1 1970, Articles divers (1970-1973). La place du livre dans l’information de l’homme moderne (1970)
1 homme moderne (1970)a Mesdames et Messieurs, à ma stupéfaction, je me trouve en plein accord avec mon ami Louis Armand,
2 70)a Mesdames et Messieurs, à ma stupéfaction, je me trouve en plein accord avec mon ami Louis Armand, sauf sur un seul
3 a Mesdames et Messieurs, à ma stupéfaction, je me trouve en plein accord avec mon ami Louis Armand, sauf sur un seul po
4 a stupéfaction, je me trouve en plein accord avec mon ami Louis Armand, sauf sur un seul point, c’est quand il dit que les
5 table des multiplications à l’école primaire qui m’ a toujours frappé, et ceci prouve que la liturgie n’est pas seulement
6 moyen mnémotechnique dans certains cas. Ceci dit, j’ aurai une seule remarque, non pas du tout en contradiction avec ce que
7 t complémentaire à propos du mot « information ». Je prends le mot information en pensant au livre et au caractère spécifi
8 l’information que l’on peut avoir par un livre : je le prends dans son sens étymologique qui est très proche de formation
9 tes, des « data banks » comme on dit aujourd’hui. Je ne sais pas la traduction française. Banques d’informations. Mais le
10 vre d’essayiste, de romancier, le livre de poète, je le vois par contraste avec les moyens audiovisuels comme une espèce d
11 ts constitutifs que les transistors qui sont pour moi le comble de l’élégance en technique, ce petit truc tout simple… Donc
12 n certain nombre de signes et de significations. Je vois le livre donc comme un appareil formé de mots et de phrases, dis
13 n organisée, de la formuler et de la transmettre. J’ entends par information objective un nombre, un nom, un procédé, un fa
14 êmes, nous digérons ce qu’il y a dans le livre et je dirai qu’en revanche et en retour le livre nous digère d’une certaine
15 ? C’est une question qu’on peut se poser, et cela me fait penser à ce passage très fameux de l’Apocalypse où l’auteur ente
16 la bouche et après cela tu pourras prophétiser. » Moi , je dirais : « après ça, tu pourras simplement agir ou méditer ». Nou
17 uche et après cela tu pourras prophétiser. » Moi, je dirais : « après ça, tu pourras simplement agir ou méditer ». Nous ne
18 si c’est lui qui nous avale, ou nous lui. Voilà, me semble-t-il, le bon usage du livre. Et je voulais y insister pour que
19 Voilà, me semble-t-il, le bon usage du livre. Et je voulais y insister pour que l’on ne croie pas, puisqu’on parle d’info
20 s pourraient faire plus vite ? Peut-être… Si vous me donnez une minute, je voudrais vous lire une page de Nietzsche que j’
21 s vite ? Peut-être… Si vous me donnez une minute, je voudrais vous lire une page de Nietzsche que j’ai retrouvée ce matin
22 , je voudrais vous lire une page de Nietzsche que j’ ai retrouvée ce matin même, sur « la lente lecture ». Je voudrais qu’o
23 etrouvée ce matin même, sur « la lente lecture ». Je voudrais qu’on affiche cette page dans toutes les librairies et je vo
24 affiche cette page dans toutes les librairies et je voudrais l’opposer à une annonce publicitaire qu’on voit paraître de
25 nt Kennedy lisait très, très vite ; il absorbait, je ne sais combien de milliers de mots à la minute. Alors je crois que t
26 is combien de milliers de mots à la minute. Alors je crois que toute la propagande en faveur du livre, aujourd’hui, si l’o
27 s le sens de ces quelques lignes de Nietzsche que je vais vous lire. C’est dans la préface de son recueil Aurore. « Philol
28 e d’homme qui se hâte ! [voilà pour l’annonce que je vous citais]. Car la philologie est cet art vénérable qui, de ses adm
29 et séduit le plus au milieu d’un âge du travail, je veux dire de la précipitation, de la hâte indécente qui s’échauffe et
30 ur lui que des lecteurs parfaits. Apprenez à bien me lire. Lisez-moi lentement. M. Denis de Rougemont va maintenant répo
31 lecteurs parfaits. Apprenez à bien me lire. Lisez- moi lentement. M. Denis de Rougemont va maintenant répondre, à son tour
32 ente lecture pour bien se pénétrer des questions. Je disais que les sujets ne manquent pas, mais le temps de les lire lent
33 manquent pas, mais le temps de les lire lentement me manque à cette tribune, et je devrais manger les fiches, les unes apr
34 les lire lentement me manque à cette tribune, et je devrais manger les fiches, les unes après les autres, et puis vous de
35 , et puis vous demander le temps de les digérer. J’ essaierai de grouper plusieurs de ces questions qui se réfèrent à l’au
36 aux rapports entre l’audiovisuel et le livre. On me fait remarquer que le livre a ce gros avantage sur la télévision que 
37  ? » Cette critique-là s’adresse essentiellement, me semble-t-il, à la télévision, ou dans un sens moins grave à la radio,
38 de répliquer. Vous pouvez protester quelquefois — moi ça m’arrive souvent devant mon poste de télévision — mais c’est une p
39 iquer. Vous pouvez protester quelquefois — moi ça m’ arrive souvent devant mon poste de télévision — mais c’est une protest
40 ster quelquefois — moi ça m’arrive souvent devant mon poste de télévision — mais c’est une protestation absolument vaine, s
41 à votre curiosité, à votre faim du moment. Alors, je pense que loin de dire que le livre doit être supplanté par la télévi
42 les fonds nécessaires pour le faire. À cet égard, je voudrais ajouter un petit renseignement. Ça touche au livre, vous all
43 nseignement. Ça touche au livre, vous allez voir. Je cherchais les moyens, avec un groupe de gens, de contre-battre les ef
44 ys et de certains gouvernements. Alors, quelqu’un m’ a fait observer qu’on pouvait peut-être s’en tirer pour le moment en d
45 s pour sortir un livre sur l’actualité. Quelqu’un me demande « si par exemple, la bande enregistrée pourrait succéder au l
46 a bande enregistrée pourrait succéder au livre », moi je ne le pense pas. Il y a des gens pour lesquels l’ouïe est le sens
47 nde enregistrée pourrait succéder au livre », moi je ne le pense pas. Il y a des gens pour lesquels l’ouïe est le sens le
48 a vision. On peut combiner aussi les deux choses. Je pense que c’est une affaire d’entraînement, de goût personnel, de pos
49 ersonnel, de possibilités différentes. Quelqu’un me demande « si le livre étant tributaire de la langue, il n’y aurait pa
50 re jusqu’ici mais sans grand succès ? » Alors là, je crois pouvoir reprendre en réponse la distinction que je faisais tout
51 s pouvoir reprendre en réponse la distinction que je faisais tout à l’heure entre deux sens du mot « information ». S’il s
52 de l’information au sens de formation, sur lequel j’ ai insisté tout à l’heure, alors là, la langue est essentielle. La lan
53 pérer d’une langue synthétique comme l’espéranto. J’ ai pris cette question parce qu’elle me permet de préciser ce que j’ap
54 espéranto. J’ai pris cette question parce qu’elle me permet de préciser ce que j’appellerais « information » tout à l’heur
55 estion parce qu’elle me permet de préciser ce que j’ appellerais « information » tout à l’heure. Quelqu’un me dit : « C’est
56 llerais « information » tout à l’heure. Quelqu’un me dit : « C’est très joli, lente lecture, mais encore faudrait-il que l
57 qui lisent le mieux, ni même qui lisent le plus. Je connais des gens qui sont tout à fait dans le style employé de bureau
58 e travail et augmente les temps de loisir. Alors, je voudrais que, pendant ces temps de loisir, après la très rapide lectu
59 s lesquels on découvrira toujours plus de choses. Je crois qu’on va vers une époque où le loisir va devenir le sérieux de
60 [que] l’automation se développera. Ce n’est pas à mon voisin, que j’irai apprendre ce genre de choses. Je pense que nous al
61 on se développera. Ce n’est pas à mon voisin, que j’ irai apprendre ce genre de choses. Je pense que nous allons maintenant
62 voisin, que j’irai apprendre ce genre de choses. Je pense que nous allons maintenant vers un état de la société où, tout
63 rle du livre d’une manière un peu plus prolongée. Je ne voudrais pas prendre plus de temps, M. Le Lionnais a encore beauco
2 1970, Articles divers (1970-1973). Deux en un, ou le fédéralisme (mars 1970)
64 antérieure, on se le demande.) Si l’on croit que j’ exagère, voici quelques exemples. Le mot fédéralisme est tabou à Stra
65 s années un représentant du Conseil de l’Europe : je compris par la suite que ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme
66 rce qu’ici, disait-il, nous sommes fédéralistes ! Je n’ai cité que des européistes on ne peut plus engagés. Que sera-ce ai
67 ppelle à se prononcer sur la question européenne. Je prendrai mon dernier exemple dans cette dépêche de Londres publiée pa
68 prononcer sur la question européenne. Je prendrai mon dernier exemple dans cette dépêche de Londres publiée par un quotidie
69 personnalité individuelle en tant que nation. » Je m’assure que ce qu’a dit Maurice Schumann n’était nullement censé « t
70 rsonnalité individuelle en tant que nation. » Je m’ assure que ce qu’a dit Maurice Schumann n’était nullement censé « trad
71 sent fédéralistes contre Berne, les Québécois que j’ ai visités l’automne dernier se veulent antifédéralistes contre Ottawa
72 iste. Quant à Nelson Rockefeller, il écrit : Pour moi , l’idée fédéraliste suppose une conception d’ensemble de la vie polit
73 oncrète sont causes des confusions de langage que j’ ai citées et se révèlent nécessairement en elles. « Simples questions
3 1970, Articles divers (1970-1973). Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe (19 mars 1970)
74 ent l’économie. C’est une considérable illusion à mon sens, mais qui explique pourquoi la Suisse n’est entrée que dans l’AE
75 bords du lac de Zurich, comme vous le savez. Vous me demandez si c’est la meilleure voie ? Je vous répondrai évidemment no
76 ez. Vous me demandez si c’est la meilleure voie ? Je vous répondrai évidemment non, car s’il n’y avait que les questions é
77 ommune Il faut beaucoup plus même que la CEE à mon sens. L’intégration de l’Europe… disons, d’un mot moins savant, l’uni
78 es voisins de ce pays, on peut édifier une union. Je dis bien : une « union » et non pas une unification. Car la seule uni
79 t non pas une unification. Car la seule union que je vois possible pour l’Europe, et la seule à laquelle la Suisse puisse
80 ndre la Suisse ? Beaucoup à apporter Alors, je pense que la réponse est simple. La Suisse a beaucoup à apporter dans
81 lus difficiles à comprendre, et même à vivre, que je connaisse. De toutes les doctrines politiques, c’est certainement la
82 ne quantité de choses qui répugnent à la logique. J’ entendais l’autre jour encore à la télévision suisse romande : « La Su
83 gère à sa modeste importance… (entendant par là — je pense — le fait que c’est un petit pays, qui n’a qu’une petite armée,
84 de puissance comme les États-Unis ou la Russie… » J’ estime que c’est là une attitude tout à fait erronée, car ce qui fait
85 l en faisant la guerre du Vietnam. Voilà pourquoi je pense qu’un petit pays comme la Suisse aurait les plus grandes chance
86 d’une intégration de l’Europe, d’une intégration, je dis bien, selon la formule fédérale, la seule qui puisse être accepta
87 s Suisses ? On n’a jamais fait cette enquête, que je sache. Alors que voulez-vous qu’il se passe ? Dans ces conditions, le
88 d’éducation ; cela doit commencer à l’école déjà. Je connais heureusement beaucoup de professeurs secondaires et même de m
89 ière les autres. Alors que toute notre histoire — je le répète — toute notre vocation historique nous indique que nous avo
90 le initiative sur le plan européen. Et pour cela, je fais confiance au Conseil fédéral qui me paraît tout à fait disposé d
91 ur cela, je fais confiance au Conseil fédéral qui me paraît tout à fait disposé dans ce sens, à en juger par les récentes
92 qualités sont réunies dans la même personnalité. Je veux parler de Denis de Rougemont, qui m’a fait part de ses impressio
93 nalité. Je veux parler de Denis de Rougemont, qui m’ a fait part de ses impressions sur cette grave question, et je vous li
94 t de ses impressions sur cette grave question, et je vous livre l’entretien intégral que j’ai eu avec lui. »
95 estion, et je vous livre l’entretien intégral que j’ ai eu avec lui. »
4 1970, Articles divers (1970-1973). « Un acte de reconnaissance » [à propos du prix Robert Schuman] (24 mars 1970)
96 an]. Un prix auquel, d’ailleurs, il s’attendait : Je n’ai pas été surpris par la décision de la Fondation Freiherr von Ste
97 dernier déjà, elle avait annoncé que le prix 1970 me serait décerné. Quelle signification attachez-vous au fait que ce soi
98 era attribué cette année le prix Robert Schuman ? J’ y vois essentiellement un acte de reconnaissance. Reconnaissance d’un
99 ent, depuis près de vingt-cinq ans, aux dépens de mon œuvre littéraire et aussi, parfois, contre vents et marées et sans to
100 éalisés en marge de son métier propre. Et ce sont mes livres sur l’Europe et mon activité au Centre européen de la culture
101 ier propre. Et ce sont mes livres sur l’Europe et mon activité au Centre européen de la culture qui m’ont valu ce prix, att
102 mon activité au Centre européen de la culture qui m’ ont valu ce prix, attribué jusqu’ici à des hommes politiques seulement
103 ut président du Centre européen de la culture que je dirige. Et, de recevoir un prix qui porte son nom est aussi, pour moi
104 ecevoir un prix qui porte son nom est aussi, pour moi , un sujet de satisfaction. e. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le
5 1970, Articles divers (1970-1973). Après l’attribution du prix Schuman à M. D. de Rougemont (30 mars 1970)
105 u publier dans votre numéro du 24 mars, permettez- moi une remarque dont je serais obligé de faire part à vos lecteurs. « L’
106 uméro du 24 mars, permettez-moi une remarque dont je serais obligé de faire part à vos lecteurs. « L’acte de reconnaissanc
107 aurait signifier que la Fondation FVS de Hambourg m’ aurait exprimé sa gratitude émue, comme on pourrait croire que je l’ai
108 é sa gratitude émue, comme on pourrait croire que je l’ai dit (si l’on ne me connaissait pas du tout) mais simplement que
109 me on pourrait croire que je l’ai dit (si l’on ne me connaissait pas du tout) mais simplement que je lui suis reconnaissan
110 e me connaissait pas du tout) mais simplement que je lui suis reconnaissant d’avoir reconnu le travail du Centre européen
6 1970, Articles divers (1970-1973). La passion en 1970, est-ce possible ? (mai 1970)
111 l’immédiat quotidien ou du prochain accessible ? Je ne condamne ni la passion ni le mariage, dit Denis de Rougemont, je d
112 la passion ni le mariage, dit Denis de Rougemont, je dis seulement qu’il y a un conflit, si toutefois on parle de passion,
113 age tue l’aspect narcissique de la relation. Pour moi , un mariage réussi l’est, quand les deux conjoints estiment que leur
114 nt et de plus en plus, tient lieu de fiançailles, me semble un bon moyen de faciliter ce passage et d’éviter les trop mauv
115 emiers n’étaient que des mariages-maquettes. Pour moi , le mariage, si on veut faire une comparaison politique, est le type
116 mmes, alors qu’elles sont plutôt complémentaires. Je suis contre l’égalité, dit-il, c’est la source de toutes les tyrannie
117 i donnent l’impression d’une liberté fantastique. J’ ai lu, l’autre jour, qu’il y avait à Paris, autour de 1890, une quinza
7 1970, Articles divers (1970-1973). « S’unir, au-delà de nos fausses souverainetés, pour préserver nos vraies diversités » (mai-juin 1970)
118 nt y parvenir ? Le véritable centre de gravité de ma théorie est le mythe de l’« État-nation », tel que Napoléon en a posé
119 pour permettre une participation civique réelle. Je vous dirai donc qu’entre l’union de l’Europe et les États-nations sac
120 ion fondamentale du sens même de notre vie ? Oui, je crois à la personne humaine et à sa liberté. Pour surmonter les alién
121 es pensez-vous qu’il soit possible de l’établir ? J’ admets qu’il y a une pluralité d’allégeances, civiques, politiques, cu
122 sera complexe, mais combien plus simple à vivre ! Je vois l’Europe comme un grand jardin plein de surprises, mais un peu d
123 uveau ? L’Europe a la chance d’avoir une culture. Je ne crois pas aux cultures nationalistes, en dépit des manuels scolair
124 nne commune comme dénominateur commun : là aussi, je ne suis pas d’accord. La politique ne doit pas être une activité sépa
125 ble à l’échelle européenne ? Le système suisse, à mon avis, est excellent, hormis peut-être les cantons qui ne sont pas d’u
126 ctuelle et qu’il ne faudrait surtout pas renier : je suis persuadé que le fédéralisme européen se construira grâce aux ord
127 te qui peut seul assurer la paix de l’Europe ! Il me semble ainsi que l’idée européenne ait trouvé son climat autant que s
128 erait plus en tout cas dans une Europe unie. Mais je verrais tout à fait une Suisse-district fédéral, siège de toutes les
129 e de toutes les « agences » de l’Europe unie dont je vous parlais tout à l’heure. Il est vrai que le projet d’union de l’E
130 he pour la Suisse. Mais personne ne la préconise, je crois. Il est clair, en revanche, qu’une Europe fédérée, respectueuse
131 ture les avantages de la formule fédéraliste. Car je pense que prétendre conserver les bénéfices de notre fédéralisme pour
8 1970, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture européenne ? (juin 1970)
132 pe, publié par Robert Schuman à la fin de sa vie, je lis ces mots qu’on ne saurait souhaiter plus éclairants et qui serven
133 économique, doit être une communauté culturelle. Je pense, avec Robert Schuman, qu’il est possible d’unir nos pays pour c
134 te l’Europe comme patrie de la diversité. Si l’on me demande maintenant comment on peut traduire en termes de structures p
135 culture non unitaire et si hautement diversifiée, je répondrai que la solution se trouve dans les termes mêmes du problème
136 litiques, c’est, de toute évidence : fédéralisme. Je ne vois pas d’autre réponse imaginable au défi que l’Histoire nous po
9 1970, Articles divers (1970-1973). « L’Europe ? Une révolution culturelle ! » (15 octobre 1970)
137 ion culturelle ! » (15 octobre 1970)k l Ce qui me frappe, Denis de Rougemont, en lisant votre Lettre ouverte aux Europ
138 r social. L’Europe est, en effet, avant tout pour moi une révolution culturelle. Si vous voulez, je suis maoïste ! La révol
139 ur moi une révolution culturelle. Si vous voulez, je suis maoïste ! La révolution ne peut se faire que par les superstruct
140 uantitatif, qui tend à le déposséder de lui-même. Je me sens assez proche de Maurice Clavel et de son analyse de l’aliénat
141 titatif, qui tend à le déposséder de lui-même. Je me sens assez proche de Maurice Clavel et de son analyse de l’aliénation
142 aurice Clavel et de son analyse de l’aliénation ; je déplore la vague de marxisme qui déferle sur l’Université française a
143 gt dernières années ont dissipé cette illusion et je pense, d’autre part, que ce qui peut entraîner l’économique, ce n’est
144 e qu’il n’y a de sérieux que les nations. Deux de mes étudiants, ont fait un travail sur les manuels d’histoire utilisés en
145 uction civique, l’environnement. Ce dernier thème me paraît fondamental, car c’est l’écologie, de nos jours, qui constitue
146 us sommes en commun avec elles. Un autre principe me paraît important : il faut fédérer des choses neuves, sinon l’on perd
147 économiques ne se recouperont pas nécessairement. Je pense qu’une telle Europe ne sera possible que par l’intermédiaire de
148 tat national constitue donc l’obstacle principal. Je pense que le problème le plus important est celui de l’environnement,
149 sation commence avec le respect des forêts, comme je l’ai écrit, ce qui va dans le même sens que le respect de l’autre. L’
10 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix I : Niveau de vie ou mode de vie ? (15 novembre 1970)
150 soviétique. Colonisé de manière assez différente. Je veux éviter ce parallèle que l’on fait trop facilement entre l’Amériq
151 l’Europe désunie mais pas de même nature. Ce que j’ appelle la colonisation possible par les États-Unis — si nous ne faiso
152 xtrêmement grave. Par exemple, dans ce village où j’ habite depuis vingt-trois ans : quand j’y suis arrivé, il y avait 1800
153 illage où j’habite depuis vingt-trois ans : quand j’ y suis arrivé, il y avait 1800 habitants ; aujourd’hui, il y en a 5500
154 it pas, au contraire, la pénétration américaine ? Je n’ai rien contre la pénétration américaine si c’est une question d’éc
155 à ce développement, à l’infini, du niveau de vie. Je pense que maintenant se dessine une réaction assez forte que l’on peu
156 ou un compte en banque. Pour les Européens, cela me paraît une très bonne direction d’évolution. L’Europe, qui a hérité d
157 à celui de la survie dans la rareté. Attention ! Je ne suis pas du tout pour que l’on freine le développement de la socié
158 que l’on freine le développement de la société ; je suis au contraire pour qu’on le pousse, beaucoup plus que nos compart
159 sociale et politique ? Oui, profondément. Ce que j’ essaie de montrer depuis un certain temps, c’est que nous sommes en pr
11 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix II : Se rallier à l’idée suisse (22 novembre 1970)
160 économique, qui sont faits ? Le Marché commun, à mes yeux, est une première agence fédérale du type que je voudrais voir s
161 eux, est une première agence fédérale du type que je voudrais voir se multiplier. C’est, plutôt, le germe d’une agence féd
162 . Le Marché commun est implanté à Bruxelles. Mais je vois très bien d’autres agences fédérales européennes, en Suisse par
163 édérales européennes, en Suisse par exemple. Dans mon livre La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux , j’avais lancé l’
164 re La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux , j’ avais lancé l’idée de transformer la Suisse en district fédéral de l’E
165 it que cela signifierait la fin de la neutralité. Je pense au contraire que cela signifierait une helvétisation de l’Europ
166 ez l’adhésion de l’Europe à l’Idée suisse ? Quand je parle de l’adhésion de l’Europe à l’Idée suisse, j’entends par « Idée
167 parle de l’adhésion de l’Europe à l’Idée suisse, j’ entends par « Idée suisse » le véritable fédéralisme, qui n’est d’aill
168 t de la technique. Par exemple, sans ordinateurs, je défie qui que ce soit de maîtriser les mécanismes d’une fédération co
169 que nous avons des petites communautés. En fait, mon modèle de gouvernement de l’Europe reproduit le Conseil fédéral suiss
170 nt l’exécutif, le souverain étant le peuple. Cela me paraît un modèle parfaitement valable pour l’Europe et qui pourrait d
12 1970, Articles divers (1970-1973). Denis de Rougemont, propos recueillis par E. Liard (décembre 1970)
171 niversaire du Centre européen de la culture. Dans ma Lettre ouverte aux Européens , je donne un programme, pour les vingt
172 culture. Dans ma Lettre ouverte aux Européens , je donne un programme, pour les vingt ans qui viennent, de l’avant-garde
173 lus politique. Dans Le Cheminement des esprits , je me suis surtout attaché aux recherches et à l’action culturelle que s
174 politique. Dans Le Cheminement des esprits , je me suis surtout attaché aux recherches et à l’action culturelle que supp
175 e que suppose la fédération de l’Europe telle que je l’entends. Recherches et action qui portent sur l’éducation, le civis
176 l’éducation, le civisme, qui, comme le dit un de mes titres, commence au respect des forêts, c’est-à-dire englobe tous les
177 bien urbain que rural. Les problèmes d’éducation m’ ont amené au problème de l’Université, et là, je montre la fécondité d
178 n m’ont amené au problème de l’Université, et là, je montre la fécondité des études régionales. Jusqu’à présent, on enseig
179 à reconnaître leur existence. Elles se formeront, je pense, par la force des choses, par des échanges humains, des relatio
180 re, Italie, etc. sont-ils appelés à disparaître ? Je pense que peu à peu ils se déferont. À mesure que le tissu de liens r
181 omprendre le fédéralisme. De nombreux témoignages me sont parvenus de gens qui m’appuient fortement, comme Louis Armand, J
182 nombreux témoignages me sont parvenus de gens qui m’ appuient fortement, comme Louis Armand, Jean-Jacques Servan-Schreiber
13 1970, Articles divers (1970-1973). Message aux régionalistes (16 mars 1973)
183 Message aux régionalistes (16 mars 1973)ay Je suis régionaliste pour deux raisons majeures : — parce qu’il faut FAI
14 1971, Articles divers (1970-1973). Souvenir d’Honegger et de Nicolas de Flue (1971)
184 s recevoir. Il importe au propos de ces pages que je marque d’abord la part des hasards apparents dans la création du Nic
185 parents dans la création du Nicolas de Flue qui me valut le bonheur de travailler avec Arthur Honegger. Le mercredi 28 s
186 edi 28 septembre 1938, au milieu de l’après-midi, je suis appelé au téléphone par un ami qui est à la radio suisse. Est-ce
187 donner surtout… Deux semaines plus tôt, à Venise, j’ écoutais Honegger dirigeant son Nocturne au théâtre de la Fenice. J’ép
188 r dirigeant son Nocturne au théâtre de la Fenice. J’ éprouvais une fois de plus que sa musique me touchait plus qu’aucune d
189 nice. J’éprouvais une fois de plus que sa musique me touchait plus qu’aucune de notre temps, si haut que fût à mes yeux St
190 plus qu’aucune de notre temps, si haut que fût à mes yeux Stravinski, et je me disais qu’un jour je ferais quelque chose,
191 temps, si haut que fût à mes yeux Stravinski, et je me disais qu’un jour je ferais quelque chose, un opéra peut-être, ave
192 mps, si haut que fût à mes yeux Stravinski, et je me disais qu’un jour je ferais quelque chose, un opéra peut-être, avec e
193 à mes yeux Stravinski, et je me disais qu’un jour je ferais quelque chose, un opéra peut-être, avec et pour cet homme selo
194 un opéra peut-être, avec et pour cet homme selon mon cœur… Mais ce n’était pas pour tout de suite ! Je venais d’écrire cou
195 on cœur… Mais ce n’était pas pour tout de suite ! Je venais d’écrire coup sur coup, en moins de neuf mois, L’Amour et l’O
196 ait assez pour cette année. Les menaces de guerre me firent rentrer en Suisse plus tôt que prévu. C’est à ce moment que l’
197 se plus tôt que prévu. C’est à ce moment que l’on m’ offrit d’écrire une pièce pour l’Exposition nationale qui devait s’ouv
198 le qui devait s’ouvrir à Zurich l’année suivante. J’ étais en train de sortir mes uniformes d’une malle, je n’avais pas de
199 rich l’année suivante. J’étais en train de sortir mes uniformes d’une malle, je n’avais pas de sujet et je défiais quiconqu
200 ais en train de sortir mes uniformes d’une malle, je n’avais pas de sujet et je défiais quiconque d’en trouver un, en Suis
201 uniformes d’une malle, je n’avais pas de sujet et je défiais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui fût de taille à occ
202 , qui fût de taille à occuper l’énorme scène dont j’ avais vu les plans : 35 m de large, 18 de profondeur, trois niveaux re
203 tout cela béant devant une salle de 6000 places. Je demandai quelques jours « pour réfléchir » et n’en fis rien, certain
204 églerait tout. Sur quoi, le coup de téléphone que j’ ai dit, toute la vie qui se reprend à vivre, les délais à courir, le s
205 reprend à vivre, les délais à courir, le sujet à me fuir. Le jour même, une vieille dame américaine m’avait fait remettre
206 e fuir. Le jour même, une vieille dame américaine m’ avait fait remettre sans raison apparente une biographie nouvelle de N
207 rente une biographie nouvelle de Nicolas de Flue. J’ en avais parcouru distraitement quelques pages. L’image scolaire que j
208 istraitement quelques pages. L’image scolaire que je gardais de cet ermite du xve siècle était bien pâle. Mais ce soir-là
209 du xve siècle était bien pâle. Mais ce soir-là, je reprends le livre et je découvre un personnage fascinant. Mystique na
210 en pâle. Mais ce soir-là, je reprends le livre et je découvre un personnage fascinant. Mystique naïf, au bord de l’hérésie
211 Nuit blanche. Trois actes se composent. Au matin j’ ai tout le plan de la pièce et j’en ai vu le paradoxe essentiel : peup
212 posent. Au matin j’ai tout le plan de la pièce et j’ en ai vu le paradoxe essentiel : peupler et animer une scène immense a
213 -il l’adapter à la structure chrétienne du sujet. Je songe alors au style monumental des prophètes et des psalmistes. Nul
214 ut être qu’Honegger. La part de la commande Je vais le voir à Paris. Je ne le connaissais pas. En pleine gloire, à 4
215 a part de la commande Je vais le voir à Paris. Je ne le connaissais pas. En pleine gloire, à 46 ans, il vient d’écrire
216 De quinze ans son cadet, inconnu du grand public, je ne lui apporte rien qu’une commande peu munificente. Je lui en résume
217 lui apporte rien qu’une commande peu munificente. Je lui en résume les données, j’esquisse la structure de la pièce, suggé
218 de peu munificente. Je lui en résume les données, j’ esquisse la structure de la pièce, suggérée par celle de la scène, et
219 étés, et l’on fabriquera les costumes à domicile. Je tombe bien : Honegger vient d’écrire que la seule forme théâtrale à l
220 vail dès novembre. En janvier, tout sera terminé. J’ écris d’abord le deuxième acte, et le lui envoie, puis le premier, pui
221 , puis le troisième. Une ou deux fois la semaine, je descends à Paris, de La Celle-Saint-Cloud où j’habite, et je monte au
222 , je descends à Paris, de La Celle-Saint-Cloud où j’ habite, et je monte au boulevard de Clichy avec quelques pages dans ma
223 à Paris, de La Celle-Saint-Cloud où j’habite, et je monte au boulevard de Clichy avec quelques pages dans ma poche. (J’ai
224 e au boulevard de Clichy avec quelques pages dans ma poche. (J’ai écrit le chœur des Compagnons de la Follevie sur les mar
225 ard de Clichy avec quelques pages dans ma poche. ( J’ ai écrit le chœur des Compagnons de la Follevie sur les marches de son
226 .) Nos entretiens sont strictement techniques. Il me demande combien il y a de cuivres durs et de cuivres mous dans la fan
227 ivres mous dans la fanfare de La Chaux-de-Fonds. ( Je n’en sais rien.) Il me prête un recueil de chorals luthériens, pour q
228 are de La Chaux-de-Fonds. (Je n’en sais rien.) Il me prête un recueil de chorals luthériens, pour que j’en étudie la proso
229 prête un recueil de chorals luthériens, pour que j’ en étudie la prosodie précise. Il veut savoir la fonction, la durée et
230 acune des interventions d’un des trois chœurs que j’ ai prévus. Quelquefois il m’appelle au téléphone : « Au 5e vers, 3e re
231 des trois chœurs que j’ai prévus. Quelquefois il m’ appelle au téléphone : « Au 5e vers, 3e reprise du Choral I, il manque
232 faire ? — Eh bien ! nous mettrons un soupir ». Il m’ a dit : « Quand vous écrivez les paroles d’un chœur, chantez-les sur u
233 que. » À chaque visite dans son grand atelier, il me joue au piano ce qu’il a fait. Il joue mal, je ne distingue pas grand
234 il me joue au piano ce qu’il a fait. Il joue mal, je ne distingue pas grand-chose, une fin de choral pourtant, dont il me
235 grand-chose, une fin de choral pourtant, dont il me dit en riant : « Vous voyez, ça finit comme à l’église — catholique o
236 ce sera la dernière : la guerre est pour demain — je me sens littéralement transporté ! Voici chanté, clamé ou soutenu par
237 sera la dernière : la guerre est pour demain — je me sens littéralement transporté ! Voici chanté, clamé ou soutenu par le
238 de la précision dans le sentiment, non seulement mon texte, mais tout ce que j’ai pensé, arrière-pensé en l’écrivant et re
239 timent, non seulement mon texte, mais tout ce que j’ ai pensé, arrière-pensé en l’écrivant et renoncé à y mettre faute de m
240 Et surtout, l’arrière-plan religieux (voire pour moi théologique, à cette époque) de ma « Légende dramatique » est révélé
241 x (voire pour moi théologique, à cette époque) de ma « Légende dramatique » est révélé tantôt en majesté, — toute la prièr
242 oile du matin ». La part du cœur Plus tard, je lui ai demandé le secret de cette divination spirituelle, et il m’a d
243 le secret de cette divination spirituelle, et il m’ a dit modestement : « J’apprends par cœur les paroles, et puis je me l
244 nation spirituelle, et il m’a dit modestement : «  J’ apprends par cœur les paroles, et puis je me les répète continuellemen
245 ment : « J’apprends par cœur les paroles, et puis je me les répète continuellement, dans mon atelier, dans la rue, en cond
246 t : « J’apprends par cœur les paroles, et puis je me les répète continuellement, dans mon atelier, dans la rue, en conduis
247 s, et puis je me les répète continuellement, dans mon atelier, dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’à ce que la mél
248 ent, dans mon atelier, dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’à ce que la mélodie sorte des paroles. » Je le crois,
249 i. Jusqu’à ce que la mélodie sorte des paroles. » Je le crois, c’est évident, mais cela n’explique pas tout. Il y a là plu
250 al, ni de nos positions personnelles à son égard. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs. Par pudeur ? Je ne le pense pas. Mai
251 Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs. Par pudeur ? Je ne le pense pas. Mais peut-être tout simplement parce qu’il fallait d
252 qu’un accord plus profond, par nature implicite, j’ entends de telle nature qu’il ne pût se traduire d’une manière authent
253 genre pieux, ce qu’Honegger n’est à aucun degré. Je ne crois même pas qu’il se soit jamais dit croyant, encore moins incr
254 s la plupart des œuvres « à sujet religieux » que je viens d’énumérer, doit être qualifié d’essentiellement chrétien, ce n
255 d’Ansermet, « le fondement commun du monde et de ma propre existence » (de ma conscience), ou encore « le fondement de l’
256 t commun du monde et de ma propre existence » (de ma conscience), ou encore « le fondement de l’être dans le monde, à savo
257 nt, tout s’éclaire et s’enchaîne. L’anecdote dont je parlais prend force d’exemple, les hasards apparents deviennent autan
258 t ne peut l’être que dans l’acte de foi, par quoi je n’entends pas du tout l’adhésion à quelque credo, mais la réalité de
15 1971, Articles divers (1970-1973). Quand Paul Martin voulait faire courir l’Europe (1971)
259 l Martin voulait faire courir l’Europe (1971)u Ma première rencontre avec Paul Martin s’est produite sur la scène du Th
260 n nous balançant tantôt à gauche tantôt à droite. Mon bras droit tenait le gauche d’un aîné prestigieux capable de courir 8
261 ns plus tard reparaît Paul Martin, plutôt rajeuni me semble-t-il (les petites différences d’âge s’effacent avec le temps).
262 auvinisme vociférant —, voilà une belle idée, que j’ accepte d’enthousiasme. C’était en 1954. Après deux ans d’études, de r
263 l’olympisme officiel. Quelques années plus tard, j’ eus la surprise de recevoir des papiers à en-tête du Conseil de l’Euro
264 e dernier d’un « Brevet européen du sportif ». On m’ en communiquait le texte « pour mon information, pensant que ce sujet
265 u sportif ». On m’en communiquait le texte « pour mon information, pensant que ce sujet était peut-être de nature à m’intér
266 pensant que ce sujet était peut-être de nature à m’ intéresser ». Je reconnus au premier coup d’œil « notre » texte. Stras
267 sujet était peut-être de nature à m’intéresser ». Je reconnus au premier coup d’œil « notre » texte. Strasbourg s’attribua
16 1971, Articles divers (1970-1973). L’Europe est d’abord une unité de culture (1971)
268 ope est d’abord une unité de culture (1971)x y Je pars de ce qui me paraît une évidence majeure : il nous faut faire l’
269 e unité de culture (1971)x y Je pars de ce qui me paraît une évidence majeure : il nous faut faire l’Europe afin de res
270 ologique, militaire et policière par les Russes — je songe aux pays de l’Est européen —, d’autre part à la colonisation de
271 t toujours à nouveau contre toute union fédérale, je veux parler de l’État national de type xixe siècle, jacobin et napol
272 ignement, et dans les croyances qui en résultent. Je voudrais vous le montrer rapidement, et vous montrer aussi les conclu
273 . C’est ainsi qu’à la Sorbonne, vers 1267 — comme me le faisait observer un jour Étienne Gilson —, pas un seul des grands
274 ien antérieure à l’idée même d’État-nation. Mais, me direz-vous, le mot « nation » désignait, dès ce temps, ceux qui parle
275 , des pays baltes et de la région de la Volga. On m’ objecte souvent que nos langues sont trop différentes pour que nous pu
276 cieuses diversités » sont celles de nos nations ? Je vous propose là-dessus deux observations faciles à vérifier. Chacun
277 stes, des progressistes et des conservateurs. Or, je mets en fait que dans la plupart des cas, les hommes de gauche de pay
278 e, voilà, identiquement, la Suisse. Si maintenant je transpose en termes politiques mon équation culturelle : Europe de l
279 . Si maintenant je transpose en termes politiques mon équation culturelle : Europe de la culture = courants continentaux e
280 me il est arrivé de nos frontières cantonales, et je ne crois pas que nous y ayons perdu quoi que ce soit de vraiment préc
281 ns pas à une Europe des États-nations souverains. Je l’ai souvent dit : ce serait une amicale des misanthropes — chose qu’
282 ou alors elle ne se fera pas sérieusement. Voilà, je pense, la perspective qui s’ouvre à nous. Elle n’a rien pour nous eff
283 à redouter de la disparition des frontières. Mais je vois là aussi plus qu’une incitation : un appel, un devoir d’agir. Il
284 il nous dicte une ligne de conduite et d’action. Je sais bien que les Suisses sont timides et qu’ils en font même une ver
17 1971, Articles divers (1970-1973). L’héritage culturel de l’Europe (1971)
285 ’avenir. Il est cette part du passé qui à la fois m’ ouvre un certain avenir et par avance le limite. Je ne le connaîtrai v
286 ’ouvre un certain avenir et par avance le limite. Je ne le connaîtrai vraiment qu’en découvrant à l’expérience ce qu’il me
287 vraiment qu’en découvrant à l’expérience ce qu’il me dicte ou m’interdit, mais aussi ce qu’il m’incite ou m’autorise à mod
288 en découvrant à l’expérience ce qu’il me dicte ou m’ interdit, mais aussi ce qu’il m’incite ou m’autorise à modifier d’une
289 qu’il me dicte ou m’interdit, mais aussi ce qu’il m’ incite ou m’autorise à modifier d’une manière inédite — qui sera moi.
290 te ou m’interdit, mais aussi ce qu’il m’incite ou m’ autorise à modifier d’une manière inédite — qui sera moi. Distinguons
291 orise à modifier d’une manière inédite — qui sera moi . Distinguons donc trois sens possibles, du moins pour un Européen, de
292 comprend plus — et voilà quelqu’un de cultivé. Si je dis au contraire que la culture est ce que l’homme ajoute à la nature
293 ysage européen est un fait de culture au sens que je viens de noter.) Et non seulement le phénomène culturel englobe les a
294 Tout cela est européen. Tout cela est culturel ou je ne sais pas ce que c’est. Et tout cela vit en chacun de nous, sous fo
295 le — n’est pas exceptionnel : il est irrécusable. J’ entends qu’il est universel. Pas un seul d’entre nous n’y échappe. Que
296 nt trop connus et trop souvent exaltés pour qu’il me soit besoin de les analyser. Il s’agit de : —l’esprit critique ou rem
18 1971, Articles divers (1970-1973). 6 et 7 février, vote sur le suffrage féminin : supprimer un anachronisme et une injustice (4 février 1971)
297 nomènes qui se sont produits au xiie siècle dont j’ ai longuement parlé dans mon livre L’Amour et l’Occident . Et mainten
298 s au xiie siècle dont j’ai longuement parlé dans mon livre L’Amour et l’Occident . Et maintenant, c’est une chose admise 
299 errier et si l’on entre dans la société actuelle, je défie qui que ce soit de m’expliquer en quoi les hommes seraient priv
300 la société actuelle, je défie qui que ce soit de m’ expliquer en quoi les hommes seraient privilégiés par rapport aux femm
301 isses d’accorder l’égalité politique aux femmes ? Je crois que cela forme l’inconscient des Suisses, très fortement. Et vo
302 nos mères plus qu’à nos pères, en grande partie. Je n’entends pas culture au sens scolaire, universitaire du terme. Mais
303 ès important et on l’oublie toujours. D’ailleurs, je reproche beaucoup aux femmes suisses d’avoir transporté ces valeurs m
304 nt pas accordé le même poids au rôle de la femme. Je pense que c’est spécifiquement européen, parce que notre civilisation
305 ce au point de vue public entre hommes et femmes. Je ne dis pas du tout qu’il n’y a pas de différence entre masculin et fé
306 ’y a pas de différence entre masculin et féminin. Je dis que sur le plan de la vie publique il n’y en a pas. Je n’en vois
307 e sur le plan de la vie publique il n’y en a pas. Je n’en vois pas. Les seules que nous croyons voir, que nous imaginons v
19 1971, Articles divers (1970-1973). Arnaud Dandieu, la révolution et les régions (mars 1971)
308 rnaud Dandieu définissait la seule révolution que je tienne aujourd’hui encore pour nécessaire et réalisable comme un élan
309 rence qu’il donnait en 1931 sur l’idée de nation, je recopie ces lignes4 : Plaçons-nous sur le plan de la tradition révol
310 ormulé les concepts opératoires. Et pour ma part, je ne cesse de mieux mesurer ce que j’ai dû et dois encore aux trop brèv
311 pour ma part, je ne cesse de mieux mesurer ce que j’ ai dû et dois encore aux trop brèves années de notre collaboration pol
20 1971, Articles divers (1970-1973). Les régions et la civilisation (mars 1971)
312 tique au sens étroit du terme, il est un fait que je crois indispensable de mettre en relief ; c’est que les études région
313 s par les manuels et les doctrines nationalistes, je n’imagine pas de principe méthodologique plus fécond, pour cette rena
21 1971, Articles divers (1970-1973). L’Amour et l’Europe : L’Express va plus loin… avec D. de Rougemont (12 avril 1971)
314 commun entre ces deux activités ? En somme, vous me demandez si mon système est sérieux ? Dans ma Lettre ouverte aux Eur
315 es deux activités ? En somme, vous me demandez si mon système est sérieux ? Dans ma Lettre ouverte aux Européens j’ai écr
316 ous me demandez si mon système est sérieux ? Dans ma Lettre ouverte aux Européens j’ai écrit que l’Europe, c’est 480 mil
317 sérieux ? Dans ma Lettre ouverte aux Européens j’ ai écrit que l’Europe, c’est 480 millions d’Européens qui s’ignorent,
318 nous unir très vite dans une fédération. Or, pour moi , le couple est la première cellule de ce que j’appelle le fédéralisme
319 moi, le couple est la première cellule de ce que j’ appelle le fédéralisme, c’est-à-dire l’union dans la diversité. Commen
320 n fait : dans l’amour, dans nos manières d’aimer, je trouve la racine de mondes politiques différents. Ce n’est que peu à
321 est que peu à peu, d’ailleurs, que s’est révélé à moi le principe de cohérence entre le couple, la personne et le fédéralis
322 est très difficile d’exprimer, et c’est pourquoi j’ écris tant de livres : la coexistence des contraires. Vous connaissez
323 taires ! Le meilleur de l’esprit européen est né, je crois, de cette formule du premier philosophe grec, au vie siècle av
324 xistence des contraires est donc le couple ? Dans mon action en faveur d’une fédération européenne, j’ai défini le fédérali
325 mon action en faveur d’une fédération européenne, j’ ai défini le fédéralisme comme la coexistence en tension de réalités é
326 ques. N’est-ce pas le cas du couple ? Un jour, on m’ a demandé dans un débat à la radio : « Ne craignez-vous pas que les Eu
327 les uns des autres pour jamais pouvoir s’unir ? » J’ ai répondu : « Ne craignez-vous pas que les hommes et les femmes ne so
328 s ? » Voilà dévoilée l’équation de base de ce que j’ ai écrit aussi bien dans L’Amour et l’Occident sur le couple humain
329 il passionné depuis trente ans ? Cherchez bien et je suis sûr que vous trouverez. Regardez autour de vous : le mariage occ
330 Serait-ce une base désastreuse pour le mariage ? Je le disais en 1938, je n’ai pas changé d’avis. Nous entrons dans le ma
331 sastreuse pour le mariage ? Je le disais en 1938, je n’ai pas changé d’avis. Nous entrons dans le mariage généralement par
332 passion n’est pas possible dans le mariage ? Non. Je dis autre chose : je dis qu’il est l’ennemi du mariage. Ce n’est pas
333 sible dans le mariage ? Non. Je dis autre chose : je dis qu’il est l’ennemi du mariage. Ce n’est pas par hasard que le jug
334 animement admise par les troubadours. Finalement, j’ ai découvert que le mythe de Tristan et Iseut est l’ennemi intime du m
335 romanesque au Moyen Âge. L’avez-vous influencé ? J’ ai rencontré McLuhan à Toronto, en 1969. Je sais par ses étudiants qu’
336 encé ? J’ai rencontré McLuhan à Toronto, en 1969. Je sais par ses étudiants qu’il parle souvent de mes thèses dans ses cou
337 Je sais par ses étudiants qu’il parle souvent de mes thèses dans ses cours. Quand l’historien Charles Seignobos écrivit dé
338 u’on l’écrit, tel qu’on le vit jusqu’à nos jours. Je pense surtout aux effets dégradés du mythe à travers les siècles, s’e
339 s ont été merveilleusement malheureux ! Comprenez- moi bien : je n’ai aucune recette pour l’amour. Je constate que la passio
340 erveilleusement malheureux ! Comprenez-moi bien : je n’ai aucune recette pour l’amour. Je constate que la passion et le ma
341 z-moi bien : je n’ai aucune recette pour l’amour. Je constate que la passion et le mariage sont des adversaires fondamenta
342 riage sont des adversaires fondamentaux, bien que je sois pris, moi aussi, dans le drame qui les oppose. Aujourd’hui, je d
343 adversaires fondamentaux, bien que je sois pris, moi aussi, dans le drame qui les oppose. Aujourd’hui, je distingue l’amou
344 aussi, dans le drame qui les oppose. Aujourd’hui, je distingue l’amour dans le mariage — amour actif — de l’amour-passion
345 plupart des gens peuvent difficilement admettre. Je peux vous dire pourquoi, car tout est parti du mythe de Tristan. La R
346 que se passe-t-il dans les autres civilisations ? Je n’ai rien trouvé de tel en Orient, en Inde, en Chine, où n’existe auc
347 contraire, au dépassement et à la dissolution du moi . En revanche, la littérature érotique y est très développée, sacrée m
348 ’a confirmé le maître du zen, Suzuki, à propos de mes livres, pour le Japonais traditionnel les relations entre les sexes s
349 re liberté. Mais vous, que souhaitez-vous ? Quand je pense à l’amour « programmé », calculé, je suis évidemment pour l’amo
350 Quand je pense à l’amour « programmé », calculé, je suis évidemment pour l’amour-passion, bien qu’il ne soit pas viable.
351 venant l’une par l’autre ce qu’elles sont. Ce que je veux défendre, c’est donc, en fin de compte, un certain état de tensi
352 les « spécialistes » de la Sorbonne, indignés de me voir transgresser les frontières de leurs disciplines. Aujourd’hui, m
353 les frontières de leurs disciplines. Aujourd’hui, mon livre est au programme de licence… Il a influencé beaucoup d’auteurs
354 nné pour un anniversaire son propre exemplaire de mon livre, abondamment annoté), voire des sociologues, comme Lewis Mumfor
355 rotisme, l’amour-passion et une éthique. En 1969, j’ ai fait sur ce sujet une conférence à l’université d’Indiana, et, l’ét
356 l’été dernier, un professeur de cette université m’ a dit : « Cela a été la dernière fois que les contestataires et les ge
357 us, quel est l’avenir de l’amour ? D’une part, il me semble que les jeunes gens d’aujourd’hui tiennent un peu mieux compte
358 e les psychanalystes les rassurent : « Très bien, mes enfants, pas d’excès, mais enfin, il faut bien apprendre les choses… 
359 immédiat. Dans un livre, Les Mythes de l’amour , j’ ai analysé trois succès mondiaux : Lolita, de Vladimir Nabokov, Le Doc
360 ernak, et L’Homme sans qualités, de Robert Musil. J’ ai retrouvé l’archétype de Tristan à travers ces trois livres ; les tr
361 compte, pour vous, quel serait le couple idéal ? Je voudrais que Tristan découvre Iseut, qu’Iseut découvre Tristan, et qu
362 t découvre Tristan, et qu’ils sachent leurs noms. Je voudrais qu’ils cessent de dire comme dans l’opéra de Wagner : « Non,
363 quand combattez-vous le totalitarisme ? Dès 1932, j’ ai contribué avec mes amis Emmanuel Mounier, Arnaud Dandieu, Alexandre
364 le totalitarisme ? Dès 1932, j’ai contribué avec mes amis Emmanuel Mounier, Arnaud Dandieu, Alexandre Marc, le mathématici
365 âtir une société ? Niveau de vie ou mode de vie ? Je me suis senti justifié. La jeunesse a redécouvert notre question tren
366 r une société ? Niveau de vie ou mode de vie ? Je me suis senti justifié. La jeunesse a redécouvert notre question trente
367 aison nécessaire entre personne et communauté que je lançai alors un mot qui allait faire fortune un peu plus tard : engag
368 lait faire fortune un peu plus tard : engagement. Mon opposition au nazisme me valut d’ailleurs, en 1940, d’être envoyé en
369 plus tard : engagement. Mon opposition au nazisme me valut d’ailleurs, en 1940, d’être envoyé en Amérique… où j’allais déc
370 ’ailleurs, en 1940, d’être envoyé en Amérique… où j’ allais découvrir l’Europe. Comment cela ? On prend conscience des chos
371 On prend conscience des choses quand on les perd. Je n’étais pas le seul dans ce cas à New York. Quand j’ai rencontré Eins
372 n’étais pas le seul dans ce cas à New York. Quand j’ ai rencontré Einstein, à Princeton, il m’a dit : « Vous n’avez pas idé
373 k. Quand j’ai rencontré Einstein, à Princeton, il m’ a dit : « Vous n’avez pas idée de la transformation intellectuelle de
374 s l’impact des Européens immigrés. En 1922, quand je suis allé aux États-Unis pour une tournée de conférences sur le sioni
375 es sur le sionisme, la médiocrité des universités m’ a surpris. Le changement inouï qui s’est produit depuis lors est dû en
376 lles circonstances avez-vous rencontré Einstein ? Je venais d’écrire les Lettres sur la bombe atomique , à la suite de Hi
377 suite de Hiroshima. Un soir, le téléphone sonne. J’ entends : « Ici, Einstein. » C’est un peu comme si vous entendiez : « 
378 farce ou c’est un esprit… Einstein venait de lire mon livre « pour la deuxième fois » et me demandait si j’étais libre ce s
379 it de lire mon livre « pour la deuxième fois » et me demandait si j’étais libre ce soir… En Amérique, on l’accusait de com
380 ivre « pour la deuxième fois » et me demandait si j’ étais libre ce soir… En Amérique, on l’accusait de communisme, parce q
381 ngs ! Nous avons parlé de l’union de l’Europe. Il m’ a dit : « Vous êtes bien optimiste. Cela prendra un temps fou. En tout
382 e nous n’était certain de jamais revoir l’Europe. J’ écrivais deux textes par jour pour « La Voix de l’Amérique parle aux F
383 Breton, Lévi-Strauss étaient les « parleurs » de mes textes. Mais pourquoi êtes-vous allé en Amérique pendant la guerre ?
384 pris l’entrée de Hitler à Paris, le 15 juin 1940. J’ écrivais : « C’est ici l’impuissance tragique de ce victorieux : tout
385 des services de renseignements de l’armée suisse m’ apprit qu’une démarche avait été faite le matin même de la parution de
386 « Vous mettez en danger la sécurité de la Suisse, me dit ce colonel, mais j’ai aimé votre article. » Plus tard, le Conseil
387 la sécurité de la Suisse, me dit ce colonel, mais j’ ai aimé votre article. » Plus tard, le Conseil fédéral jugea plus prud
388 us tard, le Conseil fédéral jugea plus prudent de m’ expédier en mission aux États-Unis, où les circonstances m’ont contrai
389 r en mission aux États-Unis, où les circonstances m’ ont contraint à demeurer six ans. Depuis vingt ans, vous consacrez une
390 Ne craignez-vous pas d’avoir perdu votre temps ? Je suis probablement l’écrivain qui a présidé le plus grand nombre de co
391 à quelque chose. C’est une des lois de l’action. Je crois que nous pourrons faire l’Europe d’ici à vingt ans sur la base
392 r la base des régions, au-delà des nationalismes. Je constate d’ailleurs que les doutes sur l’Europe et la vitalité de sa
393 Marché commun, hommes politiques, universitaires, je crois vraiment que l’action du Centre européen de la culture a imposé
394 autres cherchent à bâtir l’Europe de l’économie ; moi , j’ai cherché celle des valeurs et celle des hommes. On vous reproche
395 s cherchent à bâtir l’Europe de l’économie ; moi, j’ ai cherché celle des valeurs et celle des hommes. On vous reproche de
396 On vous reproche de faire de l’européocentrisme ? Je ne donne une place ni grande ni petite à l’Europe : je dis ce qu’elle
397 donne une place ni grande ni petite à l’Europe : je dis ce qu’elle est parmi les vingt-deux ou vingt-trois civilisations
398 e sont ajoutées des influences arabes, slaves, et j’ en passe. Tout cela l’a distinguée des autres grandes civilisations, f
399 udiants progressistes de l’Université de Berkeley m’ ont demandé de leur parler des valeurs occidentales : « Je sais, leur
400 mandé de leur parler des valeurs occidentales : «  Je sais, leur ai-je dit, vous n’y croyez plus. Mais qu’est-ce qui existe
401 ler des valeurs occidentales : « Je sais, leur ai- je dit, vous n’y croyez plus. Mais qu’est-ce qui existe à la place, selo
402 règne majestueux sur des sujets. En France, quand j’ ai des démêlés, comme tout le monde, avec des fonctionnaires, douanier
403 onctionnaires, douaniers, percepteurs, gendarmes, je finis toujours par leur dire : « Monsieur, je ne suis pas votre sujet
404 es, je finis toujours par leur dire : « Monsieur, je ne suis pas votre sujet, mais un libre citoyen. C’est le fonctionnair
405 n la forme une et indivisible de l’État français. Je connais un Breton qui a fait un livre sur l’Europe régionaliste… Eh b
406 réation de la CECA et à la CE. Mais il y a ce que j’ appelle l’illusion Monnet : croire que l’économique entraînera nécessa
407 part des superstructures. Eh bien, en ce sens-là, je suis maoïste ! Je crois que la révolution part des grandes options, d
408 ctures. Eh bien, en ce sens-là, je suis maoïste ! Je crois que la révolution part des grandes options, d’une culture, des
409 l’Europe ? Les statistiques sur l’idée européenne me permettent de rappeler cette phrase un peu cynique de Louis Armand :
410 es jours plus d’anti-Européens qu’il n’en naît. » Je suis certain que nous irons vers des solutions fédéralistes, régional
411 lus de vocation, on le jette à la poubelle ; pour moi , c’est cela, l’Enfer. Pour combattre ce que vous appelez l’Enfer, cro
412 p fier de l’Europe. Comment voyez-vous l’avenir ? Je crois au progrès. Je l’ai décrit, dans L’Aventure occidentale de l’h
413 omment voyez-vous l’avenir ? Je crois au progrès. Je l’ai décrit, dans L’Aventure occidentale de l’homme , en tant qu’acc
414 la science, qui est à double tranchant. Ou bien, je vous l’ai dit, nous irons vers l’ennui collectif. Mais il me semble i
415 i dit, nous irons vers l’ennui collectif. Mais il me semble improbable que cet ennui ne recrée pas en profondeur la soif d
22 1971, Articles divers (1970-1973). [Entretien] Le diable existe, vous pouvez le rencontrer (17 mai 1971)
416 e au cyclope aveuglé à l’entrée de la caverne : «  Mon nom est Personne. De quoi aurais-tu peur ? Je ne suis pas là… » C’est
417 « Mon nom est Personne. De quoi aurais-tu peur ? Je ne suis pas là… » C’est ce que fait Satan ? Singeant Dieu, mais à reb
418  ? Singeant Dieu, mais à rebours, il nous dit : «  Je suis celui qui n’est pas ! ». Il est la force dépersonnalisante de l’
419 oderne du diable, tel que vous le concevez ? Pour m’ exprimer en des termes empruntés à la physique moderne, je dirais que
420 er en des termes empruntés à la physique moderne, je dirais que le diable, c’est l’entropie. Qu’est-ce que l’entropie ? C’
421 al de notre siècle, le contraire absolu de ce que j’ ai appelé le « personnalisme », qui consiste à assumer sa vocation per
422 tout ce qu’il faut pour qu’on ne le détecte pas ? Je disais que Satan nous fait croire, premièrement, qu’il n’existe pas,
423 : « Qu’est-ce que tu as fait ? », il proteste : «  Je n’y étais pas, c’est elle qui a tout fait, c’est elle qui m’a tendu l
424 s pas, c’est elle qui a tout fait, c’est elle qui m’ a tendu la pomme ; moi, je n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’est p
425 a tout fait, c’est elle qui m’a tendu la pomme ; moi , je n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’est passé ; j’étais derrièr
426 ut fait, c’est elle qui m’a tendu la pomme ; moi, je n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’est passé ; j’étais derrière le
427 le qui m’a tendu la pomme ; moi, je n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’est passé ; j’étais derrière les buissons, au mi
428 n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’est passé ; j’ étais derrière les buissons, au milieu des arbres du jardin. » L’actio
429 t le cas de la passion amoureuse vulgarisée, dont j’ ai parlé dans L’Amour et l’Occident . La passion, qui devient une dro
430 onversation sur les Américains, dont la faiblesse me paraissait être dans leur incapacité à croire au mal pur, donc au dia
431 oire au mal pur, donc au diable. Jacques Maritain m’ avait dit : « Pourquoi n’écrivez-vous pas un livre sur le diable ? ».
432 oi n’écrivez-vous pas un livre sur le diable ? ». J’ ai répondu : « Si j’écris un livre sur le diable, tout le monde va me
433 s un livre sur le diable ? ». J’ai répondu : « Si j’ écris un livre sur le diable, tout le monde va me croire diabolique… »
434 j’écris un livre sur le diable, tout le monde va me croire diabolique… » J’ai pourtant commencé l’ouvrage après un an de
435 diable, tout le monde va me croire diabolique… » J’ ai pourtant commencé l’ouvrage après un an de mon séjour en Amérique.
436 » J’ai pourtant commencé l’ouvrage après un an de mon séjour en Amérique. La Suisse m’y avait envoyé en mission à la suite
437 après un an de mon séjour en Amérique. La Suisse m’ y avait envoyé en mission à la suite d’un article que j’avais publié s
438 ait envoyé en mission à la suite d’un article que j’ avais publié sur l’entrée de Hitler à Paris, et qui m’avait valu quinz
439 ais publié sur l’entrée de Hitler à Paris, et qui m’ avait valu quinze jours de prison militaire. J’ai écrit les cinquante
440 ui m’avait valu quinze jours de prison militaire. J’ ai écrit les cinquante premières pages en vingt-quatre heures, sans so
441 ères pages en vingt-quatre heures, sans sortir de mon atelier, puis j’ai voulu aller dans un restaurant du quartier. Il éta
442 t-quatre heures, sans sortir de mon atelier, puis j’ ai voulu aller dans un restaurant du quartier. Il était tard, les patr
443 les patrons étaient seuls, et l’on s’est écrié en me voyant entrer : « Voilà le diable ! ». J’ai déguerpi, sans demander m
444 crié en me voyant entrer : « Voilà le diable ! ». J’ ai déguerpi, sans demander mon reste. Cinq semaines plus tard, le livr
445 Voilà le diable ! ». J’ai déguerpi, sans demander mon reste. Cinq semaines plus tard, le livre était fini : soixante-six co
446 ini : soixante-six courts chapitres, et voilà que je découvre que 666… est le chiffre du diable, qui refuse d’arriver à 7,
447 élèbre. L’un des meurtriers, en effet, criait : «  Je suis le diable ici pour faire l’œuvre du diable ! ». Il portait les c
448 r maître ou gourou, les autres à leurs officiers. Je dis que c’est le second cas qui est vraiment diabolique, parce que l’
449 été en plein cœur. Peut-on rencontrer le diable ? J’ ai écrit un jour : « Si vous voulez sérieusement trouver le diable et
23 1971, Articles divers (1970-1973). Fédération ou confédération ? (juillet-août 1971)
450 er de l’expérience suisse de 1848 une formule qui me paraîtrait susceptible de faciliter l’union de l’Europe d’aujourd’hui
451 ne partie de leurs souverainetés réaffirmées ! On me dira que c’est un tour de passe-passe. Je réponds qu’il a bien réussi
452 es ! On me dira que c’est un tour de passe-passe. Je réponds qu’il a bien réussi. Et j’observe qu’un pouvoir fédéral europ
453 e passe-passe. Je réponds qu’il a bien réussi. Et j’ observe qu’un pouvoir fédéral européen, constitué selon la même formul
454 ent par une nécessité qu’ils espèrent temporaire, je pense que les fédéralistes européens peuvent accepter le mot s’il fac
24 1971, Articles divers (1970-1973). Un marchand d’eau sucrée (19 décembre 1971)
455 llution et des gens savants qui s’en occupent : «  Je donne aux inventeurs de cette psychose le prix Nobel de l’escroquerie
456 dextrose de M. Pauwels — dextrose étant synonyme, je le rappelle, de glucose, liquide sucré. Le succès foudroyant de son l
457 liquide sucré. Le succès foudroyant de son livre me paraît d’ailleurs plus significatif que le livre lui-même. Comment vo
25 1972, Articles divers (1970-1973). Europe divisée ou Europe fédérée ? (1972)
458 mes préparés à répondre à ce défi sans précédent. Je vais avouer d’abord mes raisons d’en douter. I. Le savant et le cit
459 à ce défi sans précédent. Je vais avouer d’abord mes raisons d’en douter. I. Le savant et le citoyen Je lis sur la co
460 sons d’en douter. I. Le savant et le citoyen Je lis sur la couverture d’un des ouvrages de prospective les plus fameu
461 ns à celle des savants ». On nous dit aussi (mais je m’assure que ce ne sont pas les auteurs qui ont écrit cela) que « dep
462 à celle des savants ». On nous dit aussi (mais je m’ assure que ce ne sont pas les auteurs qui ont écrit cela) que « depuis
463 étique mais rationnelle et méthodique ». Sur quoi je lis l’ouvrage et je constate que nos savants (d’ailleurs honnêtes et
464 lle et méthodique ». Sur quoi je lis l’ouvrage et je constate que nos savants (d’ailleurs honnêtes et scrupuleux) sont en
465 ement, ce qui se fera dans tel avenir… sans eux ! J’ entends sans nulle action dont ils se fassent les avocats, qu’ils se p
466 e l’avenir paraît aller de soi pour la plupart de mes contemporains. C’est pour cela, précisément, que j’éprouve le besoin
467 contemporains. C’est pour cela, précisément, que j’ éprouve le besoin d’analyser les difficultés qu’elle implique, apories
468 e dans la structure dynamique du phénomène, comme j’ ai tenté de le montrer dans L’Amour et l’Occident 9. Le positivisme
469 ceux qui le vivront « Vous dites : Où vas-tu ? Je l’ignore et j’y vais », osait écrire Victor Hugo. Voilà qui est beauc
470 ront « Vous dites : Où vas-tu ? Je l’ignore et j’ y vais », osait écrire Victor Hugo. Voilà qui est beaucoup plus sensé
471 lus sensé qu’il n’y paraît à première vue. Car si je savais ce qui m’attend « là-bas » en l’an 2000, je refuserais sans do
472 ’y paraît à première vue. Car si je savais ce qui m’ attend « là-bas » en l’an 2000, je refuserais sans doute d’avancer, j’
473 e savais ce qui m’attend « là-bas » en l’an 2000, je refuserais sans doute d’avancer, j’irais plutôt chez les hippies. Mai
474 en l’an 2000, je refuserais sans doute d’avancer, j’ irais plutôt chez les hippies. Mais je me tromperais : car ce « là-bas
475 d’avancer, j’irais plutôt chez les hippies. Mais je me tromperais : car ce « là-bas » ne m’attend pas tel que je suis. Im
476 avancer, j’irais plutôt chez les hippies. Mais je me tromperais : car ce « là-bas » ne m’attend pas tel que je suis. Imagi
477 ies. Mais je me tromperais : car ce « là-bas » ne m’ attend pas tel que je suis. Imaginer l’avenir est faux et dangereux da
478 erais : car ce « là-bas » ne m’attend pas tel que je suis. Imaginer l’avenir est faux et dangereux dans la mesure même où
479 varié, et le genius loci agit (par des moyens que je n’ai pas à examiner ici) de manière à maintenir l’invariant local et
480 nt la participation sociale, civique et politique me paraissent être la dimension dans l’habitat ou le cadre urbain, le ni
481 différents niveaux communautaires ? Voilà qui ne me paraît ni souhaitable ni possible, non pas que j’aie des doutes sur l
482 me paraît ni souhaitable ni possible, non pas que j’ aie des doutes sur la valeur du modèle — il est le meilleur que je pui
483 sur la valeur du modèle — il est le meilleur que je puisse imaginer — mais du fait même qu’il aura pour fonction de conju
484 ité à moyen terme d’investissements spéculatifs. ( Je reviendrai plus loin sur le droit à l’inadaptation comme condition de
485 c’est-à-dire globale. Si la commune est l’aire où ma voix peut se faire entendre, alors « le monde est ma commune » peut d
486 voix peut se faire entendre, alors « le monde est ma commune » peut dire l’homme de la fin de ce siècle. Pour Teilhard de
487 ispensable la formule des assemblées à distance : je veux parler de la pluralité des types de régions et des associations
488 es d’action », comme l’a fort bien dit A. Clarke. J’ ai rappelé divers sens du verbe participer, et que certains sont actif
489 er. Il n’est pas sans intérêt de relever ici que ma description des passifs et des actifs civiques recouvre assez exactem
490 ques recouvre assez exactement la distinction que je posais en débutant entre futurologues scientifiques et prophètes. L’a
491 emps que les nécessités de se déplacer diminuent. J’ ai parlé tout à l’heure des conseils d’administration tenus en vidéoph
492 es personnels ? Il est possible — et pour ma part j’ y crois, sans rien pouvoir prouver — que la présence « en chair et en
493 nt de civisme. 7. La liberté d’inadaptation J’ ai parlé de dysfonctions sociales et de discordances chronologiques po
494 égativité. En conclusion ouverte sur l’avenir, il me reste à définir, pour le revendiquer, ce droit suprême de la personne
26 1972, Articles divers (1970-1973). L’ingénieur dans la cité (1971-1972)
495 a cité (1971-1972)w La question « Que faire de ma vie ? » définit l’anxiété du jeune homme d’aujourd’hui lorsqu’il atte
496 ntes coutumières : la majorité des jeunes gens de ma génération me paraissent avoir choisi le métier qui était à la fois l
497 es : la majorité des jeunes gens de ma génération me paraissent avoir choisi le métier qui était à la fois le moins éloign
498 re le comportement de la plupart des Occidentaux, je vois paraître une motivation aussi différente de la coutume que du pr
499 te de la coutume que du profit : celle du sens de ma vie, du sens de la société, et du sens de ma participation — ou non —
500 s de ma vie, du sens de la société, et du sens de ma participation — ou non — à cette société. Prenons l’exemple de l’ingé
27 1972, Articles divers (1970-1973). Forteresse au centre de l’Europe : la Suisse (1972)
501 au centre de l’Europe : la Suisse (1972)ak al Je rentrais de l’espace. Des heures durant, je l’avais vue qui tournait
502 al Je rentrais de l’espace. Des heures durant, je l’avais vue qui tournait lentement, merveilleuse, éclatante, seule vi
503 bleue, verte et blanche dans le noir éternel, et je l’avais aimée comme une femme qui vient, comme une patrie d’enfance q
504 carrefour des grands axes nord-sud et est-ouest, je reconnais immédiatement la Suisse. Or, il y a vingt-cinq Suisses, vin
505 le voir des airs, tandis que nous descendons vers mon pays natal. Un certain éclat, des couleurs, du vert d’abord. Souvenir
28 1972, Articles divers (1970-1973). Au centre du monde, Lavaux (1972)
506 uste — ou l’adhésion d’une ferveur déconcertante. Je voudrais essayer, pour ma part, d’énumérer au sujet de Lavaux quelque
507 Lavaux quelques faits vrais, dont la discordance m’ inquiète : elle m’empêche de m’abandonner à l’euphorie d’un lyrisme co
508 aits vrais, dont la discordance m’inquiète : elle m’ empêche de m’abandonner à l’euphorie d’un lyrisme contemplatif, ou de
509 ont la discordance m’inquiète : elle m’empêche de m’ abandonner à l’euphorie d’un lyrisme contemplatif, ou de céder à cette
29 1972, Articles divers (1970-1973). Le sort de l’an 2000 se joue dans nos écoles (mars 1972)
510 cœur du bassin de l’industrie lourde de l’URSS.) J’ ai mis deux de mes étudiants sur ce problème. Ils ont trouvé que la gr
511 e l’industrie lourde de l’URSS.) J’ai mis deux de mes étudiants sur ce problème. Ils ont trouvé que la grande majorité des
512 lenchement du processus fédéraliste européen. Or, je ne vois aucune méthode meilleure que celle qu’ont adoptée, depuis dix
513 tiques, au sens de stratégie de l’humanité. Qu’il me suffise d’une phrase-image pour résumer toute la révolution que nous
30 1972, Articles divers (1970-1973). Autopsie d’un cas : Denis de Rougemont (15 mars 1972)
514 ication de L’Amour et l’Occident ? Effectivement, j’ ai publié L’Amour et l’Occident au début des années 1939, mais ce n’
515 s années 1939, mais ce n’était pas tombé du ciel. Je m’occupais de questions politiques depuis les années 1930, quand je s
516 nnées 1939, mais ce n’était pas tombé du ciel. Je m’ occupais de questions politiques depuis les années 1930, quand je suis
517 uestions politiques depuis les années 1930, quand je suis arrivé à Paris et que j’ai tout de suite collaboré avec des grou
518 années 1930, quand je suis arrivé à Paris et que j’ ai tout de suite collaboré avec des groupes de jeunes écrivains, socio
519 Dandieu, Alexandre Marc et Robert Aron. Moi-même, j’ étais à che­val sur les deux groupes. J’ai collaboré aux deux premiers
520 Moi-même, j’étais à che­val sur les deux groupes. J’ ai collaboré aux deux premiers numéros et ensuite à la plupart des aut
521 spécialement économiques, d’autres sociologiques. Moi , je faisais des études qui étaient plus portées vers une sociologie d
522 alement économiques, d’autres sociologiques. Moi, je faisais des études qui étaient plus portées vers une sociologie de la
523 ie de la culture ou de la morale. C’est ainsi que j’ ai écrit un de mes premiers livres. Il est intitulé : Penser avec les
524 ou de la morale. C’est ainsi que j’ai écrit un de mes premiers livres. Il est intitulé : Penser avec les mains 15 et il e
525 actement qui l’a dit en premier, de Mounier ou de moi . En tout cas, dans un premier livre publié à Paris, en 1934, intitulé
526 uite, par toutes sortes de raisons biographiques, j’ ai été amené à m’intéresser beaucoup à l’opposition entre la passion e
527 sortes de raisons biographiques, j’ai été amené à m’ intéresser beaucoup à l’opposition entre la passion et le mariage dans
528 ginelle en Occident. Et d’autre part, le mariage. J’ ai étudié cette question par une espèce de symétrie entre les deux gra
529 vous voulez, c’est simplement une application de mes doctrines de la personne au domaine de l’amour et du mariage. Je repr
530 la personne au domaine de l’amour et du mariage. Je représentais le mariage comme le régime même de la personne, la manif
531 es antinomies ou les maintenir en tension. Alors, j’ ai poussé plus loin. Quand j’ai été rappelé en Suisse par la mobilisat
532 r en tension. Alors, j’ai poussé plus loin. Quand j’ ai été rappelé en Suisse par la mobilisation — j’étais officier, charg
533 j’ai été rappelé en Suisse par la mobilisation — j’ étais officier, chargé des relations entre l’état-major, les troupes e
534 ns entre l’état-major, les troupes et le public — j’ ai été amené à me poser un tas de questions sur la politique, sur la f
535 ajor, les troupes et le public — j’ai été amené à me poser un tas de questions sur la politique, sur la formule politique
536 alisme de votre pays semble être une découverte ? J’ y pensais depuis longtemps mais je ne savais pas à quel point la Suiss
537 ne découverte ? J’y pensais depuis longtemps mais je ne savais pas à quel point la Suisse avait réalisé le fédéralisme. Bi
538 éralisme. Bien qu’élevé en Suisse, effectivement, je ne m’étais jamais intéressé à la vie politique du pays. Parce que vou
539 me. Bien qu’élevé en Suisse, effectivement, je ne m’ étais jamais intéressé à la vie politique du pays. Parce que vous avez
540 Parce que vous avez beaucoup vécu à l’étranger ? J’ ai vécu à Paris depuis l’âge de 25 ans. J’ai été ramené en Suisse par
541 anger ? J’ai vécu à Paris depuis l’âge de 25 ans. J’ ai été ramené en Suisse par la mobilisation, en 1939 ; j’avais 33 ans.
542 é ramené en Suisse par la mobilisation, en 1939 ; j’ avais 33 ans. Puis, j’ai été envoyé aux États-Unis pour y faire des co
543 la mobilisation, en 1939 ; j’avais 33 ans. Puis, j’ ai été envoyé aux États-Unis pour y faire des conférences sur le fédér
544 isse. Mais aussi pour y faire jouer une pièce que j’ avais écrite pour l’Exposition nationale de 1939 et qui avait été mise
545 ger. Nous en avions tiré un oratorio16. La guerre m’ a surpris là-bas et j’y suis resté six ans. Je ne suis rentré définiti
546 ré un oratorio16. La guerre m’a surpris là-bas et j’ y suis resté six ans. Je ne suis rentré définitivement qu’en 1947. Aux
547 rre m’a surpris là-bas et j’y suis resté six ans. Je ne suis rentré définitivement qu’en 1947. Aux États-Unis, j’ai découv
548 rentré définitivement qu’en 1947. Aux États-Unis, j’ ai découvert l’Europe. Il fallait donc s’éloigner pour la retrouver ?
549 relation les uns avec les autres. C’est ainsi que je suis devenu ami d’André Breton et de tout le groupe des peintres surr
550 tout le groupe des peintres surréalistes. Breton me voyait tous les jours, parce qu’il était un des parleurs des textes q
551 parce qu’il était un des parleurs des textes que j’ écrivais pour la voix de l’Amérique parle aux Français. Ainsi, à ma ma
552 a voix de l’Amérique parle aux Français. Ainsi, à ma manière, bien que ressortissant d’un pays neutre, j’ai pu faire la gu
553 manière, bien que ressortissant d’un pays neutre, j’ ai pu faire la guerre, ne fût-ce que sur les ondes, en écrivant des te
554 ur les ondes, en écrivant des textes d’émissions. Je suis donc rentré des États-Unis en 1947, en me disant ; je suis l’aut
555 s. Je suis donc rentré des États-Unis en 1947, en me disant ; je suis l’auteur de la doctrine de l’engagement, je suis féd
556 onc rentré des États-Unis en 1947, en me disant ; je suis l’auteur de la doctrine de l’engagement, je suis fédéraliste ; i
557 je suis l’auteur de la doctrine de l’engagement, je suis fédéraliste ; il s’agit maintenant d’appliquer ces théories, de
558 t alors fort à la mode à Paris. Et tout le monde, je ne sais pas pourquoi, l’attribuait à Sartre. Or, Sartre, comme on le
559 t parce qu’il avait lu cela dans Esprit et dans mes livres. Vous connaissiez Jean-Paul Sartre ? Il est venu me voir à New
560 . Vous connaissiez Jean-Paul Sartre ? Il est venu me voir à New York en 1944 ou 1945, premier journaliste français. Dans s
561 le et que l’homme doit s’engager. Alors, un jour, je lui ai dit : « J’espère que vous savez où vous avez pris cela. » Il m
562 doit s’engager. Alors, un jour, je lui ai dit : «  J’ espère que vous savez où vous avez pris cela. » Il m’a répondu : « Je
563 spère que vous savez où vous avez pris cela. » Il m’ a répondu : « Je le sais très bien. » Mais il ne l’a jamais dit à pers
564 avez où vous avez pris cela. » Il m’a répondu : «  Je le sais très bien. » Mais il ne l’a jamais dit à personne d’autre… Ma
565 en Suisse. Que se passe-t-il ? Pendant la guerre, je m’étais aperçu que ma doctrine du fédéralisme était illustrée par la
566 Suisse. Que se passe-t-il ? Pendant la guerre, je m’ étais aperçu que ma doctrine du fédéralisme était illustrée par la pra
567 e-t-il ? Pendant la guerre, je m’étais aperçu que ma doctrine du fédéralisme était illustrée par la pratique suisse. Que j
568 lisme était illustrée par la pratique suisse. Que j’ avais apprise à l’école mais que je n’avais jamais très bien comprise.
569 ue suisse. Que j’avais apprise à l’école mais que je n’avais jamais très bien comprise. Alors, je me suis dit que maintena
570 que je n’avais jamais très bien comprise. Alors, je me suis dit que maintenant il fallait faire l’Europe. Qu’on ne pouvai
571 e je n’avais jamais très bien comprise. Alors, je me suis dit que maintenant il fallait faire l’Europe. Qu’on ne pouvait u
572 que les tâches envisagées devenaient plus vastes. Mon fédéralisme est basé, notamment, sur la loi de l’extension des tâches
573 e siècles — constituent la base de la Suisse. Et je trouve que le système marche très bien. Il autorise toutes les divers
574 s, diversités de confession, diversités sociales. J’ ai compté : il y a 54 types de combinaisons existantes. Bref, une dive
575 du fédéralisme ? Dans quelles circonstances ? Dès mon arrivée dans cette maison de Ferney, en 1947, j’ai eu la visite d’ami
576 mon arrivée dans cette maison de Ferney, en 1947, j’ ai eu la visite d’amis de l’époque d’ Esprit et de L’Ordre nouveau .
577 l’époque d’ Esprit et de L’Ordre nouveau . Ils m’ ont convaincu d’aller, un mois plus tard, parler au premier congrès de
578 éenne des fédéralistes qui avait lieu à Montreux. J’ y ai prononcé le discours d’introduction sur le thème de l’attitude fé
579 personnes, 16 présidents du conseil, 300 députés. J’ ai écrit le message final : « Message aux Européens » qui demandait no
580 té pour lancer l’idée de l’Europe. Nous avons, si je puis dire, été « refaits ». Parce que loin de faire une fédération, l
581 stant sur le plan des États-nations. C’est ce que j’ attaque maintenant à boulets rouges. Comment voulez-vous réussir l’Eur
582 ope actuelle n’est qu’une juxtaposition d’États ? Moi , j’appelle cela l’amicale des misanthropes. Ou bien, il y a une amica
583 ctuelle n’est qu’une juxtaposition d’États ? Moi, j’ appelle cela l’amicale des misanthropes. Ou bien, il y a une amicale e
584 omine l’Europe des nations. Vous êtes déçu ? Non. Je ne suis pas déçu. Je n’y ai jamais cru. Je n’ai jamais cru que cette
585 tions. Vous êtes déçu ? Non. Je ne suis pas déçu. Je n’y ai jamais cru. Je n’ai jamais cru que cette Europe-là pouvait se
586 ? Non. Je ne suis pas déçu. Je n’y ai jamais cru. Je n’ai jamais cru que cette Europe-là pouvait se faire. Mais j’ai pensé
587 is cru que cette Europe-là pouvait se faire. Mais j’ ai pensé qu’il valait mieux que les États pratiquent cet hommage que l
588 mariage ? C’est la coexistence de deux êtres qui, je l’ai dit, ont chacun leurs lois, parfois antinomiques, et qui doivent
589 s, chacun étant complètement supérieur à l’autre. Je préfère dire que l’homme est supérieur à la femme et la femme supérie
590 ons pour sauvegarder les autonomies. Voilà ce que j’ ai découvert dans l’histoire de la Suisse. Pourquoi ce pays s’est-il f
591 unes, de chacun des cantons. Voilà le système que je voudrais étendre de proche en proche à toute l’Europe, en suivant la
592 Fribourg. Chacune de ces régions devrait avoir, à mon sens, son autorité régionale et relever de l’agence fédérale européen
593 nt hétérogènes. Très souvent, les gens disent que mon modèle est folie pure. Que c’est une complication ce que je veux fair
594 est folie pure. Que c’est une complication ce que je veux faire. Alors, voici mon exemple personnel. Je suis né à Neuchâte
595 e complication ce que je veux faire. Alors, voici mon exemple personnel. Je suis né à Neuchâtel qui, jusqu’en 1848, a été u
596 e veux faire. Alors, voici mon exemple personnel. Je suis né à Neuchâtel qui, jusqu’en 1848, a été une principauté dont le
597 ères ni les mêmes langues que le canton. De plus, je suis écrivain français. Donc, je fais partie de l’ensemble francophon
598 canton. De plus, je suis écrivain français. Donc, je fais partie de l’ensemble francophone qui a des limites tout à fait d
599 aucun de nos États-nations actuels. D’autre part, je suis protestant. Voilà un autre ensemble auquel je me rattache qui ne
600 e suis protestant. Voilà un autre ensemble auquel je me rattache qui ne correspond ni à l’ensemble national, ni à l’ensemb
601 uis protestant. Voilà un autre ensemble auquel je me rattache qui ne correspond ni à l’ensemble national, ni à l’ensemble
602 arties de la France, la moitié de la Suisse, etc. Je fais également partie d’un certain nombre de sociétés. Je paie des im
603 également partie d’un certain nombre de sociétés. Je paie des impôts à une dizaine de sources différentes. Donc, rien n’es
604 est plus simple. Au fond, nous vivons dans ce que j’ appelle la pluralité des allégeances. L’utopie, c’est vouloir que tout
605 s allégeances. L’utopie, c’est vouloir que toutes mes allégeances soient limitées par une même frontière. C’est ce qu’ont v
606 sans subordination. Ce sont les mêmes termes que j’ ai utilisés pour définir le couple et définir la coexistence des auton
607 ieux joue un très grand rôle dans vos activités ? Ma formation protestante m’a permis de mieux formuler le personnalisme e
608 ôle dans vos activités ? Ma formation protestante m’ a permis de mieux formuler le personnalisme en ajoutant le terme de vo
609 ui a été fortement souligné par Luther et Calvin. Je garde aussi du protestantisme un certain sens civique qui est très dé
610 qui est très développé dans les pays calvinistes. J’ ai fait cette observation bien avant 1939 : il y a des régimes totalit
611 cun doit l’inventer tous les jours. D’autre part, je suis distingué de la tribu par ma vocation, et en même temps relié à
612 . D’autre part, je suis distingué de la tribu par ma vocation, et en même temps relié à la communauté par l’exercice de ce
613 té par l’exercice de cette vocation. C’est ce que j’ ai de plus fondamentalement protestant. À part cela, je suis pour un c
614 de plus fondamentalement protestant. À part cela, je suis pour un christianisme œcuménique dépassant définitivement les co
615 ique dépassant définitivement les confessions que j’ estime valables dans la mesure où il y a des tempéraments religieux di
616 re fédéralisme et œcuménisme ? L’œcuménisme, pour moi , est la traduction du fédéralisme sur le plan religieux. Il ne s’agit
617 vis-à-vis de l’écologie ? Dans cette conférence, j’ explique une chose qui me tient fort à cœur depuis quelques années : j
618 ? Dans cette conférence, j’explique une chose qui me tient fort à cœur depuis quelques années : j’ai découvert que l’human
619 qui me tient fort à cœur depuis quelques années : j’ ai découvert que l’humanité, aujourd’hui, se voit contrainte de choisi
620 us oblige à choisir nos finalités. Voilà pourquoi j’ en viens à cette formule paradoxale : contraints de choisir librement
621 e semblez guère apprécier les hommes politiques ? Je les trouve funestes. En tant qu’ils sont des représentants des partis
622 ils sont des partisans ou des nationalistes. Mais j’ ai le plus grand respect pour des hommes qui ont une vision politique
31 1972, Articles divers (1970-1973). Je rentrais de l’espace… (27-28 mai 1972)
623 Je rentrais de l’espace… (27-28 mai 1972)aq Je rentrais de l’espace.
624 Je rentrais de l’espace… (27-28 mai 1972)aq Je rentrais de l’espace. Des heures durant, je l’avais vue qui tournait
625 aq Je rentrais de l’espace. Des heures durant, je l’avais vue qui tournait lentement, merveilleuse, éclatante, seule vi
626 bleue, verte et blanche dans le noir éternel, et je l’avais aimée comme une femme qui vient, comme une patrie d’enfance q
627 carrefour des grands axes nord-sud et est-ouest, je reconnais immédiatement la Suisse. Or, il y a vingt-cinq Suisses, vin
628 le voir des airs, tandis que nous descendons vers mon pays natal. Un certain éclat, des couleurs, du vert d’abord. Souvenir
629 nts. Étrange anachronisme de la photographie : si j’ en crois mes yeux, vu de l’air une Suisse verte et paysanne survit à l
630 e anachronisme de la photographie : si j’en crois mes yeux, vu de l’air une Suisse verte et paysanne survit à l’ère industr
631 l’aventure humaine. aq. Rougemont Denis de, «  Je rentrais de l’espace… », 24 Heures, Lausanne, 27–28 mai 1972, p. 53.
32 1972, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)
632 se sur la culture. On l’a prise pour une boutade. J’ y vois plutôt une anticipation de certains résultats des recherches le
633 ntifie progressivement à la personne constituée — je ne dis pas à ce qui la constitue, qui est l’appel de sa fin, sa vocat
634 dix heures du soir ».) « Il vous a été dit… mais moi je vous dis… » Cette phrase évangélique ne nie pas le passé. Elle s’y
635 heures du soir ».) « Il vous a été dit… mais moi je vous dis… » Cette phrase évangélique ne nie pas le passé. Elle s’y ré
33 1973, Articles divers (1970-1973). La Merveilleuse histoire de Tristan et Iseut [préface] (1973)
636 onstitutives, celle de l’émotion, celle de l’âme. Je voudrais résumer leur œuvre en une seule expression moins pédante qu’
637 e la justesse dans le choix de l’expression. Il me plaît de traduire cette belle définition dans les termes de notre suj
638 de la justesse dans le style de nos émotions. » À mon sens, en effet, les textes primitifs de la légende de Tristan, qui re
639 de l’existence proprement humaine, qui est l’âme. Je ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui donnent un p
640 lut des âmes », ou de l’« immortalité de l’âme ». Je prends le mot au sens précis et véritablement traditionnel, qui se re
641 volution du xiie siècle jusqu’à nos jours, comme j’ ai tenté de le faire jadis, serait hélas illustrer la lente dégradatio
642 ans histoire. Ou bien encore, et ce serait mieux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de Trist
643 l. Selon les sociologues, la passion doit mourir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se
644 iologues, la passion doit mourir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’obstac
645 ssion de Tristan et d’Iseut : et c’est la mort. ⁂ J’ ai laissé jusqu’ici dans l’ombre cet aspect, trop souvent, trop facile
646 au mythe, ose parler d’un plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort. E
647 laisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort. Et Wagner, le dernier auteu
648 ire — et germe d’un être éternel qui est son vrai moi , et qui est un ange au ciel. Or, ces anges, nommés Fravartis, sont de
649 terrestre : c’est la rencontre de l’âme avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumiè
650 son entrée, se dresse devant l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’une beauté resplendissante et qui lui dit : —
651 e d’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au
652 me ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi , au lieu de la Fravarti c’est une apparition monstrueuse et défigurée
653 strueuse et défigurée qui reflète son état déchu. Je ne puis m’empêcher d’imaginer que cette « rencontre aurorale » avec l
654 défigurée qui reflète son état déchu. Je ne puis m’ empêcher d’imaginer que cette « rencontre aurorale » avec le moi céles
655 imaginer que cette « rencontre aurorale » avec le moi céleste en forme d’ange, et femme, figure la conclusion du mythe de T
656 ise à part — ce serait le sujet d’autres études — je me demande souvent si l’angélologie de l’ancien Iran ne détient pas l
657 à part — ce serait le sujet d’autres études — je me demande souvent si l’angélologie de l’ancien Iran ne détient pas le s
658 e d’abord une dualité entre l’individu et le vrai moi , sans laquelle on ne saurait s’aimer soi-même, puisqu’« il faut être
659 e — un franglais primitif, si l’on préfère — dont je citerai quelques exemples à la volée : Thomas et Mary Anglais
660 ses douleurs ! » Il en reste chez Bédier : « Que m’ importe de mourir ! » — chez Mary, rien du tout, ce qui vaut sans dout
661 n en prose, lorsque Tristan meurt : « Douce amie, je ne vous verrai plus. Adieu, je m’en vais et vous salue. Et le cœur lu
662 rt : « Douce amie, je ne vous verrai plus. Adieu, je m’en vais et vous salue. Et le cœur lui crève, et son âme s’en va. »
663 : « Douce amie, je ne vous verrai plus. Adieu, je m’ en vais et vous salue. Et le cœur lui crève, et son âme s’en va. » And
34 1973, Articles divers (1970-1973). Université et universalité (janvier 1973)
664 on industrielle. Exemples de b) L’amour-passion. J’ ai étudié ce phénomène, si spécifiquement européen par sa genèse, dans
665 péen par sa genèse, dans L’Amour et l’Occident . J’ ai très vite pressenti que la forme d’amour que je cherchais à décrire
666 J’ai très vite pressenti que la forme d’amour que je cherchais à décrire ne pouvait être saisie par aucune de nos discipli
667 pécialités, les facultés même ! Toute la Sorbonne m’ a condamné, mais le même ouvrage, aujourd’hui, figure au programme de
668 me de l’objet de ses études, qui est l’Europe, il me paraît condamné à l’interdisciplinarité de type b). L’Europe est un p
35 1973, Articles divers (1970-1973). De Genève à l’Europe par les régions (mars 1973)
669 re Cette loi structurelle tout à fait générale me paraît gouverner, comme à leur insu, les entreprises régionalistes le
670 Seconde Guerre mondiale, joue dans le même sens : je veux parler de la crise de l’État-nation centralisé, de modèle jacobi
671 vique, économique, sociale et politique, par quoi je veux dire : l’exercice de responsabilités réelles par les citoyens. L
672 ées d’autres âges. De la création des régions que je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le pay
673 tives du régionalisme dans notre avenir prochain, j’ imagine quelques solutions qu’il va s’agir de réaliser simultanément :
674 s face à l’urgence des périls que court l’Europe, j’ entends sa colonisation par une hégémonie politique à l’Est, une hégém
675 end de nous, non des astres. S’il est vrai, comme je l’ai toujours pensé, que nous n’avons pas à prévoir notre histoire, m
36 1973, Articles divers (1970-1973). Recréer la place publique (1er juillet 1973)
676 a place publique (1er juillet 1973)bc Dire que j’ approuve les idées de ces douze articlesbd serait faible : je m’y reco
677 les idées de ces douze articlesbd serait faible : je m’y reconnais. Il s’agirait maintenant de les illustrer. Car elles de
678 idées de ces douze articlesbd serait faible : je m’ y reconnais. Il s’agirait maintenant de les illustrer. Car elles demeu
679 s sous la forme condensée que demande le journal. Je voudrais souligner une idée dominante : que les structures d’une cité
680 nager. Encore faudrait-il décrire ces structures. J’ ai toujours soutenu que la démocratie, au sens actif et créatif du mot
681 tion de fédéralisme première et deuxième manière. Je suis pour la deuxième. Ramuz était pour la première. Il me disait un
682 our la deuxième. Ramuz était pour la première. Il me disait un jour au Central, à Lausanne : « Entre nous, nous sommes féd
683 ausanne : « Entre nous, nous sommes fédéralistes, je veux bien dire séparatistes » (parlant de Berne). Non, le fédéralisme
684 e, où le beau mot de voisinage reprenne son sens. J’ applaudis au projet d’une grande discussion sur le sens concret de l’e
685 che. L’affaire Lip est déjà prévue, définie, et à mon sens résolue, dans la pensée du grand fédéraliste franc-comtois. bc
37 1973, Articles divers (1970-1973). L’Europe, c’est d’abord une culture (juillet-août 1973)
686 e l’Europe unie : la liberté, non la puissance Je pars de ce qui me paraît une évidence majeure : il nous faut « faire
687 la liberté, non la puissance Je pars de ce qui me paraît une évidence majeure : il nous faut « faire l’Europe » afin de
688 . C’est ainsi qu’à la Sorbonne, vers 1260 — comme me le faisait observer un jour Étienne Gilson —, pas un seul des grands
689 cieuses diversités » sont celles de nos nations ? Je propose là-dessus deux observations faciles à vérifier. Chacun de nos
690 s, des « protestants » et des « catholiques ». Or je mets en fait que dans la plupart des cas, les hommes de gauche (ou de
691 nt. Vers l’Europe des régions Si maintenant je transpose en termes politiques mon équation culturelle, soit : Euro
692 Si maintenant je transpose en termes politiques mon équation culturelle, soit : Europe de la culture = courants contine
693 tières en maintiennent et renforcent le principe. Je ne crois pas à une Europe des États-nations souverains, parce qu’on n
694 e par excellence et par définition à toute union. Je l’ai dit souvent : l’Europe des États, rêvée par de Gaulle, ce serait
695 ire au statut des sujets d’un État-nation, et que je nomme : pluralité des allégeances. Cela veut dire : relever d’une plu
696 . Un exemple personnel suffira pour l’illustrer : je suis Neuchâtelois de naissance, ce qui veut dire que la communauté et
697 squ’en 1848, date de l’adhésion à la Suisse) sont ma patrie. En tant que citoyen du canton de Neuchâtel, je suis Suisse de
698 trie. En tant que citoyen du canton de Neuchâtel, je suis Suisse de nationalité. En tant qu’écrivain, je relève de la fran
699 suis Suisse de nationalité. En tant qu’écrivain, je relève de la francophonie, qui couvre deux tiers de la France, un tie
700 erritoires différents. Du point de vue religieux, je relève du protestantisme, ensemble mondial. (Ce serait pareil si j’ét
701 stantisme, ensemble mondial. (Ce serait pareil si j’ étais catholique, ou juif, ou communiste.) Enfin, j’appartiens à une v
702 étais catholique, ou juif, ou communiste.) Enfin, j’ appartiens à une vingtaine de sociétés locales, régionales, continenta
703 cales, régionales, continentales et mondiales, et je sais très bien auxquelles je cotise. Cette pluralité d’allégeances ne
704 les et mondiales, et je sais très bien auxquelles je cotise. Cette pluralité d’allégeances ne me pose aucun problème ni th
705 elles je cotise. Cette pluralité d’allégeances ne me pose aucun problème ni théorique ni pratique. Si maintenant un fou ve
706 héorique ni pratique. Si maintenant un fou venait me dire : toutes tes allégeances doivent désormais relever d’un seul pou
707 ir central qui les limitera à un seul territoire, je crierais au fou, — et ce fou serait Napoléon, Hitler, ou n’importe le
708 t donc la condition du régime fédéraliste tel que je le conçois — seul possible pour l’Europe réelle — et c’est aussi cond
709 at-nation, nomme hérésie. La solution fédéraliste m’ apparaît donc comme la transposition en termes d’aménagement de la cit
38 1973, Articles divers (1970-1973). « La famille est devenue un choix » (23 septembre 1973)
710 et Charlotte Corday. Cela ne vous fait pas peur ? J’ ai toujours en tête une recommandation d’un de mes oncles : « Plus l’a
711 J’ai toujours en tête une recommandation d’un de mes oncles : « Plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a
712 ugemont une lettre de reconnaissance de noblesse. Je suis le quatorzième du nom. Point de militaires chez vous. Pourquoi ?
713 e militaires chez vous. Pourquoi ? Cela distingue ma famille de beaucoup d’autres en Suisse. C’est une lignée de conseille
714 sentez-vous seulement Suisse ? Au point de vue de ma communauté politique, je me sens complètement Suisse. Vous habitez en
715 sse ? Au point de vue de ma communauté politique, je me sens complètement Suisse. Vous habitez en France. J’ai besoin d’êt
716  ? Au point de vue de ma communauté politique, je me sens complètement Suisse. Vous habitez en France. J’ai besoin d’être
717 sens complètement Suisse. Vous habitez en France. J’ ai besoin d’être à cheval sur une frontière. Je sens les choses frança
718 e. J’ai besoin d’être à cheval sur une frontière. Je sens les choses françaises comme si j’étais Français et je suis compl
719 frontière. Je sens les choses françaises comme si j’ étais Français et je suis complètement Suisse. Est-ce que l’idée de l’
720 es choses françaises comme si j’étais Français et je suis complètement Suisse. Est-ce que l’idée de l’unité de l’Europe vo
721 Votre vie intellectuelle commence à Paris ? Oui, j’ y ai publié mes premiers livres. La France ou la Suisse ? Je me sentir
722 ellectuelle commence à Paris ? Oui, j’y ai publié mes premiers livres. La France ou la Suisse ? Je me sentirais très mal si
723 lié mes premiers livres. La France ou la Suisse ? Je me sentirais très mal si j’étais limité à l’une ou à l’autre. « Comme
724 mes premiers livres. La France ou la Suisse ? Je me sentirais très mal si j’étais limité à l’une ou à l’autre. « Comment
725 France ou la Suisse ? Je me sentirais très mal si j’ étais limité à l’une ou à l’autre. « Comment ne pas croire à l’influen
726 d’où l’on vient. Cela ne dicte pas une carrière. Je descends des troubadours — c’est sans doute pourquoi les châteaux en
727 c’est sans doute pourquoi les châteaux en ruines me touchent tant, mais je suis tourné vers l’avenir. Avez-vous songé à l
728 uoi les châteaux en ruines me touchent tant, mais je suis tourné vers l’avenir. Avez-vous songé à l’Église ? Quand je suis
729 vers l’avenir. Avez-vous songé à l’Église ? Quand je suis parti pour Vienne, j’étais très loin de l’Église. Je voulais dev
730 ngé à l’Église ? Quand je suis parti pour Vienne, j’ étais très loin de l’Église. Je voulais devenir chimiste quand j’étais
731 parti pour Vienne, j’étais très loin de l’Église. Je voulais devenir chimiste quand j’étais jeune, mais quand j’ai pris de
732 in de l’Église. Je voulais devenir chimiste quand j’ étais jeune, mais quand j’ai pris des leçons j’ai compris qu’il ne sau
733 devenir chimiste quand j’étais jeune, mais quand j’ ai pris des leçons j’ai compris qu’il ne saurait plus en être question
734 nd j’étais jeune, mais quand j’ai pris des leçons j’ ai compris qu’il ne saurait plus en être question. Vous savez, quand l
735 us savez, quand la passion est devenue un devoir… j’ ai compris que j’étais écrivain. J’avais lu un Paradis à l’ombre des
736 a passion est devenue un devoir… j’ai compris que j’ étais écrivain. J’avais lu un Paradis à l’ombre des épées, de Monther
737 nue un devoir… j’ai compris que j’étais écrivain. J’ avais lu un Paradis à l’ombre des épées, de Montherlant. J’ai écrit u
738 un Paradis à l’ombre des épées, de Montherlant. J’ ai écrit une critique que j’ai envoyée à une revue à Genève qui l’a pu
739 pées, de Montherlant. J’ai écrit une critique que j’ ai envoyée à une revue à Genève qui l’a publiée. Je n’en étais pas plu
740 ’ai envoyée à une revue à Genève qui l’a publiée. Je n’en étais pas plus fier pour ça : je me voulais poète et seulement p
741 ’a publiée. Je n’en étais pas plus fier pour ça : je me voulais poète et seulement poète. L’hérédité des dons ? Je n’y cro
742 publiée. Je n’en étais pas plus fier pour ça : je me voulais poète et seulement poète. L’hérédité des dons ? Je n’y crois
743 s poète et seulement poète. L’hérédité des dons ? Je n’y crois pas. Disons que j’ai eu un milieu favorable. Dans la famill
744 ’hérédité des dons ? Je n’y crois pas. Disons que j’ ai eu un milieu favorable. Dans la famille de ma mère, il y avait des
745 e j’ai eu un milieu favorable. Dans la famille de ma mère, il y avait des artistes. Ma mère faisait des pastels. L’hérédit
746 s la famille de ma mère, il y avait des artistes. Ma mère faisait des pastels. L’hérédité des dons, cela n’existe pas. Dis
747 é pour les socialistes — ce qui faisait scandale. J’ ai été très influencé par lui jusqu’à l’âge de 18 ans. De votre mère ?
748 De votre mère ? À 97 ans, elle est comme un fil. Je lui ressemble physiquement. Elle vient d’une famille de bons vivants
749 ille de bons vivants avec des tendances artistes. Mon père et ma mère : deux tempéraments fort différents. Vous qui vivez d
750 vivants avec des tendances artistes. Mon père et ma mère : deux tempéraments fort différents. Vous qui vivez dans l’aveni
751 e est devenue un choix, pas une nécessité. Ce que je trouve assez bien. Il y avait une homogénéité dans les familles d’aut
752 ansformera. En ce qui vous concerne ? À partir de ma génération, on faisait autre chose que son père. Vos enfants ? Mon fi
753 n faisait autre chose que son père. Vos enfants ? Mon fils est psychologue, ma fille assistante du maître de conférences à
754 son père. Vos enfants ? Mon fils est psychologue, ma fille assistante du maître de conférences à l’Université de Paris. C’
755 Paris. C’est amusant, car elle est enseignante et moi je suis membre du conseil dans la même université. Nous nous retrouvo
756 s. C’est amusant, car elle est enseignante et moi je suis membre du conseil dans la même université. Nous nous retrouvons
39 1973, Articles divers (1970-1973). Sur la taille des régions (octobre 1973)
757 n décide ? Au nom de quoi ? Que veut-on dire ? On me répond qu’il s’agit de « découper » des régions qui soient assez gran
758 itives » avec quoi ? — Avec les Länder allemands, me dit-on. Encore faudrait-il savoir lesquels : la Bavière, 71 000 km2 e
759 France, lequel des deux États a-t-il la taille ? Je vais vous le dire : c’est le plus petit. En tant qu’État souverain, u
40 1973, Articles divers (1970-1973). Une possibilité européenne : la région genevoise (novembre 1973)
760 es d’autres âges. De la création des régions que je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le pay
41 1973, Articles divers (1970-1973). Face à la crise de notre continent, l’utopie de Denis de Rougemont : l’Europe des régions (1er-2 décembre 1973)
761 -2 décembre 1973)bg bh « Grâce aux Arabes, que je remercie officiellement, nous savons tous maintenant que l’Europe est
762 ivent s’élaborer en même temps, l’un par l’autre. Mon utopie, c’est qu’à la longue, ces réalités s’avéreront plus solides q
763 en désuétude. La région ? Pouvez-vous préciser ? Je dirai que c’est une structure de participation civique à base de synd
764 cipation civique à base de syndicats de communes. Je me garde bien de la découper dans le terrain. On nous a trop appris,
765 ation civique à base de syndicats de communes. Je me garde bien de la découper dans le terrain. On nous a trop appris, à l
766 ’Institut universitaire d’études européennes, que je dirige, nous étudions le cas de la région lémano-alpine. Nous avons d
767 respondent plus à grand-chose aujourd’hui. Ce que je souhaite, personnellement, c’est la renaissance d’assemblées politiqu
768 certains intérêts nationaux, mais, pour revenir à mon sujet, il me semble que rien ne les empêche de chercher à s’adapter a
769 êts nationaux, mais, pour revenir à mon sujet, il me semble que rien ne les empêche de chercher à s’adapter aux réalités r
770 l’avocat du diable, on peut penser que… Notez que je ne me fais pas l’avocat des sociétés multinationales ! … sans se fair
771 at du diable, on peut penser que… Notez que je ne me fais pas l’avocat des sociétés multinationales ! … sans se faire l’av
772 es équilibres sociaux et naturels d’un pays. Mais je le répète, rien ne les empêche d’accorder leur profit à celui d’une r
773 certaines le font. Disons, pour résumer beaucoup ma position, que dans un monde qui serait structuré par régions, mais da
774 Franche-Comté voisine. Alors, que proposez-vous ? Je propose d’éveiller la conscience civique des enfants en attirant leur
775 s actuels réels. Une petite phrase de Simone Weil m’ a frappé : « L’orgueil national est loin de la vie quotidienne. » Je s
776 rgueil national est loin de la vie quotidienne. » Je suis convaincu qu’en partant de ce que l’enfant peut connaître le mie
777 as limiter volontairement l’horizon de l’enfant ? Je dis qu’il faut partir des réalités immédiates — pour aller plus loin