1 1970, Articles divers (1970-1973). La place du livre dans l’information de l’homme moderne (1970)
1 Louis Armand, sauf sur un seul point, c’est quand il dit que les mathématiques ne se prêtent pas à la liturgie, ne se prêt
2 informations qu’est la mémoire individuelle. Donc il semble que la fonction essentielle du livre, si on laisse de côté les
3 u moins autant qu’à l’enchaînement des arguments. Il n’y a pas deux livres pareils, alors qu’il peut y avoir un nombre con
4 ments. Il n’y a pas deux livres pareils, alors qu’ il peut y avoir un nombre considérable de moyens de faire passer une mêm
5 eur indépendamment des informations objectives qu’ il peut ou non contenir et utiliser comme matériel. Cet appareil, nous l
6 nt de cet ange et prends ce petit livre ouvert qu’ il a dans les mains, et quand tu l’auras pris, mange-le, dévore-le ; il
7 , et quand tu l’auras pris, mange-le, dévore-le ; il te sera très amer aux entrailles mais très doux à la bouche et après
8 i qui nous avale, ou nous lui. Voilà, me semble-t- il , le bon usage du livre. Et je voulais y insister pour que l’on ne cro
9  ». Le président Kennedy lisait très, très vite ; il absorbait, je ne sais combien de milliers de mots à la minute. Alors
10 réface de son recueil Aurore. « Philologue », dit- il , et en disant cela il veut dire, et il faut traduire ça ainsi : amate
11 Aurore. « Philologue », dit-il, et en disant cela il veut dire, et il faut traduire ça ainsi : amateur de lettres, de lang
12 gue », dit-il, et en disant cela il veut dire, et il faut traduire ça ainsi : amateur de lettres, de langage, amateur d’hu
13 ise d’orfèvre. C’est justement à cause de cela qu’ il est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, justement par là que le l
14 te en finir de toutes choses, même d’un livre fût- il ancien ou nouveau. Il enseigne à bien lire, c’est-à-dire lentement, a
15 choses, même d’un livre fût-il ancien ou nouveau. Il enseigne à bien lire, c’est-à-dire lentement, avec profondeur, égards
16 de pittoresque et de folklorique, ne rencontre-t- il pas plus de difficultés à s’exprimer qu’au temps où il suffisait d’un
17 s plus de difficultés à s’exprimer qu’au temps où il suffisait d’une très modeste mise de fonds pour publier un livre ? »
18 ritique-là s’adresse essentiellement, me semble-t- il , à la télévision, ou dans un sens moins grave à la radio, à quoi il f
19 n, ou dans un sens moins grave à la radio, à quoi il faut opposer non pas seulement le livre, mais le disque. La bande enr
20 de tribu, d’autant plus fortement aujourd’hui qu’ elle ne dépasse guère un certain rayon, contrairement à la radio qui va be
21 e le livre doit être supplanté par la télévision, il nous faut le développer tant que nous pouvons, au fur et à mesure que
22 ogrammes. Et alors, on se disait : « Qu’est-ce qu’ il faut faire ? Est-ce qu’il faut créer un poste européen de télévision 
23 disait : « Qu’est-ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’ il faut créer un poste européen de télévision ? » Ça sera très difficile
24 ensuite de transmettre cela assez loin, parce qu’ il faut des autorisations de certains pays et de certains gouvernements.
25 diate, vous ne l’avez pas non plus dans le livre. Il faut toujours au moins un mois pour sortir un livre sur l’actualité.
26 ande « si le livre étant tributaire de la langue, il n’y aurait pas lieu de développer la recherche d’une langue internati
27 l’heure entre deux sens du mot « information ». S’ il s’agit d’informations courantes, que vous pourrez aussi bien trouver
28 me l’espéranto. J’ai pris cette question parce qu’ elle me permet de préciser ce que j’appellerais « information » tout à l’h
29 st très joli, lente lecture, mais encore faudrait- il que l’ouvrier, la femme de ménage, l’employé de bureau, le contremaît
30 e la vie actuelle auquel nous sommes tous soumis, il est encore possible de se ménager des moments de lente lecture ? » Pr
31 énage, contremaître, qui sont d’énormes lecteurs. Ils trouvent toujours le temps nécessaire, aux dépens de leur sommeil que
32 tôt qu’aux dépens de leur travail. C’est dommage, il faudrait arriver à réduire ce temps de travail ; c’est au fond tout l
33 absolument dans le sens du livre, c’est-à-dire qu’ il diminue les temps de travail et augmente les temps de loisir. Alors,
34 e, on se repose comme on peut, on s’amuse un peu. Il semble depuis à peu près deux-cents ans que le sérieux de la vie, c’e
35 nombre d’heures de travail diminue constamment ; il pourra diminuer beaucoup plus rapidement au fur et à mesure [que] l’a
36 on travaillera un petit peu, pour s’assurer ce qu’ il faut, pour avoir le temps de lire lentement. Quelqu’un demandait — c’
37 dait — c’était à M. Louis Armand d’ailleurs — « s’ il ne fallait pas opposer le livre à la revue » et faisait observer « qu
2 1970, Articles divers (1970-1973). Deux en un, ou le fédéralisme (mars 1970)
38 e, et les huguenots qui excluent l’unité. Pascal Il faut faire l’Europe, mais dans le respect des différences nationales,
39 ionales, régionales et locales. Cela veut dire qu’ il n’y a pas d’autre solution à la fois désirable et praticable que l’un
40 caractéristiques nationales, et pour les autres, il signifie refus de tout pouvoir central, repli sur soi, voire séparati
41 puis vingt ans tous les efforts d’union, parce qu’ il paralyse la pensée politique non seulement des nationalistes et des j
42 homme d’État belge ait pu écrire en ce temps-là ( il a changé d’avis depuis) : Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’est
43 alisme prend des sens à peu près opposés selon qu’ il s’exprime en allemand ou en français. Et l’on a pu entendre le recteu
44 n fédérale à sa haute école, parce qu’ici, disait- il , nous sommes fédéralistes ! Je n’ai cité que des européistes on ne pe
45 de presse, dans la grande masse des citoyens dont il n’est pas exclu qu’avant longtemps on l’appelle à se prononcer sur la
46 a proposé un marché à la Grande-Bretagne, en qui il trouvera certainement preneur : soutien à la candidature britannique
47 ge d’une opposition commune au fédéralisme, ce qu’ il a traduit en ces termes : « La Grande-Bretagne et la France sont tout
48 efus de la formule fédérale — bien au contraire ! Il est clair que l’erreur est le fait du journaliste, mais ce qui frappe
49 fait du journaliste, mais ce qui frappe, c’est qu’ elle ait pu passer inaperçue dans un quotidien qui s’appelle précisément L
50 un siècle du « vrai » sens des mots français, et il trouve ceci : Fédéralisme. s.m. Néologisme. Système, doctrine du gouv
51 st un système bon pour les sauvages, et en France il mérite l’échafaud, qui est le sort des traîtres à la République. Ains
52 es mais pour les sauvegarder, car, faute d’union, elles seraient vite absorbées par une puissance voisine. Le fédéralisme rep
53 eligion nationaliste. Quant à Nelson Rockefeller, il écrit : Pour moi, l’idée fédéraliste suppose une conception d’ensembl
54 oir, d’impulsion et de création, mais plusieurs. Il est frappant de retrouver sous la plume du gouverneur républicain d’u
55 que traduit ce vocabulaire souple et précis doit- elle rester à jamais étrangère aux esprits qui se veulent « cartésiens » ?
56 ngère aux esprits qui se veulent « cartésiens » ? Il nous faudrait alors désespérer de toute union vivante de l’Europe. Ca
57 ésespérer de toute union vivante de l’Europe. Car il n’y a pas d’union et pas de vie possibles hors du paradoxe fondamenta
58 aux de la vie publique comme de la vie organique, ils sont conditions l’un de l’autre. Le refus d’assumer le paradoxe et l’
59 que j’ai citées et se révèlent nécessairement en elles . « Simples questions de mots », si l’on veut. Pourtant, il serait fou
60 ples questions de mots », si l’on veut. Pourtant, il serait fou d’espérer que l’Europe se fasse un jour dans l’histoire si
61 que l’Europe se fasse un jour dans l’histoire si elle ne se fait pas d’abord dans les esprits, et voilà qui implique un lan
3 1970, Articles divers (1970-1973). Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe (19 mars 1970)
62 is que la CEE n’a jamais caché depuis le début qu’ elle avait des visées politiques. La Suisse, pensant que les visées politi
63 re voie ? Je vous répondrai évidemment non, car s’ il n’y avait que les questions économiques qui se posaient, nous aurions
64 voir d’autres formes d’intégration pour l’Europe. Elles se dessinent au sein de la CEE, comme vous venez de l’expliquer… Un
65 vous venez de l’expliquer… Une unité commune Il faut beaucoup plus même que la CEE à mon sens. L’intégration de l’Eur
66 ion de l’Europe doit s’opérer sur tous les plans. Elle doit être sociale autant qu’économique, elle doit être technique, ell
67 ans. Elle doit être sociale autant qu’économique, elle doit être technique, elle doit être universitaire, scientifique, poli
68 e autant qu’économique, elle doit être technique, elle doit être universitaire, scientifique, politique et culturelle. Car,
69 e. Quelle est cette unité ? Eh bien ! de culture. Il n’y a pas de cultures nationales, contrairement à ce que l’on nous a
70 trairement à ce que l’on nous a appris à l’école. Il n’y a qu’une grande culture européenne qui vient de nos ancêtres comm
71 écrivain français ou espagnol ? Beaucoup plus qu’ il ne pense. Par l’ensemble des procédés que les uns et les autres utili
72 érature religieuse, sacrée. En Inde, par exemple, il n’y a pas de romans qui racontent des petites histoires qui se passen
73 petites histoires qui se passent tous les jours. Il n’y a que des écrits religieux, de la sculpture religieuse dans les t
74 d’intégration sous toutes ses formes, quelles qu’ elles soient, quelle part pourrait prendre la Suisse ? Beaucoup à apport
75 e a beaucoup à apporter dans l’union de l’Europe. Elle a à apporter ce qu’elle est, ce qu’elle est devenue au cours des sièc
76 dans l’union de l’Europe. Elle a à apporter ce qu’ elle est, ce qu’elle est devenue au cours des siècles, c’est-à-dire la for
77 l’Europe. Elle a à apporter ce qu’elle est, ce qu’ elle est devenue au cours des siècles, c’est-à-dire la formule fédérale. C
78 ormule-là que la Suisse s’est faite peu à peu, qu’ elle s’est créée sous la forme d’une confédération en 1848. Et depuis lors
79 orme d’une confédération en 1848. Et depuis lors, elle essaie d’approfondir cette formule, celle-là même qui pourrait servir
80 e à expliquer parce que, pour bien la comprendre, il faut penser ensemble des choses qui ont l’air de s’exclure logiquemen
81 es choses qui ont l’air de s’exclure logiquement. Il faut penser, par exemple : union et diversité en même temps. Il faut
82 , par exemple : union et diversité en même temps. Il faut penser à l’égalité des petits États avec des grands. Il faut pen
83 ser à l’égalité des petits États avec des grands. Il faut penser à une quantité de choses qui répugnent à la logique. J’en
84 n suisse romande : « La Suisse doit être modeste, elle doit proportionner ses interventions sur le plan de la politique étra
85 énérale, ce sont les initiatives, les exemples qu’ il peut donner, les initiatives qu’il peut prendre. Si l’importance poli
86 es exemples qu’il peut donner, les initiatives qu’ il peut prendre. Si l’importance politique d’un pays était mesurée uniqu
87 e la guerre contre le petit Vietcong ? Pourquoi ? Ils n’ont pas osé utiliser toutes leurs forces, la bombe atomique notamme
88 urs forces, la bombe atomique notamment, parce qu’ ils auraient eu contre eux l’opinion du monde entier. Ce n’est donc pas d
89 ertain idéal communiste. Les États-Unis savent qu’ ils ne peuvent opposer à cet idéal qu’un idéal démocratique et de liberté
90 éal qu’un idéal démocratique et de liberté, et qu’ ils l’illustrent fort mal en faisant la guerre du Vietnam. Voilà pourquoi
91 randes chances d’agir sur le plan international s’ il avait le courage de prendre des initiatives. De prendre notamment cet
92 ur l’union de l’Europe. Car cette proposition-là, elle sortirait de toute son histoire, elle sortirait de ce que nous sommes
93 osition-là, elle sortirait de toute son histoire, elle sortirait de ce que nous sommes, nous Suisses, dont nous avons à pren
94 endre toujours mieux conscience naturellement, et elle aurait une grande autorité. On la suivrait. On suivrait la Suisse, si
95 la suivrait. On suivrait la Suisse, si petite qu’ elle soit, parce qu’elle aurait une grande idée. La Suisse, si petite qu’e
96 vrait la Suisse, si petite qu’elle soit, parce qu’ elle aurait une grande idée. La Suisse, si petite qu’elle soit, n’aurait p
97 e aurait une grande idée. La Suisse, si petite qu’ elle soit, n’aurait pas seulement un rôle de parti minoritaire à jouer au
98 e grande Europe… Prendre conscience … Non ! Elle aurait un rôle qui serait peut-être décisif, qui serait de donner jus
99 faire, de le proposer sur un plan international, il faut que nous autres, les Suisses, prenions conscience plus claire de
100 alisme, des richesses de cette formule chez nous. Il faut que nous l’appliquions de mieux en mieux, que nous cessions de p
101 tre les cantons. Pour maintenir leurs autonomies, il faut bien qu’ils se mettent tous ensemble. Aucun d’entre eux ne pourr
102 Pour maintenir leurs autonomies, il faut bien qu’ ils se mettent tous ensemble. Aucun d’entre eux ne pourrait se défendre t
103 défendre tout seul contre les puissants voisins. Ils n’ont pu défendre leurs petites autonomies qu’en se groupant. Eh bien
104 s petites autonomies qu’en se groupant. Eh bien ! il faudrait appliquer cette formule maintenant au-delà de nos frontières
105 elles qu’implique la formation de l’Europe puisqu’ il manque d’initiative ? Qu’en sait-on ? Est-ce qu’on a jamais demandé a
106 ? Est-ce qu’on a jamais demandé aux Suisses ce qu’ ils pensaient de l’Europe et d’une intégration de l’Europe, d’une intégra
107 e enquête, que je sache. Alors que voulez-vous qu’ il se passe ? Dans ces conditions, le Suisse moyen, l’homme de la rue, q
108 en, l’homme de la rue, quand on lui demande ce qu’ il pense de l’Europe, répète naturellement ce qu’il a entendu dire à la
109 ’il pense de l’Europe, répète naturellement ce qu’ il a entendu dire à la radio, à la télévision, ce qu’il lit dans la pres
110 a entendu dire à la radio, à la télévision, ce qu’ il lit dans la presse, ce qu’il entend dans les discours de ses hommes d
111 la télévision, ce qu’il lit dans la presse, ce qu’ il entend dans les discours de ses hommes d’État, de ses députés. Eh bie
112 s de ses hommes d’État, de ses députés. Eh bien ! il faut que cela change, lentement. On lui a trop dit pendant trop longt
113 s pas ridicules en proposant de grandes choses… » Il faut que cela cesse ; et c’est une question d’éducation ; cela doit c
114 plètement d’accord d’entrer dans une Europe unie. Elles trouveront même bien curieux que l’on ne l’ait pas encore fait. Elles
115 e bien curieux que l’on ne l’ait pas encore fait. Elles nous reprocheront — à la génération des aînés — d’avoir gardé une pru
116 duits par le chapeau suivant : « L’année 1969 a-t- elle marqué un tournant dans la politique suisse à l’égard de l’Europe ? C
117 r et, aussi, visites importantes dans notre pays. Il n’y a qu’à songer à celle de M. Jean Rey, il y a quelques mois seulem
118 evons poser une seconde question : la Suisse peut- elle jouer un rôle dans la formation de l’Europe ? Pour y répondre, il fal
119 dans la formation de l’Europe ? Pour y répondre, il fallait faire appel à un écrivain d’expression française traduit dans
4 1970, Articles divers (1970-1973). « Un acte de reconnaissance » [à propos du prix Robert Schuman] (24 mars 1970)
120 après-midi, à son domicile de Ferney-Voltaire, où il prépare actuellement le discours qu’il prononcera le mois prochain à
121 ltaire, où il prépare actuellement le discours qu’ il prononcera le mois prochain à Bonn à l’occasion de la remise officiel
122 rix [Robert Schuman]. Un prix auquel, d’ailleurs, il s’attendait : Je n’ai pas été surpris par la décision de la Fondation
123 iherr von Stein puisque, en juillet dernier déjà, elle avait annoncé que le prix 1970 me serait décerné. Quelle significatio
124 et, Joseph Bech, S. Mansholt et Walter Hallstein. Il faut rappeler enfin que Robert Schuman fut président du Centre europé
125 romotion de l’esprit européen. Parmi cette œuvre, il faut notamment citer L’Aventure occidentale de l’homme , Vingt-huit
126 que année par le recteur de l’Université de Bonn. Il a été créé en 1966 par la Fondation FVS, à Hambourg, et est destiné à
5 1970, Articles divers (1970-1973). La passion en 1970, est-ce possible ? (mai 1970)
127 e nourrit d’obstacles par définition, que devient- elle à notre époque où les obstacles ne se dressent plus entre les amants 
128 ue des mariages de passion, comment s’accommode-t- elle de l’immédiat quotidien ou du prochain accessible ? Je ne condamne ni
129 vais mariages. Pourquoi les seconds mariages sont- ils souvent plus heureux que les premiers ? C’est que les premiers n’étai
130 s femmes pour l’égalité avec les hommes, alors qu’ elles sont plutôt complémentaires. Je suis contre l’égalité, dit-il, c’est
131 ôt complémentaires. Je suis contre l’égalité, dit- il , c’est la source de toutes les tyrannies. Enfin, troisième raison ; l
132 un couple, les gens se posent des questions dont ils ne trouvent pas toujours les réponses. Et ces fameux obstacles à la p
133 Rougemont, ces obstacles n’ont pas été supprimés, ils ont été déplacés. On parle un peu abusivement de la suppression des t
134 ression des tabous. Le tabou sexuel, par exemple. Il est certain que, depuis Freud, le sexe n’est plus passé sous silence.
135 tabous, les convenances ne sont pas arbitraires. Ils expriment des répulsions humaines. Supprimez des obstacles extérieurs
136 ssions extérieures. Voyez Tristan et Iseut. Quand ils ont supprimé l’obstacle qui empêchait et exaltait à la fois leur pass
137 ssion (présence du roi Marc, mari d’Iseut), quand ils se retrouvent seuls dans la forêt, ils inventent un autre obstacle po
138 ut), quand ils se retrouvent seuls dans la forêt, ils inventent un autre obstacle pour préserver leur passion : l’épée dépo
6 1970, Articles divers (1970-1973). « S’unir, au-delà de nos fausses souverainetés, pour préserver nos vraies diversités » (mai-juin 1970)
139 )h Vous êtes l’auteur d’une phrase fameuse : «  Il faut faire des Européens avant de faire l’Europe » ; comment y parven
140 s plus concrètes et le culte prolongé d’un mythe, il faut choisir ! Ce choix doit s’opérer dans une certaine finalité ; qu
141 ouvez-vous à l’Europe ? Jusqu’à nous, voyez-vous, il fallait se battre pour survivre. Aujourd’hui que le nécessaire est as
142 s d’influence plus idéologiques que commerciales. Il va falloir maintenant savoir ce que nous voulons au juste : un niveau
143 n d’un habitat décent, d’une communauté vivante ? Il faut d’autre part épargner à l’Europe de se faire purement et simplem
144 absorber par d’autres économies. Cela ne revient- il pas à se poser la question fondamentale du sens même de notre vie ? O
145 iberté. Pour surmonter les aliénations actuelles, il faut poser un nouvel ordre, se mettre en commun pour certaines choses
146 en un mot. Par quelles structures pensez-vous qu’ il soit possible de l’établir ? J’admets qu’il y a une pluralité d’allég
147 étention de l’État-nation à leur monopole absolu. Il faut donc distribuer les pouvoirs étatiques aux différents niveaux de
148 é… Ne craignez-vous pas l’utopie ? Comment sera-t- il possible de changer le système actuel de notre société, irréversible
149 pas ! Il y a précisément une crise universelle ! Il faut faire maintenant quelque chose pour établir un ordre universel n
150 après le Désordre ! Quel dénominateur commun peut- il aider l’Europe à trouver cet ordre nouveau ? L’Europe a la chance d’a
151 s nationalistes, en dépit des manuels scolaires : il n’y a que des divisions tout arbitraires opérées dans l’ensemble viva
152 -vous que le modèle suisse soit le meilleur et qu’ il soit viable à l’échelle européenne ? Le système suisse, à mon avis, e
153 lus petite que ne l’était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée ; et les disparités de coutumes ou de richesse, de lang
154 ou plus frappantes entre les États de l’Europe qu’ elles ne l’étaient entre les cantons suisses avant 1848. Il ne faut pas non
155 e l’étaient entre les cantons suisses avant 1848. Il ne faut pas non plus oublier les moyens techniques dont nous disposon
156 ques dont nous disposons à l’heure actuelle et qu’ il ne faudrait surtout pas renier : je suis persuadé que le fédéralisme
157 our répartir les tâches aux différents niveaux où elles doivent être accomplies)… Bluntschi, auteur d’un code civil cantonal,
158 liste qui peut seul assurer la paix de l’Europe ! Il me semble ainsi que l’idée européenne ait trouvé son climat autant qu
159 é ? La neutralité est une survivance historique ! Elle est encore attachée à la conception de l’État-nation. Tout à fait jus
160 ait justifiée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, elle ne se justifierait plus en tout cas dans une Europe unie. Mais je ver
161 ’Europe unie dont je vous parlais tout à l’heure. Il est vrai que le projet d’union de l’Europe a généralement passé pour
162 nales et les remplacer par un sentiment européen. Il est clair qu’une Europe une et indivisible serait tout simplement une
163 Suisse. Mais personne ne la préconise, je crois. Il est clair, en revanche, qu’une Europe fédérée, respectueuse de ses di
164 a vocation traditionnelle de la Suisse. Savoir si elle se fera dépend de nous aussi : c’est à nous de faire valoir dans les
7 1970, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture européenne ? (juin 1970)
165 uté culturelle. Je pense, avec Robert Schuman, qu’ il est possible d’unir nos pays pour cette raison littéralement fondamen
166 de base existe, sur laquelle fonder cette union. Il s’agit de l’unité d’une culture, de laquelle participent tous les Eur
167 e, de laquelle participent tous les Européens, qu’ ils soient d’ailleurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’ils
168 s « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’ ils doivent, en fait, à la culture. Unité non pas homogène, et qui ne rés
169 ire, Héraclite écrivait cette phrase décisive, qu’ il faut tenir pour la formule même de l’unité européenne : Ce qui s’oppo
170 s citoyens à la fois libres et responsables, mais elle invente aussi l’analyse critique, elle la conduit à ses dernières con
171 bles, mais elle invente aussi l’analyse critique, elle la conduit à ses dernières conséquences, découvre ainsi en même temps
172 a morale de la mesure et de la raison utilitaire, il oppose les élans de l’amour sans calcul, au droit de la force le serv
173 culte du succès le sens du sacrifice. Bien plus, il porte la contradiction au cœur de l’Être, et la traduit dans l’énoncé
174 pas pour autant : entre leurs triomphes alternés, elles durent dans l’ombre de l’Histoire, dans la tradition, dans les livres
175 dans les livres, et dans l’inconscient collectif. Elles agissent toutes, sans exception, dans la vie des hommes d’aujourd’hui
176 Lancelot et d’un Perceval, symbole mystique. Faut- il enfin rappeler l’apport arabe, qui ne se limite pas au zéro précédant
177 n ne saurait être acquise au prix des libertés qu’ elle est censée servir. j. Rougemont Denis de, « Qu’est‑ce que la cult
8 1970, Articles divers (1970-1973). « L’Europe ? Une révolution culturelle ! » (15 octobre 1970)
178 certaine culture qui l’a marqué et qui postule qu’ il n’y a de sérieux que les nations. Deux de mes étudiants, ont fait un
179 sés en France et en Allemagne entre 1900 et 1914. Ils ont relevé les mêmes erreurs, les mêmes préjugés, où l’on décèle l’or
180 es rois de France ont unifié l’hexagone, alors qu’ il s’est agi d’une conquête par la force et la ruse… Comment avez-vous r
181 hargés, mais de montrer que tout est européen, qu’ il ne peut plus y avoir de perspective nationaliste. Les leçons types so
182 y a progrès, que l’idée européenne est admise, qu’ elle fait son chemin. Des enquêtes récentes, réalisées dans les pays du Ma
183 un manifeste dont on n’a pas assez parlé, bien qu’ il fût signé par des gens comme Jacques Monod, Kastler, Guy Michaud, et
184 ous, concrètement, la « révolution européenne » ? Il faut créer des cadres civiques permettant la participation, mettre en
185 principe fédéraliste, nous sommes en commun avec elles . Un autre principe me paraît important : il faut fédérer des choses n
186 ec elles. Un autre principe me paraît important : il faut fédérer des choses neuves, sinon l’on perd trop de temps. C’est
187 mpte des frontières. Vous avez souvent affirmé qu’ il fallait construire l’Europe sur les régions. Une telle conception ne
188 ope sur les régions. Une telle conception ne va-t- elle pas compliquer à l’excès les réalités socioéconomiques ? Il est certa
189 pliquer à l’excès les réalités socioéconomiques ? Il est certain que l’Europe des régions sera très complexe et diversifié
190 possible que par l’intermédiaire des ordinateurs. Il conviendra, d’autre part, de maintenir de petites communautés, lesque
191 ellule civique, la commune tout particulièrement. Il faut freiner le gigantisme des villes, pour que l’homme soit intégré
192 , pour que l’homme soit intégré à une communauté. Il faut dépasser la fausse solitude de l’homme dans la rue et la fausse
193 t. Après avoir rencontré un esprit aussi éminent, il est assez surprenant de retrouver la réalité des frontières et trois
194 édiocrité… L’Europe des esprits n’est pas encore, il s’en faut même de beaucoup, devenue l’Europe réelle. Mais, au-delà de
195 réelle. Mais, au-delà des uniformes qui séparent, il nous reste, traçant un chemin de rigueur et d’audace, la voix de Deni
9 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix I : Niveau de vie ou mode de vie ? (15 novembre 1970)
196 st de l’Europe, qui sont réellement colonisés… Et il n’est pas impensable, si nous continuons à rester divisés par nations
197 ement tragique parce que l’Europe n’était pas là. Il n’y avait personne pour leur répondre. Et vous pensez que, actuelleme
198 arrivé, il y avait 1800 habitants ; aujourd’hui, il y en a 5500, qui ont été amenés depuis cinq ou six ans par l’IOS, aff
199 sins ont fait faillite les uns après les autres ; ils ont dû se mettre ensemble pour faire un supermarché ; tout l’équilibr
200 ire, car aucun de nos pays ne peut se défendre. Il n’est pas trop tard Mais ne pensez-vous pas qu’il est déjà trop ta
201 n’est pas trop tard Mais ne pensez-vous pas qu’ il est déjà trop tard et que les « États-Unis d’Europe » risquent d’être
202 eux-ci montaient sur les épaules l’un de l’autre, ils n’arriveraient pas à notre hauteur. Au point de vue démographique, ce
203 Au point de vue démographique, certes … Oui, mais il y en a bien d’autres, tout aussi importants : par exemple, la qualité
204 e supériorité : celle du « management », parce qu’ ils disposent d’un grand espace et nous pas. Prenez le cas de la France,
205 le domaine de la technique. Cela tient au fait qu’ elle s’est toujours défendue contre l’étranger. Dans cet état d’esprit, no
206 cet état d’esprit, nous jouons perdants. Mais est- il trop tard pour renverser le courant ? On pouvait déjà le dire en 1949
207 vait se dire : « Ce n’est pas la peine de partir, ils ont pratiquement un siècle d’avance sur nous. » Mais nous n’avons pas
208 des découvertes toutes faites par les Européens ; ils avaient eu comme supériorité les capitaux, la situation de guerre qui
209 d’organisation, rien de plus. Nous avons dit : «  Il n’est pas du tout trop tard. Nous avons les cerveaux, nous avons, par
210 ous les savants qui pourraient rester chez nous s’ ils disposaient d’un appareil de recherche suffisant ». Cela s’est parfai
211 production dépasse largement le minimum vital, où elle entraîne une série de conditions auxquelles on n’avait jamais réfléch
212 s coups pareils à la terre elle-même. Maintenant, il a ces moyens, donc il est obligé d’avoir une politique. Il s’agit auj
213 erre elle-même. Maintenant, il a ces moyens, donc il est obligé d’avoir une politique. Il s’agit aujourd’hui de choisir en
214 moyens, donc il est obligé d’avoir une politique. Il s’agit aujourd’hui de choisir entre mode de vie et niveau de vie, mes
215 ste, capitaliste : pourvu que le PNB augmente, qu’ il n’y ait pas de chômage, tout ira bien et tant pis pour la nature. Nou
216 qui corresponde à un certain nombre de valeurs qu’ ils jugent plus importantes que l’accumulation des objets ou un compte en
217 ant que c’est une réaction saine. Mais justement, il se trouve que dans tous les pays européens, pour une partie de la pop
218 artimentages nationaux ne permettent de le faire. Il nous faut dépasser les Américains, mais il nous faut aussi des techni
219 faire. Il nous faut dépasser les Américains, mais il nous faut aussi des techniques qui soient adaptées à nos fins. Par ex
220 ques qui soient adaptées à nos fins. Par exemple, il est absolument faux de continuer à faire des automobiles qui marchent
221 y viendra s’il y a une masse d’Européens telle qu’ elle permettra d’envisager une véritable politique de production, qui tien
222 sation capitaliste qui se développe en Europe, qu’ elle soit fédéraliste ou qu’elle en reste au stade des États-nations. Bien
223 veloppe en Europe, qu’elle soit fédéraliste ou qu’ elle en reste au stade des États-nations. Bien sûr, si l’on prend, par exe
224 omisation : les régions. Ces deux mouvements sont- ils contraires, comme ils ont l’air de l’être ? Ne sont-ils pas plutôt un
225 s. Ces deux mouvements sont-ils contraires, comme ils ont l’air de l’être ? Ne sont-ils pas plutôt un seul et même mouvemen
226 ntraires, comme ils ont l’air de l’être ? Ne sont- ils pas plutôt un seul et même mouvement qui pourrait se définir ainsi :
227 onale, à cause de leur prix ou de leur extension. Il s’agit d’une reclassification des tâches d’après les dimensions des d
228 ntre le communisme totalitaire. Dès cette époque, il considère que le fédéralisme constitue pour l’Europe la seule chance
229 ux de l’intelligentsia occidentale contemporaine, il continue de se distinguer comme l’un des animateurs de l’action europ
230 comme l’un des animateurs de l’action européenne. Il jouera ainsi un rôle notable dans les congrès de La Haye, de Rome et
231 plaidoyer des idées et des projets pour lesquels il a toujours combattu. L’entreprise européenne a été trop longtemps dén
232 dont Denis de Rougemont a trop l’habitude pour qu’ ils puissent l’arrêter, animé qu’il est par la certitude d’exprimer la se
233 habitude pour qu’ils puissent l’arrêter, animé qu’ il est par la certitude d’exprimer la seule issue pour l’Europe. Nous av
234 et de ces objections, au cours d’un entretien qu’ il nous a accordé dans sa maison de Ferney-Voltaire. »
10 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix II : Se rallier à l’idée suisse (22 novembre 1970)
235 cela ne couvre qu’une petite partie de l’Europe. Il faudra bien un jour qu’il y ait une agence fédérale européenne de l’é
236 it une agence fédérale européenne de l’économie ; il faudra qu’il y en ait d’autres qui s’occupent des transports, des rec
237 fédérale européenne de l’économie ; il faudra qu’ il y en ait d’autres qui s’occupent des transports, des recherches scien
238 bsolument impensable. Comment la Suisse resterait- elle l’écart d’un Fonds européen d’écologie, par exemple ? Elle ne peut pa
239 art d’un Fonds européen d’écologie, par exemple ? Elle ne peut pas fermer ses frontières aux vents ou la pollution du Rhin.
240 Suisse est destinée à être au cœur de l’Europe et elle doit l’être dans ses entreprises communes. On dit que cela signifiera
241 it une sorte de Suisse grande échelle ? Pour cela il faut que les Suisses poussent encore plus loin qu’ils ne l’ont fait j
242 faut que les Suisses poussent encore plus loin qu’ ils ne l’ont fait jusqu’ici leur sens du fédéralisme : il faut qu’ils com
243 e l’ont fait jusqu’ici leur sens du fédéralisme : il faut qu’ils comprennent que certaines tâches dépassent les cantons, d
244 t jusqu’ici leur sens du fédéralisme : il faut qu’ ils comprennent que certaines tâches dépassent les cantons, d’autres sont
245 sont trop petites et doivent rester aux communes. Il faut qu’ils vivent, encore mieux qu’ils ne le font, l’esprit de leur
246 etites et doivent rester aux communes. Il faut qu’ ils vivent, encore mieux qu’ils ne le font, l’esprit de leur fédéralisme
247 communes. Il faut qu’ils vivent, encore mieux qu’ ils ne le font, l’esprit de leur fédéralisme qui est très ancien. Il ne f
248 l’esprit de leur fédéralisme qui est très ancien. Il ne faut jamais oublier que la Suisse s’est fondée sur les communes, e
249 ue c’est la vraie source du fédéralisme. Et de là il faut dépasser les frontières de la Suisse avec le fédéralisme. S’il y
250 pe puis au monde. C’est là une chose nouvelle car elle n’a jamais été appliquée systématiquement, pas même en Suisse. C’est
251 y avait des ordres de réalités à ne pas mélanger. Il n’était pas question d’imposer la même religion, la même économie, le
252 beaucoup plus révolutionnaire qu’on ne le pense. Elle suppose la fin du gigantisme des villes, la recréation de petites uni
253 e, Denis de Rougemont, après avoir montré comment il ne restait plus aujourd’hui d’autre choix que celui de faire l’Europe
11 1970, Articles divers (1970-1973). Denis de Rougemont, propos recueillis par E. Liard (décembre 1970)
254 res du Cheminement des esprits introduisent, qu’ il s’agisse de festivals de musique, de guildes du livre et d’édition, d
255 s la création des régions ? La décision viendra-t- elle des États-nations actuels ? Les régions se formeront malgré les États
256 ts par les réalités à reconnaître leur existence. Elles se formeront, je pense, par la force des choses, par des échanges hum
257 sinage, en dépit des capitales, et, un beau jour, elles auront tissé entre elles tellement de liens qu’on s’apercevra que l’E
258 tales, et, un beau jour, elles auront tissé entre elles tellement de liens qu’on s’apercevra que l’Europe « s’est faite ». Le
259 gions à sa capitale nationale. Et à ce moment-là, il suffira d’installer des agences fédérales européennes sur le modèle d
260 ront d’après la dimension des tâches à accomplir. Il faut trouver le niveau auquel les décisions seront prises, puis établ
261 anglaises et sur les villes de Nantes et Rennes. Il faut beaucoup de souplesse. Une région ne doit pas être contenue à l’
262 doit pas être contenue à l’intérieur de limites, elle doit rayonner. Les États-nations actuels, qui ont nom France, Anglete
263 qui ont nom France, Angleterre, Italie, etc. sont- ils appelés à disparaître ? Je pense que peu à peu ils se déferont. À mes
264 ls appelés à disparaître ? Je pense que peu à peu ils se déferont. À mesure que le tissu de liens réels se resserrera entre
265 ons sont des créations contre nature. Voyez comme ils ont coupé en quatre une entité telle que le bassin Ruhr-Moselle. De q
266 ière le Centre européen de la culture contribue-t- il à la création d’une Europe unie ? Le Cheminement des esprits donne
267 nnes, les directeurs de festivals de musique, car il est plus facile d’associer d’abord les choses nouvelles. Les problème
268 emin dans les esprits ces dernières années ? Oui, elles ont progressé, surtout en France, qui est le pays le plus éloigné de
269 responsables. Cheminement vers l’Europe fédérée : il s’agit de surmonter les obstacles à l’union, qui sont d’abord dans le
12 1970, Articles divers (1970-1973). Message aux régionalistes (16 mars 1973)
270 ionaliste pour deux raisons majeures : — parce qu’ il faut FAIRE L’EUROPE et qu’on ne la fera jamais sur la base des États
271 sur la base des États centralisés. — et parce qu’ il faut REFAIRE DE VRAIES COMMUNAUTÉS, si l'on veut prévenir les désastr
272 comme poussent les blés, la vigne et les forêts : elle doit monter d’une terre, d’un peuple, d’une histoire, de leurs besoin
273 iée par les bureaux d’une métropole tentaculaire. Elle ne saurait être créée par quelque découpage sur la carte, mais seulem
274 mais seulement par le rayonnement de sa vitalité. Elle ne saurait être octroyée de l’extérieur, mais seulement instaurée par
275 par l’essor de ses énergies créatrices. Surtout, elle ne doit pas se donner pour objectif de saisir « une plus grande part
276 isir « une plus grande part du gâteau » étatique. Elle doit cuire son propre gâteau, et créer ses propres ressources, à sa m
277 s des grands, plus ceux de la petitesse physique. Il faut la concevoir, au contraire, comme la création d’une communauté S
278 utôt que de chercher à se rendre concurrentielle, elle doit chercher à se rendre utile, et son problème n’est pas d’exploite
279 d’exploiter le voisin mais de coopérer avec lui. Elle n’a donc nul besoin d’être, comme on le répète, « de taille européenn
280 argon de la guerre commerciale — mais on attend d’ elle , au contraire, qu’elle soit différente des autres, séduisante pour se
281 erciale — mais on attend d’elle, au contraire, qu’ elle soit différente des autres, séduisante pour ses propres habitants plu
13 1971, Articles divers (1970-1973). Souvenir d’Honegger et de Nicolas de Flue (1971)
282 rd Dans le monde de l’esprit et de ses œuvres, il n’est pas de chance imméritée : les choses ne viennent à point que po
283 r qui s’était obscurément disposé à les recevoir. Il importe au propos de ces pages que je marque d’abord la part des hasa
284 du et profond sur l’esprit de ses compatriotes, s’ il a prévenu in extremis la guerre entre les cantons suisses, c’est par
285 té que sa vie d’ascète donne au message secret qu’ il envoie à la Diète, et dont on ne connaît que le résultat : la paix sa
286 Ce serait la solution formelle ; encore faudrait- il l’adapter à la structure chrétienne du sujet. Je songe alors au style
287 e le connaissais pas. En pleine gloire, à 46 ans, il vient d’écrire Jeanne au bûcher et La Danse des morts avec Claudel. D
288 d’écrire que la seule forme théâtrale à laquelle il croit pour l’avenir est « celle qui arrive à grouper toute une popula
289 levie sur les marches de son escalier, un jour qu’ il était en retard.) Nos entretiens sont strictement techniques. Il me d
290 ard.) Nos entretiens sont strictement techniques. Il me demande combien il y a de cuivres durs et de cuivres mous dans la
291 anfare de La Chaux-de-Fonds. (Je n’en sais rien.) Il me prête un recueil de chorals luthériens, pour que j’en étudie la pr
292 ériens, pour que j’en étudie la prosodie précise. Il veut savoir la fonction, la durée et presque la tonalité de chacune d
293 ’un des trois chœurs que j’ai prévus. Quelquefois il m’appelle au téléphone : « Au 5e vers, 3e reprise du Choral I, il man
294 téléphone : « Au 5e vers, 3e reprise du Choral I, il manque une syllabe. — Ah ? Que faire ? — Eh bien ! nous mettrons un s
295 ue faire ? — Eh bien ! nous mettrons un soupir ». Il m’a dit : « Quand vous écrivez les paroles d’un chœur, chantez-les su
296 usique. » À chaque visite dans son grand atelier, il me joue au piano ce qu’il a fait. Il joue mal, je ne distingue pas gr
297 dans son grand atelier, il me joue au piano ce qu’ il a fait. Il joue mal, je ne distingue pas grand-chose, une fin de chor
298 and atelier, il me joue au piano ce qu’il a fait. Il joue mal, je ne distingue pas grand-chose, une fin de choral pourtant
299 pas grand-chose, une fin de choral pourtant, dont il me dit en riant : « Vous voyez, ça finit comme à l’église — catholiqu
300 ndé le secret de cette divination spirituelle, et il m’a dit modestement : « J’apprends par cœur les paroles, et puis je m
301 ense pas. Mais peut-être tout simplement parce qu’ il fallait d’abord bien voir les données fixes du problème et mettre au
302 ar nature implicite, j’entends de telle nature qu’ il ne pût se traduire d’une manière authentique et fidèle que dans l’œuv
303 préétablie, comment ne pas admettre après coup qu’ elle ait gouverné dans le fait plusieurs séries de « hasards objectifs »,
304 brée par deux protestants ! La part de Dieu Il serait vain de faire appel à des éléments contingents pour expliquer
305 phénomène. Tous les biographes ont insisté comme il convenait sur l’éducation protestante du jeune Zurichois, né au Havre
306 tante du jeune Zurichois, né au Havre : à 13 ans, il écrit un oratorio intitulé le Calvaire ; à 15 ans, il reçoit le choc
307 crit un oratorio intitulé le Calvaire ; à 15 ans, il reçoit le choc de sa vie lorsque Caplet vient diriger au temple prote
308 gger n’est à aucun degré. Je ne crois même pas qu’ il se soit jamais dit croyant, encore moins incroyant, d’ailleurs. Ce n’
309 que, ni même des croyances de l’homme, quelles qu’ elles fussent. Sa musique est chrétienne parce qu’elle est une prière, si l
310 elles fussent. Sa musique est chrétienne parce qu’ elle est une prière, si la prière est l’acte de celui qui s’ouvre et s’ord
311 s’ordonne à l’amour, c’est-à-dire : à Dieu tel qu’ il s’annonce au « cœur » de l’homme. Sa musique est chrétienne en cela q
312 de l’homme. Sa musique est chrétienne en cela qu’ elle signifie, par son affectivité même, « l’adéquation physique (de l’hom
313 ts de mots ou de couleurs ; pour Arthur Honegger, elles furent sa musique. 3. Ernest Ansermet, Les Fondements de la musiqu
14 1971, Articles divers (1970-1973). Le cheminement des esprits (1971)
314 responsables. Cheminement vers l’Europe fédérée : il s’agit de surmonter les obstacles à l’union, qui sont d’abord dans le
15 1971, Articles divers (1970-1973). Quand Paul Martin voulait faire courir l’Europe (1971)
315 reparaît Paul Martin, plutôt rajeuni me semble-t- il (les petites différences d’âge s’effacent avec le temps). Il vient, d
316 ites différences d’âge s’effacent avec le temps). Il vient, de concert avec notre ami commun Raymond Silva — alors secréta
16 1971, Articles divers (1970-1973). L’Europe est d’abord une unité de culture (1971)
317 e pars de ce qui me paraît une évidence majeure : il nous faut faire l’Europe afin de rester nous-mêmes, disons, pour alle
318 deux cas, l’expérience séculaire ou millénaire qu’ ils prétendaient inaugurer n’a duré que dix à douze ans. (La Suisse, en r
319 te du 1er août 1291 ne fera guère que copier.) Or il se trouve que cette formule fédéraliste, seule pratiquement possible
320 te mais en fait toujours plus illusoire — sauf qu’ elle bloque tout. C’est ici que nous rejoignons la culture. Car c’est bie
321 ande-Bretagne sont immortelles, ce qui suggère qu’ elles auraient existé de toute éternité, alors qu’en vérité, pour la plupar
322 pour la plupart, en tant qu’État, et en moyenne, elles n’ont même pas un siècle d’âge. Seules la France, l’Angleterre et l’E
323 ons, a beaucoup varié lui-même quant à la date qu’ il attribue à la naissance de l’histoire de France : tantôt il la fait r
324 e à la naissance de l’histoire de France : tantôt il la fait remonter à Brennus, chef gaulois probablement mythique, qui e
325 rançais existe réellement depuis Philippe Le Bel, il est absolument certain que l’Italie comme État n’a que 110 ans, l’All
326 un pouce de leur sacro-sainte souveraineté, et qu’ ils sont immortels. Or, tout est faux dans cet enseignement, et dans les
327 ésulter de ces mises au point. Et tout d’abord : il n’y a pas de cultures nationales. La culture européenne n’est pas la
328 a somme de vingt-cinq cultures nationales, puisqu’ elle existait bien avant la formation, récente, nous venons de la voir, de
329 un seul des grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme Bonaventure, sou
330 mps, ceux qui parlent une même langue ? Oui, mais il n’était pas question de les enfermer pour si peu dans les frontières
331 u dans les frontières d’un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos stato-nations modernes correspondent à l’aire
332 et le Val d’Aoste au nom de l’unité linguistique, elle devrait s’amputer, pour le même motif, de près de la moitié de ses te
333 ritoires actuels. Prenez la langue allemande : si elle devait coïncider avec un État-nation, il faudrait annexer à la Républ
334 e : si elle devait coïncider avec un État-nation, il faudrait annexer à la République fédérale outre l’Allemagne de l’Est,
335 is de l’immense majorité de ses concitoyens quand il les appelait précisément à se libérer du joug anglais. Alors que les
336 vescovo, obispo, bispe, biskop, bishop, Bischof… Il en va de même des termes militaires comme « canon », et de tous les t
337 tre l’Espagne et les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a été mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé d
338 été mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé dans l’enseignement de la géographie au xixe , là encore c
339 res de nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires comme les conflits armés dont elles
340 lles et arbitraires comme les conflits armés dont elles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait un h
341 dont elles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait un historien français, le résultat des « viols ré
342 n, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’ il faudrait arrêter — la tempête, les épidémies, la pollution de l’air e
343 mondiales où l’Europe a failli périr, mais encore ils faussaient notre vision de l’histoire et le sens même de la vie de l’
344 st que la culture de tous nos peuples est une, qu’ elle s’est formée à partir des mêmes influences indo-européennes, gréco-la
345 intellectuelles de tous nos pays, puis, à travers elles , formé nos sensibilités. Prenez l’exemple de la musique : rien de nat
346 la musique : rien de national dans son évolution. Elle naît avec le chant grégorien — premier langage musical européen — au
347 s les Flandres avec Ockeghem et Josquin des Prés. Elle rayonne en Bourgogne, en France et redescend vers l’Italie qu’elle en
348 ourgogne, en France et redescend vers l’Italie qu’ elle enrichit de ses nombreuses découvertes, jusqu’au xvie siècle, quand
349 e une bonne douzaine de nos frontières actuelles. Elles relient des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas de
350 l’unité de notre culture commune. Mais qu’en est- il de ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, comme
351 s diversités tant vantées, et à juste titre ? Est- il vrai, comme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxelles
352 ront davantage et s’entendront mieux entre eux qu’ ils ne s’entendent avec les hommes de droite de leur propre nation ; que
353 e en Europe est d’autant plus riche et intense qu’ elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen
354 mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’ il n’avait pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre
355 la vitalité inégalée de notre culture européenne, il est dans cette interaction perpétuelle des grands courants continenta
356 veau, et à disparaître pratiquement, un peu comme il est arrivé de nos frontières cantonales, et je ne crois pas que nous
357 itoyens des grands pays qui nous entourent ; mais ils y viennent — par leur jeunesse surtout. Pour nous autres Suisses, il
358 leur jeunesse surtout. Pour nous autres Suisses, il devrait s’agir d’évidences et presque de banalités. Toutefois, nous d
359 e, car ou bien on a une vraie amicale, mais alors il n’y a pas de misanthropes, ou bien on a de vrais misanthropes, mais a
360 s, ou bien on a de vrais misanthropes, mais alors il n’y a pas d’amicale. L’Europe que nous voulons sera fédérale — ou alo
361 ’Europe que nous voulons sera fédérale — ou alors elle ne se fera pas sérieusement. Voilà, je pense, la perspective qui s’ou
362 ilà, je pense, la perspective qui s’ouvre à nous. Elle n’a rien pour nous effrayer, puisque nous sommes le seul pays europée
363 est, si possible, encore plus vrai aujourd’hui et il nous dicte une ligne de conduite et d’action. Je sais bien que les Su
364 . Je sais bien que les Suisses sont timides et qu’ ils en font même une vertu, sous le nom de modestie. Qu’ils fassent donc
365 font même une vertu, sous le nom de modestie. Qu’ ils fassent donc un effort, un courageux effort contre leur modestie ! He
366 é illimitée, illusoire d’ailleurs, à cela près qu’ elle bloque tout ! L’école, aux trois degrés, nous fait croire que l’État-
367 État-nation est le dernier mot de l’évolution, qu’ il correspond à une langue et à une culture particulière, qu’il forme un
368 nd à une langue et à une culture particulière, qu’ il forme une unité économique et qu’il se définit par des “frontières na
369 ticulière, qu’il forme une unité économique et qu’ il se définit par des “frontières naturelles” : tout cela est faux, comm
17 1971, Articles divers (1970-1973). L’héritage culturel de l’Europe (1971)
370 t Tout héritage du passé est porteur d’avenir. Il est cette part du passé qui à la fois m’ouvre un certain avenir et pa
371 ai vraiment qu’en découvrant à l’expérience ce qu’ il me dicte ou m’interdit, mais aussi ce qu’il m’incite ou m’autorise à
372 ce qu’il me dicte ou m’interdit, mais aussi ce qu’ il m’incite ou m’autorise à modifier d’une manière inédite — qui sera mo
373 Européen, de l’expression héritage culturel. 1. Il représente d’abord la somme de tous les « produits » de la culture au
374 le, et enfin ou d’abord les langues et tout ce qu’ elles conditionnent — modes de sentir, de juger, de penser —, à quoi s’ajou
375 ais accompli, nul n’en peut prendre les mesures : il s’agrandit sans fin au regard du chercheur, comme si ce regard même c
376 nces spécifiques proposées aux Européens, et dont ils peuvent tirer de libres créations ou ne rien faire, mais pose aussi d
377 aussi des limitations précises à leur action, qu’ ils ne peuvent éluder, surtout s’ils les ignorent. 3. L’héritage culturel
378 leur action, qu’ils ne peuvent éluder, surtout s’ ils les ignorent. 3. L’héritage culturel enfin reste une somme de virtual
379 pouvons en général actualiser qu’une part infime. Il n’est pour nous, au sens concret, que ce que nous sommes capables d’e
380 mis en face de l’héritage total, nous sentons qu’ il comporte une part d’hérédité inéluctable, mais que, dans la part libr
381 est ce que l’homme ajoute à la nature, on voit qu’ elle représente en fait tout ce que nous sommes capables de penser et pres
382 e assume toutes les antinomies. On dirait même qu’ elle les nourrit et les accuse. C’est qu’elle y a vu, ou pressenti, le sec
383 même qu’elle les nourrit et les accuse. C’est qu’ elle y a vu, ou pressenti, le secret de son dynamisme. Aux trois sources d
384 nt on ne dira jamais assez combien les valeurs qu’ elles transportent sont étrangères les unes aux autres — si deux se découvr
385 ritée, ce sera pour mieux exclure la troisième —, il faut que nous prenions l’habitude de combiner en contrepoint la sourc
386 ois premières, ou l’une au moins, ou deux d’entre elles . L’apport celtique — sens de la Quête, sens de l’échec transfigurant,
387 arabe : voilà la poésie et le roman de l’Europe. Ils auront contre eux, dès le départ, contre leur conception du monde, l’
388 . G. Jung, Picasso peuvent très bien se détester, ils sont dans le droit fil de l’héritage européen ; Hitler et Staline en
389 damentale, répétons-le — n’est pas exceptionnel : il est irrécusable. J’entends qu’il est universel. Pas un seul d’entre n
390 s exceptionnel : il est irrécusable. J’entends qu’ il est universel. Pas un seul d’entre nous n’y échappe. Que nous soyons
391 ux ou juridiques, parle au nom de tout cela, dont il ignore presque toujours les origines, mais qui le meut. Enfermés dans
392 sommes si fiers de nos langues, nous affirmons qu’ il faut les garder « pures », et nous allons jusqu’à prétendre que leur
393 , comme l’a fait voir T. S. Eliot. L’anglais, dit- il , « offre le plus de richesses à qui veut écrire de la poésie ». Et il
394 de richesses à qui veut écrire de la poésie ». Et il en voit la raison, précisément, dans la variété des sources européenn
395 ançaises et latines, l’élément celtique enfin. Et il ajoute : « Quand les nations de l’Europe sont coupées les unes des au
396 pays. » Voilà pour les bienfaits du chauvinisme : il ne cesse de trahir ce qu’il prétend sauver. Quant à la diversité des
397 aits du chauvinisme : il ne cesse de trahir ce qu’ il prétend sauver. Quant à la diversité des langues, si on la respecte,
398 nt à la diversité des langues, si on la respecte, elle n’empêche pas l’union, bien au contraire, elle ne condamne que l’unif
399 e, elle n’empêche pas l’union, bien au contraire, elle ne condamne que l’unification forcée. Entre le breton, l’alsacien, le
400 France le français comme seule langue officielle. Elles n’ont pas empêché non plus les dragonnades linguistiques perpétrées p
401 perpétrées par l’école primaire depuis un siècle. Elles n’ont pas empêché le pire, qui est l’unification forcée. Mais grâce à
402 forcée. Mais grâce à la renaissance des régions, elles peuvent encore permettre le meilleur, l’union librement décidée des v
403 artie intégrante de l’héritage commun. Ceci noté, il n’en est que plus frappant de constater qu’un même mot originel, grec
404 retrouve dans tous nos États et montre bien ce qu’ il faut penser de leur soi-disant « originalité culturelle ». Ainsi le m
405 structure. Moins une culture est homogène, mieux elle incite à cette autonomie, à cette autostructuration de la personne, d
406 che, tout héritier est hérétique, du seul fait qu’ il ne peut embrasser la totalité de l’héritage. Ses données génétiques l
407 par tout Européen moyen, dans la mesure exacte où il reste tributaire de son programme génétique. 1. Le nationalisme ou pa
408 passifs, la partisanerie cloisonne et appauvrit. Elle existe partout en Europe, des Bleus et des Verts de Byzance aux « spo
409 eté animique si on le compare à l’Africain noir). Il en résulte une étonnante absence de grandes qualités sociales et pers
410 l’amour, l’humeur, et dont on sait maintenant qu’ elles ont leur siège dans les masses profondes du cerveau (thalamus, hypoth
411 ts que les Asiates ou les Noirs, loin de là. Mais ils ont causé, en fait, les grands massacres de l’Histoire : 1914-1918 au
412 bdique sa liberté devant « ceux qui savent » mais il croit mieux les savants d’aujourd’hui que les curés d’hier, ou les ma
413 rés d’hier, ou les marxistes de tout à l’heure, s’ il ne les comprend pas davantage. Le scientifique gouverne ; c’est lui q
414 e militaire ne peuvent que subir sans comprendre. Il en résulte une inégalité fondamentale entre l’élite scientifique et l
415 tion prépare des clivages sociaux sans précédent. Elle annonce un nouvel esclavage par manipulation des gènes de pharmacolog
416 des gènes de pharmacologie au service du Pouvoir. Elle annonce des révoltes sauvages, dont la sécession des hippies (ou drop
417 ens de l’Histoire », fiction commode. Ce faisant, il se coupe de la mémoire humaine, de l’approche familière des symboles,
418 l’Histoire autant que de la nature, a tout ce qu’ il faut pour devenir aliéné. Quant aux éléments libérateurs de l’hérita
419 ents libérateurs de l’héritage culturel européen, ils sont trop connus et trop souvent exaltés pour qu’il me soit besoin de
420 sont trop connus et trop souvent exaltés pour qu’ il me soit besoin de les analyser. Il s’agit de : —l’esprit critique ou
421 xaltés pour qu’il me soit besoin de les analyser. Il s’agit de : —l’esprit critique ou remise en question perpétuelle de t
422 part la plus menacée de notre héritage, celle qu’ il nous est possible de dilapider. Car ces vertus ne contraignent pas l’
423 individu comme le fait un programme génétique, si elles sont ce qui permet seul de le dépasser. Tout cela n’existe guère comm
18 1971, Articles divers (1970-1973). 6 et 7 février, vote sur le suffrage féminin : supprimer un anachronisme et une injustice (4 février 1971)
424 ours qui consistait dans l’adoration de la femme. Elle était considérée par le poète-troubadour comme le seigneur à qui l’on
425 t nouvelle — s’agenouillait devant la femme à qui il donnait ses vœux, comme le chevalier devant son seigneur. Il s’est pr
426 ses vœux, comme le chevalier devant son seigneur. Il s’est produit à ce moment-là une extraordinaire évolution dans les mœ
427 mme dans les pays d’Europe. Mais la femme n’avait- elle pas plutôt un rôle d’inspiratrice, un rôle passif en quelque sorte ?
428 un rôle passif en quelque sorte ? Justement pas. Elle devenait la maîtresse, le seigneur. Ce qui s’est passé au xiie siècl
429 igures agissantes du siècle. Les hommes, autour d’ elle , ont l’air de rien du tout. Après cela, il est inutile de dire que le
430 ur d’elle, ont l’air de rien du tout. Après cela, il est inutile de dire que le rôle de la femme a été considérable dans t
431 emagne. Mythes germaniques Votre analyse est- elle valable également pour la Suisse ? En Suisse, nous sommes un peu trib
432 a main — avec un parapluie dans l’autre, parce qu’ il pleut toujours ! Il y a donc, chez les Suisses allemands notamment, e
433 t aux femmes dans leur activité. En quoi seraient- ils supérieurs ? Ce mythe germanique serait donc à la base du refus des S
434 comptait, alors que, dans notre société actuelle, il est impossible qu’on vous démontre en quoi la force physique privilég
435 un. Égalité, donc service militaire ! Y a-t- il des raisons historiques propres à la Suisse qui expliquent cette inég
436 omme libre dont la liberté est démontrée parce qu’ il a son épée à la main. Comme les nobles au Moyen Âge, les hommes libre
437 s hommes libres en Suisse, c’était la même chose, ils étaient exactement sur le même plan. La noblesse et les hommes libres
438 qui vous disent : c’est très bien les femmes, qu’ elles aient le droit de vote, mais alors qu’elles fassent aussi du service
439 s, qu’elles aient le droit de vote, mais alors qu’ elles fassent aussi du service militaire. Vous avez tout de suite cette lia
440 ion pour l’uniforme, plus que les hommes souvent. Il n’en reste pas moins, que bien ou mal, c’est par les femmes que se fa
441 e femmes pour un homme. Chez nous, considérons qu’ il n’y a aucune espèce de différence au point de vue public entre hommes
442 entre hommes et femmes. Je ne dis pas du tout qu’ il n’y a pas de différence entre masculin et féminin. Je dis que sur le
443 éminin. Je dis que sur le plan de la vie publique il n’y en a pas. Je n’en vois pas. Les seules que nous croyons voir, que
444 influe nos décisions à notre insu. Autrement dit, il faudrait une bonne petite psychanalyse de la santé des Suisses… z.
445 tature” masculine, les citoyens suisses donneront- ils aux femmes ce qu’ils considèrent eux-mêmes comme un droit inaliénable
446 s citoyens suisses donneront-ils aux femmes ce qu’ ils considèrent eux-mêmes comme un droit inaliénable ? Il serait heureux
447 onsidèrent eux-mêmes comme un droit inaliénable ? Il serait heureux que la réponse à cette question soit un “oui franc et
448 ailleurs, où la femme a acquis l’égalité civique, elle le doit à une sorte de coup d’État venu d’en haut : par simple décisi
19 1971, Articles divers (1970-1973). Arnaud Dandieu, la révolution et les régions (mars 1971)
449 u, qui, sur ce point, a été vraiment un prophète, il faut garder les yeux fixés à la fois bien en deçà et bien au-delà de
450 la personne. De la conclusion d’une conférence qu’ il donnait en 1931 sur l’idée de nation, je recopie ces lignes4 : Plaço
451 aire, précisément parce qu’étant de sens opposés, ils se complètent l’un par l’autre. Nous les séparons pour la commodité d
452 sé : mais dans le cœur du peuple révolutionnaire, ils sont unis d’un lien indissoluble. Cette liaison de l’universel et du
453 ution — Dandieu la démontrait par trois exemples. Il soulignait « l’insistance des Cahiers de doléances (de 1789) à réclam
454 mer le rétablissement des États provinciaux », et il rappelait que si la République une et indivisible s’est opposée au fé
455 aractère universel », et l’a condamnée à l’échec. Il citait comme un exemple plus frappant encore de « l’équilibre nécessa
456 de la tradition régionaliste française dans ce qu’ elle a de plus authentique. Là pouvait être le remède « au mal centralisat
457 du nationalisme dans l’élan révolutionnaire ». Et il concluait : Fidèles à la véritable tradition française, nous nous ap
458 avant l’économique, même socialisé, faute de quoi elle accepte le mythe de la production et retourne au capitalisme privé ou
459 ersonnalité humaine. L’homme est une personne, ou il n’est rien du tout ; ni race, ni régime ne sauraient changer cette vé
460 ace, ni régime ne sauraient changer cette vérité. Il a fallu un effort gigantesque pour tromper la révolution au profit de
461 , qui a détourné la révolution de son but : c’est elle qui doit le lui rendre. Moyennant une ou deux mises au point de la t
462 manquer de frapper par leur actualité permanente. Ils anticipent toute la problématique présente de la région, très particu
463 te de la région, très particulièrement en France. Ils soulignent d’abord la co-action et l’unité de structure dynamique des
464 Dandieu aura tenu une place proprement décisive : il a posé les équations de base, formulé les concepts opératoires. Et po
465 idualisme agressif » dans la première citation) : il s’agit en réalité de ce que nous conviendrons un peu plus tard, tant
466 quée chez Dandieu par le prédicat « agressif » qu’ il accole à « individu » — s’oppose à la donnée inerte, résultat d’une d
20 1971, Articles divers (1970-1973). Les régions et la civilisation (mars 1971)
467 responsables de la vie politique de nos pays, qu’ il s’agisse de régions économiques, ethniques, écologiques ou simplement
468 ns la vie politique française, notamment. Quoi qu’ il en soit, et hors de toute politique au sens étroit du terme, il est u
469 hors de toute politique au sens étroit du terme, il est un fait que je crois indispensable de mettre en relief ; c’est qu
470 êtes des chaînes montagneuses. Quant aux nations, elles sont le produit des viols répétés de la géographie par l’histoire. To
471 ment, par ce qui était censé diviser les nations, elles prennent pour axe ce qui les scindait ou bornait : un fleuve (la régi
472 dans l’ensemble socioculturel de l’Europe tel qu’ il s’est composé pendant trois millénaires. Instruction civique La
473 borner à décrire les institutions de la Capitale, elle fera voir les problèmes concrets de la vie publique et les moyens d’y
474 ne puis d’Oxford et aux structuralistes de Paris. Il n’y a pas de rayonnement continental ou planétaire sans foyers locaux
475 plinaire, selon le terme proposé par Jean Piaget. Elle requiert des données médicales et sociologiques, économiques et histo
476 urs résultantes et de leur possible optimisation. Elle ne connaît en fait ni frontières nationales, ni circonscriptions élec
477 mais des continents et des régions. Et cependant, elle doit tenir compte des obstacles que les États-nations mettent à toute
478 -à-dire transnationale, et du degré de liberté qu’ ils laissent aux industriels anarchistes, ceux qui exploitent et détruise
21 1971, Articles divers (1970-1973). L’Amour et l’Europe : L’Express va plus loin… avec D. de Rougemont (12 avril 1971)
479 l’un des pionniers des États-Unis d’Europe. Y a-t- il un point commun entre ces deux activités ? En somme, vous me demandez
480 me. C’est votre équation de base ? Oui. Disons qu’ il s’agit d’une intuition fondamentale qu’il est très difficile d’exprim
481 sons qu’il s’agit d’une intuition fondamentale qu’ il est très difficile d’exprimer, et c’est pourquoi j’écris tant de livr
482 de l’amour, du mariage et de leur drame vous a-t- il passionné depuis trente ans ? Cherchez bien et je suis sûr que vous t
483 Et nous en tirons cette conséquence illogique qu’ il faut se marier. Eh bien, non, on ne reste pas amoureux tout le temps 
484 le mariage ? Non. Je dis autre chose : je dis qu’ il est l’ennemi du mariage. Ce n’est pas par hasard que le jugement de l
485 iage et du couple. C’est un mythe un peu dépassé… Il est absolument fondamental dans la vie de tous les Européens, même s’
486 amental dans la vie de tous les Européens, même s’ ils n’ont jamais lu une ligne de l’histoire de Tristan. La passion amoure
487 iste, brahmanique n’a jamais connu notre amour et elle le considère avec un étonnement mêlé d’ironie et de crainte. Marshall
488 à Toronto, en 1969. Je sais par ses étudiants qu’ il parle souvent de mes thèses dans ses cours. Quand l’historien Charles
489 xiie siècle ! Ainsi parle le gros bon sens, mais il est réfuté par les faits. Car c’est un fait que le mot amour, qui dés
490 evenant Mme Tristan ! Mais Tristan et Iseut n’ont- ils pas été merveilleusement heureux ? Ils ont été merveilleusement malhe
491 seut n’ont-ils pas été merveilleusement heureux ? Ils ont été merveilleusement malheureux ! Comprenez-moi bien : je n’ai au
492 concevons a inspiré tous les arts en Europe, mais il ne vaut rien pour cette œuvre d’art qu’est le couple. C’est une thèse
493 e l’amour est essentiellement lié à l’expression. Il écrit : « Combien d’hommes seraient amoureux s’ils n’avaient jamais e
494 Il écrit : « Combien d’hommes seraient amoureux s’ ils n’avaient jamais entendu parler d’amour ? » Il n’y a pas d’amour inex
495 s’ils n’avaient jamais entendu parler d’amour ? » Il n’y a pas d’amour inexprimé. Il y a des désirs, des instincts, faire
496 sion. L’amour-passion, c’est autre chose. Tant qu’ il n’est pas « déclaré », c’est comme s’il n’existait pas. Grâce à la li
497 . Tant qu’il n’est pas « déclaré », c’est comme s’ il n’existait pas. Grâce à la littérature, la passion obsède nos rêves.
498 fique de la culture européenne. Et que se passe-t- il dans les autres civilisations ? Je n’ai rien trouvé de tel en Orient,
499 ons de l’Asie excluent une telle croyance, puisqu’ elles tendent, au contraire, au dépassement et à la dissolution du moi. En
500 ses puissances qu’à la mesure des résistances qu’ elle rencontre. On ne retrouve en Orient que la technique érotique des épr
501 rmir quarante jours au pied du lit de la femme qu’ il aime, quarante jours, dans son lit, sur le côté gauche, quarante jour
502 rante jours sur le côté droit, quarante jours sur elle , sans la toucher. Ce n’est qu’après cette épreuve que peut s’opérer l
503 pe une problématique à peu près unique au monde : ils ne peuvent pas devenir des problèmes là où tout est réglé, programmé.
504 é. La crise du mariage est typique de l’Occident. Elle n’existe pas ailleurs. Mais c’est le prix de notre liberté. Mais vous
505 je suis évidemment pour l’amour-passion, bien qu’ il ne soit pas viable. Trop rares sont les « beaux moments d’équilibre d
506 ent ensemble, en devenant l’une par l’autre ce qu’ elles sont. Ce que je veux défendre, c’est donc, en fin de compte, un certa
507 jourd’hui, mon livre est au programme de licence… Il a influencé beaucoup d’auteurs anglo-saxons, poètes, comme W. H. Aude
508 vous, quel est l’avenir de l’amour ? D’une part, il me semble que les jeunes gens d’aujourd’hui tiennent un peu mieux com
509 du xixe siècle. Et le mariage à l’essai, même s’ il ne garantit pas de l’erreur, augmente les chances de l’éviter. Mais,
510 s. Car s’il y a aujourd’hui une crise du mariage, il y en a une aussi de l’amour-passion. Parce que l’amour-passion, lui n
511 ent possible des relations amoureuses. Ne reste-t- il pas l’érotisme ? Même pas. C’est une évidence. L’érotisme est l’usage
512 ste de la littérature occidentale ? Le Dr Tissot. Il a commis un livre à la fin du xviiie siècle dont la thèse était que
513 était, hélas ! suisse, a connu un succès mondial. Il a sans doute créé le maximum de névroses qu’un homme ait jamais pu dé
514 la planète. Pendant une douzaine de générations, il a empoisonné les jeunes gens, heurtés par le spectre de l’« impureté 
515  Très bien, mes enfants, pas d’excès, mais enfin, il faut bien apprendre les choses… », etc. Si lutter contre le Dr Tissot
516 mme, vous trouvez qu’on s’agite beaucoup, mais qu’ il n’y a guère de révolution ? Il est clair que les tabous de la morale
517 beaucoup, mais qu’il n’y a guère de révolution ? Il est clair que les tabous de la morale bourgeoise ne tiennent plus. Es
518 le du couple plus solide ? Voyez les romanciers : ils cherchent partout l’obstacle qui permet la passion, cette forme d’amo
519 nécessaire à l’amour-passion, l’amour-action peut- il s’en passer ? Si la passion a besoin d’obstacles pour vivre, elle en
520  ? Si la passion a besoin d’obstacles pour vivre, elle en trouvera toujours, même dans l’amour-action, parce que jamais cet
521 et effort d’imaginer, de créer l’autre dans ce qu’ il a de meilleur et de plus personnel n’aboutira complètement. Il y aura
522 découvre Iseut, qu’Iseut découvre Tristan, et qu’ ils sachent leurs noms. Je voudrais qu’ils cessent de dire comme dans l’o
523 tan, et qu’ils sachent leurs noms. Je voudrais qu’ ils cessent de dire comme dans l’opéra de Wagner : « Non, plus d’Isolde,
524 pour aimer. Tristan n’aime pas réellement Isolde. Il ne la voit pas. Il projette. Ce qu’il aime, c’est l’amour, être en ét
525 n’aime pas réellement Isolde. Il ne la voit pas. Il projette. Ce qu’il aime, c’est l’amour, être en état d’amour. Toutes
526 ent Isolde. Il ne la voit pas. Il projette. Ce qu’ il aime, c’est l’amour, être en état d’amour. Toutes les femmes qu’on ai
527 oint la passion est l’ennemie intime du mariage ; elle empêche de voir l’autre avec qui l’on vit. Elle veut la fusion, l’abs
528 ; elle empêche de voir l’autre avec qui l’on vit. Elle veut la fusion, l’absorption, l’esclavage, non l’union de deux libert
529 contestation, surtout dans les pays de l’Est, où elle est encore clandestine, mais d’autant plus sincère, a fait revivre le
530 tre question trente ans après, sans être bloquée, elle , par la guerre des empires totalitaires qui fermait notre horizon, et
531 York. Quand j’ai rencontré Einstein, à Princeton, il m’a dit : « Vous n’avez pas idée de la transformation intellectuelle
532 n Amérique, on l’accusait de communisme, parce qu’ il pensait qu’il fallait tendre la main aux Russes et les faire entrer à
533 l’accusait de communisme, parce qu’il pensait qu’ il fallait tendre la main aux Russes et les faire entrer à l’ONU. Et pui
534 n aux Russes et les faire entrer à l’ONU. Et puis il portait les cheveux longs ! Nous avons parlé de l’union de l’Europe.
535 longs ! Nous avons parlé de l’union de l’Europe. Il m’a dit : « Vous êtes bien optimiste. Cela prendra un temps fou. En t
536 e fera pas avec un nationaliste comme Churchill : il est dangereux. » Une Europe d’États-nations visant à la puissance, di
537 ope d’États-nations visant à la puissance, disait- il , n’aurait fait qu’un troisième larron armé jusqu’aux dents. Eh bien,
538 mpuissance tragique de ce victorieux : tout ce qu’ il veut saisir se change à son approche en fer tordu, en pierraille lépr
539 a présidé le plus grand nombre de comités ! Mais il faut savoir perdre neuf dixièmes de son temps pour que le dernier dix
540 Suisses, ou Danois, ou Belges, donc trop petits. Il nous manque la conscience de former un ensemble. C’est surtout que 12
541 ace ni grande ni petite à l’Europe : je dis ce qu’ elle est parmi les vingt-deux ou vingt-trois civilisations qu’énumère Toyn
542 moralement supérieure aux autres civilisations ; elle a déclenché des guerres mondiales, inventé le nationalisme, institué
543 e, raté ses révolutions. Cela ne veut pas dire qu’ il n’y a pas eu Hitler, Staline, Guernica… L’Europe est une unité comple
544 scussion, et, finalement, la révolution, qui est, elle aussi, une invention européenne. Ailleurs, il n’y a jamais eu, avant
545 , elle aussi, une invention européenne. Ailleurs, il n’y a jamais eu, avant le contact avec notre culture et nos doctrines
546 u’une idée, c’est d’imiter la Chine maoïste, qui, elle , voudrait être aussi communiste que la Russie soviétique, dont le slo
547 ves dans ce périple ? Le marxisme ? Allons donc ! Il est le produit spécifique des contradictions de l’Europe au xixe siè
548 nous butons depuis vingt ans. Vous avez écrit : «  Il faut transformer les frontières en écumoires en attendant qu’elles di
549 ormer les frontières en écumoires en attendant qu’ elles disparaissent complètement. » Oui, l’ennemi, c’est l’État-nation, hér
550 n commun la religion de l’État-nation centralisé. Il n’y a que des différences de degré. Après la guerre, toutes les ancie
551 ue ? C’est probablement une fonction à supprimer. Il faut des économistes, des écologistes, des éducateurs, des scientifiq
552 des administrateurs. À quoi sert le politicien s’ il ne sait rien de tout cela ? N’importe quel ordinateur ferait mieux, e
553 catholique : le pape Alexandre VI. La Suisse est- elle pour vous un modèle politique idéal ? Vous savez, la vie politique en
554 sse est très loin de la vie politique en France : elle est parfaitement ennuyeuse. Et c’est très bien comme ça. C’est une ad
555  ! » Tandis que l’État-nation ? Le côté sacral qu’ il s’est attribué est incroyable. Il a le droit de condamner à mort ses
556 côté sacral qu’il s’est attribué est incroyable. Il a le droit de condamner à mort ses hérétiques et incroyants, droit qu
557 fait un livre sur l’Europe régionaliste… Eh bien, il a dû se réfugier en Irlande ! Pour vous, au contraire, le fédéralisme
558 L’État-nation prétend faire coïncider dans ce qu’ il nomme ses « frontières naturelles » des réalités absolument hétérogèn
559 es, on ne fera pas l’Europe sans casser des œufs. Il nous faut entreprendre délibérément cette révolution qui n’est pas vi
560 ons. Les régions se constitueront en nouant entre elles , par-dessus les frontières politiques, des relations économiques et c
561 elles qui formeront peu à peu un tissu européen : il faut faire de l’Europe avant de faire l’Europe. Ce tissu se révélera
562 ant les bœufs ? Un Jean Monnet ne vous traiterait- il pas d’utopiste ? Jean Monnet a très bien fait ce qu’il a fait avec l’
563 s d’utopiste ? Jean Monnet a très bien fait ce qu’ il a fait avec l’appui de Robert Schuman, et qui a abouti à la création
564 r cette phrase un peu cynique de Louis Armand : «  Il meurt tous les jours plus d’anti-Européens qu’il n’en naît. » Je suis
565  Il meurt tous les jours plus d’anti-Européens qu’ il n’en naît. » Je suis certain que nous irons vers des solutions fédéra
566 s solutions fédéralistes, régionalistes, parce qu’ il n’y en a pas d’autres. Mais il reste toujours la part du diable. Qui
567 nalistes, parce qu’il n’y en a pas d’autres. Mais il reste toujours la part du diable. Qui est-ce, le diable ? Le diable,
568 ez l’Enfer, croyez-vous à la révolution ? Oui, si elle apporte la liberté, si elle consiste à renverser, à retourner les ins
569 révolution ? Oui, si elle apporte la liberté, si elle consiste à renverser, à retourner les institutions de la tyrannie. Ma
570 is une société ne se retourne pas comme un homme. Il ne suffit pas de toucher deux ou trois-centres nerveux pour que tout
571 ois-centres nerveux pour que tout marche. Ou bien il faut y mettre la police, l’armée, la violence et la terreur pour alig
572 l’ai dit, nous irons vers l’ennui collectif. Mais il me semble improbable que cet ennui ne recrée pas en profondeur la soi
573 e quelque chose qui soit au-delà de l’ordre et qu’ il ne provoque pas une rébellion de l’esprit, une sédition de l’inconsci
574 s, jouit d’une notoriété internationale. Parce qu’ il a publié, avant la guerre, L’Amour et l’Occident , ouvrage fondament
575 e plus fondamental des sujets : l’amour. Parce qu’ il est l’un de ceux qui ont créé, en 1932, avec Emmanuel Mounier ( Espri
576 ( Esprit ), le mouvement personnaliste. Parce qu’ il est, depuis vingt ans, le pionnier d’une Europe fédérée. Son dernier
577 r le prix Robert Schuman. L’amour et l’Europe ont- ils de l’avenir ? Et lequel ? Denis de Rougemont va “plus loin” avec, pou
22 1971, Articles divers (1970-1973). [Entretien] Le diable existe, vous pouvez le rencontrer (17 mai 1971)
578 Occident est aussi celui de La Part du diable . Il en parlera d’ailleurs, et de l’Europe — sa grande idée — dans l’émiss
579 ndignation qui le porte à épouser une cause. Donc il croit savoir ce qu’est le mal et par conséquent le bien. Qu’on ne rac
580 simplement que le diable existe, quand on nie qu’ il existe, c’est alors qu’on commence à être manipulé par lui. Pouvez-vo
581 ciser ce qu’est pour vous le diable ? C’est quand il n’y a personne. Qui peut-on convaincre avec une telle définition ? Le
582 remier tour du diable est de nous faire croire qu’ il n’existe pas ». Le diable, c’est celui qui nous dit, comme dans L’Ody
583 e que fait Satan ? Singeant Dieu, mais à rebours, il nous dit : « Je suis celui qui n’est pas ! ». Il est la force déperso
584 il nous dit : « Je suis celui qui n’est pas ! ». Il est la force dépersonnalisante de l’univers. Il nous fait croire qu’i
585 . Il est la force dépersonnalisante de l’univers. Il nous fait croire qu’il n’y a personne, et pourquoi ? Parce que alors
586 sonnalisante de l’univers. Il nous fait croire qu’ il n’y a personne, et pourquoi ? Parce que alors il n’y a plus de respon
587 ’il n’y a personne, et pourquoi ? Parce que alors il n’y a plus de responsabilité, donc plus de culpabilité. C’est l’unifo
588 nsiste à assumer sa vocation personnelle, quoi qu’ il arrive, et à tous risques. Car lorsque l’homme ne sert plus à rien, n
589 i ont refusé d’être eux-mêmes ; à tous risques. S’ ils sont rejetés au bout du compte, ce n’est pas par un tribunal, mais pa
590 endant la dernière guerre, à nous faire croire qu’ il était seulement Adolf Hitler, par exemple. Déguisement grossier, mais
591 ais aussi une paille ; si Hitler était le diable, il eût suffi de le tuer, et le mal eût disparu. Mais le diable est bien
592 ns les choses les plus visiblement scandaleuses : ils ont tort. Le diable, selon vous, fait tout ce qu’il faut pour qu’on n
593 ont tort. Le diable, selon vous, fait tout ce qu’ il faut pour qu’on ne le détecte pas ? Je disais que Satan nous fait cro
594 sais que Satan nous fait croire, premièrement, qu’ il n’existe pas, deuxièmement, qu’il est seulement Hitler et personne d’
595 remièrement, qu’il n’existe pas, deuxièmement, qu’ il est seulement Hitler et personne d’autre, et ainsi de suite. Or le ma
596 nd Dieu lui dit : « Qu’est-ce que tu as fait ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est elle qui a tout fait, c’est elle
597 fait ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est elle qui a tout fait, c’est elle qui m’a tendu la pomme ; moi, je n’ai rie
598 n’y étais pas, c’est elle qui a tout fait, c’est elle qui m’a tendu la pomme ; moi, je n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui
599 j’ai voulu aller dans un restaurant du quartier. Il était tard, les patrons étaient seuls, et l’on s’est écrié en me voya
600 s le diable ici pour faire l’œuvre du diable ! ». Il portait les cheveux longs, il était barbu. Les filles étaient droguée
601 uvre du diable ! ». Il portait les cheveux longs, il était barbu. Les filles étaient droguées, et ils ont tué délibérément
602 , il était barbu. Les filles étaient droguées, et ils ont tué délibérément une femme enceinte et quatre ou cinq autres pers
603 quatre ou cinq autres personnes sans défense. Et ils ont fait cela sans raison. D’un autre côté, à Song My, on a massacré
604 américaine. Eux aussi étaient drogués, dit-on, et ils ont exécuté leur crime avec bonne conscience. Qu’est-ce qui est pire 
605 e, l’obéissance, la discipline. Et, du même coup, ils vident toutes ces notions de crédibilité et de respectabilité, ce qui
606 ous êtes sûr de ne pas le rater. C’est en vous qu’ il existe : personne d’autre ne peut vous “dépersonnaliser” que vous-mêm
607 n] Le diable existe, vous pouvez le rencontrer », Elle , Paris, 17 mai 1971, p. 35, 37 et 39.
23 1971, Articles divers (1970-1973). Fédération ou confédération ? (juillet-août 1971)
608 différaient que d’une syllabe insignifiante et qu’ il n’y avait pas lieu d’en disputer. Il est bien vrai qu’aucune raison l
609 fiante et qu’il n’y avait pas lieu d’en disputer. Il est bien vrai qu’aucune raison logique ou sémantique ne saurait justi
610 eul État à l’égard des puissances étrangères » et il donne comme exemples « la Confédération suisse, la Confédération des
611 ration suisse, la Confédération des États-Unis ». Il définit ensuite l’adjectif fédéral comme ce « qui a rapport à une con
612 ux quantités égales à une troisième le sont entre elles . Mais la définition de fédération, qui suit, comme « union politique
613 union politique d’États », est défectueuse puisqu’ elle ne mentionne que l’union et ne dit rien de l’autonomie. Or, une union
614 n tenir là, et déclarer le problème inexistant, s’ il n’y avait dans le même Littré ces deux précisions mémorables ajoutées
615 ème. Telle étant la situation de fait, en France, il fallait bien lui donner un statut de droit. C’est à quoi Louis Le Fur
616 ouvoir central, mais dans les États confédérés. » Il apparaît alors que confédération, loin de renforcer le sens de fédéra
617 nce et la lenteur aux « Européens trop pressés ». Il aurait fallu, nous dit-on, six-cents ans pour mûrir la fédération sui
618 urope en dix ans ? La vérité historique, c’est qu’ il a fallu cinq à six siècles pour ne pas fédérer les communes, cités, p
619 ce confédérale, après une dernière guerre civile, il n’a fallu que neuf mois, à un jour près, pour concevoir, élaborer et
620 aciliter l’union de l’Europe d’aujourd’hui, comme elle a rendu possible la fédération si rapide des cantons suisses. La voic
621 a que c’est un tour de passe-passe. Je réponds qu’ il a bien réussi. Et j’observe qu’un pouvoir fédéral européen, constitué
622 qui s’y résignent simplement par une nécessité qu’ ils espèrent temporaire, je pense que les fédéralistes européens peuvent
623 fédéralistes européens peuvent accepter le mot s’ il facilite la chose, — quelles que soient, par ailleurs, les vraies dis
624 e juridiquement une association d’États, alors qu’ il s’agit aujourd’hui d’associer bien plutôt des groupements sociaux, éc
625 sation, si bien que, sauf pour sa neutralisation, il se comporte vis-à-vis de l’extérieur comme un État-nation de type xix
626 alisme intégral va bien au-delà de cette formule, il consiste à répartir les fonctions étatiques et les organes de décisio
627 ou fédération » sera définitivement transcendée ; elle reste liée par nature à l’existence des États-nations de formule napo
24 1971, Articles divers (1970-1973). Un marchand d’eau sucrée (19 décembre 1971)
628 el de l’escroquerie. » Quand on lui demande ce qu’ il pense du commandant Cousteau, fondateur d’un Institut d’études sous-m
629 Pauwels répond, dans de nombreuses interviews, qu’ il ne s’agit là que d’une opération publicitaire destinée à recueillir d
630 publicitaire On pourrait rétorquer que lorsqu’ il se fait le champion de la lutte contre ce qu’il appelle la sinistrose
631 u’il se fait le champion de la lutte contre ce qu’ il appelle la sinistrose, c’est-à-dire l’attirance morbide, qu’il attrib
632 sinistrose, c’est-à-dire l’attirance morbide, qu’ il attribue à la gauche, pour les désastres et les apocalypses provoqués
633 ocalypses provoqués par la technologie, et bien ! il ne s’agit que d’une opération publicitaire destinée à faire vendre la
634 wels qui vient leur dire, dans son titre même, qu’ ils ont bien raison de le faire ! Ah ! l’habile homme ! De la fenêtre du
635 e la fenêtre du vingtième étage d’un gratte-ciel, il tend son livre à ceux qui tombent du quarantième en leur criant : « J
636 Le Matin, Lausanne, 19 septembre 1971, p. V. ai. Il s’agit de Lettre ouverte aux gens heureux et qui ont bien raison de l
25 1972, Articles divers (1970-1973). Europe divisée ou Europe fédérée ? (1972)
637 nsemble où l’on est pris, et son propre destin en elle . D’où l’on voit que participer activement, c’est aussi se réaliser (m
638 c s’autodéterminer dans la mesure où l’on agit en elle . Ce sont les formes actives de la participation que nous aurons à con
639 ion que nous aurons à considérer, puisqu’en effet il s’agit ici de participation à des responsabilités. Or l’homme n’est r
640 : capable de répondre, de se porter garant) que s’ il est sujet libre de son action. Un homme qui n’est pas reconnu comme l
641 t aux trois adjectifs social, civique, politique, il n’est guère possible de les distinguer théoriquement, car ils définis
642 ère possible de les distinguer théoriquement, car ils définissent tous les trois la même nature d’activité de l’homme : son
643 rigine. Mais dans le vocabulaire de notre siècle, il apparaît que civisme est lié surtout à une participation active à la
644 e, pas plus que ne le sont la cité ou la Société. Elle est la stratégie (dont le civisme est la technique) qui permet à la S
645 de s’ordonner aux buts derniers de l’homme. Or s’ il est vrai que ces buts — universels et personnels — transcendent toute
646 tiers du xxe siècle, une importance décisive qu’ elle n’avait peut-être jamais pu revêtir dans toute l’histoire. C’est au x
647 t de choisir librement l’avenir de l’humanité. Et il y est contraint du seul fait que, pour la première fois, il en a la p
648 ontraint du seul fait que, pour la première fois, il en a la possibilité — la liberté. Depuis les origines, l’homme n’avai
649 vait pu que répondre aux durs défis de la nature. Il s’agissait pour lui de survivre, donc de continuer ce qui avait réuss
650 nouvelle du mouvement général des civilisations : il va « de l’agriculture au paradoxe » comme l’a si justement remarqué E
651 naturelles, désormais partiellement neutralisées. Elle se met à créer « librement », c’est-à-dire selon les lois et les buts
652 ent », c’est-à-dire selon les lois et les buts qu’ elle se donne : c’est l’industrie. Et alors pointent les questions paradox
653 ture, l’homme tente de se dépasser lui-même, mais il ignore vers quoi. Déjà, en Occident, il est au terme de l’ère qu’on a
654 ême, mais il ignore vers quoi. Déjà, en Occident, il est au terme de l’ère qu’on a nommée néolithique, celle qui a vu la f
655 électronique, dont on peut facilement imaginer qu’ elle sera l’ère des relations humaines de plus en plus indépendantes des c
656 antes et la marge étroite des « possibilités » qu’ elles ménageaient, mais aussi et surtout les buts ultimes que nous visons.
657 iente de ses propres effets sur les phénomènes qu’ elle suppute, tente de calculer et croit seulement décrire… Mais la questi
658 devins, car, attentifs à ne pas « prophétiser », ils cherchent à prévoir objectivement, donc passivement, ce qui se fera d
659 enir… sans eux ! J’entends sans nulle action dont ils se fassent les avocats, qu’ils se proposent d’entreprendre eux-mêmes
660 nulle action dont ils se fassent les avocats, qu’ ils se proposent d’entreprendre eux-mêmes ou de favoriser par leurs conse
661 iser par leurs conseils. Voilà l’avenir, semblent- ils dire, tel qu’il peut se faire sans les interventions (imprévisibles)
662 nseils. Voilà l’avenir, semblent-ils dire, tel qu’ il peut se faire sans les interventions (imprévisibles) de l’homme créat
663 tataire, irrationnel, et affamé d’incalculable qu’ il va nécessairement réaliser un jour ! Cette position du problème des é
664 j’éprouve le besoin d’analyser les difficultés qu’ elle implique, apories logiques ou antinomies réelles. 1. Antinomie entr
665 r atteindre ses fins, veut ouvrir (par la force s’ il le faut) certains chemins, et en fermer d’autres. Dans la devise « go
666 tinomie pratique entre les deux modes de prévoir. Il semble que Marx ait eu raison de considérer comme mutuellement exclus
667 a mesure où le savant se veut observateur passif, il est mauvais citoyen, et dans la mesure où en tant que citoyen il refu
668 citoyen, et dans la mesure où en tant que citoyen il refuse certains « faits », veut changer les données d’un phénomène, i
669 faits », veut changer les données d’un phénomène, il n’est plus « scientifique ». Objectivité et normativité, ces deux « v
670 antinomiques « sont complémentaires en ce sens qu’ il est nécessaire de faire intervenir ces deux aspects pour l’interpréta
671 uscules)8 ». 2. Rétroaction de la prévision Il paraît difficile de soutenir que « prévision rationnelle et méthodiqu
672 s modifier par anticipation le phénomène futur qu’ elle avait commencé par définir correctement à l’aide d’une projection mét
673 ercent d’ores et déjà des effets certains, même s’ ils sont malaisément mesurables, sur l’évolution prévue : ils contribuent
674 malaisément mesurables, sur l’évolution prévue : ils contribuent à la freiner. La vision angoissante projetée par les démo
675 utres termes, la vision deviendra fausse parce qu’ elle était juste au début ; ou, pour pousser à la limite : l’utilité (l’ef
676 quant à la participation civique et politique, s’ il est vrai que l’information, dont elle fait partie, est une des condit
677 politique, s’il est vrai que l’information, dont elle fait partie, est une des conditions sine qua non de cette participati
678 cette participation. 3. Rôle de la surprise Il semble que plusieurs « futurologues » de ce temps accordent une valeu
679 ienne : tout ce qui est réel est rationnel. Et qu’ ils dénomment, à cause de cela, « cauchemars », les virtualités irrationn
680 « cauchemars », les virtualités irrationnelles qu’ ils détectent en germe dans le présent puis projettent sur le grand écran
681 t puis projettent sur le grand écran de l’avenir. Ils ne nient pas la possibilité que certains cauchemars se réalisent dans
682 y a toujours des accidents. Mais le seul fait qu’ ils nomment cauchemars certains complexes de phénomènes et pas d’autres i
683 el, au calculable, et l’assimilant au « normal ». Il faut indiquer ici une cause d’erreur très générale chez les futurolog
684 Victor Hugo. Voilà qui est beaucoup plus sensé qu’ il n’y paraît à première vue. Car si je savais ce qui m’attend « là-bas 
685 même si c’est nous encore, — seront différents : ils la supporteront très bien, ou seront déjà blasés, occupés par des bes
686 , occupés par des besoins et des soucis nouveaux. Il faudrait donc prévoir non seulement cet avenir, mais plusieurs types
687 ieurs types d’évolutions psychologiques d’ici là. Il est certain que la prise de conscience progressive de la nature de ce
688 vers lui, va modifier l’action des hommes en qui elle s’opérera, autant qu’elle les modifiera eux-mêmes, opérants ; d’où mo
689 ction des hommes en qui elle s’opérera, autant qu’ elle les modifiera eux-mêmes, opérants ; d’où modification en retour de l’
690 ’avenir aujourd’hui comme nous le sentirons quand il sera présent ; — si l’évolution même de nos manières de pressentir l’
691 4. Spécificité du comportement civique Or, s’ il est vrai que cet égoïsme, cet incivisme (souvent déguisé en individua
692 t sur les invariants et conseille de s’y adapter. Elle cherche à diminuer, quitte à le minimiser parfois, le domaine des var
693 p vaste ne peut plus s’assembler pour discuter, s’ il est ensuite chassé de la rue par les autos et perd les occasions quot
694 perd les occasions quotidiennes de rencontres, s’ il se disperse dans les pavillons et les villas d’une banlieue dénuée de
695 les villas d’une banlieue dénuée de structures, s’ il n’y a plus qu’un vide au centre de la ville — bureaux déserts dès la
696 sitoires sont censés diriger et orienter, mais qu’ ils se bornent en fait à « couvrir » ou à révoquer après coup — alors il
697 it à « couvrir » ou à révoquer après coup — alors il n’y a plus de participation, ni de démocratie concevables ou réelles.
698 ue le niveau de décision est plus éloigné — ce qu’ il est au maximum dans les régimes stato-nationaux centralisés, dont le
699 sibilités de participation du citoyen : au mieux, il est appelé à voter tous les quatre ou sept ans pour un candidat à la
700 ni même des gouvernants qui décident finalement. Il faut donc prévoir, entre les sources et les débouchés, entre les banq
701 , ou par sa forme, ou par ses modes de diffusion, elle servira en fait à éduquer et stimuler le jugement libre ou, au contra
702 nner, voire à le programmer. Dans le premier cas, elle rendra le citoyen mieux capable de situer un problème dans l’ensemble
703 tuer un problème dans l’ensemble de la société où il vit, de sa culture, de ses valeurs communes ; ou simplement elle lui
704 culture, de ses valeurs communes ; ou simplement elle lui fournira les instructions nécessaires (au sens de mode d’emploi)
705 mploi) pour traiter un problème public sur lequel il est appelé à se prononcer. Dans le second cas, l’information, loin de
706 à la faculté de participation sont guérissables. Il suffit que l’homme « se reprenne », compare les promesses aux réalité
707 lare à ses risques et périls : « Le Roi est nu. » Il n’en va plus de même lorsque l’information s’adresse à l’inconscient
708 invariants et les variables principales repérés, il ne nous reste qu’à tenter quelques coups simples du jeu dont nous ven
709 venons de poser les règles. Étant bien entendu qu’ il ne s’agit encore que d’essais de vérifier quelques groupes de connexi
710 légistes de Philippe le Bel, vers 1300. Qu’en est- il alors de la fameuse prophétie de Proudhon : « Le xxe siècle ouvrira
711 ut-être une tâche impossible, au surplus vaine, s’ il est vain de s’interroger sur les remèdes aux maladies dont sera menac
712 ent information, ce qui revient à dire éducation. Il importe peu de savoir si l’agent dominant est alors l’État national,
713 ulaire n’arrive à ébranler le système. Cependant, elle ne saurait être qu’une image-limite, irréalisable à l’état pur, car n
714 effets : la maladie ne peut survivre au corps qu’ elle tue. Ainsi, l’État-nation, paralysant ou mécanisant la vie civique, e
715 er seul — le plus clair de son « indépendance » : il ne pourra longtemps survivre à cette dissolution de ses cadres rigide
716 ations centralisés de modèle jacobin-napoléonien, elle offre une double possibilité de participation, celle précisément que
717 e des régions réussit à s’autorégler (A), ou bien elle tente de rendre ses déséquilibres créateurs (B). A. Harmonie des fa
718 oit être en raison inverse de celui des citoyens, il s’ensuit qu’en général le gouvernement démocratique convient aux peti
719 lus le pouvoir doit être concentré. (À la limite, il faudra donc un dictateur.) De là le conseil de Rousseau aux patriotes
720 res politiques actuelles de réseaux de régions qu’ il s’agira d’abord d’organiser (et non pas de « délimiter »), en tout ca
721 ut sa suppression !) à des niveaux de décision où il ne soit plus seulement contrôleur mais surtout contrôlable par des ci
722 le) est essentiellement une question d’urbanisme. Elle dépend des possibilités de recréer, au sein ou à l’écart des mégalopo
723 res à l’échelle du continent, ou fédérations. Car il est évident qu’un certain nombre d’activités indispensables à la vita
724 ble de ces implications successives, des choix qu’ elles entraînent et de leurs interactions et autorégulations, doit théoriqu
725 isant d’harmonisation des dynamismes civiques, qu’ il n’y aurait plus qu’à « faire jouer » aux différents niveaux communaut
726 as que j’aie des doutes sur la valeur du modèle — il est le meilleur que je puisse imaginer — mais du fait même qu’il aura
727 eur que je puisse imaginer — mais du fait même qu’ il aura pour fonction de conjuguer des dynamismes, et non pas d’imposer
728 rtain type d’équilibre ou de stabilité. Disons qu’ il est méthode d’invention permanente et non pas utopie à joindre un jou
729 rmanente et non pas utopie à joindre un jour. Car il suppose la liberté, tandis que l’utopie prise pour programme est une
730 arfait de notre modèle n’est pas souhaitable, car il rendrait la participation inévitable, obligatoire et pour ainsi dire
731 ressort du jeu en même temps que son but, puisqu’ elle nourrit les tensions constitutives d’une cité faite pour les personne
732 ) Au surplus, un jeu parfait n’est possible que s’ il est limité dans le temps, terminé par une fin automatique ou convenue
733 ilibres, de conflits, dont on ne peut être sûr qu’ ils finiront « bien », mais dont il est certain qu’ils perdraient toute v
734 peut être sûr qu’ils finiront « bien », mais dont il est certain qu’ils perdraient toute vertu créatrice s’ils pouvaient ê
735 ls finiront « bien », mais dont il est certain qu’ ils perdraient toute vertu créatrice s’ils pouvaient être « réglés » ou «
736 certain qu’ils perdraient toute vertu créatrice s’ ils pouvaient être « réglés » ou « contrôlés » d’avance par un programme.
737 me fin de la cité —, nous découvrons en chacune d’ elles des motifs intrinsèques de conflits renouvelés, de résistance et d’in
738 ctions ou discordances au moins virtuelles — dont il s’agit de tirer des résultantes positives. Toute participation civiqu
739 nnes, et lit la presse d’opinion et les revues où elle trouve commentaires, innovations et examens critiques. L’écart qui n’
740 sez de compétences pour intéresser le citoyen, et elles en gardent trop pour le peu d’informations dont disposent leurs maire
741 grandes dans les régions urbaines (vide social), elles ne coïncident plus que par hasard avec les dimensions utiles ou effic
742 plus de deux ou trois décennies, au terme duquel ils seront pratiquement tombés en désuétude. La disparition progressive
743 es hommes s’imaginent avoir « participé » à ce qu’ ils n’ont fait que voir, et se vantent de s’être « engagés » quand ils n’
744 e voir, et se vantent de s’être « engagés » quand ils n’ont qu’assisté en faisant un peu de bruit. Nous retrouvons ici l’id
745 ervatrice des préjugés « progressistes » d’hier. Il n’est pas sans intérêt de relever ici que ma description des passifs
746 coups de téléphone, de lettres et de photos dont il faut se contenter aujourd’hui, le plus souvent, dans la vie des affai
747 la vie des affaires et les échanges personnels ? Il est possible — et pour ma part j’y crois, sans rien pouvoir prouver —
748 t être mesurés que sur la base de statistiques qu’ il reste encore à imaginer et de mesures qui feront peut-être un jour co
749 certains problèmes pratiques de la participation, elles semblent aussi devoir poser de nouveaux problèmes. Entre les domaines
750 e présence humaine, psychosomatique, « globale », il paraît probable que des discordances se feront sentir. Quelque chose
751 cipation à tous les niveaux, changent de nature : ils concernent les grandes options morales qui intéressent la vie quotidi
752 ession productiviste peut être contrôlée avant qu’ elle ait infligé des dommages irréversibles à la biosphère sera nécessaire
753 la croissance économique « aveugle », sacralisée, il n’y a plus guère d’avenir à supputer : cent ans au maximum pour la su
754 ) de participation gardent tout leur intérêt. Car il est évident qu’une attitude humaine arrogante à l’égard de la nature,
755 itique. Celui qui ne révère plus rien, que fera-t- il pour son prochain ? Sans respect pour les forêts, point de civisme.
756 r négativité. En conclusion ouverte sur l’avenir, il me reste à définir, pour le revendiquer, ce droit suprême de la perso
757 la personne qui est le droit à l’inadaptation. S’ il est vrai que la participation obligatoire est la négation même du civ
758 tion obligatoire est la négation même du civisme, il en découle que la reconnaissance du droit à l’objection sociale, civi
759 re libre et, dans cette mesure même, responsable. Il en est par exemple ainsi de l’objection au dogme du travail : voir Le
760 nt là que deux exemples pris au passé récent mais il est clair que, d’ici l’an 2000, bien d’autres surgiront, dont nous n’
761 défi au destin, doit être à tout prix préservée. Elle est le signe d’une ouverture de l’homme au transcendant, à ce qui peu
762 le pouvoir de dire non aux décrets de la Société, il faut absolument le tolérer car c’est lui qui empêchera nos systèmes,
763 ar c’est lui qui empêchera nos systèmes, quels qu’ ils soient, de devenir totalitaires, c’est-à-dire de trop bien réussir. L
764 t, de Diogène à Abélard, de Rousseau à Nietzsche. Il vivra dans la frange effervescente de notre société occidentale, avec
765 ntale, avec les objecteurs sociaux et politiques. Il aura pour fonction civique de démontrer à longueur de journée que le
26 1972, Articles divers (1970-1973). L’ingénieur dans la cité (1971-1972)
766 nit l’anxiété du jeune homme d’aujourd’hui lorsqu’ il atteint l’âge des études. Cette question n’est devenue générale, et a
767 e moins éloigné de leurs goûts (dans la mesure où ils avaient la chance de les connaître) et le plus près de leur idée d’un
768 société. Prenons l’exemple de l’ingénieur. Hier, il était ingénieur pour produire, pour bâtir et organiser, pour dominer
769 rité matérielle toujours croissante. Aujourd’hui, il constate que la nature risque de succomber à l’industrie, qui la pill
770 n’est plus aux seuls « besoins de l’économie » qu’ il s’agit désormais de répondre (ils ne sont trop souvent que le profit
771 l’économie » qu’il s’agit désormais de répondre ( ils ne sont trop souvent que le profit des firmes et le dividende de leur
772 ns des tâches qui la suscitent et la rassemblent. Il peut maintenant concevoir sa profession dans le cadre et les perspect
773 de la nécessité vitale désormais, de nouer entre elles un nouveau pacte. La science et la technique ont provoqué peut-être,
774 cience et la technique ont provoqué peut-être, et elles ont à coup sûr permis l’essor industriel et l’urbanisation sauvage qu
775 scientifiques, aux techniciens, aux urbanistes qu’ il incombe de chercher et de trouver d’urgence les moyens de restaurer c
776 nimes en sauvant du même coup la nature ? N’y a-t- il pas là une vocation proprement exaltante pour l’ingénieur ? Une nouve
777 aie révolution au troisième tiers du xxe siècle. Elle n’est pas idéologique. C’est une opération de sauvetage de la Terre.
778 on conique, c’était objet de pure spéculation, et il fallut exactement vingt siècles pour qu’on relie ce problème à l’art
779 s relever le grand défi du xxe siècle finissant, il faut que des générations nouvelles entrent dans la carrière de l’ingé
780 eau de vie quantitatif au mode de vie qualitatif, il ne faut pas rêver, comme les hippies, qu’il pourra s’opérer par un qu
781 atif, il ne faut pas rêver, comme les hippies, qu’ il pourra s’opérer par un quelconque retour anarchisant à l’état prétech
782 sant à l’état prétechnique des sociétés humaines. Il s’agit au contraire de le calculer, avec autant de soins et de précis
783 cial : problèmes très neufs pour l’ingénieur ! Qu’ il les assume, et du même coup il se verra réintégré dans la vie de la c
784 r l’ingénieur ! Qu’il les assume, et du même coup il se verra réintégré dans la vie de la cité, de la communauté, et dans
27 1972, Articles divers (1970-1973). Forteresse au centre de l’Europe : la Suisse (1972)
785 atrie d’enfance qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre
786 qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’ elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre rencontre, nous e
787 du ciel, c’est la structure des agglomérations : elle révèle la nature de la communauté civique et sociale d’un pays. Survo
788 ace principale. Quand le château forme le centre, il s’agit d’une cité féodale, et, quand c’est la place, d’une commune, a
789 ue, quand les hommes pouvaient se rencontrer. Or, il n’est pas de pays au monde que le gigantisme humain menace dans ses f
790 r des Alpes et château d’eau de l’Europe médiane. Elle est née des communes rurales qui formaient la grand-garde du col. Et
28 1972, Articles divers (1970-1973). Au centre du monde, Lavaux (1972)
791 importance rapidement fabuleuse, et passionnelle. Il est difficile d’en parler, fût-ce à sa louange éperdue, sans provoque
792 ues faits vrais, dont la discordance m’inquiète : elle m’empêche de m’abandonner à l’euphorie d’un lyrisme contemplatif, ou
793 du paradoxe majeur de notre civilisation. Grâce à elles , l’homme des villes a retrouvé le contact avec la nature, et ce conta
794 t n’osant aimer que ce qui par d’autres est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu’ils partagent. Ce paysage sublim
795 est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu’ ils partagent. Ce paysage sublime est un pays réel, peuplé de vignerons
796 que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’un beau jour ils l’ont aimé. Or, ses habitants l’aiment aussi, mais ils en usent, c’es
797 ’ont aimé. Or, ses habitants l’aiment aussi, mais ils en usent, c’est-à-dire le transforment chaque jour par les retouches
798 . Pour garder le Lavaux que nous aimons, faudrait- il qu’ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sauver Lavaux, oui, mais vi
799 garder le Lavaux que nous aimons, faudrait-il qu’ ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sauver Lavaux, oui, mais vivant no
800 . Et vivant, c’est-à-dire changeant selon sa loi. Il est d’autres centres du monde où les problèmes de la survie d’un lieu
801 étages de palais sur le Grand Canal à des riches. Il faut d’abord que Venise soit peuplée, animée, habitée par des gens du
802 plée, animée, habitée par des gens du pays. Et qu’ ils y trouvent un intérêt vital, et non pas archéologique. Pour sauver Ve
803 al, et non pas archéologique. Pour sauver Venise, il faudra la changer. Inaliénable, oui, inaltérable, non. Ensuite, « fai
29 1972, Articles divers (1970-1973). Le sort de l’an 2000 se joue dans nos écoles (mars 1972)
804 ye, sous la présidence de Churchill, en mai 1948, il paraissait urgent de faire l’Europe pour empêcher le retour des folie
805 urope ouvrira une apocalypse du genre humain ou s’ il présentera au monde le modèle d’une civilisation post-industrielle éq
806 nt. Le sort de l’an 2000 se joue maintenant Il est clair, en effet, que les maisons que nous bâtissons, les plans d’
807 ou des pans de désert rongés pendant des siècles ( il serait beaucoup trop cher de les raser, presque impossible d’effacer
808 raxs ou recouvert par la marée montante du béton, il faudrait des millions d’années. Ce que nous faisons aujourd’hui engag
809 Si l’Europe est gérée par les Européens, c’est qu’ elle aura réussi son union ; car autrement elle ne pourra rien à opposer a
810 est qu’elle aura réussi son union ; car autrement elle ne pourra rien à opposer aux entreprises des deux impérialismes, l’éc
811 smes, l’économique et l’idéologique. Mais pour qu’ elle réussisse son union, qui ne peut être que fédérale, il faut que les j
812 ussisse son union, qui ne peut être que fédérale, il faut que les jeunes Européens soient élevés dès maintenant dans un cl
813 vers les années 1880, prépare des nationalistes. Elle présente l’État-nation de modèle napoléonien centralisé, uniformisé e
814 rme pensable de société humaine. Et du même coup, elle tend à nous faire croire que cet État-nation a toujours existé, telle
815 ne les ont pas conquises par la force ou la ruse, ils les ont simplement « réunies » de manière à remplir l’Hexagone, forme
816 r les Européens, c’est-à-dire ait fait son union, il faut que l’École cesse d’enseigner que les seules réalités sont les É
817 la réalité et non dans les discours ministériels. Il faut que l’École cesse d’enseigner que la souveraineté nationale est
818 ours contre les mesures d’union que tout appelle. Il faut que l’horizon de l’enseignement ne soit plus la nation et ses my
819 ité, unité biologique, écologique et spirituelle. Il n’y aura pas d’Europe unie en l’an 2000 si l’on ne commence pas aujou
820 ) J’ai mis deux de mes étudiants sur ce problème. Ils ont trouvé que la grande majorité des manuels d’histoire et de géogra
821 comment ouvrir nos écoles à l’Europe, en sorte qu’ elles préparent désormais non plus de petits nationalistes, sujets passifs
822 de l’Europe, Communautés européennes, CERN. Mais elle ne deviendra vivante que par les citoyens qui la vivront, conscients
823 nir citoyen d’un pays qui n’en est pas un, puisqu’ il n’a pas encore de politique commune et d’organes gouvernementaux ? Po
824 atique pour sortir de ce cercle vicieux ne serait- il pas de s’appuyer sur quelque chose qui existe déjà bel et bien et qui
825 ouvent, pour ce que l’État lui demande. Longtemps elle a fait des citoyens pour la nation seulement. Nous avons payé cela pa
826 ar les deux guerres mondiales. Pourquoi ne ferait- elle pas dorénavant, des citoyens pour une Europe unie, équilibrée, et pou
827 cation civique européenne. Et quant à la méthode, elle devait consister à équiper et à former au cours de stages quelques mi
828 certifier les résultats d’une action éducative ? Ils sont par nature diffus, et visent à la fois le court terme des examen
829 ont été plus chichement mesurés, comme on sait qu’ il est de règle dans notre société « européenne » par antiphrase — en ré
830 e veut être l’expression commune et l’instrument. Il faudrait multiplier par dix, au moins, les moyens matériels (et par s
831 ne sont pas nos États qui feront l’Europe, n’ont- ils pas prouvé depuis des siècles qu’ils étaient là pour l’empêcher de se
832 urope, n’ont-ils pas prouvé depuis des siècles qu’ ils étaient là pour l’empêcher de se faire ? Ce ne sont pas les grandes b
833 Strasbourg, de Luxembourg qui feront l’Europe — s’ il est vrai qu’elles y contribuent avec une indéniable compétence dans l
834 Luxembourg qui feront l’Europe — s’il est vrai qu’ elles y contribuent avec une indéniable compétence dans leurs domaines. C’e
835 ttra l’urgence de la Campagne, et l’on fera ce qu’ il faut pour qu’elle soit efficace. Pédagogie écologique, ou de l’uti
836 e la Campagne, et l’on fera ce qu’il faut pour qu’ elle soit efficace. Pédagogie écologique, ou de l’utilité des catastrop
837 mûrs pour l’union des Européens. Quand le seront- ils jamais sans la préparation que, dans l’état actuel des choses, l’Écol
838 e seule est en mesure de leur donner ? Jusqu’ici, elle était censée, officiellement, préparer tout le contraire d’hommes lib
839 nt entre l’homme, la cité et la nature ? Et alors il faut dès maintenant réunir les moyens de l’action nécessaire, et paye
840 olitiques, au sens de stratégie de l’humanité. Qu’ il me suffise d’une phrase-image pour résumer toute la révolution que no
30 1972, Articles divers (1970-1973). Autopsie d’un cas : Denis de Rougemont (15 mars 1972)
841 t ainsi que j’ai écrit un de mes premiers livres. Il est intitulé : Penser avec les mains 15 et il est, en somme, le pre
842 . Il est intitulé : Penser avec les mains 15 et il est, en somme, le premier livre sur l’engagement de l’écrivain. Un te
843 ivains. Mais pas à l’embrigadement dans un parti. Il s’agissait d’assumer sa responsabilité, ce qui est exactement le cont
844 us deux adversaires du mariage. Tristan, parce qu’ il dépasse le mariage vers un au-delà où il n’a plus besoin de la sociét
845 parce qu’il dépasse le mariage vers un au-delà où il n’a plus besoin de la société et du monde. Il a tout dans une femme,
846 où il n’a plus besoin de la société et du monde. Il a tout dans une femme, il se sépare du monde et il meurt, joyeusement
847 la société et du monde. Il a tout dans une femme, il se sépare du monde et il meurt, joyeusement. Puis, en deçà du mariage
848 l a tout dans une femme, il se sépare du monde et il meurt, joyeusement. Puis, en deçà du mariage, Don Juan qui ne peut se
849 qui ne la trouve pas. Ces préoccupations étaient- elles antérieures au mouvement personnaliste ? Non. Elles sont absolument s
850 les antérieures au mouvement personnaliste ? Non. Elles sont absolument simultanées. C’est une partie de la notion de la pers
851 hacun des deux devient personne dans la mesure où il agit librement, en pleine responsabilité vis-à-vis de l’autre. Toujou
852 en 1947. Aux États-Unis, j’ai découvert l’Europe. Il fallait donc s’éloigner pour la retrouver ? Oui. Beaucoup de gens ont
853 u en Italie ou en Angleterre. Étant là, réfugiés, ils se trouvaient mis en relation les uns avec les autres. C’est ainsi qu
854 listes. Breton me voyait tous les jours, parce qu’ il était un des parleurs des textes que j’écrivais pour la voix de l’Amé
855 a doctrine de l’engagement, je suis fédéraliste ; il s’agit maintenant d’appliquer ces théories, de s’engager dans la caus
856 s du monde à la politique avant 1943-1944. Enfin, il s’est mis à parler d’engagement parce qu’il avait lu cela dans Espri
857 nfin, il s’est mis à parler d’engagement parce qu’ il avait lu cela dans Esprit et dans mes livres. Vous connaissiez Jean
858 s mes livres. Vous connaissiez Jean-Paul Sartre ? Il est venu me voir à New York en 1944 ou 1945, premier journaliste fran
859 emier journaliste français. Dans ses conférences, il répétait tout le temps que l’homme est à la fois libre et responsable
860 J’espère que vous savez où vous avez pris cela. » Il m’a répondu : « Je le sais très bien. » Mais il ne l’a jamais dit à p
861 » Il m’a répondu : « Je le sais très bien. » Mais il ne l’a jamais dit à personne d’autre… Mais il est bien évident que ce
862 ais il ne l’a jamais dit à personne d’autre… Mais il est bien évident que cette définition de l’homme et ce terme d’engage
863 tôt. Vous rentrez donc en Suisse. Que se passe-t- il  ? Pendant la guerre, je m’étais aperçu que ma doctrine du fédéralisme
864 en comprise. Alors, je me suis dit que maintenant il fallait faire l’Europe. Qu’on ne pouvait unifier l’Europe sur le modè
865 t pas non plus faire l’Europe avec l’État-nation. Il fallait donc unir l’Europe d’une manière fédéraliste, c’est-à-dire en
866 notamment, sur la loi de l’extension des tâches. Il faut partir des réalités locales et régionales et monter, d’après les
867 se. Et je trouve que le système marche très bien. Il autorise toutes les diversités qui tissent la Suisse, diversités de l
868 ivique. Mais, voilà où les choses se compliquent, il est impossible de réaliser le fédéralisme dans un seul pays. La Suiss
869 ut pas rester un régime réellement fédéraliste si elle est seule, si elle est entourée d’États unitaires. Elle sera forcée d
870 gime réellement fédéraliste si elle est seule, si elle est entourée d’États unitaires. Elle sera forcée de se présenter à eu
871 st seule, si elle est entourée d’États unitaires. Elle sera forcée de se présenter à eux comme un État unitaire et de se cen
872 s de l’époque d’ Esprit et de L’Ordre nouveau . Ils m’ont convaincu d’aller, un mois plus tard, parler au premier congrès
873 roduction sur le thème de l’attitude fédéraliste. Il est résulté de cette réunion de Montreux un projet de congrès qui dev
874 la réalisation de notre première ambition. Puisqu’ il s’est avéré que le Conseil de l’Europe n’était pas du tout ce que nou
875 présentation des « forces vives de nos nations ». Il était uniquement formé de délégués des parlements et était purement c
876 ’amicale ne sont plus des misanthropes ; ou bien, ils restent des misanthropes et, par définition, ne feront jamais d’amica
877 xactement ce qui se passe avec les États-nations. Ils veulent garder leur souveraineté et leur indépendance comme le disait
878 te Europe-là pouvait se faire. Mais j’ai pensé qu’ il valait mieux que les États pratiquent cet hommage que le vice rend à
879 femme supérieure à l’homme. Plutôt que de dire qu’ ils sont égaux parce que l’égalité évoque quelque chose qui anéantit la d
880 s l’histoire de la Suisse. Pourquoi ce pays s’est- il fait ? La Suisse ne s’est pas faite pour créer une union plus forte q
881 pour créer une union plus forte que les voisins. Elle s’est fait uniquement pour maintenir les autonomies des parties const
882 inquantaine de régions écologiques bien définies. Il faudrait donc, pour conseiller les autorités écologiques de chacune d
883 ion écologique qui est beaucoup plus vaste puisqu’ elle va jusqu’au milieu du Valais et qu’elle descend assez bas dans la val
884 te puisqu’elle va jusqu’au milieu du Valais et qu’ elle descend assez bas dans la vallée du Rhône, à certains égards jusqu’à
885 fait différentes du canton et de la Suisse puisqu’ il englobe un tiers de la Suisse, deux tiers de la France, une partie de
886 conçoivent avec peine que c’est de la folie pure. Ils croient que l’État-nation a été créé par Dieu le septième jour de la
887 l’État-nation nous empêche de faire l’Europe. Et il nous faut faire l’Europe ; sinon, nous serons colonisés un peu plus q
888 us de couples. Les régions, dès lors, ne risquent- elles pas de connaître le même phénomène ? Cette comparaison relève de la m
889 haque homme a sa vocation propre, c’est-à-dire qu’ il part de là où il est, qui est un endroit unique au monde et doit crée
890 vocation propre, c’est-à-dire qu’il part de là où il est, qui est un endroit unique au monde et doit créer son chemin vers
891 traduction du fédéralisme sur le plan religieux. Il ne s’agit pas d’uniformiser tout le monde et de voir une seule croyan
892 de choisir librement son avenir. Jusqu’à présent, elle se développait un peu au hasard ; on pensait qu’il y avait des ressou
893 ou quatre ans dans l’opinion publique, on sait qu’ il n’en est rien. Et que nous touchons partout des limites. Les ressourc
894 gler les moyens sur ces finalités. Or, jusqu’ici, il n’y avait d’autre politique que cette finalité générale qu’est le pro
895 de problèmes radicalement faux. Pourquoi y aurait- il une écono­mie qui correspondrait à la Belgique, une autre au Luxembou
896  des cicatrices de l’histoire », correspondraient- elles à des ensembles économiques ? C’est une idiotie ! C’est indéfendable.
897 s politiques ? Je les trouve funestes. En tant qu’ ils sont des représentants des partis ou des États-nations, ils ne sont p
898 es représentants des partis ou des États-nations, ils ne sont pas des hommes politiques, ils sont des partisans ou des nati
899 s-nations, ils ne sont pas des hommes politiques, ils sont des partisans ou des nationalistes. Mais j’ai le plus grand resp
900 Jean Monnet, par exemple. Le fédéralisme pourrait- il résoudre plus facilement les problèmes écologiques actuels ? Oui. Par
901 Denis de Rougemont, 65 ans, vient aux nouvelles. Il calme le chien et accueille le visiteur dans cette maison où il vit d
902 ien et accueille le visiteur dans cette maison où il vit depuis 1947 et qui fut autrefois celle du garde forestier de l’au
903 Denis de Rougemont est aussi un grand voyageur : il a vécu en Allemagne, en France, aux États-Unis pendant plusieurs anné
904 France, aux États-Unis pendant plusieurs années. Il est actuellement directeur du Centre européen de la culture, à Genève
905 tre européen de la culture, à Genève, institut qu’ il a créé en 1950. Mais, Denis de Rougemont est avant tout, à sa manière
906 un Européen. Sa grande idée : le fédéralisme. Qu’ il définit ainsi : “S’unir pour permettre aux autonomies de rester auton
31 1972, Articles divers (1970-1973). Je rentrais de l’espace… (27-28 mai 1972)
907 atrie d’enfance qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre
908 qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’ elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre rencontre, nous e
909 son temps ne constituait plus qu’une seule ville. Il ne parlait que du Plateau, ce « Pays des Collines », comme disent les
910 es et les sombres forêts du Jura. Mais que dirait- il aujourd’hui, où sa constatation, très abusive alors, est en bon train
911 du ciel, c’est la structure des agglomérations : elle révèle la nature de la communauté civique et sociale d’un pays. Survo
912 ace principale. Quand le château forme le centre, il s’agit d’une cité féodale, et, quand c’est la place, d’une commune, a
913 ue, quand les hommes pouvaient se rencontrer. Or, il n’est pas de pays au monde que le gigantisme humain menace dans ses f
914 Les Suisses qui s’en offusquent vont ailleurs, et ils y font de grandes choses. Carlo Maderno, Borromini et les frères Font
32 1972, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)
915 èses et une hypothèse (juin 1972)ar 1. Ce qu’ elle n’est pas La culture ne consiste pas à lire des romans, à parler p
916 touristes culturels et d’experts en informatique. Elle ne se reconnaît pas au port des cheveux longs par les romantiques, de
917 du vulgaire et que l’on acquiert par des études. Elle n’est pas l’affaire des « salons », comme l’imaginent encore quelques
918 uelques amateurs de clichés, qui ne savent pas qu’ il n’y a plus de salons, qu’ils ont été remplacés depuis le xviiie sièc
919 qui ne savent pas qu’il n’y a plus de salons, qu’ ils ont été remplacés depuis le xviiie siècle par les cafés, et qu’il n’
920 cés depuis le xviiie siècle par les cafés, et qu’ il n’y a plus de cafés littéraires depuis vingt ans, même à Paris. La cu
921 ulture n’est pas faite par les « gens cultivés ». Elle n’est pas leur propriété, elle ne dépend pas d’eux et ne leur doit ri
922 « gens cultivés ». Elle n’est pas leur propriété, elle ne dépend pas d’eux et ne leur doit rien (même si elle leur donne tou
923 ne dépend pas d’eux et ne leur doit rien (même si elle leur donne tout). Enfin la culture n’est pas nécessairement sérieuse.
924 ’ont pas le sens de l’arbitraire, de l’humour fût- il noir, de la désinvolture aimable ou provocante, de l’absurde assumé o
925 enir, et de s’inscrire dans un parti. 2. Ce qu’ elle est en tous cas La culture est l’ensemble des valeurs (tabous et
926 e au long des jours, qui forment son esprit et qu’ il assume plus ou moins complètement et combine plus ou moins activement
927 éatoirement héréditaires) et selon son éducation ( il est plus ou moins dirigé, conseillé, orienté dans ses choix par sa fa
928 , et, pour quelques-uns, la lecture). 3. Ce qu’ il se peut qu’elle soit « La culture est ce qui reste quand on a tout
929 lques-uns, la lecture). 3. Ce qu’il se peut qu’ elle soit « La culture est ce qui reste quand on a tout oublié », disai
930 ion peut très bien disparaître, être « oublié » : il n’en sera pas moins retrouvé, « remémoré » par la réactivation de la
931 remémoré » par la réactivation de la structure qu’ il a créée, répondant à un stimulus extérieur. Le message se voit ainsi
932 ue, qui est l’appel de sa fin, sa vocation. 4. Il n’y a pas de cultures nationales Cette thèse est démontrée sans au
933 que tu n’aies reçu ? », dit l’Europe aux nations. Elles n’ont en propre que leurs vanités, leurs chauvinismes, partout pareil
934 artout pareils et qui ne les distinguent en rien. Il n’y a pas plus de « musique française » que de « mathématiques soviét
935 s leur genèse, continentales dans leur évolution. Elles n’ont tout de même pas pu tenir compte par anticipation de frontières
936 uses diversités » ne sont pas du tout nationales. Elles divisent et animent nos nations sans le moindre rapport, sauf par has
937 paragraphes de manuels. Conséquences politiques : il faut dissoudre et dépasser la formule jacobine et napoléonienne de l’
938 guerres mondiales, soixante millions de morts. Et il faut restituer dans leur autonomie les cités et régions créatrices de
939 ègles collectives et la Foi personnelle à la Loi. Il en résulte une valorisation par les élites culturelles de l’originali
940 lpha et oméga des cultures jusqu’à nous) et seule elle a couru le risque de promouvoir l’originalité de la personne, d’incit
941 té de la personne, d’inciter à l’initiative. Mais il résulte aussi de ce grand paradoxe qu’une contestation qui refuse de
942 , de peur d’être « récupérés » par le fantasme qu’ ils appellent « Système ». Nier le père ne résout pas le complexe d’Œdipe
943 paupérisme à partir de dix heures du soir ».) «  Il vous a été dit… mais moi je vous dis… » Cette phrase évangélique ne n
944 … » Cette phrase évangélique ne nie pas le passé. Elle s’y réfère, l’englobe, le situe et le dépasse. Elle le conteste comme
945 le s’y réfère, l’englobe, le situe et le dépasse. Elle le conteste comme l’amour prévaut contre l’indifférence, qui n’est so
946 fférence, qui n’est souvent qu’angoisse refoulée. Elle l’abolit en création. Tel est le sens. ar. Rougemont Denis de, « 
33 1973, Articles divers (1970-1973). La Merveilleuse histoire de Tristan et Iseut [préface] (1973)
947 que et « sérieuse » aux yeux de leurs confrères : ils ont permis à l’Occident moderne de reprendre conscience d’une de ses
948 ur œuvre en une seule expression moins pédante qu’ elle ne paraît à première vue : avec la légende de Tristan, c’est l’étymol
949 tre le mot primitif et les mots dérivés. De plus, elles donnent de la justesse dans le choix de l’expression. Il me plaît d
950 t de la justesse dans le choix de l’expression. Il me plaît de traduire cette belle définition dans les termes de notre
951 dans nos littératures et dans nos vies. De plus, elles donnent de la justesse dans le style de nos émotions. » À mon sens, e
952 ment bien autre chose qu’un thème romanesque, fût- il même le thème exemplaire, l’archétype de tous les romans dignes du no
953 re, l’archétype de tous les romans dignes du nom. Ils sont comme les premières apparitions, comme les épiphanies quasi sacr
954 public une justification de l’usage personnel qu’ il a fait. Un mythe, c’est une histoire, généralement très simple et inv
955 rigueur en formules de biochimie. De quoi s’agit- il donc ici ? Entre le corps et l’intellect, la tradition distingue une
956 ieux de l’éloquence classique de la chaire, quand elle parle du « salut des âmes », ou de l’« immortalité de l’âme ». Je pre
957 celle du corps ni celle de l’intellect, encore qu’ elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais qui est bien plutôt celle du
958 e de l’âme. Or, c’est dans le mythe de Tristan qu’ il a trouvé son expression la plus totale, délicieuse et tragique à la f
959 cieuse et tragique à la fois. C’est à ce mythe qu’ il doit, depuis le xiie siècle, et dans nos sociétés occidentales, son
960 toujours fuyante mais en fuite vers la hauteur où elle entraîne l’amant ravi. On aura reconnu la conclusion gnostique du Sec
961 the de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’ il illustre en sa simplicité majestueuse, c’est l’intensité de l’amour,
962 ’âme ouverte sur l’esprit, libérée des corps dont elle vient, et survolant les irritantes vicissitudes de notre incarnation
963 essible. Mais la réalité est lourdement présente. Elle ne saurait donc que freiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce
964 né l’amour. Le mari, lui, partage la vie d’Iseut. Il reste seul vivant, mais sans amour. Aux yeux du mythe, il est perdant
965 seul vivant, mais sans amour. Aux yeux du mythe, il est perdant. ⁂ À ce premier aspect de notre légende : l’amour-passion
966 e du mythe, dans nos mœurs et coutumes, ne serait- elle que l’histoire d’une longue profanation ? Faut-il penser que les pouv
967 le que l’histoire d’une longue profanation ? Faut- il penser que les pouvoirs du mythe sont épuisés et que nous serons peut
968 nde primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’ il était vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme el
969 é, et s’il était vraiment un mythe de l’âme, faut- il conclure que c’est l’âme elle-même, la fonction émotive, dans l’homme
970 et la science, et une dose de psychanalyse, vont- elles exorciser la société future, évacuant les dernières passions ? ⁂ Une
971 , inclinerait à des conclusions très pessimistes. Elle consisterait à montrer la dégradation continue et, semble-t-il, irrév
972 it à montrer la dégradation continue et, semble-t- il , irréversible, des obstacles opposés à la passion. Or on sait que la
973 es, naturels ou sacrés, coutumiers ou légaux ; qu’ elle s’en nourrit et même les invente au besoin. Sans les obstacles accumu
974 age d’Iseut avec le Roi, père adoptif du héros —, il n’y aurait pas de roman, ni de passion mortelle, il n’y aurait donc p
975 n’y aurait pas de roman, ni de passion mortelle, il n’y aurait donc pas eu de mythe. On ne saurait imaginer le grand roi
976 provoquer celle-ci par ses refus intransigeants, il prétend se fonder sur l’amour-sentiment, succédané édulcoré, achevant
977 ndements. La passion se fait rare de nos jours, s’ il faut en croire nos romanciers. Ils savent bien que le roman véritable
978 de nos jours, s’il faut en croire nos romanciers. Ils savent bien que le roman véritable n’est jamais qu’une version renouv
979 on renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut. Ils cherchent donc partout l’obstacle qui résiste, et n’en trouvent guère
980 t de la passion. Que deviendront nos romanciers ? Il leur reste le réalisme, le regard pseudo-scientifique détaillant des
981 re. Ou bien encore, et ce serait mieux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de Tristan : la su
982 mourir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’ il est vrai que la passion se nourrit d’obstacles choisis, et que notre
983 oisis, et que notre culture tend à les supprimer, il reste un obstacle suprême, celui-là justement dont triomphe la passio
984 dé à nos sciences, ou c’est tout comme. Qu’en est- il du dernier barrage que notre condition d’êtres finis oppose à notre a
985 l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien clair que la séparation la plus irrémédiable est dans la mor
986 , les amants légendaires sont entrés, nous disent- ils , dans les voies d’une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de l
987  qui jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car ils ont beu leur destruction et leur mort ». Certes, c’est vrai pour leur
988 ’est vrai pour leur existence dans ce monde, mais ils ont aussi bu l’Amour, un amour qui s’adresse à la part immortelle que
989 n plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’ il me donne l’audace de négocier avec la mort. Et Wagner, le dernier au
990 t. Et Wagner, le dernier auteur de la légende qu’ il a su recréer d’après nature, s’inspirant de Gottfried de Strasbourg,
991 rizon de la mort est l’ultime sens du mythe. Mais il faut croire aux anges pour y croire. ⁂ Selon la mythologie de l’ancie
992 ois jours après la mort d’amour. Iseut n’évoque-t- elle point cette forme de lumière qu’on ne rejoint que dans un au-delà, et
993 étienne de l’amour du prochain ne s’en trouverait- elle pas éclairée, à son tour ? ⁂ Aimer le prochain « comme soi-même » sup
994 laquelle on ne saurait s’aimer soi-même, puisqu’«  il faut être deux pour aimer », comme dit la sagesse populaire. Aimer vr
995 de l’homme ne peut nous être ici d’aucun secours. Il faut aimer pour le comprendre, et rapporter l’amour à ses fins spirit
996 s. Et ce n’est pas seulement de la littérature qu’ ils ont bien mérité, mais de l’âme. ⁂ Comment résister à la tentation de
997 tion de comparer les versions modernes du mythe ? Il existe en français d’aujourd’hui plusieurs traductions, qui se donnen
998 es anciennes. Continuateurs et non pas rewriters, ils se sont pénétrés des textes des trouvères français, anglo-normands, a
999 erie) = sorcery départie (départ) = departure Il doit être évident que ces restitutions sont dans la tradition de tous
1000 ort, viens voir Tristan et finis ses douleurs ! » Il en reste chez Bédier : « Que m’importe de mourir ! » — chez Mary, rie
1001 me s’en va. » André Mary, d’après Thomas : « Puis il a dit trois fois : Amie Iseut ! À la quatrième, il a rendu l’esprit. 
1002 l a dit trois fois : Amie Iseut ! À la quatrième, il a rendu l’esprit. » (Bédier : « Il rendit l’âme. ») Mais il y a surto
1003 la quatrième, il a rendu l’esprit. » (Bédier : «  Il rendit l’âme. ») Mais il y a surtout l’épisode des amants qui se repe
1004 lorsque le philtre cesse d’agir, après trois ans. Ils vont trouver l’ermite de la forêt de Morois. Selon Bédier, l’ermite l
34 1973, Articles divers (1970-1973). Université et universalité (janvier 1973)
1005 et des structures de la parenté en général. Mais il est d’autres exemples non moins significatifs, celui de la théorie de
1006 ssable qu’au lieu même de leur convergence, là où il s’était constitué. Cela fut ressenti à l’époque comme le péché contre
1007 Institut universitaire d’études européennes n’est- il pas, en vertu même de son titre, condamné à la spécialisation ? En ve
1008 même de l’objet de ses études, qui est l’Europe, il me paraît condamné à l’interdisciplinarité de type b). L’Europe est u
1009 olution. L’Europe n’apparaît qu’à leur carrefour, elle est définie par leurs intersections, et ses reliefs ne se révèlent qu
1010 existantes. Ces recherches sont métaphoriques, s’ il est vrai que la métaphore naît du rapprochement de deux phénomènes tr
1011 mmes en convergence, pas encore en symbiose, mais elle est potentielle. Quelles sont vos chances de l’actualiser ? Notre tai
1012 actualiser ? Notre taille, Dieu merci minuscule ! Elle seule permet la coexistence quotidienne des diverses disciplines et d
35 1973, Articles divers (1970-1973). De Genève à l’Europe par les régions (mars 1973)
1013 mais dans des frontières d’autant plus rigides qu’ elles sont plus arbitraires, pour la commodité des seuls fonctionnaires et
1014 seul remède aux trop petites dimensions ne serait- il pas la création d’agences fédérales européennes, qui seraient compéte
1015 , trop petit, appelle la fédération ; trop grand, il appelle les régions. Ces deux tendances, loin de se contredire, se co
1016 me local plus irrespirable encore que l’autre, si elle ne répondait en réalité à une prise de conscience européenne et d’hor
1017 ans limites (laquelle ne peut plus rien animer si elle peut encore tout bloquer) amènent à constater que si l’on veut faire
1018 ènent à constater que si l’on veut faire l’Europe il faut ouvrir le cadre stato-national et dépasser ce modèle périmé.
1019 ème n’est pas seulement spéculatif et prospectif. Il est posé en vrac, en termes concrets, mal comparables, voire contradi
1020 onomique (par rapport à l’ensemble national) dont elles rendent responsable l’État centralisateur. Les unes exigent une aide
1021 nomiques ne sauraient coïncider territorialement. Il y faudrait un vrai miracle, mais ce miracle ne s’est jamais produit.
1022 acle, mais ce miracle ne s’est jamais produit. Et il aurait encore moins de chance de survenir dans le cas de régions défi
1023 s voisines voient leurs relations d’échanges avec elle brimées, ralenties, pénalisées ou bloquées par un cordon douanier qui
1024 rg, Lausanne, Grenoble, Lyon et Genève au centre. Elle comprend quatorze établissements d’enseignement supérieur, densité to
1025 ns doute actifs dans notre inconscient collectif… Il ne s’agit donc pas de créer autour de Genève une sorte de mini-État-n
1026 centralisation ceux des trop petites dimensions. Il s’agit simplement de résoudre les principaux problèmes de notre vie m
1027 avenir prochain, j’imagine quelques solutions qu’ il va s’agir de réaliser simultanément : 1. Créer des agences fédérales
1028 rmer une génération et créer les régions, ne sont- ils pas trop longs face à l’urgence des périls que court l’Europe, j’ente
1029 st ? La réponse dépend de nous, non des astres. S’ il est vrai, comme je l’ai toujours pensé, que nous n’avons pas à prévoi
1030 et l’Institut universitaire d’études européennes. Il compte au nombre des grands écrivains et essayistes suisses de notre
36 1973, Articles divers (1970-1973). Recréer la place publique (1er juillet 1973)
1031 ouze articlesbd serait faible : je m’y reconnais. Il s’agirait maintenant de les illustrer. Car elles demeurent assez diff
1032 is. Il s’agirait maintenant de les illustrer. Car elles demeurent assez difficiles et abstraites sous la forme condensée que
1033 ntraire la favoriser, l’aménager. Encore faudrait- il décrire ces structures. J’ai toujours soutenu que la démocratie, au s
1034 ns actif et créatif du mot, n’est pas possible, s’ il n’y a pas une « agora » ou un « forum » — une « place » au cœur de la
1035 t ses sources taries. Dans cet article conclusif, il est question de fédéralisme première et deuxième manière. Je suis pou
1036 s pour la deuxième. Ramuz était pour la première. Il me disait un jour au Central, à Lausanne : « Entre nous, nous sommes
1037 e publique », à la bonne heure ! Mais encore faut- il qu’elles existent, cette rue, cette place publique, où le beau mot de
1038 ique », à la bonne heure ! Mais encore faut-il qu’ elles existent, cette rue, cette place publique, où le beau mot de voisinag
37 1973, Articles divers (1970-1973). L’Europe, c’est d’abord une culture (juillet-août 1973)
1039 e pars de ce qui me paraît une évidence majeure : il nous faut « faire l’Europe » afin de rester nous-mêmes, disons, pour
1040 ée ne peut jouer aucun rôle à l’échelle mondiale. Elle ne peut que subir l’histoire faite par les autres, les guerres des au
1041 deux cas, l’expérience séculaire ou millénaire qu’ ils prétendaient inaugurer n’a duré qu’une douzaine d’années. La Suisse f
1042 anière, autrement dit, leur droit de différer. Or il se trouve que cette formule fédéraliste, seule pratiquement possible
1043 te mais en fait toujours plus illusoire — sauf qu’ elle bloque tout. Mais c’est ici aussi que l’on rejoint la culture. Car c’
1044 u la Hollande sont immortelles, ce qui suggère qu’ elles auraient existé de toute éternité, alors qu’en vérité, pour la plupar
1045 pour la plupart, en tant qu’État, et en moyenne, elles n’ont même pas un siècle d’âge. Seules la France, l’Angleterre et l’E
1046 Philippe le Bel — « empereur en son royaume » —, il est absolument certain que l’Italie comme État n’a que 112 ans, l’All
1047 a sa langue et que ses frontières coïncident avec elle . Nous croyons que les Européens sont trop différents les uns des autr
1048 un pouce de leur sacro-sainte souveraineté, et qu’ ils sont immortels. Or tout est faux dans cet enseignement, et dans les c
1049 s les croyances qui en résultent. Tout d’abord : il n’y a pas de cultures nationales, si l’on entend par « nations », com
1050 a somme de vingt-huit cultures nationales, puisqu’ elle existait bien avant la formation, récente on vient de le voir, de nos
1051 un seul des grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme Bonaventure, sou
1052 mps, ceux qui parlent une même langue ? Oui, mais il n’était pas question de les enfermer pour autant dans les frontières
1053 t dans les frontières d’un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos stato-nations modernes correspondent à l’aire
1054 et le Val d’Aoste au nom de l’unité linguistique, elle devrait s’amputer, pour le même motif, de près de la moitié de ses te
1055 itoires actuels. Prenons la langue allemande : si elle devait coïncider avec un État-nation, il faudrait annexer à la Républ
1056 e : si elle devait coïncider avec un État-nation, il faudrait annexer à la République fédérale outre l’Allemagne de l’Est,
1057 spagne et contre les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a été mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé d
1058 été mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé dans l’enseignement de la géographie au xixe siècle, là e
1059 res de nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires comme les conflits armés dont elles
1060 lles et arbitraires comme les conflits armés dont elles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait le p
1061 dont elles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait le professeur français Jacques Ancel, « le résult
1062 mondiales où l’Europe a failli périr, mais encore ils faussaient notre vision de l’histoire et le sens même de la vie de l’
1063 intellectuelles de tous nos pays, puis, à travers elles , formé nos sensibilités. L’évolution de la musique, de la mystique, d
1064 eux bonnes douzaines de nos frontières actuelles. Elles relient des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas de
1065 l’unité de notre culture commune. Mais qu’en est- il de ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, comme
1066 s diversités tant vantées, et à juste titre ? Est- il vrai, comme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxelles
1067 ront davantage et s’entendront mieux entre eux qu’ ils ne s’entendent avec les hommes de droite (ou de gauche) de leur propr
1068 e en Europe est d’autant plus riche et intense qu’ elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen
1069 mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’ il n’avait pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre
1070 la vitalité inégalée de notre culture européenne, il est dans cette interaction perpétuelle des grands courants continenta
1071 les foyers locaux, entre l’unité et la diversité, il faut bien constater que l’échelon national ne joue aucun rôle, est si
1072 hrope, ou bien l’on reste misanthrope, mais alors il n’y a pas d’amicale. La fédération européenne s’établira sur la base
1073 itler, ou n’importe lequel de nos États-nations s’ il pouvait aller jusqu’au bout de ses ambitions monopolistes. La plurali
1074 , une expérience séculaire montre suffisamment qu’ il n’y a rien à attendre à cet égard des gouvernements comme tels, soit
1075 à travers le monde mais unis par le Saint-Esprit. Ils ont été depuis deux-mille ans le sel de la Terre, l’Europe leur doit
1076 -être d’apporter au monde la guérison des maux qu’ elle y a causés. 20. La France date-t-elle de Clovis, ou des fils de Ch
1077 maux qu’elle y a causés. 20. La France date-t- elle de Clovis, ou des fils de Charlemagne, ou de Philippe le Bel, ou de l
38 1973, Articles divers (1970-1973). « La famille est devenue un choix » (23 septembre 1973)
1078 remonter le temps. Toujours tourné vers l’avenir, il convient volontiers qu’il « faut avoir le sens de son histoire person
1079 s tourné vers l’avenir, il convient volontiers qu’ il « faut avoir le sens de son histoire personnelle ». On ne connaît pas
1080 ns d’une histoire, si on ne connaît pas le passé. Il a donc fait des recherches généalogiques qui l’ont conduit à de surpr
1081 s dans les écoles. Il y eut aussi un graphologue. Il le fut auprès du Tribunal de la Seine au moment de l’affaire Dreyfus.
1082 crivez. Vous n’avez jamais songé à être pasteur ? Il est intéressant de savoir d’où l’on vient. Cela ne dicte pas une carr
1083 , mais quand j’ai pris des leçons j’ai compris qu’ il ne saurait plus en être question. Vous savez, quand la passion est de
1084 n père, l’auteur de Suite neuchâteloise, note : «  Il trouvait dans son héritage des vertus de prudence, d’ordre et d’autor
1085 ? Le sens de l’engagement et celui de la justice. Il était bon, libéral avec de l’amitié pour les socialistes — ce qui fai
1086 usqu’à l’âge de 18 ans. De votre mère ? À 97 ans, elle est comme un fil. Je lui ressemble physiquement. Elle vient d’une fam
1087 est comme un fil. Je lui ressemble physiquement. Elle vient d’une famille de bons vivants avec des tendances artistes. Mon
1088 ion géographique. La famille ne mourra pas ? Non, elle se transformera. En ce qui vous concerne ? À partir de ma génération,
1089 ences à l’Université de Paris. C’est amusant, car elle est enseignante et moi je suis membre du conseil dans la même univers
39 1973, Articles divers (1970-1973). Sur la taille des régions (octobre 1973)
1090 ’emploient, l’air entendu, mais nul ne sait ce qu’ elle signifie. Les régions, nous dit-on, doivent être de « taille européen
1091 nom de quoi ? Que veut-on dire ? On me répond qu’ il s’agit de « découper » des régions qui soient assez grandes, assez pe
1092 les Länder allemands, me dit-on. Encore faudrait- il savoir lesquels : la Bavière, 71 000 km2 et 12 millions d’habitants,
1093 ention de devenir « compétitifs ». Qu’en auraient- ils de plus ? Ça n’a pas de sens pour eux. C’est une idée de technocrate,
1094 nt en tête de liste, et les grands en queue. Faut- il rappeler que les créations les plus mémorables de la culture européen
1095 puis, finissons-en avec ces questions de taille. Il nous faut des régions de toutes grandeurs, selon les dimensions de le
1096 mbourg et de la France, lequel des deux États a-t- il la taille ? Je vais vous le dire : c’est le plus petit. En tant qu’Ét
1097 un et indivisible, la France est trop grande, et il n’en va pas autrement de la Grande-Bretagne, de l’Espagne, de la Répu
1098 les pays du monde ne peuvent pas exporter plus qu’ ils n’importent, faites le calcul. 23. G. Bidault. be. Rougemont Denis
40 1973, Articles divers (1970-1973). Une possibilité européenne : la région genevoise (novembre 1973)
1099 comme formule politique ou civique24 de demain. ⁂ Il se trouve que le sens commun joue dans le même sens que notre angoiss
1100 isse sociale pour recommander cette formule. Mais il est trop souvent inhibé par nos routines mentales, héritées de l’Écol
1101 ontières qui tranchent dans le vif de ses tissus, il faut parfois le regard neuf, sinon naïf, d’un étranger qui simplement
1102 délégation française, à Versoix. De la terrasse, il lui fit admirer le paysage, en précisant que là-bas, de l’autre côté
1103 frontière ? demanda Molotov, vaguement inquiet. —  Elle passe au milieu du lac, dit Bidault. — Mais alors, s’exclama le Sovié
1104 clama le Soviétique, les poissons, comment savent- ils dans quel pays ils sont ? S’il n’y avait que les poissons ! Les vents
1105 , les poissons, comment savent-ils dans quel pays ils sont ? S’il n’y avait que les poissons ! Les vents, les fleuves et le
1106 s, comment savent-ils dans quel pays ils sont ? S’ il n’y avait que les poissons ! Les vents, les fleuves et les nuages, la
1107 i les tempêtes, ni la pollution, ni rien de ce qu’ il faudrait arrêter, mais seulement ce qu’il faudrait laisser passer : p
1108 e ce qu’il faudrait arrêter, mais seulement ce qu’ il faudrait laisser passer : personnes, marchandises, œuvres d’art. « Ci
1109 nomiques ne sauraient coïncider territorialement. Il y faudrait un vrai miracle, mais ce miracle ne s’est jamais produit,
1110 acle, mais ce miracle ne s’est jamais produit, et il aurait encore moins de chance de survenir dans le cas de régions défi
1111 s voisines voient leurs relations d’échanges avec elle brimées, ralenties, pénalisées ou bloquées par un cordon douanier qui
1112 et Lausanne, Grenoble, Lyon et Genève au centre. Elle comprend seize établissements d’enseignement supérieur, densité tout
1113 ns doute actifs dans notre inconscient collectif… Il ne s’agit donc pas de créer autour de Genève — et encore moins de Lyo
1114 ion ceux des trop petites dimensions économiques. Il s’agit simplement de résoudre les principaux problèmes de notre vie m
1115 r, l’Isère, le Val d’Aoste et la Franche-Comté. ⁂ Il est facile d’énumérer les motifs de mésentente traditionnelle au sein
1116 et Stendhal. Rien de plus aisé, si l’on songe qu’ ils ont aimé les mêmes paysages, subi les mêmes bises noires, et résisté
1117 ensemble. C’est par l’École, aux trois degrés, qu’ il faut refaire l’éducation des citoyens, à partir des réalités, qui son
41 1973, Articles divers (1970-1973). Face à la crise de notre continent, l’utopie de Denis de Rougemont : l’Europe des régions (1er-2 décembre 1973)
1118 savons tous maintenant que l’Europe est en crise. Il nous reste à voir que c’est une crise de civilisation. » Avec son hum
1119 s. Depuis vingt-cinq ans que tout le monde dit qu’ il faut faire l’Europe, on n’a pas avancé d’un millimètre, hormis quelqu
1120 ont incapables de résoudre un tel problème, comme ils sont impuissants devant l’inflation, le chaos monétaire, la pollution
1121 circonscrite par une frontière qui enferme tout. Elle se définit de manière variable selon les fonctions et activités : éco
1122 les, écologiques, de transport ou d’enseignement. Il n’y a aucune raison que ces fonctions correspondent à une seule et mê
1123 de redonner au citoyen, dans la région et grâce à elle , un pouvoir de décision sur les problèmes fondamentaux de sa vie. Ce
1124 omme ! Cette réorganisation du continent ne remet- elle pas en cause le parlementarisme, lequel, il faut bien le reconnaître,
1125 met-elle pas en cause le parlementarisme, lequel, il faut bien le reconnaître, est en crise ?… Il est en crise à juste tit
1126 uel, il faut bien le reconnaître, est en crise ?… Il est en crise à juste titre dans les pays où il est devenu l’affaire d
1127 ?… Il est en crise à juste titre dans les pays où il est devenu l’affaire des seuls partis, car ceux-ci ne correspondent p
1128 e européenne. Mais ce qui est important, c’est qu’ il existe au-dessus des régions et à leur service une fonction propremen
1129 tes fonctions particulières. C’est à ce niveau qu’ il faudrait un Conseil élu par le peuple européen et composé non de spéc
1130 et les sociétés multinationales ? Ne constituent- ils pas une entrave tout aussi puissante ? L’existence des sociétés multi
1131 ire encore qu’il y ait des économies nationales ? Il n’y a aucune raison pour qu’une entité économique coïncide avec les f
1132 ans ! Quant au rythme de changement des ethnies, il est de l’ordre d’un millier d’années ! Bien sûr, les sociétés multina
1133 térêts nationaux, mais, pour revenir à mon sujet, il me semble que rien ne les empêche de chercher à s’adapter aux réalité
1134 profite essentiellement à ces dernières ! Certes, elles cherchent d’abord leur profit et c’est souvent aux dépens des équilib
1135 ssi son histoire et les traces encore visibles qu’ elle a laissées dans nos vies, on arriverait à de meilleurs résultats « eu
1136 volontairement l’horizon de l’enfant ? Je dis qu’ il faut partir des réalités immédiates — pour aller plus loin ! L’écolog
1137 e, par exemple, c’est une question vitale. Où est- elle sensible ? À l’échelle locale le plus souvent. L’empoisonnement des r
1138 oissons sont les mêmes des deux côtés du Léman et ils y crèvent de la même façon ! Les gosses comprennent cela. Et à partir
1139 es naturelles, et finalement sur les décisions qu’ ils auront à prendre comme citoyens de leur région et de l’Europe des rég
1140 région et de l’Europe des régions fédérées. Mais il faut s’y mettre tout de suite ! bg. Rougemont Denis de, « [Entret