1
rmand, sauf sur un seul point, c’est quand il dit
que
les mathématiques ne se prêtent pas à la liturgie, ne se prêtent pas
2
primaire qui m’a toujours frappé, et ceci prouve
que
la liturgie n’est pas seulement l’expression d’une émotion mais un mo
3
emarque, non pas du tout en contradiction avec ce
que
vient de vous dire M. Armand, mais plutôt complémentaire à propos du
4
livre et au caractère spécifique de l’information
que
l’on peut avoir par un livre : je le prends dans son sens étymologiqu
5
mple, aussi simple dans ses éléments constitutifs
que
les transistors qui sont pour moi le comble de l’élégance en techniqu
6
pouvoir spécifique d’information consiste en ceci
que
, quand vous lisez un livre, vous avez en quelque sorte l’esprit polar
7
mé de mots et de phrases, disposés de telle sorte
que
le sens spécifique que l’auteur veut faire passer ne passe que dans l
8
s, disposés de telle sorte que le sens spécifique
que
l’auteur veut faire passer ne passe que dans la mesure où ce système
9
pécifique que l’auteur veut faire passer ne passe
que
dans la mesure où ce système de mots et de phrases oriente l’esprit d
10
, sur l’infinité des directions possibles. Alors,
qu’
est-ce qui produit cet effet d’orientation, d’organisation de l’inform
11
re individuelle, dans cette banque d’informations
qu’
est la mémoire individuelle. Donc il semble que la fonction essentiell
12
ns qu’est la mémoire individuelle. Donc il semble
que
la fonction essentielle du livre, si on laisse de côté les encyclopéd
13
cture, à son style, à ses rythmes au moins autant
qu’
à l’enchaînement des arguments. Il n’y a pas deux livres pareils, alor
14
mateur indépendamment des informations objectives
qu’
il peut ou non contenir et utiliser comme matériel. Cet appareil, nous
15
qui nous transforme nous-mêmes, nous digérons ce
qu’
il y a dans le livre et je dirai qu’en revanche et en retour le livre
16
s digérons ce qu’il y a dans le livre et je dirai
qu’
en revanche et en retour le livre nous digère d’une certaine manière.
17
digère d’une certaine manière. Quand nous disons
que
nous sommes « absorbés » dans un livre, est-ce que c’est lui qui nous
18
ue nous sommes « absorbés » dans un livre, est-ce
que
c’est lui qui nous absorbe ou nous qui l’absorbons ? C’est une questi
19
orbe ou nous qui l’absorbons ? C’est une question
qu’
on peut se poser, et cela me fait penser à ce passage très fameux de l
20
evant de cet ange et prends ce petit livre ouvert
qu’
il a dans les mains, et quand tu l’auras pris, mange-le, dévore-le ; i
21
destinés à devenir des prophètes. Mais vous voyez
qu’
il y a cette espèce d’interaction qui indique bien la valeur transform
22
qui existe dans un livre, dans ce petit appareil
qu’
est le livre dont on ne sait jamais si c’est lui qui nous avale, ou no
23
l’on ne croie pas, puisqu’on parle d’information,
que
le livre est une manière surannée d’informer les gens. La radio, la t
24
nute, je voudrais vous lire une page de Nietzsche
que
j’ai retrouvée ce matin même, sur « la lente lecture ». Je voudrais q
25
matin même, sur « la lente lecture ». Je voudrais
qu’
on affiche cette page dans toutes les librairies et je voudrais l’oppo
26
je voudrais l’opposer à une annonce publicitaire
qu’
on voit paraître de plus en plus fréquemment dans les journaux et qui
27
n de milliers de mots à la minute. Alors je crois
que
toute la propagande en faveur du livre, aujourd’hui, si l’on veut sau
28
dans le sens de ces quelques lignes de Nietzsche
que
je vais vous lire. C’est dans la préface de son recueil Aurore. « Phi
29
même par écrire lentement. Ne rien écrire d’autre
que
ce qui pourrait désespérer l’espèce d’homme qui se hâte ! [voilà pour
30
spèce d’homme qui se hâte ! [voilà pour l’annonce
que
je vous citais]. Car la philologie est cet art vénérable qui, de ses
31
îtrise d’orfèvre. C’est justement à cause de cela
qu’
il est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, justement par là que le
32
use de cela qu’il est aujourd’hui plus nécessaire
que
jamais, justement par là que le livre charme et séduit le plus au mil
33
’hui plus nécessaire que jamais, justement par là
que
le livre charme et séduit le plus au milieu d’un âge du travail, je v
34
icats. Ami patient, ce livre ne souhaite pour lui
que
des lecteurs parfaits. Apprenez à bien me lire. Lisez-moi lentement.
35
re pour bien se pénétrer des questions. Je disais
que
les sujets ne manquent pas, mais le temps de les lire lentement me ma
36
e l’audiovisuel et le livre. On me fait remarquer
que
le livre a ce gros avantage sur la télévision que : « les moyens de c
37
que le livre a ce gros avantage sur la télévision
que
: « les moyens de communication de masse — écrit-on — sont en fait de
38
t d’hommes ou d’intérêts. Le dissentiment dans ce
qu’
il y a de plus scandaleux, et non pas seulement de pittoresque et de f
39
ncontre-t-il pas plus de difficultés à s’exprimer
qu’
au temps où il suffisait d’une très modeste mise de fonds pour publier
40
bande magnétique qui joue à peu près le même rôle
que
le livre, c’est-à-dire qui peut être comme le livre un agent d’indivi
41
vidualisation en face de cet agent collectivisant
qu’
est la télévision. On a fait remarquer que la télévision recrée le tri
42
ivisant qu’est la télévision. On a fait remarquer
que
la télévision recrée le tribalisme, les sentiments de tribu, d’autant
43
nts de tribu, d’autant plus fortement aujourd’hui
qu’
elle ne dépasse guère un certain rayon, contrairement à la radio qui v
44
te en général. La télévision, c’est quelque chose
qu’
on vous impose ; il y a un très petit nombre de programmes, vous n’ave
45
uriosité, à votre faim du moment. Alors, je pense
que
loin de dire que le livre doit être supplanté par la télévision, il n
46
faim du moment. Alors, je pense que loin de dire
que
le livre doit être supplanté par la télévision, il nous faut le dével
47
ar la télévision, il nous faut le développer tant
que
nous pouvons, au fur et à mesure que la télévision cherche à nous imp
48
elopper tant que nous pouvons, au fur et à mesure
que
la télévision cherche à nous imposer certaines doctrines officielles
49
n dans les programmes. Et alors, on se disait : «
Qu’
est-ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’il faut créer un poste européen de
50
programmes. Et alors, on se disait : « Qu’est-ce
qu’
il faut faire ? Est-ce qu’il faut créer un poste européen de télévisio
51
se disait : « Qu’est-ce qu’il faut faire ? Est-ce
qu’
il faut créer un poste européen de télévision ? » Ça sera très diffici
52
gouvernements. Alors, quelqu’un m’a fait observer
qu’
on pouvait peut-être s’en tirer pour le moment en diffusant de petits
53
tirer pour le moment en diffusant de petits films
que
l’on peut faire passer sur la télévision, sur son poste personnel, de
54
On peut combiner aussi les deux choses. Je pense
que
c’est une affaire d’entraînement, de goût personnel, de possibilités
55
gue internationale ? L’espéranto, par exemple, ce
qu’
on a essayé de faire jusqu’ici mais sans grand succès ? » Alors là, je
56
crois pouvoir reprendre en réponse la distinction
que
je faisais tout à l’heure entre deux sens du mot « information ». S’i
57
ormation ». S’il s’agit d’informations courantes,
que
vous pourrez aussi bien trouver dans un dictionnaire ou un répertoire
58
quoi ne pas les diffuser en espéranto, à supposer
qu’
il y ait beaucoup de gens qui le sachent. Cela, c’est l’information ob
59
on est de langue française, ça vous apporte plus
que
de l’information objective. Ça vous apporte une orientation de la sen
60
n de la sensibilité et du sentiment d’une manière
que
vous ne pouvez pas dissocier de l’information objective qu’il y a dan
61
e pouvez pas dissocier de l’information objective
qu’
il y a dans le livre ; c’est quelque chose que vous ne pouvez jamais e
62
ive qu’il y a dans le livre ; c’est quelque chose
que
vous ne pouvez jamais espérer d’une langue synthétique comme l’espéra
63
e question parce qu’elle me permet de préciser ce
que
j’appellerais « information » tout à l’heure. Quelqu’un me dit : « C’
64
très joli, lente lecture, mais encore faudrait-il
que
l’ouvrier, la femme de ménage, l’employé de bureau, le contremaître,
65
au, le contremaître, aient assez de temps. Est-ce
que
, face au rythme de la vie actuelle auquel nous sommes tous soumis, il
66
e, aux dépens de leur sommeil quelquefois, plutôt
qu’
aux dépens de leur travail. C’est dommage, il faudrait arriver à rédui
67
là absolument dans le sens du livre, c’est-à-dire
qu’
il diminue les temps de travail et augmente les temps de loisir. Alors
68
augmente les temps de loisir. Alors, je voudrais
que
, pendant ces temps de loisir, après la très rapide lecture de tri, co
69
is, on mette de côté un certain nombre de livres,
qu’
on relira pendant toute sa vie, dans lesquels on découvrira toujours p
70
s on découvrira toujours plus de choses. Je crois
qu’
on va vers une époque où le loisir va devenir le sérieux de la vie, le
71
e sérieux de la vie c’est, bien entendu, le temps
qu’
on consacre au travail, à gagner sa vie. Et puis ensuite, on se repose
72
n peu. Il semble depuis à peu près deux-cents ans
que
le sérieux de la vie, c’est le temps du travail. C’est en train de ch
73
nuer beaucoup plus rapidement au fur et à mesure [
que
] l’automation se développera. Ce n’est pas à mon voisin, que j’irai a
74
mation se développera. Ce n’est pas à mon voisin,
que
j’irai apprendre ce genre de choses. Je pense que nous allons mainten
75
que j’irai apprendre ce genre de choses. Je pense
que
nous allons maintenant vers un état de la société où, tout doucement,
76
sir et ce sera pour le loisir, sérieux de la vie,
qu’
on travaillera un petit peu, pour s’assurer ce qu’il faut, pour avoir
77
qu’on travaillera un petit peu, pour s’assurer ce
qu’
il faut, pour avoir le temps de lire lentement. Quelqu’un demandait —
78
poser le livre à la revue » et faisait observer «
qu’
on lit énormément de revues en France, ce qui pourrait compenser les c
79
iffres un peu pessimistes des statistiques disant
qu’
on lit trop peu ». On ne peut pas vraiment opposer les deux choses par
80
nationales, régionales et locales. Cela veut dire
qu’
il n’y a pas d’autre solution à la fois désirable et praticable que l’
81
’autre solution à la fois désirable et praticable
que
l’union dans la diversité, c’est-à-dire le fédéralisme. Mais sitôt le
82
me disaient les traités de naguère. (Plus étroite
que
quelle autre, antérieure, on se le demande.) Si l’on croit que j’exag
83
tre, antérieure, on se le demande.) Si l’on croit
que
j’exagère, voici quelques exemples. Le mot fédéralisme est tabou à S
84
du Conseil de l’Europe : je compris par la suite
que
ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour un système d’unifica
85
é des pays membres. Mais alors, comment expliquer
qu’
un grand homme d’État belge ait pu écrire en ce temps-là (il a changé
86
alisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même
que
la Wallonie trouvera son salut ? En Suisse même, le fédéralisme prend
87
déralisme prend des sens à peu près opposés selon
qu’
il s’exprime en allemand ou en français. Et l’on a pu entendre le rect
88
isait-il, nous sommes fédéralistes ! Je n’ai cité
que
des européistes on ne peut plus engagés. Que sera-ce ailleurs, dans l
89
cité que des européistes on ne peut plus engagés.
Que
sera-ce ailleurs, dans la grande presse, dans la grande masse des cit
90
grande masse des citoyens dont il n’est pas exclu
qu’
avant longtemps on l’appelle à se prononcer sur la question européenne
91
hange d’une opposition commune au fédéralisme, ce
qu’
il a traduit en ces termes : « La Grande-Bretagne et la France sont to
92
la France sont toutes deux également convaincues
que
leur premier devoir à l’égard de l’Europe, le moyen le plus sûr de co
93
é individuelle en tant que nation. » Je m’assure
que
ce qu’a dit Maurice Schumann n’était nullement censé « traduire » un
94
iduelle en tant que nation. » Je m’assure que ce
qu’
a dit Maurice Schumann n’était nullement censé « traduire » un refus d
95
rmule fédérale — bien au contraire ! Il est clair
que
l’erreur est le fait du journaliste, mais ce qui frappe, c’est qu’ell
96
le fait du journaliste, mais ce qui frappe, c’est
qu’
elle ait pu passer inaperçue dans un quotidien qui s’appelle préciséme
97
fédératif. Définition assurément moins éclairante
que
les deux citations qui l’illustrent : 1) Le fédéralisme était une des
98
e disent fédéralistes contre Berne, les Québécois
que
j’ai visités l’automne dernier se veulent antifédéralistes contre Ott
99
ain d’un État typiquement capitaliste des phrases
que
l’on croirait tirées du Principe fédératif de Proudhon sur la souvera
100
s sociales créatrices. L’attitude intellectuelle
que
traduit ce vocabulaire souple et précis doit-elle rester à jamais étr
101
ue concrète sont causes des confusions de langage
que
j’ai citées et se révèlent nécessairement en elles. « Simples questio
102
, si l’on veut. Pourtant, il serait fou d’espérer
que
l’Europe se fasse un jour dans l’histoire si elle ne se fait pas d’ab
103
les esprits, et voilà qui implique un langage, et
qu’
on ne laisse pas impunies ses erreurs. Car si l’on ne fait pas attenti
104
Car si l’on ne fait pas attention aux mots, c’est
que
l’on n’a pas bien vu la chose, et comment pourrait-on la vouloir ? Ap
105
Ce
que
la Suisse peut apporter à l’Europe (19 mars 1970)c d On assiste de
106
rdre économique. Pensez-vous, Denis de Rougemont,
que
c’est là la meilleure voie pour une intégration future de l’Europe ?
107
eaucoup de gens se figurent — surtout en Suisse —
que
c’est la seule voie sérieuse. Que ce qu’il y a de sérieux quand on pa
108
out en Suisse — que c’est la seule voie sérieuse.
Que
ce qu’il y a de sérieux quand on parle de l’Europe, c’est uniquement
109
Suisse — que c’est la seule voie sérieuse. Que ce
qu’
il y a de sérieux quand on parle de l’Europe, c’est uniquement l’écono
110
mais qui explique pourquoi la Suisse n’est entrée
que
dans l’AELE et a refusé jusqu’ici d’entrer dans la CEE. Parce que l’A
111
qu’ici d’entrer dans la CEE. Parce que l’AELE n’a
que
des buts économiques, n’a jamais voulu viser à autre chose qu’à des a
112
économiques, n’a jamais voulu viser à autre chose
qu’
à des avantages commerciaux, par exemple, qui sont ceux du libre-échan
113
andis que la CEE n’a jamais caché depuis le début
qu’
elle avait des visées politiques. La Suisse, pensant que les visées po
114
e avait des visées politiques. La Suisse, pensant
que
les visées politiques, c’était de l’utopie ou que c’était dangereux,
115
que les visées politiques, c’était de l’utopie ou
que
c’était dangereux, a voulu se borner à l’économie, c’est-à-dire à ce
116
vous répondrai évidemment non, car s’il n’y avait
que
les questions économiques qui se posaient, nous aurions tout avantage
117
um. Si nous répugnons à le faire, si nous pensons
que
le problème européen dépasse celui d’une simple organisation de notre
118
icanisés », comme on le dit tous les jours, c’est
qu’
il y a d’autres choses qui sont non moins sérieuses que l’économie, qu
119
y a d’autres choses qui sont non moins sérieuses
que
l’économie, qui sont même beaucoup plus sérieuses, qui sont, par exem
120
ertés, nos modes de vie… Et c’est à cause de cela
que
nous devons faire l’Europe par d’autres voies que l’économie. On peut
121
que nous devons faire l’Europe par d’autres voies
que
l’économie. On peut donc prévoir d’autres formes d’intégration pour l
122
Une unité commune Il faut beaucoup plus même
que
la CEE à mon sens. L’intégration de l’Europe… disons, d’un mot moins
123
sur tous les plans. Elle doit être sociale autant
qu’
économique, elle doit être technique, elle doit être universitaire, sc
124
de notre histoire, une unité. C’est sur une unité
que
l’on peut fonder une union solide. Quelle est cette unité ? Eh bien !
125
a pas de cultures nationales, contrairement à ce
que
l’on nous a appris à l’école. Il n’y a qu’une grande culture européen
126
t à ce que l’on nous a appris à l’école. Il n’y a
qu’
une grande culture européenne qui vient de nos ancêtres communs : grec
127
rts, tous les procédés de nos littératures autant
que
nos techniques, les thèmes de nos réflexions historiques, tout cela e
128
» et non pas une unification. Car la seule union
que
je vois possible pour l’Europe, et la seule à laquelle la Suisse puis
129
’un écrivain français ou espagnol ? Beaucoup plus
qu’
il ne pense. Par l’ensemble des procédés que les uns et les autres uti
130
plus qu’il ne pense. Par l’ensemble des procédés
que
les uns et les autres utilisent. Par exemple — prenons les choses trè
131
pas dans les autres cultures, où l’on n’écrivait
que
de la littérature religieuse, sacrée. En Inde, par exemple, il n’y a
132
histoires qui se passent tous les jours. Il n’y a
que
des écrits religieux, de la sculpture religieuse dans les temples, de
133
les temples, de la peinture religieuse. Ce n’est
qu’
en Europe que l’on a utilisé tous ces procédés tels que le sonnet, le
134
de la peinture religieuse. Ce n’est qu’en Europe
que
l’on a utilisé tous ces procédés tels que le sonnet, le tableau, la s
135
Europe que l’on a utilisé tous ces procédés tels
que
le sonnet, le tableau, la symphonie. Toutes ces choses-là sont des cr
136
nt naturellement tous les artistes de l’Europe… …
que
l’on pourrait englober dans une forme de culture occidentale. Mais da
137
ses d’intégration sous toutes ses formes, quelles
qu’
elles soient, quelle part pourrait prendre la Suisse ? Beaucoup à a
138
uisse ? Beaucoup à apporter Alors, je pense
que
la réponse est simple. La Suisse a beaucoup à apporter dans l’union d
139
er dans l’union de l’Europe. Elle a à apporter ce
qu’
elle est, ce qu’elle est devenue au cours des siècles, c’est-à-dire la
140
de l’Europe. Elle a à apporter ce qu’elle est, ce
qu’
elle est devenue au cours des siècles, c’est-à-dire la formule fédéral
141
e la formule fédérale. C’est sur cette formule-là
que
la Suisse s’est faite peu à peu, qu’elle s’est créée sous la forme d’
142
e formule-là que la Suisse s’est faite peu à peu,
qu’
elle s’est créée sous la forme d’une confédération en 1848. Et depuis
143
reste la seule solution praticable. » Pensez-vous
que
la Suisse comprenne exactement ce qu’est le fédéralisme ? Le fédérali
144
Pensez-vous que la Suisse comprenne exactement ce
qu’
est le fédéralisme ? Le fédéralisme est l’une des choses les plus diff
145
es plus difficiles à comprendre, et même à vivre,
que
je connaisse. De toutes les doctrines politiques, c’est certainement
146
mportance… (entendant par là — je pense — le fait
que
c’est un petit pays, qui n’a qu’une petite armée, encore que ce soit
147
pense — le fait que c’est un petit pays, qui n’a
qu’
une petite armée, encore que ce soit la plus forte d’Europe !)… que ce
148
n petit pays, qui n’a qu’une petite armée, encore
que
ce soit la plus forte d’Europe !)… que ce n’est pas une grande puissa
149
ée, encore que ce soit la plus forte d’Europe !)…
que
ce n’est pas une grande puissance comme les États-Unis ou la Russie…
150
nce comme les États-Unis ou la Russie… » J’estime
que
c’est là une attitude tout à fait erronée, car ce qui fait le poids,
151
e générale, ce sont les initiatives, les exemples
qu’
il peut donner, les initiatives qu’il peut prendre. Si l’importance po
152
, les exemples qu’il peut donner, les initiatives
qu’
il peut prendre. Si l’importance politique d’un pays était mesurée uni
153
e son armée et de son économie, comment expliquer
que
les États-Unis n’aient pas gagné tout de suite la guerre contre le pe
154
st beaucoup plus l’opinion. Les Américains savent
qu’
il y a en face d’eux un pays qui agit beaucoup sur l’opinion d’une par
155
n certain idéal communiste. Les États-Unis savent
qu’
ils ne peuvent opposer à cet idéal qu’un idéal démocratique et de libe
156
Unis savent qu’ils ne peuvent opposer à cet idéal
qu’
un idéal démocratique et de liberté, et qu’ils l’illustrent fort mal e
157
idéal qu’un idéal démocratique et de liberté, et
qu’
ils l’illustrent fort mal en faisant la guerre du Vietnam. Voilà pourq
158
ant la guerre du Vietnam. Voilà pourquoi je pense
qu’
un petit pays comme la Suisse aurait les plus grandes chances d’agir s
159
irait de toute son histoire, elle sortirait de ce
que
nous sommes, nous Suisses, dont nous avons à prendre toujours mieux c
160
On la suivrait. On suivrait la Suisse, si petite
qu’
elle soit, parce qu’elle aurait une grande idée. La Suisse, si petite
161
elle aurait une grande idée. La Suisse, si petite
qu’
elle soit, n’aurait pas seulement un rôle de parti minoritaire à jouer
162
de le proposer sur un plan international, il faut
que
nous autres, les Suisses, prenions conscience plus claire de ce qu’es
163
es Suisses, prenions conscience plus claire de ce
qu’
est notre fédéralisme, des richesses de cette formule chez nous. Il fa
164
des richesses de cette formule chez nous. Il faut
que
nous l’appliquions de mieux en mieux, que nous cessions de penser que
165
Il faut que nous l’appliquions de mieux en mieux,
que
nous cessions de penser que fédéralisme signifie repli sur soi dans c
166
ns de mieux en mieux, que nous cessions de penser
que
fédéralisme signifie repli sur soi dans chaque canton, alors que c’es
167
s. Ils n’ont pu défendre leurs petites autonomies
qu’
en se groupant. Eh bien ! il faudrait appliquer cette formule maintena
168
re frontière nationale, mais voir plus loin, voir
qu’
il y a des tâches qui sont de dimensions continentales, européennes, e
169
sont de dimensions continentales, européennes, et
que
la raison, le bon sens et la formule suisse même veulent que l’on éte
170
on, le bon sens et la formule suisse même veulent
que
l’on étende le fédéralisme à la dimension des tâches nouvelles qui se
171
itoyen suisse, qui appartient à ce peuple heureux
que
vous décrivez, ne semble pas très prêt à assumer les responsabilités
172
très prêt à assumer les responsabilités nouvelles
qu’
implique la formation de l’Europe puisqu’il manque d’initiative ? Qu’e
173
ation de l’Europe puisqu’il manque d’initiative ?
Qu’
en sait-on ? Est-ce qu’on a jamais demandé aux Suisses ce qu’ils pensa
174
u’il manque d’initiative ? Qu’en sait-on ? Est-ce
qu’
on a jamais demandé aux Suisses ce qu’ils pensaient de l’Europe et d’u
175
on ? Est-ce qu’on a jamais demandé aux Suisses ce
qu’
ils pensaient de l’Europe et d’une intégration de l’Europe, d’une inté
176
x des Suisses ? On n’a jamais fait cette enquête,
que
je sache. Alors que voulez-vous qu’il se passe ? Dans ces conditions,
177
ette enquête, que je sache. Alors que voulez-vous
qu’
il se passe ? Dans ces conditions, le Suisse moyen, l’homme de la rue,
178
moyen, l’homme de la rue, quand on lui demande ce
qu’
il pense de l’Europe, répète naturellement ce qu’il a entendu dire à l
179
qu’il pense de l’Europe, répète naturellement ce
qu’
il a entendu dire à la radio, à la télévision, ce qu’il lit dans la pr
180
il a entendu dire à la radio, à la télévision, ce
qu’
il lit dans la presse, ce qu’il entend dans les discours de ses hommes
181
à la télévision, ce qu’il lit dans la presse, ce
qu’
il entend dans les discours de ses hommes d’État, de ses députés. Eh b
182
hommes d’État, de ses députés. Eh bien ! il faut
que
cela change, lentement. On lui a trop dit pendant trop longtemps : «
183
dicules en proposant de grandes choses… » Il faut
que
cela cesse ; et c’est une question d’éducation ; cela doit commencer
184
e Europe unie. Elles trouveront même bien curieux
que
l’on ne l’ait pas encore fait. Elles nous reprocheront — à la générat
185
e, qui n’est exemplaire pour personne et qui fait
que
nous sommes restés à la traîne loin derrière les autres. Alors que to
186
te — toute notre vocation historique nous indique
que
nous avons à prendre maintenant une belle initiative sur le plan euro
187
ères. c. Rougemont Denis de, « [Entretien] Ce
que
la Suisse peut apporter à l’Europe », Construire, Lausanne, 19 mars 1
188
si, visites importantes dans notre pays. Il n’y a
qu’
à songer à celle de M. Jean Rey, il y a quelques mois seulement, dans
189
e question, et je vous livre l’entretien intégral
que
j’ai eu avec lui. »
190
-Voltaire, où il prépare actuellement le discours
qu’
il prononcera le mois prochain à Bonn à l’occasion de la remise offici
191
sque, en juillet dernier déjà, elle avait annoncé
que
le prix 1970 me serait décerné. Quelle signification attachez-vous au
192
cerné. Quelle signification attachez-vous au fait
que
ce soit à vous, écrivain et directeur du Centre européen de la cultur
193
in et directeur du Centre européen de la culture,
que
sera attribué cette année le prix Robert Schuman ? J’y vois essentiel
194
n écrivain, c’est toujours un plaisir particulier
que
d’être récompensé pour des travaux réalisés en marge de son métier pr
195
sholt et Walter Hallstein. Il faut rappeler enfin
que
Robert Schuman fut président du Centre européen de la culture que je
196
an fut président du Centre européen de la culture
que
je dirige. Et, de recevoir un prix qui porte son nom est aussi, pour
197
it : Au sujet de la brève interview par téléphone
que
vous avez bien voulu publier dans votre numéro du 24 mars, permettez-
198
is en valeur par votre titre ne saurait signifier
que
la Fondation FVS de Hambourg m’aurait exprimé sa gratitude émue, comm
199
primé sa gratitude émue, comme on pourrait croire
que
je l’ai dit (si l’on ne me connaissait pas du tout) mais simplement q
200
on ne me connaissait pas du tout) mais simplement
que
je lui suis reconnaissant d’avoir reconnu le travail du Centre europé
201
assion qui se nourrit d’obstacles par définition,
que
devient-elle à notre époque où les obstacles ne se dressent plus entr
202
par la relative facilité du divorce, n’offre plus
qu’
une barrière fragile aux passions ; si on aime ailleurs, on divorce. E
203
ns nos mariages modernes, qui ne sont en principe
que
des mariages de passion, comment s’accommode-t-elle de l’immédiat quo
204
mariage, dit Denis de Rougemont, je dis seulement
qu’
il y a un conflit, si toutefois on parle de passion, qui est autre cho
205
outefois on parle de passion, qui est autre chose
que
l’amour. En effet, si l’on se marie en état de passion, c’est-à-dire
206
e réussi l’est, quand les deux conjoints estiment
que
leur vie commune est favorable à l’épanouissement de chacun. C’est le
207
es seconds mariages sont-ils souvent plus heureux
que
les premiers ? C’est que les premiers n’étaient que des mariages-maqu
208
ils souvent plus heureux que les premiers ? C’est
que
les premiers n’étaient que des mariages-maquettes. Pour moi, le maria
209
e les premiers ? C’est que les premiers n’étaient
que
des mariages-maquettes. Pour moi, le mariage, si on veut faire une co
210
t très différent d’une union basée sur la passion
qu’
on subit et dont on pâtit, par définition. D’après Denis de Rougemont,
211
ants sur la qualité de leur mariage, c’est-à-dire
qu’
à force d’entendre prôner l’idéale harmonie psychologique, indispensab
212
ous. Le tabou sexuel, par exemple. Il est certain
que
, depuis Freud, le sexe n’est plus passé sous silence. Cela dit, nous
213
d’une liberté fantastique. J’ai lu, l’autre jour,
qu’
il y avait à Paris, autour de 1890, une quinzaine de théâtres de nus q
214
offraient des spectacles beaucoup plus provocants
que
celui de « Hair » ! Les interdits, les tabous, les convenances ne son
215
upprime des gênes extérieures, cela ne correspond
qu’
à des permissions extérieures. Voyez Tristan et Iseut. Quand ils ont s
216
Iseut est assez rusé pour se reproduire, quelles
que
soient les circonstances. i. Rougemont Denis de, « [Entretien] La
217
ma théorie est le mythe de l’« État-nation », tel
que
Napoléon en a posé le modèle, intégralement centralisé en vue de la g
218
ile à toute espèce d’union tant soit peu sérieuse
que
cet État-nation qui se révèle incapable de répondre aux exigences con
219
participation civique réelle. Je vous dirai donc
qu’
entre l’union de l’Europe et les États-nations sacralisés, entre une n
220
, il fallait se battre pour survivre. Aujourd’hui
que
le nécessaire est assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influ
221
e contrôle de zones d’influence plus idéologiques
que
commerciales. Il va falloir maintenant savoir ce que nous voulons au
222
commerciales. Il va falloir maintenant savoir ce
que
nous voulons au juste : un niveau de vie quantitatif ou un certain mo
223
ée, en un mot. Par quelles structures pensez-vous
qu’
il soit possible de l’établir ? J’admets qu’il y a une pluralité d’all
224
-vous qu’il soit possible de l’établir ? J’admets
qu’
il y a une pluralité d’allégeances, civiques, politiques, culturelles,
225
ts : prenez les villages qui éclatent, le paysage
qu’
on saccage. C’est maintenant ou jamais qu’on peut trouver quelque chos
226
paysage qu’on saccage. C’est maintenant ou jamais
qu’
on peut trouver quelque chose de neuf, l’Ordre après le Désordre ! Que
227
listes, en dépit des manuels scolaires : il n’y a
que
des divisions tout arbitraires opérées dans l’ensemble vivant de la c
228
souvent d’helvétisation de l’Europe : pensez-vous
que
le modèle suisse soit le meilleur et qu’il soit viable à l’échelle eu
229
sez-vous que le modèle suisse soit le meilleur et
qu’
il soit viable à l’échelle européenne ? Le système suisse, à mon avis,
230
c’est un problème parfaitement homologue à celui
que
la Suisse a résolu avec ses 25 petits cantons souverains. La différen
231
es. Mais tout a changé avec l’avion. On peut dire
que
pratiquement l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que ne l’était la
232
atiquement l’Europe d’aujourd’hui est plus petite
que
ne l’était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée ; et les dispar
233
es ou plus frappantes entre les États de l’Europe
qu’
elles ne l’étaient entre les cantons suisses avant 1848. Il ne faut pa
234
hniques dont nous disposons à l’heure actuelle et
qu’
il ne faudrait surtout pas renier : je suis persuadé que le fédéralism
235
ne faudrait surtout pas renier : je suis persuadé
que
le fédéralisme européen se construira grâce aux ordinateurs (pour rép
236
e civil cantonal, disait lui-même au siècle passé
que
la nationalité suisse possède au plus haut degré un caractère très in
237
lus haut degré un caractère très international et
que
c’est ce type d’union pluraliste qui peut seul assurer la paix de l’E
238
assurer la paix de l’Europe ! Il me semble ainsi
que
l’idée européenne ait trouvé son climat autant que son modèle en Suis
239
ue l’idée européenne ait trouvé son climat autant
que
son modèle en Suisse. L’anthologie de l’idée européenne réserve d’ail
240
e Traz et Gonzague de Reynold, pour ne vous citer
qu’
eux. Mais que pensez-vous de la réserve mise par la Suisse à l’idée de
241
zague de Reynold, pour ne vous citer qu’eux. Mais
que
pensez-vous de la réserve mise par la Suisse à l’idée de l’intégratio
242
dont je vous parlais tout à l’heure. Il est vrai
que
le projet d’union de l’Europe a généralement passé pour chimérique en
243
n train de se faire ! On craint souvent en Suisse
que
la politique d’unification européenne vise à mêler les peuples pour é
244
remplacer par un sentiment européen. Il est clair
qu’
une Europe une et indivisible serait tout simplement une catastrophe p
245
a préconise, je crois. Il est clair, en revanche,
qu’
une Europe fédérée, respectueuse de ses diversités comme nous des nôtr
246
avantages de la formule fédéraliste. Car je pense
que
prétendre conserver les bénéfices de notre fédéralisme pour nous seul
247
Qu’
est-ce que la culture européenne ? (juin 1970)j Dans le précieux re
248
Qu’est-ce
que
la culture européenne ? (juin 1970)j Dans le précieux recueil des
249
obert Schuman à la fin de sa vie, je lis ces mots
qu’
on ne saurait souhaiter plus éclairants et qui servent de titre au deu
250
unauté culturelle. Je pense, avec Robert Schuman,
qu’
il est possible d’unir nos pays pour cette raison littéralement fondam
251
pays pour cette raison littéralement fondamentale
qu’
une unité de base existe, sur laquelle fonder cette union. Il s’agit d
252
ture, de laquelle participent tous les Européens,
qu’
ils soient d’ailleurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’
253
eurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce
qu’
ils doivent, en fait, à la culture. Unité non pas homogène, et qui ne
254
stoire, Héraclite écrivait cette phrase décisive,
qu’
il faut tenir pour la formule même de l’unité européenne : Ce qui s’op
255
is par Marx puis par Lénine avec les conséquences
que
l’on sait, jusque dans l’existence quotidienne de 700 millions de Chi
256
pales de la poésie amoureuse, donc de l’amour tel
qu’
on le parle et qu’on croit le sentir en Occident ; l’apport slave au x
257
amoureuse, donc de l’amour tel qu’on le parle et
qu’
on croit le sentir en Occident ; l’apport slave au xixe siècle ; l’ar
258
nitaire et si hautement diversifiée, je répondrai
que
la solution se trouve dans les termes mêmes du problème ainsi formulé
259
Je ne vois pas d’autre réponse imaginable au défi
que
l’Histoire nous pose dans les termes les plus précis et sans échappat
260
nion ne saurait être acquise au prix des libertés
qu’
elle est censée servir. j. Rougemont Denis de, « Qu’est‑ce que la
261
e est censée servir. j. Rougemont Denis de, «
Qu’
est‑ce que la culture européenne ? », 30 Jours d’Europe, Paris, juin 1
262
ée servir. j. Rougemont Denis de, « Qu’est‑ce
que
la culture européenne ? », 30 Jours d’Europe, Paris, juin 1970, p. 21
263
isant votre Lettre ouverte aux Européens , c’est
qu’
à l’inverse du marxisme, vous attribuez à l’idée, à la culture un rôle
264
je suis maoïste ! La révolution ne peut se faire
que
par les superstructures, car l’infrastructure est le résultat de nos
265
ue avant tout, a d’ailleurs les mêmes présupposés
que
Marx ; les vingt dernières années ont dissipé cette illusion et je pe
266
dissipé cette illusion et je pense, d’autre part,
que
ce qui peut entraîner l’économique, ce n’est pas la politique. Celle-
267
ne certaine culture qui l’a marqué et qui postule
qu’
il n’y a de sérieux que les nations. Deux de mes étudiants, ont fait u
268
l’a marqué et qui postule qu’il n’y a de sérieux
que
les nations. Deux de mes étudiants, ont fait un travail sur les manue
269
été créée par Dieu ; ce serait par volonté divine
que
les rois de France ont unifié l’hexagone, alors qu’il s’est agi d’une
270
tutions économiques européennes ne fonctionneront
que
si le politique le permet et le politique présuppose un changement de
271
toyens de l’Europe. Actuellement, on a pu établir
que
la leçon d’instruction civique, sous son aspect traditionnel, est la
272
s des programmes déjà surchargés, mais de montrer
que
tout est européen, qu’il ne peut plus y avoir de perspective national
273
urchargés, mais de montrer que tout est européen,
qu’
il ne peut plus y avoir de perspective nationaliste. Les leçons types
274
l’esprit des gens. On a pu observer, par exemple,
que
les clichés des nations les unes sur les autres sont toujours dépréci
275
nt faites par les élèves à cette occasion, montre
qu’
il y a progrès, que l’idée européenne est admise, qu’elle fait son che
276
lèves à cette occasion, montre qu’il y a progrès,
que
l’idée européenne est admise, qu’elle fait son chemin. Des enquêtes r
277
il y a progrès, que l’idée européenne est admise,
qu’
elle fait son chemin. Des enquêtes récentes, réalisées dans les pays d
278
ays du Marché commun et en Angleterre, ont montré
que
le 65 % des gens est pour une fédération européenne. Si l’on examine
279
éenne. Si l’on examine les classes d’âge, on voit
que
le 75 % des partisans de l’Europe a moins de 35 ans. L’idée européenn
280
Mai 68 ? Exactement, puisque c’est à ce moment-là
qu’
est sorti un manifeste dont on n’a pas assez parlé, bien qu’il fût sig
281
ns frein et sans mesure humaine ; nous affirmions
que
ce productivisme traduisait une mentalité commune au capitalisme bour
282
tamment appliqué au CEC ; nous n’avons centralisé
que
ce qui fonctionnait mieux en étant centralisé. Notre but était, toujo
283
s neuves, sinon l’on perd trop de temps. C’est ce
que
nous avons fait au CEC, où les premières nécessités ressenties ont ét
284
des festivals. Nous avons désiré aller aussi loin
que
possible, sans tenir compte des frontières. Vous avez souvent affirmé
285
compte des frontières. Vous avez souvent affirmé
qu’
il fallait construire l’Europe sur les régions. Une telle conception n
286
ès les réalités socioéconomiques ? Il est certain
que
l’Europe des régions sera très complexe et diversifiée, d’autant plus
287
sera très complexe et diversifiée, d’autant plus
que
les régions culturelles, ethniques, économiques ne se recouperont pas
288
es ne se recouperont pas nécessairement. Je pense
qu’
une telle Europe ne sera possible que par l’intermédiaire des ordinate
289
nt. Je pense qu’une telle Europe ne sera possible
que
par l’intermédiaire des ordinateurs. Il conviendra, d’autre part, de
290
nal constitue donc l’obstacle principal. Je pense
que
le problème le plus important est celui de l’environnement, car la ci
291
comme je l’ai écrit, ce qui va dans le même sens
que
le respect de l’autre. L’Europe devrait redevenir une sorte de jardin
292
ère assez différente. Je veux éviter ce parallèle
que
l’on fait trop facilement entre l’Amérique et la Russie soviétique. C
293
de l’Europe désunie mais pas de même nature. Ce
que
j’appelle la colonisation possible par les États-Unis — si nous ne fa
294
ar nations, chacune trop faible pour se défendre,
qu’
une ou deux de celles-ci deviennent plus ou moins communistes. Quand,
295
e, les Hongrois se sont soulevés en 1956, on a vu
que
leur appel, leur espoir, c’était l’Europe. Vous vous rappelez que les
296
leur espoir, c’était l’Europe. Vous vous rappelez
que
les derniers qui ont été tués dans le poste de Radio Budapest appelai
297
avait personne pour leur répondre. Et vous pensez
que
, actuellement, l’alternative : assujettissement ou Europe se pose en
298
ine, la technique américaine se précipitent. Tant
qu’
il y aura cet état de divisions nationales, voire nationalistes, des E
299
Il n’est pas trop tard Mais ne pensez-vous pas
qu’
il est déjà trop tard et que les « États-Unis d’Europe » risquent d’êt
300
is ne pensez-vous pas qu’il est déjà trop tard et
que
les « États-Unis d’Europe » risquent d’être l’Europe des États-Unis ?
301
risquent d’être l’Europe des États-Unis ? Est-ce
qu’
une Europe unie ne faciliterait pas, au contraire, la pénétration amér
302
ensemble, nous aurons des moyens plus importants
que
ceux des Américains. Nous ne sommes pas du tout écrasés par les deux
303
ne sommes pas du tout écrasés par les deux géants
que
sont l’Union soviétique et les États-Unis. Pour employer une image, s
304
ns le domaine de la technique. Cela tient au fait
qu’
elle s’est toujours défendue contre l’étranger. Dans cet état d’esprit
305
ns pas tenu ce raisonnement. Nous nous sommes dit
que
les Américains avaient réussi à mettre en œuvre des découvertes toute
306
des hommes ? C’était la lutte contre les dangers
que
représentent la nature, les famines, les maladies. Tandis que depuis
307
ar exemple ; cela nous pose une grande question :
que
voulons-nous en fait ? Est-ce plus de voitures ? Ou voulons-nous sauv
308
de vie, mesuré purement quantitativement. Est-ce
que
nous voulons, comme les Américains, augmenter simplement le produit n
309
? C’est l’idée matérialiste, capitaliste : pourvu
que
le PNB augmente, qu’il n’y ait pas de chômage, tout ira bien et tant
310
aliste, capitaliste : pourvu que le PNB augmente,
qu’
il n’y ait pas de chômage, tout ira bien et tant pis pour la nature. N
311
n : c’est l’attachement à un certain mode de vie.
Qu’
est-ce qu’un mode de vie ? C’est l’ensemble des rythmes de la vie, c’e
312
l’attachement à un certain mode de vie. Qu’est-ce
qu’
un mode de vie ? C’est l’ensemble des rythmes de la vie, c’est l’ensem
313
loppement, à l’infini, du niveau de vie. Je pense
que
maintenant se dessine une réaction assez forte que l’on peut voir dan
314
ue maintenant se dessine une réaction assez forte
que
l’on peut voir dans la jeunesse américaine pour le développement d’un
315
ie qui corresponde à un certain nombre de valeurs
qu’
ils jugent plus importantes que l’accumulation des objets ou un compte
316
nombre de valeurs qu’ils jugent plus importantes
que
l’accumulation des objets ou un compte en banque. Pour les Européens,
317
ds plans abstraits des Russes. On voit maintenant
que
c’est une réaction saine. Mais justement, il se trouve que dans tous
318
une réaction saine. Mais justement, il se trouve
que
dans tous les pays européens, pour une partie de la population, ce di
319
au contraire pour qu’on le pousse, beaucoup plus
que
nos compartimentages nationaux ne permettent de le faire. Il nous fau
320
on y viendra s’il y a une masse d’Européens telle
qu’
elle permettra d’envisager une véritable politique de production, qui
321
tion, qui tienne compte de certains buts généraux
que
l’on donnera à la vie. Ce serait une révolution complète. Deux mou
322
e de structures politiques et économiques, plutôt
qu’
un problème de dimension et d’organisation des pays ? Le type de socié
323
n et d’organisation des pays ? Le type de société
que
vous évoquez prend ses distances par rapport à la notion du profit en
324
ilisation capitaliste qui se développe en Europe,
qu’
elle soit fédéraliste ou qu’elle en reste au stade des États-nations.
325
développe en Europe, qu’elle soit fédéraliste ou
qu’
elle en reste au stade des États-nations. Bien sûr, si l’on prend, par
326
tion sociale et politique ? Oui, profondément. Ce
que
j’essaie de montrer depuis un certain temps, c’est que nous sommes en
327
’essaie de montrer depuis un certain temps, c’est
que
nous sommes en présence de deux mouvements, dans le monde, qui ont l’
328
aissait en réaction aussi bien contre le fascisme
que
contre le communisme totalitaire. Dès cette époque, il considère que
329
nisme totalitaire. Dès cette époque, il considère
que
le fédéralisme constitue pour l’Europe la seule chance réelle de dépa
330
l’habitude pour qu’ils puissent l’arrêter, animé
qu’
il est par la certitude d’exprimer la seule issue pour l’Europe. Nous
331
mes et de ces objections, au cours d’un entretien
qu’
il nous a accordé dans sa maison de Ferney-Voltaire. »
332
es yeux, est une première agence fédérale du type
que
je voudrais voir se multiplier. C’est, plutôt, le germe d’une agence
333
utorité de politique économique et cela ne couvre
qu’
une petite partie de l’Europe. Il faudra bien un jour qu’il y ait une
334
petite partie de l’Europe. Il faudra bien un jour
qu’
il y ait une agence fédérale européenne de l’économie ; il faudra qu’i
335
nce fédérale européenne de l’économie ; il faudra
qu’
il y en ait d’autres qui s’occupent des transports, des recherches sci
336
nt celle de la neutralité. Parce que vous pensez
que
la Suisse ne pourrait pas rester l’écart d’un tel mouvement ? Non, c’
337
doit l’être dans ses entreprises communes. On dit
que
cela signifierait la fin de la neutralité. Je pense au contraire que
338
it la fin de la neutralité. Je pense au contraire
que
cela signifierait une helvétisation de l’Europe. L’Europe fédérale se
339
orte de Suisse grande échelle ? Pour cela il faut
que
les Suisses poussent encore plus loin qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici
340
il faut que les Suisses poussent encore plus loin
qu’
ils ne l’ont fait jusqu’ici leur sens du fédéralisme : il faut qu’ils
341
fait jusqu’ici leur sens du fédéralisme : il faut
qu’
ils comprennent que certaines tâches dépassent les cantons, d’autres s
342
sens du fédéralisme : il faut qu’ils comprennent
que
certaines tâches dépassent les cantons, d’autres sont trop petites et
343
p petites et doivent rester aux communes. Il faut
qu’
ils vivent, encore mieux qu’ils ne le font, l’esprit de leur fédéralis
344
aux communes. Il faut qu’ils vivent, encore mieux
qu’
ils ne le font, l’esprit de leur fédéralisme qui est très ancien. Il n
345
me qui est très ancien. Il ne faut jamais oublier
que
la Suisse s’est fondée sur les communes, et non sur les cantons qui s
346
t récemment : « On parle toujours des difficultés
qu’
a la Suisse pour adhérer à l’Europe. Pourquoi ne parlerait-on pas de l
347
iculté qui est beaucoup plus intéressante : celle
qu’
a l’Europe pour adhérer à la Suisse ? » De ce point de vue, la Suisse
348
réciser comment vous concevez les modalités de ce
que
vous appelez l’adhésion de l’Europe à l’Idée suisse ? Quand je parle
349
n Suisse. C’est une expérience qui n’est possible
qu’
aujourd’hui, grâce au développement de la technique. Par exemple, sans
350
s diversités. Aujourd’hui, vous savez ces carcans
que
sont les frontières que l’on essaie de faire coïncider tant bien que
351
i, vous savez ces carcans que sont les frontières
que
l’on essaie de faire coïncider tant bien que mal avec un tas de réali
352
vous reprenez l’exemple de la Suisse, vous voyez
qu’
on n’y a jamais eu cette idée folle de faire coïncider l’économie et l
353
onomie et la langue, et nous avons toujours pensé
qu’
il y avait des ordres de réalités à ne pas mélanger. Il n’était pas qu
354
de l’Europe reproduit le Conseil fédéral suisse.
Qu’
est-ce que le Conseil fédéral ? Ce sont sept agences différentes qui f
355
pe reproduit le Conseil fédéral suisse. Qu’est-ce
que
le Conseil fédéral ? Ce sont sept agences différentes qui font chacun
356
main est d’ailleurs beaucoup plus révolutionnaire
qu’
on ne le pense. Elle suppose la fin du gigantisme des villes, la recré
357
ment il ne restait plus aujourd’hui d’autre choix
que
celui de faire l’Europe ou alors d’accepter de devenir une sorte de s
358
ditions européennes. Dans la suite de l’entretien
que
nous publions aujourd’hui, Denis de Rougemont montre comment la Suiss
359
t attaché aux recherches et à l’action culturelle
que
suppose la fédération de l’Europe telle que je l’entends. Recherches
360
relle que suppose la fédération de l’Europe telle
que
je l’entends. Recherches et action qui portent sur l’éducation, le ci
361
les problèmes d’environnement, aussi bien urbain
que
rural. Les problèmes d’éducation m’ont amené au problème de l’Univers
362
end comme base les régions, qui sont plus petites
que
les États, et le continent, qui est beaucoup plus grand, on aura une
363
pitres du Cheminement des esprits introduisent,
qu’
il s’agisse de festivals de musique, de guildes du livre et d’édition,
364
re en Europe et c’est dans l’ensemble de l’Europe
que
se sont établis les grands courants de l’art et de la pensée, de l’ar
365
elles auront tissé entre elles tellement de liens
qu’
on s’apercevra que l’Europe « s’est faite ». Les liens entre les régio
366
entre elles tellement de liens qu’on s’apercevra
que
l’Europe « s’est faite ». Les liens entre les régions seront devenus
367
ens entre les régions seront devenus plus solides
que
les liens qui unissent chacune de ces régions à sa capitale nationale
368
e, etc. sont-ils appelés à disparaître ? Je pense
que
peu à peu ils se déferont. À mesure que le tissu de liens réels se re
369
Je pense que peu à peu ils se déferont. À mesure
que
le tissu de liens réels se resserrera entre les régions, les liens av
370
ez comme ils ont coupé en quatre une entité telle
que
le bassin Ruhr-Moselle. De quelle manière le Centre européen de la cu
371
tivités du Centre se sont toujours portées sur ce
qu’
il y avait de plus neuf dans chaque domaine. Nous avons réuni les dire
372
de se rencontrer en terrain neutre. Estimez-vous
que
vos idées sur la fédération de l’Europe ont fait du chemin dans les e
373
ouvrages de Denis de Rougemont, un grand Européen
que
l’on peut placer à côté de Robert Schuman et de Jean Monnet. Ce sont
374
t, ont besoin l’un de l’autre, et ne se réalisent
que
l’un par l’autre. Le fédéralisme est l’expression politique de l’harm
375
s majeures : — parce qu’il faut FAIRE L’EUROPE et
qu’
on ne la fera jamais sur la base des États centralisés. — et parce qu’
376
illeur test d’un environnement de qualité. Plutôt
que
de chercher à se rendre concurrentielle, elle doit chercher à se rend
377
ommerciale — mais on attend d’elle, au contraire,
qu’
elle soit différente des autres, séduisante pour ses propres habitants
378
séduisante pour ses propres habitants plus encore
que
pour les touristes, unique en son genre et heureuse de l’être, et d’a
379
tre libres ? Devenez responsables. N’attendez pas
qu’
on vous en donne la permission et les moyens. PRENEZ vos responsabilit
380
chance imméritée : les choses ne viennent à point
que
pour qui s’y attendait, pour qui s’était obscurément disposé à les re
381
à les recevoir. Il importe au propos de ces pages
que
je marque d’abord la part des hasards apparents dans la création du
382
ami qui est à la radio suisse. Est-ce la guerre,
qu’
on attend d’une heure à l’autre ? C’est Munich, c’est la paix (pense-t
383
héâtre de la Fenice. J’éprouvais une fois de plus
que
sa musique me touchait plus qu’aucune de notre temps, si haut que fût
384
une fois de plus que sa musique me touchait plus
qu’
aucune de notre temps, si haut que fût à mes yeux Stravinski, et je me
385
e touchait plus qu’aucune de notre temps, si haut
que
fût à mes yeux Stravinski, et je me disais qu’un jour je ferais quelq
386
ut que fût à mes yeux Stravinski, et je me disais
qu’
un jour je ferais quelque chose, un opéra peut-être, avec et pour cet
387
es de guerre me firent rentrer en Suisse plus tôt
que
prévu. C’est à ce moment que l’on m’offrit d’écrire une pièce pour l’
388
r en Suisse plus tôt que prévu. C’est à ce moment
que
l’on m’offrit d’écrire une pièce pour l’Exposition nationale qui deva
389
ours « pour réfléchir » et n’en fis rien, certain
qu’
avant le terme fixé, la catastrophe réglerait tout. Sur quoi, le coup
390
he réglerait tout. Sur quoi, le coup de téléphone
que
j’ai dit, toute la vie qui se reprend à vivre, les délais à courir, l
391
ru distraitement quelques pages. L’image scolaire
que
je gardais de cet ermite du xve siècle était bien pâle. Mais ce soir
392
e entre les cantons suisses, c’est par l’autorité
que
sa vie d’ascète donne au message secret qu’il envoie à la Diète, et d
393
orité que sa vie d’ascète donne au message secret
qu’
il envoie à la Diète, et dont on ne connaît que le résultat : la paix
394
et qu’il envoie à la Diète, et dont on ne connaît
que
le résultat : la paix sauvée, « comme par miracle », disent les témoi
395
volées, les cloches de la délivrance : c’est cela
que
l’Europe vient de vivre ! Nuit blanche. Trois actes se composent. Au
396
ée l’appel au musicien — et celui-ci ne peut être
qu’
Honegger. La part de la commande Je vais le voir à Paris. Je ne
397
, inconnu du grand public, je ne lui apporte rien
qu’
une commande peu munificente. Je lui en résume les données, j’esquisse
398
domicile. Je tombe bien : Honegger vient d’écrire
que
la seule forme théâtrale à laquelle il croit pour l’avenir est « cell
399
Follevie sur les marches de son escalier, un jour
qu’
il était en retard.) Nos entretiens sont strictement techniques. Il me
400
e chacune des interventions d’un des trois chœurs
que
j’ai prévus. Quelquefois il m’appelle au téléphone : « Au 5e vers, 3e
401
eprise du Choral I, il manque une syllabe. — Ah ?
Que
faire ? — Eh bien ! nous mettrons un soupir ». Il m’a dit : « Quand v
402
te dans son grand atelier, il me joue au piano ce
qu’
il a fait. Il joue mal, je ne distingue pas grand-chose, une fin de ch
403
sentiment, non seulement mon texte, mais tout ce
que
j’ai pensé, arrière-pensé en l’écrivant et renoncé à y mettre faute d
404
dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’à ce
que
la mélodie sorte des paroles. » Je le crois, c’est évident, mais cela
405
nt, mais cela n’explique pas tout. Il y a là plus
qu’
un processus psychologique de transmission par les mots. Jamais, pas u
406
s prit deux mois — voilà qui ne pouvait signifier
qu’
un accord plus profond, par nature implicite, j’entends de telle natur
407
, par nature implicite, j’entends de telle nature
qu’
il ne pût se traduire d’une manière authentique et fidèle que dans l’œ
408
t se traduire d’une manière authentique et fidèle
que
dans l’œuvre commune, non sous une forme discursive. Cette espèce d’h
409
ie préétablie, comment ne pas admettre après coup
qu’
elle ait gouverné dans le fait plusieurs séries de « hasards objectifs
410
d’un musicien confessionnel et du genre pieux, ce
qu’
Honegger n’est à aucun degré. Je ne crois même pas qu’il se soit jamai
411
onegger n’est à aucun degré. Je ne crois même pas
qu’
il se soit jamais dit croyant, encore moins incroyant, d’ailleurs. Ce
412
ne » et des formes vidées de la foi qui les forma
qu’
on a jamais créé un style : avec tout cela on ne fait que du folklore,
413
jamais créé un style : avec tout cela on ne fait
que
du folklore, et le pire est le folklore religieux. Si le style d’Hone
414
dans la plupart des œuvres « à sujet religieux »
que
je viens d’énumérer, doit être qualifié d’essentiellement chrétien, c
415
usique, ni même des croyances de l’homme, quelles
qu’
elles fussent. Sa musique est chrétienne parce qu’elle est une prière,
416
et s’ordonne à l’amour, c’est-à-dire : à Dieu tel
qu’
il s’annonce au « cœur » de l’homme. Sa musique est chrétienne en cela
417
r » de l’homme. Sa musique est chrétienne en cela
qu’
elle signifie, par son affectivité même, « l’adéquation physique (de l
418
oire devient liberté de choisir qui ne se renonce
que
dans le choix du sens. Or ce sens tout d’abord jalonné par les signes
419
it être décidé par la personne, et ne peut l’être
que
dans l’acte de foi, par quoi je n’entends pas du tout l’adhésion à qu
420
sons l’Esprit, qui n’est pas vérifiable autrement
que
par ses créations ou incarnations. Celles-ci seront pour l’un certain
421
ttré, c’est « faire du chemin, surtout en ce sens
que
le chemin est long et qu’on le parcourt lentement ». Ainsi chemine La
422
min, surtout en ce sens que le chemin est long et
qu’
on le parcourt lentement ». Ainsi chemine Lancelot dans la forêt norma
423
éral du Centre européen de la culture —, proposer
que
nous lancions une « Charte européenne » et un « Brevet européen du sp
424
e chauvinisme vociférant —, voilà une belle idée,
que
j’accepte d’enthousiasme. C’était en 1954. Après deux ans d’études, d
425
uniquait le texte « pour mon information, pensant
que
ce sujet était peut-être de nature à m’intéresser ». Je reconnus au p
426
éricains. Mais l’Europe ne pourra jamais se faire
que
selon la formule fédéraliste, respectueuse des diversités et des auto
427
es deux cas, l’expérience séculaire ou millénaire
qu’
ils prétendaient inaugurer n’a duré que dix à douze ans. (La Suisse, e
428
millénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’a duré
que
dix à douze ans. (La Suisse, en regard, approche du viie siècle de s
429
e siècle de sa continuité historique, continuité
que
l’on peut très bien faire remonter au pacte secret de 1273, que le Pa
430
très bien faire remonter au pacte secret de 1273,
que
le Pacte du 1er août 1291 ne fera guère que copier.) Or il se trouve
431
1273, que le Pacte du 1er août 1291 ne fera guère
que
copier.) Or il se trouve que cette formule fédéraliste, seule pratiqu
432
t 1291 ne fera guère que copier.) Or il se trouve
que
cette formule fédéraliste, seule pratiquement possible pour l’Europe,
433
e. Tout serait parfait, n’était l’obstacle majeur
que
l’on dresse sans relâche et toujours à nouveau contre toute union féd
434
ainte mais en fait toujours plus illusoire — sauf
qu’
elle bloque tout. C’est ici que nous rejoignons la culture. Car c’est
435
illusoire — sauf qu’elle bloque tout. C’est ici
que
nous rejoignons la culture. Car c’est bien la culture — l’école, la p
436
ons élèves et de maîtres eux-mêmes trop crédules,
que
l’État national centralisé et absolument souverain, c’est l’aboutisse
437
ou Anglais, — contre toute évidence historique —
que
la France, l’Allemagne, l’Italie ou la Grande-Bretagne sont immortell
438
Grande-Bretagne sont immortelles, ce qui suggère
qu’
elles auraient existé de toute éternité, alors qu’en vérité, pour la p
439
ations, a beaucoup varié lui-même quant à la date
qu’
il attribue à la naissance de l’histoire de France : tantôt il la fait
440
certaine « grandeur ». Mais si l’on peut admettre
que
l’État français existe réellement depuis Philippe Le Bel, il est abso
441
depuis Philippe Le Bel, il est absolument certain
que
l’Italie comme État n’a que 110 ans, l’Allemagne 100 tout juste, la N
442
st absolument certain que l’Italie comme État n’a
que
110 ans, l’Allemagne 100 tout juste, la Norvège 66, la Tchécoslovaqui
443
e Islande 27, et Malte 10. L’école vous a raconté
que
chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à
444
naturelles. Et vous l’avez cru ! Vous croyez donc
que
chacun de nos États-nations a sa langue et que ses frontières coïncid
445
nc que chacun de nos États-nations a sa langue et
que
ses frontières coïncident avec son extension. Vous croyez que les Eur
446
tières coïncident avec son extension. Vous croyez
que
les Européens sont trop différents les uns des autres pour s’unir et
447
trop différents les uns des autres pour s’unir et
qu’
on ne pourra jamais les fédérer, parce que nos vingt-cinq États-nation
448
ir un pouce de leur sacro-sainte souveraineté, et
qu’
ils sont immortels. Or, tout est faux dans cet enseignement, et dans l
449
de plus. Mais à l’université même, on ne parlait
qu’
en latin, et l’on ignorait tout des appartenances « nationales » au se
450
nationales » au sens moderne du mot. C’est ainsi
qu’
à la Sorbonne, vers 1267 — comme me le faisait observer un jour Étienn
451
res d’un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai
que
nos stato-nations modernes correspondent à l’aire de diffusion d’une
452
et de la région de la Volga. On m’objecte souvent
que
nos langues sont trop différentes pour que nous puissions nous entend
453
bourg et Sofia, Varsovie et Madrid. C’est oublier
que
toutes nos langues (sauf le basque et le finno-ougrien) sont étroitem
454
s radicalement étrangères les unes aux autres, et
qu’
en Inde, le Pandit Nehru ne pouvait se faire comprendre qu’en anglais
455
e, le Pandit Nehru ne pouvait se faire comprendre
qu’
en anglais de l’immense majorité de ses concitoyens quand il les appel
456
gues différentes ne peuvent communiquer entre eux
qu’
au moyen d’idéogrammes dessinés dans la paume de leur main, les Europé
457
mune origine indo-européenne, mais encore tout ce
que
leur histoire y ajouta au cours des âges, notions philosophiques grec
458
loin, l’unité culturelle de l’Europe est un fait
que
personne ne conteste — à part nos bons nationalistes. Enfin, il y a
459
is au service dévot de l’État-nation. C’est ainsi
qu’
on nous a inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses deux rives, m
460
l’État-nation. C’est ainsi qu’on nous a inculqué
que
le Rhin sépare les peuples de ses deux rives, mais que le Rhône les u
461
e Rhin sépare les peuples de ses deux rives, mais
que
le Rhône les unit ; allez savoir pourquoi ! (Mais non, surtout ne le
462
e de la France, voilà qui est clair — à condition
qu’
un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de
463
on qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas
que
l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux v
464
es Basques. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier
qu’
on y parle italien des deux côtés au sud, français des deux côtés à la
465
rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce
qu’
il faudrait arrêter — la tempête, les épidémies, la pollution de l’air
466
stato-nationale, qui ne peut plus avoir d’effets
que
négatifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle de nations en
467
et le sens même de la vie de l’esprit. La vérité
qu’
on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est une, qu’
468
de l’esprit. La vérité qu’on nous cachait, c’est
que
la culture de tous nos peuples est une, qu’elle s’est formée à partir
469
c’est que la culture de tous nos peuples est une,
qu’
elle s’est formée à partir des mêmes influences indo-européennes, gréc
470
ariables, et qui ont éduqué notre vision du réel,
que
nous le sachions ou non, que nous soyons cultivés ou non. Toutes les
471
otre vision du réel, que nous le sachions ou non,
que
nous soyons cultivés ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’archi
472
n Bourgogne, en France et redescend vers l’Italie
qu’
elle enrichit de ses nombreuses découvertes, jusqu’au xvie siècle, qu
473
ayreuth. C’est alors auprès des maîtres allemands
que
les premiers compositeurs de Moscou et de Saint-Pétersbourg apprennen
474
. Au début du xxe siècle, plusieurs Russes, tels
que
Stravinsky, influenceront à leur tour la musique occidentale, en impo
475
ée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais
qu’
en est-il de ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vr
476
’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg,
que
ces « précieuses diversités » sont celles de nos nations ? Je vous pr
477
ssistes et des conservateurs. Or, je mets en fait
que
dans la plupart des cas, les hommes de gauche de pays différents se r
478
bleront davantage et s’entendront mieux entre eux
qu’
ils ne s’entendent avec les hommes de droite de leur propre nation ; q
479
avec les hommes de droite de leur propre nation ;
que
les surréalistes d’un pays s’accorderont mieux avec les surréalistes
480
rderont mieux avec les surréalistes de l’étranger
qu’
avec les conformistes de leur propre nation ; et ainsi de suite. Ce ne
481
squerez pas un instant de créer ce fameux volapük
que
dénonçait de Gaulle, non sans démagogie un peu facile. Seconde observ
482
elle en Europe est d’autant plus riche et intense
qu’
elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Mo
483
riche et intense qu’elle est moins centralisée et
que
ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création s
484
en mobilisant à Paris tous les esprits distingués
qu’
il n’avait pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notr
485
, entre l’unité et la diversité, vous remarquerez
que
l’échelon national ne joue aucun rôle, est simplement omis, inexistan
486
’illusion d’une « culture nationale » — ne fût-ce
qu’
en raison de son appartenance à trois domaines linguistiques majoritai
487
tières ou à cheval sur les frontières. C’est dire
que
là encore, le stade stato-national paraît condamné à s’effacer progre
488
de nos frontières cantonales, et je ne crois pas
que
nous y ayons perdu quoi que ce soit de vraiment précieux. Ces vérités
489
es et des pratiques stato-nationalistes. L’Europe
que
nous voulons, nous aussi, ne sera jamais un laborieux et problématiqu
490
: ce serait une amicale des misanthropes — chose
qu’
on peut écrire, non faire, car ou bien on a une vraie amicale, mais al
491
opes, mais alors il n’y a pas d’amicale. L’Europe
que
nous voulons sera fédérale — ou alors elle ne se fera pas sérieusemen
492
rition des frontières. Mais je vois là aussi plus
qu’
une incitation : un appel, un devoir d’agir. Il y a vingt-cinq ans, au
493
phe allemand Karl Jaspers n’hésita pas à déclarer
que
l’Europe n’avait plus le choix qu’entre deux solutions : la balkanisa
494
pas à déclarer que l’Europe n’avait plus le choix
qu’
entre deux solutions : la balkanisation et l’helvétisation. Ce diagnos
495
e une ligne de conduite et d’action. Je sais bien
que
les Suisses sont timides et qu’ils en font même une vertu, sous le no
496
ion. Je sais bien que les Suisses sont timides et
qu’
ils en font même une vertu, sous le nom de modestie. Qu’ils fassent do
497
en font même une vertu, sous le nom de modestie.
Qu’
ils fassent donc un effort, un courageux effort contre leur modestie !
498
se fera pas tout seul. C’est maintenant ou jamais
que
la Suisse doit prendre l’initiative de proposer sa propre solution fé
499
oser en temps et hors de temps, et d’exiger enfin
qu’
on la prenne au sérieux. Ce sera « dans les intérêts de l’Europe entiè
500
neté illimitée, illusoire d’ailleurs, à cela près
qu’
elle bloque tout ! L’école, aux trois degrés, nous fait croire que l’É
501
out ! L’école, aux trois degrés, nous fait croire
que
l’État-nation est le dernier mot de l’évolution, qu’il correspond à u
502
l’État-nation est le dernier mot de l’évolution,
qu’
il correspond à une langue et à une culture particulière, qu’il forme
503
spond à une langue et à une culture particulière,
qu’
il forme une unité économique et qu’il se définit par des “frontières
504
particulière, qu’il forme une unité économique et
qu’
il se définit par des “frontières naturelles” : tout cela est faux, co
505
ales. C’est sur la base de cette unité de culture
que
nous pourrons édifier l’union fédérale de nos diversités. »
506
ar avance le limite. Je ne le connaîtrai vraiment
qu’
en découvrant à l’expérience ce qu’il me dicte ou m’interdit, mais aus
507
îtrai vraiment qu’en découvrant à l’expérience ce
qu’
il me dicte ou m’interdit, mais aussi ce qu’il m’incite ou m’autorise
508
ce ce qu’il me dicte ou m’interdit, mais aussi ce
qu’
il m’incite ou m’autorise à modifier d’une manière inédite — qui sera
509
biale, et enfin ou d’abord les langues et tout ce
qu’
elles conditionnent — modes de sentir, de juger, de penser —, à quoi s
510
. L’héritage culturel conditionne en second lieu,
que
nous le sachions ou non, un grand nombre de chances spécifiques propo
511
ose aussi des limitations précises à leur action,
qu’
ils ne peuvent éluder, surtout s’ils les ignorent. 3. L’héritage cultu
512
lités, dont nous ne pouvons en général actualiser
qu’
une part infime. Il n’est pour nous, au sens concret, que ce que nous
513
part infime. Il n’est pour nous, au sens concret,
que
ce que nous sommes capables d’en utiliser pour nos fins propres. Tout
514
fime. Il n’est pour nous, au sens concret, que ce
que
nous sommes capables d’en utiliser pour nos fins propres. Tout hérita
515
valeurs selon nos problèmes présents. C’est dire
que
mis en face de l’héritage total, nous sentons qu’il comporte une part
516
que mis en face de l’héritage total, nous sentons
qu’
il comporte une part d’hérédité inéluctable, mais que, dans la part li
517
il comporte une part d’hérédité inéluctable, mais
que
, dans la part libre, nos choix nécessairement vont constituer des hér
518
tuer des hérésies. Nous ne deviendrons nous-mêmes
qu’
à ce prix, qui est d’assumer les risques de notre différence personnel
519
ête) croit encore, dans l’ensemble « naïvement »,
que
la culture consiste à lire ou écrire des romans, enseigner la philoso
520
ant de l’évolution des arts en avouant volontiers
qu’
on ne comprend plus — et voilà quelqu’un de cultivé. Si je dis au cont
521
oilà quelqu’un de cultivé. Si je dis au contraire
que
la culture est ce que l’homme ajoute à la nature, on voit qu’elle rep
522
ivé. Si je dis au contraire que la culture est ce
que
l’homme ajoute à la nature, on voit qu’elle représente en fait tout c
523
re est ce que l’homme ajoute à la nature, on voit
qu’
elle représente en fait tout ce que nous sommes capables de penser et
524
ature, on voit qu’elle représente en fait tout ce
que
nous sommes capables de penser et presque tout ce que nous voyons sur
525
nous sommes capables de penser et presque tout ce
que
nous voyons sur notre petit coin de la planète, entre le sol et les n
526
e paysage européen est un fait de culture au sens
que
je viens de noter.) Et non seulement le phénomène culturel englobe le
527
culturel englobe les activités aussi hétérogènes
que
le choix et le contrôle des poids et mesures, la rhétorique, l’ethnog
528
ture assume toutes les antinomies. On dirait même
qu’
elle les nourrit et les accuse. C’est qu’elle y a vu, ou pressenti, le
529
ait même qu’elle les nourrit et les accuse. C’est
qu’
elle y a vu, ou pressenti, le secret de son dynamisme. Aux trois sourc
530
dont on ne dira jamais assez combien les valeurs
qu’
elles transportent sont étrangères les unes aux autres — si deux se dé
531
e sera pour mieux exclure la troisième —, il faut
que
nous prenions l’habitude de combiner en contrepoint la source celte,
532
péen. Tout cela est culturel ou je ne sais pas ce
que
c’est. Et tout cela vit en chacun de nous, sous forme de conflits, de
533
te devant la personne responsable ; et tous, tant
que
nous sommes, représentons une figure irremplaçable dans le ballet des
534
pas exceptionnel : il est irrécusable. J’entends
qu’
il est universel. Pas un seul d’entre nous n’y échappe. Que nous soyon
535
universel. Pas un seul d’entre nous n’y échappe.
Que
nous soyons « très cultivés » ou illettrés y change bien moins qu’on
536
très cultivés » ou illettrés y change bien moins
qu’
on ne l’imagine. Nous sommes tous tributaires de deux mémoires, celle
537
n, Solon, qui ont inventé la liberté en déclarant
que
c’est l’individu et non le clan qui est responsable en justice ; et à
538
us sommes si fiers de nos langues, nous affirmons
qu’
il faut les garder « pures », et nous allons jusqu’à prétendre que leu
539
arder « pures », et nous allons jusqu’à prétendre
que
leur diversité empêche l’union de l’Europe. Orgueils, craintes et pré
540
de l’Europe sont coupées les unes des autres, et
que
les poètes ne lisent plus d’autre littérature que celle de leur propr
541
que les poètes ne lisent plus d’autre littérature
que
celle de leur propre langue, la poésie dépérit nécessairement dans ch
542
enfaits du chauvinisme : il ne cesse de trahir ce
qu’
il prétend sauver. Quant à la diversité des langues, si on la respecte
543
pas l’union, bien au contraire, elle ne condamne
que
l’unification forcée. Entre le breton, l’alsacien, le catalan, le fla
544
ns l’Hexagone, les différences sont aussi grandes
qu’
entre l’espagnol et le grec, le danois, l’allemand et le tchèque. Ces
545
idée des vraies « nations », qui ne peut se faire
que
dans le cadre européen. Car des vraies « nations » ou régions ne sero
546
tions » ou régions ne seront vraiment elles-mêmes
que
toutes ensemble, dans leurs interrelations. Aucune ne sera jamais une
547
n de plus commun à toutes les nations de l’Europe
que
leur désir de se trouver une vocation originale. Rien de plus caracté
548
ien de plus caractéristique du véritable Européen
que
sa volonté de n’être pas comme son voisin, de ne ressembler à aucun a
549
ante de l’héritage commun. Ceci noté, il n’en est
que
plus frappant de constater qu’un même mot originel, grec, latin, germ
550
noté, il n’en est que plus frappant de constater
qu’
un même mot originel, grec, latin, germanique ou celtique, se retrouve
551
se retrouve dans tous nos États et montre bien ce
qu’
il faut penser de leur soi-disant « originalité culturelle ». Ainsi le
552
à vingt autres fleuves et rivières de l’Europe. «
Qu’
as-tu que tu n’aies reçu ? », dit notre « mère l’Europe » — comme l’ap
553
utres fleuves et rivières de l’Europe. « Qu’as-tu
que
tu n’aies reçu ? », dit notre « mère l’Europe » — comme l’appelait dé
554
vanche, tout héritier est hérétique, du seul fait
qu’
il ne peut embrasser la totalité de l’héritage. Ses données génétiques
555
partis qui n’arrivent plus à se définir autrement
que
par leur opposition. Cette limitation du jugement, ce blocage du sen
556
ie, l’amour, l’humeur, et dont on sait maintenant
qu’
elles ont leur siège dans les masses profondes du cerveau (thalamus, h
557
ues (autarcie). D’où les dévastations planétaires
que
l’on sait. Les Européens ne sont pas plus cruels et violents que les
558
Les Européens ne sont pas plus cruels et violents
que
les Asiates ou les Noirs, loin de là. Mais ils ont causé, en fait, le
559
par le respect de la Science, qui a pris la place
qu’
occupaient la théologie au xiiie siècle et l’idéologie au xixe siècl
560
t » mais il croit mieux les savants d’aujourd’hui
que
les curés d’hier, ou les marxistes de tout à l’heure, s’il ne les com
561
laïque, le politicien et le militaire ne peuvent
que
subir sans comprendre. Il en résulte une inégalité fondamentale entre
562
t la sécession des hippies (ou drop off) ne donne
qu’
une faible et trop aimable idée. 4. L’Européen romanisé, organisé, éta
563
ère plus concevoir « Dieu » et la vie spirituelle
que
dans les cadres institutionnels des Églises. Si bien que l’anticléric
564
re humaine, de l’approche familière des symboles,
que
nous découvrons dans nos rêves, et que transmet la sagesse des nation
565
symboles, que nous découvrons dans nos rêves, et
que
transmet la sagesse des nations par les proverbes. Le petit citadin d
566
chacun se sent seul et coupé de l’Histoire autant
que
de la nature, a tout ce qu’il faut pour devenir aliéné. Quant aux él
567
de l’Histoire autant que de la nature, a tout ce
qu’
il faut pour devenir aliéné. Quant aux éléments libérateurs de l’héri
568
la part la plus menacée de notre héritage, celle
qu’
il nous est possible de dilapider. Car ces vertus ne contraignent pas
569
dans la Chine de Mao. Mais c’est bien à tout cela
que
l’Europe a dû ses pouvoirs d’invention, d’innovation, d’expansion pla
570
répond Denis de Rougemont, c’est au xiie siècle
qu’
a commencé la poésie des troubadours qui consistait dans l’adoration d
571
igneur. Ce qui s’est passé au xiie siècle, c’est
que
les femmes sont devenues des sujets de la vie non seulement culturell
572
rien du tout. Après cela, il est inutile de dire
que
le rôle de la femme a été considérable dans tout le développement de
573
igne de la liberté pour les Germains. Ce qui fait
que
les hommes qui vont à la Landsgemeinde ont encore un sabre à la main
574
ommes très mélangés en Suisse romande, cette idée
que
la femme n’a pas sa place dans les affaires publiques qui doivent êtr
575
ccorder l’égalité politique aux femmes ? Je crois
que
cela forme l’inconscient des Suisses, très fortement. Et vous savez q
576
scient des Suisses, très fortement. Et vous savez
que
, dans l’inconscient, agissent toujours des choses très anciennes dont
577
e, dans notre société actuelle, il est impossible
qu’
on vous démontre en quoi la force physique privilégie quelqu’un. Ég
578
se, qui vous disent : c’est très bien les femmes,
qu’
elles aient le droit de vote, mais alors qu’elles fassent aussi du ser
579
ce fond germanique, médiéval. Lorsque vous dites
que
les femmes « ont été l’agent principal de civilisation », n’exagérez-
580
us pas leur rôle ? En tous les cas, ça choque… Ce
que
nous avons de culture, nous le devons à nos mères plus qu’à nos pères
581
avons de culture, nous le devons à nos mères plus
qu’
à nos pères, en grande partie. Je n’entends pas culture au sens scolai
582
des coutumes, de la morale, c’est par les femmes
que
cela se fait en Europe. C’est très important et on l’oublie toujours.
583
oir une certaine vénération pour l’uniforme, plus
que
les hommes souvent. Il n’en reste pas moins, que bien ou mal, c’est p
584
que les hommes souvent. Il n’en reste pas moins,
que
bien ou mal, c’est par les femmes que se fait la culture profonde des
585
pas moins, que bien ou mal, c’est par les femmes
que
se fait la culture profonde des enfants. Psychanalyser le Suisse
586
cordé le même poids au rôle de la femme. Je pense
que
c’est spécifiquement européen, parce que notre civilisation est fondé
587
p de femmes pour un homme. Chez nous, considérons
qu’
il n’y a aucune espèce de différence au point de vue public entre homm
588
lic entre hommes et femmes. Je ne dis pas du tout
qu’
il n’y a pas de différence entre masculin et féminin. Je dis que sur l
589
s de différence entre masculin et féminin. Je dis
que
sur le plan de la vie publique il n’y en a pas. Je n’en vois pas. Les
590
que il n’y en a pas. Je n’en vois pas. Les seules
que
nous croyons voir, que nous imaginons voir, c’est à cause de ce vieux
591
n’en vois pas. Les seules que nous croyons voir,
que
nous imaginons voir, c’est à cause de ce vieux fond inconscient qui r
592
les citoyens suisses donneront-ils aux femmes ce
qu’
ils considèrent eux-mêmes comme un droit inaliénable ? Il serait heure
593
es comme un droit inaliénable ? Il serait heureux
que
la réponse à cette question soit un “oui franc et massif”. À dire vra
594
de la votation de ce week-end réside dans le fait
que
c’est “le peuple”, en l’occurrence les hommes, qui se prononcera. Par
595
, d’ordre historique et psychologique. Qui, mieux
que
Denis de Rougemont, pouvait analyser les motivations de ce refus, auj
596
0, Arnaud Dandieu définissait la seule révolution
que
je tienne aujourd’hui encore pour nécessaire et réalisable comme un é
597
rs la personne. De la conclusion d’une conférence
qu’
il donnait en 1931 sur l’idée de nation, je recopie ces lignes4 : Pla
598
issement des États provinciaux », et il rappelait
que
si la République une et indivisible s’est opposée au fédéralisme, c’e
599
nnaire, recréant entre les peuples ces frontières
que
niait précisément l’esprit de la Révolution, a fait perdre à celle-ci
600
communisme de la Commune ne saurait être compris
que
si on ne le sépare pas du communalisme de la Commune, c’est-à-dire de
601
re de la tradition régionaliste française dans ce
qu’
elle a de plus authentique. Là pouvait être le remède « au mal central
602
aux, libérant le vrai sentiment patriotique… Tant
que
patrie et nation seront confondues, la guerre sera fatale et la révol
603
’unité de structure dynamique des deux mouvements
que
la mentalité stato-nationaliste conçoit comme contraires : l’élan ver
604
utonomiste) la personne n’existant, au sens fort,
que
dans la tension entre ces deux pôles. Ces textes réfutent ensuite l’o
605
national nommé France. Car Dandieu a montré mieux
que
personne comment le mouvement vers l’autonomie régionale était dans l
606
démission du spirituel et ce refus de l’universel
qu’
est le stato-nationalisme centraliste, trahison de la révolution libér
607
Et pour ma part, je ne cesse de mieux mesurer ce
que
j’ai dû et dois encore aux trop brèves années de notre collaboration
608
ue6. 4. Ce texte a paru dans l’excellente revue
qu’
était Fédération, n° 78, juillet 1931. 5. On notera l’usage très part
609
a première citation) : il s’agit en réalité de ce
que
nous conviendrons un peu plus tard, tant à Esprit qu’à L’Ordre nou
610
us conviendrons un peu plus tard, tant à Esprit
qu’
à L’Ordre nouveau , d’appeler personnalisme. Dans le lexique unifié d
611
ndiquée chez Dandieu par le prédicat « agressif »
qu’
il accole à « individu » — s’oppose à la donnée inerte, résultat d’une
612
sse ou collectivité inorganique. 6. Cf. le texte
que
nous avions préparé et signé ensemble pour le groupe de discussions p
613
des responsables de la vie politique de nos pays,
qu’
il s’agisse de régions économiques, ethniques, écologiques ou simpleme
614
érale de la politique régionale. On sait du reste
que
le débat sur les régions prend sans cesse plus d’ampleur et d’urgence
615
politique au sens étroit du terme, il est un fait
que
je crois indispensable de mettre en relief ; c’est que les études rég
616
e crois indispensable de mettre en relief ; c’est
que
les études régionales paraissent propres à renouveler non seulement l
617
thodologique plus fécond, pour cette renaissance,
que
celui de la génétique des régions dans l’ensemble socioculturel de l’
618
ons dans l’ensemble socioculturel de l’Europe tel
qu’
il s’est composé pendant trois millénaires. Instruction civique
619
tateur, n’étant possible et praticable en général
que
dans le cadre communal et régional, l’avenir de la démocratie se conf
620
t cependant, elle doit tenir compte des obstacles
que
les États-nations mettent à toute stratégie écologique cohérente, c’e
621
est-à-dire transnationale, et du degré de liberté
qu’
ils laissent aux industriels anarchistes, ceux qui exploitent et détru
622
Dans ma Lettre ouverte aux Européens j’ai écrit
que
l’Europe, c’est 480 millions d’Européens qui s’ignorent, et que la co
623
c’est 480 millions d’Européens qui s’ignorent, et
que
la condition de notre survie, c’est de nous unir très vite dans une f
624
pour moi, le couple est la première cellule de ce
que
j’appelle le fédéralisme, c’est-à-dire l’union dans la diversité. Com
625
racine de mondes politiques différents. Ce n’est
que
peu à peu, d’ailleurs, que s’est révélé à moi le principe de cohérenc
626
s différents. Ce n’est que peu à peu, d’ailleurs,
que
s’est révélé à moi le principe de cohérence entre le couple, la perso
627
lisme. C’est votre équation de base ? Oui. Disons
qu’
il s’agit d’une intuition fondamentale qu’il est très difficile d’expr
628
Disons qu’il s’agit d’une intuition fondamentale
qu’
il est très difficile d’exprimer, et c’est pourquoi j’écris tant de li
629
dans un débat à la radio : « Ne craignez-vous pas
que
les Européens ne soient trop différents les uns des autres pour jamai
630
s’unir ? » J’ai répondu : « Ne craignez-vous pas
que
les hommes et les femmes ne soient trop différents pour pouvoir jamai
631
uples ? » Voilà dévoilée l’équation de base de ce
que
j’ai écrit aussi bien dans L’Amour et l’Occident sur le couple huma
632
le de deux personnes dans le respect de l’autre —
que
sur le fédéralisme : l’union dans la diversité et pour la diversité,
633
des deux, l’uniformisation. Si une certaine idée
que
nous avons de l’amour-passion nous conditionne au point de n’être plu
634
depuis trente ans ? Cherchez bien et je suis sûr
que
vous trouverez. Regardez autour de vous : le mariage occidental est u
635
erme d’adultère. Et cette catastrophe vient de ce
qu’
on a voulu fonder le mariage sur le sentiment amoureux. Serait-ce une
636
ux. Et nous en tirons cette conséquence illogique
qu’
il faut se marier. Eh bien, non, on ne reste pas amoureux tout le temp
637
ne reste pas amoureux tout le temps ! Chacun sait
que
le mariage, c’est la durée. Fonder le mariage sur la passion, sur que
638
ur la passion, sur quelque chose dont chacun sait
que
cela ne durera pas, c’est vouloir le construire sur le principe même
639
ans le mariage ? Non. Je dis autre chose : je dis
qu’
il est l’ennemi du mariage. Ce n’est pas par hasard que le jugement de
640
est l’ennemi du mariage. Ce n’est pas par hasard
que
le jugement de la comtesse Marie de Champagne, au xiie siècle, exclu
641
e par les troubadours. Finalement, j’ai découvert
que
le mythe de Tristan et Iseut est l’ennemi intime du mariage et du cou
642
pprimer en tant que force antisociale qui ne peut
que
gêner le rendement. C’est un fait : l’Asie bouddhiste, brahmanique n’
643
han à Toronto, en 1969. Je sais par ses étudiants
qu’
il parle souvent de mes thèses dans ses cours. Quand l’historien Charl
644
istorien Charles Seignobos écrivit déjà, en 1920,
que
l’amour était une invention du xiie siècle, cela passa pour une bout
645
. Allons donc, disait-on, l’amour est aussi vieux
que
le genre humain, et que faisaient donc les hommes et les femmes avant
646
, l’amour est aussi vieux que le genre humain, et
que
faisaient donc les hommes et les femmes avant le xiie siècle ! Ainsi
647
is il est réfuté par les faits. Car c’est un fait
que
le mot amour, qui désigne pour nous le sentiment de la passion, n’a p
648
’a pris de sens dans le Languedoc du xiie siècle
qu’
avec la poésie des troubadours, Héloïse et Abélard, puis Tristan et Is
649
otype éternel de l’amour-passion : et c’est de là
que
viennent toutes nos littératures européennes et tous les lieux commun
650
opéennes et tous les lieux communs de l’amour tel
qu’
on le chante, tel qu’on l’écrit, tel qu’on le vit jusqu’à nos jours. J
651
lieux communs de l’amour tel qu’on le chante, tel
qu’
on l’écrit, tel qu’on le vit jusqu’à nos jours. Je pense surtout aux e
652
amour tel qu’on le chante, tel qu’on l’écrit, tel
qu’
on le vit jusqu’à nos jours. Je pense surtout aux effets dégradés du m
653
Hollywood et le modèle collectif de cette romance
que
chacun s’imagine devoir vivre. Le mariage est en train de voler en éc
654
je n’ai aucune recette pour l’amour. Je constate
que
la passion et le mariage sont des adversaires fondamentaux, bien que
655
, à réduire l’autre à la loi d’un seul. Qui a dit
que
l’amour rendait libre ? Celui-là charge les gens de chaînes. Dans le
656
ossible fusion, qui, finalement, ne peut conduire
qu’
à la mort. L’amour-passion tel que nous le concevons a inspiré tous le
657
e peut conduire qu’à la mort. L’amour-passion tel
que
nous le concevons a inspiré tous les arts en Europe, mais il ne vaut
658
rope, mais il ne vaut rien pour cette œuvre d’art
qu’
est le couple. C’est une thèse que la plupart des gens peuvent diffici
659
tte œuvre d’art qu’est le couple. C’est une thèse
que
la plupart des gens peuvent difficilement admettre. Je peux vous dire
660
de Tristan. La Rochefoucauld a fort bien compris
que
l’amour est essentiellement lié à l’expression. Il écrit : « Combien
661
ression. L’amour-passion, c’est autre chose. Tant
qu’
il n’est pas « déclaré », c’est comme s’il n’existait pas. Grâce à la
662
invention spécifique de la culture européenne. Et
que
se passe-t-il dans les autres civilisations ? Je n’ai rien trouvé de
663
sentir et ressentir l’amour, l’« amour de loin »
que
chante le troubadour Jaufré Rudel, l’éloge de la chasteté, les règles
664
sion ne s’approfondit et ne dégage ses puissances
qu’
à la mesure des résistances qu’elle rencontre. On ne retrouve en Orien
665
age ses puissances qu’à la mesure des résistances
qu’
elle rencontre. On ne retrouve en Orient que la technique érotique des
666
ances qu’elle rencontre. On ne retrouve en Orient
que
la technique érotique des épreuves, signalée par Mircea Eliade. Par e
667
dormir quarante jours au pied du lit de la femme
qu’
il aime, quarante jours, dans son lit, sur le côté gauche, quarante jo
668
uarante jours sur elle, sans la toucher. Ce n’est
qu’
après cette épreuve que peut s’opérer l’union sexuelle, qui ne doit d’
669
sans la toucher. Ce n’est qu’après cette épreuve
que
peut s’opérer l’union sexuelle, qui ne doit d’ailleurs pas aboutir à
670
leurs pas aboutir à la procréation. Mais ce n’est
qu’
une technique ? Ainsi que l’a confirmé le maître du zen, Suzuki, à pro
671
ocréation. Mais ce n’est qu’une technique ? Ainsi
que
l’a confirmé le maître du zen, Suzuki, à propos de mes livres, pour l
672
on quasi mystique s’en trouve exclue. L’amour tel
que
nous l’entendons depuis le xiie siècle n’a même pas de nom dans leur
673
. Mais c’est le prix de notre liberté. Mais vous,
que
souhaitez-vous ? Quand je pense à l’amour « programmé », calculé, je
674
créent ensemble, en devenant l’une par l’autre ce
qu’
elles sont. Ce que je veux défendre, c’est donc, en fin de compte, un
675
n devenant l’une par l’autre ce qu’elles sont. Ce
que
je veux défendre, c’est donc, en fin de compte, un certain état de te
676
niversité m’a dit : « Cela a été la dernière fois
que
les contestataires et les gens de l’establishment ont applaudi quelqu
677
st l’avenir de l’amour ? D’une part, il me semble
que
les jeunes gens d’aujourd’hui tiennent un peu mieux compte que nous d
678
s gens d’aujourd’hui tiennent un peu mieux compte
que
nous des aspects pratiques du mariage, de ce qui permet une amitié du
679
dans le monde hygiénique et froidement rationnel
qu’
est en train de créer la technique, et qui pourra bien se réaliser sou
680
sexuelle ne veut rien dire. Quel est l’ordre neuf
que
l’on peut déduire de la copulation ? Sur un point, tout le monde est
681
totale de tabous et de règlements sexuels. Le peu
qu’
on y trouve vient de l’Ancien Testament : proscription de l’inceste, e
682
hérétiques, gnostiques, qui nous ont fait croire
que
le « péché originel » n’est autre que la sexualité. Quant aux pseudo-
683
fait croire que le « péché originel » n’est autre
que
la sexualité. Quant aux pseudo-tabous qui règnent sur nous, ce sont c
684
re à la fin du xviiie siècle dont la thèse était
que
tout le malheur des hommes venait de la masturbation, qui rend les je
685
dial. Il a sans doute créé le maximum de névroses
qu’
un homme ait jamais pu déclencher sur la planète. Pendant une douzaine
686
re de l’« impureté ». C’est aujourd’hui seulement
que
les psychanalystes les rassurent : « Très bien, mes enfants, pas d’ex
687
sot s’appelle révolution sexuelle, alors ce n’est
qu’
un progrès normal vers le bon sens. En somme, vous trouvez qu’on s’agi
688
s normal vers le bon sens. En somme, vous trouvez
qu’
on s’agite beaucoup, mais qu’il n’y a guère de révolution ? Il est cla
689
somme, vous trouvez qu’on s’agite beaucoup, mais
qu’
il n’y a guère de révolution ? Il est clair que les tabous de la moral
690
is qu’il n’y a guère de révolution ? Il est clair
que
les tabous de la morale bourgeoise ne tiennent plus. Est-ce que cela
691
de la morale bourgeoise ne tiennent plus. Est-ce
que
cela signifie que la sexualité est plus vigoureuse, ou l’amour plus r
692
geoise ne tiennent plus. Est-ce que cela signifie
que
la sexualité est plus vigoureuse, ou l’amour plus réussi, la morale d
693
Et dans Le Docteur Jivago, c’est la Russie, telle
que
Pasternak l’aimait et telle qu’on lui interdisait de l’aimer, symboli
694
la Russie, telle que Pasternak l’aimait et telle
qu’
on lui interdisait de l’aimer, symbolisée par une femme, bien réelle d
695
s cet effort d’imaginer, de créer l’autre dans ce
qu’
il a de meilleur et de plus personnel n’aboutira complètement. Il y au
696
r vous, quel serait le couple idéal ? Je voudrais
que
Tristan découvre Iseut, qu’Iseut découvre Tristan, et qu’ils sachent
697
e idéal ? Je voudrais que Tristan découvre Iseut,
qu’
Iseut découvre Tristan, et qu’ils sachent leurs noms. Je voudrais qu’i
698
tan découvre Iseut, qu’Iseut découvre Tristan, et
qu’
ils sachent leurs noms. Je voudrais qu’ils cessent de dire comme dans
699
ristan, et qu’ils sachent leurs noms. Je voudrais
qu’
ils cessent de dire comme dans l’opéra de Wagner : « Non, plus d’Isold
700
lement Isolde. Il ne la voit pas. Il projette. Ce
qu’
il aime, c’est l’amour, être en état d’amour. Toutes les femmes qu’on
701
l’amour, être en état d’amour. Toutes les femmes
qu’
on aime d’amour-passion, toutes les Iseut sont des femmes rêvées, les
702
démocraties capitalistes, à la société de profit
que
nous appelions le « désordre établi ». Nous ne voulions pas qu’on cri
703
ions le « désordre établi ». Nous ne voulions pas
qu’
on critique l’Allemagne et l’URSS au nom de l’esprit petit-bourgeois,
704
nait la politique française de l’époque. On a dit
que
la contestation, surtout dans les pays de l’Est, où elle est encore c
705
autant plus sincère, a fait revivre les problèmes
que
nous avions posés dans les années 1930. C’est vrai, une partie de la
706
a liaison nécessaire entre personne et communauté
que
je lançai alors un mot qui allait faire fortune un peu plus tard : en
707
e partie à l’afflux des Européens, notamment ceux
que
Hitler a chassés. » Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Ei
708
on l’accusait de communisme, parce qu’il pensait
qu’
il fallait tendre la main aux Russes et les faire entrer à l’ONU. Et p
709
s visant à la puissance, disait-il, n’aurait fait
qu’
un troisième larron armé jusqu’aux dents. Eh bien, c’est en Amérique q
710
armé jusqu’aux dents. Eh bien, c’est en Amérique
qu’
a germé en quelques-uns d’entre nous l’idée de combattre ce nationalis
711
l’impuissance tragique de ce victorieux : tout ce
qu’
il veut saisir se change à son approche en fer tordu, en pierraille lé
712
ices de renseignements de l’armée suisse m’apprit
qu’
une démarche avait été faite le matin même de la parution de l’article
713
e chose. C’est une des lois de l’action. Je crois
que
nous pourrons faire l’Europe d’ici à vingt ans sur la base des région
714
au-delà des nationalismes. Je constate d’ailleurs
que
les doutes sur l’Europe et la vitalité de sa culture n’existent que d
715
l’Europe et la vitalité de sa culture n’existent
que
dans l’esprit des intellectuels européens, et pas ailleurs. Car l’Eur
716
éen. Si ces chiffres ne nous rassurent pas, c’est
que
nous nous sentons seulement Français, ou Suisses, ou Danois, ou Belge
717
a conscience de former un ensemble. C’est surtout
que
120 millions d’entre nous sont satellisés par l’URSS, tandis que 320
718
mes politiques, universitaires, je crois vraiment
que
l’action du Centre européen de la culture a imposé peu à peu un certa
719
place ni grande ni petite à l’Europe : je dis ce
qu’
elle est parmi les vingt-deux ou vingt-trois civilisations qu’énumère
720
parmi les vingt-deux ou vingt-trois civilisations
qu’
énumère Toynbee. « Tout est venu à l’Europe, et tout en est venu, ou p
721
artistiques et littéraires. Cela ne veut pas dire
que
l’Europe soit moralement supérieure aux autres civilisations ; elle a
722
mple, raté ses révolutions. Cela ne veut pas dire
qu’
il n’y a pas eu Hitler, Staline, Guernica… L’Europe est une unité comp
723
le de tous à un ordre monolithique. Vous aimez ce
que
notre civilisation a de pluraliste ? C’est le gage de notre liberté.
724
t le contact avec notre culture et nos doctrines,
que
des révolutions de palais, des prises de pouvoir par des chefs milita
725
sais, leur ai-je dit, vous n’y croyez plus. Mais
qu’
est-ce qui existe à la place, selon vous ? Prenez le monde par vos ant
726
e monde par vos antipodes : l’Asie du Sud-Est n’a
qu’
une idée, c’est d’imiter la Chine maoïste, qui, elle, voudrait être au
727
aoïste, qui, elle, voudrait être aussi communiste
que
la Russie soviétique, dont le slogan est depuis 1925 : ‟Nous ferons m
728
nt le slogan est depuis 1925 : ‟Nous ferons mieux
que
l’Amérique.” Or l’Amérique est une invention de l’Europe. Où trouvez-
729
nsformer les frontières en écumoires en attendant
qu’
elles disparaissent complètement. » Oui, l’ennemi, c’est l’État-nation
730
t policier sur cette chose dynamique et affective
qu’
est une nation. Instituer un État-nation, c’est livrer sans recours to
731
la religion de l’État-nation centralisé. Il n’y a
que
des différences de degré. Après la guerre, toutes les anciennes colon
732
s États-nations. Or l’Europe ne pourra se fédérer
que
par la volonté délibérée des Européens, et non pas par une espèce de
733
t des rois de France. Eh bien, non : l’État n’est
qu’
un appareil, au mieux utile ! » Tandis que l’État-nation ? Le côté sac
734
ile ! » Tandis que l’État-nation ? Le côté sacral
qu’
il s’est attribué est incroyable. Il a le droit de condamner à mort se
735
damner à mort ses hérétiques et incroyants, droit
que
n’a plus aucune Église, Dieu merci ! Refus de servir et on vous empri
736
vec l’ennemi et on vous colle au mur ! Vous savez
qu’
il y a un article de la Constitution qui interdit de mettre en questio
737
rs. L’État-nation prétend faire coïncider dans ce
qu’
il nomme ses « frontières naturelles » des réalités absolument hétérog
738
géographie. Décréter pour les besoins de la cause
que
le Rhin sépare et que le Rhône unit donne la mesure. Vous voulez fair
739
our les besoins de la cause que le Rhin sépare et
que
le Rhône unit donne la mesure. Vous voulez faire une révolution régio
740
régionaliste et fédéraliste ? Au contraire de ce
que
pensent les ministres, on ne fera pas l’Europe sans casser des œufs.
741
à vingt ans, ou avant, plus solide et plus vivant
que
les liens entre les régions et la capitale de leur État-nation. Et qu
742
État-nation. Et quand les ordinateurs mesureront
que
ce sont les régions qui jouent un rôle créateur et actif, l’Europe se
743
pas d’utopiste ? Jean Monnet a très bien fait ce
qu’
il a fait avec l’appui de Robert Schuman, et qui a abouti à la créatio
744
la création de la CECA et à la CE. Mais il y a ce
que
j’appelle l’illusion Monnet : croire que l’économique entraînera néce
745
l y a ce que j’appelle l’illusion Monnet : croire
que
l’économique entraînera nécessairement le politique. Nous sommes cont
746
tique. Nous sommes contraints de voir aujourd’hui
que
ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Et que ce n’est pas Kar
747
raints de voir aujourd’hui que ce n’est pas ainsi
que
les choses se passent. Et que ce n’est pas Karl Marx qui a raison sur
748
ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Et
que
ce n’est pas Karl Marx qui a raison sur ce point, mais Mao Zedong, qu
749
sa révolution : « Révolution culturelle ». Notez
que
c’est le marxisme renversé : c’est la révolution qui part des superst
750
h bien, en ce sens-là, je suis maoïste ! Je crois
que
la révolution part des grandes options, d’une culture, des attitudes
751
, des attitudes fondamentales de notre esprit. Et
que
l’économie n’en sera jamais que le produit. Vous restez donc optimist
752
notre esprit. Et que l’économie n’en sera jamais
que
le produit. Vous restez donc optimiste en ce qui concerne l’Europe ?
753
: « Il meurt tous les jours plus d’anti-Européens
qu’
il n’en naît. » Je suis certain que nous irons vers des solutions fédé
754
anti-Européens qu’il n’en naît. » Je suis certain
que
nous irons vers des solutions fédéralistes, régionalistes, parce qu’i
755
pour moi, c’est cela, l’Enfer. Pour combattre ce
que
vous appelez l’Enfer, croyez-vous à la révolution ? Oui, si elle appo
756
ence et la terreur pour aligner la réalité sur ce
que
quelques idéologues ont eu l’idée d’en faire. Pas une seule de nos ré
757
s l’ennui collectif. Mais il me semble improbable
que
cet ennui ne recrée pas en profondeur la soif de quelque chose qui so
758
f de quelque chose qui soit au-delà de l’ordre et
qu’
il ne provoque pas une rébellion de l’esprit, une sédition de l’incons
759
une notion purement religieuse. Alors le diable,
qu’
est-ce que cela peut représenter au juste en 1971 pour un non-croyant
760
n purement religieuse. Alors le diable, qu’est-ce
que
cela peut représenter au juste en 1971 pour un non-croyant ? Frédéric
761
et de l’Europe — sa grande idée — dans l’émission
que
lui consacrent les services de la recherche de l’ORTF, le 18 mai, dan
762
Au xx e siècle, ce qui nous menace le plus, c’est
que
nous ne tenons plus compte de lui dans nos calculs. Nous parlons — en
763
ner le mal. Pour quelqu’un qui n’est pas croyant,
qu’
est-ce que cela représente, le diable ? Croyant ou non, tout homme a u
764
. Pour quelqu’un qui n’est pas croyant, qu’est-ce
que
cela représente, le diable ? Croyant ou non, tout homme a une faculté
765
orte à épouser une cause. Donc il croit savoir ce
qu’
est le mal et par conséquent le bien. Qu’on ne raconte pas d’histoires
766
avoir ce qu’est le mal et par conséquent le bien.
Qu’
on ne raconte pas d’histoires ! Aujourd’hui, beaucoup disent : « On en
767
très simple. Mais quand on ignore tout simplement
que
le diable existe, quand on nie qu’il existe, c’est alors qu’on commen
768
out simplement que le diable existe, quand on nie
qu’
il existe, c’est alors qu’on commence à être manipulé par lui. Pouvez-
769
à être manipulé par lui. Pouvez-vous préciser ce
qu’
est pour vous le diable ? C’est quand il n’y a personne. Qui peut-on c
770
e premier tour du diable est de nous faire croire
qu’
il n’existe pas ». Le diable, c’est celui qui nous dit, comme dans L’O
771
oi aurais-tu peur ? Je ne suis pas là… » C’est ce
que
fait Satan ? Singeant Dieu, mais à rebours, il nous dit : « Je suis c
772
personnalisante de l’univers. Il nous fait croire
qu’
il n’y a personne, et pourquoi ? Parce que alors il n’y a plus de resp
773
x e siècle, une définition moderne du diable, tel
que
vous le concevez ? Pour m’exprimer en des termes empruntés à la physi
774
termes empruntés à la physique moderne, je dirais
que
le diable, c’est l’entropie. Qu’est-ce que l’entropie ? C’est la dégr
775
derne, je dirais que le diable, c’est l’entropie.
Qu’
est-ce que l’entropie ? C’est la dégradation de l’énergie. C’est une l
776
dirais que le diable, c’est l’entropie. Qu’est-ce
que
l’entropie ? C’est la dégradation de l’énergie. C’est une loi du cosm
777
on de l’énergie. C’est une loi du cosmos qui veut
que
, dans un système clos, l’énergie se dégrade continuellement et passe
778
le diable introduit le concept de dé-création, ce
que
le philosophe allemand Heidegger appelle la « néantisation ». Le diab
779
le mal de notre siècle, le contraire absolu de ce
que
j’ai appelé le « personnalisme », qui consiste à assumer sa vocation
780
l’enfer ! La Géhenne de l’Évangile, savez-vous ce
que
c’était ? « Gé-hinnon », un vallon près de Jérusalem, où l’on jeta le
781
, pendant la dernière guerre, à nous faire croire
qu’
il était seulement Adolf Hitler, par exemple. Déguisement grossier, ma
782
ière nous et en nous. Les bonnes gens s’imaginent
que
le diable se manifeste dans les choses les plus visiblement scandaleu
783
ils ont tort. Le diable, selon vous, fait tout ce
qu’
il faut pour qu’on ne le détecte pas ? Je disais que Satan nous fait c
784
’il faut pour qu’on ne le détecte pas ? Je disais
que
Satan nous fait croire, premièrement, qu’il n’existe pas, deuxièmemen
785
disais que Satan nous fait croire, premièrement,
qu’
il n’existe pas, deuxièmement, qu’il est seulement Hitler et personne
786
, premièrement, qu’il n’existe pas, deuxièmement,
qu’
il est seulement Hitler et personne d’autre, et ainsi de suite. Or le
787
menace véritable, c’est quand nous ne savons pas
que
nous sommes attaqués, quand nous sommes entraînés malgré nous. Car al
788
re identité, notre responsabilité personnelle, ce
que
nous sommes seuls à pouvoir faire au monde. Le diable compte sur la l
789
oyez Adam, dans la Genèse. Quand Dieu lui dit : «
Qu’
est-ce que tu as fait ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est ell
790
dans la Genèse. Quand Dieu lui dit : « Qu’est-ce
que
tu as fait ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est elle qui a to
791
y avait envoyé en mission à la suite d’un article
que
j’avais publié sur l’entrée de Hitler à Paris, et qui m’avait valu qu
792
it fini : soixante-six courts chapitres, et voilà
que
je découvre que 666… est le chiffre du diable, qui refuse d’arriver à
793
te-six courts chapitres, et voilà que je découvre
que
666… est le chiffre du diable, qui refuse d’arriver à 7, le nombre de
794
ils ont exécuté leur crime avec bonne conscience.
Qu’
est-ce qui est pire ? Dans les deux cas, les barbus et les folles, ou
795
les, ou les soldats ont dit : « Nous n’avons fait
qu’
obéir ! » Les uns, à leur maître ou gourou, les autres à leurs officie
796
e ou gourou, les autres à leurs officiers. Je dis
que
c’est le second cas qui est vraiment diabolique, parce que l’anonymat
797
, vous êtes sûr de ne pas le rater. C’est en vous
qu’
il existe : personne d’autre ne peut vous “dépersonnaliser” que vous-m
798
: personne d’autre ne peut vous “dépersonnaliser”
que
vous-même ! » af. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le diable exi
799
let-août 1971)ag Le général de Gaulle estimait
que
les deux mots ne différaient que d’une syllabe insignifiante et qu’il
800
Gaulle estimait que les deux mots ne différaient
que
d’une syllabe insignifiante et qu’il n’y avait pas lieu d’en disputer
801
ne différaient que d’une syllabe insignifiante et
qu’
il n’y avait pas lieu d’en disputer. Il est bien vrai qu’aucune raison
802
’y avait pas lieu d’en disputer. Il est bien vrai
qu’
aucune raison logique ou sémantique ne saurait justifier la distinctio
803
ts fédéraux ». D’où l’on conclut en bonne logique
qu’
une seule et même réalité correspondant aux deux mots, ceux-ci sont éq
804
États », est défectueuse puisqu’elle ne mentionne
que
l’union et ne dit rien de l’autonomie. Or, une union qui ne respecter
805
« Fédéralisme », et à lui seul — l’une affirmant
que
ce régime était en Amérique, selon Chateaubriand, « une des formes po
806
s employées par les sauvages », l’autre rappelant
qu’
en France, le fédéralisme fut le « projet attribué aux girondins de ro
807
nité nationale ». D’où le Français lettré conclut
que
Louis XIV et Napoléon, en centralisant l’Hexagone, l’ont sauvé de la
808
gerie (qui règne encore en Suisse, sans doute) et
que
les fédéralistes, en France, sont des traîtres. Le mot se trouve ains
809
dération et de confédération se distinguent en ce
que
la première seule de ces deux formes possède la souveraineté, manifes
810
renforcer le sens de fédération, l’affaiblit, et
que
« fédérer ensemble » des États, c’est beaucoup moins que les fédérer
811
édérer ensemble » des États, c’est beaucoup moins
que
les fédérer tout court. On aime à répéter que l’exemple suisse conse
812
ns que les fédérer tout court. On aime à répéter
que
l’exemple suisse conseillerait la prudence et la lenteur aux « Europé
813
e Europe en dix ans ? La vérité historique, c’est
qu’
il a fallu cinq à six siècles pour ne pas fédérer les communes, cités,
814
e, après une dernière guerre civile, il n’a fallu
que
neuf mois, à un jour près, pour concevoir, élaborer et mettre en œuvr
815
ici dans son astucieuse simplicité. Loin d’exiger
que
les cantons renoncent à leur souveraineté, la Constitution de 1848 po
816
neté, la Constitution de 1848 porte à l’article 3
que
« les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas
817
utions, la liberté et les droits du peuple, ainsi
que
les droits et attributions que le peuple a conférés aux autorités ».
818
s du peuple, ainsi que les droits et attributions
que
le peuple a conférés aux autorités ». Ainsi, la force garante des aut
819
e de leurs souverainetés réaffirmées ! On me dira
que
c’est un tour de passe-passe. Je réponds qu’il a bien réussi. Et j’ob
820
dira que c’est un tour de passe-passe. Je réponds
qu’
il a bien réussi. Et j’observe qu’un pouvoir fédéral européen, constit
821
sse. Je réponds qu’il a bien réussi. Et j’observe
qu’
un pouvoir fédéral européen, constitué selon la même formule, serait s
822
s peuples, autonomie ou « souveraineté » relative
que
rien ne protège aujourd’hui — sauf le « parapluie » que l’on sait. T
823
en ne protège aujourd’hui — sauf le « parapluie »
que
l’on sait. Toute confédération étant une forme instable de compromis
824
ux qui s’y résignent simplement par une nécessité
qu’
ils espèrent temporaire, je pense que les fédéralistes européens peuve
825
ne nécessité qu’ils espèrent temporaire, je pense
que
les fédéralistes européens peuvent accepter le mot s’il facilite la c
826
accepter le mot s’il facilite la chose, — quelles
que
soient, par ailleurs, les vraies dispositions et intentions des homme
827
iques et les organes de décision de telle manière
que
la nature et les dimensions des tâches à entreprendre correspondent à
828
les plus aptes à les gérer. Ainsi, pour ne donner
que
ces exemples simples : aux municipalités les chemins vicinaux et les
829
Nobel de l’escroquerie. » Quand on lui demande ce
qu’
il pense du commandant Cousteau, fondateur d’un Institut d’études sous
830
M. Pauwels répond, dans de nombreuses interviews,
qu’
il ne s’agit là que d’une opération publicitaire destinée à recueillir
831
dans de nombreuses interviews, qu’il ne s’agit là
que
d’une opération publicitaire destinée à recueillir des fonds. Opéra
832
Opération publicitaire On pourrait rétorquer
que
lorsqu’il se fait le champion de la lutte contre ce qu’il appelle la
833
rsqu’il se fait le champion de la lutte contre ce
qu’
il appelle la sinistrose, c’est-à-dire l’attirance morbide, qu’il attr
834
la sinistrose, c’est-à-dire l’attirance morbide,
qu’
il attribue à la gauche, pour les désastres et les apocalypses provoqu
835
voqués par la technologie, et bien ! il ne s’agit
que
d’une opération publicitaire destinée à faire vendre la dextrose de M
836
son livre me paraît d’ailleurs plus significatif
que
le livre lui-même. Comment vous l’expliquez-vous ? L’année 1970, cons
837
s dangers de la pollution, beaucoup plus générale
qu’
on osait l’espérer, surtout dans la jeunesse. Et puis, une sorte de ru
838
eaucoup de personnes, surtout âgées, ne demandent
qu’
à se réfugier avec un soulagement profond et jubilant dans les illusio
839
Pauwels qui vient leur dire, dans son titre même,
qu’
ils ont bien raison de le faire ! Ah ! l’habile homme ! De la fenêtre
840
ris, et son propre destin en elle. D’où l’on voit
que
participer activement, c’est aussi se réaliser (manifester sa personn
841
e. Ce sont les formes actives de la participation
que
nous aurons à considérer, puisqu’en effet il s’agit ici de participat
842
ement : capable de répondre, de se porter garant)
que
s’il est sujet libre de son action. Un homme qui n’est pas reconnu co
843
dans le vocabulaire de notre siècle, il apparaît
que
civisme est lié surtout à une participation active à la chose publiqu
844
t à une attitude de responsabilité dans la cité ;
que
politique évoque finalité, c’est-à-dire détermination des fins et ada
845
monétaire, de politique de la recherche, etc.) et
que
social est à la fois ce qui concerne la foule (dont l’idée est présen
846
er aux buts derniers de l’homme. Or s’il est vrai
que
ces buts — universels et personnels — transcendent toute communauté,
847
transcendent toute communauté, ce n’est pourtant
qu’
au sein de la communauté, dans le complexe des relations humaines, qu’
848
munauté, dans le complexe des relations humaines,
qu’
on peut suivre à la trace les vocations, activées par un appel invisib
849
n soi. En tant que stratégie de l’humanité, telle
qu’
on vient de la définir, la politique prend désormais, en ce dernier ti
850
ier tiers du xxe siècle, une importance décisive
qu’
elle n’avait peut-être jamais pu revêtir dans toute l’histoire. C’est
851
toute l’histoire. C’est au xxe siècle, en effet,
que
, pour la première fois dans son évolution, l’homme se voit contraint
852
de l’humanité. Et il y est contraint du seul fait
que
, pour la première fois, il en a la possibilité — la liberté. Depuis l
853
liberté. Depuis les origines, l’homme n’avait pu
que
répondre aux durs défis de la nature. Il s’agissait pour lui de survi
854
n effort sans relâche de l’homme contre le destin
que
la nature lui imposait ont abouti, dans notre siècle, à une prise de
855
nature en se conformant à ses lois. Mais à mesure
que
cet impérialisme humain se fait moins respectueux des dieux, tourne p
856
ême, à travailler sur ses produits eux-mêmes plus
que
sur les contraintes naturelles, désormais partiellement neutralisées.
857
rement », c’est-à-dire selon les lois et les buts
qu’
elle se donne : c’est l’industrie. Et alors pointent les questions par
858
quoi. Déjà, en Occident, il est au terme de l’ère
qu’
on a nommée néolithique, celle qui a vu la fixation des nomades au sol
859
re électronique, dont on peut facilement imaginer
qu’
elle sera l’ère des relations humaines de plus en plus indépendantes d
860
istantes et la marge étroite des « possibilités »
qu’
elles ménageaient, mais aussi et surtout les buts ultimes que nous vis
861
nageaient, mais aussi et surtout les buts ultimes
que
nous visons. Car toute politique implique une idée de l’homme, et par
862
nsciente de ses propres effets sur les phénomènes
qu’
elle suppute, tente de calculer et croit seulement décrire… Mais la qu
863
ospective les plus fameux de ces dernières années
que
ce livre est « le premier qui fasse passer la prédiction de l’ère des
864
es savants ». On nous dit aussi (mais je m’assure
que
ce ne sont pas les auteurs qui ont écrit cela) que « depuis 1960, la
865
ue ce ne sont pas les auteurs qui ont écrit cela)
que
« depuis 1960, la spéculation sur le futur (n’est plus) prophétique m
866
dique ». Sur quoi je lis l’ouvrage et je constate
que
nos savants (d’ailleurs honnêtes et scrupuleux) sont en fait des devi
867
ans nulle action dont ils se fassent les avocats,
qu’
ils se proposent d’entreprendre eux-mêmes ou de favoriser par leurs co
868
conseils. Voilà l’avenir, semblent-ils dire, tel
qu’
il peut se faire sans les interventions (imprévisibles) de l’homme cré
869
testataire, irrationnel, et affamé d’incalculable
qu’
il va nécessairement réaliser un jour ! Cette position du problème des
870
mes contemporains. C’est pour cela, précisément,
que
j’éprouve le besoin d’analyser les difficultés qu’elle implique, apor
871
ue j’éprouve le besoin d’analyser les difficultés
qu’
elle implique, apories logiques ou antinomies réelles. 1. Antinomie
872
ns ; toute préférence ou parti pris ne pourraient
que
la gêner dans la recherche et la prévision des cheminements possibles
873
jectifs afin d’être mieux normatifs. Mais on voit
qu’
il y a antinomie pratique entre les deux modes de prévoir. Il semble q
874
atique entre les deux modes de prévoir. Il semble
que
Marx ait eu raison de considérer comme mutuellement exclusives les ac
875
-corpuscule et sur les inégalités de Heisenberg —
que
les aspects antinomiques « sont complémentaires en ce sens qu’il est
876
ts antinomiques « sont complémentaires en ce sens
qu’
il est nécessaire de faire intervenir ces deux aspects pour l’interpré
877
e la prévision Il paraît difficile de soutenir
que
« prévision rationnelle et méthodique » s’oppose à « prophétie » comm
878
cas modifier par anticipation le phénomène futur
qu’
elle avait commencé par définir correctement à l’aide d’une projection
879
ue de l’information ? Nous verrons tout à l’heure
que
la prospective (ou futurologie, ou prévision systématique) va jouer u
880
participation civique et politique, s’il est vrai
que
l’information, dont elle fait partie, est une des conditions sine qua
881
icipation. 3. Rôle de la surprise Il semble
que
plusieurs « futurologues » de ce temps accordent une valeur axiomatiq
882
gélienne : tout ce qui est réel est rationnel. Et
qu’
ils dénomment, à cause de cela, « cauchemars », les virtualités irrati
883
a, « cauchemars », les virtualités irrationnelles
qu’
ils détectent en germe dans le présent puis projettent sur le grand éc
884
cran de l’avenir. Ils ne nient pas la possibilité
que
certains cauchemars se réalisent dans l’Histoire — il y a toujours de
885
il y a toujours des accidents. Mais le seul fait
qu’
ils nomment cauchemars certains complexes de phénomènes et pas d’autre
886
t pas plus « débrayés » de l’évolution historique
que
le sociologue d’aujourd’hui qui, sur la base du Marx des Manuscrits d
887
ent plus de secrets de notre avenir à déchiffrer,
qu’
aucune de nos sciences n’en pourrait chiffrer. 4. Ceux qui prévoien
888
re Victor Hugo. Voilà qui est beaucoup plus sensé
qu’
il n’y paraît à première vue. Car si je savais ce qui m’attend « là-ba
889
romperais : car ce « là-bas » ne m’attend pas tel
que
je suis. Imaginer l’avenir est faux et dangereux dans la mesure même
890
ct » : car nous nous y voyons en imagination tels
que
nous sommes aujourd’hui et c’est en tant que tels que nous jugeons «
891
nous sommes aujourd’hui et c’est en tant que tels
que
nous jugeons « insupportable » ou « merveilleuse » la situation antic
892
volutions psychologiques d’ici là. Il est certain
que
la prise de conscience progressive de la nature de cet avenir, au fur
893
l’action des hommes en qui elle s’opérera, autant
qu’
elle les modifiera eux-mêmes, opérants ; d’où modification en retour d
894
avenir modifié, etc. — et tout cela d’une manière
que
nous ne pourrions prévoir qu’aux conditions suivantes : — si nous pou
895
cela d’une manière que nous ne pourrions prévoir
qu’
aux conditions suivantes : — si nous pouvions sentir l’avenir aujourd’
896
ns La prévision ne prend son sens et sa valeur
que
pour autant qu’il y a dans le domaine où on l’opère deux classes de p
897
une auto ou une cabine de transport plus petites
qu’
un homme, une ville plus petite qu’une maison, — et d’autre part, la t
898
t plus petites qu’un homme, une ville plus petite
qu’
une maison, — et d’autre part, la tendance inverse au gigantisme : mul
899
uble besoin de vie personnelle et de sociabilité,
qu’
exprime le couple d’adjectifs cher à Hugo : solitaire et solidaire. C’
900
vraie communauté, et ne trouve d’autre alternance
que
celle de la promiscuité à domicile et de la solitude morale dans la f
901
aît constant est celui de l’agrément du cadre : «
Que
l’on vive en 1768 ou en 1968, une pièce agréable, une vue reposante,
902
oïsme, qui nous rend insensibles aux désagréments
que
nous infligeons à nos voisins par agressions directes dans les villes
903
attitude qui mine les bases mêmes du civisme quel
que
soit le régime. 4. Spécificité du comportement civique Or, s’il
904
cité du comportement civique Or, s’il est vrai
que
cet égoïsme, cet incivisme (souvent déguisé en individualisme liberta
905
sentiel et rappellent davantage la France voisine
que
le reste de la Suisse, dont les ressortissants ou « Confédérés » form
906
pas varié, et le genius loci agit (par des moyens
que
je n’ai pas à examiner ici) de manière à maintenir l’invariant local
907
es différences des cantons et n’ayant d’autre fin
que
la sauvegarde de leurs autonomies. Mais des observations analogues pe
908
du continent. Mais c’est ici le lieu de signaler
que
ce pluralisme même différencie l’ensemble européen des ensembles plus
909
ar excellence —, le Sénat et le Parlement n’étant
qu’
une dépendance ou délégation du forum. Là s’exerçait au maximum la par
910
reproduit, aggravé, le phénomène de dissociation
qu’
on observa dans les cités hellénistiques : les dimensions territoriale
911
ne banlieue dénuée de structures, s’il n’y a plus
qu’
un vide au centre de la ville — bureaux déserts dès la fin de l’après-
912
affaire de spécialistes pratiquement anonymes, et
que
des élus transitoires sont censés diriger et orienter, mais qu’ils se
913
ransitoires sont censés diriger et orienter, mais
qu’
ils se bornent en fait à « couvrir » ou à révoquer après coup — alors
914
et mieux garanties dans chaque domaine d’activité
que
le niveau de décision est plus proche des cellules de base ; mais d’a
915
ant plus rares, plus déléguées et plus aléatoires
que
le niveau de décision est plus éloigné — ce qu’il est au maximum dans
916
s que le niveau de décision est plus éloigné — ce
qu’
il est au maximum dans les régimes stato-nationaux centralisés, dont l
917
idat député qui représente un parti national plus
que
des intérêts régionaux ou professionnels, ou pour un candidat au cons
918
les est la plus efficace et universelle. À mesure
qu’
on s’élève dans l’échelle des niveaux de décision correspondant à l’en
919
t une conscience des fins dernières de la société
qu’
on ne saurait exiger ni des spécialistes aux sources, ni des agents de
920
L’information (dont l’enseignement scolaire n’est
qu’
un chapitre) aura des actions très différentes selon que, par une visé
921
chapitre) aura des actions très différentes selon
que
, par une visée constante, ou par sa forme, ou par ses modes de diffus
922
lté de participation sont guérissables. Il suffit
que
l’homme « se reprenne », compare les promesses aux réalités et déclar
923
s variables principales repérés, il ne nous reste
qu’
à tenter quelques coups simples du jeu dont nous venons de poser les r
924
us venons de poser les règles. Étant bien entendu
qu’
il ne s’agit encore que d’essais de vérifier quelques groupes de conne
925
règles. Étant bien entendu qu’il ne s’agit encore
que
d’essais de vérifier quelques groupes de connexions, et, comme on le
926
si les liaisons jouent ». Posons d’entrée de jeu
que
de l’option Europe unie ou non va dépendre tout le reste et d’abord l
927
t par les légistes de Philippe le Bel, vers 1300.
Qu’
en est-il alors de la fameuse prophétie de Proudhon : « Le xxe siècle
928
e créer de nouvelles castes. Et l’on peut avancer
que
1984 serait le résultat nécessaire de l’incapacité de « faire l’Europ
929
ir étatique conforme aux réalités vivantes plutôt
qu’
aux frontières « historiques » (fixées depuis moins d’un siècle en moy
930
anler le système. Cependant, elle ne saurait être
qu’
une image-limite, irréalisable à l’état pur, car non seulement « le pi
931
res effets : la maladie ne peut survivre au corps
qu’
elle tue. Ainsi, l’État-nation, paralysant ou mécanisant la vie civiqu
932
ne dans toute image plus réaliste (plus probable)
que
nous tenterons de composer. 2. L’Europe fédérée Si, au contrair
933
e possibilité de participation, celle précisément
que
l’État-nation excluait, et qui est à la fois régionale et continental
934
ateurs (B). A. Harmonie des facteurs On a vu
que
l’harmonie civique et politique résulterait pour une communauté donné
935
s dimensions des communautés sont de deux sortes,
que
Rousseau dénommait « nombre du peuple » et « étendue de l’État ». De
936
ue « le gouvernement doit être plus fort à mesure
que
le peuple est plus nombreux » et qu’en revanche « plus les magistrats
937
ort à mesure que le peuple est plus nombreux » et
qu’
en revanche « plus les magistrats sont nombreux, plus le gouvernement
938
raison inverse de celui des citoyens, il s’ensuit
qu’
en général le gouvernement démocratique convient aux petits États », à
939
ient ainsi à formuler une loi de la participation
qu’
illustrent les exemples des petits cantons suisses à Landsgemeinde, ou
940
utant de magistrats (prenant charge par rotation)
que
de citoyens : plus une communauté est petite, plus le gouvernement pe
941
ion de l’État Ce principe admis, on s’aperçoit
que
l’existence du petit État ou communauté de participation maximale, et
942
tières politiques actuelles de réseaux de régions
qu’
il s’agira d’abord d’organiser (et non pas de « délimiter »), en tout
943
tout cas pas plus — et peut-être pas autrement —
qu’
on ne le fait pour des écosystèmes ; b) l’autonomie de régions restre
944
ion civique soit aussi directe et aussi fréquente
que
possible. Or la recréation de la commune (équivalent de la polis, de
945
du continent, ou fédérations. Car il est évident
qu’
un certain nombre d’activités indispensables à la vitalité des régions
946
communes et entreprises) ne peuvent être exercées
qu’
à l’échelle d’une fédération continentale. Citons au nombre de ces act
947
isible de ces implications successives, des choix
qu’
elles entraînent et de leurs interactions et autorégulations, doit thé
948
mettre un maximum de participation. Est-ce à dire
que
le système décrit représente un modèle satisfaisant d’harmonisation d
949
sfaisant d’harmonisation des dynamismes civiques,
qu’
il n’y aurait plus qu’à « faire jouer » aux différents niveaux communa
950
on des dynamismes civiques, qu’il n’y aurait plus
qu’
à « faire jouer » aux différents niveaux communautaires ? Voilà qui ne
951
ne me paraît ni souhaitable ni possible, non pas
que
j’aie des doutes sur la valeur du modèle — il est le meilleur que je
952
utes sur la valeur du modèle — il est le meilleur
que
je puisse imaginer — mais du fait même qu’il aura pour fonction de co
953
illeur que je puisse imaginer — mais du fait même
qu’
il aura pour fonction de conjuguer des dynamismes, et non pas d’impose
954
certain type d’équilibre ou de stabilité. Disons
qu’
il est méthode d’invention permanente et non pas utopie à joindre un j
955
tique.) Au surplus, un jeu parfait n’est possible
que
s’il est limité dans le temps, terminé par une fin automatique ou con
956
équilibres, de conflits, dont on ne peut être sûr
qu’
ils finiront « bien », mais dont il est certain qu’ils perdraient tout
957
u’ils finiront « bien », mais dont il est certain
qu’
ils perdraient toute vertu créatrice s’ils pouvaient être « réglés » o
958
concrets, économique et civique notamment ; ainsi
que
par la radio-télévision. Une minorité formée dans les écoles supérieu
959
s deux clientèles de l’information est devenu tel
que
l’on doit parler de deux classes divisant la société européenne tout
960
a TV, tout change. La cité, dont Aristote pensait
que
l’étendue devait être mesurée par la portée de la voix d’un homme cri
961
i de J.-J. Rousseau (citée plus haut), on vérifie
que
plus les moyens de communication sont puissants, moins sont nombreux
962
physiques de la cité nouvelle, mais dans le fait
que
les assemblées civiques pourront se tenir, sans que les citoyens se d
963
s sans base territoriale. Nous avons vu plus haut
que
les régions économiques, écologiques, socioculturelles et politiques,
964
urbaines (vide social), elles ne coïncident plus
que
par hasard avec les dimensions utiles ou efficaces permettant une par
965
siècle, en 1914 et en 1939. Il y a peu de chances
que
leur évidente inadaptation aux dynamismes et aux besoins de la sociét
966
tion de groupes, communes, régions, associations,
que
l’État-nation prétendait interdire, ou, ce qui revient au même, unifi
967
gang et la limite supérieure de l’Église. Notons
que
ni l’un ni l’autre ne sont délimités ou définis par une frontière. L’
968
J’ai rappelé divers sens du verbe participer, et
que
certains sont actifs, mais d’autres passifs, tels les « sportifs » du
969
ce entre participants actifs et passifs n’en sera
que
plus marquée, sinon plus sensible : car la plupart des hommes s’imagi
970
t des hommes s’imaginent avoir « participé » à ce
qu’
ils n’ont fait que voir, et se vantent de s’être « engagés » quand ils
971
ginent avoir « participé » à ce qu’ils n’ont fait
que
voir, et se vantent de s’être « engagés » quand ils n’ont qu’assisté
972
se vantent de s’être « engagés » quand ils n’ont
qu’
assisté en faisant un peu de bruit. Nous retrouvons ici l’idée des deu
973
d’hier. Il n’est pas sans intérêt de relever ici
que
ma description des passifs et des actifs civiques recouvre assez exac
974
civiques recouvre assez exactement la distinction
que
je posais en débutant entre futurologues scientifiques et prophètes.
975
L’un des paradoxes de l’ère actuelle tient à ce
que
nos possibilités de déplacement s’accroissent en même temps que les n
976
oins « présents » à 5000 kilomètres en vidéophone
que
dans l’échange si difficilement combiné de coups de téléphone, de let
977
ur ma part j’y crois, sans rien pouvoir prouver —
que
la présence « en chair et en os » de milliers d’hommes, dans un cadre
978
ommes, dans un cadre restreint, dégage des forces
qu’
on pourrait enregistrer, mais qu’on ne retrouverait pas dans la rencon
979
égage des forces qu’on pourrait enregistrer, mais
qu’
on ne retrouverait pas dans la rencontre des images sonores et visuell
980
erraciales. Ces effets ne pourraient être mesurés
que
sur la base de statistiques qu’il reste encore à imaginer et de mesur
981
ient être mesurés que sur la base de statistiques
qu’
il reste encore à imaginer et de mesures qui feront peut-être un jour
982
psychosomatique, « globale », il paraît probable
que
des discordances se feront sentir. Quelque chose se perd sans nul dou
983
; mais nous ne savons pas encore quoi. Notons ici
que
l’expression « contact physique » est sans doute impropre. Car la per
984
ption d’une image ou d’un son, à quelque distance
qu’
en soit la source, implique toujours un contact proprement physique. L
985
it entre deux hommes « en chair et en os », c’est
que
le premier est sélectif, le second pouvant être « global ». 6. Obj
986
yens, mais aussi de la nature des tâches communes
qu’
une cité ou un groupe tiennent pour politiques. Dans un État-nation ce
987
grand nombre. En revanche, dans une société telle
qu’
on peut l’envisager possible aux environs de l’an 2000 (si ce sont les
988
mes, structures et dimensions dépendent des idées
qu’
on se fait de l’homme pour qui maisons et villes sont bâties, ou au co
989
ui maisons et villes sont bâties, ou au contraire
que
l’on entend utiliser à titre d’acheteur, locataire, contribuable, éle
990
et philosophiques d’une civilisation, d’une cité,
que
l’architecture ; b) l’aménagement des campagnes ne peut être laissé n
991
’est complexe, mais c’est vital : on peut compter
que
les « vitalement intéressés » feront l’effort d’information nécessair
992
ntinomie productivité-écologie. On peut concevoir
que
toutes les options précédentes se ramènent à celle-ci, et qu’en fin d
993
es options précédentes se ramènent à celle-ci, et
qu’
en fin de compte ce que nous appelons aujourd’hui l’écologie, art et s
994
se ramènent à celle-ci, et qu’en fin de compte ce
que
nous appelons aujourd’hui l’écologie, art et science des équilibres v
995
rse pas la vapeur d’ici à dix ans : c’est tout ce
que
nous accordent certains écologistes américains. Si c’est au bénéfice
996
ion gardent tout leur intérêt. Car il est évident
qu’
une attitude humaine arrogante à l’égard de la nature, inconsciente de
997
société politique. Celui qui ne révère plus rien,
que
fera-t-il pour son prochain ? Sans respect pour les forêts, point de
998
otentiellement créatrices, mais n’ai encore donné
que
des exemples de leur quasi-nécessité ou inévitabilité pratique, donc
999
qui est le droit à l’inadaptation. S’il est vrai
que
la participation obligatoire est la négation même du civisme, il en d
1000
re est la négation même du civisme, il en découle
que
la reconnaissance du droit à l’objection sociale, civique et politiqu
1001
civique et politique : les hippies. Ce ne sont là
que
deux exemples pris au passé récent mais il est clair que, d’ici l’an
1002
x exemples pris au passé récent mais il est clair
que
, d’ici l’an 2000, bien d’autres surgiront, dont nous n’avons aucune i
1003
r car c’est lui qui empêchera nos systèmes, quels
qu’
ils soient, de devenir totalitaires, c’est-à-dire de trop bien réussir
1004
nction civique de démontrer à longueur de journée
que
le monde de demain a moins besoin de producteurs que de créateurs.
1005
le monde de demain a moins besoin de producteurs
que
de créateurs. 7. E. M. Cioran, Précis de décomposition, Paris,
1006
énieur dans la cité (1971-1972)w La question «
Que
faire de ma vie ? » définit l’anxiété du jeune homme d’aujourd’hui lo
1007
tte question n’est devenue générale, et anxieuse,
qu’
au xxe siècle. Autrefois, le fils d’un drapier devenait drapier, le f
1008
illustré par l’exemple de Nietzsche. Aujourd’hui
que
tout est possible, ouvert à tous, et non déterminé par les coutumes,
1009
tre une motivation aussi différente de la coutume
que
du profit : celle du sens de ma vie, du sens de la société, et du sen
1010
lle toujours croissante. Aujourd’hui, il constate
que
la nature risque de succomber à l’industrie, qui la pille sans le moi
1011
rmés de ce pillage. Et l’idée se fait jour en lui
que
ce n’est plus aux seuls « besoins de l’économie » qu’il s’agit désorm
1012
ce n’est plus aux seuls « besoins de l’économie »
qu’
il s’agit désormais de répondre (ils ne sont trop souvent que le profi
1013
t désormais de répondre (ils ne sont trop souvent
que
le profit des firmes et le dividende de leurs actionnaires), mais plu
1014
ux scientifiques, aux techniciens, aux urbanistes
qu’
il incombe de chercher et de trouver d’urgence les moyens de restaurer
1015
r les désastres sociaux, biologiques et physiques
qu’
annoncent nos prospectives unanimes en sauvant du même coup la nature
1016
de la cité, et de la personne dans la communauté.
Que
la technologie renoue de la sorte avec l’aventure culturelle, politiq
1017
, c’est une bonne nouvelle pour la science autant
que
pour la société. Car notre science est née de la culture, et doit san
1018
’artistes comme Léonard. Rien de plus fallacieux,
que
l’opposition, naguère si populaire, des « deux cultures » — la scient
1019
r le grand défi du xxe siècle finissant, il faut
que
des générations nouvelles entrent dans la carrière de l’ingénieur, de
1020
litatif, il ne faut pas rêver, comme les hippies,
qu’
il pourra s’opérer par un quelconque retour anarchisant à l’état préte
1021
le calculer, avec autant de soins et de précision
qu’
on ne le fit jamais pour un prix de revient ou une épreuve de résistan
1022
le théologien tentera de déceler les fins réelles
que
les uns et les autres poursuivent sous le couvert d’idéaux allégués.
1023
social : problèmes très neufs pour l’ingénieur !
Qu’
il les assume, et du même coup il se verra réintégré dans la vie de la
1024
e une femme qui vient, comme une patrie d’enfance
qu’
on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’elle au monde ! Puis un
1025
ce qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait
qu’
elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre rencontre, no
1026
ouchés par le soleil rasant. Ah ! ce ne peut être
que
l’Europe ! Ces champs morcelés et striés dans tous les sens, et ces f
1027
là en chemin de fer, et vous ne verrez plus guère
que
maisons et fabriques, jardins bien clos et entrepôts, garages, silos.
1028
sons, du Tessin et du Valais, et vous découvrirez
que
leur plan s’est développé soit à partir d’un château sur sa colline,
1029
st la place, d’une commune, au sens très virulent
que
prit le mot de l’Ombrie au nord de la France et aux Flandres, au xiii
1030
la Mairie, tension entre l’Autorité, tant civile
que
religieuse, et l’humeur frondeuse des cafés où naissent les rumeurs p
1031
re de la cité qui a permis la démocratie, on voit
que
cette dernière trouve ses ennemis mortels dans deux facteurs des plus
1032
de personne. Car c’est dans la rue, sur la Place
que
se formait l’opinion publique, quand les hommes pouvaient se rencontr
1033
se rencontrer. Or, il n’est pas de pays au monde
que
le gigantisme humain menace dans ses fondements plus que la Suisse. C
1034
gigantisme humain menace dans ses fondements plus
que
la Suisse. Car la Suisse tire sa raison d’être et les conditions même
1035
, la théorie de la relativité l’a démontré. Mais,
que
le centre du monde se situe réellement quelque part dans les airs au-
1036
ve : vous la vivez « comme on respire », ou c’est
que
vous n’êtes jamais vraiment venu, n’avez jamais existé dans ce lieu.
1037
f, ou de céder à cette espèce de bonne conscience
que
donne l’indignation active. Lavaux est beaucoup plus défiguré que le
1038
nation active. Lavaux est beaucoup plus défiguré
que
les autres vignobles de La Côte, de Begnins à Vufflens par exemple. O
1039
besoin de solitude. Mais la plupart n’osant aimer
que
ce qui par d’autres est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu
1040
es est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours
qu’
ils partagent. Ce paysage sublime est un pays réel, peuplé de vignero
1041
vie tendent à détruire les raisons de vivre. Mais
que
tient-on pour nécessaire ? Les maxima contradictoires, toujours à l’œ
1042
rre labourée, la terre bâtie, d’utilité publique,
que
vont faire les hommes et les femmes et les enfants qui habitent ici ?
1043
tous ceux qui aiment la beauté, et qui voudraient
que
Lavaux, à jamais, demeure tel qu’un beau jour ils l’ont aimé. Or, ses
1044
qui voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel
qu’
un beau jour ils l’ont aimé. Or, ses habitants l’aiment aussi, mais il
1045
usure et patine à la fois. Pour garder le Lavaux
que
nous aimons, faudrait-il qu’ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sa
1046
our garder le Lavaux que nous aimons, faudrait-il
qu’
ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sauver Lavaux, oui, mais vivant
1047
ublime se posent en des termes semblables. Ainsi,
qu’
est-ce que sauver Venise ? Non pas offrir des étages de palais sur le
1048
posent en des termes semblables. Ainsi, qu’est-ce
que
sauver Venise ? Non pas offrir des étages de palais sur le Grand Cana
1049
sur le Grand Canal à des riches. Il faut d’abord
que
Venise soit peuplée, animée, habitée par des gens du pays. Et qu’ils
1050
peuplée, animée, habitée par des gens du pays. Et
qu’
ils y trouvent un intérêt vital, et non pas archéologique. Pour sauver
1051
aire son salut » suppose la foi, mais chacun sait
que
la foi sans les œuvres est morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de mo
1052
est morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de moins
que
la prédominance accordée par un peuple à la saveur de vivre sur le ni
1053
e manière largement irréversible, par les mesures
que
nous prendrons dès aujourd’hui et dans les dix ou quinze années qui v
1054
000 se joue maintenant Il est clair, en effet,
que
les maisons que nous bâtissons, les plans d’urbanisme que nous décido
1055
tenant Il est clair, en effet, que les maisons
que
nous bâtissons, les plans d’urbanisme que nous décidons ou négligeons
1056
maisons que nous bâtissons, les plans d’urbanisme
que
nous décidons ou négligeons de décider, les centaines de milliers d’h
1057
de décider, les centaines de milliers d’hectares
que
nous bétonnons dans le monde entier (supermarchés, parkings, autorout
1058
effacer leurs traces) mais aussi parce qu’on sait
que
pour reconstituer l’humus détruit en quelques heures par les traxs ou
1059
e du béton, il faudrait des millions d’années. Ce
que
nous faisons aujourd’hui engage ou compromet irrévocablement — mais a
1060
x. Si l’Europe est gérée par les Européens, c’est
qu’
elle aura réussi son union ; car autrement elle ne pourra rien à oppos
1061
our qu’elle réussisse son union, qui ne peut être
que
fédérale, il faut que les jeunes Européens soient élevés dès maintena
1062
son union, qui ne peut être que fédérale, il faut
que
les jeunes Européens soient élevés dès maintenant dans un climat ment
1063
e. Et du même coup, elle tend à nous faire croire
que
cet État-nation a toujours existé, telles une Idée platonicienne ou u
1064
La condition sine qua non Si donc l’on veut
que
l’Europe de l’an 2000 soit gérée par les Européens, c’est-à-dire ait
1065
ropéens, c’est-à-dire ait fait son union, il faut
que
l’École cesse d’enseigner que les seules réalités sont les États-nati
1066
son union, il faut que l’École cesse d’enseigner
que
les seules réalités sont les États-nations, car ceux-ci par principe
1067
té et non dans les discours ministériels. Il faut
que
l’École cesse d’enseigner que la souveraineté nationale est un absolu
1068
nistériels. Il faut que l’École cesse d’enseigner
que
la souveraineté nationale est un absolu religieux, le seul que l’on v
1069
aineté nationale est un absolu religieux, le seul
que
l’on vénère encore et que les Pouvoirs de l’Ouest comme de l’Est invo
1070
solu religieux, le seul que l’on vénère encore et
que
les Pouvoirs de l’Ouest comme de l’Est invoquent comme le suprême rec
1071
mme le suprême recours contre les mesures d’union
que
tout appelle. Il faut que l’horizon de l’enseignement ne soit plus la
1072
tre les mesures d’union que tout appelle. Il faut
que
l’horizon de l’enseignement ne soit plus la nation et ses mythes orgu
1073
s par ses ministres et les députés de son parti —
que
« l’Europe va de Gibraltar à l’Oural ». Et sa politique étrangère se
1074
erreur de « grandeur » aussi manifeste ? (On sait
que
l’Oural, chaîne de collines et petit fleuve affluent de la Volga, en
1075
de mes étudiants sur ce problème. Ils ont trouvé
que
la grande majorité des manuels d’histoire et de géographie des années
1076
tat — cependant que l’Armée alignait les corps et
que
la Presse alignait les curiosités — c’est de l’École que doit venir l
1077
Presse alignait les curiosités — c’est de l’École
que
doit venir le remède. Partant de cette grande évidence, nous nous pos
1078
ns les grandes lignes d’un programme aussi simple
qu’
ambitieux : faire l’Europe en formant aujourd’hui les Européens de dem
1079
européennes, CERN. Mais elle ne deviendra vivante
que
par les citoyens qui la vivront, conscients de leurs devoirs envers c
1080
s envers ce grand ensemble générateur de libertés
que
constitue leur civilisation. Mais comment devenir citoyen d’un pays q
1081
: l’École ? Or l’École fait des citoyens pour ce
qu’
on veut, et trop souvent, pour ce que l’État lui demande. Longtemps el
1082
yens pour ce qu’on veut, et trop souvent, pour ce
que
l’État lui demande. Longtemps elle a fait des citoyens pour la nation
1083
s grande, voire excessive pour notre petit staff,
que
les appuis financiers nous ont été plus chichement mesurés, comme on
1084
us ont été plus chichement mesurés, comme on sait
qu’
il est de règle dans notre société « européenne » par antiphrase — en
1085
européen. Or, je ne vois aucune méthode meilleure
que
celle qu’ont adoptée, depuis dix ans, les associations d’enseignants
1086
Or, je ne vois aucune méthode meilleure que celle
qu’
ont adoptée, depuis dix ans, les associations d’enseignants à vocation
1087
l’Europe, n’ont-ils pas prouvé depuis des siècles
qu’
ils étaient là pour l’empêcher de se faire ? Ce ne sont pas les grande
1088
de Luxembourg qui feront l’Europe — s’il est vrai
qu’
elles y contribuent avec une indéniable compétence dans leurs domaines
1089
dmettra l’urgence de la Campagne, et l’on fera ce
qu’
il faut pour qu’elle soit efficace. Pédagogie écologique, ou de l’u
1090
, ou de l’utilité des catastrophes On nous dit
que
les esprits ne sont pas mûrs pour l’union des Européens. Quand le ser
1091
s. Quand le seront-ils jamais sans la préparation
que
, dans l’état actuel des choses, l’École seule est en mesure de leur d
1092
s politiques, au sens de stratégie de l’humanité.
Qu’
il me suffise d’une phrase-image pour résumer toute la révolution que
1093
une phrase-image pour résumer toute la révolution
que
nous appelons, qui n’est ni de gauche ni de droite, qui n’oppose au p
1094
che ni de droite, qui n’oppose au profit matériel
que
l’honneur et le bonheur humain, et dont dépendra l’avenir non seuleme
1095
les années 1930, quand je suis arrivé à Paris et
que
j’ai tout de suite collaboré avec des groupes de jeunes écrivains, so
1096
Quelle était votre définition de la personne ? Ce
que
nous appelions personne, c’est l’homme à la fois libre et responsable
1097
ndividu isolé. Ce n’était pas le soldat politique
qu’
on nous montrait dans les pays totalitaires. Nous étions contre l’atom
1098
le ciment — c’est avec la poussière des individus
que
l’État fait son ciment — le couple personne/communauté, en insistant
1099
tre à la fois libre et responsable, deux qualités
que
nous ne pouvions séparer. Sur cette base de fédéralisme et de personn
1100
ologie de la culture ou de la morale. C’est ainsi
que
j’ai écrit un de mes premiers livres. Il est intitulé : Penser avec
1101
a Suisse. Mais aussi pour y faire jouer une pièce
que
j’avais écrite pour l’Exposition nationale de 1939 et qui avait été m
1102
s resté six ans. Je ne suis rentré définitivement
qu’
en 1947. Aux États-Unis, j’ai découvert l’Europe. Il fallait donc s’él
1103
en relation les uns avec les autres. C’est ainsi
que
je suis devenu ami d’André Breton et de tout le groupe des peintres s
1104
urs, parce qu’il était un des parleurs des textes
que
j’écrivais pour la voix de l’Amérique parle aux Français. Ainsi, à ma
1105
n pays neutre, j’ai pu faire la guerre, ne fût-ce
que
sur les ondes, en écrivant des textes d’émissions. Je suis donc rentr
1106
. Dans ses conférences, il répétait tout le temps
que
l’homme est à la fois libre et responsable et que l’homme doit s’enga
1107
que l’homme est à la fois libre et responsable et
que
l’homme doit s’engager. Alors, un jour, je lui ai dit : « J’espère qu
1108
gager. Alors, un jour, je lui ai dit : « J’espère
que
vous savez où vous avez pris cela. » Il m’a répondu : « Je le sais tr
1109
dit à personne d’autre… Mais il est bien évident
que
cette définition de l’homme et ce terme d’engagement, vous les retrou
1110
. Dix ans plus tôt. Vous rentrez donc en Suisse.
Que
se passe-t-il ? Pendant la guerre, je m’étais aperçu que ma doctrine
1111
passe-t-il ? Pendant la guerre, je m’étais aperçu
que
ma doctrine du fédéralisme était illustrée par la pratique suisse. Qu
1112
déralisme était illustrée par la pratique suisse.
Que
j’avais apprise à l’école mais que je n’avais jamais très bien compri
1113
atique suisse. Que j’avais apprise à l’école mais
que
je n’avais jamais très bien comprise. Alors, je me suis dit que maint
1114
jamais très bien comprise. Alors, je me suis dit
que
maintenant il fallait faire l’Europe. Qu’on ne pouvait unifier l’Euro
1115
uis dit que maintenant il fallait faire l’Europe.
Qu’
on ne pouvait unifier l’Europe sur le modèle hitlérien ou napoléonien,
1116
l’Europe sur le modèle hitlérien ou napoléonien,
qu’
on ne pouvait pas non plus faire l’Europe avec l’État-nation. Il falla
1117
la base et en remontant de plus en plus, à mesure
que
les tâches envisagées devenaient plus vastes. Mon fédéralisme est bas
1118
les cantons — on ne commence à parler des cantons
qu’
aux xviiie et xixe siècles — constituent la base de la Suisse. Et je
1119
— constituent la base de la Suisse. Et je trouve
que
le système marche très bien. Il autorise toutes les diversités qui ti
1120
utit à quelque chose de créateur. Et ces tensions
qu’
on n’essaie pas de réduire ou d’anéantir mais qu’on conserve et qu’on
1121
qu’on n’essaie pas de réduire ou d’anéantir mais
qu’
on conserve et qu’on tâche d’équilibrer aboutissent à une très grande
1122
s de réduire ou d’anéantir mais qu’on conserve et
qu’
on tâche d’équilibrer aboutissent à une très grande vitalité civique.
1123
de notre première ambition. Puisqu’il s’est avéré
que
le Conseil de l’Europe n’était pas du tout ce que nous voulions, n’ét
1124
que le Conseil de l’Europe n’était pas du tout ce
que
nous voulions, n’était pas du tout la représentation des « forces viv
1125
n restant sur le plan des États-nations. C’est ce
que
j’attaque maintenant à boulets rouges. Comment voulez-vous réussir l’
1126
ndant sur l’obstacle par excellence à toute union
qu’
est l’État-nation ? C’est une tâche absolument impossible que se sont
1127
at-nation ? C’est une tâche absolument impossible
que
se sont assignée les États. Selon vous, l’Europe actuelle n’est qu’un
1128
ée les États. Selon vous, l’Europe actuelle n’est
qu’
une juxtaposition d’États ? Moi, j’appelle cela l’amicale des misanthr
1129
al de Gaulle. Et alors, on ne voit pas du tout ce
que
ces pays veulent faire ensemble. Sinon, en cas de crise, conseiller a
1130
s bénéfices aux dépens de leurs voisins. Voilà ce
qu’
on a vu dans la crise monétaire récente et ce qu’on verra chaque fois
1131
qu’on a vu dans la crise monétaire récente et ce
qu’
on verra chaque fois qu’il y a une crise économique. Ça, c’est la mora
1132
as déçu. Je n’y ai jamais cru. Je n’ai jamais cru
que
cette Europe-là pouvait se faire. Mais j’ai pensé qu’il valait mieux
1133
cette Europe-là pouvait se faire. Mais j’ai pensé
qu’
il valait mieux que les États pratiquent cet hommage que le vice rend
1134
vait se faire. Mais j’ai pensé qu’il valait mieux
que
les États pratiquent cet hommage que le vice rend à la vertu, qui est
1135
valait mieux que les États pratiquent cet hommage
que
le vice rend à la vertu, qui est cette hypocrisie de l’union, plutôt
1136
ertu, qui est cette hypocrisie de l’union, plutôt
que
de se faire la guerre. Quel est le lien entre votre doctrine du maria
1137
tre doctrine du mariage et celle du fédéralisme ?
Qu’
est-ce que le mariage ? C’est la coexistence de deux êtres qui, je l’a
1138
ne du mariage et celle du fédéralisme ? Qu’est-ce
que
le mariage ? C’est la coexistence de deux êtres qui, je l’ai dit, ont
1139
complètement supérieur à l’autre. Je préfère dire
que
l’homme est supérieur à la femme et la femme supérieure à l’homme. Pl
1140
la femme et la femme supérieure à l’homme. Plutôt
que
de dire qu’ils sont égaux parce que l’égalité évoque quelque chose qu
1141
la femme supérieure à l’homme. Plutôt que de dire
qu’
ils sont égaux parce que l’égalité évoque quelque chose qui anéantit l
1142
unions pour sauvegarder les autonomies. Voilà ce
que
j’ai découvert dans l’histoire de la Suisse. Pourquoi ce pays s’est-i
1143
e s’est pas faite pour créer une union plus forte
que
les voisins. Elle s’est fait uniquement pour maintenir les autonomies
1144
communes, de chacun des cantons. Voilà le système
que
je voudrais étendre de proche en proche à toute l’Europe, en suivant
1145
rales européennes : le Marché commun, à condition
que
celui-ci reste dans ses compétences qui sont essentiellement économiq
1146
vaste puisqu’elle va jusqu’au milieu du Valais et
qu’
elle descend assez bas dans la vallée du Rhône, à certains égards jusq
1147
t tenir compte des frontières actuelles autrement
que
pour des questions d’état civil. N’est-ce pas une utopie ? L’utopie,
1148
usieurs régions selon les fonctions, car c’est ce
que
nous faisons tous dans notre vie actuelle ; nous relevons tous d’un t
1149
n tas de réalités différentes. L’utopie, c’est ce
qu’
a fait Napoléon : l’État-nation. C’est de la démence, de la folie. Pen
1150
i sont hétérogènes. Très souvent, les gens disent
que
mon modèle est folie pure. Que c’est une complication ce que je veux
1151
t, les gens disent que mon modèle est folie pure.
Que
c’est une complication ce que je veux faire. Alors, voici mon exemple
1152
èle est folie pure. Que c’est une complication ce
que
je veux faire. Alors, voici mon exemple personnel. Je suis né à Neuch
1153
n’a pas les mêmes frontières ni les mêmes langues
que
le canton. De plus, je suis écrivain français. Donc, je fais partie d
1154
n n’est plus simple. Au fond, nous vivons dans ce
que
j’appelle la pluralité des allégeances. L’utopie, c’est vouloir que t
1155
luralité des allégeances. L’utopie, c’est vouloir
que
toutes mes allégeances soient limitées par une même frontière. C’est
1156
soient limitées par une même frontière. C’est ce
qu’
ont voulu tous les créateurs d’États totalitaires, à commencer par Nap
1157
reusement, beaucoup de gens conçoivent avec peine
que
c’est de la folie pure. Ils croient que l’État-nation a été créé par
1158
vec peine que c’est de la folie pure. Ils croient
que
l’État-nation a été créé par Dieu le septième jour de la création, qu
1159
té créé par Dieu le septième jour de la création,
que
c’est le sommet de l’histoire, qu’on ne peut pas le dépasser et que c
1160
e la création, que c’est le sommet de l’histoire,
qu’
on ne peut pas le dépasser et que c’est de la rêverie absurde de voulo
1161
t de l’histoire, qu’on ne peut pas le dépasser et
que
c’est de la rêverie absurde de vouloir dépasser ce stade. Or, l’État-
1162
Europe ; sinon, nous serons colonisés un peu plus
que
nous ne le sommes par l’économie américaine et nous risquons d’être c
1163
ion, sans subordination. Ce sont les mêmes termes
que
j’ai utilisés pour définir le couple et définir la coexistence des au
1164
. Chaque homme a sa vocation propre, c’est-à-dire
qu’
il part de là où il est, qui est un endroit unique au monde et doit cr
1165
unauté par l’exercice de cette vocation. C’est ce
que
j’ai de plus fondamentalement protestant. À part cela, je suis pour u
1166
uménique dépassant définitivement les confessions
que
j’estime valables dans la mesure où il y a des tempéraments religieux
1167
rt à cœur depuis quelques années : j’ai découvert
que
l’humanité, aujourd’hui, se voit contrainte de choisir librement son
1168
elle se développait un peu au hasard ; on pensait
qu’
il y avait des ressources naturelles, de la place, de l’eau, de l’air
1169
soin de politique de développement car on pensait
que
le progrès était infini, que tout allait s’arranger si on produisait
1170
ement car on pensait que le progrès était infini,
que
tout allait s’arranger si on produisait plus. Bref, c’était la foire
1171
is ou quatre ans dans l’opinion publique, on sait
qu’
il n’en est rien. Et que nous touchons partout des limites. Les ressou
1172
opinion publique, on sait qu’il n’en est rien. Et
que
nous touchons partout des limites. Les ressources naturelles ne sont
1173
és. Or, jusqu’ici, il n’y avait d’autre politique
que
cette finalité générale qu’est le profit, la croissance, l’augmentati
1174
ait d’autre politique que cette finalité générale
qu’
est le profit, la croissance, l’augmentation quantitative, mesurable.
1175
-nous la liberté des personnes ? Suivant le choix
que
chacun doit faire librement, tout le reste change. Si nous choisisson
1176
vécu pendant plus de vingt ans. Un portail vert.
Qu’
on ouvre et qu’on referme précipitamment, dès les premiers aboiements
1177
lus de vingt ans. Un portail vert. Qu’on ouvre et
qu’
on referme précipitamment, dès les premiers aboiements de Furax, un be
1178
Centre européen de la culture, à Genève, institut
qu’
il a créé en 1950. Mais, Denis de Rougemont est avant tout, à sa maniè
1179
re, un Européen. Sa grande idée : le fédéralisme.
Qu’
il définit ainsi : “S’unir pour permettre aux autonomies de rester aut
1180
e une femme qui vient, comme une patrie d’enfance
qu’
on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’elle au monde ! Puis un
1181
ce qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait
qu’
elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre rencontre, no
1182
ouchés par le soleil rasant, ah ! ce ne peut être
que
l’Europe ! Ces champs morcelés et striés dans tous les sens, et ces f
1183
e industrielle. Or, il y a plus de deux-cents ans
que
l’on déplore son urbanisation dévergondée. Rousseau déjà jugeait que
1184
n urbanisation dévergondée. Rousseau déjà jugeait
que
la Suisse de son temps ne constituait plus qu’une seule ville. Il ne
1185
it que la Suisse de son temps ne constituait plus
qu’
une seule ville. Il ne parlait que du Plateau, ce « Pays des Collines
1186
onstituait plus qu’une seule ville. Il ne parlait
que
du Plateau, ce « Pays des Collines », comme disent les Suisses aléman
1187
rts alpestres et les sombres forêts du Jura. Mais
que
dirait-il aujourd’hui, où sa constatation, très abusive alors, est en
1188
là en chemin de fer, et vous ne verrez plus guère
que
maisons et fabriques, jardins bien clos et entrepôts, garages, silos.
1189
sons, du Tessin et du Valais, et vous découvrirez
que
leur plan s’est développé soit à partir d’un château sur sa colline,
1190
st la place, d’une commune, au sens très virulent
que
prit le mot de l’Ombrie au nord de la France et aux Flandres, au xiii
1191
la mairie, tension entre l’autorité, tant civile
que
religieuse, et l’humeur frondeuse des cafés où naissent les rumeurs p
1192
re de la cité qui a permis la démocratie, on voit
que
cette dernière trouve ses ennemis mortels dans deux facteurs des plus
1193
de personne. Car c’est dans la rue, sur la place
que
se formait l’opinion publique, quand les hommes pouvaient se rencontr
1194
se rencontrer. Or, il n’est pas de pays au monde
que
le gigantisme humain menace dans ses fondements plus que la Suisse. C
1195
gigantisme humain menace dans ses fondements plus
que
la Suisse. Car la Suisse tire sa raison d’être et les conditions même
1196
e La Chaux-de-Fonds, qui n’a guère fait en Suisse
que
la maison de sa mère, ira bâtir des capitales en Inde et sera l’inspi
1197
Qu’
est-ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)ar
1198
Qu’est-ce
que
la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)ar 1. C
1199
thèses et une hypothèse (juin 1972)ar 1. Ce
qu’
elle n’est pas La culture ne consiste pas à lire des romans, à parl
1200
ction, quelque chose qui distingue du vulgaire et
que
l’on acquiert par des études. Elle n’est pas l’affaire des « salons »
1201
e quelques amateurs de clichés, qui ne savent pas
qu’
il n’y a plus de salons, qu’ils ont été remplacés depuis le xviiie si
1202
és, qui ne savent pas qu’il n’y a plus de salons,
qu’
ils ont été remplacés depuis le xviiie siècle par les cafés, et qu’il
1203
placés depuis le xviiie siècle par les cafés, et
qu’
il n’y a plus de cafés littéraires depuis vingt ans, même à Paris. La
1204
bstenir, et de s’inscrire dans un parti. 2. Ce
qu’
elle est en tous cas La culture est l’ensemble des valeurs (tabous
1205
ègre au long des jours, qui forment son esprit et
qu’
il assume plus ou moins complètement et combine plus ou moins activeme
1206
aux, et, pour quelques-uns, la lecture). 3. Ce
qu’
il se peut qu’elle soit « La culture est ce qui reste quand on a to
1207
quelques-uns, la lecture). 3. Ce qu’il se peut
qu’
elle soit « La culture est ce qui reste quand on a tout oublié », d
1208
« remémoré » par la réactivation de la structure
qu’
il a créée, répondant à un stimulus extérieur. Le message se voit ains
1209
en synchronie virtuelle à chaque instant, encore
que
son actualisation quasi instantanée soit souvent empêchée par des blo
1210
acteurs, est dix fois, ou cent fois plus ancienne
que
nos divisions nationales. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? », dit l’Eu
1211
ois plus ancienne que nos divisions nationales. «
Qu’
as-tu que tu n’aies reçu ? », dit l’Europe aux nations. Elles n’ont en
1212
ancienne que nos divisions nationales. « Qu’as-tu
que
tu n’aies reçu ? », dit l’Europe aux nations. Elles n’ont en propre q
1213
, dit l’Europe aux nations. Elles n’ont en propre
que
leurs vanités, leurs chauvinismes, partout pareils et qui ne les dist
1214
rien. Il n’y a pas plus de « musique française »
que
de « mathématiques soviétiques » ou de « chimie allemande ». Toutes l
1215
anticipation de frontières qui ne seront tracées
que
plusieurs siècles plus tard au hasard des batailles et des traités co
1216
onfusion générale. Inutile d’insister sur le fait
que
ces frontières ont peu de rapports avec la sagesse politique, aucun r
1217
tracé des frontières, ou le drapeau ou la monnaie
qu’
on y vénère. La seule culture qui puisse être sucée avec le lait, assi
1218
s frontières étatiques dont la réalité n’est plus
que
négative. 5. La contestation comme tradition centrale de la cultur
1219
s cultures totalitaires modernes tant communistes
que
fascistes) visaient à l’homogène, à l’uniforme, à l’orthodoxie sans d
1220
ative. Mais il résulte aussi de ce grand paradoxe
qu’
une contestation qui refuse de discuter avec la tradition s’annule en
1221
s. C’est la faiblesse irrémédiable des gauchistes
que
de vouloir esquiver l’affrontement avec la tradition des pères, de pe
1222
res, de peur d’être « récupérés » par le fantasme
qu’
ils appellent « Système ». Nier le père ne résout pas le complexe d’Œd
1223
prévaut contre l’indifférence, qui n’est souvent
qu’
angoisse refoulée. Elle l’abolit en création. Tel est le sens. ar.
1224
n. Tel est le sens. ar. Rougemont Denis de, «
Qu’
est-ce que la culture ? Quatre thèses et une hypothèse », Cahiers de l
1225
le sens. ar. Rougemont Denis de, « Qu’est-ce
que
la culture ? Quatre thèses et une hypothèse », Cahiers de l’Alliance
1226
ntexte culturel et historique, ont fait bien plus
qu’
une œuvre scientifique et « sérieuse » aux yeux de leurs confrères : i
1227
leur œuvre en une seule expression moins pédante
qu’
elle ne paraît à première vue : avec la légende de Tristan, c’est l’ét
1228
de de Tristan, c’est l’étymologie de nos passions
que
ces savants ont retrouvée. Selon Littré : Les étymologies servent à
1229
ie et xiiie siècles, expriment bien autre chose
qu’
un thème romanesque, fût-il même le thème exemplaire, l’archétype de t
1230
d’un des grands mythes de l’âme occidentale. Mais
qu’
est-ce qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet
1231
rands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce
qu’
un mythe, et qu’est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces grands
1232
l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et
qu’
est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au pu
1233
dentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu’est-ce
que
l’âme. Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au public une j
1234
au public une justification de l’usage personnel
qu’
il a fait. Un mythe, c’est une histoire, généralement très simple et i
1235
ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague
que
lui donnent un peu trop facilement les poètes du siècle dernier, ni d
1236
as celle du corps ni celle de l’intellect, encore
qu’
elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais qui est bien plutôt celle
1237
ence de l’âme. Or, c’est dans le mythe de Tristan
qu’
il a trouvé son expression la plus totale, délicieuse et tragique à la
1238
élicieuse et tragique à la fois. C’est à ce mythe
qu’
il doit, depuis le xiie siècle, et dans nos sociétés occidentales, so
1239
c’est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort
que
la vie, plus fort que la vie quotidienne, plus fort que la vie qui dé
1240
mythe de l’amour plus fort que la vie, plus fort
que
la vie quotidienne, plus fort que la vie qui dégrade, assagit, amorti
1241
vie, plus fort que la vie quotidienne, plus fort
que
la vie qui dégrade, assagit, amortit, et réduit aux routines. C’est l
1242
nt un jour dans l’instant du premier regard, mais
que
le temps modifie fatalement, créant un risque permanent de dissonance
1243
rice à peine connue dans sa réalité terrestre. Ce
que
le mythe de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustre en
1244
mythe de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce
qu’
il illustre en sa simplicité majestueuse, c’est l’intensité de l’amour
1245
arnation présente. C’est l’amour de l’Amour, plus
que
de l’être aimé dans sa réalité toujours irréductible à l’image idéale
1246
sa réalité toujours irréductible à l’image idéale
que
la passion s’en fait. Cette image, étant idéale, doit rester à jamais
1247
ité est lourdement présente. Elle ne saurait donc
que
freiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’est pas amour, qui
1248
contemporain de nos légendes tristaniennes. Mais
qu’
est-ce alors, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi ? Ce n’est p
1249
cralisé par l’Église. C’est le mariage. Constater
que
Tristan est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’
1250
an est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort
que
la vie, c’est reconnaître aussi que la vraie victime du mythe n’est p
1251
our plus fort que la vie, c’est reconnaître aussi
que
la vraie victime du mythe n’est pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’es
1252
mythe, dans nos mœurs et coutumes, ne serait-elle
que
l’histoire d’une longue profanation ? Faut-il penser que les pouvoirs
1253
istoire d’une longue profanation ? Faut-il penser
que
les pouvoirs du mythe sont épuisés et que nous serons peut-être les d
1254
penser que les pouvoirs du mythe sont épuisés et
que
nous serons peut-être les derniers à subir son « tourment délicieux »
1255
tait vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure
que
c’est l’âme elle-même, la fonction émotive, dans l’homme contemporain
1256
e, des obstacles opposés à la passion. Or on sait
que
la passion vit d’obstacles, naturels ou sacrés, coutumiers ou légaux
1257
acles, naturels ou sacrés, coutumiers ou légaux ;
qu’
elle s’en nourrit et même les invente au besoin. Sans les obstacles ac
1258
linant devant les « droits divins de la passion »
qu’
inventera bien plus tard le romantisme, puis acceptant le divorce et p
1259
mantisme, puis acceptant le divorce et permettant
que
la reine convole en justes noces avec le chevalier. Et l’on recule ép
1260
enant Madame Tristan ! C’est pourtant bien à cela
que
nous en sommes aujourd’hui, dès lors que le mariage n’est plus un lie
1261
sacré, adversaire à la taille de la passion ; et
que
, loin de provoquer celle-ci par ses refus intransigeants, il prétend
1262
il faut en croire nos romanciers. Ils savent bien
que
le roman véritable n’est jamais qu’une version renouvelée de l’archét
1263
s savent bien que le roman véritable n’est jamais
qu’
une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut. Ils cherche
1264
s viennent à céder, c’en sera fait de la passion.
Que
deviendront nos romanciers ? Il leur reste le réalisme, le regard pse
1265
sociologues, la passion doit mourir. Je vous dis
que
je n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’obs
1266
ous dis que je n’en crois rien. Car s’il est vrai
que
la passion se nourrit d’obstacles choisis, et que notre culture tend
1267
que la passion se nourrit d’obstacles choisis, et
que
notre culture tend à les supprimer, il reste un obstacle suprême, cel
1268
és, ont cédé à nos sciences, ou c’est tout comme.
Qu’
en est-il du dernier barrage que notre condition d’êtres finis oppose
1269
c’est tout comme. Qu’en est-il du dernier barrage
que
notre condition d’êtres finis oppose à notre amour d’un être, à l’Amo
1270
la passion vit de séparations, il est bien clair
que
la séparation la plus irrémédiable est dans la mort, et toutes nos sc
1271
ces, ici, se récusent et se taisent. Or c’est ici
que
la passion mythique va se dresser dans sa pleine stature. En buvant l
1272
mour, un amour qui s’adresse à la part immortelle
que
lui seul pourra deviner, ou susciter dans l’autre ; la part de l’Ange
1273
rque, en proie au mythe, ose parler d’un plaisir
que
l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier a
1274
d’un plaisir que l’usage en moi a fait si fort
qu’
il me donne l’audace de négocier avec la mort. Et Wagner, le dernier
1275
mort. Et Wagner, le dernier auteur de la légende
qu’
il a su recréer d’après nature, s’inspirant de Gottfried de Strasbourg
1276
son état déchu. Je ne puis m’empêcher d’imaginer
que
cette « rencontre aurorale » avec le moi céleste en forme d’ange, et
1277
seut n’évoque-t-elle point cette forme de lumière
qu’
on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été, sur la Terre, le
1278
lle point cette forme de lumière qu’on ne rejoint
que
dans un au-delà, et qui aurait été, sur la Terre, le véritable objet
1279
serait dès ici-bas, l’altérité même du prochain.
Que
l’Autre soit un Autre impénétrable ne tient pas à quelque interdit, à
1280
ue tabou religieux, à quelque décret de la morale
que
l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’être même, au fait d
1281
ions. Et ce n’est pas seulement de la littérature
qu’
ils ont bien mérité, mais de l’âme. ⁂ Comment résister à la tentation
1282
étique au lyrisme contenu qui n’éclate malgré lui
que
dans l’épisode bref, tel Tristan fou ; Mary plus pittoresque et foiso
1283
artie (départ) = departure Il doit être évident
que
ces restitutions sont dans la tradition de tous les textes que nous t
1284
tutions sont dans la tradition de tous les textes
que
nous tenons pour les « originaux » de la légende, et qui, en fait, n’
1285
la légende, et qui, en fait, n’étaient eux-mêmes
que
des versions renouvelées, souvent critiques et parfois polémiques, de
1286
des auteurs de Tristan, à peu près au même titre
que
Béroul ou Thomas, Gottfried, Eilhart, Chrétien de Troyes, ou l’auteur
1287
inis ses douleurs ! » Il en reste chez Bédier : «
Que
m’importe de mourir ! » — chez Mary, rien du tout, ce qui vaut sans d
1288
, Paris, 1960. 19. L’adjectif « français », plus
que
littérairement élogieux, quasi sacré, revient d’une manière obsédante
1289
olitique ou logique. Ou simplement, la conviction
que
la réalité n’est pas divisée en compartiments correspondant aux facul
1290
ogie, à la psychologie ou à la politologie autant
qu’
à l’automation industrielle. Exemples de b) L’amour-passion. J’ai étu
1291
L’Amour et l’Occident . J’ai très vite pressenti
que
la forme d’amour que je cherchais à décrire ne pouvait être saisie pa
1292
t . J’ai très vite pressenti que la forme d’amour
que
je cherchais à décrire ne pouvait être saisie par aucune de nos disci
1293
turelle, etc.) isolément, ne devenait saisissable
qu’
au lieu même de leur convergence, là où il s’était constitué. Cela fut
1294
virtuel, dans son évolution. L’Europe n’apparaît
qu’
à leur carrefour, elle est définie par leurs intersections, et ses rel
1295
eurs intersections, et ses reliefs ne se révèlent
qu’
au croisement de leurs faisceaux lumineux. De même, s’agissant des rég
1296
rontaliers) ne peut être concrétisée, actualisée,
que
par des approches multiples et simultanées, à partir de presque toute
1297
Ces recherches sont métaphoriques, s’il est vrai
que
la métaphore naît du rapprochement de deux phénomènes très éloignés,
1298
approchement de deux phénomènes très éloignés, et
que
la lumière qui jaillit de l’opération éclaire des structures communes
1299
rité requise par l’objet d’études ne peut exister
qu’
à des degrés très variables chez les sujets qui la pratiquent, enseign
1300
oses de haut, par grands ensembles, on s’aperçoit
qu’
une loi commande l’apparition du phénomène régional en cette seconde m
1301
qui domine l’Europe depuis un siècle et demi, et
que
tous les pays du monde copient comme si c’était le dernier mot du Pro
1302
u Progrès, l’aboutissement suprême de l’Histoire.
Qu’
est-ce que l’État-nation ? C’est la mainmise d’un appareil étatique —
1303
l’aboutissement suprême de l’Histoire. Qu’est-ce
que
l’État-nation ? C’est la mainmise d’un appareil étatique — réalité ab
1304
on — réalité concrète, affective et « mystique »,
que
l’on enferme désormais dans des frontières d’autant plus rigides qu’e
1305
sormais dans des frontières d’autant plus rigides
qu’
elles sont plus arbitraires, pour la commodité des seuls fonctionnaire
1306
es territoriales à des réalités aussi hétérogènes
que
la langue parlée à la surface et l’exploitation du sous-sol, l’économ
1307
dire à la fois plus universel et plus particulier
que
celui des nations modèle xixe siècle. À mesure que les frontières di
1308
e celui des nations modèle xixe siècle. À mesure
que
les frontières dites « historiques » ou « naturelles » selon les cas
1309
, d’un chauvinisme local plus irrespirable encore
que
l’autre, si elle ne répondait en réalité à une prise de conscience eu
1310
reconnaissance de l’obstacle majeur à cette union
que
constituent les prétentions de l’État-nation à une souveraineté sans
1311
lle peut encore tout bloquer) amènent à constater
que
si l’on veut faire l’Europe il faut ouvrir le cadre stato-national et
1312
ue régionale. Là encore, on constate bien souvent
que
les tempéraments ethniques jouent un rôle économique indiscutable…
1313
aris et le désert français. On voit tout de suite
que
les régions ethniques et les régions économiques ne sauraient coïncid
1314
ou de transports. L’exemple des diverses régions
qu’
il y aurait lieu d’organiser autour de Genève est particulièrement fra
1315
éritées d’autres âges. De la création des régions
que
je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le
1316
définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera
que
le pays de Gex, la Savoie, la Romandie tout entière et, dans une mesu
1317
tre avenir prochain, j’imagine quelques solutions
qu’
il va s’agir de réaliser simultanément : 1. Créer des agences fédérale
1318
su européen qui finira par se révéler plus solide
que
les liens administratifs subsistant entre chaque région et sa capital
1319
nt-ils pas trop longs face à l’urgence des périls
que
court l’Europe, j’entends sa colonisation par une hégémonie politique
1320
res. S’il est vrai, comme je l’ai toujours pensé,
que
nous n’avons pas à prévoir notre histoire, mais à la faire. aw. R
1321
er la place publique (1er juillet 1973)bc Dire
que
j’approuve les idées de ces douze articlesbd serait faible : je m’y r
1322
difficiles et abstraites sous la forme condensée
que
demande le journal. Je voudrais souligner une idée dominante : que le
1323
urnal. Je voudrais souligner une idée dominante :
que
les structures d’une cité peuvent interdire la vie communautaire — c’
1324
-il décrire ces structures. J’ai toujours soutenu
que
la démocratie, au sens actif et créatif du mot, n’est pas possible, s
1325
du village, du quartier, de la ville, n’est plus
qu’
un parking, et si les rues sont livrées aux autos qui essaient au mieu
1326
ublique », à la bonne heure ! Mais encore faut-il
qu’
elles existent, cette rue, cette place publique, où le beau mot de voi
1327
ialisée ». Pour nous y préparer, lisons Proudhon,
que
l’on trouve aujourd’hui en livre de poche. L’affaire Lip est déjà pré
1328
uer aucun rôle à l’échelle mondiale. Elle ne peut
que
subir l’histoire faite par les autres, les guerres des autres, les co
1329
s autres. Mais l’Europe ne pourra jamais se faire
que
selon la formule fédéraliste, respectueuse des diversités et des auto
1330
es deux cas, l’expérience séculaire ou millénaire
qu’
ils prétendaient inaugurer n’a duré qu’une douzaine d’années. La Suiss
1331
millénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’a duré
qu’
une douzaine d’années. La Suisse fédérale, en regard, approche du viie
1332
e siècle de sa continuité historique, continuité
que
l’on peut faire remonter au pacte secret de 1273, unissant trois « co
1333
ment dit, leur droit de différer. Or il se trouve
que
cette formule fédéraliste, seule pratiquement possible pour l’Europe,
1334
ainte mais en fait toujours plus illusoire — sauf
qu’
elle bloque tout. Mais c’est ici aussi que l’on rejoint la culture. Ca
1335
— sauf qu’elle bloque tout. Mais c’est ici aussi
que
l’on rejoint la culture. Car c’est bien la culture — l’École, la pres
1336
ons élèves et de maîtres eux-mêmes trop crédules,
que
l’État national, « Un et indivisible » selon la formule jacobine, cen
1337
ou Hollandais, contre toute évidence historique,
que
la France, l’Allemagne, l’Italie ou la Hollande sont immortelles, ce
1338
e ou la Hollande sont immortelles, ce qui suggère
qu’
elles auraient existé de toute éternité, alors qu’en vérité, pour la p
1339
ques des historiens20. Mais si l’on peut admettre
que
l’État français existe réellement depuis Philippe le Bel — « empereur
1340
eur en son royaume » —, il est absolument certain
que
l’Italie comme État n’a que 112 ans, l’Allemagne 102, la Norvège 70,
1341
st absolument certain que l’Italie comme État n’a
que
112 ans, l’Allemagne 102, la Norvège 70, la Tchécoslovaquie, la Yougo
1342
l’Islande 28, et Malte 11. L’École nous a raconté
que
chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à
1343
turelles. Et nous l’avons cru ! Nous croyons donc
que
chacun de nos États-nations a sa langue et que ses frontières coïncid
1344
nc que chacun de nos États-nations a sa langue et
que
ses frontières coïncident avec elle. Nous croyons que les Européens s
1345
ses frontières coïncident avec elle. Nous croyons
que
les Européens sont trop différents les uns des autres pour s’unir et
1346
trop différents les uns des autres pour s’unir et
qu’
on ne pourra jamais les fédérer, parce que leurs vingt-huit États-nati
1347
ir un pouce de leur sacro-sainte souveraineté, et
qu’
ils sont immortels. Or tout est faux dans cet enseignement, et dans le
1348
de plus. Mais à l’Université même, on ne parlait
qu’
en latin, et l’on ignorait tout des appartenances « nationales » au se
1349
nationales » au sens moderne du mot. C’est ainsi
qu’
à la Sorbonne, vers 1260 — comme me le faisait observer un jour Étienn
1350
res d’un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai
que
nos stato-nations modernes correspondent à l’aire de diffusion d’une
1351
is au service dévot de l’État-nation. C’est ainsi
qu’
on nous a inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses deux rives, m
1352
l’État-nation. C’est ainsi qu’on nous a inculqué
que
le Rhin sépare les peuples de ses deux rives, mais que le Rhône les u
1353
e Rhin sépare les peuples de ses deux rives, mais
que
le Rhône les unit — allez savoir pourquoi ! De même, les Pyrénées sép
1354
e de la France, voilà qui est clair — à condition
qu’
un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de
1355
on qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas
que
l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux v
1356
es Basques. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier
qu’
on y parle italien des deux côtés au sud, français des deux côtés à la
1357
et le sens même de la vie de l’esprit. La vérité
qu’
on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est foncière
1358
de l’esprit. La vérité qu’on nous cachait, c’est
que
la culture de tous nos peuples est foncièrement une, et que cette uni
1359
ture de tous nos peuples est foncièrement une, et
que
cette unité de base permet seule de définir l’Européen. On se rappell
1360
son Génie du christianisme, Chateaubriand montre
que
le secret de la grande littérature européenne réside dans la synthèse
1361
volutionnaire, André Siegfried pense au contraire
que
ce sont « les prophètes d’Israël » qui ont « déposé dans notre esprit
1362
qui distingue socialement l’Occident ». La vérité
que
nous cachent les façades des États-nations, c’est que l’Europe est d’
1363
nous cachent les façades des États-nations, c’est
que
l’Europe est d’abord une culture, et que cette culture s’est formée à
1364
s, c’est que l’Europe est d’abord une culture, et
que
cette culture s’est formée à partir des mêmes influences indo-europée
1365
ariables, et qui ont éduqué notre vision du réel,
que
nous le sachions ou non, que nous soyons cultivés ou non. Toutes les
1366
otre vision du réel, que nous le sachions ou non,
que
nous soyons cultivés ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’archi
1367
ée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais
qu’
en est-il de ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vr
1368
’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg,
que
ces « précieuses diversités » sont celles de nos nations ? Je propose
1369
ants » et des « catholiques ». Or je mets en fait
que
dans la plupart des cas, les hommes de gauche (ou de droite) de pays
1370
bleront davantage et s’entendront mieux entre eux
qu’
ils ne s’entendent avec les hommes de droite (ou de gauche) de leur pr
1371
de droite (ou de gauche) de leur propre nation ;
que
les surréalistes d’un pays s’accorderont mieux avec les surréalistes
1372
rderont mieux avec les surréalistes de l’étranger
qu’
avec les conformistes de leur propre nation ; et ainsi de suite. Ce ne
1373
uralité des écoles de pensée et des styles de vie
qu’
on retrouve à divers degrés dans toutes nos nations. Supprimons les fr
1374
querons pas un instant de créer ce fameux volapük
que
dénonçait de Gaulle, non sans démagogie un peu facile. Seconde observ
1375
elle en Europe est d’autant plus riche et intense
qu’
elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Mo
1376
riche et intense qu’elle est moins centralisée et
que
ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création s
1377
en mobilisant à Paris tous les esprits distingués
qu’
il n’avait pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notr
1378
e l’unité et la diversité, il faut bien constater
que
l’échelon national ne joue aucun rôle, est simplement omis, inexistan
1379
tion continentale à partir des régions L’Europe
que
nous devons vouloir et qui est la seule que nous puissions espérer, n
1380
urope que nous devons vouloir et qui est la seule
que
nous puissions espérer, ne sera jamais un laborieux et problématique
1381
le, ce serait une amicale des misanthropes, chose
que
l’on peut énoncer mais non pas faire ; car ou bien l’on fait une vrai
1382
ntraire au statut des sujets d’un État-nation, et
que
je nomme : pluralité des allégeances. Cela veut dire : relever d’une
1383
suis Neuchâtelois de naissance, ce qui veut dire
que
la communauté et le territoire de l’ancienne principauté indépendante
1384
s est donc la condition du régime fédéraliste tel
que
je le conçois — seul possible pour l’Europe réelle — et c’est aussi c
1385
oute Église en tant qu’institution, au même titre
que
tout État-nation. La véritable orthodoxie, la « voie droite », ne sau
1386
e orthodoxie, la « voie droite », ne saurait être
que
la voie personnelle inventée par chaque vocation : ce que l’instituti
1387
oie personnelle inventée par chaque vocation : ce
que
l’institution ecclésiastique, tout comme l’État-nation, nomme hérésie
1388
ois, une expérience séculaire montre suffisamment
qu’
il n’y a rien à attendre à cet égard des gouvernements comme tels, soi
1389
eut-être d’apporter au monde la guérison des maux
qu’
elle y a causés. 20. La France date-t-elle de Clovis, ou des fils d
1390
a théologie, la philosophie et les arts chrétiens
que
les valeurs bibliques ont fécondé l’Europe. En attendant la grande ex
1391
ours tourné vers l’avenir, il convient volontiers
qu’
il « faut avoir le sens de son histoire personnelle ». On ne connaît p
1392
es Familles bourgeoises de Neuchâtel, on constate
que
la famille compte parmi les plus anciennes de Besançon. Dans les arch
1393
s Français et je suis complètement Suisse. Est-ce
que
l’idée de l’unité de l’Europe vous vient de vos ancêtres ? Ce n’est p
1394
une, mais quand j’ai pris des leçons j’ai compris
qu’
il ne saurait plus en être question. Vous savez, quand la passion est
1395
nd la passion est devenue un devoir… j’ai compris
que
j’étais écrivain. J’avais lu un Paradis à l’ombre des épées, de Mont
1396
es épées, de Montherlant. J’ai écrit une critique
que
j’ai envoyée à une revue à Genève qui l’a publiée. Je n’en étais pas
1397
e. L’hérédité des dons ? Je n’y crois pas. Disons
que
j’ai eu un milieu favorable. Dans la famille de ma mère, il y avait d
1398
s. L’hérédité des dons, cela n’existe pas. Disons
qu’
il y a des dispositions complémentaires chez le père et chez la mère.
1399
Dieu plus grandes, et vers la liberté d’esprit. »
Qu’
avez-vous hérité de lui ? Le sens de l’engagement et celui de la justi
1400
ts fort différents. Vous qui vivez dans l’avenir,
que
pensez-vous de celui de la famille ? La famille est devenue un choix,
1401
mille est devenue un choix, pas une nécessité. Ce
que
je trouve assez bien. Il y avait une homogénéité dans les familles d’
1402
À partir de ma génération, on faisait autre chose
que
son père. Vos enfants ? Mon fils est psychologue, ma fille assistante
1403
(octobre 1973)be C’est au Technocrate inconnu
que
l’on doit l’expression, de « taille européenne ». Beaucoup l’emploien
1404
p l’emploient, l’air entendu, mais nul ne sait ce
qu’
elle signifie. Les régions, nous dit-on, doivent être de « taille euro
1405
t cette taille ? Qui en décide ? Au nom de quoi ?
Que
veut-on dire ? On me répond qu’il s’agit de « découper » des régions
1406
Au nom de quoi ? Que veut-on dire ? On me répond
qu’
il s’agit de « découper » des régions qui soient assez grandes, assez
1407
s compétitive : l’adjectif ne saurait s’appliquer
qu’
à une firme. Dassault, Fiat, Péchiney peuvent être « compétitifs » ave
1408
ront dans l’intention de devenir « compétitifs ».
Qu’
en auraient-ils de plus ? Ça n’a pas de sens pour eux. C’est une idée
1409
, de ministre ou de fonctionnaire qui ne raisonne
qu’
en termes de pouvoir et de prestige. Ce n’est pas un souci d’homme rée
1410
er sa liberté ; n’est pas de se montrer plus fort
que
tel voisin par les armes ou par la richesse, mais de rester maître ch
1411
and État sur la petite communauté, on n’en trouve
qu’
un : le grand État peut faire de grandes guerres. Pour tout le reste :
1412
e liste, et les grands en queue. Faut-il rappeler
que
les créations les plus mémorables de la culture européenne sont toute
1413
ocales, jamais de « nations » en tant que telles.
Que
Rhône-Alpes soit « compétitif » avec Rhein-Westphalen intéresse peut-
1414
rincipe, au moins, d’une décentralisation (encore
que
le pouvoir central entende l’imposer à sa manière). Ce ne sont là que
1415
al entende l’imposer à sa manière). Ce ne sont là
que
signes avant-coureurs d’un phénomène beaucoup plus ample et plus prof
1416
us les pays du monde ne peuvent pas exporter plus
qu’
ils n’importent, faites le calcul. 23. G. Bidault. be. Rougemont De
1417
politique ou civique24 de demain. ⁂ Il se trouve
que
le sens commun joue dans le même sens que notre angoisse sociale pour
1418
trouve que le sens commun joue dans le même sens
que
notre angoisse sociale pour recommander cette formule. Mais il est tr
1419
s, Georges Bidault recevait Molotov dans la villa
qu’
occupait la délégation française, à Versoix. De la terrasse, il lui fi
1420
asse, il lui fit admirer le paysage, en précisant
que
là-bas, de l’autre côté du lac, c’était la France. — Mais où est la f
1421
vent-ils dans quel pays ils sont ? S’il n’y avait
que
les poissons ! Les vents, les fleuves et les nuages, la faune, la flo
1422
t ni les tempêtes, ni la pollution, ni rien de ce
qu’
il faudrait arrêter, mais seulement ce qu’il faudrait laisser passer :
1423
n de ce qu’il faudrait arrêter, mais seulement ce
qu’
il faudrait laisser passer : personnes, marchandises, œuvres d’art. «
1424
ur J. Ancel —, les frontières ne sont plus utiles
qu’
aux seuls douaniers, lesquels, pour la plupart, aimeraient faire autre
1425
ls, pour la plupart, aimeraient faire autre chose
que
de poser huit à neuf-cents fois par jour les mêmes questions convenue
1426
ou manifestement aberrants. On voit tout de suite
que
les régions ethniques et les régions économiques ne sauraient coïncid
1427
ou de transports. L’exemple des diverses régions
qu’
il y aurait lieu d’organiser autour de Genève est particulièrement fra
1428
ritées d’autres âges. De la création des régions
que
je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le
1429
définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera
que
le pays de Gex, la Savoie, la Romandie tout entière, et dans une mesu
1430
empêché la prospérité et l’entente de populations
que
les cordons douaniers ne séparaient pas. C’est à partir du coup de fo
1431
pas. C’est à partir du coup de force de Poincaré
que
tout s’est gâté. Et l’on a, sans sagesse ou sans bonne foi, invoqué d
1432
ées, l’évolution historique oubliée (n’en restent
que
les marmites de l’Escalade), la majorité confessionnelle inversée (54
1433
ant et Stendhal. Rien de plus aisé, si l’on songe
qu’
ils ont aimé les mêmes paysages, subi les mêmes bises noires, et résis
1434
’École, à ses trois degrés, qui nous a convaincus
que
nous étions différents au point de ne pouvoir rien faire ensemble. C’
1435
re ensemble. C’est par l’École, aux trois degrés,
qu’
il faut refaire l’éducation des citoyens, à partir des réalités, qui s
1436
(1er-2 décembre 1973)bg bh « Grâce aux Arabes,
que
je remercie officiellement, nous savons tous maintenant que l’Europe
1437
ercie officiellement, nous savons tous maintenant
que
l’Europe est en crise. Il nous reste à voir que c’est une crise de ci
1438
t que l’Europe est en crise. Il nous reste à voir
que
c’est une crise de civilisation. » Avec son humour tranquille, Denis
1439
c’est l’Europe des régions. Depuis vingt-cinq ans
que
tout le monde dit qu’il faut faire l’Europe, on n’a pas avancé d’un m
1440
ions. Depuis vingt-cinq ans que tout le monde dit
qu’
il faut faire l’Europe, on n’a pas avancé d’un millimètre, hormis quel
1441
e toute politique énergétique européenne démontre
que
les États-nations sont incapables de résoudre un tel problème, comme
1442
s seulement leurs industries, comme on ne le voit
que
trop ces jours-ci… La formule de l’État-nation est à bout de course
1443
st à bout de course Faire l’Europe, pour vous,
qu’
est-ce que c’est, concrètement ? Au sens littéral, c’est créer de la s
1444
de course Faire l’Europe, pour vous, qu’est-ce
que
c’est, concrètement ? Au sens littéral, c’est créer de la substance e
1445
les régions. Les deux opérations ne peuvent être
que
simultanées : un pouvoir supranational et un tissu de réalités région
1446
n même temps, l’un par l’autre. Mon utopie, c’est
qu’
à la longue, ces réalités s’avéreront plus solides que les États actue
1447
la longue, ces réalités s’avéreront plus solides
que
les États actuels, qui, peu à peu, tomberont en désuétude. La région
1448
tude. La région ? Pouvez-vous préciser ? Je dirai
que
c’est une structure de participation civique à base de syndicats de c
1449
ansport ou d’enseignement. Il n’y a aucune raison
que
ces fonctions correspondent à une seule et même aire géographique. Ci
1450
À l’Institut universitaire d’études européennes,
que
je dirige, nous étudions le cas de la région lémano-alpine. Nous avon
1451
sion sur les problèmes fondamentaux de sa vie. Ce
que
les États-nations ne font pas. La participation, l’autogestion civiqu
1452
autogestion civique exige de petites communautés,
que
Platon imaginait déjà pour sa cité idéale. Un Conseil élu par le p
1453
correspondent plus à grand-chose aujourd’hui. Ce
que
je souhaite, personnellement, c’est la renaissance d’assemblées polit
1454
ique européenne. Mais ce qui est important, c’est
qu’
il existe au-dessus des régions et à leur service une fonction proprem
1455
rentes fonctions particulières. C’est à ce niveau
qu’
il faudrait un Conseil élu par le peuple européen et composé non de sp
1456
aleurs, selon certaines finalités communes telles
que
le respect de la personne et de sa liberté plutôt que de la puissance
1457
le respect de la personne et de sa liberté plutôt
que
de la puissance collective d’un État, la sauvegarde des équilibres en
1458
des équilibres entre l’homme et la nature plutôt
que
du seul profit matériel. Et les sociétés multinationales ? Vous
1459
de l’ère actuelle. Comment peut-on croire encore
qu’
il y ait des économies nationales ? Il n’y a aucune raison pour qu’une
1460
s guerres et des traités sur de tout autres bases
que
celles de l’économie actuelle. L’économie est une chose très fluente,
1461
aux, mais, pour revenir à mon sujet, il me semble
que
rien ne les empêche de chercher à s’adapter aux réalités régionales.
1462
sans se faire l’avocat du diable, on peut penser
que
… Notez que je ne me fais pas l’avocat des sociétés multinationales !
1463
ire l’avocat du diable, on peut penser que… Notez
que
je ne me fais pas l’avocat des sociétés multinationales ! … sans se f
1464
aire l’avocat du diable, on peut penser néanmoins
que
le souci d’adaptation des sociétés multinationales profite essentiell
1465
font. Disons, pour résumer beaucoup ma position,
que
dans un monde qui serait structuré par régions, mais dans le cadre d’
1466
rtir du seul cadre national, et vous avez suggéré
que
l’on parte plutôt de l’environnement immédiat des élèves. Vous vous s
1467
ronnement immédiat des élèves. Vous vous souvenez
qu’
on vous apprenait à énumérer les affluents de l’Amazone, alors qu’on n
1468
de Neuchâtel et la Franche-Comté voisine. Alors,
que
proposez-vous ? Je propose d’éveiller la conscience civique des enfan
1469
r les seuls mythes nationaux. Si enthousiasmantes
que
puissent être les leçons sur Morgarten ou Austerlitz, c’est tout de m
1470
t loin de la vie quotidienne. » Je suis convaincu
qu’
en partant de ce que l’enfant peut connaître le mieux, des curiosités
1471
tidienne. » Je suis convaincu qu’en partant de ce
que
l’enfant peut connaître le mieux, des curiosités les plus vite éveill
1472
aussi son histoire et les traces encore visibles
qu’
elle a laissées dans nos vies, on arriverait à de meilleurs résultats
1473
ter volontairement l’horizon de l’enfant ? Je dis
qu’
il faut partir des réalités immédiates — pour aller plus loin ! L’écol
1474
ptibles. Les enfants sont parfaitement conscients
que
les frontières politiques n’existent pas pour la pollution. Les poiss
1475
urces naturelles, et finalement sur les décisions
qu’
ils auront à prendre comme citoyens de leur région et de l’Europe des