1
974)k La première table ronde, tenue à Rome, s’
était
demandé : d’où vient l’Europe, et sur quelles bases d’unité culturell
2
des effets politiques (mais c’est l’inverse qui s’
est
produit). Celle d’aujourd’hui veut affronter les premières manifestat
3
re union politique. Or, la cause de cette carence
est
en interaction précise avec les causes de la crise mondiale, dont le
4
oix concrets, dans les finalités dont ces valeurs
sont
en définitive les moyens. De la première table ronde sont nés, nous d
5
définitive les moyens. De la première table ronde
sont
nés, nous dit un document récent émanant du Conseil de l’Europe, « la
6
tière d’éducation et de culture ». Je crois qu’il
serait
juste d’ajouter à ces dispositions techniques la diffusion discrète,
7
s évidents et ceux que j’ai le mieux connus. Ce n’
est
pas rien, mais il faut bien admettre que cela n’a pas suffi pour « fa
8
c une logique infernale (le nom l’indique et ce n’
est
pas un hasard) ce « Pentagone de la Puissance » ou mieux : de l’obses
9
e Conseil de l’Europe a fait un acte qui mérite d’
être
qualifié de politique, au sens du terme le plus éminent, le plus larg
10
rapports humains dans la cité. Que le Conseil en
soit
remercié par les Douze, en tant qu’invités, et qu’il en soit félicité
11
ié par les Douze, en tant qu’invités, et qu’il en
soit
félicité par nous tous, en tant que citoyens. Car le Conseil ne tente
12
l créer l’union des gens de l’Europe, tels qu’ils
sont
, ou tels qu’ils peuvent devenir, dans une société rénovée ? Selon que
13
alement obéi par la communauté dans laquelle nous
sommes
nés ? Devant ces problèmes de destin, notre approche ne sera pas théo
14
Devant ces problèmes de destin, notre approche ne
sera
pas théorique. Nous ne partons pas à la recherche de définitions sati
15
ns satisfaisantes ou simplement provocantes. Nous
sommes
confrontés à une crise, à des scandales, que tous ressentent, à des d
16
pas faire autrement. Car la pensée, en général, n’
est
peut-être que le feed-back d’une surprise ou d’une blessure, d’une ag
17
ière, annoncent un passage dangereux, quand ce ne
sont
pas déjà les disques rouge et blanc de la voie barrée, de l’impasse.
18
tout le monde a lu Forrester ou Meadows. Mais ils
sont
loin d’avoir épuisé le pire de notre crise : l’équivalent moral, soci
19
ision ; les ravages de la division du travail qui
est
en réalité une division de l’homme, comme l’avait annoncé Kropotkine
20
ar c’est lui qui les rendra vraies, quand elles n’
étaient
que monitoires et n’ambitionnaient rien que d’être démenties ! Oui, j
21
ent que monitoires et n’ambitionnaient rien que d’
être
démenties ! Oui, je sens parmi nous quelque chose qui me paraît beauc
22
apocalyptiques des écologistes, quelque chose qui
est
là déjà, bel et bien là, et qui est la Question du siècle, une questi
23
que chose qui est là déjà, bel et bien là, et qui
est
la Question du siècle, une question pure, béante, qui se posait du te
24
au mois de mai 1968 : Que faisons-nous là ? Quel
est
le sens de ma vie dans cette société qui n’en est pas une, puisqu’ell
25
est le sens de ma vie dans cette société qui n’en
est
pas une, puisqu’elle n’est plus une communauté ? Que vaut son fameux
26
cette société qui n’en est pas une, puisqu’elle n’
est
plus une communauté ? Que vaut son fameux niveau de vie ? Vers quoi n
27
État-nation centralisé où ils se voient perdus, n’
est
plus leur affaire, ne peut que les brimer, et les oblige à s’évader d
28
mbécillité civique des majorités silencieuses. Il
est
normal que le jeune Européen d’aujourd’hui se demande à quoi tout cel
29
cela rime, et descende le crier dans la rue : il
serait
anormal qu’on ne lui réponde que par des coups de matraque. Il est no
30
ne lui réponde que par des coups de matraque. Il
est
normal qu’il juge très sévèrement la société matérialiste et qu’il dé
31
e et qu’il dénonce son anarchie profonde, mais il
est
anormal qu’il se voie pour autant traité de « fauteur de désordre ».
32
ar le plus profond des désordres, c’est celui qui
est
au cœur d’une société dont le seul principe absolu est le profit, cal
33
u cœur d’une société dont le seul principe absolu
est
le profit, calculé en monnaie. Beaucoup de jeunes gens rêvent de la r
34
onstituent. Tenter de s’y opposer par la violence
serait
bien pire que vain car ce serait faire son jeu. Cette crise morale af
35
par la violence serait bien pire que vain car ce
serait
faire son jeu. Cette crise morale affecte l’Occident tout entier, et
36
rielle, scientifico-technique, quantitative. Elle
est
née de l’Europe, de ses valeurs et de leurs conflits ; et des guerres
37
îné toute la planète. Or à leur tour, ces guerres
sont
nées de nos nationalismes. Et voici qu’apparaît clairement le sujet d
38
es, il faut des choix. Il faut savoir ce que l’on
est
prêt à sacrifier et quelles sont les priorités. Veut-on d’abord et à
39
avoir ce que l’on est prêt à sacrifier et quelles
sont
les priorités. Veut-on d’abord et à tout prix la Puissance, ou la Lib
40
aguère avait tenté de décréter l’inexistence. Qu’
est
-ce qu’une valeur, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’est pas une
41
ne valeur, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’
est
pas une entité philosophique. C’est ce qui nous permet de choisir, or
42
iale, nous avons l’impression que quelque chose a
été
faussé dans l’échelle des priorités, que la justice, la santé, la lib
43
, et qui vaut plus que tout ? Bien sûr, les choix
sont
rarement aussi simples. Mais ils se ramènent dans l’ensemble à un dil
44
me fondamental entre l’impératif catégorique, qui
est
moral, et les impératifs technocratiques, qui sont des questions de g
45
est moral, et les impératifs technocratiques, qui
sont
des questions de gros sous, quand ce n’est pas de puissance militaire
46
, qui sont des questions de gros sous, quand ce n’
est
pas de puissance militaire. Or, ces choix de finalités, et les sacrif
47
gage les valeurs, de l’évaluant fondamental. Il n’
est
pas toujours bien conscient, même chez celui dont il gouverne le juge
48
son vocabulaire le terme de justice, décidé qu’il
est
à ne décrire que des enchaînements nécessaires et qui échappent à tou
49
orale. Cependant, la passion qui anime Le Capital
est
celle de la justice, ou je n’y ai rien compris. C’est la justice, non
50
compris. C’est la justice, non la nécessité, qui
est
le vrai référentiel de l’œuvre. Pour l’homme d’Europe, qu’il le sache
51
rdonnées spatiales. Notre notion de la personne s’
est
constituée au cours des grands conciles œcuméniques de Nicée en 325,
52
enue de la Judée. Le problème majeur des conciles
est
celui de la Trinité : comment définir et distinguer en un seul Dieu,
53
nt en fait, ou comme diront les scolastiques, qui
sont
« distinguées par la raison mais unies par la réalité ». En formulant
54
dhon, et les dialectiques d’aujourd’hui, qu’elles
soient
marxistes, existentialistes ou physico-mathématiques. Et c’est aussi,
55
autonomies locales — cette pensée en tension qui
est
vraiment l’idée formatrice de l’Europe parce qu’elle engendre l’homme
56
opéen, à partir de l’extraordinaire création qu’a
été
le concept de personne, cette notion théomorphe de l’homme et anthrop
57
n quelque sorte, de la notion, qui ne tarda pas à
être
transposée du plan théologique à celui de l’humain, par Augustin d’ab
58
par Augustin d’abord, lequel estime que l’homme,
étant
fait à l’image de Dieu, est lui aussi une personne ; puis par Boèce,
59
estime que l’homme, étant fait à l’image de Dieu,
est
lui aussi une personne ; puis par Boèce, philosophe non chrétien, qui
60
n termes laïques les définitions conciliaires, et
sera
commenté par tout le Moyen Âge. Homologue du « vrai Dieu et vrai homm
61
la Deuxième Personne divine, la personne humaine
est
devenue la coexistence en tension de l’individu naturel et de ce qui
62
tes, les siècles ont ajouté à cette formule. Elle
est
devenue autre chose qu’un modèle, qu’une structure. Aux notions grecq
63
our actif, de liberté, de justice et de vocation,
sont
venues s’ajouter les valeurs germaniques de fidélité, de communauté,
64
ant et de Quête spirituelle. Mais aujourd’hui, qu’
est
-ce donc que la personne ? Il semble qu’à une telle question je ne pou
65
. Car chacun naît de quelque chose qui n’a jamais
été
auparavant, qui n’est exactement pareil à rien, croisement de chromos
66
uelque chose qui n’a jamais été auparavant, qui n’
est
exactement pareil à rien, croisement de chromosomes eux-mêmes sans pr
67
eux-mêmes sans précédent, de sorte que la chance
est
quasi nulle qu’il naisse jamais deux individus pareils. Chacun de nou
68
sse jamais deux individus pareils. Chacun de nous
est
donc le point de départ d’un chemin particulier vers le But qui l’app
69
l’Absolu, la Vérité ou le Bonheur. Le But suprême
est
le même pour tous mais chacun pour le joindre doit créer sa propre vo
70
ant, à savoir si je découvre mon chemin tel qu’il
était
prévu pour moi depuis toujours, ou si je l’invente en osant y avancer
71
te forme de confiance dont Saint-Paul dit qu’elle
est
« ferme assurance des choses qu’on ne voit pas ». Le chemin qui se cr
72
t commencé par répéter, après Nietzsche, que Dieu
est
mort, et que cela signifiait la « mort de l’homme », et donc de toute
73
nc de toute identité, de toute personne. Or, ce n’
est
là qu’une métaphore. Ce qui peut provoquer la mort de l’homme, c’est
74
lysse au Cyclope : « Je me nomme personne, je n’y
suis
pas », c’est qu’on prépare un mauvais coup, ou qu’on tente d’échapper
75
t pratiquement, vous y croyez, tous tant que vous
êtes
. Car si vous protestez, comme vous le faites tous, chaque jour, contr
76
iénation, j’ose vous demander ce qui, selon vous,
est
aliéné ? Si ce n’est pas la personne, alors quoi ? Quelle abstraction
77
demander ce qui, selon vous, est aliéné ? Si ce n’
est
pas la personne, alors quoi ? Quelle abstraction politicienne ? Ceux
78
politicienne ? Ceux qui prétendent que l’homme n’
est
qu’une illusion, que le sujet n’existe pas, même dans le discours, qu
79
ation de l’homme par l’homme, disent-ils. Mais ce
serait
l’exploitation d’une illusion par une inexistence, à les en croire ?
80
omment peuvent-ils signer, tout simplement ? Dieu
est
mort, nous disent-ils, l’homme est mort, il n’y a plus de sujet, il n
81
plement ? Dieu est mort, nous disent-ils, l’homme
est
mort, il n’y a plus de sujet, il n’y a plus rien. Il ne reste rien qu
82
à la fois selon le naturel et selon le divin qui
est
en lui. L’aliéner, c’est le mécaniser — au sens argotique qu’a pris l
83
t qui même très bénéfique, très bien payé, ne lui
serait
pas propre, ne pourrait que l’altérer, le détourner de sa vocation —
84
r soi-même, la Liberté. Le pouvoir sur autrui, il
est
fatal que l’État s’en empare un jour ou l’autre. Car l’État réclame e
85
s, et ne peut tolérer que des pouvoirs collectifs
soient
détenus par des particuliers : qu’on se rappelle la lutte des rois co
86
e du domaine réservé ou revendiqué par l’État, et
sera
tôt ou tard monopolisé par l’État. Tout pouvoir qui s’exerce sur autr
87
is cette vocation personnelle, je le répète, nous
est
le plus souvent inconnue. La découvrir comme si on l’inventait est la
88
nt inconnue. La découvrir comme si on l’inventait
est
la tâche singulière de chacune de nos vies. La tyrannie se définit al
89
itions de vie, de dignité, de santé et de loisirs
sont
à peu près les mêmes à l’Est dit socialiste et à l’Ouest capitaliste,
90
santé et de loisirs sont à peu près les mêmes à l’
Est
dit socialiste et à l’Ouest capitaliste, mais de nous tous, habitants
91
Au surplus, elle crée tant de liens avec ce qui n’
est
pas ma vocation, que toutes les religions de la terre l’ont condamnée
92
là-dessus tout l’essentiel : « L’orgueil national
est
loin de la vie quotidienne. » Les notions d’impératif technique et d’
93
usses et même d’un ridicule moliéresque. Elles ne
sont
, trop évidemment, que les alibis, soit de la volonté de puissance des
94
. Elles ne sont, trop évidemment, que les alibis,
soit
de la volonté de puissance des États et de leurs grandes agences tech
95
des États et de leurs grandes agences techniques,
soit
du profit privé des sociétés, soit encore, en dernière analyse, de no
96
es techniques, soit du profit privé des sociétés,
soit
encore, en dernière analyse, de notre propre choix matérialiste. Lequ
97
énéré par le xixe siècle et réputé irrésistible,
est
le type même de l’antivaleur, s’il n’est que l’accroissement des pouv
98
istible, est le type même de l’antivaleur, s’il n’
est
que l’accroissement des pouvoirs matériels, qui conduisent à la guerr
99
au gaspillage des ressources terrestres ; s’il n’
est
pas un progrès spirituel, une aventure de la liberté, un accroissemen
100
iels, croissance dont on a remarqué que le rythme
est
celui des cellules cancéreuses. En revanche, l’amour est une valeur f
101
ui des cellules cancéreuses. En revanche, l’amour
est
une valeur fondamentale, qui ne saurait être niée ou contestée que pa
102
amour est une valeur fondamentale, qui ne saurait
être
niée ou contestée que par des infirmes de l’âme ou des débiles du spi
103
à la radio. Car aimer son prochain comme soi-même
est
un commandement de la Bible. Puisque les sentiments ne se commandent
104
e prochain comme soi-même, dès lors que cela nous
est
commandé, ne saurait donc être qu’un acte : le prochain est celui que
105
lors que cela nous est commandé, ne saurait donc
être
qu’un acte : le prochain est celui que je puis aider en fait. Mais la
106
dé, ne saurait donc être qu’un acte : le prochain
est
celui que je puis aider en fait. Mais la notion même de prochain supp
107
géographique. Si le principe de toute communauté
est
de nature spirituelle et touche l’élément transcendant dans la person
108
de toute la terre, la vie communautaire concrète
est
proximiste, c’est-à-dire communale, locale et régionale. L’universel
109
, locale et régionale. L’universel et le local ne
sont
pas en contradiction — pas plus que l’Église et la paroisse — puisqu’
110
mplique sa responsabilité, et que la réciproque n’
est
pas moins vraie. La vocation dont l’appel me libère, c’est elle aussi
111
’État-nation imposé par Napoléon : par en bas, ce
sont
les régions, par en haut, la fédération continentale. Et nous venons
112
titutives de la personne. Les hommes ne sauraient
être
unis par l’imposition uniforme d’un même corpus de lois et de règleme
113
es communautés qui, pour défendre leur autonomie,
seront
amenées à se fédérer et donc à pratiquer la seule méthode capable, se
114
bertés. C’est à cause de cela, finalement, que je
suis
venu une fois de plus, ici, parler de l’Europe, de son union, et de l
115
teindrons-nous ? J’ai toujours estimé que nous ne
sommes
pas au monde — ni vous ni moi — pour essayer de deviner l’avenir. C’e
116
er de deviner l’avenir. C’est à le faire que nous
sommes
appelés. k. Rougemont Denis de, « La personne comme fondement des
117
nvention du personnalisme (1974)a Comment nous
sommes
-nous rencontrés ? Rien de plus difficile à établir. J’ai tenté récemm
118
Je t’entends encore me dire… » — mais les détails
sont
différents… Je donnerai donc ici ma version (qui est la bonne) telle
119
différents… Je donnerai donc ici ma version (qui
est
la bonne) telle que je l’ai publiée dans le Journal d’une époque, p.
120
ules : Ni individualistes ni collectivistes, nous
sommes
personnalistes ! À 15 ans, militant socialiste-révolutionnaire à Kiev
121
n seulement aucun de ceux que je viens de citer n’
est
connu du grand public — ce qui est normal, ils ont de 21 à 32 ans — m
122
ens de citer n’est connu du grand public — ce qui
est
normal, ils ont de 21 à 32 ans — mais encore ils ne se connaissent pa
123
volutionnaires ». Il n’importe : une génération s’
est
déclarée, et quels que soient les conflits qui l’animent, elle a reco
124
rte : une génération s’est déclarée, et quels que
soient
les conflits qui l’animent, elle a reconnu les éléments fondamentaux
125
années cruciales Alexandre Marc. ⁂ Que nous nous
soyons
rencontrés grâce à mon ami Max Dominicé, alors pasteur à Belleville,
126
nce à la misère du siècle, une présence enfin qui
soit
un acte », ainsi que je l’écrirai un an plus tard — et c’est, je croi
127
baud, tout me portait à déboucher sur une action,
fût
-elle spirituelle d’abord, au-delà de la littérature. Alexandre Marc f
128
’abord, au-delà de la littérature. Alexandre Marc
fut
pour moi l’initiateur à la réalité politique. (Avant cela, mes option
129
politique. (Avant cela, mes options politiques s’
étaient
bornées à d’acerbes discussions avec les maurrassiens de Suisse roman
130
portait à Versailles des guêtres blanches, ce qui
était
banal à l’époque pour peu qu’on surveillât sa mise, mais je le mentio
131
e révolutionnaire, pas d’action révolutionnaire »
était
son slogan préféré. Nous allions bientôt découvrir sa constante préoc
132
ires de cette période). ⁂ L’idée œcuménique avait
été
lancée par quelques prélats anglicans et théologiens d’Amérique. Elle
133
prélats anglicans et théologiens d’Amérique. Elle
était
patronnée, vigoureusement, par Nathan Soederblom, primat de Suède. Un
134
mulations diplomatiques. Au surplus, l’entreprise
est
par nature paradoxale : il s’agit de chercher sinon l’union, du moins
135
ictement formulées. Or c’est cela, justement, qui
est
personnaliste. Et le paradoxe œcuménique apparaît parfaitement homolo
136
tiques. Je n’ai souvenir que de la première. Nous
étions
une trentaine dans une salle nue qui me rappelait mes salles d’écoles
137
ertes, nous n’allions pas encore si loin. Nous en
étions
à découvrir que les passionnés d’orthodoxies au stade naissant — réin
138
n et Gilson, ou de la Sophiologie par Boulgakov —
sont
mieux capables de nouer le dialogue et de s’entendre que les tenants
139
» et l’élan spirituel passant pour hérésie…) ⁂ Il
est
probable que Mounier vint un beau soir au Club du Moulin-Vert ; il es
140
ier vint un beau soir au Club du Moulin-Vert ; il
est
certain que nous nous sommes connus grâce à Marc, qui m’avait d’abord
141
lub du Moulin-Vert ; il est certain que nous nous
sommes
connus grâce à Marc, qui m’avait d’abord introduit à la revue Plans,
142
ous les groupes personnalistes. Certes, Esprit
est
l’enfant de Mounier. Quel que soit le nombre des articles que Marc, D
143
ertes, Esprit est l’enfant de Mounier. Quel que
soit
le nombre des articles que Marc, Dandieu, Aron, Dupuis, Prévost ou mo
144
’ON et la revue Esprit , les liens personnels ne
seront
jamais coupés entre les deux branches principales du mouvement person
145
première pour l’ensemble de la collaboration (il
est
bien vrai que nous nous sommes un peu laissé entraîner).2 Quels so
146
la collaboration (il est bien vrai que nous nous
sommes
un peu laissé entraîner).2 Quels sont ces articles « venant de l’O
147
s nous sommes un peu laissé entraîner).2 Quels
sont
ces articles « venant de l’ON » ? J’en trouve trois : Jean-Pierre Car
148
veau », par A. Marc. À coup sûr, ces trois textes
sont
les plus explosifs du numéro (avec peut-être quelques pages de George
149
? Il préfère écrire, au seuil du numéro : « Nous
sommes
le parti de l’esprit avant d’être le parti de la révolution. » Au num
150
méro : « Nous sommes le parti de l’esprit avant d’
être
le parti de la révolution. » Au numéro 4, Alexandre Marc donne une im
151
», où l’on peut lire que « la distribution planée
sera
assurée par un service social obligatoire. Par la participation de ch
152
du groupe, d’abord représenté par Alexandre Marc,
fut
de loin le plus « révolutionnaire » dans la période de lancement d’ E
153
période de lancement d’ Esprit . En revanche, je
suis
témoin qu’à quatre ou cinq reprises l’intervention de Marc a seule pr
154
tion de doctrine ou sur une saute d’humeur. Et je
fus
certes le premier à l’appuyer, comme je fus le seul à collaborer régu
155
Et je fus certes le premier à l’appuyer, comme je
fus
le seul à collaborer régulièrement aux deux revues, de leur numéro 1
156
de leur numéro 1 jusqu’à la guerre. Mais le fait
est
que Marc et moi étions fort loin de soupçonner qu’en 1936, l’année mê
157
squ’à la guerre. Mais le fait est que Marc et moi
étions
fort loin de soupçonner qu’en 1936, l’année même de la publication pa
158
eois (sic) que nous ne pouvons admettre.3 Ce n’
est
pas sans tristesse que je transcris ces phrases d’une injustice propr
159
en Cour de Rome), quand il écrit à Berdiaev, qui
fut
marxiste, Mounier cède aux clichés communistes sur l’ON, dans le même
160
s qu’il écrit à l’archevêque de Paris qu’ Esprit
est
la seule revue « dirigée et rédigée pour une importante part par des
161
ques » face aux « trois autres grandes revues qui
sont
de direction communiste », à savoir commune, Europe, et la NRF …5 Vo
162
eût amusé Paulhan. (Mais après tout, si la NRF
est
« communiste », pourquoi l’ON ne serait-il pas « fasciste » ?) Quelle
163
si la NRF est « communiste », pourquoi l’ON ne
serait
-il pas « fasciste » ?) Quelle qu’ait été l’importance de ses apports
164
ON ne serait-il pas « fasciste » ?) Quelle qu’ait
été
l’importance de ses apports à Plans et à Esprit , c’est dans L’Ordr
165
a cohésion de 1930 la guerre. Car jamais unité ne
fut
achevée à partir d’une plus radicale diversité. Nous étions huit à di
166
evée à partir d’une plus radicale diversité. Nous
étions
huit à diriger L’Ordre nouveau , si l’on en croit l’en-tête du numér
167
el de la grande tradition socialiste française, n’
était
pas seulement notre aîné : il était le seul d’entre nous qui ait lu t
168
française, n’était pas seulement notre aîné : il
était
le seul d’entre nous qui ait lu tout Marx et tout Proudhon. Auteur d’
169
ard pour sa fameuse Histoire du christianisme. Il
est
le seul d’entre nous à toucher le grand public en ce temps-là. (Plusi
170
s le bousculer.) Claude Chevalley, mathématicien,
est
l’un des fondateurs du célèbre groupe « Bourbaki » ; il suit de près
171
ente avec Dandieu. René Dupuis et Jean jardin ont
été
condisciples de Marc à Sciences Po : le premier y retournera comme pr
172
eur ; le second, qui vient de l’Action française,
est
alors collaborateur de Dautry à la SNCF. Seul non-Français du groupe,
173
’une petite maison d’édition protestante, dont je
suis
censé vivre, tout en écrivant pour la NRF , Esprit , L’Ordre nouve
174
ès tous les jours… Du point de vue religieux, qui
est
capital, en dépit de ce que pense un vain peuple d’intellectuels pari
175
ON en 1933 : Rops et Jardin (et peut-être Dupuis)
sont
catholiques déclarés ; moi, protestant d’école barthienne. Arnaud Dan
176
holique, en 1933. La résultante de ces diversités
est
une neutralité religieuse totale pour l’ensemble du groupe ON, tandis
177
ionnelle d’ Esprit ne fait aucun doute. ⁂ Telles
étant
donc nos incroyances et nos croyances déclarées, il est intéressant d
178
nc nos incroyances et nos croyances déclarées, il
est
intéressant de savoir que nous formions un groupe étonnamment compact
179
mment compact, à tel point qu’on ne sait pas quel
fut
l’apport de qui dans notre doctrine unanime. Sous l’impulsion de Marc
180
numéro de L’Ordre nouveau , beaucoup d’articles
sont
signés de deux noms, ou d’un nom et d’un pseudonyme, en sorte que la
181
aucune contestation stérile. Toute notre doctrine
est
de tous. Idée chrétienne peut-être, mais russe assurément. Je donnera
182
on livre intitulé À hauteur d’homme 7. La poésie
sera
faite par tous répétaient les surréalistes après Lautréamont, qui se
183
. Mais nous savions qu’une société et ses mesures
sont
affaire de personnes, donc de coopération et de propriété communautai
184
ques et politiques de la pensée personnaliste ont
été
proposés, formulés et souvent développés en premier lieu par un homme
185
ent, la Nation, voire pris comme source du Droit,
est
probablement le thème fondamental des écrits d’Alexandre Marc. La rev
186
ière concrète de rappeler au lecteur que l’État n’
est
pas autorité, mais seulement pouvoir, ou plus précisément : service p
187
r, ou plus précisément : service public. L’état n’
est
pas « la nation organisée » (comme l’affirment les traités de droit f
188
les traités de droit français de l’époque). Il n’
est
pas « la Société », ni « la forme politique que tend à revêtit toute
189
à revêtit toute nation civilisée » (Esmein). Il n’
est
pas la patrie. Rapportée à l’homme, la patrie n’est ni petite, ni gr
190
pas la patrie. Rapportée à l’homme, la patrie n’
est
ni petite, ni grande : elle est humaine. Ses limites — si limites il
191
omme, la patrie n’est ni petite, ni grande : elle
est
humaine. Ses limites — si limites il y a — ne peuvent être indéfinime
192
ine. Ses limites — si limites il y a — ne peuvent
être
indéfiniment distendues sans que soit détruit ce sentiment de la fami
193
ne peuvent être indéfiniment distendues sans que
soit
détruit ce sentiment de la familiarité, du « chez-soi », dont procède
194
ont procède le patriotisme. (ON 32) Si la patrie
est
chair, attachement, affectivité, la nation représente au contraire «
195
réalité spirituelle, élective et non native. Elle
est
le fait de « personnes qui ont su trouver en elles-mêmes la force de
196
catalane. Il n’en reste pas moins que la commune
est
le lieu privilégié en lequel se trouvent réunis tous les facteurs élé
197
écanisme économico-administratif qui n’en devrait
être
que le soutien. Par là les valeurs spirituelles se trouvent définitiv
198
r imposer une vision personnaliste de la société,
est
celle-ci : la source du droit n’est pas l’état, mais la Personne. (No
199
e la société, est celle-ci : la source du droit n’
est
pas l’état, mais la Personne. (Notez le jeu des majuscules.) Partant
200
tiquement au culte inhumain de l’état. Ce point a
été
suffisamment mis en lumière dans tous nos écrits antérieurs pour nous
201
nction entre communauté et société, la communauté
étant
formée de personnes, « non d’individus ou d’organismes étatiques » (O
202
haft.) Propriété. Le fondement de la propriété n’
est
ni dans le mérite, ni dans le travail, ni dans l’utilité, mais dans l
203
ns l’utilité, mais dans la conquête… Le possédant
est
celui qui marque, que ce soit un objet, une terre, ou le cœur d’un êt
204
nquête… Le possédant est celui qui marque, que ce
soit
un objet, une terre, ou le cœur d’un être. Ni l’état, ni même la comm
205
que ce soit un objet, une terre, ou le cœur d’un
être
. Ni l’état, ni même la commune ne pourront rien posséder en tant que
206
ourront rien posséder en tant que tels ; mais ils
seront
chargés de distribuer aux éléments prolétariens les terres personnell
207
es terres personnelles. (ON 16) Personne. Elle
est
toujours « supérieure à l’état ». La personne reste à jamais supérieu
208
omme dépasse toujours : la transcendance de cet «
être
vertical » qui s’appelle l’homme debout, répond victorieusement à l’«
209
ndamentale du conflit en tant que tel. Le conflit
est
défini à la fois et inséparablement par la situation de l’homme et pa
210
ne modifiera guère que l’adjectif) : Tout homme
est
placé dans une certaine situation : c’est ce que les idéalistes sont
211
certaine situation : c’est ce que les idéalistes
sont
toujours tentés d’oublier. L’homme en général, le citoyen abstrait, l
212
que dans l’imagination déréglée des libéraux ; un
être
de chair et de sang n’est pas seulement « lui-même », il « est » sa f
213
glée des libéraux ; un être de chair et de sang n’
est
pas seulement « lui-même », il « est » sa famille, sa race, sa patrie
214
et de sang n’est pas seulement « lui-même », il «
est
» sa famille, sa race, sa patrie, son milieu social, son métier, sa n
215
rie, son milieu social, son métier, sa nation… Il
est
sa propre situation. Mais il n’est pas que cela. Tel est le paradoxe
216
sa nation… Il est sa propre situation. Mais il n’
est
pas que cela. Tel est le paradoxe fécond du fait agonal (c’est-à-dire
217
propre situation. Mais il n’est pas que cela. Tel
est
le paradoxe fécond du fait agonal (c’est-à-dire du conflit fondamenta
218
éduction moniste tourne à l’absurde. Si l’homme n’
était
que sa situation, celle-ci serait à son tour un pur possible, et non
219
de. Si l’homme n’était que sa situation, celle-ci
serait
à son tour un pur possible, et non une réalité. Une situation n’est r
220
pur possible, et non une réalité. Une situation n’
est
réelle, en effet, que dans la mesure où elle est une, c’est-à-dire da
221
’est réelle, en effet, que dans la mesure où elle
est
une, c’est-à-dire dans la mesure où la diversité des éléments (dont s
222
l un abus de langage permet de parler comme s’ils
étaient
préexistants) se rattache à l’unité d’une perspective. Or, cette pers
223
cette perspective n’existe que parce que l’homme
est
en quelque manière extérieur à sa situation, parce qu’il connaît l’av
224
ît l’avantage immense du recul. C’est pourquoi il
est
impossible de parler de la situation de l’homme sans tenir compte de
225
’homme sans tenir compte de son attitude. Il n’en
est
peut-être pas ainsi de l’animal dont la situation ne peut être que la
226
e pas ainsi de l’animal dont la situation ne peut
être
que la résultante d’un concours de circonstances extrinsèques (que l’
227
isme. Pour que cette élimination de la contrainte
soit
non pas un « vœu », mais une réalité dynamique et progressive, il fau
228
ut dire à personne… : de sorte que l’ordre dans l’
être
collectif, comme la santé, la volonté, etc., dans l’animal, n’est le
229
omme la santé, la volonté, etc., dans l’animal, n’
est
le fruit d’aucune initiative particulière : il ressort de l’organisat
230
ce de communautés. (ON 37) L’état totalitaire n’
est
pas autre chose que l’erreur moniste projetée sur le plan de la vie e
231
’État-nation, trop petit et trop grand. L’homme n’
est
pas fait à l’échelle de ces immenses conglomérats politiques que l’on
232
aie de lui faire prendre pour « sa patrie » : ils
sont
beaucoup trop grands… ou trop petits pour lui. Trop petits si l’on pr
233
e ce contact direct avec la chair et la terre qui
est
nécessaire à l’homme. (ON 15) (On sait que l’argument « trop petit e
234
sait que l’argument « trop petit et trop grand »
est
devenu le pont aux ânes de toute critique fédéraliste de l’État-natio
235
st la patrie concrète, c’est-à-dire la région qui
est
l’élément constitutif et le fondement réel de notre fédéralisme… L’au
236
notre fédéralisme… L’autonomie de la région doit
être
développée jusqu’à sa limite extrême : cette limite, c’est l’intérêt
237
citer (non sans scrupules, car ils souffriront d’
être
privés de l’éclairage du contexte) me paraissent aujourd’hui correspo
238
leur stabilité, un minimum d’ordre matériel peut
être
assuré régulièrement (fonction administrative des frontières ; limite
239
n, voici en quelques lignes un condensé de ce qui
sera
, dans les années septante, le programme des fédéralistes européens :
240
te, dès le congrès de Montreux en 1947. Mais ce n’
est
pas seulement la vertu anticipatrice de la pensée de Marc dans les an
241
appe à la relecture, c’est aussi le fait que Marc
soit
venu à l’Europe par les voies du personnalisme en premier lieu, et pa
242
hèse culturelle, de la vocation mondialisante qui
fut
la sienne dans ses plus hauts moments, et des menaces de colonisation
243
aujourd’hui sur nos peuples, à l’Ouest comme à l’
Est
. Mais on peut aussi partir d’une conception de l’homme et de sa vocat
244
u redevienne européen, la pensée d’Alexandre Marc
est
promise à beaucoup d’avenir. 1. Cf. mon essai « Adieu, beau désordr
245
Quelques-unes des choses curieuses qui me
sont
arrivées (1974)m Deux téléphones Octobre 1930 Je viens de passer m
246
ns protestantes en formation. La décision pouvait
être
prise dès le lendemain, mais serais-je candidat ? Il fallait une répo
247
écision pouvait être prise dès le lendemain, mais
serais
-je candidat ? Il fallait une réponse immédiate… Trois mois plus tard
248
de l’Occident, politique et social. 5 mai 1941 J’
étais
allé passer le week-end à Long Island, et le dimanche matin déjà, j’a
249
a légation suisse de Washington. La place à l’OWI
sera
déclarée vacante demain après-midi, et sans doute aussitôt repourvue.
250
demain matin, j’ai les plus grandes chances. J’y
suis
allé le lendemain à neuf heures, et une demi-heure plus tard, je me m
251
d’announcers comme on dit en anglais — speaker n’
étant
employé qu’en français — qui allaient devenir mes collaborateurs quot
252
e Saint-Exupéry. Lettres vues Le phénomène s’
est
produit à plusieurs reprises dans ma vie : voir des lettres en route
253
pportera demain matin cet « homme de lettres » qu’
est
le facteur, selon Voltaire. Ces incidents, dénués de sens utile, n’en
254
’attendait à la lisière de cette forêt tel soir d’
été
, quel sujet d’examen venait de m’être réservé, ou quelles lettres j’a
255
t tel soir d’été, quel sujet d’examen venait de m’
être
réservé, ou quelles lettres j’allais recevoir le lendemain. Le soir m
256
vus dans une lumière sobre et mate.) Telle a donc
été
ma « vision » : formats et couleurs très nettement perçus, mais rien
257
tres fois. Le père Reinecke, survenu peu après, n’
est
pas encore convaincu. Il prétend que je savais qui allait m’écrire, e
258
de sur un petit fait indifférent en soi, et qui n’
est
pas encore « arrivé » dans le temps. Les trois lettres sont timbrées
259
ncore « arrivé » dans le temps. Les trois lettres
sont
timbrées d’hier, deux à Genève dans la matinée, une à Neuchâtel à sep
260
une à Neuchâtel à sept heures du soir. Celle qui
est
bordée de noir est d’un ami ainé, Robert de Traz, qui mentionne en pa
261
sept heures du soir. Celle qui est bordée de noir
est
d’un ami ainé, Robert de Traz, qui mentionne en passant la mort de sa
262
, survenue il y a quelques jours. La lettre bleue
est
de Pierre Girard, personnage imprévisible s’il en fut, et je n’avais
263
de Pierre Girard, personnage imprévisible s’il en
fut
, et je n’avais aucune raison d’attendre qu’il m’écrive. Quant à l’env
264
16 mars 1942 Réveillé il y a quelques minutes, il
est
onze heures du matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre est-el
265
lques minutes, il est onze heures du matin, je me
suis
dit : « Pourquoi cette lettre est-elle pliée en deux ? Ma boite est b
266
u matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre
est
-elle pliée en deux ? Ma boite est bien assez profonde pour ce format,
267
oi cette lettre est-elle pliée en deux ? Ma boite
est
bien assez profonde pour ce format, le facteur devrait le savoir ! »
268
oite métallique. J’ai passé ma robe de chambre et
suis
descendu les trois étages jusqu’au vestibule : oui, c’est cela, l’env
269
au vestibule : oui, c’est cela, l’enveloppe grise
est
là, pliée. (Une facture de blanchisseur !) Il me semble que la chose
270
de blanchisseur !) Il me semble que la chose ne m’
était
plus arrivée depuis douze ou treize ans, depuis Calw… Ma faculté de p
271
sément, chaque fois qu’elle se manifestait, que j’
étais
déconnecté du monde de l’utile. « Tiens, voilà le diable ! » Le
272
La salle étroite et profonde paraît vide. Il doit
être
environ neuf heures et demie. J’hésite sur le seuil : va-t-on me serv
273
fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je
suis
monté sans dîner chez mes amis. Trois pannes d’électricité Au m
274
vérité, à y regarder de plus près, l’État-nation
est
bien malade », sur le mot « près » les lumières revinrent. Cet incide
275
ui a marqué ma naissance, mais une soirée où nous
fûmes
« visités » dans notre maison de Ferney, le 29 juin 1954. Après le dî
276
ès le dîner, sentant l’atmosphère favorable, nous
étions
six et heureusement accordés, je suggérai que l’on jouât aux question
277
hérien de langue française ». L’une des questions
était
: « Qu’arriverait-il si Jean-Paul devenait pape ? » Et la réponse : «
278
-Paul devenait pape ? » Et la réponse : « Le pape
serait
luthérien. » Deuxième échange. « Qu’est-ce que la mystique ? » Répons
279
e pape serait luthérien. » Deuxième échange. « Qu’
est
-ce que la mystique ? » Réponse : « C’est un petit jardin fermé qui s’
280
uvrira à Pâques. » (On sait que le hortus clausus
est
un symbole fondamental du mysticisme, flamand et rhénan notamment.) M
281
s de, « Quelques-unes des choses curieuses qui me
sont
arrivées », Gymnase cantonal de Neuchâtel : 1873-1973, Neuchâtel, Gym
282
n sauf du tonnerre. Les Helvètes d’aujourd’hui ne
sont
pas moins courageux, ils ne craignent même plus la foudre — éventuell
283
les empêche d’assumer leur vocation. Lorsqu’il m’
est
arrivé de soutenir quelques idées sur le rôle de la Suisse dans le mo
284
monde, ou du moins à l’échelle de l’Europe, je me
suis
fait répondre en haut lieu comme dans nos journaux : « Restons modest
285
ans nos journaux : « Restons modestes ! La Suisse
est
un petit pays qui doit savoir se tenir à sa place. En proposant de gr
286
venir du continent, elle n’aurait aucune chance d’
être
écoutée, ou bien se couvrirait de ridicule. » Je persiste à penser, a
287
nce ou la grandeur d’une vocation communautaire n’
est
pas fonction du territoire occupé par le groupe humain qui en est le
288
du territoire occupé par le groupe humain qui en
est
le porteur. Les Suisses sont les dépositaires d’une grande idée, don
289
groupe humain qui en est le porteur. Les Suisses
sont
les dépositaires d’une grande idée, dont je crains qu’ils la comprenn
290
si bien pratiquée pendant des siècles. Cette idée
est
leur histoire même. Bien avant d’être leur « message » (au moins virt
291
. Cette idée est leur histoire même. Bien avant d’
être
leur « message » (au moins virtuel), elle a été le principe de leur u
292
’être leur « message » (au moins virtuel), elle a
été
le principe de leur union, la formule de leur identité, la condition
293
é vécue, du xiiie au xixe siècle. Mais le mot n’
est
jamais prononcé avant le deuxième quart du xixe siècle. C’est à croi
294
contre les « empiètements » du pouvoir fédéral. (
Être
fédéraliste, pour tel Vaudois fameux, se réduisait à être « contre Be
295
éraliste, pour tel Vaudois fameux, se réduisait à
être
« contre Berne ».) Rien n’est moins fidèle à l’esprit et à la genèse
296
ux, se réduisait à être « contre Berne ».) Rien n’
est
moins fidèle à l’esprit et à la genèse historique des institutions do
297
genèse historique des institutions dont la Suisse
est
issue. Il est faux de répéter, comme les manuels de mon enfance, que
298
que des institutions dont la Suisse est issue. Il
est
faux de répéter, comme les manuels de mon enfance, que la Confédérati
299
es manuels de mon enfance, que la Confédération a
été
fondée par « les trois cantons primitifs », tandis que dix-neuf autre
300
ix-neuf autres « cantons », au cours des siècles,
seraient
« entrés » successivement dans le pacte de 1291. De fait, personne n’
301
vement dans le pacte de 1291. De fait, personne n’
est
jamais « entré » dans le pacte et celui-ci n’a pas été conclu entre d
302
amais « entré » dans le pacte et celui-ci n’a pas
été
conclu entre des « cantons », inexistants au xiiie siècle, mais entr
303
Orte, universitates dans le texte original) qui n’
étaient
nullement des États et ne se prétendaient nullement souveraines, mais
304
veraines, mais voulaient rester autonomes, ce qui
est
tout à fait différent. La Suisse est née de la fédération tout empiri
305
omes, ce qui est tout à fait différent. La Suisse
est
née de la fédération tout empirique de communes forestières, de ville
306
ns » en 1848. La formule créatrice de la Suisse a
été
: des communes à la fédération, et non pas : des États souverains à u
307
édérale. (Le terme de canton comme État souverain
est
relativement récent : inconnu avant le xiiie siècle et fortement con
308
qui ont peu à peu formé la fédération suisse ont
été
motivées par la double nécessité de protéger leur autonomie et de s’u
309
dération…) Or c’est exactement cette solution qui
serait
susceptible de résoudre les principales difficultés de la société occ
310
ine méthode fédéraliste veut alors que ces tâches
soient
attribuées à des communautés de niveau supérieur, continentales le pl
311
ouvent, parfois mondiale. C’est ainsi que le CERN
est
né, parce que les dimensions de la tâche (conception, construction et
312
t qu’à l’instar des nations qui l’entourent, elle
est
de plus en plus tentée de se considérer comme un État fermé et limité
313
ter un « Sonderfall ». (Or son cas, justement, ne
serait
« exceptionnel » que si la Suisse se montrait insensible aux réflexes
314
t insensible aux réflexes stato-nationalistes qui
sont
communs à ses voisins.) Pour tout dire en une phrase qui rappelle la
315
contre Staline, le fédéralisme dans un seul pays
est
impraticable. Bloquer le processus fédéraliste aux frontières de notr
316
lisme à toute l’Europe, en attendant le monde, ce
serait
de l’orgueil, de la jactance, pire encore, de la vanité ! Soyons mode
317
ueil, de la jactance, pire encore, de la vanité !
Soyons
modestes ! » Nous nous trouvons ici devant une confusion morale, typi
318
rs. La seule chance de durée de notre fédéralisme
est
dans son extension à toute l’Europe — de proche en proche. (Et l’on p
319
t des États nationaux : notre Conseil fédéral. Il
est
certain que la formule napoléonienne de l’État-nation souverain, indi
320
t-nation souverain, indivisible et centraliste, n’
est
plus adaptée au monde d’aujourd’hui et le sera moins encore au monde
321
, n’est plus adaptée au monde d’aujourd’hui et le
sera
moins encore au monde de demain. Les réalités économiques exigent d’u
322
d’hui des aspects continentaux et régionaux qu’il
est
devenu pratiquement impossible de manipuler à l’échelle nationale, et
323
’appuie pas sur le relai stato-national, mais qui
soit
capable simultanément de gérer les intérêts communs à l’échelle conti
324
par ces agences européennes d’un type nouveau que
sont
dans le domaine économique la CEE, et dans le domaine de la recherche
325
agences de formule comparable devront sans doute
être
créées, dans les années à venir, pour répondre aux besoins croissants
326
vice des gouvernements et des états-majors. Elles
seront
responsables non pas devant les États nationaux, mais devant un parle
327
européen. Cette idée d’un gouvernement européen n’
est
pas seulement, je le répète, la plus rationnelle que l’on puisse imag
328
déjà, sur la dizaine des agences à prévoir, deux
sont
à l’œuvre, et la nécessité d’en créer d’urgence deux autres — pour l’
329
ence deux autres — pour l’énergie et la monnaie —
est
devenue sensible même aux stato-nationalistes les plus obtus, au cour
330
1. Art. 3 et 5 de la Constitution. 12. Pays de l’
Est
compris, mais non l’URSS. b. Rougemont Denis de, « Un modèle pour l
331
il partage seul avec le prix Nobel le privilège d’
être
à la fois littéraire et international — mais qu’il ajoute à cette dis
332
qu’il ajoute à cette distinction majeure, celle d’
être
uniquement de langue française. International et français, « il faut
333
’hui. Mais d’abord, il fallait le concevoir. Ce n’
était
guère possible à Paris, qui a toujours peine à croire qu’au-delà de s
334
at gouverné par un grand ami des Lettres, — et ce
fut
le Prince Rainier III de Monaco. ⁂ Je ne me lasserai jamais de chante
335
ire du petit État dans la culture européenne, qui
est
née de lui. Le petit État présente sur le grand à peu près tous les a
336
s. Voyez les statistiques de notre continent : il
est
régulièrement en tête de liste pour le revenu par habitant, la qualit
337
aux, des écoles, et des brevets d’invention. Il n’
est
en somme qu’un privilège qu’il doive céder au grand État, c’est celui
338
tres, et la philosophie qui oriente les sciences,
sont
nées de nos cités-États médiévales, renaissantes ou romantiques, Pado
339
doue, Tolède, Oxford, le Paris de la Sorbonne qui
était
une commune libre ; la Nuremberg de Dürer ; les villes libres de la H
340
h, Salzbourg… Toute la grande culture de l’Europe
est
née de foyers locaux ou régionaux, et ne doit rien aux dimensions ter
341
tats-nations modernes. En revanche la langue, qui
est
l’âme de toute culture, ne connaît pas les frontières politiques nées
342
le rythme de variation des domaines linguistiques
est
millénaire ! Voilà qui fait sentir à quel point la culture et la poli
343
t de toute évidence aucune frontière commune — ce
serait
miracle, et ce miracle, sauf peut-être en Islande, ne s’est jamais pr
344
e, et ce miracle, sauf peut-être en Islande, ne s’
est
jamais produit —, il est d’autres frontières, au sein de la culture m
345
ut-être en Islande, ne s’est jamais produit —, il
est
d’autres frontières, au sein de la culture même, qu’il importe avant
346
mporte avant tout d’effacer dans nos têtes, et ce
sont
les frontières des genres, inventions de pédants écolâtres qui séviss
347
ués, qu’au sens américain du mot la fiction seule
est
création, que les jeux du roman sans sujet, des poèmes « éclatés » et
348
moignent seuls d’un génie inventif, tout le reste
étant
non-fiction, c’est-à-dire non-littérature, où l’on jette pêle-mêle le
349
aute de mieux, l’on nomme « essais », quels qu’en
soient
les sujets et le style, les dimensions et l’ambition intellectuelle.
350
emple de Gnide, et non pas à L’Esprit des lois, d’
être
qualifié d’écrivain, Rousseau au seul Devin de village, non pas aux C
351
pas aux Confessions ni au Contrat social, qui ne
sont
pas « fictions » — du moins l’affirme-t-il… Or, une fois prise la tr
352
ent des gens de pinceau (ou mieux, de formes), il
serait
décent qu’au lieu d’en profiter pour jouer les critiques d’art qu’ils
353
profiter pour jouer les critiques d’art qu’ils ne
sont
pas, ils se contentent de dire en amateurs qu’ils devraient être — et
354
e contentent de dire en amateurs qu’ils devraient
être
— et quel beau titre : celui qui aime ! — ce qu’ils éprouvent devant
355
peinture de Théodore Strawinsky n’exige pas pour
être
vue et pour donner plaisir à voir la médiation, entre elle et l’œil,
356
elle et l’œil, d’une théorie et d’un jargon. Il n’
est
donc pas facile d’en parler — et voilà qui est devenu plutôt rare auj
357
n’est donc pas facile d’en parler — et voilà qui
est
devenu plutôt rare aujourd’hui, où tant d’artistes exposent des produ
358
cage, et dans une galerie allemande, un artiste s’
est
borné à s’exposer lui-même. Tout cela peut inquiéter ou amuser. Tout
359
its, dessins, fragments ou grandes œuvres murales
sont
des produits de la main maniant le pinceau, la craie, selon les exige
360
rd ces cours du soir du snobisme intellectuel que
sont
devenues tant de revues et de feuilles imprimées dans le vent, pleine
361
magique, si l’on songe que le cosmos tout entier
est
fait de vide, ponctué d’électrons infinitésimaux plus éloignés les un
362
éloignés les uns des autres que les étoiles ne le
sont
de la terre, et que c’est sur ce vide sidéral, infini, cette vacuité
363
res de Théodore Strawinsky, celles que je préfère
sont
par exemple une certaine toute petite nature morte aux trois cerises,
364
concises, révélant leur essence et leur qualité d’
être
, mais laissant transparaître partout la texture de la toile ou de la
365
inceau ! — l’envie de participer à ce travail qui
est
, chez l’artiste sensible au spirituel, la vraie part du sacré autant
366
acré, quoi qu’en écrive André Malraux, car s’il n’
est
pas un art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’en est pas non pl
367
alraux, car s’il n’est pas un art au monde qui ne
soit
issu du sacré, il n’en est pas non plus qui ne tire du sacré sa raiso
368
n art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’en
est
pas non plus qui ne tire du sacré sa raison d’être indiscutable, j’en
369
est pas non plus qui ne tire du sacré sa raison d’
être
indiscutable, j’entends bien : de n’être pas discuté, d’être reçu. L’
370
raison d’être indiscutable, j’entends bien : de n’
être
pas discuté, d’être reçu. L’art et la technique même de Théodore ne s
371
utable, j’entends bien : de n’être pas discuté, d’
être
reçu. L’art et la technique même de Théodore ne sont pas plus indépen
372
e reçu. L’art et la technique même de Théodore ne
sont
pas plus indépendants de son respect du sens premier, du référentiel
373
spect du sens premier, du référentiel absolu, qui
est
le sacré dans son action indéfiniment créatrice, que ne le sont l’art
374
dans son action indéfiniment créatrice, que ne le
sont
l’art et la technique de l’auteur du Sacre du Printemps. Et c’est en
375
tre émouvante du père : « Ton merveilleux livre m’
est
cher infiniment et me donne de la joie. Avec quelle conviction, quel
376
e, le futur Jean XXIII, pape de l’œcuménisme, qui
est
la forme sublime du fédéralisme, de l’unité dans la diversité, hors d
377
amais assez : ce dont l’Église a besoin, ce qui a
été
consacré en l’an 787 par le IIe concile œcuménique de Nicée, c’est le
378
ée de tout réalisme (mais le danger aujourd’hui n’
est
pas là) doit fournir dans un style à la fois monumental et décoratif,
379
de ce monde — cette transfiguration qui se trouve
être
le nom théologique, le sujet même du chef-d’œuvre à ce jour de Théodo
380
e — ne satisfont plus, ne marchent plus, et qu’il
est
temps d’inventer mieux. Et en troisième lieu, si l’on recherche un mo
381
odèles étrangers et pour nous aliénants, comme le
seraient
les modèles américains, ou russes, ou chinois. Cela ne signifie pas u
382
ifiques. Ces solutions spécifiques, par la suite,
seront
-elles valables pour le reste du monde ? Je n’en sais rien et n’ose pa
383
du repli résigné que de la volonté de dominer (ne
fût
-ce que moralement) ou de se poser en modèle exemplaire. Une troisième
384
modèle exemplaire. Une troisième possibilité qui
serait
en somme : la réponse particulière des Européens au défi de la crise
385
son avenir et celui de l’espèce humaine ; et il y
est
contraint du seul fait qu’il en a, pour la première fois, la liberté.
386
erves existantes ou encore à découvrir de pétrole
seront
épuisées d’ici soixante-dix ans, ou d’ici trente ans, voire d’ici vin
387
e, leur répond — et je le cite — que ces réserves
sont
« pratiquement inépuisables, en dépit des théoriciens de l’Apocalypse
388
x ans, et que des mesures de rationnement devront
être
décrétées dans huit ans. Même jeu pour les métaux nécessaires à l’ind
389
er une politique du pétrole ? ou du cuivre ? Ce n’
est
pas tout. Une troisième sorte de prévision a cours dans notre société
390
r des calculs irréfutables. Mais cela ne peut pas
être
vrai, pour les deux raisons que voici : 1) Il serait déjà très diffic
391
tre vrai, pour les deux raisons que voici : 1) Il
serait
déjà très difficile de doubler notre production d’énergie d’ici 1980
392
si nos esprits de la seule question sérieuse, qui
est
la suivante : étant donné l’impossibilité manifeste d’accroître indéf
393
la seule question sérieuse, qui est la suivante :
étant
donné l’impossibilité manifeste d’accroître indéfiniment notre consom
394
, cela durera bien autant qu’eux… Admettons qu’il
est
plus prudent, en tout état de cause, de suivre les futurologues souci
395
ogues calculent un avenir de catastrophes, que ce
soit
à moyen ou à long terme. Ils nous annoncent des désastres en chaîne,
396
e — et c’est je crois sa formule la plus simple —
est
née de la volonté typiquement occidentale de croissance illimitée dan
397
mitée dans un monde dont nous avions oublié qu’il
est
irrévocablement limité. C’est la découverte, puis la prise de consci
398
e temps de doublement de la population du globe n’
était
plus que de trente-cinq ans, nous a permis à tous de calculer qu’à ce
399
a permis à tous de calculer qu’à ce taux-là, nous
serions
six milliards et demi en l’an 2000, 26 milliards en 2070, 208 milliar
400
2000, 26 milliards en 2070, 208 milliards en 2171
soit
1400 habitants au km2 (densité des grandes villes actuelles, étendue
401
e m’arrête là dans mes calculs, mais d’autres ont
été
plus loin. Je lis dans le beau livre de Paul Ehrlich, Population, res
402
liards d’âmes dans mille ans d’ici, et sa densité
serait
de deux-mille habitants au mètre carré du sol émergé et immergé ! Mai
403
ues milliards d’années, tout l’univers visible ne
serait
plus qu’une sphère d’êtres humains, dont le diamètre s’allongerait à
404
l’univers visible ne serait plus qu’une sphère d’
êtres
humains, dont le diamètre s’allongerait à la vitesse de la lumière.
405
un jour. La croissance démographique ne peut pas
être
illimitée. Il faudra bien que quelque chose l’arrête, un jour ou l’au
406
e, un jour ou l’autre. Si l’on ne veut pas que ce
soit
une catastrophe, il faudra bien que ce soit une libre décision des ho
407
ue ce soit une catastrophe, il faudra bien que ce
soit
une libre décision des hommes et des femmes. Mais où s’arrêter ? quan
408
evenir exponentielle. La croissance démographique
est
due en bonne partie aux succès de la science occidentale, laquelle es
409
ie aux succès de la science occidentale, laquelle
est
aussi à l’origine de la croissance industrielle et technique. Mais to
410
tés*13 très inquiétants… Tout cela, je le répète,
est
assez exactement quantifiable, mesurable et datable. Cette Apocalypse
411
ante ans, un siècle au mieux — selon les auteurs,
est
calculée par de nombreux futurologues qu’on dit atteints de sinistros
412
es qu’on dit atteints de sinistrose, mais dont je
serais
tenté de dire qu’ils pèchent au contraire par excès d’optimisme : car
413
r excès d’optimisme : car pour spectaculaires que
soient
les catastrophes prévues par leurs méthodes plus ou moins rigoureuses
414
s peur que celles dont ils ne parlent pas, et qui
sont
liées inexorablement aux succès de la croissance des villes, des méga
415
de les faire mentir. Car elles ne demandent qu’à
être
démenties, on peut même dire qu’elles ne sont là que pour ça. Si on n
416
u’à être démenties, on peut même dire qu’elles ne
sont
là que pour ça. Si on ne les croit pas, parce qu’on les juge trop pes
417
d elle touchera le sol.) Mais les futurologues ne
sont
pas tous pessimistes, il s’en faut. Les plus connus du grand public,
418
les pouvoirs, et pour tout dire les mieux payés,
sont
ceux qui nous annoncent encore l’âge d’or pour le siècle qui vient, t
419
ction précise sur l’opinion mondiale. Herman Kahn
est
l’auteur, avec Anthony J. Wiener, d’un ouvrage célèbre sur L’An 2000.
420
e célèbre sur L’An 2000. Son système de prévision
est
le plus simple qu’on ait jamais imaginé : il repose entièrement sur l
421
it donc de supputer les inventions techniques qui
seront
faites dans ce temps, et les conséquences politiques qu’elles entraîn
422
méthode n’eût pas permis de prévoir, si elle eût
été
appliquée vers 1900. Parmi les événements qu’ils qualifient de « surp
423
de son propre auteur, elle les aurait ratés. Ils
étaient
en effet, comme il le dit, « surprenants et presque toujours inattend
424
rprenants et presque toujours inattendus ». Ils n’
étaient
en somme pas sérieux, pas scientifiques, puisque pas mesurables. Ils
425
x, pas scientifiques, puisque pas mesurables. Ils
étaient
simplement… historiques ! Au surplus, qu’ils soient pessimistes comme
426
ient simplement… historiques ! Au surplus, qu’ils
soient
pessimistes comme Meadows, Ehrlich, G. Rattray Taylor, Georg Picht, J
427
Dorst, Edward Goldsmith ou René Dubos, ou qu’ils
soient
optimistes comme Herman Kahn, quelques PDG de choc à la mode d’avant-
428
aître ses responsabilités. Si utiles que puissent
être
ceux qui calculent nos risques et définissent les contraintes que nou
429
de fonder la politique de notre avenir prochain,
soit
parce qu’ils ne veulent pas choisir ses buts, soit parce qu’ils rédui
430
oit parce qu’ils ne veulent pas choisir ses buts,
soit
parce qu’ils réduisent tout à la technologie. Ni les uns ni les autre
431
l’auto mériterait une très ample monographie. Je
suis
parfois tenté d’écrire cette épopée, ou cette histoire de fous, qui a
432
c’est-à-dire une machine agricole à moteur. « Ce
fut
mon chemin de Damas », écrit-il cinquante ans plus tard. Depuis l’ins
433
chine de route », sa grande et constante ambition
fut
d’en construire une semblable pour partir au hasard sur les routes de
434
ze millions de voitures par an. La General Motors
est
la plus grande firme du monde, l’industrie automobile domine l’évolut
435
mine l’évolution mondiale des industries. Or elle
est
née, cette industrie n° 1, du fantasme d’un adolescent fugueur, fasci
436
pétrole, et que le pétrole consommé par l’Europe
est
détenu à 80 % par les pays arabes, voilà la politique mondiale et l’e
437
u’à nos jours. Enfin, la crise monétaire mondiale
est
due principalement, m’expliquent des banquiers, aux milliards de doll
438
l’économie tout entière suspendues à l’auto, qui
est
elle-même suspendue aux ressources de pétrole, qui dépendent de la po
439
ui dépendent de la politique des Arabes, laquelle
est
déterminée par l’existence d’Israël, qui a été rendue possible et néc
440
le est déterminée par l’existence d’Israël, qui a
été
rendue possible et nécessaire par les camps de la mort et de la folie
441
Herman Kahn vient d’avouer qu’à ses yeux, Hitler
était
méthodiquement imprévisible. Pourtant d’autres méthodes l’ont bel et
442
eurs » et décrit d’une manière saisissante ce que
sera
la vie des ouvriers dans les pays totalitaires du xxe siècle. Dans l
443
èvement logique de nos États-nations, lesquels se
sont
constitués depuis cent-cinquante ans aux dépens des communautés réell
444
euple vers une communauté nouvelle. Cette réponse
est
mauvaise, voire atroce, mais c’est une réponse tout de même, alors qu
445
son importance fondamentale. Mais l’État-nation n’
est
pas seulement responsable de la décadence des liens communautaires, d
446
ion de notre terre et de ses ressources. Mais qui
était
le Gérant responsable ? La réponse est dangereusement simple. Les res
447
Mais qui était le Gérant responsable ? La réponse
est
dangereusement simple. Les responsables sont les États-nations, nés e
448
ponse est dangereusement simple. Les responsables
sont
les États-nations, nés et multipliés sur toute la terre, au xxe sièc
449
multipliés sur toute la terre, au xxe siècle. Ce
sont
eux seuls qui ont prétendu gérer la terre. Qui s’en sont octroyé le d
450
x seuls qui ont prétendu gérer la terre. Qui s’en
sont
octroyé le droit souverain. Eux seuls qui en avaient les moyens. Et v
451
ur seul prestige ; en vue de la guerre, dont tous
sont
nés. Ils ont créé l’économie industrielle sur la base et dans le cadr
452
ntières nationales, et pour leurs seuls intérêts,
fussent
-ils contraires aux intérêts de leurs habitants et de l’humanité en gé
453
du sur toute la terre. Et avec cela, le principal
est
sinon dit, du moins très clairement annoncé, sur la recherche que je
454
oblème très sérieux, voire formidable. Nous avons
été
formés par quatre ou cinq générations d’instruction publique à consid
455
ruction publique à considérer que l’État national
est
l’aboutissement suprême de toute l’histoire. Qu’il n’y a rien à imagi
456
; environ 150 États-nations, dont les deux tiers
sont
nés au xxe siècle. Ils se touchent tous : plus de jeu, plus de vide
457
épète non sans quelque emphase que le xxe siècle
est
le siècle des nations, que la nation est la réalité par excellence du
458
siècle est le siècle des nations, que la nation
est
la réalité par excellence du xxe siècle. Je lui réponds : oui, mais
459
ssi, la pollution aussi, l’État totalitaire aussi
sont
des « réalités » typiques du siècle. Ce n’est pas une raison pour les
460
si sont des « réalités » typiques du siècle. Ce n’
est
pas une raison pour les accepter, moins encore pour les glorifier. En
461
de près14, nous nous apercevons que l’État-nation
est
bien malade. Et tout d’abord, sa souveraineté prétendue est de plus e
462
alade. Et tout d’abord, sa souveraineté prétendue
est
de plus en plus illusoire. Selon Jean Bodin (xvie siècle), la souver
463
que supranationale. Ce dernier refus, d’ailleurs,
est
particulièrement maladroit, et révèle bien la faiblesse réelle de l’É
464
en la faiblesse réelle de l’État-nation ; tant il
est
clair qu’aucun problème écologique ne se laisse définir par nos front
465
spondent aux mêmes frontières, et ce miracle ne s’
est
jamais réalisé. L’idée de la coïncidence territoriale de l’idéologie,
466
, de l’économie, de l’état civil et de la culture
serait
proprement délirante si elle ne s’expliquait pas nécessairement par l
467
pliquait pas nécessairement par la guerre. Elle n’
est
plus tenable au xxe siècle. L’État-nation ne répond plus aux problèm
468
encore moins aux réalités civiques. L’État-nation
est
à la fois trop petit et trop grand. Trop petit pour jouer un rôle int
469
ée à d’autres civilisations ou cultures, l’Europe
est
caractérisée par une extrême diversité, due aux sources multiples de
470
ns, plus tard des Arabes au Sud et des Slaves à l’
Est
. Impossible donc de concevoir une union européenne sur un modèle stat
471
ple confédération fondée sur des États souverains
serait
contradictoire dans les termes, impraticable. C’est l’idéal qu’affirm
472
. La seule forme d’union concevable et praticable
étant
donné les réalités spécifiquement européennes, serait une fédération
473
nt donné les réalités spécifiquement européennes,
serait
une fédération fondée sur des régions, plus petites que nos États act
474
ue je conçois et cherche à repérer, à définir, ne
seront
pas des mini-États-nations qui reproduiraient en pire les prétentions
475
onnelles, c’est-à-dire définies par des fonctions
soit
économiques, soit culturelles et éducatives, soit écologiques, soit s
476
dire définies par des fonctions soit économiques,
soit
culturelles et éducatives, soit écologiques, soit sociales, et dont l
477
soit économiques, soit culturelles et éducatives,
soit
écologiques, soit sociales, et dont les aires territoriales ne se rec
478
soit culturelles et éducatives, soit écologiques,
soit
sociales, et dont les aires territoriales ne se recouvrent pas plus q
479
ersement superposées. Mais justement : complexité
est
l’un des mots-clés du modèle recherché, l’un des mots-clés de l’Europ
480
La motivation la plus profonde du modèle régional
étant
d’offrir une structure de participation civique à la personne, elle i
481
es petites communautés. Là seulement l’homme peut
être
vraiment libre, car là seulement il est vraiment responsable. Jean-Ja
482
mme peut être vraiment libre, car là seulement il
est
vraiment responsable. Jean-Jacques Rousseau l’avait déjà bien vu et t
483
de prise sur ses réalités, moins nombreux donc y
sont
les responsables de tout ordre, à tel point que dans un grand pays, i
484
omme en général. 13. À l’instant même où ce mot
était
prononcé, les lumières s’éteignirent dans tout le canton de Genève. C
485
’Europe. La simultanéité de cette remise en cause
est
-elle purement fortuite ? Je ne pense pas qu’il y ait une crise de la
486
une montée puissante de l’idée de région. Ce qui
est
en crise c’est l’État-nation napoléonien qui s’oppose aux régions et
487
ant à la simultanéité des deux phénomènes, elle n’
est
aucunement fortuite ; à mesure que les frontières s’abaissent, les ré
488
es des deux côtés de la frontière, qui ne peuvent
être
résolus d’un seul côté. Le Marché commun en 1960-1961 a commencé à ét
489
grandes régions. Or, sur les 9, deux seulement n’
étaient
pas transfrontalières : Paris et l’Auvergne ; toutes les autres étaie
490
alières : Paris et l’Auvergne ; toutes les autres
étaient
transfrontalières, y compris la Bretagne, liée au monde atlantique, c
491
sque toutes les régions intéressantes de l’Europe
sont
transfrontalières ; elles ne sont pas ethniques. Elles le sont dans c
492
tes de l’Europe sont transfrontalières ; elles ne
sont
pas ethniques. Elles le sont dans certains cas, où vous avez par exem
493
ntalières ; elles ne sont pas ethniques. Elles le
sont
dans certains cas, où vous avez par exemple les Basques et les Catala
494
avez par exemple les Basques et les Catalans qui
sont
, eux, à la fois dans des régions ethniques et transfrontalières. Ils
495
es régions ethniques et transfrontalières. Ils ne
sont
nullement séparés, mais au contraire reliés par les Pyrénées. On nous
496
s par les Pyrénées. On nous a raconté que le Rhin
était
une frontière naturelle entre les Français et les Allemands. Admetton
497
ds. Admettons cela ; mais alors pourquoi le Rhône
est
-il un lien naturel entre la Provence et les gens qui habitent du côté
498
mporte quoi pour les besoins de la cause. Comment
êtes
-vous parvenu à associer l’idée d’Europe à l’idée de région ? C’est à
499
région ? C’est à partir de l’idée d’Europe que je
suis
parvenu à l’idée de région. J’ai pensé, avec beaucoup de gens, au len
500
eaucoup de gens, au lendemain de la guerre, qu’il
était
vital de « faire l’Europe » comme on disait, d’arriver à une union fé
501
à une union fédérale, ou d’un autre type. Je me
suis
aperçu très vite qu’on ne pourrait pas y arriver à cause de la formul
502
unie. D’autre part, dans la faible mesure où l’on
est
arrivé à abaisser un peu les frontières, on s’aperçoit que les région
503
ères, on s’aperçoit que les régions resurgissent,
soit
qu’il s’agisse d’anciennes provinces dont le relief avait été effacé
504
agisse d’anciennes provinces dont le relief avait
été
effacé par le bulldozer du jacobinisme, soit qu’il s’agisse de région
505
avait été effacé par le bulldozer du jacobinisme,
soit
qu’il s’agisse de régions nouvelles, ou créées par l’économie et par
506
deux types de régions : les régions ethniques qui
sont
les plus visibles, et les plus brillantes, et à mon sens peut-être le
507
peut-être les moins sérieuses, et les régions qui
sont
définies par un certain nombre de facteurs à la fois ethniques, écono
508
dites-vous que le phénomène des régions ethniques
est
peut-être le moins sérieux ? Attention, j’ai dit cela dans un sens po
509
eut pas bâtir des régions sur un seul facteur qui
serait
la langue par exemple : les Bretons réclament une région Bretagne, ma
510
s Bretons réclament une région Bretagne, mais ils
sont
obligés de constater que le Breton n’est parlé que dans une partie du
511
ais ils sont obligés de constater que le Breton n’
est
parlé que dans une partie du pays, le reste c’est le gallo qui va jus
512
i va jusqu’à Rennes et jusqu’à Nantes, villes qui
sont
indispensables, du point de vue économique, à la vie de cette région
513
e « lit de Procuste » d’une frontière commune qui
serait
un mini-État-nation. Ce qu’il nous faut éviter à tout prix. Je pense
514
0 mini États-nations, au lieu de 25 États-nations
serait
aggraver le mal « stato-national » d’une manière absolument insupport
515
’heure que la définition d’une région aujourd’hui
est
beaucoup plus complexe. Qu’elle peut être économique aussi bien qu’et
516
ourd’hui est beaucoup plus complexe. Qu’elle peut
être
économique aussi bien qu’ethnique, qu’elle peut être une question de
517
e économique aussi bien qu’ethnique, qu’elle peut
être
une question de tradition, ou de développement nouveau, d’ouverture s
518
ir ; que la plupart des régions intéressantes qui
sont
en train de prendre forme en Europe sont transnationales, donc par-de
519
ntes qui sont en train de prendre forme en Europe
sont
transnationales, donc par-dessus les frontières. Il y a là toute une
520
s. Il y a là toute une problématique nouvelle qui
est
loin d’être passéiste, qui est progressiste, futuriste. Une remarque
521
à toute une problématique nouvelle qui est loin d’
être
passéiste, qui est progressiste, futuriste. Une remarque sur laquelle
522
tique nouvelle qui est loin d’être passéiste, qui
est
progressiste, futuriste. Une remarque sur laquelle je voudrais insist
523
is insister : les frontières de nos États-nations
sont
indéfendables aujourd’hui. Bidault les a appelées « des cicatrices de
524
appelées « des cicatrices de l’histoire », ce qui
était
assez joli. Le professeur Ancel, de la Sorbonne, dit : « ce sont le r
525
. Le professeur Ancel, de la Sorbonne, dit : « ce
sont
le résultat des viols répétés de la géographie par l’histoire ». Aujo
526
tre part celle de l’Europe. C’est absolument lié.
Est
-il possible de construire l’Europe par une association des différents
527
re. Si vous faites une « amicale », vous cessez d’
être
« misanthropes » ; mais si vous restez misanthropes, vous ne faites p
528
vouloir faire l’Europe. Dans ces conditions nous
sommes
devant un dilemme parfaitement clair : ou bien on fait l’Europe et il
529
conomiquement par l’Ouest, et politiquement par l’
Est
. C’est déjà en bonne partie réalisé pour le quart de l’Europe, à l’es
530
nne partie réalisé pour le quart de l’Europe, à l’
est
, qui est satellisé par les Russes, et c’est réalisé en bonne partie p
531
e réalisé pour le quart de l’Europe, à l’est, qui
est
satellisé par les Russes, et c’est réalisé en bonne partie par l’écon
532
artie par l’économie de nos États de l’Ouest, qui
est
envahie par les Américains qui rachètent des dizaines d’entreprises t
533
zaines d’entreprises tous les jours. Les chiffres
sont
absolument étonnants, quelles que soient les mesures prises officiell
534
s chiffres sont absolument étonnants, quelles que
soient
les mesures prises officiellement, surtout les discours faits sur l’«
535
endance totale » du pays ! Je ne dirai pas que je
suis
antiaméricain ou que je suis antirusse, il faut ne pas se tromper là-
536
ne dirai pas que je suis antiaméricain ou que je
suis
antirusse, il faut ne pas se tromper là-dessus. Je pense que la colon
537
e tromper là-dessus. Je pense que la colonisation
est
une très mauvaise chose. Je ne pense pas que les Américains et les Ru
538
Je ne pense pas que les Américains et les Russes
soient
des gens pires que nous, je pense que la colonisation est pire que to
539
gens pires que nous, je pense que la colonisation
est
pire que tout. Quand un peuple se met à rendre les rênes à un autre p
540
it acheter, pour ce qu’il doit cultiver, alors il
est
perdu. C’est la décadence totale d’un peuple ; c’est ce que l’on a vu
541
ays colonisés. Donc les raisons de faire l’Europe
sont
plus grandes que jamais. Mais les obstacles à l’union sont plus clair
542
grandes que jamais. Mais les obstacles à l’union
sont
plus clairs que jamais : c’est la formule de l’État-nation qui préten
543
s réalités. À mon sens l’Europe des États-nations
est
une Europe des mythes, puisqu’elle repose sur le mythe de la souverai
544
e la définition même de la souveraineté nationale
est
donnée par Jean Bodin au xvie siècle : c’était le droit de déclarer
545
porte quelle autre sur leur souveraineté absolue,
être
stoppées à 1h de leur victoire, à 1h du Caire par un froncement de so
546
par un grognement de l’ours russe. Eh bien, il a
été
démontré ce jour-là que la souveraineté nationale absolue était un my
547
ce jour-là que la souveraineté nationale absolue
était
un mythe. Moi je demande simplement que nous fassions une Europe sur
548
e à renverser des choses qui n’existent plus, qui
sont
des symboles, des mythes d’un passé révolu et que nous commencions à
549
c’est là le sentiment des jeunes, de même que ce
sont
les jeunes qui sont responsables de la montée de l’idée de région.
550
nt des jeunes, de même que ce sont les jeunes qui
sont
responsables de la montée de l’idée de région. L’ambiguïté du jaco
551
est peut-être particulièrement frappant en France
étant
donnée la tradition centralisatrice sur laquelle je n’ai pas besoin d
552
n d’insister. Les régions au sens réel, devraient
être
« reconnues » et non pas délimitées de l’extérieur. Les vingt-deux ré
553
ingt-deux régions françaises actuelles ont toutes
été
faites à Paris, elles ont été préfabriquées dans les bureaux indépend
554
ctuelles ont toutes été faites à Paris, elles ont
été
préfabriquées dans les bureaux indépendamment de toute consultation d
555
aurait fallu faire exactement le contraire et on
sera
bien obligé de le faire un jour ou l’autre. Il aurait fallu une étude
556
ion. Des possibilités de solutions qui pourraient
être
données sur une base autonome, autogérée, et à partir de là, voir com
557
donc faire des régions de taille européenne ». Qu’
est
-ce que ça veut dire ? Quand je pousse un peu les gens qui défendent c
558
ent par me dire « il faut qu’une région en France
soit
compétitive avec un Land allemand ». Alors je leur dis : « avec quel
559
créer et animer des régions ? Je pense qu’il faut
être
bien conscient des finalités qu’on donne à la création des régions. P
560
t faire sur la réalité, et non une finalité. Ce n’
est
pas cela qui meut les gens, qui les motive : faire une chose petite !
561
t su dire qu’une chose — ce qu’elle ne devait pas
être
: ni une atteinte à l’unité nationale, ni une communauté autonome, ni
562
Europe fédérale. Quand diront-ils ce qu’elle doit
être
? Ce qu’il y a de plus grave dans les États-nations actuels, c’est su
563
s au discours révolutionnaire dont les barricades
sont
le signe, ou dans cette « majorité silencieuse », qui est une sorte d
564
igne, ou dans cette « majorité silencieuse », qui
est
une sorte d’imbécilité civique, de désertion. Discours ou indifférenc
565
vique, de désertion. Discours ou indifférence qui
sont
aussi morbides l’un que l’autre. Contre cela il faut recréer des comm
566
e faire des régions. Je dis que les États-nations
sont
trop petits à l’échelle internationale, mais trop grands pour animer
567
unes devraient-elles reprendre le pouvoir ? Je ne
suis
pas du tout d’accord avec le terme « prendre le pouvoir ». Et c’est l
568
nt. Toute l’histoire du xxe siècle le dément. Il
est
devenu évident que l’État est plus fort que les hommes qui croient s’
569
iècle le dément. Il est devenu évident que l’État
est
plus fort que les hommes qui croient s’en emparer. Il les digère, il
570
arer. Il les digère, il les phagocyte, quelle que
soit
leur idéologie, marxiste ou capitaliste, de droite ou de gauche, phal
571
tés multinationales. En effet, si l’État-nation n’
était
pas en crise, il n’y aurait pas de sociétés multinationales. C’est pa
572
tat-nation, comme le dit la critique fédéraliste,
est
à la fois trop petit et trop grand qu’il y a des sociétés multination
573
hasard des traités et des guerres : les armées se
sont
arrêtées par hasard là. Il n’y a aucune espèce de raison que ça coïnc
574
de avec un espace économique raisonnable. Donc il
est
fatal que le développement même de l’industrie et du commerce conduis
575
par exemple à l’encontre du Marché commun : « qu’
est
-ce que le Marché commun réussit à faire sinon à créer un espace pour
576
pour les multinationales ? » Et alors la question
est
réglée à partir de ce moment-là. Or, je voudrais faire observer ceci
577
ts de sociétés multinationales. Il y a celles qui
sont
axées sur la puissance, qui réunissent le plus grand nombre possible
578
ent au pays dans lequel elles s’installent et qui
sont
obligées par la nature même de leurs activités économiques de s’y int
579
ever, elle, me paraît entre les deux ; Unilever n’
est
pas liée à des histoires militaires comme ITT. Il n’y a pas seulement
580
e face aux pétroliers. La liberté des gouvernants
est
d’autant plus faible que le territoire est plus exigu, et l’État moin
581
rnants est d’autant plus faible que le territoire
est
plus exigu, et l’État moins fort : les pétroliers font davantage la l
582
ent aujourd’hui. Il y en aurait deux : le premier
serait
un pouvoir continental qui serait bien supérieur à celui des États-na
583
ux : le premier serait un pouvoir continental qui
serait
bien supérieur à celui des États-nations, et l’autre serait le pouvoi
584
n supérieur à celui des États-nations, et l’autre
serait
le pouvoir des régions parce que les régions seraient nécessairement
585
rait le pouvoir des régions parce que les régions
seraient
nécessairement consultées et pourraient dire : « voilà une chose qui
586
ui ne cadre absolument pas avec nos coutumes, qui
est
destructrice de l’environnement, qui est trop grande pour nous, qui n
587
mes, qui est destructrice de l’environnement, qui
est
trop grande pour nous, qui n’est pas adaptée à nos traditions, ou qui
588
vironnement, qui est trop grande pour nous, qui n’
est
pas adaptée à nos traditions, ou qui démoralise et dégrade notre popu
589
par des salaires trop forts pour des gens qui ne
sont
pas doués pour le genre de travail offert ». À travailler en faveur d
590
s régions, on pointe vers une même résultante qui
est
l’autogestion. L’autogestion à tous les degrés et dans tous les sens
591
e la presse, des partis, de l’opinion publique, n’
est
pas tellement différent du danger des sociétés nationales jouant sur
592
ationales vis-à-vis de telle ou telle nation, qui
sont
en train de détruire sans scrupules les équilibres écologiques ou soc
593
vez des phénomènes de colonisation intérieure qui
sont
exactement comparables à ceux que l’on reproche aux multinationales.
594
La seule différence c’est que les frontières ont
été
supprimées entre les « nations », au sens antique du mot, à l’intérie
595
grès américain, qui donnait l’essentiel de ce qui
est
devenu plus tard le rapport sur le club de Rome signé par les Meadows
596
ir qu’il y a deux sens au mot « croissance », qui
sont
absolument différents — je dirais presque antinomiques — en tous cas
597
e dirais presque antinomiques — en tous cas qu’il
est
très dangereux de confondre. La croissance biologique, végétale ou an
598
arbre, en éléphant ou en corps humain. Tout cela
est
bel et bon, la croissance, c’est la vie, la loi de la vie ; tout le m
599
e, c’est la vie, la loi de la vie ; tout le monde
est
donc pour la croissance économique, industrielle, technologique… Mais
600
es de notre civilisation. Je m’explique : il faut
être
absolument clair là-dessus. La croissance du vivant est autoréglée :
601
solument clair là-dessus. La croissance du vivant
est
autoréglée : c’est la même loi de la vie qui fait qu’une plante ou un
602
oissances également régulées par un programme qui
est
dans les chaînes de chromosomes et dans les gènes. La croissance viva
603
lle sur des absurdités de ce genre ; nous ne nous
sommes
absolument pas rendu compte que les courbes exponentielles dépassaien
604
du siècle, à des altitudes irrespirables, où tout
être
humain disparaîtrait, où les ressources de la terre seraient épuisées
605
main disparaîtrait, où les ressources de la terre
seraient
épuisées, dans un temps extrêmement bref. L’impact du rapport du club
606
ement bref. L’impact du rapport du club de Rome a
été
absolument décisif. Quelles que soient les critiques qu’on puisse fai
607
lub de Rome a été absolument décisif. Quelles que
soient
les critiques qu’on puisse faire sur le choix des paramètres, je n’ai
608
, parce que la consommation d’électricité » (ça a
été
mesuré par les ordinateurs !) « double tous les sept ans ». Voilà don
609
it ans ? Il faut la multiplier par 16 384, ce qui
est
dément : on ne peut transformer toute la substance de la terre en éne
610
NB, la croissance du revenu par tête d’habitant n’
est
pas une mesure humaine qui puisse diriger une politique, il faut abso
611
conformément à la finalité que nous acceptons. Je
suis
très optimiste après la crise du pétrole, parce que je vois des gens
612
, énergie des fleuves, des petits lacs… Tout cela
était
complètement négligé et méprisé par les auteurs depuis une dizaine d’
613
’on veut passer à une croissance autoréglée — qui
est
la croissance normale, biologique — c’est par le moyen des petites un
614
, déjà, et puis les mass-médias raisonnent ainsi.
Est
-ce qu’une expression régionale spontanée pourrait en sortir ? On voit
615
n que vous faites de la mentalité d’aujourd’hui n’
est
pas tout à fait exacte. Il n’est pas exact de dire que les gens ne so
616
d’aujourd’hui n’est pas tout à fait exacte. Il n’
est
pas exact de dire que les gens ne sont motivés que par des questions
617
xacte. Il n’est pas exact de dire que les gens ne
sont
motivés que par des questions de « fric » ou de pouvoir d’achat. Natu
618
rité ? Sans doute, car toute l’histoire du siècle
est
dominée par l’angoisse des hommes devant l’absence de communautés. De
619
sibilités d’intervenir et d’avoir une efficacité.
Est
-ce que l’angoisse communautaire est un effet de la concentration urba
620
e efficacité. Est-ce que l’angoisse communautaire
est
un effet de la concentration urbaine et de l’exode rural ? Cela va en
621
emble. Mais les villes n’existent plus guère : ce
sont
des faubourgs, des banlieues. Des agglomérations qui n’ont plus de ce
622
ens puissent se rencontrer, depuis que les places
sont
devenues des parkings, et que les rues sont envahies par le flot de l
623
laces sont devenues des parkings, et que les rues
sont
envahies par le flot de la circulation des voitures. On a détruit les
624
arrive à cette grande angoisse communautaire qui
est
absolument inconsciente chez l’homme, chez la grande majorité des hom
625
e celle-là. Il leur disait : « Suivez-moi et vous
serez
tous ensemble. » Et cela suffisait à tout justifier pour eux. Ils éta
626
Et cela suffisait à tout justifier pour eux. Ils
étaient
là, tous, le bras levé, à hurler en cadence, et ils se sentaient ense
627
ne valeur concrète et quotidienne. C’est cela qui
est
important, partir d’en bas… Mais les gens ont changé, ont quitté leur
628
ui habite dans sa commune d’origine. Presque tous
sont
déplacés. Prenez la ville de Genève, vous avez une minorité de Genevo
629
à-dire de Suisses d’autres cantons, et les autres
sont
des étrangers. Donc, il n’y a plus qu’une minorité de Genevois. Chose
630
de Genevois. Chose étrange, les mœurs politiques
sont
restées les mêmes à Genève à travers les siècles. La composition de l
631
vers les siècles. La composition de la population
est
entièrement nouvelle, et les Suisses allemands qui viennent à Genève,
632
fois de racines et de mobilité. Si on le force à
être
enraciné comme un paysan lié à la terre, c’est un grand malheur. Et s
633
n lié à la terre, c’est un grand malheur. Et s’il
est
purement nomade, aussi. Mon idée de l’homme complet, la personne, c’e
634
uler. Besoin de communauté et besoin de solitude.
Est
-ce que la région, reposant sur la commune, reposant sur des groupes d
635
associations, si j’ai bien compris votre pensée,
est
possible dans un monde sans racines paysannes ? Nous sommes dans une
636
sible dans un monde sans racines paysannes ? Nous
sommes
dans une société à dominante urbaine, caractérisée par l’« atomisatio
637
des individus que l’État fait son ciment. Cela n’
est
pas un phénomène nouveau, cela existait à la fin du monde hellénistiq
638
à la fin du monde hellénistique quand les villes
sont
devenues trop grandes. Les villes de la période classique grecque — l
639
s de la période classique grecque — la polis où s’
est
formé le sentiment communal — montrent la grande sagesse des Grecs :
640
lis n’a jamais dépassé 100 000 habitants — ce qui
était
considéré comme la limite extrême pour que les gens restent encore ma
641
avec l’Empire d’Alexandre, toutes ces normes ont
été
délaissées, et on a bâti des villes énormes, comme Antioche où il y a
642
25 km de rues éclairées toute la nuit mais où il
était
devenu impossible de se promener sans armes. Et ces villes naturellem
643
romener sans armes. Et ces villes naturellement n’
étaient
plus des communes. Il n’y avait plus l’agora sur laquelle les gens po
644
ssaient par quartier selon leurs professions. Ils
étaient
mis à l’écart de la communauté, celle-ci était alors gérée par un nom
645
étaient mis à l’écart de la communauté, celle-ci
était
alors gérée par un nombre décroissant de gens, finalement par un seul
646
bien définie dans Le Contrat social : plus l’État
est
grand, moins il y a de magistrats, moins il y a de responsables. Quan
647
rats, moins il y a de responsables. Quand un État
est
tout petit, comme Genève au temps de Jean-Jacques, alors il y a une q
648
s la cité grecque antique. Donc, la participation
est
maximale dans une communauté minimale, et inversement… Aujourd’hui, n
649
nistique. Simplement c’est plus grave, les villes
sont
plus grandes, il y a des moyens d’action beaucoup plus dangereux à ma
650
s destructions. On peut recréer des places qui ne
soient
pas des parkings, on peut interdire les rues aux voitures, cela deman
651
l’esprit des communes. Les villes du xixe siècle
sont
des villes en étoile avec de très larges avenues qui servent au défil
652
ervent au défilé des troupes, elles peuvent aussi
être
balayées par les tirs des soldats de la garde en cas de révolution. A
653
repérer, d’après l’architecture d’une ville, quel
est
le système politique qu’elle représente. Dans le développement de qu
654
ns le plus précis du terme, c’est-à-dire que l’on
est
en train de fabriquer des petits soldats, des sujets bien alignés, qu
655
responsables de rien dans la cité. Ce qui se fait
est
fait par les autres (« Ils », l’État). On les subit. Tout ce que l’on
656
rrespond à une manière de juger la vie où l’homme
est
une pure et simple carte d’identité, un producteur-consommateur docil
657
st la loi économique qui a fait que ces villes se
sont
agrandies démesurément et que notre économie a secrété certaines orga
658
uestion. L’économie n’a rien à exiger, l’économie
est
là au service des hommes. Si on vous dit que les dimensions optimums
659
ourrait bien que l’on arrive à des désastres, qui
sont
calculables d’ores et déjà. « L’avenir est notre affaire » Tous
660
ui sont calculables d’ores et déjà. « L’avenir
est
notre affaire » Tous ces sujets seront-ils abordés dans votre proc
661
« L’avenir est notre affaire » Tous ces sujets
seront
-ils abordés dans votre prochain livre ? C’est essentiellement ce titr
662
ntiellement ce titre que je donne au livre que je
suis
en train de terminer. Je dis : « l’avenir est notre affaire ». Comme
663
je suis en train de terminer. Je dis : « l’avenir
est
notre affaire ». Comme de toutes ces choses dont nous parlons, il fau
664
x jeunes aujourd’hui que c’est leur affaire. Ce n’
est
pas l’affaire de fatalités auxquelles on ne peut rien comprendre, aux
665
chnocrates peuvent comprendre quelque chose. Ce n’
est
pas l’affaire des ordinateurs, ce n’est pas l’affaire des impératifs
666
ose. Ce n’est pas l’affaire des ordinateurs, ce n’
est
pas l’affaire des impératifs X et Y, c’est leur affaire. Souvent les
667
c’est leur affaire. Souvent les gens n’aiment pas
être
responsables de leur sort, surtout quand on les cache derrière des fa
668
, qu’il faudrait développer. Justement le désir d’
être
responsable, d’être digne, à ses propres yeux de vivre et valoir quel
669
elopper. Justement le désir d’être responsable, d’
être
digne, à ses propres yeux de vivre et valoir quelque chose. C’est bea
670
obal, général : responsabilités. C’est le mot qui
est
antinomique d’« irresponsabilité » générale de l’homme perdu dans les
671
er de communauté, l’atelier de municipalité ». Je
suis
tout à fait d’accord, je pense que l’autogestion doit se développer d
672
besoins… c’est cela la politique véritable, ce n’
est
pas de savoir si l’on est de gauche ou de droite. La politique qui do
673
litique véritable, ce n’est pas de savoir si l’on
est
de gauche ou de droite. La politique qui doit être à la base de la ré
674
est de gauche ou de droite. La politique qui doit
être
à la base de la région, doit être la politique d’autogestion de la co
675
itique qui doit être à la base de la région, doit
être
la politique d’autogestion de la commune — ce qui n’existe pas non pl
676
bien particuliers suivant les entreprises : ce n’
est
pas le même problème, suivant la nature des entreprises. Il y a beauc
677
ntreprises. Il y a beaucoup d’expériences qui ont
été
faites, allant plus ou moins de la cogestion à l’autogestion, à l’aut
678
togestion des régions. La formule des fédérations
est
extrêmement simple : elle consiste à faire coïncider les niveaux de d
679
des tâches et de la dimension des communautés qui
sont
amenées à prendre des décisions. C’est cela le fédéralisme : que chac
680
ralisme : que chacun fasse à son niveau, ce qu’il
est
capable de faire et que, pour ce qui dépasse son niveau, il s’unisse
681
par le chapeau suivant : « À l’heure où l’Europe
est
en crise comme elle ne l’a jamais été — crise de croissance ou crise
682
où l’Europe est en crise comme elle ne l’a jamais
été
— crise de croissance ou crise mortelle, nul ne le sait encore — il n
683
u crise mortelle, nul ne le sait encore — il nous
est
apparu indispensable de donner la parole à l’un des “pères de l’Europ
684
lus précisément neuchâteloise, Denis de Rougemont
est
le théoricien par excellence du fédéralisme, du régionalisme et de la
685
truction européenne. Écrivain, Denis de Rougemont
est
un excellent observateur de l’Europe et de l’Occident. L’Europe, il d
686
riginalité de notre continent. Denis de Rougemont
est
avant tout orienté vers l’avenir : la prospective. Ce philosophe et h
687
enir : la prospective. Ce philosophe et historien
est
un futurologue passionné d’écologie, il croit qu’aucune fatalité ne p
688
une fatalité ne pèse sur nos sociétés et que nous
sommes
maîtres de notre destin. C’est ce qu’il dira prochainement dans son o
689
prochainement dans son ouvrage intitulé L’Avenir
est
notre affaire . »
690
ew York en 1941, à l’Office of War Information. J’
étais
devenu le rédacteur principal de l’émission La Voix de l’Amérique par
691
ue parle aux Français. Mes deux textes quotidiens
étaient
lus par deux équipes d’« announcers » (le mot de « speaker » n’est em
692
équipes d’« announcers » (le mot de « speaker » n’
est
employé qu’en France) parmi lesquels se trouvaient Claude Lévi-Straus
693
-Strauss et André Breton. Entre Breton et moi, ce
fut
une sorte de coup de foudre d’amitié. Nous avons décidé de nous renco
694
c une sorte de groupe ? Le surréalisme a toujours
été
, à Paris, une affaire de groupe, dont Breton était le « pape », mais
695
été, à Paris, une affaire de groupe, dont Breton
était
le « pape », mais au-dessus du pape, il y avait le Bon Dieu, c’est-à-
696
upe, ni partagé son idéologie, ce qui m’a évité d’
être
excommunié tôt ou tard. C’était entre nous, à New York, une simple af
697
s artistement disposés. Les allures un peu folles
étaient
admises, jamais la drogue. Breton ne l’eût pas toléré. Il régnait par
698
Breton prenait très au sérieux. Pour lui, le jeu
était
une sorte d’expérimentation du psychisme, de la surréalité, de ce qui
699
it par paires. L’un écrivait trois questions : qu’
est
-ce que ceci ou cela ? ou : qu’arriverait-il si… ? Et l’autre, en même
700
nt. » Et, dans la seconde, toutes les lumières se
sont
éteintes dans la maison. La crise de l’énergie Cela vous est-il
701
la maison. La crise de l’énergie Cela vous
est
-il arrivé depuis ? Oui, dans des circonstances assez différentes. Je
702
là que sur le mot « raté » toutes les lumières se
sont
éteintes dans la salle (et, comme on l’a su plus tard, dans tout le c
703
moment où je lis dans mes notes : « Ceci devrait
être
regardé de plus près », toutes les lumières se sont rallumées. Était-
704
re regardé de plus près », toutes les lumières se
sont
rallumées. Était-ce « la part du diable » ? Breton m’a souvent parlé
705
us près », toutes les lumières se sont rallumées.
Était
-ce « la part du diable » ? Breton m’a souvent parlé de ce livre, que
706
es dons médiumniques, la parapsychologie. Mais il
était
le contraire d’un médium. Au fond, c’était un dogmatique subversif, e
707
femmes présentes. Chaque fois, j’ai deviné à qui
était
l’objet. Breton était comme « transfixé » par ce genre de choses. Vou
708
que fois, j’ai deviné à qui était l’objet. Breton
était
comme « transfixé » par ce genre de choses. Vous vous souveniez des f
709
eu parfois à des scènes terribles, quand Breton n’
était
pas d’accord. Un jour, par exemple, nous avions décidé de faire un ba
710
es docks de New York. Vers dix heures du soir, je
suis
monté sur un escabeau pour lire le chapitre consacré au nombre 21 par
711
vi, que Breton vénérait. Un jeune philosophe grec
fut
désigné, que Breton avait baptisé « le nouveau Hegel ». Il fit le tou
712
21 personnes dans la salle… La « victime » avait
été
sacrifiée sur l’autel du nombre 21… Une religion nouvelle Les s
713
pelle un dimanche matin, à Madison Avenue. La rue
était
déserte, tout le monde était à l’église, et j’y allais moi-même, quan
714
dison Avenue. La rue était déserte, tout le monde
était
à l’église, et j’y allais moi-même, quand je me suis trouvé pile deva
715
t à l’église, et j’y allais moi-même, quand je me
suis
trouvé pile devant André Breton. Il marchait tête levée, regardant le
716
dédiée au culte d’une pierre bleue ? » Et puis il
est
reparti. L’incident trahit quelque chose chez lui. Il a passé toute s
717
oute sa vie à une religion [sic] qui n’aurait pas
été
le christianisme et dont il aurait été un des grands prêtres. Un jour
718
aurait pas été le christianisme et dont il aurait
été
un des grands prêtres. Un jour, nous parlions des sectes cathares, av
719
i. Il écoutait d’une oreille, et brusquement il s’
est
tourné vers nous : « Voilà, dit-il, une Église où j’aurais pu être év
720
nous : « Voilà, dit-il, une Église où j’aurais pu
être
évêque ! » i. Rougemont Denis de, « [Entretien] Surréalisme : un
721
leurs amis. D’une conversation enregistrée qui s’
est
poursuivie une soirée entière, nous avons extrait les passages qui se
722
x, selon les sondages d’opinion, les Suisses n’en
sont
pas moins inquiets. Réfléchissant aux motifs spécifiques de ce compor
723
pécifiques de ce comportement paradoxal (mais qui
est
en somme celui des riches et de l’Occident en général), il m’a semblé
724
quiétude du nanti, « spectateur de l’Histoire » ;
est
-ce que ça va durer, est-ce qu’on va nous laisser longtemps encore tra
725
ctateur de l’Histoire » ; est-ce que ça va durer,
est
-ce qu’on va nous laisser longtemps encore tranquilles dans notre coin
726
és, des grands ensembles politiques en formation,
est
-ce que nos libertés, et la Suisse elle-même, en tant qu’État, gardent
727
sister ? Inquiétude spirituelle et morale enfin :
est
-ce que tant de paix et de prospérité n’ont pas été gagnées au prix de
728
st-ce que tant de paix et de prospérité n’ont pas
été
gagnées au prix de notre âme ? Au prix de nos vraies raisons d’être ?
729
ix de notre âme ? Au prix de nos vraies raisons d’
être
? L’autocritique est devenue, au cours des dernières décennies, l’une
730
rix de nos vraies raisons d’être ? L’autocritique
est
devenue, au cours des dernières décennies, l’une des tendances les pl
731
u Marché commun, s’interroger sur l’avenir suisse
est
devenu notre sport national, et je ne vois pas d’autre pays qui puiss
732
œuvre, d’un produit, d’une doctrine : « Voilà qui
est
bien français ! » on entend : Voilà qui est excellent, typique du pre
733
à qui est bien français ! » on entend : Voilà qui
est
excellent, typique du premier pays du monde, et bien digne d’être app
734
typique du premier pays du monde, et bien digne d’
être
approuvé par tous ses citoyens. Mais quand on dit en Suisse (romande
735
lectuel français approuve en principe tout ce qui
est
français, sauf le régime au pouvoir (quel qu’il soit). L’intellectuel
736
t français, sauf le régime au pouvoir (quel qu’il
soit
). L’intellectuel suisse, c’est à peu près le contraire. Les motifs sp
737
e d’Alain : Le Citoyen contre les Pouvoirs. Ce ne
sont
pas les Pouvoirs que le Suisse inquiet met en cause, mais plutôt ses
738
nquiet met en cause, mais plutôt ses concitoyens.
Sont
-ils à la hauteur de leurs institutions ? Méritent-ils leurs privilège
739
institutions ? Méritent-ils leurs privilèges ? Ne
sont
-ils pas en train de s’enliser dans un épais matérialisme, et dans un
740
ècle : une sorte de complexe de culpabilité. Il s’
est
noué pendant la Première Guerre mondiale. « Neutres, mais non pas ple
741
ous excusons. « S’excuser de quoi ? » Quiconque s’
est
jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homm
742
latrice de la manière dont le « complexe suisse »
est
prompt à se couler dans les tournures du langage théologique : Le pé
743
suisse. Les Suisses, depuis quatre-cents ans, ne
sont
en réalité que les hôtes et les spectateurs de l’Histoire. Considéran
744
éjouissent de leur liberté et de leur sagesse. Ce
sont
, par nature, des pharisiens de la politique, qui remercient Dieu de c
745
la politique, qui remercient Dieu de ce qu’ils ne
sont
pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite maison, et i
746
ce qu’ils ne sont pas comme les autres. Le Suisse
est
assis dans sa petite maison, et il regarde par sa petite fenêtre, et
747
. La politique suisse vit de compromis. Le Suisse
est
un bourgeois qui place au premier rang de ses préoccupations son repo
748
ccupations son repos et sa sécurité. Tel pourrait
être
, à peu près, le péché propre des Suisses. C’est dans la conscience na
749
ilité (à l’égard de notre patrie), mais ce devoir
est
celui d’un accusé et d’un coupable. Helveticus sum, homo sum, peccato
750
homo sum, peccator sum 16. Péché et culpabilité
sont
des concepts théologiques17 dont je ne vois pas qu’ils trouvent dans
751
application pertinente. La neutralité ne pourrait
être
péché que chez ceux qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle es
752
ux qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle
est
une mesure politique — expédient rendu nécessaire par l’absence de po
753
l’on doit discuter —, mais la traiter de péché n’
est
pas une solution et empêche même d’en trouver une, car si elle est un
754
ion et empêche même d’en trouver une, car si elle
est
un péché, il faut le révoquer, ou si elle nous fait tomber dans le pé
755
, vingt ans plus tôt, accusait ses compatriotes d’
être
« spectateurs de l’Histoire » ! S’il s’avère au contraire que la neut
756
ère dont les Suisses s’examinent : mettons que ce
soit
de l’autocritique au second degré. Les exemples cités au cours de cet
757
is les vrais problèmes se posent, ou plutôt : ils
sont
encore là, attendant qu’on les examine une fois passés nos examens de
758
en qui venait admirer notre libre Helvétie et qui
est
un peu déconcerté… Eh bien, lisez nos quotidiens : on y parle à longu
759
ou de Livourne. On pensait que tous ces problèmes
étaient
moins difficiles chez vous, dans vos petits États fédérés. — Oui, dis
760
Le Marché commun nous menace. Notre neutralité n’
est
pas toujours comprise. Notre fédéralisme est compromis, et ce qu’il e
761
té n’est pas toujours comprise. Notre fédéralisme
est
compromis, et ce qu’il en reste freine l’élan des entreprises. Est-ce
762
ce qu’il en reste freine l’élan des entreprises.
Est
-ce qu’il y aura une place pour nous dans le monde qui vient ? Satiriq
763
s démontrer aux hommes qu’ils voient trop court n’
est
pas le meilleur moyen de les libérer. Il faudrait leur montrer des ho
764
udrait leur montrer des horizons plus vastes, qui
soient
les leurs. Mieux vaudrait donc, me semble-t-il, proposer que les Suis
765
je ne la vois pas ailleurs que dans les raisons d’
être
de leur communauté peu croyable mais vraie — ce miracle qu’il faut tr
766
gime possible d’un avenir humain de l’Europe ! Il
est
menacé, nous dit-on ? Rien de tel pour tirer un homme de ses doutes b
767
ire tentation et vraiment son péché virtuel — qui
est
la peur d’assumer sa vocation. 16. Karl Barth : Gottes Gnadenwahl,
768
n, 1936 (trad. de l’auteur). Helveticus sum… : Je
suis
suisse, je suis un être humain, je suis un pécheur. 17. Nuançons : l
769
e l’auteur). Helveticus sum… : Je suis suisse, je
suis
un être humain, je suis un pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité es
770
ur). Helveticus sum… : Je suis suisse, je suis un
être
humain, je suis un pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité est aussi
771
sum… : Je suis suisse, je suis un être humain, je
suis
un pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité est aussi un état ou une c
772
e suis un pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité
est
aussi un état ou une conduite psychologiques. L’Évangile parle de rem
773
elle » et de ses valeurs, mon premier mouvement a
été
de recul devant un sujet qui me paraissait appeler la compétence de l
774
t appeler la compétence de l’économiste que je ne
suis
pas. Mais je dois vous faire un aveu : si j’ai finalement accepté de
775
rielle, que veut-on dire ? Je vois d’abord ce qui
est
exclu : une société dans laquelle il n’y aurait plus d’industrie, qui
776
plus, je crois, qu’une société post-industrielle
serait
celle où les besoins et les désirs de la société industrielle étant s
777
besoins et les désirs de la société industrielle
étant
satisfaits et comblés, on déciderait d’arrêter le progrès matériel po
778
dustrielle, aussi nommée société de consommation,
sont
par définition insatiables et inextinguibles. Ils ne seront jamais sa
779
définition insatiables et inextinguibles. Ils ne
seront
jamais satisfaits, puisque leur formule même est de croître sans fin.
780
ront jamais satisfaits, puisque leur formule même
est
de croître sans fin. Mais si elle ne consiste ni à fermer les usines,
781
ustrielle née en Europe au xixe siècle, et qui s’
est
épanouie au xxe jusqu’à Los Angeles et Vladivostok, jusqu’à Tokyo mê
782
jusqu’à Tokyo même. Une société post-industrielle
sera
donc une société qui adopte et promeut des valeurs tout à fait différ
783
et imposait la société précédente. Ce changement
est
encore très loin d’être accompli parmi nous, mais il est amorcé dans
784
précédente. Ce changement est encore très loin d’
être
accompli parmi nous, mais il est amorcé dans nos esprits. Il suppose
785
ore très loin d’être accompli parmi nous, mais il
est
amorcé dans nos esprits. Il suppose en effet, avant tout, une prise d
786
n nombre de « principes », qui allaient de soi, n’
étaient
pas discutés ni discutables, mais que la crise actuelle nous oblige à
787
is en termes de bien-être, de mieux-être, de plus
être
, affectif, ou psychique, ou spirituel. Le référentiel de ce système d
788
pirituel. Le référentiel de ce système de valeurs
était
la croissance ; mais une croissance indéfinie, sans autre mesure que
789
Le référentiel absolu de la société industrielle
était
donc — et demeure encore pour la majorité de nos contemporains — la c
790
ion, l’accroissement indéfini de tout ce qui peut
être
mesuré, pesé et compté, et de cela seul. Ce que nous pouvons nommer a
791
ord II déclarait avec une belle sobriété : « Nous
sommes
là pour produire des automobiles, non pas pour assurer le bonheur du
792
e, Giovanni Agnelli a répondu : « L’important, ce
sont
les hommes et non les firmes. » Il me semble que tout le contraste e
793
out le contraste entre les deux types de sociétés
est
là : besoins de l’industrie ou besoins de l’homme ? C’est sur l’oppos
794
ndement. Opposer à cette notion celle de loisir n’
est
pas encore changer de plan. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert,
795
s le « temps vuide », comme toute espèce de vide,
est
pure angoisse. Il n’y aura pas de société post-industrielle tant que
796
strielle tant que la seule alternative au travail
sera
le chômage, véritable « temps vide ». Ce que la société nouvelle doit
797
ts vers son travail, c’est-à-dire à dépenser pour
être
payé, ou à payer pour pouvoir gagner une vie qu’il n’aura même plus l
798
. La société industrielle, quoi qu’on en dise, n’
est
pas née pour satisfaire des besoins réels de l’homme, mais bien pour
799
u jour présent, ma grande et constante ambition a
été
de construire une bonne machine routière », écrira-t-il dans son auto
800
it en 1880 : « Automobile : nom qui a quelquefois
été
donné à de curieux véhicules mus par un moteur à explosion… Cette inv
801
idicule assurément, vouée à l’oubli rapide, telle
est
la voiture automobile que Messieurs Benz et Daimler viennent de prése
802
urt en 1947, la General Motors et la Ford Company
sont
les deux plus grandes firmes du monde. L’industrie de l’auto domine l
803
me une certaine répugnance au début de ce siècle,
est
devenue le besoin numéro un de la plupart des Occidentaux. Mais ce n’
804
uméro un de la plupart des Occidentaux. Mais ce n’
est
pas encore le plus curieux de l’histoire. Née du rêve typiquement ado
805
es vacances. Elle détruit les campagnes dont elle
était
censée nous restituer le charme, et provoque d’immenses destructions
806
di, le ciel de nos grandes villes. Mais voici qui
est
encore plus fou : elle jette l’économie de nos démocraties occidental
807
permet de faire du quatre ou cinq à l’heure, qui
est
la vitesse d’un piéton peu pressé, et par l’embouteillage crée l’immo
808
Henry Ford de déclarer tout récemment : « Nous ne
sommes
plus accoutumés à aller où que ce soit autrement qu’en auto. Les trai
809
Nous ne sommes plus accoutumés à aller où que ce
soit
autrement qu’en auto. Les trains reviennent à la mode, mais ce n’est
810
auto. Les trains reviennent à la mode, mais ce n’
est
qu’une passade. Ce pays a développé une manière de vivre particulière
811
ela en poussant un bouton. » L’aventure de l’Auto
est
bouclée. Le besoin qui n’existait pas est devenu prioritaire. L’Améri
812
l’Auto est bouclée. Le besoin qui n’existait pas
est
devenu prioritaire. L’Américain moyen — et nous donc ! — est prié de
813
prioritaire. L’Américain moyen — et nous donc ! —
est
prié de s’en tenir au mode de vie instauré par l’Auto, et qui favoris
814
s. V Vous me pardonnerez, je l’espère, de m’
être
un peu étendu sur le chapitre sans doute le plus illustratif de la so
815
les, et souvent même scandaleuses. Cette réaction
est
, à mes yeux, l’indicateur très certain du déclin d’une certaine socié
816
dée que les solutions à notre crise économique ne
sont
pas économiques, mais spirituelles, morales et psychologiques, je pos
817
, que tout le monde approuve en pratique. Mais je
suis
contre le profit considéré comme référentiel absolu, comme « mesure d
818
ant tout cela, s’il faut choisir. Car le profit n’
est
pas un principe de mesure pour l’homme, ni pour la cité. Il n’est qu’
819
ipe de mesure pour l’homme, ni pour la cité. Il n’
est
qu’un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’est pas autorégulé, e
820
t qu’un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’
est
pas autorégulé, et par suite, ne peut être agent de régulation, comme
821
t, il n’est pas autorégulé, et par suite, ne peut
être
agent de régulation, comme la personne. Il est donc un principe de dé
822
t être agent de régulation, comme la personne. Il
est
donc un principe de démesure systématique, destructeur de l’humain au
823
e. Dans la nouvelle société, le progrès recherché
sera
vers le mieux, non vers le plus. La croissance aura pour limites les
824
imites les conditions de l’équilibre vivant. Elle
sera
désacralisée comme le profit, orientée vers la vie meilleure, vers la
825
, ou militaire, ou nationale ; et vers le souci d’
être
utile plutôt que redoutable à ses voisins, qu’il s’agisse de personne
826
et aux « nécessités économiques », dont les clés
sont
détenues finalement par l’État. Sous prétexte de nous enrichir, elle
827
moraux, culturels, spirituels, où « le ciel seul
est
la limite », comme disent les Américains. Il nous faut un nouveau mar
828
imitée de l’automobile aboutit à l’embouteillage,
soit
à la vitesse zéro. De même, la prolifération exponentielle des armem
829
n, les villes : les mégalopoles du xxe siècle ne
sont
plus administrables, ni en fait gouvernées, comme on le voit ces jour
830
le voit ces jours-ci à New York ; et les hommes y
sont
seuls en masse : livrés au scepticisme et à la délinquance. Cette dég
831
, lançait il y a deux ou trois ans, un slogan qui
est
en train de faire fortune : Small is beautiful. Non que la petitesse
832
ortune : Small is beautiful. Non que la petitesse
soit
bonne en soi : c’est une question de proportions. Mais il est clair q
833
soi : c’est une question de proportions. Mais il
est
clair que nos trop grands États croient devoir se doter d’armements à
834
e H, ne faut-il pas réduire la taille de ceux qui
seraient
tentés de s’en servir ? Si la guerre est le pire désastre qui menace
835
qui seraient tentés de s’en servir ? Si la guerre
est
le pire désastre qui menace aujourd’hui le genre humain, n’est-il pas
836
ésastre qui menace aujourd’hui le genre humain, n’
est
-il pas urgent et vital de substituer aux États-nations souverains des
837
coutume de répondre à cette question que nous ne
sommes
pas là pour prévoir ou deviner notre avenir, mais pour le faire. Et q
838
des sentiments mêlés de soulagement (elle n’a pas
été
occupée, son armée et sa résolution morale l’ont protégée) mais aussi
839
ulpabilité, presque de honte, parce qu’elle seule
est
intacte au cœur d’un continent physiquement meurtri, économiquement d
840
n de s’excuser. « S’excuser de quoi ? Quiconque s’
est
jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homm
841
État suisse, c’est-à-dire le système fédéraliste,
soit
transposée à l’échelle du continent et prise comme modèle (au sens te
842
édérera et deviendra neutre. C’est-à-dire qu’elle
sera
ou bien balkanisée, ou bien helvétisée. » À quoi toute la Suisse offi
843
humilité convient seule à ce petit pays, et qu’il
serait
parfaitement illusoire et utopique d’imaginer que des solutions suiss
844
que d’imaginer que des solutions suisses puissent
être
un seul instant prises au sérieux par les « puissances » de l’époque.
845
ar les « puissances » de l’époque. Et pourtant il
est
clair que la vérité d’une idée ne dépend pas de la taille de celui qu
846
« grandes puissances » à propos de nos voisins, s’
est
dissipée. Face à l’Europe et face au monde, la situation de la Suisse
847
ope et face au monde, la situation de la Suisse s’
est
clarifiée : si elle diffère substantiellement de celle des « puissanc
848
ellement de celle des « puissances » d’hier, ce n’
est
plus par les dimensions, mais par le régime politique, c’est-à-dire p
849
est-à-dire par le fédéralisme, dont le corollaire
est
la neutralité. En temps de paix et de normalité, être neutre ne pose
850
la neutralité. En temps de paix et de normalité,
être
neutre ne pose aucun problème, et le régime fédéraliste permet de res
851
ys. Mais dans un temps de crise comme celui qui s’
est
instauré dès l’automne de 1973, la neutralité, qui était une forme de
852
nstauré dès l’automne de 1973, la neutralité, qui
était
une forme de sagesse apaisante, devient une source de controverses co
853
ne source de controverses constamment irritantes,
soit
que l’État l’invoque pour refuser d’adhérer à tel organisme internati
854
refuser d’adhérer à tel organisme international,
soit
que l’étranger l’estime lésée par la moindre manifestation spontanée
855
née du sentiment populaire, pour peu qu’il ne lui
soit
pas inconditionnellement favorable. Les conseils législatifs, nationa
856
ntrent doucement en panique. Leur premier réflexe
est
de couper les dépenses culturelles et de recherche pure, au profit du
857
lle quotidiennement aux Suisses qu’ils ne peuvent
être
seuls au monde. Il n’apparaît donc plus possible de séparer les probl
858
raît évident que le fédéralisme de formule suisse
est
la solution qui s’impose si l’on veut vraiment « faire l’Europe », c’
859
s. Mais il se trouve, hélas, que le fédéralisme n’
est
guère mieux compris par les Suisses — qui s’en réclament — que par le
860
u’on baptise « centralisatrices », alors qu’elles
sont
, justement, « fédérales » ! C’est ignorer le sens et la fonction du v
861
estières, agricoles ou urbaines. Le fédéralisme n’
est
rien d’autre, en effet, qu’une manière de se mettre ensemble pour fai
862
de se mettre ensemble pour faire ce dont aucun ne
serait
capable seul. C’est une méthode de répartition des pouvoirs de décisi
863
présente décennie bien plus clairement encore, il
est
apparu que notre neutralité, garantie par le traité de Vienne comme é
864
eutralité, garantie par le traité de Vienne comme
étant
« dans les intérêts de l’Europe entière », veut en effet que la Suiss
865
urope et l’Europe même, dont elle fait partie. Ce
serait
vouloir rester neutre entre le microbe et le malade. Toute la politiq
866
obligent à penser que la formule de bon sens, qui
est
celle du fédéralisme helvétique, ne saurait arrêter ses effets aux fr
867
on soviétique, « le fédéralisme dans un seul pays
est
utopique ». Car si, dans les domaines indiqués plus haut, on voulait
868
la centralisation autoritaire de ses voisins. Il
est
donc évident que notre fédéralisme ne peut se maintenir dans nos cant
869
l’humanité doit assumer dans les années 1970-1980
sont
presque toutes de dimensions intercontinentales, qu’il s’agisse de la
870
créé de toutes pièces la Croix-Rouge, et qu’elle
est
l’hôte généreuse et attentive de plusieurs dizaines d’organisations e
871
les de l’Europe ; parce que cette union politique
serait
seule capable de faire face aux problèmes qui se posent à l’échelle m
872
’Europe et du monde, c’est sur sa propre raison d’
être
que la Suisse d’aujourd’hui se voit amenée à s’interroger. Et ce n’es
873
ujourd’hui se voit amenée à s’interroger. Et ce n’
est
qu’au nom de ses buts humains en tant qu’État fédératif qu’elle peut
874
arten du xxe siècle (1975)q La Suisse devrait
être
l’exemple et le moteur d’une fédéralisation de l’Europe, ai-je écrit,
875
décrivais alors, à quelques précisions près. J’ai
été
amené à préciser notamment ceci : je ne vois pas, dans la Confédérati
876
dans le fait que les sept conseillers fédéraux ne
sont
pas du tout l’émanation des cantons, mais qu’ils sont désignés en fon
877
pas du tout l’émanation des cantons, mais qu’ils
sont
désignés en fonction de leurs compétences particulières pour s’occupe
878
res que de pays membres. Cette dernière formule n’
est
bonne qu’à aggraver les divergences d’intérêt entre les nations membr
879
différence, précisément, du Conseil fédéral, qui
est
composé de manière à pouvoir traiter dans l’intérêt commun les problè
880
ue peu de gens savent réellement ce que c’est. Il
est
presque totalement méconnu hors de Suisse, et les Suisses eux-mêmes c
881
nous a fait apprendre qu’à l’origine, la Suisse s’
était
formée par la fédération de trois cantons. Leurs chefs auraient fait
882
vers le ciel sur la prairie du Grütli. Tout cela
est
une fable qu’il n’est même pas intéressant de réfuter. En réalité, le
883
rairie du Grütli. Tout cela est une fable qu’il n’
est
même pas intéressant de réfuter. En réalité, les choses se sont passé
884
intéressant de réfuter. En réalité, les choses se
sont
passées tout à fait autrement. Le fédéralisme suisse s’est formé sur
885
es tout à fait autrement. Le fédéralisme suisse s’
est
formé sur la base des communes d’Uri, de Nidwald et de Schwyz. On ne
886
ble des gens et des biens d’une vallée). Elles se
sont
alliées entre elles, non pas pour créer une puissance, mais pour pouv
887
utonomie et leur différence. L’une des choses qui
sont
le plus clairement soulignées, dans le pacte du Grütli, c’est la volo
888
a changé, sous l’influence des États voisins, qui
étaient
tous en train de s’unifier. Certains achevaient leur unité et d’autre
889
tiellement subi le courant régnant en Europe, qui
était
celui de la centralisation et de la création des grands États-nations
890
endant, dans ses structures, la Suisse a toujours
été
à contre-courant de ce qui se passait dans le reste de l’Europe. Elle
891
ce qui se passait dans le reste de l’Europe. Elle
est
née de l’esprit des communes, au moment où ce grand mouvement liberta
892
nt libertaire, au nord de l’Italie et en Flandre,
était
déjà presque écrasé. Aujourd’hui, on découvre la nécessité vitale d’i
893
tions entre les Européens, et la Suisse se trouve
être
le seul pays qui ait traversé à peu près indemne la période des grand
894
éconnaissent le véritable sens du fédéralisme. Je
suis
frappé de constater que la plupart de ceux qui se disent fédéralistes
895
que la plupart de ceux qui se disent fédéralistes
sont
en réalité des nationalistes cantonaux. Se fondant sur ce qu’ils tien
896
muz avait coutume de me dire : « Entre nous, nous
sommes
contre Berne, nous sommes fédéralistes, donc nous sommes séparatistes
897
re : « Entre nous, nous sommes contre Berne, nous
sommes
fédéralistes, donc nous sommes séparatistes… » Je lui répondais : « V
898
contre Berne, nous sommes fédéralistes, donc nous
sommes
séparatistes… » Je lui répondais : « Vous pouvez être séparatiste ou
899
séparatistes… » Je lui répondais : « Vous pouvez
être
séparatiste ou nationaliste vaudois, mais vous ne pouvez pas être féd
900
ou nationaliste vaudois, mais vous ne pouvez pas
être
fédéraliste du même coup, parce que le fédéralisme est précisément le
901
édéraliste du même coup, parce que le fédéralisme
est
précisément le contraire de cela. » Ce genre de malentendu provient d
902
ui défendent l’autogestion régionale et communale
sont
ceux qui se situent le mieux dans le droit-fil de la pratique du fédé
903
e droit-fil de la pratique du fédéralisme. Qu’ils
soient
de gauche ou de droite ne m’intéresse guère : l’essentiel, c’est la f
904
re libres et à leur manière. Et cette possibilité
était
menacée depuis l’ouverture de la route du Gothard, phénomène continen
905
a route du Gothard, phénomène continental s’il en
fut
, puisque cette route devait relier entre elles les deux parties du Sa
906
e « étatique » avant la lettre que les Suisses se
sont
ligués. On observe un phénomène comparable aujourd’hui, autour du cou
907
y a en projet seize centrales nucléaires. Ce qui
est
de la démence pure. Aux yeux de n’importe quel savant sérieux et indé
908
pe ou d’Amérique, c’est insoutenable. Le projet n’
est
soutenu, d’ailleurs, que par les trois États qui se partagent la régi
909
Suisses de Kaiseraugst retrouvent le réflexe qui
fut
celui des Uranais, des Nidwaldiens et des Schwyzois : se mettre ensem
910
x « trublions gauchistes ». Leurs groupuscules ne
sont
venus qu’après coup s’adjoindre à la grande majorité des hommes et de
911
la grande majorité des hommes et des femmes qui s’
étaient
installés sur le camp. Ils tentaient d’exploiter une situation qu’ils
912
omment des maoïstes ou des trotskystes pourraient
être
des fédéralistes : ils ont de tout autres vues. Mais qu’importe ! L’e
913
t autres vues. Mais qu’importe ! L’essentiel, qui
est
une chose historique, c’est la réaction de défense des habitants de l
914
traduit par la volonté de se défendre sur place,
fût
-ce au prix d’une illégalité. On a beaucoup dit, dans la presse — de g
915
fois de plus —, que les occupants de Kaiseraugst
étaient
sortis de la légalité et qu’ils étaient les « fossoyeurs de la démocr
916
iseraugst étaient sortis de la légalité et qu’ils
étaient
les « fossoyeurs de la démocratie ». Je ne sais pas si les gens qui o
917
rendront compte que notre héros national suisse n’
était
pas particulièrement respectueux de la légalité. Tous les moments de
918
de la légalité. Tous les moments de son histoire
sont
en rupture de légalité ! Aujourd’hui, Guillaume Tell aurait été le pr
919
de légalité ! Aujourd’hui, Guillaume Tell aurait
été
le premier manifestant de Kaiseraugst. Cela m’a d’ailleurs amené à di
920
dire dans un message aux dix mille personnes qui
sont
allées manifester à Kaiseraugst, lors d’un fameux dimanche sous la pl
921
lors d’un fameux dimanche sous la pluie : « Vous
êtes
hors de la légalité, c’est évident, et vous le savez. Vous n’avez ave
922
ez. Vous n’avez avec vous que la justice, et vous
êtes
au surplus en état de légitime défense. Vous êtes donc en train de li
923
êtes au surplus en état de légitime défense. Vous
êtes
donc en train de livrer le véritable Morgarten du xxe siècle. » Peu
924
rre. Il s’agit de savoir quelle finalité on vise.
Est
-ce qu’on attache vraiment plus d’importance au « niveau de vie » qu’à
925
niveau de vie » le plus bas, le niveau zéro, qui
est
la mort… Mais pour moi, une Suisse qui ferait ce choix-là ne serait p
926
is pour moi, une Suisse qui ferait ce choix-là ne
serait
plus elle-même. Elle deviendrait semblable à n’importe lequel des Éta
927
te lequel des États-nations actuels, dont l’idéal
est
le nivellement universel, parce qu’il est plus facile d’administrer u
928
l’idéal est le nivellement universel, parce qu’il
est
plus facile d’administrer un pays où toutes choses sont parfaitement
929
lus facile d’administrer un pays où toutes choses
sont
parfaitement égales et identiques, où toutes les différences locales
930
et identiques, où toutes les différences locales
sont
abolies. C’est le rêve secret de tous les administrateurs. J’ignore s
931
administrateurs. J’ignore si les citoyens suisses
sont
aptes à saisir l’ampleur du danger qui les menace. Et je ne suis pas
932
isir l’ampleur du danger qui les menace. Et je ne
suis
pas optimiste sur les possibilités d’endoctriner les gens. Je ne me f
933
enoncent aux centrales nucléaires. Si les gens ne
sont
pas capables d’entendre un discours raisonnable, comme celui que je t
934
. Nous allons vers des tragédies. Les Suisses n’y
sont
pas très bien préparés par leur forme d’esprit. En revanche, ils y so
935
parés par leur forme d’esprit. En revanche, ils y
sont
particulièrement bien préparés par leurs institutions. Les institutio
936
s dimensions. Or, dans le monde actuel, plus vous
êtes
petit et plus vous avez de chances de survivre au tohu-bohu général q
937
z de chances de survivre au tohu-bohu général qui
est
en train de se déchaîner sur la planète. C’est pour cette raison que
938
. C’est pour cette raison que les États-Unis, qui
sont
de loin la plus grande puissance militaire du monde, n’ont pas pu ven
939
t poussée, donc d’une vulnérabilité minimale, qui
sera
la meilleure sécurité dans le monde qui vient. Il faut donc que la Su
940
vient. Il faut donc que la Suisse retrouve ce qui
était
son attitude et sa mentalité originelles, celles qui ont créé les ins
941
stitutions de la première confédération. Elle n’y
sera
pas amenée par des discours, mais par la force des choses. Par la péd
942
astrophes qu’elle n’aura pas pu éviter, car elles
seront
mondiales, mais contre lesquelles elle sera peut-être mieux prémunie
943
les seront mondiales, mais contre lesquelles elle
sera
peut-être mieux prémunie que les grands. q. Rougemont Denis de, «
944
L’amour (1975)r Il n’
est
pas question de constituer, à côté de la psychologie scientifique et
945
occidentale, à la différence de l’amour tel qu’il
est
codifié et vécu dans les autres cultures, se trouve lié dans sa genès
946
enfin cinématographique au xxe siècle. Preuve en
est
que nos psychologues « scientifiques » et psychanalystes de toute éco
947
s termes de base dans la tradition littéraire qui
est
la nôtre, d’Œdipe à Sade et à Sacher-Masoch. Pour situer cette forme
948
occidental dont les structures psychiques peuvent
être
étudiées au mieux dans ses expressions littéraires et artistiques en
949
s grandes étapes d’une évolution historique qui s’
est
stratifiée dans la psyché occidentale, et dont la connaissance rend s
950
nstinct sexuel, c’est-à-dire une pulsion que tout
être
éprouve à un moment donné de son développement, même sans avoir jamai
951
t temps accessibles. L’érotisme, deuxième niveau,
est
l’usage non procréateur, non fonctionnel de la sexualité. C’est donc
952
une perversion, le détournement d’un instinct qui
était
générique et génésique, au profit d’un plaisir individuel et stérile.
953
on du besoin en jouissance, le phénomène érotique
est
pratiquement universel. Toutes les religions connues comportent une é
954
christianisme (dont on peut nier d’ailleurs qu’il
soit
une « religion » au sens sociologique du terme). Il n’en va pas de mê
955
re de la culture occidentale. L’amour sentimental
est
le degré inférieur de la passion, laquelle est la transposition de l’
956
al est le degré inférieur de la passion, laquelle
est
la transposition de l’érotisme en religion de l’amour ressenti, en ex
957
étruisant toute altérité. Mais l’obstacle suprême
est
la mort, qui provoque la passion transfigurante, la « joie suprême »
958
grand poème musical de Wagner. L’amour-passion n’
est
donc pas le mélange, mais la composition en un produit nouveau et de
959
ance délicieusement entretenue, qui, à l’extrême,
seront
extase et mort. L’amour du prochain tel qu’il est, ou tel que le rega
960
ont extase et mort. L’amour du prochain tel qu’il
est
, ou tel que le regard aimant est capable de le susciter, c’est l’inve
961
ochain tel qu’il est, ou tel que le regard aimant
est
capable de le susciter, c’est l’inverse de la passion : il peut être
962
susciter, c’est l’inverse de la passion : il peut
être
sans lien aucun avec l’Éros, il n’est pas sentiment mais acte, respec
963
: il peut être sans lien aucun avec l’Éros, il n’
est
pas sentiment mais acte, respect de l’Autre comme sujet autonome, non
964
la vie au lieu de désirer la mort. Cet amour-là n’
est
pas disert ni exalté mais réaliste, d’une manière qui ne prête guère
965
tade de « sublimation », où la pulsion sexuelle n’
est
plus sensible, l’amour mystique va reprendre tout le langage de la pa
966
« meurt de ne pas mourir » (Thérèse d’Ávila). Il
est
à l’amour du prochain dans le même rapport dialectique que l’érotisme
967
dans le même rapport dialectique que l’érotisme l’
est
à l’instinct sexuel. L’Éros grec Le vocabulaire de la Grèce ant
968
L’Éros grec Le vocabulaire de la Grèce antique
est
le seul qui exerce encore une influence permanente et vérifiable sur
969
ccident. Selon Platon et son maître Socrate, Éros
est
l’agent de tout progrès moral et spirituel, mais à la condition qu’en
970
ur l’instinct génésique la recherche du bien de l’
être
aimé. Cela ne saurait s’appliquer au mariage, dont la seule fin est d
971
saurait s’appliquer au mariage, dont la seule fin
est
de donner des enfants à l’État. Certes, l’amour vrai « tend à l’enfan
972
ste l’attribut supérieur de l’Éros véritable. Il
est
bien certain que la conception platonicienne a dominé tout le dévelop
973
ne plus faire qu’un », tous ceux qui qualifient l’
être
aimé de « ma moitié » (variante : « ma meilleure moitié »), et tous c
974
vent sur Éros. Si l’idée platonicienne de l’amour
est
résolument positive, édifiante, idéalisante, on aurait tort d’en infé
975
illeurs tant de réminiscences de l’Antiquité : ce
sont
ceux d’Orphée et d’Eurydice, d’Admète et d’Alceste, de Protésilas et
976
» que la passion de « l’amour pour la mort » qui
est
, comme nous le verrons, le secret de Tristan. La révolution chréti
977
iage d’amour : « L’union physique avec une épouse
est
source d’amitié, comme une participation en commun à de grands mystèr
978
aint Paul, avait écrit de son côté que le mariage
est
« un grand mystère (mystérion méga) ». Rencontre d’autant plus surpre
979
ue saint Paul, avant même que les évangiles aient
été
rédigés, ne cesse de dénoncer dans ses épîtres le sacré tant juif que
980
nienne consiste dans la proclamation que « tout m’
est
permis, mais tout n’est pas utile » (Épître aux Romains) relative à l
981
proclamation que « tout m’est permis, mais tout n’
est
pas utile » (Épître aux Romains) relative à l’ensemble des interdits
982
oulement ? Non, car la tentation correspondante n’
est
pas sensible : la volupté ou la luxure ne figure pas au nombre des te
983
que le christianisme, religion de l’Amour (« Dieu
est
Amour »), créé par un acte d’amour (« Dieu a tant aimé le monde qu’il
984
re part, il n’hésite pas à écrire : « Celui qui n’
est
pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, e
985
r, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui
est
marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme
986
ariage le plus strict et consacré — tout le reste
étant
laissé en friche ou très sommairement condamné (« luxure », « impudic
987
e. Cela ne pouvait se produire — et en effet ne s’
est
produit — que dans la sphère d’influence du christianisme. Mais, entr
988
que, juridique, ni même psychologique. Le mariage
était
certes un sacrement, mais il liait deux patrimoines et deux familles
989
onnes. Du ixe au xiie siècle, l’amour antique s’
est
éclipsé, et celui que nous croyons seul « naturel » et « aussi vieux
990
nnaît la boutade de Charles Seignobos : « L’amour
est
une invention du xiie siècle. » Amour, qui désigne pour nous le sent
991
s seigneuriales), on ne peut croire qu’elle n’ait
été
que la trouvaille plus ou moins fortuite de quelques moines musiciens
992
al de Limoges et de jongleurs peu cultivés. Telle
est
, pourtant, la thèse « prudente » de la plupart des spécialistes du tr
993
et nos mœurs, et nos arts, pour des siècles ? Ne
serait
-elle pas au contraire le signe d’une révolution plus générale qui s’o
994
sent la divinité de l’âme et jugent que, le corps
étant
vil, rien de ce qu’il fait ne saurait engager le salut : « Point de p
995
dans une Femme. La plus puissante de ces hérésies
sera
le catharisme, venu de l’Arménie à travers l’Anatolie, les Balkans, l
996
tiers et neuvième duc d’Aquitaine (1070-1127). Il
sera
suivi par des dizaines puis des centaines de poètes qui se nomment «
997
dont la doctrine se nomme cortezia — puisqu’elle
est
chantée dans les cours des seigneurs du Midi — exalte la Femme, jusqu
998
Notre-Dame. La grande innovation de la cortezia n’
est
pas seulement d’avoir exactement inversé la doctrine de saint Paul —
999
badours et des trouvères du xiie siècle, l’amour
est
cela qui se « déclare » par des mots. On peut soutenir que l’histoire
1000
du milieu du xiie siècle montrent que la légende
était
connue des troubadours dans le temps même où la première version (en
1001
les amants eux-mêmes), et l’obstacle suprême, qui
est
la mort, portera le désir jusqu’à l’extase ; service de la Dame à laq
1002
la vie même), mais cet asservissement volontaire
est
aussi source de prouesses, d’enthousiasme et d’élévation spirituelle
1003
de l’état amoureux plus que de l’Autre tel qu’il
est
, qu’on ne rejoindra que pour mourir ; et même l’élan de l’hérésie ne
1004
et de l’évidence quotidienne qui domine le roman
est
gnostique… Ainsi, le roman de Tristan décrit, analyse et déploie dans
1005
sentiments nouveaux d’accéder à la conscience, d’
être
reconnus et assumés. L’amour, dès lors, sera toujours lié à son « ave
1006
e, d’être reconnus et assumés. L’amour, dès lors,
sera
toujours lié à son « aveu », à sa « déclaration ». Le contenu affecti
1007
communicable, socialisé dans la mesure même où il
est
sacralisé. Situé de la sorte dans le temps et l’espace, au xiie siè
1008
fort Nous avons vu que le « problème sexuel »
est
né dans le monde christianisé du fait de l’absence d’un code sacré et
1009
rne, c’est le tabou de l’inceste. Tous les autres
étant
évacués, il prend une importance majeure et régit des domaines psycho
1010
evient obligation sacrée, pour peu qu’une parenté
soit
découverte, fût-ce au septième degré, entre mari et femme. Robert le
1011
sacrée, pour peu qu’une parenté soit découverte,
fût
-ce au septième degré, entre mari et femme. Robert le Pieux se voit co
1012
dier sa première femme, qu’il aime, parce qu’elle
est
sa cousine au quatrième degré et qu’elle a tenu avec lui un enfant su
1013
n vertu d’une institution dite fosterage. Tristan
est
donc, en droit, le « fils » de Marc. Chargé par ce dernier de la « qu
1014
du bateau qui les ramène d’Irlande. Tristan, qui
est
le plus fort des chevaliers et qui a conquis Iseut par valeur et prou
1015
rs et qui a conquis Iseut par valeur et prouesse,
serait
en droit de la garder pour lui selon la coutume chevaleresque qu’illu
1016
aleresque qu’illustrent les tournois dont la dame
est
le « prix ». S’il n’en fait rien, ce n’est pas seulement par respect
1017
a dame est le « prix ». S’il n’en fait rien, ce n’
est
pas seulement par respect de son suzerain (déjà trompé en fait), mais
1018
passion mortelle. Dès lors, la structure du roman
sera
simplement l’alternance des revoirs (de plus en plus périlleux) et de
1019
la mort, obstacle dernier, fin du « roman ». Tel
est
le secret que le mythe a pour fonction, comme toujours, d’exprimer to
1020
uer, car son contenu demeure inavouable même s’il
est
fascinant comme une drogue. Et n’est-ce pas d’une intoxication — le «
1021
le même s’il est fascinant comme une drogue. Et n’
est
-ce pas d’une intoxication — le « vin herbé » servi par une « erreur »
1022
ble celle d’une longue dégradation du mythe, peut
être
aussi celle d’une lente intériorisation. Le roi Marc peut devenir tou
1023
oi-même que Freud (dès 1923, dans Das Ich und das
Es
) appellera le surmoi : c’est encore et toujours l’image du Père — cel
1024
se Adrienne de Gérard de Nerval, l’« Éva qui donc
es
-tu… » des plus beaux vers de Vigny, objet d’un « amour taciturne et t
1025
homas Hardy ou la grande cocotte dont Swann croit
être
amoureux parce qu’elle a dit un jour que « non, elle ne serait pas li
1026
ux parce qu’elle a dit un jour que « non, elle ne
serait
pas libre demain soir ». Elle est toujours la femme rêvée, la princes
1027
non, elle ne serait pas libre demain soir ». Elle
est
toujours la femme rêvée, la princesse lointaine, la fée Viviane ou la
1028
des personnages de roman les plus falots) doit en
être
séparé, après de brèves et fulgurantes rencontres, par mille traverse
1029
piédestal pour mieux pouvoir se plaindre qu’elle
soit
située « en trop haut lieu », voire tout à fait inaccessible. « L’amo
1030
cellence » se dégage la conclusion que la passion
est
cette forme de l’amour qui se nourrit des obstacles qu’on lui oppose,
1031
ait pas un roman. L’histoire de l’amour passionné
sera
donc celle de ses traverses, de ses malheurs, que les lecteurs comme
1032
e xive siècle, toute la littérature européenne s’
est
convertie au style des troubadours. De ce temps jusqu’au xxe siècle,
1033
subversif, anarchique, individuel de la passion n’
est
jamais séparable de l’arrière-plan social, de même que le moment myst
1034
tacher que sur un fond d’orthodoxie. « Entre deux
êtres
isolés, il n’y a pas d’amour possible », dit le héros de L’Homme sans
1035
oute : Un amour peut naître par défi, il ne peut
être
fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pa
1036
défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il
soit
inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie mais une néga
1037
Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’
est
pas un contenu de vie mais une négation, une exception faite à tous l
1038
, il faut à une exception quelque chose dont elle
soit
l’exception. On ne peut vivre d’une négation pure. Musil, ici, fait
1039
pas s’entretenir (au double sens de ce terme) — s’
est
fait sentir plus vite dans le roman qu’au théâtre. (Je parle ici, bie
1040
an le plus littéraire de la littérature française
est
sans doute L’Astrée d’Honoré d’Urfé, ouvrage en cinq parties et plusi
1041
e pastoral. Les amants, chevaliers ou bergers, ne
sont
plus que des soupirants. Et si la mort qu’ils appellent leur est acco
1042
s soupirants. Et si la mort qu’ils appellent leur
est
accordée, c’est sous la forme d’un évanouissement, dont ils se réveil
1043
y Ending. Certes, tous les grands thèmes du mythe
sont
là, mais leur tragique s’est mué en élégante mélancolie : lois d’Amou
1044
nds thèmes du mythe sont là, mais leur tragique s’
est
mué en élégante mélancolie : lois d’Amour, séparations ingénieuses, é
1045
bératrice. Mais la dialectique cruelle du roman n’
est
plus ici que coquetteries, et le combat du Jour et de la Nuit se ramè
1046
e de Céladon ornée d’une faveur de sa bergère. Il
est
peu de romans mieux écrits que L’Astrée. Mais, si le dur destin du my
1047
que L’Astrée. Mais, si le dur destin du mythe n’y
est
plus que machine romanesque, faut-il incriminer la société du temps e
1048
ses coutumes, ou la littérature elle-même, qui ne
serait
qu’un sous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ?
1049
? L’œuvre d’art, conçue et reçue comme telle, ne
serait
-elle qu’un substitut tardif du sacré, un phénomène de décadence moral
1050
que des générations qui vont suivre ? En fait, ce
fut
assez d’un décret de Boileau, dans son Dialogue sur les héros de roma
1051
s le théâtre de la même époque. Roméo et Juliette
est
peut-être la plus authentique tragédie courtoise et la plus belle épi
1052
stan et Isolde de Wagner. Ici la mort par amour n’
est
plus seulement métaphorique. Elle est appelée dans sa réalité à la fo
1053
par amour n’est plus seulement métaphorique. Elle
est
appelée dans sa réalité à la fois charnelle et mystique comme l’amour
1054
n fatale, à la Tristan, dont on peut voir qu’elle
est
devenue la manière de « ressentir l’amour » qui paraît désormais natu
1055
n Europe. L’empire du mythe tristanien sur Racine
est
manifeste : il explique seul que l’amour de Phèdre pour Hippolyte, do
1056
que l’amour de Phèdre pour Hippolyte, dont elle n’
est
que la belle-mère, soit présenté comme incestueux, donc absolument in
1057
our Hippolyte, dont elle n’est que la belle-mère,
soit
présenté comme incestueux, donc absolument interdit. Quant à Hippolyt
1058
Hippolyte, Racine le fait amoureux d’Aricie « qui
est
la fille et la sœur des ennemis mortels de son père ». Aricie sera do
1059
la sœur des ennemis mortels de son père ». Aricie
sera
donc pour Hippolyte l’amour que le Père interdit, un substitut voilé
1060
ts plus savants !) Ces sentiments et ces passions
sont
condamnables, et Racine les condamne, mais il en fait son œuvre ! L’a
1061
même coup, à celle de l’auteur : Les dieux m’en
sont
témoins, ces dieux qui dans mon flanc Ont allumé le feu fatal à tou
1062
vaincre sa destinée : Par un charme fatal vous
fûtes
entraînée. Racine est-il vraiment sincère dans sa préface lorsqu’il
1063
Par un charme fatal vous fûtes entraînée. Racine
est
-il vraiment sincère dans sa préface lorsqu’il écrit : Ce que je puis
1064
e je n’en ai point fait [de tragédie] où la vertu
soit
plus mise en jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y sont sévèr
1065
en jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y
sont
sévèrement punies […]. Les faiblesses de l’amour y passent pour de vr
1066
’amour y passent pour de vraies faiblesses. On
est
loin du dessein « d’exciter les passions » pour plaire à un besoin de
1067
ffection réciproque ni de fidélité. Le mariage n’
est
donc plus un obstacle, les liens familiaux se relâchent, les derniers
1068
t, du même coup, relativisés : ils cessent donc d’
être
des tabous. Quant à la religion chrétienne (ou du moins ce qu’elle es
1069
à la religion chrétienne (ou du moins ce qu’elle
est
devenue : morale prêchée parfois par des évêques qui bâtissent des pa
1070
dissante, mais secrètement anxieuse. Or, Don Juan
est
l’antithèse de Tristan, son négatif parfait : infidèle par définition
1071
lle qui pourrait retenir son amour, quand Tristan
était
l’homme d’un seul amour fatal mais dans lequel il trouvait toute la F
1072
i demeurent insensibles aux réalités spirituelles
sont
incapables de passion. On ne parle plus que de « passionnettes », mai
1073
ille après un siège en règle). Mais ces femmes ne
sont
plus objets d’adoration. Elles ont leur politique, leur stratégie sub
1074
errière lui que des femmes émues et heureuses. Il
est
vrai qu’aucune d’elles n’a publié de souvenirs. Mais écoutons ce cri
1075
peut donc s’agir que de fantasmes, mais qui n’en
sont
que plus révélateurs de l’inconscient collectif du siècle et des moti
1076
if du siècle et des motivations qu’il subit. Sade
est
, de toute évidence, un malade mental, un de ces « fous » qui, selon C
1077
l entend renchérir sur elles. Pour lui, « le pire
est
l’ennemi du mal », comme l’a si bien vu Jean Paulhan. Par une sorte d
1078
es valeurs, on ne saurait trop souligner qu’elles
sont
celles de la noblesse la plus arrogante, et peu importe qu’il les van
1079
plit le siècle, de la Régence à la Révolution. Ce
serait
oublier son plus grand écrivain, Rousseau le gêneur, qui d’ailleurs v
1080
s aimer… Que Dieu me conserve cette douleur qui m’
est
indiciblement chère. L’amour romantique C’est à partir de l’ét
1081
is, dans son journal intime : Notre engagement n’
était
pas pris pour ce monde. Et dans les Hymnes à la nuit : Que ton feu
1082
éternellement notre nuit nuptiale ! Les Français
seront
plus lents à se laisser emporter par « l’enthousiasme errant, fils de
1083
autre vie ! À partir de là, tout le xixe siècle
sera
sentimental, passionné et mélancolique dans les choses de l’amour, se
1084
ent de près la littérature, celle-ci à son tour n’
est
jamais indépendante de la société et de ses structures de contrainte.
1085
de ses structures de contrainte. Si le romantisme
est
un retour en force de la religion des « Fidèles d’amour », c’est que
1086
l il se révolte et mobilise les énergies de l’âme
est
l’ordre bourgeois tout entier : le règne des horaires, condition de l
1087
et de son système de valeurs jugées incompatibles
soit
avec la justice sociale, soit avec l’exigence chrétienne. Baudelaire,
1088
ugées incompatibles soit avec la justice sociale,
soit
avec l’exigence chrétienne. Baudelaire, profond révélateur de la sens
1089
défense contre la civilisation industrielle. Elle
est
nourrie de spleen urbain et de nostalgie d’un horizon crépusculaire,
1090
r lui, l’amour « dont les poètes parlent tant » n’
est
qu’une « prime de plaisir » donnée à l’acte sexuel, l’attrait sexuel
1091
mour du prochain, désintéressé et même oblatif, n’
est
en dernière analyse qu’une « variété » de l’attrait sexuel, alors que
1092
chrétienne du monde, c’est l’attrait sexuel qui n’
est
qu’un cas particulier de cet Amour cosmique et spirituel qui, selon D
1093
soleil et les autres étoiles ». La psychanalyse s’
est
constituée au cours d’une période d’érotisation générale de la psyché
1094
t (sur) un état de fait dont la bourgeoisie seule
est
responsable, et auquel Freud n’a voulu que donner ses vrais noms. Le
1095
illemets comme pour s’excuser de son incongruité,
est
défini comme une attitude envers autrui qui perpétue ou reproduit le
1096
ion amoureuse de l’enfant, où le plaisir sexuel n’
est
pas trouvé indépendamment, mais toujours en s’étayant sur la satisfac
1097
du plaisir transcendant et « mort de Dieu ». Il s’
est
fait le théologien d’une mystique athée fondée sur le seul drame d’Ér
1098
au péché ; de lui donner tout ce qui, jusqu’ici,
était
donné à l’amour ; d’en faire le moyen de notre propre révélation (pré
1099
Avenir de l’amour-passion La morale bourgeoise
est
en pleine décadence. Ses tabous ne tiennent plus. Freud et tous les p
1100
édité malgré eux l’idée, devenue populaire, qu’il
est
moins dangereux pour la société de libérer l’instinct sexuel que le r
1101
es livres, ne signifie nullement que la sexualité
soit
plus anarchique ou plus vigoureuse qu’en d’autres temps. C’est seulem
1102
’est seulement l’expression de la sexualité qui n’
est
plus réprimée, ce qui signifie que la plupart des interdits sociaux,
1103
s romanciers savent bien que le roman véritable n’
est
jamais qu’une version renouvelée de l’archétype courtois de Tristan e
1104
d’un quadragénaire pour une nymphette de 12 ans,
sont
les derniers échos du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous que
1105
especte encore. Mais déjà le héros de Lolita nous
est
décrit comme un antihéros, c’est-à-dire un malade mental. Un psychana
1106
n psychanalyste l’eût guéri et le roman n’eût pas
été
. Anticipant sur une évolution qui devrait logiquement conduire à l’ex
1107
radictoires de l’érotisme et de la passion. Et ce
sera
la fonction retrouvée et renouvelée de la littérature romanesque et l
1108
dalou Ibn Hazm écrivait au xie siècle : L’amour
est
une maladie incurable qui ne peut trouver remède qu’en elle-même. C’e
1109
table et un mal que nous désirons. Celui qui n’en
est
pas atteint ne souhaite nullement rester sain. Et celui qui en souffr
1110
celui qui en souffre ne trouve aucun plaisir à en
être
guéri. r. Rougemont Denis de, « L’amour », L’Univers de la psych
1111
ne manière scandaleuse dans les pays totalitaires
est
en germe chez nous. Face à un État qui veut tout régenter, y compris
1112
mené à critiquer, à s’opposer. C’est parce qu’ils
sont
écrivains que Boukovski, comme Siniavsky ou Daniel sont enfermés ? Ou
1113
crivains que Boukovski, comme Siniavsky ou Daniel
sont
enfermés ? Ou simplement parce qu’ils s’opposent au régime ? Face à u
1114
régime ? Face à un régime totalitaire l’écrivain
est
nécessairement en opposition. Non seulement parce qu’il raconte. Mais
1115
ent parce qu’il raconte. Mais surtout parce qu’il
est
manieur de mots, donneur de sens. Dans ce qu’il écrit il y a presque
1116
contribuer à changer les mœurs. Et le changement
est
la dernière chose que peut accepter une société figée comme les socié
1117
rivain, d’avoir une opinion personnelle peut donc
être
assimilé à une marque de folie ? Je pense qu’on ne lui refuse pas d’a
1118
et qu’il continue à l’affirmer avec véhémence. Il
est
comme un soldat qui n’accepte pas la discipline, se fait punir mais r
1119
e. Il y a un mot pour désigner ces individus : ce
sont
des mauvaises têtes. De mauvaise tête à « dérangé du cerveau » le gli
1120
vaise tête à « dérangé du cerveau » le glissement
est
facile. Dans une société totalitaire je dirais même qu’il est naturel
1121
Dans une société totalitaire je dirais même qu’il
est
naturel. On les condamne donc pour remettre leurs idées en place, en
1122
que. On lui amène quelqu’un dont on lui dit qu’il
est
fou. Sa première réaction va consister à lui laver le cerveau. Pour c
1123
qu’il le condamne. Un Soljenitsyne qui, pour lui,
est
un écrivain « dérangé » doit être guéri et il a justement les moyens
1124
e qui, pour lui, est un écrivain « dérangé » doit
être
guéri et il a justement les moyens de le guérir. Quels moyens ? Le ps
1125
ceux que, précisément, on réserve aux fous. Si j’
étais
en Russie je serais enfermé depuis longtemps et je me demande si je n
1126
ent, on réserve aux fous. Si j’étais en Russie je
serais
enfermé depuis longtemps et je me demande si je ne deviendrais pas fo
1127
is pas fou réellement. Quand on vous dit que vous
êtes
seul à penser de la sorte, vous pouvez réellement vous demander : Mai
1128
réellement vous demander : Mais en fin de compte
est
-ce que je n’ai pas tort puisque tous les autres pensent autrement ? E
1129
ès bien vous amener à la folie. J’ai su comment s’
étaient
passés les grands procès de Moscou lorsque Staline s’est débarrassé d
1130
sés les grands procès de Moscou lorsque Staline s’
est
débarrassé de tous les vieux communistes qui avaient participé à la f
1131
tuer. Donc si vous le reconnaissez c’est que vous
êtes
capable de le faire. Mais ces gens représentaient peut-être un danger
1132
fférent : celui de changer les mœurs parce qu’ils
sont
, je l’ai dit, manieurs de mots, donneurs de sens. Les mœurs dépendent
1133
our ; La Rochefoucault a dit : « Combien d’hommes
seraient
amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’amour ? » Eh bien, c
1134
mantique que les Américains appellent « romance »
est
une invention des poètes du Midi de la France au xiie siècle. Avant
1135
r sensuel. Et c’est cette notion de l’amour qui a
été
vulgarisée à travers toutes les littératures, toutes les sociétés jus
1136
té imagine les rapports entre l’homme et la femme
est
un élément important de ses mœurs. Or cette façon n’a pas été modifié
1137
nt important de ses mœurs. Or cette façon n’a pas
été
modifiée par les grands de l’époque, les seigneurs puissants et redou
1138
hares sur les bûchers de la première Inquisition.
Est
-ce que les dirigeants d’aujourd’hui, particulièrement ceux des sociét
1139
en cette influence de l’artiste ? Je crois qu’ils
sont
emplis d’angoisse devant ce monde impossible à gouverner et que, même
1140
ssi dans leurs pensées. Les Russes et les Chinois
sont
les seuls qui avouent ouvertement pratiquer ce conditionnement. La ré
1141
nement. La révolution culturelle chinoise n’a pas
été
autre chose qu’un immense conditionnement. Et sans doute lorsqu’on pr
1142
Aucun écrivain digne de ce nom ne peut accepter d’
être
l’objet d’un pareil conditionnement où on lui dirait ce qu’il doit éc
1143
t écrire. C’est sa nature même qui s’y oppose. Il
sera
donc toujours un opposant, un « agent de la révolution » selon le mot
1144
e la société amène toujours davantage l’artiste à
être
en opposition contre elle. D’ailleurs ça n’a pas toujours été le cas
1145
ition contre elle. D’ailleurs ça n’a pas toujours
été
le cas : je pense à Racine et à Corneille qui étaient au service de L
1146
été le cas : je pense à Racine et à Corneille qui
étaient
au service de Louis XIV. Les grands peintres de la Renaissance qui dé
1147
ient les gens qui faisaient l’ordre dans la cité,
étaient
eux aussi proches du pouvoir. Chacun de ces artistes, à sa manière, é
1148
du pouvoir. Chacun de ces artistes, à sa manière,
était
donneur de mesures morales dans lesquelles leurs contemporains pourra
1149
it rarement les limites d’un petit canton suisse.
Est
-ce que cette dimension avait une influence ? C’est une évidence. Dans
1150
ne peut plus agir comme responsable. Et l’homme n’
est
libre que s’il est responsable. C’est une vieille notion que l’on ret
1151
omme responsable. Et l’homme n’est libre que s’il
est
responsable. C’est une vieille notion que l’on retrouve encore en jus
1152
sans avoir la responsabilité de votre acte, vous
serez
acquitté. C’est parce que je crois à cette liberté de l’homme liée à
1153
i la voix porte aujourd’hui beaucoup plus loin je
suis
fidèle à la définition d’Aristote selon laquelle une cité ne devrait
1154
il n’y a pas de nécessité à ce qu’un État moderne
soit
regroupé, donc plus puissant ? Quelle nécessité ? Quand les gens qui
1155
aient jamais pu réunir complètement la France qui
fut
longtemps composée de neuf nations parlant chacune leur langue. C’est
1156
session de tous les moyens de commander, ceux qui
étaient
à la tête des États ont eu naturellement plus de prétention que leurs
1157
gens. Même aux États-Unis où la radio et la TV ne
sont
pas aux mains de l’État le gouvernement dispose de toutes sortes de m
1158
Partout l’État veut imposer sa norme. Ces défauts
sont
peut-être moins évidents dans de petits pays, la Suisse notamment. Bi
1159
e petits pays, la Suisse notamment. Bien sûr nous
sommes
encore dans une société où l’individu n’est pas aussi directement men
1160
us sommes encore dans une société où l’individu n’
est
pas aussi directement menacé. Mais je vous rends attentif à un fait.
1161
C’est un choix qui ne menace personne. Lorsqu’il
était
pilote de chasse et qu’il faisait tomber des bombes sur les villes, i
1162
u’il faisait tomber des bombes sur les villes, il
était
libre, considéré, décoré même. Depuis qu’il a pris le parti de la pai
1163
ris la police suisse. C’est un exemple. Mais nous
sommes
encore très loin d’infliger aux opposants le sort que connaissent les
1164
que connaissent les écrivains soviétiques ? Nous
sommes
préservés contre certaines outrances des pays totalitaires parce que
1165
parce que dans le fondement de notre société ce n’
est
pas la masse qui constitue l’unité de mesure mais l’individu. Partout
1166
Partout ailleurs où la dimension de l’État-nation
est
trop grande, où le pouvoir est concentré entre quelques mains — et on
1167
n de l’État-nation est trop grande, où le pouvoir
est
concentré entre quelques mains — et on n’a plus besoin d’être Napoléo
1168
ré entre quelques mains — et on n’a plus besoin d’
être
Napoléon pour être à la tête d’un État moderne — le glissement vers u
1169
ains — et on n’a plus besoin d’être Napoléon pour
être
à la tête d’un État moderne — le glissement vers une société sans opp
1170
sition où l’homme se fond dans la norme, accepte,
est
un phénomène de plus en plus courant, de plus en plus dangereux. Et o
1171
nnaît pas d’autres horizons. En janvier 1972 il a
été
encore condamné pour “agitation et propagande antisoviétique” à douze
1172
ce que ces arrêts des juges représentent pour un
être
humain. Le crime que Boukovski paie et qu’il devra continuer de payer
1173
Boukovski paie et qu’il devra continuer de payer
est
celui d’avoir une opinion et de l’exprimer. Il n’est pas dans la norm
1174
celui d’avoir une opinion et de l’exprimer. Il n’
est
pas dans la norme de la Russie d’aujourd’hui comme les Rosenberg — do
1175
sion nous rappelait récemment la fin tragique — n’
étaient
pas dans la norme de l’Amérique des années 1950. Très justement Amnes
1176
Vladimir Boukovski qui, aux dernières nouvelles,
était
détenu dans la prison de Vladimir où il ne recevait aucune assistance
1177
ne recevait aucune assistance médicale bien qu’il
soit
gravement malade. Pour tenter de le sauver, les groupes romands d’Amn
1178
ant sa libération. Au premier rang de ceux qui se
sont
engagés dans ce combat on trouve le nom de l’un des plus grands écriv
1179
Denis de Rougemont. Les raisons de cet engagement
sont
bien dans la logique de son œuvre et de ses actes. On n’a pas oublié
1180
résultat, brillante gestion ! Mais, au fait, qui
était
le gérant ? La réponse est dangereusement simple. Les responsables so
1181
! Mais, au fait, qui était le gérant ? La réponse
est
dangereusement simple. Les responsables sont les 150 États-nations qu
1182
ponse est dangereusement simple. Les responsables
sont
les 150 États-nations qui se partagent aujourd’hui la totalité (sans
1183
Ils ont tout calculé pour leur guerre, dont tous
sont
nés, et selon l’obsession de puissance qui explique seule, sans la ju
1184
venir les plus catastrophiques ont seule chance d’
être
vérifiés ; ou bien des hommes et des groupes décident de reprendre en
1185
peu à renverser, tout à construire. Et force nous
sera
de le faire dans les cadres de l’État-nation périmés ; hors d’eux, il
1186
adres de l’État-nation périmés ; hors d’eux, il n’
est
plus d’espace libre, il n’y a plus que l’avenir qui leur échappe. Pas
1187
uestion non plus de constituer des régions qui ne
soient
que des mini-États-nations, et qui prétendent imposer le carcan de fr
1188
de la réalité humaine. Les régions nécessaires ne
sont
pas ethniques d’abord, et encore moins économiques d’abord. La soluti
1189
d’abord. La solution de nos problèmes économiques
est
à chercher sur un tout autre plan que celui où la crise se déclare :
1190
la mauvaise gestion de la planète, l’État-nation
est
aussi le fauteur de la crise, dans la mesure où l’obsession de la pui
1191
se, dans la mesure où l’obsession de la puissance
est
l’ultima ratio de ses décisions. Mais d’où tient-il sa puissance actu
1192
recouvrer la dimension civique sans laquelle il n’
est
pas une vraie personne, c’est le problème central de notre temps. Les
1193
rtains l’ont fait à Berlin : « Votre point de vue
est
typiquement européen, mais que vaut-il pour tous ces pays neufs qui o
1194
ui ont adopté le modèle de l’État-nation qui leur
était
livré dans le même paquet que la technique et le DDT, et qui était po
1195
le même paquet que la technique et le DDT, et qui
était
pour eux, au départ, le moyen de leur libération ? » Deux réponses à
1196
plus de mal au tiers-monde qu’aux Européens. Ce n’
est
pas peu dire ! Il est grand temps de le dépouiller de son prestige, d
1197
onde qu’aux Européens. Ce n’est pas peu dire ! Il
est
grand temps de le dépouiller de son prestige, d’en dénoncer l’absurdi
1198
ve, et membre du club de Rome, Denis de Rougemont
est
d’accord pour la création des régions, à l’échelle du monde, mais à c
1199
« Il ne s’agit pas de créer des régions qui
soient
de petits États-nations » (septembre 1975)w x Ne risque-t-on pas d
1200
ional ? Il ne s’agit pas de créer des régions qui
soient
de petits États-nations. Ce serait bien pire que les grands. Ce serai
1201
es régions qui soient de petits États-nations. Ce
serait
bien pire que les grands. Ce seraient les défauts des grands plus l’e
1202
s-nations. Ce serait bien pire que les grands. Ce
seraient
les défauts des grands plus l’esprit de clocher. Ce qu’il faut, c’est
1203
issait à renverser les gouvernements centraux, il
serait
obligé de reprendre leur place et il serait occupé comme les autres à
1204
x, il serait obligé de reprendre leur place et il
serait
occupé comme les autres à rester au pouvoir. C’est donc une voie sans
1205
du Val d’Aoste et du canton de Vaud, tout ce qui
est
autour du Léman. Une quantité de problèmes seraient à résoudre sur pl
1206
ui est autour du Léman. Une quantité de problèmes
seraient
à résoudre sur place par des gens de la région, avec l’aide des élus
1207
chaque jour dans le lac, au point que la lotte n’
est
plus comestible. Les concentrations deviennent, aujourd’hui déjà, plu
1208
c, des accidents épouvantables, du type japonais,
sont
possibles d’un jour à l’autre dans notre région. Il y a là une tâche
1209
accomplir en commun. La nappe phréatique, aussi,
est
commune aux Genevois, aux Gessiens et aux Savoyards. Elle est très me
1210
aux Genevois, aux Gessiens et aux Savoyards. Elle
est
très menacée, d’épuisement, de contamination, de pollutions diverses.
1211
isser un gouvernement répondre à un autre qu’il n’
est
pas question de coopérer parce que, en temps de guerre, on serait trè
1212
ion de coopérer parce que, en temps de guerre, on
serait
très embêté si on avait la même station de pompage… Il y a les problè
1213
e pompage… Il y a les problèmes de l’aéroport qui
sont
évidemment communs aux deux côtés de la frontière. Il y a le problème
1214
neutrons… Il y a des problèmes d’éducation : il n’
est
pas tolérable que des enfants de travailleurs étrangers ne disposent
1215
ançais enseignent en Suisse, mais la réciproque n’
est
pas possible). Il faut, au besoin, créer des équipes de travail par-d
1216
des ordinateurs des diverses universités doivent
être
uniformisés. Même cela, n’est-ce pas déjà une manière de sédition ? I
1217
niversités doivent être uniformisés. Même cela, n’
est
-ce pas déjà une manière de sédition ? Il y a des centaines de choses
1218
risations. Si vous demandez à d’autres le droit d’
être
libre, vous êtes perdu ! La liberté, c’est une chose qu’on prend, qu’
1219
s demandez à d’autres le droit d’être libre, vous
êtes
perdu ! La liberté, c’est une chose qu’on prend, qu’on mérite et, sur
1220
on mérite et, surtout, dont on se montre digne en
étant
responsable. Responsable : je tiens au mot. Car après tout, sans resp
1221
retien] Il ne s’agit pas de créer des régions qui
soient
de petits États-nations », Le Mois de Candide, Ferney, septembre 1975
1222
voir le jour. Mais lui-même, comme jeune homme, s’
était
rêvé un avenir tout différent, celui de l’homme de culture et de médi
1223
elui de l’homme de culture et de méditation qu’il
fut
, en fait, d’une manière invisible mais réelle et qui, loin d’être mar
1224
’une manière invisible mais réelle et qui, loin d’
être
marginale par rapport à son œuvre politique, pourrait bien en être la
1225
r rapport à son œuvre politique, pourrait bien en
être
la source. Personnellement, je vois la preuve de cela dans le fait qu
1226
quel esprit l’homme politique de premier plan qu’
était
devenu Robert Schuman jugeait-il la fonction de ces deux entreprises,
1227
itre à son deuxième chapitre : L’Europe, avant d’
être
une alliance militaire ou une entité politique, doit être une communa
1228
alliance militaire ou une entité politique, doit
être
une communauté culturelle. Et dans ce même chapitre, je souligne cet
1229
faire du chemin, surtout en ce sens que le chemin
est
long et qu’on le parcourt lentement ». On sent bien ici que Schuman n
1230
sque c’est tout naturellement que sa méditation s’
est
poursuivie en création et n’a cessé de soutenir son action. Voilà po
1231
omme d’État d’allure volontairement modeste, aura
été
plus créateur que les grands ténors de ce siècle. Piéton tranquille s
1232
jour de 1960, dans un moment de confidence : Je
suis
sans doute trop vieux pour surmonter l’idée de nation souveraine, dan
1233
r l’idée de nation souveraine, dans laquelle j’ai
été
élevé. Ce sera l’affaire de votre génération. Trois lustres ont pass
1234
tion souveraine, dans laquelle j’ai été élevé. Ce
sera
l’affaire de votre génération. Trois lustres ont passé déjà sans que
1235
Quant à repasser le flambeau, selon le cliché, ce
serait
une démission, voire une abdication qui ne trouverait plus personne p
1236
M. Denis de Rougemont », L’Europe plus que jamais
est
nécessaire à la prospérité et à la sécurité, Montigny-lès-Metz, Assoc
1237
L’Europe, l’
été
[préface] (1976)aa L’Europe, l’été, devient un parc immense aux bo
1238
L’Europe, l’été [préface] (1976)aa L’Europe, l’
été
, devient un parc immense aux bosquets enchantés de musique. Du gracil
1239
deaux et d’Athènes à Stockholm, toute l’Europe en
été
vibre et chante, danse ou déploie les fastes de ses opéras dans les p
1240
e à travers tout le romantisme occidental. Là, ce
sont
quelques heures d’autoroute à travers forêts et vallées qui relient l
1241
ommune appartenance au grand ensemble culturel qu’
est
en réalité l’Europe, et l’aient prouvé en s’associant sous le signe d
1242
ntale. ⁂ Depuis un siècle et demi, les nations se
sont
multipliées, et elles se sont bardées de frontières sourcilleuses, da
1243
emi, les nations se sont multipliées, et elles se
sont
bardées de frontières sourcilleuses, dans notre Europe jadis ouverte
1244
tre européen de la culture, à Genève, dont le but
était
précisément d’offrir un lieu de rencontres et des moyens de coopérati
1245
l’Europe à la recherche de l’union. Notre entente
fut
immédiate, et les plans vite tracés. Tous nos grands festivals furent
1246
les plans vite tracés. Tous nos grands festivals
furent
invités à déléguer leurs directeurs pour une première prise de contac
1247
l’Association européenne des festivals de musique
était
fondée et se mettait à l’œuvre. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens
1248
tait fondée et se mettait à l’œuvre. ⁂ La musique
est
d’Europe, en ce sens qu’elle est liée à l’Europe non seulement histor
1249
re. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens qu’elle
est
liée à l’Europe non seulement historiquement, dans sa genèse, mais en
1250
nèse, mais encore essentiellement dans sa nature,
étant
née du complexe physico-spirituel qui a formé l’homme européen et qui
1251
de la musique ; et, d’autre part, que la musique
est
l’expression la plus profonde et spécifique du génie propre de l’Euro
1252
tre unité fondamentale. Unité dans la diversité —
est
-il besoin de le répéter ? Saisir ensemble ces deux termes que la logi
1253
r ensemble ces deux termes que la logique oppose,
est
un mouvement, un geste de l’esprit, caractéristique de l’Europe. Voil
1254
x rivalités stériles, favoriser les échanges, qui
sont
la santé de la culture comme de l’économie, et, de la sorte, élever l
1255
nt de la musique et de la culture européennes ont
été
reçus en qualité de membres associés. Israël et Osaka ont brillamment
1256
on du rez-de-chaussée, une trentaine de personnes
sont
assises autour d’une table en fer à cheval, et souvent leurs regards
1257
oms s’échangent, et des projets s’esquissent : ce
sont
tous les grands noms de la musique, compositeurs, exécutants et chefs
1258
ampions de la dernière école postsérielle ; et ce
sont
des projets de concerts, de ballets, d’opéras de tous les siècles qui
1259
a joie de centaines de milliers d’auditeurs. Nous
sommes
ici au centre d’un prestigieux complot contre l’ennui et la laideur q
1260
ou assagi — qu’a pris le mot dans l’ère moderne,
est
une forme de vie et d’activité artistique tout à fait spécifique de l
1261
stivalienne me paraît typiquement occidentale, ne
fût
-ce que par les antinomies qu’elle embrasse, les paradoxes et les ambi
1262
oblème d’une définition du festival authentique s’
est
donc posé d’emblée aux membres de l’association. À l’occasion d’une
1263
n proposait la définition suivante : Un festival
est
d’abord une fête, un ensemble de manifestations artistiques s’élevant
1264
et de soutenir. Ce caractère d’exception doit lui
être
conféré non seulement par la haute qualité des œuvres produites (tant
1265
de ces œuvres avec l’ambiance des lieux où elles
sont
jouées, créant ainsi une atmosphère particulière à laquelle contribue
1266
s, compositeurs et musicologues, cette définition
fut
très généralement approuvée, bien que certains, non sans raison, aien
1267
, non sans raison, aient tenu à souligner qu’elle
était
idéale et au mieux normative, plutôt que réaliste et descriptive. (Ma
1268
tive, plutôt que réaliste et descriptive. (Mais n’
est
-ce pas le fait de toute définition, et son utilité majeure ?) De plus
1269
ival viable. (Le cas des « semaines musicales » d’
été
organisées par une grande ville comme Berlin, Vienne ou même Zurich,
1270
dont elle dispose pour sa propre saison d’hiver,
est
tout à fait différent, mais plus rare.) La multiplication des festiva
1271
pularisation de la culture. L’essor des festivals
est
un indice commode permettant de mesurer l’ampleur de cette évolution
1272
4. Au xixe et au début de ce siècle, la musique
était
confinée dans les salles de concert, séparée de la vie, j’entends des
1273
out le contexte social en vue desquels elle avait
été
composée. C’est grâce aux festivals qu’on s’est remis de nos jours no
1274
t été composée. C’est grâce aux festivals qu’on s’
est
remis de nos jours non seulement à jouer Hamlet sur les remparts d’un
1275
u d’origine et d’usage, à la communauté dont elle
fut
l’expression ou qu’elle reconstitue dans les esprits chaque fois qu’e
1276
reconstitue dans les esprits chaque fois qu’elle
est
jouée en son lieu, annonce et préfigure une évolution très profonde d
1277
ogie. Pas un seul festival de notre association n’
est
« national », soulignons-le : régionaux ou municipaux, chacun d’eux c
1278
iculier, mais bien par une certaine manière qui n’
est
qu’à lui de mettre en œuvre et d’accueillir la musique d’hier et d’au
1279
t œuvre commune de la culture européenne. « L’art
est
l’état d’esprit d’un jour de fête », disait Flaubert. Et la définitio
1280
finition citée plus haut rappelait qu’un festival
est
d’abord une fête, c’est-à-dire l’acte exceptionnel, symbolique et mém
1281
nnel, symbolique et mémorial d’une communauté. Il
est
beau que ce soit à la musique, plutôt qu’à quelque mascarade folklori
1282
et mémorial d’une communauté. Il est beau que ce
soit
à la musique, plutôt qu’à quelque mascarade folklorique, que déjà tan
1283
demander l’expression publique et sensible de cet
être
communautaire et de cette âme dont, s’il est vrai qu’un paysage est u
1284
cet être communautaire et de cette âme dont, s’il
est
vrai qu’un paysage est un « état d’âme », on pourra contempler aux pa
1285
et de cette âme dont, s’il est vrai qu’un paysage
est
un « état d’âme », on pourra contempler aux pages de ce livre tant d’
1286
aa. Rougemont Denis de, « [Préface] L’Europe, l’
été
», Festivals de musique européens, Lausanne, 24 Heures, 1976, p. 7-12
1287
y Dans le champ des études européennes, quelle
est
votre discipline ? Quand on sent qu’on ne peut pas répondre facilemen
1288
u’il faut la compliquer, parce qu‘en réalité elle
est
bien plus complexe que celui qui la pose ne le croyait. Avant donc d’
1289
le reste en dépendra, et d’abord mes réponses. Qu’
est
-ce donc pour vous, l’Europe ? Ce n‘est pas une réalité faite et achev
1290
ponses. Qu’est-ce donc pour vous, l’Europe ? Ce n‘
est
pas une réalité faite et achevée, ou bien en train de se défaire. Ce
1291
et achevée, ou bien en train de se défaire. Ce n’
est
pas une forme idéale à rejoindre, ni quelque chose qui aurait existé
1292
que l’on se proposerait de ressusciter. Mais ce n‘
est
pas non plus une utopie, comme le furent les projets d’union de Pierr
1293
. Mais ce n‘est pas non plus une utopie, comme le
furent
les projets d’union de Pierre Dubois (1308), du roi de Bohême Georges
1294
lliard d’humains, leur culture (dont l’Université
est
un élément) et leurs manières de vivre. Et ce problème ne se pose pas
1295
l’espace vide de la théorie intemporelle. Il nous
est
imposé concrètement dans l’aire d’un continent déterminé, au troisièm
1296
e vous me semblez faire, après tant d’autres — ce
fut
une mode dans les années 1960 — entre la recherche fondamentale et la
1297
amateurs d’applications techniques ou militaires
étant
priés de s’abstenir ou de modérer leurs impatiences. Bien. Mais les g
1298
sur la Lune. Pour eux, la recherche fondamentale
est
celle qui peut « rendre » en vingt ans, pour le prestige et la puissa
1299
strie. Vous voyez que la recherche fondamentale n‘
est
pas aussi « gratuite » qu’on le croyait : il arrive même qu’elle soit
1300
tuite » qu’on le croyait : il arrive même qu’elle
soit
la mieux payée et la plus payante au bout du compte. Qu’en est-il dan
1301
payée et la plus payante au bout du compte. Qu’en
est
-il dans le domaine des sciences humaines ? Je serais tenté de revendi
1302
est-il dans le domaine des sciences humaines ? Je
serais
tenté de revendiquer la qualité de « recherche fondamentale » — qui i
1303
que dans notre domaine, la recherche fondamentale
est
celle qui a pour objet l’homme lui-même, la personne. Si la mathémati
1304
l’homme lui-même, la personne. Si la mathématique
est
science fondamentale pour les physiciens, les chimistes, les astronom
1305
mieux savoir et mieux comprendre en général ce qu’
est
l’Europe comme fonction dans le Monde ; et en particulier, c’est là m
1306
ranche, à mieux comprendre ce que cela signifie d’
être
un Européen. Ce n’est pas un métier ni même une profession. C’est une
1307
dre ce que cela signifie d’être un Européen. Ce n’
est
pas un métier ni même une profession. C’est une manière d’être homme
1308
étier ni même une profession. C’est une manière d’
être
homme et d’orienter la vie. C’est une manière aussi de faire vivre l’
1309
de faire vivre l’Europe en vivant sa culture, qui
est
, à mes yeux, sa profonde identité. Cette culture a produit — comme dé
1310
istan, et l’amour-passion, la Comédie et les deux
Sommes
, les mystiques espagnols, les Élisabéthains, et les classiques frança
1311
i ! » Comme si ceux qui écrivent ces slogans n’en
étaient
pas, de cette Europe qu’ils jugent finie ! L’agonie qu’ils annoncent,
1312
’ils annoncent, complaisants, c’est la leur ! Ils
sont
bien les seuls à ne pas le voir ! Et c’est le moment que vous choisis
1313
pe. Ce qui ne prouve d’ailleurs pas que mon sujet
soit
« sérieux » du point de vue que l’on nommait naguère académique, mais
1314
oute une civilisation, dont le monde académique n’
est
qu’une partie, certes précieuse, mais englobée, non englobante. Secon
1315
. Là encore, vous allez me dire que ces démarches
sont
peu compatibles avec l’idée du sérieux scientifique qu’on cultivait a
1316
s sans pouvoir le connaître. Or, si le passé seul
est
objet de savoir, tout savoir assuré sera donc historique. Et dès lors
1317
assé seul est objet de savoir, tout savoir assuré
sera
donc historique. Et dès lors, votre discipline ne serait-elle pas tou
1318
donc historique. Et dès lors, votre discipline ne
serait
-elle pas tout simplement une histoire des idées en Europe, sur l’Euro
1319
echerche, et le virtuel, objet de la prospective,
sont
plus encore que le savoir ce que j’ai le désir de transmettre, c’est-
1320
uditeurs d’un cours. Car penser, après tout, ce n‘
est
peut-être que cela : mettre en système du savoir et du non-savoir, du
1321
stème du savoir et du non-savoir, du réalisé — ce
sont
les « faits » — et du virtuel ou potentiel, c’est ce qui reste « à fa
1322
e sans le connaître, qui apparaîtra un jour comme
étant
le principal de ce que j’avais à faire passer, dans le cadre rigoureu
1323
gie philosophique, sur les problèmes de l’Europe,
est
-ce que cela ne vous condamne pas à l’européocentrisme ? Vous en êtes
1324
vous condamne pas à l’européocentrisme ? Vous en
êtes
parfois accusé. Quand on fait « simplement » du droit, des lettres, d
1325
leur monde. Or à mon sens, c’est le contraire qui
est
vrai. Il arrive bien souvent que celui qui fait des lettres, de la mé
1326
e ou marxiste, ou de la science politique en soi,
soit
à mille lieues de soupçonner le caractère spécifiquement européen de
1327
spécifiquement européen de sa discipline. Or s’il
est
naïvement européen, il est fatal qu’il se comporte, objectivement, d’
1328
sa discipline. Or s’il est naïvement européen, il
est
fatal qu’il se comporte, objectivement, d’une manière tout européocen
1329
opéocentrique. Il croit que le droit qu’il étudie
est
le vrai Droit universel ; que l’histoire a un sens et qu’elle détient
1330
mes nécessités chez tous les peuples, quelles que
soient
leurs croyances religieuses ; que la technique est quelque chose « d’
1331
nt leurs croyances religieuses ; que la technique
est
quelque chose « d’objectif » et « d’universel », et qui ne dépend ni
1332
duisent des romans d’amour, etc. Or ces croyances
sont
typiquement européennes, bien qu’erronées, comme le démontrent nos ét
1333
isième tiers du xxe siècle. L’étude de la chimie
est
utile, l’étude du droit aussi, mais connaître les raisons d’être et l
1334
tude du droit aussi, mais connaître les raisons d’
être
et les moyens de survivre de l’Europe est simplement vital pour toute
1335
sons d’être et les moyens de survivre de l’Europe
est
simplement vital pour toute notre culture. Croyez-vous que l’Universi
1336
ute notre culture. Croyez-vous que l’Université n’
est
pas intéressée au premier chef à la survie de cette culture ? 20. M
1337
rope surtout et par ces masochistes invétérés que
sont
trop souvent les intellectuels européens. y. Rougemont Denis de, «
1338
re 1976)ab Ce que l’on appelle « politique » n’
est
en général qu’une tactique partisane, mais ce qui m’intéresse est aut
1339
u’une tactique partisane, mais ce qui m’intéresse
est
autre chose : la stratégie de notre civilisation. Ce sont donc les gr
1340
re chose : la stratégie de notre civilisation. Ce
sont
donc les grands choix moraux qui déterminent parfois à notre insu les
1341
et la nature, une société dont l’idéal directeur
soit
la liberté des personnes assurées par la participation responsable de
1342
je m’occupe de ces choses, et que j’en écris, je
suis
de plus en plus frappé par le rôle qu’y joue le mensonge systématique
1343
éma suivant que je reconstitue : I. Le philosophe
étant
celui qui pose des questions simples et naïves, je demande : « Concor
1344
imples et naïves, je demande : « Concorde, à quoi
est
-ce que ça sert ? » On m’assure que cet appareil ira de Paris à New Yo
1345
peut dire, que feront-ils de ces heures gagnées ?
Est
-ce qu’elles vaudront les seize milliards déjà dépensés par l’État, do
1346
donc par les contribuables français et anglais ?
Est
-ce qu’elles justifieront le risque planétaire que des savants redoute
1347
is pas… » 2. Si les clients prévus, dont l’heure
est
si précieuse, sont à tel point suroccupés, on leur rendrait meilleur
1348
es clients prévus, dont l’heure est si précieuse,
sont
à tel point suroccupés, on leur rendrait meilleur service en leur fai
1349
échir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’il
était
vraiment indispensable de « gagner » trois heures sur ce trajet, en v
1350
urgiens, des assureurs, etc.) ? Les Américains se
sont
posé la question à propos du Vietnam : pouvons-nous arrêter la guerre
1351
milliers d’ouvriers ? Je pense que si la Société
est
ainsi faite que la seule alternative qu’elle offre au gaspillage indu
1352
mosphère, voire à la guerre, c’est le chômage, il
est
temps de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’inventer d’a
1353
s « retombées technologiques » (Concorde lui-même
étant
une retombée des V2 à travers les fusées américaines) ; cela signifie
1354
nos têtes. 5. Indépendamment de ces arguments, je
suis
contre Concorde pour deux raisons fondamentales. a) Tout comme les c
1355
a) Tout comme les centrales nucléaires, Concorde
est
le symbole ou simplement l’enseigne d’un modèle de société que je réc
1356
d’autonomie et de fédération des groupes. b) Je
suis
convaincu que les promoteurs de Concorde sont animés par un certain i
1357
Je suis convaincu que les promoteurs de Concorde
sont
animés par un certain idéal : c’est celui du Progrès selon le xixe s
1358
oreur de cette sorte d’énergie que l’État central
est
seul en mesure de produire et de distribuer, entraînant ainsi, par le
1359
national dans notre société industrielle (qu’elle
soit
capitaliste ou socialiste, nulle différence à cet égard !), la logiqu
1360
mford a baptisé la « Mégamachine », cette logique
est
plus forte que tous les hommes d’État, que tous les servants de l’Éta
1361
a deux morales incompatibles en théorie, si elles
sont
parfois complémentaires en pratique. L’une veut la liberté d’abord, l
1362
Si vous tenez à la sécurité par-dessus tout, vous
êtes
amené à accepter la logique interne de la mégamachine étatique, vous
1363
us de l’État, et vous trouvez enfin normal que ce
soit
lui — comme les Rois antiques — qui dispense seul l’Énergie. Une éner
1364
pensable au fonctionnement de l’État-nation. Vous
êtes
amené à revendiquer l’autonomie que l’État menace, que les nécessités
1365
onversion pour une image, si vous voulez, mais je
suis
convaincu qu’en réalité, elle signifie bien davantage, et peut prod
1366
Et je ne dis pas qu’en alertant les énergies qui
sont
en nous nous pourrions aller aussi vite que Concorde. Je dis seulemen
1367
qu’en faisant appel toujours plus aux forces qui
sont
en nous, le besoin que nous avions de forces extérieures diminuerait
1368
ces extérieures diminuerait d’autant, et que nous
serions
alors en mesure de découvrir une réalité du monde bien différente, où
1369
s ferions une autre société — et je pense qu’elle
serait
meilleure. 21. Aujourd’hui, Air France et la SNIAS publient que l’a
1370
, à Venise, Honegger diriger son Nocturne et je m’
étais
dit : Voilà celui pour qui je voudrais écrire quelque chose. À peine
1371
ionale de 1939. La guerre paraissait imminente, j’
étais
en train de sortir mes uniformes d’une malle. Je ne trouvais pas de «
1372
laire que je gardais de cet ermite du xve siècle
était
bien pâle. Mais ce jour-là, je reprends le livre et je découvre un pe
1373
ce ! Revenir au théâtre grec, avec son chœur ? Ce
serait
la solution formelle ; encore faudrait-il l’adapter à la structure ch
1374
la crée l’appel au musicien — et celui-ci ne peut
être
qu’Honegger. Je vais le voir à Paris. Je ne le connaissais pas. En pl
1375
forme théâtrale à laquelle il croit pour l’avenir
est
« celle qui arrive à grouper toute une population ». C’est donc oui,
1376
se met au travail dès novembre. En janvier, tout
sera
terminé. Mais un soir d’août 1939, à La Chaux-de-Fonds, assistant pou
1377
première fois à une répétition des chœurs — et ce
sera
la dernière : la guerre est pour demain — je me sens littéralement tr
1378
n des chœurs — et ce sera la dernière : la guerre
est
pour demain — je me sens littéralement transporté ! Voici chanté, cla
1379
rière-plan religieux de ma « Légende dramatique »
est
révélé tantôt par un lyrisme aérien, alpestre, cristallin, comme dans
1380
On a écrit que si l’oratorio Nicolas de Flüe « n’
est
pas devenu populaire » c’est que « ce pacifiste était inopportun en u
1381
t pas devenu populaire » c’est que « ce pacifiste
était
inopportun en un moment où il s’agissait de résister au national-soci
1382
rps d’armée ! » Il se peut que les deux jugements
soient
justes. Ce qui est certain, c’est que l’homme de la paix est seul cap
1383
peut que les deux jugements soient justes. Ce qui
est
certain, c’est que l’homme de la paix est seul capable de gagner ce q
1384
Ce qui est certain, c’est que l’homme de la paix
est
seul capable de gagner ce que toute guerre, même victorieuse, perd à
1385
même victorieuse, perd à coup sûr : les raisons d’
être
d’une communauté d’hommes libres. Au surplus, la musique d’Honegger r
1386
a Résistance, et dont l’élément le plus dynamique
est
l’Union européenne des fédéralistes ; Un ensemble de projets politiqu
1387
tiques plus ou moins pragmatiques, dont Churchill
sera
le porte-parole le plus prestigieux, Schuman et Spaak les artisans le
1388
ncipaux, leurs conflits et leurs complémentarités
sont
seuls capables de rendre intelligibles les débuts et l’évolution de c
1389
ligibles les débuts et l’évolution de ce que l’on
est
convenu de nommer, non sans optimisme, quant à la vraie nature du phé
1390
re du phénomène, la Construction européenne. Il n’
est
que juste et décent d’ajouter que sans le plan Marshall, proposé aux
1391
hall, proposé aux Européens en 1947, rejeté par l’
Est
sur l’ordre de Moscou, accepté par l’Ouest, et dès lors administré pa
1392
é par l’OECE, rien de tout ce qui va suivre n’eût
été
possible. Il s’agit là d’un fait patent et mesurable : dans les derni
1393
ainte, rédigé en 1306. Pierre Dubois, son auteur,
est
un juriste de Philippe le Bel et d’Édouard d’Angleterre. Le plan d’un
1394
es prônés par l’université moderne n’auraient-ils
été
« utopiques » que sur un seul sujet, l’Europe ? Mais les États ne fon
1395
leur prétention à la souveraineté absolue : elle
était
dynastique familiale, ils la proclament « nationale » dès la Révoluti
1396
d’un régime d’union fédérale européenne. Le texte
est
présenté en 1930 à la Société des Nations. On peut y lire : S’unir p
1397
y lire : S’unir pour vivre et prospérer : telle
est
la stricte nécessité devant laquelle se trouvent désormais les nation
1398
ouvent désormais les nations d’Europe. Mais tout
est
compromis — comme le seront la CECA et plus encore la CEE — par l’axi
1399
ons d’Europe. Mais tout est compromis — comme le
seront
la CECA et plus encore la CEE — par l’axiome, inlassablement réaffirm
1400
s estiment menacée par toute forme d’union qui ne
soit
pas purement verbale. Pour le meilleur et pour le pire, c’est ce voca
1401
eilleur et pour le pire, c’est ce vocabulaire qui
sera
repris dans les traités européens de l’après-guerre. Mais ce qui exig
1402
éens de l’après-guerre. Mais ce qui exige alors d’
être
expliqué, c’est le passage de l’échec du projet Briand aux relatifs s
1403
ns Monnet, Schuman et Spaak. Quel facteur nouveau
est
-il intervenu pour forcer les gouvernements à reprendre la constructio
1404
rchisants, participent également aux débats. Tous
sont
issus de la Résistance européenne à l’hitlérisme, qu’ils soient franç
1405
e la Résistance européenne à l’hitlérisme, qu’ils
soient
français ou italiens, allemands ou hollandais, suisses ou anglais. En
1406
jours de congrès, le cadre de l’action européenne
est
posé, le but ultime bien indiqué : « L’Europe une dans un monde uni.
1407
qué : « L’Europe une dans un monde uni. » L’union
sera
faite sur le modèle du fédéralisme intégral, celui qui part des pouvo
1408
é d’unir tous les peuples du continent, ceux de l’
Est
compris, est affirmée comme seul moyen de prévenir la colonisation pa
1409
les peuples du continent, ceux de l’Est compris,
est
affirmée comme seul moyen de prévenir la colonisation par un Parti ou
1410
économique du continent : l’union douanière doit
être
l’expression finale d’une union économique ou plan commun de producti
1411
un de production. La franchise des échanges devra
être
obtenue par des abaissements de droits échelonnés sur dix ou quinze a
1412
sur dix ou quinze ans. Un « plan Monnet européen
est
nécessaire »25 non seulement pour l’équilibre des productions françai
1413
décisive dans l’évolution de l’Europe, n’ont pas
été
conçues ex nihilo, ni formulées pour la première fois durant les quat
1414
de résistance actifs dans neuf pays en guerre se
sont
réunis clandestinement, par trois fois, pour élaborer un Manifeste fé
1415
pendant, pour l’observateur objectif que voudrait
être
l’historien, il est clair que ni les chefs de mouvements, sans pouvoi
1416
vateur objectif que voudrait être l’historien, il
est
clair que ni les chefs de mouvements, sans pouvoir, ni les ministres
1417
l’Europe. Si pourtant quelque chose se fait, cela
sera
dû à la complicité qui s’établit, sous le couvert d’ambiguïtés ou d’é
1418
de Coudenhove, un premier « Congrès de l’Europe »
fut
convoqué pour le début de mai à La Haye. Il réunit quelque huit-cents
1419
etint que l’idée d’une assemblée dont les membres
seraient
élus par les parlements. Des compromis analogues entre dirigistes, pl
1420
de l’Europe, 1949 À partir de La Haye « tout s’
est
déroulé très vite » comme on dit dans les romans policiers. Une fois
1421
r former le Mouvement européen, dont le président
fut
Duncan Sandys, jeune ancien ministre et gendre de Churchill, et le se
1422
lles. Le traité instituant le Conseil de l’Europe
fut
paraphé au palais Saint-James, à Londres, le 5 mai, un an après La Ha
1423
ivante. Et il se trouva que sa première opération
fut
de définir la nature de la mission du CERN, ainsi que de programmer l
1424
on par les États européens, via l’Unesco. Le CERN
fut
inauguré le 1er août 1954 à Meyrin, près Genève, au lieu choisi lors
1425
si (et même renversant parfois) le brain-drain qu’
étaient
alors en train de subir toutes nos nations, trop pauvres pour offrir
1426
fficultés communes à résoudre en commun »29. Ce n’
était
pas une réforme, mais une révolution. On peut penser que c’est à la f
1427
nvois traversant librement les frontières des Six
fut
tel que, vingt-cinq ans plus tard, la presse européenne célébrant l’a
1428
te pas à titrer : « Neuf mai, le jour où l’Europe
est
née ! » Comme si l’Europe se limitait aux Six, comme si les Six n’éta
1429
l’Europe se limitait aux Six, comme si les Six n’
étaient
rien de plus que des producteurs et des consommateurs de charbon et d
1430
idées directrices d’un pool charbon-acier avaient
été
formulées maintes fois pendant la période des congrès unionistes et f
1431
ités de décision politiques autant qu’économiques
étaient
sinon nulles, du moins annulables en tout temps par le Comité des min
1432
ropéenne, écartée de la discussion des congrès, s’
était
imposée pendant la préparation de la CECA. Lorsque René Pleven ranima
1433
établir l’équilibre » (Pierre Uri). Quoi qu’il en
soit
, les parlements de cinq des Six ne tardèrent pas à ratifier le projet
1434
ent la tactique et la stratégie de la CECA, « ils
sont
d’avis que l’union doit être réalisée d’abord dans le domaine économi
1435
ie de la CECA, « ils sont d’avis que l’union doit
être
réalisée d’abord dans le domaine économique ; ils estiment qu’il faut
1436
la création d’une organisation commune à laquelle
seront
attribués la responsabilité et les moyens d’assurer le développement
1437
t que la constitution d’un Marché commun européen
est
l’objectif de leur action dans le domaine de la politique économique
1438
formation de la CECA nul progrès politique n’ait
été
accompli, paraît de nature à confirmer le diagnostic des fédéralistes
1439
sur cet obstacle majeur à toute union sérieuse qu’
est
l’État-nation, obsédé par ses droits souverains, d’ailleurs de plus e
1440
ine, et pas une réalisation convaincante, faute d’
être
exaltante. Les mouvements de militants se sont tus ou rabâchent. Ils
1441
d’être exaltante. Les mouvements de militants se
sont
tus ou rabâchent. Ils parlent chaque année d’une « relance de l’Europ
1442
e d’une « relance de l’Europe ». Et les ministres
sont
d’accord — depuis un peu plus de vingt-cinq ans. Ils ont lu les sonda
1443
on de nos vingt-cinq pays par les hégémonies de l’
Est
et de l’Extrême-Ouest, comment se fait-il que rien n’ait été fait, qu
1444
’Extrême-Ouest, comment se fait-il que rien n’ait
été
fait, que rien ne se fasse ? Dans l’état actuel de notre société, les
1445
actuel de notre société, les gouvernements seuls
sont
responsables. Le dilemme devient des plus clairs : irons-nous avec eu
1446
i « une action bouleversante sans préavis », et s’
est
montré « l’un de ces hommes exceptionnels par lesquels l’Esprit inflé
1447
aint à la nationalité allemande, Robert Schuman s’
est
à plusieurs reprises, très justement, défini comme un « homme de la f
1448
i comme un « homme de la frontière ». En 1914, il
est
allemand selon son passeport. Inapte au service militaire, il ne sera
1449
son passeport. Inapte au service militaire, il ne
sera
mobilisé qu’au titre « d’employé auxiliaire » d’une sous-préfecture.
1450
cord contre l’Europe. En vérité, Robert Schuman n’
est
de naissance et de tradition ni français ni allemand, mais mosellan.
1451
is mosellan. Fils d’une région non d’une nation —
soit
subie soit choisie librement — c’est un homme de « l’Europe médiane »
1452
. Fils d’une région non d’une nation — soit subie
soit
choisie librement — c’est un homme de « l’Europe médiane », de cette
1453
et non par goût, et moins encore par ambition. J’
étais
alors, écrira-t-il, un juriste quelque peu candide, inexpérimenté dan
1454
31 au jeune Parti des démocrates populaires — qui
sera
le MRP de la Libération —, n’est-ce pas surtout parce que c’est le pa
1455
opulaires — qui sera le MRP de la Libération —, n’
est
-ce pas surtout parce que c’est le parti qui affirme le plus clairemen
1456
s d’occupation, sans jamais le découvrir. Il n’en
sera
pas moins l’un des premiers à proposer, à la Libération, une politiqu
1457
s président du Conseil (en 1947 et 1948) — telles
sont
les étapes d’une brillante carrière d’homme politique français, mais
1458
on a si souvent décrit, un homme d’État soudain s’
est
déclaré. Et tandis que les autres, tant bien que mal, expédient les a
1459
s, traduisant le premier membre de l’équation qui
est
le rapport origines/horizon, elle exprime l’expérience durement acqui
1460
s historiques et ses finalités spirituelles. Elle
est
inséparable de la personne même de Robert Schuman, parce qu’elle en e
1461
personne même de Robert Schuman, parce qu’elle en
est
constitutive et lui est vraiment congénitale. L’action de Robert Schu
1462
Schuman, parce qu’elle en est constitutive et lui
est
vraiment congénitale. L’action de Robert Schuman, à la date inaugural
1463
ai 1950, montre une fois de plus que l’Histoire n’
est
pas faite par « les masses » mythiques, mais bien par des personnes r
1464
se poser à l’historien du célibataire endurci que
fut
Robert Schuman : à qui faut-il attribuer la Déclaration du 9 mai 1950
1465
er la Déclaration du 9 mai 1950 ? Le plan Schuman
fut
-il en réalité un Plan Monnet ? Il est certain que la Déclaration n’a
1466
lan Schuman fut-il en réalité un Plan Monnet ? Il
est
certain que la Déclaration n’a pas été rédigée par Schuman, mais par
1467
onnet ? Il est certain que la Déclaration n’a pas
été
rédigée par Schuman, mais par l’équipe de Jean Monnet, dont les étoil
1468
ais par l’équipe de Jean Monnet, dont les étoiles
étaient
alors Pierre Uri et Étienne Hirsch. Il est non moins certain qu’en fa
1469
es étaient alors Pierre Uri et Étienne Hirsch. Il
est
non moins certain qu’en faisant du projet « son affaire » et en engag
1470
exte en acte et une épure en fait d’histoire. Qui
est
le vrai père ? Celui qui conçoit le projet ou celui qui le réalise ?
1471
à la Société des Nations en 1930. Robert Schuman
fut
réellement l’homme du Plan qui porte son nom, parce que ce plan résul
1472
e que ce plan résultait du problème dans lequel s’
était
noué son drame personnel, et parce que ce plan figurait le dénouement
1473
ême : L’action de Robert Schuman me paraît avoir
été
déterminée moins par ses souvenirs du passé qui eussent pu au contrai
1474
l méritait », autrement dit n’y répond pas : il n’
est
pas motivé par le même passé. Et voilà qui permet de résoudre par une
1475
ommunauté européenne a pu voir le jour. Mais il s’
était
rêvé tout autre chose, homme de méditation et de culture, au milieu d
1476
quel esprit l’homme politique de premier plan qu’
était
devenu Robert Schuman jugeait-il la fonction de ces deux entreprises,
1477
itre à son deuxième chapitre : L’Europe, avant d’
être
une alliance militaire ou une entité politique, doit être une Communa
1478
alliance militaire ou une entité politique, doit
être
une Communauté culturelle. Et dans ce même chapitre, je souligne cet
1479
sque c’est tout naturellement que sa méditation s’
est
poursuivie en création et n’a cessé de soutenir son action. Voilà pou
1480
mme d’État, d’allure volontairement modeste, aura
été
plus créateur que les grands ténors de ce siècle. Piéton tranquille s
1481
jour de 1960, dans un moment de confidence : Je
suis
sans doute trop vieux pour surmonter l’idée de nation souveraine, dan
1482
r l’idée de nation souveraine, dans laquelle j’ai
été
élevé. Ce sera l’affaire de votre génération… ae. Rougemont Denis
1483
tion souveraine, dans laquelle j’ai été élevé. Ce
sera
l’affaire de votre génération… ae. Rougemont Denis de, « Robert S
1484
nspirait. Cette interprétation de notre mouvement
était
en somme inévitable dans la conjoncture de l’époque. Tout allait à ma
1485
je relis les onze numéros de notre revue : il n’y
est
jamais question d’orthodoxie ! (Sauf une fois : pour nier que nous dé
1486
oxie calviniste ».) En revanche, des « hérésies »
sont
dénoncées, mais non point comme « contraires au dogme » : ce que nous
1487
insondablement : celui qui affirme que la morale
est
suffisante, et celui qui nie qu’elle soit nécessaire… Le moralisme do
1488
a morale est suffisante, et celui qui nie qu’elle
soit
nécessaire… Le moralisme donne une réponse universelle et inefficace,
1489
ce que nous pensions alors. La vérité ne pouvait
être
à nos yeux quelque chose d’édicté, de codifié, d’enregistré une fois
1490
pour toutes, ni une « fixation théorique ». Elle
était
quelque chose, disions-nous, « dont nous ne sommes pas les auteurs, m
1491
était quelque chose, disions-nous, « dont nous ne
sommes
pas les auteurs, mais dont l’essence même implique notre effort pour
1492
juger si c’est la Parole de Dieu, donc Dieu, qui
est
le sujet de ces énoncés, ou bien au contraire si l’homme se les appro
1493
et avant elle. Les deux derniers passages cités
sont
justement d’Henry Corbin. Et je n’en trouve pas qui expriment mieux n
1494
n part pour Byzance et le Proche-Orient ; puis ce
sera
la guerre, et pour moi, plus de six années d’exil américain. Et pourt
1495
rawardi écrit : « Lis le Coran comme s’il n’avait
été
révélé que pour ton propre cas. » Kierkegaard écrit : « L’Évangile do
1496
opre cas. » Kierkegaard écrit : « L’Évangile doit
être
lu comme une lettre personnelle, adressée à toi seul. » Et Kafka imag
1497
a parabole de la Porte du Palais de justice. Elle
est
ouverte, mais le pauvre paysan n’ose la franchir, à cause des deux fa
1498
’au jour où il dit à l’un d’eux : Mais personne n’
est
jamais entré ni sorti, depuis des mois que j’attends ici ! À quoi le
1499
j’attends ici ! À quoi le gardien répond : Elle n’
était
là que pour toi. Maintenant, il est trop tard, nous la fermons. Nous
1500
nd : Elle n’était là que pour toi. Maintenant, il
est
trop tard, nous la fermons. Nous pressentions qu’il n’y a de porte qu
1501
celui qui se met en marche, et que la vraie voie
est
unique. ⁂ Pour entrer dans la dialectique de l’hérésie et de l’orthod
1502
e une forme d’exister sans précédent, qui ne peut
être
décrite ni prescrite mais seulement vécue, et une seule fois ; — l’ob
1503
assique, dans laquelle la constitution de l’objet
est
indépendante de la manière dont on l’observe, et peut être vérifiée u
1504
pendante de la manière dont on l’observe, et peut
être
vérifiée ubique et semper, — ou au contraire « l’actualité unique, ir
1505
que ces deux phénomènes radicalement antinomiques
sont
en relation de complémentarité. Note 1. Les hérésies qui se constitue
1506
comme le veulent les dictionnaires, l’orthodoxie
est
la « droite opinion » et l’hérésie le « choix personnel d’une opinion
1507
te opinion ». Mais en fait, « la droite opinion »
est
une route nationale où la circulation est uniformément réglée, tandis
1508
inion » est une route nationale où la circulation
est
uniformément réglée, tandis que le « choix personnel » est un sentier
1509
rmément réglée, tandis que le « choix personnel »
est
un sentier imprévisible ; et ce n’est pas aux ponts et chaussées ni à
1510
personnel » est un sentier imprévisible ; et ce n’
est
pas aux ponts et chaussées ni à la police de la route qu’il faut s’ad
1511
ait aussi bien qualifier selon D. Suzuki « ce qui
est
dans la ligne authentique de transmission », i.e. la communication no
1512
l’esprit ne consiste nullement à réitérer ce qui
est
vrai pour n’importe qui, et encore moins à s’y conformer en s’y força
1513
et vocation, entre universel et unique. Mais ce n’
est
peut-être qu’une question de tempérament. Selon que l’on relève du ty
1514
lève du type introverti ou du type extraverti, on
sera
porté à privilégier soit la personne, soit la communauté. Il existe a
1515
u du type extraverti, on sera porté à privilégier
soit
la personne, soit la communauté. Il existe au surplus certaines corre
1516
ti, on sera porté à privilégier soit la personne,
soit
la communauté. Il existe au surplus certaines correspondances entre c
1517
ent leur confession, la plupart se contentent d’y
être
nés ; mais ils s’en accommodent plus facilement et d’une manière plus
1518
i passés, je me verrais plutôt entre deux pentes,
soit
sur le chemin de crête, tenté par deux vertiges, soit au fond de la v
1519
sur le chemin de crête, tenté par deux vertiges,
soit
au fond de la vallée, et tout effort pour m’élever d’un côté ou de l’
1520
rait la séparation. Reste une seule solution, qui
est
de longer la rivière jusqu’à sa source, là où les deux pentes se rejo
1521
e chemin qu’il invente en y marchant. « Ta parole
est
une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier », dit le psalmist
1522
e, en sorte que toi seul puisses y passer. Elle n’
est
pas ouverte à l’avance : tu l’ouvres en osant la franchir tel que tu
1523
nce : tu l’ouvres en osant la franchir tel que tu
es
en marche par la foi, et non tel qu’on l’entend — maîtres, coutume d’
1524
malgré eux : ceux qui ont un jour compris qu’ils
étaient
bien forcés d’inventer leur chemin sans aucune garantie, puisque le v
1525
m’avoir demandé d’ouvrir les débats, parce que je
suis
d’accord avec presque tout ce qu’a dit Jeanne Hersch hier soir. Il au
1526
politique, leçon dont un des éléments importants
était
la notion de limite devenue centrale au xxe siècle, dans tous les do
1527
dans notre histoire suisse. Le sens du pouvoir n’
est
pas le même, et la différence excède le simple cas de ces deux pays ;
1528
ar Jean Bodin au xvie siècle, pour qui le Prince
est
celui qui impose et casse les lois comme il le veut, commence et term
1529
et le pouvoir que nous avons en Suisse qui, lui,
est
un pouvoir réparti. C’est le pouvoir fédéraliste, qui est beaucoup mo
1530
ouvoir réparti. C’est le pouvoir fédéraliste, qui
est
beaucoup moins sensible parce qu’il s’exerce à tous les niveaux, d’en
1531
le. C’est une distinction fondamentale dont je me
suis
occupé, au fond, depuis très longtemps, depuis des décennies, et que
1532
on entre la puissance et la liberté. La puissance
est
une espèce de représentation collective, une volonté collective, souv
1533
lonté collective, souvent mythique, et la liberté
est
la poursuite de la liberté des personnes. J’oppose puissance et liber
1534
de la société, et je crois que cette distinction
est
, aujourd’hui, décisive. Elle domine absolument tout ce qui va se pass
1535
nition impossible, d’Aristote à Max Weber. Elle s’
est
repliée sur la notion de « mixte », et a été jusqu’à parler d’un « mi
1536
le s’est repliée sur la notion de « mixte », et a
été
jusqu’à parler d’un « mixte » qui compose le pouvoir et, en même temp
1537
inition. Mais, qu’y faire après tout ? Le pouvoir
est
là, défini ou non, il est là. Nous le trouvons en venant au monde ; e
1538
après tout ? Le pouvoir est là, défini ou non, il
est
là. Nous le trouvons en venant au monde ; et nous n’y pouvons rien. N
1539
santes. Il provient de l’idée que le pouvoir nous
est
extérieur, qu’il se présente à nous sous forme de contrainte, que nou
1540
ue nous subissons sans pouvoir l’exercer. Et nous
sommes
un peu ahuris par tous ces impératifs technologiques, ces nécessités
1541
cela mène : ceux qui croyaient prendre le pouvoir
sont
pris par lui. Le pouvoir abusif de l’État est fait de toutes nos démi
1542
ir sont pris par lui. Le pouvoir abusif de l’État
est
fait de toutes nos démissions civiques, et tend à les rendre définiti
1543
t, une fois pour toutes, de sa souveraineté. Ce n’
est
donc ni l’anarchie, ni la révolution à la mode des siècles derniers q
1544
er l’État et la police, c’est-à-dire que l’État s’
était
emparé de ceux qui voulaient s’en emparer. Là-dessus, il a pris le po
1545
ir de l’État devenu extérieur à nous-mêmes, qui n’
est
pas de supprimer toute espèce de pouvoir, mais de distribuer le pouvo
1546
it, dans un assez gros livre récent, que ce drame
est
celui de notre époque, j’ai trouvé, l’autre jour, et après coup, la f
1547
l’omniprésence du pouvoir, le fait que le pouvoir
est
, aussi, dans la liberté, et qu’on ne peut concevoir la liberté sans l
1548
ention du pouvoir. La formule que je vous propose
est
la suivante : « La puissance, c’est le pouvoir que l’on prend sur aut
1549
rquoi j’ai paru trop clair sur certains points. J’
étais
obligé de me résumer, de résumer des résumés faits depuis longtemps ;
1550
au sens de l’État, et la guerre. Cette liaison a
été
très bien mise en valeur par Bertrand de Jouvenel dans son livre Du P
1551
me lasse pas de citer cette phrase : « Le pouvoir
est
lié à la guerre, et si une société veut borner les ravages de la guer
1552
ins en moins compatibles dans les faits. Le temps
est
venu de choisir entre les deux, en connaissance de cause, bien sûr, m
1553
abord ou finalement, une minorité très restreinte
est
motivée par la volonté de puissance exercée sur autrui, ce sont les c
1554
ar la volonté de puissance exercée sur autrui, ce
sont
les chefs ; mais la plupart cèdent tout simplement au besoin de Sécur
1555
urs droits à l’État, au chef ou au Parti qui s’en
est
emparé. Quant à ceux qui optent pour la Liberté, ils pensent y être c
1556
à ceux qui optent pour la Liberté, ils pensent y
être
conduits par quelque individualisme égoïste, ou par le goût de l’aven
1557
te, ou par le goût de l’aventure, mais la plupart
sont
au contraire motivés par un besoin de responsabilité assumée dans la
1558
la communauté. Comment se sentir libre si l’on n’
est
responsable de rien ? Et comment serait-on responsable si l’on n’est
1559
re si l’on n’est responsable de rien ? Et comment
serait
-on responsable si l’on n’est pas libre de ses actes ? N’allons pas cr
1560
rien ? Et comment serait-on responsable si l’on n’
est
pas libre de ses actes ? N’allons pas croire pourtant qu’entre le bes
1561
ulsions contraires coexistent en nous, personne n’
est
jamais ni tout l’un ni tout l’autre. Et il n’existe pas non plus de l
1562
roprement politique au sens le plus large du mot,
est
le choix d’une finalité. Il désigne d’une part l’aménagement des rela
1563
r devoir de concourir. Ce qu’il faut voir, et qui
est
peut-être décisif, c’est que le parallélisme inversé entre les deux c
1564
ue le parallélisme inversé entre les deux choix n’
est
pas exact. Le choix de la liberté ménage plus de possibles. Si en eff
1565
ce. Choisir les centrales nucléaires — quelle que
soit
leur définition, eau légère ou surgénérateurs — implique, entraîne et
1566
dangereuses que nos pays, tout en jurant qu’elles
sont
inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin que possible de leur cap
1567
ions de déclencher et d’entretenir une guerre. Il
est
clair comme le jour que le choix des centrales nucléaires et des usin
1568
c’est-à-dire de la fin de l’histoire humaine. Il
est
non moins clair que personne n’a jamais osé dire, ni même laissé ente
1569
re, ni même laissé entendre, que le choix solaire
est
la condition même de la paix : car ce choix signifie du même coup la
1570
, la confiance dans le prochain. Notre problème n’
est
pas des moyens et des fins, car les fins seules dicteront leurs moyen
1571
qu’il faut voir, c’est que le but de la société n’
est
pas du tout d’assurer à quelques-uns la rentabilité de leur entrepris
1572
personne. Le problème des centrales nucléaires n’
est
pas technologique, même pas économique, et il est encore moins financ
1573
est pas technologique, même pas économique, et il
est
encore moins financier : car à ces trois niveaux, la cause est entend
1574
ins financier : car à ces trois niveaux, la cause
est
entendue, elle est perdue. Quand les centrales nucléaires ne présente
1575
à ces trois niveaux, la cause est entendue, elle
est
perdue. Quand les centrales nucléaires ne présenteraient aucun danger
1576
er, quand elles s’avéreraient rentables, quand il
serait
réellement « impératif » que la consommation d’énergie double tous le
1577
onsommation d’énergie double tous les dix ans, je
serais
contre, parce qu’elles sont les pièces principales d’un système qui c
1578
ous les dix ans, je serais contre, parce qu’elles
sont
les pièces principales d’un système qui conduit à renforcer l’emprise
1579
tions, c’est-à-dire les risques de guerre. Pluton
est
maître des Enfers, il est aveugle comme les taupes. Mais le Soleil vi
1580
sques de guerre. Pluton est maître des Enfers, il
est
aveugle comme les taupes. Mais le Soleil vient du ciel, vient de Zeus
1581
e des États-nations, estime Denis de Rougemont, n’
est
jamais plus grande que lorsqu’ils déclarent que cette puissance est a
1582
ande que lorsqu’ils déclarent que cette puissance
est
au service de l’intérêt public. Ils ont toujours fait la guerre, et i
1583
d’intervention et de nombreux services publics en
sont
en fait venus à asservir ceux qu’ils étaient censés servir. La charge
1584
lics en sont en fait venus à asservir ceux qu’ils
étaient
censés servir. La charge qu’ils leur font supporter est parfois finan
1585
nsés servir. La charge qu’ils leur font supporter
est
parfois financière quand il s’agit, par exemple, de faire subventionn
1586
n environnement. Pour Denis de Rougemont, le pire
est
encore à venir puisque les fonctionnaires des États-nations, responsa
1587
eau des structures de la société et de l’État. Ce
sont
les implications politiques de ce qu’il nomme « le Choix du siècle »
1588
« le Choix du siècle » que l’auteur de L’Avenir
est
notre affaire estime urgent de souligner aujourd’hui. » Suivi encore
1589
n : « Philosophe et essayiste, Denis de Rougemont
est
l’auteur de très nombreux ouvrages dont L’Amour et l’Occident , La
1590
iété occidentale . Il vient de terminer L’Avenir
est
notre affaire qui va sortir incessamment en librairie (Éditions Stoc
1591
en librairie (Éditions Stock). Denis de Rougemont
est
directeur de l’Institut universitaire d’études européennes, à Genève.
1592
iie siècle. Au nord, la Principauté de Neuchâtel
est
gouvernée au nom d’un prince français, Henry II d’Orléans-Longueville
1593
nt, succéderont dès 1707 les rois de Prusse : ils
seront
Princes de Neuchâtel jusqu’en 1848. Au sud, Genève, ville d’Empire, d
1594
agressions du duc de Savoie (dont la plus célèbre
est
l’Escalade de 1602). Les Bernois, déjà venus à son secours en 1535, o
1595
ement à Berne. (Une partie du canton, d’ailleurs,
est
de langue alémanique.) Mais elle entretient des relations privilégiée
1596
dont seule la moitié ouest parle français, elle s’
est
liée aux cantons catholiques des Ligues suisses, mais restera longtem
1597
nter-relations complexes, souvent paradoxales, ne
sont
d’ailleurs pas l’exception, mais plutôt la règle, parmi les petits Ét
1598
la Franche-Comté (sa charte de franchises, 1214,
était
copiée sur celle de Besançon), se tourne dès la Réforme vers les Bern
1599
e ces cinq pays, principautés et républiques : ce
sont
la Réforme (pour Genève, Neuchâtel et Vaud) et les liens de combourge
1600
la géographie (point de frontières naturelles à l’
est
), que l’histoire (intérêts divergents de nos cinq cantons au long des
1601
e 1848, un « esprit romand » va se constituer. Il
sera
l’expression de ce que les cinq cantons — et surtout les trois protes
1602
ore de Bèze à Genève, Guillaume Farel à Neuchâtel
sont
d’origine française. Seul Pierre Viret est autochtone, qui domine la
1603
hâtel sont d’origine française. Seul Pierre Viret
est
autochtone, qui domine la Réforme vaudoise. Leurs descendants donnero
1604
maine de Staël et Benjamin Constant. Jean-Jacques
est
sans nul doute le premier théoricien du fédéralisme, c’est-à-dire de
1605
uant à Madame de Staël et à Benjamin Constant, ce
sont
eux qui, par « la trouée de Coppet », vont faire entrer en France la
1606
es deux grands noms du siècle, en Suisse romande,
sont
Alexandre Vinet et Henri-Frédéric Amiel, c’est-à-dire le moraliste du
1607
nte de la pensée romande : Quand tous tes périls
seraient
dans ta liberté, toute la tranquillité dans la servitude, je préférer
1608
a vie, et la servitude c’est la mort. La tyrannie
est
le souverain désordre. Au xxe siècle, la Suisse romande va devenir
1609
l’éducation, fondé par Jean Piaget à Genève, peut
être
considéré comme la capitale mondiale de la psychologie génétique et d
1610
e-parle. Inutile d’insister : les deux clichés ne
sont
rien de plus que des clichés. Il y a chez le Vaudois une bonhomie un
1611
mie un peu cynique, une sorte de paresse qui peut
être
rusée mais que l’accent rend désarmante ; chez le Neuchâtelois que Ro
1612
ins, le Suisse romand d’empreinte réformée, qu’il
soit
horloger ou pasteur, militant socialiste dans les montagnes, vigneron
1613
t bien plutôt d’un comportement moral et civique,
fût
-il aussi sentimental que nos chants patriotiques, aussi concret qu’un
1614
Réalité récente — qui peut changer… Si je me
suis
étendu quelque peu sur la genèse historique de notre Romandie, c’étai
1615
t de nos compatriotes l’imaginent vaguement. Elle
est
relativement récente, et il ne serait pas raisonnable de penser qu’el
1616
aguement. Elle est relativement récente, et il ne
serait
pas raisonnable de penser qu’elle va se figer désormais dans son imag
1617
image du xixe siècle. Elle va changer, cela seul
est
certain. À la lumière de son histoire, essayons de conjecturer dans q
1618
a vu, à différencier nos cantons. Si ces conflits
sont
apaisés de nos jours, voilà qui n’est pas dû seulement au long travai
1619
s conflits sont apaisés de nos jours, voilà qui n’
est
pas dû seulement au long travail de l’œcuménisme dans les Églises, mo
1620
t dans l’attitude négative des Genevois lorsqu’il
fut
question, en 1814-1815, puis en 1861, de rattacher au canton les dist
1621
es et de les fermer plus qu’elles ne l’ont jamais
été
dans toute l’histoire européenne. Et que devient pendant ce temps « l
1622
, puis de sa contrepartie, l’AELE, dont la Suisse
est
le siège comme elle fut la marraine. Et nos cantons gardent leurs séc
1623
e, l’AELE, dont la Suisse est le siège comme elle
fut
la marraine. Et nos cantons gardent leurs séculaires valences (au sen
1624
uchâtel et de Besançon. Sans qu’à aucun moment ne
soit
remise en question l’irréversible et inconditionnelle fidélité conféd
1625
trouve caractériser une région différente, toutes
étant
cependant transfrontalières par nature et fonction. — De la France vo
1626
ciaux, d’éducation et d’environnement. — Le Léman
est
pollué par le Rhône qui y déverse du mercure (déchet d’industries pha
1627
e car chacun sait que les pollutions n’ont jamais
été
arrêtées par les douaniers, ni par la ligne de démarcation toute théo
1628
fin du ixe au milieu du xie siècle) avait déjà
été
englobé dans le royaume de Bourgogne transjurane : c’est sa plus anci
1629
ais osé l’imaginer ? Le secret de notre avenir ne
serait
-il pas enfoui au plus profond de notre histoire oubliée ? 31. Et m
1630
ak. Présenté par ce résumé : « La Suisse romande
est
l’expression moderne — elle ne date guère que de la seconde moitié du
1631
aire ?”. À ces deux questions, curieusement, il n’
est
qu’une réponse possible et c’est : “Toi-même !” » Voilà, en ces temps
1632
ant dont le titre résume bien l’esprit : L’Avenir
est
notre affaire. À tous les dangers qui nous menacent et que l’auteur d
1633
menacent et que l’auteur dénonce lucidement, on n’
est
certes pas obligé d’apporter les mêmes réponses, mais on doit conveni
1634
e ». Qu’entendez-vous par là ? J’entends que, à l’
Est
comme à l’Ouest, les idéaux de progrès matériel, de production indust
1635
les choses aller. Et le premier de ces désastres
serait
provoqué par la démographie galopante ? C’est le plus frappant en eff
1636
ie dans un monde fini. Nos ressources matérielles
sont
menacées d’épuisement. Il nous reste du pétrole pour trente ans. Que
1637
endront la relève. Mais l’uranium qui les nourrit
sera
aussi épuisé, pense-t-on, en trente ans. Qu’à cela ne tienne, disent
1638
nous ferons des centrales au plutonium. Or, elles
sont
un danger intolérable, nous disent des milliers de physiciens. Là, no
1639
i, la pollution majeure et définitive de la terre
serait
la guerre atomique que préparent, malgré eux, tous nos États-nations.
1640
ose qui s’en inspire, dans la mesure où la Suisse
est
née de la fédération de petites communautés, car la petite communauté
1641
communauté permet seule à la voix d’un citoyen d’
être
entendue, donc aux citoyens d’être libres, parce que responsables de
1642
d’un citoyen d’être entendue, donc aux citoyens d’
être
libres, parce que responsables de leur destin et des destins de la ci
1643
ans l’Hexagone. Mais les régions que je préconise
sont
autre chose que les seules ethnies : ce sont les communautés qu’il s’
1644
nise sont autre chose que les seules ethnies : ce
sont
les communautés qu’il s’agit de reconnaître, comme le disait Vidal de
1645
Vidal de la Blache, et non de délimiter. Mais il
est
évident que les frontières seraient débordées ? On dénombre actuellem
1646
délimiter. Mais il est évident que les frontières
seraient
débordées ? On dénombre actuellement une vingtaine de régions transfr
1647
u moins d’entre elles brochant sur trois pays. Il
est
fortement question de créer une assemblée de ces régions-là et d’une
1648
de ces régions-là et d’une trentaine d’autres qui
sont
en train de se faire reconnaître en Europe et, à mon sens, c’est là l
1649
l de la civilisation et de la société politique n’
est
pas la puissance des collectivités, mais la liberté des personnes. La
1650
Au tableau d’honneur de Parents : L’Avenir
est
notre affaire (octobre 1977)ao ap Que nous agissions ou non, que n
1651
ons ou non, que nous le voulions ou non, l’avenir
est
notre affaire. Nous en sommes seuls responsables. « Mieux vaut le sav
1652
lions ou non, l’avenir est notre affaire. Nous en
sommes
seuls responsables. « Mieux vaut le savoir et cesser de nous cacher d
1653
avents de nos inerties intellectuelles quand ce n’
est
pas de nos lâchetés morales. » C’est ainsi que Denis de Rougemont, éc
1654
on dernier livre qui vient de paraître. L’Avenir
est
notre affaire . Un titre qui est la profession de foi mais aussi l’av
1655
aître. L’Avenir est notre affaire . Un titre qui
est
la profession de foi mais aussi l’avertissement que lance sans ménage
1656
egard rêveur, évoque la solidité, le bon sens. Il
est
à l’image de cette maison, ancienne ferme retapée, imposante dans sa
1657
de la démocratie, modèle idéal d’une société qui
était
tournée vers l’homme. Nous avons perdu cette mesure : alors, tout au
1658
ak qu’on lui a promis dès les années 1950. » Ce n’
est
qu’un aspect ! Mais nous sommes libres aussi de réagir, « de retrouve
1659
années 1950. » Ce n’est qu’un aspect ! Mais nous
sommes
libres aussi de réagir, « de retrouver nos vrais désirs, nos vrais be
1660
défi à la jeunesse du monde. Denis de Rougemont n’
est
pas un prophète. Son livre ne raconte pas une fiction. Il constate. S
1661
de l’humaniste, mais ferveur de l’homme : « Tout
est
encore possible, dit-il, et même plus que jamais. Tout est possible m
1662
e possible, dit-il, et même plus que jamais. Tout
est
possible mais il faut choisir. » Ce n’est pas un homme à renoncer. So
1663
s. Tout est possible mais il faut choisir. » Ce n’
est
pas un homme à renoncer. Son acharnement à défendre l’Europe, et à tr
1664
à Genève le Centre européen de la culture dont il
est
toujours le directeur, et aujourd’hui encore il continue d’enseigner
1665
igner à l’Institut d’études européennes. L’Europe
fut
et reste sa passion parce qu’elle lui apparaît comme l’aboutissement
1666
ce personnalisme communautaire, fondamental, qui
fut
la recherche de sa vie. Recherche de la personne, de la vocation d’ho
1667
pplaudir l’homme providentiel. Denis de Rougemont
était
alors lecteur à l’Université de Francfort. Quatre ans plus tard, il p
1668
us tard, il partait pour les États-Unis. « Hitler
fut
la réponse au problème fondamental de notre temps », dit-il. Terrible
1669
l’Europe du xxe siècle, le sens de la communauté
est
en train de disparaître, mais le besoin « d’être ensemble » demeure v
1670
é est en train de disparaître, mais le besoin « d’
être
ensemble » demeure vital. […] Hitler a répondu à la question centrale
1671
r a répondu à la question centrale du siècle, qui
est
religieuse au sens élémentaire, en offrant une camaraderie, un coude
1672
s de la croissance démographique et industrielle)
est
à l’origine de ce déclic : J’ai vu sous forme de courbes ce qui allai
1673
e passer si on continuait comme maintenant. Je me
suis
dit : « il faut faire quelque chose ». Vastes villes trop peuplées
1674
ues, des urbanistes, des physiciens. Son livre en
est
le résultat. À la fois cri d’alarme et désespérance. L’espèce humaine
1675
is cri d’alarme et désespérance. L’espèce humaine
est
arrivée à une crise majeure. Si elle ne se ressaisit pas, si elle ren
1676
s responsables. Car si jusqu’à nos jours l’avenir
était
complètement inconnu, s’il dépendait des catastrophes, du temps, de l
1677
a voix se fait plus douce. Voyez-vous, les hommes
sont
envahis par un sentiment d’impuissance qu’il faut absolument combattr
1678
lles trop vastes, trop peuplées, inhumaines. Nous
sommes
loin des cités grecques ! C’est pour vous le modèle idéal ? Absolumen
1679
en Scandinavie. Et nous y venons en France. Ce n’
est
pas un hasard ! Un architecte grec contemporain, Doxiadis, qui était
1680
! Un architecte grec contemporain, Doxiadis, qui
était
l’animateur de tous les urbanistes avancés, est arrivé à la fin de sa
1681
était l’animateur de tous les urbanistes avancés,
est
arrivé à la fin de sa vie à la conclusion que la ville idéale ne doit
1682
es villes dépassaient 100 000 habitants, elles ne
seraient
plus gouvernées par les citoyens, que ces derniers ne pourraient plus
1683
nt plus se réunir sur l’agora, le forum, que c’en
serait
fini de la participation, de la communication et des relations humain
1684
tion et des relations humaines. Comment encore
être
un citoyen ! Nous, nous avons compté sur l’adaptation des hommes.
1685
es mutile moralement. Comment veut-on que l’homme
soit
encore un citoyen ! Et pourtant c’est de l’homme que Denis de Rougemo
1686
État, pas des gouvernements, dont l’arme favorite
est
devenue le mensonge. Accusation gratuite ? J’ai relevé douze mensonge
1687
pos du nucléaire. Mais, d’ores et déjà, une chose
est
sûre : on ne pourra bâtir des centrales qu’à l’abri d’un rideau de CR
1688
mmes d’État mentent trop à ceux du peuple Vous
êtes
un farouche ennemi de l’État-nation ? J’ai toujours été antinationali
1689
farouche ennemi de l’État-nation ? J’ai toujours
été
antinationaliste et antiétatiste. Tout prouve aujourd’hui que les Éta
1690
tiétatiste. Tout prouve aujourd’hui que les États
sont
les grands responsables de la crise de notre civilisation. Ce sont eu
1691
esponsables de la crise de notre civilisation. Ce
sont
eux seuls qui ont géré la terre. Eux seuls qui en avaient les moyens.
1692
que l’avenir devienne notre affaire, l’État doit
être
dessaisi des pleins pouvoirs. Ce n’est qu’en décidant de reprendre le
1693
État doit être dessaisi des pleins pouvoirs. Ce n’
est
qu’en décidant de reprendre leur destin en main à l’échelon local et
1694
les municipalités, les régions, car elles seules
sont
à la mesure des hommes, de leur volonté et de leur voix. Et de s’en p
1695
rle allemand des deux côtés du Rhin. Les exemples
sont
multiples. L’enseignement doit opérer une mutation complète et être b
1696
enseignement doit opérer une mutation complète et
être
basé sur des réalités régionales et non nationales. Car l’enfant s’in
1697
l’Europe puis à l’humanité. Les gouvernements
seront
bien obligés de s’incliner Mais Denis de Rougemont ne se contente
1698
mbattre. Pensez que quelque 3000 maîtres ont déjà
été
formés. Cela représente des dizaines de milliers d’élèves. Notre acti
1699
lités Si nous continuons ainsi, les gouvernements
seront
bien obligés de s’incliner, non ? … Denis de Rougemont a choisi sa ré
1700
ssantes. Mais, convaincu qu’« une vraie société n’
est
rien d’autre qu’une dimension de la personne », il prône la plus prof
1701
sonne », il prône la plus profonde révolution qui
soit
: celle que chacun doit accomplir en lui-même. ao. Rougemont Deni
1702
honneur de Parents : Denis de Rougemont, L’Avenir
est
notre affaire », Parents, Paris, octobre 1977, p. 46 et 48. ap. Pro
1703
usive de Parents vous montre pourquoi cette œuvre
est
révolutionnaire. »
1704
j’existe ? Tout de même… L’Amour et l’Occident
fut
un best-seller mondial traduit en dix-sept langues. Et le titre de vo
1705
s. Et le titre de votre dernier livre — L’Avenir
est
notre affaire — sert déjà de slogan à un nouveau courant de pensée33
1706
je me répète souvent : « Plaise aux dieux que je
sois
un faux prophète. » Le drame, aujourd’hui, c’est que la prophétie est
1707
. » Le drame, aujourd’hui, c’est que la prophétie
est
devenue un exercice assez rigoureux. Regardez les conclusions des exp
1708
d’autres —, on sait désormais que le pire, s’il n’
est
pas sûr, est en tout cas probable. Or, actuellement, il n’y a guère q
1709
n sait désormais que le pire, s’il n’est pas sûr,
est
en tout cas probable. Or, actuellement, il n’y a guère que les écolog
1710
pour vous, fascisme, stalinisme et libéralisme n’
étaient
alors que les variantes d’une même tendance productiviste… Absolument
1711
es années 1930, pouvait passer pour une intuition
est
devenu aujourd’hui une évidence. Et que répondez-vous à l’objection c
1712
le, finalement, cette critique de la croissance n’
est
qu’un luxe de nantis ? Après tout, le club des pays industrialisés es
1713
tis ? Après tout, le club des pays industrialisés
est
plutôt restreint et les deux tiers de l’humanité n’en font pas partie
1714
un sophisme. Car si les deux tiers de l’humanité
sont
encore dans un état de sous-développement industriel, c’est préciséme
1715
peut aussi limiter les dégâts. D’ailleurs, nous y
serons
contraints ; les experts américains, qui adorent les scénarios « absu
1716
surdes », ont calculé que, si notre démographie n’
était
pas maîtrisée, il suffirait de quelques siècles pour que chaque mètre
1717
cles pour que chaque mètre carré de notre planète
soit
occupé par une dizaine d’individus. On ne pourra même plus s’allonger
1718
s’allonger… L’autre grande critique que vous avez
été
l’un des premiers à formuler concerne l’État-nation. Avec sa volonté
1719
sa volonté de puissance et son égoïsme sacré, il
serait
le grand responsable de l’apocalypse qui se prépare… Qui pourrait en
1720
prépare… Qui pourrait en douter ? Les États, qui
sont
des entités absurdes, n’en finissent pas de se multiplier, de fortifi
1721
rs frontières et de s’y cramponner comme si elles
étaient
le bord incontestable de leur identité. Or qu’est-ce qu’une frontière
1722
ent le bord incontestable de leur identité. Or qu’
est
-ce qu’une frontière ? C’est, généralement, le résultat d’une guerre o
1723
onales car la seule idée d’« économie nationale »
est
une absurdité. Prenons l’exemple du lac Léman, puisque nous l’avons s
1724
ac Léman, puisque nous l’avons sous les yeux : il
est
en train de se polluer, et d’une manière dramatique. Or personne ne s
1725
pourrait faire le même constat pour le Rhin, qui
est
actuellement pollué par cinq pays. Vous voyez donc comment l’idée eur
1726
l’idée européenne, le régionalisme et l’écologie
sont
, pour moi, des thèmes très étroitement liés. En face, il n’y a que de
1727
n’y a que des illusions « stato-nationales ». Il
est
plaisant d’observer qu’aujourd’hui, en France, ce sont les deux grand
1728
plaisant d’observer qu’aujourd’hui, en France, ce
sont
les deux grandes traditions jacobines — les gaullistes et les communi
1729
uvent pour brandir des slogans, incapables qu’ils
sont
de voir plus loin que l’Hexagone. Vous dites également que la finalit
1730
en fit la philosophie, on sait que l’État-nation
est
génétiquement lié à la guerre : « C’est par la guerre au-dehors qu’il
1731
erre « aux rois de l’Europe » parce que la guerre
était
devenue pour eux le seul moyen de tenir leur monde, de contrôler la s
1732
idéal de parvenir à ses fins ; dès que la patrie
est
en danger, il n’y a plus ni catholiques, ni protestants, ni ouvriers,
1733
culture, de région, de classe ou de langue. Elle
est
le creuset où tous deviennent identiques. Par conséquent, on comprend
1734
Toutes les institutions stato-nationales — que ce
soit
le centralisme, les méthodes de répression, ou la destruction des cul
1735
ression, ou la destruction des cultures locales —
sont
nées de la guerre et, fatalement, y conduisent. Vous voici, soudainem
1736
qui cite plus souvent Luther que Bakounine… Je ne
suis
pas anarchiste dans la mesure où je sais qu’un minimum d’État est néc
1737
te dans la mesure où je sais qu’un minimum d’État
est
nécessaire à l’organisation de la société. En revanche, ce qui me sem
1738
ble. Comment expliquez-vous que l’idée européenne
soit
malgré tout cela si peu populaire ? Rien n’est moins sûr. Il y a quel
1739
e soit malgré tout cela si peu populaire ? Rien n’
est
moins sûr. Il y a quelques années, j’ai mêmeas écrit un livre intitul
1740
lé Vingt-huit siècles d’Europe dans lequel je m’
étais
amusé à collectionner tous les textes où s’exprimait une nostalgie de
1741
veuille ou non, c’est parce que l’idée européenne
est
tacitement acceptée que plus personne n’imagine qu’une guerre soit po
1742
cceptée que plus personne n’imagine qu’une guerre
soit
possible entre pays d’Europe. À la Libération, l’idée européenne — qu
1743
e. À la Libération, l’idée européenne — qui avait
été
un grand espoir de la Résistance — aurait dû s’imposer tout de suite
1744
ques ont empêché ce vaste mouvement d’aboutir. Ce
fut
un rendez-vous manqué dont nous payons encore le prix. J’ai l’impress
1745
lentendu : dans votre jeunesse, disiez-vous, vous
étiez
résolument anticapitaliste. Or l’Europe qui se fait aujourd’hui est u
1746
icapitaliste. Or l’Europe qui se fait aujourd’hui
est
une Europe taillée à la convenance des multinationales. Si cette Euro
1747
ultinationales. Si cette Europe-là se réalise, ce
sera
pour le plus grand profit d’un mode de production et de civilisation
1748
l’économie commande tout. Jean Monnet, quels que
soient
ses mérites, ne raisonnait pas autrement. En gros, cela voulait dire
1749
e Gaulle a bloqué la construction de l’Europe, ce
fut
pour des raisons strictement politiques ou culturelles. On a alors pu
1750
relles. On a alors pu constater combien celles-ci
étaient
efficaces et mobilisatrices. Si, aujourd’hui, les princes qui nous go
1751
betterave ? L’enthousiasme pour l’idée européenne
est
plutôt rare de nos jours. Même pour les « grands intellectuels », ce
1752
urs. Même pour les « grands intellectuels », ce n’
est
pas un thème très mobilisateur… À vrai dire, on a l’impression que le
1753
on a l’impression que leurs idées sur le sujet ne
sont
pas très précises. Prenez l’exemple de Sartre : en 1949, à l’époque o
1754
que si l’Europe politique devenait une réalité. J’
étais
ravi. Or, peu de temps après, Sartre devient, comme l’on sait, le com
1755
parlement européen qui affirment que l’Europe ne
sera
jamais qu’une modalité de l’impérialisme germano-américain, ce qui, à
1756
incapable. L’« impérialisme germano-américain » n’
est
tout de même pas une abstraction. Pourquoi parler d’une « méconnaissa
1757
ôt qu’on entreprend de le dénoncer ? Certes, ce n’
est
pas une abstraction, mais il est désolant que de grands esprits ne lu
1758
r ? Certes, ce n’est pas une abstraction, mais il
est
désolant que de grands esprits ne lui opposent qu’une sorte de poujad
1759
f. Depuis 1945, on sait que le « péril allemand »
sera
d’autant moins probable que l’on s’engagera plus franchement dans le
1760
omme ça, en se crispant sur son État-nation, ce n’
est
pas une façon de le conjurer, au contraire… C’est en refusant l’Europ
1761
tastrophe écologique. Manifestement, la prophétie
est
un genre qui ne vous déplaît pas… … Surtout quand je m’aperçois, quar
1762
se trouvaient alors les démocraties occidentales
était
pour nous comme l’aveu, la preuve de l’essoufflement du libéralisme.
1763
la preuve de l’essoufflement du libéralisme. Nous
étions
donc anticapitalistes, anticommunistes et antifascistes parce que nou
1764
n dans laquelle l’idée même de suffrage universel
est
tournée en dérision. À l’époque, cela cadrait tout à fait avec la pro
1765
sur le drame d’une jeunesse européenne qui avait
été
abusée par les grandes doctrines du moment. Cette jeunesse avait faim
1766
es conditions, l’antifascisme et l’anticommunisme
étaient
, pour nous, des urgences. Mais attention : notre critique du communis
1767
rnait le mal absolu ; pour lesquels le marxisme n’
était
qu’une variante du productivisme dont nous, Occidentaux, pouvions déj
1768
, il ne faut pas oublier qu’Otto Abetz lui-même n’
était
qu’à demi nazi. Une moitié suffit… Je vous l’accorde. Toujours est-il
1769
i. Une moitié suffit… Je vous l’accorde. Toujours
est
-il que, dès 1932, il avait témoigné un certain intérêt à notre petit
1770
sion d’un congrès de la jeunesse européenne qui s’
était
tenu à Francfort, et auquel participèrent des gens aussi différents q
1771
esse d’Uriage), mais, pour l’essentiel, nous nous
sommes
tous retrouvés dans le combat antinazi. Par le biais de la presse cla
1772
midables. Relisez les éditoriaux de Combat , ils
étaient
visiblement inspirés par les idées personnalistes. En Hollande, à la
1773
ngager plus directement dans l’action politique ?
Étant
suisse, je ne pouvais pas prétendre à une carrière politique en Franc
1774
prépare. D’après vous, l’« apocalypse » pourrait
être
différée ? Plus exactement, je crois que l’histoire se réserve toujou
1775
entales de l’automobile, ce qui, finalement, peut
être
un bienfait pour notre mode de développement.bc bd Ainsi, si l’on co
1776
une politique de la personne et de l’individu qui
sont
les seuls pôles de résistance à la terreur d’Étatbf. Même si le but e
1777
résistance à la terreur d’Étatbf. Même si le but
est
commun, chacun doit inventer son chemin, car, si l’on prend les route
1778
couple à travers l’histoire de l’Occident. Or qu’
est
-ce qu’un couple ? C’est l’assemblage d’un certain nombre de différenc
1779
niformisation et la fusion. L’homme et la femme y
sont
libres, ensemble, parce quebh irréductibles l’un à l’autre. L’union,
1780
ce que l’on appelle la passion et qui, en fait, n’
est
qu’une sorte d’utopie unificatrice. Tristan en est l’archétype. Manif
1781
st qu’une sorte d’utopie unificatrice. Tristan en
est
l’archétype. Manifestement — et je l’ai prouvé —, Tristan n’aime pas
1782
ntir coupable. « C’est le philtre, dit-il, je n’y
suis
pour rien… » C’est exactement ainsi que procèdent les États-nations.
1783
tats-nations. Comme Tristan, ils disent « seul je
suis
, moi,bj le monde » et, face à cette certitude, il n’est pas de réalit
1784
oi,bj le monde » et, face à cette certitude, il n’
est
pas de réalité qui vaille… Tout doit leur être subordonné et s’anéant
1785
l n’est pas de réalité qui vaille… Tout doit leur
être
subordonné et s’anéantir au nom du Pouvoir, cet analogue de la passio
1786
entent même pas coupables puisqu’ils proclament n’
être
que des instruments de la raison d’Étatbk, cet analogue du philtre, d
1787
, de la drogue. Comme Tristan, l’État-nation veut
être
seul au monde. Il ne reconnaît rien au-dessus de lui et cela a commen
1788
ommencé, chez nousbl, avec Philippe le Bel, qui s’
est
laissé persuader par ses légistes que « le roi de France est empereur
1789
persuader par ses légistes que « le roi de France
est
empereur en son royaume ». C’est pour cela que, lorsque de Gaulle est
1790
royaume ». C’est pour cela que, lorsque de Gaulle
est
mort, vous avez écrit un article intitulé « La mort de Tristan » ? La
1791
Tristan » ? La comparaison s’imposait… De Gaulle
était
une sorte de Tristan dont l’Iseut aurait été la France. Il le dit d’a
1792
le était une sorte de Tristan dont l’Iseut aurait
été
la France. Il le dit d’ailleurs dès les premières lignes de ses Mémoi
1793
s de ses Mémoires : « De tout temps, la France ne
fut
pour moi qu’une princesse de légende vouée à des malheurs exemplaires
1794
dans toutes les versions du mythe de Tristan), n’
était
-ce pas ainsi qu’il désignait les hommes de parti qui risquaient de s’
1795
endrait à dire que l’impérialisme, par exemple, n’
est
jamais que l’histoire d’une grande passion… Disons plutôt que la pass
1796
ne grande passion… Disons plutôt que la passion n’
est
jamais qu’une forme de l’impérialisme. Au fond, depuis L’Amour et l’
1797
les affaires humaines, je pense qu’il vaut mieux
être
du côté du roi Marcbn, qui symbolise la légalité, que du côté de Tris
1798
côté de Tristan. Le drame, c’est que le roi Marc
est
plutôt ennuyeux… Ennuyeux comme la prudence, comme trop de mariages,
1799
uvent : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde
est
pour demain, je planterais quand même un pommier. » 33. Voir l’édit
1800
ir raison… Il fallut son dernier livre, L’Avenir
est
notre affaire , paru le mois dernier chez Stock, pour qu’on redécouvr
1801
rnier chez Stock, pour qu’on redécouvre celui qui
fut
, à la veille de la guerre, le maître à penser de toute une génération
1802
entier à près de douze millions d’exemplaires, ne
fut
pas une circonstance atténuante pour ce “penseur” à contre-courant qu
1803
tre-courant qui, aujourd’hui, à soixante-dix ans,
est
tout étonné de reconnaître sa propre voix dans le chœur indigné de to
1804
rge de ce paragraphe. bf. « et de l’individu qui
sont
» souligné et marqué d’un point d’interrogation. bg. Remplacé par «
1805
. Point d’interrogation en marge. bj. La virgule
est
rajoutée sur l’exemplaire. bk. En marge : « Non ! pas la raison, mai
1806
a citation. La citation exacte tirée des Mémoires
est
: « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le
1807
te tirée des Mémoires est : « Toute ma vie, je me
suis
fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi
1808
rares survivants ne raconteront pas…, etc. » Quel
est
ce cataclysme que vous annoncez ? D’abord je vous ferai remarquer que
1809
D’abord je vous ferai remarquer que cette phrase
est
au conditionnel : « Si nous ne choisissons pas librement notre avenir
1810
ucoup de gens qui adorent jouer les Cassandre. Ce
sont
d’ailleurs généralement les mêmes — vous le noterez — qui annoncent l
1811
rovoquent ! En revanche, les écologistes, dont je
suis
, pensent qu’on peut au contraire tout sauver à condition de changer d
1812
sse les choses aller, c’est perdu ! Si une comète
est
en train de tomber et que plus rien n’est susceptible de la retenir o
1813
comète est en train de tomber et que plus rien n’
est
susceptible de la retenir ou de la détourner dans sa chute, on sait e
1814
quel moment elle touchera le sol… En somme, vous
êtes
un prophète qui espère se tromper. Exactement. C’était la formule des
1815
tinam vates falsus sim », « Plaise au ciel que je
sois
un faux prophète ! » : c’est-à-dire, que les mécanismes désastreux qu
1816
: c’est-à-dire, que les mécanismes désastreux qui
sont
en train de se monter puissent être arrêtés à temps ! J’écris pour qu
1817
ésastreux qui sont en train de se monter puissent
être
arrêtés à temps ! J’écris pour que les choses changent, pas pour qu’e
1818
ent. Eh bien, cette mise au point faite — et elle
était
en effet indispensable — voyons comment vous décrivez ces « mécanisme
1819
« mécanismes désastreux » qui nous menacent. Ce n’
est
pas vous que j’étonnerai en disant qu’il y en a beaucoup et qu’on en
1820
magique : croissance. Or cette idée de croissance
est
une idée fausse ; c’est une espèce de mauvaise métaphore faite à part
1821
ourtant rien à voir. Car la croissance biologique
est
une croissance autorégulée ; c’est même ce qui la définit : les plant
1822
s corps ont leurs chromosomes, leurs cellules qui
sont
programmés, comme on dit, pour pousser, croître, se développer, s’épa
1823
ça la croissance : un cycle où la vie et la mort
sont
associées. C’est tout à fait abusivement qu’on a transporté ce terme
1824
t il faudrait que l’économie s’arrête de croître.
Est
-ce 10 %, 7 %, 3 % par an ? Personne ne le sait. Or la terre n’est pas
1825
, 3 % par an ? Personne ne le sait. Or la terre n’
est
pas infinie, les ressources terrestres, vous le savez, sont limitées.
1826
nfinie, les ressources terrestres, vous le savez,
sont
limitées. Mais, justement, qui peut décider de cela ? Nous, sinon qui
1827
ent à personne mais à Dieu. » Ou « De quoi demain
sera-t
-il fait ? » Vous, vous écrivez : « La décadence d’une société commenc
1828
e société commence quand l’homme se demande : “Qu’
est
-ce qui va arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis-je faire ?” »
1829
cette phrase ! Mais on l’a si souvent citée comme
étant
de moi que je l’adopte volontiers ! Alors, pour revenir à nos propos
1830
ors, pour revenir à nos propos sur l’avenir, ce n’
est
quand même pas Dieu qui remplit sans nous consulter les réservoirs de
1831
r de l’an 2000, il n’y en aura presque plus ou il
sera
devenu si rare et horriblement cher qu’il ne sera plus question de ro
1832
sera devenu si rare et horriblement cher qu’il ne
sera
plus question de rouler en auto avec un carburant dont chaque gramme
1833
que gramme vaudra son pesant de platine… Alors qu’
est
-ce qu’on va faire ? Eh bien, personne ne se le demande aujourd’hui, l
1834
rd’hui, la recherche sur un véhicule sans pétrole
est
dans les limbes. Et les constructeurs d’automobiles, soutenus par les
1835
e voitures et de plus en plus d’autoroutes. Il n’
est
pas besoin d’être prophète pour comprendre que d’ici à cinq ou dix an
1836
plus en plus d’autoroutes. Il n’est pas besoin d’
être
prophète pour comprendre que d’ici à cinq ou dix ans, la question va
1837
on, nous aurons l’air de quoi ? Regardez ce qui s’
est
passé il y a deux mois à New York quand le courant est venu à manquer
1838
assé il y a deux mois à New York quand le courant
est
venu à manquer et imaginez le même incident avec le pétrole ! Puis-je
1839
écit des civilisations, fin de l’Histoire. » Ce n’
est
tout de même pas à la panne d’essence que vous songez en écrivant cel
1840
du cataclysme, le plus éclatant naturellement. Je
suis
absolument persuadé, et personne n’a jamais pu me faire d’objection s
1841
oses finiront mal. Un enfant le comprendrait ! Il
est
impossible d’imaginer sans rire que les 175 États-nations, qui aujour
1842
! Qui fera les différences ? Or, le plus aberrant
est
que les gens ne se posent même pas de questions aussi simples que cel
1843
as de questions aussi simples que cela. La guerre
est
donc pour vous une hypothèse plausible ? Elle est absolument fatale s
1844
est donc pour vous une hypothèse plausible ? Elle
est
absolument fatale si on continue comme ça. Un exemple typique est cel
1845
atale si on continue comme ça. Un exemple typique
est
celui des centrales nucléaires. Les États qui ont augmenté leur PNB s
1846
uis, après moi, le déluge… » Je vous l’ai dit, ce
sont
ceux qui annoncent les catastrophes qui les fabriquent. Il est éviden
1847
annoncent les catastrophes qui les fabriquent. Il
est
évident que les pays qui achètent des centrales de retraitement de pl
1848
ter, ne s’amusent pas à faire de tels achats, qui
sont
extrêmement coûteux, pour rien. C’est parce qu’ainsi ils produisent d
1849
produisent du plutonium, et avec le plutonium, qu’
est
-ce qu’on fait ? Des bombes et rien d’autre. Donc, si on vend des cent
1850
e retraitement du plutonium à certains pays, ce n’
est
pas pour autre chose d’imaginable que pour les mettre en possibilité
1851
lus ou moins intimement beaucoup de ces gens, qui
sont
des gens honnêtes et détestent mentir dans la vie courante ; mais une
1852
entir dans la vie courante ; mais une fois qu’ils
sont
mis en position de se déclarer là-dessus, alors ils se mettent à ment
1853
estins, je dirai, des mensonges énormes. Comme ce
sont
souvent des gens très importants et très intelligents, ils ne peuvent
1854
onges par exemple. Eh bien, posez la question : «
Est
-ce qu’il y a une solution au problème des déchets ? » Pas un savant s
1855
. Mais vous entendez dire tous les jours : « Ça n’
est
plus un problème, ça a été réglé. » Les gens qui profèrent ces menson
1856
ous les jours : « Ça n’est plus un problème, ça a
été
réglé. » Les gens qui profèrent ces mensonges savent très bien que —
1857
n proverbe — le mensonge a les jambes courtes, il
est
vite rattrapé. Mais ça ne fait rien, ils continuent à mentir. C’est j
1858
issent tous entre eux se comportent comme s’ils s’
étaient
mis d’accord pour présenter une certaine version des choses et oppose
1859
pousse trop. La question que vous soulevez ainsi
est
doublement grave, car tous les gens dont vous parlez sont — à des deg
1860
blement grave, car tous les gens dont vous parlez
sont
— à des degrés et à des titres divers — des scientifiques, et l’attit
1861
ientifiques, et l’attitude que vous décrivez ne l’
est
guère. Comment expliquez-vous cela ? Je ne voudrais pas être trop pol
1862
Comment expliquez-vous cela ? Je ne voudrais pas
être
trop polémique, mais ce que je vais vous dire est couvert par de très
1863
tre trop polémique, mais ce que je vais vous dire
est
couvert par de très hautes autorités scientifiques. Je vais prendre e
1864
ux plus continuer à me prêter à cette comédie, je
suis
le seul membre indépendant de la commission ! Mes dix-neuf collègues
1865
bricants de pièces de centrales nucléaires, ce ne
sont
pas des experts, ce sont des vendeurs. » Ils étaient tous docteurs en
1866
trales nucléaires, ce ne sont pas des experts, ce
sont
des vendeurs. » Ils étaient tous docteurs en quelque chose… Je ne sus
1867
sont pas des experts, ce sont des vendeurs. » Ils
étaient
tous docteurs en quelque chose… Je ne suspecte pas particulièrement l
1868
uspecte pas particulièrement la Suisse, mais ce n’
est
là qu’un exemple pris dans un seul pays. Détrompez-vous, le problème
1869
dans un seul pays. Détrompez-vous, le problème a
été
très sérieusement discuté aux États-Unis, vu la gravité de la chose.
1870
Un prix Nobel de physiologie, George Wald, a même
été
amené à formuler la question de la façon suivante : « D’un côté, a-t-
1871
s qui affirment que tous les risques du nucléaire
sont
maîtrisés ; de l’autre, il y en a tout autant, sinon plus, qui affirm
1872
ment le contraire. Qui croire ? » Et sa réponse a
été
: « C’est très simple, il faut croire ceux qui n’ont rien à gagner de
1873
nucléaire aux États-Unis ! Inutile de dire que ce
sont
ces « experts »-là que les gouvernements consultent… Tout cela nous r
1874
inq ans, parce que la population de tout le globe
était
en expansion, est devenu dérisoire aujourd’hui où, vous le savez, si
1875
a population de tout le globe était en expansion,
est
devenu dérisoire aujourd’hui où, vous le savez, si le tiers-monde con
1876
ner et même, parfois, décroître. Alors je dis : «
Est
-ce que vous comptez envoyer votre électricité nucléaire en Amazonie o
1877
excédent d’énergie qu’on peut attendre de l’atome
est
insignifiant par rapport à notre fameuse croissance. Peut-être que la
1878
le problème. Il n’y a aucun impératif à cela. Ce
sont
encore des « experts » qui ont inventé cet « impératif » ! Ils nous d
1879
re mal. D’ailleurs, écoutez. Faites un calcul qui
est
tout bête : selon les experts, la consommation d’électricité double t
1880
r par 16 384 la production. Rien que de l’énoncer
est
idiot. Alors revenons à la question : quel but poursuivent tous ces g
1881
La puissance. La puissance de qui ? La leur ? Ce
serait
dérisoire. Non, pas la leur. Ce serait en effet dérisoire, mais plus
1882
leur ? Ce serait dérisoire. Non, pas la leur. Ce
serait
en effet dérisoire, mais plus facile. Ce qu’ils poursuivent, chacun d
1883
he extrêmement puissant et nocif. Car qui ou quoi
est
l’État-nation ? À voir les choses de près, c’est une chose sinistre,
1884
s fonctionnaires ne font qu’incarner ce mythe qui
est
autrement plus puissant qu’eux. C’est un mythe dévorant. Prenez, par
1885
orant. Prenez, par exemple, l’idée de l’unité qui
est
déjà chez les rois de France mais se développe surtout pendant la Rév
1886
ce qu’en approchant des frontières, les carrés ne
seraient
plus bien réguliers… C’était une idée de fou, mais on en a débattu pa
1887
a débattu passionnément. Et si vous croyez que ce
sont
là des divagations, rappelez-vous ce qui s’est passé, chez les esprit
1888
e sont là des divagations, rappelez-vous ce qui s’
est
passé, chez les esprits les plus intelligents, au moment de la guerre
1889
ce « de Dunkerque à Tamanrasset ! » Mais pourquoi
est
-ce à notre siècle en particulier que vous faites dans votre livre ce
1890
-nations, que vous critiquez depuis longtemps, ne
sont
pas nés hier ? Parce qu’il y a eu, de nos jours, une espèce d’accélér
1891
ur cela, changer de fins. La fin de l’État-nation
étant
sa propre puissance, c’est en mettant fin à ce mythe de la puissance
1892
er évidemment ce grand modèle de la démocratie qu’
étaient
les cités grecques qui se maintenaient volontairement petites. Le plu
1893
rannie. Son gouvernement, alors, ne pourrait plus
être
l’affaire des citoyens réunis, dialoguant, discutant de leurs affaire
1894
« déportation »… Mais ne souriez pas : la sagesse
était
que cela se faisait volontairement parce que tous en décidaient. Et j
1895
l’exemple de Milet, a retrouvé cette sagesse. Ils
étaient
100 à 150 pour cultiver un très grand lopin de terre qu’ils avaient a
1896
ls avaient acheté en Haute-Provence. Et quand ils
sont
devenus un peu trop nombreux pour la survie harmonieuse du groupe, il
1897
pour faire des tissus. Le début de la puissance…
Est
-ce que ces communautés sont vos modèles ? Non, mais elles montrent, e
1898
début de la puissance… Est-ce que ces communautés
sont
vos modèles ? Non, mais elles montrent, expérimentalement, une possib
1899
cratie ? Oui, je pense en effet que la démocratie
est
une question de dimension matérielle. Aristote voulait que la taille
1900
ielle. Aristote voulait que la taille d’une ville
soit
calculée de telle manière que le rayon de la ville soit à la portée d
1901
alculée de telle manière que le rayon de la ville
soit
à la portée de voix d’un homme criant sur l’agora. C’était très sage
1902
ûr, il s’agit — là encore — d’un modèle mais il n’
est
pas si naïf. Dans mon pays, la Suisse, qui est composée de nombreux p
1903
n’est pas si naïf. Dans mon pays, la Suisse, qui
est
composée de nombreux petits cantons, nous avons eu longtemps ce que n
1904
n et dire : « À moi la parole. » Et la démocratie
est
dialogue. Peut-être est-ce parce qu’il ressent ce manque que M. Gisca
1905
arole. » Et la démocratie est dialogue. Peut-être
est
-ce parce qu’il ressent ce manque que M. Giscard d’Estaing va dîner ch
1906
évision avec des lycéens. Probablement, mais ce n’
est
encore qu’une intention, et il ne peut y avoir de vraie démocratie da
1907
avoir de vraie démocratie dans des dimensions qui
sont
incompatibles avec le dialogue ou, du moins, la concertation. Donc il
1908
bêtises. Regardez la Confédération helvétique qui
est
pour moi un modèle assez proche de la cité grecque. Elle s’est formée
1909
un modèle assez proche de la cité grecque. Elle s’
est
formée sur la base de communes forestièresbr, d’une coopérative, si v
1910
sbr, d’une coopérative, si vous voulez, et elle s’
est
peu à peu agrandie sous la forme d’une composition de petites unités
1911
le de résoudre nombre de problèmes qui ne peuvent
être
résolus au niveau, trop étroit, des cantons. C’est vrai dans la mesur
1912
dans la mesure seulement où les gens renoncent à
être
responsables et rêvent de se décharger de leurs responsabilités sur l
1913
t un vice, une maladie, de la Confédération, ce n’
est
pas son fonctionnement normal. Pour donner de l’actualité à ces propo
1914
é à ces propos un peu théoriques, disons que vous
êtes
partisan des régions. Oui, des régions organisées dans un ensemble pl
1915
ns européennes actuelles me paraît terminé ; ce n’
est
pas une idée que j’ai aujourd’hui. Je l’ai découverte et nous l’avons
1916
’Hitler et de Staline, le mouvement personnaliste
est
né. En 1934, nous avions inventé une formule qui est devenue banale p
1917
né. En 1934, nous avions inventé une formule qui
est
devenue banale par la suite : pour qualifier déjà l’État-nation, nous
1918
qualifier déjà l’État-nation, nous disions qu’il
est
trop grand et trop petit à la fois. La région — et en particulier la
1919
et en particulier la région transfrontalière qui
est
le cas le plus fréquent en Europe — me paraît être le cadre le mieux
1920
est le cas le plus fréquent en Europe — me paraît
être
le cadre le mieux adapté aux problèmes que nous avons à résoudre d’ur
1921
pollution des eaux. Le Léman, le Rhin, la Manche
sont
menacés de mort. Et Britanniques, Allemands, Suisses et Français se r
1922
renvoient la balle et créent des commissions qui
sont
, bien entendu, impuissantes parce qu’au-delà il y a quatre souveraine
1923
ils crèvent. Le malheur, cher Denis de Rougemont,
est
qu’il y a maintenant près d’un demi-siècle que vous écrivez… Et je di
1924
crois. Et aussi parce que pendant longtemps j’ai
été
moins écouté que des gens qui ont fait des palinodies éclatantes, ce
1925
ur donne pas une grande crédibilité puisqu’ils se
sont
trompés si longtemps. Ne peut-on en tirer aussi la conclusion que les
1926
le réel ? Au contraire, je pense que leur pouvoir
est
plus grand que jamais. J’en reviens toujours à ma première phrase : «
1927
rôle des intellectuels de les y aider. Mais ce n’
est
pas facile, car les hommes non plus n’aiment pas changer. Ils compren
1928
maintenant un certain nombre de catastrophes qui
seront
assez mineures au début, comme la crise du pétrole en 1973, qui est l
1929
au début, comme la crise du pétrole en 1973, qui
est
le type de ce que j’appelle une catastrophe enseignante ; parce que ç
1930
urs reprises, mais quand les gens le sauront, ils
seront
obligés de réfléchir et peut-être que ça les fera changer de directio
1931
isque tout ne tient qu’à nous. Finalement, vous n’
êtes
pas très optimiste sur la nature humaine. Je dirai que, quoique Suiss
1932
ture humaine. Je dirai que, quoique Suisse, je ne
suis
pas du tout rousseauiste : je ne pense pas, comme Jean-Jacques, que l
1933
je ne pense pas, comme Jean-Jacques, que l’homme
est
né bon et que la société le corrompt : je pense que l’homme est né mé
1934
que la société le corrompt : je pense que l’homme
est
né méchant et faible et tâche d’utiliser des impératifs imaginaires d
1935
uer à agir à l’abri de tout ça en disant : « Ce n’
est
pas moi qui le veux, ce sont les impératifs. » Exactement comme Adam,
1936
ça en disant : « Ce n’est pas moi qui le veux, ce
sont
les impératifs. » Exactement comme Adam, quand Dieu est venu le cherc
1937
s impératifs. » Exactement comme Adam, quand Dieu
est
venu le chercher au Paradis et qu’il est allé se cacher derrière les
1938
and Dieu est venu le chercher au Paradis et qu’il
est
allé se cacher derrière les buissons. C’est tout juste s’il n’a pas d
1939
sons. C’est tout juste s’il n’a pas dit : « Je ne
suis
pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’est-ce que tu as fait ?
1940
suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’
est
-ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève » ; a
1941
« Qu’est-ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’
est
pas moi, c’est Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève : « Qu’est-ce que t
1942
, c’est Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève : « Qu’
est
-ce que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’est pas moi, c’est le ser
1943
u’est-ce que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’
est
pas moi, c’est le serpent. » Et le serpent, bien sûr, n’était plus là
1944
i, c’est le serpent. » Et le serpent, bien sûr, n’
était
plus là. Mais moi je crois à la liberté et à la responsabilité de l’h
1945
ponsabilité de l’homme. Et j’espère que le danger
sera
un bon maître d’école. bo. Rougemont Denis de, « [Entretien] Pierr
1946
en introduit par le chapeau suivant : « L’Avenir
est
notre affaire . Tel est le titre du livre que vient de publier Denis
1947
eau suivant : « L’Avenir est notre affaire . Tel
est
le titre du livre que vient de publier Denis de Rougemont. L’auteur d
1948
é l’original, même s’il semble que cette question
soit
de l’intervieweur. br. Le pluriel est une correction de la main de R
1949
question soit de l’intervieweur. br. Le pluriel
est
une correction de la main de Rougemont, en marge de l’exemplaire.
1950
L’Avenir
est
votre affaire (11 octobre 1977)bs bt J’ai rencontré Denis de Rouge
1951
e ce que nous allons choisir. Nous n’avons jamais
été
dans une situation aussi critique et c’est la première fois que l’hum
1952
critique et c’est la première fois que l’humanité
est
confrontée à un tel problème, car elle n’avait pas, auparavant, les m
1953
er. Je parle d’un délai de dix ans, car après, il
sera
vraisemblablement trop tard. Et encore faut-il qu’une guerre atomique
1954
pas… Beaucoup de gens disent qu’une telle guerre
est
impossible, qu’on n’utilisera pas les bombes atomiques… Je répondrai
1955
je le montre dans mon livre, les États-nations ne
sont
plus adaptés aux grands enjeux de notre temps. Ils sont ou trop petit
1956
lus adaptés aux grands enjeux de notre temps. Ils
sont
ou trop petits ou trop grands, ils n’ont plus rien à faire dans ce si
1957
dans ce siècle. Je n’accuse pas les gouvernants d’
être
méchants, mais totalement inadaptés aux tâches de notre temps. Prenez
1958
n ne l’écoute pas, elle ne compte plus. Mais elle
est
trop grande, en tant qu’État, à l’échelle régionale. La sauvegarde du
1959
région franco-genevoise… La conscience régionale
est
-elle en train de s’éveiller selon vous ? Certainement et je prendrai
1960
ce commune aux centrales nucléaires, quand ils se
sont
aperçus qu’on allait en construire seize dans un rayon de quarante ki
1961
eize dans un rayon de quarante kilomètres, ce qui
est
tout simplement dément ! Notez que si vous discutez, dans le privé, a
1962
tel conseiller fédéral, il vous dira que, s’il n’
était
pas au pouvoir, il serait avec les manifestants de Kaiseraugst ou d’a
1963
il vous dira que, s’il n’était pas au pouvoir, il
serait
avec les manifestants de Kaiseraugst ou d’ailleurs… Mais alors, s’il
1964
ts de Kaiseraugst ou d’ailleurs… Mais alors, s’il
est
vraiment sincère en disant cela, pourquoi ne démissionne-t-il pas en
1965
le pouvoir politique n’existe plus, le pouvoir n’
est
pas à prendre, comme le croient les révolutionnaires, le pouvoir est
1966
comme le croient les révolutionnaires, le pouvoir
est
à créer. On ne peut plus compter sur les gouvernements, mais sur les
1967
s que Denis de Rougemont développe dans son livre
est
précisément que l’homme contemporain, piégé par la technique et ceux
1968
, piégé par la technique et ceux qui en vivent, s’
est
trompé sur ses vrais besoins. « Il n’y a d’impératifs que de la natur
1969
os fatalités ». La vraie politique de l’énergie n’
est
pas celle qui se calculera en fonction du produit national brut — cet
1970
ppant de la manipulation des besoins humains nous
est
fourni par le développement de l’automobile. Denis de Rougemont rappe
1971
écrivit en 1928 déjà et dont le titre à lui seul
est
éloquent : « Le péril Ford ». Ce texte, publié dans une revue protest
1972
u procédé, on devrait toujours se demander : « Qu’
est
-ce qui arriverait si ça réussissait ? » Et plus prosaïquement encore
1973
aïquement encore : « À quoi ça sert ? » Si l’on s’
était
interrogé à propos de la voiture, on aurait évité, par exemple, de vo
1974
aujourd’hui que 18 % du territoire de la Hollande
est
bétonné, ce qui est une catastrophe du point de vue écologique. Quand
1975
du territoire de la Hollande est bétonné, ce qui
est
une catastrophe du point de vue écologique. Quand on pense que Pompid
1976
ou a pu commettre cette bourde monumentale : « Il
est
temps que Paris s’adapte à l’automobile… » « À quoi ça sert ? » Denis
1977
bile… » « À quoi ça sert ? » Denis de Rougemont s’
est
posé la question, avec une corrosive ingénuité à propos de Concorde,
1978
silence »… Un des aspects fascinants de L’Avenir
est
notre affaire est que Denis de Rougemont coordonne magistralement le
1979
spects fascinants de L’Avenir est notre affaire
est
que Denis de Rougemont coordonne magistralement les thèses personnali
1980
énarrables palinodies… Lorsqu’on lui demande s’il
est
« à la mode », Denis de Rougemont sourit ironiquement et se fâche un
1981
ironiquement et se fâche un tout petit peu… Je ne
suis
tout de même pas Yves Saint-Laurent ou Cardin ! Je m’honore de n’avoi
1982
Laurent ou Cardin ! Je m’honore de n’avoir jamais
été
à la mode et je me flatte d’avoir souvent été à contre-courant ! Ce q
1983
ais été à la mode et je me flatte d’avoir souvent
été
à contre-courant ! Ce qui est en jeu dans ce livre, comme dans toute
1984
tte d’avoir souvent été à contre-courant ! Ce qui
est
en jeu dans ce livre, comme dans toute mon œuvre, va tout de même bie
1985
’ai mis quatre ans et demi pour achever L’Avenir
est
notre affaire . Je n’avais fait cela pour aucun de mes livres. J’ai é
1986
xemple, L’Amour et l’Occident en trois mois… En
été
1973, j’avais déjà écrit une centaine de pages, où je prévoyais certa
1987
e donner l’air de prophétiser après coup ce qui s’
était
produit ! En un sens, je suis content de ce long temps de maturation
1988
près coup ce qui s’était produit ! En un sens, je
suis
content de ce long temps de maturation qui a été nécessaire, car j’ai
1989
suis content de ce long temps de maturation qui a
été
nécessaire, car j’ai pu prendre de la distance par rapport à l’actual
1990
ans puissance. À quoi je réponds que la puissance
est
le pouvoir que l’on prend sur autrui et la liberté le pouvoir que l’o
1991
confiance. Du point de vue écologique, la guerre
est
la pollution majeure de la planète. Nous devons tenter de créer une s
1992
tenter de créer une société plus amicale, où les
êtres
humains auraient la possibilité de communiquer, de ne plus vivre comm
1993
ns, chez les jeunes surtout. Des milliers de gens
sont
mobilisés par les thèmes de l’écologie, du régionalisme, de la commun
1994
hautement positive et je l’appuie entièrement. Je
suis
également heureux de voir que la jeune génération est en train de dép
1995
également heureux de voir que la jeune génération
est
en train de dépasser la stérile opposition de la « gauche » et de la
1996
onnaliste. On dit que l’Europe n’avance pas. Ce n’
est
pas entièrement vrai, il y a des points positifs : je mentionnerai to
1997
e mentionnerai tout d’abord le fait qu’une guerre
est
désormais impensable entre des pays européens, ce qui représente un i
1998
dernières années, et cela sans bain de sang. Ce n’
est
pas rien ! Homme de clairvoyance, Denis de Rougemont est également un
1999
rien ! Homme de clairvoyance, Denis de Rougemont
est
également un homme d’espoir. Son très beau livre est tout entier anim
2000
également un homme d’espoir. Son très beau livre
est
tout entier animé par la grande et généreuse idée que « le secret de
2001
reuse idée que « le secret de l’avenir de l’homme
est
dans l’homme, au cœur de l’homme d’aujourd’hui ». La terre du xxie s
2002
l’homme d’aujourd’hui ». La terre du xxie siècle
sera
très exactement ce que nous aurons voulu et c’est à chaque seconde de
2003
ne saurait trouver meilleur ouvrage que L’Avenir
est
notre affaire pour nous en persuader. bs. Rougemont Denis de, « [
2004
bs. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’avenir
est
votre affaire », 24 Heures, Lausanne, 11 octobre 1977, p. 58. bt. Pr
2005
its par le chapeau suivant : « Denis de Rougemont
est
décidément un homme étonnant. Il a fêté l’an dernier son soixante-dou
2006
an dernier son soixante-douzième anniversaire, il
est
un écrivain de notoriété internationale, un intellectuel qui pourrait
2007
table. Et voici qu’il nous propose avec L’Avenir
est
notre affaire (Éd. Stock) un livre d’une extraordinaire jeunesse, un
2008
estinée, projeter et assumer des finalités qui ne
seront
plus celles des technocrates, mais de la personne. »
2009
« Je
suis
un pessimiste actif » (17 octobre 1977)bu bv Denis de Rougemont, c
2010
. Pas banal. Les diseurs d’avenir, ceux qui ne se
sont
jamais trompés (Denis de Rougemont a dénoncé en 1932 le péril nazi et
2011
enis de Rougemont, lui, garde le calme suisse (il
est
né à Neuchâtel) et son livre qui vient de paraître aux éditions Stock
2012
re aux éditions Stock a un beau titre : L’Avenir
est
notre affaire . Il va devenir la bible des écologistes, des régionali
2013
rons-le. Ne pas oublier que ce monsieur de 71 ans
est
directeur du Centre européen de la culture, qu’il a lui-même fondé à
2014
e et son armée. Entre L’Amour et l’Occident qui
est
une méditation sur le mythe de Tristan et Iseut, sur le goût des Occi
2015
pour l’environnement, contre le nucléaire, quelle
est
la parenté ? Il y en a une très visible ! Je défends une certaine idé
2016
c’est que la réalité commence à me rejoindre ! Je
suis
beaucoup plus optimiste aujourd’hui qu’il y a cinq ans. Regardez ce q
2017
stes, la lutte antinucléaire. Vous dites que vous
êtes
un « pessimiste actif ». Il y a une phrase que j’ai écrite et à laqu
2018
dence d’un peuple commence quand on se demande qu’
est
-ce qui va arriver au lieu de se demander : Qu’est-ce que je vais fair
2019
est-ce qui va arriver au lieu de se demander : Qu’
est
-ce que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais je
2020
que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme
soit
bon mais je crois que l’on peut construire une société qui le corromp
2021
société qui le corrompe le moins possible. Ce qui
est
grave actuellement c’est que les vrais problèmes ne sont pas du tout
2022
ave actuellement c’est que les vrais problèmes ne
sont
pas du tout abordés par les hommes politiques. Regardez la France : l
2023
la droite et de la gauche en matière nucléaire ne
sont
pas très différentes. Je fais commenter à mes élèves des textes de Mi
2024
textes de Michel Debré et de Georges Marchais. Ce
sont
à peu près les mêmes, encore plus cocorico pour Marchais. La France n
2025
situation actuelle de l’environnement ? La France
est
un pays centralisateur où l’on a le goût du secret. Pour les Français
2026
ire appel au sens de la responsabilité. Mais ce n’
est
possible que dans de petites communautés. C’est pour cela que je croi
2027
teur. bu. Rougemont Denis de, « [Entretien] Je
suis
un pessimiste actif », Elle, Paris, 17 octobre 1977, p. 8. bv. Propo
2028
re affaire ! » (18 octobre 1977)bw bx L’avenir
est
notre affaire : une affirmation, un titre, un livre-programme. Denis
2029
elles avancées. Il rappelle à chacun que l’avenir
est
son affaire, et non celle d’une vague fatalité. Il en appelle à la li
2030
liberté et au sens des responsabilités. Cet appel
est
apparemment entendu : l’ouvrage est un succès public. Nous en avons p
2031
és. Cet appel est apparemment entendu : l’ouvrage
est
un succès public. Nous en avons parlé avec l’écrivain dans sa demeure
2032
arche solide et rassurante. En écrivant L’Avenir
est
notre affaire , j’entendais faire le point de la situation. Je consta
2033
de la situation. Je constate que cette situation
est
grave. On vient me dire, alors, que je suis pessimiste. Cela ne veut
2034
uation est grave. On vient me dire, alors, que je
suis
pessimiste. Cela ne veut rien dire. Je ne dis pas que l’asphyxie « na
2035
asphyxie « naturelle » ou le cataclysme militaire
sont
inévitables. Je dis qu’il est de notre devoir de les éviter en change
2036
taclysme militaire sont inévitables. Je dis qu’il
est
de notre devoir de les éviter en changeant de cap. De notre devoir et
2037
s un renforcement de l’État et de sa police. Il s’
est
chargé très rapidement de confirmer lui-même ce diagnostic. La « gran
2038
mand et l’allemand. Non seulement la révolution s’
est
chargée de gommer cette diversité des peuples, mais encore l’histoire
2039
tion de 1789 a créé l’État-nation qui, ensuite, s’
est
répandu dans le monde. La révolution russe, elle, a créé l’État-parti
2040
concentrées. L’industrie lourde, dans l’ensemble,
était
avant tout utile aux États, non aux peuples. L’État-parti, qui domine
2041
ts, non aux peuples. L’État-parti, qui domine à l’
Est
, a suivi la même voie. C’est d’autant plus dangereux que le gigantism
2042
Lettre ouverte aux Européens (1970), L’Avenir
est
entre nos mains [sic] (1977) : il y a un fil conducteur qui relie ce
2043
ous citez. Lorsque le « mouvement personnaliste »
fut
lancé, nous savions déjà qu’on s’enfonçait dans un monde anonyme et a
2044
« systèmes ». L’esprit jacobin La réalité s’
est
chargée de me confirmer dans ma voie. Lecteur en Allemagne, j’ai donn
2045
m’a appris beaucoup de choses. En fait, les nazis
étaient
des jacobins, la convergence était évidente. Et puis j’ai vu Hitler c
2046
t, les nazis étaient des jacobins, la convergence
était
évidente. Et puis j’ai vu Hitler célébrer le culte nazi à la Festhall
2047
agent allemand chargé de leur faire peur… Ce qui
est
tragique, c’est que l’esprit jacobin règne encore et qu’on omet soign
2048
livre, les nombreux mouvements populaires qui se
sont
créés au cours de ces dernières années. Vous les considérez comme les
2049
en plus répandu de cette démission générale dont
est
faite la « puissance » ? Il y a des mouvements qui sont de tous les t
2050
aite la « puissance » ? Il y a des mouvements qui
sont
de tous les temps. Les « hippies », par exemple, dont les chroniqueur
2051
re l’État, qui renforcent toujours ce dernier. Je
suis
persuadé, en revanche, qu’une participation de plus en plus active au
2052
ra de modifier la situation. Justement : l’avenir
est
notre affaire. bw. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’avenir, c’
2053
icho à Manhattan et Brasilia, son développement a
été
celui de la civilisation elle-même. Le Paradis était un jardin. Chass
2054
té celui de la civilisation elle-même. Le Paradis
était
un jardin. Chassés de ce jardin les hommes errants et anxieux tentent
2055
tiers du xxe siècle. La conclusion de l’aventure
est
décrite par la Bible, non comme un retour au jardin primitif, mais (a
2056
re de Dieu l’éclaire ». Ainsi la fin de l’homme n’
est
pas le « retour à la Mère Nature », mais la transfiguration de la soc
2057
moyens et s’unir sur des finalités communes… Ce n’
est
pas se trouver juxtaposés, mais vivre en relations dans une orientati
2058
ures ». Pour Aristote, la vraie cité, conviviale,
est
celle où tout le monde pourrait se connaître : cela limite le nombre
2059
es deux cas, l’indicateur principal ou « mesure »
est
le produit nombre-étendue, limité de telle sorte que la communauté ci
2060
ptimales du nombre et de l’étendue, les raisons d’
être
de la cité ne tardent pas à s’obscurcir, jusqu’à se perdre : leçon du
2061
mptômes. 1. Les mégalopoles du type New York « ne
sont
plus gouvernables » (maire L. Lindsay). Elles sont menacées de failli
2062
ont plus gouvernables » (maire L. Lindsay). Elles
sont
menacées de faillite (New York dès 1976, mais aussi les plus grandes
2063
nçaises, et Londres, etc.). 2. Les grandes villes
sont
des exemples de contre-productivité. (Plus il y a de véhicules, plus
2064
, 4 x ; de 3 %, 8 x ; de 10 %, 1024 x…). 3. Elles
sont
les machines les plus énergivores du monde. (Rien de plus vorace en é
2065
n électricité qu’une tour de 40 étages.) 4. Elles
sont
les lieux les plus pollués du monde : air, eau, bruit. 5. Parce que l
2066
onde : air, eau, bruit. 5. Parce que les hommes y
sont
trop serrés, — et parce qu’ils ne s’y sentent pas libres, n’ayant plu
2067
sentent pas libres, n’ayant plus la possibilité d’
être
responsables, les grandes villes sont devenues des milieux d’agressiv
2068
ssibilité d’être responsables, les grandes villes
sont
devenues des milieux d’agressivité généralisée, de délinquance et de
2069
). 6. Pour toutes ces raisons, les grandes villes
sont
aujourd’hui des machines à dissocier toute communauté vivante pour en
2070
he scientifique, et plus spécialement urbanisme —
est
de savoir si l’on va repartir de l’homme et de ses besoins fondamenta
2071
gués par les promoteurs et les ministres dont ils
sont
les experts. Faut-il soumettre l’homme aux structures technologiques
2072
uctures technologiques de la cité, ou l’inverse ?
Est
-il vraiment « temps que Paris s’adapte à l’automobile » (Georges Pomp
2073
e » (Georges Pompidou) ou au contraire que l’auto
soit
détournée du cœur de la capitale, pour lui permettre de se ranimer ci
2074
plein, square — dérivée de l’agora et du forum, a
été
le lieu politique par excellence — le sénat et le parlement n’étaient
2075
tique par excellence — le sénat et le parlement n’
étaient
que délégations du forum. Là s’exerçait au maximum la participation c
2076
nde). 4. Diminuer le nombre des étages, puisqu’il
est
démontré que le taux de délinquance leur est proportionnel. Supprimer
2077
u’il est démontré que le taux de délinquance leur
est
proportionnel. Supprimer les tours énergivores. Interdire le gaspilla
2078
que refaire des villes viables et vivables, ce n’
est
pas une question d’architecture ni de technologie au premier chef, ma
2079
population. « L’enquête publique » doit cesser d’
être
le secret d’État le mieux gardé : elle doit devenir l’école pratique
2080
es villes que leurs habitants ont subies, qui ont
été
faites pour le profit de quelques-uns, avec l’aide forcée de tous les
2081
ée de tous les contribuables qui avaient oublié d’
être
des citoyens. Nous aurons, demain — c’est mon vœu, et celui de ce con
2082
mmes, devenant plus responsables de leur ville, y
soient
par conséquent plus libres. by. Rougemont Denis de, « La fonction
2083
te qui dit volontiers : « Plaise aux dieux que je
sois
un faux prophète ». Il écrit pour avertir avant qu’il soit trop tard.
2084
aux prophète ». Il écrit pour avertir avant qu’il
soit
trop tard. Il prédit dans l’espoir que les événements le démentiront.
2085
énements le démentiront. Cataclysme ou apocalypse
sont
des mots épouvantails qu’il plante dans ses pages pour qu’ils effraie
2086
a peur et l’éloignent. Quand il affirme L’Avenir
est
notre affaire , c’est que rien n’est encore perdu. Fondateur du Centr
2087
me L’Avenir est notre affaire , c’est que rien n’
est
encore perdu. Fondateur du Centre européen de culture à Genève, il a
2088
et le livre qui lui a apporté la célébrité et qui
est
aujourd’hui un grand classique, L’Amour et l’Occident . Ce succès mo
2089
sique, L’Amour et l’Occident . Ce succès mondial
est
à l’origine d’un malentendu qu’il a voulu dissiper dès les premières
2090
de notre conversation. L’Amour et l’Occident a
été
traduit en douze langues et publié dans quatorze pays, mais toujours
2091
urs avec de faibles tirages. Ce succès n’a jamais
été
un best-seller. On vient de raconter que j’en avais vendu douze milli
2092
! J’ai fait l’addition, le chiffre de vente réel
est
inférieur à 400 000 exemplaires en trente-huit ans, mais on le réimpr
2093
l fallait que j’explique très simplement qui vous
êtes
à un enfant, par exemple, que devrais-je lui dire ? D’abord, que je s
2094
xemple, que devrais-je lui dire ? D’abord, que je
suis
quelqu’un qui voudrait qu’il vive dans un monde agréable quand il ser
2095
udrait qu’il vive dans un monde agréable quand il
sera
grand. Ensuite, que j’ai écrit des livres, que je suis l’initiateur d
2096
grand. Ensuite, que j’ai écrit des livres, que je
suis
l’initiateur du mouvement fédéraliste européen. Que j’espère être dém
2097
r du mouvement fédéraliste européen. Que j’espère
être
démenti dans mes prédictions les plus désastreuses, que je crois que
2098
que le soleil peut tout nous donner. Enfin que je
suis
écologiste. Que vous êtes du pays de Rousseau et un peu utopiste ? On
2099
us donner. Enfin que je suis écologiste. Que vous
êtes
du pays de Rousseau et un peu utopiste ? On ne ferait jamais rien si
2100
rme de société où une communauté entre les hommes
serait
possible. Dès les années 1930, j’ai fondé le mouvement personnaliste
2101
e qui a fait un peu de bruit à l’époque, mais qui
est
resté ce qu’on appelle aujourd’hui un groupuscule. Quand la guerre es
2102
pelle aujourd’hui un groupuscule. Quand la guerre
est
arrivée, on aurait pu croire que ces idées et cette doctrine allaient
2103
paraître dans le gouffre général : il n’en a rien
été
. Tous les mouvements de résistance dans les pays d’Europe se sont nou
2104
ouvements de résistance dans les pays d’Europe se
sont
nourris de nos idées, même en Allemagne nazie, puisque nous avons eu
2105
ments aux Alliés. Suisses, Français, Belges, vous
étiez
tous citoyens de sociétés libérales et démocratiques : quelles étaien
2106
de sociétés libérales et démocratiques : quelles
étaient
vos craintes ? Les mêmes finalités À Paris, vers 1930, nous éti
2107
Les mêmes finalités À Paris, vers 1930, nous
étions
dans une démocratie libérale dirigée par les partis et qui paraissait
2108
r les partis et qui paraissait fatalement glisser
soit
vers une complète anarchie, soit vers une forme plus ou moins totalit
2109
talement glisser soit vers une complète anarchie,
soit
vers une forme plus ou moins totalitaire d’État, né de la résistance
2110
ie fasciste, Allemagne nationale-socialiste. Nous
étions
sûrs que l’État libéral n’était qu’un acheminement vers l’État totali
2111
socialiste. Nous étions sûrs que l’État libéral n’
était
qu’un acheminement vers l’État totalitaire par la force des choses. N
2112
nsions que tout cela menait droit à la guerre, qu’
étant
donné notre âge, nous serions obligés de la faire, mais que ce ne ser
2113
droit à la guerre, qu’étant donné notre âge, nous
serions
obligés de la faire, mais que ce ne serait pas notre guerre. Vous dis
2114
nous serions obligés de la faire, mais que ce ne
serait
pas notre guerre. Vous discerniez donc des points communs entre des p
2115
de ce genre ne peut conduire qu’à la guerre. Elle
est
inévitable entre des nations qui poursuivent des chimères identiques.
2116
é, c’est vrai. Mais la fonction de l’intellectuel
est
de forcer les hommes à réfléchir et à s’interroger. Je remarque que m
2117
mes idées et mes propositions d’il y a trente ans
sont
à la mode aujourd’hui. Peut-être parce qu’est venu le temps où nous a
2118
ns sont à la mode aujourd’hui. Peut-être parce qu’
est
venu le temps où nous allons jouer notre dernière chance. Ainsi que j
2119
que je l’écris dans la première page de L’Avenir
est
notre affaire : « À partir de maintenant, il arrivera dans le monde
2120
intenant « Que puis-je faire ? », plutôt que « Qu’
est
-ce qui va arriver ? » Vous refusez de voir l’intervention du doigt de
2121
rtains événements ? Des hommes sensibles Je
suis
chrétien, mais je trouve trop facile qu’on appelle volonté divine ce
2122
ait prévoir ce qui met notre avenir en danger. Ce
sont
des super-cerveaux, des savants rassemblés dans de doctes séminaires
2123
qui doivent donc imaginer ce que demain pourrait
être
? Le club de Rome le fait de façon admirable et nous avertit des dang
2124
a des futurologues auxquels personne ne pense, ce
sont
des hommes sensibles. Plutôt que de les tourner en dérision, il serai
2125
sibles. Plutôt que de les tourner en dérision, il
serait
préférable de les utiliser comme des « indicateurs », enregistrant l’
2126
n ait pris conscience. Cette idée neuve et hardie
est
de mon ami Bertrand de Jouvenel. Tout ce qui n’est pas calculable res
2127
st de mon ami Bertrand de Jouvenel. Tout ce qui n’
est
pas calculable reste prévisible par la sensibilité. Ces indicateurs v
2128
nds événements. Hitler et l’automobile Vous
êtes
l’un de ces hommes sensibles ? Dès 1932, j’avais prévu les victoires
2129
victoires et la chute d’Adolf Hitler. Le désastre
était
inscrit dans les données de son aventure. Si Hitler revient souvent d
2130
Rougemont, c’est parce que je pense que le Führer
est
l’exemple éclatant de ce que les futurologues étaient impuissants à d
2131
est l’exemple éclatant de ce que les futurologues
étaient
impuissants à deviner. Les conséquences de l’irruption d’Hitler dans
2132
nt, la menace apocalyptique qui pèse sur l’avenir
est
une conséquence du passage d’Hitler sur la terre, surtout lorsque ce
2133
cette histoire a l’air un peu fantaisiste, elle l’
est
moins dès que Denis de Rougemont la raconte, après avoir précisé en e
2134
récisé en exergue : Hitler et l’automobile auront
été
les deux fléaux les plus dévastateurs xxe siècle et que la futurolog
2135
t Ford, qui généralisa l’automobile, et Hitler se
sont
trouvés être les alliés objectifs pour hypothéquer le futur. Il y a d
2136
énéralisa l’automobile, et Hitler se sont trouvés
être
les alliés objectifs pour hypothéquer le futur. Il y a d’abord le jeu
2137
qui trahit ce rêve d’adolescent (une voiture pour
être
libre) lorsqu’il s’aperçoit que les Américains n’ont pas tellement en
2138
blicité, il les persuade qu’ils ne pourraient pas
être
heureux sans auto et réussit à les contaminer. Il commet donc une vil
2139
eprise et annoncer à quelle fatalité nous allions
être
livrés. Ford a donné un tel essor que les villes se sont développées
2140
vrés. Ford a donné un tel essor que les villes se
sont
développées en fonction de l’automobile. On a dépassé les limites hum
2141
a dépassé les limites humaines et des utopies se
sont
réalisées pour plaire à l’auto et au pétrole. Mais ce pétrole indispe
2142
ent dans le sous-sol des pays sous-développés qui
étaient
maîtres de la richesse du monde et qui n’en avaient pas conscience. N
2143
du monde et qui n’en avaient pas conscience. Nous
sommes
loin d’Hitler… Au contraire, nous en sommes tout près. Comme le génér
2144
Nous sommes loin d’Hitler… Au contraire, nous en
sommes
tout près. Comme le général Kadhafi le déclarait en 1973 : « Nous avo
2145
quoi détruire toute l’économie européenne et il n’
est
pas dit que nous ne le ferons pas. » Comment Hitler apparaît-il dans
2146
on à ce besoin et Hitler a apporté la sienne, qui
était
aberrante, à l’Allemagne : le racisme, il en arriva à exterminer six
2147
cteurs de pétrole. La guerre du Kippour, en 1973,
est
l’endroit où Ford et Hitler se rencontrent. Résultat : l’embargo, la
2148
inévitable Apocalypse ou cataclysme. Les mots
sont
forts mais Rougemont les emploie : Si nous ne choisissons pas libreme
2149
de campagne casquées autour du site des centrales
sont
puériles et organisées par des jeunes gens qui ne voient pas plus loi
2150
s plus loin que le bout de leur contestation. Ils
sont
contre, sans savoir exactement pourquoi. Denis de Rougemont, lui, a l
2151
mont, lui, a le droit de parler d’un problème qui
est
le centre de ses préoccupations. Voilà des années qu’il étudie, lit,
2152
se déclarer contre le nucléaire ? Le nucléaire n’
est
pas un progrès. C’est, à certains égards, une horrible régression ver
2153
les ténèbres ? Ne parlons pas d’un choix qui nous
est
imposé, qui tombe du ciel : nous sommes les seuls responsables car no
2154
oix qui nous est imposé, qui tombe du ciel : nous
sommes
les seuls responsables car nous avons créé une société vorace en éner
2155
une dimension poétique. Regardez la merveille qu’
est
le Concorde. C’est de la très mauvaise poésie. On ne va pas plus vite
2156
le soleil. C’est impossible. C’est un slogan. Qu’
est
-ce que le progrès selon vos vœux ? J’appelle progrès ce qui est favor
2157
progrès selon vos vœux ? J’appelle progrès ce qui
est
favorable à un meilleur épanouissement des personnes. Comment les per
2158
anouir dans le froid et dans le noir ? Le progrès
est
dans l’utilisation de l’énergie solaire, symbole de tout cela. Voilà
2159
— à Pluton — dieu des Enfers, dieu aveugle. On s’
est
servi de son nom pour baptiser le plutonium, ce n’est pas par hasard.
2160
servi de son nom pour baptiser le plutonium, ce n’
est
pas par hasard. Selon la mythologie, Pluton s’enfouit sous la terre a
2161
Déjà nous lui préparons ses cavernes, celles où
seront
enfouis les déchets radioactifs qui auront, auparavant, ruiné l’human
2162
auparavant, ruiné l’humanité. Denis de Rougemont
est
reparti vers sa Suisse paisible. Il a encore à réfléchir et à cherche
2163
n que nous, alors il avertit des dangers. Son cri
est
d’espoir et non pas de sauve-qui-peut, puisqu’il dit « l’avenir est n
2164
n pas de sauve-qui-peut, puisqu’il dit « l’avenir
est
notre affaire ». Nous sommes tous responsables de nos lendemains comm
2165
uisqu’il dit « l’avenir est notre affaire ». Nous
sommes
tous responsables de nos lendemains comme le Petit Prince l’était de
2166
nsables de nos lendemains comme le Petit Prince l’
était
de sa rose, Noël est proche. C’est le temps des enfants. Pour eux, il
2167
ns comme le Petit Prince l’était de sa rose, Noël
est
proche. C’est le temps des enfants. Pour eux, il faut s’efforcer de n
2168
trop tôt », le livre de Denis Rougemont L’Avenir
est
notre affaire paru cet automne, est sorti au bon moment. En juin der
2169
nt L’Avenir est notre affaire paru cet automne,
est
sorti au bon moment. En juin dernier, c’eût encore été trop tôt. Mais
2170
orti au bon moment. En juin dernier, c’eût encore
été
trop tôt. Mais cet été, l’opinion à laquelle il s’adresse a été révei
2171
juin dernier, c’eût encore été trop tôt. Mais cet
été
, l’opinion à laquelle il s’adresse a été réveillée par Creys-Malville
2172
Mais cet été, l’opinion à laquelle il s’adresse a
été
réveillée par Creys-Malville, entre autres. Après avoir vécu plusieur
2173
gne, ensuite aux États-Unis, Denis de Rougemont s’
est
installé dans le pays de Gex, à Ferney d’abord, puis à Saint-Genis. I
2174
continuer ce qu’on a fait depuis vingt-cinq ans,
sont
en pleine utopie au mauvais sens du terme ». Les différents éléments
2175
is le xixe siècle et qui interagissent entre eux
sont
aujourd’hui bloqués : que ce soit l’énergie, le chômage, l’inflation.
2176
ssent entre eux sont aujourd’hui bloqués : que ce
soit
l’énergie, le chômage, l’inflation. La crise de l’Occident mondial a
2177
re de vie. En Suisse, la croissance démographique
est
négative depuis deux ans. Prenons le cas de Ferney-Voltaire. En 1947,
2178
ans certains d’entre eux cinq ou six appartements
sont
occupés sur trente. Saint-Thomas Croyez-vous qu’avec de telles m
2179
ui ne leur apportent aucune gratification. Ils ne
sont
pas heureux et ils en viennent à se détester. On sait aujourd’hui que
2180
On sait aujourd’hui que les ressources en pétrole
seront
épuisées d’ici à vingt ou trente ans ; on en trouvera bien sûr toujou
2181
à quel prix ? Épuisé ou inutilisable, le résultat
est
le même. Et pourtant on parle de relance de l’économie ! C’est une ab
2182
on. C’est saint Thomas qui disait que « le fini n’
est
pas capable d’infini ». N’en est-il pas de même pour les ressources n
2183
que « le fini n’est pas capable d’infini ». N’en
est
-il pas de même pour les ressources naturelles ? Et les hommes politiq
2184
e roi, c’est moi Les xixe et xxe siècles ont
été
marqués par les « économies d’échelle » qui ont conduit à une concent
2185
n fin de compte que quatre-vingts ans. Le fossé s’
est
accru depuis la décolonisation. ⁂ Ce que Denis de Rougemont a apporté
2186
pporté de neuf, c’est d’avoir démontré que l’État
est
responsable de tout, puisqu’il revendique le contrôle de tout. Et par
2187
uverain, c’est toujours du peuple qu’on parle. Ce
sont
les États-nations et eux seuls, qui ont géré la terre. Ils ont géré e
2188
sance. Pour Denis de Rougemont, l’État ne devrait
être
qu’un service public, un point c’est tout. Ses propositions développé
2189
s développées en 160 pages partent de l’homme (il
fut
l’un des premiers personnalistes, de la revue Esprit), de la commune
2190
a région à l’Europe. Tout le système de Rougemont
est
fondé sur l’autogestion politique à partir des régions, nécessaires p
2191
emis de l’écologie, des régions, de l’autogestion
sont
autant à droite qu’à gauche. Si le nationalisme, le pouvoir de type m
2192
type monarchique et le mythe de l’unité nationale
sont
les caractéristiques de la droite, qu’est-ce qui la différencie du Pa
2193
ionale sont les caractéristiques de la droite, qu’
est
-ce qui la différencie du Parti communiste français ? Il y a un vérita
2194
la droite et la gauche. Le nucléaire pourrait-il
être
une solution aux problèmes d’énergie ? Là encore, soit dit en passant
2195
une solution aux problèmes d’énergie ? Là encore,
soit
dit en passant, le parti communiste a opéré un virage à 180 degrés. M
2196
virage à 180 degrés. Mais sur le fond, quelle que
soit
la nature du danger que présente le nucléaire (il y a des savants hos
2197
quet d’Alice au pays des Merveilles où les boules
étaient
des hérissons et les arceaux des valets, tous se déplaçant au gré de
2198
ement français a même décidé que l’armée pourrait
être
utilisée aux fins de défendre les centrales. On se livre à des enquêt
2199
rsonnes, de leurs familles : la société nucléaire
est
une société policière. « J’ai bon espoir » L’énergie solaire, a
2200
st sans doute la raison pour laquelle les États y
sont
hostiles, est liée au système d’autonomie jusqu’à la propre maison de
2201
a raison pour laquelle les États y sont hostiles,
est
liée au système d’autonomie jusqu’à la propre maison des citoyens. Si
2202
édéraliste, ne l’emporte pas rapidement, l’Europe
sera
sans doute complètement colonisée par les États-Unis et l’URSS et con
2203
hoses peuvent aller très vite. Car ce mouvement n’
est
-il pas le seul aujourd’hui à pouvoir mobiliser des centaines de milli