1 1970, Articles divers (1970-1973). La place du livre dans l’information de l’homme moderne (1970)
1 r la table des multiplications à l’école primaire qui m’a toujours frappé, et ceci prouve que la liturgie n’est pas seuleme
2 n livre : je le prends dans son sens étymologique qui est très proche de formation. Il y a des livres de pure information,
3 nformation, comme on dit, d’information courante, qui sont les dictionnaires, les encyclopédies, qui sont des réservoirs de
4 e, qui sont les dictionnaires, les encyclopédies, qui sont des réservoirs de recettes, de noms, de dates, des « data banks 
5 ans ses éléments constitutifs que les transistors qui sont pour moi le comble de l’élégance en technique, ce petit truc tou
6 finité des directions possibles. Alors, qu’est-ce qui produit cet effet d’orientation, d’organisation de l’information et d
7 uelquefois le style ; dans ce cas, c’est le style qui est le message même du livre, qui fonctionne donc comme orientateur,
8 c’est le style qui est le message même du livre, qui fonctionne donc comme orientateur, comme polarisateur de l’esprit et
9 s un livre digne du nom de livre, est un appareil qui fonctionne de cette manière-là, opère, transmet son message, est lui-
10 oires, c’est de faire passer un message unique et qui est global, qui tient à tout le livre, qui tient à sa composition, à
11 faire passer un message unique et qui est global, qui tient à tout le livre, qui tient à sa composition, à sa structure, à
12 que et qui est global, qui tient à tout le livre, qui tient à sa composition, à sa structure, à son style, à ses rythmes au
13 re, nous faisons une expérience de transformation qui nous transforme nous-mêmes, nous digérons ce qu’il y a dans le livre
14 « absorbés » dans un livre, est-ce que c’est lui qui nous absorbe ou nous qui l’absorbons ? C’est une question qu’on peut
15 re, est-ce que c’est lui qui nous absorbe ou nous qui l’absorbons ? C’est une question qu’on peut se poser, et cela me fait
16 l’Apocalypse où l’auteur entend une voix du ciel qui lui dit : « Va au-devant de cet ange et prends ce petit livre ouvert
17 s vous voyez qu’il y a cette espèce d’interaction qui indique bien la valeur transformatrice qui existe dans un livre, dans
18 action qui indique bien la valeur transformatrice qui existe dans un livre, dans ce petit appareil qu’est le livre dont on
19 ’est le livre dont on ne sait jamais si c’est lui qui nous avale, ou nous lui. Voilà, me semble-t-il, le bon usage du livre
20 de plus en plus fréquemment dans les journaux et qui dit : « apprenez à lire vite ». Le président Kennedy lisait très, trè
21 r écrire lentement. Ne rien écrire d’autre que ce qui pourrait désespérer l’espèce d’homme qui se hâte ! [voilà pour l’anno
22 e que ce qui pourrait désespérer l’espèce d’homme qui se hâte ! [voilà pour l’annonce que je vous citais]. Car la philologi
23 citais]. Car la philologie est cet art vénérable qui , de ses admirateurs, exige avant tout une chose : se tenir à l’écart,
24 ux dire de la précipitation, de la hâte indécente qui s’échauffe et qui veut vite en finir de toutes choses, même d’un livr
25 ipitation, de la hâte indécente qui s’échauffe et qui veut vite en finir de toutes choses, même d’un livre fût-il ancien ou
26 stions posées. Eh bien, ce ne sont pas les sujets qui manquent, ce qui est difficile, c’est le temps de lente lecture pour
27 bien, ce ne sont pas les sujets qui manquent, ce qui est difficile, c’est le temps de lente lecture pour bien se pénétrer
28 J’essaierai de grouper plusieurs de ces questions qui se réfèrent à l’audiovisuel, aux rapports entre l’audiovisuel et le l
29 disque. La bande enregistrée, la bande magnétique qui joue à peu près le même rôle que le livre, c’est-à-dire qui peut être
30 peu près le même rôle que le livre, c’est-à-dire qui peut être comme le livre un agent d’individualisme, d’individualisati
31 guère un certain rayon, contrairement à la radio qui va beaucoup plus loin, et contrairement au livre et à l’imprimé qui,
32 us loin, et contrairement au livre et à l’imprimé qui , eux, n’ont pas de limite en général. La télévision, c’est quelque ch
33 he à nous imposer certaines doctrines officielles qui sont, en effet, maniées uniquement par les gens qui ont le pouvoir et
34 i sont, en effet, maniées uniquement par les gens qui ont le pouvoir et les fonds nécessaires pour le faire. À cet égard, j
35 vision, sur son poste personnel, des petits films qui sont comme l’équivalent du microsillon. C’est dans cette toute petite
36 ïe est le sens le plus développé et d’autres pour qui c’est la vision. On peut combiner aussi les deux choses. Je pense que
37 spéranto, à supposer qu’il y ait beaucoup de gens qui le sachent. Cela, c’est l’information objective, détachée, le petit é
38 e ? » Première remarque : ce ne sont pas les gens qui ont le plus de temps qui lisent le mieux, ni même qui lisent le plus.
39 ce ne sont pas les gens qui ont le plus de temps qui lisent le mieux, ni même qui lisent le plus. Je connais des gens qui
40 ont le plus de temps qui lisent le mieux, ni même qui lisent le plus. Je connais des gens qui sont tout à fait dans le styl
41 , ni même qui lisent le plus. Je connais des gens qui sont tout à fait dans le style employé de bureau, femme de ménage, co
42 employé de bureau, femme de ménage, contremaître, qui sont d’énormes lecteurs. Ils trouvent toujours le temps nécessaire, a
43 st au fond tout l’effort de la technique actuelle qui va là absolument dans le sens du livre, c’est-à-dire qu’il diminue le
44 er « qu’on lit énormément de revues en France, ce qui pourrait compenser les chiffres un peu pessimistes des statistiques d
2 1970, Articles divers (1970-1973). Deux en un, ou le fédéralisme (mars 1970)
45 à exclure l’un des deux, comme font les papistes qui excluent la multitude, et les huguenots qui excluent l’unité. Pascal
46 istes qui excluent la multitude, et les huguenots qui excluent l’unité. Pascal Il faut faire l’Europe, mais dans le respec
47 ule Tel est le malentendu tragique et ridicule qui bloque depuis vingt ans tous les efforts d’union, parce qu’il paralys
48 mann a proposé un marché à la Grande-Bretagne, en qui il trouvera certainement preneur : soutien à la candidature britanniq
49 que l’erreur est le fait du journaliste, mais ce qui frappe, c’est qu’elle ait pu passer inaperçue dans un quotidien qui s
50 qu’elle ait pu passer inaperçue dans un quotidien qui s’appelle précisément La Suisse. Un système bon pour les sauvages
51 ssurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent : 1) Le fédéralisme était une des formes politiques les
52 les sauvages, et en France il mérite l’échafaud, qui est le sort des traîtres à la République. Ainsi, le Français cultivé
53 bord l’autorité centrale de Washington. Fédéral : qui favorise un gouvernement fédéral fort, c’est-à-dire central, lit-on d
54 eut unilatéralement en modifier les termes. Voilà qui devrait rassurer ceux qui voyaient dans la fédération européenne l’im
55 ifier les termes. Voilà qui devrait rassurer ceux qui voyaient dans la fédération européenne l’imposition d’un volapük univ
56 u gré du Prince et des seuls intérêts de son État qui demeure inacceptable aux vrais croyants de la religion nationaliste.
57 le judiciaire, mais « à différents niveaux » (ce qui introduit le thème des communes et des régions autonomes), enfin, sur
58 les aider à résoudre leurs problèmes de la façon qui convient. Pour Nelson Rockefeller, comme pour Trudeau, comme pour Pro
59 ensées originales et enfin un équilibre de forces qui exclut toute démesure et favorise le libre jeu des initiatives social
60 s doit-elle rester à jamais étrangère aux esprits qui se veulent « cartésiens » ? Il nous faudrait alors désespérer de tout
61 ne se fait pas d’abord dans les esprits, et voilà qui implique un langage, et qu’on ne laisse pas impunies ses erreurs. Car
3 1970, Articles divers (1970-1973). Ce que la Suisse peut apporter à l’Europe (19 mars 1970)
62 C’est une considérable illusion à mon sens, mais qui explique pourquoi la Suisse n’est entrée que dans l’AELE et a refusé
63 hose qu’à des avantages commerciaux, par exemple, qui sont ceux du libre-échange, tandis que la CEE n’a jamais caché depuis
64 a voulu se borner à l’économie, c’est-à-dire à ce qui pouvait servir les intérêts réputés sérieux, surtout sur les bords du
65 car s’il n’y avait que les questions économiques qui se posaient, nous aurions tout avantage à faire appel aux Américains,
66 t tous les jours, c’est qu’il y a d’autres choses qui sont non moins sérieuses que l’économie, qui sont même beaucoup plus
67 oses qui sont non moins sérieuses que l’économie, qui sont même beaucoup plus sérieuses, qui sont, par exemple, nos liberté
68 ’économie, qui sont même beaucoup plus sérieuses, qui sont, par exemple, nos libertés, nos modes de vie… Et c’est à cause d
69 ’école. Il n’y a qu’une grande culture européenne qui vient de nos ancêtres communs : grecs, romains, juifs, par le christi
70 mais arrêté aux frontières actuelles de nos pays, qui n’existaient pas pendant tout le Moyen Âge, notamment, où la culture
71 ait bel et bien. Donc, sur cette unité de culture qui est commune aux Suisses et à tous les voisins de ce pays, on peut édi
72 e union dans la diversité. C’est-à-dire une union qui , comme celle des vingt-deux cantons suisses, respecte les diversités
73 ngt-deux cantons suisses, respecte les diversités qui tout de même subsistent sur ce fond d’unité. Denis de Rougemont, à vo
74 rée. En Inde, par exemple, il n’y a pas de romans qui racontent des petites histoires qui se passent tous les jours. Il n’y
75 pas de romans qui racontent des petites histoires qui se passent tous les jours. Il n’y a que des écrits religieux, de la s
76 essaie d’approfondir cette formule, celle-là même qui pourrait servir de modèle à l’Europe. On rejoint la pensée de votre l
77 la comprendre, il faut penser ensemble des choses qui ont l’air de s’exclure logiquement. Il faut penser, par exemple : uni
78 s grands. Il faut penser à une quantité de choses qui répugnent à la logique. J’entendais l’autre jour encore à la télévisi
79 là — je pense — le fait que c’est un petit pays, qui n’a qu’une petite armée, encore que ce soit la plus forte d’Europe !)
80 c’est là une attitude tout à fait erronée, car ce qui fait le poids, l’autorité d’un pays dans le monde, ce qui donne du po
81 le poids, l’autorité d’un pays dans le monde, ce qui donne du poids à ses interventions dans le domaine de la politique ét
82 as du tout la force, comme on le répète toujours, qui dirige le monde, c’est beaucoup plus l’opinion. Les Américains savent
83 Américains savent qu’il y a en face d’eux un pays qui agit beaucoup sur l’opinion d’une partie du monde : la Russie. La Rus
84 nion d’une partie du monde : la Russie. La Russie qui n’agit pas du tout par la force de ses armées mais par la force de sa
85 Prendre conscience … Non ! Elle aurait un rôle qui serait peut-être décisif, qui serait de donner justement la formule d
86 Elle aurait un rôle qui serait peut-être décisif, qui serait de donner justement la formule de l’avenir européen. Naturelle
87 e, mais voir plus loin, voir qu’il y a des tâches qui sont de dimensions continentales, européennes, et que la raison, le b
88 e fédéralisme à la dimension des tâches nouvelles qui se posent aux hommes. À vous entendre, Denis de Rougemont, le citoyen
89 entendre, Denis de Rougemont, le citoyen suisse, qui appartient à ce peuple heureux que vous décrivez, ne semble pas très
90 je dis bien, selon la formule fédérale, la seule qui puisse être acceptable aux yeux des Suisses ? On n’a jamais fait cett
91 fesseurs secondaires et même de maîtres primaires qui ont adopté ce point de vue, qui se mettent à enseigner l’histoire, la
92 maîtres primaires qui ont adopté ce point de vue, qui se mettent à enseigner l’histoire, la géographie, l’instruction civiq
93 struction civique, dans un esprit européen. Voilà qui va former de nouvelles générations, lesquelles seront complètement d’
94 es aînés — d’avoir gardé une prudence exemplaire, qui n’est exemplaire pour personne et qui fait que nous sommes restés à l
95 exemplaire, qui n’est exemplaire pour personne et qui fait que nous sommes restés à la traîne loin derrière les autres. Alo
96 t pour cela, je fais confiance au Conseil fédéral qui me paraît tout à fait disposé dans ce sens, à en juger par les récent
97 en juger par les récentes déclarations des hommes qui sont chargés notamment de nos affaires étrangères. c. Rougemont D
98 rsonnalité. Je veux parler de Denis de Rougemont, qui m’a fait part de ses impressions sur cette grave question, et je vous
4 1970, Articles divers (1970-1973). « Un acte de reconnaissance » [à propos du prix Robert Schuman] (24 mars 1970)
99 parce que cette distinction est un prix politique qui fait suite, après un prix théologique, à une série de prix littéraire
100 et mon activité au Centre européen de la culture qui m’ont valu ce prix, attribué jusqu’ici à des hommes politiques seulem
101 la culture que je dirige. Et, de recevoir un prix qui porte son nom est aussi, pour moi, un sujet de satisfaction. e. Ro
102 bourg, et est destiné à récompenser les Européens qui , par leurs travaux ou leurs recherches, se distinguent en contribuant
5 1970, Articles divers (1970-1973). La passion en 1970, est-ce possible ? (mai 1970)
103 it Denis de Rougemont, est cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat, fuit le prochain, veut la distance et l’invente au
104 mieux se ressaisir et s’exalter. » Cette passion qui se nourrit d’obstacles par définition, que devient-elle à notre époqu
105 vorce. Et la passion, dans nos mariages modernes, qui ne sont en principe que des mariages de passion, comment s’accommode-
106 y a un conflit, si toutefois on parle de passion, qui est autre chose que l’amour. En effet, si l’on se marie en état de pa
107 ion peut conduire à l’amour. Le mariage à l’essai qui , maintenant et de plus en plus, tient lieu de fiançailles, me semble
108 D’après Denis de Rougemont, la crise du mariage ( qui ne date pas d’aujourd’hui) procède à la fois d’un culte exagéré de la
109 isation moderne des connaissances psychologiques, qui a rendu les hommes et les femmes plus exigeants sur la qualité de leu
110 duite au niveau de la parole et de l’information, qui donnent l’impression d’une liberté fantastique. J’ai lu, l’autre jour
111 autour de 1890, une quinzaine de théâtres de nus qui offraient des spectacles beaucoup plus provocants que celui de « Hair
112 istan et Iseut. Quand ils ont supprimé l’obstacle qui empêchait et exaltait à la fois leur passion (présence du roi Marc, m
6 1970, Articles divers (1970-1973). « S’unir, au-delà de nos fausses souverainetés, pour préserver nos vraies diversités » (mai-juin 1970)
113 guerre. C’est le culte du sol sacré de la patrie qui a engendré cet État-nation où coïncident, à l’intérieur de frontières
114 ’union tant soit peu sérieuse que cet État-nation qui se révèle incapable de répondre aux exigences concrètes de notre temp
115 les, économiques, etc.) à la mesure des décisions qui doivent être prises. Autant l’Europe des nations était simpliste, aut
116 ibres anciens sont détruits : prenez les villages qui éclatent, le paysage qu’on saccage. C’est maintenant ou jamais qu’on
117 rmisation, et tirant parti de toutes ces cellules qui font la complexité de l’Europe. On parle souvent d’helvétisation de l
118 avis, est excellent, hormis peut-être les cantons qui ne sont pas d’une originalité débordante. Unir les États européens en
119 rnational et que c’est ce type d’union pluraliste qui peut seul assurer la paix de l’Europe ! Il me semble ainsi que l’idée
120 r la Suisse à l’idée de l’intégration européenne, qui tient surtout à l’obstacle de sa neutralité ? La neutralité est une s
121  : c’est à nous de faire valoir dans les Conseils qui élaborent l’Europe future les avantages de la formule fédéraliste. Ca
7 1970, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture européenne ? (juin 1970)
122 ots qu’on ne saurait souhaiter plus éclairants et qui servent de titre au deuxième chapitre : L’Europe, avant d’être une al
123 en fait, à la culture. Unité non pas homogène, et qui ne résulte pas d’un processus forcé d’uniformisation, de nivellement
124 iformisation, de nivellement et d’exclusion de ce qui diffère, mais qui au contraire englobe, et compose largement, dans un
125 ivellement et d’exclusion de ce qui diffère, mais qui au contraire englobe, et compose largement, dans une communauté de pl
126 toujours renouvelées. Et de là vient le dynamisme qui a porté la civilisation européenne sur tous les continents découverts
127 s instances universelles, et toutes les créations qui ne cessent de jaillir de cette discorde permanente. Dès l’aube de la
128 r pour la formule même de l’unité européenne : Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus belle
129 squ’au nôtre, tout concourt à nourrir ce paradoxe qui paraît bien être la loi constitutive de notre histoire et le ressort
130 d’où les excès de l’individualisme hellénistique qui ne manqueront pas d’appeler la tyrannie. Rome, en réponse à ce défi d
131 ngereux Ennui, jusqu’à ce vide de l’âme inoccupée qui appelle les tempêtes et les révolutions. Le christianisme apporte alo
132 r, ces valeurs grecques, romaines et chrétiennes, qui se contredisent avec passion, ne se détruisent pas pour autant : entr
133 ’existence quotidienne de 700 millions de Chinois qui se croyaient confucianistes, bouddhistes, ou sans croyance aucune… Ma
134 mystique. Faut-il enfin rappeler l’apport arabe, qui ne se limite pas au zéro précédant la suite des nombres, mais qui est
135 pas au zéro précédant la suite des nombres, mais qui est l’une des sources principales de la poésie amoureuse, donc de l’a
136 besoin de sécurité et goût du risque, conformité qui maintient les valeurs, originalité qui les conteste et les rénove. To
137 conformité qui maintient les valeurs, originalité qui les conteste et les rénove. Tout cela préforme, dès avant notre naiss
138 seront perdues une à une si nous refusons l’union qui , seule, ferait leur force ; mais en retour, cette union ne saurait êt
8 1970, Articles divers (1970-1973). « L’Europe ? Une révolution culturelle ! » (15 octobre 1970)
139 olution culturelle ! » (15 octobre 1970)k l Ce qui me frappe, Denis de Rougemont, en lisant votre Lettre ouverte aux Eu
140 ’hui est aliéné dans le matériel, le quantitatif, qui tend à le déposséder de lui-même. Je me sens assez proche de Maurice
141 de l’aliénation ; je déplore la vague de marxisme qui déferle sur l’Université française avec cent ans de retard. La bourge
142 c cent ans de retard. La bourgeoisie occidentale, qui place l’économique avant tout, a d’ailleurs les mêmes présupposés que
143 cette illusion et je pense, d’autre part, que ce qui peut entraîner l’économique, ce n’est pas la politique. Celle-ci peut
144 s de ce dernier reposent sur une certaine culture qui l’a marqué et qui postule qu’il n’y a de sérieux que les nations. Deu
145 posent sur une certaine culture qui l’a marqué et qui postule qu’il n’y a de sérieux que les nations. Deux de mes étudiants
146 n moyenne), dans des pays différents. Ces stages, qui réunissent une cinquantaine de pédagogues, durent une semaine et comp
147 fondamental, car c’est l’écologie, de nos jours, qui constitue la véritable politique. Des stages sont consacrés aussi à l
148 er un état d’esprit européen chez les maîtres, ce qui permettra d’espérer un changement sérieux en une génération. La Journ
149 tion. La Journée de l’Europe, avec les rédactions qui sont faites par les élèves à cette occasion, montre qu’il y a progrès
150 nod, Kastler, Guy Michaud, et appuyé par la CFDT, qui était alors le plus gauchiste des syndicats. Ce manifeste demandait u
151 communes. Mai 68 a vu reparaître beaucoup d’idées qui avaient déjà été défendues par notre mouvement l’Ordre nouveau. On a
152 permettant la participation, mettre en commun ce qui marche mieux si on l’intègre. Le principe de la dimension a été const
153 appliqué au CEC ; nous n’avons centralisé que ce qui fonctionnait mieux en étant centralisé. Notre but était, toujours, de
154 , nous avions un appareil administratif minuscule qui travaillait avec 7 ou 8 grandes organisations et se trouvait en relat
155 ec le respect des forêts, comme je l’ai écrit, ce qui va dans le même sens que le respect de l’autre. L’Europe devrait rede
156 est la raison pour laquelle nous devons sauver ce qui nous reste de nature et de cellule civique, la commune tout particuli
157 enue l’Europe réelle. Mais, au-delà des uniformes qui séparent, il nous reste, traçant un chemin de rigueur et d’audace, la
9 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix I : Niveau de vie ou mode de vie ? (15 novembre 1970)
158 une colonisation essentiellement économique, mais qui peut réagir sur le plan culturel et sur les mœurs. Tandis que la colo
159 déjà un fait dans les pays de l’est de l’Europe, qui sont réellement colonisés… Et il n’est pas impensable, si nous contin
160 ait l’Europe. Vous vous rappelez que les derniers qui ont été tués dans le poste de Radio Budapest appelaient l’Europe à le
161 ’est déjà un fait pour les pays de l’Est. Pour ce qui est de l’Ouest, la colonisation américaine devient chaque année plus
162 ez une quantité immense d’entreprises européennes qui sont contrôlées par le dollar, par le « know-how » américain sans que
163 ait 1800 habitants ; aujourd’hui, il y en a 5500, qui ont été amenés depuis cinq ou six ans par l’IOS, affaire américaine q
164 uis cinq ou six ans par l’IOS, affaire américaine qui , chassée des États-Unis et de Suisse, s’est installée ici ; maintenan
165 de plus) pour une usine américaine d’ordinateurs qui va s’installer. Cela a complètement transformé le village. Pas seulem
166 é. C’est ce bouleversement des équilibres vivants qui est extrêmement grave ; et ce sera toujours pire, car aucun de nos pa
167 main-d’œuvre ouvrière européenne, de l’artisanat qui vit encore dans beaucoup de nos pays, qui se perdra si nous nous amér
168 tisanat qui vit encore dans beaucoup de nos pays, qui se perdra si nous nous américanisons, dans le mauvais sens du terme.
169 d espace et nous pas. Prenez le cas de la France, qui a un retard presque scandaleux dans le domaine de la technique. Cela
170 supériorité les capitaux, la situation de guerre qui leur ont permis de mettre la bombe atomique au point dans le plus gra
171 anique de précision ; nous avons tous les savants qui pourraient rester chez nous s’ils disposaient d’un appareil de recher
172 ècle, il y a eu une sorte de mouvement de bascule qui s’est fait et nous arrivons à un point où la production dépasse large
173 us de voitures ? Ou voulons-nous sauver la nature qui nous entoure et sans laquelle nous ne pourrions pas vivre ? Il y a de
174 ies de hippies essaient de recréer un mode de vie qui corresponde à un certain nombre de valeurs qu’ils jugent plus importa
175 t une très bonne direction d’évolution. L’Europe, qui a hérité de civilisations comme la Grèce dominée par l’idée de nature
176 méricains, mais il nous faut aussi des techniques qui soient adaptées à nos fins. Par exemple, il est absolument faux de co
177 olument faux de continuer à faire des automobiles qui marchent à l’essence, alors que l’on a les moyens de les faire marche
178 ent technique supérieur à celui des États-Unis et qui changerait tout dans le monde. Mais on y viendra s’il y a une masse d
179 ’envisager une véritable politique de production, qui tienne compte de certains buts généraux que l’on donnera à la vie. Ce
180 es à l’opposé du type de civilisation capitaliste qui se développe en Europe, qu’elle soit fédéraliste ou qu’elle en reste
181 es villes, la voiture par des moyens de transport qui ne fassent pas de bruit, qui ne dégagent pas de gaz. Quant à savoir s
182 moyens de transport qui ne fassent pas de bruit, qui ne dégagent pas de gaz. Quant à savoir si cela touche l’organisation
183 es en présence de deux mouvements, dans le monde, qui ont l’air antagonistes : un mouvement de convergence et un mouvement
184 Ne sont-ils pas plutôt un seul et même mouvement qui pourrait se définir ainsi : adapter le niveau de décisions et les com
185 ensions des tâches à réaliser ? Il y a des tâches qui , par nature, sont du niveau de décision communal ou de l’entreprise ;
186 t écrivain engagé, Denis de Rougemont est de ceux qui , tout au long de leur carrière, ont su accorder leurs actes à leurs é
187 order leurs actes à leurs écrits. Ce Neuchâtelois qui , dès 1930, contribuait au lancement de plusieurs revues, a été — avec
188 — l’un des fondateurs du mouvement personnaliste, qui naissait en réaction aussi bien contre le fascisme que contre le comm
189 s sur le continent. Tout en poursuivant une œuvre qui le fait figurer parmi les noms les plus prestigieux de l’intelligents
10 1970, Articles divers (1970-1973). L’Europe à l’heure de ses choix II : Se rallier à l’idée suisse (22 novembre 1970)
190 d’intégration politique, financière, économique, qui sont faits ? Le Marché commun, à mes yeux, est une première agence fé
191 de l’économie ; il faudra qu’il y en ait d’autres qui s’occupent des transports, des recherches scientifiques, des universi
192 mer la Suisse en district fédéral de l’Europe. Ce qui résoudrait beaucoup de questions, et notamment celle de la neutralité
193 x qu’ils ne le font, l’esprit de leur fédéralisme qui est très ancien. Il ne faut jamais oublier que la Suisse s’est fondée
194 t fondée sur les communes, et non sur les cantons qui sont venus plus tard. Il y a en Suisse un esprit communal auquel on d
195 xemple, la Russie soviétique. Coudenhove-Kalergi, qui a lancé le premier mouvement européen Vienne en 1923, disait récemmen
196 ourquoi ne parlerait-on pas de l’autre difficulté qui est beaucoup plus intéressante : celle qu’a l’Europe pour adhérer à l
197 nds par « Idée suisse » le véritable fédéralisme, qui n’est d’ailleurs pas toujours appliqué en Suisse. Ce fédéralisme va d
198 quement, pas même en Suisse. C’est une expérience qui n’est possible qu’aujourd’hui, grâce au développement de la technique
199 onseil fédéral ? Ce sont sept agences différentes qui font chacune leur travail, et dont les chefs réunis forment l’exécuti
200 t un modèle parfaitement valable pour l’Europe et qui pourrait donner des résultats considérables, à l’échelle du continent
201 vique, c’est une transformation du cadre européen qui peut aller très loin. o. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’Europ
202 eau de vie ou se mettre en quête d’un mode de vie qui soit conforme aux traditions européennes. Dans la suite de l’entretie
11 1970, Articles divers (1970-1973). Denis de Rougemont, propos recueillis par E. Liard (décembre 1970)
203 est l’occasion de la parution de ces deux livres, qui sortent peu de temps après un ouvrage publié chez Albin Michel ? C’es
204 péens , je donne un programme, pour les vingt ans qui viennent, de l’avant-garde européenne. C’est donc un livre plus polit
205 rope telle que je l’entends. Recherches et action qui portent sur l’éducation, le civisme, qui, comme le dit un de mes titr
206 t action qui portent sur l’éducation, le civisme, qui , comme le dit un de mes titres, commence au respect des forêts, c’est
207 apoléonien. Si l’on prend comme base les régions, qui sont plus petites que les États, et le continent, qui est beaucoup pl
208 sont plus petites que les États, et le continent, qui est beaucoup plus grand, on aura une vision plus conforme aux réalité
209 s centres locaux se sont créées toutes les écoles qui ont fait la culture en Europe et c’est dans l’ensemble de l’Europe qu
210 es régions se formeront malgré les États-nations, qui ont tout fait pour les empêcher de vivre (voir la France) et qui main
211 it pour les empêcher de vivre (voir la France) et qui maintenant sont contraints par les réalités à reconnaître leur existe
212 régions seront devenus plus solides que les liens qui unissent chacune de ces régions à sa capitale nationale. Et à ce mome
213 établir le niveau de décision dans la communauté qui est assez grande pour la tâche considérée. La tâche du CERN, par exem
214 s, elle doit rayonner. Les États-nations actuels, qui ont nom France, Angleterre, Italie, etc. sont-ils appelés à disparaît
215 es ? Oui, elles ont progressé, surtout en France, qui est le pays le plus éloigné de comprendre le fédéralisme. De nombreux
216 De nombreux témoignages me sont parvenus de gens qui m’appuient fortement, comme Louis Armand, Jean-Jacques Servan-Schreib
217 remier est une plaquette réunissant deux discours qui illustrent cette parole d’Héraclite : “Ce qui s’oppose coopère et de
218 urs qui illustrent cette parole d’Héraclite : “Ce qui s’oppose coopère et de la lutte des contraires procède la plus belle
219 éralisme est l’expression politique de l’harmonie qui naît de leur lutte créatrice. Le titre du second est emprunté à une p
220 : il s’agit de surmonter les obstacles à l’union, qui sont d’abord dans les esprits. Puis d’orienter espoirs et volontés ve
12 1970, Articles divers (1970-1973). Message aux régionalistes (16 mars 1973)
221 ins et de leurs désirs, à la rencontre d’un appel qui vient de l’Europe et de l’humanité solidaire. La région ne saurait do
222 pres ressources, à sa manière et selon ses goûts, qui définissent ses vrais besoins. La région ne doit pas être imaginée co
223 doit pas être imaginée comme un mini État-nation, qui aurait tous les inconvénients des grands, plus ceux de la petitesse p
224 x de vivre, de travailler ou de ne rien faire, ce qui est sans doute le meilleur test d’un environnement de qualité. Plutôt
225 comme on le répète, « de taille européenne » — ce qui ne veut strictement rien dire hors du jargon de la guerre commerciale
13 1971, Articles divers (1970-1973). Souvenir d’Honegger et de Nicolas de Flue (1971)
226 méritée : les choses ne viennent à point que pour qui s’y attendait, pour qui s’était obscurément disposé à les recevoir. I
227 viennent à point que pour qui s’y attendait, pour qui s’était obscurément disposé à les recevoir. Il importe au propos de c
228 s apparents dans la création du Nicolas de Flue qui me valut le bonheur de travailler avec Arthur Honegger. Le mercredi 2
229 près-midi, je suis appelé au téléphone par un ami qui est à la radio suisse. Est-ce la guerre, qu’on attend d’une heure à l
230 -t-on vraiment ce jour-là…) et l’avenir d’un coup qui se rouvre, mais aussi les problèmes qui reviennent, cette réponse à d
231 d’un coup qui se rouvre, mais aussi les problèmes qui reviennent, cette réponse à donner surtout… Deux semaines plus tôt, à
232 it d’écrire une pièce pour l’Exposition nationale qui devait s’ouvrir à Zurich l’année suivante. J’étais en train de sortir
233 je défiais quiconque d’en trouver un, en Suisse, qui fût de taille à occuper l’énorme scène dont j’avais vu les plans : 35
234 , le coup de téléphone que j’ai dit, toute la vie qui se reprend à vivre, les délais à courir, le sujet à me fuir. Le jour
235 ouvelle, comme si c’était le message du Solitaire qui venait de suspendre nos destins ! Cette menace, cette attente au bord
236 , dans notre tradition, cette violente simplicité qui peut s’adapter à la fois à la déclamation d’un chœur en marche et au
237 ar celle de la scène, et les ressources du canton qui patronnera l’œuvre : une compagnie de théâtre d’amateurs et deux peti
238 ale à laquelle il croit pour l’avenir est « celle qui arrive à grouper toute une population ». C’est donc oui, et l’on se m
239 sur un air quelconque, comme “Frère Jacques”. Ce qui a été une fois chanté peut être remis en musique. » À chaque visite d
240 ation proprement dite nous prit deux mois — voilà qui ne pouvait signifier qu’un accord plus profond, par nature implicite,
241 ation chrétienne » et des formes vidées de la foi qui les forma qu’on a jamais créé un style : avec tout cela on ne fait qu
242 est une prière, si la prière est l’acte de celui qui s’ouvre et s’ordonne à l’amour, c’est-à-dire : à Dieu tel qu’il s’ann
243 de signes, l’aléatoire devient liberté de choisir qui ne se renonce que dans le choix du sens. Or ce sens tout d’abord jalo
244 ration en nous de quelque chose, disons l’Esprit, qui n’est pas vérifiable autrement que par ses créations ou incarnations.
14 1971, Articles divers (1970-1973). Le cheminement des esprits (1971)
245 lture, son directeur réunit les principaux textes qui ont jalonné l’évolution de cette entreprise si féconde en initiatives
246 tre est emprunté à une phrase de Robert Schuman — qui présida un temps le Comité du Centre : « L’unité de l’Europe ne se fe
247 : il s’agit de surmonter les obstacles à l’union, qui sont d’abord dans les esprits. Puis d’orienter espoirs et volontés ve
15 1971, Articles divers (1970-1973). L’Europe est d’abord une unité de culture (1971)
248 d une unité de culture (1971)x y Je pars de ce qui me paraît une évidence majeure : il nous faut faire l’Europe afin de
249 ien la culture — l’école, la presse, les livres — qui nous fait croire depuis plusieurs générations de bons élèves et de ma
250 Italie ou la Grande-Bretagne sont immortelles, ce qui suggère qu’elles auraient existé de toute éternité, alors qu’en vérit
251 er à Brennus, chef gaulois probablement mythique, qui est du ive siècle avant notre ère, tantôt à Clovis, qui est du ve s
252 du ive siècle avant notre ère, tantôt à Clovis, qui est du ve siècle de notre ère, ou enfin à Hugues Capet, qui est du x
253 ve siècle de notre ère, ou enfin à Hugues Capet, qui est du xe siècle, soit une hésitation d’un millénaire et demi, qui n
254 cle, soit une hésitation d’un millénaire et demi, qui ne manque pas d’une certaine « grandeur ». Mais si l’on peut admettre
255 faux dans cet enseignement, et dans les croyances qui en résultent. Je voudrais vous le montrer rapidement, et vous montrer
256 et vous montrer aussi les conclusions politiques qui ne manqueront pas de résulter de ces mises au point. Et tout d’abord
257 , le mot « nation » désignait, dès ce temps, ceux qui parlent une même langue ? Oui, mais il n’était pas question de les en
258 s Pyrénées séparent l’Espagne de la France, voilà qui est clair — à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pa
259 bien autour de Genève, en suivant cette frontière qui ne rime à rien, qui ne sert à rien, ne protège contre rien, n’arrête
260 e, en suivant cette frontière qui ne rime à rien, qui ne sert à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’il fau
261 beau symbole de la souveraineté stato-nationale, qui ne peut plus avoir d’effets que négatifs ! En nous présentant l’Europ
262 européennes, gréco-latines, celtes et germaniques qui nous ont tous affectés, à doses variables, et qui ont éduqué notre vi
263 qui nous ont tous affectés, à doses variables, et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nou
264 isme, le libéralisme et le marxisme, bref tout ce qui compte dans la vie de la culture et qui a marqué les élites intellect
265 f tout ce qui compte dans la vie de la culture et qui a marqué les élites intellectuelles de tous nos pays, puis, à travers
266 du grand axe commercial de la Renaissance, celui qui relie Venise à Bruges, les échanges de compositeurs et de styles se m
267 uite. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, c’est la pluralité des écoles de pensée e
268 ion perpétuelle des grands courants continentaux, qui établissent une unité vivante et dynamique, et des foyers locaux de c
269 e et dynamique, et des foyers locaux de création, qui sans cesse remettent en question et renouvellent les données communes
270 rôle, est simplement omis, inexistant. Et voilà qui nous rappelle quelque chose, à nous Suisses. Car la Suisse n’a jamais
271 uation de la culture à l’échelle du continent. Ce qui s’est fait en Suisse au point de vue de la culture — et qui est supér
272 fait en Suisse au point de vue de la culture — et qui est supérieur, proportionnellement, à tout ce qui s’est fait dans n’i
273 qui est supérieur, proportionnellement, à tout ce qui s’est fait dans n’importe quelle tranche de six millions d’hommes déc
274 d’hommes découpée dans n’importe lequel des pays qui nous entourent —, tout s’est fait dans nos petites métropoles cantona
275 os petites métropoles cantonales, dans ces foyers qui l’un après l’autre se sont allumés puis éteints, le Saint-Gall de Not
276 nève de Calvin. Ensuite l’École suisse de Zurich, qui règne au xviie siècle sur les lettres allemandes, puis Bâle de nouve
277 ures à entendre pour les citoyens des grands pays qui nous entourent ; mais ils y viennent — par leur jeunesse surtout. Pou
278 utefois, nous devons prendre garde, dans le débat qui bat son plein à propos de notre entrée dans le Marché commun, de nous
279 commun, de nous laisser entraîner sur un terrain qui n’est pas le nôtre, dans des termes qui sont étrangers à notre tradit
280 n terrain qui n’est pas le nôtre, dans des termes qui sont étrangers à notre tradition fédéraliste et à notre habitus, et q
281 otre tradition fédéraliste et à notre habitus, et qui dérivent des théories et des pratiques stato-nationalistes. L’Europe
282 arifaires et de conventions intergouvernementales qui , sous prétexte de faciliter un peu le passage des frontières, en main
283 pas sérieusement. Voilà, je pense, la perspective qui s’ouvre à nous. Elle n’a rien pour nous effrayer, puisque nous sommes
284 frayer, puisque nous sommes le seul pays européen qui n’ait pas pris la forme d’un État-nation au siècle dernier. Le seul c
285 bre adhésion, non par la conquête des communautés qui le constituent. Donc le seul qui n’ait rien à redouter de la disparit
286 des communautés qui le constituent. Donc le seul qui n’ait rien à redouter de la disparition des frontières. Mais je vois
287 pe entière », pour reprendre une formule célèbre, qui désignait notre neutralité, notre abstention, et qui pourra demain, p
288 désignait notre neutralité, notre abstention, et qui pourra demain, plus justement encore, qualifier notre intervention.
16 1971, Articles divers (1970-1973). L’héritage culturel de l’Europe (1971)
289 est porteur d’avenir. Il est cette part du passé qui à la fois m’ouvre un certain avenir et par avance le limite. Je ne le
290 ou m’autorise à modifier d’une manière inédite — qui sera moi. Distinguons donc trois sens possibles, du moins pour un Eur
291 ies. Nous ne deviendrons nous-mêmes qu’à ce prix, qui est d’assumer les risques de notre différence personnelle ; et par là
292 e le sol et les nuages. La culture des Européens, qui est leur véritable unité, est à la fois la somme et le produit comple
293 glise, les Rois et l’Université, plus tard l’État qui entend totaliser ces trois puissances de mise en ordre, mais aussi le
294 vriers ont des réflexes et des goûts conditionnés qui leur sont transmis par leur mère, la Maternelle, l’Alma Mater, l’armé
295 dont les origines remontent toujours à des œuvres qui firent leur temps, littéralement. Dans chacun de nos chromosomes, il
296 ues et celtiques, le droit romain, Dracon, Solon, qui ont inventé la liberté en déclarant que c’est l’individu et non le cl
297 en déclarant que c’est l’individu et non le clan qui est responsable en justice ; et à travers eux, derrière eux, il y a l
298 ont il ignore presque toujours les origines, mais qui le meut. Enfermés dans nos États-nations depuis un siècle et demi, gr
299 L’anglais, dit-il, « offre le plus de richesses à qui veut écrire de la poésie ». Et il en voit la raison, précisément, dan
300 cisément, dans la variété des sources européennes qui ont fait l’anglais : la base germanique, les apports scandinave puis
301 epuis un siècle. Elles n’ont pas empêché le pire, qui est l’unification forcée. Mais grâce à la renaissance des régions, el
302 l’union librement décidée des vraies « nations », qui ne peut se faire que dans le cadre européen. Car des vraies « nations
303 sées d’éléments empruntés à l’héritage commun, et qui vont l’enrichir en retour. Rien de plus commun à toutes les nations d
304 tin rédigée au début du xie siècle — aux nations qui se croient suffisantes… Limitations, libérations Tout héritage
305 urope oblige tous ses bénéficiaires au génie pur, qui est d’être malgré tout dans le tout. Chaque homme d’Europe est une dr
306 t. Chaque homme d’Europe est une dramatis persona qui crée son rôle avec plus ou moins de bonheur dans la communauté la plu
307 ort à l’Europe idéale et théoriquement orthodoxe, qui serait non pas la somme de toutes ses sources mais le produit optimal
308 ais le produit optimal de leurs interactions — et qui n’existera jamais. Donnons maintenant quelques exemples de limitation
309 ans le jeu politique de nos pays, ces deux partis qui n’arrivent plus à se définir autrement que par leur opposition. Cett
310 blocage du sens critique et l’agressivité stérile qui en résulte n’ont jamais existé (avant notre influence) en Inde, en Ch
311 uls « politiques » et « économiques » monstrueux, qui faisaient abstraction de l’humain. 3. Conditionné par le respect de l
312 ain. 3. Conditionné par le respect de la Science, qui a pris la place qu’occupaient la théologie au xiiie siècle et l’idéo
313 l’Européen moyen abdique sa liberté devant « ceux qui savent » mais il croit mieux les savants d’aujourd’hui que les curés
314 s davantage. Le scientifique gouverne ; c’est lui qui a fait la Bombe, qui connaît les mathématiques et qui parle des ordin
315 tifique gouverne ; c’est lui qui a fait la Bombe, qui connaît les mathématiques et qui parle des ordinateurs. Le laïque, le
316 a fait la Bombe, qui connaît les mathématiques et qui parle des ordinateurs. Le laïque, le politicien et le militaire ne pe
317 rmaniques et celtiques) ; — enfin le sécularisme, qui libère des contraintes effrayantes du sacré et du culte des morts, de
318 le fait un programme génétique, si elles sont ce qui permet seul de le dépasser. Tout cela n’existe guère comme vertus, ou
17 1971, Articles divers (1970-1973). 6 et 7 février, vote sur le suffrage féminin : supprimer un anachronisme et une injustice (4 février 1971)
319 e siècle qu’a commencé la poésie des troubadours qui consistait dans l’adoration de la femme. Elle était considérée par le
320 dérée par le poète-troubadour comme le seigneur à qui l’on devait l’obéissance, l’allégeance, la fidélité. Le troubadour —
321 ement nouvelle — s’agenouillait devant la femme à qui il donnait ses vœux, comme le chevalier devant son seigneur. Il s’est
322 t de la femme. Il y a tout un ordre de phénomènes qui se sont produits au xiie siècle dont j’ai longuement parlé dans mon
323 pas. Elle devenait la maîtresse, le seigneur. Ce qui s’est passé au xiie siècle, c’est que les femmes sont devenues des s
324 d’Aquitaine — petite fille du premier troubadour, qui épousa d’abord un roi de France, puis un roi d’Angleterre — est une d
325 est le signe de la liberté pour les Germains. Ce qui fait que les hommes qui vont à la Landsgemeinde ont encore un sabre à
326 rté pour les Germains. Ce qui fait que les hommes qui vont à la Landsgemeinde ont encore un sabre à la main — avec un parap
327 emme n’a pas sa place dans les affaires publiques qui doivent être le domaine des guerrières, de l’homme armé, ce qui est u
328 re le domaine des guerrières, de l’homme armé, ce qui est un anachronisme complet dans la société actuelle, où même la guer
329 , où même la guerre n’est plus faite par les gens qui portent un sabre. Si l’on sort des mythes germaniques de l’homme guer
330 ’a plus conscience, justement. Toutes ces valeurs qui tiennent à des époques où c’était la force physique qui comptait, alo
331 ennent à des époques où c’était la force physique qui comptait, alors que, dans notre société actuelle, il est impossible q
332 -t-il des raisons historiques propres à la Suisse qui expliquent cette inégalité des sexes ? Oui, parce qu’en Suisse — pren
333 ple des Landsgemeinde — vous avez des survivances qui nous sont proches, qui sont encore mêlées à notre vie, des vieilles c
334 vous avez des survivances qui nous sont proches, qui sont encore mêlées à notre vie, des vieilles coutumes germaniques. Ju
335 ’arme. Vous avez une quantité de gens, en Suisse, qui vous disent : c’est très bien les femmes, qu’elles aient le droit de
336 militaire. Vous avez tout de suite cette liaison qui vient très directement de ce fond germanique, médiéval. Lorsque vous
337 fondée sur cette idée de la famille, de la femme qui est à peu près l’égale de l’homme, moralement parlant. Ce qui n’est a
338 u près l’égale de l’homme, moralement parlant. Ce qui n’est absolument pas le cas en Asie, ce qui n’est pas le cas dans les
339 t. Ce qui n’est absolument pas le cas en Asie, ce qui n’est pas le cas dans les civilisations où il y a beaucoup de femmes
340 voir, c’est à cause de ce vieux fond inconscient qui ressort et qui influe nos décisions à notre insu. Autrement dit, il f
341 cause de ce vieux fond inconscient qui ressort et qui influe nos décisions à notre insu. Autrement dit, il faudrait une bon
342 e la France. C’est donc une révolution extérieure qui a accordé aux Suisses un droit fondamental. Aujourd’hui, après cent-s
343 ue c’est “le peuple”, en l’occurrence les hommes, qui se prononcera. Partout ailleurs, où la femme a acquis l’égalité civiq
344 nementale ou par l’élaboration d’une constitution qui leur accordait sans autre le droit de vote. Le mode de faire suisse e
345 nt, la lenteur mise par les hommes à supprimer ce qui apparaît, aujourd’hui, comme une injustice. Mais il y a d’autres rais
346 s profondes, d’ordre historique et psychologique. Qui , mieux que Denis de Rougemont, pouvait analyser les motivations de ce
18 1971, Articles divers (1970-1973). Arnaud Dandieu, la révolution et les régions (mars 1971)
347 Comme l’avait vu profondément Arnaud Dandieu, qui , sur ce point, a été vraiment un prophète, il faut garder les yeux fi
348 nécessaire et réalisable comme un élan libérateur qui nous porte à la fois vers l’universel et vers la personne. De la conc
349 le remède « au mal centralisateur et nationaliste qui allait bientôt se révéler comme étant le cancer de l’Europe et du mon
350 nt les dispositions de la Constitution soviétique qui garantissent les droits des minorités nationales et réaffirment de la
351 atiste par essence. C’est la France, la première, qui a détourné la révolution de son but : c’est elle qui doit le lui rend
352 a détourné la révolution de son but : c’est elle qui doit le lui rendre. Moyennant une ou deux mises au point de la termi
353 nt ensuite l’objection des jacobins incorrigibles qui accusent les régionalistes de vouloir détruire la France, l’idéal nat
354 ançaise et de son mouvement libérateur. C’est lui qui représentait alors la véritable mission de la France, contre cette dé
355 mble pour le groupe de discussions philosophiques qui se réunissait chez Gabriel Marcel : « L’Acte comme point de départ »,
19 1971, Articles divers (1970-1973). Les régions et la civilisation (mars 1971)
356 s sont souvent définies, géographiquement, par ce qui était censé diviser les nations, elles prennent pour axe ce qui les s
357 é diviser les nations, elles prennent pour axe ce qui les scindait ou bornait : un fleuve (la région rhénane) ou une chaîne
358 s variées des tâches publiques et des communautés qui leur correspondent : commune et entreprise, région, groupe de régions
359 qu’ils laissent aux industriels anarchistes, ceux qui exploitent et détruisent sans scrupule le sol, les eaux, l’atmosphère
360 sans scrupule le sol, les eaux, l’atmosphère, et qui abusent cyniquement de l’effrayante adaptabilité du genre humain. Enf
361 « nécessités » de l’Économie, science et pratique qui par ailleurs va subir un bouleversement recréateur du seul fait de l’
20 1971, Articles divers (1970-1973). L’Amour et l’Europe : L’Express va plus loin… avec D. de Rougemont (12 avril 1971)
362 crit que l’Europe, c’est 480 millions d’Européens qui s’ignorent, et que la condition de notre survie, c’est de nous unir t
363 es. Vous connaissez la formule d’Héraclite : « Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus belle
364 egel et Proudhon. Selon vous, le meilleur exemple qui puisse être donné de la coexistence des contraires est donc le couple
365 es gens mariés : c’est une condamnation radicale, qui était unanimement admise par les troubadours. Finalement, j’ai découv
366 ne de l’histoire de Tristan. La passion amoureuse qui nous paraît si naturelle est en réalité exceptionnelle dans le monde,
367 nté de la supprimer en tant que force antisociale qui ne peut que gêner le rendement. C’est un fait : l’Asie bouddhiste, br
368 ar les faits. Car c’est un fait que le mot amour, qui désigne pour nous le sentiment de la passion, n’a pris de sens dans l
369 , bien que je sois pris, moi aussi, dans le drame qui les oppose. Aujourd’hui, je distingue l’amour dans le mariage — amour
370 amour actif — de l’amour-passion — donc passif — qui tend à uniformiser les deux êtres, à réduire l’autre à la loi d’un se
371 deux êtres, à réduire l’autre à la loi d’un seul. Qui a dit que l’amour rendait libre ? Celui-là charge les gens de chaînes
372 ans la passion, on tend vers l’impossible fusion, qui , finalement, ne peut conduire qu’à la mort. L’amour-passion tel que n
373 timents. C’est le contraire de notre littérature, qui exalte la passion au-delà de toute raison, au-delà de l’instinct et m
374 la distance et le goût de l’obstacle, sur tout ce qui fait mieux sentir et ressentir l’amour, l’« amour de loin » que chant
375 cette épreuve que peut s’opérer l’union sexuelle, qui ne doit d’ailleurs pas aboutir à la procréation. Mais ce n’est qu’une
376 siècle n’a même pas de nom dans leur langue. Ce qui se rapproche le plus de notre verbe aimer en chinois désigne la relat
377 Deux menaces se dressent contre le couple. L’une qui veut le dépasser par en haut — Tristan — l’autre par en bas — Don Jua
378 ntres sans lendemain, infidèle par définition. Ce qui manque dans les deux cas, c’est la communion des deux personnes, qui
379 deux cas, c’est la communion des deux personnes, qui se révèlent l’une à l’autre, dans leur différence, se créent ensemble
380 que nous des aspects pratiques du mariage, de ce qui permet une amitié durable entre deux êtres différents, les convenance
381 tionnel qu’est en train de créer la technique, et qui pourra bien se réaliser sous la forme d’un monde d’ennui, parfaitemen
382 monde d’ennui, parfaitement plat et programmé. Ce qui nous menace aujourd’hui, ce n’est plus un excès d’anarchie et de tyra
383 excès d’un certain ordre rationnel et statistique qui évacue toute passion et risque bien d’évacuer aussi le sens même de n
384 me : lesquels ? Le christianisme est une religion qui se distingue de toutes les autres par l’absence quasi totale de tabou
385 des influences païennes, hérétiques, gnostiques, qui nous ont fait croire que le « péché originel » n’est autre que la sex
386 t autre que la sexualité. Quant aux pseudo-tabous qui règnent sur nous, ce sont ceux de la bourgeoisie de l’ère victorienne
387 le malheur des hommes venait de la masturbation, qui rend les jeunes gens fous, etc. Ce docteur, qui était, hélas ! suisse
388 , qui rend les jeunes gens fous, etc. Ce docteur, qui était, hélas ! suisse, a connu un succès mondial. Il a sans doute cré
389 les romanciers : ils cherchent partout l’obstacle qui permet la passion, cette forme d’amour qui refuse l’immédiat. Dans un
390 stacle qui permet la passion, cette forme d’amour qui refuse l’immédiat. Dans un livre, Les Mythes de l’amour , j’ai analy
391 ne dernière défense, un dernier secret de l’autre qui suffit bien à ressusciter une passion au sein même de l’amour-action.
392 éelle, vous aimez votre projection sur une femme, qui la reçoit plus ou moins bien. Vous voyez à quel point la passion est
393 me du mariage ; elle empêche de voir l’autre avec qui l’on vit. Elle veut la fusion, l’absorption, l’esclavage, non l’union
394 utres, à la formation du mouvement personnaliste, qui s’opposait aux totalitarismes, mais aussi à nos démocraties capitalis
395 ualiste, capitaliste, égoïste, non communautaire, qui dominait la politique française de l’époque. On a dit que la contesta
396 uée, elle, par la guerre des empires totalitaires qui fermait notre horizon, et qui n’était pas notre guerre. À cette époqu
397 mpires totalitaires qui fermait notre horizon, et qui n’était pas notre guerre. À cette époque, toute une génération s’est
398 personne et communauté que je lançai alors un mot qui allait faire fortune un peu plus tard : engagement. Mon opposition au
399 des universités m’a surpris. Le changement inouï qui s’est produit depuis lors est dû en bonne partie à l’afflux des Europ
400 eur de guerres ; et pas seulement Hitler, mais ce qui l’avait permis, donc l’idée de « faire l’Europe ». Là-bas, nous nous
401 rdu votre temps ? Je suis probablement l’écrivain qui a présidé le plus grand nombre de comités ! Mais il faut savoir perdr
402 base voulez-vous faire l’Europe ? Parmi tous ceux qui bâtissaient l’Europe, économistes du Marché commun, hommes politiques
403 le de l’Europe sur la base de l’unité culturelle, qui s’est formée tout en fondant l’Europe, depuis deux ou trois millénair
404 nt l’Europe, depuis deux ou trois millénaires, et qui caractérise la société européenne. D’autres cherchent à bâtir l’Europ
405 est une unité complexe, pétrie de contradictions, qui sont dues à la pluralité de ses origines — grecque, romaine, judéo-ch
406 on, la discussion, et, finalement, la révolution, qui est, elle aussi, une invention européenne. Ailleurs, il n’y a jamais
407 , des prises de pouvoir par des chefs militaires, qui ne remettaient jamais en cause le système des valeurs régnantes. En 1
408 r ai-je dit, vous n’y croyez plus. Mais qu’est-ce qui existe à la place, selon vous ? Prenez le monde par vos antipodes : l
409 n’a qu’une idée, c’est d’imiter la Chine maoïste, qui , elle, voudrait être aussi communiste que la Russie soviétique, dont
410 nous sommes entrés en opposition avec Churchill, qui , lui, voulait des « États-Unis » d’Europe en vue de créer une puissan
411 ’est très bien comme ça. C’est une administration qui se réfère, comme le disait tout récemment notre ministre des Affaires
412 r de l’État. » Pourquoi servir l’État ? C’est lui qui est un service. Le souverain gouverne ; le Conseil fédéral, lui, exéc
413 et, mais un libre citoyen. C’est le fonctionnaire qui est au service des citoyens, et non l’inverse. Vous semblez parfois l
414 e à cause de cette idée de la ‟majesté de l’État” qui vous vient des rois de France. Eh bien, non : l’État n’est qu’un appa
415 ous savez qu’il y a un article de la Constitution qui interdit de mettre en question la forme une et indivisible de l’État
416 ivisible de l’État français. Je connais un Breton qui a fait un livre sur l’Europe régionaliste… Eh bien, il a dû se réfugi
417 t contraire à la méthode d’unité par l’uniformité qui fut celle de Louis XIV, des jacobins, de Napoléon, et reste celle des
418 s faut entreprendre délibérément cette révolution qui n’est pas violente, mais qui implique le démantèlement progressif des
419 ent cette révolution qui n’est pas violente, mais qui implique le démantèlement progressif des États-nations. Les régions s
420 itiques, des relations économiques et culturelles qui formeront peu à peu un tissu européen : il faut faire de l’Europe ava
421 es ordinateurs mesureront que ce sont les régions qui jouent un rôle créateur et actif, l’Europe sera pratiquement faite. M
422 e qu’il a fait avec l’appui de Robert Schuman, et qui a abouti à la création de la CECA et à la CE. Mais il y a ce que j’ap
423 choses se passent. Et que ce n’est pas Karl Marx qui a raison sur ce point, mais Mao Zedong, qui a baptisé lui-même une ph
424 Marx qui a raison sur ce point, mais Mao Zedong, qui a baptisé lui-même une phase décisive de sa révolution : « Révolution
425 c’est le marxisme renversé : c’est la révolution qui part des superstructures. Eh bien, en ce sens-là, je suis maoïste ! J
426 que le produit. Vous restez donc optimiste en ce qui concerne l’Europe ? Les statistiques sur l’idée européenne me permett
427 autres. Mais il reste toujours la part du diable. Qui est-ce, le diable ? Le diable, c’est l’agent dépersonnalisant du mond
428 des risques humains, comme le montre la science, qui est à double tranchant. Ou bien, je vous l’ai dit, nous irons vers l’
429 recrée pas en profondeur la soif de quelque chose qui soit au-delà de l’ordre et qu’il ne provoque pas une rébellion de l’e
430 es sujets : l’amour. Parce qu’il est l’un de ceux qui ont créé, en 1932, avec Emmanuel Mounier ( Esprit ), le mouvement per
21 1971, Articles divers (1970-1973). [Entretien] Le diable existe, vous pouvez le rencontrer (17 mai 1971)
431 ir une théorie sur le diable ? Au xx e siècle, ce qui nous menace le plus, c’est que nous ne tenons plus compte de lui dans
432 e prenons pas garde aux autres pollutions, celles qui sont spirituelles. Et quand on ne tient plus compte du diable, on ris
433 isque de ne plus discerner le mal. Pour quelqu’un qui n’est pas croyant, qu’est-ce que cela représente, le diable ? Croyant
434 nt ou non, tout homme a une faculté d’indignation qui le porte à épouser une cause. Donc il croit savoir ce qu’est le mal e
435 r vous le diable ? C’est quand il n’y a personne. Qui peut-on convaincre avec une telle définition ? Le diable vous convain
436 nc très facilement de ne pas croire à son action, qui est spirituelle. C’est son incognito qui fait sa force. Vous connaiss
437 action, qui est spirituelle. C’est son incognito qui fait sa force. Vous connaissez la formule de Baudelaire : « Le premie
438 oire qu’il n’existe pas ». Le diable, c’est celui qui nous dit, comme dans L’Odyssée Ulysse au cyclope aveuglé à l’entrée d
439 eu, mais à rebours, il nous dit : « Je suis celui qui n’est pas ! ». Il est la force dépersonnalisante de l’univers. Il nou
440 idus isolés, déracinés, cette aliénation générale qui menace la civilisation de tous côtés. Mais quelle pourrait être, au x
441 dégradation de l’énergie. C’est une loi du cosmos qui veut que, dans un système clos, l’énergie se dégrade continuellement
442  ? De moindre différence, d’égalisation. C’est ce qui conduit le physicien américain Eddington a prédire « la mort tiède de
443 fférenciation vers le bas, une tendance au tiède, qui finira dans le froid glacial. De nos jours, les forces anonymes et qu
444 oid glacial. De nos jours, les forces anonymes et qui rendent tout anonyme sont en expansion. La plupart des forces déchaîn
445 bsolu de ce que j’ai appelé le « personnalisme », qui consiste à assumer sa vocation personnelle, quoi qu’il arrive, et à t
446 e médiévale de l’enfer. C’est le rebut des hommes qui ont refusé d’être eux-mêmes ; à tous risques. S’ils sont rejetés au b
447 e sur le choix de sa vocation personnelle ? Celui qui a accepté le risque personnel lutte contre le diable uniformisateur.
448 r faire au monde. Le diable compte sur la lâcheté qui est en chacun de nous, et qui nous fait fuir derrière les buissons — 
449 mpte sur la lâcheté qui est en chacun de nous, et qui nous fait fuir derrière les buissons — ou dans la foule — quand Dieu
450 ? », il proteste : « Je n’y étais pas, c’est elle qui a tout fait, c’est elle qui m’a tendu la pomme ; moi, je n’ai rien vu
451 étais pas, c’est elle qui a tout fait, c’est elle qui m’a tendu la pomme ; moi, je n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’es
452 a pomme ; moi, je n’ai rien vu, je ne sais pas ce qui s’est passé ; j’étais derrière les buissons, au milieu des arbres du
453 i parlé dans L’Amour et l’Occident . La passion, qui devient une drogue, qui nous prive de notre libre arbitre, nous aveug
454 l’Occident . La passion, qui devient une drogue, qui nous prive de notre libre arbitre, nous aveugle, nous enchaîne, et no
455 j’avais publié sur l’entrée de Hitler à Paris, et qui m’avait valu quinze jours de prison militaire. J’ai écrit les cinquan
456 ue je découvre que 666… est le chiffre du diable, qui refuse d’arriver à 7, le nombre de la Création… La tentation diabo
457 t du diable » ? Prenez les deux massacres récents qui ont provoqué une indignation générale dans le monde : celui de Sharon
458 s, hommes, femmes, enfants, vieillards, bébés. Et qui l’a fait ? Des jeunes gens aux cheveux courts — « crew cut » — c’est
459 écuté leur crime avec bonne conscience. Qu’est-ce qui est pire ? Dans les deux cas, les barbus et les folles, ou les soldat
460 à leurs officiers. Je dis que c’est le second cas qui est vraiment diabolique, parce que l’anonymat y est plus manifeste, l
461 us ne trouverez vraiment plus personne ! Les gens qui ont fait le massacre de Song My se cachent derrière leur supérieur mi
462 My se cachent derrière leur supérieur militaire, qui se cache derrière la morale d’une société, la justice, l’obéissance,
463 s notions de crédibilité et de respectabilité, ce qui est vraiment atteindre une société en plein cœur. Peut-on rencontrer
22 1971, Articles divers (1970-1973). Fédération ou confédération ? (juillet-août 1971)
464 Confédération est « l’union entre plusieurs États qui , tout en gardant une certaine autonomie, s’associent pour former un s
465 Il définit ensuite l’adjectif fédéral comme ce «  qui a rapport à une confédération d’États », ainsi, par exemple, « la Sui
466 nt entre elles. Mais la définition de fédération, qui suit, comme « union politique d’États », est défectueuse puisqu’elle
467 nion et ne dit rien de l’autonomie. Or, une union qui ne respecterait pas l’autonomie des parties constituantes n’aurait pa
468 alisant l’Hexagone, l’ont sauvé de la sauvagerie ( qui règne encore en Suisse, sans doute) et que les fédéralistes, en Franc
469 Le mot se trouve ainsi « taboué » pour tous ceux qui ont appris leur histoire au lycée. Et voilà qui repose tout le problè
470 x qui ont appris leur histoire au lycée. Et voilà qui repose tout le problème. Telle étant la situation de fait, en France,
471 ouis Le Fur s’appliqua, vers 1900, dans une thèse qui précise en mille pages la distinction, désormais classique, entre nos
472 borer et mettre en œuvre la Constitution de 1848, qui transformait une ligue d’États dénuée de tout pouvoir central en une
473 tirer de l’expérience suisse de 1848 une formule qui me paraîtrait susceptible de faciliter l’union de l’Europe d’aujourd’
474 fédérale, et comme tels exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral » ; cependant que l’article 5
475 la force garante des autonomies locales est celle qui naît précisément de la mise en commun d’une partie de leurs souverain
476 étant une forme instable de compromis entre ceux qui veulent l’union et ceux qui s’y résignent simplement par une nécessit
477 compromis entre ceux qui veulent l’union et ceux qui s’y résignent simplement par une nécessité qu’ils espèrent temporaire
478 dération à l’extérieur, par les mêmes prétentions qui auront écrasé le fédéralisme à l’intérieur de leurs frontières. Tout
23 1971, Articles divers (1970-1973). Un marchand d’eau sucrée (19 décembre 1971)
479 ire, à propos de la pollution et des gens savants qui s’en occupent : « Je donne aux inventeurs de cette psychose le prix N
480 probablement une certaine anxiété, ou la peur, et qui explique le succès du « pamphlet » de Pauwels : beaucoup de personnes
481 les illusions de hier, et voilà ce bon M. Pauwels qui vient leur dire, dans son titre même, qu’ils ont bien raison de le fa
482 étage d’un gratte-ciel, il tend son livre à ceux qui tombent du quarantième en leur criant : « Jusqu’ici tout va bien, con
483 . Il s’agit de Lettre ouverte aux gens heureux et qui ont bien raison de l’être, publié en 1971 chez Albin Michel.
24 1972, Articles divers (1970-1973). Europe divisée ou Europe fédérée ? (1972)
484 que s’il est sujet libre de son action. Un homme qui n’est pas reconnu comme libre ne peut être tenu pour responsable de s
485 a recherche, etc.) et que social est à la fois ce qui concerne la foule (dont l’idée est présente dans polis par poly, beau
486 est présente dans polis par poly, beaucoup) et ce qui fait de la foule une société : le principe qui associe les hommes dan
487 ce qui fait de la foule une société : le principe qui associe les hommes dans la cité — nécessité, idéal, ou religion au se
488 t la stratégie (dont le civisme est la technique) qui permet à la Société ou à la cité de s’ordonner aux buts derniers de l
489 issait pour lui de survivre, donc de continuer ce qui avait réussi à quelques-uns de ses ancêtres. Lorsque apparut la civil
490 terme de l’ère qu’on a nommée néolithique, celle qui a vu la fixation des nomades au sol, la naissance des partis et des c
491 nc, c’est le succès même de l’effort civilisateur qui nous force à choisir notre avenir et par là nous met en demeure de fo
492 l’homme, et par suite une vision des communautés qui la traduisent en structures religieuses, éthiques, juridiques, économ
493 uler et croit seulement décrire… Mais la question qui se pose alors, c’est de savoir si nous sommes préparés à répondre à c
494 es dernières années que ce livre est « le premier qui fasse passer la prédiction de l’ère des devins à celle des savants ».
495 (mais je m’assure que ce ne sont pas les auteurs qui ont écrit cela) que « depuis 1960, la spéculation sur le futur (n’est
496 ent à prévoir objectivement, donc passivement, ce qui se fera dans tel avenir… sans eux ! J’entends sans nulle action dont
497 as un sens scientifique de prévision inerte de ce qui « se passera », en vertu d’on ne sait quels dynamismes anonymes, impe
498 du futur (et surtout s’agissant de participation, qui relève de la libre action de l’homme au service de ses fins), nous de
499 aleur axiomatique à la thèse hégélienne : tout ce qui est réel est rationnel. Et qu’ils dénomment, à cause de cela, « cauch
500 lution historique que le sociologue d’aujourd’hui qui , sur la base du Marx des Manuscrits de 1844 ou du Freud de L’Avenir d
501 à leurs développements, à court terme — prévision qui eût démontré l’impossibilité d’un long terme, et la nécessité d’une c
502 l’analyse jungienne de notre culture et des rêves qui nourrissent nos recherches, se prive d’une des meilleures techniques
503 e nos sciences n’en pourrait chiffrer. 4. Ceux qui prévoient l’an 2000 ne sont pas ceux qui le vivront « Vous dites :
504 4. Ceux qui prévoient l’an 2000 ne sont pas ceux qui le vivront « Vous dites : Où vas-tu ? Je l’ignore et j’y vais », o
505 re et j’y vais », osait écrire Victor Hugo. Voilà qui est beaucoup plus sensé qu’il n’y paraît à première vue. Car si je sa
506 il n’y paraît à première vue. Car si je savais ce qui m’attend « là-bas » en l’an 2000, je refuserais sans doute d’avancer,
507 merveilleuse » la situation anticipée : mais ceux qui la vivront — même si c’est nous encore, — seront différents : ils la
508 ance vers lui, va modifier l’action des hommes en qui elle s’opérera, autant qu’elle les modifiera eux-mêmes, opérants ; d’
509 ut aux parties en interaction créatrice évoque ce qui se passe dans la tête d’un dramaturge, ou plus précisément d’un poète
510 ème dépend de l’ensemble (intuitivement anticipé) qui valorise le mot, le colore, le situe, — mais chaque mot, en même temp
511 voie d’actualisation par l’écriture des surprises qui le modifient, et qui vont donc modifier la valeur, la couleur et la s
512 par l’écriture des surprises qui le modifient, et qui vont donc modifier la valeur, la couleur et la situation du mot lui-m
513 helle de l’homme La taille moyenne de l’homme ( qui semble avoir augmenté de trois à quatre centimètres depuis deux-cents
514 s de transport, et, d’une façon générale, tout ce qui dépend de la taille de l’homme dans le calcul des plans d’alimentatio
515 raître sans que disparaisse en même temps tout ce qui pourrait donner un sens aux modifications de l’existence ou à cette e
516 venir. 3. Agrément du cadre Un autre besoin qui paraît constant est celui de l’agrément du cadre : « Que l’on vive en
517 ou lésé par un autre invariant humain, l’égoïsme, qui nous rend insensibles aux désagréments que nous infligeons à nos vois
518  : pavillons dignes des seuls « chiens méchants » qui les défendent, clôtures agressives, lent déferlement du ciment et des
519 ns visibles et d’effets mesurables d’une attitude qui mine les bases mêmes du civisme quel que soit le régime. 4. Spécif
520 oisinage, de sociabilité et par suite de civisme ( qui peut cacher un besoin d’intervention moralisante chez les voisins, do
521 à le minimiser parfois, le domaine des variables, qui est en revanche celui de la stratégie et de ses efforts d’optimation.
522 présidence de la nation, pour un candidat député qui représente un parti national plus que des intérêts régionaux ou profe
523 et déléguée. Au niveau des tâches continentales ( qui est aujourd’hui celui des recherches nucléaires et spatiales, des tra
524 la presse et les mass médias, mais l’élaboration qui doit précisément la rendre « utile » suppose des facultés de synthèse
525 blique (enseignants, responsables des mass médias qui préparent les prises de décisions), ni même des gouvernants qui décid
526 les prises de décisions), ni même des gouvernants qui décident finalement. Il faut donc prévoir, entre les sources et les d
527 , une fonction de mise en forme, analogue à celle qui est assurée d’ores et déjà auprès des responsables de la politique am
528 autre habituant les masses à s’amuser du mensonge qui rapporte, et bientôt à le préférer à toute vérité qui ennuie. Ces deu
529 rapporte, et bientôt à le préférer à toute vérité qui ennuie. Ces deux formes de lésion infligées à la faculté de participa
530 s mouvements d’union — au stade des États-nations qui se disent souverains, se veulent indépendants, et restent tout-puissa
531 ire de mille ans » ? C’est la seconde proposition qui a été retenue par l’histoire. Peut-on décrire alors le « purgatoire »
532 ion professionnelle et finalement information, ce qui revient à dire éducation. Il importe peu de savoir si l’agent dominan
533 gent dominant est alors l’État national, le Parti qui l’utilise (« marxiste » ou « fasciste »), une Puissance lointaine, ou
534 un clivage de la société en deux classes : celle qui reçoit l’information en temps utile, et qui en joue à son profit ; et
535 celle qui reçoit l’information en temps utile, et qui en joue à son profit ; et celle qui reçoit des « instructions » sous
536 mps utile, et qui en joue à son profit ; et celle qui reçoit des « instructions » sous forme de publicité, propagande ou hi
537 celle précisément que l’État-nation excluait, et qui est à la fois régionale et continentale. L’État-nation était trop gra
538 de recréer, au sein ou à l’écart des mégalopolis ( qui continuent à se développer d’une manière semi-anarchique, semi-planif
539 réelle à la vie communale, pour ceux des citoyens qui en ont envie, et des contacts quotidiens, désordonnés, livrés au hasa
540 r » aux différents niveaux communautaires ? Voilà qui ne me paraît ni souhaitable ni possible, non pas que j’aie des doutes
541 a serait en contradiction réelle avec la liberté, qui est le ressort du jeu en même temps que son but, puisqu’elle nourrit
542 , terminé par une fin automatique ou convenue, ce qui n’est pas le cas dans la cité envisagée : ses éléments ne sont pas de
543 tions précises, dont nulle n’est suffisante, mais qui sont toutes nécessaires : 1. Information des citoyens (enseignement à
544 les dans le monde de l’an 2000 et les difficultés qui doivent résulter des changements prévisibles d’échelle, de stade d’év
545 taires, innovations et examens critiques. L’écart qui n’a cessé de croître entre les deux clientèles de l’information est d
546 nication sont puissants, moins sont nombreux ceux qui peuvent les utiliser. À la limite, un seul, qui est le chef de l’État
547 x qui peuvent les utiliser. À la limite, un seul, qui est le chef de l’État, peut aujourd’hui se faire entendre de tous. Ce
548 n, vision en relief, toucher peut-être un jour ?) qui ne manqueront pas de se multiplier dans les prochaines décennies, vie
549 eront donc ni superposables ni juxtaposables ; ce qui entraînera une pluralité de « capitales », « métropoles », « chefs-li
550 s, que l’État-nation prétendait interdire, ou, ce qui revient au même, unifier. Les unités nouvelles de participation se re
551 utres passifs, tels les « sportifs » du dimanche, qui se contentent d’assister aux matches. En 2000, il y aura beaucoup plu
552 x ou un y dont nous n’avons encore aucune idée et qui intervient — peut-être — dans les relations interpersonnelles ou inte
553 iques qu’il reste encore à imaginer et de mesures qui feront peut-être un jour comprendre ce qui se passe de différent entr
554 esures qui feront peut-être un jour comprendre ce qui se passe de différent entre deux hommes qui se serrent la main « en c
555 re ce qui se passe de différent entre deux hommes qui se serrent la main « en chair et en os » et deux images des mêmes hom
556 chair et en os » et deux images des mêmes hommes qui se tendent à distance des mains réunies sur l’écran. Si la présence-
557 nouveaux problèmes. Entre les domaines d’activité qui continueront d’impliquer « l’enracinement », les rencontres « d’homme
558 homme à homme », le « contact physique », et ceux qui seront traités comme étant à toutes fins utiles indépendants d’un ter
559 a différence entre le contact à distance et celui qui s’établit entre deux hommes « en chair et en os », c’est que le premi
560 les seconds termes de notre série d’alternatives qui se réalisent d’ici là), les occasions de participation se multiplient
561 ture : ils concernent les grandes options morales qui intéressent la vie quotidienne, la santé, la prospérité, les perspect
562 dépendent des idées qu’on se fait de l’homme pour qui maisons et villes sont bâties, ou au contraire que l’on entend utilis
563 ’homme, ses créations et la nature, soit le terme qui résume désormais civisme, politique et sagesse sociale. La question d
564 ondements mêmes de toute société politique. Celui qui ne révère plus rien, que fera-t-il pour son prochain ? Sans respect p
565 r le revendiquer, ce droit suprême de la personne qui est le droit à l’inadaptation. S’il est vrai que la participation obl
566  : voir Le Droit à la paresse, par Paul Lafargue, qui était le gendre de Marx, et de l’objection civique et politique : les
567 d’une ouverture de l’homme au transcendant, à ce qui peut englober, nier et réorganiser dans le temps de l’éclair créateur
568 ndamentale et absolue. L’objecteur de conscience, qui refusait le service militaire, aura perdu sa motivation particulière
569 al, politique, économique, ou même civique, celui qui maintiendra le pouvoir de dire non aux décrets de la Société, il faut
570 iété, il faut absolument le tolérer car c’est lui qui empêchera nos systèmes, quels qu’ils soient, de devenir totalitaires,
571 membres de l’élite intellectuelle et spirituelle qui ne sont possesseurs ni de biens, ni de pouvoirs officiels, des Inadap
572 pouvoirs officiels, des Inadaptés fonctionnels et qui « bénéficient » d’un statut comparable mutatis mutandis à celui du ho
25 1972, Articles divers (1970-1973). L’ingénieur dans la cité (1971-1972)
573 ni des possibles. D’où le gémissement innombrable qui monte des jeunes générations — contestataires ou non, d’ailleurs. Au
574 a génération me paraissent avoir choisi le métier qui était à la fois le moins éloigné de leurs goûts (dans la mesure où il
575 de profit matériel libérés par la Renaissance, et qui dominaient hier encore le comportement de la plupart des Occidentaux,
576 que la nature risque de succomber à l’industrie, qui la pille sans le moindre scrupule, puis l’empoisonne par le moyen des
577 nalement globale, selon les dimensions des tâches qui la suscitent et la rassemblent. Il peut maintenant concevoir sa profe
578 rmis l’essor industriel et l’urbanisation sauvage qui sont en train de bouleverser les équilibres écologiques du continent
579 es du continent européen, et des mers et des airs qui l’entourent. Par un juste retour, n’est-ce point aux scientifiques, a
580 t de trouver d’urgence les moyens de restaurer ce qui fut compromis par le génie civil et militaire, les moyens de prévenir
581 u spécialiste « isolé » (comme un fil électrique) qui fait son job en toute conscience professionnelle mais ne veut pas che
582 rendre le reste, au technicien du seul rendement ( qui est en fin de compte la rentabilité), nous pouvons et nous devons opp
583 savants, et de science pour les culturels : voilà qui définit une vraie révolution au troisième tiers du xxe siècle. Elle
584 dialogue dramatique de la nature et de la culture qui dominera la fin de notre siècle. w. Rougemont Denis de, « L’ingéni
26 1972, Articles divers (1970-1973). Forteresse au centre de l’Europe : la Suisse (1972)
585 is de l’espace. Des heures durant, je l’avais vue qui tournait lentement, merveilleuse, éclatante, seule vivante, bleue, ve
586 noir éternel, et je l’avais aimée comme une femme qui vient, comme une patrie d’enfance qu’on retrouve. Aimée aux larmes. I
587 pays oblique apparaît, sombre encore dans le jour qui naît. Des clochers et des tours s’éclairent, touchés par le soleil ra
588 ible, comme des décors translucides. Mais tout ce qui est proche sur nos rives brille d’un vif éclat humide, repeint à neuf
589 a ville unique, sa présence partout imminente. Ce qui ne trompe pas, à l’observer du ciel, c’est la structure des aggloméra
590 enait sa cour au bourg (ou borgho) des bourgeois, qui tiennent conseil sur la Place. Cette Place, qui définit toute vraie c
591 , qui tiennent conseil sur la Place. Cette Place, qui définit toute vraie commune, ou communauté d’hommes libres, a repris
592 de la Rome républicaine. Les principaux bâtiments qui l’entourent symbolisent les grandes forces de la Société et les tensi
593 les grandes forces de la Société et les tensions qui naissent de leur concours. Tension entre l’Église et la Mairie, tensi
594 sommateurs. Telle étant l’architecture de la cité qui a permis la démocratie, on voit que cette dernière trouve ses ennemis
595 ue des villes, et les autos. Les grands ensembles qui n’aménagent pas leur propre centre de vie civique, c’est-à-dire un es
596 , c’est-à-dire un espace interdit aux voitures et qui assure les fonctions de l’agora, sont des anti-communautés, entasseme
597 Europe médiane. Elle est née des communes rurales qui formaient la grand-garde du col. Et ce sont les greffiers des villes
598 lles lombardes, traversant le col à dos de mulet, qui vinrent apprendre aux premiers Suisses confédérés à rédiger leurs pac
599 n. La vocation de la Suisse est de revaloriser ce qui est petit contre le gigantisme, sauvant ainsi son âme et ses paysages
27 1972, Articles divers (1970-1973). Au centre du monde, Lavaux (1972)
600 venu, n’avez jamais existé dans ce lieu. Tout ce qui touche à un centre et tout ce qui respire dans la grâce de son rayonn
601 e lieu. Tout ce qui touche à un centre et tout ce qui respire dans la grâce de son rayonnement, revêt une importance rapide
602 de solitude. Mais la plupart n’osant aimer que ce qui par d’autres est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu’ils pa
603 ière divine — une lumière neutre comme les dieux, qui ne sont de gauche ni de droite, mais toujours d’en haut, rayonnants.
604 ont faire les hommes et les femmes et les enfants qui habitent ici ? « Lavaux appartient à tout le monde », à tous ceux qui
605  Lavaux appartient à tout le monde », à tous ceux qui aiment la beauté, et qui voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel
606 le monde », à tous ceux qui aiment la beauté, et qui voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’un beau jour ils l’on
607 vrais réalistes — lesquels ne sont nullement ceux qui pensent court et bas et nous jettent dans la pollution au nom de la r
608 la pollution au nom de la rentabilité, mais ceux qui font passer avant le profit d’argent — cette chose abstraite — les dé
28 1972, Articles divers (1970-1973). Le sort de l’an 2000 se joue dans nos écoles (mars 1972)
609 tte urgence définie en termes de contre-passé, et qui allait aboutir à la formation du Conseil de l’Europe, succéda bientôt
610 civilisation post-industrielle équilibrée, voilà qui sera déterminé, en bonne partie, d’une manière largement irréversible
611 dès aujourd’hui et dans les dix ou quinze années qui viennent. Le sort de l’an 2000 se joue maintenant Il est clair,
612 térialise les structures et les valeurs. Et voilà qui dépend de l’éducation. L’Europe de l’an 2000 sera gérée soit par les
613 pe de l’an 2000 sera gérée soit par les Européens qui ont aujourd’hui de dix à vingt ans, et qui sont les élèves de nos éco
614 opéens qui ont aujourd’hui de dix à vingt ans, et qui sont les élèves de nos écoles, soit par une commission américaine (se
615 éologique. Mais pour qu’elle réussisse son union, qui ne peut être que fédérale, il faut que les jeunes Européens soient él
616 dans un climat mental, psychologique et affectif qui prépare cette union, qui l’implique, et qui la rende possible et néce
617 sychologique et affectif qui prépare cette union, qui l’implique, et qui la rende possible et nécessaire ; alors que le cli
618 ectif qui prépare cette union, qui l’implique, et qui la rende possible et nécessaire ; alors que le climat de l’École depu
619 Ainsi des neuf nations (ou fragments de nations) qui forment la France actuelle13 : à en croire les manuels d’histoire fra
620 ncipe s’opposent à toute espèce d’union sérieuse, qui s’opère dans la réalité et non dans les discours ministériels. Il fau
621 jourd’hui et si l’on n’achève pas dans les années qui viennent, une véritable mutation de l’enseignement. Car nos États son
622 États sont gouvernés aujourd’hui par les manuels qui ont formé nos chefs d’État. L’un d’entre eux répétait dans ses discou
623 is elle ne deviendra vivante que par les citoyens qui la vivront, conscients de leurs devoirs envers ce grand ensemble géné
624 ilisation. Mais comment devenir citoyen d’un pays qui n’en est pas un, puisqu’il n’a pas encore de politique commune et d’o
625 x ne serait-il pas de s’appuyer sur quelque chose qui existe déjà bel et bien et qui joue un rôle important dans la formati
626 sur quelque chose qui existe déjà bel et bien et qui joue un rôle important dans la formation de chaque Européen : l’École
627 u cours de stages quelques milliers d’enseignants qui , à leur tour, propageraient l’idée civique européenne parmi leurs col
628 regard des dimensions et de l’urgence des tâches qui incombent à l’École, si l’on veut réellement construire l’Europe. Mêm
629 ionnelle et personnelle. Ce ne sont pas nos États qui feront l’Europe, n’ont-ils pas prouvé depuis des siècles qu’ils étaie
630 raties de Bruxelles, de Strasbourg, de Luxembourg qui feront l’Europe — s’il est vrai qu’elles y contribuent avec une indén
631 évolutionner ? Le salut peut nous venir du danger qui menace à bout portant, nous le savons aujourd’hui, la vie globale de
632 er le tribut de la survie de l’homme. L’écologie, qui est art et science des équilibres biologiques et dynamiques, va désor
633 ur résumer toute la révolution que nous appelons, qui n’est ni de gauche ni de droite, qui n’oppose au profit matériel que
634 us appelons, qui n’est ni de gauche ni de droite, qui n’oppose au profit matériel que l’honneur et le bonheur humain, et do
29 1972, Articles divers (1970-1973). Autopsie d’un cas : Denis de Rougemont (15 mars 1972)
635 n cas : Denis de Rougemont (15 mars 1972)ao ap Qui est Denis de Rougemont ? Quelle est son influence ? Quel fut l’itinér
636 crivains, sociologues, économistes, politologues, qui lançaient deux revues : Esprit et L’Ordre nouveau , c’est-à-dire l
637 etzschéens. Mais, nous arrivions à nous entendre. Qui étaient ces hommes ? Du côté d’ Esprit , il y avait Emmanuel Mounier,
638 stalinienne. Nous étions pour une troisième voie, qui était celle de la personne, des personnes se manifestant dans des com
639 uté dans lequel la personne peut s’enraciner mais qui ne doit pas être fermé. Qui doit toujours être ouvert vers de plus gr
640 peut s’enraciner mais qui ne doit pas être fermé. Qui doit toujours être ouvert vers de plus grandes communautés, jusqu’à f
641 communauté européenne, une fédération européenne qui , ensuite, aurait pu se fédérer avec d’autres fédérations continentale
642 es pour former une fédération mondiale. Enfin, ce qui nous importait, c’était la création de régions, dans lesquelles la pe
643 ’autres sociologiques. Moi, je faisais des études qui étaient plus portées vers une sociologie de la culture ou de la moral
644 ont vous êtes le père ? On ne sait pas exactement qui l’a dit en premier, de Mounier ou de moi. En tout cas, dans un premie
645 en 1934, intitulé : Politique de la personne et qui réunissait des textes écrits au début des années 1930, il y a un prem
646 début des années 1930, il y a un premier chapitre qui s’appelle : « L’engagement politique » ; un deuxième : « Ridicule et
647 un deuxième : « Ridicule et impuissance du clerc qui s’engage ». Et l’ensemble du livre est un appel à l’engagement des éc
648 ti. Il s’agissait d’assumer sa responsabilité, ce qui est exactement le contraire. Ensuite, par toutes sortes de raisons bi
649 dans l’amour. La passion représentée par Tristan, qui est le grand mythe de la passion originelle en Occident. Et d’autre p
650 e espèce de symétrie entre les deux grands mythes qui tourmentent et animent les Européens sur le plan de l’amour : Tristan
651 , joyeusement. Puis, en deçà du mariage, Don Juan qui ne peut se fixer sur aucune femme, qui essaie toujours de trouver la
652 , Don Juan qui ne peut se fixer sur aucune femme, qui essaie toujours de trouver la femme qui le retiendra et qui ne la tro
653 ne femme, qui essaie toujours de trouver la femme qui le retiendra et qui ne la trouve pas. Ces préoccupations étaient-elle
654 toujours de trouver la femme qui le retiendra et qui ne la trouve pas. Ces préoccupations étaient-elles antérieures au mou
655 positive : l’engagement d’un homme et d’une femme qui ont chacun leurs lois, à certains égards antinomiques, qui doivent vi
656 hacun leurs lois, à certains égards antinomiques, qui doivent vivre ensemble, qui doivent unir cela dans une création perma
657 égards antinomiques, qui doivent vivre ensemble, qui doivent unir cela dans une création permanente et quotidienne. Et cha
658 e doctrine personnaliste en termes politiques, ce qui donnait le fédéralisme. Alors que vous êtes Suisse, le fédéralisme de
659 ais écrite pour l’Exposition nationale de 1939 et qui avait été mise en musique par Arthur Honegger. Nous en avions tiré un
660 fait cette expérience. Presque tous les Européens qui vivaient à New York pendant la guerre étaient des gens extraordinaire
661 étaient des gens extraordinairement différents et qui ne se seraient peut-être jamais connus en France ou en Allemagne ou e
662 hes, vers des communautés de plus en plus grandes qui sont capables de résoudre ces problèmes de plus en plus grands. Ce qu
663 résoudre ces problèmes de plus en plus grands. Ce qui peut être fait par la commune, doit l’être par la commune. Seules les
664 ne, doit l’être par la commune. Seules les tâches qui sont trop vastes pour être réalisées par une commune, doivent l’être
665 rche très bien. Il autorise toutes les diversités qui tissent la Suisse, diversités de langues, diversités de confession, d
666 sons existantes. Bref, une diversité considérable qui aboutit à quelque chose de créateur. Et ces tensions qu’on n’essaie p
667 lus en plus à cause de l’accroissement des tâches qui résultent de l’évolution moderne. Vous vous êtes battu pour faire pa
668 er congrès de l’Union européenne des fédéralistes qui avait lieu à Montreux. J’y ai prononcé le discours d’introduction sur
669 de cette réunion de Montreux un projet de congrès qui devait se tenir avec d’autres groupements qui n’étaient pas fédéralis
670 rès qui devait se tenir avec d’autres groupements qui n’étaient pas fédéralistes mais qui voulaient aussi l’Europe. Et nous
671 s groupements qui n’étaient pas fédéralistes mais qui voulaient aussi l’Europe. Et nous nous sommes réunis, à La Haye, en 1
672 idence de Churchill. Ce fut un très grand congrès qui , au fond, a tout créé. C’est le grand démarrage de l’Europe. Il y ava
673 crit le message final : « Message aux Européens » qui demandait notamment la création d’un véritable Conseil de l’Europe, i
674 , ne feront jamais d’amicale. C’est exactement ce qui se passe avec les États-nations. Ils veulent garder leur souveraineté
675 ’il y a une crise économique. Ça, c’est la morale qui domine l’Europe des nations. Vous êtes déçu ? Non. Je ne suis pas déç
676 atiquent cet hommage que le vice rend à la vertu, qui est cette hypocrisie de l’union, plutôt que de se faire la guerre. Qu
677 e le mariage ? C’est la coexistence de deux êtres qui , je l’ai dit, ont chacun leurs lois, parfois antinomiques, et qui doi
678 , ont chacun leurs lois, parfois antinomiques, et qui doivent vivre ensemble sur un pied d’égalité, avec toutes les différe
679 nt égaux parce que l’égalité évoque quelque chose qui anéantit la différence entre l’homme et la femme. Bref, deux êtres qu
680 rence entre l’homme et la femme. Bref, deux êtres qui doivent subsister sans se confondre, sans se séparer, sans être subor
681 ion ? Les régions sont définies par des problèmes qui sont extrêmement divers. Il y a en Europe une quantité de régions qui
682 divers. Il y a en Europe une quantité de régions qui sont définies par des problèmes. Il y a, par exemple, une cinquantain
683 té, une agence fédérale européenne de l’écologie. Qui peut être placée n’importe où et donner des directives. En économie,
684 condition que celui-ci reste dans ses compétences qui sont essentiellement économiques. À côté de cela, il y aurait une age
685 ain-d’œuvre. Puis vous avez une région écologique qui est beaucoup plus vaste puisqu’elle va jusqu’au milieu du Valais et q
686 y a aussi une région d’éducation et d’universités qui englobe une quinzaine d’universités entre Neuchâtel, Saint-Étienne, A
687 voulu imposer les mêmes frontières à des réalités qui n’ont rien à voir ensemble comme la langue, le sous-sol, l’économie,
688 t est quelque peu totalitaire, bref toutes choses qui sont hétérogènes. Très souvent, les gens disent que mon modèle est fo
689 ici mon exemple personnel. Je suis né à Neuchâtel qui , jusqu’en 1848, a été une principauté dont le prince était le roi de
690 ipauté dont le prince était le roi de Prusse mais qui se gouvernait avec des familles du lieu, dont la mienne. Ce canton, d
691 t automatiquement Suisse. La Suisse est sa nation qui n’a pas les mêmes frontières ni les mêmes langues que le canton. De p
692 s. Donc, je fais partie de l’ensemble francophone qui a des limites tout à fait différentes du canton et de la Suisse puisq
693 nt. Voilà un autre ensemble auquel je me rattache qui ne correspond ni à l’ensemble national, ni à l’ensemble linguistique,
694 litique, ni économique mais à un ensemble mondial qui recouvre deux petites parties de la France, la moitié de la Suisse, e
695 rs d’États totalitaires, à commencer par Napoléon qui voulait imposer ces mêmes frontières à toutes ces choses différentes.
696 pidement un peuple. Pour pouvoir faire la guerre, qui est la raison fondamentale, génétique des États-nations. Malheureusem
697 le personnalisme en ajoutant le terme de vocation qui a été fortement souligné par Luther et Calvin. Je garde aussi du prot
698 e aussi du protestantisme un certain sens civique qui est très développé dans les pays calvinistes. J’ai fait cette observa
699 bien avant 1939 : il y a des régimes totalitaires qui correspondent aux pays catholiques : Italie. Espagne et même l’Allema
700 lemagne. Vous avez naturellement le totalitarisme qui correspond à l’orthodoxie russe, grecque, roumaine. Mais vous n’avez
701 propre, c’est-à-dire qu’il part de là où il est, qui est un endroit unique au monde et doit créer son chemin vers Dieu, ve
702 gie ? Dans cette conférence, j’explique une chose qui me tient fort à cœur depuis quelques années : j’ai découvert que l’hu
703 ujourd’hui, depuis une dizaine d’années pour ceux qui avaient l’œil ouvert, depuis trois ou quatre ans dans l’opinion publi
704 rable. Il y a aujourd’hui un sérieux coup d’arrêt qui nous oblige à choisir nos finalités. Voilà pourquoi j’en viens à cett
705 tat-nation et aux soi-disant économies nationales qui posent des tas de problèmes radicalement faux. Pourquoi y aurait-il u
706 calement faux. Pourquoi y aurait-il une écono­mie qui correspondrait à la Belgique, une autre au Luxembourg et une autre au
707 aux États-Unis ? Par quel miracle ces frontières, qui sont « des cicatrices de l’histoire », correspondraient-elles à des e
708 . Mais j’ai le plus grand respect pour des hommes qui ont une vision politique du développement de l’humanité. Jean Monnet,
709 agnes. Et au hasard de l’ignorance totale de ceux qui ont fait les traités. Et qui aujourd’hui encore délimitent les région
710 rance totale de ceux qui ont fait les traités. Et qui aujourd’hui encore délimitent les régions, à partir d’un bureau dans
711 e, puis une très longue allée bordée de peupliers qui descend du château où Voltaire a vécu pendant plus de vingt ans. Un p
712 siteur dans cette maison où il vit depuis 1947 et qui fut autrefois celle du garde forestier de l’auteur de Candide. Mêlé a
713 tâches à réaliser aux dimensions de la communauté qui est le mieux capable de les résoudre” ».
30 1972, Articles divers (1970-1973). Je rentrais de l’espace… (27-28 mai 1972)
714 is de l’espace. Des heures durant, je l’avais vue qui tournait lentement, merveilleuse, éclatante, seule vivante, bleue, ve
715 noir éternel, et je l’avais aimée comme une femme qui vient, comme une patrie d’enfance qu’on retrouve. Aimée aux larmes. I
716 pays oblique apparaît, sombre encore dans le jour qui naît. Des clochers et des tours s’éclairent, touchés par le soleil ra
717 ible, comme des décors translucides. Mais tout ce qui est proche sur nos rives brille d’un vif éclat humide, repeint à neuf
718 Collines », comme disent les Suisses alémaniques, qui va du Léman au Bodan, et qui représente à peine la moitié du pays, l’
719 Suisses alémaniques, qui va du Léman au Bodan, et qui représente à peine la moitié du pays, l’autre étant occupée par les d
720 a ville unique, sa présence partout imminente. Ce qui ne trompe pas, à l’observer du ciel, c’est la structure des aggloméra
721 t sa cour au bourg (ou « borgho ») des bourgeois, qui tiennent conseil sur la place. Cette place, qui définit toute vraie c
722 , qui tiennent conseil sur la place. Cette place, qui définit toute vraie commune, ou communauté d’hommes libres, a repris
723 de la Rome républicaine. Les principaux bâtiments qui l’entourent symbolisent les grandes forces de la société et les tensi
724 les grandes forces de la société et les tensions qui naissent de leur concours. Tension entre l’Église et la mairie, tensi
725 sommateurs. Telle étant l’architecture de la cité qui a permis la démocratie, on voit que cette dernière trouve ses ennemis
726 ue des villes, et les autos. Les grands ensembles qui n’aménagent par leur propre centre de vie civique, c’est-à-dire un es
727 , c’est-à-dire un espace interdit aux voitures et qui assure les fonctions de l’agora, sont des anti-communautés, entasseme
728 s. La vocation de la Suisse est de revaloriser ce qui est petit contre le gigantisme, sauvant ainsi son âme et ses paysages
729 , hostile à toute espèce de grandeur. Les Suisses qui s’en offusquent vont ailleurs, et ils y font de grandes choses. Carlo
730 Bridge. Le Corbusier, natif de La Chaux-de-Fonds, qui n’a guère fait en Suisse que la maison de sa mère, ira bâtir des capi
31 1972, Articles divers (1970-1973). Qu’est-ce que la culture ? : quatre thèses et une hypothèse (juin 1972)
731 re n’est nullement une distinction, quelque chose qui distingue du vulgaire et que l’on acquiert par des études. Elle n’est
732 l’imaginent encore quelques amateurs de clichés, qui ne savent pas qu’il n’y a plus de salons, qu’ils ont été remplacés de
733 a culture n’est pas nécessairement sérieuse. Ceux qui n’ont pas le sens de l’arbitraire, de l’humour fût-il noir, de la dés
734 ividu naît, grandit, s’intègre au long des jours, qui forment son esprit et qu’il assume plus ou moins complètement et comb
735 qu’il se peut qu’elle soit « La culture est ce qui reste quand on a tout oublié », disait Édouard Herriot, homme politiq
736 douard Herriot, homme politique bien oublié, mais qui reste, précisément, par cette seule phrase sur la culture. On l’a pri
737 x, se trouve créée par toute information nouvelle qui atteint un individu. Après quoi, le contenu de l’information peut trè
738 ent à la personne constituée — je ne dis pas à ce qui la constitue, qui est l’appel de sa fin, sa vocation. 4. Il n’y a
739 constituée — je ne dis pas à ce qui la constitue, qui est l’appel de sa fin, sa vocation. 4. Il n’y a pas de cultures na
740 moyenne 25 ans d’âge. Or, la culture européenne, qui remonte à Sumer, à l’Égypte, à la Crête, à l’Iran et aux Scythes, à l
741 s vanités, leurs chauvinismes, partout pareils et qui ne les distinguent en rien. Il n’y a pas plus de « musique française 
742 as pu tenir compte par anticipation de frontières qui ne seront tracées que plusieurs siècles plus tard au hasard des batai
743 au ou la monnaie qu’on y vénère. La seule culture qui puisse être sucée avec le lait, assimilée, vécue et contrastée avec d
744 ne Dès l’aube de la pensée des Grecs d’Ionie — qui est théologique, cosmologique et politique d’un seul mouvement — une
745 tif et moral de l’Européen en tant que tel : « Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus belle
746 iste, mais aussi contre la tyrannie collectiviste qui lui répond mécaniquement). Toutes les autres cultures, antiques et as
747 te aussi de ce grand paradoxe qu’une contestation qui refuse de discuter avec la tradition s’annule en supprimant tous les
748 radition s’annule en supprimant tous les critères qui permettraient de mesurer ou de valoriser ses créations. C’est la faib
749 élas sans rire ! — le célèbre programme électoral qui réclamait « l’extinction du paupérisme à partir de dix heures du soir
750 este comme l’amour prévaut contre l’indifférence, qui n’est souvent qu’angoisse refoulée. Elle l’abolit en création. Tel es
32 1973, Articles divers (1970-1973). La Merveilleuse histoire de Tristan et Iseut [préface] (1973)
751 la force des mots et à les retenir par la liaison qui se trouve entre le mot primitif et les mots dérivés. De plus, elles d
752 faire entendre la force du mythe, par la liaison qui se trouve entre la légende primitive et ses expressions dérivées dans
753 t, les textes primitifs de la légende de Tristan, qui remontent aux xiie et xiiie siècles, expriment bien autre chose qu’
754 qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au public une justification de l’usage
755 es individuelles les plus diverses — une histoire qui décrit et révèle d’une manière imagée, symbolique, une structure de n
756 . Mais non pas de notre existence intellectuelle, qui a bien d’autres manières de s’exprimer, plus directes et abstraites à
757 roisième forme de l’existence proprement humaine, qui est l’âme. Je ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lu
758 mot au sens précis et véritablement traditionnel, qui se retrouve dans certains dérivés comme animé, animation, ou même ani
759 d’un pianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’est ni proprement physique ni proprement spirituelle, qui n’est pas
760 ni proprement physique ni proprement spirituelle, qui n’est pas celle du corps ni celle de l’intellect, encore qu’elle tien
761 e qu’elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais qui est bien plutôt celle du « cœur » comme on dit, celle de l’âme. L’âme
762 e de l’intellect. La passion, c’est une impulsion qui outrepasse les lois et routines de l’instinct, et qui va se heurter a
763 outrepasse les lois et routines de l’instinct, et qui va se heurter aux conventions sociales. Ainsi, l’amour-passion est ce
764 Ainsi, l’amour-passion est cette forme de l’amour qui se libère des contraintes naturelles, des rythmes trop prévus de la s
765 fort que la vie quotidienne, plus fort que la vie qui dégrade, assagit, amortit, et réduit aux routines. C’est le mythe de
766 a vie « courante », par la réalité des caractères qui se heurtent à propos de rien, et des tempéraments qui s’accordèrent u
767 se heurtent à propos de rien, et des tempéraments qui s’accordèrent un jour dans l’instant du premier regard, mais que le t
768 ermanent de dissonance. C’est le mythe d’un amour qui méprise l’épreuve de l’engagement dans les rapports sociaux, et même
769 e l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’est pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie un troubadour tardif, contemporain de nos
770 nes. Mais qu’est-ce alors, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi ? Ce n’est pas le désir comblé, au sens sexuel de l’
771 st pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui triomphe au contraire de tout. La vraie victime, c’est le roi Marc, s
772 , la fonction émotive, dans l’homme contemporain, qui s’épuise et qui s’atrophie, entre le corps et l’intellect seuls culti
773 otive, dans l’homme contemporain, qui s’épuise et qui s’atrophie, entre le corps et l’intellect seuls cultivés par notre ci
774 n et Iseut. Ils cherchent donc partout l’obstacle qui résiste, et n’en trouvent guère. L’Homme sans qualités, de Musil, la
775 hos du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous qui tiennent encore. Mais déjà, le héros de Lolita nous est décrit comme
776 nous disent-ils, dans les voies d’une destinée «  qui jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car ils ont beu leur destruc
777 ce monde, mais ils ont aussi bu l’Amour, un amour qui s’adresse à la part immortelle que lui seul pourra deviner, ou suscit
778 lui-même des Bretons, de Béroul, et d’on ne sait qui d’autre, Wagner décrit par sa musique, vrai langage du mythe essentie
779 ileuse aurore jaune au bas du ciel, c’est un jour qui renaît, non pas le jour des hommes et de leur peine quotidienne, mais
780 peine quotidienne, mais l’horizon du nouveau jour qui révélera le sens caché de nos « apparences actuelles », le jour de l’
781 être de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa personne éternelle. Tout homme est double : ind
782 re, donc transitoire — et germe d’un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Or, ces anges, nommés F
783 germe d’un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Or, ces anges, nommés Fravartis, sont des entité
784 nstituée se produit à l’aube de la troisième nuit qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de l’âme avec son moi cél
785 d’immortalité »18, au centre du monde spirituel ( qui est le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant
786 este, jeune femme d’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltrai
787 rti c’est une apparition monstrueuse et défigurée qui reflète son état déchu. Je ne puis m’empêcher d’imaginer que cette « 
788 me, figure la conclusion du mythe de Tristan : ce qui se passe trois jours après la mort d’amour. Iseut n’évoque-t-elle poi
789 lumière qu’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été, sur la Terre, le véritable objet du désir de Tristan, sa
790 the peut nous y aider, c’est bien là sa fonction, qui est d’orienter notre vie affective, de lui offrir un modèle simple et
791 en français d’aujourd’hui plusieurs traductions, qui se donnent pour fidèles, des versions de Thomas, de Gottfried de Stra
792 ramassé, condensé, pathétique au lyrisme contenu qui n’éclate malgré lui que dans l’épisode bref, tel Tristan fou ; Mary p
793 « anglo-normand » comme son modèle principal. Ce qui nous vaut une langue riche et fort habilement ravalée sans pédanterie
794 s tenons pour les « originaux » de la légende, et qui , en fait, n’étaient eux-mêmes que des versions renouvelées, souvent c
795 ite de la légende, les situations et les symboles qui en constituent la matière traduisible : on peut tout traduire d’un po
796 raduire d’un poème, sauf la poésie. Après Bédier ( qui a provoqué le premier choc révélateur), après André Mary (pour ceux q
797 ier choc révélateur), après André Mary (pour ceux qui en veulent davantage), après Wagner (le plus profond, le plus insuppo
798 porte de mourir ! » — chez Mary, rien du tout, ce qui vaut sans doute mieux. Dans le même Roman en prose, lorsque Tristan m
799 ’âme. ») Mais il y a surtout l’épisode des amants qui se repentent lorsque le philtre cesse d’agir, après trois ans. Ils vo
800 ! (Amors par force vos demeiné) — un seul vers qui nous jette au cœur du Mythe et qui demeure, à tout jamais, la plus po
801 — un seul vers qui nous jette au cœur du Mythe et qui demeure, à tout jamais, la plus poignante définition de la passion.
33 1973, Articles divers (1970-1973). Université et universalité (janvier 1973)
802 . Pourquoi ? À cause de l’excès de spécialisation qui était en train de stériliser les recherches en les soumettant à leur
803 ait nous conduire à l’idée d’interdisciplinarité. Qui veut dire quoi ? Beaucoup de choses vagues, comme culture générale, s
804 s la linguistique de F. de Saussure l’explication qui lui manquait de la prohibition de l’inceste et des structures de la p
805 a théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qui renouvelle à la fois l’économie et la stratégie militaire, et celui d
806 isation ? En vertu même de l’objet de ses études, qui est l’Europe, il me paraît condamné à l’interdisciplinarité de type b
807 ciplinarité de type b). L’Europe est un phénomène qui n’existe, au sens fort, ni dans les réalités économiques seules, ni d
808 deux phénomènes très éloignés, et que la lumière qui jaillit de l’opération éclaire des structures communes ou des analogi
809 er qu’à des degrés très variables chez les sujets qui la pratiquent, enseignants et étudiants. Nous partons chacun de sa ou
810 ossibilité pour les étudiants de suivre des cours qui ailleurs seraient répartis entre quatre ou cinq facultés. Les univers
811 is entre quatre ou cinq facultés. Les universités qui luttent contre le gigantisme en se scindant selon leurs spécialités —
812 cindant selon leurs spécialités — voir les treize qui sont issues de la Sorbonne — vont en sens inverse de l’interdisciplin
813 68, mais si curieusement oubliée par les réformes qui ont suivi. au. Rougemont Denis de, « [Entretien] Université et uni
34 1973, Articles divers (1970-1973). De Genève à l’Europe par les régions (mars 1973)
814 ramatique procès de Burgos : entre ces événements qui tantôt font grand bruit dans les journaux, tantôt passent à peu près
815 ion centralisé, de modèle jacobin et napoléonien, qui domine l’Europe depuis un siècle et demi, et que tous les pays du mon
816 mouvements de la Résistance, dans tous nos pays, qui proclament, vers la fin de la dernière guerre, la nécessité de « dépa
817 s, mais l’obstacle majeur à l’union du continent, qui est le seul moyen d’échapper à la colonisation de nos pays par l’appa
818 nde actuel. Un modèle périmé L’État-nation, qui se dit souverain absolu, est manifestement trop petit pour jouer un r
819 pas la création d’agences fédérales européennes, qui seraient compétentes partout où les tâches et leur concertation se ré
820 . D’autre part, l’État-nation de type centralisé, qui prétend follement imposer les mêmes limites territoriales à des réali
821 s — ce carcan militaire, idéologique et douanier, qui a moins d’un siècle d’âge en moyenne, n’est plus capable d’assurer la
822 it Jura (encore bernois) ; les révoltes ethniques qui couvent et parfois éclatent en Bretagne ou en Flandre ; les poussées
823 demain. II. Les plans d’aménagement du territoire qui se donnent pour but de réduire les disparités économiques nationales
824 ues nées du hasard des guerres et des traités, et qui ne correspondent plus à nulle réalité, ni ethnique ni économique. Sur
825 e l’écrit J.-F. Gravier, auteur d’un livre fameux qui fut à l’origine du néo-régionalisme en France : Paris et le désert fr
826 es, pénalisées ou bloquées par un cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté »
827 n douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté » (d’ailleurs de plus en plus fictive) de
828 ctive) des États. Or tous les problèmes concrets qui se posent dans cette région appellent des solutions transfrontalières
829 cologique. Il y a enfin une région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par
830 de Genève une sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la centralisation ceux des trop petites dim
831 que je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le pays de Gex, la Savoie, la Romandie tout entière e
832 oie, la Romandie tout entière et, dans une mesure qui reste à déterminer, l’Isère, le Val d’Aoste et la Franche-Comté. L
833 de régions à géométrie variable selon la fonction qui les définit. Voilà qui paraît très concevable, mais qui pose le probl
834 variable selon la fonction qui les définit. Voilà qui paraît très concevable, mais qui pose le problème très neuf de l’admi
835 s définit. Voilà qui paraît très concevable, mais qui pose le problème très neuf de l’administration de ces régions d’aires
836 s régions, et de la sorte créer un tissu européen qui finira par se révéler plus solide que les liens administratifs subsis
837 isser s’évanouir les préjugés stato-nationalistes qui paralysent aujourd’hui l’imagination de la plupart des « serviteurs d
35 1973, Articles divers (1970-1973). Recréer la place publique (1er juillet 1973)
838 un parking, et si les rues sont livrées aux autos qui essaient au mieux de s’éviter, non aux piétons qui aimeraient se renc
839 ui essaient au mieux de s’éviter, non aux piétons qui aimeraient se rencontrer, la démocratie n’existe plus, ses racines so
36 1973, Articles divers (1970-1973). L’Europe, c’est d’abord une culture (juillet-août 1973)
840 e : la liberté, non la puissance Je pars de ce qui me paraît une évidence majeure : il nous faut « faire l’Europe » afin
841 ropéenne pratiquement acceptable pour les nations qui ont des problèmes régionaux (laquelle n’en a pas ?), pour les ethnies
842 gionaux (laquelle n’en a pas ?), pour les ethnies qui se trouvent soit divisées par les frontières de deux ou trois États,
843 ien la culture — l’École, la presse, les livres — qui nous fait croire depuis plusieurs générations de bons élèves et de ma
844 gne, l’Italie ou la Hollande sont immortelles, ce qui suggère qu’elles auraient existé de toute éternité, alors qu’en vérit
845 faux dans cet enseignement, et dans les croyances qui en résultent. Tout d’abord : il n’y a pas de cultures nationales, si
846 , le mot « nation » désignait, dès ce temps, ceux qui parlent une même langue ? Oui, mais il n’était pas question de les en
847 s Pyrénées séparent l’Espagne de la France, voilà qui est clair — à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pa
848 contraire que ce sont « les prophètes d’Israël » qui ont « déposé dans notre esprit cette soif révolutionnaire de la justi
849 e esprit cette soif révolutionnaire de la justice qui distingue socialement l’Occident ». La vérité que nous cachent les fa
850 us tard, à un moindre degré, arabes puis slaves — qui nous ont tous affectés, à doses variables, et qui ont éduqué notre vi
851 qui nous ont tous affectés, à doses variables, et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nou
852 isme, le libéralisme et le marxisme, bref tout ce qui compte dans la vie de la culture et qui a marqué les élites intellect
853 f tout ce qui compte dans la vie de la culture et qui a marqué les élites intellectuelles de tous nos pays, puis, à travers
854 uite. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, c’est la pluralité des écoles de pensée e
855 ion perpétuelle des grands courants continentaux, qui établissent une unité vivante et dynamique, et des foyers locaux de c
856 e et dynamique, et des foyers locaux de création, qui sans cesse remettent en question et renouvellent les données communes
857 des régions L’Europe que nous devons vouloir et qui est la seule que nous puissions espérer, ne sera jamais un laborieux
858 s tarifaires et autres conventions interétatiques qui , sous prétexte de faciliter un peu le passage des frontières en maint
859 que jamais coïncider, comme le font les fonctions qui les définiront ; et leur base territoriale sera tout simplement celle
860 a tout simplement celle du syndicat intercommunal qui se constituera, de cas en cas, en vue d’exercer en commun telle ou te
861 ralité des allégeances Une telle organisation, qui correspondrait enfin aux nécessités de la vie réelle et non plus aux
862 relever d’une pluralité d’ensembles fonctionnels, qui ne sont pas de même aire territoriale ni de même appartenance politiq
863 illustrer : je suis Neuchâtelois de naissance, ce qui veut dire que la communauté et le territoire de l’ancienne principaut
864 n tant qu’écrivain, je relève de la francophonie, qui couvre deux tiers de la France, un tiers de la Suisse, la moitié de l
865 ivent désormais relever d’un seul pouvoir central qui les limitera à un seul territoire, je crierais au fou, — et ce fou se
866 s ces « chambres hautes » dont parlent les Actes ( qui risquent d’être plutôt, demain, les catacombes des réduits antiatomiq
37 1973, Articles divers (1970-1973). « La famille est devenue un choix » (23 septembre 1973)
867 assé. Il a donc fait des recherches généalogiques qui l’ont conduit à de surprenantes découvertes. Ce fils de pasteur compt
868 e trace d’une femme de cette famille de Rougemont qui a épousé le comte de Neuchâtel en 1360. On trouve également un abbé d
869 uence des professions héréditaires » ? C’est vous qui l’écrivez. Vous n’avez jamais songé à être pasteur ? Il est intéressa
870 ne critique que j’ai envoyée à une revue à Genève qui l’a publiée. Je n’en étais pas plus fier pour ça : je me voulais poèt
871 pour l’argumentation et la dialectique légaliste, qui l’eussent conduit, en d’autres temps, vers une carrière d’homme polit
872 ibéral avec de l’amitié pour les socialistes — ce qui faisait scandale. J’ai été très influencé par lui jusqu’à l’âge de 18
873 ma mère : deux tempéraments fort différents. Vous qui vivez dans l’avenir, que pensez-vous de celui de la famille ? La fami
874 ne mourra pas ? Non, elle se transformera. En ce qui vous concerne ? À partir de ma génération, on faisait autre chose que
38 1973, Articles divers (1970-1973). Sur la taille des régions (octobre 1973)
875 « taille européenne ». Quelle est cette taille ? Qui en décide ? Au nom de quoi ? Que veut-on dire ? On me répond qu’il s’
876 e répond qu’il s’agit de « découper » des régions qui soient assez grandes, assez peuplées, assez industrialisées et bétonn
877 at, Péchiney peuvent être « compétitifs » avec ce qui se fait à Détroit, à Essen ou à Bâle, mais si une de ces firmes s’ins
878 e de technocrate, de ministre ou de fonctionnaire qui ne raisonne qu’en termes de pouvoir et de prestige. Ce n’est pas un s
879 trop loin de la vie quotidienne. En revanche, ce qui peut rassembler et dresser citoyens et citoyennes d’une région, c’est
880 ’échelon national (c’est-à-dire à Paris), mais ce qui intéresserait les habitants de la région serait de pouvoir se prononc
881 serait de pouvoir se prononcer sur les problèmes qui les concernent. Et puis, finissons-en avec ces questions de taille. I
882 Et cela n’est pas contradictoire avec la tendance qui nous porte à la fédération du continent. Car seules les petites unité
39 1973, Articles divers (1970-1973). Une possibilité européenne : la région genevoise (novembre 1973)
883 ngoisse devant les mass médias d’État, où tout ce qui n’est pas publicité tonitruée pour des produits, des modes ou des rév
884 ulées, ne s’entend plus. L’angoisse des individus qui ont perdu prise sur leur vie, et n’ont plus foi dans les mythes natio
885 é par nos routines mentales, héritées de l’École, qui ont substitué les mythes de l’État régalien et de la nation indivisib
886 idence de la région et l’absurdité des frontières qui tranchent dans le vif de ses tissus, il faut parfois le regard neuf,
887 parfois le regard neuf, sinon naïf, d’un étranger qui simplement « en croit ses yeux ». Pendant la conférence des quatre Gr
888 ues nées du hasard des guerres et des traités, et qui ne correspondent plus à nulle réalité, ni ethnique ni économique. Sur
889 es, pénalisées ou bloquées par un cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté »
890 n douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté » (d’ailleurs de plus en plus fictive) de
891 ctive) des États. Or, tous les problèmes concrets qui se posent dans cette région appellent des solutions transfrontalières
892 cologique. Il y a enfin une région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par
893 de Lyon — une sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la centralisation ceux des trop petites dim
894 que je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéficiera que le pays de Gex, la Savoie, la Romandie tout entière,
895 oie, la Romandie tout entière, et dans une mesure qui reste à déterminer, l’Isère, le Val d’Aoste et la Franche-Comté. ⁂ Il
896 aient. Autour d’eux, on parlait le même dialecte, qui parlait dans leur inconscient. Avant que Genève ne fût annexée à la F
897 te savoyard. ⁂ C’est l’École, à ses trois degrés, qui nous a convaincus que nous étions différents au point de ne pouvoir r
898 l’éducation des citoyens, à partir des réalités, qui sont locales et régionales d’abord, puis continentales et mondiales.
899 dépend de l’éducation, au cours des trois lustres qui viennent. La région n’est nullement un relai de croissance. C’est un
40 1973, Articles divers (1970-1973). Face à la crise de notre continent, l’utopie de Denis de Rougemont : l’Europe des régions (1er-2 décembre 1973)
900 mière des événements de cet automne, l’« Utopie » qui l’anime — le mot est de lui — dans son projet de remodelage de la soc
901 volontés de quelques émirs et dictateurs arabes, qui pourraient acheter toutes leurs industries, si ça leur plaisait, et p
902 s s’avéreront plus solides que les États actuels, qui , peu à peu, tomberont en désuétude. La région ? Pouvez-vous préciser 
903 n ne doit pas être circonscrite par une frontière qui enferme tout. Elle se définit de manière variable selon les fonctions
904 e à Verbois ; ou encore une région universitaire, qui va de Saint-Étienne à Neuchâtel et de Besançon à Aoste, en passant pa
905 fédérales correspondant aux différentes fonctions qui définissent les régions, et chargées de les informer, de les concerte
906 ental. Cela peut se faire sans délai. Les régions qui s’élaborent un peu partout en Europe peuvent très bien désigner des d
907 en Europe peuvent très bien désigner des délégués qui se réunissent en congrès annuel : voilà l’origine d’une vraie vie pol
908 ine d’une vraie vie politique européenne. Mais ce qui est important, c’est qu’il existe au-dessus des régions et à leur ser
909 et composé non de spécialistes, mais de citoyens qui aient une vision générale de la vie, qui équilibrent les différentes
910 citoyens qui aient une vision générale de la vie, qui équilibrent les différentes fonctions de la cité selon une hiérarchie
911 frontières d’un de nos États-nations, frontières qui ont été fixées au hasard des guerres et des traités sur de tout autre
912 r résumer beaucoup ma position, que dans un monde qui serait structuré par régions, mais dans le cadre d’une politique comm
913 gions avaient leur mot à dire à propos de tout ce qui se passe sur leur territoire, par exemple à propos des implantations
914 iosités les plus vite éveillées à son âge, celles qui concernent sa région, son économie, et aussi son histoire et les trac