald, commandant les approches du Gothard. Ce col ouvert au commencement du xiiie siècle traversait les deux chaîn
381 s rurales qui formaient la grand-garde du col. Et ce sont les greffiers des villes lombardes, traversant le col à dos de m
382 atin. La vocation de la Suisse est de revaloriser ce qui est petit contre le gigantisme, sauvant ainsi son âme et ses pays
28 1972, Articles divers (1970-1973). Au centre du monde, Lavaux (1972)
383 s jamais vraiment venu, n’avez jamais existé dans ce lieu. Tout ce qui touche à un centre et tout ce qui respire dans la g
384 ent venu, n’avez jamais existé dans ce lieu. Tout ce qui touche à un centre et tout ce qui respire dans la grâce de son ra
385 s ce lieu. Tout ce qui touche à un centre et tout ce qui respire dans la grâce de son rayonnement, revêt une importance ra
386 t passionnelle. Il est difficile d’en parler, fût- ce à sa louange éperdue, sans provoquer l’éclat soudain, parfois vocifér
387 s villes a retrouvé le contact avec la nature, et ce contact pour lui vital s’est révélé mortel pour la nature. C’est l’hi
388 in de solitude. Mais la plupart n’osant aimer que ce qui par d’autres est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu’il
389 truisent à coup sûr les amours qu’ils partagent. Ce paysage sublime est un pays réel, peuplé de vignerons et d’artisans,
390 se posent en des termes semblables. Ainsi, qu’est- ce que sauver Venise ? Non pas offrir des étages de palais sur le Grand
391 sans héroïsme.   Si Lavaux doit faire son salut, ce sera par la grâce de quelques fous associant leur foi poétique aux ca
29 1972, Articles divers (1970-1973). Le sort de l’an 2000 se joue dans nos écoles (mars 1972)
392 u présent : restaurer l’économie du continent. Et ce fut la période des organisations intergouvernementales : plan Marshal
393 ante du béton, il faudrait des millions d’années. Ce que nous faisons aujourd’hui engage ou compromet irrévocablement — ma
394 de de l’URSS.) J’ai mis deux de mes étudiants sur ce problème. Ils ont trouvé que la grande majorité des manuels d’histoir
395 ui la vivront, conscients de leurs devoirs envers ce grand ensemble générateur de libertés que constitue leur civilisation
396 ment constituée… Le moyen pratique pour sortir de ce cercle vicieux ne serait-il pas de s’appuyer sur quelque chose qui ex
397 éen : l’École ? Or l’École fait des citoyens pour ce qu’on veut, et trop souvent, pour ce que l’État lui demande. Longtemp
398 itoyens pour ce qu’on veut, et trop souvent, pour ce que l’État lui demande. Longtemps elle a fait des citoyens pour la na
399 civique européenne parmi leurs collègues, et par ce procédé de démultiplication, atteindraient en peu d’années une propor
400 ègues et leurs élèves avec une efficacité totale, ce serait encore dérisoirement insuffisant pour passer le seuil des rési
401 opéenne, civique, professionnelle et personnelle. Ce ne sont pas nos États qui feront l’Europe, n’ont-ils pas prouvé depui
402 s qu’ils étaient là pour l’empêcher de se faire ? Ce ne sont pas les grandes bureaucraties de Bruxelles, de Strasbourg, de
403 compétence dans leurs domaines. C’est l’École et ce sont les enseignants dialoguant avec leurs élèves. Si l’on a compris
404 n admettra l’urgence de la Campagne, et l’on fera ce qu’il faut pour qu’elle soit efficace. Pédagogie écologique, ou de
30 1972, Articles divers (1970-1973). Autopsie d’un cas : Denis de Rougemont (15 mars 1972)
405 our et l’Occident au début des années 1939, mais ce n’était pas tombé du ciel. Je m’occupais de questions politiques depu
406 e. Quelle était votre définition de la personne ? Ce que nous appelions personne, c’est l’homme à la fois libre et respons
407 ne, c’est l’homme à la fois libre et responsable. Ce n’était pas l’individu isolé. Ce n’était pas le soldat politique qu’o
408 et responsable. Ce n’était pas l’individu isolé. Ce n’était pas le soldat politique qu’on nous montrait dans les pays tot
409 une traduction immédiate sur le plan politique de ce personnalisme en fédéralisme. C’est-à-dire une union librement consen
410 tales pour former une fédération mondiale. Enfin, ce qui nous importait, c’était la création de régions, dans lesquelles l
411 parti. Il s’agissait d’assumer sa responsabilité, ce qui est exactement le contraire. Ensuite, par toutes sortes de raison
412 otre doctrine personnaliste en termes politiques, ce qui donnait le fédéralisme. Alors que vous êtes Suisse, le fédéralism
413 d’un pays neutre, j’ai pu faire la guerre, ne fût- ce que sur les ondes, en écrivant des textes d’émissions. Je suis donc r
414 t bien évident que cette définition de l’homme et ce terme d’engagement, vous les retrouvez à chaque page d’ Esprit et de
415 de résoudre ces problèmes de plus en plus grands. Ce qui peut être fait par la commune, doit l’être par la commune. Seules
416 a Haye, en 1948, sous la présidence de Churchill. Ce fut un très grand congrès qui, au fond, a tout créé. C’est le grand d
417 ré que le Conseil de l’Europe n’était pas du tout ce que nous voulions, n’était pas du tout la représentation des « forces
418 e en restant sur le plan des États-nations. C’est ce que j’attaque maintenant à boulets rouges. Comment voulez-vous réussi
419 ion, ne feront jamais d’amicale. C’est exactement ce qui se passe avec les États-nations. Ils veulent garder leur souverai
420 néral de Gaulle. Et alors, on ne voit pas du tout ce que ces pays veulent faire ensemble. Sinon, en cas de crise, conseill
421 des bénéfices aux dépens de leurs voisins. Voilà ce qu’on a vu dans la crise monétaire récente et ce qu’on verra chaque f
422 ce qu’on a vu dans la crise monétaire récente et ce qu’on verra chaque fois qu’il y a une crise économique. Ça, c’est la
423 trine du mariage et celle du fédéralisme ? Qu’est- ce que le mariage ? C’est la coexistence de deux êtres qui, je l’ai dit,
424 des unions pour sauvegarder les autonomies. Voilà ce que j’ai découvert dans l’histoire de la Suisse. Pourquoi ce pays s’e
425 découvert dans l’histoire de la Suisse. Pourquoi ce pays s’est-il fait ? La Suisse ne s’est pas faite pour créer une unio
426 rement que pour des questions d’état civil. N’est- ce pas une utopie ? L’utopie, ce n’est pas de vouloir définir les région
427 d’état civil. N’est-ce pas une utopie ? L’utopie, ce n’est pas de vouloir définir les régions d’après les fonctions et de
428 plusieurs régions selon les fonctions, car c’est ce que nous faisons tous dans notre vie actuelle ; nous relevons tous d’
429 d’un tas de réalités différentes. L’utopie, c’est ce qu’a fait Napoléon : l’État-nation. C’est de la démence, de la folie.
430 modèle est folie pure. Que c’est une complication ce que je veux faire. Alors, voici mon exemple personnel. Je suis né à N
431 ernait avec des familles du lieu, dont la mienne. Ce canton, différent des autres, est entré dans la Confédération. Donc,
432 rien n’est plus simple. Au fond, nous vivons dans ce que j’appelle la pluralité des allégeances. L’utopie, c’est vouloir q
433 ces soient limitées par une même frontière. C’est ce qu’ont voulu tous les créateurs d’États totalitaires, à commencer par
434 e c’est de la rêverie absurde de vouloir dépasser ce stade. Or, l’État-nation nous empêche de faire l’Europe. Et il nous f
435 s confusion, sans séparation, sans subordination. Ce sont les mêmes termes que j’ai utilisés pour définir le couple et déf
436 ant. Cela doit tenir à quelque chose, justement à ce sens de la personne définie par une vocation unique. Chaque homme a s
437 et doit créer son chemin vers Dieu, vers l’unité. Ce chemin, chacun doit l’inventer tous les jours. D’autre part, je suis
438 ommunauté par l’exercice de cette vocation. C’est ce que j’ai de plus fondamentalement protestant. À part cela, je suis po
439 lé d’écologie et vous donnez une conférence17 sur ce thème à Bruxelles. Pourquoi cet intérêt vis-à-vis de l’écologie ? Dan
440 cernés et résolus d’après le génie du lieu. Mais ce n’est pas possible avec le système de découpage des États-nations, co
441 on de poche dans quelques semaines. 16. Titre de ce drame : Nicolas de Flue . 17. Organisée à l’initiative d’Entreprise
31 1972, Articles divers (1970-1973). Je rentrais de l’espace… (27-28 mai 1972)
442 s s’éclairent, touchés par le soleil rasant, ah ! ce ne peut être que l’Europe ! Ces champs morcelés et striés dans tous l
443 e largement irriguée et de très dense habitation, ce n’est pas l’Europe des confins dénudés et brûlés, rocailleux ou glaci
444 visible, comme des décors translucides. Mais tout ce qui est proche sur nos rives brille d’un vif éclat humide, repeint à
445 qu’une seule ville. Il ne parlait que du Plateau, ce « Pays des Collines », comme disent les Suisses alémaniques, qui va d
446 e la ville unique, sa présence partout imminente. Ce qui ne trompe pas, à l’observer du ciel, c’est la structure des agglo
447 ines. La vocation de la Suisse est de revaloriser ce qui est petit contre le gigantisme, sauvant ainsi son âme et ses pays
32 1972, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)
448 Qu’est- ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)ar
449 tre thèses et une hypothèse (juin 1972)ar 1. Ce qu’elle n’est pas La culture ne consiste pas à lire des romans, à
450 s’abstenir, et de s’inscrire dans un parti. 2. Ce qu’elle est en tous cas La culture est l’ensemble des valeurs (ta
451 ociaux, et, pour quelques-uns, la lecture). 3. Ce qu’il se peut qu’elle soit « La culture est ce qui reste quand on
452 Ce qu’il se peut qu’elle soit « La culture est ce qui reste quand on a tout oublié », disait Édouard Herriot, homme pol
453 vement à la personne constituée — je ne dis pas à ce qui la constitue, qui est l’appel de sa fin, sa vocation. 4. Il n’
454 fectif et moral de l’Européen en tant que tel : «  Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus b
455 ’inciter à l’initiative. Mais il résulte aussi de ce grand paradoxe qu’une contestation qui refuse de discuter avec la tra
456 est le sens. ar. Rougemont Denis de, « Qu’est- ce que la culture ? Quatre thèses et une hypothèse », Cahiers de l’Allia
33 1973, Articles divers (1970-1973). La Merveilleuse histoire de Tristan et Iseut [préface] (1973)
457 s grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est- ce qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces gr
458 ccidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu’est- ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au public u
459 oprement humaine, qui est l’âme. Je ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui donnent un peu trop facilemen
460 totale, délicieuse et tragique à la fois. C’est à ce mythe qu’il doit, depuis le xiie siècle, et dans nos sociétés occide
461 éatrice à peine connue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustr
462 le mythe de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustre en sa simplicité majestueuse, c’est l’intensité de l’a
463 que freiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. «  Ce n’est pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie un troubadour tardif
464 porain de nos légendes tristaniennes. Mais qu’est- ce alors, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi ? Ce n’est pas le
465 rs, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi ? Ce n’est pas le désir comblé, au sens sexuel de l’expression, car cet ac
466 ans amour. Aux yeux du mythe, il est perdant. ⁂ À ce premier aspect de notre légende : l’amour-passion triomphant du maria
467 usions morales les plus banales et complaisantes. Ce serait aller de l’apparition d’un mythe sacré, voilant de poésie ses
468 t littéralement sans histoire. Ou bien encore, et ce serait mieux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché
469 ux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de Tristan : la surprise opposée à la fidélité, l’exci
470 rt ». Certes, c’est vrai pour leur existence dans ce monde, mais ils ont aussi bu l’Amour, un amour qui s’adresse à la par
471 femme, figure la conclusion du mythe de Tristan : ce qui se passe trois jours après la mort d’amour. Iseut n’évoque-t-elle
472 ituelle. Toute filiation historique mise à part — ce serait le sujet d’autres études — je me demande souvent si l’angélolo
473 , comme dit la sagesse populaire. Aimer vraiment, ce serait aimer l’ange en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce s
474 ange en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce serait deviner l’ange, en soi-même et dans l’autre, l’aider à naître,
475 r à notre amour, provoquant la passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce serait dès ici-bas, l’altérité même du pro
476 la passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce serait dès ici-bas, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit un
477 atrice de la passion. En restituant à notre temps ce modèle de l’amour-passion, dans sa grandeur première et drue, les phi
478 lus de justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’est pas seulement de la littérature qu’ils ont bien mérité, mais de
479 ent « anglo-normand » comme son modèle principal. Ce qui nous vaut une langue riche et fort habilement ravalée sans pédant
480 ’importe de mourir ! » — chez Mary, rien du tout, ce qui vaut sans doute mieux. Dans le même Roman en prose, lorsque Trist
34 1973, Articles divers (1970-1973). Université et universalité (janvier 1973)
481 lle. Exemples de b) L’amour-passion. J’ai étudié ce phénomène, si spécifiquement européen par sa genèse, dans L’Amour et
35 1973, Articles divers (1970-1973). De Genève à l’Europe par les régions (mars 1973)
482 ès, l’aboutissement suprême de l’Histoire. Qu’est- ce que l’État-nation ? C’est la mainmise d’un appareil étatique — réalit
483 souvenirs collectifs et les espoirs individuels — ce carcan militaire, idéologique et douanier, qui a moins d’un siècle d’
484 l faut ouvrir le cadre stato-national et dépasser ce modèle périmé. Motifs ethniques, motifs économiques Mais le pro
485 itorialement. Il y faudrait un vrai miracle, mais ce miracle ne s’est jamais produit. Et il aurait encore moins de chance
486 la création des régions que je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le pays de Gex, la Savoie,
36 1973, Articles divers (1970-1973). Recréer la place publique (1er juillet 1973)
487 let 1973, p. 21. bd. Douze articles publiés dans ce même journal du 20 juin au 1er juillet sur les problèmes et les struc
37 1973, Articles divers (1970-1973). L’Europe, c’est d’abord une culture (juillet-août 1973)
488 unie : la liberté, non la puissance Je pars de ce qui me paraît une évidence majeure : il nous faut « faire l’Europe »
489 emagne, l’Italie ou la Hollande sont immortelles, ce qui suggère qu’elles auraient existé de toute éternité, alors qu’en v
490 Mais, dira-t-on, le mot « nation » désignait, dès ce temps, ceux qui parlent une même langue ? Oui, mais il n’était pas qu
491 tionnaire, André Siegfried pense au contraire que ce sont « les prophètes d’Israël » qui ont « déposé dans notre esprit ce
492 eudisme, le libéralisme et le marxisme, bref tout ce qui compte dans la vie de la culture et qui a marqué les élites intel
493 mistes de leur propre nation ; et ainsi de suite. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraime
494 se, et nous ne risquerons pas un instant de créer ce fameux volapük que dénonçait de Gaulle, non sans démagogie un peu fac
495 ion et renouvellent les données communes. Or dans ce jeu entre les grands courants et les foyers locaux, entre l’unité et
496 ouvent : l’Europe des États, rêvée par de Gaulle, ce serait une amicale des misanthropes, chose que l’on peut énoncer mais
497 l’illustrer : je suis Neuchâtelois de naissance, ce qui veut dire que la communauté et le territoire de l’ancienne princi
498 , je relève du protestantisme, ensemble mondial. ( Ce serait pareil si j’étais catholique, ou juif, ou communiste.) Enfin,
499 ra à un seul territoire, je crierais au fou, — et ce fou serait Napoléon, Hitler, ou n’importe lequel de nos États-nations
500 a voie personnelle inventée par chaque vocation : ce que l’institution ecclésiastique, tout comme l’État-nation, nomme hér
38 1973, Articles divers (1970-1973). « La famille est devenue un choix » (23 septembre 1973)
501 qui l’ont conduit à de surprenantes découvertes. Ce fils de pasteur compte parmi lointains ascendants Gilles et Charlotte
502 tais Français et je suis complètement Suisse. Est- ce que l’idée de l’unité de l’Europe vous vient de vos ancêtres ? Ce n’e
503 l’unité de l’Europe vous vient de vos ancêtres ? Ce n’est pas une idée suisse. Le Suisse est cosmopolite. L’idée est au c
504 , libéral avec de l’amitié pour les socialistes — ce qui faisait scandale. J’ai été très influencé par lui jusqu’à l’âge d
505 famille est devenue un choix, pas une nécessité. Ce que je trouve assez bien. Il y avait une homogénéité dans les famille
506 lle ne mourra pas ? Non, elle se transformera. En ce qui vous concerne ? À partir de ma génération, on faisait autre chose
39 1973, Articles divers (1970-1973). Sur la taille des régions (octobre 1973)
507 coup l’emploient, l’air entendu, mais nul ne sait ce qu’elle signifie. Les régions, nous dit-on, doivent être de « taille
508 Fiat, Péchiney peuvent être « compétitifs » avec ce qui se fait à Détroit, à Essen ou à Bâle, mais si une de ces firmes s
509 une de ces firmes s’installait dans Rhône-Alpes, ce serait en vertu de ses seuls intérêts, non pas de ceux de la région,
510 raisonne qu’en termes de pouvoir et de prestige. Ce n’est pas un souci d’homme réel, de femme réelle, c’est trop loin de
511 est trop loin de la vie quotidienne. En revanche, ce qui peut rassembler et dresser citoyens et citoyennes d’une région, c
512 à l’échelon national (c’est-à-dire à Paris), mais ce qui intéresserait les habitants de la région serait de pouvoir se pro
513 pouvoir central entende l’imposer à sa manière). Ce ne sont là que signes avant-coureurs d’un phénomène beaucoup plus amp
40 1973, Articles divers (1970-1973). Une possibilité européenne : la région genevoise (novembre 1973)
514 L’angoisse devant les mass médias d’État, où tout ce qui n’est pas publicité tonitruée pour des produits, des modes ou des
515 tent ni les tempêtes, ni la pollution, ni rien de ce qu’il faudrait arrêter, mais seulement ce qu’il faudrait laisser pass
516 rien de ce qu’il faudrait arrêter, mais seulement ce qu’il faudrait laisser passer : personnes, marchandises, œuvres d’art
517 itorialement. Il y faudrait un vrai miracle, mais ce miracle ne s’est jamais produit, et il aurait encore moins de chance
518 la création des régions que je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le pays de Gex, la Savoie,
41 1973, Articles divers (1970-1973). Face à la crise de notre continent, l’utopie de Denis de Rougemont : l’Europe des régions (1er-2 décembre 1973)
519 ut de course Faire l’Europe, pour vous, qu’est- ce que c’est, concrètement ? Au sens littéral, c’est créer de la substan
520 a région lémano-alpine. Nous avons distingué dans ce cadre à géométrie variable différentes régions, dont les aires géogra
521 écision sur les problèmes fondamentaux de sa vie. Ce que les États-nations ne font pas. La participation, l’autogestion ci
522 ne correspondent plus à grand-chose aujourd’hui. Ce que je souhaite, personnellement, c’est la renaissance d’assemblées p
523 rigine d’une vraie vie politique européenne. Mais ce qui est important, c’est qu’il existe au-dessus des régions et à leur
524 les différentes fonctions particulières. C’est à ce niveau qu’il faudrait un Conseil élu par le peuple européen et compos
525 régions avaient leur mot à dire à propos de tout ce qui se passe sur leur territoire, par exemple à propos des implantati
526 quotidienne. » Je suis convaincu qu’en partant de ce que l’enfant peut connaître le mieux, des curiosités les plus vite év
527 ropéens » sans faire la moindre propagande. N’est- ce pas limiter volontairement l’horizon de l’enfant ? Je dis qu’il faut
528 n des lacs, la destruction des sites, des forêts, ce sont des choses immédiatement perceptibles. Les enfants sont parfaite