1 1970, Articles divers (1970-1973). La place du livre dans l’information de l’homme moderne (1970)
1 rmand, sauf sur un seul point, c’est quand il dit que les mathématiques ne se prêtent pas à la liturgie, ne se prêtent pas
2 primaire qui m’a toujours frappé, et ceci prouve que la liturgie n’est pas seulement l’expression d’une émotion mais un mo
3 emarque, non pas du tout en contradiction avec ce que vient de vous dire M. Armand, mais plutôt complémentaire à propos du
4 livre et au caractère spécifique de l’information que l’on peut avoir par un livre : je le prends dans son sens étymologiqu
5 mple, aussi simple dans ses éléments constitutifs que les transistors qui sont pour moi le comble de l’élégance en techniqu
6 pouvoir spécifique d’information consiste en ceci que , quand vous lisez un livre, vous avez en quelque sorte l’esprit polar
7 mé de mots et de phrases, disposés de telle sorte que le sens spécifique que l’auteur veut faire passer ne passe que dans l
8 s, disposés de telle sorte que le sens spécifique que l’auteur veut faire passer ne passe que dans la mesure où ce système
9 pécifique que l’auteur veut faire passer ne passe que dans la mesure où ce système de mots et de phrases oriente l’esprit d
10 , sur l’infinité des directions possibles. Alors, qu’ est-ce qui produit cet effet d’orientation, d’organisation de l’inform
11 re individuelle, dans cette banque d’informations qu’ est la mémoire individuelle. Donc il semble que la fonction essentiell
12 ns qu’est la mémoire individuelle. Donc il semble que la fonction essentielle du livre, si on laisse de côté les encyclopéd
13 cture, à son style, à ses rythmes au moins autant qu’ à l’enchaînement des arguments. Il n’y a pas deux livres pareils, alor
14 mateur indépendamment des informations objectives qu’ il peut ou non contenir et utiliser comme matériel. Cet appareil, nous
15 qui nous transforme nous-mêmes, nous digérons ce qu’ il y a dans le livre et je dirai qu’en revanche et en retour le livre
16 s digérons ce qu’il y a dans le livre et je dirai qu’ en revanche et en retour le livre nous digère d’une certaine manière.
17 digère d’une certaine manière. Quand nous disons que nous sommes « absorbés » dans un livre, est-ce que c’est lui qui nous
18 ue nous sommes « absorbés » dans un livre, est-ce que c’est lui qui nous absorbe ou nous qui l’absorbons ? C’est une questi
19 orbe ou nous qui l’absorbons ? C’est une question qu’ on peut se poser, et cela me fait penser à ce passage très fameux de l
20 evant de cet ange et prends ce petit livre ouvert qu’ il a dans les mains, et quand tu l’auras pris, mange-le, dévore-le ; i
21 destinés à devenir des prophètes. Mais vous voyez qu’ il y a cette espèce d’interaction qui indique bien la valeur transform
22 qui existe dans un livre, dans ce petit appareil qu’ est le livre dont on ne sait jamais si c’est lui qui nous avale, ou no
23 l’on ne croie pas, puisqu’on parle d’information, que le livre est une manière surannée d’informer les gens. La radio, la t
24 nute, je voudrais vous lire une page de Nietzsche que j’ai retrouvée ce matin même, sur « la lente lecture ». Je voudrais q
25 matin même, sur « la lente lecture ». Je voudrais qu’ on affiche cette page dans toutes les librairies et je voudrais l’oppo
26 je voudrais l’opposer à une annonce publicitaire qu’ on voit paraître de plus en plus fréquemment dans les journaux et qui
27 n de milliers de mots à la minute. Alors je crois que toute la propagande en faveur du livre, aujourd’hui, si l’on veut sau
28 dans le sens de ces quelques lignes de Nietzsche que je vais vous lire. C’est dans la préface de son recueil Aurore. « Phi
29 même par écrire lentement. Ne rien écrire d’autre que ce qui pourrait désespérer l’espèce d’homme qui se hâte ! [voilà pour
30 spèce d’homme qui se hâte ! [voilà pour l’annonce que je vous citais]. Car la philologie est cet art vénérable qui, de ses
31 îtrise d’orfèvre. C’est justement à cause de cela qu’ il est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, justement par là que le
32 use de cela qu’il est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, justement par là que le livre charme et séduit le plus au mil
33 ’hui plus nécessaire que jamais, justement par là que le livre charme et séduit le plus au milieu d’un âge du travail, je v
34 icats. Ami patient, ce livre ne souhaite pour lui que des lecteurs parfaits. Apprenez à bien me lire. Lisez-moi lentement.
35 re pour bien se pénétrer des questions. Je disais que les sujets ne manquent pas, mais le temps de les lire lentement me ma
36 e l’audiovisuel et le livre. On me fait remarquer que le livre a ce gros avantage sur la télévision que : « les moyens de c
37 que le livre a ce gros avantage sur la télévision que  : « les moyens de communication de masse — écrit-on — sont en fait de
38 t d’hommes ou d’intérêts. Le dissentiment dans ce qu’ il y a de plus scandaleux, et non pas seulement de pittoresque et de f
39 ncontre-t-il pas plus de difficultés à s’exprimer qu’ au temps où il suffisait d’une très modeste mise de fonds pour publier
40 bande magnétique qui joue à peu près le même rôle que le livre, c’est-à-dire qui peut être comme le livre un agent d’indivi
41 vidualisation en face de cet agent collectivisant qu’ est la télévision. On a fait remarquer que la télévision recrée le tri
42 ivisant qu’est la télévision. On a fait remarquer que la télévision recrée le tribalisme, les sentiments de tribu, d’autant
43 nts de tribu, d’autant plus fortement aujourd’hui qu’ elle ne dépasse guère un certain rayon, contrairement à la radio qui v
44 te en général. La télévision, c’est quelque chose qu’ on vous impose ; il y a un très petit nombre de programmes, vous n’ave
45 uriosité, à votre faim du moment. Alors, je pense que loin de dire que le livre doit être supplanté par la télévision, il n
46 faim du moment. Alors, je pense que loin de dire que le livre doit être supplanté par la télévision, il nous faut le dével
47 ar la télévision, il nous faut le développer tant que nous pouvons, au fur et à mesure que la télévision cherche à nous imp
48 elopper tant que nous pouvons, au fur et à mesure que la télévision cherche à nous imposer certaines doctrines officielles
49 n dans les programmes. Et alors, on se disait : «  Qu’ est-ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’il faut créer un poste européen de
50 programmes. Et alors, on se disait : « Qu’est-ce qu’ il faut faire ? Est-ce qu’il faut créer un poste européen de télévisio
51 se disait : « Qu’est-ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’ il faut créer un poste européen de télévision ? » Ça sera très diffici
52 gouvernements. Alors, quelqu’un m’a fait observer qu’ on pouvait peut-être s’en tirer pour le moment en diffusant de petits
53 tirer pour le moment en diffusant de petits films que l’on peut faire passer sur la télévision, sur son poste personnel, de
54 On peut combiner aussi les deux choses. Je pense que c’est une affaire d’entraînement, de goût personnel, de possibilités
55 gue internationale ? L’espéranto, par exemple, ce qu’ on a essayé de faire jusqu’ici mais sans grand succès ? » Alors là, je
56 crois pouvoir reprendre en réponse la distinction que je faisais tout à l’heure entre deux sens du mot « information ». S’i
57 ormation ». S’il s’agit d’informations courantes, que vous pourrez aussi bien trouver dans un dictionnaire ou un répertoire
58 quoi ne pas les diffuser en espéranto, à supposer qu’ il y ait beaucoup de gens qui le sachent. Cela, c’est l’information ob
59 on est de langue française, ça vous apporte plus que de l’information objective. Ça vous apporte une orientation de la sen
60 n de la sensibilité et du sentiment d’une manière que vous ne pouvez pas dissocier de l’information objective qu’il y a dan
61 e pouvez pas dissocier de l’information objective qu’ il y a dans le livre ; c’est quelque chose que vous ne pouvez jamais e
62 ive qu’il y a dans le livre ; c’est quelque chose que vous ne pouvez jamais espérer d’une langue synthétique comme l’espéra
63 e question parce qu’elle me permet de préciser ce que j’appellerais « information » tout à l’heure. Quelqu’un me dit : « C’
64 très joli, lente lecture, mais encore faudrait-il que l’ouvrier, la femme de ménage, l’employé de bureau, le contremaître,
65 au, le contremaître, aient assez de temps. Est-ce que , face au rythme de la vie actuelle auquel nous sommes tous soumis, il
66 e, aux dépens de leur sommeil quelquefois, plutôt qu’ aux dépens de leur travail. C’est dommage, il faudrait arriver à rédui
67 là absolument dans le sens du livre, c’est-à-dire qu’ il diminue les temps de travail et augmente les temps de loisir. Alors
68 augmente les temps de loisir. Alors, je voudrais que , pendant ces temps de loisir, après la très rapide lecture de tri, co
69 is, on mette de côté un certain nombre de livres, qu’ on relira pendant toute sa vie, dans lesquels on découvrira toujours p
70 s on découvrira toujours plus de choses. Je crois qu’ on va vers une époque où le loisir va devenir le sérieux de la vie, le
71 e sérieux de la vie c’est, bien entendu, le temps qu’ on consacre au travail, à gagner sa vie. Et puis ensuite, on se repose
72 n peu. Il semble depuis à peu près deux-cents ans que le sérieux de la vie, c’est le temps du travail. C’est en train de ch
73 nuer beaucoup plus rapidement au fur et à mesure [ que ] l’automation se développera. Ce n’est pas à mon voisin, que j’irai a
74 mation se développera. Ce n’est pas à mon voisin, que j’irai apprendre ce genre de choses. Je pense que nous allons mainten
75 que j’irai apprendre ce genre de choses. Je pense que nous allons maintenant vers un état de la société où, tout doucement,
76 sir et ce sera pour le loisir, sérieux de la vie, qu’ on travaillera un petit peu, pour s’assurer ce qu’il faut, pour avoir
77 qu’on travaillera un petit peu, pour s’assurer ce qu’ il faut, pour avoir le temps de lire lentement. Quelqu’un demandait —
78 poser le livre à la revue » et faisait observer «  qu’ on lit énormément de revues en France, ce qui pourrait compenser les c
79 iffres un peu pessimistes des statistiques disant qu’ on lit trop peu ». On ne peut pas vraiment opposer les deux choses par
2 1970, Articles divers (1970-1973). Deux en un, ou le fédéralisme (mars 1970)
80 nationales, régionales et locales. Cela veut dire qu’ il n’y a pas d’autre solution à la fois désirable et praticable que l’
81 ’autre solution à la fois désirable et praticable que l’union dans la diversité, c’est-à-dire le fédéralisme. Mais sitôt le
82 me disaient les traités de naguère. (Plus étroite que quelle autre, antérieure, on se le demande.) Si l’on croit que j’exag
83 tre, antérieure, on se le demande.) Si l’on croit que j’exagère, voici quelques exemples. Le mot fédéralisme est tabou à S
84 du Conseil de l’Europe : je compris par la suite que ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour un système d’unifica
85 é des pays membres. Mais alors, comment expliquer qu’ un grand homme d’État belge ait pu écrire en ce temps-là (il a changé
86 alisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut ? En Suisse même, le fédéralisme prend
87 déralisme prend des sens à peu près opposés selon qu’ il s’exprime en allemand ou en français. Et l’on a pu entendre le rect
88 isait-il, nous sommes fédéralistes ! Je n’ai cité que des européistes on ne peut plus engagés. Que sera-ce ailleurs, dans l
89 cité que des européistes on ne peut plus engagés. Que sera-ce ailleurs, dans la grande presse, dans la grande masse des cit
90 grande masse des citoyens dont il n’est pas exclu qu’ avant longtemps on l’appelle à se prononcer sur la question européenne
91 hange d’une opposition commune au fédéralisme, ce qu’ il a traduit en ces termes : « La Grande-Bretagne et la France sont to
92 la France sont toutes deux également convaincues que leur premier devoir à l’égard de l’Europe, le moyen le plus sûr de co
93 é individuelle en tant que nation. » Je m’assure que ce qu’a dit Maurice Schumann n’était nullement censé « traduire » un
94 iduelle en tant que nation. » Je m’assure que ce qu’ a dit Maurice Schumann n’était nullement censé « traduire » un refus d
95 rmule fédérale — bien au contraire ! Il est clair que l’erreur est le fait du journaliste, mais ce qui frappe, c’est qu’ell
96 le fait du journaliste, mais ce qui frappe, c’est qu’ elle ait pu passer inaperçue dans un quotidien qui s’appelle préciséme
97 fédératif. Définition assurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent : 1) Le fédéralisme était une des
98 e disent fédéralistes contre Berne, les Québécois que j’ai visités l’automne dernier se veulent antifédéralistes contre Ott
99 ain d’un État typiquement capitaliste des phrases que l’on croirait tirées du Principe fédératif de Proudhon sur la souvera
100 s sociales créatrices. L’attitude intellectuelle que traduit ce vocabulaire souple et précis doit-elle rester à jamais étr
101 ue concrète sont causes des confusions de langage que j’ai citées et se révèlent nécessairement en elles. « Simples questio
102 , si l’on veut. Pourtant, il serait fou d’espérer que l’Europe se fasse un jour dans l’histoire si elle ne se fait pas d’ab
103 les esprits, et voilà qui implique un langage, et qu’ on ne laisse pas impunies ses erreurs. Car si l’on ne fait pas attenti
104 Car si l’on ne fait pas attention aux mots, c’est que l’on n’a pas bien vu la chose, et comment pourrait-on la vouloir ? Ap
3 1970, Articles divers (1970-1973). Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe (19 mars 1970)
105 Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe (19 mars 1970)c d On assiste de
106 rdre économique. Pensez-vous, Denis de Rougemont, que c’est là la meilleure voie pour une intégration future de l’Europe ?
107 eaucoup de gens se figurent — surtout en Suisse — que c’est la seule voie sérieuse. Que ce qu’il y a de sérieux quand on pa
108 out en Suisse — que c’est la seule voie sérieuse. Que ce qu’il y a de sérieux quand on parle de l’Europe, c’est uniquement
109 Suisse — que c’est la seule voie sérieuse. Que ce qu’ il y a de sérieux quand on parle de l’Europe, c’est uniquement l’écono
110 mais qui explique pourquoi la Suisse n’est entrée que dans l’AELE et a refusé jusqu’ici d’entrer dans la CEE. Parce que l’A
111 qu’ici d’entrer dans la CEE. Parce que l’AELE n’a que des buts économiques, n’a jamais voulu viser à autre chose qu’à des a
112 économiques, n’a jamais voulu viser à autre chose qu’ à des avantages commerciaux, par exemple, qui sont ceux du libre-échan
113 andis que la CEE n’a jamais caché depuis le début qu’ elle avait des visées politiques. La Suisse, pensant que les visées po
114 e avait des visées politiques. La Suisse, pensant que les visées politiques, c’était de l’utopie ou que c’était dangereux,
115 que les visées politiques, c’était de l’utopie ou que c’était dangereux, a voulu se borner à l’économie, c’est-à-dire à ce
116 vous répondrai évidemment non, car s’il n’y avait que les questions économiques qui se posaient, nous aurions tout avantage
117 um. Si nous répugnons à le faire, si nous pensons que le problème européen dépasse celui d’une simple organisation de notre
118 icanisés », comme on le dit tous les jours, c’est qu’ il y a d’autres choses qui sont non moins sérieuses que l’économie, qu
119 y a d’autres choses qui sont non moins sérieuses que l’économie, qui sont même beaucoup plus sérieuses, qui sont, par exem
120 ertés, nos modes de vie… Et c’est à cause de cela que nous devons faire l’Europe par d’autres voies que l’économie. On peut
121 que nous devons faire l’Europe par d’autres voies que l’économie. On peut donc prévoir d’autres formes d’intégration pour l
122 Une unité commune Il faut beaucoup plus même que la CEE à mon sens. L’intégration de l’Europe… disons, d’un mot moins
123 sur tous les plans. Elle doit être sociale autant qu’ économique, elle doit être technique, elle doit être universitaire, sc
124 de notre histoire, une unité. C’est sur une unité que l’on peut fonder une union solide. Quelle est cette unité ? Eh bien !
125 a pas de cultures nationales, contrairement à ce que l’on nous a appris à l’école. Il n’y a qu’une grande culture européen
126 t à ce que l’on nous a appris à l’école. Il n’y a qu’ une grande culture européenne qui vient de nos ancêtres communs : grec
127 rts, tous les procédés de nos littératures autant que nos techniques, les thèmes de nos réflexions historiques, tout cela e
128  » et non pas une unification. Car la seule union que je vois possible pour l’Europe, et la seule à laquelle la Suisse puis
129 ’un écrivain français ou espagnol ? Beaucoup plus qu’ il ne pense. Par l’ensemble des procédés que les uns et les autres uti
130 plus qu’il ne pense. Par l’ensemble des procédés que les uns et les autres utilisent. Par exemple — prenons les choses trè
131 pas dans les autres cultures, où l’on n’écrivait que de la littérature religieuse, sacrée. En Inde, par exemple, il n’y a
132 histoires qui se passent tous les jours. Il n’y a que des écrits religieux, de la sculpture religieuse dans les temples, de
133 les temples, de la peinture religieuse. Ce n’est qu’ en Europe que l’on a utilisé tous ces procédés tels que le sonnet, le
134 de la peinture religieuse. Ce n’est qu’en Europe que l’on a utilisé tous ces procédés tels que le sonnet, le tableau, la s
135 Europe que l’on a utilisé tous ces procédés tels que le sonnet, le tableau, la symphonie. Toutes ces choses-là sont des cr
136 nt naturellement tous les artistes de l’Europe… … que l’on pourrait englober dans une forme de culture occidentale. Mais da
137 ses d’intégration sous toutes ses formes, quelles qu’ elles soient, quelle part pourrait prendre la Suisse ? Beaucoup à a
138 uisse ? Beaucoup à apporter Alors, je pense que la réponse est simple. La Suisse a beaucoup à apporter dans l’union d
139 er dans l’union de l’Europe. Elle a à apporter ce qu’ elle est, ce qu’elle est devenue au cours des siècles, c’est-à-dire la
140 de l’Europe. Elle a à apporter ce qu’elle est, ce qu’ elle est devenue au cours des siècles, c’est-à-dire la formule fédéral
141 e la formule fédérale. C’est sur cette formule-là que la Suisse s’est faite peu à peu, qu’elle s’est créée sous la forme d’
142 e formule-là que la Suisse s’est faite peu à peu, qu’ elle s’est créée sous la forme d’une confédération en 1848. Et depuis
143 reste la seule solution praticable. » Pensez-vous que la Suisse comprenne exactement ce qu’est le fédéralisme ? Le fédérali
144 Pensez-vous que la Suisse comprenne exactement ce qu’ est le fédéralisme ? Le fédéralisme est l’une des choses les plus diff
145 es plus difficiles à comprendre, et même à vivre, que je connaisse. De toutes les doctrines politiques, c’est certainement
146 mportance… (entendant par là — je pense — le fait que c’est un petit pays, qui n’a qu’une petite armée, encore que ce soit
147 pense — le fait que c’est un petit pays, qui n’a qu’ une petite armée, encore que ce soit la plus forte d’Europe !)… que ce
148 n petit pays, qui n’a qu’une petite armée, encore que ce soit la plus forte d’Europe !)… que ce n’est pas une grande puissa
149 ée, encore que ce soit la plus forte d’Europe !)… que ce n’est pas une grande puissance comme les États-Unis ou la Russie… 
150 nce comme les États-Unis ou la Russie… » J’estime que c’est là une attitude tout à fait erronée, car ce qui fait le poids,
151 e générale, ce sont les initiatives, les exemples qu’ il peut donner, les initiatives qu’il peut prendre. Si l’importance po
152 , les exemples qu’il peut donner, les initiatives qu’ il peut prendre. Si l’importance politique d’un pays était mesurée uni
153 e son armée et de son économie, comment expliquer que les États-Unis n’aient pas gagné tout de suite la guerre contre le pe
154 st beaucoup plus l’opinion. Les Américains savent qu’ il y a en face d’eux un pays qui agit beaucoup sur l’opinion d’une par
155 n certain idéal communiste. Les États-Unis savent qu’ ils ne peuvent opposer à cet idéal qu’un idéal démocratique et de libe
156 Unis savent qu’ils ne peuvent opposer à cet idéal qu’ un idéal démocratique et de liberté, et qu’ils l’illustrent fort mal e
157 idéal qu’un idéal démocratique et de liberté, et qu’ ils l’illustrent fort mal en faisant la guerre du Vietnam. Voilà pourq
158 ant la guerre du Vietnam. Voilà pourquoi je pense qu’ un petit pays comme la Suisse aurait les plus grandes chances d’agir s
159 irait de toute son histoire, elle sortirait de ce que nous sommes, nous Suisses, dont nous avons à prendre toujours mieux c
160 On la suivrait. On suivrait la Suisse, si petite qu’ elle soit, parce qu’elle aurait une grande idée. La Suisse, si petite
161 elle aurait une grande idée. La Suisse, si petite qu’ elle soit, n’aurait pas seulement un rôle de parti minoritaire à jouer
162 de le proposer sur un plan international, il faut que nous autres, les Suisses, prenions conscience plus claire de ce qu’es
163 es Suisses, prenions conscience plus claire de ce qu’ est notre fédéralisme, des richesses de cette formule chez nous. Il fa
164 des richesses de cette formule chez nous. Il faut que nous l’appliquions de mieux en mieux, que nous cessions de penser que
165 Il faut que nous l’appliquions de mieux en mieux, que nous cessions de penser que fédéralisme signifie repli sur soi dans c
166 ns de mieux en mieux, que nous cessions de penser que fédéralisme signifie repli sur soi dans chaque canton, alors que c’es
167 s. Ils n’ont pu défendre leurs petites autonomies qu’ en se groupant. Eh bien ! il faudrait appliquer cette formule maintena
168 re frontière nationale, mais voir plus loin, voir qu’ il y a des tâches qui sont de dimensions continentales, européennes, e
169 sont de dimensions continentales, européennes, et que la raison, le bon sens et la formule suisse même veulent que l’on éte
170 on, le bon sens et la formule suisse même veulent que l’on étende le fédéralisme à la dimension des tâches nouvelles qui se
171 itoyen suisse, qui appartient à ce peuple heureux que vous décrivez, ne semble pas très prêt à assumer les responsabilités
172 très prêt à assumer les responsabilités nouvelles qu’ implique la formation de l’Europe puisqu’il manque d’initiative ? Qu’e
173 ation de l’Europe puisqu’il manque d’initiative ? Qu’ en sait-on ? Est-ce qu’on a jamais demandé aux Suisses ce qu’ils pensa
174 u’il manque d’initiative ? Qu’en sait-on ? Est-ce qu’ on a jamais demandé aux Suisses ce qu’ils pensaient de l’Europe et d’u
175 on ? Est-ce qu’on a jamais demandé aux Suisses ce qu’ ils pensaient de l’Europe et d’une intégration de l’Europe, d’une inté
176 x des Suisses ? On n’a jamais fait cette enquête, que je sache. Alors que voulez-vous qu’il se passe ? Dans ces conditions,
177 ette enquête, que je sache. Alors que voulez-vous qu’ il se passe ? Dans ces conditions, le Suisse moyen, l’homme de la rue,
178 moyen, l’homme de la rue, quand on lui demande ce qu’ il pense de l’Europe, répète naturellement ce qu’il a entendu dire à l
179 qu’il pense de l’Europe, répète naturellement ce qu’ il a entendu dire à la radio, à la télévision, ce qu’il lit dans la pr
180 il a entendu dire à la radio, à la télévision, ce qu’ il lit dans la presse, ce qu’il entend dans les discours de ses hommes
181 à la télévision, ce qu’il lit dans la presse, ce qu’ il entend dans les discours de ses hommes d’État, de ses députés. Eh b
182 hommes d’État, de ses députés. Eh bien ! il faut que cela change, lentement. On lui a trop dit pendant trop longtemps : « 
183 dicules en proposant de grandes choses… » Il faut que cela cesse ; et c’est une question d’éducation ; cela doit commencer
184 e Europe unie. Elles trouveront même bien curieux que l’on ne l’ait pas encore fait. Elles nous reprocheront — à la générat
185 e, qui n’est exemplaire pour personne et qui fait que nous sommes restés à la traîne loin derrière les autres. Alors que to
186 te — toute notre vocation historique nous indique que nous avons à prendre maintenant une belle initiative sur le plan euro
187 ères. c. Rougemont Denis de, « [Entretien] Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe », Construire, Lausanne, 19 mars 1
188 si, visites importantes dans notre pays. Il n’y a qu’ à songer à celle de M. Jean Rey, il y a quelques mois seulement, dans
189 e question, et je vous livre l’entretien intégral que j’ai eu avec lui. »
4 1970, Articles divers (1970-1973). « Un acte de reconnaissance » [à propos du prix Robert Schuman] (24 mars 1970)
190 -Voltaire, où il prépare actuellement le discours qu’ il prononcera le mois prochain à Bonn à l’occasion de la remise offici
191 sque, en juillet dernier déjà, elle avait annoncé que le prix 1970 me serait décerné. Quelle signification attachez-vous au
192 cerné. Quelle signification attachez-vous au fait que ce soit à vous, écrivain et directeur du Centre européen de la cultur
193 in et directeur du Centre européen de la culture, que sera attribué cette année le prix Robert Schuman ? J’y vois essentiel
194 n écrivain, c’est toujours un plaisir particulier que d’être récompensé pour des travaux réalisés en marge de son métier pr
195 sholt et Walter Hallstein. Il faut rappeler enfin que Robert Schuman fut président du Centre européen de la culture que je
196 an fut président du Centre européen de la culture que je dirige. Et, de recevoir un prix qui porte son nom est aussi, pour
5 1970, Articles divers (1970-1973). Après l’attribution du prix Schuman à M. D. de Rougemont (30 mars 1970)
197 it : Au sujet de la brève interview par téléphone que vous avez bien voulu publier dans votre numéro du 24 mars, permettez-
198 is en valeur par votre titre ne saurait signifier que la Fondation FVS de Hambourg m’aurait exprimé sa gratitude émue, comm
199 primé sa gratitude émue, comme on pourrait croire que je l’ai dit (si l’on ne me connaissait pas du tout) mais simplement q
200 on ne me connaissait pas du tout) mais simplement que je lui suis reconnaissant d’avoir reconnu le travail du Centre europé
6 1970, Articles divers (1970-1973). La passion en 1970, est-ce possible ? (mai 1970)
201 assion qui se nourrit d’obstacles par définition, que devient-elle à notre époque où les obstacles ne se dressent plus entr
202 par la relative facilité du divorce, n’offre plus qu’ une barrière fragile aux passions ; si on aime ailleurs, on divorce. E
203 ns nos mariages modernes, qui ne sont en principe que des mariages de passion, comment s’accommode-t-elle de l’immédiat quo
204 mariage, dit Denis de Rougemont, je dis seulement qu’ il y a un conflit, si toutefois on parle de passion, qui est autre cho
205 outefois on parle de passion, qui est autre chose que l’amour. En effet, si l’on se marie en état de passion, c’est-à-dire
206 e réussi l’est, quand les deux conjoints estiment que leur vie commune est favorable à l’épanouissement de chacun. C’est le
207 es seconds mariages sont-ils souvent plus heureux que les premiers ? C’est que les premiers n’étaient que des mariages-maqu
208 ils souvent plus heureux que les premiers ? C’est que les premiers n’étaient que des mariages-maquettes. Pour moi, le maria
209 e les premiers ? C’est que les premiers n’étaient que des mariages-maquettes. Pour moi, le mariage, si on veut faire une co
210 t très différent d’une union basée sur la passion qu’ on subit et dont on pâtit, par définition. D’après Denis de Rougemont,
211 ants sur la qualité de leur mariage, c’est-à-dire qu’ à force d’entendre prôner l’idéale harmonie psychologique, indispensab
212 ous. Le tabou sexuel, par exemple. Il est certain que , depuis Freud, le sexe n’est plus passé sous silence. Cela dit, nous
213 d’une liberté fantastique. J’ai lu, l’autre jour, qu’ il y avait à Paris, autour de 1890, une quinzaine de théâtres de nus q
214 offraient des spectacles beaucoup plus provocants que celui de « Hair » ! Les interdits, les tabous, les convenances ne son
215 upprime des gênes extérieures, cela ne correspond qu’ à des permissions extérieures. Voyez Tristan et Iseut. Quand ils ont s
216 Iseut est assez rusé pour se reproduire, quelles que soient les circonstances. i. Rougemont Denis de, « [Entretien] La
7 1970, Articles divers (1970-1973). « S’unir, au-delà de nos fausses souverainetés, pour préserver nos vraies diversités » (mai-juin 1970)
217 ma théorie est le mythe de l’« État-nation », tel que Napoléon en a posé le modèle, intégralement centralisé en vue de la g
218 ile à toute espèce d’union tant soit peu sérieuse que cet État-nation qui se révèle incapable de répondre aux exigences con
219 participation civique réelle. Je vous dirai donc qu’ entre l’union de l’Europe et les États-nations sacralisés, entre une n
220 , il fallait se battre pour survivre. Aujourd’hui que le nécessaire est assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influ
221 e contrôle de zones d’influence plus idéologiques que commerciales. Il va falloir maintenant savoir ce que nous voulons au
222 commerciales. Il va falloir maintenant savoir ce que nous voulons au juste : un niveau de vie quantitatif ou un certain mo
223 ée, en un mot. Par quelles structures pensez-vous qu’ il soit possible de l’établir ? J’admets qu’il y a une pluralité d’all
224 -vous qu’il soit possible de l’établir ? J’admets qu’ il y a une pluralité d’allégeances, civiques, politiques, culturelles,
225 ts : prenez les villages qui éclatent, le paysage qu’ on saccage. C’est maintenant ou jamais qu’on peut trouver quelque chos
226 paysage qu’on saccage. C’est maintenant ou jamais qu’ on peut trouver quelque chose de neuf, l’Ordre après le Désordre ! Que
227 listes, en dépit des manuels scolaires : il n’y a que des divisions tout arbitraires opérées dans l’ensemble vivant de la c
228 souvent d’helvétisation de l’Europe : pensez-vous que le modèle suisse soit le meilleur et qu’il soit viable à l’échelle eu
229 sez-vous que le modèle suisse soit le meilleur et qu’ il soit viable à l’échelle européenne ? Le système suisse, à mon avis,
230 c’est un problème parfaitement homologue à celui que la Suisse a résolu avec ses 25 petits cantons souverains. La différen
231 es. Mais tout a changé avec l’avion. On peut dire que pratiquement l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que ne l’était la
232 atiquement l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que ne l’était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée ; et les dispar
233 es ou plus frappantes entre les États de l’Europe qu’ elles ne l’étaient entre les cantons suisses avant 1848. Il ne faut pa
234 hniques dont nous disposons à l’heure actuelle et qu’ il ne faudrait surtout pas renier : je suis persuadé que le fédéralism
235 ne faudrait surtout pas renier : je suis persuadé que le fédéralisme européen se construira grâce aux ordinateurs (pour rép
236 e civil cantonal, disait lui-même au siècle passé que la nationalité suisse possède au plus haut degré un caractère très in
237 lus haut degré un caractère très international et que c’est ce type d’union pluraliste qui peut seul assurer la paix de l’E
238 assurer la paix de l’Europe ! Il me semble ainsi que l’idée européenne ait trouvé son climat autant que son modèle en Suis
239 ue l’idée européenne ait trouvé son climat autant que son modèle en Suisse. L’anthologie de l’idée européenne réserve d’ail
240 e Traz et Gonzague de Reynold, pour ne vous citer qu’ eux. Mais que pensez-vous de la réserve mise par la Suisse à l’idée de
241 zague de Reynold, pour ne vous citer qu’eux. Mais que pensez-vous de la réserve mise par la Suisse à l’idée de l’intégratio
242 dont je vous parlais tout à l’heure. Il est vrai que le projet d’union de l’Europe a généralement passé pour chimérique en
243 n train de se faire ! On craint souvent en Suisse que la politique d’unification européenne vise à mêler les peuples pour é
244 remplacer par un sentiment européen. Il est clair qu’ une Europe une et indivisible serait tout simplement une catastrophe p
245 a préconise, je crois. Il est clair, en revanche, qu’ une Europe fédérée, respectueuse de ses diversités comme nous des nôtr
246 avantages de la formule fédéraliste. Car je pense que prétendre conserver les bénéfices de notre fédéralisme pour nous seul
8 1970, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture européenne ? (juin 1970)
247 Qu’ est-ce que la culture européenne ? (juin 1970)j Dans le précieux re
248 Qu’est-ce que la culture européenne ? (juin 1970)j Dans le précieux recueil des
249 obert Schuman à la fin de sa vie, je lis ces mots qu’ on ne saurait souhaiter plus éclairants et qui servent de titre au deu
250 unauté culturelle. Je pense, avec Robert Schuman, qu’ il est possible d’unir nos pays pour cette raison littéralement fondam
251 pays pour cette raison littéralement fondamentale qu’ une unité de base existe, sur laquelle fonder cette union. Il s’agit d
252 ture, de laquelle participent tous les Européens, qu’ ils soient d’ailleurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’
253 eurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’ ils doivent, en fait, à la culture. Unité non pas homogène, et qui ne
254 stoire, Héraclite écrivait cette phrase décisive, qu’ il faut tenir pour la formule même de l’unité européenne : Ce qui s’op
255 is par Marx puis par Lénine avec les conséquences que l’on sait, jusque dans l’existence quotidienne de 700 millions de Chi
256 pales de la poésie amoureuse, donc de l’amour tel qu’ on le parle et qu’on croit le sentir en Occident ; l’apport slave au x
257 amoureuse, donc de l’amour tel qu’on le parle et qu’ on croit le sentir en Occident ; l’apport slave au xixe siècle ; l’ar
258 nitaire et si hautement diversifiée, je répondrai que la solution se trouve dans les termes mêmes du problème ainsi formulé
259 Je ne vois pas d’autre réponse imaginable au défi que l’Histoire nous pose dans les termes les plus précis et sans échappat
260 nion ne saurait être acquise au prix des libertés qu’ elle est censée servir. j. Rougemont Denis de, « Qu’est‑ce que la
261 e est censée servir. j. Rougemont Denis de, «  Qu’ est‑ce que la culture européenne ? », 30 Jours d’Europe, Paris, juin 1
262 ée servir. j. Rougemont Denis de, « Qu’est‑ce que la culture européenne ? », 30 Jours d’Europe, Paris, juin 1970, p. 21
9 1970, Articles divers (1970-1973). « L’Europe ? Une révolution culturelle ! » (15 octobre 1970)
263 isant votre Lettre ouverte aux Européens , c’est qu’ à l’inverse du marxisme, vous attribuez à l’idée, à la culture un rôle
264 je suis maoïste ! La révolution ne peut se faire que par les superstructures, car l’infrastructure est le résultat de nos
265 ue avant tout, a d’ailleurs les mêmes présupposés que Marx ; les vingt dernières années ont dissipé cette illusion et je pe
266 dissipé cette illusion et je pense, d’autre part, que ce qui peut entraîner l’économique, ce n’est pas la politique. Celle-
267 ne certaine culture qui l’a marqué et qui postule qu’ il n’y a de sérieux que les nations. Deux de mes étudiants, ont fait u
268 l’a marqué et qui postule qu’il n’y a de sérieux que les nations. Deux de mes étudiants, ont fait un travail sur les manue
269 été créée par Dieu ; ce serait par volonté divine que les rois de France ont unifié l’hexagone, alors qu’il s’est agi d’une
270 tutions économiques européennes ne fonctionneront que si le politique le permet et le politique présuppose un changement de
271 toyens de l’Europe. Actuellement, on a pu établir que la leçon d’instruction civique, sous son aspect traditionnel, est la
272 s des programmes déjà surchargés, mais de montrer que tout est européen, qu’il ne peut plus y avoir de perspective national
273 urchargés, mais de montrer que tout est européen, qu’ il ne peut plus y avoir de perspective nationaliste. Les leçons types
274 l’esprit des gens. On a pu observer, par exemple, que les clichés des nations les unes sur les autres sont toujours dépréci
275 nt faites par les élèves à cette occasion, montre qu’ il y a progrès, que l’idée européenne est admise, qu’elle fait son che
276 lèves à cette occasion, montre qu’il y a progrès, que l’idée européenne est admise, qu’elle fait son chemin. Des enquêtes r
277 il y a progrès, que l’idée européenne est admise, qu’ elle fait son chemin. Des enquêtes récentes, réalisées dans les pays d
278 ays du Marché commun et en Angleterre, ont montré que le 65 % des gens est pour une fédération européenne. Si l’on examine
279 éenne. Si l’on examine les classes d’âge, on voit que le 75 % des partisans de l’Europe a moins de 35 ans. L’idée européenn
280 Mai 68 ? Exactement, puisque c’est à ce moment-là qu’ est sorti un manifeste dont on n’a pas assez parlé, bien qu’il fût sig
281 ns frein et sans mesure humaine ; nous affirmions que ce productivisme traduisait une mentalité commune au capitalisme bour
282 tamment appliqué au CEC ; nous n’avons centralisé que ce qui fonctionnait mieux en étant centralisé. Notre but était, toujo
283 s neuves, sinon l’on perd trop de temps. C’est ce que nous avons fait au CEC, où les premières nécessités ressenties ont ét
284 des festivals. Nous avons désiré aller aussi loin que possible, sans tenir compte des frontières. Vous avez souvent affirmé
285 compte des frontières. Vous avez souvent affirmé qu’ il fallait construire l’Europe sur les régions. Une telle conception n
286 ès les réalités socioéconomiques ? Il est certain que l’Europe des régions sera très complexe et diversifiée, d’autant plus
287 sera très complexe et diversifiée, d’autant plus que les régions culturelles, ethniques, économiques ne se recouperont pas
288 es ne se recouperont pas nécessairement. Je pense qu’ une telle Europe ne sera possible que par l’intermédiaire des ordinate
289 nt. Je pense qu’une telle Europe ne sera possible que par l’intermédiaire des ordinateurs. Il conviendra, d’autre part, de
290 nal constitue donc l’obstacle principal. Je pense que le problème le plus important est celui de l’environnement, car la ci
291 comme je l’ai écrit, ce qui va dans le même sens que le respect de l’autre. L’Europe devrait redevenir une sorte de jardin
10 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix I : Niveau de vie ou mode de vie ? (15 novembre 1970)
292 ère assez différente. Je veux éviter ce parallèle que l’on fait trop facilement entre l’Amérique et la Russie soviétique. C
293 de l’Europe désunie mais pas de même nature. Ce que j’appelle la colonisation possible par les États-Unis — si nous ne fa
294 ar nations, chacune trop faible pour se défendre, qu’ une ou deux de celles-ci deviennent plus ou moins communistes. Quand,
295 e, les Hongrois se sont soulevés en 1956, on a vu que leur appel, leur espoir, c’était l’Europe. Vous vous rappelez que les
296 leur espoir, c’était l’Europe. Vous vous rappelez que les derniers qui ont été tués dans le poste de Radio Budapest appelai
297 avait personne pour leur répondre. Et vous pensez que , actuellement, l’alternative : assujettissement ou Europe se pose en
298 ine, la technique américaine se précipitent. Tant qu’ il y aura cet état de divisions nationales, voire nationalistes, des E
299 Il n’est pas trop tard Mais ne pensez-vous pas qu’ il est déjà trop tard et que les « États-Unis d’Europe » risquent d’êt
300 is ne pensez-vous pas qu’il est déjà trop tard et que les « États-Unis d’Europe » risquent d’être l’Europe des États-Unis ?
301 risquent d’être l’Europe des États-Unis ? Est-ce qu’ une Europe unie ne faciliterait pas, au contraire, la pénétration amér
302 ensemble, nous aurons des moyens plus importants que ceux des Américains. Nous ne sommes pas du tout écrasés par les deux
303 ne sommes pas du tout écrasés par les deux géants que sont l’Union soviétique et les États-Unis. Pour employer une image, s
304 ns le domaine de la technique. Cela tient au fait qu’ elle s’est toujours défendue contre l’étranger. Dans cet état d’esprit
305 ns pas tenu ce raisonnement. Nous nous sommes dit que les Américains avaient réussi à mettre en œuvre des découvertes toute
306 des hommes ? C’était la lutte contre les dangers que représentent la nature, les famines, les maladies. Tandis que depuis
307 ar exemple ; cela nous pose une grande question : que voulons-nous en fait ? Est-ce plus de voitures ? Ou voulons-nous sauv
308 de vie, mesuré purement quantitativement. Est-ce que nous voulons, comme les Américains, augmenter simplement le produit n
309 ? C’est l’idée matérialiste, capitaliste : pourvu que le PNB augmente, qu’il n’y ait pas de chômage, tout ira bien et tant
310 aliste, capitaliste : pourvu que le PNB augmente, qu’ il n’y ait pas de chômage, tout ira bien et tant pis pour la nature. N
311 n : c’est l’attachement à un certain mode de vie. Qu’ est-ce qu’un mode de vie ? C’est l’ensemble des rythmes de la vie, c’e
312 l’attachement à un certain mode de vie. Qu’est-ce qu’ un mode de vie ? C’est l’ensemble des rythmes de la vie, c’est l’ensem
313 loppement, à l’infini, du niveau de vie. Je pense que maintenant se dessine une réaction assez forte que l’on peut voir dan
314 ue maintenant se dessine une réaction assez forte que l’on peut voir dans la jeunesse américaine pour le développement d’un
315 ie qui corresponde à un certain nombre de valeurs qu’ ils jugent plus importantes que l’accumulation des objets ou un compte
316 nombre de valeurs qu’ils jugent plus importantes que l’accumulation des objets ou un compte en banque. Pour les Européens,
317 ds plans abstraits des Russes. On voit maintenant que c’est une réaction saine. Mais justement, il se trouve que dans tous
318 une réaction saine. Mais justement, il se trouve que dans tous les pays européens, pour une partie de la population, ce di
319 au contraire pour qu’on le pousse, beaucoup plus que nos compartimentages nationaux ne permettent de le faire. Il nous fau
320 on y viendra s’il y a une masse d’Européens telle qu’ elle permettra d’envisager une véritable politique de production, qui
321 tion, qui tienne compte de certains buts généraux que l’on donnera à la vie. Ce serait une révolution complète. Deux mou
322 e de structures politiques et économiques, plutôt qu’ un problème de dimension et d’organisation des pays ? Le type de socié
323 n et d’organisation des pays ? Le type de société que vous évoquez prend ses distances par rapport à la notion du profit en
324 ilisation capitaliste qui se développe en Europe, qu’ elle soit fédéraliste ou qu’elle en reste au stade des États-nations.
325 développe en Europe, qu’elle soit fédéraliste ou qu’ elle en reste au stade des États-nations. Bien sûr, si l’on prend, par
326 tion sociale et politique ? Oui, profondément. Ce que j’essaie de montrer depuis un certain temps, c’est que nous sommes en
327 ’essaie de montrer depuis un certain temps, c’est que nous sommes en présence de deux mouvements, dans le monde, qui ont l’
328 aissait en réaction aussi bien contre le fascisme que contre le communisme totalitaire. Dès cette époque, il considère que
329 nisme totalitaire. Dès cette époque, il considère que le fédéralisme constitue pour l’Europe la seule chance réelle de dépa
330 l’habitude pour qu’ils puissent l’arrêter, animé qu’ il est par la certitude d’exprimer la seule issue pour l’Europe. Nous
331 mes et de ces objections, au cours d’un entretien qu’ il nous a accordé dans sa maison de Ferney-Voltaire. »
11 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix II : Se rallier à l’idée suisse (22 novembre 1970)
332 es yeux, est une première agence fédérale du type que je voudrais voir se multiplier. C’est, plutôt, le germe d’une agence
333 utorité de politique économique et cela ne couvre qu’ une petite partie de l’Europe. Il faudra bien un jour qu’il y ait une
334 petite partie de l’Europe. Il faudra bien un jour qu’ il y ait une agence fédérale européenne de l’économie ; il faudra qu’i
335 nce fédérale européenne de l’économie ; il faudra qu’ il y en ait d’autres qui s’occupent des transports, des recherches sci
336 nt celle de la neutralité. Parce que vous pensez que la Suisse ne pourrait pas rester l’écart d’un tel mouvement ? Non, c’
337 doit l’être dans ses entreprises communes. On dit que cela signifierait la fin de la neutralité. Je pense au contraire que
338 it la fin de la neutralité. Je pense au contraire que cela signifierait une helvétisation de l’Europe. L’Europe fédérale se
339 orte de Suisse grande échelle ? Pour cela il faut que les Suisses poussent encore plus loin qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici
340 il faut que les Suisses poussent encore plus loin qu’ ils ne l’ont fait jusqu’ici leur sens du fédéralisme : il faut qu’ils
341 fait jusqu’ici leur sens du fédéralisme : il faut qu’ ils comprennent que certaines tâches dépassent les cantons, d’autres s
342 sens du fédéralisme : il faut qu’ils comprennent que certaines tâches dépassent les cantons, d’autres sont trop petites et
343 p petites et doivent rester aux communes. Il faut qu’ ils vivent, encore mieux qu’ils ne le font, l’esprit de leur fédéralis
344 aux communes. Il faut qu’ils vivent, encore mieux qu’ ils ne le font, l’esprit de leur fédéralisme qui est très ancien. Il n
345 me qui est très ancien. Il ne faut jamais oublier que la Suisse s’est fondée sur les communes, et non sur les cantons qui s
346 t récemment : « On parle toujours des difficultés qu’ a la Suisse pour adhérer à l’Europe. Pourquoi ne parlerait-on pas de l
347 iculté qui est beaucoup plus intéressante : celle qu’ a l’Europe pour adhérer à la Suisse ? » De ce point de vue, la Suisse
348 réciser comment vous concevez les modalités de ce que vous appelez l’adhésion de l’Europe à l’Idée suisse ? Quand je parle
349 n Suisse. C’est une expérience qui n’est possible qu’ aujourd’hui, grâce au développement de la technique. Par exemple, sans
350 s diversités. Aujourd’hui, vous savez ces carcans que sont les frontières que l’on essaie de faire coïncider tant bien que
351 i, vous savez ces carcans que sont les frontières que l’on essaie de faire coïncider tant bien que mal avec un tas de réali
352 vous reprenez l’exemple de la Suisse, vous voyez qu’ on n’y a jamais eu cette idée folle de faire coïncider l’économie et l
353 onomie et la langue, et nous avons toujours pensé qu’ il y avait des ordres de réalités à ne pas mélanger. Il n’était pas qu
354 de l’Europe reproduit le Conseil fédéral suisse. Qu’ est-ce que le Conseil fédéral ? Ce sont sept agences différentes qui f
355 pe reproduit le Conseil fédéral suisse. Qu’est-ce que le Conseil fédéral ? Ce sont sept agences différentes qui font chacun
356 main est d’ailleurs beaucoup plus révolutionnaire qu’ on ne le pense. Elle suppose la fin du gigantisme des villes, la recré
357 ment il ne restait plus aujourd’hui d’autre choix que celui de faire l’Europe ou alors d’accepter de devenir une sorte de s
358 ditions européennes. Dans la suite de l’entretien que nous publions aujourd’hui, Denis de Rougemont montre comment la Suiss
12 1970, Articles divers (1970-1973). Denis de Rougemont, propos recueillis par E. Liard (décembre 1970)
359 t attaché aux recherches et à l’action culturelle que suppose la fédération de l’Europe telle que je l’entends. Recherches
360 relle que suppose la fédération de l’Europe telle que je l’entends. Recherches et action qui portent sur l’éducation, le ci
361 les problèmes d’environnement, aussi bien urbain que rural. Les problèmes d’éducation m’ont amené au problème de l’Univers
362 end comme base les régions, qui sont plus petites que les États, et le continent, qui est beaucoup plus grand, on aura une
363 pitres du Cheminement des esprits introduisent, qu’ il s’agisse de festivals de musique, de guildes du livre et d’édition,
364 re en Europe et c’est dans l’ensemble de l’Europe que se sont établis les grands courants de l’art et de la pensée, de l’ar
365 elles auront tissé entre elles tellement de liens qu’ on s’apercevra que l’Europe « s’est faite ». Les liens entre les régio
366 entre elles tellement de liens qu’on s’apercevra que l’Europe « s’est faite ». Les liens entre les régions seront devenus
367 ens entre les régions seront devenus plus solides que les liens qui unissent chacune de ces régions à sa capitale nationale
368 e, etc. sont-ils appelés à disparaître ? Je pense que peu à peu ils se déferont. À mesure que le tissu de liens réels se re
369 Je pense que peu à peu ils se déferont. À mesure que le tissu de liens réels se resserrera entre les régions, les liens av
370 ez comme ils ont coupé en quatre une entité telle que le bassin Ruhr-Moselle. De quelle manière le Centre européen de la cu
371 tivités du Centre se sont toujours portées sur ce qu’ il y avait de plus neuf dans chaque domaine. Nous avons réuni les dire
372 de se rencontrer en terrain neutre. Estimez-vous que vos idées sur la fédération de l’Europe ont fait du chemin dans les e
373 ouvrages de Denis de Rougemont, un grand Européen que l’on peut placer à côté de Robert Schuman et de Jean Monnet. Ce sont
374 t, ont besoin l’un de l’autre, et ne se réalisent que l’un par l’autre. Le fédéralisme est l’expression politique de l’harm
13 1970, Articles divers (1970-1973). Message aux régionalistes (16 mars 1973)
375 s majeures : — parce qu’il faut FAIRE L’EUROPE et qu’ on ne la fera jamais sur la base des États centralisés. — et parce qu’
376 illeur test d’un environnement de qualité. Plutôt que de chercher à se rendre concurrentielle, elle doit chercher à se rend
377 ommerciale — mais on attend d’elle, au contraire, qu’ elle soit différente des autres, séduisante pour ses propres habitants
378 séduisante pour ses propres habitants plus encore que pour les touristes, unique en son genre et heureuse de l’être, et d’a
379 tre libres ? Devenez responsables. N’attendez pas qu’ on vous en donne la permission et les moyens. PRENEZ vos responsabilit
14 1971, Articles divers (1970-1973). Souvenir d’Honegger et de Nicolas de Flue (1971)
380 chance imméritée : les choses ne viennent à point que pour qui s’y attendait, pour qui s’était obscurément disposé à les re
381 à les recevoir. Il importe au propos de ces pages que je marque d’abord la part des hasards apparents dans la création du
382 ami qui est à la radio suisse. Est-ce la guerre, qu’ on attend d’une heure à l’autre ? C’est Munich, c’est la paix (pense-t
383 héâtre de la Fenice. J’éprouvais une fois de plus que sa musique me touchait plus qu’aucune de notre temps, si haut que fût
384 une fois de plus que sa musique me touchait plus qu’ aucune de notre temps, si haut que fût à mes yeux Stravinski, et je me
385 e touchait plus qu’aucune de notre temps, si haut que fût à mes yeux Stravinski, et je me disais qu’un jour je ferais quelq
386 ut que fût à mes yeux Stravinski, et je me disais qu’ un jour je ferais quelque chose, un opéra peut-être, avec et pour cet
387 es de guerre me firent rentrer en Suisse plus tôt que prévu. C’est à ce moment que l’on m’offrit d’écrire une pièce pour l’
388 r en Suisse plus tôt que prévu. C’est à ce moment que l’on m’offrit d’écrire une pièce pour l’Exposition nationale qui deva
389 ours « pour réfléchir » et n’en fis rien, certain qu’ avant le terme fixé, la catastrophe réglerait tout. Sur quoi, le coup
390 he réglerait tout. Sur quoi, le coup de téléphone que j’ai dit, toute la vie qui se reprend à vivre, les délais à courir, l
391 ru distraitement quelques pages. L’image scolaire que je gardais de cet ermite du xve siècle était bien pâle. Mais ce soir
392 e entre les cantons suisses, c’est par l’autorité que sa vie d’ascète donne au message secret qu’il envoie à la Diète, et d
393 orité que sa vie d’ascète donne au message secret qu’ il envoie à la Diète, et dont on ne connaît que le résultat : la paix
394 et qu’il envoie à la Diète, et dont on ne connaît que le résultat : la paix sauvée, « comme par miracle », disent les témoi
395 volées, les cloches de la délivrance : c’est cela que l’Europe vient de vivre ! Nuit blanche. Trois actes se composent. Au
396 ée l’appel au musicien — et celui-ci ne peut être qu’ Honegger. La part de la commande Je vais le voir à Paris. Je ne
397 , inconnu du grand public, je ne lui apporte rien qu’ une commande peu munificente. Je lui en résume les données, j’esquisse
398 domicile. Je tombe bien : Honegger vient d’écrire que la seule forme théâtrale à laquelle il croit pour l’avenir est « cell
399 Follevie sur les marches de son escalier, un jour qu’ il était en retard.) Nos entretiens sont strictement techniques. Il me
400 e chacune des interventions d’un des trois chœurs que j’ai prévus. Quelquefois il m’appelle au téléphone : « Au 5e vers, 3e
401 eprise du Choral I, il manque une syllabe. — Ah ? Que faire ? — Eh bien ! nous mettrons un soupir ». Il m’a dit : « Quand v
402 te dans son grand atelier, il me joue au piano ce qu’ il a fait. Il joue mal, je ne distingue pas grand-chose, une fin de ch
403 sentiment, non seulement mon texte, mais tout ce que j’ai pensé, arrière-pensé en l’écrivant et renoncé à y mettre faute d
404 dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’à ce que la mélodie sorte des paroles. » Je le crois, c’est évident, mais cela
405 nt, mais cela n’explique pas tout. Il y a là plus qu’ un processus psychologique de transmission par les mots. Jamais, pas u
406 s prit deux mois — voilà qui ne pouvait signifier qu’ un accord plus profond, par nature implicite, j’entends de telle natur
407 , par nature implicite, j’entends de telle nature qu’ il ne pût se traduire d’une manière authentique et fidèle que dans l’œ
408 t se traduire d’une manière authentique et fidèle que dans l’œuvre commune, non sous une forme discursive. Cette espèce d’h
409 ie préétablie, comment ne pas admettre après coup qu’ elle ait gouverné dans le fait plusieurs séries de « hasards objectifs
410 d’un musicien confessionnel et du genre pieux, ce qu’ Honegger n’est à aucun degré. Je ne crois même pas qu’il se soit jamai
411 onegger n’est à aucun degré. Je ne crois même pas qu’ il se soit jamais dit croyant, encore moins incroyant, d’ailleurs. Ce
412 ne » et des formes vidées de la foi qui les forma qu’ on a jamais créé un style : avec tout cela on ne fait que du folklore,
413 jamais créé un style : avec tout cela on ne fait que du folklore, et le pire est le folklore religieux. Si le style d’Hone
414 dans la plupart des œuvres « à sujet religieux » que je viens d’énumérer, doit être qualifié d’essentiellement chrétien, c
415 usique, ni même des croyances de l’homme, quelles qu’ elles fussent. Sa musique est chrétienne parce qu’elle est une prière,
416 et s’ordonne à l’amour, c’est-à-dire : à Dieu tel qu’ il s’annonce au « cœur » de l’homme. Sa musique est chrétienne en cela
417 r » de l’homme. Sa musique est chrétienne en cela qu’ elle signifie, par son affectivité même, « l’adéquation physique (de l
418 oire devient liberté de choisir qui ne se renonce que dans le choix du sens. Or ce sens tout d’abord jalonné par les signes
419 it être décidé par la personne, et ne peut l’être que dans l’acte de foi, par quoi je n’entends pas du tout l’adhésion à qu
420 sons l’Esprit, qui n’est pas vérifiable autrement que par ses créations ou incarnations. Celles-ci seront pour l’un certain
15 1971, Articles divers (1970-1973). Le cheminement des esprits (1971)
421 ttré, c’est « faire du chemin, surtout en ce sens que le chemin est long et qu’on le parcourt lentement ». Ainsi chemine La
422 min, surtout en ce sens que le chemin est long et qu’ on le parcourt lentement ». Ainsi chemine Lancelot dans la forêt norma
16 1971, Articles divers (1970-1973). Quand Paul Martin voulait faire courir l’Europe (1971)
423 éral du Centre européen de la culture —, proposer que nous lancions une « Charte européenne » et un « Brevet européen du sp
424 e chauvinisme vociférant —, voilà une belle idée, que j’accepte d’enthousiasme. C’était en 1954. Après deux ans d’études, d
425 uniquait le texte « pour mon information, pensant que ce sujet était peut-être de nature à m’intéresser ». Je reconnus au p
17 1971, Articles divers (1970-1973). L’Europe est d’abord une unité de culture (1971)
426 éricains. Mais l’Europe ne pourra jamais se faire que selon la formule fédéraliste, respectueuse des diversités et des auto
427 es deux cas, l’expérience séculaire ou millénaire qu’ ils prétendaient inaugurer n’a duré que dix à douze ans. (La Suisse, e
428 millénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’a duré que dix à douze ans. (La Suisse, en regard, approche du viie siècle de s
429 e siècle de sa continuité historique, continuité que l’on peut très bien faire remonter au pacte secret de 1273, que le Pa
430 très bien faire remonter au pacte secret de 1273, que le Pacte du 1er août 1291 ne fera guère que copier.) Or il se trouve
431 1273, que le Pacte du 1er août 1291 ne fera guère que copier.) Or il se trouve que cette formule fédéraliste, seule pratiqu
432 t 1291 ne fera guère que copier.) Or il se trouve que cette formule fédéraliste, seule pratiquement possible pour l’Europe,
433 e. Tout serait parfait, n’était l’obstacle majeur que l’on dresse sans relâche et toujours à nouveau contre toute union féd
434 ainte mais en fait toujours plus illusoire — sauf qu’ elle bloque tout. C’est ici que nous rejoignons la culture. Car c’est
435 illusoire — sauf qu’elle bloque tout. C’est ici que nous rejoignons la culture. Car c’est bien la culture — l’école, la p
436 ons élèves et de maîtres eux-mêmes trop crédules, que l’État national centralisé et absolument souverain, c’est l’aboutisse
437 ou Anglais, — contre toute évidence historique — que la France, l’Allemagne, l’Italie ou la Grande-Bretagne sont immortell
438 Grande-Bretagne sont immortelles, ce qui suggère qu’ elles auraient existé de toute éternité, alors qu’en vérité, pour la p
439 ations, a beaucoup varié lui-même quant à la date qu’ il attribue à la naissance de l’histoire de France : tantôt il la fait
440 certaine « grandeur ». Mais si l’on peut admettre que l’État français existe réellement depuis Philippe Le Bel, il est abso
441 depuis Philippe Le Bel, il est absolument certain que l’Italie comme État n’a que 110 ans, l’Allemagne 100 tout juste, la N
442 st absolument certain que l’Italie comme État n’a que 110 ans, l’Allemagne 100 tout juste, la Norvège 66, la Tchécoslovaqui
443 e Islande 27, et Malte 10. L’école vous a raconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à
444 naturelles. Et vous l’avez cru ! Vous croyez donc que chacun de nos États-nations a sa langue et que ses frontières coïncid
445 nc que chacun de nos États-nations a sa langue et que ses frontières coïncident avec son extension. Vous croyez que les Eur
446 tières coïncident avec son extension. Vous croyez que les Européens sont trop différents les uns des autres pour s’unir et
447 trop différents les uns des autres pour s’unir et qu’ on ne pourra jamais les fédérer, parce que nos vingt-cinq États-nation
448 ir un pouce de leur sacro-sainte souveraineté, et qu’ ils sont immortels. Or, tout est faux dans cet enseignement, et dans l
449 de plus. Mais à l’université même, on ne parlait qu’ en latin, et l’on ignorait tout des appartenances « nationales » au se
450  nationales » au sens moderne du mot. C’est ainsi qu’ à la Sorbonne, vers 1267 — comme me le faisait observer un jour Étienn
451 res d’un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos stato-nations modernes correspondent à l’aire de diffusion d’une
452 et de la région de la Volga. On m’objecte souvent que nos langues sont trop différentes pour que nous puissions nous entend
453 bourg et Sofia, Varsovie et Madrid. C’est oublier que toutes nos langues (sauf le basque et le finno-ougrien) sont étroitem
454 s radicalement étrangères les unes aux autres, et qu’ en Inde, le Pandit Nehru ne pouvait se faire comprendre qu’en anglais
455 e, le Pandit Nehru ne pouvait se faire comprendre qu’ en anglais de l’immense majorité de ses concitoyens quand il les appel
456 gues différentes ne peuvent communiquer entre eux qu’ au moyen d’idéogrammes dessinés dans la paume de leur main, les Europé
457 mune origine indo-européenne, mais encore tout ce que leur histoire y ajouta au cours des âges, notions philosophiques grec
458 loin, l’unité culturelle de l’Europe est un fait que personne ne conteste — à part nos bons nationalistes. Enfin, il y a
459 is au service dévot de l’État-nation. C’est ainsi qu’ on nous a inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses deux rives, m
460 l’État-nation. C’est ainsi qu’on nous a inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses deux rives, mais que le Rhône les u
461 e Rhin sépare les peuples de ses deux rives, mais que le Rhône les unit ; allez savoir pourquoi ! (Mais non, surtout ne le
462 e de la France, voilà qui est clair — à condition qu’ un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de
463 on qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux v
464 es Basques. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier qu’ on y parle italien des deux côtés au sud, français des deux côtés à la
465 rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’ il faudrait arrêter — la tempête, les épidémies, la pollution de l’air
466 stato-nationale, qui ne peut plus avoir d’effets que négatifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle de nations en
467 et le sens même de la vie de l’esprit. La vérité qu’ on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est une, qu’
468 de l’esprit. La vérité qu’on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est une, qu’elle s’est formée à partir
469 c’est que la culture de tous nos peuples est une, qu’ elle s’est formée à partir des mêmes influences indo-européennes, gréc
470 ariables, et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nous soyons cultivés ou non. Toutes les
471 otre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nous soyons cultivés ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’archi
472 n Bourgogne, en France et redescend vers l’Italie qu’ elle enrichit de ses nombreuses découvertes, jusqu’au xvie siècle, qu
473 ayreuth. C’est alors auprès des maîtres allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint-Pétersbourg apprennen
474 . Au début du xxe siècle, plusieurs Russes, tels que Stravinsky, influenceront à leur tour la musique occidentale, en impo
475 ée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’ en est-il de ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vr
476 ’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg, que ces « précieuses diversités » sont celles de nos nations ? Je vous pr
477 ssistes et des conservateurs. Or, je mets en fait que dans la plupart des cas, les hommes de gauche de pays différents se r
478 bleront davantage et s’entendront mieux entre eux qu’ ils ne s’entendent avec les hommes de droite de leur propre nation ; q
479 avec les hommes de droite de leur propre nation ; que les surréalistes d’un pays s’accorderont mieux avec les surréalistes
480 rderont mieux avec les surréalistes de l’étranger qu’ avec les conformistes de leur propre nation ; et ainsi de suite. Ce ne
481 squerez pas un instant de créer ce fameux volapük que dénonçait de Gaulle, non sans démagogie un peu facile. Seconde observ
482 elle en Europe est d’autant plus riche et intense qu’ elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Mo
483 riche et intense qu’elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création s
484 en mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’ il n’avait pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notr
485 , entre l’unité et la diversité, vous remarquerez que l’échelon national ne joue aucun rôle, est simplement omis, inexistan
486 ’illusion d’une « culture nationale » — ne fût-ce qu’ en raison de son appartenance à trois domaines linguistiques majoritai
487 tières ou à cheval sur les frontières. C’est dire que là encore, le stade stato-national paraît condamné à s’effacer progre
488 de nos frontières cantonales, et je ne crois pas que nous y ayons perdu quoi que ce soit de vraiment précieux. Ces vérités
489 es et des pratiques stato-nationalistes. L’Europe que nous voulons, nous aussi, ne sera jamais un laborieux et problématiqu
490  : ce serait une amicale des misanthropes — chose qu’ on peut écrire, non faire, car ou bien on a une vraie amicale, mais al
491 opes, mais alors il n’y a pas d’amicale. L’Europe que nous voulons sera fédérale — ou alors elle ne se fera pas sérieusemen
492 rition des frontières. Mais je vois là aussi plus qu’ une incitation : un appel, un devoir d’agir. Il y a vingt-cinq ans, au
493 phe allemand Karl Jaspers n’hésita pas à déclarer que l’Europe n’avait plus le choix qu’entre deux solutions : la balkanisa
494 pas à déclarer que l’Europe n’avait plus le choix qu’ entre deux solutions : la balkanisation et l’helvétisation. Ce diagnos
495 e une ligne de conduite et d’action. Je sais bien que les Suisses sont timides et qu’ils en font même une vertu, sous le no
496 ion. Je sais bien que les Suisses sont timides et qu’ ils en font même une vertu, sous le nom de modestie. Qu’ils fassent do
497 en font même une vertu, sous le nom de modestie. Qu’ ils fassent donc un effort, un courageux effort contre leur modestie !
498 se fera pas tout seul. C’est maintenant ou jamais que la Suisse doit prendre l’initiative de proposer sa propre solution fé
499 oser en temps et hors de temps, et d’exiger enfin qu’ on la prenne au sérieux. Ce sera « dans les intérêts de l’Europe entiè
500 neté illimitée, illusoire d’ailleurs, à cela près qu’ elle bloque tout ! L’école, aux trois degrés, nous fait croire que l’É
501 out ! L’école, aux trois degrés, nous fait croire que l’État-nation est le dernier mot de l’évolution, qu’il correspond à u
502 l’État-nation est le dernier mot de l’évolution, qu’ il correspond à une langue et à une culture particulière, qu’il forme
503 spond à une langue et à une culture particulière, qu’ il forme une unité économique et qu’il se définit par des “frontières
504 particulière, qu’il forme une unité économique et qu’ il se définit par des “frontières naturelles” : tout cela est faux, co
505 ales. C’est sur la base de cette unité de culture que nous pourrons édifier l’union fédérale de nos diversités. »
18 1971, Articles divers (1970-1973). L’héritage culturel de l’Europe (1971)
506 ar avance le limite. Je ne le connaîtrai vraiment qu’ en découvrant à l’expérience ce qu’il me dicte ou m’interdit, mais aus
507 îtrai vraiment qu’en découvrant à l’expérience ce qu’ il me dicte ou m’interdit, mais aussi ce qu’il m’incite ou m’autorise
508 ce ce qu’il me dicte ou m’interdit, mais aussi ce qu’ il m’incite ou m’autorise à modifier d’une manière inédite — qui sera
509 biale, et enfin ou d’abord les langues et tout ce qu’ elles conditionnent — modes de sentir, de juger, de penser —, à quoi s
510 . L’héritage culturel conditionne en second lieu, que nous le sachions ou non, un grand nombre de chances spécifiques propo
511 ose aussi des limitations précises à leur action, qu’ ils ne peuvent éluder, surtout s’ils les ignorent. 3. L’héritage cultu
512 lités, dont nous ne pouvons en général actualiser qu’ une part infime. Il n’est pour nous, au sens concret, que ce que nous
513 part infime. Il n’est pour nous, au sens concret, que ce que nous sommes capables d’en utiliser pour nos fins propres. Tout
514 fime. Il n’est pour nous, au sens concret, que ce que nous sommes capables d’en utiliser pour nos fins propres. Tout hérita
515 valeurs selon nos problèmes présents. C’est dire que mis en face de l’héritage total, nous sentons qu’il comporte une part
516 que mis en face de l’héritage total, nous sentons qu’ il comporte une part d’hérédité inéluctable, mais que, dans la part li
517 il comporte une part d’hérédité inéluctable, mais que , dans la part libre, nos choix nécessairement vont constituer des hér
518 tuer des hérésies. Nous ne deviendrons nous-mêmes qu’ à ce prix, qui est d’assumer les risques de notre différence personnel
519 ête) croit encore, dans l’ensemble « naïvement », que la culture consiste à lire ou écrire des romans, enseigner la philoso
520 ant de l’évolution des arts en avouant volontiers qu’ on ne comprend plus — et voilà quelqu’un de cultivé. Si je dis au cont
521 oilà quelqu’un de cultivé. Si je dis au contraire que la culture est ce que l’homme ajoute à la nature, on voit qu’elle rep
522 ivé. Si je dis au contraire que la culture est ce que l’homme ajoute à la nature, on voit qu’elle représente en fait tout c
523 re est ce que l’homme ajoute à la nature, on voit qu’ elle représente en fait tout ce que nous sommes capables de penser et
524 ature, on voit qu’elle représente en fait tout ce que nous sommes capables de penser et presque tout ce que nous voyons sur
525 nous sommes capables de penser et presque tout ce que nous voyons sur notre petit coin de la planète, entre le sol et les n
526 e paysage européen est un fait de culture au sens que je viens de noter.) Et non seulement le phénomène culturel englobe le
527 culturel englobe les activités aussi hétérogènes que le choix et le contrôle des poids et mesures, la rhétorique, l’ethnog
528 ture assume toutes les antinomies. On dirait même qu’ elle les nourrit et les accuse. C’est qu’elle y a vu, ou pressenti, le
529 ait même qu’elle les nourrit et les accuse. C’est qu’ elle y a vu, ou pressenti, le secret de son dynamisme. Aux trois sourc
530 dont on ne dira jamais assez combien les valeurs qu’ elles transportent sont étrangères les unes aux autres — si deux se dé
531 e sera pour mieux exclure la troisième —, il faut que nous prenions l’habitude de combiner en contrepoint la source celte,
532 péen. Tout cela est culturel ou je ne sais pas ce que c’est. Et tout cela vit en chacun de nous, sous forme de conflits, de
533 te devant la personne responsable ; et tous, tant que nous sommes, représentons une figure irremplaçable dans le ballet des
534 pas exceptionnel : il est irrécusable. J’entends qu’ il est universel. Pas un seul d’entre nous n’y échappe. Que nous soyon
535 universel. Pas un seul d’entre nous n’y échappe. Que nous soyons « très cultivés » ou illettrés y change bien moins qu’on
536  très cultivés » ou illettrés y change bien moins qu’ on ne l’imagine. Nous sommes tous tributaires de deux mémoires, celle
537 n, Solon, qui ont inventé la liberté en déclarant que c’est l’individu et non le clan qui est responsable en justice ; et à
538 us sommes si fiers de nos langues, nous affirmons qu’ il faut les garder « pures », et nous allons jusqu’à prétendre que leu
539 arder « pures », et nous allons jusqu’à prétendre que leur diversité empêche l’union de l’Europe. Orgueils, craintes et pré
540 de l’Europe sont coupées les unes des autres, et que les poètes ne lisent plus d’autre littérature que celle de leur propr
541 que les poètes ne lisent plus d’autre littérature que celle de leur propre langue, la poésie dépérit nécessairement dans ch
542 enfaits du chauvinisme : il ne cesse de trahir ce qu’ il prétend sauver. Quant à la diversité des langues, si on la respecte
543 pas l’union, bien au contraire, elle ne condamne que l’unification forcée. Entre le breton, l’alsacien, le catalan, le fla
544 ns l’Hexagone, les différences sont aussi grandes qu’ entre l’espagnol et le grec, le danois, l’allemand et le tchèque. Ces
545 idée des vraies « nations », qui ne peut se faire que dans le cadre européen. Car des vraies « nations » ou régions ne sero
546 tions » ou régions ne seront vraiment elles-mêmes que toutes ensemble, dans leurs interrelations. Aucune ne sera jamais une
547 n de plus commun à toutes les nations de l’Europe que leur désir de se trouver une vocation originale. Rien de plus caracté
548 ien de plus caractéristique du véritable Européen que sa volonté de n’être pas comme son voisin, de ne ressembler à aucun a
549 ante de l’héritage commun. Ceci noté, il n’en est que plus frappant de constater qu’un même mot originel, grec, latin, germ
550 noté, il n’en est que plus frappant de constater qu’ un même mot originel, grec, latin, germanique ou celtique, se retrouve
551 se retrouve dans tous nos États et montre bien ce qu’ il faut penser de leur soi-disant « originalité culturelle ». Ainsi le
552 à vingt autres fleuves et rivières de l’Europe. «  Qu’ as-tu que tu n’aies reçu ? », dit notre « mère l’Europe » — comme l’ap
553 utres fleuves et rivières de l’Europe. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? », dit notre « mère l’Europe » — comme l’appelait dé
554 vanche, tout héritier est hérétique, du seul fait qu’ il ne peut embrasser la totalité de l’héritage. Ses données génétiques
555 partis qui n’arrivent plus à se définir autrement que par leur opposition. Cette limitation du jugement, ce blocage du sen
556 ie, l’amour, l’humeur, et dont on sait maintenant qu’ elles ont leur siège dans les masses profondes du cerveau (thalamus, h
557 ues (autarcie). D’où les dévastations planétaires que l’on sait. Les Européens ne sont pas plus cruels et violents que les
558 Les Européens ne sont pas plus cruels et violents que les Asiates ou les Noirs, loin de là. Mais ils ont causé, en fait, le
559 par le respect de la Science, qui a pris la place qu’ occupaient la théologie au xiiie siècle et l’idéologie au xixe siècl
560 t » mais il croit mieux les savants d’aujourd’hui que les curés d’hier, ou les marxistes de tout à l’heure, s’il ne les com
561 laïque, le politicien et le militaire ne peuvent que subir sans comprendre. Il en résulte une inégalité fondamentale entre
562 t la sécession des hippies (ou drop off) ne donne qu’ une faible et trop aimable idée. 4. L’Européen romanisé, organisé, éta
563 ère plus concevoir « Dieu » et la vie spirituelle que dans les cadres institutionnels des Églises. Si bien que l’anticléric
564 re humaine, de l’approche familière des symboles, que nous découvrons dans nos rêves, et que transmet la sagesse des nation
565 symboles, que nous découvrons dans nos rêves, et que transmet la sagesse des nations par les proverbes. Le petit citadin d
566 chacun se sent seul et coupé de l’Histoire autant que de la nature, a tout ce qu’il faut pour devenir aliéné. Quant aux él
567 de l’Histoire autant que de la nature, a tout ce qu’ il faut pour devenir aliéné. Quant aux éléments libérateurs de l’héri
568 la part la plus menacée de notre héritage, celle qu’ il nous est possible de dilapider. Car ces vertus ne contraignent pas
569 dans la Chine de Mao. Mais c’est bien à tout cela que l’Europe a dû ses pouvoirs d’invention, d’innovation, d’expansion pla
19 1971, Articles divers (1970-1973). 6 et 7 février, vote sur le suffrage féminin : supprimer un anachronisme et une injustice (4 février 1971)
570 répond Denis de Rougemont, c’est au xiie siècle qu’ a commencé la poésie des troubadours qui consistait dans l’adoration d
571 igneur. Ce qui s’est passé au xiie siècle, c’est que les femmes sont devenues des sujets de la vie non seulement culturell
572 rien du tout. Après cela, il est inutile de dire que le rôle de la femme a été considérable dans tout le développement de
573 igne de la liberté pour les Germains. Ce qui fait que les hommes qui vont à la Landsgemeinde ont encore un sabre à la main
574 ommes très mélangés en Suisse romande, cette idée que la femme n’a pas sa place dans les affaires publiques qui doivent êtr
575 ccorder l’égalité politique aux femmes ? Je crois que cela forme l’inconscient des Suisses, très fortement. Et vous savez q
576 scient des Suisses, très fortement. Et vous savez que , dans l’inconscient, agissent toujours des choses très anciennes dont
577 e, dans notre société actuelle, il est impossible qu’ on vous démontre en quoi la force physique privilégie quelqu’un. Ég
578 se, qui vous disent : c’est très bien les femmes, qu’ elles aient le droit de vote, mais alors qu’elles fassent aussi du ser
579 ce fond germanique, médiéval. Lorsque vous dites que les femmes « ont été l’agent principal de civilisation », n’exagérez-
580 us pas leur rôle ? En tous les cas, ça choque… Ce que nous avons de culture, nous le devons à nos mères plus qu’à nos pères
581 avons de culture, nous le devons à nos mères plus qu’ à nos pères, en grande partie. Je n’entends pas culture au sens scolai
582 des coutumes, de la morale, c’est par les femmes que cela se fait en Europe. C’est très important et on l’oublie toujours.
583 oir une certaine vénération pour l’uniforme, plus que les hommes souvent. Il n’en reste pas moins, que bien ou mal, c’est p
584 que les hommes souvent. Il n’en reste pas moins, que bien ou mal, c’est par les femmes que se fait la culture profonde des
585 pas moins, que bien ou mal, c’est par les femmes que se fait la culture profonde des enfants. Psychanalyser le Suisse
586 cordé le même poids au rôle de la femme. Je pense que c’est spécifiquement européen, parce que notre civilisation est fondé
587 p de femmes pour un homme. Chez nous, considérons qu’ il n’y a aucune espèce de différence au point de vue public entre homm
588 lic entre hommes et femmes. Je ne dis pas du tout qu’ il n’y a pas de différence entre masculin et féminin. Je dis que sur l
589 s de différence entre masculin et féminin. Je dis que sur le plan de la vie publique il n’y en a pas. Je n’en vois pas. Les
590 que il n’y en a pas. Je n’en vois pas. Les seules que nous croyons voir, que nous imaginons voir, c’est à cause de ce vieux
591 n’en vois pas. Les seules que nous croyons voir, que nous imaginons voir, c’est à cause de ce vieux fond inconscient qui r
592 les citoyens suisses donneront-ils aux femmes ce qu’ ils considèrent eux-mêmes comme un droit inaliénable ? Il serait heure
593 es comme un droit inaliénable ? Il serait heureux que la réponse à cette question soit un “oui franc et massif”. À dire vra
594 de la votation de ce week-end réside dans le fait que c’est “le peuple”, en l’occurrence les hommes, qui se prononcera. Par
595 , d’ordre historique et psychologique. Qui, mieux que Denis de Rougemont, pouvait analyser les motivations de ce refus, auj
20 1971, Articles divers (1970-1973). Arnaud Dandieu, la révolution et les régions (mars 1971)
596 0, Arnaud Dandieu définissait la seule révolution que je tienne aujourd’hui encore pour nécessaire et réalisable comme un é
597 rs la personne. De la conclusion d’une conférence qu’ il donnait en 1931 sur l’idée de nation, je recopie ces lignes4 : Pla
598 issement des États provinciaux », et il rappelait que si la République une et indivisible s’est opposée au fédéralisme, c’e
599 nnaire, recréant entre les peuples ces frontières que niait précisément l’esprit de la Révolution, a fait perdre à celle-ci
600 communisme de la Commune ne saurait être compris que si on ne le sépare pas du communalisme de la Commune, c’est-à-dire de
601 re de la tradition régionaliste française dans ce qu’ elle a de plus authentique. Là pouvait être le remède « au mal central
602 aux, libérant le vrai sentiment patriotique… Tant que patrie et nation seront confondues, la guerre sera fatale et la révol
603 ’unité de structure dynamique des deux mouvements que la mentalité stato-nationaliste conçoit comme contraires : l’élan ver
604 utonomiste) la personne n’existant, au sens fort, que dans la tension entre ces deux pôles. Ces textes réfutent ensuite l’o
605 national nommé France. Car Dandieu a montré mieux que personne comment le mouvement vers l’autonomie régionale était dans l
606 démission du spirituel et ce refus de l’universel qu’ est le stato-nationalisme centraliste, trahison de la révolution libér
607 Et pour ma part, je ne cesse de mieux mesurer ce que j’ai dû et dois encore aux trop brèves années de notre collaboration
608 ue6. 4. Ce texte a paru dans l’excellente revue qu’ était Fédération, n° 78, juillet 1931. 5. On notera l’usage très part
609 a première citation) : il s’agit en réalité de ce que nous conviendrons un peu plus tard, tant à Esprit qu’à L’Ordre nou
610 us conviendrons un peu plus tard, tant à Esprit qu’ à L’Ordre nouveau , d’appeler personnalisme. Dans le lexique unifié d
611 ndiquée chez Dandieu par le prédicat « agressif » qu’ il accole à « individu » — s’oppose à la donnée inerte, résultat d’une
612 sse ou collectivité inorganique. 6. Cf. le texte que nous avions préparé et signé ensemble pour le groupe de discussions p
21 1971, Articles divers (1970-1973). Les régions et la civilisation (mars 1971)
613 des responsables de la vie politique de nos pays, qu’ il s’agisse de régions économiques, ethniques, écologiques ou simpleme
614 érale de la politique régionale. On sait du reste que le débat sur les régions prend sans cesse plus d’ampleur et d’urgence
615 politique au sens étroit du terme, il est un fait que je crois indispensable de mettre en relief ; c’est que les études rég
616 e crois indispensable de mettre en relief ; c’est que les études régionales paraissent propres à renouveler non seulement l
617 thodologique plus fécond, pour cette renaissance, que celui de la génétique des régions dans l’ensemble socioculturel de l’
618 ons dans l’ensemble socioculturel de l’Europe tel qu’ il s’est composé pendant trois millénaires. Instruction civique
619 tateur, n’étant possible et praticable en général que dans le cadre communal et régional, l’avenir de la démocratie se conf
620 t cependant, elle doit tenir compte des obstacles que les États-nations mettent à toute stratégie écologique cohérente, c’e
621 est-à-dire transnationale, et du degré de liberté qu’ ils laissent aux industriels anarchistes, ceux qui exploitent et détru
22 1971, Articles divers (1970-1973). L’Amour et l’Europe : L’Express va plus loin… avec D. de Rougemont (12 avril 1971)
622 Dans ma Lettre ouverte aux Européens j’ai écrit que l’Europe, c’est 480 millions d’Européens qui s’ignorent, et que la co
623 c’est 480 millions d’Européens qui s’ignorent, et que la condition de notre survie, c’est de nous unir très vite dans une f
624 pour moi, le couple est la première cellule de ce que j’appelle le fédéralisme, c’est-à-dire l’union dans la diversité. Com
625 racine de mondes politiques différents. Ce n’est que peu à peu, d’ailleurs, que s’est révélé à moi le principe de cohérenc
626 s différents. Ce n’est que peu à peu, d’ailleurs, que s’est révélé à moi le principe de cohérence entre le couple, la perso
627 lisme. C’est votre équation de base ? Oui. Disons qu’ il s’agit d’une intuition fondamentale qu’il est très difficile d’expr
628 Disons qu’il s’agit d’une intuition fondamentale qu’ il est très difficile d’exprimer, et c’est pourquoi j’écris tant de li
629 dans un débat à la radio : « Ne craignez-vous pas que les Européens ne soient trop différents les uns des autres pour jamai
630 s’unir ? » J’ai répondu : « Ne craignez-vous pas que les hommes et les femmes ne soient trop différents pour pouvoir jamai
631 uples ? » Voilà dévoilée l’équation de base de ce que j’ai écrit aussi bien dans L’Amour et l’Occident sur le couple huma
632 le de deux personnes dans le respect de l’autre — que sur le fédéralisme : l’union dans la diversité et pour la diversité,
633 des deux, l’uniformisation. Si une certaine idée que nous avons de l’amour-passion nous conditionne au point de n’être plu
634 depuis trente ans ? Cherchez bien et je suis sûr que vous trouverez. Regardez autour de vous : le mariage occidental est u
635 erme d’adultère. Et cette catastrophe vient de ce qu’ on a voulu fonder le mariage sur le sentiment amoureux. Serait-ce une
636 ux. Et nous en tirons cette conséquence illogique qu’ il faut se marier. Eh bien, non, on ne reste pas amoureux tout le temp
637 ne reste pas amoureux tout le temps ! Chacun sait que le mariage, c’est la durée. Fonder le mariage sur la passion, sur que
638 ur la passion, sur quelque chose dont chacun sait que cela ne durera pas, c’est vouloir le construire sur le principe même
639 ans le mariage ? Non. Je dis autre chose : je dis qu’ il est l’ennemi du mariage. Ce n’est pas par hasard que le jugement de
640 est l’ennemi du mariage. Ce n’est pas par hasard que le jugement de la comtesse Marie de Champagne, au xiie siècle, exclu
641 e par les troubadours. Finalement, j’ai découvert que le mythe de Tristan et Iseut est l’ennemi intime du mariage et du cou
642 pprimer en tant que force antisociale qui ne peut que gêner le rendement. C’est un fait : l’Asie bouddhiste, brahmanique n’
643 han à Toronto, en 1969. Je sais par ses étudiants qu’ il parle souvent de mes thèses dans ses cours. Quand l’historien Charl
644 istorien Charles Seignobos écrivit déjà, en 1920, que l’amour était une invention du xiie siècle, cela passa pour une bout
645 . Allons donc, disait-on, l’amour est aussi vieux que le genre humain, et que faisaient donc les hommes et les femmes avant
646 , l’amour est aussi vieux que le genre humain, et que faisaient donc les hommes et les femmes avant le xiie siècle ! Ainsi
647 is il est réfuté par les faits. Car c’est un fait que le mot amour, qui désigne pour nous le sentiment de la passion, n’a p
648 ’a pris de sens dans le Languedoc du xiie siècle qu’ avec la poésie des troubadours, Héloïse et Abélard, puis Tristan et Is
649 otype éternel de l’amour-passion : et c’est de là que viennent toutes nos littératures européennes et tous les lieux commun
650 opéennes et tous les lieux communs de l’amour tel qu’ on le chante, tel qu’on l’écrit, tel qu’on le vit jusqu’à nos jours. J
651 lieux communs de l’amour tel qu’on le chante, tel qu’ on l’écrit, tel qu’on le vit jusqu’à nos jours. Je pense surtout aux e
652 amour tel qu’on le chante, tel qu’on l’écrit, tel qu’ on le vit jusqu’à nos jours. Je pense surtout aux effets dégradés du m
653 Hollywood et le modèle collectif de cette romance que chacun s’imagine devoir vivre. Le mariage est en train de voler en éc
654 je n’ai aucune recette pour l’amour. Je constate que la passion et le mariage sont des adversaires fondamentaux, bien que
655 , à réduire l’autre à la loi d’un seul. Qui a dit que l’amour rendait libre ? Celui-là charge les gens de chaînes. Dans le
656 ossible fusion, qui, finalement, ne peut conduire qu’ à la mort. L’amour-passion tel que nous le concevons a inspiré tous le
657 e peut conduire qu’à la mort. L’amour-passion tel que nous le concevons a inspiré tous les arts en Europe, mais il ne vaut
658 rope, mais il ne vaut rien pour cette œuvre d’art qu’ est le couple. C’est une thèse que la plupart des gens peuvent diffici
659 tte œuvre d’art qu’est le couple. C’est une thèse que la plupart des gens peuvent difficilement admettre. Je peux vous dire
660 de Tristan. La Rochefoucauld a fort bien compris que l’amour est essentiellement lié à l’expression. Il écrit : « Combien
661 ression. L’amour-passion, c’est autre chose. Tant qu’ il n’est pas « déclaré », c’est comme s’il n’existait pas. Grâce à la
662 invention spécifique de la culture européenne. Et que se passe-t-il dans les autres civilisations ? Je n’ai rien trouvé de
663 sentir et ressentir l’amour, l’« amour de loin » que chante le troubadour Jaufré Rudel, l’éloge de la chasteté, les règles
664 sion ne s’approfondit et ne dégage ses puissances qu’ à la mesure des résistances qu’elle rencontre. On ne retrouve en Orien
665 age ses puissances qu’à la mesure des résistances qu’ elle rencontre. On ne retrouve en Orient que la technique érotique des
666 ances qu’elle rencontre. On ne retrouve en Orient que la technique érotique des épreuves, signalée par Mircea Eliade. Par e
667 dormir quarante jours au pied du lit de la femme qu’ il aime, quarante jours, dans son lit, sur le côté gauche, quarante jo
668 uarante jours sur elle, sans la toucher. Ce n’est qu’ après cette épreuve que peut s’opérer l’union sexuelle, qui ne doit d’
669 sans la toucher. Ce n’est qu’après cette épreuve que peut s’opérer l’union sexuelle, qui ne doit d’ailleurs pas aboutir à
670 leurs pas aboutir à la procréation. Mais ce n’est qu’ une technique ? Ainsi que l’a confirmé le maître du zen, Suzuki, à pro
671 ocréation. Mais ce n’est qu’une technique ? Ainsi que l’a confirmé le maître du zen, Suzuki, à propos de mes livres, pour l
672 on quasi mystique s’en trouve exclue. L’amour tel que nous l’entendons depuis le xiie siècle n’a même pas de nom dans leur
673 . Mais c’est le prix de notre liberté. Mais vous, que souhaitez-vous ? Quand je pense à l’amour « programmé », calculé, je
674 créent ensemble, en devenant l’une par l’autre ce qu’ elles sont. Ce que je veux défendre, c’est donc, en fin de compte, un
675 n devenant l’une par l’autre ce qu’elles sont. Ce que je veux défendre, c’est donc, en fin de compte, un certain état de te
676 niversité m’a dit : « Cela a été la dernière fois que les contestataires et les gens de l’establishment ont applaudi quelqu
677 st l’avenir de l’amour ? D’une part, il me semble que les jeunes gens d’aujourd’hui tiennent un peu mieux compte que nous d
678 s gens d’aujourd’hui tiennent un peu mieux compte que nous des aspects pratiques du mariage, de ce qui permet une amitié du
679 dans le monde hygiénique et froidement rationnel qu’ est en train de créer la technique, et qui pourra bien se réaliser sou
680 sexuelle ne veut rien dire. Quel est l’ordre neuf que l’on peut déduire de la copulation ? Sur un point, tout le monde est
681 totale de tabous et de règlements sexuels. Le peu qu’ on y trouve vient de l’Ancien Testament : proscription de l’inceste, e
682 hérétiques, gnostiques, qui nous ont fait croire que le « péché originel » n’est autre que la sexualité. Quant aux pseudo-
683 fait croire que le « péché originel » n’est autre que la sexualité. Quant aux pseudo-tabous qui règnent sur nous, ce sont c
684 re à la fin du xviiie siècle dont la thèse était que tout le malheur des hommes venait de la masturbation, qui rend les je
685 dial. Il a sans doute créé le maximum de névroses qu’ un homme ait jamais pu déclencher sur la planète. Pendant une douzaine
686 re de l’« impureté ». C’est aujourd’hui seulement que les psychanalystes les rassurent : « Très bien, mes enfants, pas d’ex
687 sot s’appelle révolution sexuelle, alors ce n’est qu’ un progrès normal vers le bon sens. En somme, vous trouvez qu’on s’agi
688 s normal vers le bon sens. En somme, vous trouvez qu’ on s’agite beaucoup, mais qu’il n’y a guère de révolution ? Il est cla
689 somme, vous trouvez qu’on s’agite beaucoup, mais qu’ il n’y a guère de révolution ? Il est clair que les tabous de la moral
690 is qu’il n’y a guère de révolution ? Il est clair que les tabous de la morale bourgeoise ne tiennent plus. Est-ce que cela
691 de la morale bourgeoise ne tiennent plus. Est-ce que cela signifie que la sexualité est plus vigoureuse, ou l’amour plus r
692 geoise ne tiennent plus. Est-ce que cela signifie que la sexualité est plus vigoureuse, ou l’amour plus réussi, la morale d
693 Et dans Le Docteur Jivago, c’est la Russie, telle que Pasternak l’aimait et telle qu’on lui interdisait de l’aimer, symboli
694 la Russie, telle que Pasternak l’aimait et telle qu’ on lui interdisait de l’aimer, symbolisée par une femme, bien réelle d
695 s cet effort d’imaginer, de créer l’autre dans ce qu’ il a de meilleur et de plus personnel n’aboutira complètement. Il y au
696 r vous, quel serait le couple idéal ? Je voudrais que Tristan découvre Iseut, qu’Iseut découvre Tristan, et qu’ils sachent
697 e idéal ? Je voudrais que Tristan découvre Iseut, qu’ Iseut découvre Tristan, et qu’ils sachent leurs noms. Je voudrais qu’i
698 tan découvre Iseut, qu’Iseut découvre Tristan, et qu’ ils sachent leurs noms. Je voudrais qu’ils cessent de dire comme dans
699 ristan, et qu’ils sachent leurs noms. Je voudrais qu’ ils cessent de dire comme dans l’opéra de Wagner : « Non, plus d’Isold
700 lement Isolde. Il ne la voit pas. Il projette. Ce qu’ il aime, c’est l’amour, être en état d’amour. Toutes les femmes qu’on
701 l’amour, être en état d’amour. Toutes les femmes qu’ on aime d’amour-passion, toutes les Iseut sont des femmes rêvées, les
702 démocraties capitalistes, à la société de profit que nous appelions le « désordre établi ». Nous ne voulions pas qu’on cri
703 ions le « désordre établi ». Nous ne voulions pas qu’ on critique l’Allemagne et l’URSS au nom de l’esprit petit-bourgeois,
704 nait la politique française de l’époque. On a dit que la contestation, surtout dans les pays de l’Est, où elle est encore c
705 autant plus sincère, a fait revivre les problèmes que nous avions posés dans les années 1930. C’est vrai, une partie de la
706 a liaison nécessaire entre personne et communauté que je lançai alors un mot qui allait faire fortune un peu plus tard : en
707 e partie à l’afflux des Européens, notamment ceux que Hitler a chassés. » Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Ei
708 on l’accusait de communisme, parce qu’il pensait qu’ il fallait tendre la main aux Russes et les faire entrer à l’ONU. Et p
709 s visant à la puissance, disait-il, n’aurait fait qu’ un troisième larron armé jusqu’aux dents. Eh bien, c’est en Amérique q
710 armé jusqu’aux dents. Eh bien, c’est en Amérique qu’ a germé en quelques-uns d’entre nous l’idée de combattre ce nationalis
711 l’impuissance tragique de ce victorieux : tout ce qu’ il veut saisir se change à son approche en fer tordu, en pierraille lé
712 ices de renseignements de l’armée suisse m’apprit qu’ une démarche avait été faite le matin même de la parution de l’article
713 e chose. C’est une des lois de l’action. Je crois que nous pourrons faire l’Europe d’ici à vingt ans sur la base des région
714 au-delà des nationalismes. Je constate d’ailleurs que les doutes sur l’Europe et la vitalité de sa culture n’existent que d
715 l’Europe et la vitalité de sa culture n’existent que dans l’esprit des intellectuels européens, et pas ailleurs. Car l’Eur
716 éen. Si ces chiffres ne nous rassurent pas, c’est que nous nous sentons seulement Français, ou Suisses, ou Danois, ou Belge
717 a conscience de former un ensemble. C’est surtout que 120 millions d’entre nous sont satellisés par l’URSS, tandis que 320
718 mes politiques, universitaires, je crois vraiment que l’action du Centre européen de la culture a imposé peu à peu un certa
719 place ni grande ni petite à l’Europe : je dis ce qu’ elle est parmi les vingt-deux ou vingt-trois civilisations qu’énumère
720 parmi les vingt-deux ou vingt-trois civilisations qu’ énumère Toynbee. « Tout est venu à l’Europe, et tout en est venu, ou p
721 artistiques et littéraires. Cela ne veut pas dire que l’Europe soit moralement supérieure aux autres civilisations ; elle a
722 mple, raté ses révolutions. Cela ne veut pas dire qu’ il n’y a pas eu Hitler, Staline, Guernica… L’Europe est une unité comp
723 le de tous à un ordre monolithique. Vous aimez ce que notre civilisation a de pluraliste ? C’est le gage de notre liberté.
724 t le contact avec notre culture et nos doctrines, que des révolutions de palais, des prises de pouvoir par des chefs milita
725 sais, leur ai-je dit, vous n’y croyez plus. Mais qu’ est-ce qui existe à la place, selon vous ? Prenez le monde par vos ant
726 e monde par vos antipodes : l’Asie du Sud-Est n’a qu’ une idée, c’est d’imiter la Chine maoïste, qui, elle, voudrait être au
727 aoïste, qui, elle, voudrait être aussi communiste que la Russie soviétique, dont le slogan est depuis 1925 : ‟Nous ferons m
728 nt le slogan est depuis 1925 : ‟Nous ferons mieux que l’Amérique.” Or l’Amérique est une invention de l’Europe. Où trouvez-
729 nsformer les frontières en écumoires en attendant qu’ elles disparaissent complètement. » Oui, l’ennemi, c’est l’État-nation
730 t policier sur cette chose dynamique et affective qu’ est une nation. Instituer un État-nation, c’est livrer sans recours to
731 la religion de l’État-nation centralisé. Il n’y a que des différences de degré. Après la guerre, toutes les anciennes colon
732 s États-nations. Or l’Europe ne pourra se fédérer que par la volonté délibérée des Européens, et non pas par une espèce de
733 t des rois de France. Eh bien, non : l’État n’est qu’ un appareil, au mieux utile ! » Tandis que l’État-nation ? Le côté sac
734 ile ! » Tandis que l’État-nation ? Le côté sacral qu’ il s’est attribué est incroyable. Il a le droit de condamner à mort se
735 damner à mort ses hérétiques et incroyants, droit que n’a plus aucune Église, Dieu merci ! Refus de servir et on vous empri
736 vec l’ennemi et on vous colle au mur ! Vous savez qu’ il y a un article de la Constitution qui interdit de mettre en questio
737 rs. L’État-nation prétend faire coïncider dans ce qu’ il nomme ses « frontières naturelles » des réalités absolument hétérog
738 géographie. Décréter pour les besoins de la cause que le Rhin sépare et que le Rhône unit donne la mesure. Vous voulez fair
739 our les besoins de la cause que le Rhin sépare et que le Rhône unit donne la mesure. Vous voulez faire une révolution régio
740 régionaliste et fédéraliste ? Au contraire de ce que pensent les ministres, on ne fera pas l’Europe sans casser des œufs.
741 à vingt ans, ou avant, plus solide et plus vivant que les liens entre les régions et la capitale de leur État-nation. Et qu
742 État-nation. Et quand les ordinateurs mesureront que ce sont les régions qui jouent un rôle créateur et actif, l’Europe se
743 pas d’utopiste ? Jean Monnet a très bien fait ce qu’ il a fait avec l’appui de Robert Schuman, et qui a abouti à la créatio
744 la création de la CECA et à la CE. Mais il y a ce que j’appelle l’illusion Monnet : croire que l’économique entraînera néce
745 l y a ce que j’appelle l’illusion Monnet : croire que l’économique entraînera nécessairement le politique. Nous sommes cont
746 tique. Nous sommes contraints de voir aujourd’hui que ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Et que ce n’est pas Kar
747 raints de voir aujourd’hui que ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Et que ce n’est pas Karl Marx qui a raison sur
748 ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Et que ce n’est pas Karl Marx qui a raison sur ce point, mais Mao Zedong, qu
749 sa révolution : « Révolution culturelle ». Notez que c’est le marxisme renversé : c’est la révolution qui part des superst
750 h bien, en ce sens-là, je suis maoïste ! Je crois que la révolution part des grandes options, d’une culture, des attitudes
751 , des attitudes fondamentales de notre esprit. Et que l’économie n’en sera jamais que le produit. Vous restez donc optimist
752 notre esprit. Et que l’économie n’en sera jamais que le produit. Vous restez donc optimiste en ce qui concerne l’Europe ?
753 : « Il meurt tous les jours plus d’anti-Européens qu’ il n’en naît. » Je suis certain que nous irons vers des solutions fédé
754 anti-Européens qu’il n’en naît. » Je suis certain que nous irons vers des solutions fédéralistes, régionalistes, parce qu’i
755 pour moi, c’est cela, l’Enfer. Pour combattre ce que vous appelez l’Enfer, croyez-vous à la révolution ? Oui, si elle appo
756 ence et la terreur pour aligner la réalité sur ce que quelques idéologues ont eu l’idée d’en faire. Pas une seule de nos ré
757 s l’ennui collectif. Mais il me semble improbable que cet ennui ne recrée pas en profondeur la soif de quelque chose qui so
758 f de quelque chose qui soit au-delà de l’ordre et qu’ il ne provoque pas une rébellion de l’esprit, une sédition de l’incons
23 1971, Articles divers (1970-1973). [Entretien] Le diable existe, vous pouvez le rencontrer (17 mai 1971)
759 une notion purement religieuse. Alors le diable, qu’ est-ce que cela peut représenter au juste en 1971 pour un non-croyant 
760 n purement religieuse. Alors le diable, qu’est-ce que cela peut représenter au juste en 1971 pour un non-croyant ? Frédéric
761 et de l’Europe — sa grande idée — dans l’émission que lui consacrent les services de la recherche de l’ORTF, le 18 mai, dan
762 Au xx e siècle, ce qui nous menace le plus, c’est que nous ne tenons plus compte de lui dans nos calculs. Nous parlons — en
763 ner le mal. Pour quelqu’un qui n’est pas croyant, qu’ est-ce que cela représente, le diable ? Croyant ou non, tout homme a u
764 . Pour quelqu’un qui n’est pas croyant, qu’est-ce que cela représente, le diable ? Croyant ou non, tout homme a une faculté
765 orte à épouser une cause. Donc il croit savoir ce qu’ est le mal et par conséquent le bien. Qu’on ne raconte pas d’histoires
766 avoir ce qu’est le mal et par conséquent le bien. Qu’ on ne raconte pas d’histoires ! Aujourd’hui, beaucoup disent : « On en
767 très simple. Mais quand on ignore tout simplement que le diable existe, quand on nie qu’il existe, c’est alors qu’on commen
768 out simplement que le diable existe, quand on nie qu’ il existe, c’est alors qu’on commence à être manipulé par lui. Pouvez-
769 à être manipulé par lui. Pouvez-vous préciser ce qu’ est pour vous le diable ? C’est quand il n’y a personne. Qui peut-on c
770 e premier tour du diable est de nous faire croire qu’ il n’existe pas ». Le diable, c’est celui qui nous dit, comme dans L’O
771 oi aurais-tu peur ? Je ne suis pas là… » C’est ce que fait Satan ? Singeant Dieu, mais à rebours, il nous dit : « Je suis c
772 personnalisante de l’univers. Il nous fait croire qu’ il n’y a personne, et pourquoi ? Parce que alors il n’y a plus de resp
773 x e siècle, une définition moderne du diable, tel que vous le concevez ? Pour m’exprimer en des termes empruntés à la physi
774 termes empruntés à la physique moderne, je dirais que le diable, c’est l’entropie. Qu’est-ce que l’entropie ? C’est la dégr
775 derne, je dirais que le diable, c’est l’entropie. Qu’ est-ce que l’entropie ? C’est la dégradation de l’énergie. C’est une l
776 dirais que le diable, c’est l’entropie. Qu’est-ce que l’entropie ? C’est la dégradation de l’énergie. C’est une loi du cosm
777 on de l’énergie. C’est une loi du cosmos qui veut que , dans un système clos, l’énergie se dégrade continuellement et passe
778 le diable introduit le concept de dé-création, ce que le philosophe allemand Heidegger appelle la « néantisation ». Le diab
779 le mal de notre siècle, le contraire absolu de ce que j’ai appelé le « personnalisme », qui consiste à assumer sa vocation
780 l’enfer ! La Géhenne de l’Évangile, savez-vous ce que c’était ? « Gé-hinnon », un vallon près de Jérusalem, où l’on jeta le
781 , pendant la dernière guerre, à nous faire croire qu’ il était seulement Adolf Hitler, par exemple. Déguisement grossier, ma
782 ière nous et en nous. Les bonnes gens s’imaginent que le diable se manifeste dans les choses les plus visiblement scandaleu
783 ils ont tort. Le diable, selon vous, fait tout ce qu’ il faut pour qu’on ne le détecte pas ? Je disais que Satan nous fait c
784 ’il faut pour qu’on ne le détecte pas ? Je disais que Satan nous fait croire, premièrement, qu’il n’existe pas, deuxièmemen
785 disais que Satan nous fait croire, premièrement, qu’ il n’existe pas, deuxièmement, qu’il est seulement Hitler et personne
786 , premièrement, qu’il n’existe pas, deuxièmement, qu’ il est seulement Hitler et personne d’autre, et ainsi de suite. Or le
787 menace véritable, c’est quand nous ne savons pas que nous sommes attaqués, quand nous sommes entraînés malgré nous. Car al
788 re identité, notre responsabilité personnelle, ce que nous sommes seuls à pouvoir faire au monde. Le diable compte sur la l
789 oyez Adam, dans la Genèse. Quand Dieu lui dit : «  Qu’ est-ce que tu as fait ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est ell
790 dans la Genèse. Quand Dieu lui dit : « Qu’est-ce que tu as fait ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est elle qui a to
791 y avait envoyé en mission à la suite d’un article que j’avais publié sur l’entrée de Hitler à Paris, et qui m’avait valu qu
792 it fini : soixante-six courts chapitres, et voilà que je découvre que 666… est le chiffre du diable, qui refuse d’arriver à
793 te-six courts chapitres, et voilà que je découvre que 666… est le chiffre du diable, qui refuse d’arriver à 7, le nombre de
794 ils ont exécuté leur crime avec bonne conscience. Qu’ est-ce qui est pire ? Dans les deux cas, les barbus et les folles, ou
795 les, ou les soldats ont dit : « Nous n’avons fait qu’ obéir ! » Les uns, à leur maître ou gourou, les autres à leurs officie
796 e ou gourou, les autres à leurs officiers. Je dis que c’est le second cas qui est vraiment diabolique, parce que l’anonymat
797 , vous êtes sûr de ne pas le rater. C’est en vous qu’ il existe : personne d’autre ne peut vous “dépersonnaliser” que vous-m
798 : personne d’autre ne peut vous “dépersonnaliser” que vous-même ! » af. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le diable exi
24 1971, Articles divers (1970-1973). Fédération ou confédération ? (juillet-août 1971)
799 let-août 1971)ag Le général de Gaulle estimait que les deux mots ne différaient que d’une syllabe insignifiante et qu’il
800 Gaulle estimait que les deux mots ne différaient que d’une syllabe insignifiante et qu’il n’y avait pas lieu d’en disputer
801 ne différaient que d’une syllabe insignifiante et qu’ il n’y avait pas lieu d’en disputer. Il est bien vrai qu’aucune raison
802 ’y avait pas lieu d’en disputer. Il est bien vrai qu’ aucune raison logique ou sémantique ne saurait justifier la distinctio
803 ts fédéraux ». D’où l’on conclut en bonne logique qu’ une seule et même réalité correspondant aux deux mots, ceux-ci sont éq
804 États », est défectueuse puisqu’elle ne mentionne que l’union et ne dit rien de l’autonomie. Or, une union qui ne respecter
805 « Fédéralisme », et à lui seul — l’une affirmant que ce régime était en Amérique, selon Chateaubriand, « une des formes po
806 s employées par les sauvages », l’autre rappelant qu’ en France, le fédéralisme fut le « projet attribué aux girondins de ro
807 nité nationale ». D’où le Français lettré conclut que Louis XIV et Napoléon, en centralisant l’Hexagone, l’ont sauvé de la
808 gerie (qui règne encore en Suisse, sans doute) et que les fédéralistes, en France, sont des traîtres. Le mot se trouve ains
809 dération et de confédération se distinguent en ce que la première seule de ces deux formes possède la souveraineté, manifes
810 renforcer le sens de fédération, l’affaiblit, et que « fédérer ensemble » des États, c’est beaucoup moins que les fédérer
811 édérer ensemble » des États, c’est beaucoup moins que les fédérer tout court. On aime à répéter que l’exemple suisse conse
812 ns que les fédérer tout court. On aime à répéter que l’exemple suisse conseillerait la prudence et la lenteur aux « Europé
813 e Europe en dix ans ? La vérité historique, c’est qu’ il a fallu cinq à six siècles pour ne pas fédérer les communes, cités,
814 e, après une dernière guerre civile, il n’a fallu que neuf mois, à un jour près, pour concevoir, élaborer et mettre en œuvr
815 ici dans son astucieuse simplicité. Loin d’exiger que les cantons renoncent à leur souveraineté, la Constitution de 1848 po
816 neté, la Constitution de 1848 porte à l’article 3 que « les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas
817 utions, la liberté et les droits du peuple, ainsi que les droits et attributions que le peuple a conférés aux autorités ».
818 s du peuple, ainsi que les droits et attributions que le peuple a conférés aux autorités ». Ainsi, la force garante des aut
819 e de leurs souverainetés réaffirmées ! On me dira que c’est un tour de passe-passe. Je réponds qu’il a bien réussi. Et j’ob
820 dira que c’est un tour de passe-passe. Je réponds qu’ il a bien réussi. Et j’observe qu’un pouvoir fédéral européen, constit
821 sse. Je réponds qu’il a bien réussi. Et j’observe qu’ un pouvoir fédéral européen, constitué selon la même formule, serait s
822 s peuples, autonomie ou « souveraineté » relative que rien ne protège aujourd’hui — sauf le « parapluie » que l’on sait. T
823 en ne protège aujourd’hui — sauf le « parapluie » que l’on sait. Toute confédération étant une forme instable de compromis
824 ux qui s’y résignent simplement par une nécessité qu’ ils espèrent temporaire, je pense que les fédéralistes européens peuve
825 ne nécessité qu’ils espèrent temporaire, je pense que les fédéralistes européens peuvent accepter le mot s’il facilite la c
826 accepter le mot s’il facilite la chose, — quelles que soient, par ailleurs, les vraies dispositions et intentions des homme
827 iques et les organes de décision de telle manière que la nature et les dimensions des tâches à entreprendre correspondent à
828 les plus aptes à les gérer. Ainsi, pour ne donner que ces exemples simples : aux municipalités les chemins vicinaux et les
25 1971, Articles divers (1970-1973). Un marchand d’eau sucrée (19 décembre 1971)
829 Nobel de l’escroquerie. » Quand on lui demande ce qu’ il pense du commandant Cousteau, fondateur d’un Institut d’études sous
830 M. Pauwels répond, dans de nombreuses interviews, qu’ il ne s’agit là que d’une opération publicitaire destinée à recueillir
831 dans de nombreuses interviews, qu’il ne s’agit là que d’une opération publicitaire destinée à recueillir des fonds. Opéra
832 Opération publicitaire On pourrait rétorquer que lorsqu’il se fait le champion de la lutte contre ce qu’il appelle la
833 rsqu’il se fait le champion de la lutte contre ce qu’ il appelle la sinistrose, c’est-à-dire l’attirance morbide, qu’il attr
834 la sinistrose, c’est-à-dire l’attirance morbide, qu’ il attribue à la gauche, pour les désastres et les apocalypses provoqu
835 voqués par la technologie, et bien ! il ne s’agit que d’une opération publicitaire destinée à faire vendre la dextrose de M
836 son livre me paraît d’ailleurs plus significatif que le livre lui-même. Comment vous l’expliquez-vous ? L’année 1970, cons
837 s dangers de la pollution, beaucoup plus générale qu’ on osait l’espérer, surtout dans la jeunesse. Et puis, une sorte de ru
838 eaucoup de personnes, surtout âgées, ne demandent qu’ à se réfugier avec un soulagement profond et jubilant dans les illusio
839 Pauwels qui vient leur dire, dans son titre même, qu’ ils ont bien raison de le faire ! Ah ! l’habile homme ! De la fenêtre
26 1972, Articles divers (1970-1973). Europe divisée ou Europe fédérée ? (1972)
840 ris, et son propre destin en elle. D’où l’on voit que participer activement, c’est aussi se réaliser (manifester sa personn
841 e. Ce sont les formes actives de la participation que nous aurons à considérer, puisqu’en effet il s’agit ici de participat
842 ement : capable de répondre, de se porter garant) que s’il est sujet libre de son action. Un homme qui n’est pas reconnu co
843 dans le vocabulaire de notre siècle, il apparaît que civisme est lié surtout à une participation active à la chose publiqu
844 t à une attitude de responsabilité dans la cité ; que politique évoque finalité, c’est-à-dire détermination des fins et ada
845 monétaire, de politique de la recherche, etc.) et que social est à la fois ce qui concerne la foule (dont l’idée est présen
846 er aux buts derniers de l’homme. Or s’il est vrai que ces buts — universels et personnels — transcendent toute communauté,
847 transcendent toute communauté, ce n’est pourtant qu’ au sein de la communauté, dans le complexe des relations humaines, qu’
848 munauté, dans le complexe des relations humaines, qu’ on peut suivre à la trace les vocations, activées par un appel invisib
849 n soi. En tant que stratégie de l’humanité, telle qu’ on vient de la définir, la politique prend désormais, en ce dernier ti
850 ier tiers du xxe siècle, une importance décisive qu’ elle n’avait peut-être jamais pu revêtir dans toute l’histoire. C’est
851 toute l’histoire. C’est au xxe siècle, en effet, que , pour la première fois dans son évolution, l’homme se voit contraint
852 de l’humanité. Et il y est contraint du seul fait que , pour la première fois, il en a la possibilité — la liberté. Depuis l
853 liberté. Depuis les origines, l’homme n’avait pu que répondre aux durs défis de la nature. Il s’agissait pour lui de survi
854 n effort sans relâche de l’homme contre le destin que la nature lui imposait ont abouti, dans notre siècle, à une prise de
855 nature en se conformant à ses lois. Mais à mesure que cet impérialisme humain se fait moins respectueux des dieux, tourne p
856 ême, à travailler sur ses produits eux-mêmes plus que sur les contraintes naturelles, désormais partiellement neutralisées.
857 rement », c’est-à-dire selon les lois et les buts qu’ elle se donne : c’est l’industrie. Et alors pointent les questions par
858 quoi. Déjà, en Occident, il est au terme de l’ère qu’ on a nommée néolithique, celle qui a vu la fixation des nomades au sol
859 re électronique, dont on peut facilement imaginer qu’ elle sera l’ère des relations humaines de plus en plus indépendantes d
860 istantes et la marge étroite des « possibilités » qu’ elles ménageaient, mais aussi et surtout les buts ultimes que nous vis
861 nageaient, mais aussi et surtout les buts ultimes que nous visons. Car toute politique implique une idée de l’homme, et par
862 nsciente de ses propres effets sur les phénomènes qu’ elle suppute, tente de calculer et croit seulement décrire… Mais la qu
863 ospective les plus fameux de ces dernières années que ce livre est « le premier qui fasse passer la prédiction de l’ère des
864 es savants ». On nous dit aussi (mais je m’assure que ce ne sont pas les auteurs qui ont écrit cela) que « depuis 1960, la
865 ue ce ne sont pas les auteurs qui ont écrit cela) que « depuis 1960, la spéculation sur le futur (n’est plus) prophétique m
866 dique ». Sur quoi je lis l’ouvrage et je constate que nos savants (d’ailleurs honnêtes et scrupuleux) sont en fait des devi
867 ans nulle action dont ils se fassent les avocats, qu’ ils se proposent d’entreprendre eux-mêmes ou de favoriser par leurs co
868 conseils. Voilà l’avenir, semblent-ils dire, tel qu’ il peut se faire sans les interventions (imprévisibles) de l’homme cré
869 testataire, irrationnel, et affamé d’incalculable qu’ il va nécessairement réaliser un jour ! Cette position du problème des
870 mes contemporains. C’est pour cela, précisément, que j’éprouve le besoin d’analyser les difficultés qu’elle implique, apor
871 ue j’éprouve le besoin d’analyser les difficultés qu’ elle implique, apories logiques ou antinomies réelles. 1. Antinomie
872 ns ; toute préférence ou parti pris ne pourraient que la gêner dans la recherche et la prévision des cheminements possibles
873 jectifs afin d’être mieux normatifs. Mais on voit qu’ il y a antinomie pratique entre les deux modes de prévoir. Il semble q
874 atique entre les deux modes de prévoir. Il semble que Marx ait eu raison de considérer comme mutuellement exclusives les ac
875 -corpuscule et sur les inégalités de Heisenberg — que les aspects antinomiques « sont complémentaires en ce sens qu’il est
876 ts antinomiques « sont complémentaires en ce sens qu’ il est nécessaire de faire intervenir ces deux aspects pour l’interpré
877 e la prévision Il paraît difficile de soutenir que « prévision rationnelle et méthodique » s’oppose à « prophétie » comm
878 cas modifier par anticipation le phénomène futur qu’ elle avait commencé par définir correctement à l’aide d’une projection
879 ue de l’information ? Nous verrons tout à l’heure que la prospective (ou futurologie, ou prévision systématique) va jouer u
880 participation civique et politique, s’il est vrai que l’information, dont elle fait partie, est une des conditions sine qua
881 icipation. 3. Rôle de la surprise Il semble que plusieurs « futurologues » de ce temps accordent une valeur axiomatiq
882 gélienne : tout ce qui est réel est rationnel. Et qu’ ils dénomment, à cause de cela, « cauchemars », les virtualités irrati
883 a, « cauchemars », les virtualités irrationnelles qu’ ils détectent en germe dans le présent puis projettent sur le grand éc
884 cran de l’avenir. Ils ne nient pas la possibilité que certains cauchemars se réalisent dans l’Histoire — il y a toujours de
885 il y a toujours des accidents. Mais le seul fait qu’ ils nomment cauchemars certains complexes de phénomènes et pas d’autre
886 t pas plus « débrayés » de l’évolution historique que le sociologue d’aujourd’hui qui, sur la base du Marx des Manuscrits d
887 ent plus de secrets de notre avenir à déchiffrer, qu’ aucune de nos sciences n’en pourrait chiffrer. 4. Ceux qui prévoien
888 re Victor Hugo. Voilà qui est beaucoup plus sensé qu’ il n’y paraît à première vue. Car si je savais ce qui m’attend « là-ba
889 romperais : car ce « là-bas » ne m’attend pas tel que je suis. Imaginer l’avenir est faux et dangereux dans la mesure même
890 ct » : car nous nous y voyons en imagination tels que nous sommes aujourd’hui et c’est en tant que tels que nous jugeons « 
891 nous sommes aujourd’hui et c’est en tant que tels que nous jugeons « insupportable » ou « merveilleuse » la situation antic
892 volutions psychologiques d’ici là. Il est certain que la prise de conscience progressive de la nature de cet avenir, au fur
893 l’action des hommes en qui elle s’opérera, autant qu’ elle les modifiera eux-mêmes, opérants ; d’où modification en retour d
894 avenir modifié, etc. — et tout cela d’une manière que nous ne pourrions prévoir qu’aux conditions suivantes : — si nous pou
895 cela d’une manière que nous ne pourrions prévoir qu’ aux conditions suivantes : — si nous pouvions sentir l’avenir aujourd’
896 ns La prévision ne prend son sens et sa valeur que pour autant qu’il y a dans le domaine où on l’opère deux classes de p
897 une auto ou une cabine de transport plus petites qu’ un homme, une ville plus petite qu’une maison, — et d’autre part, la t
898 t plus petites qu’un homme, une ville plus petite qu’ une maison, — et d’autre part, la tendance inverse au gigantisme : mul
899 uble besoin de vie personnelle et de sociabilité, qu’ exprime le couple d’adjectifs cher à Hugo : solitaire et solidaire. C’
900 vraie communauté, et ne trouve d’autre alternance que celle de la promiscuité à domicile et de la solitude morale dans la f
901 aît constant est celui de l’agrément du cadre : «  Que l’on vive en 1768 ou en 1968, une pièce agréable, une vue reposante,
902 oïsme, qui nous rend insensibles aux désagréments que nous infligeons à nos voisins par agressions directes dans les villes
903 attitude qui mine les bases mêmes du civisme quel que soit le régime. 4. Spécificité du comportement civique Or, s’il
904 cité du comportement civique Or, s’il est vrai que cet égoïsme, cet incivisme (souvent déguisé en individualisme liberta
905 sentiel et rappellent davantage la France voisine que le reste de la Suisse, dont les ressortissants ou « Confédérés » form
906 pas varié, et le genius loci agit (par des moyens que je n’ai pas à examiner ici) de manière à maintenir l’invariant local
907 es différences des cantons et n’ayant d’autre fin que la sauvegarde de leurs autonomies. Mais des observations analogues pe
908 du continent. Mais c’est ici le lieu de signaler que ce pluralisme même différencie l’ensemble européen des ensembles plus
909 ar excellence —, le Sénat et le Parlement n’étant qu’ une dépendance ou délégation du forum. Là s’exerçait au maximum la par
910 reproduit, aggravé, le phénomène de dissociation qu’ on observa dans les cités hellénistiques : les dimensions territoriale
911 ne banlieue dénuée de structures, s’il n’y a plus qu’ un vide au centre de la ville — bureaux déserts dès la fin de l’après-
912 affaire de spécialistes pratiquement anonymes, et que des élus transitoires sont censés diriger et orienter, mais qu’ils se
913 ransitoires sont censés diriger et orienter, mais qu’ ils se bornent en fait à « couvrir » ou à révoquer après coup — alors
914 et mieux garanties dans chaque domaine d’activité que le niveau de décision est plus proche des cellules de base ; mais d’a
915 ant plus rares, plus déléguées et plus aléatoires que le niveau de décision est plus éloigné — ce qu’il est au maximum dans
916 s que le niveau de décision est plus éloigné — ce qu’ il est au maximum dans les régimes stato-nationaux centralisés, dont l
917 idat député qui représente un parti national plus que des intérêts régionaux ou professionnels, ou pour un candidat au cons
918 les est la plus efficace et universelle. À mesure qu’ on s’élève dans l’échelle des niveaux de décision correspondant à l’en
919 t une conscience des fins dernières de la société qu’ on ne saurait exiger ni des spécialistes aux sources, ni des agents de
920 L’information (dont l’enseignement scolaire n’est qu’ un chapitre) aura des actions très différentes selon que, par une visé
921 chapitre) aura des actions très différentes selon que , par une visée constante, ou par sa forme, ou par ses modes de diffus
922 lté de participation sont guérissables. Il suffit que l’homme « se reprenne », compare les promesses aux réalités et déclar
923 s variables principales repérés, il ne nous reste qu’ à tenter quelques coups simples du jeu dont nous venons de poser les r
924 us venons de poser les règles. Étant bien entendu qu’ il ne s’agit encore que d’essais de vérifier quelques groupes de conne
925 règles. Étant bien entendu qu’il ne s’agit encore que d’essais de vérifier quelques groupes de connexions, et, comme on le
926 si les liaisons jouent ». Posons d’entrée de jeu que de l’option Europe unie ou non va dépendre tout le reste et d’abord l
927 t par les légistes de Philippe le Bel, vers 1300. Qu’ en est-il alors de la fameuse prophétie de Proudhon : « Le xxe siècle
928 e créer de nouvelles castes. Et l’on peut avancer que 1984 serait le résultat nécessaire de l’incapacité de « faire l’Europ
929 ir étatique conforme aux réalités vivantes plutôt qu’ aux frontières « historiques » (fixées depuis moins d’un siècle en moy
930 anler le système. Cependant, elle ne saurait être qu’ une image-limite, irréalisable à l’état pur, car non seulement « le pi
931 res effets : la maladie ne peut survivre au corps qu’ elle tue. Ainsi, l’État-nation, paralysant ou mécanisant la vie civiqu
932 ne dans toute image plus réaliste (plus probable) que nous tenterons de composer. 2. L’Europe fédérée Si, au contrair
933 e possibilité de participation, celle précisément que l’État-nation excluait, et qui est à la fois régionale et continental
934 ateurs (B). A. Harmonie des facteurs On a vu que l’harmonie civique et politique résulterait pour une communauté donné
935 s dimensions des communautés sont de deux sortes, que Rousseau dénommait « nombre du peuple » et « étendue de l’État ». De
936 ue « le gouvernement doit être plus fort à mesure que le peuple est plus nombreux » et qu’en revanche « plus les magistrats
937 ort à mesure que le peuple est plus nombreux » et qu’ en revanche « plus les magistrats sont nombreux, plus le gouvernement
938 raison inverse de celui des citoyens, il s’ensuit qu’ en général le gouvernement démocratique convient aux petits États », à
939 ient ainsi à formuler une loi de la participation qu’ illustrent les exemples des petits cantons suisses à Landsgemeinde, ou
940 utant de magistrats (prenant charge par rotation) que de citoyens : plus une communauté est petite, plus le gouvernement pe
941 ion de l’État Ce principe admis, on s’aperçoit que l’existence du petit État ou communauté de participation maximale, et
942 tières politiques actuelles de réseaux de régions qu’ il s’agira d’abord d’organiser (et non pas de « délimiter »), en tout
943 tout cas pas plus — et peut-être pas autrement — qu’ on ne le fait pour des écosystèmes ; b) l’autonomie de régions restre
944 ion civique soit aussi directe et aussi fréquente que possible. Or la recréation de la commune (équivalent de la polis, de
945 du continent, ou fédérations. Car il est évident qu’ un certain nombre d’activités indispensables à la vitalité des régions
946 communes et entreprises) ne peuvent être exercées qu’ à l’échelle d’une fédération continentale. Citons au nombre de ces act
947 isible de ces implications successives, des choix qu’ elles entraînent et de leurs interactions et autorégulations, doit thé
948 mettre un maximum de participation. Est-ce à dire que le système décrit représente un modèle satisfaisant d’harmonisation d
949 sfaisant d’harmonisation des dynamismes civiques, qu’ il n’y aurait plus qu’à « faire jouer » aux différents niveaux communa
950 on des dynamismes civiques, qu’il n’y aurait plus qu’ à « faire jouer » aux différents niveaux communautaires ? Voilà qui ne
951 ne me paraît ni souhaitable ni possible, non pas que j’aie des doutes sur la valeur du modèle — il est le meilleur que je
952 utes sur la valeur du modèle — il est le meilleur que je puisse imaginer — mais du fait même qu’il aura pour fonction de co
953 illeur que je puisse imaginer — mais du fait même qu’ il aura pour fonction de conjuguer des dynamismes, et non pas d’impose
954 certain type d’équilibre ou de stabilité. Disons qu’ il est méthode d’invention permanente et non pas utopie à joindre un j
955 tique.) Au surplus, un jeu parfait n’est possible que s’il est limité dans le temps, terminé par une fin automatique ou con
956 équilibres, de conflits, dont on ne peut être sûr qu’ ils finiront « bien », mais dont il est certain qu’ils perdraient tout
957 u’ils finiront « bien », mais dont il est certain qu’ ils perdraient toute vertu créatrice s’ils pouvaient être « réglés » o
958 concrets, économique et civique notamment ; ainsi que par la radio-télévision. Une minorité formée dans les écoles supérieu
959 s deux clientèles de l’information est devenu tel que l’on doit parler de deux classes divisant la société européenne tout
960 a TV, tout change. La cité, dont Aristote pensait que l’étendue devait être mesurée par la portée de la voix d’un homme cri
961 i de J.-J. Rousseau (citée plus haut), on vérifie que plus les moyens de communication sont puissants, moins sont nombreux
962 physiques de la cité nouvelle, mais dans le fait que les assemblées civiques pourront se tenir, sans que les citoyens se d
963 s sans base territoriale. Nous avons vu plus haut que les régions économiques, écologiques, socioculturelles et politiques,
964 urbaines (vide social), elles ne coïncident plus que par hasard avec les dimensions utiles ou efficaces permettant une par
965 siècle, en 1914 et en 1939. Il y a peu de chances que leur évidente inadaptation aux dynamismes et aux besoins de la sociét
966 tion de groupes, communes, régions, associations, que l’État-nation prétendait interdire, ou, ce qui revient au même, unifi
967 gang et la limite supérieure de l’Église. Notons que ni l’un ni l’autre ne sont délimités ou définis par une frontière. L’
968 J’ai rappelé divers sens du verbe participer, et que certains sont actifs, mais d’autres passifs, tels les « sportifs » du
969 ce entre participants actifs et passifs n’en sera que plus marquée, sinon plus sensible : car la plupart des hommes s’imagi
970 t des hommes s’imaginent avoir « participé » à ce qu’ ils n’ont fait que voir, et se vantent de s’être « engagés » quand ils
971 ginent avoir « participé » à ce qu’ils n’ont fait que voir, et se vantent de s’être « engagés » quand ils n’ont qu’assisté
972 se vantent de s’être « engagés » quand ils n’ont qu’ assisté en faisant un peu de bruit. Nous retrouvons ici l’idée des deu
973 d’hier. Il n’est pas sans intérêt de relever ici que ma description des passifs et des actifs civiques recouvre assez exac
974 civiques recouvre assez exactement la distinction que je posais en débutant entre futurologues scientifiques et prophètes.
975 L’un des paradoxes de l’ère actuelle tient à ce que nos possibilités de déplacement s’accroissent en même temps que les n
976 oins « présents » à 5000 kilomètres en vidéophone que dans l’échange si difficilement combiné de coups de téléphone, de let
977 ur ma part j’y crois, sans rien pouvoir prouver — que la présence « en chair et en os » de milliers d’hommes, dans un cadre
978 ommes, dans un cadre restreint, dégage des forces qu’ on pourrait enregistrer, mais qu’on ne retrouverait pas dans la rencon
979 égage des forces qu’on pourrait enregistrer, mais qu’ on ne retrouverait pas dans la rencontre des images sonores et visuell
980 erraciales. Ces effets ne pourraient être mesurés que sur la base de statistiques qu’il reste encore à imaginer et de mesur
981 ient être mesurés que sur la base de statistiques qu’ il reste encore à imaginer et de mesures qui feront peut-être un jour
982 psychosomatique, « globale », il paraît probable que des discordances se feront sentir. Quelque chose se perd sans nul dou
983 ; mais nous ne savons pas encore quoi. Notons ici que l’expression « contact physique » est sans doute impropre. Car la per
984 ption d’une image ou d’un son, à quelque distance qu’ en soit la source, implique toujours un contact proprement physique. L
985 it entre deux hommes « en chair et en os », c’est que le premier est sélectif, le second pouvant être « global ». 6. Obj
986 yens, mais aussi de la nature des tâches communes qu’ une cité ou un groupe tiennent pour politiques. Dans un État-nation ce
987 grand nombre. En revanche, dans une société telle qu’ on peut l’envisager possible aux environs de l’an 2000 (si ce sont les
988 mes, structures et dimensions dépendent des idées qu’ on se fait de l’homme pour qui maisons et villes sont bâties, ou au co
989 ui maisons et villes sont bâties, ou au contraire que l’on entend utiliser à titre d’acheteur, locataire, contribuable, éle
990 et philosophiques d’une civilisation, d’une cité, que l’architecture ; b) l’aménagement des campagnes ne peut être laissé n
991 ’est complexe, mais c’est vital : on peut compter que les « vitalement intéressés » feront l’effort d’information nécessair
992 ntinomie productivité-écologie. On peut concevoir que toutes les options précédentes se ramènent à celle-ci, et qu’en fin d
993 es options précédentes se ramènent à celle-ci, et qu’ en fin de compte ce que nous appelons aujourd’hui l’écologie, art et s
994 se ramènent à celle-ci, et qu’en fin de compte ce que nous appelons aujourd’hui l’écologie, art et science des équilibres v
995 rse pas la vapeur d’ici à dix ans : c’est tout ce que nous accordent certains écologistes américains. Si c’est au bénéfice
996 ion gardent tout leur intérêt. Car il est évident qu’ une attitude humaine arrogante à l’égard de la nature, inconsciente de
997 société politique. Celui qui ne révère plus rien, que fera-t-il pour son prochain ? Sans respect pour les forêts, point de
998 otentiellement créatrices, mais n’ai encore donné que des exemples de leur quasi-nécessité ou inévitabilité pratique, donc
999 qui est le droit à l’inadaptation. S’il est vrai que la participation obligatoire est la négation même du civisme, il en d
1000 re est la négation même du civisme, il en découle que la reconnaissance du droit à l’objection sociale, civique et politiqu
1001 civique et politique : les hippies. Ce ne sont là que deux exemples pris au passé récent mais il est clair que, d’ici l’an
1002 x exemples pris au passé récent mais il est clair que , d’ici l’an 2000, bien d’autres surgiront, dont nous n’avons aucune i
1003 r car c’est lui qui empêchera nos systèmes, quels qu’ ils soient, de devenir totalitaires, c’est-à-dire de trop bien réussir
1004 nction civique de démontrer à longueur de journée que le monde de demain a moins besoin de producteurs que de créateurs.
1005 le monde de demain a moins besoin de producteurs que de créateurs. 7. E. M. Cioran, Précis de décomposition, Paris,
27 1972, Articles divers (1970-1973). L’ingénieur dans la cité (1971-1972)
1006 énieur dans la cité (1971-1972)w La question «  Que faire de ma vie ? » définit l’anxiété du jeune homme d’aujourd’hui lo
1007 tte question n’est devenue générale, et anxieuse, qu’ au xxe siècle. Autrefois, le fils d’un drapier devenait drapier, le f
1008 illustré par l’exemple de Nietzsche. Aujourd’hui que tout est possible, ouvert à tous, et non déterminé par les coutumes,
1009 tre une motivation aussi différente de la coutume que du profit : celle du sens de ma vie, du sens de la société, et du sen
1010 lle toujours croissante. Aujourd’hui, il constate que la nature risque de succomber à l’industrie, qui la pille sans le moi
1011 rmés de ce pillage. Et l’idée se fait jour en lui que ce n’est plus aux seuls « besoins de l’économie » qu’il s’agit désorm
1012 ce n’est plus aux seuls « besoins de l’économie » qu’ il s’agit désormais de répondre (ils ne sont trop souvent que le profi
1013 t désormais de répondre (ils ne sont trop souvent que le profit des firmes et le dividende de leurs actionnaires), mais plu
1014 ux scientifiques, aux techniciens, aux urbanistes qu’ il incombe de chercher et de trouver d’urgence les moyens de restaurer
1015 r les désastres sociaux, biologiques et physiques qu’ annoncent nos prospectives unanimes en sauvant du même coup la nature 
1016 de la cité, et de la personne dans la communauté. Que la technologie renoue de la sorte avec l’aventure culturelle, politiq
1017 , c’est une bonne nouvelle pour la science autant que pour la société. Car notre science est née de la culture, et doit san
1018 ’artistes comme Léonard. Rien de plus fallacieux, que l’opposition, naguère si populaire, des « deux cultures » — la scient
1019 r le grand défi du xxe siècle finissant, il faut que des générations nouvelles entrent dans la carrière de l’ingénieur, de
1020 litatif, il ne faut pas rêver, comme les hippies, qu’ il pourra s’opérer par un quelconque retour anarchisant à l’état préte
1021 le calculer, avec autant de soins et de précision qu’ on ne le fit jamais pour un prix de revient ou une épreuve de résistan
1022 le théologien tentera de déceler les fins réelles que les uns et les autres poursuivent sous le couvert d’idéaux allégués.
1023 social : problèmes très neufs pour l’ingénieur ! Qu’ il les assume, et du même coup il se verra réintégré dans la vie de la
28 1972, Articles divers (1970-1973). Forteresse au centre de l’Europe : la Suisse (1972)
1024 e une femme qui vient, comme une patrie d’enfance qu’ on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’elle au monde ! Puis un
1025 ce qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’ elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre rencontre, no
1026 ouchés par le soleil rasant. Ah ! ce ne peut être que l’Europe ! Ces champs morcelés et striés dans tous les sens, et ces f
1027 là en chemin de fer, et vous ne verrez plus guère que maisons et fabriques, jardins bien clos et entrepôts, garages, silos.
1028 sons, du Tessin et du Valais, et vous découvrirez que leur plan s’est développé soit à partir d’un château sur sa colline,
1029 st la place, d’une commune, au sens très virulent que prit le mot de l’Ombrie au nord de la France et aux Flandres, au xiii
1030 la Mairie, tension entre l’Autorité, tant civile que religieuse, et l’humeur frondeuse des cafés où naissent les rumeurs p
1031 re de la cité qui a permis la démocratie, on voit que cette dernière trouve ses ennemis mortels dans deux facteurs des plus
1032 de personne. Car c’est dans la rue, sur la Place que se formait l’opinion publique, quand les hommes pouvaient se rencontr
1033 se rencontrer. Or, il n’est pas de pays au monde que le gigantisme humain menace dans ses fondements plus que la Suisse. C
1034 gigantisme humain menace dans ses fondements plus que la Suisse. Car la Suisse tire sa raison d’être et les conditions même
29 1972, Articles divers (1970-1973). Au centre du monde, Lavaux (1972)
1035 , la théorie de la relativité l’a démontré. Mais, que le centre du monde se situe réellement quelque part dans les airs au-
1036 ve : vous la vivez « comme on respire », ou c’est que vous n’êtes jamais vraiment venu, n’avez jamais existé dans ce lieu.
1037 f, ou de céder à cette espèce de bonne conscience que donne l’indignation active. Lavaux est beaucoup plus défiguré que le
1038 nation active. Lavaux est beaucoup plus défiguré que les autres vignobles de La Côte, de Begnins à Vufflens par exemple. O
1039 besoin de solitude. Mais la plupart n’osant aimer que ce qui par d’autres est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu
1040 es est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu’ ils partagent. Ce paysage sublime est un pays réel, peuplé de vignero
1041 vie tendent à détruire les raisons de vivre. Mais que tient-on pour nécessaire ? Les maxima contradictoires, toujours à l’œ
1042 rre labourée, la terre bâtie, d’utilité publique, que vont faire les hommes et les femmes et les enfants qui habitent ici ?
1043 tous ceux qui aiment la beauté, et qui voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’un beau jour ils l’ont aimé. Or, ses
1044 qui voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’ un beau jour ils l’ont aimé. Or, ses habitants l’aiment aussi, mais il
1045 usure et patine à la fois. Pour garder le Lavaux que nous aimons, faudrait-il qu’ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sa
1046 our garder le Lavaux que nous aimons, faudrait-il qu’ ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sauver Lavaux, oui, mais vivant
1047 ublime se posent en des termes semblables. Ainsi, qu’ est-ce que sauver Venise ? Non pas offrir des étages de palais sur le
1048 posent en des termes semblables. Ainsi, qu’est-ce que sauver Venise ? Non pas offrir des étages de palais sur le Grand Cana
1049 sur le Grand Canal à des riches. Il faut d’abord que Venise soit peuplée, animée, habitée par des gens du pays. Et qu’ils
1050 peuplée, animée, habitée par des gens du pays. Et qu’ ils y trouvent un intérêt vital, et non pas archéologique. Pour sauver
1051 aire son salut » suppose la foi, mais chacun sait que la foi sans les œuvres est morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de mo
1052 est morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de moins que la prédominance accordée par un peuple à la saveur de vivre sur le ni
30 1972, Articles divers (1970-1973). Le sort de l’an 2000 se joue dans nos écoles (mars 1972)
1053 e manière largement irréversible, par les mesures que nous prendrons dès aujourd’hui et dans les dix ou quinze années qui v
1054 000 se joue maintenant Il est clair, en effet, que les maisons que nous bâtissons, les plans d’urbanisme que nous décido
1055 tenant Il est clair, en effet, que les maisons que nous bâtissons, les plans d’urbanisme que nous décidons ou négligeons
1056 maisons que nous bâtissons, les plans d’urbanisme que nous décidons ou négligeons de décider, les centaines de milliers d’h
1057 de décider, les centaines de milliers d’hectares que nous bétonnons dans le monde entier (supermarchés, parkings, autorout
1058 effacer leurs traces) mais aussi parce qu’on sait que pour reconstituer l’humus détruit en quelques heures par les traxs ou
1059 e du béton, il faudrait des millions d’années. Ce que nous faisons aujourd’hui engage ou compromet irrévocablement — mais a
1060 x. Si l’Europe est gérée par les Européens, c’est qu’ elle aura réussi son union ; car autrement elle ne pourra rien à oppos
1061 our qu’elle réussisse son union, qui ne peut être que fédérale, il faut que les jeunes Européens soient élevés dès maintena
1062 son union, qui ne peut être que fédérale, il faut que les jeunes Européens soient élevés dès maintenant dans un climat ment
1063 e. Et du même coup, elle tend à nous faire croire que cet État-nation a toujours existé, telles une Idée platonicienne ou u
1064 La condition sine qua non Si donc l’on veut que l’Europe de l’an 2000 soit gérée par les Européens, c’est-à-dire ait
1065 ropéens, c’est-à-dire ait fait son union, il faut que l’École cesse d’enseigner que les seules réalités sont les États-nati
1066 son union, il faut que l’École cesse d’enseigner que les seules réalités sont les États-nations, car ceux-ci par principe
1067 té et non dans les discours ministériels. Il faut que l’École cesse d’enseigner que la souveraineté nationale est un absolu
1068 nistériels. Il faut que l’École cesse d’enseigner que la souveraineté nationale est un absolu religieux, le seul que l’on v
1069 aineté nationale est un absolu religieux, le seul que l’on vénère encore et que les Pouvoirs de l’Ouest comme de l’Est invo
1070 solu religieux, le seul que l’on vénère encore et que les Pouvoirs de l’Ouest comme de l’Est invoquent comme le suprême rec
1071 mme le suprême recours contre les mesures d’union que tout appelle. Il faut que l’horizon de l’enseignement ne soit plus la
1072 tre les mesures d’union que tout appelle. Il faut que l’horizon de l’enseignement ne soit plus la nation et ses mythes orgu
1073 s par ses ministres et les députés de son parti — que « l’Europe va de Gibraltar à l’Oural ». Et sa politique étrangère se
1074 erreur de « grandeur » aussi manifeste ? (On sait que l’Oural, chaîne de collines et petit fleuve affluent de la Volga, en
1075 de mes étudiants sur ce problème. Ils ont trouvé que la grande majorité des manuels d’histoire et de géographie des années
1076 tat — cependant que l’Armée alignait les corps et que la Presse alignait les curiosités — c’est de l’École que doit venir l
1077 Presse alignait les curiosités — c’est de l’École que doit venir le remède. Partant de cette grande évidence, nous nous pos
1078 ns les grandes lignes d’un programme aussi simple qu’ ambitieux : faire l’Europe en formant aujourd’hui les Européens de dem
1079 européennes, CERN. Mais elle ne deviendra vivante que par les citoyens qui la vivront, conscients de leurs devoirs envers c
1080 s envers ce grand ensemble générateur de libertés que constitue leur civilisation. Mais comment devenir citoyen d’un pays q
1081  : l’École ? Or l’École fait des citoyens pour ce qu’ on veut, et trop souvent, pour ce que l’État lui demande. Longtemps el
1082 yens pour ce qu’on veut, et trop souvent, pour ce que l’État lui demande. Longtemps elle a fait des citoyens pour la nation
1083 s grande, voire excessive pour notre petit staff, que les appuis financiers nous ont été plus chichement mesurés, comme on
1084 us ont été plus chichement mesurés, comme on sait qu’ il est de règle dans notre société « européenne » par antiphrase — en
1085 européen. Or, je ne vois aucune méthode meilleure que celle qu’ont adoptée, depuis dix ans, les associations d’enseignants
1086 Or, je ne vois aucune méthode meilleure que celle qu’ ont adoptée, depuis dix ans, les associations d’enseignants à vocation
1087 l’Europe, n’ont-ils pas prouvé depuis des siècles qu’ ils étaient là pour l’empêcher de se faire ? Ce ne sont pas les grande
1088 de Luxembourg qui feront l’Europe — s’il est vrai qu’ elles y contribuent avec une indéniable compétence dans leurs domaines
1089 dmettra l’urgence de la Campagne, et l’on fera ce qu’ il faut pour qu’elle soit efficace. Pédagogie écologique, ou de l’u
1090 , ou de l’utilité des catastrophes On nous dit que les esprits ne sont pas mûrs pour l’union des Européens. Quand le ser
1091 s. Quand le seront-ils jamais sans la préparation que , dans l’état actuel des choses, l’École seule est en mesure de leur d
1092 s politiques, au sens de stratégie de l’humanité. Qu’ il me suffise d’une phrase-image pour résumer toute la révolution que
1093 une phrase-image pour résumer toute la révolution que nous appelons, qui n’est ni de gauche ni de droite, qui n’oppose au p
1094 che ni de droite, qui n’oppose au profit matériel que l’honneur et le bonheur humain, et dont dépendra l’avenir non seuleme
31 1972, Articles divers (1970-1973). Autopsie d’un cas : Denis de Rougemont (15 mars 1972)
1095 les années 1930, quand je suis arrivé à Paris et que j’ai tout de suite collaboré avec des groupes de jeunes écrivains, so
1096 Quelle était votre définition de la personne ? Ce que nous appelions personne, c’est l’homme à la fois libre et responsable
1097 ndividu isolé. Ce n’était pas le soldat politique qu’ on nous montrait dans les pays totalitaires. Nous étions contre l’atom
1098 le ciment — c’est avec la poussière des individus que l’État fait son ciment — le couple personne/communauté, en insistant
1099 tre à la fois libre et responsable, deux qualités que nous ne pouvions séparer. Sur cette base de fédéralisme et de personn
1100 ologie de la culture ou de la morale. C’est ainsi que j’ai écrit un de mes premiers livres. Il est intitulé : Penser avec
1101 a Suisse. Mais aussi pour y faire jouer une pièce que j’avais écrite pour l’Exposition nationale de 1939 et qui avait été m
1102 s resté six ans. Je ne suis rentré définitivement qu’ en 1947. Aux États-Unis, j’ai découvert l’Europe. Il fallait donc s’él
1103 en relation les uns avec les autres. C’est ainsi que je suis devenu ami d’André Breton et de tout le groupe des peintres s
1104 urs, parce qu’il était un des parleurs des textes que j’écrivais pour la voix de l’Amérique parle aux Français. Ainsi, à ma
1105 n pays neutre, j’ai pu faire la guerre, ne fût-ce que sur les ondes, en écrivant des textes d’émissions. Je suis donc rentr
1106 . Dans ses conférences, il répétait tout le temps que l’homme est à la fois libre et responsable et que l’homme doit s’enga
1107 que l’homme est à la fois libre et responsable et que l’homme doit s’engager. Alors, un jour, je lui ai dit : « J’espère qu
1108 gager. Alors, un jour, je lui ai dit : « J’espère que vous savez où vous avez pris cela. » Il m’a répondu : « Je le sais tr
1109 dit à personne d’autre… Mais il est bien évident que cette définition de l’homme et ce terme d’engagement, vous les retrou
1110 . Dix ans plus tôt. Vous rentrez donc en Suisse. Que se passe-t-il ? Pendant la guerre, je m’étais aperçu que ma doctrine
1111 passe-t-il ? Pendant la guerre, je m’étais aperçu que ma doctrine du fédéralisme était illustrée par la pratique suisse. Qu
1112 déralisme était illustrée par la pratique suisse. Que j’avais apprise à l’école mais que je n’avais jamais très bien compri
1113 atique suisse. Que j’avais apprise à l’école mais que je n’avais jamais très bien comprise. Alors, je me suis dit que maint
1114 jamais très bien comprise. Alors, je me suis dit que maintenant il fallait faire l’Europe. Qu’on ne pouvait unifier l’Euro
1115 uis dit que maintenant il fallait faire l’Europe. Qu’ on ne pouvait unifier l’Europe sur le modèle hitlérien ou napoléonien,
1116 l’Europe sur le modèle hitlérien ou napoléonien, qu’ on ne pouvait pas non plus faire l’Europe avec l’État-nation. Il falla
1117 la base et en remontant de plus en plus, à mesure que les tâches envisagées devenaient plus vastes. Mon fédéralisme est bas
1118 les cantons — on ne commence à parler des cantons qu’ aux xviiie et xixe siècles — constituent la base de la Suisse. Et je
1119 — constituent la base de la Suisse. Et je trouve que le système marche très bien. Il autorise toutes les diversités qui ti
1120 utit à quelque chose de créateur. Et ces tensions qu’ on n’essaie pas de réduire ou d’anéantir mais qu’on conserve et qu’on
1121 qu’on n’essaie pas de réduire ou d’anéantir mais qu’ on conserve et qu’on tâche d’équilibrer aboutissent à une très grande
1122 s de réduire ou d’anéantir mais qu’on conserve et qu’ on tâche d’équilibrer aboutissent à une très grande vitalité civique.
1123 de notre première ambition. Puisqu’il s’est avéré que le Conseil de l’Europe n’était pas du tout ce que nous voulions, n’ét
1124 que le Conseil de l’Europe n’était pas du tout ce que nous voulions, n’était pas du tout la représentation des « forces viv
1125 n restant sur le plan des États-nations. C’est ce que j’attaque maintenant à boulets rouges. Comment voulez-vous réussir l’
1126 ndant sur l’obstacle par excellence à toute union qu’ est l’État-nation ? C’est une tâche absolument impossible que se sont
1127 at-nation ? C’est une tâche absolument impossible que se sont assignée les États. Selon vous, l’Europe actuelle n’est qu’un
1128 ée les États. Selon vous, l’Europe actuelle n’est qu’ une juxtaposition d’États ? Moi, j’appelle cela l’amicale des misanthr
1129 al de Gaulle. Et alors, on ne voit pas du tout ce que ces pays veulent faire ensemble. Sinon, en cas de crise, conseiller a
1130 s bénéfices aux dépens de leurs voisins. Voilà ce qu’ on a vu dans la crise monétaire récente et ce qu’on verra chaque fois
1131 qu’on a vu dans la crise monétaire récente et ce qu’ on verra chaque fois qu’il y a une crise économique. Ça, c’est la mora
1132 as déçu. Je n’y ai jamais cru. Je n’ai jamais cru que cette Europe-là pouvait se faire. Mais j’ai pensé qu’il valait mieux
1133 cette Europe-là pouvait se faire. Mais j’ai pensé qu’ il valait mieux que les États pratiquent cet hommage que le vice rend
1134 vait se faire. Mais j’ai pensé qu’il valait mieux que les États pratiquent cet hommage que le vice rend à la vertu, qui est
1135 valait mieux que les États pratiquent cet hommage que le vice rend à la vertu, qui est cette hypocrisie de l’union, plutôt
1136 ertu, qui est cette hypocrisie de l’union, plutôt que de se faire la guerre. Quel est le lien entre votre doctrine du maria
1137 tre doctrine du mariage et celle du fédéralisme ? Qu’ est-ce que le mariage ? C’est la coexistence de deux êtres qui, je l’a
1138 ne du mariage et celle du fédéralisme ? Qu’est-ce que le mariage ? C’est la coexistence de deux êtres qui, je l’ai dit, ont
1139 complètement supérieur à l’autre. Je préfère dire que l’homme est supérieur à la femme et la femme supérieure à l’homme. Pl
1140 la femme et la femme supérieure à l’homme. Plutôt que de dire qu’ils sont égaux parce que l’égalité évoque quelque chose qu
1141 la femme supérieure à l’homme. Plutôt que de dire qu’ ils sont égaux parce que l’égalité évoque quelque chose qui anéantit l
1142 unions pour sauvegarder les autonomies. Voilà ce que j’ai découvert dans l’histoire de la Suisse. Pourquoi ce pays s’est-i
1143 e s’est pas faite pour créer une union plus forte que les voisins. Elle s’est fait uniquement pour maintenir les autonomies
1144 communes, de chacun des cantons. Voilà le système que je voudrais étendre de proche en proche à toute l’Europe, en suivant
1145 rales européennes : le Marché commun, à condition que celui-ci reste dans ses compétences qui sont essentiellement économiq
1146 vaste puisqu’elle va jusqu’au milieu du Valais et qu’ elle descend assez bas dans la vallée du Rhône, à certains égards jusq
1147 t tenir compte des frontières actuelles autrement que pour des questions d’état civil. N’est-ce pas une utopie ? L’utopie,
1148 usieurs régions selon les fonctions, car c’est ce que nous faisons tous dans notre vie actuelle ; nous relevons tous d’un t
1149 n tas de réalités différentes. L’utopie, c’est ce qu’ a fait Napoléon : l’État-nation. C’est de la démence, de la folie. Pen
1150 i sont hétérogènes. Très souvent, les gens disent que mon modèle est folie pure. Que c’est une complication ce que je veux
1151 t, les gens disent que mon modèle est folie pure. Que c’est une complication ce que je veux faire. Alors, voici mon exemple
1152 èle est folie pure. Que c’est une complication ce que je veux faire. Alors, voici mon exemple personnel. Je suis né à Neuch
1153 n’a pas les mêmes frontières ni les mêmes langues que le canton. De plus, je suis écrivain français. Donc, je fais partie d
1154 n n’est plus simple. Au fond, nous vivons dans ce que j’appelle la pluralité des allégeances. L’utopie, c’est vouloir que t
1155 luralité des allégeances. L’utopie, c’est vouloir que toutes mes allégeances soient limitées par une même frontière. C’est
1156 soient limitées par une même frontière. C’est ce qu’ ont voulu tous les créateurs d’États totalitaires, à commencer par Nap
1157 reusement, beaucoup de gens conçoivent avec peine que c’est de la folie pure. Ils croient que l’État-nation a été créé par
1158 vec peine que c’est de la folie pure. Ils croient que l’État-nation a été créé par Dieu le septième jour de la création, qu
1159 té créé par Dieu le septième jour de la création, que c’est le sommet de l’histoire, qu’on ne peut pas le dépasser et que c
1160 e la création, que c’est le sommet de l’histoire, qu’ on ne peut pas le dépasser et que c’est de la rêverie absurde de voulo
1161 t de l’histoire, qu’on ne peut pas le dépasser et que c’est de la rêverie absurde de vouloir dépasser ce stade. Or, l’État-
1162 Europe ; sinon, nous serons colonisés un peu plus que nous ne le sommes par l’économie américaine et nous risquons d’être c
1163 ion, sans subordination. Ce sont les mêmes termes que j’ai utilisés pour définir le couple et définir la coexistence des au
1164 . Chaque homme a sa vocation propre, c’est-à-dire qu’ il part de là où il est, qui est un endroit unique au monde et doit cr
1165 unauté par l’exercice de cette vocation. C’est ce que j’ai de plus fondamentalement protestant. À part cela, je suis pour u
1166 uménique dépassant définitivement les confessions que j’estime valables dans la mesure où il y a des tempéraments religieux
1167 rt à cœur depuis quelques années : j’ai découvert que l’humanité, aujourd’hui, se voit contrainte de choisir librement son
1168 elle se développait un peu au hasard ; on pensait qu’ il y avait des ressources naturelles, de la place, de l’eau, de l’air
1169 soin de politique de développement car on pensait que le progrès était infini, que tout allait s’arranger si on produisait
1170 ement car on pensait que le progrès était infini, que tout allait s’arranger si on produisait plus. Bref, c’était la foire
1171 is ou quatre ans dans l’opinion publique, on sait qu’ il n’en est rien. Et que nous touchons partout des limites. Les ressou
1172 opinion publique, on sait qu’il n’en est rien. Et que nous touchons partout des limites. Les ressources naturelles ne sont
1173 és. Or, jusqu’ici, il n’y avait d’autre politique que cette finalité générale qu’est le profit, la croissance, l’augmentati
1174 ait d’autre politique que cette finalité générale qu’ est le profit, la croissance, l’augmentation quantitative, mesurable.
1175 -nous la liberté des personnes ? Suivant le choix que chacun doit faire librement, tout le reste change. Si nous choisisson
1176 vécu pendant plus de vingt ans. Un portail vert. Qu’ on ouvre et qu’on referme précipitamment, dès les premiers aboiements
1177 lus de vingt ans. Un portail vert. Qu’on ouvre et qu’ on referme précipitamment, dès les premiers aboiements de Furax, un be
1178 Centre européen de la culture, à Genève, institut qu’ il a créé en 1950. Mais, Denis de Rougemont est avant tout, à sa maniè
1179 re, un Européen. Sa grande idée : le fédéralisme. Qu’ il définit ainsi : “S’unir pour permettre aux autonomies de rester aut
32 1972, Articles divers (1970-1973). Je rentrais de l’espace… (27-28 mai 1972)
1180 e une femme qui vient, comme une patrie d’enfance qu’ on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’elle au monde ! Puis un
1181 ce qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’ elle au monde ! Puis une ombre innombrable vient à notre rencontre, no
1182 ouchés par le soleil rasant, ah ! ce ne peut être que l’Europe ! Ces champs morcelés et striés dans tous les sens, et ces f
1183 e industrielle. Or, il y a plus de deux-cents ans que l’on déplore son urbanisation dévergondée. Rousseau déjà jugeait que
1184 n urbanisation dévergondée. Rousseau déjà jugeait que la Suisse de son temps ne constituait plus qu’une seule ville. Il ne
1185 it que la Suisse de son temps ne constituait plus qu’ une seule ville. Il ne parlait que du Plateau, ce « Pays des Collines 
1186 onstituait plus qu’une seule ville. Il ne parlait que du Plateau, ce « Pays des Collines », comme disent les Suisses aléman
1187 rts alpestres et les sombres forêts du Jura. Mais que dirait-il aujourd’hui, où sa constatation, très abusive alors, est en
1188 là en chemin de fer, et vous ne verrez plus guère que maisons et fabriques, jardins bien clos et entrepôts, garages, silos.
1189 sons, du Tessin et du Valais, et vous découvrirez que leur plan s’est développé soit à partir d’un château sur sa colline,
1190 st la place, d’une commune, au sens très virulent que prit le mot de l’Ombrie au nord de la France et aux Flandres, au xiii
1191 la mairie, tension entre l’autorité, tant civile que religieuse, et l’humeur frondeuse des cafés où naissent les rumeurs p
1192 re de la cité qui a permis la démocratie, on voit que cette dernière trouve ses ennemis mortels dans deux facteurs des plus
1193 de personne. Car c’est dans la rue, sur la place que se formait l’opinion publique, quand les hommes pouvaient se rencontr
1194 se rencontrer. Or, il n’est pas de pays au monde que le gigantisme humain menace dans ses fondements plus que la Suisse. C
1195 gigantisme humain menace dans ses fondements plus que la Suisse. Car la Suisse tire sa raison d’être et les conditions même
1196 e La Chaux-de-Fonds, qui n’a guère fait en Suisse que la maison de sa mère, ira bâtir des capitales en Inde et sera l’inspi
33 1972, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)
1197 Qu’ est-ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)ar
1198 Qu’est-ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)ar 1. C
1199 thèses et une hypothèse (juin 1972)ar 1. Ce qu’ elle n’est pas La culture ne consiste pas à lire des romans, à parl
1200 ction, quelque chose qui distingue du vulgaire et que l’on acquiert par des études. Elle n’est pas l’affaire des « salons »
1201 e quelques amateurs de clichés, qui ne savent pas qu’ il n’y a plus de salons, qu’ils ont été remplacés depuis le xviiie si
1202 és, qui ne savent pas qu’il n’y a plus de salons, qu’ ils ont été remplacés depuis le xviiie siècle par les cafés, et qu’il
1203 placés depuis le xviiie siècle par les cafés, et qu’ il n’y a plus de cafés littéraires depuis vingt ans, même à Paris. La
1204 bstenir, et de s’inscrire dans un parti. 2. Ce qu’ elle est en tous cas La culture est l’ensemble des valeurs (tabous
1205 ègre au long des jours, qui forment son esprit et qu’ il assume plus ou moins complètement et combine plus ou moins activeme
1206 aux, et, pour quelques-uns, la lecture). 3. Ce qu’ il se peut qu’elle soit « La culture est ce qui reste quand on a to
1207 quelques-uns, la lecture). 3. Ce qu’il se peut qu’ elle soit « La culture est ce qui reste quand on a tout oublié », d
1208 « remémoré » par la réactivation de la structure qu’ il a créée, répondant à un stimulus extérieur. Le message se voit ains
1209 en synchronie virtuelle à chaque instant, encore que son actualisation quasi instantanée soit souvent empêchée par des blo
1210 acteurs, est dix fois, ou cent fois plus ancienne que nos divisions nationales. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? », dit l’Eu
1211 ois plus ancienne que nos divisions nationales. «  Qu’ as-tu que tu n’aies reçu ? », dit l’Europe aux nations. Elles n’ont en
1212 ancienne que nos divisions nationales. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? », dit l’Europe aux nations. Elles n’ont en propre q
1213 , dit l’Europe aux nations. Elles n’ont en propre que leurs vanités, leurs chauvinismes, partout pareils et qui ne les dist
1214 rien. Il n’y a pas plus de « musique française » que de « mathématiques soviétiques » ou de « chimie allemande ». Toutes l
1215 anticipation de frontières qui ne seront tracées que plusieurs siècles plus tard au hasard des batailles et des traités co
1216 onfusion générale. Inutile d’insister sur le fait que ces frontières ont peu de rapports avec la sagesse politique, aucun r
1217 tracé des frontières, ou le drapeau ou la monnaie qu’ on y vénère. La seule culture qui puisse être sucée avec le lait, assi
1218 s frontières étatiques dont la réalité n’est plus que négative. 5. La contestation comme tradition centrale de la cultur
1219 s cultures totalitaires modernes tant communistes que fascistes) visaient à l’homogène, à l’uniforme, à l’orthodoxie sans d
1220 ative. Mais il résulte aussi de ce grand paradoxe qu’ une contestation qui refuse de discuter avec la tradition s’annule en
1221 s. C’est la faiblesse irrémédiable des gauchistes que de vouloir esquiver l’affrontement avec la tradition des pères, de pe
1222 res, de peur d’être « récupérés » par le fantasme qu’ ils appellent « Système ». Nier le père ne résout pas le complexe d’Œd
1223 prévaut contre l’indifférence, qui n’est souvent qu’ angoisse refoulée. Elle l’abolit en création. Tel est le sens. ar.
1224 n. Tel est le sens. ar. Rougemont Denis de, «  Qu’ est-ce que la culture ? Quatre thèses et une hypothèse », Cahiers de l
1225 le sens. ar. Rougemont Denis de, « Qu’est-ce que la culture ? Quatre thèses et une hypothèse », Cahiers de l’Alliance
34 1973, Articles divers (1970-1973). La Merveilleuse histoire de Tristan et Iseut [préface] (1973)
1226 ntexte culturel et historique, ont fait bien plus qu’ une œuvre scientifique et « sérieuse » aux yeux de leurs confrères : i
1227 leur œuvre en une seule expression moins pédante qu’ elle ne paraît à première vue : avec la légende de Tristan, c’est l’ét
1228 de de Tristan, c’est l’étymologie de nos passions que ces savants ont retrouvée. Selon Littré : Les étymologies servent à
1229 ie et xiiie siècles, expriment bien autre chose qu’ un thème romanesque, fût-il même le thème exemplaire, l’archétype de t
1230 d’un des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’ est-ce qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet
1231 rands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’ un mythe, et qu’est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces grands
1232 l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu’ est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au pu
1233 dentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au public une j
1234 au public une justification de l’usage personnel qu’ il a fait. Un mythe, c’est une histoire, généralement très simple et i
1235 ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui donnent un peu trop facilement les poètes du siècle dernier, ni d
1236 as celle du corps ni celle de l’intellect, encore qu’ elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais qui est bien plutôt celle
1237 ence de l’âme. Or, c’est dans le mythe de Tristan qu’ il a trouvé son expression la plus totale, délicieuse et tragique à la
1238 élicieuse et tragique à la fois. C’est à ce mythe qu’ il doit, depuis le xiie siècle, et dans nos sociétés occidentales, so
1239 c’est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, plus fort que la vie quotidienne, plus fort que la vie qui dé
1240 mythe de l’amour plus fort que la vie, plus fort que la vie quotidienne, plus fort que la vie qui dégrade, assagit, amorti
1241 vie, plus fort que la vie quotidienne, plus fort que la vie qui dégrade, assagit, amortit, et réduit aux routines. C’est l
1242 nt un jour dans l’instant du premier regard, mais que le temps modifie fatalement, créant un risque permanent de dissonance
1243 rice à peine connue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustre en
1244 mythe de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’ il illustre en sa simplicité majestueuse, c’est l’intensité de l’amour
1245 arnation présente. C’est l’amour de l’Amour, plus que de l’être aimé dans sa réalité toujours irréductible à l’image idéale
1246 sa réalité toujours irréductible à l’image idéale que la passion s’en fait. Cette image, étant idéale, doit rester à jamais
1247 ité est lourdement présente. Elle ne saurait donc que freiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’est pas amour, qui
1248 contemporain de nos légendes tristaniennes. Mais qu’ est-ce alors, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi ? Ce n’est p
1249 cralisé par l’Église. C’est le mariage. Constater que Tristan est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’
1250 an est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’est reconnaître aussi que la vraie victime du mythe n’est p
1251 our plus fort que la vie, c’est reconnaître aussi que la vraie victime du mythe n’est pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’es
1252 mythe, dans nos mœurs et coutumes, ne serait-elle que l’histoire d’une longue profanation ? Faut-il penser que les pouvoirs
1253 istoire d’une longue profanation ? Faut-il penser que les pouvoirs du mythe sont épuisés et que nous serons peut-être les d
1254 penser que les pouvoirs du mythe sont épuisés et que nous serons peut-être les derniers à subir son « tourment délicieux »
1255 tait vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme elle-même, la fonction émotive, dans l’homme contemporain
1256 e, des obstacles opposés à la passion. Or on sait que la passion vit d’obstacles, naturels ou sacrés, coutumiers ou légaux 
1257 acles, naturels ou sacrés, coutumiers ou légaux ; qu’ elle s’en nourrit et même les invente au besoin. Sans les obstacles ac
1258 linant devant les « droits divins de la passion » qu’ inventera bien plus tard le romantisme, puis acceptant le divorce et p
1259 mantisme, puis acceptant le divorce et permettant que la reine convole en justes noces avec le chevalier. Et l’on recule ép
1260 enant Madame Tristan ! C’est pourtant bien à cela que nous en sommes aujourd’hui, dès lors que le mariage n’est plus un lie
1261 sacré, adversaire à la taille de la passion ; et que , loin de provoquer celle-ci par ses refus intransigeants, il prétend
1262 il faut en croire nos romanciers. Ils savent bien que le roman véritable n’est jamais qu’une version renouvelée de l’archét
1263 s savent bien que le roman véritable n’est jamais qu’ une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut. Ils cherche
1264 s viennent à céder, c’en sera fait de la passion. Que deviendront nos romanciers ? Il leur reste le réalisme, le regard pse
1265 sociologues, la passion doit mourir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’obs
1266 ous dis que je n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’obstacles choisis, et que notre culture tend
1267 que la passion se nourrit d’obstacles choisis, et que notre culture tend à les supprimer, il reste un obstacle suprême, cel
1268 és, ont cédé à nos sciences, ou c’est tout comme. Qu’ en est-il du dernier barrage que notre condition d’êtres finis oppose
1269 c’est tout comme. Qu’en est-il du dernier barrage que notre condition d’êtres finis oppose à notre amour d’un être, à l’Amo
1270 la passion vit de séparations, il est bien clair que la séparation la plus irrémédiable est dans la mort, et toutes nos sc
1271 ces, ici, se récusent et se taisent. Or c’est ici que la passion mythique va se dresser dans sa pleine stature. En buvant l
1272 mour, un amour qui s’adresse à la part immortelle que lui seul pourra deviner, ou susciter dans l’autre ; la part de l’Ange
1273 rque, en proie au mythe, ose parler d’un plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier a
1274 d’un plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’ il me donne l’audace de négocier avec la mort. Et Wagner, le dernier
1275 mort. Et Wagner, le dernier auteur de la légende qu’ il a su recréer d’après nature, s’inspirant de Gottfried de Strasbourg
1276 son état déchu. Je ne puis m’empêcher d’imaginer que cette « rencontre aurorale » avec le moi céleste en forme d’ange, et
1277 seut n’évoque-t-elle point cette forme de lumière qu’ on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été, sur la Terre, le
1278 lle point cette forme de lumière qu’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été, sur la Terre, le véritable objet
1279 serait dès ici-bas, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit un Autre impénétrable ne tient pas à quelque interdit, à
1280 ue tabou religieux, à quelque décret de la morale que l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’être même, au fait d
1281 ions. Et ce n’est pas seulement de la littérature qu’ ils ont bien mérité, mais de l’âme. ⁂ Comment résister à la tentation
1282 étique au lyrisme contenu qui n’éclate malgré lui que dans l’épisode bref, tel Tristan fou ; Mary plus pittoresque et foiso
1283 artie (départ) = departure Il doit être évident que ces restitutions sont dans la tradition de tous les textes que nous t
1284 tutions sont dans la tradition de tous les textes que nous tenons pour les « originaux » de la légende, et qui, en fait, n’
1285 la légende, et qui, en fait, n’étaient eux-mêmes que des versions renouvelées, souvent critiques et parfois polémiques, de
1286 des auteurs de Tristan, à peu près au même titre que Béroul ou Thomas, Gottfried, Eilhart, Chrétien de Troyes, ou l’auteur
1287 inis ses douleurs ! » Il en reste chez Bédier : «  Que m’importe de mourir ! » — chez Mary, rien du tout, ce qui vaut sans d
1288 , Paris, 1960. 19. L’adjectif « français », plus que littérairement élogieux, quasi sacré, revient d’une manière obsédante
35 1973, Articles divers (1970-1973). Université et universalité (janvier 1973)
1289 olitique ou logique. Ou simplement, la conviction que la réalité n’est pas divisée en compartiments correspondant aux facul
1290 ogie, à la psychologie ou à la politologie autant qu’ à l’automation industrielle. Exemples de b) L’amour-passion. J’ai étu
1291 L’Amour et l’Occident . J’ai très vite pressenti que la forme d’amour que je cherchais à décrire ne pouvait être saisie pa
1292 t . J’ai très vite pressenti que la forme d’amour que je cherchais à décrire ne pouvait être saisie par aucune de nos disci
1293 turelle, etc.) isolément, ne devenait saisissable qu’ au lieu même de leur convergence, là où il s’était constitué. Cela fut
1294 virtuel, dans son évolution. L’Europe n’apparaît qu’ à leur carrefour, elle est définie par leurs intersections, et ses rel
1295 eurs intersections, et ses reliefs ne se révèlent qu’ au croisement de leurs faisceaux lumineux. De même, s’agissant des rég
1296 rontaliers) ne peut être concrétisée, actualisée, que par des approches multiples et simultanées, à partir de presque toute
1297 Ces recherches sont métaphoriques, s’il est vrai que la métaphore naît du rapprochement de deux phénomènes très éloignés,
1298 approchement de deux phénomènes très éloignés, et que la lumière qui jaillit de l’opération éclaire des structures communes
1299 rité requise par l’objet d’études ne peut exister qu’ à des degrés très variables chez les sujets qui la pratiquent, enseign
36 1973, Articles divers (1970-1973). De Genève à l’Europe par les régions (mars 1973)
1300 oses de haut, par grands ensembles, on s’aperçoit qu’ une loi commande l’apparition du phénomène régional en cette seconde m
1301 qui domine l’Europe depuis un siècle et demi, et que tous les pays du monde copient comme si c’était le dernier mot du Pro
1302 u Progrès, l’aboutissement suprême de l’Histoire. Qu’ est-ce que l’État-nation ? C’est la mainmise d’un appareil étatique —
1303 l’aboutissement suprême de l’Histoire. Qu’est-ce que l’État-nation ? C’est la mainmise d’un appareil étatique — réalité ab
1304 on — réalité concrète, affective et « mystique », que l’on enferme désormais dans des frontières d’autant plus rigides qu’e
1305 sormais dans des frontières d’autant plus rigides qu’ elles sont plus arbitraires, pour la commodité des seuls fonctionnaire
1306 es territoriales à des réalités aussi hétérogènes que la langue parlée à la surface et l’exploitation du sous-sol, l’économ
1307 dire à la fois plus universel et plus particulier que celui des nations modèle xixe siècle. À mesure que les frontières di
1308 e celui des nations modèle xixe siècle. À mesure que les frontières dites « historiques » ou « naturelles » selon les cas
1309 , d’un chauvinisme local plus irrespirable encore que l’autre, si elle ne répondait en réalité à une prise de conscience eu
1310 reconnaissance de l’obstacle majeur à cette union que constituent les prétentions de l’État-nation à une souveraineté sans
1311 lle peut encore tout bloquer) amènent à constater que si l’on veut faire l’Europe il faut ouvrir le cadre stato-national et
1312 ue régionale. Là encore, on constate bien souvent que les tempéraments ethniques jouent un rôle économique indiscutable…
1313 aris et le désert français. On voit tout de suite que les régions ethniques et les régions économiques ne sauraient coïncid
1314 ou de transports. L’exemple des diverses régions qu’ il y aurait lieu d’organiser autour de Genève est particulièrement fra
1315 éritées d’autres âges. De la création des régions que je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le
1316 définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le pays de Gex, la Savoie, la Romandie tout entière et, dans une mesu
1317 tre avenir prochain, j’imagine quelques solutions qu’ il va s’agir de réaliser simultanément : 1. Créer des agences fédérale
1318 su européen qui finira par se révéler plus solide que les liens administratifs subsistant entre chaque région et sa capital
1319 nt-ils pas trop longs face à l’urgence des périls que court l’Europe, j’entends sa colonisation par une hégémonie politique
1320 res. S’il est vrai, comme je l’ai toujours pensé, que nous n’avons pas à prévoir notre histoire, mais à la faire. aw. R
37 1973, Articles divers (1970-1973). Recréer la place publique (1er juillet 1973)
1321 er la place publique (1er juillet 1973)bc Dire que j’approuve les idées de ces douze articlesbd serait faible : je m’y r
1322 difficiles et abstraites sous la forme condensée que demande le journal. Je voudrais souligner une idée dominante : que le
1323 urnal. Je voudrais souligner une idée dominante : que les structures d’une cité peuvent interdire la vie communautaire — c’
1324 -il décrire ces structures. J’ai toujours soutenu que la démocratie, au sens actif et créatif du mot, n’est pas possible, s
1325 du village, du quartier, de la ville, n’est plus qu’ un parking, et si les rues sont livrées aux autos qui essaient au mieu
1326 ublique », à la bonne heure ! Mais encore faut-il qu’ elles existent, cette rue, cette place publique, où le beau mot de voi
1327 ialisée ». Pour nous y préparer, lisons Proudhon, que l’on trouve aujourd’hui en livre de poche. L’affaire Lip est déjà pré
38 1973, Articles divers (1970-1973). L’Europe, c’est d’abord une culture (juillet-août 1973)
1328 uer aucun rôle à l’échelle mondiale. Elle ne peut que subir l’histoire faite par les autres, les guerres des autres, les co
1329 s autres. Mais l’Europe ne pourra jamais se faire que selon la formule fédéraliste, respectueuse des diversités et des auto
1330 es deux cas, l’expérience séculaire ou millénaire qu’ ils prétendaient inaugurer n’a duré qu’une douzaine d’années. La Suiss
1331 millénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’a duré qu’ une douzaine d’années. La Suisse fédérale, en regard, approche du viie
1332 e siècle de sa continuité historique, continuité que l’on peut faire remonter au pacte secret de 1273, unissant trois « co
1333 ment dit, leur droit de différer. Or il se trouve que cette formule fédéraliste, seule pratiquement possible pour l’Europe,
1334 ainte mais en fait toujours plus illusoire — sauf qu’ elle bloque tout. Mais c’est ici aussi que l’on rejoint la culture. Ca
1335 — sauf qu’elle bloque tout. Mais c’est ici aussi que l’on rejoint la culture. Car c’est bien la culture — l’École, la pres
1336 ons élèves et de maîtres eux-mêmes trop crédules, que l’État national, « Un et indivisible » selon la formule jacobine, cen
1337 ou Hollandais, contre toute évidence historique, que la France, l’Allemagne, l’Italie ou la Hollande sont immortelles, ce
1338 e ou la Hollande sont immortelles, ce qui suggère qu’ elles auraient existé de toute éternité, alors qu’en vérité, pour la p
1339 ques des historiens20. Mais si l’on peut admettre que l’État français existe réellement depuis Philippe le Bel — « empereur
1340 eur en son royaume » —, il est absolument certain que l’Italie comme État n’a que 112 ans, l’Allemagne 102, la Norvège 70,
1341 st absolument certain que l’Italie comme État n’a que 112 ans, l’Allemagne 102, la Norvège 70, la Tchécoslovaquie, la Yougo
1342 l’Islande 28, et Malte 11. L’École nous a raconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à
1343 turelles. Et nous l’avons cru ! Nous croyons donc que chacun de nos États-nations a sa langue et que ses frontières coïncid
1344 nc que chacun de nos États-nations a sa langue et que ses frontières coïncident avec elle. Nous croyons que les Européens s
1345 ses frontières coïncident avec elle. Nous croyons que les Européens sont trop différents les uns des autres pour s’unir et
1346 trop différents les uns des autres pour s’unir et qu’ on ne pourra jamais les fédérer, parce que leurs vingt-huit États-nati
1347 ir un pouce de leur sacro-sainte souveraineté, et qu’ ils sont immortels. Or tout est faux dans cet enseignement, et dans le
1348 de plus. Mais à l’Université même, on ne parlait qu’ en latin, et l’on ignorait tout des appartenances « nationales » au se
1349  nationales » au sens moderne du mot. C’est ainsi qu’ à la Sorbonne, vers 1260 — comme me le faisait observer un jour Étienn
1350 res d’un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos stato-nations modernes correspondent à l’aire de diffusion d’une
1351 is au service dévot de l’État-nation. C’est ainsi qu’ on nous a inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses deux rives, m
1352 l’État-nation. C’est ainsi qu’on nous a inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses deux rives, mais que le Rhône les u
1353 e Rhin sépare les peuples de ses deux rives, mais que le Rhône les unit — allez savoir pourquoi ! De même, les Pyrénées sép
1354 e de la France, voilà qui est clair — à condition qu’ un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de
1355 on qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux v
1356 es Basques. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier qu’ on y parle italien des deux côtés au sud, français des deux côtés à la
1357 et le sens même de la vie de l’esprit. La vérité qu’ on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est foncière
1358 de l’esprit. La vérité qu’on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est foncièrement une, et que cette uni
1359 ture de tous nos peuples est foncièrement une, et que cette unité de base permet seule de définir l’Européen. On se rappell
1360 son Génie du christianisme, Chateaubriand montre que le secret de la grande littérature européenne réside dans la synthèse
1361 volutionnaire, André Siegfried pense au contraire que ce sont « les prophètes d’Israël » qui ont « déposé dans notre esprit
1362 qui distingue socialement l’Occident ». La vérité que nous cachent les façades des États-nations, c’est que l’Europe est d’
1363 nous cachent les façades des États-nations, c’est que l’Europe est d’abord une culture, et que cette culture s’est formée à
1364 s, c’est que l’Europe est d’abord une culture, et que cette culture s’est formée à partir des mêmes influences indo-europée
1365 ariables, et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nous soyons cultivés ou non. Toutes les
1366 otre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nous soyons cultivés ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’archi
1367 ée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’ en est-il de ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vr
1368 ’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg, que ces « précieuses diversités » sont celles de nos nations ? Je propose
1369 ants » et des « catholiques ». Or je mets en fait que dans la plupart des cas, les hommes de gauche (ou de droite) de pays
1370 bleront davantage et s’entendront mieux entre eux qu’ ils ne s’entendent avec les hommes de droite (ou de gauche) de leur pr
1371 de droite (ou de gauche) de leur propre nation ; que les surréalistes d’un pays s’accorderont mieux avec les surréalistes
1372 rderont mieux avec les surréalistes de l’étranger qu’ avec les conformistes de leur propre nation ; et ainsi de suite. Ce ne
1373 uralité des écoles de pensée et des styles de vie qu’ on retrouve à divers degrés dans toutes nos nations. Supprimons les fr
1374 querons pas un instant de créer ce fameux volapük que dénonçait de Gaulle, non sans démagogie un peu facile. Seconde observ
1375 elle en Europe est d’autant plus riche et intense qu’ elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Mo
1376 riche et intense qu’elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création s
1377 en mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’ il n’avait pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notr
1378 e l’unité et la diversité, il faut bien constater que l’échelon national ne joue aucun rôle, est simplement omis, inexistan
1379 tion continentale à partir des régions L’Europe que nous devons vouloir et qui est la seule que nous puissions espérer, n
1380 urope que nous devons vouloir et qui est la seule que nous puissions espérer, ne sera jamais un laborieux et problématique
1381 le, ce serait une amicale des misanthropes, chose que l’on peut énoncer mais non pas faire ; car ou bien l’on fait une vrai
1382 ntraire au statut des sujets d’un État-nation, et que je nomme : pluralité des allégeances. Cela veut dire : relever d’une
1383 suis Neuchâtelois de naissance, ce qui veut dire que la communauté et le territoire de l’ancienne principauté indépendante
1384 s est donc la condition du régime fédéraliste tel que je le conçois — seul possible pour l’Europe réelle — et c’est aussi c
1385 oute Église en tant qu’institution, au même titre que tout État-nation. La véritable orthodoxie, la « voie droite », ne sau
1386 e orthodoxie, la « voie droite », ne saurait être que la voie personnelle inventée par chaque vocation : ce que l’instituti
1387 oie personnelle inventée par chaque vocation : ce que l’institution ecclésiastique, tout comme l’État-nation, nomme hérésie
1388 ois, une expérience séculaire montre suffisamment qu’ il n’y a rien à attendre à cet égard des gouvernements comme tels, soi
1389 eut-être d’apporter au monde la guérison des maux qu’ elle y a causés. 20. La France date-t-elle de Clovis, ou des fils d
1390 a théologie, la philosophie et les arts chrétiens que les valeurs bibliques ont fécondé l’Europe. En attendant la grande ex
39 1973, Articles divers (1970-1973). « La famille est devenue un choix » (23 septembre 1973)
1391 ours tourné vers l’avenir, il convient volontiers qu’ il « faut avoir le sens de son histoire personnelle ». On ne connaît p
1392 es Familles bourgeoises de Neuchâtel, on constate que la famille compte parmi les plus anciennes de Besançon. Dans les arch
1393 s Français et je suis complètement Suisse. Est-ce que l’idée de l’unité de l’Europe vous vient de vos ancêtres ? Ce n’est p
1394 une, mais quand j’ai pris des leçons j’ai compris qu’ il ne saurait plus en être question. Vous savez, quand la passion est
1395 nd la passion est devenue un devoir… j’ai compris que j’étais écrivain. J’avais lu un Paradis à l’ombre des épées, de Mont
1396 es épées, de Montherlant. J’ai écrit une critique que j’ai envoyée à une revue à Genève qui l’a publiée. Je n’en étais pas
1397 e. L’hérédité des dons ? Je n’y crois pas. Disons que j’ai eu un milieu favorable. Dans la famille de ma mère, il y avait d
1398 s. L’hérédité des dons, cela n’existe pas. Disons qu’ il y a des dispositions complémentaires chez le père et chez la mère.
1399 Dieu plus grandes, et vers la liberté d’esprit. » Qu’ avez-vous hérité de lui ? Le sens de l’engagement et celui de la justi
1400 ts fort différents. Vous qui vivez dans l’avenir, que pensez-vous de celui de la famille ? La famille est devenue un choix,
1401 mille est devenue un choix, pas une nécessité. Ce que je trouve assez bien. Il y avait une homogénéité dans les familles d’
1402 À partir de ma génération, on faisait autre chose que son père. Vos enfants ? Mon fils est psychologue, ma fille assistante
40 1973, Articles divers (1970-1973). Sur la taille des régions (octobre 1973)
1403 (octobre 1973)be C’est au Technocrate inconnu que l’on doit l’expression, de « taille européenne ». Beaucoup l’emploien
1404 p l’emploient, l’air entendu, mais nul ne sait ce qu’ elle signifie. Les régions, nous dit-on, doivent être de « taille euro
1405 t cette taille ? Qui en décide ? Au nom de quoi ? Que veut-on dire ? On me répond qu’il s’agit de « découper » des régions
1406 Au nom de quoi ? Que veut-on dire ? On me répond qu’ il s’agit de « découper » des régions qui soient assez grandes, assez
1407 s compétitive : l’adjectif ne saurait s’appliquer qu’ à une firme. Dassault, Fiat, Péchiney peuvent être « compétitifs » ave
1408 ront dans l’intention de devenir « compétitifs ». Qu’ en auraient-ils de plus ? Ça n’a pas de sens pour eux. C’est une idée
1409 , de ministre ou de fonctionnaire qui ne raisonne qu’ en termes de pouvoir et de prestige. Ce n’est pas un souci d’homme rée
1410 er sa liberté ; n’est pas de se montrer plus fort que tel voisin par les armes ou par la richesse, mais de rester maître ch
1411 and État sur la petite communauté, on n’en trouve qu’ un : le grand État peut faire de grandes guerres. Pour tout le reste :
1412 e liste, et les grands en queue. Faut-il rappeler que les créations les plus mémorables de la culture européenne sont toute
1413 ocales, jamais de « nations » en tant que telles. Que Rhône-Alpes soit « compétitif » avec Rhein-Westphalen intéresse peut-
1414 rincipe, au moins, d’une décentralisation (encore que le pouvoir central entende l’imposer à sa manière). Ce ne sont là que
1415 al entende l’imposer à sa manière). Ce ne sont là que signes avant-coureurs d’un phénomène beaucoup plus ample et plus prof
1416 us les pays du monde ne peuvent pas exporter plus qu’ ils n’importent, faites le calcul. 23. G. Bidault. be. Rougemont De
41 1973, Articles divers (1970-1973). Une possibilité européenne : la région genevoise (novembre 1973)
1417 politique ou civique24 de demain. ⁂ Il se trouve que le sens commun joue dans le même sens que notre angoisse sociale pour
1418 trouve que le sens commun joue dans le même sens que notre angoisse sociale pour recommander cette formule. Mais il est tr
1419 s, Georges Bidault recevait Molotov dans la villa qu’ occupait la délégation française, à Versoix. De la terrasse, il lui fi
1420 asse, il lui fit admirer le paysage, en précisant que là-bas, de l’autre côté du lac, c’était la France. — Mais où est la f
1421 vent-ils dans quel pays ils sont ? S’il n’y avait que les poissons ! Les vents, les fleuves et les nuages, la faune, la flo
1422 t ni les tempêtes, ni la pollution, ni rien de ce qu’ il faudrait arrêter, mais seulement ce qu’il faudrait laisser passer :
1423 n de ce qu’il faudrait arrêter, mais seulement ce qu’ il faudrait laisser passer : personnes, marchandises, œuvres d’art. « 
1424 ur J. Ancel —, les frontières ne sont plus utiles qu’ aux seuls douaniers, lesquels, pour la plupart, aimeraient faire autre
1425 ls, pour la plupart, aimeraient faire autre chose que de poser huit à neuf-cents fois par jour les mêmes questions convenue
1426 ou manifestement aberrants. On voit tout de suite que les régions ethniques et les régions économiques ne sauraient coïncid
1427 ou de transports. L’exemple des diverses régions qu’ il y aurait lieu d’organiser autour de Genève est particulièrement fra
1428 ritées d’autres âges. De la création des régions que je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le
1429 définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le pays de Gex, la Savoie, la Romandie tout entière, et dans une mesu
1430 empêché la prospérité et l’entente de populations que les cordons douaniers ne séparaient pas. C’est à partir du coup de fo
1431 pas. C’est à partir du coup de force de Poincaré que tout s’est gâté. Et l’on a, sans sagesse ou sans bonne foi, invoqué d
1432 ées, l’évolution historique oubliée (n’en restent que les marmites de l’Escalade), la majorité confessionnelle inversée (54
1433 ant et Stendhal. Rien de plus aisé, si l’on songe qu’ ils ont aimé les mêmes paysages, subi les mêmes bises noires, et résis
1434 ’École, à ses trois degrés, qui nous a convaincus que nous étions différents au point de ne pouvoir rien faire ensemble. C’
1435 re ensemble. C’est par l’École, aux trois degrés, qu’ il faut refaire l’éducation des citoyens, à partir des réalités, qui s
42 1973, Articles divers (1970-1973). Face à la crise de notre continent, l’utopie de Denis de Rougemont : l’Europe des régions (1er-2 décembre 1973)
1436 (1er-2 décembre 1973)bg bh « Grâce aux Arabes, que je remercie officiellement, nous savons tous maintenant que l’Europe
1437 ercie officiellement, nous savons tous maintenant que l’Europe est en crise. Il nous reste à voir que c’est une crise de ci
1438 t que l’Europe est en crise. Il nous reste à voir que c’est une crise de civilisation. » Avec son humour tranquille, Denis
1439 c’est l’Europe des régions. Depuis vingt-cinq ans que tout le monde dit qu’il faut faire l’Europe, on n’a pas avancé d’un m
1440 ions. Depuis vingt-cinq ans que tout le monde dit qu’ il faut faire l’Europe, on n’a pas avancé d’un millimètre, hormis quel
1441 e toute politique énergétique européenne démontre que les États-nations sont incapables de résoudre un tel problème, comme
1442 s seulement leurs industries, comme on ne le voit que trop ces jours-ci… La formule de l’État-nation est à bout de course
1443 st à bout de course Faire l’Europe, pour vous, qu’ est-ce que c’est, concrètement ? Au sens littéral, c’est créer de la s
1444 de course Faire l’Europe, pour vous, qu’est-ce que c’est, concrètement ? Au sens littéral, c’est créer de la substance e
1445 les régions. Les deux opérations ne peuvent être que simultanées : un pouvoir supranational et un tissu de réalités région
1446 n même temps, l’un par l’autre. Mon utopie, c’est qu’ à la longue, ces réalités s’avéreront plus solides que les États actue
1447 la longue, ces réalités s’avéreront plus solides que les États actuels, qui, peu à peu, tomberont en désuétude. La région 
1448 tude. La région ? Pouvez-vous préciser ? Je dirai que c’est une structure de participation civique à base de syndicats de c
1449 ansport ou d’enseignement. Il n’y a aucune raison que ces fonctions correspondent à une seule et même aire géographique. Ci
1450 À l’Institut universitaire d’études européennes, que je dirige, nous étudions le cas de la région lémano-alpine. Nous avon
1451 sion sur les problèmes fondamentaux de sa vie. Ce que les États-nations ne font pas. La participation, l’autogestion civiqu
1452 autogestion civique exige de petites communautés, que Platon imaginait déjà pour sa cité idéale. Un Conseil élu par le p
1453 correspondent plus à grand-chose aujourd’hui. Ce que je souhaite, personnellement, c’est la renaissance d’assemblées polit
1454 ique européenne. Mais ce qui est important, c’est qu’ il existe au-dessus des régions et à leur service une fonction proprem
1455 rentes fonctions particulières. C’est à ce niveau qu’ il faudrait un Conseil élu par le peuple européen et composé non de sp
1456 aleurs, selon certaines finalités communes telles que le respect de la personne et de sa liberté plutôt que de la puissance
1457 le respect de la personne et de sa liberté plutôt que de la puissance collective d’un État, la sauvegarde des équilibres en
1458 des équilibres entre l’homme et la nature plutôt que du seul profit matériel. Et les sociétés multinationales ? Vous
1459 de l’ère actuelle. Comment peut-on croire encore qu’ il y ait des économies nationales ? Il n’y a aucune raison pour qu’une
1460 s guerres et des traités sur de tout autres bases que celles de l’économie actuelle. L’économie est une chose très fluente,
1461 aux, mais, pour revenir à mon sujet, il me semble que rien ne les empêche de chercher à s’adapter aux réalités régionales.
1462 sans se faire l’avocat du diable, on peut penser que … Notez que je ne me fais pas l’avocat des sociétés multinationales !
1463 ire l’avocat du diable, on peut penser que… Notez que je ne me fais pas l’avocat des sociétés multinationales ! … sans se f
1464 aire l’avocat du diable, on peut penser néanmoins que le souci d’adaptation des sociétés multinationales profite essentiell
1465 font. Disons, pour résumer beaucoup ma position, que dans un monde qui serait structuré par régions, mais dans le cadre d’
1466 rtir du seul cadre national, et vous avez suggéré que l’on parte plutôt de l’environnement immédiat des élèves. Vous vous s
1467 ronnement immédiat des élèves. Vous vous souvenez qu’ on vous apprenait à énumérer les affluents de l’Amazone, alors qu’on n
1468 de Neuchâtel et la Franche-Comté voisine. Alors, que proposez-vous ? Je propose d’éveiller la conscience civique des enfan
1469 r les seuls mythes nationaux. Si enthousiasmantes que puissent être les leçons sur Morgarten ou Austerlitz, c’est tout de m
1470 t loin de la vie quotidienne. » Je suis convaincu qu’ en partant de ce que l’enfant peut connaître le mieux, des curiosités
1471 tidienne. » Je suis convaincu qu’en partant de ce que l’enfant peut connaître le mieux, des curiosités les plus vite éveill
1472 aussi son histoire et les traces encore visibles qu’ elle a laissées dans nos vies, on arriverait à de meilleurs résultats
1473 ter volontairement l’horizon de l’enfant ? Je dis qu’ il faut partir des réalités immédiates — pour aller plus loin ! L’écol
1474 ptibles. Les enfants sont parfaitement conscients que les frontières politiques n’existent pas pour la pollution. Les poiss
1475 urces naturelles, et finalement sur les décisions qu’ ils auront à prendre comme citoyens de leur région et de l’Europe des