1
plein accord avec mon ami Louis Armand, sauf sur
un
seul point, c’est quand il dit que les mathématiques ne se prêtent pa
2
, ne se prêtent pas au chant. Il y a tout de même
un
exemple, c’est la manière de psalmodier la table des multiplications
3
exemple, c’est la manière de psalmodier la table
des
multiplications à l’école primaire qui m’a toujours frappé, et ceci p
4
ue la liturgie n’est pas seulement l’expression d’
une
émotion mais un moyen mnémotechnique dans certains cas. Ceci dit, j’a
5
est pas seulement l’expression d’une émotion mais
un
moyen mnémotechnique dans certains cas. Ceci dit, j’aurai une seule r
6
émotechnique dans certains cas. Ceci dit, j’aurai
une
seule remarque, non pas du tout en contradiction avec ce que vient de
7
écifique de l’information que l’on peut avoir par
un
livre : je le prends dans son sens étymologique qui est très proche d
8
ologique qui est très proche de formation. Il y a
des
livres de pure information, comme on dit, d’information courante, qui
9
nt les dictionnaires, les encyclopédies, qui sont
des
réservoirs de recettes, de noms, de dates, des « data banks » comme o
10
nt des réservoirs de recettes, de noms, de dates,
des
« data banks » comme on dit aujourd’hui. Je ne sais pas la traduction
11
par contraste avec les moyens audiovisuels comme
une
espèce d’appareil très simple, aussi simple dans ses éléments constit
12
nce en technique, ce petit truc tout simple… Donc
des
appareils formés d’éléments extrêmement simples à usages complexes et
13
nformation consiste en ceci que, quand vous lisez
un
livre, vous avez en quelque sorte l’esprit polarisé. Cela vous orient
14
sé. Cela vous oriente, vous organise, et qualifie
un
certain nombre de signes et de significations. Je vois le livre donc
15
t de significations. Je vois le livre donc comme
un
appareil formé de mots et de phrases, disposés de telle sorte que le
16
rit du lecteur de la manière la plus précise dans
une
seule bonne direction sur les mille, sur les millions, sur l’infinité
17
n sur les mille, sur les millions, sur l’infinité
des
directions possibles. Alors, qu’est-ce qui produit cet effet d’orient
18
et du sentiment. Quelquefois, c’est l’agencement
des
arguments dans un ouvrage philosophique, ou quelquefois ce sont simpl
19
uelquefois, c’est l’agencement des arguments dans
un
ouvrage philosophique, ou quelquefois ce sont simplement des situatio
20
philosophique, ou quelquefois ce sont simplement
des
situations dans un ouvrage romanesque. Mais toujours un livre digne d
21
uelquefois ce sont simplement des situations dans
un
ouvrage romanesque. Mais toujours un livre digne du nom de livre, est
22
uations dans un ouvrage romanesque. Mais toujours
un
livre digne du nom de livre, est un appareil qui fonctionne de cette
23
Mais toujours un livre digne du nom de livre, est
un
appareil qui fonctionne de cette manière-là, opère, transmet son mess
24
ère-là, opère, transmet son message, est lui-même
un
message, plus ou moins bien imprimé ensuite ou stocké dans la mémoire
25
références ou répertoires, c’est de faire passer
un
message unique et qui est global, qui tient à tout le livre, qui tien
26
à ses rythmes au moins autant qu’à l’enchaînement
des
arguments. Il n’y a pas deux livres pareils, alors qu’il peut y avoir
27
pas deux livres pareils, alors qu’il peut y avoir
un
nombre considérable de moyens de faire passer une même information ob
28
un nombre considérable de moyens de faire passer
une
même information objective non qualifiée, non organisée, de la formul
29
transmettre. J’entends par information objective
un
nombre, un nom, un procédé, un fait, un accident. Le livre c’est donc
30
e. J’entends par information objective un nombre,
un
nom, un procédé, un fait, un accident. Le livre c’est donc de l’infor
31
ends par information objective un nombre, un nom,
un
procédé, un fait, un accident. Le livre c’est donc de l’information f
32
ormation objective un nombre, un nom, un procédé,
un
fait, un accident. Le livre c’est donc de l’information formatrice. C
33
objective un nombre, un nom, un procédé, un fait,
un
accident. Le livre c’est donc de l’information formatrice. C’est un o
34
vre c’est donc de l’information formatrice. C’est
un
organisme formateur indépendamment des informations objectives qu’il
35
rice. C’est un organisme formateur indépendamment
des
informations objectives qu’il peut ou non contenir et utiliser comme
36
ériel. Cet appareil, nous le traversons en lisant
un
livre, nous faisons une expérience de transformation qui nous transfo
37
us le traversons en lisant un livre, nous faisons
une
expérience de transformation qui nous transforme nous-mêmes, nous dig
38
u’en revanche et en retour le livre nous digère d’
une
certaine manière. Quand nous disons que nous sommes « absorbés » dans
39
and nous disons que nous sommes « absorbés » dans
un
livre, est-ce que c’est lui qui nous absorbe ou nous qui l’absorbons
40
qui nous absorbe ou nous qui l’absorbons ? C’est
une
question qu’on peut se poser, et cela me fait penser à ce passage trè
41
ge très fameux de l’Apocalypse où l’auteur entend
une
voix du ciel qui lui dit : « Va au-devant de cet ange et prends ce pe
42
ter ». Nous ne sommes pas tous destinés à devenir
des
prophètes. Mais vous voyez qu’il y a cette espèce d’interaction qui i
43
ue bien la valeur transformatrice qui existe dans
un
livre, dans ce petit appareil qu’est le livre dont on ne sait jamais
44
, puisqu’on parle d’information, que le livre est
une
manière surannée d’informer les gens. La radio, la télévision ou de b
45
nt faire plus vite ? Peut-être… Si vous me donnez
une
minute, je voudrais vous lire une page de Nietzsche que j’ai retrouvé
46
vous me donnez une minute, je voudrais vous lire
une
page de Nietzsche que j’ai retrouvée ce matin même, sur « la lente le
47
toutes les librairies et je voudrais l’opposer à
une
annonce publicitaire qu’on voit paraître de plus en plus fréquemment
48
nérable qui, de ses admirateurs, exige avant tout
une
chose : se tenir à l’écart, prendre du temps, devenir silencieux, dev
49
endre du temps, devenir silencieux, devenir lent.
Un
art d’orfèvrerie, une maîtrise d’orfèvre. C’est justement à cause de
50
ir silencieux, devenir lent. Un art d’orfèvrerie,
une
maîtrise d’orfèvre. C’est justement à cause de cela qu’il est aujourd
51
que le livre charme et séduit le plus au milieu d’
un
âge du travail, je veux dire de la précipitation, de la hâte indécent
52
t qui veut vite en finir de toutes choses, même d’
un
livre fût-il ancien ou nouveau. Il enseigne à bien lire, c’est-à-dire
53
t-à-dire lentement, avec profondeur, égards, avec
des
précautions, arrière-pensées, des paroles ouvertes, avec des doigts e
54
r, égards, avec des précautions, arrière-pensées,
des
paroles ouvertes, avec des doigts et des yeux délicats. Ami patient,
55
ions, arrière-pensées, des paroles ouvertes, avec
des
doigts et des yeux délicats. Ami patient, ce livre ne souhaite pour l
56
pensées, des paroles ouvertes, avec des doigts et
des
yeux délicats. Ami patient, ce livre ne souhaite pour lui que des lec
57
s. Ami patient, ce livre ne souhaite pour lui que
des
lecteurs parfaits. Apprenez à bien me lire. Lisez-moi lentement. M.
58
e Rougemont va maintenant répondre, à son tour, à
un
certain nombre de questions posées. Eh bien, ce ne sont pas les sujet
59
t le temps de lente lecture pour bien se pénétrer
des
questions. Je disais que les sujets ne manquent pas, mais le temps de
60
fait de plus en plus centralisés, contrôlés, par
un
nombre de plus en plus restreint d’hommes ou d’intérêts. Le dissentim
61
cultés à s’exprimer qu’au temps où il suffisait d’
une
très modeste mise de fonds pour publier un livre ? » Cette critique-l
62
ait d’une très modeste mise de fonds pour publier
un
livre ? » Cette critique-là s’adresse essentiellement, me semble-t-il
63
llement, me semble-t-il, à la télévision, ou dans
un
sens moins grave à la radio, à quoi il faut opposer non pas seulement
64
livre, c’est-à-dire qui peut être comme le livre
un
agent d’individualisme, d’individualisation en face de cet agent coll
65
us fortement aujourd’hui qu’elle ne dépasse guère
un
certain rayon, contrairement à la radio qui va beaucoup plus loin, et
66
n, c’est quelque chose qu’on vous impose ; il y a
un
très petit nombre de programmes, vous n’avez aucun choix. C’est fait
67
grammes, vous n’avez aucun choix. C’est fait pour
un
certain ensemble, une certaine tribu, une partie même de la nation, s
68
aucun choix. C’est fait pour un certain ensemble,
une
certaine tribu, une partie même de la nation, si la nation est grande
69
ait pour un certain ensemble, une certaine tribu,
une
partie même de la nation, si la nation est grande. Vous n’avez aucun
70
uvent devant mon poste de télévision — mais c’est
une
protestation absolument vaine, sans aucune suite. Tandis que la situa
71
s pour le faire. À cet égard, je voudrais ajouter
un
petit renseignement. Ça touche au livre, vous allez voir. Je cherchai
72
e, vous allez voir. Je cherchais les moyens, avec
un
groupe de gens, de contre-battre les effets de certaines télévisions,
73
certaines télévisions, notamment pour introduire
un
angle de vision plus européen dans les programmes. Et alors, on se di
74
est-ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’il faut créer
un
poste européen de télévision ? » Ça sera très difficile d’abord de le
75
de transmettre cela assez loin, parce qu’il faut
des
autorisations de certains pays et de certains gouvernements. Alors, q
76
asser sur la télévision, sur son poste personnel,
des
petits films qui sont comme l’équivalent du microsillon. C’est dans c
77
chacun peut passer cela. C’est la cassette. C’est
un
palliatif. Ce n’est pas suffisant, mais c’est l’équivalent du livre p
78
non plus dans le livre. Il faut toujours au moins
un
mois pour sortir un livre sur l’actualité. Quelqu’un me demande « si
79
re. Il faut toujours au moins un mois pour sortir
un
livre sur l’actualité. Quelqu’un me demande « si par exemple, la band
80
ccéder au livre », moi je ne le pense pas. Il y a
des
gens pour lesquels l’ouïe est le sens le plus développé et d’autres p
81
ombiner aussi les deux choses. Je pense que c’est
une
affaire d’entraînement, de goût personnel, de possibilités différente
82
n’y aurait pas lieu de développer la recherche d’
une
langue internationale ? L’espéranto, par exemple, ce qu’on a essayé d
83
urantes, que vous pourrez aussi bien trouver dans
un
dictionnaire ou un répertoire, pourquoi ne pas les diffuser en espéra
84
ourrez aussi bien trouver dans un dictionnaire ou
un
répertoire, pourquoi ne pas les diffuser en espéranto, à supposer qu’
85
s que de l’information objective. Ça vous apporte
une
orientation de la sensibilité et du sentiment d’une manière que vous
86
e orientation de la sensibilité et du sentiment d’
une
manière que vous ne pouvez pas dissocier de l’information objective q
87
quelque chose que vous ne pouvez jamais espérer d’
une
langue synthétique comme l’espéranto. J’ai pris cette question parce
88
tous soumis, il est encore possible de se ménager
des
moments de lente lecture ? » Première remarque : ce ne sont pas les g
89
le mieux, ni même qui lisent le plus. Je connais
des
gens qui sont tout à fait dans le style employé de bureau, femme de m
90
ri, comme dirait M. le Lionnais, on mette de côté
un
certain nombre de livres, qu’on relira pendant toute sa vie, dans les
91
a toujours plus de choses. Je crois qu’on va vers
une
époque où le loisir va devenir le sérieux de la vie, le loisir et la
92
s ensuite, on se repose comme on peut, on s’amuse
un
peu. Il semble depuis à peu près deux-cents ans que le sérieux de la
93
ger. L’accent est en train de passer sur le temps
des
loisirs, de la culture, parce que, justement, le nombre d’heures de t
94
choses. Je pense que nous allons maintenant vers
un
état de la société où, tout doucement, l’aiguille va passer du travai
95
r le loisir, sérieux de la vie, qu’on travaillera
un
petit peu, pour s’assurer ce qu’il faut, pour avoir le temps de lire
96
en France, ce qui pourrait compenser les chiffres
un
peu pessimistes des statistiques disant qu’on lit trop peu ». On ne p
97
ourrait compenser les chiffres un peu pessimistes
des
statistiques disant qu’on lit trop peu ». On ne peut pas vraiment opp
98
Enfin, la revue, ça tourne autour du livre, c’est
une
antichambre du livre ou c’est le lieu où l’on parle du livre d’une ma
99
u livre ou c’est le lieu où l’on parle du livre d’
une
manière un peu plus prolongée. Je ne voudrais pas prendre plus de tem
100
’est le lieu où l’on parle du livre d’une manière
un
peu plus prolongée. Je ne voudrais pas prendre plus de temps, M. Le L
101
Deux en
un
, ou le fédéralisme (mars 1970)b L’unité et la multitude. Duo aut
102
tude. Duo aut tres in unum. Erreur à exclure l’un
des
deux, comme font les papistes qui excluent la multitude, et les hugue
103
scal Il faut faire l’Europe, mais dans le respect
des
différences nationales, régionales et locales. Cela veut dire qu’il n
104
-dire le fédéralisme. Mais sitôt le mot prononcé,
des
hurlements éclatent sur tous les bancs, de la gauche à la droite et d
105
uns, fédéraliste signifie unification aux dépens
des
caractéristiques nationales, et pour les autres, il signifie refus de
106
e, aux dépens de l’union dans l’intérêt commun.
Un
malentendu tragique et ridicule Tel est le malentendu tragique et
107
qu’il paralyse la pensée politique non seulement
des
nationalistes et des jacobins en colère, mais de beaucoup des partisa
108
nsée politique non seulement des nationalistes et
des
jacobins en colère, mais de beaucoup des partisans sincères d’une « u
109
istes et des jacobins en colère, mais de beaucoup
des
partisans sincères d’une « union plus étroite de nos pays », comme di
110
colère, mais de beaucoup des partisans sincères d’
une
« union plus étroite de nos pays », comme disaient les traités de nag
111
ou à Strasbourg, déclarait il y a quelques années
un
représentant du Conseil de l’Europe : je compris par la suite que ce
112
ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour
un
système d’unification intégrale, sans respect pour la diversité des p
113
ication intégrale, sans respect pour la diversité
des
pays membres. Mais alors, comment expliquer qu’un grand homme d’État
114
es pays membres. Mais alors, comment expliquer qu’
un
grand homme d’État belge ait pu écrire en ce temps-là (il a changé d’
115
son salut ? En Suisse même, le fédéralisme prend
des
sens à peu près opposés selon qu’il s’exprime en allemand ou en franç
116
u en français. Et l’on a pu entendre le recteur d’
une
de nos universités cantonales condamner publiquement le principe même
117
tonales condamner publiquement le principe même d’
une
subvention fédérale à sa haute école, parce qu’ici, disait-il, nous s
118
t-il, nous sommes fédéralistes ! Je n’ai cité que
des
européistes on ne peut plus engagés. Que sera-ce ailleurs, dans la gr
119
eurs, dans la grande presse, dans la grande masse
des
citoyens dont il n’est pas exclu qu’avant longtemps on l’appelle à se
120
exemple dans cette dépêche de Londres publiée par
un
quotidien genevois le 30 janvier : M. Schumann a proposé un marché à
121
n genevois le 30 janvier : M. Schumann a proposé
un
marché à la Grande-Bretagne, en qui il trouvera certainement preneur
122
soutien à la candidature britannique en échange d’
une
opposition commune au fédéralisme, ce qu’il a traduit en ces termes :
123
ice Schumann n’était nullement censé « traduire »
un
refus de la formule fédérale — bien au contraire ! Il est clair que l
124
rappe, c’est qu’elle ait pu passer inaperçue dans
un
quotidien qui s’appelle précisément La Suisse. Un système bon pour
125
quotidien qui s’appelle précisément La Suisse.
Un
système bon pour les sauvages Dans l’espoir de sortir de tant de c
126
ncophone recourt à son Littré, dépositaire depuis
un
siècle du « vrai » sens des mots français, et il trouve ceci : Fédéra
127
ré, dépositaire depuis un siècle du « vrai » sens
des
mots français, et il trouve ceci : Fédéralisme. s.m. Néologisme. Syst
128
ations qui l’illustrent : 1) Le fédéralisme était
une
des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. C
129
ns qui l’illustrent : 1) Le fédéralisme était une
des
formes politiques les plus communes employées par les sauvages. Chate
130
l’unité nationale et de transformer la France en
une
fédération de petits États. Aux jacobins on agita gravement la questi
131
tion. La cause est entendue : le fédéralisme est
un
système bon pour les sauvages, et en France il mérite l’échafaud, qui
132
t en France il mérite l’échafaud, qui est le sort
des
traîtres à la République. Ainsi, le Français cultivé se voit naturell
133
visant cette fois-ci à l’intégration totale dans
un
super-État européen. Cette deuxième « idée » du fédéralisme, inverse
134
té centrale de Washington. Fédéral : qui favorise
un
gouvernement fédéral fort, c’est-à-dire central, lit-on dans le Oxfor
135
meurent vivaces, et non seulement dans le respect
des
autonomies mais pour les sauvegarder, car, faute d’union, elles serai
136
faute d’union, elles seraient vite absorbées par
une
puissance voisine. Le fédéralisme repose essentiellement sur un compr
137
oisine. Le fédéralisme repose essentiellement sur
un
compromis et un pacte. Sur un compromis : si le consensus dans tous l
138
alisme repose essentiellement sur un compromis et
un
pacte. Sur un compromis : si le consensus dans tous les domaines n’es
139
essentiellement sur un compromis et un pacte. Sur
un
compromis : si le consensus dans tous les domaines n’est pas désirabl
140
re atteint, on le réduit à certains domaines. Sur
un
pacte ou quasi-traité : on ne peut unilatéralement en modifier les te
141
ient dans la fédération européenne l’imposition d’
un
volapük universel. Mais à vrai dire, c’est l’idée même d’un pacte non
142
universel. Mais à vrai dire, c’est l’idée même d’
un
pacte non dénonçable au gré du Prince et des seuls intérêts de son Ét
143
ême d’un pacte non dénonçable au gré du Prince et
des
seuls intérêts de son État qui demeure inacceptable aux vrais croyant
144
, il écrit : Pour moi, l’idée fédéraliste suppose
une
conception d’ensemble de la vie politique selon laquelle un peuple so
145
ion d’ensemble de la vie politique selon laquelle
un
peuple souverain délègue, en vue de sa sauvegarde, une part de sa sou
146
euple souverain délègue, en vue de sa sauvegarde,
une
part de sa souveraineté à une organisation politique ne possédant pas
147
e de sa sauvegarde, une part de sa souveraineté à
une
organisation politique ne possédant pas un centre unique de pouvoir,
148
eté à une organisation politique ne possédant pas
un
centre unique de pouvoir, d’impulsion et de création, mais plusieurs.
149
trouver sous la plume du gouverneur républicain d’
un
État typiquement capitaliste des phrases que l’on croirait tirées du
150
eur républicain d’un État typiquement capitaliste
des
phrases que l’on croirait tirées du Principe fédératif de Proudhon su
151
sur la souveraineté partagée, sur la distribution
des
pouvoirs non seulement entre le législatif, l’exécutif et le judiciai
152
à différents niveaux » (ce qui introduit le thème
des
communes et des régions autonomes), enfin, sur le rôle d’impulsion ré
153
eaux » (ce qui introduit le thème des communes et
des
régions autonomes), enfin, sur le rôle d’impulsion réservé au pouvoir
154
orise le non-conformisme, le libre épanouissement
des
cultures particulières et des pensées originales et enfin un équilibr
155
ibre épanouissement des cultures particulières et
des
pensées originales et enfin un équilibre de forces qui exclut toute d
156
particulières et des pensées originales et enfin
un
équilibre de forces qui exclut toute démesure et favorise le libre je
157
ui exclut toute démesure et favorise le libre jeu
des
initiatives sociales créatrices. L’attitude intellectuelle que tradu
158
ences en termes de politique concrète sont causes
des
confusions de langage que j’ai citées et se révèlent nécessairement e
159
nt, il serait fou d’espérer que l’Europe se fasse
un
jour dans l’histoire si elle ne se fait pas d’abord dans les esprits,
160
s d’abord dans les esprits, et voilà qui implique
un
langage, et qu’on ne laisse pas impunies ses erreurs. Car si l’on ne
161
fédéralisme, Paris, Presses d’Europe, 1964. Avec
une
préface d’Alexandre Marc. b. Rougemont Denis de, « Deux en un, ou l
162
lexandre Marc. b. Rougemont Denis de, « Deux en
un
, ou le fédéralisme », 30 jours d’Europe, Paris, mars 1970, p. 22-23.
163
ars 1970)c d On assiste depuis quelque temps à
un
effort de rapprochement entre la CEE et les pays de l’AELE. Pour l’in
164
de Rougemont, que c’est là la meilleure voie pour
une
intégration future de l’Europe ? Eh bien ! beaucoup de gens se figure
165
e de l’Europe, c’est uniquement l’économie. C’est
une
considérable illusion à mon sens, mais qui explique pourquoi la Suiss
166
ci d’entrer dans la CEE. Parce que l’AELE n’a que
des
buts économiques, n’a jamais voulu viser à autre chose qu’à des avant
167
miques, n’a jamais voulu viser à autre chose qu’à
des
avantages commerciaux, par exemple, qui sont ceux du libre-échange, t
168
EE n’a jamais caché depuis le début qu’elle avait
des
visées politiques. La Suisse, pensant que les visées politiques, c’ét
169
pensons que le problème européen dépasse celui d’
une
simple organisation de notre économie, si nous ne voulons pas être «
170
ein de la CEE, comme vous venez de l’expliquer…
Une
unité commune Il faut beaucoup plus même que la CEE à mon sens. L’
171
à mon sens. L’intégration de l’Europe… disons, d’
un
mot moins savant, l’union de l’Europe doit s’opérer sur tous les plan
172
e et culturelle. Car, en fait, si nos peuples ont
une
possibilité d’union, c’est parce qu’il y a, à la base de notre histoi
173
est parce qu’il y a, à la base de notre histoire,
une
unité. C’est sur une unité que l’on peut fonder une union solide. Que
174
à la base de notre histoire, une unité. C’est sur
une
unité que l’on peut fonder une union solide. Quelle est cette unité ?
175
e unité. C’est sur une unité que l’on peut fonder
une
union solide. Quelle est cette unité ? Eh bien ! de culture. Il n’y a
176
ce que l’on nous a appris à l’école. Il n’y a qu’
une
grande culture européenne qui vient de nos ancêtres communs : grecs,
177
s, juifs, par le christianisme, germains, celtes,
un
petit peu arabes, un petit peu slaves. Nous avons tout cela en commun
178
stianisme, germains, celtes, un petit peu arabes,
un
petit peu slaves. Nous avons tout cela en commun. Tous les procédés d
179
à tous les Européens. N’a jamais été l’apanage d’
un
seul de nos pays. Ne s’est jamais arrêté aux frontières actuelles de
180
et à tous les voisins de ce pays, on peut édifier
une
union. Je dis bien : une « union » et non pas une unification. Car la
181
ce pays, on peut édifier une union. Je dis bien :
une
« union » et non pas une unification. Car la seule union que je vois
182
une union. Je dis bien : une « union » et non pas
une
unification. Car la seule union que je vois possible pour l’Europe, e
183
elle la Suisse puisse adhérer de tout cœur, c’est
une
union dans la diversité. C’est-à-dire une union qui, comme celle des
184
, c’est une union dans la diversité. C’est-à-dire
une
union qui, comme celle des vingt-deux cantons suisses, respecte les d
185
iversité. C’est-à-dire une union qui, comme celle
des
vingt-deux cantons suisses, respecte les diversités qui tout de même
186
’unité. Denis de Rougemont, à votre point de vue,
un
écrivain allemand ou suisse alémanique est très proche d’un écrivain
187
n allemand ou suisse alémanique est très proche d’
un
écrivain français ou espagnol ? Beaucoup plus qu’il ne pense. Par l’e
188
ol ? Beaucoup plus qu’il ne pense. Par l’ensemble
des
procédés que les uns et les autres utilisent. Par exemple — prenons l
189
s choses très en gros — en Europe, on fait depuis
des
siècles des tableaux de chevalet, des romans, des pièces de théâtre,
190
s en gros — en Europe, on fait depuis des siècles
des
tableaux de chevalet, des romans, des pièces de théâtre, on donne des
191
fait depuis des siècles des tableaux de chevalet,
des
romans, des pièces de théâtre, on donne des concerts. Eh bien ! tout
192
des siècles des tableaux de chevalet, des romans,
des
pièces de théâtre, on donne des concerts. Eh bien ! tout cela n’exist
193
alet, des romans, des pièces de théâtre, on donne
des
concerts. Eh bien ! tout cela n’existait pas dans les autres cultures
194
par exemple, il n’y a pas de romans qui racontent
des
petites histoires qui se passent tous les jours. Il n’y a que des écr
195
oires qui se passent tous les jours. Il n’y a que
des
écrits religieux, de la sculpture religieuse dans les temples, de la
196
tableau, la symphonie. Toutes ces choses-là sont
des
créations communes à tous les Européens et rapprochent naturellement
197
es de l’Europe… … que l’on pourrait englober dans
une
forme de culture occidentale. Mais dans ces hypothèses d’intégration
198
r ce qu’elle est, ce qu’elle est devenue au cours
des
siècles, c’est-à-dire la formule fédérale. C’est sur cette formule-là
199
te peu à peu, qu’elle s’est créée sous la forme d’
une
confédération en 1848. Et depuis lors, elle essaie d’approfondir cett
200
pensée de votre livre : La Suisse ou l’histoire d’
un
peuple heureux, où vous écrivez : « L’Europe fédérée reste la seule s
201
qu’est le fédéralisme ? Le fédéralisme est l’une
des
choses les plus difficiles à comprendre, et même à vivre, que je conn
202
pour bien la comprendre, il faut penser ensemble
des
choses qui ont l’air de s’exclure logiquement. Il faut penser, par ex
203
versité en même temps. Il faut penser à l’égalité
des
petits États avec des grands. Il faut penser à une quantité de choses
204
Il faut penser à l’égalité des petits États avec
des
grands. Il faut penser à une quantité de choses qui répugnent à la lo
205
es petits États avec des grands. Il faut penser à
une
quantité de choses qui répugnent à la logique. J’entendais l’autre jo
206
(entendant par là — je pense — le fait que c’est
un
petit pays, qui n’a qu’une petite armée, encore que ce soit la plus f
207
nse — le fait que c’est un petit pays, qui n’a qu’
une
petite armée, encore que ce soit la plus forte d’Europe !)… que ce n’
208
soit la plus forte d’Europe !)… que ce n’est pas
une
grande puissance comme les États-Unis ou la Russie… » J’estime que c’
209
États-Unis ou la Russie… » J’estime que c’est là
une
attitude tout à fait erronée, car ce qui fait le poids, l’autorité d’
210
t erronée, car ce qui fait le poids, l’autorité d’
un
pays dans le monde, ce qui donne du poids à ses interventions dans le
211
s qu’il peut prendre. Si l’importance politique d’
un
pays était mesurée uniquement à sa taille, à l’importance de son armé
212
on. Les Américains savent qu’il y a en face d’eux
un
pays qui agit beaucoup sur l’opinion d’une partie du monde : la Russi
213
e d’eux un pays qui agit beaucoup sur l’opinion d’
une
partie du monde : la Russie. La Russie qui n’agit pas du tout par la
214
de ses armées mais par la force de sa doctrine, d’
un
certain idéal communiste. Les États-Unis savent qu’ils ne peuvent opp
215
s savent qu’ils ne peuvent opposer à cet idéal qu’
un
idéal démocratique et de liberté, et qu’ils l’illustrent fort mal en
216
la guerre du Vietnam. Voilà pourquoi je pense qu’
un
petit pays comme la Suisse aurait les plus grandes chances d’agir sur
217
an international s’il avait le courage de prendre
des
initiatives. De prendre notamment cette initiative de proposer une fo
218
De prendre notamment cette initiative de proposer
une
formule fédérale pour l’union de l’Europe. Car cette proposition-là,
219
rs mieux conscience naturellement, et elle aurait
une
grande autorité. On la suivrait. On suivrait la Suisse, si petite qu’
220
sse, si petite qu’elle soit, parce qu’elle aurait
une
grande idée. La Suisse, si petite qu’elle soit, n’aurait pas seulemen
221
e, si petite qu’elle soit, n’aurait pas seulement
un
rôle de parti minoritaire à jouer au sein de cette grande Europe…
222
ope… Prendre conscience … Non ! Elle aurait
un
rôle qui serait peut-être décisif, qui serait de donner justement la
223
isse soit capable de le faire, de le proposer sur
un
plan international, il faut que nous autres, les Suisses, prenions co
224
ience plus claire de ce qu’est notre fédéralisme,
des
richesses de cette formule chez nous. Il faut que nous l’appliquions
225
re nationale, mais voir plus loin, voir qu’il y a
des
tâches qui sont de dimensions continentales, européennes, et que la r
226
ent que l’on étende le fédéralisme à la dimension
des
tâches nouvelles qui se posent aux hommes. À vous entendre, Denis de
227
aux Suisses ce qu’ils pensaient de l’Europe et d’
une
intégration de l’Europe, d’une intégration, je dis bien, selon la for
228
t de l’Europe et d’une intégration de l’Europe, d’
une
intégration, je dis bien, selon la formule fédérale, la seule qui pui
229
ale, la seule qui puisse être acceptable aux yeux
des
Suisses ? On n’a jamais fait cette enquête, que je sache. Alors que v
230
andes choses… » Il faut que cela cesse ; et c’est
une
question d’éducation ; cela doit commencer à l’école déjà. Je connais
231
toire, la géographie, l’instruction civique, dans
un
esprit européen. Voilà qui va former de nouvelles générations, lesque
232
uelles seront complètement d’accord d’entrer dans
une
Europe unie. Elles trouveront même bien curieux que l’on ne l’ait pas
233
e fait. Elles nous reprocheront — à la génération
des
aînés — d’avoir gardé une prudence exemplaire, qui n’est exemplaire p
234
eront — à la génération des aînés — d’avoir gardé
une
prudence exemplaire, qui n’est exemplaire pour personne et qui fait q
235
nous indique que nous avons à prendre maintenant
une
belle initiative sur le plan européen. Et pour cela, je fais confianc
236
ce sens, à en juger par les récentes déclarations
des
hommes qui sont chargés notamment de nos affaires étrangères. c.
237
chapeau suivant : « L’année 1969 a-t-elle marqué
un
tournant dans la politique suisse à l’égard de l’Europe ? Cette quest
238
llement y répondre. 1969, en effet, a été l’année
des
voyages. Voyages de nos conseillers fédéraux à l’étranger et, aussi,
239
dans la capitale fédérale. Mais nous devons poser
une
seconde question : la Suisse peut-elle jouer un rôle dans la formatio
240
urope ? Pour y répondre, il fallait faire appel à
un
écrivain d’expression française traduit dans le monde entier, à un ci
241
ression française traduit dans le monde entier, à
un
citoyen suisse, à un pionnier de l’Europe unie. Ces qualités sont réu
242
duit dans le monde entier, à un citoyen suisse, à
un
pionnier de l’Europe unie. Ces qualités sont réunies dans la même per
243
«
Un
acte de reconnaissance » [à propos du prix Robert Schuman] (24 mars 1
244
de la remise officielle du prix [Robert Schuman].
Un
prix auquel, d’ailleurs, il s’attendait : Je n’ai pas été surpris par
245
le prix Robert Schuman ? J’y vois essentiellement
un
acte de reconnaissance. Reconnaissance d’un long effort fait souvent,
246
ement un acte de reconnaissance. Reconnaissance d’
un
long effort fait souvent, depuis près de vingt-cinq ans, aux dépens d
247
t sans toujours beaucoup d’appuis. Or ce prix est
un
appui formel. Vous êtes donc particulièrement satisfait ? Enchanté !
248
nchanté ! D’abord parce que cette distinction est
un
prix politique qui fait suite, après un prix théologique, à une série
249
ction est un prix politique qui fait suite, après
un
prix théologique, à une série de prix littéraires. Ensuite parce pour
250
ique qui fait suite, après un prix théologique, à
une
série de prix littéraires. Ensuite parce pour un écrivain, c’est touj
251
une série de prix littéraires. Ensuite parce pour
un
écrivain, c’est toujours un plaisir particulier que d’être récompensé
252
s. Ensuite parce pour un écrivain, c’est toujours
un
plaisir particulier que d’être récompensé pour des travaux réalisés e
253
un plaisir particulier que d’être récompensé pour
des
travaux réalisés en marge de son métier propre. Et ce sont mes livres
254
ture qui m’ont valu ce prix, attribué jusqu’ici à
des
hommes politiques seulement : Jean Monnet, Joseph Bech, S. Mansholt e
255
péen de la culture que je dirige. Et, de recevoir
un
prix qui porte son nom est aussi, pour moi, un sujet de satisfaction.
256
ir un prix qui porte son nom est aussi, pour moi,
un
sujet de satisfaction. e. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le pri
257
Denis de, « [Entretien] Le prix Robert Schuman :
un
acte de reconnaissance », La Suisse, Genève, 24 mars 1970. f. Propos
258
, L’Europe en jeu et La Suisse ou l’histoire d’
un
peuple heureux . Doté d’une somme de 25 000 marks, le prix Robert Sch
259
Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux . Doté d’
une
somme de 25 000 marks, le prix Robert Schuman est remis chaque année
260
n. À cette occasion, l’écrivain suisse prononcera
une
allocution : “Res publica Europaea” (“La cité européenne”). »
261
blier dans votre numéro du 24 mars, permettez-moi
une
remarque dont je serais obligé de faire part à vos lecteurs. « L’acte
262
avail du Centre européen de la culture. Il y a là
une
nuance, vous en conviendrez ! g. Rougemont Denis de, « Après l’att
263
s sociaux sont nivelés et les princesses épousent
des
photographes ; le mariage, affaibli par la relative facilité du divor
264
la relative facilité du divorce, n’offre plus qu’
une
barrière fragile aux passions ; si on aime ailleurs, on divorce. Et l
265
os mariages modernes, qui ne sont en principe que
des
mariages de passion, comment s’accommode-t-elle de l’immédiat quotidi
266
it Denis de Rougemont, je dis seulement qu’il y a
un
conflit, si toutefois on parle de passion, qui est autre chose que l’
267
e, c’est exactement comme si l’on voulait prendre
une
décision grave le jour où l’on a un rhume de cerveau, quand l’esprit
268
lait prendre une décision grave le jour où l’on a
un
rhume de cerveau, quand l’esprit et ses facultés sont embrumés et en
269
tre pas excellente. La passion, d’autre part, est
une
projection narcissique : on aime, en l’autre, la projection de soi-mê
270
ue l’aspect narcissique de la relation. Pour moi,
un
mariage réussi l’est, quand les deux conjoints estiment que leur vie
271
l’épanouissement de chacun. C’est le contraire d’
une
relation narcissique. Mais si l’on arrive à passer de la transe à la
272
lus en plus, tient lieu de fiançailles, me semble
un
bon moyen de faciliter ce passage et d’éviter les trop mauvais mariag
273
s premiers ? C’est que les premiers n’étaient que
des
mariages-maquettes. Pour moi, le mariage, si on veut faire une compar
274
maquettes. Pour moi, le mariage, si on veut faire
une
comparaison politique, est le type même d’un rapport fédéral : l’asso
275
ire une comparaison politique, est le type même d’
un
rapport fédéral : l’association de deux éléments contradictoires, ent
276
rdination, ni unification. C’est très différent d’
une
union basée sur la passion qu’on subit et dont on pâtit, par définiti
277
ui ne date pas d’aujourd’hui) procède à la fois d’
un
culte exagéré de la passion, de la romance, pour reprendre le terme a
278
reprendre le terme anglais et de la revendication
des
femmes pour l’égalité avec les hommes, alors qu’elles sont plutôt com
279
nfin, troisième raison ; la vulgarisation moderne
des
connaissances psychologiques, qui a rendu les hommes et les femmes pl
280
idéale harmonie psychologique, indispensable dans
un
couple, les gens se posent des questions dont ils ne trouvent pas tou
281
pas été supprimés, ils ont été déplacés. On parle
un
peu abusivement de la suppression des tabous. Le tabou sexuel, par ex
282
és. On parle un peu abusivement de la suppression
des
tabous. Le tabou sexuel, par exemple. Il est certain que, depuis Freu
283
e et de l’information, qui donnent l’impression d’
une
liberté fantastique. J’ai lu, l’autre jour, qu’il y avait à Paris, au
284
utre jour, qu’il y avait à Paris, autour de 1890,
une
quinzaine de théâtres de nus qui offraient des spectacles beaucoup pl
285
0, une quinzaine de théâtres de nus qui offraient
des
spectacles beaucoup plus provocants que celui de « Hair » ! Les inter
286
onvenances ne sont pas arbitraires. Ils expriment
des
répulsions humaines. Supprimez des obstacles extérieurs et vous créez
287
Ils expriment des répulsions humaines. Supprimez
des
obstacles extérieurs et vous créez des obstacles intérieurs. Si on su
288
Supprimez des obstacles extérieurs et vous créez
des
obstacles intérieurs. Si on supprime des gênes extérieures, cela ne c
289
us créez des obstacles intérieurs. Si on supprime
des
gênes extérieures, cela ne correspond qu’à des permissions extérieure
290
me des gênes extérieures, cela ne correspond qu’à
des
permissions extérieures. Voyez Tristan et Iseut. Quand ils ont suppri
291
se retrouvent seuls dans la forêt, ils inventent
un
autre obstacle pour préserver leur passion : l’épée déposée entre eux
292
rsités » (mai-juin 1970)h Vous êtes l’auteur d’
une
phrase fameuse : « Il faut faire des Européens avant de faire l’Europ
293
s l’auteur d’une phrase fameuse : « Il faut faire
des
Européens avant de faire l’Europe » ; comment y parvenir ? Le véritab
294
à l’intérieur de frontières absolument factices,
des
réalités tout à fait hétérogènes. Rien de plus hostile à toute espèce
295
à l’échelle mondiale et trop grand pour permettre
une
participation civique réelle. Je vous dirai donc qu’entre l’union de
296
e l’Europe et les États-nations sacralisés, entre
une
nécessité humaine des plus concrètes et le culte prolongé d’un mythe,
297
s-nations sacralisés, entre une nécessité humaine
des
plus concrètes et le culte prolongé d’un mythe, il faut choisir ! Ce
298
humaine des plus concrètes et le culte prolongé d’
un
mythe, il faut choisir ! Ce choix doit s’opérer dans une certaine fin
299
he, il faut choisir ! Ce choix doit s’opérer dans
une
certaine finalité ; quelle finalité trouvez-vous à l’Europe ? Jusqu’à
300
maintenant savoir ce que nous voulons au juste :
un
niveau de vie quantitatif ou un certain mode de vie ? Un accroissemen
301
oulons au juste : un niveau de vie quantitatif ou
un
certain mode de vie ? Un accroissement indéfini du produit national b
302
au de vie quantitatif ou un certain mode de vie ?
Un
accroissement indéfini du produit national brut, ou la recréation d’u
303
fini du produit national brut, ou la recréation d’
un
habitat décent, d’une communauté vivante ? Il faut d’autre part éparg
304
nal brut, ou la recréation d’un habitat décent, d’
une
communauté vivante ? Il faut d’autre part épargner à l’Europe de se f
305
urmonter les aliénations actuelles, il faut poser
un
nouvel ordre, se mettre en commun pour certaines choses et pas pour d
306
ur certaines choses et pas pour d’autres, trouver
une
unité diversifiée, en un mot. Par quelles structures pensez-vous qu’i
307
pour d’autres, trouver une unité diversifiée, en
un
mot. Par quelles structures pensez-vous qu’il soit possible de l’étab
308
l soit possible de l’établir ? J’admets qu’il y a
une
pluralité d’allégeances, civiques, politiques, culturelles, idéologiq
309
érents niveaux de décision indiqués par la nature
des
tâches, leurs dimensions et celles de la communauté la plus apte à le
310
la revient à appliquer la méthode du fédéralisme.
Une
Europe divisée en régions aux frontières fonctionnelles, tenant compt
311
fonctionnelles, tenant compte de cette pluralité
des
allégeances en se fractionnant en un certain nombre d’« agences » (cu
312
e pluralité des allégeances en se fractionnant en
un
certain nombre d’« agences » (culturelles, économiques, etc.) à la me
313
es » (culturelles, économiques, etc.) à la mesure
des
décisions qui doivent être prises. Autant l’Europe des nations était
314
écisions qui doivent être prises. Autant l’Europe
des
nations était simpliste, autant l’Europe des régions sera complexe, m
315
rope des nations était simpliste, autant l’Europe
des
régions sera complexe, mais combien plus simple à vivre ! Je vois l’E
316
bien plus simple à vivre ! Je vois l’Europe comme
un
grand jardin plein de surprises, mais un peu désordonné… Ne craignez-
317
pe comme un grand jardin plein de surprises, mais
un
peu désordonné… Ne craignez-vous pas l’utopie ? Comment sera-t-il pos
318
ociété actuelle n’existe pas ! Il y a précisément
une
crise universelle ! Il faut faire maintenant quelque chose pour établ
319
faut faire maintenant quelque chose pour établir
un
ordre universel nouveau. Le monde est à la limite de ses possibilités
320
cet ordre nouveau ? L’Europe a la chance d’avoir
une
culture. Je ne crois pas aux cultures nationalistes, en dépit des man
321
es, en dépit des manuels scolaires : il n’y a que
des
divisions tout arbitraires opérées dans l’ensemble vivant de la cultu
322
vant de la culture européenne. On parle souvent d’
une
politique européenne commune comme dénominateur commun : là aussi, je
323
suis pas d’accord. La politique ne doit pas être
une
activité séparée : c’est la vie dans la cité, « l’art d’aménager les
324
t, hormis peut-être les cantons qui ne sont pas d’
une
originalité débordante. Unir les États européens en un corps politiqu
325
iginalité débordante. Unir les États européens en
un
corps politique assez puissant pour sauvegarder et garantir l’autonom
326
antir l’autonomie de chacun de ses membres, c’est
un
problème parfaitement homologue à celui que la Suisse a résolu avec s
327
c ses 25 petits cantons souverains. La différence
des
superficies était certes importante au temps des diligences. Mais tou
328
des superficies était certes importante au temps
des
diligences. Mais tout a changé avec l’avion. On peut dire que pratiqu
329
les doivent être accomplies)… Bluntschi, auteur d’
un
code civil cantonal, disait lui-même au siècle passé que la nationali
330
la nationalité suisse possède au plus haut degré
un
caractère très international et que c’est ce type d’union pluraliste
331
nthologie de l’idée européenne réserve d’ailleurs
une
place de choix à Rousseau, Constant, Robert de Traz et Gonzague de Re
332
à l’obstacle de sa neutralité ? La neutralité est
une
survivance historique ! Elle est encore attachée à la conception de l
333
le, elle ne se justifierait plus en tout cas dans
une
Europe unie. Mais je verrais tout à fait une Suisse-district fédéral,
334
dans une Europe unie. Mais je verrais tout à fait
une
Suisse-district fédéral, siège de toutes les « agences » de l’Europe
335
lente unification, notre gouvernement a dû faire
des
pieds et des mains pour rattraper l’histoire en train de se faire ! O
336
ation, notre gouvernement a dû faire des pieds et
des
mains pour rattraper l’histoire en train de se faire ! On craint souv
337
caractéristiques nationales et les remplacer par
un
sentiment européen. Il est clair qu’une Europe une et indivisible ser
338
placer par un sentiment européen. Il est clair qu’
une
Europe une et indivisible serait tout simplement une catastrophe pour
339
un sentiment européen. Il est clair qu’une Europe
une
et indivisible serait tout simplement une catastrophe pour la Suisse.
340
Europe une et indivisible serait tout simplement
une
catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la préconise, je crois.
341
réconise, je crois. Il est clair, en revanche, qu’
une
Europe fédérée, respectueuse de ses diversités comme nous des nôtres,
342
édérée, respectueuse de ses diversités comme nous
des
nôtres, s’accorderait avec la vocation traditionnelle de la Suisse. S
343
péenne ? (juin 1970)j Dans le précieux recueil
des
textes Pour l’Europe, publié par Robert Schuman à la fin de sa vie, j
344
tre au deuxième chapitre : L’Europe, avant d’être
une
alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté
345
L’Europe, avant d’être une alliance militaire ou
une
entité économique, doit être une communauté culturelle. Je pense, ave
346
nce militaire ou une entité économique, doit être
une
communauté culturelle. Je pense, avec Robert Schuman, qu’il est possi
347
s pour cette raison littéralement fondamentale qu’
une
unité de base existe, sur laquelle fonder cette union. Il s’agit de l
348
quelle fonder cette union. Il s’agit de l’unité d’
une
culture, de laquelle participent tous les Européens, qu’ils soient d’
349
. Unité non pas homogène, et qui ne résulte pas d’
un
processus forcé d’uniformisation, de nivellement et d’exclusion de ce
350
au contraire englobe, et compose largement, dans
une
communauté de plus en plus complexe au cours des siècles, des valeurs
351
une communauté de plus en plus complexe au cours
des
siècles, des valeurs bien souvent antinomiques, provenant d’origines
352
té de plus en plus complexe au cours des siècles,
des
valeurs bien souvent antinomiques, provenant d’origines multiples, do
353
les contrastes et les combinaisons entretiennent
des
tensions toujours renouvelées. Et de là vient le dynamisme qui a port
354
, nos efforts pour les surmonter par le recours à
des
instances universelles, et toutes les créations qui ne cessent de jai
355
opéenne : Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte
des
contraires procède la plus belle harmonie. De ce temps jusqu’au nôtre
356
nité dans la diversité, et la coexistence féconde
des
contraires. La Grèce invente la cité et la fonde sur le paradoxe des
357
Grèce invente la cité et la fonde sur le paradoxe
des
citoyens à la fois libres et responsables, mais elle invente aussi l’
358
ue l’incarnation porte à l’extrême la coexistence
des
contraires, l’impensable définition de la Personne de Jésus-Christ co
359
lles agissent toutes, sans exception, dans la vie
des
hommes d’aujourd’hui. Un seul exemple : le dogme de la Trinité, hors
360
exception, dans la vie des hommes d’aujourd’hui.
Un
seul exemple : le dogme de la Trinité, hors de la tradition ecclésias
361
rêve et le grand thème de la Quête aventureuse d’
un
Lancelot et d’un Perceval, symbole mystique. Faut-il enfin rappeler l
362
thème de la Quête aventureuse d’un Lancelot et d’
un
Perceval, symbole mystique. Faut-il enfin rappeler l’apport arabe, qu
363
, qui ne se limite pas au zéro précédant la suite
des
nombres, mais qui est l’une des sources principales de la poésie amou
364
récédant la suite des nombres, mais qui est l’une
des
sources principales de la poésie amoureuse, donc de l’amour tel qu’on
365
n dans la diversité, et cette forme d’union porte
un
nom bien connu dans l’histoire des régimes politiques, c’est, de tout
366
e d’union porte un nom bien connu dans l’histoire
des
régimes politiques, c’est, de toute évidence : fédéralisme. Je ne voi
367
tés, pour préserver nos vraies diversités — créer
un
pouvoir fédéral pour la sauvegarde de nos autonomies. Car ces autonom
368
nos autonomies. Car ces autonomies seront perdues
une
à une si nous refusons l’union qui, seule, ferait leur force ; mais e
369
tonomies. Car ces autonomies seront perdues une à
une
si nous refusons l’union qui, seule, ferait leur force ; mais en reto
370
tour, cette union ne saurait être acquise au prix
des
libertés qu’elle est censée servir. j. Rougemont Denis de, « Qu’e
371
« L’Europe ?
Une
révolution culturelle ! » (15 octobre 1970)k l Ce qui me frappe, D
372
u marxisme, vous attribuez à l’idée, à la culture
un
rôle déterminant, premier dans le devenir social. L’Europe est, en ef
373
cial. L’Europe est, en effet, avant tout pour moi
une
révolution culturelle. Si vous voulez, je suis maoïste ! La révolutio
374
orales, spirituelles, religieuses, d’où procèdent
des
options économiques. C’est exactement le contraire du marxisme. L’hom
375
conceptions politiques de ce dernier reposent sur
une
certaine culture qui l’a marqué et qui postule qu’il n’y a de sérieux
376
que les nations. Deux de mes étudiants, ont fait
un
travail sur les manuels d’histoire utilisés en France et en Allemagne
377
toutes les idées gaullistes ; le fameux cliché d’
une
Europe « de Gibraltar à l’Oural » s’y trouve déjà… Or, le monde a cha
378
ce ont unifié l’hexagone, alors qu’il s’est agi d’
une
conquête par la force et la ruse… Comment avez-vous réagi, au Centre
379
z-vous réagi, au Centre européen de la culture, à
une
telle situation ? Nous nous sommes dit : les institutions économiques
380
le politique le permet et le politique présuppose
un
changement des esprits, une action au niveau de l’enseignement, où l’
381
e permet et le politique présuppose un changement
des
esprits, une action au niveau de l’enseignement, où l’on continue à a
382
e politique présuppose un changement des esprits,
une
action au niveau de l’enseignement, où l’on continue à apprendre la g
383
Alors que la seule unité d’étude intelligible est
une
culture, c’est-à-dire, dans notre cas, l’Europe. Nous avons donc fait
384
e, dans notre cas, l’Europe. Nous avons donc fait
un
gros effort sur l’éducation, en réunissant dans le comité de la Campa
385
té de la Campagne d’éducation civique européenne,
un
certain nombre d’associations d’enseignants. Nous avons pu démultipli
386
avons pu démultiplier notre effort en organisant
des
stages (5 par année en moyenne), dans des pays différents. Ces stages
387
anisant des stages (5 par année en moyenne), dans
des
pays différents. Ces stages, qui réunissent une cinquantaine de pédag
388
s des pays différents. Ces stages, qui réunissent
une
cinquantaine de pédagogues, durent une semaine et comportent des conf
389
réunissent une cinquantaine de pédagogues, durent
une
semaine et comportent des conférences, suivies de débats. Le thème pr
390
e de pédagogues, durent une semaine et comportent
des
conférences, suivies de débats. Le thème principal est de savoir comm
391
Notre intention n’est pas, du reste, d’introduire
une
heure de plus dans des programmes déjà surchargés, mais de montrer qu
392
as, du reste, d’introduire une heure de plus dans
des
programmes déjà surchargés, mais de montrer que tout est européen, qu
393
es dans les écoles et les stages doivent élaborer
des
modèles applicables par toutes les associations membres. Nous avons t
394
es. Nous avons touché directement 1500 maîtres et
une
publication nous permet de communiquer de la documentation et des cri
395
nous permet de communiquer de la documentation et
des
critiques de livres. Quels sont les thèmes abordés au cours de ces st
396
nos jours, qui constitue la véritable politique.
Des
stages sont consacrés aussi à l’étude des stéréotypes nationaux, dans
397
itique. Des stages sont consacrés aussi à l’étude
des
stéréotypes nationaux, dans les manuels ou dans l’esprit des gens. On
398
ypes nationaux, dans les manuels ou dans l’esprit
des
gens. On a pu observer, par exemple, que les clichés des nations les
399
s. On a pu observer, par exemple, que les clichés
des
nations les unes sur les autres sont toujours dépréciatifs, sauf un :
400
s sur les autres sont toujours dépréciatifs, sauf
un
: fort comme un Turc ! Les clichés sur son propre peuple sont, par co
401
sont toujours dépréciatifs, sauf un : fort comme
un
Turc ! Les clichés sur son propre peuple sont, par contre, toujours l
402
laudatifs. Par ces stages, nous cherchons à créer
un
état d’esprit européen chez les maîtres, ce qui permettra d’espérer u
403
péen chez les maîtres, ce qui permettra d’espérer
un
changement sérieux en une génération. La Journée de l’Europe, avec le
404
qui permettra d’espérer un changement sérieux en
une
génération. La Journée de l’Europe, avec les rédactions qui sont fait
405
e européenne est admise, qu’elle fait son chemin.
Des
enquêtes récentes, réalisées dans les pays du Marché commun et en Ang
406
é commun et en Angleterre, ont montré que le 65 %
des
gens est pour une fédération européenne. Si l’on examine les classes
407
leterre, ont montré que le 65 % des gens est pour
une
fédération européenne. Si l’on examine les classes d’âge, on voit que
408
on examine les classes d’âge, on voit que le 75 %
des
partisans de l’Europe a moins de 35 ans. L’idée européenne joue un gr
409
’Europe a moins de 35 ans. L’idée européenne joue
un
grand rôle au niveau de la jeunesse. Ne l’a-t-on pas constaté tout pa
410
tement, puisque c’est à ce moment-là qu’est sorti
un
manifeste dont on n’a pas assez parlé, bien qu’il fût signé par des g
411
on n’a pas assez parlé, bien qu’il fût signé par
des
gens comme Jacques Monod, Kastler, Guy Michaud, et appuyé par la CFDT
412
yé par la CFDT, qui était alors le plus gauchiste
des
syndicats. Ce manifeste demandait une fédération européenne fondée su
413
s gauchiste des syndicats. Ce manifeste demandait
une
fédération européenne fondée sur les réglons et les communes. Mai 68
414
tat. D’autre, part, les mouvements personnalistes
des
années 1930 mettaient déjà en question le productivisme sans frein et
415
; nous affirmions que ce productivisme traduisait
une
mentalité commune au capitalisme bourgeois et au stalinisme. Comment
416
ent, la « révolution européenne » ? Il faut créer
des
cadres civiques permettant la participation, mettre en commun ce qui
417
s de la Campagne d’éducation civique, nous avions
un
appareil administratif minuscule qui travaillait avec 7 ou 8 grandes
418
pe fédéraliste, nous sommes en commun avec elles.
Un
autre principe me paraît important : il faut fédérer des choses neuve
419
re principe me paraît important : il faut fédérer
des
choses neuves, sinon l’on perd trop de temps. C’est ce que nous avons
420
premières nécessités ressenties ont été de créer
un
laboratoire européen de recherche nucléaire et d’assurer une organisa
421
oire européen de recherche nucléaire et d’assurer
une
organisation coordonnée des festivals. Nous avons désiré aller aussi
422
ucléaire et d’assurer une organisation coordonnée
des
festivals. Nous avons désiré aller aussi loin que possible, sans teni
423
aller aussi loin que possible, sans tenir compte
des
frontières. Vous avez souvent affirmé qu’il fallait construire l’Euro
424
u’il fallait construire l’Europe sur les régions.
Une
telle conception ne va-t-elle pas compliquer à l’excès les réalités s
425
és socioéconomiques ? Il est certain que l’Europe
des
régions sera très complexe et diversifiée, d’autant plus que les régi
426
ne se recouperont pas nécessairement. Je pense qu’
une
telle Europe ne sera possible que par l’intermédiaire des ordinateurs
427
e Europe ne sera possible que par l’intermédiaire
des
ordinateurs. Il conviendra, d’autre part, de maintenir de petites com
428
ncadré. Les régions nous permettront de revenir à
des
entités plus petites, de recréer des communautés centrées. Votre fédé
429
de revenir à des entités plus petites, de recréer
des
communautés centrées. Votre fédéralisme dérive directement du personn
430
l’Europe ? Le fédéralisme n’est pas possible dans
une
seule nation. L’État national constitue donc l’obstacle principal. Je
431
ent, car la civilisation commence avec le respect
des
forêts, comme je l’ai écrit, ce qui va dans le même sens que le respe
432
le respect de l’autre. L’Europe devrait redevenir
une
sorte de jardin du monde ; c’est la raison pour laquelle nous devons
433
t particulièrement. Il faut freiner le gigantisme
des
villes, pour que l’homme soit intégré à une communauté. Il faut dépas
434
tisme des villes, pour que l’homme soit intégré à
une
communauté. Il faut dépasser la fausse solitude de l’homme dans la ru
435
de l’homme dans l’habitat. Après avoir rencontré
un
esprit aussi éminent, il est assez surprenant de retrouver la réalité
436
, il est assez surprenant de retrouver la réalité
des
frontières et trois douaniers français d’une consternante médiocrité…
437
lité des frontières et trois douaniers français d’
une
consternante médiocrité… L’Europe des esprits n’est pas encore, il s’
438
français d’une consternante médiocrité… L’Europe
des
esprits n’est pas encore, il s’en faut même de beaucoup, devenue l’Eu
439
beaucoup, devenue l’Europe réelle. Mais, au-delà
des
uniformes qui séparent, il nous reste, traçant un chemin de rigueur e
440
es uniformes qui séparent, il nous reste, traçant
un
chemin de rigueur et d’audace, la voix de Denis de Rougemont. k. R
441
k. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’Europe ?
Une
révolution culturelle ! », Feuille d’Avis de Lausanne, Lausanne, 15 o
442
n Dans votre dernier ouvrage, reprenant l’une
des
constantes de toute votre œuvre, vous lancez un véritable cri d’alarm
443
des constantes de toute votre œuvre, vous lancez
un
véritable cri d’alarme : selon vous, l’heure n’est plus de savoir si
444
s, Suisse ou Italien, mais si on sera Européen ou
une
sorte de colonisé américain ou soviétique. Colonisé de manière assez
445
us ne faisons pas les États-Unis d’Europe — c’est
une
colonisation essentiellement économique, mais qui peut réagir sur le
446
lonisation à redouter du côté soviétique est déjà
un
fait dans les pays de l’est de l’Europe, qui sont réellement colonisé
447
nations, chacune trop faible pour se défendre, qu’
une
ou deux de celles-ci deviennent plus ou moins communistes. Quand, par
448
se pose en termes d’urgence cruciale ? C’est déjà
un
fait pour les pays de l’Est. Pour ce qui est de l’Ouest, la colonisat
449
evient chaque année plus pénétrante. Par la force
des
choses, là où il y a des vides, l’industrie américaine, la technique
450
pénétrante. Par la force des choses, là où il y a
des
vides, l’industrie américaine, la technique américaine se précipitent
451
tat de divisions nationales, voire nationalistes,
des
Européens, les Américains auront beau jeu d’intervenir dans ce contex
452
ce contexte sans aucune contrepartie. Vous voyez
une
quantité immense d’entreprises européennes qui sont contrôlées par le
453
e l’inverse se produise aux États-Unis. Il y a là
un
danger extrêmement grave. Par exemple, dans ce village où j’habite de
454
ix ans par l’IOS, affaire américaine qui, chassée
des
États-Unis et de Suisse, s’est installée ici ; maintenant, on bâtit 3
455
it 321 appartements (1300 habitants de plus) pour
une
usine américaine d’ordinateurs qui va s’installer. Cela a complètemen
456
00 habitants, mais les mœurs, le rythme de la vie
des
gens : tous les petits magasins ont fait faillite les uns après les a
457
autres ; ils ont dû se mettre ensemble pour faire
un
supermarché ; tout l’équilibre des relations quotidiennes entre les g
458
mble pour faire un supermarché ; tout l’équilibre
des
relations quotidiennes entre les gens se trouve changé. C’est ce boul
459
es gens se trouve changé. C’est ce bouleversement
des
équilibres vivants qui est extrêmement grave ; et ce sera toujours pi
460
« États-Unis d’Europe » risquent d’être l’Europe
des
États-Unis ? Est-ce qu’une Europe unie ne faciliterait pas, au contra
461
squent d’être l’Europe des États-Unis ? Est-ce qu’
une
Europe unie ne faciliterait pas, au contraire, la pénétration américa
462
ai rien contre la pénétration américaine si c’est
une
question d’échanges, si nous produisons suffisamment et si nous somme
463
s si nous nous mettons tous ensemble, nous aurons
des
moyens plus importants que ceux des Américains. Nous ne sommes pas du
464
, nous aurons des moyens plus importants que ceux
des
Américains. Nous ne sommes pas du tout écrasés par les deux géants qu
465
Union soviétique et les États-Unis. Pour employer
une
image, si ceux-ci montaient sur les épaules l’un de l’autre, ils n’ar
466
ais sens du terme. Prenez les grandes découvertes
des
temps modernes ; tout a été fait en Europe, presque rien aux États-Un
467
ue rien aux États-Unis. Ces derniers ont sur nous
une
seule supériorité : celle du « management », parce qu’ils disposent d
468
celle du « management », parce qu’ils disposent d’
un
grand espace et nous pas. Prenez le cas de la France, qui a un retard
469
ce et nous pas. Prenez le cas de la France, qui a
un
retard presque scandaleux dans le domaine de la technique. Cela tient
470
ricains avaient presque tout fait dans ce domaine
des
recherches nucléaires. On pouvait se dire : « Ce n’est pas la peine d
471
’est pas la peine de partir, ils ont pratiquement
un
siècle d’avance sur nous. » Mais nous n’avons pas tenu ce raisonnemen
472
e les Américains avaient réussi à mettre en œuvre
des
découvertes toutes faites par les Européens ; ils avaient eu comme su
473
mique au point dans le plus grand secret. C’était
une
question d’organisation, rien de plus. Nous avons dit : « Il n’est pa
474
avons les cerveaux, nous avons, par exemple, dans
un
pays comme la Suisse, l’industrie mécanique de précision ; nous avons
475
i pourraient rester chez nous s’ils disposaient d’
un
appareil de recherche suffisant ». Cela s’est parfaitement réalisé, n
476
vapeur » et nous serions aujourd’hui à la croisée
des
chemins, parce que — pour la première fois dans l’histoire — l’homme
477
ce moment privilégiés ? À cause du développement
des
sciences et des techniques. Jusqu’au milieu du xxe siècle, quel étai
478
légiés ? À cause du développement des sciences et
des
techniques. Jusqu’au milieu du xxe siècle, quel était le principal e
479
eu du xxe siècle, quel était le principal effort
des
hommes ? C’était la lutte contre les dangers que représentent la natu
480
is que depuis le milieu du xxe siècle, il y a eu
une
sorte de mouvement de bascule qui s’est fait et nous arrivons à un po
481
ment de bascule qui s’est fait et nous arrivons à
un
point où la production dépasse largement le minimum vital, où elle en
482
asse largement le minimum vital, où elle entraîne
une
série de conditions auxquelles on n’avait jamais réfléchi avant : l’i
483
détruire la nature, par exemple ; cela nous pose
une
grande question : que voulons-nous en fait ? Est-ce plus de voitures
484
énération l’homme n’avait été en mesure de porter
des
coups pareils à la terre elle-même. Maintenant, il a ces moyens, donc
485
nant, il a ces moyens, donc il est obligé d’avoir
une
politique. Il s’agit aujourd’hui de choisir entre mode de vie et nive
486
européenne, par tradition : c’est l’attachement à
un
certain mode de vie. Qu’est-ce qu’un mode de vie ? C’est l’ensemble d
487
ttachement à un certain mode de vie. Qu’est-ce qu’
un
mode de vie ? C’est l’ensemble des rythmes de la vie, c’est l’ensembl
488
e. Qu’est-ce qu’un mode de vie ? C’est l’ensemble
des
rythmes de la vie, c’est l’ensemble des valeurs. À quoi est-on prêt à
489
’ensemble des rythmes de la vie, c’est l’ensemble
des
valeurs. À quoi est-on prêt à sacrifier beaucoup de choses ? Il y a b
490
ariétés et c’est très heureux, car cela constitue
un
frein à ce développement, à l’infini, du niveau de vie. Je pense que
491
niveau de vie. Je pense que maintenant se dessine
une
réaction assez forte que l’on peut voir dans la jeunesse américaine p
492
ns la jeunesse américaine pour le développement d’
un
niveau de vie où toutes les valeurs intellectuelles, spirituelles, mo
493
ance. Les colonies de hippies essaient de recréer
un
mode de vie qui corresponde à un certain nombre de valeurs qu’ils jug
494
aient de recréer un mode de vie qui corresponde à
un
certain nombre de valeurs qu’ils jugent plus importantes que l’accumu
495
qu’ils jugent plus importantes que l’accumulation
des
objets ou un compte en banque. Pour les Européens, cela me paraît une
496
plus importantes que l’accumulation des objets ou
un
compte en banque. Pour les Européens, cela me paraît une très bonne d
497
pte en banque. Pour les Européens, cela me paraît
une
très bonne direction d’évolution. L’Europe, qui a hérité de civilisat
498
dominée par l’idée de nature, a toujours ressenti
un
certain malaise devant le gigantisme américain et devant les grands p
499
me américain et devant les grands plans abstraits
des
Russes. On voit maintenant que c’est une réaction saine. Mais justeme
500
bstraits des Russes. On voit maintenant que c’est
une
réaction saine. Mais justement, il se trouve que dans tous les pays e
501
se trouve que dans tous les pays européens, pour
une
partie de la population, ce dilemme entre niveau de vie et mode de vi
502
dépasser les Américains, mais il nous faut aussi
des
techniques qui soient adaptées à nos fins. Par exemple, il est absolu
503
mple, il est absolument faux de continuer à faire
des
automobiles qui marchent à l’essence, alors que l’on a les moyens de
504
e les faire marcher à l’électricité. Ce serait là
un
développement technique supérieur à celui des États-Unis et qui chang
505
t là un développement technique supérieur à celui
des
États-Unis et qui changerait tout dans le monde. Mais on y viendra s’
506
it tout dans le monde. Mais on y viendra s’il y a
une
masse d’Européens telle qu’elle permettra d’envisager une véritable p
507
e d’Européens telle qu’elle permettra d’envisager
une
véritable politique de production, qui tienne compte de certains buts
508
uts généraux que l’on donnera à la vie. Ce serait
une
révolution complète. Deux mouvements antagonistes Ne touche-t-o
509
mouvements antagonistes Ne touche-t-on pas là
un
problème de structures politiques et économiques, plutôt qu’un problè
510
e structures politiques et économiques, plutôt qu’
un
problème de dimension et d’organisation des pays ? Le type de société
511
tôt qu’un problème de dimension et d’organisation
des
pays ? Le type de société que vous évoquez prend ses distances par ra
512
lle soit fédéraliste ou qu’elle en reste au stade
des
États-nations. Bien sûr, si l’on prend, par exemple, le problème des
513
Bien sûr, si l’on prend, par exemple, le problème
des
transports, ce serait un progrès considérable de remplacer, dans les
514
ar exemple, le problème des transports, ce serait
un
progrès considérable de remplacer, dans les villes, la voiture par de
515
ble de remplacer, dans les villes, la voiture par
des
moyens de transport qui ne fassent pas de bruit, qui ne dégagent pas
516
, profondément. Ce que j’essaie de montrer depuis
un
certain temps, c’est que nous sommes en présence de deux mouvements,
517
ents, dans le monde, qui ont l’air antagonistes :
un
mouvement de convergence et un mouvement de divergence. Vous avez un
518
air antagonistes : un mouvement de convergence et
un
mouvement de divergence. Vous avez un mouvement de convergence au-del
519
vergence et un mouvement de divergence. Vous avez
un
mouvement de convergence au-delà des États : les organisations mondia
520
ce. Vous avez un mouvement de convergence au-delà
des
États : les organisations mondiales, les organisations continentales
521
tinentales y obéissent. Mais il y a en même temps
un
mouvement de « séparatisme », de différentiation, presque d’atomisati
522
ils ont l’air de l’être ? Ne sont-ils pas plutôt
un
seul et même mouvement qui pourrait se définir ainsi : adapter le niv
523
chargées d’exécuter ces dernières aux dimensions
des
tâches à réaliser ? Il y a des tâches qui, par nature, sont du niveau
524
res aux dimensions des tâches à réaliser ? Il y a
des
tâches qui, par nature, sont du niveau de décision communal ou de l’e
525
se de leur prix ou de leur extension. Il s’agit d’
une
reclassification des tâches d’après les dimensions des diverses commu
526
leur extension. Il s’agit d’une reclassification
des
tâches d’après les dimensions des diverses communautés. m. Rougem
527
eclassification des tâches d’après les dimensions
des
diverses communautés. m. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’Euro
528
eurs revues, a été — avec Emmanuel Mounier — l’un
des
fondateurs du mouvement personnaliste, qui naissait en réaction aussi
529
les affrontements provoqués par la juxtaposition
des
États-nations sur le continent. Tout en poursuivant une œuvre qui le
530
ats-nations sur le continent. Tout en poursuivant
une
œuvre qui le fait figurer parmi les noms les plus prestigieux de l’in
531
mporaine, il continue de se distinguer comme l’un
des
animateurs de l’action européenne. Il jouera ainsi un rôle notable da
532
nimateurs de l’action européenne. Il jouera ainsi
un
rôle notable dans les congrès de La Haye, de Rome et de Lausanne et f
533
de la culture. En publiant ces dernières semaines
un
essai intitulé Lettre ouverte aux Européens , Denis de Rougemont a d
534
verte aux Européens , Denis de Rougemont a dressé
une
synthèse en forme de plaidoyer des idées et des projets pour lesquels
535
emont a dressé une synthèse en forme de plaidoyer
des
idées et des projets pour lesquels il a toujours combattu. L’entrepri
536
é une synthèse en forme de plaidoyer des idées et
des
projets pour lesquels il a toujours combattu. L’entreprise européenne
537
européenne a été trop longtemps dénaturée pour qu’
un
tel ouvrage ne soulève pas questions, réticences ou scepticisme. Ce s
538
questions, réticences ou scepticisme. Ce sont là
des
obstacles dont Denis de Rougemont a trop l’habitude pour qu’ils puiss
539
la seule issue pour l’Europe. Nous avons soulevé
un
certain nombre de ces problèmes et de ces objections, au cours d’un e
540
de ces problèmes et de ces objections, au cours d’
un
entretien qu’il nous a accordé dans sa maison de Ferney-Voltaire. »
541
sse (22 novembre 1970)o p Dans cette optique d’
une
Europe fédérale, comment appréciez-vous une entreprise comme celle du
542
que d’une Europe fédérale, comment appréciez-vous
une
entreprise comme celle du Marché commun et les efforts d’intégration
543
ais voir se multiplier. C’est, plutôt, le germe d’
une
agence fédérale pour l’économie car ce n’est pas encore une autorité
544
fédérale pour l’économie car ce n’est pas encore
une
autorité de politique économique et cela ne couvre qu’une petite part
545
rité de politique économique et cela ne couvre qu’
une
petite partie de l’Europe. Il faudra bien un jour qu’il y ait une age
546
qu’une petite partie de l’Europe. Il faudra bien
un
jour qu’il y ait une agence fédérale européenne de l’économie ; il fa
547
e de l’Europe. Il faudra bien un jour qu’il y ait
une
agence fédérale européenne de l’économie ; il faudra qu’il y en ait d
548
il faudra qu’il y en ait d’autres qui s’occupent
des
transports, des recherches scientifiques, des universités, de l’écolo
549
y en ait d’autres qui s’occupent des transports,
des
recherches scientifiques, des universités, de l’écologie, de la défen
550
ent des transports, des recherches scientifiques,
des
universités, de l’écologie, de la défense — si c’est encore nécessair
551
gie, de la défense — si c’est encore nécessaire —
des
relations hors de la fédération. Toutes ces agences fédérales seront
552
s agences fédérales seront indépendantes les unes
des
autres dans une très large mesure, pourront avoir leur siège n’import
553
les seront indépendantes les unes des autres dans
une
très large mesure, pourront avoir leur siège n’importe où en Europe.
554
xemple. Dans mon livre La Suisse ou l’histoire d’
un
peuple heureux , j’avais lancé l’idée de transformer la Suisse en dis
555
ez que la Suisse ne pourrait pas rester l’écart d’
un
tel mouvement ? Non, c’est absolument impensable. Comment la Suisse r
556
sable. Comment la Suisse resterait-elle l’écart d’
un
Fonds européen d’écologie, par exemple ? Elle ne peut pas fermer ses
557
lité. Je pense au contraire que cela signifierait
une
helvétisation de l’Europe. L’Europe fédérale serait une sorte de Suis
558
lvétisation de l’Europe. L’Europe fédérale serait
une
sorte de Suisse grande échelle ? Pour cela il faut que les Suisses po
559
antons qui sont venus plus tard. Il y a en Suisse
un
esprit communal auquel on doit revenir parce que c’est la vraie sourc
560
e en 1923, disait récemment : « On parle toujours
des
difficultés qu’a la Suisse pour adhérer à l’Europe. Pourquoi ne parle
561
e vue, la Suisse ne perdrait rien en entrant dans
une
construction européenne. Ce serait le triomphe de son Idée, au sens p
562
reprises jusqu’à l’Europe puis au monde. C’est là
une
chose nouvelle car elle n’a jamais été appliquée systématiquement, pa
563
iquée systématiquement, pas même en Suisse. C’est
une
expérience qui n’est possible qu’aujourd’hui, grâce au développement
564
fie qui que ce soit de maîtriser les mécanismes d’
une
fédération continentale ou alors, ce serait une tyrannie effroyable,
565
d’une fédération continentale ou alors, ce serait
une
tyrannie effroyable, car on devrait édicter des règles sans nuances p
566
t une tyrannie effroyable, car on devrait édicter
des
règles sans nuances pour tout le monde. Tandis qu’avec les ordinateur
567
es, comme la langue ou l’économie. Cela aboutit à
des
monstruosités et des guerres. Mais si vous reprenez l’exemple de la S
568
u l’économie. Cela aboutit à des monstruosités et
des
guerres. Mais si vous reprenez l’exemple de la Suisse, vous voyez qu’
569
angue, et nous avons toujours pensé qu’il y avait
des
ordres de réalités à ne pas mélanger. Il n’était pas question d’impos
570
s et nous nous débrouillons, parce que nous avons
des
petites communautés. En fait, mon modèle de gouvernement de l’Europe
571
tif, le souverain étant le peuple. Cela me paraît
un
modèle parfaitement valable pour l’Europe et qui pourrait donner des
572
ment valable pour l’Europe et qui pourrait donner
des
résultats considérables, à l’échelle du continent. Cette recherche d’
573
bles, à l’échelle du continent. Cette recherche d’
un
équilibre humain est d’ailleurs beaucoup plus révolutionnaire qu’on n
574
on ne le pense. Elle suppose la fin du gigantisme
des
villes, la recréation de petites unités de 25 000 ou 50 000 habitants
575
ou 50 000 habitants, avec leur vie civique, c’est
une
transformation du cadre européen qui peut aller très loin. o. Roug
576
de faire l’Europe ou alors d’accepter de devenir
une
sorte de satellite, des États-Unis ou de l’URSS, esquissait ce problè
577
ors d’accepter de devenir une sorte de satellite,
des
États-Unis ou de l’URSS, esquissait ce problème crucial devant lequel
578
icidaire au niveau de vie ou se mettre en quête d’
un
mode de vie qui soit conforme aux traditions européennes. Dans la sui
579
doit s’insérer dans ce processus d’édification d’
une
Europe fédérale. De telles réflexions ne sauraient mieux venir propos
580
e ces deux livres, qui sortent peu de temps après
un
ouvrage publié chez Albin Michel ? C’est en partie une coïncidence, e
581
uvrage publié chez Albin Michel ? C’est en partie
une
coïncidence, en partie à l’occasion du vingtième anniversaire du Cent
582
Dans ma Lettre ouverte aux Européens , je donne
un
programme, pour les vingt ans qui viennent, de l’avant-garde européen
583
viennent, de l’avant-garde européenne. C’est donc
un
livre plus politique. Dans Le Cheminement des esprits , je me suis s
584
onc un livre plus politique. Dans Le Cheminement
des
esprits , je me suis surtout attaché aux recherches et à l’action cul
585
nt sur l’éducation, le civisme, qui, comme le dit
un
de mes titres, commence au respect des forêts, c’est-à-dire englobe t
586
omme le dit un de mes titres, commence au respect
des
forêts, c’est-à-dire englobe tous les problèmes d’environnement, auss
587
me de l’Université, et là, je montre la fécondité
des
études régionales. Jusqu’à présent, on enseignait, aux trois degrés,
588
ction civique, les arts et l’économie sur la base
des
États-nations, produits du xixe siècle napoléonien. Si l’on prend co
589
e continent, qui est beaucoup plus grand, on aura
une
vision plus conforme aux réalités dans tous ces domaines. Toutes les
590
ctivités auxquelles les chapitres du Cheminement
des
esprits introduisent, qu’il s’agisse de festivals de musique, de gui
591
pensée, de l’art roman jusqu’au surréalisme. Pas
un
seul de ces foyers culturels n’a coïncidé avec les frontières nationa
592
es nationales. Comment envisagez-vous la création
des
régions ? La décision viendra-t-elle des États-nations actuels ? Les
593
création des régions ? La décision viendra-t-elle
des
États-nations actuels ? Les régions se formeront malgré les États-nat
594
tence. Elles se formeront, je pense, par la force
des
choses, par des échanges humains, des relations de voisinage, en dépi
595
formeront, je pense, par la force des choses, par
des
échanges humains, des relations de voisinage, en dépit des capitales,
596
ar la force des choses, par des échanges humains,
des
relations de voisinage, en dépit des capitales, et, un beau jour, ell
597
lations de voisinage, en dépit des capitales, et,
un
beau jour, elles auront tissé entre elles tellement de liens qu’on s’
598
ionale. Et à ce moment-là, il suffira d’installer
des
agences fédérales européennes sur le modèle des départements fédéraux
599
r des agences fédérales européennes sur le modèle
des
départements fédéraux suisses. Chaque type de région, car il y aura d
600
aux suisses. Chaque type de région, car il y aura
des
régions économiques, des régions socioculturelles, des régions écolog
601
de région, car il y aura des régions économiques,
des
régions socioculturelles, des régions écologiques, aura son agence fé
602
égions économiques, des régions socioculturelles,
des
régions écologiques, aura son agence fédérale et le siège de ces diff
603
pourrait s’établir en Suisse, notre pays devenant
un
district fédéral. Quels seront les critères de délimitation des régio
604
édéral. Quels seront les critères de délimitation
des
régions ? Les régions se formeront d’après la dimension des tâches à
605
s ? Les régions se formeront d’après la dimension
des
tâches à accomplir. Il faut trouver le niveau auquel les décisions se
606
ntale, celle de l’Université s’étend à la région.
Une
région bretonne devrait déborder sur les Cornouailles anglaises et su
607
Nantes et Rennes. Il faut beaucoup de souplesse.
Une
région ne doit pas être contenue à l’intérieur de limites, elle doit
608
st marquée dans les faits. Les États-nations sont
des
créations contre nature. Voyez comme ils ont coupé en quatre une enti
609
ontre nature. Voyez comme ils ont coupé en quatre
une
entité telle que le bassin Ruhr-Moselle. De quelle manière le Centre
610
péen de la culture contribue-t-il à la création d’
une
Europe unie ? Le Cheminement des esprits donne une idée du travail
611
la création d’une Europe unie ? Le Cheminement
des
esprits donne une idée du travail du CEC. Les activités du Centre se
612
Europe unie ? Le Cheminement des esprits donne
une
idée du travail du CEC. Les activités du Centre se sont toujours port
613
toutes couleurs politiques. 65 % de la population
des
pays du Marché commun est favorable aux États-Unis d’Europe, et 75 %
614
tats-Unis d’Europe, et 75 % de ces Européens sont
des
jeunes. q. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’Un et le Divers et
615
« [Entretien] L’Un et le Divers et Le Cheminement
des
esprits », Livres ouverts, Lausanne, décembre 1970, p. 12-13. r. Pr
616
s d’octobre, deux ouvrages de Denis de Rougemont,
un
grand Européen que l’on peut placer à côté de Robert Schuman et de Je
617
t. Ce sont L’Un et le Divers et Le Cheminement
des
esprits . Le premier est une plaquette réunissant deux discours qui i
618
et Le Cheminement des esprits . Le premier est
une
plaquette réunissant deux discours qui illustrent cette parole d’Héra
619
raclite : “Ce qui s’oppose coopère et de la lutte
des
contraires procède la plus belle harmonie ». Depuis l’aube de la pens
620
utte créatrice. Le titre du second est emprunté à
une
phrase de Robert Schuman : “L’unité de l’Europe ne se fera ni uniquem
621
pe ne se fera ni uniquement ni principalement par
des
institutions européennes ; leur création suivra le cheminement des es
622
européennes ; leur création suivra le cheminement
des
esprits. » Les textes recueillis dans ce livre sont très variés de fo
623
ecteurs de l’Europe à l’interview improvisée pour
une
revue de militants. Chacun marque une péripétie dans la Quête de l’un
624
ovisée pour une revue de militants. Chacun marque
une
péripétie dans la Quête de l’union de nos peuples et de leurs élites
625
esprits. Puis d’orienter espoirs et volontés vers
une
communauté nouvelle. Au-delà des problèmes de niveau de vie, la fédér
626
et volontés vers une communauté nouvelle. Au-delà
des
problèmes de niveau de vie, la fédération de l’Europe devient alors l
627
dération de l’Europe devient alors la condition d’
un
nouveau mode de vie, plus libre et riche de sens. Pour les lecteurs d
628
E L’EUROPE et qu’on ne la fera jamais sur la base
des
États centralisés. — et parce qu’il faut REFAIRE DE VRAIES COMMUNAUTÉ
629
blés, la vigne et les forêts : elle doit monter d’
une
terre, d’un peuple, d’une histoire, de leurs besoins et de leurs dési
630
e et les forêts : elle doit monter d’une terre, d’
un
peuple, d’une histoire, de leurs besoins et de leurs désirs, à la ren
631
ts : elle doit monter d’une terre, d’un peuple, d’
une
histoire, de leurs besoins et de leurs désirs, à la rencontre d’un ap
632
eurs besoins et de leurs désirs, à la rencontre d’
un
appel qui vient de l’Europe et de l’humanité solidaire. La région ne
633
d’en haut, dictée et planifiée par les bureaux d’
une
métropole tentaculaire. Elle ne saurait être créée par quelque découp
634
e ne doit pas se donner pour objectif de saisir «
une
plus grande part du gâteau » étatique. Elle doit cuire son propre gât
635
esoins. La région ne doit pas être imaginée comme
un
mini État-nation, qui aurait tous les inconvénients des grands, plus
636
ni État-nation, qui aurait tous les inconvénients
des
grands, plus ceux de la petitesse physique. Il faut la concevoir, au
637
t la concevoir, au contraire, comme la création d’
une
communauté SUI GENERIS, d’un milieu humain où l’on se sent heureux de
638
comme la création d’une communauté SUI GENERIS, d’
un
milieu humain où l’on se sent heureux de vivre, de travailler ou de n
639
n faire, ce qui est sans doute le meilleur test d’
un
environnement de qualité. Plutôt que de chercher à se rendre concurre
640
end d’elle, au contraire, qu’elle soit différente
des
autres, séduisante pour ses propres habitants plus encore que pour le
641
ns de les exercer ! La région ne sera pas l’œuvre
des
technocrates de l’État central, mais des habitants de la région eux-m
642
l’œuvre des technocrates de l’État central, mais
des
habitants de la région eux-mêmes. ay. Rougemont Denis de, « Messag
643
propos de ces pages que je marque d’abord la part
des
hasards apparents dans la création du Nicolas de Flue qui me valut
644
de l’après-midi, je suis appelé au téléphone par
un
ami qui est à la radio suisse. Est-ce la guerre, qu’on attend d’une h
645
la radio suisse. Est-ce la guerre, qu’on attend d’
une
heure à l’autre ? C’est Munich, c’est la paix (pense-t-on vraiment ce
646
x (pense-t-on vraiment ce jour-là…) et l’avenir d’
un
coup qui se rouvre, mais aussi les problèmes qui reviennent, cette ré
647
que fût à mes yeux Stravinski, et je me disais qu’
un
jour je ferais quelque chose, un opéra peut-être, avec et pour cet ho
648
je me disais qu’un jour je ferais quelque chose,
un
opéra peut-être, avec et pour cet homme selon mon cœur… Mais ce n’éta
649
emagne , un troisième ouvrage (demeuré inédit) et
une
série de conférences. C’était assez pour cette année. Les menaces de
650
évu. C’est à ce moment que l’on m’offrit d’écrire
une
pièce pour l’Exposition nationale qui devait s’ouvrir à Zurich l’anné
651
vante. J’étais en train de sortir mes uniformes d’
une
malle, je n’avais pas de sujet et je défiais quiconque d’en trouver u
652
pas de sujet et je défiais quiconque d’en trouver
un
, en Suisse, qui fût de taille à occuper l’énorme scène dont j’avais v
653
large, 18 de profondeur, trois niveaux reliés par
des
marches, point de décors ni de rideaux, tout cela béant devant une sa
654
t de décors ni de rideaux, tout cela béant devant
une
salle de 6000 places. Je demandai quelques jours « pour réfléchir » e
655
élais à courir, le sujet à me fuir. Le jour même,
une
vieille dame américaine m’avait fait remettre sans raison apparente u
656
caine m’avait fait remettre sans raison apparente
une
biographie nouvelle de Nicolas de Flue. J’en avais parcouru distraite
657
s ce soir-là, je reprends le livre et je découvre
un
personnage fascinant. Mystique naïf, au bord de l’hérésie, exerçant,
658
érésie, exerçant, de son ermitage dans les Alpes,
un
empire étendu et profond sur l’esprit de ses compatriotes, s’il a pré
659
mme par miracle », disent les témoins… Et soudain
un
contact s’établit, le passé se charge de l’émotion présente et lui pr
660
arge de l’émotion présente et lui prête en retour
une
dimension nouvelle, comme si c’était le message du Solitaire qui vena
661
, le peuple attend l’annonce fatidique, et tout d’
un
coup, à grandes volées, les cloches de la délivrance : c’est cela que
662
n ai vu le paradoxe essentiel : peupler et animer
une
scène immense autour d’un seul personnage important, le Solitaire par
663
el : peupler et animer une scène immense autour d’
un
seul personnage important, le Solitaire par excellence ! Revenir au t
664
enne du sujet. Je songe alors au style monumental
des
prophètes et des psalmistes. Nul autre ne possède, dans notre traditi
665
songe alors au style monumental des prophètes et
des
psalmistes. Nul autre ne possède, dans notre tradition, cette violent
666
é qui peut s’adapter à la fois à la déclamation d’
un
chœur en marche et au dialogue du drame civique et spirituel. Tout ce
667
s, il vient d’écrire Jeanne au bûcher et La Danse
des
morts avec Claudel. De quinze ans son cadet, inconnu du grand public,
668
nconnu du grand public, je ne lui apporte rien qu’
une
commande peu munificente. Je lui en résume les données, j’esquisse la
669
les ressources du canton qui patronnera l’œuvre :
une
compagnie de théâtre d’amateurs et deux petits chœurs à Neuchâtel, un
670
tre d’amateurs et deux petits chœurs à Neuchâtel,
un
grand chœur et une fanfare à La Chaux-de-Fonds, 400 figurants fournis
671
deux petits chœurs à Neuchâtel, un grand chœur et
une
fanfare à La Chaux-de-Fonds, 400 figurants fournis par diverses socié
672
r l’avenir est « celle qui arrive à grouper toute
une
population ». C’est donc oui, et l’on se met au travail dès novembre.
673
e lui envoie, puis le premier, puis le troisième.
Une
ou deux fois la semaine, je descends à Paris, de La Celle-Saint-Cloud
674
uelques pages dans ma poche. (J’ai écrit le chœur
des
Compagnons de la Follevie sur les marches de son escalier, un jour qu
675
s de la Follevie sur les marches de son escalier,
un
jour qu’il était en retard.) Nos entretiens sont strictement techniqu
676
Chaux-de-Fonds. (Je n’en sais rien.) Il me prête
un
recueil de chorals luthériens, pour que j’en étudie la prosodie préci
677
ction, la durée et presque la tonalité de chacune
des
interventions d’un des trois chœurs que j’ai prévus. Quelquefois il m
678
resque la tonalité de chacune des interventions d’
un
des trois chœurs que j’ai prévus. Quelquefois il m’appelle au télépho
679
que la tonalité de chacune des interventions d’un
des
trois chœurs que j’ai prévus. Quelquefois il m’appelle au téléphone :
680
: « Au 5e vers, 3e reprise du Choral I, il manque
une
syllabe. — Ah ? Que faire ? — Eh bien ! nous mettrons un soupir ». Il
681
abe. — Ah ? Que faire ? — Eh bien ! nous mettrons
un
soupir ». Il m’a dit : « Quand vous écrivez les paroles d’un chœur, c
682
. Il m’a dit : « Quand vous écrivez les paroles d’
un
chœur, chantez-les sur un air quelconque, comme “Frère Jacques”. Ce q
683
s écrivez les paroles d’un chœur, chantez-les sur
un
air quelconque, comme “Frère Jacques”. Ce qui a été une fois chanté p
684
it. Il joue mal, je ne distingue pas grand-chose,
une
fin de choral pourtant, dont il me dit en riant : « Vous voyez, ça fi
685
e — catholique ou protestante peu importe. » Mais
un
soir d’août 1939, à La Chaux-de-Fonds, assistant pour la première foi
686
Chaux-de-Fonds, assistant pour la première fois à
une
répétition des chœurs — et ce sera la dernière : la guerre est pour d
687
assistant pour la première fois à une répétition
des
chœurs — et ce sera la dernière : la guerre est pour demain — je me s
688
a prière « Mon Dieu, ton serviteur » — tantôt par
un
lyrisme aérien, alpestre, cristallin, comme dans le chœur fugué : « É
689
isant ma Bugatti. Jusqu’à ce que la mélodie sorte
des
paroles. » Je le crois, c’est évident, mais cela n’explique pas tout.
690
mais cela n’explique pas tout. Il y a là plus qu’
un
processus psychologique de transmission par les mots. Jamais, pas un
691
logique de transmission par les mots. Jamais, pas
un
instant, nous n’avons eu l’idée de parler du sens profond de la pièce
692
les données fixes du problème et mettre au point
un
code de collaboration, et, cela fait, chacun s’absorbe en son travail
693
rit deux mois — voilà qui ne pouvait signifier qu’
un
accord plus profond, par nature implicite, j’entends de telle nature
694
ntends de telle nature qu’il ne pût se traduire d’
une
manière authentique et fidèle que dans l’œuvre commune, non sous une
695
ique et fidèle que dans l’œuvre commune, non sous
une
forme discursive. Cette espèce d’harmonie préétablie, comment ne pas
696
io, puis en 1945 à son exécution au Vatican, lors
des
fêtes de la canonisation (combien tardive) de Nicolas, premier saint
697
a part de Dieu Il serait vain de faire appel à
des
éléments contingents pour expliquer le phénomène. Tous les biographes
698
jeune Zurichois, né au Havre : à 13 ans, il écrit
un
oratorio intitulé le Calvaire ; à 15 ans, il reçoit le choc de sa vie
699
lorsque Caplet vient diriger au temple protestant
des
cantates de Bach. Parmi ses plus belles œuvres et ses plus grands suc
700
s et ses plus grands succès, les trois quarts ont
des
thèmes religieux : le Roi David, Judith, Jeanne au bûcher, la Danse d
701
le Roi David, Judith, Jeanne au bûcher, la Danse
des
morts, Nicolas de Flue, l’Oratorio de Noël, mais aussi le Cantique po
702
18, les Psaumes de 1940, la Symphonie liturgique.
Une
connaissance intime du lyrisme biblique — « notre Antiquité », dit Ra
703
lviniste, ce serait assez pour définir le style d’
un
musicien confessionnel et du genre pieux, ce qu’Honegger n’est à aucu
704
re moins incroyant, d’ailleurs. Ce n’est pas avec
des
traces « d’éducation chrétienne » et des formes vidées de la foi qui
705
pas avec des traces « d’éducation chrétienne » et
des
formes vidées de la foi qui les forma qu’on a jamais créé un style :
706
idées de la foi qui les forma qu’on a jamais créé
un
style : avec tout cela on ne fait que du folklore, et le pire est le
707
d’essentiellement chrétien, ce n’est pas à cause
des
sujets, ni des paroles et situations mises en musique, ni même des cr
708
ent chrétien, ce n’est pas à cause des sujets, ni
des
paroles et situations mises en musique, ni même des croyances de l’ho
709
s paroles et situations mises en musique, ni même
des
croyances de l’homme, quelles qu’elles fussent. Sa musique est chréti
710
sent. Sa musique est chrétienne parce qu’elle est
une
prière, si la prière est l’acte de celui qui s’ouvre et s’ordonne à l
711
physique (de l’homme) au monde », pour reprendre
une
formule d’Ansermet, « le fondement commun du monde et de ma propre ex
712
d’Honegger et de Nicolas de Flue », Encyclopédie
des
Musiques sacrées, vol. t. III, Paris, Labergerie, 1971, p. 119-121.
713
Le cheminement
des
esprits (1971)s À l’occasion du xxe anniversaire du Centre europé
714
ette entreprise si féconde en initiatives d’union
des
hommes au-delà des nations. Le titre est emprunté à une phrase de Rob
715
féconde en initiatives d’union des hommes au-delà
des
nations. Le titre est emprunté à une phrase de Robert Schuman — qui p
716
mmes au-delà des nations. Le titre est emprunté à
une
phrase de Robert Schuman — qui présida un temps le Comité du Centre :
717
unté à une phrase de Robert Schuman — qui présida
un
temps le Comité du Centre : « L’unité de l’Europe ne se fera ni uniqu
718
e ne se fera ni uniquement, ni principalement par
des
institutions européennes ; leur création suivra le cheminement des es
719
européennes ; leur création suivra le cheminement
des
esprits. » Or cheminer, selon Littré, c’est « faire du chemin, surtou
720
ecteurs de l’Europe à l’interview improvisée pour
une
revue de militants. Chacun marque une péripétie dans la Quête de l’un
721
ovisée pour une revue de militants. Chacun marque
une
péripétie dans la Quête de l’union de nos peuples et de leurs élites
722
esprits. Puis d’orienter espoirs et volontés vers
une
communauté nouvelle. Au-delà des problèmes de niveau de vie, la fédér
723
et volontés vers une communauté nouvelle. Au-delà
des
problèmes de niveau de vie, la fédération de l’Europe devient alors l
724
dération de l’Europe devient alors la condition d’
un
nouveau mode de vie, plus libre et riche de sens. s. Rougemont Den
725
sens. s. Rougemont Denis de, « Le cheminement
des
esprits », Bâtir l’Europe unie : témoignages recueillis par l’Associa
726
e unie : témoignages recueillis par l’Association
des
amis de Robert Schuman, Metz, Éditions Le Lorrain, 1971, p. 1.
727
antôt à droite. Mon bras droit tenait le gauche d’
un
aîné prestigieux capable de courir 800 mètres d’un trait et champion
728
n aîné prestigieux capable de courir 800 mètres d’
un
trait et champion olympique pour cette raison, sans doute. C’était as
729
opéen de la culture —, proposer que nous lancions
une
« Charte européenne » et un « Brevet européen du sportif ». Faire l’E
730
er que nous lancions une « Charte européenne » et
un
« Brevet européen du sportif ». Faire l’Europe dans les sports aussi
731
moins atteints de chauvinisme vociférant —, voilà
une
belle idée, que j’accepte d’enthousiasme. C’était en 1954. Après deux
732
tudes, de réunions au Centre, de démarches auprès
des
grandes associations sportives et des gouvernements, la « Commission
733
ches auprès des grandes associations sportives et
des
gouvernements, la « Commission de pédagogie sportive », animée par Ma
734
rtive », animée par Martin et Silva, met au point
une
charte imposante et un brevet. Celui-ci sera dûment testé — et passé
735
in et Silva, met au point une charte imposante et
un
brevet. Celui-ci sera dûment testé — et passé avec des succès divers
736
revet. Celui-ci sera dûment testé — et passé avec
des
succès divers — par les membres du comité, au nombre desquels le Dr P
737
amenés par ses soins à collaborer avec le Centre.
Une
si heureuse initiative, et si rondement menée vers son destin europée
738
heure, comme celui de S. A. R. le prince Bernhard
des
Pays-Bas — devant les susceptibilités de l’olympisme officiel. Quelqu
739
s années plus tard, j’eus la surprise de recevoir
des
papiers à en-tête du Conseil de l’Europe annonçant la création par ce
740
e l’Europe annonçant la création par ce dernier d’
un
« Brevet européen du sportif ». On m’en communiquait le texte « pour
741
L’Europe est d’abord
une
unité de culture (1971)x y Je pars de ce qui me paraît une évidenc
742
culture (1971)x y Je pars de ce qui me paraît
une
évidence majeure : il nous faut faire l’Europe afin de rester nous-mê
743
disons, pour aller vite : ni moujiks ni yankees.
Une
Europe divisée en vingt-cinq nations, chacune trop petite pour se déf
744
ule, et chacune acharnée à rester seule, au nom d’
une
souveraineté de plus en plus mythique — cette Europe divisée n’a pas
745
re que selon la formule fédéraliste, respectueuse
des
diversités et des autonomies politico-sociales. Une Europe unifiée et
746
rmule fédéraliste, respectueuse des diversités et
des
autonomies politico-sociales. Une Europe unifiée et uniformisée, deux
747
s diversités et des autonomies politico-sociales.
Une
Europe unifiée et uniformisée, deux hommes ont essayé de la faire : N
748
pas en reste vers 1914 —, l’école apprend depuis
un
siècle aux jeunes Français, Allemands, Italiens ou Anglais, — contre
749
tant qu’État, et en moyenne, elles n’ont même pas
un
siècle d’âge. Seules la France, l’Angleterre et l’Espagne comptent, c
750
n disputer là-dessus : le général de Gaulle, l’un
des
plus grands champions de l’immortalité des nations, a beaucoup varié
751
, l’un des plus grands champions de l’immortalité
des
nations, a beaucoup varié lui-même quant à la date qu’il attribue à l
752
enfin à Hugues Capet, qui est du xe siècle, soit
une
hésitation d’un millénaire et demi, qui ne manque pas d’une certaine
753
pet, qui est du xe siècle, soit une hésitation d’
un
millénaire et demi, qui ne manque pas d’une certaine « grandeur ». Ma
754
tion d’un millénaire et demi, qui ne manque pas d’
une
certaine « grandeur ». Mais si l’on peut admettre que l’État français
755
onté que chacun de nos États-nations correspond à
une
langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique
756
n de nos États-nations correspond à une langue, à
une
ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géographiqu
757
-nations correspond à une langue, à une ethnie, à
un
ensemble à la fois économique, historique et géographique, défini par
758
conomique, historique et géographique, défini par
des
frontières naturelles. Et vous l’avez cru ! Vous croyez donc que chac
759
ez que les Européens sont trop différents les uns
des
autres pour s’unir et qu’on ne pourra jamais les fédérer, parce que n
760
cinq États-nations ne sauraient céder sans trahir
un
pouce de leur sacro-sainte souveraineté, et qu’ils sont immortels. Or
761
ion, natio en latin, désignait au Moyen Âge, dans
une
ville universitaire, les colonies d’étudiants venus d’une même région
762
e universitaire, les colonies d’étudiants venus d’
une
même région d’Europe et parlant entre eux la même langue : nation ang
763
laise, nation flamande, nation italienne, c’était
un
peu comme nos pavillons nationaux dans une cité universitaire, rien d
764
c’était un peu comme nos pavillons nationaux dans
une
cité universitaire, rien de plus. Mais à l’université même, on ne par
765
on ne parlait qu’en latin, et l’on ignorait tout
des
appartenances « nationales » au sens moderne du mot. C’est ainsi qu’à
766
orbonne, vers 1267 — comme me le faisait observer
un
jour Étienne Gilson —, pas un seul des grands professeurs n’était fra
767
le faisait observer un jour Étienne Gilson —, pas
un
seul des grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain
768
it observer un jour Étienne Gilson —, pas un seul
des
grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain comme Th
769
, ou anglais comme Roger Bacon. Tout cela formait
une
grande culture commune, bien antérieure à l’idée même d’État-nation.
770
ation » désignait, dès ce temps, ceux qui parlent
une
même langue ? Oui, mais il n’était pas question de les enfermer pour
771
de les enfermer pour si peu dans les frontières d’
un
même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos stato-nations modern
772
ns modernes correspondent à l’aire de diffusion d’
une
langue. Prenez la France : on parle huit langues à l’intérieur de ses
773
langue allemande : si elle devait coïncider avec
un
État-nation, il faudrait annexer à la République fédérale outre l’All
774
de l’Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie,
des
pays baltes et de la région de la Volga. On m’objecte souvent que nos
775
ncore tout ce que leur histoire y ajouta au cours
des
âges, notions philosophiques grecques, notions juridiques et militair
776
Âge, du français au xviiie siècle, de l’allemand
des
philosophes et des savants au xixe , et de l’anglo-américain de nos j
777
xviiie siècle, de l’allemand des philosophes et
des
savants au xixe , et de l’anglo-américain de nos jours. Le mot « évêq
778
bispe, biskop, bishop, Bischof… Il en va de même
des
termes militaires comme « canon », et de tous les termes techniques d
779
’Afrique, toutes nos langues se ressemblent comme
des
sœurs. Vue de loin, l’unité culturelle de l’Europe est un fait que pe
780
. Vue de loin, l’unité culturelle de l’Europe est
un
fait que personne ne conteste — à part nos bons nationalistes. Enfin
781
nos bons nationalistes. Enfin, il y a l’affaire
des
frontières naturelles, chères à nos maîtres. Cette notion a son origi
782
, surtout ne le demandez pas, vous passeriez pour
un
mauvais Français !) De même, les Pyrénées séparent l’Espagne de la Fr
783
e la France, voilà qui est clair — à condition qu’
un
esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de c
784
qui est clair — à condition qu’un esprit fort (ou
un
naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêm
785
Alpes, chacun peut vérifier qu’on y parle italien
des
deux côtés au sud, français des deux côtés à la hauteur des vallées v
786
n y parle italien des deux côtés au sud, français
des
deux côtés à la hauteur des vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus
787
ôtés au sud, français des deux côtés à la hauteur
des
vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus loin l’allemand, puis le la
788
lemand, puis le ladin, puis l’allemand de nouveau
des
deux côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au cœur des Alpes. Non,
789
x côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au cœur
des
Alpes. Non, les frontières de nos États n’ont jamais été « naturelles
790
s atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait
un
historien français, le résultat des « viols répétés de la géographie
791
encore, disait un historien français, le résultat
des
« viols répétés de la géographie par l’histoire », comme on le voit s
792
que négatifs ! En nous présentant l’Europe comme
un
puzzle de nations en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme u
793
en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme
une
addition de prétendues « cultures nationales » bien distinctes et riv
794
ait, c’est que la culture de tous nos peuples est
une
, qu’elle s’est formée à partir des mêmes influences indo-européennes,
795
os peuples est une, qu’elle s’est formée à partir
des
mêmes influences indo-européennes, gréco-latines, celtes et germaniqu
796
strait, mais aussi la scolastique, la philosophie
des
lumières, ou l’existentialisme, le libéralisme et le marxisme, bref t
797
équences et les tropes de Notker ; se constitue d’
une
manière autonome avec les troubadours du Languedoc, dès le xiie sièc
798
teurs et de styles se multiplient au xve siècle.
Une
nouvelle école s’épanouit dans les Flandres avec Ockeghem et Josquin
799
anouit dans les Flandres avec Ockeghem et Josquin
des
Prés. Elle rayonne en Bourgogne, en France et redescend vers l’Italie
800
s comme Heinrich Schütz viennent s’initier auprès
des
maîtres vénitiens. Bach copie avec application des partitions de Viva
801
es maîtres vénitiens. Bach copie avec application
des
partitions de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la mu
802
re, la Saxe, Vienne, Bayreuth. C’est alors auprès
des
maîtres allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint
803
s voies. Or ces voies, notons-le, traversent avec
une
glorieuse indifférence une bonne douzaine de nos frontières actuelles
804
ns-le, traversent avec une glorieuse indifférence
une
bonne douzaine de nos frontières actuelles. Elles relient des cités,
805
uzaine de nos frontières actuelles. Elles relient
des
cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations au
806
os frontières actuelles. Elles relient des cités,
des
foyers de création, des maîtres, et non pas des nations au sens moder
807
Elles relient des cités, des foyers de création,
des
maîtres, et non pas des nations au sens moderne. Les grands courants
808
, des foyers de création, des maîtres, et non pas
des
nations au sens moderne. Les grands courants européens, les grandes é
809
vations faciles à vérifier. Chacun de nos pays a
un
nord et un midi, dans chacun vous trouverez des croyants et des incro
810
iles à vérifier. Chacun de nos pays a un nord et
un
midi, dans chacun vous trouverez des croyants et des incroyants, des
811
a un nord et un midi, dans chacun vous trouverez
des
croyants et des incroyants, des hommes de gauche et des hommes de dro
812
midi, dans chacun vous trouverez des croyants et
des
incroyants, des hommes de gauche et des hommes de droite, des romanti
813
un vous trouverez des croyants et des incroyants,
des
hommes de gauche et des hommes de droite, des romantiques-surréaliste
814
oyants et des incroyants, des hommes de gauche et
des
hommes de droite, des romantiques-surréalistes et des classiques plus
815
ts, des hommes de gauche et des hommes de droite,
des
romantiques-surréalistes et des classiques plus ou moins conformistes
816
hommes de droite, des romantiques-surréalistes et
des
classiques plus ou moins conformistes, des progressistes et des conse
817
tes et des classiques plus ou moins conformistes,
des
progressistes et des conservateurs. Or, je mets en fait que dans la p
818
plus ou moins conformistes, des progressistes et
des
conservateurs. Or, je mets en fait que dans la plupart des cas, les h
819
te de leur propre nation ; que les surréalistes d’
un
pays s’accorderont mieux avec les surréalistes de l’étranger qu’avec
820
ui nous diversifient vraiment, c’est la pluralité
des
écoles de pensée et des styles de vie dans chaque nation. Supprimez l
821
iment, c’est la pluralité des écoles de pensée et
des
styles de vie dans chaque nation. Supprimez les frontières nationales
822
s nationales, vous n’appauvrirez en rien l’Europe
une
et diverse, et vous ne risquerez pas un instant de créer ce fameux vo
823
l’Europe une et diverse, et vous ne risquerez pas
un
instant de créer ce fameux volapük que dénonçait de Gaulle, non sans
824
lapük que dénonçait de Gaulle, non sans démagogie
un
peu facile. Seconde observation : la création culturelle en Europe es
825
enaissance les petites cités du Nord de l’Italie,
des
Flandres, de la Bourgogne et de la Rhénanie. On sait le rôle merveill
826
éna, Weimar ou Dresde dans l’Allemagne romantique
des
Hegel, des Schelling, des Hölderlin et des Humboldt, au moment même o
827
ou Dresde dans l’Allemagne romantique des Hegel,
des
Schelling, des Hölderlin et des Humboldt, au moment même où Napoléon
828
l’Allemagne romantique des Hegel, des Schelling,
des
Hölderlin et des Humboldt, au moment même où Napoléon faisait de la F
829
ntique des Hegel, des Schelling, des Hölderlin et
des
Humboldt, au moment même où Napoléon faisait de la France un désert c
830
, au moment même où Napoléon faisait de la France
un
désert culturel en mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’
831
péenne, il est dans cette interaction perpétuelle
des
grands courants continentaux, qui établissent une unité vivante et dy
832
des grands courants continentaux, qui établissent
une
unité vivante et dynamique, et des foyers locaux de création, qui san
833
ui établissent une unité vivante et dynamique, et
des
foyers locaux de création, qui sans cesse remettent en question et re
834
sses. Car la Suisse n’a jamais connu l’illusion d’
une
« culture nationale » — ne fût-ce qu’en raison de son appartenance à
835
millions d’hommes découpée dans n’importe lequel
des
pays qui nous entourent —, tout s’est fait dans nos petites métropole
836
allumés puis éteints, le Saint-Gall de Notker et
des
débuts de la musique, l’Einsiedeln de la culture bénédictine, le Bâle
837
continentale et régions. La fédération au-dessus
des
nations, trop petites pour assurer les tâches mondiales ; et les régi
838
les tâches mondiales ; et les régions au-dessous
des
nations, à l’intérieur de leurs frontières ou à cheval sur les fronti
839
du monde nouveau, et à disparaître pratiquement,
un
peu comme il est arrivé de nos frontières cantonales, et je ne crois
840
tés sont assez dures à entendre pour les citoyens
des
grands pays qui nous entourent ; mais ils y viennent — par leur jeune
841
s le Marché commun, de nous laisser entraîner sur
un
terrain qui n’est pas le nôtre, dans des termes qui sont étrangers à
842
aîner sur un terrain qui n’est pas le nôtre, dans
des
termes qui sont étrangers à notre tradition fédéraliste et à notre ha
843
n fédéraliste et à notre habitus, et qui dérivent
des
théories et des pratiques stato-nationalistes. L’Europe que nous voul
844
à notre habitus, et qui dérivent des théories et
des
pratiques stato-nationalistes. L’Europe que nous voulons, nous aussi,
845
rope que nous voulons, nous aussi, ne sera jamais
un
laborieux et problématique échafaudage d’accords tarifaires et de con
846
rgouvernementales qui, sous prétexte de faciliter
un
peu le passage des frontières, en maintiennent et renforcent le princ
847
qui, sous prétexte de faciliter un peu le passage
des
frontières, en maintiennent et renforcent le principe. Nous ne croyon
848
et renforcent le principe. Nous ne croyons pas à
une
Europe des États-nations souverains. Je l’ai souvent dit : ce serait
849
ent le principe. Nous ne croyons pas à une Europe
des
États-nations souverains. Je l’ai souvent dit : ce serait une amicale
850
tions souverains. Je l’ai souvent dit : ce serait
une
amicale des misanthropes — chose qu’on peut écrire, non faire, car ou
851
ains. Je l’ai souvent dit : ce serait une amicale
des
misanthropes — chose qu’on peut écrire, non faire, car ou bien on a u
852
se qu’on peut écrire, non faire, car ou bien on a
une
vraie amicale, mais alors il n’y a pas de misanthropes, ou bien on a
853
seul pays européen qui n’ait pas pris la forme d’
un
État-nation au siècle dernier. Le seul constitué par la libre adhésio
854
stitué par la libre adhésion, non par la conquête
des
communautés qui le constituent. Donc le seul qui n’ait rien à redoute
855
seul qui n’ait rien à redouter de la disparition
des
frontières. Mais je vois là aussi plus qu’une incitation : un appel,
856
ion des frontières. Mais je vois là aussi plus qu’
une
incitation : un appel, un devoir d’agir. Il y a vingt-cinq ans, aux p
857
s. Mais je vois là aussi plus qu’une incitation :
un
appel, un devoir d’agir. Il y a vingt-cinq ans, aux premières Rencont
858
vois là aussi plus qu’une incitation : un appel,
un
devoir d’agir. Il y a vingt-cinq ans, aux premières Rencontres intern
859
le, encore plus vrai aujourd’hui et il nous dicte
une
ligne de conduite et d’action. Je sais bien que les Suisses sont timi
860
e les Suisses sont timides et qu’ils en font même
une
vertu, sous le nom de modestie. Qu’ils fassent donc un effort, un cou
861
rtu, sous le nom de modestie. Qu’ils fassent donc
un
effort, un courageux effort contre leur modestie ! Helvétiser l’Europ
862
e nom de modestie. Qu’ils fassent donc un effort,
un
courageux effort contre leur modestie ! Helvétiser l’Europe, cela ne
863
es intérêts de l’Europe entière », pour reprendre
une
formule célèbre, qui désignait notre neutralité, notre abstention, et
864
x. Rougemont Denis de, « L’Europe est d’abord
une
unité de culture », Intégration : Vierteljahreshefte zur Europaforsch
865
is, italien et néerlandais : « À l’union fédérale
des
Européens, l’État-nation oppose le dogme sacro-saint de sa souveraine
866
le dernier mot de l’évolution, qu’il correspond à
une
langue et à une culture particulière, qu’il forme une unité économiqu
867
e l’évolution, qu’il correspond à une langue et à
une
culture particulière, qu’il forme une unité économique et qu’il se dé
868
langue et à une culture particulière, qu’il forme
une
unité économique et qu’il se définit par des “frontières naturelles”
869
orme une unité économique et qu’il se définit par
des
“frontières naturelles” : tout cela est faux, comme le fait voir l’au
870
ut cela est faux, comme le fait voir l’auteur par
des
exemples indiscutables. Notre culture est la création commune et troi
871
ns. Ses grands courants, écoles et styles relient
des
foyers locaux ou régionaux, mais ignorent totalement les frontières n
872
Il est cette part du passé qui à la fois m’ouvre
un
certain avenir et par avance le limite. Je ne le connaîtrai vraiment
873
ussi ce qu’il m’incite ou m’autorise à modifier d’
une
manière inédite — qui sera moi. Distinguons donc trois sens possibles
874
tinguons donc trois sens possibles, du moins pour
un
Européen, de l’expression héritage culturel. 1. Il représente d’abor
875
e de tous les « produits » de la culture au cours
des
âges : religions et philosophies, arts et lettres, sciences et techni
876
onne en second lieu, que nous le sachions ou non,
un
grand nombre de chances spécifiques proposées aux Européens, et dont
877
ibres créations ou ne rien faire, mais pose aussi
des
limitations précises à leur action, qu’ils ne peuvent éluder, surtout
878
les ignorent. 3. L’héritage culturel enfin reste
une
somme de virtualités, dont nous ne pouvons en général actualiser qu’u
879
és, dont nous ne pouvons en général actualiser qu’
une
part infime. Il n’est pour nous, au sens concret, que ce que nous som
880
de l’héritage total, nous sentons qu’il comporte
une
part d’hérédité inéluctable, mais que, dans la part libre, nos choix
881
t libre, nos choix nécessairement vont constituer
des
hérésies. Nous ne deviendrons nous-mêmes qu’à ce prix, qui est d’assu
882
rsonnelle ; et par là même, non point en revêtant
un
uniforme (matériel ou moral), nous deviendrons de vrais Européens.
883
ement », que la culture consiste à lire ou écrire
des
romans, enseigner la philosophie, écouter des deuxièmes programmes, e
884
ire des romans, enseigner la philosophie, écouter
des
deuxièmes programmes, et se tenir au courant de l’évolution des arts
885
programmes, et se tenir au courant de l’évolution
des
arts en avouant volontiers qu’on ne comprend plus — et voilà quelqu’u
886
a planète, entre le sol et les nuages. La culture
des
Européens, qui est leur véritable unité, est à la fois la somme et le
887
e paysages. (Presque tout le paysage européen est
un
fait de culture au sens que je viens de noter.) Et non seulement le p
888
tés aussi hétérogènes que le choix et le contrôle
des
poids et mesures, la rhétorique, l’ethnographie, l’écologie, la peint
889
onduites créatrices, mais encore, à la différence
des
grandes cultures du passé asiatique, proche-oriental, précolombien, l
890
ux autres — si deux se découvrent compatibles sur
un
point, par quelque chance imméritée, ce sera pour mieux exclure la tr
891
nt, sens de la démesure créatrice ; l’apport grec
des
grands mythes, des tragiques, de Platon ; l’apport hébreu des psaumes
892
sure créatrice ; l’apport grec des grands mythes,
des
tragiques, de Platon ; l’apport hébreu des psaumes et du Cantique, à
893
ythes, des tragiques, de Platon ; l’apport hébreu
des
psaumes et du Cantique, à travers le culte chrétien ; l’apport de la
894
e crises latentes ou de schizophrénie, d’harmonie
des
contraires par sublime exception : Dante, Leibniz ou Bach, Mozart ou
895
ble ; et tous, tant que nous sommes, représentons
une
figure irremplaçable dans le ballet des milliards de possibles sans r
896
résentons une figure irremplaçable dans le ballet
des
milliards de possibles sans relâche rythmé et rompu par la culture eu
897
elâche rythmé et rompu par la culture européenne.
Un
très grand nombre de combinaisons, voire de permutations des éléments
898
and nombre de combinaisons, voire de permutations
des
éléments de base, sont compatibles ; d’autres non. Einstein, Churchil
899
Harmonieux ou non, conscient ou non, le rapport d’
un
Européen à la culture européenne — notre seule unité fondamentale, ré
900
t irrécusable. J’entends qu’il est universel. Pas
un
seul d’entre nous n’y échappe. Que nous soyons « très cultivés » ou i
901
s sommes tous tributaires de deux mémoires, celle
des
peuples et celle des gènes. Celle des grandes bibliothèques, des monu
902
ires de deux mémoires, celle des peuples et celle
des
gènes. Celle des grandes bibliothèques, des monuments, des codes, de
903
ires, celle des peuples et celle des gènes. Celle
des
grandes bibliothèques, des monuments, des codes, de la langue, des ju
904
celle des gènes. Celle des grandes bibliothèques,
des
monuments, des codes, de la langue, des jurisprudences, des croyances
905
. Celle des grandes bibliothèques, des monuments,
des
codes, de la langue, des jurisprudences, des croyances et des œuvres
906
othèques, des monuments, des codes, de la langue,
des
jurisprudences, des croyances et des œuvres dominantes, des data bank
907
nts, des codes, de la langue, des jurisprudences,
des
croyances et des œuvres dominantes, des data banks et du système des
908
e la langue, des jurisprudences, des croyances et
des
œuvres dominantes, des data banks et du système des préjugés de notre
909
rudences, des croyances et des œuvres dominantes,
des
data banks et du système des préjugés de notre siècle — mémoire exter
910
s œuvres dominantes, des data banks et du système
des
préjugés de notre siècle — mémoire externe. Et celle des chromosomes,
911
jugés de notre siècle — mémoire externe. Et celle
des
chromosomes, des chaînes de l’ADN, des formules de l’intégration biol
912
ècle — mémoire externe. Et celle des chromosomes,
des
chaînes de l’ADN, des formules de l’intégration biologique, des réfle
913
. Et celle des chromosomes, des chaînes de l’ADN,
des
formules de l’intégration biologique, des réflexes conditionnés et de
914
l’ADN, des formules de l’intégration biologique,
des
réflexes conditionnés et des programmes physiologiques ou sociaux, de
915
égration biologique, des réflexes conditionnés et
des
programmes physiologiques ou sociaux, des complexes et de l’hérédité
916
nnés et des programmes physiologiques ou sociaux,
des
complexes et de l’hérédité — mémoire interne. Quantité de chances cul
917
s les plus ignares, les paysans, les ouvriers ont
des
réflexes et des goûts conditionnés qui leur sont transmis par leur mè
918
es, les paysans, les ouvriers ont des réflexes et
des
goûts conditionnés qui leur sont transmis par leur mère, la Maternell
919
istrot, et dont les origines remontent toujours à
des
œuvres qui firent leur temps, littéralement. Dans chacun de nos chrom
920
cun de nos chromosomes, il y a l’histoire entière
des
hommes du passé, plus une nouvelle virtualité. Dans chacun de nos cod
921
y a l’histoire entière des hommes du passé, plus
une
nouvelle virtualité. Dans chacun de nos codes civiques ou juridiques,
922
i le meut. Enfermés dans nos États-nations depuis
un
siècle et demi, grâce à Napoléon puis à nos écoles nationales, nous n
923
et prétextes également vains. Car la « pureté » d’
une
langue n’est nullement sa vertu, comme l’a fait voir T. S. Eliot. L’a
924
l en voit la raison, précisément, dans la variété
des
sources européennes qui ont fait l’anglais : la base germanique, les
925
ique, les apports scandinave puis franco-normand,
une
succession d’influences françaises et latines, l’élément celtique enf
926
and les nations de l’Europe sont coupées les unes
des
autres, et que les poètes ne lisent plus d’autre littérature que cell
927
hir ce qu’il prétend sauver. Quant à la diversité
des
langues, si on la respecte, elle n’empêche pas l’union, bien au contr
928
deux dialectes italiens et le basque, parlés par
des
peuples entiers dans l’Hexagone, les différences sont aussi grandes q
929
guistiques perpétrées par l’école primaire depuis
un
siècle. Elles n’ont pas empêché le pire, qui est l’unification forcée
930
l’unification forcée. Mais grâce à la renaissance
des
régions, elles peuvent encore permettre le meilleur, l’union libremen
931
permettre le meilleur, l’union librement décidée
des
vraies « nations », qui ne peut se faire que dans le cadre européen.
932
ne peut se faire que dans le cadre européen. Car
des
vraies « nations » ou régions ne seront vraiment elles-mêmes que tout
933
dans leurs interrelations. Aucune ne sera jamais
une
« culture nationale », ou un microcosme de l’Europe, mais seulement u
934
cune ne sera jamais une « culture nationale », ou
un
microcosme de l’Europe, mais seulement un ensemble d’œuvres composées
935
e », ou un microcosme de l’Europe, mais seulement
un
ensemble d’œuvres composées d’éléments empruntés à l’héritage commun,
936
nations de l’Europe que leur désir de se trouver
une
vocation originale. Rien de plus caractéristique du véritable Europée
937
té, il n’en est que plus frappant de constater qu’
un
même mot originel, grec, latin, germanique ou celtique, se retrouve d
938
t notre « mère l’Europe » — comme l’appelait déjà
une
chronique en latin rédigée au début du xie siècle — aux nations qui
939
tions, libérations Tout héritage comporte donc
une
part d’hérédité subie et une part d’hérésie active (ou de libre choix
940
ritage comporte donc une part d’hérédité subie et
une
part d’hérésie active (ou de libre choix personnel), de nombreuses et
941
, de nombreuses et précises prédéterminations, et
un
grand risque, par définition mal défini, celui de devenir soi-même, p
942
-même, par quelque différence de structure. Moins
une
culture est homogène, mieux elle incite à cette autonomie, à cette au
943
tte autostructuration de la personne, de l’œuvre,
des
régions ou nations… À la limite, osons le dire : l’héritage culturel
944
lgré tout dans le tout. Chaque homme d’Europe est
une
dramatis persona qui crée son rôle avec plus ou moins de bonheur dans
945
onalisme ou partisanerie, besoin et goût d’être d’
un
parti contre un autre, indépendamment de leurs buts allégués. Ce beso
946
isanerie, besoin et goût d’être d’un parti contre
un
autre, indépendamment de leurs buts allégués. Ce besoin et ce goût st
947
ute, provoquent l’émulation, l’ardeur au jeu pour
une
élite de joueurs. Mais dans la masse des spectateurs passifs, la part
948
jeu pour une élite de joueurs. Mais dans la masse
des
spectateurs passifs, la partisanerie cloisonne et appauvrit. Elle exi
949
onne et appauvrit. Elle existe partout en Europe,
des
Bleus et des Verts de Byzance aux « sportifs » des cinq continents et
950
vrit. Elle existe partout en Europe, des Bleus et
des
Verts de Byzance aux « sportifs » des cinq continents et surtout à la
951
es Bleus et des Verts de Byzance aux « sportifs »
des
cinq continents et surtout à la droite et à la gauche dans le jeu pol
952
ou dans les grands empires de l’Afrique noire et
des
Aztèques. 2. L’Européen moderne (produit des sources grecque, romaine
953
e et des Aztèques. 2. L’Européen moderne (produit
des
sources grecque, romaine et judéo-chrétienne, en l’occurrence) est à
954
i on le compare à l’Africain noir). Il en résulte
une
étonnante absence de grandes qualités sociales et personnelles et qua
955
», nées du refoulement de l’animique ou du mépris
des
réalités non calculables écartées sous le nom de subjectivité à parti
956
Bombe, qui connaît les mathématiques et qui parle
des
ordinateurs. Le laïque, le politicien et le militaire ne peuvent que
957
peuvent que subir sans comprendre. Il en résulte
une
inégalité fondamentale entre l’élite scientifique et la masse des inc
958
ndamentale entre l’élite scientifique et la masse
des
incultes médusés. Cette inégalité de formation prépare des clivages s
959
tes médusés. Cette inégalité de formation prépare
des
clivages sociaux sans précédent. Elle annonce un nouvel esclavage par
960
des clivages sociaux sans précédent. Elle annonce
un
nouvel esclavage par manipulation des gènes de pharmacologie au servi
961
Elle annonce un nouvel esclavage par manipulation
des
gènes de pharmacologie au service du Pouvoir. Elle annonce des révolt
962
pharmacologie au service du Pouvoir. Elle annonce
des
révoltes sauvages, dont la sécession des hippies (ou drop off) ne don
963
annonce des révoltes sauvages, dont la sécession
des
hippies (ou drop off) ne donne qu’une faible et trop aimable idée. 4.
964
a sécession des hippies (ou drop off) ne donne qu’
une
faible et trop aimable idée. 4. L’Européen romanisé, organisé, étatis
965
4. L’Européen romanisé, organisé, étatisé depuis
des
siècles, ne peut guère plus concevoir « Dieu » et la vie spirituelle
966
e spirituelle que dans les cadres institutionnels
des
Églises. Si bien que l’anticlérical devient athée (ou en tout cas ant
967
en) et ainsi se mutile en esprit pour se venger d’
une
trahison, si longtemps arrogante, de l’esprit. 5. L’Européen moyen hé
968
ons de mépriser l’Histoire et de s’occuper plutôt
des
« réalités », c’est-à-dire de son pouvoir d’achat, ou de la « gauche
969
pe de la mémoire humaine, de l’approche familière
des
symboles, que nous découvrons dans nos rêves, et que transmet la sage
970
uvrons dans nos rêves, et que transmet la sagesse
des
nations par les proverbes. Le petit citadin d’aujourd’hui, prisonnier
971
bes. Le petit citadin d’aujourd’hui, prisonnier d’
un
« ensemble » où chacun se sent seul et coupé de l’Histoire autant que
972
notion de personne humaine, autonome et chargée d’
une
vocation unique mais fondatrice de communauté (héritage gréco-chrétie
973
age de la cité grecque, de l’Ecclesia chrétienne,
des
« libertés » germaniques et celtiques) ; — enfin le sécularisme, qui
974
t celtiques) ; — enfin le sécularisme, qui libère
des
contraintes effrayantes du sacré et du culte des morts, des mythes tr
975
des contraintes effrayantes du sacré et du culte
des
morts, des mythes tribaux, des modes révérées de la Cour avant de l’ê
976
intes effrayantes du sacré et du culte des morts,
des
mythes tribaux, des modes révérées de la Cour avant de l’être de la V
977
sacré et du culte des morts, des mythes tribaux,
des
modes révérées de la Cour avant de l’être de la Ville, et de toutes l
978
rtus ne contraignent pas l’individu comme le fait
un
programme génétique, si elles sont ce qui permet seul de le dépasser.
979
ultures antiques de l’Inde, de la Chine, du Mali,
des
Incas, ou de la Rome impériale. Tout cela est mal vu de nouveau en UR
980
taire, d’universalité : au respect de la véracité
des
poids et mesures, de la parole exacte, de l’autre en tant que tel, et
981
cela peut permettre à chaque Européen de dépasser
un
jour, fût-ce d’une manière infime — mais décisive, puisque sa personn
982
e à chaque Européen de dépasser un jour, fût-ce d’
une
manière infime — mais décisive, puisque sa personne même se définit d
983
février, vote sur le suffrage féminin : supprimer
un
anachronisme et une injustice (4 février 1971)z aa « Dans notre so
984
e suffrage féminin : supprimer un anachronisme et
une
injustice (4 février 1971)z aa « Dans notre société européenne, de
985
femmes ont été l’agent principal de civilisation
des
hommes. » Cette phrase, signée Denis de Rougemont, est extraite d’un
986
phrase, signée Denis de Rougemont, est extraite d’
un
tract publié par l’Association suisse pour le suffrage féminin. Cette
987
nt, c’est au xiie siècle qu’a commencé la poésie
des
troubadours qui consistait dans l’adoration de la femme. Elle était c
988
l’allégeance, la fidélité. Le troubadour — c’est
une
chose complètement nouvelle — s’agenouillait devant la femme à qui il
989
ant son seigneur. Il s’est produit à ce moment-là
une
extraordinaire évolution dans les mœurs et ce culte de la femme coïnc
990
de la vraie littérature en Europe, et il y a donc
un
lien tout à fait évident entre la culture, la civilisation, le raffin
991
entre la culture, la civilisation, le raffinement
des
mœurs et le respect de la femme. Il y a tout un ordre de phénomènes q
992
des mœurs et le respect de la femme. Il y a tout
un
ordre de phénomènes qui se sont produits au xiie siècle dont j’ai lo
993
vre L’Amour et l’Occident . Et maintenant, c’est
une
chose admise : le rôle civilisateur de la femme dans les pays d’Europ
994
s d’Europe. Mais la femme n’avait-elle pas plutôt
un
rôle d’inspiratrice, un rôle passif en quelque sorte ? Justement pas.
995
e n’avait-elle pas plutôt un rôle d’inspiratrice,
un
rôle passif en quelque sorte ? Justement pas. Elle devenait la maître
996
xiie siècle, c’est que les femmes sont devenues
des
sujets de la vie non seulement culturelle, mais politique. Aliénor d’
997
e fille du premier troubadour, qui épousa d’abord
un
roi de France, puis un roi d’Angleterre — est une des grandes figures
998
badour, qui épousa d’abord un roi de France, puis
un
roi d’Angleterre — est une des grandes figures agissantes du siècle.
999
un roi de France, puis un roi d’Angleterre — est
une
des grandes figures agissantes du siècle. Les hommes, autour d’elle,
1000
roi de France, puis un roi d’Angleterre — est une
des
grandes figures agissantes du siècle. Les hommes, autour d’elle, ont
1001
également pour la Suisse ? En Suisse, nous sommes
un
peu tributaires de la civilisation germanique, où les hommes porteurs
1002
les hommes qui vont à la Landsgemeinde ont encore
un
sabre à la main — avec un parapluie dans l’autre, parce qu’il pleut t
1003
andsgemeinde ont encore un sabre à la main — avec
un
parapluie dans l’autre, parce qu’il pleut toujours ! Il y a donc, che
1004
es affaires publiques qui doivent être le domaine
des
guerrières, de l’homme armé, ce qui est un anachronisme complet dans
1005
maine des guerrières, de l’homme armé, ce qui est
un
anachronisme complet dans la société actuelle, où même la guerre n’es
1006
guerre n’est plus faite par les gens qui portent
un
sabre. Si l’on sort des mythes germaniques de l’homme guerrier et si
1007
e par les gens qui portent un sabre. Si l’on sort
des
mythes germaniques de l’homme guerrier et si l’on entre dans la socié
1008
e mythe germanique serait donc à la base du refus
des
Suisses d’accorder l’égalité politique aux femmes ? Je crois que cela
1009
ux femmes ? Je crois que cela forme l’inconscient
des
Suisses, très fortement. Et vous savez que, dans l’inconscient, agiss
1010
savez que, dans l’inconscient, agissent toujours
des
choses très anciennes dont on n’est plus maître, dont on n’a plus con
1011
nce, justement. Toutes ces valeurs qui tiennent à
des
époques où c’était la force physique qui comptait, alors que, dans no
1012
Égalité, donc service militaire ! Y a-t-il
des
raisons historiques propres à la Suisse qui expliquent cette inégalit
1013
ropres à la Suisse qui expliquent cette inégalité
des
sexes ? Oui, parce qu’en Suisse — prenez cet exemple des Landsgemeind
1014
es ? Oui, parce qu’en Suisse — prenez cet exemple
des
Landsgemeinde — vous avez des survivances qui nous sont proches, qui
1015
prenez cet exemple des Landsgemeinde — vous avez
des
survivances qui nous sont proches, qui sont encore mêlées à notre vie
1016
sont proches, qui sont encore mêlées à notre vie,
des
vieilles coutumes germaniques. Justement la survivance de ce paysan,
1017
l’homme libre était défini par l’arme. Vous avez
une
quantité de gens, en Suisse, qui vous disent : c’est très bien les fe
1018
ire, universitaire du terme. Mais la transmission
des
mœurs, des coutumes, de la morale, c’est par les femmes que cela se f
1019
sitaire du terme. Mais la transmission des mœurs,
des
coutumes, de la morale, c’est par les femmes que cela se fait en Euro
1020
’avoir transporté ces valeurs militaires, d’avoir
une
certaine vénération pour l’uniforme, plus que les hommes souvent. Il
1021
st par les femmes que se fait la culture profonde
des
enfants. Psychanalyser le Suisse Est-ce propre à la culture eur
1022
s civilisations où il y a beaucoup de femmes pour
un
homme. Chez nous, considérons qu’il n’y a aucune espèce de différence
1023
écisions à notre insu. Autrement dit, il faudrait
une
bonne petite psychanalyse de la santé des Suisses… z. Rougemont D
1024
audrait une bonne petite psychanalyse de la santé
des
Suisses… z. Rougemont Denis de, « [Entretien] Supprimer un anachr
1025
z. Rougemont Denis de, « [Entretien] Supprimer
un
anachronisme et une injustice (à propos du suffrage féminin) », L’Ill
1026
is de, « [Entretien] Supprimer un anachronisme et
une
injustice (à propos du suffrage féminin) », L’Illustré, Lausanne, 4 f
1027
ien introduit par le chapeau suivant : « En 1798,
un
diktat du gouvernement français imposait le droit de vote aux citoyen
1028
sous la coupe militaire de la France. C’est donc
une
révolution extérieure qui a accordé aux Suisses un droit fondamental.
1029
e révolution extérieure qui a accordé aux Suisses
un
droit fondamental. Aujourd’hui, après cent-soixante-treize ans de “di
1030
aux femmes ce qu’ils considèrent eux-mêmes comme
un
droit inaliénable ? Il serait heureux que la réponse à cette question
1031
rait heureux que la réponse à cette question soit
un
“oui franc et massif”. À dire vrai, la seule originalité de la votati
1032
femme a acquis l’égalité civique, elle le doit à
une
sorte de coup d’État venu d’en haut : par simple décision gouvernemen
1033
e décision gouvernementale ou par l’élaboration d’
une
constitution qui leur accordait sans autre le droit de vote. Le mode
1034
s à supprimer ce qui apparaît, aujourd’hui, comme
une
injustice. Mais il y a d’autres raisons, plus profondes, d’ordre hist
1035
Arnaud Dandieu, qui, sur ce point, a été vraiment
un
prophète, il faut garder les yeux fixés à la fois bien en deçà et bie
1036
tes couleurs et aux démocraties plutôt décolorées
des
années 1930, Arnaud Dandieu définissait la seule révolution que je ti
1037
rd’hui encore pour nécessaire et réalisable comme
un
élan libérateur qui nous porte à la fois vers l’universel et vers la
1038
universel et vers la personne. De la conclusion d’
une
conférence qu’il donnait en 1931 sur l’idée de nation, je recopie ces
1039
on révolutionnaire. Nous rencontrons, d’une part,
un
mouvement vers l’universel, où l’individualisme agressif tend à créer
1040
tend à créer, au-dessus de toutes les frontières,
une
communauté révolutionnaire unique… D’autre part, un mouvement de libé
1041
communauté révolutionnaire unique… D’autre part,
un
mouvement de libération de toutes les forces sentimentales, de toutes
1042
s, de toutes les tendances locales, opprimées par
un
État despotique. Entre ces deux mouvements, il y a une corrélation né
1043
tat despotique. Entre ces deux mouvements, il y a
une
corrélation nécessaire, précisément parce qu’étant de sens opposés, i
1044
e cœur du peuple révolutionnaire, ils sont unis d’
un
lien indissoluble. Cette liaison de l’universel et du personnel, de
1045
l’universel et du personnel, de la fédération et
des
autonomies — liaison constitutive de la révolution — Dandieu la démon
1046
par trois exemples. Il soulignait « l’insistance
des
Cahiers de doléances (de 1789) à réclamer le rétablissement des États
1047
doléances (de 1789) à réclamer le rétablissement
des
États provinciaux », et il rappelait que si la République une et indi
1048
ovinciaux », et il rappelait que si la République
une
et indivisible s’est opposée au fédéralisme, c’est parce que la guerr
1049
el », et l’a condamnée à l’échec. Il citait comme
un
exemple plus frappant encore de « l’équilibre nécessaire entre le rég
1050
nstitution soviétique qui garantissent les droits
des
minorités nationales et réaffirment de la sorte, en théorie, « la cor
1051
tionale ou internationale, la France doit opposer
un
nouveau prestige de la liberté, c’est-à-dire de la personnalité humai
1052
st-à-dire de la personnalité humaine. L’homme est
une
personne, ou il n’est rien du tout ; ni race, ni régime ne sauraient
1053
ime ne sauraient changer cette vérité. Il a fallu
un
effort gigantesque pour tromper la révolution au profit de l’étatisme
1054
t : c’est elle qui doit le lui rendre. Moyennant
une
ou deux mises au point de la terminologie (opérées d’un commun accord
1055
deux mises au point de la terminologie (opérées d’
un
commun accord dans notre groupe dès 1933), ces textes ne peuvent manq
1056
rd la co-action et l’unité de structure dynamique
des
deux mouvements que la mentalité stato-nationaliste conçoit comme con
1057
ux pôles. Ces textes réfutent ensuite l’objection
des
jacobins incorrigibles qui accusent les régionalistes de vouloir détr
1058
fédéraliste européenne, Arnaud Dandieu aura tenu
une
place proprement décisive : il a posé les équations de base, formulé
1059
il s’agit en réalité de ce que nous conviendrons
un
peu plus tard, tant à Esprit qu’à L’Ordre nouveau , d’appeler pers
1060
ividu » — s’oppose à la donnée inerte, résultat d’
une
division atomisante du corps social. La personne (comme « l’individu
1061
la décomposition sociale, grain de poussière dans
une
masse ou collectivité inorganique. 6. Cf. le texte que nous avions p
1062
la région s’impose de plus en plus à l’attention
des
responsables de la vie politique de nos pays, qu’il s’agisse de régio
1063
é la première à réunir sur ce problème, dès 1960,
des
groupes d’études dont les travaux devaient prendre forme institutionn
1064
e toute politique au sens étroit du terme, il est
un
fait que je crois indispensable de mettre en relief ; c’est que les é
1065
ment les méthodes mais les conditions concrètes d’
un
grand nombre d’activités culturelles en Europe, et tout d’abord l’ens
1066
urelles en Europe, et tout d’abord l’enseignement
des
principales disciplines traditionnelles, aux trois degrés. Géograph
1067
ée sur la notion de « frontières naturelles » est
un
non-sens. Ni les ethnies, ni les langues, ni les traditions religieus
1068
s, ne sont séparées par les fleuves ou les crêtes
des
chaînes montagneuses. Quant aux nations, elles sont le produit des vi
1069
gneuses. Quant aux nations, elles sont le produit
des
viols répétés de la géographie par l’histoire. Tout est à refaire dan
1070
. Tout est à refaire dans ce domaine, sur la base
des
entités régionales, seules réelles, et de leurs interdépendances. Or
1071
rennent pour axe ce qui les scindait ou bornait :
un
fleuve (la région rhénane) ou une chaîne de montagnes (région du Mont
1072
ait ou bornait : un fleuve (la région rhénane) ou
une
chaîne de montagnes (région du Mont-Blanc, Pyrénées basques, Oural).
1073
t-Blanc, Pyrénées basques, Oural). Histoire
Une
Europe merveilleusement nouvelle naîtra de l’étude honnête du passé s
1074
honnête du passé systématiquement défiguré depuis
un
siècle par les manuels et par les historiens nationalistes. Le livre
1075
an Lebesque, Comment peut-on être Breton ?, donne
une
idée émouvante des possibilités de renouvellement de l’histoire inter
1076
t peut-on être Breton ?, donne une idée émouvante
des
possibilités de renouvellement de l’histoire interprétée à partir des
1077
renouvellement de l’histoire interprétée à partir
des
réalités humaines, et non plus des mythes stato-nationaux. (Voir auss
1078
rétée à partir des réalités humaines, et non plus
des
mythes stato-nationaux. (Voir aussi Sur la France de Robert Lafont.)
1079
l’Europe étant à refaire de fond en comble, après
un
siècle et demi de falsifications obligatoires par les manuels et les
1080
pour cette renaissance, que celui de la génétique
des
régions dans l’ensemble socioculturel de l’Europe tel qu’il s’est com
1081
, l’avenir de la démocratie se confond avec celui
des
régions. Toute instruction civique digne de ce nom commencera donc pa
1082
tes d’exercice du civisme, les dimensions variées
des
tâches publiques et des communautés qui leur correspondent : commune
1083
e, les dimensions variées des tâches publiques et
des
communautés qui leur correspondent : commune et entreprise, région, g
1084
r, l’École de Paris ; — de musique ; le Languedoc
des
troubadours, les Flandres, le groupe des Six, l’École de Vienne ; — d
1085
anguedoc des troubadours, les Flandres, le groupe
des
Six, l’École de Vienne ; — de littérature : la Pléiade, les élisabéth
1086
Zurich, Weimar, les lakistes ; — de philosophie :
des
éléates jusqu’aux logiciens de Vienne puis d’Oxford et aux structural
1087
e science nouvelle est à la fois, par excellence,
une
« science humaine », une « science politique » et une recherche inter
1088
la fois, par excellence, une « science humaine »,
une
« science politique » et une recherche interdisciplinaire ou transdis
1089
« science humaine », une « science politique » et
une
recherche interdisciplinaire ou transdisciplinaire, selon le terme pr
1090
n le terme proposé par Jean Piaget. Elle requiert
des
données médicales et sociologiques, économiques et historiques, ethni
1091
ni circonscriptions électorales ou fiscales, mais
des
continents et des régions. Et cependant, elle doit tenir compte des o
1092
s électorales ou fiscales, mais des continents et
des
régions. Et cependant, elle doit tenir compte des obstacles que les É
1093
des régions. Et cependant, elle doit tenir compte
des
obstacles que les États-nations mettent à toute stratégie écologique
1094
Enfin, l’écologie nous oblige à poser la question
des
vraies fins de la cité et de ses priorités : le profit à tout prix, o
1095
é et de ses priorités : le profit à tout prix, ou
un
certain sens de la vie ? Un niveau de vie quantitatif et chiffrable,
1096
rofit à tout prix, ou un certain sens de la vie ?
Un
niveau de vie quantitatif et chiffrable, ou un mode de vie qualitatif
1097
? Un niveau de vie quantitatif et chiffrable, ou
un
mode de vie qualitatif et conforme à nos idéaux ? Et ceci doit remett
1098
ie, science et pratique qui par ailleurs va subir
un
bouleversement recréateur du seul fait de l’oblitération des paramètr
1099
rsement recréateur du seul fait de l’oblitération
des
paramètres nationaux, remplacés par une planification continentale à
1100
itération des paramètres nationaux, remplacés par
une
planification continentale à base d’unités régionales en interdépenda
1101
s, l’articulation de la recherche fondamentale et
des
applications prospectives, de la science et de la politique, de la pe
1102
i L’Amour l’Occident a fait de vous, depuis 1938,
un
« philosophe de l’amour », et vous êtes, d’autre part, depuis vingt a
1103
ondateur du Centre européen de la culture et l’un
des
pionniers des États-Unis d’Europe. Y a-t-il un point commun entre ces
1104
ntre européen de la culture et l’un des pionniers
des
États-Unis d’Europe. Y a-t-il un point commun entre ces deux activité
1105
n des pionniers des États-Unis d’Europe. Y a-t-il
un
point commun entre ces deux activités ? En somme, vous me demandez si
1106
e notre survie, c’est de nous unir très vite dans
une
fédération. Or, pour moi, le couple est la première cellule de ce que
1107
l’union dans la diversité. Comment espérer bâtir
une
communauté libre si nous commençons par rater le couple ? Car c’est u
1108
i nous commençons par rater le couple ? Car c’est
un
fait : dans l’amour, dans nos manières d’aimer, je trouve la racine d
1109
tre équation de base ? Oui. Disons qu’il s’agit d’
une
intuition fondamentale qu’il est très difficile d’exprimer, et c’est
1110
pourquoi j’écris tant de livres : la coexistence
des
contraires. Vous connaissez la formule d’Héraclite : « Ce qui s’oppos
1111
clite : « Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte
des
contraires procède la plus belle harmonie. » C’est l’antithèse de tou
1112
cette intuition dans toute la culture européenne,
des
conciles de Nicée et de Chalcédoine jusqu’à Hegel et Proudhon. Selon
1113
r exemple qui puisse être donné de la coexistence
des
contraires est donc le couple ? Dans mon action en faveur d’une fédér
1114
est donc le couple ? Dans mon action en faveur d’
une
fédération européenne, j’ai défini le fédéralisme comme la coexistenc
1115
ême antinomiques. N’est-ce pas le cas du couple ?
Un
jour, on m’a demandé dans un débat à la radio : « Ne craignez-vous pa
1116
s le cas du couple ? Un jour, on m’a demandé dans
un
débat à la radio : « Ne craignez-vous pas que les Européens ne soient
1117
e les Européens ne soient trop différents les uns
des
autres pour jamais pouvoir s’unir ? » J’ai répondu : « Ne craignez-vo
1118
soient trop différents pour pouvoir jamais former
des
couples ? » Voilà dévoilée l’équation de base de ce que j’ai écrit au
1119
s la subordination de l’un à l’autre ou la fusion
des
deux, l’uniformisation. Si une certaine idée que nous avons de l’amou
1120
autre ou la fusion des deux, l’uniformisation. Si
une
certaine idée que nous avons de l’amour-passion nous conditionne au p
1121
plus capables non plus de devenir les éléments d’
une
cité, d’une communauté libre. Pourquoi le problème de l’amour, du mar
1122
es non plus de devenir les éléments d’une cité, d’
une
communauté libre. Pourquoi le problème de l’amour, du mariage et de l
1123
gardez autour de vous : le mariage occidental est
un
désastre ; deux mariages sur trois aboutissent à un divorce aux États
1124
désastre ; deux mariages sur trois aboutissent à
un
divorce aux États-Unis, par exemple. La moitié du malheur humain, en
1125
r le mariage sur le sentiment amoureux. Serait-ce
une
base désastreuse pour le mariage ? Je le disais en 1938, je n’ai pas
1126
cle, exclut l’amour entre les gens mariés : c’est
une
condamnation radicale, qui était unanimement admise par les troubadou
1127
st l’ennemi intime du mariage et du couple. C’est
un
mythe un peu dépassé… Il est absolument fondamental dans la vie de to
1128
mi intime du mariage et du couple. C’est un mythe
un
peu dépassé… Il est absolument fondamental dans la vie de tous les Eu
1129
de tous les Européens, même s’ils n’ont jamais lu
une
ligne de l’histoire de Tristan. La passion amoureuse qui nous paraît
1130
n réalité exceptionnelle dans le monde, car c’est
une
invention de l’Europe. L’Asie l’ignore en toute sérénité, l’Amérique
1131
sociale qui ne peut que gêner le rendement. C’est
un
fait : l’Asie bouddhiste, brahmanique n’a jamais connu notre amour et
1132
amais connu notre amour et elle le considère avec
un
étonnement mêlé d’ironie et de crainte. Marshall McLuhan exprime les
1133
eignobos écrivit déjà, en 1920, que l’amour était
une
invention du xiie siècle, cela passa pour une boutade. Allons donc,
1134
it une invention du xiie siècle, cela passa pour
une
boutade. Allons donc, disait-on, l’amour est aussi vieux que le genre
1135
sens, mais il est réfuté par les faits. Car c’est
un
fait que le mot amour, qui désigne pour nous le sentiment de la passi
1136
ns le Languedoc du xiie siècle qu’avec la poésie
des
troubadours, Héloïse et Abélard, puis Tristan et Iseut, prototype éte
1137
ur. Je constate que la passion et le mariage sont
des
adversaires fondamentaux, bien que je sois pris, moi aussi, dans le d
1138
iser les deux êtres, à réduire l’autre à la loi d’
un
seul. Qui a dit que l’amour rendait libre ? Celui-là charge les gens
1139
en pour cette œuvre d’art qu’est le couple. C’est
une
thèse que la plupart des gens peuvent difficilement admettre. Je peux
1140
’amour ? » Il n’y a pas d’amour inexprimé. Il y a
des
désirs, des instincts, faire l’amour, faire des enfants, il y a le pl
1141
l n’y a pas d’amour inexprimé. Il y a des désirs,
des
instincts, faire l’amour, faire des enfants, il y a le plaisir, l’org
1142
a des désirs, des instincts, faire l’amour, faire
des
enfants, il y a le plaisir, l’orgasme… Tout cela peut très bien se pa
1143
ittérature, la passion obsède nos rêves. Et c’est
une
invention spécifique de la culture européenne. Et que se passe-t-il d
1144
enji japonais, l’amour-passion, en effet, suppose
une
croyance innée dans la valeur unique, irremplaçable de l’être aimé. O
1145
l’être aimé. Or les religions de l’Asie excluent
une
telle croyance, puisqu’elles tendent, au contraire, au dépassement et
1146
chevalerie, où tout indique la volonté d’imposer
une
retenue aux instincts. Car la passion ne s’approfondit et ne dégage s
1147
fondit et ne dégage ses puissances qu’à la mesure
des
résistances qu’elle rencontre. On ne retrouve en Orient que la techni
1148
n ne retrouve en Orient que la technique érotique
des
épreuves, signalée par Mircea Eliade. Par exemple, l’homme doit dormi
1149
rs pas aboutir à la procréation. Mais ce n’est qu’
une
technique ? Ainsi que l’a confirmé le maître du zen, Suzuki, à propos
1150
ur, l’érotisme et la sexualité ont créé en Europe
une
problématique à peu près unique au monde : ils ne peuvent pas devenir
1151
près unique au monde : ils ne peuvent pas devenir
des
problèmes là où tout est réglé, programmé. La crise du mariage est ty
1152
dans l’un ou dans l’autre. Tristan est l’homme d’
un
seul amour fatal. Don Juan, héros d’un siècle cynique, le xviiie , in
1153
l’homme d’un seul amour fatal. Don Juan, héros d’
un
siècle cynique, le xviiie , incapable de passion, est l’antithèse de
1154
antithèse de Tristan, son double négatif, l’homme
des
rencontres sans lendemain, infidèle par définition. Ce qui manque dan
1155
qui manque dans les deux cas, c’est la communion
des
deux personnes, qui se révèlent l’une à l’autre, dans leur différence
1156
e je veux défendre, c’est donc, en fin de compte,
un
certain état de tension entre le mariage et la passion, entre l’ortho
1157
nce Durrell (auquel Henry Miller avait donné pour
un
anniversaire son propre exemplaire de mon livre, abondamment annoté),
1158
emplaire de mon livre, abondamment annoté), voire
des
sociologues, comme Lewis Mumford ou Marshall McLuhan. Les nouvelles g
1159
s de L’Amour et l’Occident . Eux aussi cherchent
un
lien entre l’érotisme, l’amour-passion et une éthique. En 1969, j’ai
1160
hent un lien entre l’érotisme, l’amour-passion et
une
éthique. En 1969, j’ai fait sur ce sujet une conférence à l’universit
1161
n et une éthique. En 1969, j’ai fait sur ce sujet
une
conférence à l’université d’Indiana, et, l’été dernier, un professeur
1162
ence à l’université d’Indiana, et, l’été dernier,
un
professeur de cette université m’a dit : « Cela a été la dernière foi
1163
semble que les jeunes gens d’aujourd’hui tiennent
un
peu mieux compte que nous des aspects pratiques du mariage, de ce qui
1164
aujourd’hui tiennent un peu mieux compte que nous
des
aspects pratiques du mariage, de ce qui permet une amitié durable ent
1165
es aspects pratiques du mariage, de ce qui permet
une
amitié durable entre deux êtres différents, les convenances de caract
1166
e, et qui pourra bien se réaliser sous la forme d’
un
monde d’ennui, parfaitement plat et programmé. Ce qui nous menace auj
1167
mé. Ce qui nous menace aujourd’hui, ce n’est plus
un
excès d’anarchie et de tyrannie brutale, c’est au contraire l’excès d
1168
de tyrannie brutale, c’est au contraire l’excès d’
un
certain ordre rationnel et statistique qui évacue toute passion et ri
1169
bien d’évacuer aussi le sens même de nos vies et
des
rapports humains, mariage compris. Car s’il y a aujourd’hui une crise
1170
umains, mariage compris. Car s’il y a aujourd’hui
une
crise du mariage, il y en a une aussi de l’amour-passion. Parce que l
1171
l y a aujourd’hui une crise du mariage, il y en a
une
aussi de l’amour-passion. Parce que l’amour-passion, lui non plus, ne
1172
on, lui non plus, ne peut pas exister en dehors d’
un
certain monde spirituel. Si vous avilissez ce monde-là, l’amour-passi
1173
ns la pariade animale. Konrad Lorenz parle même d’
un
affadissement possible des relations amoureuses. Ne reste-t-il pas l’
1174
rad Lorenz parle même d’un affadissement possible
des
relations amoureuses. Ne reste-t-il pas l’érotisme ? Même pas. C’est
1175
s. Ne reste-t-il pas l’érotisme ? Même pas. C’est
une
évidence. L’érotisme est l’usage culturel, non procréateur, de l’inst
1176
neuf que l’on peut déduire de la copulation ? Sur
un
point, tout le monde est d’accord, des Sumériens jusqu’à Engels et à
1177
ation ? Sur un point, tout le monde est d’accord,
des
Sumériens jusqu’à Engels et à Toynbee : la condition de toute civilis
1178
Toynbee : la condition de toute civilisation est
une
certaine discipline des instincts de procréation. On parle de briser
1179
de toute civilisation est une certaine discipline
des
instincts de procréation. On parle de briser les interdits du christi
1180
u christianisme : lesquels ? Le christianisme est
une
religion qui se distingue de toutes les autres par l’absence quasi to
1181
n Testament : proscription de l’inceste, etc., ou
des
influences païennes, hérétiques, gnostiques, qui nous ont fait croire
1182
ttérature occidentale ? Le Dr Tissot. Il a commis
un
livre à la fin du xviiie siècle dont la thèse était que tout le malh
1183
e siècle dont la thèse était que tout le malheur
des
hommes venait de la masturbation, qui rend les jeunes gens fous, etc.
1184
c. Ce docteur, qui était, hélas ! suisse, a connu
un
succès mondial. Il a sans doute créé le maximum de névroses qu’un hom
1185
l. Il a sans doute créé le maximum de névroses qu’
un
homme ait jamais pu déclencher sur la planète. Pendant une douzaine d
1186
ait jamais pu déclencher sur la planète. Pendant
une
douzaine de générations, il a empoisonné les jeunes gens, heurtés par
1187
s’appelle révolution sexuelle, alors ce n’est qu’
un
progrès normal vers le bon sens. En somme, vous trouvez qu’on s’agite
1188
, cette forme d’amour qui refuse l’immédiat. Dans
un
livre, Les Mythes de l’amour , j’ai analysé trois succès mondiaux :
1189
an à travers ces trois livres ; les trois en sont
des
reviviscences probablement inconscientes. Dans le mythe de Tristan, l
1190
qu’on lui interdisait de l’aimer, symbolisée par
une
femme, bien réelle dans sa vie, comme cela a été confirmé plus tard.
1191
quelque chose d’irréductible. Il y aura toujours
une
dernière défense, un dernier secret de l’autre qui suffit bien à ress
1192
uctible. Il y aura toujours une dernière défense,
un
dernier secret de l’autre qui suffit bien à ressusciter une passion a
1193
r secret de l’autre qui suffit bien à ressusciter
une
passion au sein même de l’amour-action. En fin de compte, pour vous,
1194
qu’on aime d’amour-passion, toutes les Iseut sont
des
femmes rêvées, les produits d’une projection. Vous n’aimez pas telle
1195
les Iseut sont des femmes rêvées, les produits d’
une
projection. Vous n’aimez pas telle femme réelle, vous aimez votre pro
1196
lle femme réelle, vous aimez votre projection sur
une
femme, qui la reçoit plus ou moins bien. Vous voyez à quel point la p
1197
us avions posés dans les années 1930. C’est vrai,
une
partie de la jeunesse se pose aujourd’hui la même question : sur quoi
1198
ose aujourd’hui la même question : sur quoi bâtir
une
société ? Niveau de vie ou mode de vie ? Je me suis senti justifié. L
1199
ans après, sans être bloquée, elle, par la guerre
des
empires totalitaires qui fermait notre horizon, et qui n’était pas no
1200
i n’était pas notre guerre. À cette époque, toute
une
génération s’est exprimée dans le personnalisme : à l’individualisme
1201
entre personne et communauté que je lançai alors
un
mot qui allait faire fortune un peu plus tard : engagement. Mon oppos
1202
e je lançai alors un mot qui allait faire fortune
un
peu plus tard : engagement. Mon opposition au nazisme me valut d’aill
1203
vrir l’Europe. Comment cela ? On prend conscience
des
choses quand on les perd. Je n’étais pas le seul dans ce cas à New Yo
1204
mation intellectuelle de l’Amérique sous l’impact
des
Européens immigrés. En 1922, quand je suis allé aux États-Unis pour u
1205
. En 1922, quand je suis allé aux États-Unis pour
une
tournée de conférences sur le sionisme, la médiocrité des universités
1206
née de conférences sur le sionisme, la médiocrité
des
universités m’a surpris. Le changement inouï qui s’est produit depuis
1207
uit depuis lors est dû en bonne partie à l’afflux
des
Européens, notamment ceux que Hitler a chassés. » Dans quelles circon
1208
sur la bombe atomique , à la suite de Hiroshima.
Un
soir, le téléphone sonne. J’entends : « Ici, Einstein. » C’est un peu
1209
phone sonne. J’entends : « Ici, Einstein. » C’est
un
peu comme si vous entendiez : « Ici, Newton. » C’est une farce ou c’e
1210
comme si vous entendiez : « Ici, Newton. » C’est
une
farce ou c’est un esprit… Einstein venait de lire mon livre « pour la
1211
ndiez : « Ici, Newton. » C’est une farce ou c’est
un
esprit… Einstein venait de lire mon livre « pour la deuxième fois » e
1212
’a dit : « Vous êtes bien optimiste. Cela prendra
un
temps fou. En tout cas, cela ne se fera pas avec un nationaliste comm
1213
temps fou. En tout cas, cela ne se fera pas avec
un
nationaliste comme Churchill : il est dangereux. » Une Europe d’États
1214
ationaliste comme Churchill : il est dangereux. »
Une
Europe d’États-nations visant à la puissance, disait-il, n’aurait fai
1215
us allé en Amérique pendant la guerre ? À cause d’
un
article envoyé à la Gazette de Lausanne , une heure après avoir appr
1216
e d’un article envoyé à la Gazette de Lausanne ,
une
heure après avoir appris l’entrée de Hitler à Paris, le 15 juin 1940.
1217
approche en fer tordu, en pierraille lépreuse. »
Un
coup de téléphone du chef des services de renseignements de l’armée s
1218
erraille lépreuse. » Un coup de téléphone du chef
des
services de renseignements de l’armée suisse m’apprit qu’une démarche
1219
s de renseignements de l’armée suisse m’apprit qu’
une
démarche avait été faite le matin même de la parution de l’article pa
1220
emeurer six ans. Depuis vingt ans, vous consacrez
une
grande partie de votre vie à la cause d’une fédération européenne. Ma
1221
acrez une grande partie de votre vie à la cause d’
une
fédération européenne. Mais l’Europe est loin d’être faite. Ne craign
1222
er dixième serve peut-être à quelque chose. C’est
une
des lois de l’action. Je crois que nous pourrons faire l’Europe d’ici
1223
ixième serve peut-être à quelque chose. C’est une
des
lois de l’action. Je crois que nous pourrons faire l’Europe d’ici à v
1224
rons faire l’Europe d’ici à vingt ans sur la base
des
régions, au-delà des nationalismes. Je constate d’ailleurs que les do
1225
’ici à vingt ans sur la base des régions, au-delà
des
nationalismes. Je constate d’ailleurs que les doutes sur l’Europe et
1226
talité de sa culture n’existent que dans l’esprit
des
intellectuels européens, et pas ailleurs. Car l’Europe, aujourd’hui,
1227
« l’Europe écrasée entre les deux Grands », c’est
une
plaisanterie, car en additionnant 237 millions de Soviétiques et 203
1228
op petits. Il nous manque la conscience de former
un
ensemble. C’est surtout que 120 millions d’entre nous sont satellisés
1229
Centre européen de la culture a imposé peu à peu
un
certain angle de vision, qualifiant et orientant l’union possible de
1230
l’Europe de l’économie ; moi, j’ai cherché celle
des
valeurs et celle des hommes. On vous reproche de faire de l’européoce
1231
ie ; moi, j’ai cherché celle des valeurs et celle
des
hommes. On vous reproche de faire de l’européocentrisme ? Je ne donne
1232
oche de faire de l’européocentrisme ? Je ne donne
une
place ni grande ni petite à l’Europe : je dis ce qu’elle est parmi le
1233
ieure aux autres civilisations ; elle a déclenché
des
guerres mondiales, inventé le nationalisme, institué des tyrannies sa
1234
rres mondiales, inventé le nationalisme, institué
des
tyrannies sans exemple, raté ses révolutions. Cela ne veut pas dire q
1235
a pas eu Hitler, Staline, Guernica… L’Europe est
une
unité complexe, pétrie de contradictions, qui sont dues à la pluralit
1236
ienne, germanique, celte, à quoi se sont ajoutées
des
influences arabes, slaves, et j’en passe. Tout cela l’a distinguée de
1237
, slaves, et j’en passe. Tout cela l’a distinguée
des
autres grandes civilisations, fondées sur un principe d’uniformisatio
1238
uée des autres grandes civilisations, fondées sur
un
principe d’uniformisation, de subordination totale de tous à un ordre
1239
uniformisation, de subordination totale de tous à
un
ordre monolithique. Vous aimez ce que notre civilisation a de plurali
1240
, finalement, la révolution, qui est, elle aussi,
une
invention européenne. Ailleurs, il n’y a jamais eu, avant le contact
1241
contact avec notre culture et nos doctrines, que
des
révolutions de palais, des prises de pouvoir par des chefs militaires
1242
et nos doctrines, que des révolutions de palais,
des
prises de pouvoir par des chefs militaires, qui ne remettaient jamais
1243
révolutions de palais, des prises de pouvoir par
des
chefs militaires, qui ne remettaient jamais en cause le système des v
1244
es, qui ne remettaient jamais en cause le système
des
valeurs régnantes. En 1961, aux États-Unis, les étudiants progressist
1245
iversité de Berkeley m’ont demandé de leur parler
des
valeurs occidentales : « Je sais, leur ai-je dit, vous n’y croyez plu
1246
onde par vos antipodes : l’Asie du Sud-Est n’a qu’
une
idée, c’est d’imiter la Chine maoïste, qui, elle, voudrait être aussi
1247
s ferons mieux que l’Amérique.” Or l’Amérique est
une
invention de l’Europe. Où trouvez-vous des valeurs neuves dans ce pér
1248
ue est une invention de l’Europe. Où trouvez-vous
des
valeurs neuves dans ce périple ? Le marxisme ? Allons donc ! Il est l
1249
isme ? Allons donc ! Il est le produit spécifique
des
contradictions de l’Europe au xixe siècle. » Pourquoi, selon vous, n
1250
ier sur cette chose dynamique et affective qu’est
une
nation. Instituer un État-nation, c’est livrer sans recours toute l’e
1251
namique et affective qu’est une nation. Instituer
un
État-nation, c’est livrer sans recours toute l’existence humaine à la
1252
e l’existence humaine à la bureaucratie anonyme d’
une
seule capitale : c’est-à-dire à personne. Les démocraties capitaliste
1253
eligion de l’État-nation centralisé. Il n’y a que
des
différences de degré. Après la guerre, toutes les anciennes colonies
1254
odèle et l’ont imité. Cette structure est la clef
des
maux du monde actuel. C’est pourquoi, dès le début de notre action fé
1255
s en opposition avec Churchill, qui, lui, voulait
des
« États-Unis » d’Europe en vue de créer une puissance nouvelle sur la
1256
ulait des « États-Unis » d’Europe en vue de créer
une
puissance nouvelle sur la base des États-nations. Or l’Europe ne pour
1257
n vue de créer une puissance nouvelle sur la base
des
États-nations. Or l’Europe ne pourra se fédérer que par la volonté dé
1258
ne pourra se fédérer que par la volonté délibérée
des
Européens, et non pas par une espèce de complot des gouvernements. Vo
1259
a volonté délibérée des Européens, et non pas par
une
espèce de complot des gouvernements. Vous ne croyez pas à l’homme pol
1260
s Européens, et non pas par une espèce de complot
des
gouvernements. Vous ne croyez pas à l’homme politique ? C’est probabl
1261
oyez pas à l’homme politique ? C’est probablement
une
fonction à supprimer. Il faut des économistes, des écologistes, des é
1262
st probablement une fonction à supprimer. Il faut
des
économistes, des écologistes, des éducateurs, des scientifiques, des
1263
ne fonction à supprimer. Il faut des économistes,
des
écologistes, des éducateurs, des scientifiques, des administrateurs.
1264
primer. Il faut des économistes, des écologistes,
des
éducateurs, des scientifiques, des administrateurs. À quoi sert le po
1265
des économistes, des écologistes, des éducateurs,
des
scientifiques, des administrateurs. À quoi sert le politicien s’il ne
1266
s écologistes, des éducateurs, des scientifiques,
des
administrateurs. À quoi sert le politicien s’il ne sait rien de tout
1267
avec moins de bavardage. Vous êtes suisse, fils d’
un
pasteur protestant. Merci pour la précision. César Borgia, lui, était
1268
our la précision. César Borgia, lui, était fils d’
un
pasteur catholique : le pape Alexandre VI. La Suisse est-elle pour vo
1269
e pape Alexandre VI. La Suisse est-elle pour vous
un
modèle politique idéal ? Vous savez, la vie politique en Suisse est t
1270
ent ennuyeuse. Et c’est très bien comme ça. C’est
une
administration qui se réfère, comme le disait tout récemment notre mi
1271
Le souverain s’est prononcé hier. » Ce n’est pas
une
manière de parler, c’est la réalité. On ne dit pas, en Suisse : « Un
1272
r, c’est la réalité. On ne dit pas, en Suisse : «
Un
tel a été un grand serviteur de l’État. » Pourquoi servir l’État ? C’
1273
éalité. On ne dit pas, en Suisse : « Un tel a été
un
grand serviteur de l’État. » Pourquoi servir l’État ? C’est lui qui e
1274
tat. » Pourquoi servir l’État ? C’est lui qui est
un
service. Le souverain gouverne ; le Conseil fédéral, lui, exécute, ma
1275
rne pas les hommes. C’est absolument le contraire
des
habitudes héritées de Louis XIV ou de Napoléon : le règne majestueux
1276
ouis XIV ou de Napoléon : le règne majestueux sur
des
sujets. En France, quand j’ai des démêlés, comme tout le monde, avec
1277
majestueux sur des sujets. En France, quand j’ai
des
démêlés, comme tout le monde, avec des fonctionnaires, douaniers, per
1278
quand j’ai des démêlés, comme tout le monde, avec
des
fonctionnaires, douaniers, percepteurs, gendarmes, je finis toujours
1279
re : « Monsieur, je ne suis pas votre sujet, mais
un
libre citoyen. C’est le fonctionnaire qui est au service des citoyens
1280
itoyen. C’est le fonctionnaire qui est au service
des
citoyens, et non l’inverse. Vous semblez parfois le croire à cause de
1281
tte idée de la ‟majesté de l’État” qui vous vient
des
rois de France. Eh bien, non : l’État n’est qu’un appareil, au mieux
1282
es rois de France. Eh bien, non : l’État n’est qu’
un
appareil, au mieux utile ! » Tandis que l’État-nation ? Le côté sacra
1283
mi et on vous colle au mur ! Vous savez qu’il y a
un
article de la Constitution qui interdit de mettre en question la form
1284
ution qui interdit de mettre en question la forme
une
et indivisible de l’État français. Je connais un Breton qui a fait un
1285
une et indivisible de l’État français. Je connais
un
Breton qui a fait un livre sur l’Europe régionaliste… Eh bien, il a d
1286
l’État français. Je connais un Breton qui a fait
un
livre sur l’Europe régionaliste… Eh bien, il a dû se réfugier en Irla
1287
nde ! Pour vous, au contraire, le fédéralisme est
une
méthode d’union dans la diversité ? Le fédéralisme est radicalement c
1288
nité par l’uniformité qui fut celle de Louis XIV,
des
jacobins, de Napoléon, et reste celle des systèmes totalitaires de to
1289
is XIV, des jacobins, de Napoléon, et reste celle
des
systèmes totalitaires de toutes couleurs. L’État-nation prétend faire
1290
dans ce qu’il nomme ses « frontières naturelles »
des
réalités absolument hétérogènes — la langue et l’économie, l’état civ
1291
ou religion politique — sommées de s’arrêter sur
une
ligne de barbelés électrifiés. Pour accréditer ce modèle délirant, on
1292
le Rhône unit donne la mesure. Vous voulez faire
une
révolution régionaliste et fédéraliste ? Au contraire de ce que pense
1293
es ministres, on ne fera pas l’Europe sans casser
des
œufs. Il nous faut entreprendre délibérément cette révolution qui n’e
1294
te, mais qui implique le démantèlement progressif
des
États-nations. Les régions se constitueront en nouant entre elles, pa
1295
ntre elles, par-dessus les frontières politiques,
des
relations économiques et culturelles qui formeront peu à peu un tissu
1296
conomiques et culturelles qui formeront peu à peu
un
tissu européen : il faut faire de l’Europe avant de faire l’Europe. C
1297
n’est-ce pas mettre la charrue devant les bœufs ?
Un
Jean Monnet ne vous traiterait-il pas d’utopiste ? Jean Monnet a très
1298
ce point, mais Mao Zedong, qui a baptisé lui-même
une
phase décisive de sa révolution : « Révolution culturelle ». Notez qu
1299
marxisme renversé : c’est la révolution qui part
des
superstructures. Eh bien, en ce sens-là, je suis maoïste ! Je crois q
1300
je suis maoïste ! Je crois que la révolution part
des
grandes options, d’une culture, des attitudes fondamentales de notre
1301
ois que la révolution part des grandes options, d’
une
culture, des attitudes fondamentales de notre esprit. Et que l’économ
1302
volution part des grandes options, d’une culture,
des
attitudes fondamentales de notre esprit. Et que l’économie n’en sera
1303
européenne me permettent de rappeler cette phrase
un
peu cynique de Louis Armand : « Il meurt tous les jours plus d’anti-E
1304
n’en naît. » Je suis certain que nous irons vers
des
solutions fédéralistes, régionalistes, parce qu’il n’y en a pas d’aut
1305
, c’est l’agent dépersonnalisant du monde, la fin
des
personnes, l’uniformisation totalitaire. Dès que vous cédez quoi que
1306
à retourner les institutions de la tyrannie. Mais
une
société ne se retourne pas comme un homme. Il ne suffit pas de touche
1307
rannie. Mais une société ne se retourne pas comme
un
homme. Il ne suffit pas de toucher deux ou trois-centres nerveux pour
1308
quelques idéologues ont eu l’idée d’en faire. Pas
une
seule de nos révolutions n’a réussi. Dans ce sens, on ne peut pas êtr
1309
occidentale de l’homme , en tant qu’accroissement
des
risques humains, comme le montre la science, qui est à double trancha
1310
soit au-delà de l’ordre et qu’il ne provoque pas
une
rébellion de l’esprit, une sédition de l’inconscient, dont nous perce
1311
qu’il ne provoque pas une rébellion de l’esprit,
une
sédition de l’inconscient, dont nous percevons déjà les signes. ad.
1312
t, né en Suisse il y a soixante-cinq ans, jouit d’
une
notoriété internationale. Parce qu’il a publié, avant la guerre, L’A
1313
ent , ouvrage fondamental sur le plus fondamental
des
sujets : l’amour. Parce qu’il est l’un de ceux qui ont créé, en 1932,
1314
Parce qu’il est, depuis vingt ans, le pionnier d’
une
Europe fédérée. Son dernier ouvrage, Lettre ouverte aux Européens (
1315
le rencontrer (17 mai 1971)af Le diable avec
des
cornes et un pied de bouc, c’est une idée du Moyen Âge. Le diable, le
1316
(17 mai 1971)af Le diable avec des cornes et
un
pied de bouc, c’est une idée du Moyen Âge. Le diable, le Malin, perso
1317
diable avec des cornes et un pied de bouc, c’est
une
idée du Moyen Âge. Le diable, le Malin, personnification du Mal, c’es
1318
diable, le Malin, personnification du Mal, c’est
une
notion purement religieuse. Alors le diable, qu’est-ce que cela peut
1319
e que cela peut représenter au juste en 1971 pour
un
non-croyant ? Frédéric de Towarnicki a posé la question au philosophe
1320
a recherche de l’ORTF, le 18 mai, dans la série «
Un
certain regard ». Au xx e siècle, quel sens peut avoir une théorie s
1321
n regard ». Au xx e siècle, quel sens peut avoir
une
théorie sur le diable ? Au xx e siècle, ce qui nous menace le plus, c
1322
enfin ! — tous de la pollution de la nature, l’un
des
grands problèmes politiques du siècle, en effet. Mais nous ne prenons
1323
résente, le diable ? Croyant ou non, tout homme a
une
faculté d’indignation qui le porte à épouser une cause. Donc il croit
1324
une faculté d’indignation qui le porte à épouser
une
cause. Donc il croit savoir ce qu’est le mal et par conséquent le bie
1325
ale ! », mais c’est pour vous en imposer aussitôt
une
autre, danoise, maoïste, marxiste ou hippie. Là, tout est encore très
1326
nd il n’y a personne. Qui peut-on convaincre avec
une
telle définition ? Le diable vous convainc très facilement de ne pas
1327
donc plus de culpabilité. C’est l’uniformisation
des
corps et des esprits, la mise au pas totalitaire des réflexes, la col
1328
culpabilité. C’est l’uniformisation des corps et
des
esprits, la mise au pas totalitaire des réflexes, la collectivisation
1329
corps et des esprits, la mise au pas totalitaire
des
réflexes, la collectivisation des individus isolés, déracinés, cette
1330
pas totalitaire des réflexes, la collectivisation
des
individus isolés, déracinés, cette aliénation générale qui menace la
1331
côtés. Mais quelle pourrait être, au xx e siècle,
une
définition moderne du diable, tel que vous le concevez ? Pour m’expri
1332
le, tel que vous le concevez ? Pour m’exprimer en
des
termes empruntés à la physique moderne, je dirais que le diable, c’es
1333
tropie ? C’est la dégradation de l’énergie. C’est
une
loi du cosmos qui veut que, dans un système clos, l’énergie se dégrad
1334
ergie. C’est une loi du cosmos qui veut que, dans
un
système clos, l’énergie se dégrade continuellement et passe d’un état
1335
, l’énergie se dégrade continuellement et passe d’
un
état de plus haute organisation à un état de plus basse organisation.
1336
t et passe d’un état de plus haute organisation à
un
état de plus basse organisation. D’uniformisation ? De moindre différ
1337
ruiner la personne humaine, et de tout réduire à
un
niveau inférieur d’énergie. Non, Hitler n’était pas le diable C’
1338
vous, « la part du diable » ? C’est d’abord cela.
Une
espèce d’indifférenciation vers le bas, une tendance au tiède, qui fi
1339
cela. Une espèce d’indifférenciation vers le bas,
une
tendance au tiède, qui finira dans le froid glacial. De nos jours, le
1340
’homme ne sert plus à rien, n’a plus de vocation,
un
jour arrive où on le jette à la poubelle. C’est là l’enfer ! La Géhen
1341
ngile, savez-vous ce que c’était ? « Gé-hinnon »,
un
vallon près de Jérusalem, où l’on jeta les ordures de la ville. C’éta
1342
venue l’idée médiévale de l’enfer. C’est le rebut
des
hommes qui ont refusé d’être eux-mêmes ; à tous risques. S’ils sont r
1343
sont rejetés au bout du compte, ce n’est pas par
un
tribunal, mais par eux-mêmes ! Et si l’on se trompe sur le choix de s
1344
le diable ? Il y avait vraisemblance, mais aussi
une
paille ; si Hitler était le diable, il eût suffi de le tuer, et le ma
1345
buissons — ou dans la foule — quand Dieu cherche
un
coupable… Comment cela ? Voyez Adam, dans la Genèse. Quand Dieu lui
1346
L’Amour et l’Occident . La passion, qui devient
une
drogue, qui nous prive de notre libre arbitre, nous aveugle, nous enc
1347
art du diable ? À New York, en 1942, à la suite d’
une
conversation sur les Américains, dont la faiblesse me paraissait être
1348
itain m’avait dit : « Pourquoi n’écrivez-vous pas
un
livre sur le diable ? ». J’ai répondu : « Si j’écris un livre sur le
1349
re sur le diable ? ». J’ai répondu : « Si j’écris
un
livre sur le diable, tout le monde va me croire diabolique… » J’ai po
1350
bolique… » J’ai pourtant commencé l’ouvrage après
un
an de mon séjour en Amérique. La Suisse m’y avait envoyé en mission à
1351
a Suisse m’y avait envoyé en mission à la suite d’
un
article que j’avais publié sur l’entrée de Hitler à Paris, et qui m’a
1352
sortir de mon atelier, puis j’ai voulu aller dans
un
restaurant du quartier. Il était tard, les patrons étaient seuls, et
1353
diabolique de l’obéissance Pouvez-vous donner
un
exemple de faits récents où l’on peut reconnaître « la part du diable
1354
renez les deux massacres récents qui ont provoqué
une
indignation générale dans le monde : celui de Sharon Tate, en Califor
1355
de Sharon Tate, innocente, riche et célèbre. L’un
des
meurtriers, en effet, criait : « Je suis le diable ici pour faire l’œ
1356
les étaient droguées, et ils ont tué délibérément
une
femme enceinte et quatre ou cinq autres personnes sans défense. Et il
1357
es, enfants, vieillards, bébés. Et qui l’a fait ?
Des
jeunes gens aux cheveux courts — « crew cut » — c’est la coupe de che
1358
ieur militaire, qui se cache derrière la morale d’
une
société, la justice, l’obéissance, la discipline. Et, du même coup, i
1359
de respectabilité, ce qui est vraiment atteindre
une
société en plein cœur. Peut-on rencontrer le diable ? J’ai écrit un j
1360
n cœur. Peut-on rencontrer le diable ? J’ai écrit
un
jour : « Si vous voulez sérieusement trouver le diable et vous expliq
1361
e estimait que les deux mots ne différaient que d’
une
syllabe insignifiante et qu’il n’y avait pas lieu d’en disputer. Il e
1362
ou sémantique ne saurait justifier la distinction
des
termes par la distinction des concepts. « Fédérer » signifiant associ
1363
fier la distinction des termes par la distinction
des
concepts. « Fédérer » signifiant associer par un pacte, « con-fédérer
1364
des concepts. « Fédérer » signifiant associer par
un
pacte, « con-fédérer » ou « associer ensemble » ne peut rien dire de
1365
’union entre plusieurs États qui, tout en gardant
une
certaine autonomie, s’associent pour former un seul État à l’égard de
1366
t une certaine autonomie, s’associent pour former
un
seul État à l’égard des puissances étrangères » et il donne comme exe
1367
mples « la Confédération suisse, la Confédération
des
États-Unis ». Il définit ensuite l’adjectif fédéral comme ce « qui a
1368
ite l’adjectif fédéral comme ce « qui a rapport à
une
confédération d’États », ainsi, par exemple, « la Suisse et les États
1369
, par exemple, « la Suisse et les États-Unis sont
des
gouvernements fédéraux ». D’où l’on conclut en bonne logique qu’une s
1370
fédéraux ». D’où l’on conclut en bonne logique qu’
une
seule et même réalité correspondant aux deux mots, ceux-ci sont équiv
1371
ne que l’union et ne dit rien de l’autonomie. Or,
une
union qui ne respecterait pas l’autonomie des parties constituantes n
1372
Or, une union qui ne respecterait pas l’autonomie
des
parties constituantes n’aurait pas lieu d’être appelée fédérale. Ce s
1373
ieu d’être appelée fédérale. Ce serait simplement
une
union. Donc, point de différence aux yeux de Littré, et nous pourrion
1374
régime était en Amérique, selon Chateaubriand, «
une
des formes politiques les plus communes employées par les sauvages »,
1375
ime était en Amérique, selon Chateaubriand, « une
des
formes politiques les plus communes employées par les sauvages », l’a
1376
s doute) et que les fédéralistes, en France, sont
des
traîtres. Le mot se trouve ainsi « taboué » pour tous ceux qui ont ap
1377
on de fait, en France, il fallait bien lui donner
un
statut de droit. C’est à quoi Louis Le Fur s’appliqua, vers 1900, dan
1378
t à quoi Louis Le Fur s’appliqua, vers 1900, dans
une
thèse qui précise en mille pages la distinction, désormais classique,
1379
onfédération d’États, au contraire, constitue non
un
État mais une association d’États ; la souveraineté y réside non dans
1380
d’États, au contraire, constitue non un État mais
une
association d’États ; la souveraineté y réside non dans le pouvoir ce
1381
ération, l’affaiblit, et que « fédérer ensemble »
des
États, c’est beaucoup moins que les fédérer tout court. On aime à ré
1382
, au terme de cette expérience confédérale, après
une
dernière guerre civile, il n’a fallu que neuf mois, à un jour près, p
1383
ière guerre civile, il n’a fallu que neuf mois, à
un
jour près, pour concevoir, élaborer et mettre en œuvre la Constitutio
1384
n œuvre la Constitution de 1848, qui transformait
une
ligue d’États dénuée de tout pouvoir central en une solide fédération
1385
e ligue d’États dénuée de tout pouvoir central en
une
solide fédération. Enfin, l’on peut tirer de l’expérience suisse de 1
1386
n, l’on peut tirer de l’expérience suisse de 1848
une
formule qui me paraîtrait susceptible de faciliter l’union de l’Europ
1387
mme elle a rendu possible la fédération si rapide
des
cantons suisses. La voici dans son astucieuse simplicité. Loin d’exig
1388
conférés aux autorités ». Ainsi, la force garante
des
autonomies locales est celle qui naît précisément de la mise en commu
1389
celle qui naît précisément de la mise en commun d’
une
partie de leurs souverainetés réaffirmées ! On me dira que c’est un t
1390
souverainetés réaffirmées ! On me dira que c’est
un
tour de passe-passe. Je réponds qu’il a bien réussi. Et j’observe qu’
1391
. Je réponds qu’il a bien réussi. Et j’observe qu’
un
pouvoir fédéral européen, constitué selon la même formule, serait seu
1392
pluie » que l’on sait. Toute confédération étant
une
forme instable de compromis entre ceux qui veulent l’union et ceux qu
1393
l’union et ceux qui s’y résignent simplement par
une
nécessité qu’ils espèrent temporaire, je pense que les fédéralistes e
1394
r ailleurs, les vraies dispositions et intentions
des
hommes d’État. Ceci dit, les fédéralistes européens ne sauraient se c
1395
age probable de la future confédération d’États à
un
État fédéral européen. Car, d’une part, la Suisse demeure juridiqueme
1396
Car, d’une part, la Suisse demeure juridiquement
une
association d’États, alors qu’il s’agit aujourd’hui d’associer bien p
1397
s qu’il s’agit aujourd’hui d’associer bien plutôt
des
groupements sociaux, économiques, écologiques et culturels constitués
1398
on, il se comporte vis-à-vis de l’extérieur comme
un
État-nation de type xixe siècle. Le fédéralisme intégral va bien au-
1399
de telle manière que la nature et les dimensions
des
tâches à entreprendre correspondent à la nature et aux dimensions des
1400
endre correspondent à la nature et aux dimensions
des
communautés les plus aptes à les gérer. Ainsi, pour ne donner que ces
1401
cendée ; elle reste liée par nature à l’existence
des
États-nations de formule napoléonienne ; or ceux-ci feront toujours é
1402
Un
marchand d’eau sucrée (19 décembre 1971)ah Écrivain, essayiste, ph
1403
Denis de Rougemont s’est élevé, récemment, lors d’
une
conférence, contre les procédés de M. Pauwels. Nous lui avons demandé
1404
s Pauwels ose écrire, à propos de la pollution et
des
gens savants qui s’en occupent : « Je donne aux inventeurs de cette p
1405
e qu’il pense du commandant Cousteau, fondateur d’
un
Institut d’études sous-marines et champion de la lutte contre la poll
1406
rines et champion de la lutte contre la pollution
des
océans, M. Pauwels répond, dans de nombreuses interviews, qu’il ne s’
1407
e nombreuses interviews, qu’il ne s’agit là que d’
une
opération publicitaire destinée à recueillir des fonds. Opération p
1408
’une opération publicitaire destinée à recueillir
des
fonds. Opération publicitaire On pourrait rétorquer que lorsqu’i
1409
par la technologie, et bien ! il ne s’agit que d’
une
opération publicitaire destinée à faire vendre la dextrose de M. Pauw
1410
en deux réactions contradictoires : tout d’abord,
une
prise de conscience des réalités écologiques et des dangers de la pol
1411
dictoires : tout d’abord, une prise de conscience
des
réalités écologiques et des dangers de la pollution, beaucoup plus gé
1412
e prise de conscience des réalités écologiques et
des
dangers de la pollution, beaucoup plus générale qu’on osait l’espérer
1413
ait l’espérer, surtout dans la jeunesse. Et puis,
une
sorte de rumeur, de ricanements irrités ou moqueurs, révélant une réa
1414
eur, de ricanements irrités ou moqueurs, révélant
une
réaction de refus de cette prise de conscience, analogue au rejet d’u
1415
de cette prise de conscience, analogue au rejet d’
une
greffe, réaction cachant probablement une certaine anxiété, ou la peu
1416
rejet d’une greffe, réaction cachant probablement
une
certaine anxiété, ou la peur, et qui explique le succès du « pamphlet
1417
surtout âgées, ne demandent qu’à se réfugier avec
un
soulagement profond et jubilant dans les illusions de hier, et voilà
1418
habile homme ! De la fenêtre du vingtième étage d’
un
gratte-ciel, il tend son livre à ceux qui tombent du quarantième en l
1419
uez ! » ah. Rougemont Denis de, « [Entretien]
Un
marchand d’eau sucrée (à propos de Louis Pauwels) », Tribune de Lausa
1420
ie, et capere, prendre), c’est « prendre part » à
un
ensemble. Au sens le plus actif, c’est « tenir sa partie », jouer son
1421
« tenir sa partie », jouer son rôle, entrer dans
un
gouvernement, dans la gestion d’une entreprise. Au sens le plus passi
1422
e, entrer dans un gouvernement, dans la gestion d’
une
entreprise. Au sens le plus passif, c’est « faire partie », être incl
1423
passif, c’est « faire partie », être inclus dans
une
classe ou un tout quelconque. La participation désigne toujours le fa
1424
« faire partie », être inclus dans une classe ou
un
tout quelconque. La participation désigne toujours le fait d’être « d
1425
« dans le coup », d’être engagé ou concerné, avec
une
faculté plus ou moins actuelle ou virtuelle, mais jamais ni totale ni
1426
lle, mais jamais ni totale ni nulle, d’influencer
une
situation d’ensemble où l’on est pris, et son propre destin en elle.
1427
puisqu’en effet il s’agit ici de participation à
des
responsabilités. Or l’homme n’est responsable (étymologiquement : cap
1428
r garant) que s’il est sujet libre de son action.
Un
homme qui n’est pas reconnu comme libre ne peut être tenu pour respon
1429
tenu pour responsable de ses actes. Inversement,
un
homme privé de la possibilité d’assumer des responsabilités ne saurai
1430
ement, un homme privé de la possibilité d’assumer
des
responsabilités ne saurait être tenu pour libre ni se sentir vraiment
1431
siècle, il apparaît que civisme est lié surtout à
une
participation active à la chose publique et à une attitude de respons
1432
une participation active à la chose publique et à
une
attitude de responsabilité dans la cité ; que politique évoque finali
1433
tique évoque finalité, c’est-à-dire détermination
des
fins et adaptation des moyens à ces fins (on parle ainsi de politique
1434
c’est-à-dire détermination des fins et adaptation
des
moyens à ces fins (on parle ainsi de politique économique ou monétair
1435
is par poly, beaucoup) et ce qui fait de la foule
une
société : le principe qui associe les hommes dans la cité — nécessité
1436
er. Dans la cité, le civisme sera donc l’ensemble
des
faits de participation active (personnelle) à la vie sociale, tandis
1437
s que la politique sera la définition et le choix
des
priorités, des options prospectives dans tous les domaines de la vie
1438
que sera la définition et le choix des priorités,
des
options prospectives dans tous les domaines de la vie publique : urba
1439
ant qu’au sein de la communauté, dans le complexe
des
relations humaines, qu’on peut suivre à la trace les vocations, activ
1440
eut suivre à la trace les vocations, activées par
un
appel invisible en soi. En tant que stratégie de l’humanité, telle qu
1441
nd désormais, en ce dernier tiers du xxe siècle,
une
importance décisive qu’elle n’avait peut-être jamais pu revêtir dans
1442
s libérateurs, par les dieux, ces gardiens jaloux
des
équilibres antérieurs, mais toujours victorieux pour le « progrès de
1443
s de l’espèce », entendons sa relative libération
des
contraintes naturelles. Vingt millénaires, au moins, d’un effort sans
1444
aintes naturelles. Vingt millénaires, au moins, d’
un
effort sans relâche de l’homme contre le destin que la nature lui imp
1445
ure lui imposait ont abouti, dans notre siècle, à
une
prise de conscience toute nouvelle du mouvement général des civilisat
1446
de conscience toute nouvelle du mouvement général
des
civilisations : il va « de l’agriculture au paradoxe » comme l’a si j
1447
cet impérialisme humain se fait moins respectueux
des
dieux, tourne plus aisément les impératifs naturels ou les incline à
1448
et vers quoi le progrès ? De la mise en question
des
nécessités naturelles à la mise en question des buts mêmes de la vie,
1449
n des nécessités naturelles à la mise en question
des
buts mêmes de la vie, tel est bien le résumé de l’évolution humaine —
1450
a nommée néolithique, celle qui a vu la fixation
des
nomades au sol, la naissance des partis et des collectivités organisé
1451
a vu la fixation des nomades au sol, la naissance
des
partis et des collectivités organisées par l’addition des ressources,
1452
on des nomades au sol, la naissance des partis et
des
collectivités organisées par l’addition des ressources, des règles co
1453
is et des collectivités organisées par l’addition
des
ressources, des règles coutumières et des savoirs au sein d’un territ
1454
tivités organisées par l’addition des ressources,
des
règles coutumières et des savoirs au sein d’un territoire délimité —
1455
ddition des ressources, des règles coutumières et
des
savoirs au sein d’un territoire délimité — dès lors sacré. Mais nous
1456
, des règles coutumières et des savoirs au sein d’
un
territoire délimité — dès lors sacré. Mais nous voici au seuil de l’è
1457
nt on peut facilement imaginer qu’elle sera l’ère
des
relations humaines de plus en plus indépendantes des contraintes du s
1458
relations humaines de plus en plus indépendantes
des
contraintes du sol et des définitions territoriales, mais aussi des r
1459
s en plus indépendantes des contraintes du sol et
des
définitions territoriales, mais aussi des régulations naturelles, d’o
1460
sol et des définitions territoriales, mais aussi
des
régulations naturelles, d’où le risque majeur de violer, d’une manièr
1461
ns naturelles, d’où le risque majeur de violer, d’
une
manière irréversible, les conditions de la vie sur Terre. Aujourd’hui
1462
avenir et par là nous met en demeure de formuler
une
politique de l’humanité, science ou art de l’aménagement des relation
1463
ue de l’humanité, science ou art de l’aménagement
des
relations humaines dans la cité, au service des finalités soit de la
1464
t des relations humaines dans la cité, au service
des
finalités soit de la cité elle-même, pour les platoniciens et les tot
1465
nt les contraintes existantes et la marge étroite
des
« possibilités » qu’elles ménageaient, mais aussi et surtout les buts
1466
mes que nous visons. Car toute politique implique
une
idée de l’homme, et par suite une vision des communautés qui la tradu
1467
itique implique une idée de l’homme, et par suite
une
vision des communautés qui la traduisent en structures religieuses, é
1468
ique une idée de l’homme, et par suite une vision
des
communautés qui la traduisent en structures religieuses, éthiques, ju
1469
c’est-à-dire condamnés à la pratique paradoxale d’
une
prospective consciente de ses propres effets sur les phénomènes qu’el
1470
avant et le citoyen Je lis sur la couverture d’
un
des ouvrages de prospective les plus fameux de ces dernières années q
1471
nt et le citoyen Je lis sur la couverture d’un
des
ouvrages de prospective les plus fameux de ces dernières années que c
1472
e premier qui fasse passer la prédiction de l’ère
des
devins à celle des savants ». On nous dit aussi (mais je m’assure que
1473
passer la prédiction de l’ère des devins à celle
des
savants ». On nous dit aussi (mais je m’assure que ce ne sont pas les
1474
(d’ailleurs honnêtes et scrupuleux) sont en fait
des
devins, car, attentifs à ne pas « prophétiser », ils cherchent à prév
1475
é d’incalculable qu’il va nécessairement réaliser
un
jour ! Cette position du problème des études de l’avenir paraît aller
1476
ent réaliser un jour ! Cette position du problème
des
études de l’avenir paraît aller de soi pour la plupart de mes contemp
1477
nt que la gêner dans la recherche et la prévision
des
cheminements possibles vers l’avenir. L’autre, pour atteindre ses fin
1478
se « gouverner, c’est prévoir », le mot prévoir a
un
sens actif de projet, de projection de la volonté, de plan stratégiqu
1479
on de la volonté, de plan stratégique, et non pas
un
sens scientifique de prévision inerte de ce qui « se passera », en ve
1480
se certains « faits », veut changer les données d’
un
phénomène, il n’est plus « scientifique ». Objectivité et normativité
1481
l’inverse, on pourrait aussi bien soutenir — par
un
raisonnement homologue à celui de L. de Broglie sur le dualisme onde-
1482
deux aspects pour l’interprétation de l’ensemble
des
propriétés observables (des corpuscules)8 ». 2. Rétroaction de la
1483
étation de l’ensemble des propriétés observables (
des
corpuscules)8 ». 2. Rétroaction de la prévision Il paraît diffi
1484
tion ». Car la prévision même se trouve dans bien
des
cas modifier par anticipation le phénomène futur qu’elle avait commen
1485
vait commencé par définir correctement à l’aide d’
une
projection méthodique et globale. Prenons l’exemple de la démographie
1486
ort Nixon paru fin 1969), exercent d’ores et déjà
des
effets certains, même s’ils sont malaisément mesurables, sur l’évolut
1487
oissante projetée par les démographes a déclenché
des
processus variés d’inhibition, dont le plus évident est l’abaissement
1488
es prévisions se révéleront inexactes par suite d’
un
phénomène de régulation de l’évolution démographique par la rétroacti
1489
prévision se mesurera à son inexactitude finale.
Des
effets analogues de rétroaction de la prévision ont été bien souvent
1490
propos des sondages d’opinion publiés au cours d’
une
période électorale. Mais l’effet de rétroaction de la prévision, son
1491
r son propre effet, n’est-ce pas en fin de compte
un
cas particulier d’une dialectique de l’information ? Nous verrons tou
1492
’est-ce pas en fin de compte un cas particulier d’
une
dialectique de l’information ? Nous verrons tout à l’heure que la pro
1493
rai que l’information, dont elle fait partie, est
une
des conditions sine qua non de cette participation. 3. Rôle de la
1494
que l’information, dont elle fait partie, est une
des
conditions sine qua non de cette participation. 3. Rôle de la surp
1495
plusieurs « futurologues » de ce temps accordent
une
valeur axiomatique à la thèse hégélienne : tout ce qui est réel est r
1496
rs se réalisent dans l’Histoire — il y a toujours
des
accidents. Mais le seul fait qu’ils nomment cauchemars certains compl
1497
complexes de phénomènes et pas d’autres implique
une
hiérarchie donnant le pas au rationnel, au calculable, et l’assimilan
1498
l’assimilant au « normal ». Il faut indiquer ici
une
cause d’erreur très générale chez les futurologues positivistes : la
1499
imation ou l’oblitération (systématique ou naïve)
des
facteurs « irrationnels » de conduites et de décisions politiques, so
1500
0 cherchant les moyens d’améliorer la circulation
des
fiacres dans les capitales de 1950, ou le futurologue de 1950 chercha
1501
sociologue d’aujourd’hui qui, sur la base du Marx
des
Manuscrits de 1844 ou du Freud de L’Avenir d’une illusion, sous-estim
1502
des Manuscrits de 1844 ou du Freud de L’Avenir d’
une
illusion, sous-estime ou nie toute possibilité de renaissance vers l’
1503
e toute possibilité de renaissance vers l’an 2000
des
grandes religions ou d’explosions mystiques d’efficacité comparable à
1504
losions mystiques d’efficacité comparable à celle
des
taches solaires. Le daltonisme ou la cécité religieuse de l’immense m
1505
sme ou la cécité religieuse de l’immense majorité
des
sociologues des années 1919 à 1939 ont oblitéré dans les démocraties
1506
religieuse de l’immense majorité des sociologues
des
années 1919 à 1939 ont oblitéré dans les démocraties de l’Ouest toute
1507
ties de l’Ouest toute compréhension en profondeur
des
mouvements totalitaires (surtout de l’hitlérisme) et toute prévision
1508
me — prévision qui eût démontré l’impossibilité d’
un
long terme, et la nécessité d’une catastrophe inscrite dans la struct
1509
’impossibilité d’un long terme, et la nécessité d’
une
catastrophe inscrite dans la structure dynamique du phénomène, comme
1510
récusant l’analyse jungienne de notre culture et
des
rêves qui nourrissent nos recherches, se prive d’une des meilleures t
1511
rêves qui nourrissent nos recherches, se prive d’
une
des meilleures techniques de prévision de notre avenir et de ses « su
1512
es qui nourrissent nos recherches, se prive d’une
des
meilleures techniques de prévision de notre avenir et de ses « surpri
1513
s tous les ordres sont nées de rêves, et l’examen
des
rêves comme des tendances religieuses « aberrantes » de l’époque (ori
1514
s sont nées de rêves, et l’examen des rêves comme
des
tendances religieuses « aberrantes » de l’époque (orientalisme et ash
1515
ont très bien, ou seront déjà blasés, occupés par
des
besoins et des soucis nouveaux. Il faudrait donc prévoir non seulemen
1516
ou seront déjà blasés, occupés par des besoins et
des
soucis nouveaux. Il faudrait donc prévoir non seulement cet avenir, m
1517
re de notre avance vers lui, va modifier l’action
des
hommes en qui elle s’opérera, autant qu’elle les modifiera eux-mêmes,
1518
action de l’avenir modifié, etc. — et tout cela d’
une
manière que nous ne pourrions prévoir qu’aux conditions suivantes : —
1519
ou encore : les influences récurrentes à l’infini
des
images projetées et de leur feed-back. Ce genre d’opération où l’imag
1520
n créatrice évoque ce qui se passe dans la tête d’
un
dramaturge, ou plus précisément d’un poète écrivant : car chaque mot
1521
ns la tête d’un dramaturge, ou plus précisément d’
un
poète écrivant : car chaque mot du poème dépend de l’ensemble (intuit
1522
l’ensemble en voie d’actualisation par l’écriture
des
surprises qui le modifient, et qui vont donc modifier la valeur, la c
1523
’Europe de l’Ouest, c’est-à-dire au seul ensemble
des
nations dont les situations de départ (traditions incluses) soient co
1524
vidu dans les climats occidentaux, les dimensions
des
chambres et de l’unité individuelle dans les moyens de transport, et,
1525
individuelle dans les moyens de transport, et, d’
une
façon générale, tout ce qui dépend de la taille de l’homme dans le ca
1526
qui dépend de la taille de l’homme dans le calcul
des
plans d’alimentation ou d’urbanisme et dans le cadre des relations so
1527
ns d’alimentation ou d’urbanisme et dans le cadre
des
relations sociales et interpersonnelles exigeant la proximité physiqu
1528
t donc, affectant d’une part la tendance générale
des
techniques à la miniaturisation : on ne peut faire une chambre, une a
1529
echniques à la miniaturisation : on ne peut faire
une
chambre, une auto ou une cabine de transport plus petites qu’un homme
1530
a miniaturisation : on ne peut faire une chambre,
une
auto ou une cabine de transport plus petites qu’un homme, une ville p
1531
ation : on ne peut faire une chambre, une auto ou
une
cabine de transport plus petites qu’un homme, une ville plus petite q
1532
e auto ou une cabine de transport plus petites qu’
un
homme, une ville plus petite qu’une maison, — et d’autre part, la ten
1533
une cabine de transport plus petites qu’un homme,
une
ville plus petite qu’une maison, — et d’autre part, la tendance inver
1534
lus petites qu’un homme, une ville plus petite qu’
une
maison, — et d’autre part, la tendance inverse au gigantisme : multip
1535
praticables sans échelles. En revanche, la portée
des
sens de la vue et de l’ouïe (au moins) et des moyens individuels de c
1536
tée des sens de la vue et de l’ouïe (au moins) et
des
moyens individuels de communiquer à distance sera accrue aux dimensio
1537
araisse en même temps tout ce qui pourrait donner
un
sens aux modifications de l’existence ou à cette existence même. Ains
1538
ctifs cher à Hugo : solitaire et solidaire. C’est
un
besoin doublement frustré dans les villes de la société industrielle,
1539
à domicile et de la solitude morale dans la foule
des
rues embouteillées, image même de l’anti-communauté. Tenter de satisf
1540
t de l’homme occidental doit être considéré comme
une
contrainte primordiale pour tous les plans d’habitation et d’urbanism
1541
ns d’habitation et d’urbanisme, dont dépendront d’
une
manière décisive la possibilité, la nature et la qualité de la partic
1542
on civique à l’avenir. 3. Agrément du cadre
Un
autre besoin qui paraît constant est celui de l’agrément du cadre : «
1543
nt du cadre : « Que l’on vive en 1768 ou en 1968,
une
pièce agréable, une vue reposante, une promenade plaisante, un beau l
1544
l’on vive en 1768 ou en 1968, une pièce agréable,
une
vue reposante, une promenade plaisante, un beau lieu de réunion, ne s
1545
u en 1968, une pièce agréable, une vue reposante,
une
promenade plaisante, un beau lieu de réunion, ne sont guère différent
1546
able, une vue reposante, une promenade plaisante,
un
beau lieu de réunion, ne sont guère différents… Les hommes n’ont pas
1547
changé10. » D’où l’idée du « droit de vivre dans
un
environnement décent », formulée par le message de la Maison-Blanche
1548
droit est en fait constamment menacé ou lésé par
un
autre invariant humain, l’égoïsme, qui nous rend insensibles aux désa
1549
rrémédiable de l’environnement : pavillons dignes
des
seuls « chiens méchants » qui les défendent, clôtures agressives, len
1550
lôtures agressives, lent déferlement du ciment et
des
agglomérés, terrains vagues, décharges, détritus de camping, destruct
1551
es » naturelles, à peine les a-t-on repérées, par
des
commandos de touristes ou d’agents immobiliers — autant de manifestat
1552
manifestations visibles et d’effets mesurables d’
une
attitude qui mine les bases mêmes du civisme quel que soit le régime.
1553
iabilité et par suite de civisme (qui peut cacher
un
besoin d’intervention moralisante chez les voisins, donc un appétit d
1554
d’intervention moralisante chez les voisins, donc
un
appétit de puissance) apparaissent comme des invariants quand on cons
1555
donc un appétit de puissance) apparaissent comme
des
invariants quand on considère une communauté donnée dans le temps, il
1556
araissent comme des invariants quand on considère
une
communauté donnée dans le temps, il y a cependant de grandes différen
1557
temps, il y a cependant de grandes différences d’
une
communauté à l’autre dans l’espace européen. Le brassage des populati
1558
uté à l’autre dans l’espace européen. Le brassage
des
populations dans les régions centrales du continent permet de vérifie
1559
périence ces deux observations. Prenons l’exemple
des
cantons suisses : leurs ressortissants se mêlent de plus en plus et l
1560
4 Cependant, les coutumes civiques et le climat
des
débats politiques n’ont guère changé pour l’essentiel et rappellent d
1561
és » forment pourtant le groupe le plus important
des
actuels citoyens de Genève. Certains traits typiquement genevois, com
1562
traits typiquement genevois, comme la turbulence
des
partis et la faible participation aux « votations », n’ont été modifi
1563
inin. Les individus changent comme les cellules d’
un
corps, les nombres absolus et les proportions changent, mais les stru
1564
pays n’ont pas varié, et le genius loci agit (par
des
moyens que je n’ai pas à examiner ici) de manière à maintenir l’invar
1565
iants voisins. D’où la nécessité pour la Suisse d’
un
régime fédéraliste, c’est-à-dire d’une union respectant les différenc
1566
la Suisse d’un régime fédéraliste, c’est-à-dire d’
une
union respectant les différences des cantons et n’ayant d’autre fin q
1567
est-à-dire d’une union respectant les différences
des
cantons et n’ayant d’autre fin que la sauvegarde de leurs autonomies.
1568
e fin que la sauvegarde de leurs autonomies. Mais
des
observations analogues peuvent être faites à l’échelle européenne, qu
1569
elle européenne, quant aux comportements civiques
des
Français du Midi, ou des Tchèques, ou des Espagnols, à leur remarquab
1570
x comportements civiques des Français du Midi, ou
des
Tchèques, ou des Espagnols, à leur remarquable constance au travers d
1571
iviques des Français du Midi, ou des Tchèques, ou
des
Espagnols, à leur remarquable constance au travers des régimes les pl
1572
spagnols, à leur remarquable constance au travers
des
régimes les plus divers, et par suite à la permanence de leurs différ
1573
ir sur la relation nécessaire entre le pluralisme
des
invariants civiques et l’organisation fédéraliste du continent. Mais
1574
e pluralisme même différencie l’ensemble européen
des
ensembles plus uniformes ou uniformisés des USA et de l’URSS : toute
1575
opéen des ensembles plus uniformes ou uniformisés
des
USA et de l’URSS : toute prévision quant à la participation civique e
1576
minuer, quitte à le minimiser parfois, le domaine
des
variables, qui est en revanche celui de la stratégie et de ses effort
1577
ructure étatique, enfin le degré de l’information
des
citoyens. 1. Les dimensions dans l’habitat ou le cadre urbain De
1578
re urbain De la polis grecque à la mégalopolis
des
années 1970, les dimensions de la cité ont varié en raison inverse de
1579
dimensions de la cité ont varié en raison inverse
des
possibilités de participation civique. Dans les rues de la polis et s
1580
civique et politique digne du nom. Platon voulait
une
ville de 5000 citoyens (plus ou moins 50 000 habitants), et Aristote
1581
ens (plus ou moins 50 000 habitants), et Aristote
une
ville dont la superficie n’excédât pas la portée de la voix d’un homm
1582
a superficie n’excédât pas la portée de la voix d’
un
homme criant sur l’agora. Jusqu’à nos jours, en toutes provinces euro
1583
excellence —, le Sénat et le Parlement n’étant qu’
une
dépendance ou délégation du forum. Là s’exerçait au maximum la partic
1584
icipation civique. Autour du marché central, lieu
des
échanges économiques, des portiques ou terrasses de cafés réservés au
1585
du marché central, lieu des échanges économiques,
des
portiques ou terrasses de cafés réservés aux échanges d’opinions et d
1586
absolutiste a déjà substitué, dans nos capitales,
des
espaces géométriques socialement stériles, voués aux seules parades m
1587
ux seules parades militaires. Mais si le peuple d’
une
cité trop vaste ne peut plus s’assembler pour discuter, s’il est ensu
1588
il se disperse dans les pavillons et les villas d’
une
banlieue dénuée de structures, s’il n’y a plus qu’un vide au centre d
1589
banlieue dénuée de structures, s’il n’y a plus qu’
un
vide au centre de la ville — bureaux déserts dès la fin de l’après-mi
1590
ire de spécialistes pratiquement anonymes, et que
des
élus transitoires sont censés diriger et orienter, mais qu’ils se bor
1591
ux de décision dans la structure étatique Dans
un
régime politique pluraliste, fédéraliste, les niveaux de décision son
1592
rminés par la correspondance entre les dimensions
des
communautés et l’envergure des tâches envisagées. Les possibilités pr
1593
tre les dimensions des communautés et l’envergure
des
tâches envisagées. Les possibilités pratiques de participation des ci
1594
gées. Les possibilités pratiques de participation
des
citoyens aux décisions politiques dépendent des niveaux communautaire
1595
n des citoyens aux décisions politiques dépendent
des
niveaux communautaires existants : société, paroisse, club, atelier,
1596
ctivité que le niveau de décision est plus proche
des
cellules de base ; mais d’autant plus rares, plus déléguées et plus a
1597
ont le modèle fut l’œuvre de Napoléon s’inspirant
des
principes jacobins. La centralisation dans un seul lieu, ou capitale,
1598
nt des principes jacobins. La centralisation dans
un
seul lieu, ou capitale, de tous les ordres de pouvoir (législatif, ex
1599
et la réduction de tous les niveaux de décision à
un
seul, au sommet ministériel dans la capitale, rendent minimales ou nu
1600
t appelé à voter tous les quatre ou sept ans pour
un
candidat à la présidence de la nation, pour un candidat député qui re
1601
ur un candidat à la présidence de la nation, pour
un
candidat député qui représente un parti national plus que des intérêt
1602
la nation, pour un candidat député qui représente
un
parti national plus que des intérêts régionaux ou professionnels, ou
1603
député qui représente un parti national plus que
des
intérêts régionaux ou professionnels, ou pour un candidat au conseil
1604
des intérêts régionaux ou professionnels, ou pour
un
candidat au conseil municipal. Dans un État totalitaire (réalisation
1605
s, ou pour un candidat au conseil municipal. Dans
un
État totalitaire (réalisation presque parfaite du modèle napoléonien)
1606
t ici représentées par la distribution pluraliste
des
pouvoirs à des niveaux divers en partant des cellules de base autonom
1607
ées par la distribution pluraliste des pouvoirs à
des
niveaux divers en partant des cellules de base autonomes, et par la c
1608
iste des pouvoirs à des niveaux divers en partant
des
cellules de base autonomes, et par la centralisation totalitaire.
1609
niverselle. À mesure qu’on s’élève dans l’échelle
des
niveaux de décision correspondant à l’envergure de tâches plus vastes
1610
s plus vastes ou plus spéciales et aux dimensions
des
communautés capables de les assurer, l’information devient moins dire
1611
plus rare, plus indirecte et déléguée. Au niveau
des
tâches continentales (qui est aujourd’hui celui des recherches nucléa
1612
s tâches continentales (qui est aujourd’hui celui
des
recherches nucléaires et spatiales, des transports, de l’écologie, de
1613
hui celui des recherches nucléaires et spatiales,
des
transports, de l’écologie, de la défense militaire, ou de l’aide au t
1614
défense militaire, ou de l’aide au tiers-monde),
une
information générale peut être diffusée et assimilée sans trop de pei
1615
qui doit précisément la rendre « utile » suppose
des
facultés de synthèse et une conscience des fins dernières de la socié
1616
dre « utile » suppose des facultés de synthèse et
une
conscience des fins dernières de la société qu’on ne saurait exiger n
1617
uppose des facultés de synthèse et une conscience
des
fins dernières de la société qu’on ne saurait exiger ni des spécialis
1618
ernières de la société qu’on ne saurait exiger ni
des
spécialistes aux sources, ni des agents de présentation et de distrib
1619
aurait exiger ni des spécialistes aux sources, ni
des
agents de présentation et de distribution publique (enseignants, resp
1620
distribution publique (enseignants, responsables
des
mass médias qui préparent les prises de décisions), ni même des gouve
1621
s qui préparent les prises de décisions), ni même
des
gouvernants qui décident finalement. Il faut donc prévoir, entre les
1622
tre les banques d’information et les gouvernants,
une
fonction de mise en forme, analogue à celle qui est assurée d’ores et
1623
gue à celle qui est assurée d’ores et déjà auprès
des
responsables de la politique américaine par les conseillers privés de
1624
nformation (dont l’enseignement scolaire n’est qu’
un
chapitre) aura des actions très différentes selon que, par une visée
1625
’enseignement scolaire n’est qu’un chapitre) aura
des
actions très différentes selon que, par une visée constante, ou par s
1626
aura des actions très différentes selon que, par
une
visée constante, ou par sa forme, ou par ses modes de diffusion, elle
1627
s, elle rendra le citoyen mieux capable de situer
un
problème dans l’ensemble de la société où il vit, de sa culture, de s
1628
cessaires (au sens de mode d’emploi) pour traiter
un
problème public sur lequel il est appelé à se prononcer. Dans le seco
1629
puis à la précontraindre, enfin à lui substituer
un
programme défini par d’autres : État, Parti, Dictateur, Grande Machin
1630
Grande Machine… L’instruction impérative, au sens
des
« instructions » ou ordres donnés par un supérieur à un subordonné, p
1631
au sens des « instructions » ou ordres donnés par
un
supérieur à un subordonné, par un maître à son disciple, ou même par
1632
nstructions » ou ordres donnés par un supérieur à
un
subordonné, par un maître à son disciple, ou même par un instituteur
1633
dres donnés par un supérieur à un subordonné, par
un
maître à son disciple, ou même par un instituteur à des enfants n’aya
1634
rdonné, par un maître à son disciple, ou même par
un
instituteur à des enfants n’ayant pas encore atteint le stade réflexi
1635
ître à son disciple, ou même par un instituteur à
des
enfants n’ayant pas encore atteint le stade réflexif-critique, n’est
1636
ore atteint le stade réflexif-critique, n’est pas
une
atteinte à la liberté de jugement mais une empreinte dont le jugement
1637
st pas une atteinte à la liberté de jugement mais
une
empreinte dont le jugement plus tard utilisera les structures, réseau
1638
ne les réflexes, modifie le programme génétique d’
un
individu ou uniformise celui d’une classe pour en faire une caste.
1639
mme génétique d’un individu ou uniformise celui d’
une
classe pour en faire une caste. Le jeu des alternatives Nos t
1640
du ou uniformise celui d’une classe pour en faire
une
caste. Le jeu des alternatives Nos termes de base ainsi défin
1641
d’une classe pour en faire une caste. Le jeu
des
alternatives Nos termes de base ainsi définis, les invariants et l
1642
2000, est restée — ou est revenue, après l’échec
des
mouvements d’union — au stade des États-nations qui se disent souvera
1643
, après l’échec des mouvements d’union — au stade
des
États-nations qui se disent souverains, se veulent indépendants, et r
1644
étie de Proudhon : « Le xxe siècle ouvrira l’ère
des
fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans »
1645
l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencera
un
purgatoire de mille ans » ? C’est la seconde proposition qui a été re
1646
lors le « purgatoire » européen ? C’est peut-être
une
tâche impossible, au surplus vaine, s’il est vain de s’interroger sur
1647
remèdes aux maladies dont sera menacé après 2000
un
homme né avant 1900. La persistance des États-nations en 2000 impliqu
1648
après 2000 un homme né avant 1900. La persistance
des
États-nations en 2000 impliquerait la mort de l’Europe comme entité.
1649
comme entité. L’échec définitif du Marché commun
des
Six par suite du refus opposé par les États-nations à toute forme d’u
1650
tions de l’utilité sociale et de la rentabilité d’
une
entreprise, formation professionnelle et finalement information, ce q
1651
rti qui l’utilise (« marxiste » ou « fasciste »),
une
Puissance lointaine, ou la Grande Machine, ordinateur universel et om
1652
érieur de la nation », invoqué par les détenteurs
des
mécanismes de l’État centralisé, permet d’interdire arbitrairement la
1653
es électeurs non prévenus. On arrive assez vite à
un
clivage de la société en deux classes : celle qui reçoit l’informatio
1654
et qui en joue à son profit ; et celle qui reçoit
des
« instructions » sous forme de publicité, propagande ou hidden persua
1655
ublicité, propagande ou hidden persuasion. Classe
des
technocrates et classe des conditionnés. La classe informée (ou activ
1656
den persuasion. Classe des technocrates et classe
des
conditionnés. La classe informée (ou active) est naturellement dirige
1657
do-informée (ou passive) se trouve manipulée vers
un
bonheur plus ou moins hilare par une minorité plus ou moins machiavél
1658
anipulée vers un bonheur plus ou moins hilare par
une
minorité plus ou moins machiavélique, elle-même aux ordres de l’écono
1659
rdres de l’économie ou de l’idéologie dominantes.
Un
couple sadomasochiste domine ainsi les relations sociales, dans l’Eur
1660
omie américaine, et dans celle de l’est au profit
des
maîtres et manipulateurs de l’idéologie communiste. Cette prolétarisa
1661
frontières « historiques » (fixées depuis moins d’
un
siècle en moyenne) ; de même, si aucune révolte populaire n’arrive à
1662
er le système. Cependant, elle ne saurait être qu’
une
image-limite, irréalisable à l’état pur, car non seulement « le pire
1663
spérité, se verra contraint d’une part de tolérer
une
croissante régionalisation, d’autre part de perdre — en voulant reste
1664
des et à la dérision de ses prétentions absolues.
Une
autre société naîtra parmi ses ruines. Mais la prolétarisation civiqu
1665
réussi à s’unir, c’est-à-dire à dépasser le stade
des
États-nations centralisés de modèle jacobin-napoléonien, elle offre u
1666
ralisés de modèle jacobin-napoléonien, elle offre
une
double possibilité de participation, celle précisément que l’État-nat
1667
ond terme de notre alternative linéaire conduit à
une
nouvelle bifurcation possible : l’Europe fédérée sur la base des régi
1668
furcation possible : l’Europe fédérée sur la base
des
régions réussit à s’autorégler (A), ou bien elle tente de rendre ses
1669
re ses déséquilibres créateurs (B). A. Harmonie
des
facteurs On a vu que l’harmonie civique et politique résulterait p
1670
l’harmonie civique et politique résulterait pour
une
communauté donnée de la co-action ou de la convergence bien tempérée
1671
e la co-action ou de la convergence bien tempérée
des
facteurs suivants : dimensions du territoire et de la population ; en
1672
ons du territoire et de la population ; envergure
des
tâches assumées ; répartition des organes de décision aux niveaux dét
1673
ion ; envergure des tâches assumées ; répartition
des
organes de décision aux niveaux déterminés par l’envergure des tâches
1674
e décision aux niveaux déterminés par l’envergure
des
tâches et par les communautés de dimensions correspondantes ; articul
1675
de dimensions correspondantes ; articulation avec
des
organes de compétence plus large (agences fédérales) selon l’envergur
1676
plus large (agences fédérales) selon l’envergure
des
tâches ; information adéquate. Un schéma de la coaction de nos facte
1677
n l’envergure des tâches ; information adéquate.
Un
schéma de la coaction de nos facteurs en vue d’une participation civi
1678
Un schéma de la coaction de nos facteurs en vue d’
une
participation civique et politique optimale s’articulerait en quatre
1679
grés de relations d’implications. 1. Dimensions
des
communautés réelles Les dimensions des communautés sont de deux so
1680
ensions des communautés réelles Les dimensions
des
communautés sont de deux sortes, que Rousseau dénommait « nombre du p
1681
rnement est faible ». Ou encore : « le plus actif
des
gouvernements est celui d’un seul », « le nombre des chefs diminue en
1682
e : « le plus actif des gouvernements est celui d’
un
seul », « le nombre des chefs diminue en raison de l’augmentation du
1683
gouvernements est celui d’un seul », « le nombre
des
chefs diminue en raison de l’augmentation du peuple ». Ou enfin : « s
1684
tation du peuple ». Ou enfin : « si […] le nombre
des
magistrats suprêmes doit être en raison inverse de celui des citoyens
1685
ats suprêmes doit être en raison inverse de celui
des
citoyens, il s’ensuit qu’en général le gouvernement démocratique conv
1686
, III, 1 à 3). Rousseau en vient ainsi à formuler
une
loi de la participation qu’illustrent les exemples des petits cantons
1687
oi de la participation qu’illustrent les exemples
des
petits cantons suisses à Landsgemeinde, ou de Genève, et avant eux de
1688
isses à Landsgemeinde, ou de Genève, et avant eux
des
cités grecques où l’on comptait presque autant de magistrats (prenant
1689
enant charge par rotation) que de citoyens : plus
une
communauté est petite, plus le gouvernement peut y être démocratique
1690
s le gouvernement peut y être démocratique ; plus
un
État est populeux et étendu, et plus le pouvoir doit être concentré.
1691
doit être concentré. (À la limite, il faudra donc
un
dictateur.) De là le conseil de Rousseau aux patriotes polonais : « S
1692
eux conditions nécessaires : a) le dépérissement
des
cadres stato-nationaux, c’est-à-dire : la dissolution progressive des
1693
ionaux, c’est-à-dire : la dissolution progressive
des
grands États par décentralisation de l’administration, effacement des
1694
décentralisation de l’administration, effacement
des
frontières, renaissance ou formation de communautés organiques d’ordr
1695
t peut-être pas autrement — qu’on ne le fait pour
des
écosystèmes ; b) l’autonomie de régions restreintes, c’est-à-dire la
1696
eil étatique (non pas du tout sa suppression !) à
des
niveaux de décision où il ne soit plus seulement contrôleur mais surt
1697
seulement contrôleur mais surtout contrôlable par
des
citoyens informés d’une manière adéquate. 3. Formules communautair
1698
s surtout contrôlable par des citoyens informés d’
une
manière adéquate. 3. Formules communautaires pluralistes La san
1699
. Formules communautaires pluralistes La santé
des
régions autonomes à son tour implique nécessairement deux processus a
1700
bre ou universitas médiévale) est essentiellement
une
question d’urbanisme. Elle dépend des possibilités de recréer, au sei
1701
ntiellement une question d’urbanisme. Elle dépend
des
possibilités de recréer, au sein ou à l’écart des mégalopolis (qui co
1702
des possibilités de recréer, au sein ou à l’écart
des
mégalopolis (qui continuent à se développer d’une manière semi-anarch
1703
des mégalopolis (qui continuent à se développer d’
une
manière semi-anarchique, semi-planifiée et totalement catastrophique
1704
e la polis, du village ou du bourg médiéval, soit
des
unités d’habitation (quartiers, cités-satellites, ou villes neuves) d
1705
ves) de 5000 à 50 000 habitants, dotés au moins d’
une
place centrale et de rues à piétons, permettant une participation rée
1706
e place centrale et de rues à piétons, permettant
une
participation réelle à la vie communale, pour ceux des citoyens qui e
1707
articipation réelle à la vie communale, pour ceux
des
citoyens qui en ont envie, et des contacts quotidiens, désordonnés, l
1708
nale, pour ceux des citoyens qui en ont envie, et
des
contacts quotidiens, désordonnés, livrés au hasard, entre toutes les
1709
outes les classes de la population11. Le problème
des
unités d’habitation et de leurs dimensions à la mesure d’une vie civi
1710
d’habitation et de leurs dimensions à la mesure d’
une
vie civique rénovée semble pouvoir être résolu en théorie dès les ann
1711
continent, ou fédérations. Car il est évident qu’
un
certain nombre d’activités indispensables à la vitalité des régions e
1712
n nombre d’activités indispensables à la vitalité
des
régions et de leurs unités de participation civique (communes et entr
1713
prises) ne peuvent être exercées qu’à l’échelle d’
une
fédération continentale. Citons au nombre de ces activités : la polit
1714
ologique, la climatologie active, la concertation
des
recherches, les suprêmes instances de recours juridiques. La stimulat
1715
tivités excédant les compétences et les capacités
des
régions devront être assumés par des agences fédérales, informées par
1716
es capacités des régions devront être assumés par
des
agences fédérales, informées par leurs relais régionaux, et informant
1717
is régionaux, et informant à leur tour l’ensemble
des
gouvernants et citoyens européens. Aux trois principaux niveaux de dé
1718
mais prévisible de ces implications successives,
des
choix qu’elles entraînent et de leurs interactions et autorégulations
1719
et autorégulations, doit théoriquement permettre
un
maximum de participation. Est-ce à dire que le système décrit représe
1720
n. Est-ce à dire que le système décrit représente
un
modèle satisfaisant d’harmonisation des dynamismes civiques, qu’il n’
1721
représente un modèle satisfaisant d’harmonisation
des
dynamismes civiques, qu’il n’y aurait plus qu’à « faire jouer » aux d
1722
aît ni souhaitable ni possible, non pas que j’aie
des
doutes sur la valeur du modèle — il est le meilleur que je puisse ima
1723
u fait même qu’il aura pour fonction de conjuguer
des
dynamismes, et non pas d’imposer un certain type d’équilibre ou de st
1724
de conjuguer des dynamismes, et non pas d’imposer
un
certain type d’équilibre ou de stabilité. Disons qu’il est méthode d’
1725
’invention permanente et non pas utopie à joindre
un
jour. Car il suppose la liberté, tandis que l’utopie prise pour progr
1726
rté, tandis que l’utopie prise pour programme est
une
fuite devant le réel, devant les risques de la liberté, donc devant l
1727
de la liberté, donc devant la liberté elle-même.
Un
jeu parfait de notre modèle n’est pas souhaitable, car il rendrait la
1728
puisqu’elle nourrit les tensions constitutives d’
une
cité faite pour les personnes, non pour la rentabilité à moyen terme
1729
de toute participation authentique.) Au surplus,
un
jeu parfait n’est possible que s’il est limité dans le temps, terminé
1730
le que s’il est limité dans le temps, terminé par
une
fin automatique ou convenue, ce qui n’est pas le cas dans la cité env
1731
dans la cité envisagée : ses éléments ne sont pas
des
pions solides en nombre déterminé mais des flux, des couples de force
1732
nt pas des pions solides en nombre déterminé mais
des
flux, des couples de forces, des antinomies en tension, dont la vie m
1733
pions solides en nombre déterminé mais des flux,
des
couples de forces, des antinomies en tension, dont la vie même se man
1734
e déterminé mais des flux, des couples de forces,
des
antinomies en tension, dont la vie même se manifeste par la recréatio
1735
ent être « réglés » ou « contrôlés » d’avance par
un
programme. B. Difficultés du jeu et discordances (éventuellement)
1736
morales de la participation civique — dimensions
des
communautés, répartition de l’État, formules communautaires pluralist
1737
de la cité —, nous découvrons en chacune d’elles
des
motifs intrinsèques de conflits renouvelés, de résistance et d’inégal
1738
ces au moins virtuelles — dont il s’agit de tirer
des
résultantes positives. Toute participation civique exige, nous l’avon
1739
ute participation civique exige, nous l’avons vu,
des
conditions précises, dont nulle n’est suffisante, mais qui sont toute
1740
mais qui sont toutes nécessaires : 1. Information
des
citoyens (enseignement à tous les degrés, mass médias, banques d’info
1741
ques d’informations, etc.) 2. Discussion publique
des
lois ; 3. Unités d’action civique (unités d’habitation et communes, a
1742
entreprises, régions, etc.) ; 4. Action : — vote
des
lois, élections, — possibilité de faire partie des conseils législati
1743
es lois, élections, — possibilité de faire partie
des
conseils législatifs et des organes exécutifs — et de les contrôler ;
1744
ilité de faire partie des conseils législatifs et
des
organes exécutifs — et de les contrôler ; 5. Présence personnelle aux
1745
l’an 2000 et les difficultés qui doivent résulter
des
changements prévisibles d’échelle, de stade d’évolution et de moyens
1746
is est fournie désormais au plus grand nombre par
une
école améliorée, plus égalitaire à la base dès la première enfance et
1747
ue notamment ; ainsi que par la radio-télévision.
Une
minorité formée dans les écoles supérieures — initiés techniques —, o
1748
sant la société européenne tout entière : au lieu
des
libres et des serfs du Moyen Âge, nous avons les initiés librement cr
1749
é européenne tout entière : au lieu des libres et
des
serfs du Moyen Âge, nous avons les initiés librement critiques et cré
1750
uantitative (fonctionnelle) ; soit s’autorisant d’
un
« gay savoir » nietzschéen et de ses perpétuelles remises en question
1751
inactuelles et arbitraires ; soit se fondant sur
des
évidences tenues pour scientifiques, indiscutables, et constamment re
1752
ables, et constamment remises à la mode, aux yeux
des
masses, par les manipulateurs des mass médias. Cette évolution peut a
1753
mode, aux yeux des masses, par les manipulateurs
des
mass médias. Cette évolution peut avoir pour effets civiques de faire
1754
prolétariat ouvrier et bourgeoisie confondus dans
un
vaste néo-tertiaire ou quaternaire) devenant la base solide du confor
1755
socioéconomique, en défense contre l’aventurisme
des
élites, mais aussi contre leur sagesse éventuelle. (Le pluralisme, le
1756
ifférer et de refuser sont en effet les attributs
des
seules élites. Le passage de la masse aux élites consiste en l’acte d
1757
valablement les évidences majoritaires, donc dans
un
dé-conditionnement.) 2. La discussion publique La discussion pu
1758
était, en Grèce antique, l’affaire de l’ensemble
des
citoyens (environ le dixième de la population) réunis sur l’agora et
1759
n, sur les problèmes à débattre et à trancher par
un
vote. Ce type d’assemblée est devenu impraticable et impensable (sau
1760
de très petits cantons suisses) avec l’avènement
des
grandes villes de la société absolutiste, puis de la société industri
1761
ociété industrielle, par suite de l’accroissement
des
populations, cent ou mille fois supérieur à celui des places publique
1762
populations, cent ou mille fois supérieur à celui
des
places publiques ou des salles disponibles. Subitement, à partir de 1
1763
le fois supérieur à celui des places publiques ou
des
salles disponibles. Subitement, à partir de 1960, et grâce au dévelop
1764
ue devait être mesurée par la portée de la voix d’
un
homme criant sur l’agora, devient, en vertu de la même exigence et gr
1765
breux ceux qui peuvent les utiliser. À la limite,
un
seul, qui est le chef de l’État, peut aujourd’hui se faire entendre d
1766
re entendre de tous. Cependant, la portée moyenne
des
émetteurs-récepteurs individuels (son, vision en relief, toucher peut
1767
viduels (son, vision en relief, toucher peut-être
un
jour ?) qui ne manqueront pas de se multiplier dans les prochaines dé
1768
ent ramener les dimensions de la commune future à
un
ordre de grandeur comparable (égal ou double) à celui des cités class
1769
e de grandeur comparable (égal ou double) à celui
des
cités classiques d’Ionie, d’Attique ou de Sicile. La différence princ
1770
se tenir, sans que les citoyens se déplacent, sur
une
agora composée à distance et définie comme un carrefour d’ondes. (Déj
1771
ur une agora composée à distance et définie comme
un
carrefour d’ondes. (Déjà, dans les années 1970, la formule du conseil
1772
ions de la Landsgemeinde suisse ou de l’assemblée
des
citoyens dans la cathédrale de Genève (Rousseau), modèles des conditi
1773
dans la cathédrale de Genève (Rousseau), modèles
des
conditions optimales de la participation civique et politique, dans l
1774
e et politique, dans la mesure où celle-ci dépend
des
dimensions de la communauté. Il est possible que des inconvénients d’
1775
dimensions de la communauté. Il est possible que
des
inconvénients d’une nature encore insoupçonnée résultent à l’expérien
1776
mmunauté. Il est possible que des inconvénients d’
une
nature encore insoupçonnée résultent à l’expérience du fait de la ren
1777
du fait de la rencontre d’hommes séparés les uns
des
autres par 3000 ou 300 ou 3 kilomètres et non par 30, ou 3, ou 0,3 mè
1778
0, ou 3, ou 0,3 mètre. On regrettera les couloirs
des
anciens parlements, les apartés entre deux travées… Mais les avantage
1779
’argent et d’énergie procurées par la suppression
des
déplacements permettront une participation plus fréquente, plus longu
1780
s par la suppression des déplacements permettront
une
participation plus fréquente, plus longue, et dans des conditions psy
1781
articipation plus fréquente, plus longue, et dans
des
conditions psychologiques plus sereines, là même où les dimensions de
1782
s, vont peut-être rendre indispensable la formule
des
assemblées à distance : je veux parler de la pluralité des types de r
1783
blées à distance : je veux parler de la pluralité
des
types de régions et des associations sans base territoriale. Nous avo
1784
ux parler de la pluralité des types de régions et
des
associations sans base territoriale. Nous avons vu plus haut que les
1785
uperposables ni juxtaposables ; ce qui entraînera
une
pluralité de « capitales », « métropoles », « chefs-lieux », c’est-à-
1786
e gestion et de réunions ; tout cela se prêtant à
des
formules d’ubiquité du contrôle, du conseil, de la représentation et
1787
l’assemblée, les exigeant même, en lieu et place
des
formules de centralisation statique dans un cadre territorial acciden
1788
lace des formules de centralisation statique dans
un
cadre territorial accidentel et plus ou moins arbitraire mais immuabl
1789
vec les dimensions utiles ou efficaces permettant
une
participation civique active. Les départements, cantons, provinces, à
1790
antons, provinces, à l’étage au-dessus, souffrent
des
mêmes défauts. Quant aux États-nations, à la fois trop grands et trop
1791
soins de la société post-industrielle leur ménage
un
avenir de plus de deux ou trois décennies, au terme duquel ils seront
1792
tombés en désuétude. La disparition progressive
des
frontières dites politiques et de l’appareil tentaculaire de l’État-n
1793
l’un ni l’autre ne sont délimités ou définis par
une
frontière. L’un et l’autre rayonnent, localement ou universellement,
1794
onnent, localement ou universellement, à partir d’
un
patron, d’un chef, d’une tête, d’une doctrine ou d’une Révélation. La
1795
ement ou universellement, à partir d’un patron, d’
un
chef, d’une tête, d’une doctrine ou d’une Révélation. La participatio
1796
iversellement, à partir d’un patron, d’un chef, d’
une
tête, d’une doctrine ou d’une Révélation. La participation la plus im
1797
t, à partir d’un patron, d’un chef, d’une tête, d’
une
doctrine ou d’une Révélation. La participation la plus immédiatement
1798
atron, d’un chef, d’une tête, d’une doctrine ou d’
une
Révélation. La participation la plus immédiatement active se produit
1799
ersité. Au niveau de la région déjà, la co-action
des
forces politiques, économiques et culturelles devient le souci majeur
1800
majeur et par suite la responsabilité de délégués
des
« bases », cellules ou unités du premier degré. Et ainsi de suite, ju
1801
uppose agir. Or « nous sommes en train de devenir
une
race de spectateurs et non plus d’hommes d’action », comme l’a fort b
1802
isant un peu de bruit. Nous retrouvons ici l’idée
des
deux classes — les actifs et les passifs — à quoi nous conduisaient n
1803
s’opposant à la majorité, toujours conservatrice
des
préjugés « progressistes » d’hier. Il n’est pas sans intérêt de rele
1804
as sans intérêt de relever ici que ma description
des
passifs et des actifs civiques recouvre assez exactement la distincti
1805
de relever ici que ma description des passifs et
des
actifs civiques recouvre assez exactement la distinction que je posai
1806
ques de la participation réelle, et à son désir d’
un
ordre automatisé. 5. La présence personnelle L’un des paradoxes
1807
automatisé. 5. La présence personnelle L’un
des
paradoxes de l’ère actuelle tient à ce que nos possibilités de déplac
1808
se déplacer diminuent. J’ai parlé tout à l’heure
des
conseils d’administration tenus en vidéophonie, et de la possibilité
1809
ntenter aujourd’hui, le plus souvent, dans la vie
des
affaires et les échanges personnels ? Il est possible — et pour ma pa
1810
« en chair et en os » de milliers d’hommes, dans
un
cadre restreint, dégage des forces qu’on pourrait enregistrer, mais q
1811
illiers d’hommes, dans un cadre restreint, dégage
des
forces qu’on pourrait enregistrer, mais qu’on ne retrouverait pas dan
1812
mais qu’on ne retrouverait pas dans la rencontre
des
images sonores et visuelles émises par ces mêmes hommes séparés. Il e
1813
mêmes hommes séparés. Il est possible qu’il y ait
un
reste irréductible dans toute analyse des comportements mesurables et
1814
il y ait un reste irréductible dans toute analyse
des
comportements mesurables et chiffrables de l’homme. Un x ou un y dont
1815
mportements mesurables et chiffrables de l’homme.
Un
x ou un y dont nous n’avons encore aucune idée et qui intervient — pe
1816
nts mesurables et chiffrables de l’homme. Un x ou
un
y dont nous n’avons encore aucune idée et qui intervient — peut-être
1817
ore à imaginer et de mesures qui feront peut-être
un
jour comprendre ce qui se passe de différent entre deux hommes qui se
1818
rent la main « en chair et en os » et deux images
des
mêmes hommes qui se tendent à distance des mains réunies sur l’écran.
1819
images des mêmes hommes qui se tendent à distance
des
mains réunies sur l’écran. Si la présence-à-distance et les téléacti
1820
s comme étant à toutes fins utiles indépendants d’
un
territoire défini ou de l’immédiate présence humaine, psychosomatique
1821
chosomatique, « globale », il paraît probable que
des
discordances se feront sentir. Quelque chose se perd sans nul doute —
1822
— s’il y a gain d’efficacité — par la suppression
des
« attaches au sol » et des « liens charnels » ; mais nous ne savons p
1823
é — par la suppression des « attaches au sol » et
des
« liens charnels » ; mais nous ne savons pas encore quoi. Notons ici
1824
ue » est sans doute impropre. Car la perception d’
une
image ou d’un son, à quelque distance qu’en soit la source, implique
1825
oute impropre. Car la perception d’une image ou d’
un
son, à quelque distance qu’en soit la source, implique toujours un co
1826
distance qu’en soit la source, implique toujours
un
contact proprement physique. La différence entre le contact à distanc
1827
tion ne dépendent pas seulement de l’information,
des
dimensions de la communauté et des moyens techniques dont disposent l
1828
l’information, des dimensions de la communauté et
des
moyens techniques dont disposent les citoyens, mais aussi de la natur
1829
t disposent les citoyens, mais aussi de la nature
des
tâches communes qu’une cité ou un groupe tiennent pour politiques. Da
1830
s, mais aussi de la nature des tâches communes qu’
une
cité ou un groupe tiennent pour politiques. Dans un État-nation centr
1831
i de la nature des tâches communes qu’une cité ou
un
groupe tiennent pour politiques. Dans un État-nation centralisé d’auj
1832
cité ou un groupe tiennent pour politiques. Dans
un
État-nation centralisé d’aujourd’hui, la participation libre et activ
1833
discussion (cafés, partis, radio-télévision) et à
des
votes peu fréquents (élections, référendum). Pour un très petit nombr
1834
votes peu fréquents (élections, référendum). Pour
un
très petit nombre s’ajoute l’appartenance à un conseil (municipal, dé
1835
ur un très petit nombre s’ajoute l’appartenance à
un
conseil (municipal, départemental ou provincial, parlementaire), et p
1836
artemental ou provincial, parlementaire), et pour
une
fraction infime l’exercice d’un pouvoir exécutif. Mais dans aucune de
1837
ntaire), et pour une fraction infime l’exercice d’
un
pouvoir exécutif. Mais dans aucune des décisions ou options de politi
1838
’exercice d’un pouvoir exécutif. Mais dans aucune
des
décisions ou options de politique étrangère, économique, fiscale, cul
1839
ègle pour le plus grand nombre. En revanche, dans
une
société telle qu’on peut l’envisager possible aux environs de l’an 20
1840
s » de l’État-nation d’une part, et aux rivalités
des
partis d’autre part. Les objectifs politiques, dans une société dont
1841
tis d’autre part. Les objectifs politiques, dans
une
société dont les structures favorisent la participation à tous les ni
1842
ivité ? — applications techniques : articulations
des
intérêts locaux, régionaux, continentaux, mondiaux. — Options relativ
1843
ar ses formes, structures et dimensions dépendent
des
idées qu’on se fait de l’homme pour qui maisons et villes sont bâties
1844
immédiat aux options morales et philosophiques d’
une
civilisation, d’une cité, que l’architecture ; b) l’aménagement des c
1845
s morales et philosophiques d’une civilisation, d’
une
cité, que l’architecture ; b) l’aménagement des campagnes ne peut êtr
1846
d’une cité, que l’architecture ; b) l’aménagement
des
campagnes ne peut être laissé ni aux maires, ni aux entrepreneurs, ni
1847
donc être surveillée, équilibrée, normalisée avec
un
maximum de précautions sensibles. Sinon la solitude campagnarde condu
1848
rtion, tandis que la solidarité anonyme et forcée
des
villes conduit à la révolte anarchisante contre toute forme de sociét
1849
n usage du couple solitaire-solidaire. C’est l’un
des
problèmes majeurs de l’an 2000 ! — Options relatives aux libertés de
1850
ité et l’autonomie de la personne sont en butte à
des
menaces de tous ordres : pharmacopée, conditionnement psychosomatique
1851
, formes variées du viol de la conscience de soi.
Des
politiques concernant ce « domaine réservé » de chaque citoyen doiven
1852
s appelons aujourd’hui l’écologie, art et science
des
équilibres vivants entre l’homme, ses créations et la nature, soit le
1853
ste peut être contrôlée avant qu’elle ait infligé
des
dommages irréversibles à la biosphère sera nécessairement tranchée da
1854
ns écologistes américains. Si c’est au bénéfice d’
une
concertation de politiques écologiques régionales et continentales, n
1855
gardent tout leur intérêt. Car il est évident qu’
une
attitude humaine arrogante à l’égard de la nature, inconsciente de la
1856
la finitude de ses ressources, sourde au langage
des
paysages, fermée à la leçon de lenteur des arbres, sans réponse à l’a
1857
angage des paysages, fermée à la leçon de lenteur
des
arbres, sans réponse à l’affectivité bondissante du monde animal et à
1858
la création tout entière » dont parle saint Paul,
une
telle attitude est également ruineuse des fondements mêmes de toute s
1859
t Paul, une telle attitude est également ruineuse
des
fondements mêmes de toute société politique. Celui qui ne révère plus
1860
tiellement créatrices, mais n’ai encore donné que
des
exemples de leur quasi-nécessité ou inévitabilité pratique, donc de l
1861
régnants. La faculté proprement humaine de refus
des
nécessités, de défi au destin, doit être à tout prix préservée. Elle
1862
t être à tout prix préservée. Elle est le signe d’
une
ouverture de l’homme au transcendant, à ce qui peut englober, nier et
1863
adapté du monde social et scientifique, et donner
un
sens possible, ultime, vraiment humain, à la mise en question globale
1864
té de la contester, de la rejeter, de lui opposer
une
objection fondamentale et absolue. L’objecteur de conscience, qui ref
1865
ossesseurs ni de biens, ni de pouvoirs officiels,
des
Inadaptés fonctionnels et qui « bénéficient » d’un statut comparable
1866
s Inadaptés fonctionnels et qui « bénéficient » d’
un
statut comparable mutatis mutandis à celui du holy man mendiant, du g
1867
jeune homme d’aujourd’hui lorsqu’il atteint l’âge
des
études. Cette question n’est devenue générale, et anxieuse, qu’au xxe
1868
anxieuse, qu’au xxe siècle. Autrefois, le fils d’
un
drapier devenait drapier, le fils d’un paysan laboureur, le fils d’un
1869
le fils d’un drapier devenait drapier, le fils d’
un
paysan laboureur, le fils d’un notaire héritait de la charge familial
1870
drapier, le fils d’un paysan laboureur, le fils d’
un
notaire héritait de la charge familiale, et le fils d’un pasteur deve
1871
ire héritait de la charge familiale, et le fils d’
un
pasteur devenait pasteur — ou tournait mal, selon le proverbe alleman
1872
tous, et non déterminé par les coutumes, choisir
une
profession devient un long tourment, et fort peu de jeunes gens « sûr
1873
par les coutumes, choisir une profession devient
un
long tourment, et fort peu de jeunes gens « sûrs de leur vocation » p
1874
n de famille, c’est affronter sans guide l’infini
des
possibles. D’où le gémissement innombrable qui monte des jeunes génér
1875
sibles. D’où le gémissement innombrable qui monte
des
jeunes générations — contestataires ou non, d’ailleurs. Autrefois, t
1876
urs. Autrefois, tout était tracé d’avance. Hier,
un
nouveau déterminisme commençait à se dessiner, prenant le relais des
1877
nisme commençait à se dessiner, prenant le relais
des
contraintes coutumières : la majorité des jeunes gens de ma génératio
1878
relais des contraintes coutumières : la majorité
des
jeunes gens de ma génération me paraissent avoir choisi le métier qui
1879
de les connaître) et le plus près de leur idée d’
une
carrière intéressante, au sens financier de l’adjectif. Aujourd’hui,
1880
, quelque chose de nouveau s’est produit. Au lieu
des
traditions remontant au Moyen Âge, au lieu des goûts individuels et d
1881
eu des traditions remontant au Moyen Âge, au lieu
des
goûts individuels et de la soif de profit matériel libérés par la Ren
1882
t de la plupart des Occidentaux, je vois paraître
une
motivation aussi différente de la coutume que du profit : celle du se
1883
iner la nature et l’exploiter au maximum en vue d’
une
prospérité matérielle toujours croissante. Aujourd’hui, il constate q
1884
moindre scrupule, puis l’empoisonne par le moyen
des
produits transformés de ce pillage. Et l’idée se fait jour en lui que
1885
répondre (ils ne sont trop souvent que le profit
des
firmes et le dividende de leurs actionnaires), mais plutôt aux besoin
1886
ntale et finalement globale, selon les dimensions
des
tâches qui la suscitent et la rassemblent. Il peut maintenant concevo
1887
nécessité vitale désormais, de nouer entre elles
un
nouveau pacte. La science et la technique ont provoqué peut-être, et
1888
équilibres écologiques du continent européen, et
des
mers et des airs qui l’entourent. Par un juste retour, n’est-ce point
1889
écologiques du continent européen, et des mers et
des
airs qui l’entourent. Par un juste retour, n’est-ce point aux scienti
1890
éen, et des mers et des airs qui l’entourent. Par
un
juste retour, n’est-ce point aux scientifiques, aux techniciens, aux
1891
auvant du même coup la nature ? N’y a-t-il pas là
une
vocation proprement exaltante pour l’ingénieur ? Une nouvelle manière
1892
vocation proprement exaltante pour l’ingénieur ?
Une
nouvelle manière d’assumer ses droits et ses devoirs civiques et cult
1893
ateur voisin de celui de l’artiste, responsable d’
une
cité neuve et d’un nouveau contrat social ? Au spécialiste « isolé »
1894
i de l’artiste, responsable d’une cité neuve et d’
un
nouveau contrat social ? Au spécialiste « isolé » (comme un fil élect
1895
contrat social ? Au spécialiste « isolé » (comme
un
fil électrique) qui fait son job en toute conscience professionnelle
1896
, nous pouvons et nous devons opposer aujourd’hui
un
type d’homme de technique et de science réintégré dans la communauté,
1897
ommunauté, relié à l’ensemble social par le souci
des
fins dernières de la cité, et de la personne dans la communauté. Que
1898
ture culturelle, politique et métaphysique, c’est
une
bonne nouvelle pour la science autant que pour la société. Car notre
1899
plonger pour mieux créer. Notre technique est née
des
« folles » spéculations de moines, de mages, de « mèges » et d’alchim
1900
llacieux, que l’opposition, naguère si populaire,
des
« deux cultures » — la scientifique et la métaphysique (ou littéraire
1901
te et de la machine à calculer est aussi l’auteur
des
Pensées. On l’a bien dit (en Amérique) : la tour d’ivoire peut être,
1902
de science pour les culturels : voilà qui définit
une
vraie révolution au troisième tiers du xxe siècle. Elle n’est pas id
1903
du xxe siècle. Elle n’est pas idéologique. C’est
une
opération de sauvetage de la Terre. Tout va vite aujourd’hui, on le s
1904
Tout va vite aujourd’hui, surtout la traduction d’
une
découverte scientifique en pollution universelle. On ne peut plus s’e
1905
our adapter, roder, domestiquer l’invention née d’
un
beau hasard spéculatif ou mécanique. Si nous voulons relever le grand
1906
grand défi du xxe siècle finissant, il faut que
des
générations nouvelles entrent dans la carrière de l’ingénieur, de l’u
1907
ver, comme les hippies, qu’il pourra s’opérer par
un
quelconque retour anarchisant à l’état prétechnique des sociétés huma
1908
elconque retour anarchisant à l’état prétechnique
des
sociétés humaines. Il s’agit au contraire de le calculer, avec autant
1909
soins et de précision qu’on ne le fit jamais pour
un
prix de revient ou une épreuve de résistance du matériel : à ce prix,
1910
qu’on ne le fit jamais pour un prix de revient ou
une
épreuve de résistance du matériel : à ce prix, l’imagination deviendr
1911
la Suisse (1972)ak al Je rentrais de l’espace.
Des
heures durant, je l’avais vue qui tournait lentement, merveilleuse, é
1912
e dans le noir éternel, et je l’avais aimée comme
une
femme qui vient, comme une patrie d’enfance qu’on retrouve. Aimée aux
1913
je l’avais aimée comme une femme qui vient, comme
une
patrie d’enfance qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’el
1914
aux larmes. Il n’y avait qu’elle au monde ! Puis
une
ombre innombrable vient à notre rencontre, nous entoure et nous englo
1915
Nous volons maintenant en orbite à la poursuite d’
une
aube de la Terre. Où allons-nous descendre, et sur quel continent, de
1916
descendre, et sur quel continent, de l’autre côté
des
nuages ? Un pays oblique apparaît, sombre encore dans le jour qui naî
1917
sur quel continent, de l’autre côté des nuages ?
Un
pays oblique apparaît, sombre encore dans le jour qui naît. Des cloch
1918
ue apparaît, sombre encore dans le jour qui naît.
Des
clochers et des tours s’éclairent, touchés par le soleil rasant. Ah !
1919
bre encore dans le jour qui naît. Des clochers et
des
tours s’éclairent, touchés par le soleil rasant. Ah ! ce ne peut être
1920
serts. Point de défis brutaux à la nature, plutôt
un
lent dialogue amical et confiant. Mais cette verdure largement irrigu
1921
t de très dense habitation, ce n’est pas l’Europe
des
confins dénudés et brûlés, rocailleux ou glaciaires. Devant nous s’ét
1922
ur de cette Europe la plus européenne. Même après
des
années d’absence cosmique, impossible de s’y tromper. Au carrefour de
1923
cosmique, impossible de s’y tromper. Au carrefour
des
grands axes nord-sud et est-ouest, je reconnais immédiatement la Suis
1924
titution) et quoi de commun ? Essayons de le voir
des
airs, tandis que nous descendons vers mon pays natal. Un certain écla
1925
, tandis que nous descendons vers mon pays natal.
Un
certain éclat, des couleurs, du vert d’abord. Souvenirs de réveils da
1926
descendons vers mon pays natal. Un certain éclat,
des
couleurs, du vert d’abord. Souvenirs de réveils dans un palace à Veve
1927
leurs, du vert d’abord. Souvenirs de réveils dans
un
palace à Vevey, Montreux ou Clarens, devant le lac et ses envols de m
1928
, devant le lac et ses envols de mouettes, devant
un
monde où les lointains sont devenus immatériels. Les Alpes du Valais
1929
pendent verticales et sans relief visible, comme
des
décors translucides. Mais tout ce qui est proche sur nos rives brille
1930
ais tout ce qui est proche sur nos rives brille d’
un
vif éclat humide, repeint à neuf pendant la nuit, luisant, lustré, re
1931
it, luisant, lustré, revêtu d’innocence. Ensuite,
un
air paysan : nos bourgs et même nos villes ont l’air « à la campagne
1932
pas du tout aux statistiques. La Suisse est l’une
des
régions de la Terre le plus intensément industrialisées, et la popula
1933
e anachronisme de la photographie : vue de l’air,
une
Suisse verte et paysanne survit à l’ère industrielle. Or, traversez c
1934
pôts, garages, silos. Ou parfois, dans le creux d’
un
val boisé, vous devinerez dissimulée sous les ramures une longue usin
1935
boisé, vous devinerez dissimulée sous les ramures
une
longue usine blanche et vitrée, là où jadis se fût abrité un couvent.
1936
sine blanche et vitrée, là où jadis se fût abrité
un
couvent. Seuls les arbres nous cachent encore la ville unique, sa pré
1937
mpe pas, à l’observer du ciel, c’est la structure
des
agglomérations : elle révèle la nature de la communauté civique et so
1938
e la nature de la communauté civique et sociale d’
un
pays. Survolez à basse altitude les gros villages et les petites vill
1939
llages et les petites villes du Plateau suisse ou
des
larges vallées alpestres des Grisons, du Tessin et du Valais, et vous
1940
du Plateau suisse ou des larges vallées alpestres
des
Grisons, du Tessin et du Valais, et vous découvrirez que leur plan s’
1941
rez que leur plan s’est développé soit à partir d’
un
château sur sa colline, soit autour d’une place principale. Quand le
1942
partir d’un château sur sa colline, soit autour d’
une
place principale. Quand le château forme le centre, il s’agit d’une c
1943
le. Quand le château forme le centre, il s’agit d’
une
cité féodale, et, quand c’est la place, d’une commune, au sens très v
1944
t d’une cité féodale, et, quand c’est la place, d’
une
commune, au sens très virulent que prit le mot de l’Ombrie au nord de
1945
ures se sont juxtaposées. Le mouvement libertaire
des
communes ayant pris le pouvoir dans certaines villes, le centre de la
1946
ù le seigneur tenait sa cour au bourg (ou borgho)
des
bourgeois, qui tiennent conseil sur la Place. Cette Place, qui défini
1947
s dans tous nos pays européens le rôle de l’agora
des
anciens Grecs et du forum de la Rome républicaine. Les principaux bât
1948
tant civile que religieuse, et l’humeur frondeuse
des
cafés où naissent les rumeurs politiques (où plus tard s’écriront les
1949
ère trouve ses ennemis mortels dans deux facteurs
des
plus déterminants de la société industrielle : l’accroissement anarch
1950
société industrielle : l’accroissement anarchique
des
villes, et les autos. Les grands ensembles qui n’aménagent pas leur p
1951
s leur propre centre de vie civique, c’est-à-dire
un
espace interdit aux voitures et qui assure les fonctions de l’agora,
1952
ures et qui assure les fonctions de l’agora, sont
des
anti-communautés, entassements de solitaires anxieux et mornes, citoy
1953
on d’être et les conditions mêmes de ses libertés
des
petites dimensions du pays, et surtout de ses communautés. Les sociol
1954
’hui sont en bonne voie de redécouvrir les vertus
des
groupements restreints, à l’heure où la Suisse est tentée de les oubl
1955
ment du xiiie siècle traversait les deux chaînes
des
Alpes à leur seul point d’intersection, et reliait ainsi d’un seul tr
1956
eur seul point d’intersection, et reliait ainsi d’
un
seul trait les deux moitiés du Saint-Empire. Les communes forestières
1957
es à l’Empire », c’est-à-dire libérées du pouvoir
des
seigneurs voisins, dont les Habsbourg étaient les plus gênants. La Su
1958
plus gênants. La Suisse est née du Gothard, cœur
des
Alpes et château d’eau de l’Europe médiane. Elle est née des communes
1959
t château d’eau de l’Europe médiane. Elle est née
des
communes rurales qui formaient la grand-garde du col. Et ce sont les
1960
t la grand-garde du col. Et ce sont les greffiers
des
villes lombardes, traversant le col à dos de mulet, qui vinrent appre
1961
aysages, en même temps que les conditions mêmes d’
une
participation des citoyens aux choses publiques. ak. Rougemont Den
1962
emps que les conditions mêmes d’une participation
des
citoyens aux choses publiques. ak. Rougemont Denis de, « Forteress
1963
jamais existé dans ce lieu. Tout ce qui touche à
un
centre et tout ce qui respire dans la grâce de son rayonnement, revêt
1964
i respire dans la grâce de son rayonnement, revêt
une
importance rapidement fabuleuse, et passionnelle. Il est difficile d’
1965
r), de la haine la plus injuste — ou l’adhésion d’
une
ferveur déconcertante. Je voudrais essayer, pour ma part, d’énumérer
1966
e : elle m’empêche de m’abandonner à l’euphorie d’
un
lyrisme contemplatif, ou de céder à cette espèce de bonne conscience
1967
eur de notre civilisation. Grâce à elles, l’homme
des
villes a retrouvé le contact avec la nature, et ce contact pour lui v
1968
révélé mortel pour la nature. C’est l’histoire d’
un
amour fatal : dès qu’un touriste découvre un endroit solitaire, la fo
1969
ature. C’est l’histoire d’un amour fatal : dès qu’
un
touriste découvre un endroit solitaire, la foule s’y jette et le supp
1970
re d’un amour fatal : dès qu’un touriste découvre
un
endroit solitaire, la foule s’y jette et le supprime. L’homme a besoi
1971
amours qu’ils partagent. Ce paysage sublime est
un
pays réel, peuplé de vignerons et d’artisans, de petits commerçants e
1972
ns, de petits commerçants et de riches retraités.
Un
pays a besoin de communications, routes, autobus et téléphone, et de
1973
s conditions de vie quantitatives. Sur quoi règne
une
lumière divine — une lumière neutre comme les dieux, qui ne sont de g
1974
uantitatives. Sur quoi règne une lumière divine —
une
lumière neutre comme les dieux, qui ne sont de gauche ni de droite, m
1975
i voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’
un
beau jour ils l’ont aimé. Or, ses habitants l’aiment aussi, mais ils
1976
centres du monde où les problèmes de la survie d’
un
lieu sublime se posent en des termes semblables. Ainsi, qu’est-ce que
1977
lèmes de la survie d’un lieu sublime se posent en
des
termes semblables. Ainsi, qu’est-ce que sauver Venise ? Non pas offri
1978
nsi, qu’est-ce que sauver Venise ? Non pas offrir
des
étages de palais sur le Grand Canal à des riches. Il faut d’abord que
1979
offrir des étages de palais sur le Grand Canal à
des
riches. Il faut d’abord que Venise soit peuplée, animée, habitée par
1980
bord que Venise soit peuplée, animée, habitée par
des
gens du pays. Et qu’ils y trouvent un intérêt vital, et non pas arché
1981
abitée par des gens du pays. Et qu’ils y trouvent
un
intérêt vital, et non pas archéologique. Pour sauver Venise, il faudr
1982
se rien de moins que la prédominance accordée par
un
peuple à la saveur de vivre sur le niveau de vie. Gens de Lavaux, vou
1983
ur le niveau de vie. Gens de Lavaux, vous habitez
un
pays ravissant et radieux. Mais vous ne le sauverez pas sans héroïsme
1984
ques fous associant leur foi poétique aux calculs
des
vrais réalistes — lesquels ne sont nullement ceux qui pensent court e
1985
urgent de faire l’Europe pour empêcher le retour
des
folies d’hier : deux guerres mondiales déclenchées par le choc de nos
1986
rer l’économie du continent. Et ce fut la période
des
organisations intergouvernementales : plan Marshall, OECE, Communauté
1987
la montée soudaine, à laquelle nous assistons, d’
une
urgence tout à fait différente, définie cette fois-ci en termes d’ave
1988
’avenir : savoir si l’an 2000 de l’Europe ouvrira
une
apocalypse du genre humain ou s’il présentera au monde le modèle d’un
1989
re humain ou s’il présentera au monde le modèle d’
une
civilisation post-industrielle équilibrée, voilà qui sera déterminé,
1990
rée, voilà qui sera déterminé, en bonne partie, d’
une
manière largement irréversible, par les mesures que nous prendrons dè
1991
parce que ces constructions vont rester là comme
des
crânes vides ou des pans de désert rongés pendant des siècles (il ser
1992
ructions vont rester là comme des crânes vides ou
des
pans de désert rongés pendant des siècles (il serait beaucoup trop ch
1993
crânes vides ou des pans de désert rongés pendant
des
siècles (il serait beaucoup trop cher de les raser, presque impossibl
1994
uvert par la marée montante du béton, il faudrait
des
millions d’années. Ce que nous faisons aujourd’hui engage ou comprome
1995
— mais aussi peut favoriser, si c’est bien fait —
des
aspects décisifs de l’an 2000, et cela non seulement dans le monde ph
1996
s, et qui sont les élèves de nos écoles, soit par
une
commission américaine (selon la prévision de Valéry)12, soit par des
1997
icaine (selon la prévision de Valéry)12, soit par
des
commissaires soviétiques, ou par quelque combinaison des deux. Si l’E
1998
missaires soviétiques, ou par quelque combinaison
des
deux. Si l’Europe est gérée par les Européens, c’est qu’elle aura réu
1999
ent elle ne pourra rien à opposer aux entreprises
des
deux impérialismes, l’économique et l’idéologique. Mais pour qu’elle
2000
eunes Européens soient élevés dès maintenant dans
un
climat mental, psychologique et affectif qui prépare cette union, qui
2001
lupart de nos pays, vers les années 1880, prépare
des
nationalistes. Elle présente l’État-nation de modèle napoléonien cent
2002
ire que cet État-nation a toujours existé, telles
une
Idée platonicienne ou une Essence métaphysique. Ainsi des neuf nation
2003
toujours existé, telles une Idée platonicienne ou
une
Essence métaphysique. Ainsi des neuf nations (ou fragments de nations
2004
platonicienne ou une Essence métaphysique. Ainsi
des
neuf nations (ou fragments de nations) qui forment la France actuelle
2005
sse d’enseigner que la souveraineté nationale est
un
absolu religieux, le seul que l’on vénère encore et que les Pouvoirs
2006
i l’on n’achève pas dans les années qui viennent,
une
véritable mutation de l’enseignement. Car nos États sont gouvernés au
2007
en partie sur cette définition. Comment expliquer
une
erreur de « grandeur » aussi manifeste ? (On sait que l’Oural, chaîne
2008
e problème. Ils ont trouvé que la grande majorité
des
manuels d’histoire et de géographie des années 1900 à 1914, définissa
2009
majorité des manuels d’histoire et de géographie
des
années 1900 à 1914, définissaient précisément l’Europe comme allant «
2010
on plus de petits nationalistes, sujets passifs d’
un
État sans visage, et rouages d’une société mécanisée, mais bien des c
2011
ujets passifs d’un État sans visage, et rouages d’
une
société mécanisée, mais bien des citoyens actifs et responsables de l
2012
ge, et rouages d’une société mécanisée, mais bien
des
citoyens actifs et responsables de leurs appartenances multiples mais
2013
emps de 1961, nous arrêtions les grandes lignes d’
un
programme aussi simple qu’ambitieux : faire l’Europe en formant aujou
2014
leur civilisation. Mais comment devenir citoyen d’
un
pays qui n’en est pas un, puisqu’il n’a pas encore de politique commu
2015
omment devenir citoyen d’un pays qui n’en est pas
un
, puisqu’il n’a pas encore de politique commune et d’organes gouvernem
2016
européens. Mais point de citoyens européens, sans
une
Europe politiquement constituée… Le moyen pratique pour sortir de ce
2017
on de chaque Européen : l’École ? Or l’École fait
des
citoyens pour ce qu’on veut, et trop souvent, pour ce que l’État lui
2018
ce que l’État lui demande. Longtemps elle a fait
des
citoyens pour la nation seulement. Nous avons payé cela par les deux
2019
ondiales. Pourquoi ne ferait-elle pas dorénavant,
des
citoyens pour une Europe unie, équilibrée, et pour une nouvelle socié
2020
ne ferait-elle pas dorénavant, des citoyens pour
une
Europe unie, équilibrée, et pour une nouvelle société, condition de l
2021
itoyens pour une Europe unie, équilibrée, et pour
une
nouvelle société, condition de la paix mondiale ? Commencer l’action
2022
la paix mondiale ? Commencer l’action en faveur d’
un
civisme européen par l’École, et avec l’aide des enseignants, non pas
2023
d’un civisme européen par l’École, et avec l’aide
des
enseignants, non pas en ajoutant à des programmes déjà trop chargés d
2024
vec l’aide des enseignants, non pas en ajoutant à
des
programmes déjà trop chargés des heures sur l’Europe, mais en introdu
2025
as en ajoutant à des programmes déjà trop chargés
des
heures sur l’Europe, mais en introduisant dans les leçons d’histoire,
2026
omie, de langues, d’art et d’instruction civique,
un
angle de vision européen : telle a été dès l’origine l’idée directric
2027
e démultiplication, atteindraient en peu d’années
une
proportion très importante des élèves de tous nos pays. Premiers r
2028
nt en peu d’années une proportion très importante
des
élèves de tous nos pays. Premiers résultats Comment mesurer et
2029
s Comment mesurer et certifier les résultats d’
une
action éducative ? Ils sont par nature diffus, et visent à la fois le
2030
nature diffus, et visent à la fois le court terme
des
examens, le moyen terme de la préparation professionnelle, et le long
2031
dire ont orienté leur enseignement dans le sens d’
un
civisme européen. Mais on peut citer quelques chiffres : — 33 stages
2032
de 6 bulletins du Centre européen de la culture.
Une
édition anglaise paraît depuis 1971. Des éditions allemande néerlanda
2033
culture. Une édition anglaise paraît depuis 1971.
Des
éditions allemande néerlandaise, italienne, suivront. D’autre part, o
2034
manuels : — après le stage de Bruxelles, en 1963,
des
sessions nationales de formation pour enseignants sont organisées par
2035
rlande, à la suite du stage de Malahide, en 1965,
un
programme national d’éducation civique est élaboré dans une optique e
2036
mme national d’éducation civique est élaboré dans
une
optique européenne ; — après le séminaire de Bruges, en 1968, sur les
2037
e Bruges, en 1968, sur les stéréotypes nationaux,
un
centre de recherches est créé à l’Université de Gand, pour l’examen d
2038
es est créé à l’Université de Gand, pour l’examen
des
manuels et les contacts avec auteurs et éditeurs ; — de nombreux manu
2039
de nombreux manuels d’histoire incluent désormais
un
chapitre final sur l’union de l’Europe14 ; — d’une manière générale,
2040
un chapitre final sur l’union de l’Europe14 ; — d’
une
manière générale, la plupart des programmes admettent ou favorisent d
2041
istoire et de la géographie. Tout cela représente
une
somme d’efforts d’autant plus grande, voire excessive pour notre peti
2042
érialiste. Tout cela reste insignifiant au regard
des
dimensions et de l’urgence des tâches qui incombent à l’École, si l’o
2043
gnifiant au regard des dimensions et de l’urgence
des
tâches qui incombent à l’École, si l’on veut réellement construire l’
2044
épercuté sur leurs collègues et leurs élèves avec
une
efficacité totale, ce serait encore dérisoirement insuffisant pour pa
2045
re dérisoirement insuffisant pour passer le seuil
des
résistances routinières et des réflexes stato-nationalistes ; pour at
2046
ur passer le seuil des résistances routinières et
des
réflexes stato-nationalistes ; pour atteindre la masse critique indis
2047
qui feront l’Europe, n’ont-ils pas prouvé depuis
des
siècles qu’ils étaient là pour l’empêcher de se faire ? Ce ne sont pa
2048
urope — s’il est vrai qu’elles y contribuent avec
une
indéniable compétence dans leurs domaines. C’est l’École et ce sont l
2049
fficace. Pédagogie écologique, ou de l’utilité
des
catastrophes On nous dit que les esprits ne sont pas mûrs pour l’u
2050
dit que les esprits ne sont pas mûrs pour l’union
des
Européens. Quand le seront-ils jamais sans la préparation que, dans l
2051
amais sans la préparation que, dans l’état actuel
des
choses, l’École seule est en mesure de leur donner ? Jusqu’ici, elle
2052
hommes libres, citoyens de l’Europe et du monde :
des
producteurs — consommateurs disciplinés et des nationalistes bornés d
2053
: des producteurs — consommateurs disciplinés et
des
nationalistes bornés dans leurs frontières (où même les fleuves s’arr
2054
t les plus myopes à secouer leur torpeur, à faire
des
choix, à décider une politique de l’homme : — veut-on la Puissance à
2055
ecouer leur torpeur, à faire des choix, à décider
une
politique de l’homme : — veut-on la Puissance à tout prix (celle de l
2056
on, s’entend), la Croissance à tout prix (du PNB,
des
salaires et des dividendes), et alors on se rue aux catastrophes calc
2057
a Croissance à tout prix (du PNB, des salaires et
des
dividendes), et alors on se rue aux catastrophes calculées en détail
2058
ie de l’homme. L’écologie, qui est art et science
des
équilibres biologiques et dynamiques, va désormais déterminer nos cho
2059
ns de stratégie de l’humanité. Qu’il me suffise d’
une
phrase-image pour résumer toute la révolution que nous appelons, qui
2060
e, mais du Monde : Le civisme commence au respect
des
forêts. 12. « L’Europe aspire visiblement à être gouvernée par une
2061
L’Europe aspire visiblement à être gouvernée par
une
commission américaine », Regards sur le monde actuel, 1945. 13. « Na
2062
Autopsie d’
un
cas : Denis de Rougemont (15 mars 1972)ao ap Qui est Denis de Roug
2063
ent, j’ai publié L’Amour et l’Occident au début
des
années 1939, mais ce n’était pas tombé du ciel. Je m’occupais de ques
2064
à Paris et que j’ai tout de suite collaboré avec
des
groupes de jeunes écrivains, sociologues, économistes, politologues,
2065
e troisième voie, qui était celle de la personne,
des
personnes se manifestant dans des communautés. Nous opposions au dile
2066
de la personne, des personnes se manifestant dans
des
communautés. Nous opposions au dilemme individu isolé et irresponsabl
2067
ble/collectivité où tout le monde est réuni comme
des
grains de poussière dans le ciment — c’est avec la poussière des indi
2068
oussière dans le ciment — c’est avec la poussière
des
individus que l’État fait son ciment — le couple personne/communauté,
2069
idu et la personne. Sur cette base, nous faisions
une
traduction immédiate sur le plan politique de ce personnalisme en féd
2070
de ce personnalisme en fédéralisme. C’est-à-dire
une
union librement consentie de petits groupes, de communes ou d’entrepr
2071
gions ? Absolument. Nous parlions de régions dans
un
sens opposé à celui des régionalistes réactionnaires ou nationalistes
2072
s parlions de régions dans un sens opposé à celui
des
régionalistes réactionnaires ou nationalistes locaux. Pour nous, la r
2073
nationalistes locaux. Pour nous, la région était
un
des degrés de communauté dans lequel la personne peut s’enraciner mai
2074
tionalistes locaux. Pour nous, la région était un
des
degrés de communauté dans lequel la personne peut s’enraciner mais qu
2075
vers de plus grandes communautés, jusqu’à former
une
communauté européenne, une fédération européenne qui, ensuite, aurait
2076
nautés, jusqu’à former une communauté européenne,
une
fédération européenne qui, ensuite, aurait pu se fédérer avec d’autre
2077
ec d’autres fédérations continentales pour former
une
fédération mondiale. Enfin, ce qui nous importait, c’était la créatio
2078
sonnalisme, nous en sommes venus, les uns à faire
des
études plus spécialement économiques, d’autres sociologiques. Moi, je
2079
nomiques, d’autres sociologiques. Moi, je faisais
des
études qui étaient plus portées vers une sociologie de la culture ou
2080
faisais des études qui étaient plus portées vers
une
sociologie de la culture ou de la morale. C’est ainsi que j’ai écrit
2081
lture ou de la morale. C’est ainsi que j’ai écrit
un
de mes premiers livres. Il est intitulé : Penser avec les mains 15
2082
le premier livre sur l’engagement de l’écrivain.
Un
terme dont vous êtes le père ? On ne sait pas exactement qui l’a dit
2083
lé : Politique de la personne et qui réunissait
des
textes écrits au début des années 1930, il y a un premier chapitre qu
2084
nne et qui réunissait des textes écrits au début
des
années 1930, il y a un premier chapitre qui s’appelle : « L’engagemen
2085
clerc qui s’engage ». Et l’ensemble du livre est
un
appel à l’engagement des écrivains. Mais pas à l’embrigadement dans u
2086
t l’ensemble du livre est un appel à l’engagement
des
écrivains. Mais pas à l’embrigadement dans un parti. Il s’agissait d’
2087
nt des écrivains. Mais pas à l’embrigadement dans
un
parti. Il s’agissait d’assumer sa responsabilité, ce qui est exacteme
2088
part, le mariage. J’ai étudié cette question par
une
espèce de symétrie entre les deux grands mythes qui tourmentent et an
2089
les Européens sur le plan de l’amour : Tristan, d’
un
côté ; Don Juan, de l’autre. Tous deux adversaires du mariage. Trista
2090
age. Tristan, parce qu’il dépasse le mariage vers
un
au-delà où il n’a plus besoin de la société et du monde. Il a tout da
2091
besoin de la société et du monde. Il a tout dans
une
femme, il se sépare du monde et il meurt, joyeusement. Puis, en deçà
2092
e ? Non. Elles sont absolument simultanées. C’est
une
partie de la notion de la personne. Si vous voulez, c’est simplement
2093
de la personne. Si vous voulez, c’est simplement
une
application de mes doctrines de la personne au domaine de l’amour et
2094
i-chemin entre ces deux mythes mais en en faisant
une
synthèse positive : l’engagement d’un homme et d’une femme qui ont ch
2095
en faisant une synthèse positive : l’engagement d’
un
homme et d’une femme qui ont chacun leurs lois, à certains égards ant
2096
synthèse positive : l’engagement d’un homme et d’
une
femme qui ont chacun leurs lois, à certains égards antinomiques, qui
2097
oivent vivre ensemble, qui doivent unir cela dans
une
création permanente et quotidienne. Et chacun des deux devient person
2098
une création permanente et quotidienne. Et chacun
des
deux devient personne dans la mesure où il agit librement, en pleine
2099
bilité vis-à-vis de l’autre. Toujours cette union
des
antinomies ou les maintenir en tension. Alors, j’ai poussé plus loin.
2100
se par la mobilisation — j’étais officier, chargé
des
relations entre l’état-major, les troupes et le public — j’ai été ame
2101
Suisse, le fédéralisme de votre pays semble être
une
découverte ? J’y pensais depuis longtemps mais je ne savais pas à que
2102
Puis, j’ai été envoyé aux États-Unis pour y faire
des
conférences sur le fédéralisme et sur la Suisse. Mais aussi pour y fa
2103
e et sur la Suisse. Mais aussi pour y faire jouer
une
pièce que j’avais écrite pour l’Exposition nationale de 1939 et qui a
2104
musique par Arthur Honegger. Nous en avions tiré
un
oratorio16. La guerre m’a surpris là-bas et j’y suis resté six ans. J
2105
qui vivaient à New York pendant la guerre étaient
des
gens extraordinairement différents et qui ne se seraient peut-être ja
2106
is devenu ami d’André Breton et de tout le groupe
des
peintres surréalistes. Breton me voyait tous les jours, parce qu’il é
2107
reton me voyait tous les jours, parce qu’il était
un
des parleurs des textes que j’écrivais pour la voix de l’Amérique par
2108
on me voyait tous les jours, parce qu’il était un
des
parleurs des textes que j’écrivais pour la voix de l’Amérique parle a
2109
tous les jours, parce qu’il était un des parleurs
des
textes que j’écrivais pour la voix de l’Amérique parle aux Français.
2110
is. Ainsi, à ma manière, bien que ressortissant d’
un
pays neutre, j’ai pu faire la guerre, ne fût-ce que sur les ondes, en
2111
guerre, ne fût-ce que sur les ondes, en écrivant
des
textes d’émissions. Je suis donc rentré des États-Unis en 1947, en me
2112
ivant des textes d’émissions. Je suis donc rentré
des
États-Unis en 1947, en me disant ; je suis l’auteur de la doctrine de
2113
responsable et que l’homme doit s’engager. Alors,
un
jour, je lui ai dit : « J’espère que vous savez où vous avez pris cel
2114
ec l’État-nation. Il fallait donc unir l’Europe d’
une
manière fédéraliste, c’est-à-dire en appliquant notre doctrine, en pa
2115
t-à-dire en appliquant notre doctrine, en partant
des
communes, des entreprises, des régions. C’est-à-dire de la base et en
2116
pliquant notre doctrine, en partant des communes,
des
entreprises, des régions. C’est-à-dire de la base et en remontant de
2117
ctrine, en partant des communes, des entreprises,
des
régions. C’est-à-dire de la base et en remontant de plus en plus, à m
2118
me est basé, notamment, sur la loi de l’extension
des
tâches. Il faut partir des réalités locales et régionales et monter,
2119
la loi de l’extension des tâches. Il faut partir
des
réalités locales et régionales et monter, d’après les dimensions des
2120
s et régionales et monter, d’après les dimensions
des
tâches, vers des communautés de plus en plus grandes qui sont capable
2121
t monter, d’après les dimensions des tâches, vers
des
communautés de plus en plus grandes qui sont capables de résoudre ces
2122
ches qui sont trop vastes pour être réalisées par
une
commune, doivent l’être par une région. Les tâches trop grandes pour
2123
tre réalisées par une commune, doivent l’être par
une
région. Les tâches trop grandes pour une région doivent être assumées
2124
être par une région. Les tâches trop grandes pour
une
région doivent être assumées par une fédération. En fait, vous voulie
2125
grandes pour une région doivent être assumées par
une
fédération. En fait, vous vouliez exporter le système suisse ? Et l’é
2126
bien avant les cantons — on ne commence à parler
des
cantons qu’aux xviiie et xixe siècles — constituent la base de la S
2127
il y a 54 types de combinaisons existantes. Bref,
une
diversité considérable qui aboutit à quelque chose de créateur. Et ce
2128
onserve et qu’on tâche d’équilibrer aboutissent à
une
très grande vitalité civique. Mais, voilà où les choses se compliquen
2129
il est impossible de réaliser le fédéralisme dans
un
seul pays. La Suisse ne peut pas rester un régime réellement fédérali
2130
e dans un seul pays. La Suisse ne peut pas rester
un
régime réellement fédéraliste si elle est seule, si elle est entourée
2131
res. Elle sera forcée de se présenter à eux comme
un
État unitaire et de se centraliser de plus en plus à cause de l’accro
2132
aliser de plus en plus à cause de l’accroissement
des
tâches qui résultent de l’évolution moderne. Vous vous êtes battu po
2133
e L’Ordre nouveau . Ils m’ont convaincu d’aller,
un
mois plus tard, parler au premier congrès de l’Union européenne des f
2134
, parler au premier congrès de l’Union européenne
des
fédéralistes qui avait lieu à Montreux. J’y ai prononcé le discours d
2135
iste. Il est résulté de cette réunion de Montreux
un
projet de congrès qui devait se tenir avec d’autres groupements qui n
2136
en 1948, sous la présidence de Churchill. Ce fut
un
très grand congrès qui, au fond, a tout créé. C’est le grand démarrag
2137
Européens » qui demandait notamment la création d’
un
véritable Conseil de l’Europe, issu des « forces vives de toutes les
2138
création d’un véritable Conseil de l’Europe, issu
des
« forces vives de toutes les nations ». Et là, nous avons été frustré
2139
s voulions, n’était pas du tout la représentation
des
« forces vives de nos nations ». Il était uniquement formé de délégué
2140
nations ». Il était uniquement formé de délégués
des
parlements et était purement consultatif. Si bien que le Comité des m
2141
était purement consultatif. Si bien que le Comité
des
ministres avait la haute main sur le Parlement, paralysant ainsi comp
2142
tement cette machine. Donc, l’État-nation gardait
une
très grande importance ? Exactement. Or, nous autres, fédéralistes, n
2143
autres, fédéralistes, nous pensions pouvoir faire
un
bout de chemin avec des gens comme Churchill et utiliser son énorme p
2144
ous pensions pouvoir faire un bout de chemin avec
des
gens comme Churchill et utiliser son énorme popularité pour lancer l’
2145
is dire, été « refaits ». Parce que loin de faire
une
fédération, les gouvernements se sont entendus pour faire le moins po
2146
ur faire le moins possible en restant sur le plan
des
États-nations. C’est ce que j’attaque maintenant à boulets rouges. Co
2147
llence à toute union qu’est l’État-nation ? C’est
une
tâche absolument impossible que se sont assignée les États. Selon vou
2148
les États. Selon vous, l’Europe actuelle n’est qu’
une
juxtaposition d’États ? Moi, j’appelle cela l’amicale des misanthrope
2149
aposition d’États ? Moi, j’appelle cela l’amicale
des
misanthropes. Ou bien, il y a une amicale et les membres de l’amicale
2150
cela l’amicale des misanthropes. Ou bien, il y a
une
amicale et les membres de l’amicale ne sont plus des misanthropes ; o
2151
amicale et les membres de l’amicale ne sont plus
des
misanthropes ; ou bien, ils restent des misanthropes et, par définiti
2152
sont plus des misanthropes ; ou bien, ils restent
des
misanthropes et, par définition, ne feront jamais d’amicale. C’est ex
2153
cas de crise, conseiller aux voisins d’appliquer
des
mesures raisonnables et ne pas les appliquer eux-mêmes et profiter de
2154
quer eux-mêmes et profiter de la crise pour faire
des
bénéfices aux dépens de leurs voisins. Voilà ce qu’on a vu dans la cr
2155
e récente et ce qu’on verra chaque fois qu’il y a
une
crise économique. Ça, c’est la morale qui domine l’Europe des nations
2156
onomique. Ça, c’est la morale qui domine l’Europe
des
nations. Vous êtes déçu ? Non. Je ne suis pas déçu. Je n’y ai jamais
2157
s antinomiques, et qui doivent vivre ensemble sur
un
pied d’égalité, avec toutes les différences possibles, chacun étant c
2158
oute fédération est l’art de faire vivre ensemble
des
êtres apparemment antinomiques ; c’est l’art d’allier, par exemple, l
2159
r, par exemple, l’union et la diversité. De créer
des
unions pour sauvegarder les autonomies. Voilà ce que j’ai découvert d
2160
il fait ? La Suisse ne s’est pas faite pour créer
une
union plus forte que les voisins. Elle s’est fait uniquement pour mai
2161
est fait uniquement pour maintenir les autonomies
des
parties constituantes : c’est donc une formule diamétralement opposée
2162
autonomies des parties constituantes : c’est donc
une
formule diamétralement opposée à celle de l’unification d’un État pou
2163
diamétralement opposée à celle de l’unification d’
un
État pour créer une puissance. En fin de compte, la force créée par l
2164
sée à celle de l’unification d’un État pour créer
une
puissance. En fin de compte, la force créée par l’union des Suisses d
2165
nce. En fin de compte, la force créée par l’union
des
Suisses devait être juste suffisante pour sauvegarder les différences
2166
rder les différences et les autonomies de chacune
des
communes, de chacun des groupes de communes, de chacun des cantons. V
2167
les autonomies de chacune des communes, de chacun
des
groupes de communes, de chacun des cantons. Voilà le système que je v
2168
nes, de chacun des groupes de communes, de chacun
des
cantons. Voilà le système que je voudrais étendre de proche en proche
2169
che en proche à toute l’Europe, en suivant la loi
des
dimensions des tâches. Comment peut-on définir une région ? Les régio
2170
toute l’Europe, en suivant la loi des dimensions
des
tâches. Comment peut-on définir une région ? Les régions sont définie
2171
es dimensions des tâches. Comment peut-on définir
une
région ? Les régions sont définies par des problèmes qui sont extrême
2172
éfinir une région ? Les régions sont définies par
des
problèmes qui sont extrêmement divers. Il y a en Europe une quantité
2173
mes qui sont extrêmement divers. Il y a en Europe
une
quantité de régions qui sont définies par des problèmes. Il y a, par
2174
ope une quantité de régions qui sont définies par
des
problèmes. Il y a, par exemple, une cinquantaine de régions écologiqu
2175
définies par des problèmes. Il y a, par exemple,
une
cinquantaine de régions écologiques bien définies. Il faudrait donc,
2176
autorités écologiques de chacune de ces régions,
une
autorité, une agence fédérale européenne de l’écologie. Qui peut être
2177
logiques de chacune de ces régions, une autorité,
une
agence fédérale européenne de l’écologie. Qui peut être placée n’impo
2178
ogie. Qui peut être placée n’importe où et donner
des
directives. En économie, vous avez déjà un exemple existant d’une de
2179
onner des directives. En économie, vous avez déjà
un
exemple existant d’une de ces agences fédérales européennes : le Marc
2180
En économie, vous avez déjà un exemple existant d’
une
de ces agences fédérales européennes : le Marché commun, à condition
2181
ellement économiques. À côté de cela, il y aurait
une
agence des transports, une agence de l’énergie, une agence de la défe
2182
onomiques. À côté de cela, il y aurait une agence
des
transports, une agence de l’énergie, une agence de la défense, des re
2183
é de cela, il y aurait une agence des transports,
une
agence de l’énergie, une agence de la défense, des recherches scienti
2184
e agence des transports, une agence de l’énergie,
une
agence de la défense, des recherches scientifiques et de l’université
2185
ne agence de l’énergie, une agence de la défense,
des
recherches scientifiques et de l’université. Prenons un exemple. Vous
2186
herches scientifiques et de l’université. Prenons
un
exemple. Vous avez, autour de Genève, une région de 25 km de rayon. C
2187
Prenons un exemple. Vous avez, autour de Genève,
une
région de 25 km de rayon. C’est une région de main-d’œuvre. Puis vous
2188
ur de Genève, une région de 25 km de rayon. C’est
une
région de main-d’œuvre. Puis vous avez une région écologique qui est
2189
C’est une région de main-d’œuvre. Puis vous avez
une
région écologique qui est beaucoup plus vaste puisqu’elle va jusqu’au
2190
rtains égards jusqu’à Marseille. Il y a également
une
région économique ou d’investissements. Cette région va jusqu’à Greno
2191
ents. Cette région va jusqu’à Grenoble et englobe
une
partie de la Suisse romande et une partie de la Franche-Comté. Il y a
2192
ble et englobe une partie de la Suisse romande et
une
partie de la Franche-Comté. Il y a aussi une région d’éducation et d’
2193
e et une partie de la Franche-Comté. Il y a aussi
une
région d’éducation et d’universités qui englobe une quinzaine d’unive
2194
e région d’éducation et d’universités qui englobe
une
quinzaine d’universités entre Neuchâtel, Saint-Étienne, Aoste (en Ita
2195
dante. Bien entendu, sans absolument tenir compte
des
frontières actuelles autrement que pour des questions d’état civil. N
2196
ompte des frontières actuelles autrement que pour
des
questions d’état civil. N’est-ce pas une utopie ? L’utopie, ce n’est
2197
que pour des questions d’état civil. N’est-ce pas
une
utopie ? L’utopie, ce n’est pas de vouloir définir les régions d’aprè
2198
siècle, on a voulu imposer les mêmes frontières à
des
réalités qui n’ont rien à voir ensemble comme la langue, le sous-sol,
2199
s disent que mon modèle est folie pure. Que c’est
une
complication ce que je veux faire. Alors, voici mon exemple personnel
2200
Je suis né à Neuchâtel qui, jusqu’en 1848, a été
une
principauté dont le prince était le roi de Prusse mais qui se gouvern
2201
tait le roi de Prusse mais qui se gouvernait avec
des
familles du lieu, dont la mienne. Ce canton, différent des autres, es
2202
les du lieu, dont la mienne. Ce canton, différent
des
autres, est entré dans la Confédération. Donc, un citoyen de cette an
2203
es autres, est entré dans la Confédération. Donc,
un
citoyen de cette ancienne principauté est automatiquement Suisse. La
2204
c, je fais partie de l’ensemble francophone qui a
des
limites tout à fait différentes du canton et de la Suisse puisqu’il e
2205
entes du canton et de la Suisse puisqu’il englobe
un
tiers de la Suisse, deux tiers de la France, une partie de la Belgiqu
2206
e un tiers de la Suisse, deux tiers de la France,
une
partie de la Belgique, un petit bout de l’Italie. Cet ensemble ne cor
2207
ux tiers de la France, une partie de la Belgique,
un
petit bout de l’Italie. Cet ensemble ne correspond à aucun de nos Éta
2208
actuels. D’autre part, je suis protestant. Voilà
un
autre ensemble auquel je me rattache qui ne correspond ni à l’ensembl
2209
linguistique, ni politique, ni économique mais à
un
ensemble mondial qui recouvre deux petites parties de la France, la m
2210
tié de la Suisse, etc. Je fais également partie d’
un
certain nombre de sociétés. Je paie des impôts à une dizaine de sourc
2211
t partie d’un certain nombre de sociétés. Je paie
des
impôts à une dizaine de sources différentes. Donc, rien n’est plus si
2212
certain nombre de sociétés. Je paie des impôts à
une
dizaine de sources différentes. Donc, rien n’est plus simple. Au fond
2213
d, nous vivons dans ce que j’appelle la pluralité
des
allégeances. L’utopie, c’est vouloir que toutes mes allégeances soien
2214
ir que toutes mes allégeances soient limitées par
une
même frontière. C’est ce qu’ont voulu tous les créateurs d’États tota
2215
tes. Pourquoi ? Pour pouvoir mobiliser rapidement
un
peuple. Pour pouvoir faire la guerre, qui est la raison fondamentale,
2216
guerre, qui est la raison fondamentale, génétique
des
États-nations. Malheureusement, beaucoup de gens conçoivent avec pein
2217
aut faire l’Europe ; sinon, nous serons colonisés
un
peu plus que nous ne le sommes par l’économie américaine et nous risq
2218
On la retrouve chez Héraclite, dans la théologie
des
premiers conciles et notamment dans la définition de la personne du C
2219
pour définir le couple et définir la coexistence
des
autonomies locales. Voilà au nom de quelle pensée nous arriverons à f
2220
ons à faire l’Europe. Le sentiment religieux joue
un
très grand rôle dans vos activités ? Ma formation protestante m’a per
2221
uther et Calvin. Je garde aussi du protestantisme
un
certain sens civique qui est très développé dans les pays calvinistes
2222
i fait cette observation bien avant 1939 : il y a
des
régimes totalitaires qui correspondent aux pays catholiques : Italie.
2223
vous n’avez jamais eu de régime totalitaire dans
un
pays protestant. C’est assez frappant. Cela doit tenir à quelque chos
2224
e, justement à ce sens de la personne définie par
une
vocation unique. Chaque homme a sa vocation propre, c’est-à-dire qu’i
2225
c’est-à-dire qu’il part de là où il est, qui est
un
endroit unique au monde et doit créer son chemin vers Dieu, vers l’un
2226
mentalement protestant. À part cela, je suis pour
un
christianisme œcuménique dépassant définitivement les confessions que
2227
ns que j’estime valables dans la mesure où il y a
des
tempéraments religieux différents. Il y a donc un rapport étroit entr
2228
es tempéraments religieux différents. Il y a donc
un
rapport étroit entre fédéralisme et œcuménisme ? L’œcuménisme, pour m
2229
s’agit pas d’uniformiser tout le monde et de voir
une
seule croyance imposée à tout le monde. Vous avez parlé d’écologie et
2230
monde. Vous avez parlé d’écologie et vous donnez
une
conférence17 sur ce thème à Bruxelles. Pourquoi cet intérêt vis-à-vis
2231
de l’écologie ? Dans cette conférence, j’explique
une
chose qui me tient fort à cœur depuis quelques années : j’ai découver
2232
son avenir. Jusqu’à présent, elle se développait
un
peu au hasard ; on pensait qu’il y avait des ressources naturelles, d
2233
ppait un peu au hasard ; on pensait qu’il y avait
des
ressources naturelles, de la place, de l’eau, de l’air pour tout le m
2234
t pas en Dieu en disant cela. Aujourd’hui, depuis
une
dizaine d’années pour ceux qui avaient l’œil ouvert, depuis trois ou
2235
qu’il n’en est rien. Et que nous touchons partout
des
limites. Les ressources naturelles ne sont pas infinies. Certains cal
2236
le monde parle, heureusement, nous oblige à avoir
une
politique. C’est-à-dire avoir des finalités pour l’existence et régle
2237
oblige à avoir une politique. C’est-à-dire avoir
des
finalités pour l’existence et régler les moyens sur ces finalités. Or
2238
ation quantitative, mesurable. Il y a aujourd’hui
un
sérieux coup d’arrêt qui nous oblige à choisir nos finalités. Voilà p
2239
oulons-nous la puissance collective, la puissance
des
États ou voulons-nous la liberté des personnes ? Suivant le choix que
2240
la puissance des États ou voulons-nous la liberté
des
personnes ? Suivant le choix que chacun doit faire librement, tout le
2241
Si nous choisissons la liberté, l’épanouissement
des
personnes, alors nous choisissons un certain état d’équilibre. Par ai
2242
nouissement des personnes, alors nous choisissons
un
certain état d’équilibre. Par ailleurs, nous sommes forcés de renonce
2243
et aux soi-disant économies nationales qui posent
des
tas de problèmes radicalement faux. Pourquoi y aurait-il une économi
2244
problèmes radicalement faux. Pourquoi y aurait-il
une
économie qui correspondrait à la Belgique, une autre au Luxembourg e
2245
l une économie qui correspondrait à la Belgique,
une
autre au Luxembourg et une autre aux États-Unis ? Par quel miracle ce
2246
ondrait à la Belgique, une autre au Luxembourg et
une
autre aux États-Unis ? Par quel miracle ces frontières, qui sont « de
2247
nis ? Par quel miracle ces frontières, qui sont «
des
cicatrices de l’histoire », correspondraient-elles à des ensembles éc
2248
atrices de l’histoire », correspondraient-elles à
des
ensembles économiques ? C’est une idiotie ! C’est indéfendable. Et to
2249
draient-elles à des ensembles économiques ? C’est
une
idiotie ! C’est indéfendable. Et tous nos ministres travaillent sur c
2250
ues ? Je les trouve funestes. En tant qu’ils sont
des
représentants des partis ou des États-nations, ils ne sont pas des ho
2251
e funestes. En tant qu’ils sont des représentants
des
partis ou des États-nations, ils ne sont pas des hommes politiques, i
2252
tant qu’ils sont des représentants des partis ou
des
États-nations, ils ne sont pas des hommes politiques, ils sont des pa
2253
des partis ou des États-nations, ils ne sont pas
des
hommes politiques, ils sont des partisans ou des nationalistes. Mais
2254
, ils ne sont pas des hommes politiques, ils sont
des
partisans ou des nationalistes. Mais j’ai le plus grand respect pour
2255
des hommes politiques, ils sont des partisans ou
des
nationalistes. Mais j’ai le plus grand respect pour des hommes qui on
2256
tionalistes. Mais j’ai le plus grand respect pour
des
hommes qui ont une vision politique du développement de l’humanité. J
2257
’ai le plus grand respect pour des hommes qui ont
une
vision politique du développement de l’humanité. Jean Monnet, par exe
2258
oblèmes écologiques actuels ? Oui. Parce que dans
une
fédération formée de régions, il y aurait des régions écologiques où
2259
ans une fédération formée de régions, il y aurait
des
régions écologiques où les problèmes seraient bien connus, bien cerné
2260
e n’est pas possible avec le système de découpage
des
États-nations, complètement arbitraire, fait au hasard des traités et
2261
-nations, complètement arbitraire, fait au hasard
des
traités et des campagnes. Et au hasard de l’ignorance totale de ceux
2262
ètement arbitraire, fait au hasard des traités et
des
campagnes. Et au hasard de l’ignorance totale de ceux qui ont fait le
2263
urd’hui encore délimitent les régions, à partir d’
un
bureau dans la capitale, sans aucune consultation locale. 15. Cet o
2264
ao. Rougemont Denis de, « [Entretien] Autopsie d’
un
cas : Denis de Rougemont », Spécial, Bruxelles, 15 mars 1972, p. 52-5
2265
e Genève-Cointrin. La frontière, le village, puis
une
très longue allée bordée de peupliers qui descend du château où Volta
2266
eau où Voltaire a vécu pendant plus de vingt ans.
Un
portail vert. Qu’on ouvre et qu’on referme précipitamment, dès les pr
2267
ipitamment, dès les premiers aboiements de Furax,
un
berger allemand immense et inoffensif. Le maître de la maison, Denis
2268
ouvement personnaliste dès sa fondation, auteur d’
une
trentaine d’ouvrages traduits en seize langues dont L’Amour et l’Occ
2269
otestant Karl Barth, Denis de Rougemont est aussi
un
grand voyageur : il a vécu en Allemagne, en France, aux États-Unis pe
2270
Denis de Rougemont est avant tout, à sa manière,
un
Européen. Sa grande idée : le fédéralisme. Qu’il définit ainsi : “S’u
2271
mes et toujours faire correspondre les dimensions
des
tâches à réaliser aux dimensions de la communauté qui est le mieux ca
2272
e… (27-28 mai 1972)aq Je rentrais de l’espace.
Des
heures durant, je l’avais vue qui tournait lentement, merveilleuse, é
2273
e dans le noir éternel, et je l’avais aimée comme
une
femme qui vient, comme une patrie d’enfance qu’on retrouve. Aimée aux
2274
je l’avais aimée comme une femme qui vient, comme
une
patrie d’enfance qu’on retrouve. Aimée aux larmes. Il n’y avait qu’el
2275
aux larmes. Il n’y avait qu’elle au monde ! Puis
une
ombre innombrable vient à notre rencontre, nous entoure et nous englo
2276
Nous volons maintenant en orbite à la poursuite d’
une
aube de la Terre. Où allons-nous descendre, et sur quel continent, de
2277
descendre, et sur quel continent, de l’autre côté
des
nuages ? Un pays oblique apparaît, sombre encore dans le jour qui naî
2278
sur quel continent, de l’autre côté des nuages ?
Un
pays oblique apparaît, sombre encore dans le jour qui naît. Des cloch
2279
ue apparaît, sombre encore dans le jour qui naît.
Des
clochers et des tours s’éclairent, touchés par le soleil rasant, ah !
2280
bre encore dans le jour qui naît. Des clochers et
des
tours s’éclairent, touchés par le soleil rasant, ah ! ce ne peut être
2281
serts. Point de défis brutaux à la nature, plutôt
un
lent dialogue amical et confiant. Mais cette verdure largement irrigu
2282
t de très dense habitation, ce n’est pas l’Europe
des
confins dénudés et brûlés, rocailleux ou glaciaires. Devant nous s’ét
2283
ur de cette Europe la plus européenne. Même après
des
années d’absence cosmique, impossible de s’y tromper. Au carrefour de
2284
cosmique, impossible de s’y tromper. Au carrefour
des
grands axes nord-sud et est-ouest, je reconnais immédiatement la Suis
2285
titution) et quoi de commun ? Essayons de le voir
des
airs, tandis que nous descendons vers mon pays natal. Un certain écla
2286
, tandis que nous descendons vers mon pays natal.
Un
certain éclat, des couleurs, du vert d’abord. Souvenirs de réveils da
2287
descendons vers mon pays natal. Un certain éclat,
des
couleurs, du vert d’abord. Souvenirs de réveils dans un palace à Veve
2288
leurs, du vert d’abord. Souvenirs de réveils dans
un
palace à Vevey, Montreux ou Clarens, devant le lac et ses envols de m
2289
, devant le lac et ses envols de mouettes, devant
un
monde où les lointains sont devenus immatériels. Les Alpes du Valais
2290
pendent verticales et sans relief visible, comme
des
décors translucides. Mais tout ce qui est proche sur nos rives brille
2291
ais tout ce qui est proche sur nos rives brille d’
un
vif éclat humide, repeint à neuf pendant la nuit, luisant, lustré, re
2292
it, luisant, lustré, revêtu d’innocence. Ensuite,
un
air paysan : nos bourgs et même nos villes ont l’air « à la campagne
2293
pas du tout aux statistiques. La Suisse est l’une
des
régions de la Terre les plus intensément industrialisées, et la popul
2294
hotographie : si j’en crois mes yeux, vu de l’air
une
Suisse verte et paysanne survit à l’ère industrielle. Or, il y a plus
2295
que la Suisse de son temps ne constituait plus qu’
une
seule ville. Il ne parlait que du Plateau, ce « Pays des Collines »,
2296
le ville. Il ne parlait que du Plateau, ce « Pays
des
Collines », comme disent les Suisses alémaniques, qui va du Léman au
2297
pôts, garages, silos. Ou parfois, dans le creux d’
un
val boisé, vous devinerez dissimulée sous les ramures une longue usin
2298
boisé, vous devinerez dissimulée sous les ramures
une
longue usine blanche et vitrée, là où jadis se fût abrité un couvent.
2299
sine blanche et vitrée, là où jadis se fût abrité
un
couvent. Seuls les arbres nous cachent encore la ville unique, sa pré
2300
mpe pas, à l’observer du ciel, c’est la structure
des
agglomérations : elle révèle la nature de la communauté civique et so
2301
e la nature de la communauté civique et sociale d’
un
pays. Survolez à basse altitude les gros villages et les petites vill
2302
llages et les petites villes du Plateau suisse ou
des
larges vallées alpestres des Grisons, du Tessin et du Valais, et vous
2303
du Plateau suisse ou des larges vallées alpestres
des
Grisons, du Tessin et du Valais, et vous découvrirez que leur plan s’
2304
rez que leur plan s’est développé soit à partir d’
un
château sur sa colline, soit autour d’une place principale. Quand le
2305
partir d’un château sur sa colline, soit autour d’
une
place principale. Quand le château forme le centre, il s’agit d’une c
2306
le. Quand le château forme le centre, il s’agit d’
une
cité féodale, et, quand c’est la place, d’une commune, au sens très v
2307
t d’une cité féodale, et, quand c’est la place, d’
une
commune, au sens très virulent que prit le mot de l’Ombrie au nord de
2308
ures se sont juxtaposées. Le mouvement libertaire
des
communes ayant pris le pouvoir dans certaines villes, le centre de la
2309
seigneur tenait sa cour au bourg (ou « borgho »)
des
bourgeois, qui tiennent conseil sur la place. Cette place, qui défini
2310
ns tous nos pays européens le rôle de l’« agora »
des
anciens Grecs et du « forum » de la Rome républicaine. Les principaux
2311
tant civile que religieuse, et l’humeur frondeuse
des
cafés où naissent les rumeurs politiques (où plus tard s’écriront les
2312
ère trouve ses ennemis mortels dans deux facteurs
des
plus déterminants de la société industrielle : l’accroissement anarch
2313
société industrielle : l’accroissement anarchique
des
villes, et les autos. Les grands ensembles qui n’aménagent par leur p
2314
r leur propre centre de vie civique, c’est-à-dire
un
espace interdit aux voitures et qui assure les fonctions de l’agora,
2315
ures et qui assure les fonctions de l’agora, sont
des
anti-communautés, entassements de solitaires anxieux et mornes, citoy
2316
on d’être et les conditions mêmes de ses libertés
des
petites dimensions du pays, et surtout de ses communautés. Les sociol
2317
’hui sont en bonne voie de redécouvrir les vertus
des
groupements restreints, à l’heure où la Suisse est tentée de les oubl
2318
aysages, en même temps que les conditions mêmes d’
une
participation des citoyens aux choses publiques. Petit veut dire auss
2319
emps que les conditions mêmes d’une participation
des
citoyens aux choses publiques. Petit veut dire aussi mesquin, prudent
2320
ait en Suisse que la maison de sa mère, ira bâtir
des
capitales en Inde et sera l’inspirateur de Brasilia. Voyez grand, tra
2321
Qu’est-ce que la culture ? : quatre thèses et
une
hypothèse (juin 1972)ar 1. Ce qu’elle n’est pas La culture ne
2322
le n’est pas La culture ne consiste pas à lire
des
romans, à parler peinture, à participer à des jeux télévisés, à organ
2323
ire des romans, à parler peinture, à participer à
des
jeux télévisés, à organiser des échanges d’étudiants, de touristes cu
2324
e, à participer à des jeux télévisés, à organiser
des
échanges d’étudiants, de touristes culturels et d’experts en informat
2325
en informatique. Elle ne se reconnaît pas au port
des
cheveux longs par les romantiques, de la barbe par les naturalistes,
2326
es romantiques, de la barbe par les naturalistes,
des
moustaches tombantes par les symbolistes, à la rigoureuse exclusion d
2327
eux guerres, puis à leur accumulation sur la tête
des
gauchistes. La culture n’est nullement une distinction, quelque chose
2328
a tête des gauchistes. La culture n’est nullement
une
distinction, quelque chose qui distingue du vulgaire et que l’on acqu
2329
ui distingue du vulgaire et que l’on acquiert par
des
études. Elle n’est pas l’affaire des « salons », comme l’imaginent en
2330
acquiert par des études. Elle n’est pas l’affaire
des
« salons », comme l’imaginent encore quelques amateurs de clichés, qu
2331
amment priés de s’abstenir, et de s’inscrire dans
un
parti. 2. Ce qu’elle est en tous cas La culture est l’ensemble
2332
lle est en tous cas La culture est l’ensemble
des
valeurs (tabous et interdits, dogmes, principes moraux, critères de v
2333
aisir, jugements de l’opinion, écoles et modes) ;
des
procédés de valorisation (mythes, catéchismes, éthiques politiques et
2334
privées, théories scientifiques et théologies) et
des
langages (langues parlées puis écrites, symboles peints ou sculptés,
2335
quels l’individu naît, grandit, s’intègre au long
des
jours, qui forment son esprit et qu’il assume plus ou moins complètem
2336
(combinaisons chromosomiques inégalement héritées
des
deux géniteurs, donc aléatoirement héréditaires) et selon son éducati
2337
te seule phrase sur la culture. On l’a prise pour
une
boutade. J’y vois plutôt une anticipation de certains résultats des r
2338
e. On l’a prise pour une boutade. J’y vois plutôt
une
anticipation de certains résultats des recherches les plus récentes s
2339
ois plutôt une anticipation de certains résultats
des
recherches les plus récentes sur le cerveau. À la naissance, notre ce
2340
notre cerveau est programmé par le code génétique
des
chromosomes. Mais au fur et à mesure de l’acquisition d’informations
2341
mesure de l’acquisition d’informations nouvelles,
des
connexions nouvelles s’instituent entre les millions de milliards de
2342
ns de milliards de neurones composant le cerveau.
Une
structure (chimique ? électronique ?), une « voie » ou une « piste »
2343
rveau. Une structure (chimique ? électronique ?),
une
« voie » ou une « piste » particulière liée à d’innombrés réseaux, se
2344
ture (chimique ? électronique ?), une « voie » ou
une
« piste » particulière liée à d’innombrés réseaux, se trouve créée pa
2345
créée par toute information nouvelle qui atteint
un
individu. Après quoi, le contenu de l’information peut très bien disp
2346
vation de la structure qu’il a créée, répondant à
un
stimulus extérieur. Le message se voit ainsi restitué par le code, pa
2347
e médium, dirait McLuhan. À la notion classique d’
une
mémoire catalogique, consciente, laborieusement stratifiée et pas tou
2348
et pas toujours facile à consulter, se substitue
une
mnémoélectronique d’une infinie complexité et totalement présente en
2349
à consulter, se substitue une mnémoélectronique d’
une
infinie complexité et totalement présente en synchronie virtuelle à c
2350
ation quasi instantanée soit souvent empêchée par
des
blocages psychologiques ou somatiques. Ainsi définie, la culture n’es
2351
somatiques. Ainsi définie, la culture n’est plus
une
affaire de fiches, de bibliothèque ou d’œuvres, c’est-à-dire d’objets
2352
objets extérieurs plus ou moins accessibles, mais
une
construction intérieure de plus en plus complexe, dont la formule str
2353
e allemande ». Toutes les branches de la science,
des
arts, des lettres, sont locales ou régionales dans leur genèse, conti
2354
e ». Toutes les branches de la science, des arts,
des
lettres, sont locales ou régionales dans leur genèse, continentales d
2355
tracées que plusieurs siècles plus tard au hasard
des
batailles et des traités conclus dans la confusion générale. Inutile
2356
eurs siècles plus tard au hasard des batailles et
des
traités conclus dans la confusion générale. Inutile d’insister sur le
2357
êts économiques ou les réalités géo-ethniques, et
des
rapports proprement négatifs avec la vie de la culture : les cordons
2358
e : les cordons douaniers par exemple ou le mythe
des
« frontières naturelles » (le Rhin sépare, le Rhône unit…). Nos « pré
2359
e moindre rapport, sauf par hasard, avec le tracé
des
frontières, ou le drapeau ou la monnaie qu’on y vénère. La seule cult
2360
ons créatrices de culture, sans plus tenir compte
des
frontières étatiques dont la réalité n’est plus que négative. 5. L
2361
la culture européenne Dès l’aube de la pensée
des
Grecs d’Ionie — qui est théologique, cosmologique et politique d’un s
2362
qui est théologique, cosmologique et politique d’
un
seul mouvement — une grande phrase d’Héraclite prophétise le comporte
2363
, cosmologique et politique d’un seul mouvement —
une
grande phrase d’Héraclite prophétise le comportement intellectuel, af
2364
e tel : « Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte
des
contraires procède la plus belle harmonie. » Assumer au départ la not
2365
nte critique — étymologiquement : mise en crise —
des
réalités antinomiques dont nous vivons selon le mode européen : l’Un
2366
ate et Jésus-Christ sont les plus hauts modèles d’
une
contestation radicale, opposant la morale aux règles collectives et l
2367
ves et la Foi personnelle à la Loi. Il en résulte
une
valorisation par les élites culturelles de l’originalité (contre la c
2368
dépasser le stade de l’initiation (alpha et oméga
des
cultures jusqu’à nous) et seule elle a couru le risque de promouvoir
2369
ve. Mais il résulte aussi de ce grand paradoxe qu’
une
contestation qui refuse de discuter avec la tradition s’annule en sup
2370
er ses créations. C’est la faiblesse irrémédiable
des
gauchistes que de vouloir esquiver l’affrontement avec la tradition d
2371
vouloir esquiver l’affrontement avec la tradition
des
pères, de peur d’être « récupérés » par le fantasme qu’ils appellent
2372
de, « Qu’est-ce que la culture ? Quatre thèses et
une
hypothèse », Cahiers de l’Alliance culturelle romande, Genève, juin 1
2373
xte culturel et historique, ont fait bien plus qu’
une
œuvre scientifique et « sérieuse » aux yeux de leurs confrères : ils
2374
is à l’Occident moderne de reprendre conscience d’
une
de ses sources, d’une de ses dimensions constitutives, celle de l’émo
2375
e de reprendre conscience d’une de ses sources, d’
une
de ses dimensions constitutives, celle de l’émotion, celle de l’âme.
2376
celle de l’âme. Je voudrais résumer leur œuvre en
une
seule expression moins pédante qu’elle ne paraît à première vue : ave
2377
Les étymologies servent à faire entendre la force
des
mots et à les retenir par la liaison qui se trouve entre le mot primi
2378
et xiiie siècles, expriment bien autre chose qu’
un
thème romanesque, fût-il même le thème exemplaire, l’archétype de tou
2379
apparitions, comme les épiphanies quasi sacrées d’
un
des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, e
2380
aritions, comme les épiphanies quasi sacrées d’un
des
grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu
2381
ds mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’
un
mythe, et qu’est-ce que l’âme. Tout auteur qui se permet ces grands m
2382
teur qui se permet ces grands mots doit au public
une
justification de l’usage personnel qu’il a fait. Un mythe, c’est une
2383
justification de l’usage personnel qu’il a fait.
Un
mythe, c’est une histoire, généralement très simple et invariable en
2384
e l’usage personnel qu’il a fait. Un mythe, c’est
une
histoire, généralement très simple et invariable en sa donnée — bien
2385
mple et invariable en sa donnée — bien qu’offrant
des
virtualités presque infinies d’adaptation aux circonstances individue
2386
x circonstances individuelles les plus diverses —
une
histoire qui décrit et révèle d’une manière imagée, symbolique, une s
2387
us diverses — une histoire qui décrit et révèle d’
une
manière imagée, symbolique, une structure de notre existence. Mais no
2388
écrit et révèle d’une manière imagée, symbolique,
une
structure de notre existence. Mais non pas de notre existence intelle
2389
e mot dans le sens noble et vague que lui donnent
un
peu trop facilement les poètes du siècle dernier, ni dans le sens goe
2390
assique de la chaire, quand elle parle du « salut
des
âmes », ou de l’« immortalité de l’âme ». Je prends le mot au sens pr
2391
animation, ou même animosité. Le jeu « animé » d’
un
pianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’est ni proprement
2392
u « animé » d’un pianiste, par exemple, manifeste
une
réalité qui n’est ni proprement physique ni proprement spirituelle, q
2393
t, celle de l’âme. L’âme est en propre le domaine
des
émotions et des passions. L’émotion est la preuve de l’âme, tout comm
2394
e. L’âme est en propre le domaine des émotions et
des
passions. L’émotion est la preuve de l’âme, tout comme la sensation e
2395
nsée, la preuve de l’intellect. La passion, c’est
une
impulsion qui outrepasse les lois et routines de l’instinct, et qui v
2396
-passion est cette forme de l’amour qui se libère
des
contraintes naturelles, des rythmes trop prévus de la sexualité, mais
2397
l’amour qui se libère des contraintes naturelles,
des
rythmes trop prévus de la sexualité, mais aussi des décrets de la mor
2398
s rythmes trop prévus de la sexualité, mais aussi
des
décrets de la morale et des conseils de la raison. L’amour-passion re
2399
sexualité, mais aussi des décrets de la morale et
des
conseils de la raison. L’amour-passion relève par excellence de l’âme
2400
l’érosion de la vie « courante », par la réalité
des
caractères qui se heurtent à propos de rien, et des tempéraments qui
2401
s caractères qui se heurtent à propos de rien, et
des
tempéraments qui s’accordèrent un jour dans l’instant du premier rega
2402
os de rien, et des tempéraments qui s’accordèrent
un
jour dans l’instant du premier regard, mais que le temps modifie fata
2403
ard, mais que le temps modifie fatalement, créant
un
risque permanent de dissonance. C’est le mythe d’un amour qui méprise
2404
risque permanent de dissonance. C’est le mythe d’
un
amour qui méprise l’épreuve de l’engagement dans les rapports sociaux
2405
es rapports sociaux, et même de l’engagement dans
un
rapport concret avec un Autre toujours insuffisant, jamais digne de s
2406
même de l’engagement dans un rapport concret avec
un
Autre toujours insuffisant, jamais digne de son image, jamais digne d
2407
amais digne de l’Ange dont le premier regard, par
une
intuition fulgurante — et c’est le fameux coup de foudre romantique —
2408
on mystique de Dante, poursuivant l’image aimée d’
une
Béatrice à peine connue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de
2409
r, passion de l’âme ouverte sur l’esprit, libérée
des
corps dont elle vient, et survolant les irritantes vicissitudes de no
2410
n’est pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie
un
troubadour tardif, contemporain de nos légendes tristaniennes. Mais q
2411
complaisantes. Ce serait aller de l’apparition d’
un
mythe sacré, voilant de poésie ses secrets religieux, jusqu’à son uti
2412
n tout impudente, ou ignorante, ou inconsciente à
des
fins de rendement commercial : comédies à succès sur le thème du tria
2413
œurs et coutumes, ne serait-elle que l’histoire d’
une
longue profanation ? Faut-il penser que les pouvoirs du mythe sont ép
2414
eux », selon l’expression célèbre de Thomas, l’un
des
auteurs de la légende primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’i
2415
is si le mythe est épuisé, et s’il était vraiment
un
mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme elle-même, la foncti
2416
ation ? L’hygiène, la technique et la science, et
une
dose de psychanalyse, vont-elles exorciser la société future, évacuan
2417
ciété future, évacuant les dernières passions ? ⁂
Une
analyse sociologique de la dégradation du mythe, au cours des siècles
2418
sociologique de la dégradation du mythe, au cours
des
siècles, inclinerait à des conclusions très pessimistes. Elle consist
2419
ion du mythe, au cours des siècles, inclinerait à
des
conclusions très pessimistes. Elle consisterait à montrer la dégradat
2420
gradation continue et, semble-t-il, irréversible,
des
obstacles opposés à la passion. Or on sait que la passion vit d’obsta
2421
s aujourd’hui, dès lors que le mariage n’est plus
un
lien sacré, adversaire à la taille de la passion ; et que, loin de pr
2422
avent bien que le roman véritable n’est jamais qu’
une
version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut. Ils cherchent
2423
is déjà, le héros de Lolita nous est décrit comme
un
antihéros, c’est-à-dire un malade mental. Un psychanalyste l’eût guér
2424
nous est décrit comme un antihéros, c’est-à-dire
un
malade mental. Un psychanalyste l’eût guéri, et le roman n’eût pas eu
2425
omme un antihéros, c’est-à-dire un malade mental.
Un
psychanalyste l’eût guéri, et le roman n’eût pas eu lieu. Si les dern
2426
éalisme, le regard pseudo-scientifique détaillant
des
objets communs ou des fichiers de cartes perforées : c’est littéralem
2427
udo-scientifique détaillant des objets communs ou
des
fichiers de cartes perforées : c’est littéralement sans histoire. Ou
2428
au lieu de l’intensité, la noirceur dans le style
des
roués au lieu de la candeur monumentale, les jeux d’esprit au lieu de
2429
la candeur monumentale, les jeux d’esprit au lieu
des
drames du spirituel. Selon les sociologues, la passion doit mourir. J
2430
que notre culture tend à les supprimer, il reste
un
obstacle suprême, celui-là justement dont triomphe la passion de Tris
2431
re condition d’êtres finis oppose à notre amour d’
un
être, à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien
2432
es sont entrés, nous disent-ils, dans les voies d’
une
destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car ils ont b
2433
nce dans ce monde, mais ils ont aussi bu l’Amour,
un
amour qui s’adresse à la part immortelle que lui seul pourra deviner,
2434
’Ange. Pétrarque, en proie au mythe, ose parler d’
un
plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace
2435
rant de Gottfried de Strasbourg, inspiré lui-même
des
Bretons, de Béroul, et d’on ne sait qui d’autre, Wagner décrit par sa
2436
angage du mythe essentiel, la mort transfigurante
des
amants. Cette mince bande jaune sur la mer, dans le nouveau décor de
2437
cette frileuse aurore jaune au bas du ciel, c’est
un
jour qui renaît, non pas le jour des hommes et de leur peine quotidie
2438
u ciel, c’est un jour qui renaît, non pas le jour
des
hommes et de leur peine quotidienne, mais l’horizon du nouveau jour q
2439
u mazdéisme de Zarathoustra, toutes les actions d’
un
homme sur la terre, ses intentions et ses désirs et ses amours, compo
2440
ns et ses désirs et ses amours, composent au Ciel
un
être de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divi
2441
ses amours, composent au Ciel un être de lumière,
une
contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa personne éterne
2442
individu sur Terre, donc transitoire — et germe d’
un
être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Or, ce
2443
’un être éternel qui est son vrai moi, et qui est
un
ange au ciel. Or, ces anges, nommés Fravartis, sont des entités fémin
2444
ge au ciel. Or, ces anges, nommés Fravartis, sont
des
entités féminines. On retrouve ici Dante, et Goethe, et peut-être bie
2445
son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans
un
paysage nimbé de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tou
2446
s les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans
un
décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croisse
2447
centre du monde spirituel (qui est le monde réel
des
Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde des
2448
es Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant
un
sommet au monde des Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant
2449
pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde
des
Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant l’âme sa Dâenâ, son
2450
nt l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’
une
beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si
2451
a maltraité son moi, au lieu de la Fravarti c’est
une
apparition monstrueuse et défigurée qui reflète son état déchu. Je ne
2452
cette forme de lumière qu’on ne rejoint que dans
un
au-delà, et qui aurait été, sur la Terre, le véritable objet du désir
2453
er le prochain « comme soi-même » suppose d’abord
une
dualité entre l’individu et le vrai moi, sans laquelle on ne saurait
2454
as, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit
un
Autre impénétrable ne tient pas à quelque interdit, à quelque tabou r
2455
, à quelque décret de la morale que l’on pourrait
un
jour abandonner, mais tient à l’être même, au fait de la personne. Nu
2456
est d’orienter notre vie affective, de lui offrir
un
modèle simple et pur, une grande image ordonnatrice de la passion. En
2457
affective, de lui offrir un modèle simple et pur,
une
grande image ordonnatrice de la passion. En restituant à notre temps
2458
, les philologues nous ont mis au défi d’apporter
un
peu plus de justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’est pas s
2459
usieurs traductions, qui se donnent pour fidèles,
des
versions de Thomas, de Gottfried de Strasbourg, d’Eilhart d’Oberg, et
2460
ire la légende, dans leur propre version inspirée
des
anciennes. Continuateurs et non pas rewriters, ils se sont pénétrés d
2461
ateurs et non pas rewriters, ils se sont pénétrés
des
textes des trouvères français, anglo-normands, anglais, allemands, da
2462
on pas rewriters, ils se sont pénétrés des textes
des
trouvères français, anglo-normands, anglais, allemands, danois et mêm
2463
anois et même norvégiens, et les ont recréés dans
des
styles différents : Bédier classique, Mary baroque ; Bédier ramassé,
2464
nd » comme son modèle principal. Ce qui nous vaut
une
langue riche et fort habilement ravalée sans pédanterie, et un plaisa
2465
he et fort habilement ravalée sans pédanterie, et
un
plaisant vocabulaire anglo-normand de la belle époque — un franglais
2466
nt vocabulaire anglo-normand de la belle époque —
un
franglais primitif, si l’on préfère — dont je citerai quelques exempl
2467
légende, et qui, en fait, n’étaient eux-mêmes que
des
versions renouvelées, souvent critiques et parfois polémiques, de mod
2468
dus pour nous. Bédier et Mary, comme Wagner, sont
des
auteurs de Tristan, à peu près au même titre que Béroul ou Thomas, Go
2469
sion. ⁂ Et cependant, tout étant dit à la louange
des
modernes complices-victimes-auteurs-recréateurs du Mythe, rien ne vau
2470
la matière traduisible : on peut tout traduire d’
un
poème, sauf la poésie. Après Bédier (qui a provoqué le premier choc r
2471
e tous), allez voir les originaux et vous y ferez
des
découvertes fulgurantes. Le Roman en prose parle de la mort comme nul
2472
Il rendit l’âme. ») Mais il y a surtout l’épisode
des
amants qui se repentent lorsque le philtre cesse d’agir, après trois
2473
vous démène ! (Amors par force vos demeiné) —
un
seul vers qui nous jette au cœur du Mythe et qui demeure, à tout jama
2474
e littérairement élogieux, quasi sacré, revient d’
une
manière obsédante dans les quelques pages de la préface de Gaston Par
2475
t, devenaient inexprimables dans la prolifération
des
jargons spécialisés. Le simple besoin de comprendre notre monde, nos
2476
aucoup de choses redoutables, comme l’hégémonie d’
une
science (Saint Thomas, Marx, Wittgenstein) ou un savoir unifié par qu
2477
une science (Saint Thomas, Marx, Wittgenstein) ou
un
savoir unifié par quelque autorité totalitaire, sociale ou religieuse
2478
es ; b) l’application de nombreuses disciplines à
un
même objet. Exemples de a) ? L’exemple désormais classique de la féco
2479
L’exemple désormais classique de la fécondation d’
une
discipline par une autre est fourni par l’œuvre de Claude Lévi-Straus
2480
classique de la fécondation d’une discipline par
une
autre est fourni par l’œuvre de Claude Lévi-Strauss, l’ethnographe dé
2481
ui lui manquait de la prohibition de l’inceste et
des
structures de la parenté en général. Mais il est d’autres exemples no
2482
ples non moins significatifs, celui de la théorie
des
jeux de von Neumann et Morgenstern, qui renouvelle à la fois l’économ
2483
démique), la transgression par excellence : celle
des
frontières entre les disciplines, les spécialités, les facultés même
2484
figure au programme de licence : petit exemple d’
une
vaste évolution. L’Institut universitaire d’études européennes n’est-
2485
à l’interdisciplinarité de type b). L’Europe est
un
phénomène qui n’existe, au sens fort, ni dans les réalités économique
2486
ure, la démographie, la théologie, la psychologie
des
peuples, ou la sociologie seules. Pas une seule de ces disciplines ne
2487
hologie des peuples, ou la sociologie seules. Pas
une
seule de ces disciplines ne serait capable de saisir l’Europe dans so
2488
de leurs faisceaux lumineux. De même, s’agissant
des
régions, sujet actuel de nos groupes de recherches. La notion de régi
2489
rs) ne peut être concrétisée, actualisée, que par
des
approches multiples et simultanées, à partir de presque toutes les «
2490
que la lumière qui jaillit de l’opération éclaire
des
structures communes ou des analogies structurelles. Vous pratiquez do
2491
de l’opération éclaire des structures communes ou
des
analogies structurelles. Vous pratiquez donc l’interdisciplinarité, à
2492
requise par l’objet d’études ne peut exister qu’à
des
degrés très variables chez les sujets qui la pratiquent, enseignants
2493
partons chacun de sa ou de ses disciplines, vers
un
même but. Nous sommes en convergence, pas encore en symbiose, mais el
2494
le ! Elle seule permet la coexistence quotidienne
des
diverses disciplines et des enseignants, leurs échanges vivants, la p
2495
existence quotidienne des diverses disciplines et
des
enseignants, leurs échanges vivants, la possibilité pour les étudiant
2496
ants, la possibilité pour les étudiants de suivre
des
cours qui ailleurs seraient répartis entre quatre ou cinq facultés. L
2497
ne, sous-développement du Mezzogiorno, création d’
une
Direction générale de la politique régionale au Marché commun, bagarr
2498
, rejet du référendum de 1969 en France, élection
des
parlements régionaux en Italie, dramatique procès de Burgos : entre c
2499
mière vue, sinon le terme de « région » pris dans
des
sens très différents ? Car si tous les États européens sont amenés à
2500
européens sont amenés à reconnaître l’existence d’
un
problème régional, celui-ci, selon les cas ou les pays, sera de natur
2501
s de haut, par grands ensembles, on s’aperçoit qu’
une
loi commande l’apparition du phénomène régional en cette seconde moit
2502
utes les prises de l’individu, répond le besoin d’
une
différenciation sécurisante, le besoin de petites communautés où la p
2503
entreprises régionalistes les plus diverses. Mais
un
phénomène politique très précis, dont les Européens ont pris conscien
2504
acobin et napoléonien, qui domine l’Europe depuis
un
siècle et demi, et que tous les pays du monde copient comme si c’étai
2505
Qu’est-ce que l’État-nation ? C’est la mainmise d’
un
appareil étatique — réalité abstraite et bureaucratique — sur une nat
2506
tique — réalité abstraite et bureaucratique — sur
une
nation — réalité concrète, affective et « mystique », que l’on enferm
2507
et « mystique », que l’on enferme désormais dans
des
frontières d’autant plus rigides qu’elles sont plus arbitraires, pour
2508
qu’elles sont plus arbitraires, pour la commodité
des
seuls fonctionnaires et la rapidité des mobilisations. Or cet État-na
2509
commodité des seuls fonctionnaires et la rapidité
des
mobilisations. Or cet État-nation, sacro-saint pour nos pères et les
2510
de « dépasser le dogme de la souveraineté absolue
des
États ». Les fédéralistes européens voient dans le culte de l’État-na
2511
ntralisé, souverain et bardé de frontières, comme
une
forme politique déjà inadéquate, à la fois trop petite et trop grande
2512
ande par rapport aux réalités du monde actuel.
Un
modèle périmé L’État-nation, qui se dit souverain absolu, est mani
2513
et sa prospérité, son équipement technologique et
une
aide effective au tiers-monde, la prévention des guerres nucléaires e
2514
une aide effective au tiers-monde, la prévention
des
guerres nucléaires et des catastrophes écologiques. Le seul remède au
2515
rs-monde, la prévention des guerres nucléaires et
des
catastrophes écologiques. Le seul remède aux trop petites dimensions
2516
e pools européens de recherche (comme le CERN) et
une
action concertée dans le domaine économique (CECA, Marché commun) ind
2517
llement imposer les mêmes limites territoriales à
des
réalités aussi hétérogènes que la langue parlée à la surface et l’exp
2518
militaire, idéologique et douanier, qui a moins d’
un
siècle d’âge en moyenne, n’est plus capable d’assurer la prospérité d
2519
yenne, n’est plus capable d’assurer la prospérité
des
régions et provinces et d’y permettre une vie civique digne du nom, u
2520
spérité des régions et provinces et d’y permettre
une
vie civique digne du nom, une participation réelle, civique, économiq
2521
es et d’y permettre une vie civique digne du nom,
une
participation réelle, civique, économique, sociale et politique, par
2522
fois plus universel et plus particulier que celui
des
nations modèle xixe siècle. À mesure que les frontières dites « hist
2523
avoir pourquoi ?) se dévalorisent entre les Neuf,
des
régions naturelles ou nouvelles reparaissent ou accusent leur relief.
2524
Mais il y a plus : leur résurgence serait celle d’
un
esprit de clocher, d’un chauvinisme local plus irrespirable encore qu
2525
résurgence serait celle d’un esprit de clocher, d’
un
chauvinisme local plus irrespirable encore que l’autre, si elle ne ré
2526
re que l’autre, si elle ne répondait en réalité à
une
prise de conscience européenne et d’horizon mondial. La conscience de
2527
ue constituent les prétentions de l’État-nation à
une
souveraineté sans limites (laquelle ne peut plus rien animer si elle
2528
oncrets, mal comparables, voire contradictoires d’
un
pays à l’autre. Toutefois, si l’on considère l’ensemble de ces « cas
2529
partout, ces ethnies brimées déclarent souffrir d’
un
sous-développement économique (par rapport à l’ensemble national) don
2530
sponsable l’État centralisateur. Les unes exigent
une
aide spéciale, d’autres l’autonomie régionale, quelques-unes leur sép
2531
é commun, dès 1961, et ont abouti à la création d’
une
Direction générale de la politique régionale. Là encore, on constate
2532
table… Régions transfrontalières Toutefois,
un
problème d’une portée politique plus décisive se trouve posé par les
2533
ons transfrontalières Toutefois, un problème d’
une
portée politique plus décisive se trouve posé par les régions « natur
2534
e posé par les régions « naturelles » coupées par
des
frontières politiques nées du hasard des guerres et des traités, et q
2535
pées par des frontières politiques nées du hasard
des
guerres et des traités, et qui ne correspondent plus à nulle réalité,
2536
ontières politiques nées du hasard des guerres et
des
traités, et qui ne correspondent plus à nulle réalité, ni ethnique ni
2537
berrants », comme l’écrit J.-F. Gravier, auteur d’
un
livre fameux qui fut à l’origine du néo-régionalisme en France : Pari
2538
uraient coïncider territorialement. Il y faudrait
un
vrai miracle, mais ce miracle ne s’est jamais produit. Et il aurait e
2539
rvices, d’universités ou de transports. L’exemple
des
diverses régions qu’il y aurait lieu d’organiser autour de Genève est
2540
le brimées, ralenties, pénalisées ou bloquées par
un
cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise
2541
uveraineté » (d’ailleurs de plus en plus fictive)
des
États. Or tous les problèmes concrets qui se posent dans cette régio
2542
oncrets qui se posent dans cette région appellent
des
solutions transfrontalières. Et chaque problème définit une région di
2543
ons transfrontalières. Et chaque problème définit
une
région différente en termes de territoire. Il y a autour de Genève un
2544
en termes de territoire. Il y a autour de Genève
une
région de main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire des travai
2545
main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire
des
travailleurs français ; 25 000 environ, à cette date, viennent chaque
2546
rent le soir en France. Cette région s’étend dans
un
rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, aut
2547
r en France. Cette région s’étend dans un rayon d’
une
quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, autour du Léman
2548
tres autour de la ville. Il y a, autour du Léman,
une
région écologique définie par la pollution du lac (affluents, usines,
2549
gement celle de la région de main-d’œuvre. Il y a
une
région définie par les échanges de biens industriels, commerciaux et
2550
e, ni celle de la région écologique. Il y a enfin
une
région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste
2551
ensité tout à fait exceptionnelle, entre lesquels
des
liens spéciaux pourraient et devraient s’instituer. Or cette région s
2552
… Il ne s’agit donc pas de créer autour de Genève
une
sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la c
2553
ajouterait aux défauts de la centralisation ceux
des
trop petites dimensions. Il s’agit simplement de résoudre les princip
2554
on, décidément indéfendable à tous points de vue,
des
frontières nationales héritées d’autres âges. De la création des régi
2555
nationales héritées d’autres âges. De la création
des
régions que je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéfic
2556
Gex, la Savoie, la Romandie tout entière et, dans
une
mesure qui reste à déterminer, l’Isère, le Val d’Aoste et la Franche-
2557
, le Val d’Aoste et la Franche-Comté. L’avenir
des
régions Quant aux perspectives du régionalisme dans notre avenir p
2558
il va s’agir de réaliser simultanément : 1. Créer
des
agences fédérales européennes non seulement pour l’économie (comme la
2559
rait basée — comme l’a proposé le récent colloque
des
régions frontalières organisé par le Conseil de l’Europe — sur des sy
2560
alières organisé par le Conseil de l’Europe — sur
des
syndicats de communes, dont la composition varierait selon la fonctio
2561
régions, former ces régions, et de la sorte créer
un
tissu européen qui finira par se révéler plus solide que les liens ad
2562
t nationaliste ; informer les populations, former
des
responsables locaux et régionaux, combattre les routines et laisser s
2563
es « serviteurs de l’État ». Mais cela aussi pose
un
nouveau problème : les délais nécessaires, quinze à vingt ans pour fo
2564
élais nécessaires, quinze à vingt ans pour former
une
génération et créer les régions, ne sont-ils pas trop longs face à l’
2565
ions, ne sont-ils pas trop longs face à l’urgence
des
périls que court l’Europe, j’entends sa colonisation par une hégémoni
2566
que court l’Europe, j’entends sa colonisation par
une
hégémonie politique à l’Est, une hégémonie économique à l’Ouest ? La
2567
colonisation par une hégémonie politique à l’Est,
une
hégémonie économique à l’Ouest ? La réponse dépend de nous, non des a
2568
omique à l’Ouest ? La réponse dépend de nous, non
des
astres. S’il est vrai, comme je l’ai toujours pensé, que nous n’avons
2569
sitaire d’études européennes. Il compte au nombre
des
grands écrivains et essayistes suisses de notre temps. Ses écrits por
2570
sée que demande le journal. Je voudrais souligner
une
idée dominante : que les structures d’une cité peuvent interdire la v
2571
uligner une idée dominante : que les structures d’
une
cité peuvent interdire la vie communautaire — c’est le cas de nos vil
2572
réatif du mot, n’est pas possible, s’il n’y a pas
une
« agora » ou un « forum » — une « place » au cœur de la cité. Si la p
2573
est pas possible, s’il n’y a pas une « agora » ou
un
« forum » — une « place » au cœur de la cité. Si la place du village,
2574
e, s’il n’y a pas une « agora » ou un « forum » —
une
« place » au cœur de la cité. Si la place du village, du quartier, de
2575
village, du quartier, de la ville, n’est plus qu’
un
parking, et si les rues sont livrées aux autos qui essaient au mieux
2576
xième. Ramuz était pour la première. Il me disait
un
jour au Central, à Lausanne : « Entre nous, nous sommes fédéralistes,
2577
eture du canton sur soi-même ! Le fédéralisme est
une
méthode pour garantir le maximum d’autonomie des unités fédérées, grâ
2578
une méthode pour garantir le maximum d’autonomie
des
unités fédérées, grâce à un minimum de services communs. Mieux : c’es
2579
maximum d’autonomie des unités fédérées, grâce à
un
minimum de services communs. Mieux : c’est une répartition des servic
2580
e à un minimum de services communs. Mieux : c’est
une
répartition des services étatiques, une redistribution des compétence
2581
e services communs. Mieux : c’est une répartition
des
services étatiques, une redistribution des compétences selon la loi s
2582
x : c’est une répartition des services étatiques,
une
redistribution des compétences selon la loi suivante : — placer le po
2583
tition des services étatiques, une redistribution
des
compétences selon la loi suivante : — placer le pouvoir de décision a
2584
niveau communautaire correspondant aux dimensions
des
tâches à résoudre. Le chemin vicinal ressort de la commune, l’autorou
2585
sinage reprenne son sens. J’applaudis au projet d’
une
grande discussion sur le sens concret de l’expression « propriété soc
2586
L’Europe, c’est d’abord
une
culture (juillet-août 1973)bb D’autant plus nous connaissons les
2587
, non la puissance Je pars de ce qui me paraît
une
évidence majeure : il nous faut « faire l’Europe » afin de rester nou
2588
disons, pour aller vite : ni moujiks ni yankees.
Une
Europe divisée en vingt-huit nations chacune trop petite pour se défe
2589
ule, et chacune acharnée à rester seule, au nom d’
une
souveraineté de plus en plus mythique — cette Europe divisée n’a pas
2590
outumes sociales par certains groupes industriels
des
États-Unis. De plus, une Europe divisée ne peut jouer aucun rôle à l’
2591
ains groupes industriels des États-Unis. De plus,
une
Europe divisée ne peut jouer aucun rôle à l’échelle mondiale. Elle ne
2592
ubir l’histoire faite par les autres, les guerres
des
autres, les compromis des autres. Mais l’Europe ne pourra jamais se f
2593
les autres, les guerres des autres, les compromis
des
autres. Mais l’Europe ne pourra jamais se faire que selon la formule
2594
re que selon la formule fédéraliste, respectueuse
des
diversités et des autonomies politiques. Une Europe unitaire et unifo
2595
rmule fédéraliste, respectueuse des diversités et
des
autonomies politiques. Une Europe unitaire et uniformisée en vue de l
2596
euse des diversités et des autonomies politiques.
Une
Europe unitaire et uniformisée en vue de la puissance, deux hommes on
2597
lénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’a duré qu’
une
douzaine d’années. La Suisse fédérale, en regard, approche du viie s
2598
pratiquement acceptable pour les nations qui ont
des
problèmes régionaux (laquelle n’en a pas ?), pour les ethnies qui se
2599
s eux-mêmes trop crédules, que l’État national, «
Un
et indivisible » selon la formule jacobine, centralisé selon la formu
2600
pas en reste vers 1914 —, l’École apprend depuis
un
siècle aux jeunes Français, Allemands, Italiens ou Hollandais, contre
2601
tant qu’État, et en moyenne, elles n’ont même pas
un
siècle d’âge. Seules la France, l’Angleterre et l’Espagne comptent, c
2602
inq siècles au plus, selon les options politiques
des
historiens20. Mais si l’on peut admettre que l’État français existe r
2603
onté que chacun de nos États-nations correspond à
une
langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique
2604
n de nos États-nations correspond à une langue, à
une
ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géographiqu
2605
-nations correspond à une langue, à une ethnie, à
un
ensemble à la fois économique, historique et géographique, défini par
2606
conomique, historique et géographique, défini par
des
frontières naturelles. Et nous l’avons cru ! Nous croyons donc que ch
2607
ns que les Européens sont trop différents les uns
des
autres pour s’unir et qu’on ne pourra jamais les fédérer, parce que l
2608
huit États-nations ne sauraient céder sans trahir
un
pouce de leur sacro-sainte souveraineté, et qu’ils sont immortels. Or
2609
ion, natio en latin, désignait au Moyen Âge, dans
une
ville universitaire, les colonies d’étudiants venus d’une même région
2610
e universitaire, les colonies d’étudiants venus d’
une
même région d’Europe et parlant entre eux la même langue : nation ang
2611
ande, nation catalane, nation castillane, c’était
un
peu comme nos pavillons nationaux dans une cité universitaire, rien d
2612
c’était un peu comme nos pavillons nationaux dans
une
cité universitaire, rien de plus. Mais à l’Université même, on ne par
2613
on ne parlait qu’en latin, et l’on ignorait tout
des
appartenances « nationales » au sens moderne du mot. C’est ainsi qu’à
2614
orbonne, vers 1260 — comme me le faisait observer
un
jour Étienne Gilson —, pas un seul des grands professeurs n’était fra
2615
le faisait observer un jour Étienne Gilson —, pas
un
seul des grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain
2616
it observer un jour Étienne Gilson —, pas un seul
des
grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain comme Th
2617
, ou anglais comme Roger Bacon. Tout cela formait
une
grande culture commune, bien antérieure à l’idée même d’État-nation.
2618
ation » désignait, dès ce temps, ceux qui parlent
une
même langue ? Oui, mais il n’était pas question de les enfermer pour
2619
de les enfermer pour autant dans les frontières d’
un
même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos stato-nations modern
2620
ns modernes correspondent à l’aire de diffusion d’
une
langue. Prenons la France : on parle huit langues à l’intérieur de se
2621
langue allemande : si elle devait coïncider avec
un
État-nation, il faudrait annexer à la République fédérale outre l’All
2622
de l’Italie, de la Transylvanie, de la Slovénie,
des
pays baltes et de la région de la Volga. Enfin, il y a l’affaire des
2623
de la région de la Volga. Enfin, il y a l’affaire
des
frontières naturelles, chères à nos maîtres. Cette notion a son origi
2624
e la France, voilà qui est clair — à condition qu’
un
esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de c
2625
qui est clair — à condition qu’un esprit fort (ou
un
naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêm
2626
Alpes, chacun peut vérifier qu’on y parle italien
des
deux côtés au sud, français des deux côtés à la hauteur des vallées v
2627
n y parle italien des deux côtés au sud, français
des
deux côtés à la hauteur des vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus
2628
ôtés au sud, français des deux côtés à la hauteur
des
vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus loin l’allemand, puis le la
2629
lemand, puis le ladin, puis l’allemand de nouveau
des
deux côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au cœur des Alpes. Non,
2630
x côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au cœur
des
Alpes. Non, les frontières de nos États n’ont jamais été « naturelles
2631
professeur français Jacques Ancel, « le résultat
des
viols répétés de la géographie par l’histoire ». Unité de la cultu
2632
e européenne En nous présentant l’Europe comme
un
puzzle de nations en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme u
2633
en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme
une
addition de prétendues « cultures nationales » bien distinctes et riv
2634
e la culture de tous nos peuples est foncièrement
une
, et que cette unité de base permet seule de définir l’Européen. On se
2635
ccident ». La vérité que nous cachent les façades
des
États-nations, c’est que l’Europe est d’abord une culture, et que cet
2636
des États-nations, c’est que l’Europe est d’abord
une
culture, et que cette culture s’est formée à partir des mêmes influen
2637
lture, et que cette culture s’est formée à partir
des
mêmes influences indo-européennes, gréco-latines, chrétiennes et par
2638
juives21, celtes et germaniques — et plus tard, à
un
moindre degré, arabes puis slaves — qui nous ont tous affectés, à dos
2639
strait, mais aussi la scolastique, la philosophie
des
lumières, l’existentialisme ou le freudisme, le libéralisme et le mar
2640
tour, par la Rhénanie et la Bourgogne, et de là d’
un
côté vers l’Espagne et l’Angleterre, de l’autre vers les Allemagnes.
2641
emagnes. Or ces voies, notons-le, traversent avec
une
glorieuse indifférence deux bonnes douzaines de nos frontières actuel
2642
zaines de nos frontières actuelles. Elles relient
des
cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations au
2643
os frontières actuelles. Elles relient des cités,
des
foyers de création, des maîtres, et non pas des nations au sens moder
2644
Elles relient des cités, des foyers de création,
des
maîtres, et non pas des nations au sens moderne. Les grands courants
2645
, des foyers de création, des maîtres, et non pas
des
nations au sens moderne. Les grands courants européens, les grandes
2646
rvations faciles à vérifier. Chacun de nos pays a
un
nord et un midi, dans chacun l’on trouvera des croyants et des incroy
2647
ciles à vérifier. Chacun de nos pays a un nord et
un
midi, dans chacun l’on trouvera des croyants et des incroyants, des h
2648
s a un nord et un midi, dans chacun l’on trouvera
des
croyants et des incroyants, des hommes de gauche et des hommes de dro
2649
n midi, dans chacun l’on trouvera des croyants et
des
incroyants, des hommes de gauche et des hommes de droite, des romanti
2650
cun l’on trouvera des croyants et des incroyants,
des
hommes de gauche et des hommes de droite, des romantiques-surréaliste
2651
oyants et des incroyants, des hommes de gauche et
des
hommes de droite, des romantiques-surréalistes et des classiques plus
2652
ts, des hommes de gauche et des hommes de droite,
des
romantiques-surréalistes et des classiques plus ou moins conformistes
2653
hommes de droite, des romantiques-surréalistes et
des
classiques plus ou moins conformistes, des progressistes et des conse
2654
tes et des classiques plus ou moins conformistes,
des
progressistes et des conservateurs, des « protestants » et des « cath
2655
plus ou moins conformistes, des progressistes et
des
conservateurs, des « protestants » et des « catholiques ». Or je mets
2656
ormistes, des progressistes et des conservateurs,
des
« protestants » et des « catholiques ». Or je mets en fait que dans l
2657
stes et des conservateurs, des « protestants » et
des
« catholiques ». Or je mets en fait que dans la plupart des cas, les
2658
e) de leur propre nation ; que les surréalistes d’
un
pays s’accorderont mieux avec les surréalistes de l’étranger qu’avec
2659
ui nous diversifient vraiment, c’est la pluralité
des
écoles de pensée et des styles de vie qu’on retrouve à divers degrés
2660
iment, c’est la pluralité des écoles de pensée et
des
styles de vie qu’on retrouve à divers degrés dans toutes nos nations.
2661
nationales, nous n’appauvrirons en rien l’Europe
une
et diverse, et nous ne risquerons pas un instant de créer ce fameux v
2662
’Europe une et diverse, et nous ne risquerons pas
un
instant de créer ce fameux volapük que dénonçait de Gaulle, non sans
2663
lapük que dénonçait de Gaulle, non sans démagogie
un
peu facile. Seconde observation : la création culturelle en Europe es
2664
à la Renaissance, les cités du Nord de l’Italie,
des
Flandres, de la Bourgogne et de la Rhénanie. On sait le rôle merveill
2665
éna, Weimar ou Dresde dans l’Allemagne romantique
des
Hegel, des Schelling, des Hölderlin et des Humboldt, au moment même o
2666
ou Dresde dans l’Allemagne romantique des Hegel,
des
Schelling, des Hölderlin et des Humboldt, au moment même où Napoléon
2667
l’Allemagne romantique des Hegel, des Schelling,
des
Hölderlin et des Humboldt, au moment même où Napoléon faisait de la F
2668
ntique des Hegel, des Schelling, des Hölderlin et
des
Humboldt, au moment même où Napoléon faisait de la France un désert c
2669
, au moment même où Napoléon faisait de la France
un
désert culturel, en mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu
2670
péenne, il est dans cette interaction perpétuelle
des
grands courants continentaux, qui établissent une unité vivante et dy
2671
des grands courants continentaux, qui établissent
une
unité vivante et dynamique, et des foyers locaux de création, qui san
2672
ui établissent une unité vivante et dynamique, et
des
foyers locaux de création, qui sans cesse remettent en question et re
2673
est simplement omis, inexistant. Vers l’Europe
des
régions Si maintenant je transpose en termes politiques mon équati
2674
rope politique = fédération continentale à partir
des
régions L’Europe que nous devons vouloir et qui est la seule que no
2675
seule que nous puissions espérer, ne sera jamais
un
laborieux et problématique échafaudage d’accords tarifaires et autres
2676
ns interétatiques qui, sous prétexte de faciliter
un
peu le passage des frontières en maintiennent et renforcent le princi
2677
qui, sous prétexte de faciliter un peu le passage
des
frontières en maintiennent et renforcent le principe. Je ne crois pas
2678
nent et renforcent le principe. Je ne crois pas à
une
Europe des États-nations souverains, parce qu’on ne peut pas fonder l
2679
forcent le principe. Je ne crois pas à une Europe
des
États-nations souverains, parce qu’on ne peut pas fonder l’union sur
2680
ion à toute union. Je l’ai dit souvent : l’Europe
des
États, rêvée par de Gaulle, ce serait une amicale des misanthropes, c
2681
’Europe des États, rêvée par de Gaulle, ce serait
une
amicale des misanthropes, chose que l’on peut énoncer mais non pas fa
2682
États, rêvée par de Gaulle, ce serait une amicale
des
misanthropes, chose que l’on peut énoncer mais non pas faire ; car ou
2683
noncer mais non pas faire ; car ou bien l’on fait
une
vraie amicale, mais alors on cesse d’être misanthrope, ou bien l’on r
2684
. La fédération européenne s’établira sur la base
des
régions, et celles-ci ne seront pas des mini-États-nations, prétendan
2685
r la base des régions, et celles-ci ne seront pas
des
mini-États-nations, prétendant enfermer dans les mêmes frontières tou
2686
régner. Définies par les réalités et non plus par
des
cordons douaniers, les régions seront fonctionnelles : régions d’écha
2687
ar exemple, n’ont aucune raison de coïncider avec
un
bassin écologique, ou avec une ethnie. Ces régions à géométrie variab
2688
n de coïncider avec un bassin écologique, ou avec
une
ethnie. Ces régions à géométrie variable se recouperont de diverses m
2689
r en commun telle ou telle fonction. Pluralité
des
allégeances Une telle organisation, qui correspondrait enfin aux n
2690
u telle fonction. Pluralité des allégeances
Une
telle organisation, qui correspondrait enfin aux nécessités de la vie
2691
et non plus aux mythes de la souveraineté absolue
des
États, impliquerait de toute évidence un statut de la personne et du
2692
absolue des États, impliquerait de toute évidence
un
statut de la personne et du citoyen absolument contraire au statut de
2693
onne et du citoyen absolument contraire au statut
des
sujets d’un État-nation, et que je nomme : pluralité des allégeances.
2694
toyen absolument contraire au statut des sujets d’
un
État-nation, et que je nomme : pluralité des allégeances. Cela veut d
2695
ets d’un État-nation, et que je nomme : pluralité
des
allégeances. Cela veut dire : relever d’une pluralité d’ensembles fon
2696
alité des allégeances. Cela veut dire : relever d’
une
pluralité d’ensembles fonctionnels, qui ne sont pas de même aire terr
2697
même appartenance politique, sociale, nationale.
Un
exemple personnel suffira pour l’illustrer : je suis Neuchâtelois de
2698
francophonie, qui couvre deux tiers de la France,
un
tiers de la Suisse, la moitié de la Belgique, etc. Ces trois ensemble
2699
e, ou juif, ou communiste.) Enfin, j’appartiens à
une
vingtaine de sociétés locales, régionales, continentales et mondiales
2700
problème ni théorique ni pratique. Si maintenant
un
fou venait me dire : toutes tes allégeances doivent désormais relever
2701
outes tes allégeances doivent désormais relever d’
un
seul pouvoir central qui les limitera à un seul territoire, je criera
2702
ever d’un seul pouvoir central qui les limitera à
un
seul territoire, je crierais au fou, — et ce fou serait Napoléon, Hit
2703
bout de ses ambitions monopolistes. La pluralité
des
allégeances est donc la condition du régime fédéraliste tel que je le
2704
e réelle — et c’est aussi condition de la liberté
des
personnes dans la communauté politique. Fédéralisme et Œcuménisme
2705
que. Fédéralisme et Œcuménisme La pluralité
des
allégeances implique la reconnaissance d’une grande diversité dans le
2706
lité des allégeances implique la reconnaissance d’
une
grande diversité dans les approches, mais plus encore dans l’appropri
2707
approches, mais plus encore dans l’appropriation
des
personnes à la Vérité unique, dont nul n’est maître. Cette diversité,
2708
termes d’aménagement de la cité (i.e. politique)
des
principes mêmes de l’œcuménisme. Toutefois, une expérience séculaire
2709
) des principes mêmes de l’œcuménisme. Toutefois,
une
expérience séculaire montre suffisamment qu’il n’y a rien à attendre
2710
fisamment qu’il n’y a rien à attendre à cet égard
des
gouvernements comme tels, soit ecclésiastiques, soit stato-nationaux.
2711
ui risquent d’être plutôt, demain, les catacombes
des
réduits antiatomiques !), ou dispersés à travers le monde mais unis p
2712
r devra peut-être d’apporter au monde la guérison
des
maux qu’elle y a causés. 20. La France date-t-elle de Clovis, ou d
2713
ausés. 20. La France date-t-elle de Clovis, ou
des
fils de Charlemagne, ou de Philippe le Bel, ou de la Révolution ? L’E
2714
Philippe le Bel, ou de la Révolution ? L’Espagne,
des
rois catholiques ou de Philippe II, ou de la Phalange ? 21. La Loi i
2715
rope. En attendant la grande explosion culturelle
des
Juifs en Occident dès le milieu du xixe siècle : Marx, Freud, Einste
2716
b. Rougemont Denis de, « L’Europe, c’est d’abord
une
culture », Reformatio, Zurich, juillet 1973–août 1972, p. 388-395.
2717
« La famille est devenue
un
choix » (23 septembre 1973)az ba Évoquant sa lignée, Denis de Roug
2718
stoire personnelle ». On ne connaît pas le sens d’
une
histoire, si on ne connaît pas le passé. Il a donc fait des recherche
2719
re, si on ne connaît pas le passé. Il a donc fait
des
recherches généalogiques qui l’ont conduit à de surprenantes découver
2720
ela ne vous fait pas peur ? J’ai toujours en tête
une
recommandation d’un de mes oncles : « Plus l’ancêtre dont on se récla
2721
peur ? J’ai toujours en tête une recommandation d’
un
de mes oncles : « Plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moin
2722
n. Dans les archives du Doubs on retrouve trace d’
une
femme de cette famille de Rougemont qui a épousé le comte de Neuchâte
2723
e comte de Neuchâtel en 1360. On trouve également
un
abbé de Rougemont, à Neuchâtel, en 1372. Quand la ville était princip
2724
prince de Neuchâtel, a donné à Denis de Rougemont
une
lettre de reconnaissance de noblesse. Je suis le quatorzième du nom.
2725
ma famille de beaucoup d’autres en Suisse. C’est
une
lignée de conseillers d’État, le dernier, Frédéric, fut professeur et
2726
étaient utilisés dans les écoles. Il y eut aussi
un
graphologue. Il le fut auprès du Tribunal de la Seine au moment de l’
2727
e génération, vous comptez quatorze Neuchâtelois,
un
Hollandais, deux Allemands et quinze Français. Vous sentez-vous seule
2728
abitez en France. J’ai besoin d’être à cheval sur
une
frontière. Je sens les choses françaises comme si j’étais Français et
2729
’Europe vous vient de vos ancêtres ? Ce n’est pas
une
idée suisse. Le Suisse est cosmopolite. L’idée est au contraire très
2730
très suisse. Les Suisses étaient destinés à être
des
Européens. Votre vie intellectuelle commence à Paris ? Oui, j’y ai pu
2731
à l’autre. « Comment ne pas croire à l’influence
des
professions héréditaires » ? C’est vous qui l’écrivez. Vous n’avez ja
2732
sant de savoir d’où l’on vient. Cela ne dicte pas
une
carrière. Je descends des troubadours — c’est sans doute pourquoi les
2733
ient. Cela ne dicte pas une carrière. Je descends
des
troubadours — c’est sans doute pourquoi les châteaux en ruines me tou
2734
himiste quand j’étais jeune, mais quand j’ai pris
des
leçons j’ai compris qu’il ne saurait plus en être question. Vous save
2735
uestion. Vous savez, quand la passion est devenue
un
devoir… j’ai compris que j’étais écrivain. J’avais lu un Paradis à l
2736
ir… j’ai compris que j’étais écrivain. J’avais lu
un
Paradis à l’ombre des épées, de Montherlant. J’ai écrit une critique
2737
’étais écrivain. J’avais lu un Paradis à l’ombre
des
épées, de Montherlant. J’ai écrit une critique que j’ai envoyée à une
2738
s à l’ombre des épées, de Montherlant. J’ai écrit
une
critique que j’ai envoyée à une revue à Genève qui l’a publiée. Je n’
2739
rlant. J’ai écrit une critique que j’ai envoyée à
une
revue à Genève qui l’a publiée. Je n’en étais pas plus fier pour ça :
2740
e me voulais poète et seulement poète. L’hérédité
des
dons ? Je n’y crois pas. Disons que j’ai eu un milieu favorable. Dans
2741
é des dons ? Je n’y crois pas. Disons que j’ai eu
un
milieu favorable. Dans la famille de ma mère, il y avait des artistes
2742
favorable. Dans la famille de ma mère, il y avait
des
artistes. Ma mère faisait des pastels. L’hérédité des dons, cela n’ex
2743
ma mère, il y avait des artistes. Ma mère faisait
des
pastels. L’hérédité des dons, cela n’existe pas. Disons qu’il y a des
2744
artistes. Ma mère faisait des pastels. L’hérédité
des
dons, cela n’existe pas. Disons qu’il y a des dispositions complément
2745
ité des dons, cela n’existe pas. Disons qu’il y a
des
dispositions complémentaires chez le père et chez la mère. Du pasteur
2746
hâteloise, note : « Il trouvait dans son héritage
des
vertus de prudence, d’ordre et d’autorité, un goût marqué pour l’argu
2747
ge des vertus de prudence, d’ordre et d’autorité,
un
goût marqué pour l’argumentation et la dialectique légaliste, qui l’e
2748
e, qui l’eussent conduit, en d’autres temps, vers
une
carrière d’homme politique… Le ministère pastoral le conduisit vers d
2749
18 ans. De votre mère ? À 97 ans, elle est comme
un
fil. Je lui ressemble physiquement. Elle vient d’une famille de bons
2750
fil. Je lui ressemble physiquement. Elle vient d’
une
famille de bons vivants avec des tendances artistes. Mon père et ma m
2751
nt. Elle vient d’une famille de bons vivants avec
des
tendances artistes. Mon père et ma mère : deux tempéraments fort diff
2752
s de celui de la famille ? La famille est devenue
un
choix, pas une nécessité. Ce que je trouve assez bien. Il y avait une
2753
la famille ? La famille est devenue un choix, pas
une
nécessité. Ce que je trouve assez bien. Il y avait une homogénéité da
2754
écessité. Ce que je trouve assez bien. Il y avait
une
homogénéité dans les familles d’autrefois, à cause de leur implantati
2755
s de pasteurs, point de militaires, mais toujours
des
intellectuels chez les de Rougemont. Comment nier l’hérédité des dons
2756
ls chez les de Rougemont. Comment nier l’hérédité
des
dons ? az. Rougemont Denis de, « [Entretien] La famille est devenu
2757
nt Denis de, « [Entretien] La famille est devenue
un
choix », La Suisse, Genève, 23 septembre 1973, p. 4. ba. Propos recu
2758
Sur la taille
des
régions (octobre 1973)be C’est au Technocrate inconnu que l’on doi
2759
dire ? On me répond qu’il s’agit de « découper »
des
régions qui soient assez grandes, assez peuplées, assez industrialisé
2760
e » avec la Ruhr, le Piémont ou les Midlands. Car
une
région, comme telle, ne sera jamais compétitive : l’adjectif ne saura
2761
pétitive : l’adjectif ne saurait s’appliquer qu’à
une
firme. Dassault, Fiat, Péchiney peuvent être « compétitifs » avec ce
2762
qui se fait à Détroit, à Essen ou à Bâle, mais si
une
de ces firmes s’installait dans Rhône-Alpes, ce serait en vertu de se
2763
s détruites, pollution en tous genres, épuisement
des
ressources naturelles) tacitement pris en charge par l’État, se verra
2764
ibuables. Soyons sérieux : jamais les habitants d’
une
région ne se rassembleront dans l’intention de devenir « compétitifs
2765
-ils de plus ? Ça n’a pas de sens pour eux. C’est
une
idée de technocrate, de ministre ou de fonctionnaire qui ne raisonne
2766
en termes de pouvoir et de prestige. Ce n’est pas
un
souci d’homme réel, de femme réelle, c’est trop loin de la vie quotid
2767
ut rassembler et dresser citoyens et citoyennes d’
une
région, c’est l’idée de prendre en main leurs destinées, c’est la vol
2768
es réalités, mais selon la volonté de puissance d’
un
chef d’État, d’un parti au pouvoir. Or, le but principal d’une région
2769
selon la volonté de puissance d’un chef d’État, d’
un
parti au pouvoir. Or, le but principal d’une région, contrairement à
2770
at, d’un parti au pouvoir. Or, le but principal d’
une
région, contrairement à celui d’un État-nation, n’est pas d’affirmer
2771
t principal d’une région, contrairement à celui d’
un
État-nation, n’est pas d’affirmer sa puissance mais d’exercer sa libe
2772
État sur la petite communauté, on n’en trouve qu’
un
: le grand État peut faire de grandes guerres. Pour tout le reste : q
2773
ons-en avec ces questions de taille. Il nous faut
des
régions de toutes grandeurs, selon les dimensions de leurs problèmes,
2774
volontés de leurs habitants. A-t-on jamais exigé
une
« taille européenne » de nos États-nations ? Du Luxembourg et de la F
2775
s-nations ? Du Luxembourg et de la France, lequel
des
deux États a-t-il la taille ? Je vais vous le dire : c’est le plus pe
2776
: c’est le plus petit. En tant qu’État souverain,
un
et indivisible, la France est trop grande, et il n’en va pas autremen
2777
s à parlements élus, la Grande-Bretagne procède à
une
« dévolution » des pouvoirs de la capitale aux conseils locaux, et la
2778
, la Grande-Bretagne procède à une « dévolution »
des
pouvoirs de la capitale aux conseils locaux, et la France même admet
2779
et la France même admet le principe, au moins, d’
une
décentralisation (encore que le pouvoir central entende l’imposer à s
2780
nière). Ce ne sont là que signes avant-coureurs d’
un
phénomène beaucoup plus ample et plus profond. Théoriciens et pratici
2781
idault. be. Rougemont Denis de, « Sur la taille
des
régions », Mouvement Région Savoie, Servoz, octobre 1973, p. 3-4.
2782
Une
possibilité européenne : la région genevoise (novembre 1973)bf L’a
2783
1973)bf L’angoisse devant la solitude-en-foule
des
grandes villes embouteillées. L’angoisse devant les mass médias d’Éta
2784
où tout ce qui n’est pas publicité tonitruée pour
des
produits, des modes ou des révolutions manipulées, ne s’entend plus.
2785
n’est pas publicité tonitruée pour des produits,
des
modes ou des révolutions manipulées, ne s’entend plus. L’angoisse des
2786
blicité tonitruée pour des produits, des modes ou
des
révolutions manipulées, ne s’entend plus. L’angoisse des individus qu
2787
olutions manipulées, ne s’entend plus. L’angoisse
des
individus qui ont perdu prise sur leur vie, et n’ont plus foi dans le
2788
tionaux — tout nous pousse aujourd’hui à chercher
des
formes de communauté nouvelles ou renouvelées, utopiques ou pratiques
2789
econnaître l’évidence de la région et l’absurdité
des
frontières qui tranchent dans le vif de ses tissus, il faut parfois l
2790
us, il faut parfois le regard neuf, sinon naïf, d’
un
étranger qui simplement « en croit ses yeux ». Pendant la conférence
2791
ment « en croit ses yeux ». Pendant la conférence
des
quatre Grands, Georges Bidault recevait Molotov dans la villa qu’occu
2792
t. « Cicatrices de l’Histoire » — comme disait en
une
autre occasion le même Bidault — ; résultats « des viols répétés de l
2793
ne autre occasion le même Bidault — ; résultats «
des
viols répétés de la géographie par l’histoire » — comme l’écrit le pr
2794
mêmes questions convenues (personne n’y croit). ⁂
Un
problème d’une portée politique décisive se trouve posé par les régio
2795
s convenues (personne n’y croit). ⁂ Un problème d’
une
portée politique décisive se trouve posé par les régions « naturelles
2796
e posé par les régions « naturelles » coupées par
des
frontières politiques nées du hasard des guerres et des traités, et q
2797
pées par des frontières politiques nées du hasard
des
guerres et des traités, et qui ne correspondent plus à nulle réalité,
2798
ontières politiques nées du hasard des guerres et
des
traités, et qui ne correspondent plus à nulle réalité, ni ethnique ni
2799
uraient coïncider territorialement. Il y faudrait
un
vrai miracle, mais ce miracle ne s’est jamais produit, et il aurait e
2800
rvices, d’universités ou de transports. L’exemple
des
diverses régions qu’il y aurait lieu d’organiser autour de Genève est
2801
le brimées, ralenties, pénalisées ou bloquées par
un
cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise
2802
uveraineté » (d’ailleurs de plus en plus fictive)
des
États. Or, tous les problèmes concrets qui se posent dans cette régio
2803
oncrets qui se posent dans cette région appellent
des
solutions transfrontalières. Et chaque problème définit une région di
2804
ons transfrontalières. Et chaque problème définit
une
région différente en termes de territoire. Il y a autour de Genève un
2805
en termes de territoire. Il y a autour de Genève
une
région de main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire des travai
2806
main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire
des
travailleurs français : 23 000 environ, à cette date, viennent chaque
2807
rent le soir en France. Cette région s’étend dans
un
rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, aut
2808
r en France. Cette région s’étend dans un rayon d’
une
quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, autour du Léman
2809
tres autour de la ville. Il y a, autour du Léman,
une
région écologique définie par la pollution du lac (affluents, usines,
2810
gement celle de la région de main-d’œuvre. Il y a
une
région définie par les échanges de biens industriels, commerciaux, et
2811
e, ni celle de la région écologique. Il y a enfin
une
région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste
2812
ensité tout à fait exceptionnelle, entre lesquels
des
liens spéciaux pourraient s’instituer. Or, cette région se trouve cor
2813
réer autour de Genève — et encore moins de Lyon —
une
sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la c
2814
ajouterait aux défauts de la centralisation ceux
des
trop petites dimensions économiques. Il s’agit simplement de résoudre
2815
on, décidément indéfendable à tous points de vue,
des
frontières nationales héritées d’autres âges. De la création des rég
2816
ationales héritées d’autres âges. De la création
des
régions que je viens de définir, ce n’est pas plus Genève qui bénéfic
2817
Gex, la Savoie, la Romandie tout entière, et dans
une
mesure qui reste à déterminer, l’Isère, le Val d’Aoste et la Franche-
2818
itionnelle au sein de la région lémano-alpine (ou
des
régions possibles alentour du Léman). Il y a depuis toujours deux rac
2819
l y a deux confessions depuis le xvie siècle. Et
des
systèmes politiques opposés, l’un centraliste, l’autre fédéraliste, l
2820
ris, l’autre où tout vient d’en bas, c’est-à-dire
des
communes. Mais quoi, de 1815 à 1919, ces facteurs ancestraux de divis
2821
es créées par l’administration de l’État-nation «
un
et indivisible ». Tous les anciens motifs d’hostilité, de jalousie, o
2822
aux trois degrés, qu’il faut refaire l’éducation
des
citoyens, à partir des réalités, qui sont locales et régionales d’abo
2823
l faut refaire l’éducation des citoyens, à partir
des
réalités, qui sont locales et régionales d’abord, puis continentales
2824
-nationaux.) Tout dépend de l’éducation, au cours
des
trois lustres qui viennent. La région n’est nullement un relai de cro
2825
s lustres qui viennent. La région n’est nullement
un
relai de croissance. C’est un milieu commun de participation, civique
2826
ion n’est nullement un relai de croissance. C’est
un
milieu commun de participation, civique, politique et social. C’est u
2827
articipation, civique, politique et social. C’est
un
espace culturel. C’est une école de voisinage, — l’un des plus beaux
2828
itique et social. C’est un espace culturel. C’est
une
école de voisinage, — l’un des plus beaux mots de notre langue. 24.
2829
ce culturel. C’est une école de voisinage, — l’un
des
plus beaux mots de notre langue. 24. C’est le même mot : politique
2830
ivitas, cité romaine. bf. Rougemont Denis de, «
Une
possibilité européenne : la région genevoise », Cahiers de l’Alliance
2831
tinent, l’utopie de Denis de Rougemont : l’Europe
des
régions (1er-2 décembre 1973)bg bh « Grâce aux Arabes, que je reme
2832
rope est en crise. Il nous reste à voir que c’est
une
crise de civilisation. » Avec son humour tranquille, Denis de Rougemo
2833
ant la section suisse de l’Association européenne
des
enseignants de la grande passion de sa vie : l’Europe. Nous avons pro
2834
société occidentale. Cette utopie, c’est l’Europe
des
régions. Depuis vingt-cinq ans que tout le monde dit qu’il faut faire
2835
it qu’il faut faire l’Europe, on n’a pas avancé d’
un
millimètre, hormis quelques progrès en matière économique. Sur le pla
2836
ecul. Les États-nations ne veulent pas abandonner
une
parcelle de leur souveraineté. La carence de toute politique énergéti
2837
que les États-nations sont incapables de résoudre
un
tel problème, comme ils sont impuissants devant l’inflation, le chaos
2838
à partir de nos vies quotidiennes, pour aboutir à
une
société organisée à l’échelle continentale. La formule de l’État-nati
2839
er à la dépasser à la fois par en haut, en créant
une
fédération à l’échelle continentale, et par en bas en organisant les
2840
deux opérations ne peuvent être que simultanées :
un
pouvoir supranational et un tissu de réalités régionales doivent s’él
2841
tre que simultanées : un pouvoir supranational et
un
tissu de réalités régionales doivent s’élaborer en même temps, l’un p
2842
égion ? Pouvez-vous préciser ? Je dirai que c’est
une
structure de participation civique à base de syndicats de communes. J
2843
ain. On nous a trop appris, à l’école, à dessiner
des
pays comme des entités fermées. Sur nos « croquis », les fleuves s’ar
2844
trop appris, à l’école, à dessiner des pays comme
des
entités fermées. Sur nos « croquis », les fleuves s’arrêtaient aux fr
2845
res ! La région ne doit pas être circonscrite par
une
frontière qui enferme tout. Elle se définit de manière variable selon
2846
a aucune raison que ces fonctions correspondent à
une
seule et même aire géographique. Citez-nous un exemple. À l’Institut
2847
à une seule et même aire géographique. Citez-nous
un
exemple. À l’Institut universitaire d’études européennes, que je diri
2848
géographiques ne se recouvrent pas : par exemple
une
région écologique, définie par les problèmes du Léman, de Cointrin, d
2849
centrale nucléaire projetée à Verbois ; ou encore
une
région universitaire, qui va de Saint-Étienne à Neuchâtel et de Besan
2850
On distingue aussi dans cette aire la plus large
une
région industrielle où se font quatre-vingts pour cent de l’horlogeri
2851
onner au citoyen, dans la région et grâce à elle,
un
pouvoir de décision sur les problèmes fondamentaux de sa vie. Ce que
2852
que Platon imaginait déjà pour sa cité idéale.
Un
Conseil élu par le peuple européen Oui, mais comment coordonner to
2853
lle de l’Europe ? En créant au niveau continental
des
agences fédérales correspondant aux différentes fonctions qui définis
2854
te titre dans les pays où il est devenu l’affaire
des
seuls partis, car ceux-ci ne correspondent plus à grand-chose aujourd
2855
u vrai sens du mot, au niveau communal, au niveau
des
groupements de communes en régions, puis au niveau continental. Cela
2856
se faire sans délai. Les régions qui s’élaborent
un
peu partout en Europe peuvent très bien désigner des délégués qui se
2857
peu partout en Europe peuvent très bien désigner
des
délégués qui se réunissent en congrès annuel : voilà l’origine d’une
2858
réunissent en congrès annuel : voilà l’origine d’
une
vraie vie politique européenne. Mais ce qui est important, c’est qu’i
2859
e qui est important, c’est qu’il existe au-dessus
des
régions et à leur service une fonction proprement politique, d’arbitr
2860
il existe au-dessus des régions et à leur service
une
fonction proprement politique, d’arbitrage et d’équilibre entre les d
2861
s particulières. C’est à ce niveau qu’il faudrait
un
Conseil élu par le peuple européen et composé non de spécialistes, ma
2862
é non de spécialistes, mais de citoyens qui aient
une
vision générale de la vie, qui équilibrent les différentes fonctions
2863
ibrent les différentes fonctions de la cité selon
une
hiérarchie de valeurs, selon certaines finalités communes telles que
2864
a liberté plutôt que de la puissance collective d’
un
État, la sauvegarde des équilibres entre l’homme et la nature plutôt
2865
la puissance collective d’un État, la sauvegarde
des
équilibres entre l’homme et la nature plutôt que du seul profit matér
2866
és multinationales ? Vous dénoncez l’existence
des
États-nations comme une entrave à l’engagement des citoyens dans leur
2867
Vous dénoncez l’existence des États-nations comme
une
entrave à l’engagement des citoyens dans leurs communautés naturelles
2868
es États-nations comme une entrave à l’engagement
des
citoyens dans leurs communautés naturelles régionales. Et les grands
2869
sociétés multinationales ? Ne constituent-ils pas
une
entrave tout aussi puissante ? L’existence des sociétés multinational
2870
as une entrave tout aussi puissante ? L’existence
des
sociétés multinationales est une démonstration de l’inadaptation de l
2871
te ? L’existence des sociétés multinationales est
une
démonstration de l’inadaptation de l’État-nation aux réalités économi
2872
tuelle. Comment peut-on croire encore qu’il y ait
des
économies nationales ? Il n’y a aucune raison pour qu’une entité écon
2873
omies nationales ? Il n’y a aucune raison pour qu’
une
entité économique coïncide avec les frontières d’un de nos États-nati
2874
entité économique coïncide avec les frontières d’
un
de nos États-nations, frontières qui ont été fixées au hasard des gue
2875
-nations, frontières qui ont été fixées au hasard
des
guerres et des traités sur de tout autres bases que celles de l’écono
2876
ières qui ont été fixées au hasard des guerres et
des
traités sur de tout autres bases que celles de l’économie actuelle. L
2877
que celles de l’économie actuelle. L’économie est
une
chose très fluente, dont les rythmes de changement sont de cinq à dix
2878
quatre-vingts ans ! Quant au rythme de changement
des
ethnies, il est de l’ordre d’un millier d’années ! Bien sûr, les soci
2879
me de changement des ethnies, il est de l’ordre d’
un
millier d’années ! Bien sûr, les sociétés multinationales peuvent con
2880
penser que… Notez que je ne me fais pas l’avocat
des
sociétés multinationales ! … sans se faire l’avocat du diable, on peu
2881
n peut penser néanmoins que le souci d’adaptation
des
sociétés multinationales profite essentiellement à ces dernières ! Ce
2882
t d’abord leur profit et c’est souvent aux dépens
des
équilibres sociaux et naturels d’un pays. Mais je le répète, rien ne
2883
t aux dépens des équilibres sociaux et naturels d’
un
pays. Mais je le répète, rien ne les empêche d’accorder leur profit à
2884
n ne les empêche d’accorder leur profit à celui d’
une
région, et certaines le font. Disons, pour résumer beaucoup ma positi
2885
sons, pour résumer beaucoup ma position, que dans
un
monde qui serait structuré par régions, mais dans le cadre d’une poli
2886
erait structuré par régions, mais dans le cadre d’
une
politique commune à l’échelle continentale, la question se poserait e
2887
tout changerait. Morgarten, Austerlitz, c’est
un
peu loin ! Devant les enseignants, vous avez reproché à l’école tr
2888
que l’on parte plutôt de l’environnement immédiat
des
élèves. Vous vous souvenez qu’on vous apprenait à énumérer les afflue
2889
ous ? Je propose d’éveiller la conscience civique
des
enfants en attirant leur attention d’abord sur les réalités de leur r
2890
de même très loin de nos problèmes actuels réels.
Une
petite phrase de Simone Weil m’a frappé : « L’orgueil national est lo
2891
rtant de ce que l’enfant peut connaître le mieux,
des
curiosités les plus vite éveillées à son âge, celles qui concernent s
2892
l’horizon de l’enfant ? Je dis qu’il faut partir
des
réalités immédiates — pour aller plus loin ! L’écologie, par exemple,
2893
aller plus loin ! L’écologie, par exemple, c’est
une
question vitale. Où est-elle sensible ? À l’échelle locale le plus so
2894
’échelle locale le plus souvent. L’empoisonnement
des
rivières, la pollution des lacs, la destruction des sites, des forêts
2895
vent. L’empoisonnement des rivières, la pollution
des
lacs, la destruction des sites, des forêts, ce sont des choses immédi
2896
s rivières, la pollution des lacs, la destruction
des
sites, des forêts, ce sont des choses immédiatement perceptibles. Les
2897
la pollution des lacs, la destruction des sites,
des
forêts, ce sont des choses immédiatement perceptibles. Les enfants so
2898
cs, la destruction des sites, des forêts, ce sont
des
choses immédiatement perceptibles. Les enfants sont parfaitement cons
2899
as pour la pollution. Les poissons sont les mêmes
des
deux côtés du Léman et ils y crèvent de la même façon ! Les gosses co
2900
ndre comme citoyens de leur région et de l’Europe
des
régions fédérées. Mais il faut s’y mettre tout de suite ! bg. Rou
2901
tinent, l’utopie de Denis de Rougemont : l’Europe
des
régions », 24 Heures, Lausanne, 1 décembre 1973, p. 36. bh. Propos r