1 1974, Articles divers (1974-1977). La personne comme fondement des valeurs européennes (19 septembre 1974)
1 974)k La première table ronde, tenue à Rome, s’ était demandé : d’où vient l’Europe, et sur quelles bases d’unité culturell
2 des effets politiques (mais c’est l’inverse qui s’ est produit). Celle d’aujourd’hui veut affronter les premières manifestat
3 re union politique. Or, la cause de cette carence est en interaction précise avec les causes de la crise mondiale, dont le
4 oix concrets, dans les finalités dont ces valeurs sont en définitive les moyens. De la première table ronde sont nés, nous d
5 définitive les moyens. De la première table ronde sont nés, nous dit un document récent émanant du Conseil de l’Europe, « la
6 tière d’éducation et de culture ». Je crois qu’il serait juste d’ajouter à ces dispositions techniques la diffusion discrète,
7 s évidents et ceux que j’ai le mieux connus. Ce n’ est pas rien, mais il faut bien admettre que cela n’a pas suffi pour « fa
8 c une logique infernale (le nom l’indique et ce n’ est pas un hasard) ce « Pentagone de la Puissance » ou mieux : de l’obses
9 e Conseil de l’Europe a fait un acte qui mérite d’ être qualifié de politique, au sens du terme le plus éminent, le plus larg
10 rapports humains dans la cité. Que le Conseil en soit remercié par les Douze, en tant qu’invités, et qu’il en soit félicité
11 ié par les Douze, en tant qu’invités, et qu’il en soit félicité par nous tous, en tant que citoyens. Car le Conseil ne tente
12 l créer l’union des gens de l’Europe, tels qu’ils sont , ou tels qu’ils peuvent devenir, dans une société rénovée ? Selon que
13 alement obéi par la communauté dans laquelle nous sommes nés ? Devant ces problèmes de destin, notre approche ne sera pas théo
14 Devant ces problèmes de destin, notre approche ne sera pas théorique. Nous ne partons pas à la recherche de définitions sati
15 ns satisfaisantes ou simplement provocantes. Nous sommes confrontés à une crise, à des scandales, que tous ressentent, à des d
16 pas faire autrement. Car la pensée, en général, n’ est peut-être que le feed-back d’une surprise ou d’une blessure, d’une ag
17 ière, annoncent un passage dangereux, quand ce ne sont pas déjà les disques rouge et blanc de la voie barrée, de l’impasse.
18 tout le monde a lu Forrester ou Meadows. Mais ils sont loin d’avoir épuisé le pire de notre crise : l’équivalent moral, soci
19 ision ; les ravages de la division du travail qui est en réalité une division de l’homme, comme l’avait annoncé Kropotkine 
20 ar c’est lui qui les rendra vraies, quand elles n’ étaient que monitoires et n’ambitionnaient rien que d’être démenties ! Oui, j
21 ent que monitoires et n’ambitionnaient rien que d’ être démenties ! Oui, je sens parmi nous quelque chose qui me paraît beauc
22 apocalyptiques des écologistes, quelque chose qui est là déjà, bel et bien là, et qui est la Question du siècle, une questi
23 que chose qui est là déjà, bel et bien là, et qui est la Question du siècle, une question pure, béante, qui se posait du te
24 au mois de mai 1968 : Que faisons-nous là ? Quel est le sens de ma vie dans cette société qui n’en est pas une, puisqu’ell
25 est le sens de ma vie dans cette société qui n’en est pas une, puisqu’elle n’est plus une communauté ? Que vaut son fameux
26 cette société qui n’en est pas une, puisqu’elle n’ est plus une communauté ? Que vaut son fameux niveau de vie ? Vers quoi n
27 État-nation centralisé où ils se voient perdus, n’ est plus leur affaire, ne peut que les brimer, et les oblige à s’évader d
28 mbécillité civique des majorités silencieuses. Il est normal que le jeune Européen d’aujourd’hui se demande à quoi tout cel
29 cela rime, et descende le crier dans la rue : il serait anormal qu’on ne lui réponde que par des coups de matraque. Il est no
30 ne lui réponde que par des coups de matraque. Il est normal qu’il juge très sévèrement la société matérialiste et qu’il dé
31 e et qu’il dénonce son anarchie profonde, mais il est anormal qu’il se voie pour autant traité de « fauteur de désordre ».
32 ar le plus profond des désordres, c’est celui qui est au cœur d’une société dont le seul principe absolu est le profit, cal
33 u cœur d’une société dont le seul principe absolu est le profit, calculé en monnaie. Beaucoup de jeunes gens rêvent de la r
34 s son palais, mais on ne peut renverser ce qui ne tient pas debout, ce qui n’a pas de principe de cohésion interne, — ou plut
35 onstituent. Tenter de s’y opposer par la violence serait bien pire que vain car ce serait faire son jeu. Cette crise morale af
36 par la violence serait bien pire que vain car ce serait faire son jeu. Cette crise morale affecte l’Occident tout entier, et
37 rielle, scientifico-technique, quantitative. Elle est née de l’Europe, de ses valeurs et de leurs conflits ; et des guerres
38 îné toute la planète. Or à leur tour, ces guerres sont nées de nos nationalismes. Et voici qu’apparaît clairement le sujet d
39 es, il faut des choix. Il faut savoir ce que l’on est prêt à sacrifier et quelles sont les priorités. Veut-on d’abord et à
40 avoir ce que l’on est prêt à sacrifier et quelles sont les priorités. Veut-on d’abord et à tout prix la Puissance, ou la Lib
41 aguère avait tenté de décréter l’inexistence. Qu’ est -ce qu’une valeur, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’est pas une
42 ne valeur, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’ est pas une entité philosophique. C’est ce qui nous permet de choisir, or
43 iale, nous avons l’impression que quelque chose a été faussé dans l’échelle des priorités, que la justice, la santé, la lib
44 , et qui vaut plus que tout ? Bien sûr, les choix sont rarement aussi simples. Mais ils se ramènent dans l’ensemble à un dil
45 me fondamental entre l’impératif catégorique, qui est moral, et les impératifs technocratiques, qui sont des questions de g
46 est moral, et les impératifs technocratiques, qui sont des questions de gros sous, quand ce n’est pas de puissance militaire
47 , qui sont des questions de gros sous, quand ce n’ est pas de puissance militaire. Or, ces choix de finalités, et les sacrif
48 gage les valeurs, de l’évaluant fondamental. Il n’ est pas toujours bien conscient, même chez celui dont il gouverne le juge
49 son vocabulaire le terme de justice, décidé qu’il est à ne décrire que des enchaînements nécessaires et qui échappent à tou
50 orale. Cependant, la passion qui anime Le Capital est celle de la justice, ou je n’y ai rien compris. C’est la justice, non
51 compris. C’est la justice, non la nécessité, qui est le vrai référentiel de l’œuvre. Pour l’homme d’Europe, qu’il le sache
52 rdonnées spatiales. Notre notion de la personne s’ est constituée au cours des grands conciles œcuméniques de Nicée en 325,
53 enue de la Judée. Le problème majeur des conciles est celui de la Trinité : comment définir et distinguer en un seul Dieu,
54 nt en fait, ou comme diront les scolastiques, qui sont « distinguées par la raison mais unies par la réalité ». En formulant
55 dhon, et les dialectiques d’aujourd’hui, qu’elles soient marxistes, existentialistes ou physico-mathématiques. Et c’est aussi,
56 autonomies locales — cette pensée en tension qui est vraiment l’idée formatrice de l’Europe parce qu’elle engendre l’homme
57 opéen, à partir de l’extraordinaire création qu’a été le concept de personne, cette notion théomorphe de l’homme et anthrop
58 n quelque sorte, de la notion, qui ne tarda pas à être transposée du plan théologique à celui de l’humain, par Augustin d’ab
59 par Augustin d’abord, lequel estime que l’homme, étant fait à l’image de Dieu, est lui aussi une personne ; puis par Boèce,
60 estime que l’homme, étant fait à l’image de Dieu, est lui aussi une personne ; puis par Boèce, philosophe non chrétien, qui
61 n termes laïques les définitions conciliaires, et sera commenté par tout le Moyen Âge. Homologue du « vrai Dieu et vrai homm
62 la Deuxième Personne divine, la personne humaine est devenue la coexistence en tension de l’individu naturel et de ce qui
63 tes, les siècles ont ajouté à cette formule. Elle est devenue autre chose qu’un modèle, qu’une structure. Aux notions grecq
64 our actif, de liberté, de justice et de vocation, sont venues s’ajouter les valeurs germaniques de fidélité, de communauté,
65 ant et de Quête spirituelle. Mais aujourd’hui, qu’ est -ce donc que la personne ? Il semble qu’à une telle question je ne pou
66 . Car chacun naît de quelque chose qui n’a jamais été auparavant, qui n’est exactement pareil à rien, croisement de chromos
67 uelque chose qui n’a jamais été auparavant, qui n’ est exactement pareil à rien, croisement de chromosomes eux-mêmes sans pr
68 eux-mêmes sans précédent, de sorte que la chance est quasi nulle qu’il naisse jamais deux individus pareils. Chacun de nou
69 sse jamais deux individus pareils. Chacun de nous est donc le point de départ d’un chemin particulier vers le But qui l’app
70 l’Absolu, la Vérité ou le Bonheur. Le But suprême est le même pour tous mais chacun pour le joindre doit créer sa propre vo
71 ant, à savoir si je découvre mon chemin tel qu’il était prévu pour moi depuis toujours, ou si je l’invente en osant y avancer
72 te forme de confiance dont Saint-Paul dit qu’elle est « ferme assurance des choses qu’on ne voit pas ». Le chemin qui se cr
73 t commencé par répéter, après Nietzsche, que Dieu est mort, et que cela signifiait la « mort de l’homme », et donc de toute
74 nc de toute identité, de toute personne. Or, ce n’ est là qu’une métaphore. Ce qui peut provoquer la mort de l’homme, c’est
75 lysse au Cyclope : « Je me nomme personne, je n’y suis pas », c’est qu’on prépare un mauvais coup, ou qu’on tente d’échapper
76 t pratiquement, vous y croyez, tous tant que vous êtes . Car si vous protestez, comme vous le faites tous, chaque jour, contr
77 iénation, j’ose vous demander ce qui, selon vous, est aliéné ? Si ce n’est pas la personne, alors quoi ? Quelle abstraction
78 demander ce qui, selon vous, est aliéné ? Si ce n’ est pas la personne, alors quoi ? Quelle abstraction politicienne ? Ceux
79 politicienne ? Ceux qui prétendent que l’homme n’ est qu’une illusion, que le sujet n’existe pas, même dans le discours, qu
80 ation de l’homme par l’homme, disent-ils. Mais ce serait l’exploitation d’une illusion par une inexistence, à les en croire ?
81 omment peuvent-ils signer, tout simplement ? Dieu est mort, nous disent-ils, l’homme est mort, il n’y a plus de sujet, il n
82 plement ? Dieu est mort, nous disent-ils, l’homme est mort, il n’y a plus de sujet, il n’y a plus rien. Il ne reste rien qu
83 à la fois selon le naturel et selon le divin qui est en lui. L’aliéner, c’est le mécaniser — au sens argotique qu’a pris l
84 t qui même très bénéfique, très bien payé, ne lui serait pas propre, ne pourrait que l’altérer, le détourner de sa vocation —
85 r soi-même, la Liberté. Le pouvoir sur autrui, il est fatal que l’État s’en empare un jour ou l’autre. Car l’État réclame e
86 s, et ne peut tolérer que des pouvoirs collectifs soient détenus par des particuliers : qu’on se rappelle la lutte des rois co
87 e du domaine réservé ou revendiqué par l’État, et sera tôt ou tard monopolisé par l’État. Tout pouvoir qui s’exerce sur autr
88 is cette vocation personnelle, je le répète, nous est le plus souvent inconnue. La découvrir comme si on l’inventait est la
89 nt inconnue. La découvrir comme si on l’inventait est la tâche singulière de chacune de nos vies. La tyrannie se définit al
90 itions de vie, de dignité, de santé et de loisirs sont à peu près les mêmes à l’Est dit socialiste et à l’Ouest capitaliste,
91 santé et de loisirs sont à peu près les mêmes à l’ Est dit socialiste et à l’Ouest capitaliste, mais de nous tous, habitants
92 Au surplus, elle crée tant de liens avec ce qui n’ est pas ma vocation, que toutes les religions de la terre l’ont condamnée
93 là-dessus tout l’essentiel : « L’orgueil national est loin de la vie quotidienne. » Les notions d’impératif technique et d’
94 usses et même d’un ridicule moliéresque. Elles ne sont , trop évidemment, que les alibis, soit de la volonté de puissance des
95 . Elles ne sont, trop évidemment, que les alibis, soit de la volonté de puissance des États et de leurs grandes agences tech
96 des États et de leurs grandes agences techniques, soit du profit privé des sociétés, soit encore, en dernière analyse, de no
97 es techniques, soit du profit privé des sociétés, soit encore, en dernière analyse, de notre propre choix matérialiste. Lequ
98 énéré par le xixe siècle et réputé irrésistible, est le type même de l’antivaleur, s’il n’est que l’accroissement des pouv
99 istible, est le type même de l’antivaleur, s’il n’ est que l’accroissement des pouvoirs matériels, qui conduisent à la guerr
100 au gaspillage des ressources terrestres ; s’il n’ est pas un progrès spirituel, une aventure de la liberté, un accroissemen
101 iels, croissance dont on a remarqué que le rythme est celui des cellules cancéreuses. En revanche, l’amour est une valeur f
102 ui des cellules cancéreuses. En revanche, l’amour est une valeur fondamentale, qui ne saurait être niée ou contestée que pa
103 amour est une valeur fondamentale, qui ne saurait être niée ou contestée que par des infirmes de l’âme ou des débiles du spi
104 à la radio. Car aimer son prochain comme soi-même est un commandement de la Bible. Puisque les sentiments ne se commandent
105 e prochain comme soi-même, dès lors que cela nous est commandé, ne saurait donc être qu’un acte : le prochain est celui que
106 lors que cela nous est commandé, ne saurait donc être qu’un acte : le prochain est celui que je puis aider en fait. Mais la
107 dé, ne saurait donc être qu’un acte : le prochain est celui que je puis aider en fait. Mais la notion même de prochain supp
108 géographique. Si le principe de toute communauté est de nature spirituelle et touche l’élément transcendant dans la person
109 de toute la terre, la vie communautaire concrète est proximiste, c’est-à-dire communale, locale et régionale. L’universel
110 , locale et régionale. L’universel et le local ne sont pas en contradiction — pas plus que l’Église et la paroisse — puisqu’
111 mplique sa responsabilité, et que la réciproque n’ est pas moins vraie. La vocation dont l’appel me libère, c’est elle aussi
112 ’État-nation imposé par Napoléon : par en bas, ce sont les régions, par en haut, la fédération continentale. Et nous venons
113 titutives de la personne. Les hommes ne sauraient être unis par l’imposition uniforme d’un même corpus de lois et de règleme
114 es communautés qui, pour défendre leur autonomie, seront amenées à se fédérer et donc à pratiquer la seule méthode capable, se
115 bertés. C’est à cause de cela, finalement, que je suis venu une fois de plus, ici, parler de l’Europe, de son union, et de l
116 teindrons-nous ? J’ai toujours estimé que nous ne sommes pas au monde — ni vous ni moi — pour essayer de deviner l’avenir. C’e
117 er de deviner l’avenir. C’est à le faire que nous sommes appelés. k. Rougemont Denis de, « La personne comme fondement des
2 1974, Articles divers (1974-1977). Alexandre Marc et l’invention du personnalisme (1974)
118 nvention du personnalisme (1974)a Comment nous sommes -nous rencontrés ? Rien de plus difficile à établir. J’ai tenté récemm
119 Je t’entends encore me dire… » — mais les détails sont différents… Je donnerai donc ici ma version (qui est la bonne) telle
120 différents… Je donnerai donc ici ma version (qui est la bonne) telle que je l’ai publiée dans le Journal d’une époque, p.
121 ules : Ni individualistes ni collectivistes, nous sommes personnalistes ! À 15 ans, militant socialiste-révolutionnaire à Kiev
122 : « Tu as de la chance, c’est l’âge de mon fils ! Tiens , voilà tout ce que tu mérites [un grand coup de pied] et fiche-moi le
123 n seulement aucun de ceux que je viens de citer n’ est connu du grand public — ce qui est normal, ils ont de 21 à 32 ans — m
124 ens de citer n’est connu du grand public — ce qui est normal, ils ont de 21 à 32 ans — mais encore ils ne se connaissent pa
125 volutionnaires ». Il n’importe : une génération s’ est déclarée, et quels que soient les conflits qui l’animent, elle a reco
126 rte : une génération s’est déclarée, et quels que soient les conflits qui l’animent, elle a reconnu les éléments fondamentaux
127 années cruciales Alexandre Marc. ⁂ Que nous nous soyons rencontrés grâce à mon ami Max Dominicé, alors pasteur à Belleville,
128 nce à la misère du siècle, une présence enfin qui soit un acte », ainsi que je l’écrirai un an plus tard — et c’est, je croi
129 baud, tout me portait à déboucher sur une action, fût -elle spirituelle d’abord, au-delà de la littérature. Alexandre Marc f
130 ’abord, au-delà de la littérature. Alexandre Marc fut pour moi l’initiateur à la réalité politique. (Avant cela, mes option
131 politique. (Avant cela, mes options politiques s’ étaient bornées à d’acerbes discussions avec les maurrassiens de Suisse roman
132 portait à Versailles des guêtres blanches, ce qui était banal à l’époque pour peu qu’on surveillât sa mise, mais je le mentio
133 e révolutionnaire, pas d’action révolutionnaire » était son slogan préféré. Nous allions bientôt découvrir sa constante préoc
134 ires de cette période). ⁂ L’idée œcuménique avait été lancée par quelques prélats anglicans et théologiens d’Amérique. Elle
135 prélats anglicans et théologiens d’Amérique. Elle était patronnée, vigoureusement, par Nathan Soederblom, primat de Suède. Un
136 mulations diplomatiques. Au surplus, l’entreprise est par nature paradoxale : il s’agit de chercher sinon l’union, du moins
137 ictement formulées. Or c’est cela, justement, qui est personnaliste. Et le paradoxe œcuménique apparaît parfaitement homolo
138 tiques. Je n’ai souvenir que de la première. Nous étions une trentaine dans une salle nue qui me rappelait mes salles d’écoles
139 ertes, nous n’allions pas encore si loin. Nous en étions à découvrir que les passionnés d’orthodoxies au stade naissant — réin
140 n et Gilson, ou de la Sophiologie par Boulgakov — sont mieux capables de nouer le dialogue et de s’entendre que les tenants
141 » et l’élan spirituel passant pour hérésie…) ⁂ Il est probable que Mounier vint un beau soir au Club du Moulin-Vert ; il es
142 ier vint un beau soir au Club du Moulin-Vert ; il est certain que nous nous sommes connus grâce à Marc, qui m’avait d’abord
143 lub du Moulin-Vert ; il est certain que nous nous sommes connus grâce à Marc, qui m’avait d’abord introduit à la revue Plans,
144 ous les groupes personnalistes. Certes, Esprit est l’enfant de Mounier. Quel que soit le nombre des articles que Marc, D
145 ertes, Esprit est l’enfant de Mounier. Quel que soit le nombre des articles que Marc, Dandieu, Aron, Dupuis, Prévost ou mo
146 ’ON et la revue Esprit , les liens personnels ne seront jamais coupés entre les deux branches principales du mouvement person
147 orer jusqu’à la guerre. Une page du carnet intime tenu par Mounier fin 1932 me paraît bien révélatrice des causes du conflit
148 première pour l’ensemble de la collaboration (il est bien vrai que nous nous sommes un peu laissé entraîner).2 Quels so
149 la collaboration (il est bien vrai que nous nous sommes un peu laissé entraîner).2 Quels sont ces articles « venant de l’O
150 s nous sommes un peu laissé entraîner).2 Quels sont ces articles « venant de l’ON » ? J’en trouve trois : Jean-Pierre Car
151 veau », par A. Marc. À coup sûr, ces trois textes sont les plus explosifs du numéro (avec peut-être quelques pages de George
152  ? Il préfère écrire, au seuil du numéro : « Nous sommes le parti de l’esprit avant d’être le parti de la révolution. » Au num
153 méro : « Nous sommes le parti de l’esprit avant d’ être le parti de la révolution. » Au numéro 4, Alexandre Marc donne une im
154 », où l’on peut lire que « la distribution planée sera assurée par un service social obligatoire. Par la participation de ch
155 du groupe, d’abord représenté par Alexandre Marc, fut de loin le plus « révolutionnaire » dans la période de lancement d’ E
156 période de lancement d’ Esprit . En revanche, je suis témoin qu’à quatre ou cinq reprises l’intervention de Marc a seule pr
157 tion de doctrine ou sur une saute d’humeur. Et je fus certes le premier à l’appuyer, comme je fus le seul à collaborer régu
158 Et je fus certes le premier à l’appuyer, comme je fus le seul à collaborer régulièrement aux deux revues, de leur numéro 1
159 de leur numéro 1 jusqu’à la guerre. Mais le fait est que Marc et moi étions fort loin de soupçonner qu’en 1936, l’année mê
160 squ’à la guerre. Mais le fait est que Marc et moi étions fort loin de soupçonner qu’en 1936, l’année même de la publication pa
161 eois (sic) que nous ne pouvons admettre.3 Ce n’ est pas sans tristesse que je transcris ces phrases d’une injustice propr
162 en Cour de Rome), quand il écrit à Berdiaev, qui fut marxiste, Mounier cède aux clichés communistes sur l’ON, dans le même
163 s qu’il écrit à l’archevêque de Paris qu’ Esprit est la seule revue « dirigée et rédigée pour une importante part par des
164 ques » face aux « trois autres grandes revues qui sont de direction communiste », à savoir commune, Europe, et la NRF …5 Vo
165 eût amusé Paulhan. (Mais après tout, si la NRF est « communiste », pourquoi l’ON ne serait-il pas « fasciste » ?) Quelle
166 si la NRF est « communiste », pourquoi l’ON ne serait -il pas « fasciste » ?) Quelle qu’ait été l’importance de ses apports
167 ON ne serait-il pas « fasciste » ?) Quelle qu’ait été l’importance de ses apports à Plans et à Esprit , c’est dans L’Ordr
168 a cohésion de 1930 la guerre. Car jamais unité ne fut achevée à partir d’une plus radicale diversité. Nous étions huit à di
169 evée à partir d’une plus radicale diversité. Nous étions huit à diriger L’Ordre nouveau , si l’on en croit l’en-tête du numér
170 el de la grande tradition socialiste française, n’ était pas seulement notre aîné : il était le seul d’entre nous qui ait lu t
171 française, n’était pas seulement notre aîné : il était le seul d’entre nous qui ait lu tout Marx et tout Proudhon. Auteur d’
172 ard pour sa fameuse Histoire du christianisme. Il est le seul d’entre nous à toucher le grand public en ce temps-là. (Plusi
173 s le bousculer.) Claude Chevalley, mathématicien, est l’un des fondateurs du célèbre groupe « Bourbaki » ; il suit de près
174 ente avec Dandieu. René Dupuis et Jean jardin ont été condisciples de Marc à Sciences Po : le premier y retournera comme pr
175 eur ; le second, qui vient de l’Action française, est alors collaborateur de Dautry à la SNCF. Seul non-Français du groupe,
176 ’une petite maison d’édition protestante, dont je suis censé vivre, tout en écrivant pour la NRF , Esprit , L’Ordre nouve
177 ès tous les jours… Du point de vue religieux, qui est capital, en dépit de ce que pense un vain peuple d’intellectuels pari
178 ON en 1933 : Rops et Jardin (et peut-être Dupuis) sont catholiques déclarés ; moi, protestant d’école barthienne. Arnaud Dan
179 holique, en 1933. La résultante de ces diversités est une neutralité religieuse totale pour l’ensemble du groupe ON, tandis
180 ionnelle d’ Esprit ne fait aucun doute. ⁂ Telles étant donc nos incroyances et nos croyances déclarées, il est intéressant d
181 nc nos incroyances et nos croyances déclarées, il est intéressant de savoir que nous formions un groupe étonnamment compact
182 mment compact, à tel point qu’on ne sait pas quel fut l’apport de qui dans notre doctrine unanime. Sous l’impulsion de Marc
183 numéro de L’Ordre nouveau , beaucoup d’articles sont signés de deux noms, ou d’un nom et d’un pseudonyme, en sorte que la
184 aucune contestation stérile. Toute notre doctrine est de tous. Idée chrétienne peut-être, mais russe assurément. Je donnera
185 on livre intitulé À hauteur d’homme 7. La poésie sera faite par tous répétaient les surréalistes après Lautréamont, qui se
186 . Mais nous savions qu’une société et ses mesures sont affaire de personnes, donc de coopération et de propriété communautai
187 ques et politiques de la pensée personnaliste ont été proposés, formulés et souvent développés en premier lieu par un homme
188 ent, la Nation, voire pris comme source du Droit, est probablement le thème fondamental des écrits d’Alexandre Marc. La rev
189 ière concrète de rappeler au lecteur que l’État n’ est pas autorité, mais seulement pouvoir, ou plus précisément : service p
190 r, ou plus précisément : service public. L’état n’ est pas « la nation organisée » (comme l’affirment les traités de droit f
191 les traités de droit français de l’époque). Il n’ est pas « la Société », ni « la forme politique que tend à revêtit toute
192 à revêtit toute nation civilisée » (Esmein). Il n’ est pas la patrie. Rapportée à l’homme, la patrie n’est ni petite, ni gr
193 pas la patrie. Rapportée à l’homme, la patrie n’ est ni petite, ni grande : elle est humaine. Ses limites — si limites il
194 omme, la patrie n’est ni petite, ni grande : elle est humaine. Ses limites — si limites il y a — ne peuvent être indéfinime
195 ine. Ses limites — si limites il y a — ne peuvent être indéfiniment distendues sans que soit détruit ce sentiment de la fami
196 ne peuvent être indéfiniment distendues sans que soit détruit ce sentiment de la familiarité, du « chez-soi », dont procède
197 ont procède le patriotisme. (ON 32) Si la patrie est chair, attachement, affectivité, la nation représente au contraire « 
198 réalité spirituelle, élective et non native. Elle est le fait de « personnes qui ont su trouver en elles-mêmes la force de
199 catalane. Il n’en reste pas moins que la commune est le lieu privilégié en lequel se trouvent réunis tous les facteurs élé
200 écanisme économico-administratif qui n’en devrait être que le soutien. Par là les valeurs spirituelles se trouvent définitiv
201 r imposer une vision personnaliste de la société, est celle-ci : la source du droit n’est pas l’état, mais la Personne. (No
202 e la société, est celle-ci : la source du droit n’ est pas l’état, mais la Personne. (Notez le jeu des majuscules.) Partant
203 tiquement au culte inhumain de l’état. Ce point a été suffisamment mis en lumière dans tous nos écrits antérieurs pour nous
204 nction entre communauté et société, la communauté étant formée de personnes, « non d’individus ou d’organismes étatiques » (O
205 haft.) Propriété. Le fondement de la propriété n’ est ni dans le mérite, ni dans le travail, ni dans l’utilité, mais dans l
206 ns l’utilité, mais dans la conquête… Le possédant est celui qui marque, que ce soit un objet, une terre, ou le cœur d’un êt
207 nquête… Le possédant est celui qui marque, que ce soit un objet, une terre, ou le cœur d’un être. Ni l’état, ni même la comm
208 que ce soit un objet, une terre, ou le cœur d’un être . Ni l’état, ni même la commune ne pourront rien posséder en tant que
209 ourront rien posséder en tant que tels ; mais ils seront chargés de distribuer aux éléments prolétariens les terres personnell
210 es terres personnelles. (ON 16) Personne. Elle est toujours « supérieure à l’état ». La personne reste à jamais supérieu
211 omme dépasse toujours : la transcendance de cet «  être vertical » qui s’appelle l’homme debout, répond victorieusement à l’«
212 ndamentale du conflit en tant que tel. Le conflit est défini à la fois et inséparablement par la situation de l’homme et pa
213 ne modifiera guère que l’adjectif) : Tout homme est placé dans une certaine situation : c’est ce que les idéalistes sont
214 certaine situation : c’est ce que les idéalistes sont toujours tentés d’oublier. L’homme en général, le citoyen abstrait, l
215 que dans l’imagination déréglée des libéraux ; un être de chair et de sang n’est pas seulement « lui-même », il « est » sa f
216 glée des libéraux ; un être de chair et de sang n’ est pas seulement « lui-même », il « est » sa famille, sa race, sa patrie
217 et de sang n’est pas seulement « lui-même », il «  est  » sa famille, sa race, sa patrie, son milieu social, son métier, sa n
218 rie, son milieu social, son métier, sa nation… Il est sa propre situation. Mais il n’est pas que cela. Tel est le paradoxe
219 sa nation… Il est sa propre situation. Mais il n’ est pas que cela. Tel est le paradoxe fécond du fait agonal (c’est-à-dire
220 propre situation. Mais il n’est pas que cela. Tel est le paradoxe fécond du fait agonal (c’est-à-dire du conflit fondamenta
221 éduction moniste tourne à l’absurde. Si l’homme n’ était que sa situation, celle-ci serait à son tour un pur possible, et non
222 de. Si l’homme n’était que sa situation, celle-ci serait à son tour un pur possible, et non une réalité. Une situation n’est r
223 pur possible, et non une réalité. Une situation n’ est réelle, en effet, que dans la mesure où elle est une, c’est-à-dire da
224 ’est réelle, en effet, que dans la mesure où elle est une, c’est-à-dire dans la mesure où la diversité des éléments (dont s
225 l un abus de langage permet de parler comme s’ils étaient préexistants) se rattache à l’unité d’une perspective. Or, cette pers
226 cette perspective n’existe que parce que l’homme est en quelque manière extérieur à sa situation, parce qu’il connaît l’av
227 ît l’avantage immense du recul. C’est pourquoi il est impossible de parler de la situation de l’homme sans tenir compte de
228 ’homme sans tenir compte de son attitude. Il n’en est peut-être pas ainsi de l’animal dont la situation ne peut être que la
229 e pas ainsi de l’animal dont la situation ne peut être que la résultante d’un concours de circonstances extrinsèques (que l’
230 isme. Pour que cette élimination de la contrainte soit non pas un « vœu », mais une réalité dynamique et progressive, il fau
231 ut dire à personne… : de sorte que l’ordre dans l’ être collectif, comme la santé, la volonté, etc., dans l’animal, n’est le
232 omme la santé, la volonté, etc., dans l’animal, n’ est le fruit d’aucune initiative particulière : il ressort de l’organisat
233 ce de communautés. (ON 37) L’état totalitaire n’ est pas autre chose que l’erreur moniste projetée sur le plan de la vie e
234 ’État-nation, trop petit et trop grand. L’homme n’ est pas fait à l’échelle de ces immenses conglomérats politiques que l’on
235 aie de lui faire prendre pour « sa patrie » : ils sont beaucoup trop grands… ou trop petits pour lui. Trop petits si l’on pr
236 e ce contact direct avec la chair et la terre qui est nécessaire à l’homme. (ON 15) (On sait que l’argument « trop petit e
237 sait que l’argument « trop petit et trop grand » est devenu le pont aux ânes de toute critique fédéraliste de l’État-natio
238 st la patrie concrète, c’est-à-dire la région qui est l’élément constitutif et le fondement réel de notre fédéralisme… L’au
239 notre fédéralisme… L’autonomie de la région doit être développée jusqu’à sa limite extrême : cette limite, c’est l’intérêt
240 citer (non sans scrupules, car ils souffriront d’ être privés de l’éclairage du contexte) me paraissent aujourd’hui correspo
241 leur stabilité, un minimum d’ordre matériel peut être assuré régulièrement (fonction administrative des frontières ; limite
242 n, voici en quelques lignes un condensé de ce qui sera , dans les années septante, le programme des fédéralistes européens :
243 te, dès le congrès de Montreux en 1947. Mais ce n’ est pas seulement la vertu anticipatrice de la pensée de Marc dans les an
244 appe à la relecture, c’est aussi le fait que Marc soit venu à l’Europe par les voies du personnalisme en premier lieu, et pa
245 hèse culturelle, de la vocation mondialisante qui fut la sienne dans ses plus hauts moments, et des menaces de colonisation
246 aujourd’hui sur nos peuples, à l’Ouest comme à l’ Est . Mais on peut aussi partir d’une conception de l’homme et de sa vocat
247 u redevienne européen, la pensée d’Alexandre Marc est promise à beaucoup d’avenir. 1. Cf. mon essai « Adieu, beau désordr
3 1974, Articles divers (1974-1977). Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)
248 Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)m Deux téléphones Octobre 1930 Je viens de passer m
249 ns protestantes en formation. La décision pouvait être prise dès le lendemain, mais serais-je candidat ? Il fallait une répo
250 écision pouvait être prise dès le lendemain, mais serais -je candidat ? Il fallait une réponse immédiate… Trois mois plus tard
251 de l’Occident, politique et social. 5 mai 1941 J’ étais allé passer le week-end à Long Island, et le dimanche matin déjà, j’a
252 a légation suisse de Washington. La place à l’OWI sera déclarée vacante demain après-midi, et sans doute aussitôt repourvue.
253 demain matin, j’ai les plus grandes chances. J’y suis allé le lendemain à neuf heures, et une demi-heure plus tard, je me m
254 d’announcers comme on dit en anglais — speaker n’ étant employé qu’en français — qui allaient devenir mes collaborateurs quot
255 e Saint-Exupéry. Lettres vues Le phénomène s’ est produit à plusieurs reprises dans ma vie : voir des lettres en route
256 pportera demain matin cet « homme de lettres » qu’ est le facteur, selon Voltaire. Ces incidents, dénués de sens utile, n’en
257 ’attendait à la lisière de cette forêt tel soir d’ été , quel sujet d’examen venait de m’être réservé, ou quelles lettres j’a
258 t tel soir d’été, quel sujet d’examen venait de m’ être réservé, ou quelles lettres j’allais recevoir le lendemain. Le soir m
259 vus dans une lumière sobre et mate.) Telle a donc été ma « vision » : formats et couleurs très nettement perçus, mais rien
260 tres fois. Le père Reinecke, survenu peu après, n’ est pas encore convaincu. Il prétend que je savais qui allait m’écrire, e
261 de sur un petit fait indifférent en soi, et qui n’ est pas encore « arrivé » dans le temps. Les trois lettres sont timbrées
262 ncore « arrivé » dans le temps. Les trois lettres sont timbrées d’hier, deux à Genève dans la matinée, une à Neuchâtel à sep
263 une à Neuchâtel à sept heures du soir. Celle qui est bordée de noir est d’un ami ainé, Robert de Traz, qui mentionne en pa
264 sept heures du soir. Celle qui est bordée de noir est d’un ami ainé, Robert de Traz, qui mentionne en passant la mort de sa
265 , survenue il y a quelques jours. La lettre bleue est de Pierre Girard, personnage imprévisible s’il en fut, et je n’avais
266 de Pierre Girard, personnage imprévisible s’il en fut , et je n’avais aucune raison d’attendre qu’il m’écrive. Quant à l’env
267 16 mars 1942 Réveillé il y a quelques minutes, il est onze heures du matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre est-el
268 lques minutes, il est onze heures du matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre est-elle pliée en deux ? Ma boite est b
269 u matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre est -elle pliée en deux ? Ma boite est bien assez profonde pour ce format,
270 oi cette lettre est-elle pliée en deux ? Ma boite est bien assez profonde pour ce format, le facteur devrait le savoir ! »
271 oite métallique. J’ai passé ma robe de chambre et suis descendu les trois étages jusqu’au vestibule : oui, c’est cela, l’env
272 au vestibule : oui, c’est cela, l’enveloppe grise est là, pliée. (Une facture de blanchisseur !) Il me semble que la chose
273 de blanchisseur !) Il me semble que la chose ne m’ était plus arrivée depuis douze ou treize ans, depuis Calw… Ma faculté de p
274 sément, chaque fois qu’elle se manifestait, que j’ étais déconnecté du monde de l’utile. « Tiens, voilà le diable ! » Le
275 que j’étais déconnecté du monde de l’utile. «  Tiens , voilà le diable ! » Le mercredi des Cendres de 1942, dans un stud
276 La salle étroite et profonde paraît vide. Il doit être environ neuf heures et demie. J’hésite sur le seuil : va-t-on me serv
277 ent. L’un des hommes m’ayant remarqué s’écrie : «  Tiens , voilà le diable ! » Les autres se retournent à demi et rient. J’ai f
278 fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je suis monté sans dîner chez mes amis. Trois pannes d’électricité Au m
279 r d’une lampe à pétrole hâtivement allumée et que tenait mon père. Soixante-sept ans plus tard, je donnais la leçon inaugurale
280 vérité, à y regarder de plus près, l’État-nation est bien malade », sur le mot « près » les lumières revinrent. Cet incide
281 ui a marqué ma naissance, mais une soirée où nous fûmes « visités » dans notre maison de Ferney, le 29 juin 1954. Après le dî
282 ès le dîner, sentant l’atmosphère favorable, nous étions six et heureusement accordés, je suggérai que l’on jouât aux question
283 hérien de langue française ». L’une des questions était  : « Qu’arriverait-il si Jean-Paul devenait pape ? » Et la réponse : «
284 -Paul devenait pape ? » Et la réponse : « Le pape serait luthérien. » Deuxième échange. « Qu’est-ce que la mystique ? » Répons
285 e pape serait luthérien. » Deuxième échange. « Qu’ est -ce que la mystique ? » Réponse : « C’est un petit jardin fermé qui s’
286 uvrira à Pâques. » (On sait que le hortus clausus est un symbole fondamental du mysticisme, flamand et rhénan notamment.) M
287 s de, « Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées », Gymnase cantonal de Neuchâtel : 1873-1973, Neuchâtel, Gym
4 1974, Articles divers (1974-1977). Un modèle pour l’Europe ? (1974)
288 n sauf du tonnerre. Les Helvètes d’aujourd’hui ne sont pas moins courageux, ils ne craignent même plus la foudre — éventuell
289 les empêche d’assumer leur vocation. Lorsqu’il m’ est arrivé de soutenir quelques idées sur le rôle de la Suisse dans le mo
290 monde, ou du moins à l’échelle de l’Europe, je me suis fait répondre en haut lieu comme dans nos journaux : « Restons modest
291 ans nos journaux : « Restons modestes ! La Suisse est un petit pays qui doit savoir se tenir à sa place. En proposant de gr
292  ! La Suisse est un petit pays qui doit savoir se tenir à sa place. En proposant de grandes idées pour l’avenir du continent,
293 venir du continent, elle n’aurait aucune chance d’ être écoutée, ou bien se couvrirait de ridicule. » Je persiste à penser, a
294 nce ou la grandeur d’une vocation communautaire n’ est pas fonction du territoire occupé par le groupe humain qui en est le
295 du territoire occupé par le groupe humain qui en est le porteur. Les Suisses sont les dépositaires d’une grande idée, don
296 groupe humain qui en est le porteur. Les Suisses sont les dépositaires d’une grande idée, dont je crains qu’ils la comprenn
297 si bien pratiquée pendant des siècles. Cette idée est leur histoire même. Bien avant d’être leur « message » (au moins virt
298 . Cette idée est leur histoire même. Bien avant d’ être leur « message » (au moins virtuel), elle a été le principe de leur u
299 ’être leur « message » (au moins virtuel), elle a été le principe de leur union, la formule de leur identité, la condition
300 é vécue, du xiiie au xixe siècle. Mais le mot n’ est jamais prononcé avant le deuxième quart du xixe siècle. C’est à croi
301 contre les « empiètements » du pouvoir fédéral. ( Être fédéraliste, pour tel Vaudois fameux, se réduisait à être « contre Be
302 éraliste, pour tel Vaudois fameux, se réduisait à être « contre Berne ».) Rien n’est moins fidèle à l’esprit et à la genèse
303 ux, se réduisait à être « contre Berne ».) Rien n’ est moins fidèle à l’esprit et à la genèse historique des institutions do
304 genèse historique des institutions dont la Suisse est issue. Il est faux de répéter, comme les manuels de mon enfance, que
305 que des institutions dont la Suisse est issue. Il est faux de répéter, comme les manuels de mon enfance, que la Confédérati
306 es manuels de mon enfance, que la Confédération a été fondée par « les trois cantons primitifs », tandis que dix-neuf autre
307 ix-neuf autres « cantons », au cours des siècles, seraient « entrés » successivement dans le pacte de 1291. De fait, personne n’
308 vement dans le pacte de 1291. De fait, personne n’ est jamais « entré » dans le pacte et celui-ci n’a pas été conclu entre d
309 amais « entré » dans le pacte et celui-ci n’a pas été conclu entre des « cantons », inexistants au xiiie siècle, mais entr
310 Orte, universitates dans le texte original) qui n’ étaient nullement des États et ne se prétendaient nullement souveraines, mais
311 veraines, mais voulaient rester autonomes, ce qui est tout à fait différent. La Suisse est née de la fédération tout empiri
312 omes, ce qui est tout à fait différent. La Suisse est née de la fédération tout empirique de communes forestières, de ville
313 ns » en 1848. La formule créatrice de la Suisse a été  : des communes à la fédération, et non pas : des États souverains à u
314 édérale. (Le terme de canton comme État souverain est relativement récent : inconnu avant le xiiie siècle et fortement con
315 qui ont peu à peu formé la fédération suisse ont été motivées par la double nécessité de protéger leur autonomie et de s’u
316 dération…) Or c’est exactement cette solution qui serait susceptible de résoudre les principales difficultés de la société occ
317 ine méthode fédéraliste veut alors que ces tâches soient attribuées à des communautés de niveau supérieur, continentales le pl
318 ouvent, parfois mondiale. C’est ainsi que le CERN est né, parce que les dimensions de la tâche (conception, construction et
319 t qu’à l’instar des nations qui l’entourent, elle est de plus en plus tentée de se considérer comme un État fermé et limité
320 ter un « Sonderfall ». (Or son cas, justement, ne serait « exceptionnel » que si la Suisse se montrait insensible aux réflexes
321 t insensible aux réflexes stato-nationalistes qui sont communs à ses voisins.) Pour tout dire en une phrase qui rappelle la
322 contre Staline, le fédéralisme dans un seul pays est impraticable. Bloquer le processus fédéraliste aux frontières de notr
323 lisme à toute l’Europe, en attendant le monde, ce serait de l’orgueil, de la jactance, pire encore, de la vanité ! Soyons mode
324 ueil, de la jactance, pire encore, de la vanité ! Soyons modestes ! » Nous nous trouvons ici devant une confusion morale, typi
325 rs. La seule chance de durée de notre fédéralisme est dans son extension à toute l’Europe — de proche en proche. (Et l’on p
326 t des États nationaux : notre Conseil fédéral. Il est certain que la formule napoléonienne de l’État-nation souverain, indi
327 t-nation souverain, indivisible et centraliste, n’ est plus adaptée au monde d’aujourd’hui et le sera moins encore au monde
328 , n’est plus adaptée au monde d’aujourd’hui et le sera moins encore au monde de demain. Les réalités économiques exigent d’u
329 et d’autre part des aménagements régionaux qui ne tiennent aucun compte des frontières politiques. Il en va de même pour les réa
330 d’hui des aspects continentaux et régionaux qu’il est devenu pratiquement impossible de manipuler à l’échelle nationale, et
331 ’appuie pas sur le relai stato-national, mais qui soit capable simultanément de gérer les intérêts communs à l’échelle conti
332 par ces agences européennes d’un type nouveau que sont dans le domaine économique la CEE, et dans le domaine de la recherche
333 agences de formule comparable devront sans doute être créées, dans les années à venir, pour répondre aux besoins croissants
334 vice des gouvernements et des états-majors. Elles seront responsables non pas devant les États nationaux, mais devant un parle
335 européen. Cette idée d’un gouvernement européen n’ est pas seulement, je le répète, la plus rationnelle que l’on puisse imag
336 déjà, sur la dizaine des agences à prévoir, deux sont à l’œuvre, et la nécessité d’en créer d’urgence deux autres — pour l’
337 ence deux autres — pour l’énergie et la monnaie — est devenue sensible même aux stato-nationalistes les plus obtus, au cour
338 1. Art. 3 et 5 de la Constitution. 12. Pays de l’ Est compris, mais non l’URSS. b. Rougemont Denis de, « Un modèle pour l
5 1974, Articles divers (1974-1977). Philosophie du prix littéraire Prince-Pierre-de-Monaco (1974)
339 il partage seul avec le prix Nobel le privilège d’ être à la fois littéraire et international — mais qu’il ajoute à cette dis
340 qu’il ajoute à cette distinction majeure, celle d’ être uniquement de langue française. International et français, « il faut
341 ’hui. Mais d’abord, il fallait le concevoir. Ce n’ était guère possible à Paris, qui a toujours peine à croire qu’au-delà de s
342 at gouverné par un grand ami des Lettres, — et ce fut le Prince Rainier III de Monaco. ⁂ Je ne me lasserai jamais de chante
343 ire du petit État dans la culture européenne, qui est née de lui. Le petit État présente sur le grand à peu près tous les a
344 s. Voyez les statistiques de notre continent : il est régulièrement en tête de liste pour le revenu par habitant, la qualit
345 aux, des écoles, et des brevets d’invention. Il n’ est en somme qu’un privilège qu’il doive céder au grand État, c’est celui
346 tres, et la philosophie qui oriente les sciences, sont nées de nos cités-États médiévales, renaissantes ou romantiques, Pado
347 doue, Tolède, Oxford, le Paris de la Sorbonne qui était une commune libre ; la Nuremberg de Dürer ; les villes libres de la H
348 h, Salzbourg… Toute la grande culture de l’Europe est née de foyers locaux ou régionaux, et ne doit rien aux dimensions ter
349 tats-nations modernes. En revanche la langue, qui est l’âme de toute culture, ne connaît pas les frontières politiques nées
350 le rythme de variation des domaines linguistiques est millénaire ! Voilà qui fait sentir à quel point la culture et la poli
351 t de toute évidence aucune frontière commune — ce serait miracle, et ce miracle, sauf peut-être en Islande, ne s’est jamais pr
352 e, et ce miracle, sauf peut-être en Islande, ne s’ est jamais produit —, il est d’autres frontières, au sein de la culture m
353 ut-être en Islande, ne s’est jamais produit —, il est d’autres frontières, au sein de la culture même, qu’il importe avant
354 mporte avant tout d’effacer dans nos têtes, et ce sont les frontières des genres, inventions de pédants écolâtres qui séviss
355 ués, qu’au sens américain du mot la fiction seule est création, que les jeux du roman sans sujet, des poèmes « éclatés » et
356 moignent seuls d’un génie inventif, tout le reste étant non-fiction, c’est-à-dire non-littérature, où l’on jette pêle-mêle le
357 aute de mieux, l’on nomme « essais », quels qu’en soient les sujets et le style, les dimensions et l’ambition intellectuelle.
358 emple de Gnide, et non pas à L’Esprit des lois, d’ être qualifié d’écrivain, Rousseau au seul Devin de village, non pas aux C
359 pas aux Confessions ni au Contrat social, qui ne sont pas « fictions » — du moins l’affirme-t-il… Or, une fois prise la tr
6 1974, Articles divers (1974-1977). À propos de Théodore Strawinsky [préface] (1974)
360 ent des gens de pinceau (ou mieux, de formes), il serait décent qu’au lieu d’en profiter pour jouer les critiques d’art qu’ils
361 profiter pour jouer les critiques d’art qu’ils ne sont pas, ils se contentent de dire en amateurs qu’ils devraient être — et
362 e contentent de dire en amateurs qu’ils devraient être — et quel beau titre : celui qui aime ! — ce qu’ils éprouvent devant
363 peinture de Théodore Strawinsky n’exige pas pour être vue et pour donner plaisir à voir la médiation, entre elle et l’œil,
364 elle et l’œil, d’une théorie et d’un jargon. Il n’ est donc pas facile d’en parler — et voilà qui est devenu plutôt rare auj
365 n’est donc pas facile d’en parler — et voilà qui est devenu plutôt rare aujourd’hui, où tant d’artistes exposent des produ
366 cage, et dans une galerie allemande, un artiste s’ est borné à s’exposer lui-même. Tout cela peut inquiéter ou amuser. Tout
367 its, dessins, fragments ou grandes œuvres murales sont des produits de la main maniant le pinceau, la craie, selon les exige
368 rd ces cours du soir du snobisme intellectuel que sont devenues tant de revues et de feuilles imprimées dans le vent, pleine
369 magique, si l’on songe que le cosmos tout entier est fait de vide, ponctué d’électrons infinitésimaux plus éloignés les un
370 éloignés les uns des autres que les étoiles ne le sont de la terre, et que c’est sur ce vide sidéral, infini, cette vacuité
371 res de Théodore Strawinsky, celles que je préfère sont par exemple une certaine toute petite nature morte aux trois cerises,
372 concises, révélant leur essence et leur qualité d’ être , mais laissant transparaître partout la texture de la toile ou de la
373 inceau ! — l’envie de participer à ce travail qui est , chez l’artiste sensible au spirituel, la vraie part du sacré autant
374 acré, quoi qu’en écrive André Malraux, car s’il n’ est pas un art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’en est pas non pl
375 alraux, car s’il n’est pas un art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’en est pas non plus qui ne tire du sacré sa raiso
376 n art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’en est pas non plus qui ne tire du sacré sa raison d’être indiscutable, j’en
377 est pas non plus qui ne tire du sacré sa raison d’ être indiscutable, j’entends bien : de n’être pas discuté, d’être reçu. L’
378 raison d’être indiscutable, j’entends bien : de n’ être pas discuté, d’être reçu. L’art et la technique même de Théodore ne s
379 utable, j’entends bien : de n’être pas discuté, d’ être reçu. L’art et la technique même de Théodore ne sont pas plus indépen
380 e reçu. L’art et la technique même de Théodore ne sont pas plus indépendants de son respect du sens premier, du référentiel
381 spect du sens premier, du référentiel absolu, qui est le sacré dans son action indéfiniment créatrice, que ne le sont l’art
382 dans son action indéfiniment créatrice, que ne le sont l’art et la technique de l’auteur du Sacre du Printemps. Et c’est en
383 tre émouvante du père : « Ton merveilleux livre m’ est cher infiniment et me donne de la joie. Avec quelle conviction, quel
384 ituels de ton père, que tu as manifestement faits tiens . » « Les intérêts spirituels » du père… Il se trouve que j’écris ces
385 e, le futur Jean XXIII, pape de l’œcuménisme, qui est la forme sublime du fédéralisme, de l’unité dans la diversité, hors d
386 amais assez : ce dont l’Église a besoin, ce qui a été consacré en l’an 787 par le IIe concile œcuménique de Nicée, c’est le
387 ée de tout réalisme (mais le danger aujourd’hui n’ est pas là) doit fournir dans un style à la fois monumental et décoratif,
388 de ce monde — cette transfiguration qui se trouve être le nom théologique, le sujet même du chef-d’œuvre à ce jour de Théodo
7 1974, Articles divers (1974-1977). Recherche pour un modèle de société européenne (février 1974)
389 e — ne satisfont plus, ne marchent plus, et qu’il est temps d’inventer mieux. Et en troisième lieu, si l’on recherche un mo
390 odèles étrangers et pour nous aliénants, comme le seraient les modèles américains, ou russes, ou chinois. Cela ne signifie pas u
391 ou chinois. Cela ne signifie pas un instant qu’on tienne l’Europe pour supérieure — ou inférieure — à telle autre partie du mo
392 ifiques. Ces solutions spécifiques, par la suite, seront -elles valables pour le reste du monde ? Je n’en sais rien et n’ose pa
393 du repli résigné que de la volonté de dominer (ne fût -ce que moralement) ou de se poser en modèle exemplaire. Une troisième
394 modèle exemplaire. Une troisième possibilité qui serait en somme : la réponse particulière des Européens au défi de la crise
395 son avenir et celui de l’espèce humaine ; et il y est contraint du seul fait qu’il en a, pour la première fois, la liberté.
396 erves existantes ou encore à découvrir de pétrole seront épuisées d’ici soixante-dix ans, ou d’ici trente ans, voire d’ici vin
397 e, leur répond — et je le cite — que ces réserves sont « pratiquement inépuisables, en dépit des théoriciens de l’Apocalypse
398 x ans, et que des mesures de rationnement devront être décrétées dans huit ans. Même jeu pour les métaux nécessaires à l’ind
399 er une politique du pétrole ? ou du cuivre ? Ce n’ est pas tout. Une troisième sorte de prévision a cours dans notre société
400 r des calculs irréfutables. Mais cela ne peut pas être vrai, pour les deux raisons que voici : 1) Il serait déjà très diffic
401 tre vrai, pour les deux raisons que voici : 1) Il serait déjà très difficile de doubler notre production d’énergie d’ici 1980 
402 si nos esprits de la seule question sérieuse, qui est la suivante : étant donné l’impossibilité manifeste d’accroître indéf
403 la seule question sérieuse, qui est la suivante : étant donné l’impossibilité manifeste d’accroître indéfiniment notre consom
404 , cela durera bien autant qu’eux… Admettons qu’il est plus prudent, en tout état de cause, de suivre les futurologues souci
405 ogues calculent un avenir de catastrophes, que ce soit à moyen ou à long terme. Ils nous annoncent des désastres en chaîne,
406 e — et c’est je crois sa formule la plus simple — est née de la volonté typiquement occidentale de croissance illimitée dan
407 mitée dans un monde dont nous avions oublié qu’il est irrévocablement limité. C’est la découverte, puis la prise de consci
408 e temps de doublement de la population du globe n’ était plus que de trente-cinq ans, nous a permis à tous de calculer qu’à ce
409 a permis à tous de calculer qu’à ce taux-là, nous serions six milliards et demi en l’an 2000, 26 milliards en 2070, 208 milliar
410 2000, 26 milliards en 2070, 208 milliards en 2171 soit 1400 habitants au km2 (densité des grandes villes actuelles, étendue
411 e m’arrête là dans mes calculs, mais d’autres ont été plus loin. Je lis dans le beau livre de Paul Ehrlich, Population, res
412 liards d’âmes dans mille ans d’ici, et sa densité serait de deux-mille habitants au mètre carré du sol émergé et immergé ! Mai
413 ues milliards d’années, tout l’univers visible ne serait plus qu’une sphère d’êtres humains, dont le diamètre s’allongerait à
414 l’univers visible ne serait plus qu’une sphère d’ êtres humains, dont le diamètre s’allongerait à la vitesse de la lumière.
415 un jour. La croissance démographique ne peut pas être illimitée. Il faudra bien que quelque chose l’arrête, un jour ou l’au
416 e, un jour ou l’autre. Si l’on ne veut pas que ce soit une catastrophe, il faudra bien que ce soit une libre décision des ho
417 ue ce soit une catastrophe, il faudra bien que ce soit une libre décision des hommes et des femmes. Mais où s’arrêter ? quan
418 evenir exponentielle. La croissance démographique est due en bonne partie aux succès de la science occidentale, laquelle es
419 ie aux succès de la science occidentale, laquelle est aussi à l’origine de la croissance industrielle et technique. Mais to
420 tés*13 très inquiétants… Tout cela, je le répète, est assez exactement quantifiable, mesurable et datable. Cette Apocalypse
421 ante ans, un siècle au mieux — selon les auteurs, est calculée par de nombreux futurologues qu’on dit atteints de sinistros
422 es qu’on dit atteints de sinistrose, mais dont je serais tenté de dire qu’ils pèchent au contraire par excès d’optimisme : car
423 r excès d’optimisme : car pour spectaculaires que soient les catastrophes prévues par leurs méthodes plus ou moins rigoureuses
424 s peur que celles dont ils ne parlent pas, et qui sont liées inexorablement aux succès de la croissance des villes, des méga
425 de les faire mentir. Car elles ne demandent qu’à être démenties, on peut même dire qu’elles ne sont là que pour ça. Si on n
426 u’à être démenties, on peut même dire qu’elles ne sont là que pour ça. Si on ne les croit pas, parce qu’on les juge trop pes
427 d elle touchera le sol.) Mais les futurologues ne sont pas tous pessimistes, il s’en faut. Les plus connus du grand public,
428 les pouvoirs, et pour tout dire les mieux payés, sont ceux qui nous annoncent encore l’âge d’or pour le siècle qui vient, t
429 ction précise sur l’opinion mondiale. Herman Kahn est l’auteur, avec Anthony J. Wiener, d’un ouvrage célèbre sur L’An 2000.
430 e célèbre sur L’An 2000. Son système de prévision est le plus simple qu’on ait jamais imaginé : il repose entièrement sur l
431 it donc de supputer les inventions techniques qui seront faites dans ce temps, et les conséquences politiques qu’elles entraîn
432 méthode n’eût pas permis de prévoir, si elle eût été appliquée vers 1900. Parmi les événements qu’ils qualifient de « surp
433 de son propre auteur, elle les aurait ratés. Ils étaient en effet, comme il le dit, « surprenants et presque toujours inattend
434 rprenants et presque toujours inattendus ». Ils n’ étaient en somme pas sérieux, pas scientifiques, puisque pas mesurables. Ils
435 x, pas scientifiques, puisque pas mesurables. Ils étaient simplement… historiques ! Au surplus, qu’ils soient pessimistes comme
436 ient simplement… historiques ! Au surplus, qu’ils soient pessimistes comme Meadows, Ehrlich, G. Rattray Taylor, Georg Picht, J
437 Dorst, Edward Goldsmith ou René Dubos, ou qu’ils soient optimistes comme Herman Kahn, quelques PDG de choc à la mode d’avant-
438 aître ses responsabilités. Si utiles que puissent être ceux qui calculent nos risques et définissent les contraintes que nou
439 de fonder la politique de notre avenir prochain, soit parce qu’ils ne veulent pas choisir ses buts, soit parce qu’ils rédui
440 oit parce qu’ils ne veulent pas choisir ses buts, soit parce qu’ils réduisent tout à la technologie. Ni les uns ni les autre
441 l’auto mériterait une très ample monographie. Je suis parfois tenté d’écrire cette épopée, ou cette histoire de fous, qui a
442 c’est-à-dire une machine agricole à moteur. « Ce fut mon chemin de Damas », écrit-il cinquante ans plus tard. Depuis l’ins
443 chine de route », sa grande et constante ambition fut d’en construire une semblable pour partir au hasard sur les routes de
444 ze millions de voitures par an. La General Motors est la plus grande firme du monde, l’industrie automobile domine l’évolut
445 mine l’évolution mondiale des industries. Or elle est née, cette industrie n° 1, du fantasme d’un adolescent fugueur, fasci
446 pétrole, et que le pétrole consommé par l’Europe est détenu à 80 % par les pays arabes, voilà la politique mondiale et l’e
447 u’à nos jours. Enfin, la crise monétaire mondiale est due principalement, m’expliquent des banquiers, aux milliards de doll
448 l’économie tout entière suspendues à l’auto, qui est elle-même suspendue aux ressources de pétrole, qui dépendent de la po
449 ui dépendent de la politique des Arabes, laquelle est déterminée par l’existence d’Israël, qui a été rendue possible et néc
450 le est déterminée par l’existence d’Israël, qui a été rendue possible et nécessaire par les camps de la mort et de la folie
451 Herman Kahn vient d’avouer qu’à ses yeux, Hitler était méthodiquement imprévisible. Pourtant d’autres méthodes l’ont bel et
452 eurs » et décrit d’une manière saisissante ce que sera la vie des ouvriers dans les pays totalitaires du xxe siècle. Dans l
453 èvement logique de nos États-nations, lesquels se sont constitués depuis cent-cinquante ans aux dépens des communautés réell
454 euple vers une communauté nouvelle. Cette réponse est mauvaise, voire atroce, mais c’est une réponse tout de même, alors qu
455 son importance fondamentale. Mais l’État-nation n’ est pas seulement responsable de la décadence des liens communautaires, d
456 ion de notre terre et de ses ressources. Mais qui était le Gérant responsable ? La réponse est dangereusement simple. Les res
457 Mais qui était le Gérant responsable ? La réponse est dangereusement simple. Les responsables sont les États-nations, nés e
458 ponse est dangereusement simple. Les responsables sont les États-nations, nés et multipliés sur toute la terre, au xxe sièc
459 multipliés sur toute la terre, au xxe siècle. Ce sont eux seuls qui ont prétendu gérer la terre. Qui s’en sont octroyé le d
460 x seuls qui ont prétendu gérer la terre. Qui s’en sont octroyé le droit souverain. Eux seuls qui en avaient les moyens. Et v
461 ur seul prestige ; en vue de la guerre, dont tous sont nés. Ils ont créé l’économie industrielle sur la base et dans le cadr
462 ntières nationales, et pour leurs seuls intérêts, fussent -ils contraires aux intérêts de leurs habitants et de l’humanité en gé
463 sulte de cette mauvaise gestion de la terre, nous tenons donc un responsable incontesté, l’État-nation souverain sur toutes ch
464 du sur toute la terre. Et avec cela, le principal est sinon dit, du moins très clairement annoncé, sur la recherche que je
465 oblème très sérieux, voire formidable. Nous avons été formés par quatre ou cinq générations d’instruction publique à consid
466 ruction publique à considérer que l’État national est l’aboutissement suprême de toute l’histoire. Qu’il n’y a rien à imagi
467  ; environ 150 États-nations, dont les deux tiers sont nés au xxe siècle. Ils se touchent tous : plus de jeu, plus de vide
468 épète non sans quelque emphase que le xxe siècle est le siècle des nations, que la nation est la réalité par excellence du
469 siècle est le siècle des nations, que la nation est la réalité par excellence du xxe siècle. Je lui réponds : oui, mais
470 ssi, la pollution aussi, l’État totalitaire aussi sont des « réalités » typiques du siècle. Ce n’est pas une raison pour les
471 si sont des « réalités » typiques du siècle. Ce n’ est pas une raison pour les accepter, moins encore pour les glorifier. En
472 de près14, nous nous apercevons que l’État-nation est bien malade. Et tout d’abord, sa souveraineté prétendue est de plus e
473 alade. Et tout d’abord, sa souveraineté prétendue est de plus en plus illusoire. Selon Jean Bodin (xvie siècle), la souver
474 que supranationale. Ce dernier refus, d’ailleurs, est particulièrement maladroit, et révèle bien la faiblesse réelle de l’É
475 en la faiblesse réelle de l’État-nation ; tant il est clair qu’aucun problème écologique ne se laisse définir par nos front
476 spondent aux mêmes frontières, et ce miracle ne s’ est jamais réalisé. L’idée de la coïncidence territoriale de l’idéologie,
477 , de l’économie, de l’état civil et de la culture serait proprement délirante si elle ne s’expliquait pas nécessairement par l
478 pliquait pas nécessairement par la guerre. Elle n’ est plus tenable au xxe siècle. L’État-nation ne répond plus aux problèm
479 encore moins aux réalités civiques. L’État-nation est à la fois trop petit et trop grand. Trop petit pour jouer un rôle int
480 ée à d’autres civilisations ou cultures, l’Europe est caractérisée par une extrême diversité, due aux sources multiples de
481 ns, plus tard des Arabes au Sud et des Slaves à l’ Est . Impossible donc de concevoir une union européenne sur un modèle stat
482 ple confédération fondée sur des États souverains serait contradictoire dans les termes, impraticable. C’est l’idéal qu’affirm
483 . La seule forme d’union concevable et praticable étant donné les réalités spécifiquement européennes, serait une fédération
484 nt donné les réalités spécifiquement européennes, serait une fédération fondée sur des régions, plus petites que nos États act
485 ue je conçois et cherche à repérer, à définir, ne seront pas des mini-États-nations qui reproduiraient en pire les prétentions
486 onnelles, c’est-à-dire définies par des fonctions soit économiques, soit culturelles et éducatives, soit écologiques, soit s
487 dire définies par des fonctions soit économiques, soit culturelles et éducatives, soit écologiques, soit sociales, et dont l
488 soit économiques, soit culturelles et éducatives, soit écologiques, soit sociales, et dont les aires territoriales ne se rec
489 soit culturelles et éducatives, soit écologiques, soit sociales, et dont les aires territoriales ne se recouvrent pas plus q
490 ersement superposées. Mais justement : complexité est l’un des mots-clés du modèle recherché, l’un des mots-clés de l’Europ
491 La motivation la plus profonde du modèle régional étant d’offrir une structure de participation civique à la personne, elle i
492 es petites communautés. Là seulement l’homme peut être vraiment libre, car là seulement il est vraiment responsable. Jean-Ja
493 mme peut être vraiment libre, car là seulement il est vraiment responsable. Jean-Jacques Rousseau l’avait déjà bien vu et t
494 de prise sur ses réalités, moins nombreux donc y sont les responsables de tout ordre, à tel point que dans un grand pays, i
495 omme en général. 13. À l’instant même où ce mot était prononcé, les lumières s’éteignirent dans tout le canton de Genève. C
8 1974, Articles divers (1974-1977). L’Europe des régions (juin-juillet 1974)
496 ’Europe. La simultanéité de cette remise en cause est -elle purement fortuite ? Je ne pense pas qu’il y ait une crise de la
497 une montée puissante de l’idée de région. Ce qui est en crise c’est l’État-nation napoléonien qui s’oppose aux régions et
498 ant à la simultanéité des deux phénomènes, elle n’ est aucunement fortuite ; à mesure que les frontières s’abaissent, les ré
499 es des deux côtés de la frontière, qui ne peuvent être résolus d’un seul côté. Le Marché commun en 1960-1961 a commencé à ét
500 grandes régions. Or, sur les 9, deux seulement n’ étaient pas transfrontalières : Paris et l’Auvergne ; toutes les autres étaie
501 alières : Paris et l’Auvergne ; toutes les autres étaient transfrontalières, y compris la Bretagne, liée au monde atlantique, c
502 sque toutes les régions intéressantes de l’Europe sont transfrontalières ; elles ne sont pas ethniques. Elles le sont dans c
503 tes de l’Europe sont transfrontalières ; elles ne sont pas ethniques. Elles le sont dans certains cas, où vous avez par exem
504 ntalières ; elles ne sont pas ethniques. Elles le sont dans certains cas, où vous avez par exemple les Basques et les Catala
505 avez par exemple les Basques et les Catalans qui sont , eux, à la fois dans des régions ethniques et transfrontalières. Ils
506 es régions ethniques et transfrontalières. Ils ne sont nullement séparés, mais au contraire reliés par les Pyrénées. On nous
507 s par les Pyrénées. On nous a raconté que le Rhin était une frontière naturelle entre les Français et les Allemands. Admetton
508 ds. Admettons cela ; mais alors pourquoi le Rhône est -il un lien naturel entre la Provence et les gens qui habitent du côté
509 mporte quoi pour les besoins de la cause. Comment êtes -vous parvenu à associer l’idée d’Europe à l’idée de région ? C’est à
510 région ? C’est à partir de l’idée d’Europe que je suis parvenu à l’idée de région. J’ai pensé, avec beaucoup de gens, au len
511 eaucoup de gens, au lendemain de la guerre, qu’il était vital de « faire l’Europe » comme on disait, d’arriver à une union fé
512 à une union fédérale, ou d’un autre type. Je me suis aperçu très vite qu’on ne pourrait pas y arriver à cause de la formul
513 unie. D’autre part, dans la faible mesure où l’on est arrivé à abaisser un peu les frontières, on s’aperçoit que les région
514 ères, on s’aperçoit que les régions resurgissent, soit qu’il s’agisse d’anciennes provinces dont le relief avait été effacé
515 agisse d’anciennes provinces dont le relief avait été effacé par le bulldozer du jacobinisme, soit qu’il s’agisse de région
516 avait été effacé par le bulldozer du jacobinisme, soit qu’il s’agisse de régions nouvelles, ou créées par l’économie et par
517 deux types de régions : les régions ethniques qui sont les plus visibles, et les plus brillantes, et à mon sens peut-être le
518 peut-être les moins sérieuses, et les régions qui sont définies par un certain nombre de facteurs à la fois ethniques, écono
519 dites-vous que le phénomène des régions ethniques est peut-être le moins sérieux ? Attention, j’ai dit cela dans un sens po
520 eut pas bâtir des régions sur un seul facteur qui serait la langue par exemple : les Bretons réclament une région Bretagne, ma
521 s Bretons réclament une région Bretagne, mais ils sont obligés de constater que le Breton n’est parlé que dans une partie du
522 ais ils sont obligés de constater que le Breton n’ est parlé que dans une partie du pays, le reste c’est le gallo qui va jus
523 i va jusqu’à Rennes et jusqu’à Nantes, villes qui sont indispensables, du point de vue économique, à la vie de cette région 
524 e « lit de Procuste » d’une frontière commune qui serait un mini-État-nation. Ce qu’il nous faut éviter à tout prix. Je pense
525 0 mini États-nations, au lieu de 25 États-nations serait aggraver le mal « stato-national » d’une manière absolument insupport
526 ’heure que la définition d’une région aujourd’hui est beaucoup plus complexe. Qu’elle peut être économique aussi bien qu’et
527 ourd’hui est beaucoup plus complexe. Qu’elle peut être économique aussi bien qu’ethnique, qu’elle peut être une question de
528 e économique aussi bien qu’ethnique, qu’elle peut être une question de tradition, ou de développement nouveau, d’ouverture s
529 ir ; que la plupart des régions intéressantes qui sont en train de prendre forme en Europe sont transnationales, donc par-de
530 ntes qui sont en train de prendre forme en Europe sont transnationales, donc par-dessus les frontières. Il y a là toute une
531 s. Il y a là toute une problématique nouvelle qui est loin d’être passéiste, qui est progressiste, futuriste. Une remarque
532 à toute une problématique nouvelle qui est loin d’ être passéiste, qui est progressiste, futuriste. Une remarque sur laquelle
533 tique nouvelle qui est loin d’être passéiste, qui est progressiste, futuriste. Une remarque sur laquelle je voudrais insist
534 is insister : les frontières de nos États-nations sont indéfendables aujourd’hui. Bidault les a appelées « des cicatrices de
535 appelées « des cicatrices de l’histoire », ce qui était assez joli. Le professeur Ancel, de la Sorbonne, dit : « ce sont le r
536 . Le professeur Ancel, de la Sorbonne, dit : « ce sont le résultat des viols répétés de la géographie par l’histoire ». Aujo
537 tre part celle de l’Europe. C’est absolument lié. Est -il possible de construire l’Europe par une association des différents
538 re. Si vous faites une « amicale », vous cessez d’ être « misanthropes » ; mais si vous restez misanthropes, vous ne faites p
539 vouloir faire l’Europe. Dans ces conditions nous sommes devant un dilemme parfaitement clair : ou bien on fait l’Europe et il
540 conomiquement par l’Ouest, et politiquement par l’ Est . C’est déjà en bonne partie réalisé pour le quart de l’Europe, à l’es
541 nne partie réalisé pour le quart de l’Europe, à l’ est , qui est satellisé par les Russes, et c’est réalisé en bonne partie p
542 e réalisé pour le quart de l’Europe, à l’est, qui est satellisé par les Russes, et c’est réalisé en bonne partie par l’écon
543 artie par l’économie de nos États de l’Ouest, qui est envahie par les Américains qui rachètent des dizaines d’entreprises t
544 zaines d’entreprises tous les jours. Les chiffres sont absolument étonnants, quelles que soient les mesures prises officiell
545 s chiffres sont absolument étonnants, quelles que soient les mesures prises officiellement, surtout les discours faits sur l’«
546 endance totale » du pays ! Je ne dirai pas que je suis antiaméricain ou que je suis antirusse, il faut ne pas se tromper là-
547 ne dirai pas que je suis antiaméricain ou que je suis antirusse, il faut ne pas se tromper là-dessus. Je pense que la colon
548 e tromper là-dessus. Je pense que la colonisation est une très mauvaise chose. Je ne pense pas que les Américains et les Ru
549 Je ne pense pas que les Américains et les Russes soient des gens pires que nous, je pense que la colonisation est pire que to
550 gens pires que nous, je pense que la colonisation est pire que tout. Quand un peuple se met à rendre les rênes à un autre p
551 it acheter, pour ce qu’il doit cultiver, alors il est perdu. C’est la décadence totale d’un peuple ; c’est ce que l’on a vu
552 ays colonisés. Donc les raisons de faire l’Europe sont plus grandes que jamais. Mais les obstacles à l’union sont plus clair
553 grandes que jamais. Mais les obstacles à l’union sont plus clairs que jamais : c’est la formule de l’État-nation qui préten
554 s réalités. À mon sens l’Europe des États-nations est une Europe des mythes, puisqu’elle repose sur le mythe de la souverai
555 e la définition même de la souveraineté nationale est donnée par Jean Bodin au xvie siècle : c’était le droit de déclarer
556 porte quelle autre sur leur souveraineté absolue, être stoppées à 1h de leur victoire, à 1h du Caire par un froncement de so
557 par un grognement de l’ours russe. Eh bien, il a été démontré ce jour-là que la souveraineté nationale absolue était un my
558 ce jour-là que la souveraineté nationale absolue était un mythe. Moi je demande simplement que nous fassions une Europe sur
559 e à renverser des choses qui n’existent plus, qui sont des symboles, des mythes d’un passé révolu et que nous commencions à
560 c’est là le sentiment des jeunes, de même que ce sont les jeunes qui sont responsables de la montée de l’idée de région.
561 nt des jeunes, de même que ce sont les jeunes qui sont responsables de la montée de l’idée de région. L’ambiguïté du jaco
562 est peut-être particulièrement frappant en France étant donnée la tradition centralisatrice sur laquelle je n’ai pas besoin d
563 n d’insister. Les régions au sens réel, devraient être « reconnues » et non pas délimitées de l’extérieur. Les vingt-deux ré
564 ingt-deux régions françaises actuelles ont toutes été faites à Paris, elles ont été préfabriquées dans les bureaux indépend
565 ctuelles ont toutes été faites à Paris, elles ont été préfabriquées dans les bureaux indépendamment de toute consultation d
566 aurait fallu faire exactement le contraire et on sera bien obligé de le faire un jour ou l’autre. Il aurait fallu une étude
567 ion. Des possibilités de solutions qui pourraient être données sur une base autonome, autogérée, et à partir de là, voir com
568 ne expression sans aucune signification. On dit «  tiens , c’est intéressant ; maintenant tout le monde parle de l’Europe, on v
569 donc faire des régions de taille européenne ». Qu’ est -ce que ça veut dire ? Quand je pousse un peu les gens qui défendent c
570 ent par me dire « il faut qu’une région en France soit compétitive avec un Land allemand ». Alors je leur dis : « avec quel
571 créer et animer des régions ? Je pense qu’il faut être bien conscient des finalités qu’on donne à la création des régions. P
572 t faire sur la réalité, et non une finalité. Ce n’ est pas cela qui meut les gens, qui les motive : faire une chose petite !
573 t su dire qu’une chose — ce qu’elle ne devait pas être  : ni une atteinte à l’unité nationale, ni une communauté autonome, ni
574 Europe fédérale. Quand diront-ils ce qu’elle doit être  ? Ce qu’il y a de plus grave dans les États-nations actuels, c’est su
575 s au discours révolutionnaire dont les barricades sont le signe, ou dans cette « majorité silencieuse », qui est une sorte d
576 igne, ou dans cette « majorité silencieuse », qui est une sorte d’imbécilité civique, de désertion. Discours ou indifférenc
577 vique, de désertion. Discours ou indifférence qui sont aussi morbides l’un que l’autre. Contre cela il faut recréer des comm
578 e faire des régions. Je dis que les États-nations sont trop petits à l’échelle internationale, mais trop grands pour animer
579 unes devraient-elles reprendre le pouvoir ? Je ne suis pas du tout d’accord avec le terme « prendre le pouvoir ». Et c’est l
580 nt. Toute l’histoire du xxe siècle le dément. Il est devenu évident que l’État est plus fort que les hommes qui croient s’
581 iècle le dément. Il est devenu évident que l’État est plus fort que les hommes qui croient s’en emparer. Il les digère, il
582 arer. Il les digère, il les phagocyte, quelle que soit leur idéologie, marxiste ou capitaliste, de droite ou de gauche, phal
583 tés multinationales. En effet, si l’État-nation n’ était pas en crise, il n’y aurait pas de sociétés multinationales. C’est pa
584 tat-nation, comme le dit la critique fédéraliste, est à la fois trop petit et trop grand qu’il y a des sociétés multination
585 hasard des traités et des guerres : les armées se sont arrêtées par hasard là. Il n’y a aucune espèce de raison que ça coïnc
586 de avec un espace économique raisonnable. Donc il est fatal que le développement même de l’industrie et du commerce conduis
587 rie et du commerce conduise à des sociétés qui ne tiennent plus compte des frontières. Dès qu’on prononce ce terme de sociétés «
588 par exemple à l’encontre du Marché commun : « qu’ est -ce que le Marché commun réussit à faire sinon à créer un espace pour
589 pour les multinationales ? » Et alors la question est réglée à partir de ce moment-là. Or, je voudrais faire observer ceci 
590 ts de sociétés multinationales. Il y a celles qui sont axées sur la puissance, qui réunissent le plus grand nombre possible
591 ent au pays dans lequel elles s’installent et qui sont obligées par la nature même de leurs activités économiques de s’y int
592 ever, elle, me paraît entre les deux ; Unilever n’ est pas liée à des histoires militaires comme ITT. Il n’y a pas seulement
593 e face aux pétroliers. La liberté des gouvernants est d’autant plus faible que le territoire est plus exigu, et l’État moin
594 rnants est d’autant plus faible que le territoire est plus exigu, et l’État moins fort : les pétroliers font davantage la l
595 ent aujourd’hui. Il y en aurait deux : le premier serait un pouvoir continental qui serait bien supérieur à celui des États-na
596 ux : le premier serait un pouvoir continental qui serait bien supérieur à celui des États-nations, et l’autre serait le pouvoi
597 n supérieur à celui des États-nations, et l’autre serait le pouvoir des régions parce que les régions seraient nécessairement
598 rait le pouvoir des régions parce que les régions seraient nécessairement consultées et pourraient dire : « voilà une chose qui
599 ui ne cadre absolument pas avec nos coutumes, qui est destructrice de l’environnement, qui est trop grande pour nous, qui n
600 mes, qui est destructrice de l’environnement, qui est trop grande pour nous, qui n’est pas adaptée à nos traditions, ou qui
601 vironnement, qui est trop grande pour nous, qui n’ est pas adaptée à nos traditions, ou qui démoralise et dégrade notre popu
602 par des salaires trop forts pour des gens qui ne sont pas doués pour le genre de travail offert ». À travailler en faveur d
603 s régions, on pointe vers une même résultante qui est l’autogestion. L’autogestion à tous les degrés et dans tous les sens
604 e la presse, des partis, de l’opinion publique, n’ est pas tellement différent du danger des sociétés nationales jouant sur
605 ationales vis-à-vis de telle ou telle nation, qui sont en train de détruire sans scrupules les équilibres écologiques ou soc
606 vez des phénomènes de colonisation intérieure qui sont exactement comparables à ceux que l’on reproche aux multinationales.
607 La seule différence c’est que les frontières ont été supprimées entre les « nations », au sens antique du mot, à l’intérie
608 grès américain, qui donnait l’essentiel de ce qui est devenu plus tard le rapport sur le club de Rome signé par les Meadows
609 ir qu’il y a deux sens au mot « croissance », qui sont absolument différents — je dirais presque antinomiques — en tous cas
610 e dirais presque antinomiques — en tous cas qu’il est très dangereux de confondre. La croissance biologique, végétale ou an
611 arbre, en éléphant ou en corps humain. Tout cela est bel et bon, la croissance, c’est la vie, la loi de la vie ; tout le m
612 e, c’est la vie, la loi de la vie ; tout le monde est donc pour la croissance économique, industrielle, technologique… Mais
613 es de notre civilisation. Je m’explique : il faut être absolument clair là-dessus. La croissance du vivant est autoréglée :
614 solument clair là-dessus. La croissance du vivant est autoréglée : c’est la même loi de la vie qui fait qu’une plante ou un
615 oissances également régulées par un programme qui est dans les chaînes de chromosomes et dans les gènes. La croissance viva
616 lle sur des absurdités de ce genre ; nous ne nous sommes absolument pas rendu compte que les courbes exponentielles dépassaien
617 du siècle, à des altitudes irrespirables, où tout être humain disparaîtrait, où les ressources de la terre seraient épuisées
618 main disparaîtrait, où les ressources de la terre seraient épuisées, dans un temps extrêmement bref. L’impact du rapport du club
619 ement bref. L’impact du rapport du club de Rome a été absolument décisif. Quelles que soient les critiques qu’on puisse fai
620 lub de Rome a été absolument décisif. Quelles que soient les critiques qu’on puisse faire sur le choix des paramètres, je n’ai
621 , parce que la consommation d’électricité » (ça a été mesuré par les ordinateurs !) « double tous les sept ans ». Voilà don
622 it ans ? Il faut la multiplier par 16 384, ce qui est dément : on ne peut transformer toute la substance de la terre en éne
623 NB, la croissance du revenu par tête d’habitant n’ est pas une mesure humaine qui puisse diriger une politique, il faut abso
624 conformément à la finalité que nous acceptons. Je suis très optimiste après la crise du pétrole, parce que je vois des gens
625 , énergie des fleuves, des petits lacs… Tout cela était complètement négligé et méprisé par les auteurs depuis une dizaine d’
626 ’on veut passer à une croissance autoréglée — qui est la croissance normale, biologique — c’est par le moyen des petites un
627 , déjà, et puis les mass-médias raisonnent ainsi. Est -ce qu’une expression régionale spontanée pourrait en sortir ? On voit
628 n que vous faites de la mentalité d’aujourd’hui n’ est pas tout à fait exacte. Il n’est pas exact de dire que les gens ne so
629 d’aujourd’hui n’est pas tout à fait exacte. Il n’ est pas exact de dire que les gens ne sont motivés que par des questions
630 xacte. Il n’est pas exact de dire que les gens ne sont motivés que par des questions de « fric » ou de pouvoir d’achat. Natu
631 gement dans la mentalité. C’est l’essentiel, tout tient à cela. Et les gens s’apercevraient qu’il y a mille choses dans la vi
632 rité ? Sans doute, car toute l’histoire du siècle est dominée par l’angoisse des hommes devant l’absence de communautés. De
633 sibilités d’intervenir et d’avoir une efficacité. Est -ce que l’angoisse communautaire est un effet de la concentration urba
634 e efficacité. Est-ce que l’angoisse communautaire est un effet de la concentration urbaine et de l’exode rural ? Cela va en
635 emble. Mais les villes n’existent plus guère : ce sont des faubourgs, des banlieues. Des agglomérations qui n’ont plus de ce
636 ens puissent se rencontrer, depuis que les places sont devenues des parkings, et que les rues sont envahies par le flot de l
637 laces sont devenues des parkings, et que les rues sont envahies par le flot de la circulation des voitures. On a détruit les
638 l’on pouvait parler à un inconnu, où l’on pouvait tenir un meeting public. Cette place n’existant plus, les villes n’ayant pl
639 arrive à cette grande angoisse communautaire qui est absolument inconsciente chez l’homme, chez la grande majorité des hom
640 e celle-là. Il leur disait : « Suivez-moi et vous serez tous ensemble. » Et cela suffisait à tout justifier pour eux. Ils éta
641 Et cela suffisait à tout justifier pour eux. Ils étaient là, tous, le bras levé, à hurler en cadence, et ils se sentaient ense
642 ne valeur concrète et quotidienne. C’est cela qui est important, partir d’en bas… Mais les gens ont changé, ont quitté leur
643 ui habite dans sa commune d’origine. Presque tous sont déplacés. Prenez la ville de Genève, vous avez une minorité de Genevo
644 à-dire de Suisses d’autres cantons, et les autres sont des étrangers. Donc, il n’y a plus qu’une minorité de Genevois. Chose
645 de Genevois. Chose étrange, les mœurs politiques sont restées les mêmes à Genève à travers les siècles. La composition de l
646 vers les siècles. La composition de la population est entièrement nouvelle, et les Suisses allemands qui viennent à Genève,
647 fois de racines et de mobilité. Si on le force à être enraciné comme un paysan lié à la terre, c’est un grand malheur. Et s
648 n lié à la terre, c’est un grand malheur. Et s’il est purement nomade, aussi. Mon idée de l’homme complet, la personne, c’e
649 uler. Besoin de communauté et besoin de solitude. Est -ce que la région, reposant sur la commune, reposant sur des groupes d
650 associations, si j’ai bien compris votre pensée, est possible dans un monde sans racines paysannes ? Nous sommes dans une
651 sible dans un monde sans racines paysannes ? Nous sommes dans une société à dominante urbaine, caractérisée par l’« atomisatio
652 des individus que l’État fait son ciment. Cela n’ est pas un phénomène nouveau, cela existait à la fin du monde hellénistiq
653 à la fin du monde hellénistique quand les villes sont devenues trop grandes. Les villes de la période classique grecque — l
654 s de la période classique grecque — la polis où s’ est formé le sentiment communal — montrent la grande sagesse des Grecs :
655 lis n’a jamais dépassé 100 000 habitants — ce qui était considéré comme la limite extrême pour que les gens restent encore ma
656 avec l’Empire d’Alexandre, toutes ces normes ont été délaissées, et on a bâti des villes énormes, comme Antioche où il y a
657 25 km de rues éclairées toute la nuit mais où il était devenu impossible de se promener sans armes. Et ces villes naturellem
658 romener sans armes. Et ces villes naturellement n’ étaient plus des communes. Il n’y avait plus l’agora sur laquelle les gens po
659 ssaient par quartier selon leurs professions. Ils étaient mis à l’écart de la communauté, celle-ci était alors gérée par un nom
660 étaient mis à l’écart de la communauté, celle-ci était alors gérée par un nombre décroissant de gens, finalement par un seul
661 bien définie dans Le Contrat social : plus l’État est grand, moins il y a de magistrats, moins il y a de responsables. Quan
662 rats, moins il y a de responsables. Quand un État est tout petit, comme Genève au temps de Jean-Jacques, alors il y a une q
663 s la cité grecque antique. Donc, la participation est maximale dans une communauté minimale, et inversement… Aujourd’hui, n
664 nistique. Simplement c’est plus grave, les villes sont plus grandes, il y a des moyens d’action beaucoup plus dangereux à ma
665 s destructions. On peut recréer des places qui ne soient pas des parkings, on peut interdire les rues aux voitures, cela deman
666 t une place absolument essentielle parce que tout tient à la forme et aux dimensions de la ville. Les formes de l’architectur
667 l’esprit des communes. Les villes du xixe siècle sont des villes en étoile avec de très larges avenues qui servent au défil
668 ervent au défilé des troupes, elles peuvent aussi être balayées par les tirs des soldats de la garde en cas de révolution. A
669 repérer, d’après l’architecture d’une ville, quel est le système politique qu’elle représente. Dans le développement de qu
670 ns le plus précis du terme, c’est-à-dire que l’on est en train de fabriquer des petits soldats, des sujets bien alignés, qu
671 responsables de rien dans la cité. Ce qui se fait est fait par les autres (« Ils », l’État). On les subit. Tout ce que l’on
672 rrespond à une manière de juger la vie où l’homme est une pure et simple carte d’identité, un producteur-consommateur docil
673 st la loi économique qui a fait que ces villes se sont agrandies démesurément et que notre économie a secrété certaines orga
674 uestion. L’économie n’a rien à exiger, l’économie est là au service des hommes. Si on vous dit que les dimensions optimums
675 ourrait bien que l’on arrive à des désastres, qui sont calculables d’ores et déjà. « L’avenir est notre affaire » Tous
676 ui sont calculables d’ores et déjà. « L’avenir est notre affaire » Tous ces sujets seront-ils abordés dans votre proc
677 « L’avenir est notre affaire » Tous ces sujets seront -ils abordés dans votre prochain livre ? C’est essentiellement ce titr
678 ntiellement ce titre que je donne au livre que je suis en train de terminer. Je dis : « l’avenir est notre affaire ». Comme
679 je suis en train de terminer. Je dis : « l’avenir est notre affaire ». Comme de toutes ces choses dont nous parlons, il fau
680 x jeunes aujourd’hui que c’est leur affaire. Ce n’ est pas l’affaire de fatalités auxquelles on ne peut rien comprendre, aux
681 chnocrates peuvent comprendre quelque chose. Ce n’ est pas l’affaire des ordinateurs, ce n’est pas l’affaire des impératifs
682 ose. Ce n’est pas l’affaire des ordinateurs, ce n’ est pas l’affaire des impératifs X et Y, c’est leur affaire. Souvent les
683 c’est leur affaire. Souvent les gens n’aiment pas être responsables de leur sort, surtout quand on les cache derrière des fa
684 , qu’il faudrait développer. Justement le désir d’ être responsable, d’être digne, à ses propres yeux de vivre et valoir quel
685 elopper. Justement le désir d’être responsable, d’ être digne, à ses propres yeux de vivre et valoir quelque chose. C’est bea
686 obal, général : responsabilités. C’est le mot qui est antinomique d’« irresponsabilité » générale de l’homme perdu dans les
687 er de communauté, l’atelier de municipalité ». Je suis tout à fait d’accord, je pense que l’autogestion doit se développer d
688 besoins… c’est cela la politique véritable, ce n’ est pas de savoir si l’on est de gauche ou de droite. La politique qui do
689 litique véritable, ce n’est pas de savoir si l’on est de gauche ou de droite. La politique qui doit être à la base de la ré
690 est de gauche ou de droite. La politique qui doit être à la base de la région, doit être la politique d’autogestion de la co
691 itique qui doit être à la base de la région, doit être la politique d’autogestion de la commune — ce qui n’existe pas non pl
692 bien particuliers suivant les entreprises : ce n’ est pas le même problème, suivant la nature des entreprises. Il y a beauc
693 ntreprises. Il y a beaucoup d’expériences qui ont été faites, allant plus ou moins de la cogestion à l’autogestion, à l’aut
694 togestion des régions. La formule des fédérations est extrêmement simple : elle consiste à faire coïncider les niveaux de d
695 des tâches et de la dimension des communautés qui sont amenées à prendre des décisions. C’est cela le fédéralisme : que chac
696 ralisme : que chacun fasse à son niveau, ce qu’il est capable de faire et que, pour ce qui dépasse son niveau, il s’unisse
697 par le chapeau suivant : « À l’heure où l’Europe est en crise comme elle ne l’a jamais été — crise de croissance ou crise
698 où l’Europe est en crise comme elle ne l’a jamais été — crise de croissance ou crise mortelle, nul ne le sait encore — il n
699 u crise mortelle, nul ne le sait encore — il nous est apparu indispensable de donner la parole à l’un des “pères de l’Europ
700 lus précisément neuchâteloise, Denis de Rougemont est le théoricien par excellence du fédéralisme, du régionalisme et de la
701 truction européenne. Écrivain, Denis de Rougemont est un excellent observateur de l’Europe et de l’Occident. L’Europe, il d
702 riginalité de notre continent. Denis de Rougemont est avant tout orienté vers l’avenir : la prospective. Ce philosophe et h
703 enir : la prospective. Ce philosophe et historien est un futurologue passionné d’écologie, il croit qu’aucune fatalité ne p
704 une fatalité ne pèse sur nos sociétés et que nous sommes maîtres de notre destin. C’est ce qu’il dira prochainement dans son o
705 prochainement dans son ouvrage intitulé L’Avenir est notre affaire . »
9 1974, Articles divers (1974-1977). Surréalisme : un jeu qui dure depuis 50 ans (7-8 septembre 1974)
706 ew York en 1941, à l’Office of War Information. J’ étais devenu le rédacteur principal de l’émission La Voix de l’Amérique par
707 ue parle aux Français. Mes deux textes quotidiens étaient lus par deux équipes d’« announcers » (le mot de « speaker » n’est em
708 équipes d’« announcers » (le mot de « speaker » n’ est employé qu’en France) parmi lesquels se trouvaient Claude Lévi-Straus
709 -Strauss et André Breton. Entre Breton et moi, ce fut une sorte de coup de foudre d’amitié. Nous avons décidé de nous renco
710 c une sorte de groupe ? Le surréalisme a toujours été , à Paris, une affaire de groupe, dont Breton était le « pape », mais
711 été, à Paris, une affaire de groupe, dont Breton était le « pape », mais au-dessus du pape, il y avait le Bon Dieu, c’est-à-
712 upe, ni partagé son idéologie, ce qui m’a évité d’ être excommunié tôt ou tard. C’était entre nous, à New York, une simple af
713 s artistement disposés. Les allures un peu folles étaient admises, jamais la drogue. Breton ne l’eût pas toléré. Il régnait par
714 Breton prenait très au sérieux. Pour lui, le jeu était une sorte d’expérimentation du psychisme, de la surréalité, de ce qui
715 it par paires. L’un écrivait trois questions : qu’ est -ce que ceci ou cela ? ou : qu’arriverait-il si… ? Et l’autre, en même
716 nt. » Et, dans la seconde, toutes les lumières se sont éteintes dans la maison. La crise de l’énergie Cela vous est-il
717 la maison. La crise de l’énergie Cela vous est -il arrivé depuis ? Oui, dans des circonstances assez différentes. Je
718 là que sur le mot « raté » toutes les lumières se sont éteintes dans la salle (et, comme on l’a su plus tard, dans tout le c
719 moment où je lis dans mes notes : « Ceci devrait être regardé de plus près », toutes les lumières se sont rallumées. Était-
720 re regardé de plus près », toutes les lumières se sont rallumées. Était-ce « la part du diable » ? Breton m’a souvent parlé
721 us près », toutes les lumières se sont rallumées. Était -ce « la part du diable » ? Breton m’a souvent parlé de ce livre, que
722 es dons médiumniques, la parapsychologie. Mais il était le contraire d’un médium. Au fond, c’était un dogmatique subversif, e
723 femmes présentes. Chaque fois, j’ai deviné à qui était l’objet. Breton était comme « transfixé » par ce genre de choses. Vou
724 que fois, j’ai deviné à qui était l’objet. Breton était comme « transfixé » par ce genre de choses. Vous vous souveniez des f
725 eu parfois à des scènes terribles, quand Breton n’ était pas d’accord. Un jour, par exemple, nous avions décidé de faire un ba
726 es docks de New York. Vers dix heures du soir, je suis monté sur un escabeau pour lire le chapitre consacré au nombre 21 par
727 vi, que Breton vénérait. Un jeune philosophe grec fut désigné, que Breton avait baptisé « le nouveau Hegel ». Il fit le tou
728 21 personnes dans la salle… La « victime » avait été sacrifiée sur l’autel du nombre 21… Une religion nouvelle Les s
729 pelle un dimanche matin, à Madison Avenue. La rue était déserte, tout le monde était à l’église, et j’y allais moi-même, quan
730 dison Avenue. La rue était déserte, tout le monde était à l’église, et j’y allais moi-même, quand je me suis trouvé pile deva
731 t à l’église, et j’y allais moi-même, quand je me suis trouvé pile devant André Breton. Il marchait tête levée, regardant le
732 dédiée au culte d’une pierre bleue ? » Et puis il est reparti. L’incident trahit quelque chose chez lui. Il a passé toute s
733 oute sa vie à une religion [sic] qui n’aurait pas été le christianisme et dont il aurait été un des grands prêtres. Un jour
734 aurait pas été le christianisme et dont il aurait été un des grands prêtres. Un jour, nous parlions des sectes cathares, av
735 i. Il écoutait d’une oreille, et brusquement il s’ est tourné vers nous : « Voilà, dit-il, une Église où j’aurais pu être év
736 nous : « Voilà, dit-il, une Église où j’aurais pu être évêque ! » i. Rougemont Denis de, « [Entretien] Surréalisme : un
737 leurs amis. D’une conversation enregistrée qui s’ est poursuivie une soirée entière, nous avons extrait les passages qui se
10 1975, Articles divers (1974-1977). Notre complexe de culpabilité (1975)
738 x, selon les sondages d’opinion, les Suisses n’en sont pas moins inquiets. Réfléchissant aux motifs spécifiques de ce compor
739 pécifiques de ce comportement paradoxal (mais qui est en somme celui des riches et de l’Occident en général), il m’a semblé
740 quiétude du nanti, « spectateur de l’Histoire » ; est -ce que ça va durer, est-ce qu’on va nous laisser longtemps encore tra
741 ctateur de l’Histoire » ; est-ce que ça va durer, est -ce qu’on va nous laisser longtemps encore tranquilles dans notre coin
742 és, des grands ensembles politiques en formation, est -ce que nos libertés, et la Suisse elle-même, en tant qu’État, gardent
743 sister ? Inquiétude spirituelle et morale enfin : est -ce que tant de paix et de prospérité n’ont pas été gagnées au prix de
744 st-ce que tant de paix et de prospérité n’ont pas été gagnées au prix de notre âme ? Au prix de nos vraies raisons d’être ?
745 ix de notre âme ? Au prix de nos vraies raisons d’ être  ? L’autocritique est devenue, au cours des dernières décennies, l’une
746 rix de nos vraies raisons d’être ? L’autocritique est devenue, au cours des dernières décennies, l’une des tendances les pl
747 u Marché commun, s’interroger sur l’avenir suisse est devenu notre sport national, et je ne vois pas d’autre pays qui puiss
748 œuvre, d’un produit, d’une doctrine : « Voilà qui est bien français ! » on entend : Voilà qui est excellent, typique du pre
749 à qui est bien français ! » on entend : Voilà qui est excellent, typique du premier pays du monde, et bien digne d’être app
750 typique du premier pays du monde, et bien digne d’ être approuvé par tous ses citoyens. Mais quand on dit en Suisse (romande
751 lectuel français approuve en principe tout ce qui est français, sauf le régime au pouvoir (quel qu’il soit). L’intellectuel
752 t français, sauf le régime au pouvoir (quel qu’il soit ). L’intellectuel suisse, c’est à peu près le contraire. Les motifs sp
753 e d’Alain : Le Citoyen contre les Pouvoirs. Ce ne sont pas les Pouvoirs que le Suisse inquiet met en cause, mais plutôt ses
754 nquiet met en cause, mais plutôt ses concitoyens. Sont -ils à la hauteur de leurs institutions ? Méritent-ils leurs privilège
755 institutions ? Méritent-ils leurs privilèges ? Ne sont -ils pas en train de s’enliser dans un épais matérialisme, et dans un
756 ècle : une sorte de complexe de culpabilité. Il s’ est noué pendant la Première Guerre mondiale. « Neutres, mais non pas ple
757 ous excusons. « S’excuser de quoi ? » Quiconque s’ est jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homm
758 latrice de la manière dont le « complexe suisse » est prompt à se couler dans les tournures du langage théologique : Le pé
759 suisse. Les Suisses, depuis quatre-cents ans, ne sont en réalité que les hôtes et les spectateurs de l’Histoire. Considéran
760 éjouissent de leur liberté et de leur sagesse. Ce sont , par nature, des pharisiens de la politique, qui remercient Dieu de c
761 la politique, qui remercient Dieu de ce qu’ils ne sont pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite maison, et i
762 ce qu’ils ne sont pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite maison, et il regarde par sa petite fenêtre, et
763 . La politique suisse vit de compromis. Le Suisse est un bourgeois qui place au premier rang de ses préoccupations son repo
764 ccupations son repos et sa sécurité. Tel pourrait être , à peu près, le péché propre des Suisses. C’est dans la conscience na
765 ilité (à l’égard de notre patrie), mais ce devoir est celui d’un accusé et d’un coupable. Helveticus sum, homo sum, peccato
766 homo sum, peccator sum 16. Péché et culpabilité sont des concepts théologiques17 dont je ne vois pas qu’ils trouvent dans
767 application pertinente. La neutralité ne pourrait être péché que chez ceux qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle es
768 ux qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle est une mesure politique — expédient rendu nécessaire par l’absence de po
769 l’on doit discuter —, mais la traiter de péché n’ est pas une solution et empêche même d’en trouver une, car si elle est un
770 ion et empêche même d’en trouver une, car si elle est un péché, il faut le révoquer, ou si elle nous fait tomber dans le pé
771 , vingt ans plus tôt, accusait ses compatriotes d’ être « spectateurs de l’Histoire » ! S’il s’avère au contraire que la neut
772 ère dont les Suisses s’examinent : mettons que ce soit de l’autocritique au second degré. Les exemples cités au cours de cet
773 is les vrais problèmes se posent, ou plutôt : ils sont encore là, attendant qu’on les examine une fois passés nos examens de
774 en qui venait admirer notre libre Helvétie et qui est un peu déconcerté… Eh bien, lisez nos quotidiens : on y parle à longu
775 ou de Livourne. On pensait que tous ces problèmes étaient moins difficiles chez vous, dans vos petits États fédérés. — Oui, dis
776 Le Marché commun nous menace. Notre neutralité n’ est pas toujours comprise. Notre fédéralisme est compromis, et ce qu’il e
777 té n’est pas toujours comprise. Notre fédéralisme est compromis, et ce qu’il en reste freine l’élan des entreprises. Est-ce
778 ce qu’il en reste freine l’élan des entreprises. Est -ce qu’il y aura une place pour nous dans le monde qui vient ? Satiriq
779 s démontrer aux hommes qu’ils voient trop court n’ est pas le meilleur moyen de les libérer. Il faudrait leur montrer des ho
780 udrait leur montrer des horizons plus vastes, qui soient les leurs. Mieux vaudrait donc, me semble-t-il, proposer que les Suis
781 je ne la vois pas ailleurs que dans les raisons d’ être de leur communauté peu croyable mais vraie — ce miracle qu’il faut tr
782 gime possible d’un avenir humain de l’Europe ! Il est menacé, nous dit-on ? Rien de tel pour tirer un homme de ses doutes b
783 ire tentation et vraiment son péché virtuel — qui est la peur d’assumer sa vocation. 16. Karl Barth : Gottes Gnadenwahl,
784 n, 1936 (trad. de l’auteur). Helveticus sum… : Je suis suisse, je suis un être humain, je suis un pécheur. 17. Nuançons : l
785 e l’auteur). Helveticus sum… : Je suis suisse, je suis un être humain, je suis un pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité es
786 ur). Helveticus sum… : Je suis suisse, je suis un être humain, je suis un pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité est aussi
787 sum… : Je suis suisse, je suis un être humain, je suis un pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité est aussi un état ou une c
788 e suis un pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité est aussi un état ou une conduite psychologiques. L’Évangile parle de rem
11 1975, Articles divers (1974-1977). Au-delà de la société industrielle (1975)
789 elle » et de ses valeurs, mon premier mouvement a été de recul devant un sujet qui me paraissait appeler la compétence de l
790 t appeler la compétence de l’économiste que je ne suis pas. Mais je dois vous faire un aveu : si j’ai finalement accepté de
791 rielle, que veut-on dire ? Je vois d’abord ce qui est exclu : une société dans laquelle il n’y aurait plus d’industrie, qui
792 plus, je crois, qu’une société post-industrielle serait celle où les besoins et les désirs de la société industrielle étant s
793 besoins et les désirs de la société industrielle étant satisfaits et comblés, on déciderait d’arrêter le progrès matériel po
794 dustrielle, aussi nommée société de consommation, sont par définition insatiables et inextinguibles. Ils ne seront jamais sa
795 définition insatiables et inextinguibles. Ils ne seront jamais satisfaits, puisque leur formule même est de croître sans fin.
796 ront jamais satisfaits, puisque leur formule même est de croître sans fin. Mais si elle ne consiste ni à fermer les usines,
797 ustrielle née en Europe au xixe siècle, et qui s’ est épanouie au xxe jusqu’à Los Angeles et Vladivostok, jusqu’à Tokyo mê
798 jusqu’à Tokyo même. Une société post-industrielle sera donc une société qui adopte et promeut des valeurs tout à fait différ
799 et imposait la société précédente. Ce changement est encore très loin d’être accompli parmi nous, mais il est amorcé dans
800 précédente. Ce changement est encore très loin d’ être accompli parmi nous, mais il est amorcé dans nos esprits. Il suppose
801 ore très loin d’être accompli parmi nous, mais il est amorcé dans nos esprits. Il suppose en effet, avant tout, une prise d
802 n nombre de « principes », qui allaient de soi, n’ étaient pas discutés ni discutables, mais que la crise actuelle nous oblige à
803 is en termes de bien-être, de mieux-être, de plus être , affectif, ou psychique, ou spirituel. Le référentiel de ce système d
804 pirituel. Le référentiel de ce système de valeurs était la croissance ; mais une croissance indéfinie, sans autre mesure que
805 Le référentiel absolu de la société industrielle était donc — et demeure encore pour la majorité de nos contemporains — la c
806 ion, l’accroissement indéfini de tout ce qui peut être mesuré, pesé et compté, et de cela seul. Ce que nous pouvons nommer a
807 ord II déclarait avec une belle sobriété : « Nous sommes là pour produire des automobiles, non pas pour assurer le bonheur du
808 e, Giovanni Agnelli a répondu : « L’important, ce sont les hommes et non les firmes. » Il me semble que tout le contraste e
809 out le contraste entre les deux types de sociétés est là : besoins de l’industrie ou besoins de l’homme ? C’est sur l’oppos
810 ndement. Opposer à cette notion celle de loisir n’ est pas encore changer de plan. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert,
811 s le « temps vuide », comme toute espèce de vide, est pure angoisse. Il n’y aura pas de société post-industrielle tant que
812 strielle tant que la seule alternative au travail sera le chômage, véritable « temps vide ». Ce que la société nouvelle doit
813 ts vers son travail, c’est-à-dire à dépenser pour être payé, ou à payer pour pouvoir gagner une vie qu’il n’aura même plus l
814 . La société industrielle, quoi qu’on en dise, n’ est pas née pour satisfaire des besoins réels de l’homme, mais bien pour
815 u jour présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière », écrira-t-il dans son auto
816 it en 1880 : « Automobile : nom qui a quelquefois été donné à de curieux véhicules mus par un moteur à explosion… Cette inv
817 idicule assurément, vouée à l’oubli rapide, telle est la voiture automobile que Messieurs Benz et Daimler viennent de prése
818 urt en 1947, la General Motors et la Ford Company sont les deux plus grandes firmes du monde. L’industrie de l’auto domine l
819 me une certaine répugnance au début de ce siècle, est devenue le besoin numéro un de la plupart des Occidentaux. Mais ce n’
820 uméro un de la plupart des Occidentaux. Mais ce n’ est pas encore le plus curieux de l’histoire. Née du rêve typiquement ado
821 es vacances. Elle détruit les campagnes dont elle était censée nous restituer le charme, et provoque d’immenses destructions
822 di, le ciel de nos grandes villes. Mais voici qui est encore plus fou : elle jette l’économie de nos démocraties occidental
823 permet de faire du quatre ou cinq à l’heure, qui est la vitesse d’un piéton peu pressé, et par l’embouteillage crée l’immo
824 Henry Ford de déclarer tout récemment : « Nous ne sommes plus accoutumés à aller où que ce soit autrement qu’en auto. Les trai
825  Nous ne sommes plus accoutumés à aller où que ce soit autrement qu’en auto. Les trains reviennent à la mode, mais ce n’est
826 auto. Les trains reviennent à la mode, mais ce n’ est qu’une passade. Ce pays a développé une manière de vivre particulière
827 ela en poussant un bouton. » L’aventure de l’Auto est bouclée. Le besoin qui n’existait pas est devenu prioritaire. L’Améri
828 l’Auto est bouclée. Le besoin qui n’existait pas est devenu prioritaire. L’Américain moyen — et nous donc ! — est prié de
829 prioritaire. L’Américain moyen — et nous donc ! —  est prié de s’en tenir au mode de vie instauré par l’Auto, et qui favoris
830 éricain moyen — et nous donc ! — est prié de s’en tenir au mode de vie instauré par l’Auto, et qui favorise les ventes. V
831 s. V Vous me pardonnerez, je l’espère, de m’ être un peu étendu sur le chapitre sans doute le plus illustratif de la so
832 les, et souvent même scandaleuses. Cette réaction est , à mes yeux, l’indicateur très certain du déclin d’une certaine socié
833 dée que les solutions à notre crise économique ne sont pas économiques, mais spirituelles, morales et psychologiques, je pos
834 , que tout le monde approuve en pratique. Mais je suis contre le profit considéré comme référentiel absolu, comme « mesure d
835 ant tout cela, s’il faut choisir. Car le profit n’ est pas un principe de mesure pour l’homme, ni pour la cité. Il n’est qu’
836 ipe de mesure pour l’homme, ni pour la cité. Il n’ est qu’un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’est pas autorégulé, e
837 t qu’un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’ est pas autorégulé, et par suite, ne peut être agent de régulation, comme
838 t, il n’est pas autorégulé, et par suite, ne peut être agent de régulation, comme la personne. Il est donc un principe de dé
839 t être agent de régulation, comme la personne. Il est donc un principe de démesure systématique, destructeur de l’humain au
840 e. Dans la nouvelle société, le progrès recherché sera vers le mieux, non vers le plus. La croissance aura pour limites les
841 imites les conditions de l’équilibre vivant. Elle sera désacralisée comme le profit, orientée vers la vie meilleure, vers la
842 , ou militaire, ou nationale ; et vers le souci d’ être utile plutôt que redoutable à ses voisins, qu’il s’agisse de personne
843 et aux « nécessités économiques », dont les clés sont détenues finalement par l’État. Sous prétexte de nous enrichir, elle
844 moraux, culturels, spirituels, où « le ciel seul est la limite », comme disent les Américains. Il nous faut un nouveau mar
845 imitée de l’automobile aboutit à l’embouteillage, soit à la vitesse zéro. De même, la proli­fération exponentielle des armem
846 n, les villes : les mégalopoles du xxe siècle ne sont plus administrables, ni en fait gouvernées, comme on le voit ces jour
847 le voit ces jours-ci à New York ; et les hommes y sont seuls en masse : livrés au scepticisme et à la délinquance. Cette dég
848 , lançait il y a deux ou trois ans, un slogan qui est en train de faire fortune : Small is beautiful. Non que la petitesse
849 ortune : Small is beautiful. Non que la petitesse soit bonne en soi : c’est une question de proportions. Mais il est clair q
850 soi : c’est une question de proportions. Mais il est clair que nos trop grands États croient devoir se doter d’armements à
851 e H, ne faut-il pas réduire la taille de ceux qui seraient tentés de s’en servir ? Si la guerre est le pire désastre qui menace
852 qui seraient tentés de s’en servir ? Si la guerre est le pire désastre qui menace aujourd’hui le genre humain, n’est-il pas
853 ésastre qui menace aujourd’hui le genre humain, n’ est -il pas urgent et vital de substituer aux États-nations souverains des
854 coutume de répondre à cette question que nous ne sommes pas là pour prévoir ou deviner notre avenir, mais pour le faire. Et q
12 1975, Articles divers (1974-1977). Suisse 1975 (1975)
855 des sentiments mêlés de soulagement (elle n’a pas été occupée, son armée et sa résolution morale l’ont protégée) mais aussi
856 ulpabilité, presque de honte, parce qu’elle seule est intacte au cœur d’un continent physiquement meurtri, économiquement d
857 n de s’excuser. « S’excuser de quoi ? Quiconque s’ est jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homm
858 État suisse, c’est-à-dire le système fédéraliste, soit transposée à l’échelle du continent et prise comme modèle (au sens te
859 édérera et deviendra neutre. C’est-à-dire qu’elle sera ou bien balkanisée, ou bien helvétisée. » À quoi toute la Suisse offi
860 humilité convient seule à ce petit pays, et qu’il serait parfaitement illusoire et utopique d’imaginer que des solutions suiss
861 que d’imaginer que des solutions suisses puissent être un seul instant prises au sérieux par les « puissances » de l’époque.
862 ar les « puissances » de l’époque. Et pourtant il est clair que la vérité d’une idée ne dépend pas de la taille de celui qu
863 « grandes puissances » à propos de nos voisins, s’ est dissipée. Face à l’Europe et face au monde, la situation de la Suisse
864 ope et face au monde, la situation de la Suisse s’ est clarifiée : si elle diffère substantiellement de celle des « puissanc
865 ellement de celle des « puissances » d’hier, ce n’ est plus par les dimensions, mais par le régime politique, c’est-à-dire p
866 est-à-dire par le fédéralisme, dont le corollaire est la neutralité. En temps de paix et de normalité, être neutre ne pose
867 la neutralité. En temps de paix et de normalité, être neutre ne pose aucun problème, et le régime fédéraliste permet de res
868 ys. Mais dans un temps de crise comme celui qui s’ est instauré dès l’automne de 1973, la neutralité, qui était une forme de
869 nstauré dès l’automne de 1973, la neutralité, qui était une forme de sagesse apaisante, devient une source de controverses co
870 ne source de controverses constamment irritantes, soit que l’État l’invoque pour refuser d’adhérer à tel organisme internati
871 refuser d’adhérer à tel organisme international, soit que l’étranger l’estime lésée par la moindre manifestation spontanée
872 née du sentiment populaire, pour peu qu’il ne lui soit pas inconditionnellement favorable. Les conseils législatifs, nationa
873 ntrent doucement en panique. Leur premier réflexe est de couper les dépenses culturelles et de recherche pure, au profit du
874 lle quotidiennement aux Suisses qu’ils ne peuvent être seuls au monde. Il n’apparaît donc plus possible de séparer les probl
875 raît évident que le fédéralisme de formule suisse est la solution qui s’impose si l’on veut vraiment « faire l’Europe », c’
876 s. Mais il se trouve, hélas, que le fédéralisme n’ est guère mieux compris par les Suisses — qui s’en réclament — que par le
877 u’on baptise « centralisatrices », alors qu’elles sont , justement, « fédérales » ! C’est ignorer le sens et la fonction du v
878 estières, agricoles ou urbaines. Le fédéralisme n’ est rien d’autre, en effet, qu’une manière de se mettre ensemble pour fai
879 de se mettre ensemble pour faire ce dont aucun ne serait capable seul. C’est une méthode de répartition des pouvoirs de décisi
880 présente décennie bien plus clairement encore, il est apparu que notre neutralité, garantie par le traité de Vienne comme é
881 eutralité, garantie par le traité de Vienne comme étant « dans les intérêts de l’Europe entière », veut en effet que la Suiss
882 pe en train de se faire. Car la Suisse ne saurait tenir balance égale entre les ennemis de l’Europe et l’Europe même, dont el
883 urope et l’Europe même, dont elle fait partie. Ce serait vouloir rester neutre entre le microbe et le malade. Toute la politiq
884 obligent à penser que la formule de bon sens, qui est celle du fédéralisme helvétique, ne saurait arrêter ses effets aux fr
885 on soviétique, « le fédéralisme dans un seul pays est utopique ». Car si, dans les domaines indiqués plus haut, on voulait
886 la centralisation autoritaire de ses voisins. Il est donc évident que notre fédéralisme ne peut se maintenir dans nos cant
887 l’humanité doit assumer dans les années 1970-1980 sont presque toutes de dimensions intercontinentales, qu’il s’agisse de la
888 créé de toutes pièces la Croix-Rouge, et qu’elle est l’hôte généreuse et attentive de plusieurs dizaines d’organisations e
889 les de l’Europe ; parce que cette union politique serait seule capable de faire face aux problèmes qui se posent à l’échelle m
890 ’Europe et du monde, c’est sur sa propre raison d’ être que la Suisse d’aujourd’hui se voit amenée à s’interroger. Et ce n’es
891 ujourd’hui se voit amenée à s’interroger. Et ce n’ est qu’au nom de ses buts humains en tant qu’État fédératif qu’elle peut
13 1975, Articles divers (1974-1977). Le Morgarten du xxe siècle (1975)
892 arten du xxe siècle (1975)q La Suisse devrait être l’exemple et le moteur d’une fédéralisation de l’Europe, ai-je écrit,
893 décrivais alors, à quelques précisions près. J’ai été amené à préciser notamment ceci : je ne vois pas, dans la Confédérati
894 dans le fait que les sept conseillers fédéraux ne sont pas du tout l’émanation des cantons, mais qu’ils sont désignés en fon
895 pas du tout l’émanation des cantons, mais qu’ils sont désignés en fonction de leurs compétences particulières pour s’occupe
896 res que de pays membres. Cette dernière formule n’ est bonne qu’à aggraver les divergences d’intérêt entre les nations membr
897 différence, précisément, du Conseil fédéral, qui est composé de manière à pouvoir traiter dans l’intérêt commun les problè
898 ue peu de gens savent réellement ce que c’est. Il est presque totalement méconnu hors de Suisse, et les Suisses eux-mêmes c
899 nous a fait apprendre qu’à l’origine, la Suisse s’ était formée par la fédération de trois cantons. Leurs chefs auraient fait
900 vers le ciel sur la prairie du Grütli. Tout cela est une fable qu’il n’est même pas intéressant de réfuter. En réalité, le
901 rairie du Grütli. Tout cela est une fable qu’il n’ est même pas intéressant de réfuter. En réalité, les choses se sont passé
902 intéressant de réfuter. En réalité, les choses se sont passées tout à fait autrement. Le fédéralisme suisse s’est formé sur
903 es tout à fait autrement. Le fédéralisme suisse s’ est formé sur la base des communes d’Uri, de Nidwald et de Schwyz. On ne
904 ble des gens et des biens d’une vallée). Elles se sont alliées entre elles, non pas pour créer une puissance, mais pour pouv
905 utonomie et leur différence. L’une des choses qui sont le plus clairement soulignées, dans le pacte du Grütli, c’est la volo
906 a changé, sous l’influence des États voisins, qui étaient tous en train de s’unifier. Certains achevaient leur unité et d’autre
907 tiellement subi le courant régnant en Europe, qui était celui de la centralisation et de la création des grands États-nations
908 endant, dans ses structures, la Suisse a toujours été à contre-courant de ce qui se passait dans le reste de l’Europe. Elle
909 ce qui se passait dans le reste de l’Europe. Elle est née de l’esprit des communes, au moment où ce grand mouvement liberta
910 nt libertaire, au nord de l’Italie et en Flandre, était déjà presque écrasé. Aujourd’hui, on découvre la nécessité vitale d’i
911 tions entre les Européens, et la Suisse se trouve être le seul pays qui ait traversé à peu près indemne la période des grand
912 éconnaissent le véritable sens du fédéralisme. Je suis frappé de constater que la plupart de ceux qui se disent fédéralistes
913 que la plupart de ceux qui se disent fédéralistes sont en réalité des nationalistes cantonaux. Se fondant sur ce qu’ils tien
914 nationalistes cantonaux. Se fondant sur ce qu’ils tiennent pour les erreurs de 1848, ils s’imaginent que la vie du fédéralisme c
915 muz avait coutume de me dire : « Entre nous, nous sommes contre Berne, nous sommes fédéralistes, donc nous sommes séparatistes
916 re : « Entre nous, nous sommes contre Berne, nous sommes fédéralistes, donc nous sommes séparatistes… » Je lui répondais : « V
917 contre Berne, nous sommes fédéralistes, donc nous sommes séparatistes… » Je lui répondais : « Vous pouvez être séparatiste ou
918 séparatistes… » Je lui répondais : « Vous pouvez être séparatiste ou nationaliste vaudois, mais vous ne pouvez pas être féd
919 ou nationaliste vaudois, mais vous ne pouvez pas être fédéraliste du même coup, parce que le fédéralisme est précisément le
920 édéraliste du même coup, parce que le fédéralisme est précisément le contraire de cela. » Ce genre de malentendu provient d
921 ui défendent l’autogestion régionale et communale sont ceux qui se situent le mieux dans le droit-fil de la pratique du fédé
922 e droit-fil de la pratique du fédéralisme. Qu’ils soient de gauche ou de droite ne m’intéresse guère : l’essentiel, c’est la f
923 re libres et à leur manière. Et cette possibilité était menacée depuis l’ouverture de la route du Gothard, phénomène continen
924 a route du Gothard, phénomène continental s’il en fut , puisque cette route devait relier entre elles les deux parties du Sa
925 e « étatique » avant la lettre que les Suisses se sont ligués. On observe un phénomène comparable aujourd’hui, autour du cou
926 y a en projet seize centrales nucléaires. Ce qui est de la démence pure. Aux yeux de n’importe quel savant sérieux et indé
927 pe ou d’Amérique, c’est insoutenable. Le projet n’ est soutenu, d’ailleurs, que par les trois États qui se partagent la régi
928 Suisses de Kaiseraugst retrouvent le réflexe qui fut celui des Uranais, des Nidwaldiens et des Schwyzois : se mettre ensem
929 x « trublions gauchistes ». Leurs groupuscules ne sont venus qu’après coup s’adjoindre à la grande majorité des hommes et de
930 la grande majorité des hommes et des femmes qui s’ étaient installés sur le camp. Ils tentaient d’exploiter une situation qu’ils
931 omment des maoïstes ou des trotskystes pourraient être des fédéralistes : ils ont de tout autres vues. Mais qu’importe ! L’e
932 t autres vues. Mais qu’importe ! L’essentiel, qui est une chose historique, c’est la réaction de défense des habitants de l
933 traduit par la volonté de se défendre sur place, fût -ce au prix d’une illégalité. On a beaucoup dit, dans la presse — de g
934 fois de plus —, que les occupants de Kaiseraugst étaient sortis de la légalité et qu’ils étaient les « fossoyeurs de la démocr
935 iseraugst étaient sortis de la légalité et qu’ils étaient les « fossoyeurs de la démocratie ». Je ne sais pas si les gens qui o
936 rendront compte que notre héros national suisse n’ était pas particulièrement respectueux de la légalité. Tous les moments de
937 de la légalité. Tous les moments de son histoire sont en rupture de légalité ! Aujourd’hui, Guillaume Tell aurait été le pr
938 de légalité ! Aujourd’hui, Guillaume Tell aurait été le premier manifestant de Kaiseraugst. Cela m’a d’ailleurs amené à di
939 dire dans un message aux dix mille personnes qui sont allées manifester à Kaiseraugst, lors d’un fameux dimanche sous la pl
940 lors d’un fameux dimanche sous la pluie : « Vous êtes hors de la légalité, c’est évident, et vous le savez. Vous n’avez ave
941 ez. Vous n’avez avec vous que la justice, et vous êtes au surplus en état de légitime défense. Vous êtes donc en train de li
942 êtes au surplus en état de légitime défense. Vous êtes donc en train de livrer le véritable Morgarten du xxe siècle. » Peu
943 rre. Il s’agit de savoir quelle finalité on vise. Est -ce qu’on attache vraiment plus d’importance au « niveau de vie » qu’à
944  niveau de vie » le plus bas, le niveau zéro, qui est la mort… Mais pour moi, une Suisse qui ferait ce choix-là ne serait p
945 is pour moi, une Suisse qui ferait ce choix-là ne serait plus elle-même. Elle deviendrait semblable à n’importe lequel des Éta
946 te lequel des États-nations actuels, dont l’idéal est le nivellement universel, parce qu’il est plus facile d’administrer u
947 l’idéal est le nivellement universel, parce qu’il est plus facile d’administrer un pays où toutes choses sont parfaitement
948 lus facile d’administrer un pays où toutes choses sont parfaitement égales et identiques, où toutes les différences locales
949 et identiques, où toutes les différences locales sont abolies. C’est le rêve secret de tous les administrateurs. J’ignore s
950 administrateurs. J’ignore si les citoyens suisses sont aptes à saisir l’ampleur du danger qui les menace. Et je ne suis pas
951 isir l’ampleur du danger qui les menace. Et je ne suis pas optimiste sur les possibilités d’endoctriner les gens. Je ne me f
952 enoncent aux centrales nucléaires. Si les gens ne sont pas capables d’entendre un discours raisonnable, comme celui que je t
953 endre un discours raisonnable, comme celui que je tiens ici, sur quoi compter alors ? Sur un certain nombre de désastres et d
954 . Nous allons vers des tragédies. Les Suisses n’y sont pas très bien préparés par leur forme d’esprit. En revanche, ils y so
955 parés par leur forme d’esprit. En revanche, ils y sont particulièrement bien préparés par leurs institutions. Les institutio
956 s dimensions. Or, dans le monde actuel, plus vous êtes petit et plus vous avez de chances de survivre au tohu-bohu général q
957 z de chances de survivre au tohu-bohu général qui est en train de se déchaîner sur la planète. C’est pour cette raison que
958 . C’est pour cette raison que les États-Unis, qui sont de loin la plus grande puissance militaire du monde, n’ont pas pu ven
959 t poussée, donc d’une vulnérabilité minimale, qui sera la meilleure sécurité dans le monde qui vient. Il faut donc que la Su
960 vient. Il faut donc que la Suisse retrouve ce qui était son attitude et sa mentalité originelles, celles qui ont créé les ins
961 stitutions de la première confédération. Elle n’y sera pas amenée par des discours, mais par la force des choses. Par la péd
962 astrophes qu’elle n’aura pas pu éviter, car elles seront mondiales, mais contre lesquelles elle sera peut-être mieux prémunie
963 les seront mondiales, mais contre lesquelles elle sera peut-être mieux prémunie que les grands. q. Rougemont Denis de, « 
14 1975, Articles divers (1974-1977). L’amour (1975)
964 L’amour (1975)r Il n’ est pas question de constituer, à côté de la psychologie scientifique et
965 occidentale, à la différence de l’amour tel qu’il est codifié et vécu dans les autres cultures, se trouve lié dans sa genès
966 enfin cinématographique au xxe siècle. Preuve en est que nos psychologues « scientifiques » et psychanalystes de toute éco
967 s termes de base dans la tradition littéraire qui est la nôtre, d’Œdipe à Sade et à Sacher-Masoch. Pour situer cette forme
968 occidental dont les structures psychiques peuvent être étudiées au mieux dans ses expressions littéraires et artistiques en
969 s grandes étapes d’une évolution historique qui s’ est stratifiée dans la psyché occidentale, et dont la connaissance rend s
970 nstinct sexuel, c’est-à-dire une pulsion que tout être éprouve à un moment donné de son développement, même sans avoir jamai
971 t temps accessibles. L’érotisme, deuxième niveau, est l’usage non procréateur, non fonctionnel de la sexualité. C’est donc
972 une perversion, le détournement d’un instinct qui était générique et génésique, au profit d’un plaisir individuel et stérile.
973 on du besoin en jouissance, le phénomène érotique est pratiquement universel. Toutes les religions connues comportent une é
974 christianisme (dont on peut nier d’ailleurs qu’il soit une « religion » au sens sociologique du terme). Il n’en va pas de mê
975 re de la culture occidentale. L’amour sentimental est le degré inférieur de la passion, laquelle est la transposition de l’
976 al est le degré inférieur de la passion, laquelle est la transposition de l’érotisme en religion de l’amour ressenti, en ex
977 étruisant toute altérité. Mais l’obstacle suprême est la mort, qui provoque la passion transfigurante, la « joie suprême »
978 grand poème musical de Wagner. L’amour-passion n’ est donc pas le mélange, mais la composition en un produit nouveau et de
979 ance délicieusement entretenue, qui, à l’extrême, seront extase et mort. L’amour du prochain tel qu’il est, ou tel que le rega
980 ont extase et mort. L’amour du prochain tel qu’il est , ou tel que le regard aimant est capable de le susciter, c’est l’inve
981 ochain tel qu’il est, ou tel que le regard aimant est capable de le susciter, c’est l’inverse de la passion : il peut être
982 susciter, c’est l’inverse de la passion : il peut être sans lien aucun avec l’Éros, il n’est pas sentiment mais acte, respec
983  : il peut être sans lien aucun avec l’Éros, il n’ est pas sentiment mais acte, respect de l’Autre comme sujet autonome, non
984 la vie au lieu de désirer la mort. Cet amour-là n’ est pas disert ni exalté mais réaliste, d’une manière qui ne prête guère
985 tade de « sublimation », où la pulsion sexuelle n’ est plus sensible, l’amour mystique va reprendre tout le langage de la pa
986 « meurt de ne pas mourir » (Thérèse d’Ávila). Il est à l’amour du prochain dans le même rapport dialectique que l’érotisme
987 dans le même rapport dialectique que l’érotisme l’ est à l’instinct sexuel. L’Éros grec Le vocabulaire de la Grèce ant
988 L’Éros grec Le vocabulaire de la Grèce antique est le seul qui exerce encore une influence permanente et vérifiable sur
989 ccident. Selon Platon et son maître Socrate, Éros est l’agent de tout progrès moral et spirituel, mais à la condition qu’en
990 ur l’instinct génésique la recherche du bien de l’ être aimé. Cela ne saurait s’appliquer au mariage, dont la seule fin est d
991 saurait s’appliquer au mariage, dont la seule fin est de donner des enfants à l’État. Certes, l’amour vrai « tend à l’enfan
992 ste l’attribut supérieur de l’Éros véritable. Il est bien certain que la conception platonicienne a dominé tout le dévelop
993 ne plus faire qu’un », tous ceux qui qualifient l’ être aimé de « ma moitié » (variante : « ma meilleure moitié »), et tous c
994 vent sur Éros. Si l’idée platonicienne de l’amour est résolument positive, édifiante, idéalisante, on aurait tort d’en infé
995 illeurs tant de réminiscences de l’Antiquité : ce sont ceux d’Orphée et d’Eurydice, d’Admète et d’Alceste, de Protésilas et
996  » que la passion de « l’amour pour la mort » qui est , comme nous le verrons, le secret de Tristan. La révolution chréti
997 iage d’amour : « L’union physique avec une épouse est source d’amitié, comme une participation en commun à de grands mystèr
998 aint Paul, avait écrit de son côté que le mariage est « un grand mystère (mystérion méga) ». Rencontre d’autant plus surpre
999 ue saint Paul, avant même que les évangiles aient été rédigés, ne cesse de dénoncer dans ses épîtres le sacré tant juif que
1000 nienne consiste dans la proclamation que « tout m’ est permis, mais tout n’est pas utile » (Épître aux Romains) relative à l
1001 proclamation que « tout m’est permis, mais tout n’ est pas utile » (Épître aux Romains) relative à l’ensemble des interdits
1002 oulement ? Non, car la tentation correspondante n’ est pas sensible : la volupté ou la luxure ne figure pas au nombre des te
1003 fondamental de l’érotique, dans l’ère chrétienne, tient en ceci que le christianisme, religion de l’Amour (« Dieu est Amour »
1004 que le christianisme, religion de l’Amour (« Dieu est Amour »), créé par un acte d’amour (« Dieu a tant aimé le monde qu’il
1005 re part, il n’hésite pas à écrire : « Celui qui n’ est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, e
1006 r, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme
1007 ariage le plus strict et consacré — tout le reste étant laissé en friche ou très sommairement condamné (« luxure », « impudic
1008 e. Cela ne pouvait se produire — et en effet ne s’ est produit — que dans la sphère d’influence du christianisme. Mais, entr
1009 que, juridique, ni même psychologique. Le mariage était certes un sacrement, mais il liait deux patrimoines et deux familles
1010 onnes. Du ixe au xiie siècle, l’amour antique s’ est éclipsé, et celui que nous croyons seul « naturel » et « aussi vieux
1011 nnaît la boutade de Charles Seignobos : « L’amour est une invention du xiie siècle. » Amour, qui désigne pour nous le sent
1012 s seigneuriales), on ne peut croire qu’elle n’ait été que la trouvaille plus ou moins fortuite de quelques moines musiciens
1013 al de Limoges et de jongleurs peu cultivés. Telle est , pourtant, la thèse « prudente » de la plupart des spécialistes du tr
1014 et nos mœurs, et nos arts, pour des siècles ? Ne serait -elle pas au contraire le signe d’une révolution plus générale qui s’o
1015 sent la divinité de l’âme et jugent que, le corps étant vil, rien de ce qu’il fait ne saurait engager le salut : « Point de p
1016 dans une Femme. La plus puissante de ces hérésies sera le catharisme, venu de l’Arménie à travers l’Anatolie, les Balkans, l
1017 tiers et neuvième duc d’Aquitaine (1070-1127). Il sera suivi par des dizaines puis des centaines de poètes qui se nomment « 
1018 dont la doctrine se nomme cortezia — puisqu’elle est chantée dans les cours des seigneurs du Midi — exalte la Femme, jusqu
1019 Notre-Dame. La grande innovation de la cortezia n’ est pas seulement d’avoir exactement inversé la doctrine de saint Paul —
1020 badours et des trouvères du xiie siècle, l’amour est cela qui se « déclare » par des mots. On peut soutenir que l’histoire
1021 jours, dans les mass médias audiovisuels. On s’en tiendra ici à la littérature. Le mythe de l’amour-passion Très peu aprè
1022 du milieu du xiie siècle montrent que la légende était connue des troubadours dans le temps même où la première version (en
1023 les amants eux-mêmes), et l’obstacle suprême, qui est la mort, portera le désir jusqu’à l’extase ; service de la Dame à laq
1024 la vie même), mais cet asservissement volontaire est aussi source de prouesses, d’enthousiasme et d’élévation spirituelle 
1025 de l’état amoureux plus que de l’Autre tel qu’il est , qu’on ne rejoindra que pour mourir ; et même l’élan de l’hérésie ne
1026 et de l’évidence quotidienne qui domine le roman est gnostique… Ainsi, le roman de Tristan décrit, analyse et déploie dans
1027 sentiments nouveaux d’accéder à la conscience, d’ être reconnus et assumés. L’amour, dès lors, sera toujours lié à son « ave
1028 e, d’être reconnus et assumés. L’amour, dès lors, sera toujours lié à son « aveu », à sa « déclaration ». Le contenu affecti
1029 communicable, socialisé dans la mesure même où il est sacralisé. Situé de la sorte dans le temps et l’espace, au xiie siè
1030 fort Nous avons vu que le « problème sexuel » est né dans le monde christianisé du fait de l’absence d’un code sacré et
1031 rne, c’est le tabou de l’inceste. Tous les autres étant évacués, il prend une importance majeure et régit des domaines psycho
1032 evient obligation sacrée, pour peu qu’une parenté soit découverte, fût-ce au septième degré, entre mari et femme. Robert le
1033 sacrée, pour peu qu’une parenté soit découverte, fût -ce au septième degré, entre mari et femme. Robert le Pieux se voit co
1034 dier sa première femme, qu’il aime, parce qu’elle est sa cousine au quatrième degré et qu’elle a tenu avec lui un enfant su
1035 le est sa cousine au quatrième degré et qu’elle a tenu avec lui un enfant sur les fonts baptismaux. La terreur de l’inceste,
1036 n vertu d’une institution dite fosterage. Tristan est donc, en droit, le « fils » de Marc. Chargé par ce dernier de la « qu
1037 du bateau qui les ramène d’Irlande. Tristan, qui est le plus fort des chevaliers et qui a conquis Iseut par valeur et prou
1038 rs et qui a conquis Iseut par valeur et prouesse, serait en droit de la garder pour lui selon la coutume chevaleresque qu’illu
1039 aleresque qu’illustrent les tournois dont la dame est le « prix ». S’il n’en fait rien, ce n’est pas seulement par respect
1040 a dame est le « prix ». S’il n’en fait rien, ce n’ est pas seulement par respect de son suzerain (déjà trompé en fait), mais
1041 passion mortelle. Dès lors, la structure du roman sera simplement l’alternance des revoirs (de plus en plus périlleux) et de
1042 la mort, obstacle dernier, fin du « roman ». Tel est le secret que le mythe a pour fonction, comme toujours, d’exprimer to
1043 uer, car son contenu demeure inavouable même s’il est fascinant comme une drogue. Et n’est-ce pas d’une intoxication — le «
1044 le même s’il est fascinant comme une drogue. Et n’ est -ce pas d’une intoxication — le « vin herbé » servi par une « erreur »
1045 ble celle d’une longue dégradation du mythe, peut être aussi celle d’une lente intériorisation. Le roi Marc peut devenir tou
1046 oi-même que Freud (dès 1923, dans Das Ich und das Es ) appellera le surmoi : c’est encore et toujours l’image du Père — cel
1047 se Adrienne de Gérard de Nerval, l’« Éva qui donc es -tu… » des plus beaux vers de Vigny, objet d’un « amour taciturne et t
1048 homas Hardy ou la grande cocotte dont Swann croit être amoureux parce qu’elle a dit un jour que « non, elle ne serait pas li
1049 ux parce qu’elle a dit un jour que « non, elle ne serait pas libre demain soir ». Elle est toujours la femme rêvée, la princes
1050 non, elle ne serait pas libre demain soir ». Elle est toujours la femme rêvée, la princesse lointaine, la fée Viviane ou la
1051 des personnages de roman les plus falots) doit en être séparé, après de brèves et fulgurantes rencontres, par mille traverse
1052 piédestal pour mieux pouvoir se plaindre qu’elle soit située « en trop haut lieu », voire tout à fait inaccessible. « L’amo
1053 cellence » se dégage la conclusion que la passion est cette forme de l’amour qui se nourrit des obstacles qu’on lui oppose,
1054 ait pas un roman. L’histoire de l’amour passionné sera donc celle de ses traverses, de ses malheurs, que les lecteurs comme
1055 e xive siècle, toute la littérature européenne s’ est convertie au style des troubadours. De ce temps jusqu’au xxe siècle,
1056 subversif, anarchique, individuel de la passion n’ est jamais séparable de l’arrière-plan social, de même que le moment myst
1057 tacher que sur un fond d’orthodoxie. « Entre deux êtres isolés, il n’y a pas d’amour possible », dit le héros de L’Homme sans
1058 oute : Un amour peut naître par défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pa
1059 défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie mais une néga
1060 Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’ est pas un contenu de vie mais une négation, une exception faite à tous l
1061 , il faut à une exception quelque chose dont elle soit l’exception. On ne peut vivre d’une négation pure. Musil, ici, fait
1062 pas s’entretenir (au double sens de ce terme) — s’ est fait sentir plus vite dans le roman qu’au théâtre. (Je parle ici, bie
1063 an le plus littéraire de la littérature française est sans doute L’Astrée d’Honoré d’Urfé, ouvrage en cinq parties et plusi
1064 e pastoral. Les amants, chevaliers ou bergers, ne sont plus que des soupirants. Et si la mort qu’ils appellent leur est acco
1065 s soupirants. Et si la mort qu’ils appellent leur est accordée, c’est sous la forme d’un évanouissement, dont ils se réveil
1066 y Ending. Certes, tous les grands thèmes du mythe sont là, mais leur tragique s’est mué en élégante mélancolie : lois d’Amou
1067 nds thèmes du mythe sont là, mais leur tragique s’ est mué en élégante mélancolie : lois d’Amour, séparations ingénieuses, é
1068 bératrice. Mais la dialectique cruelle du roman n’ est plus ici que coquetteries, et le combat du Jour et de la Nuit se ramè
1069 e de Céladon ornée d’une faveur de sa bergère. Il est peu de romans mieux écrits que L’Astrée. Mais, si le dur destin du my
1070 que L’Astrée. Mais, si le dur destin du mythe n’y est plus que machine romanesque, faut-il incriminer la société du temps e
1071 ses coutumes, ou la littérature elle-même, qui ne serait qu’un sous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ?
1072  ? L’œuvre d’art, conçue et reçue comme telle, ne serait -elle qu’un substitut tardif du sacré, un phénomène de décadence moral
1073 que des générations qui vont suivre ? En fait, ce fut assez d’un décret de Boileau, dans son Dialogue sur les héros de roma
1074 s le théâtre de la même époque. Roméo et Juliette est peut-être la plus authentique tragédie courtoise et la plus belle épi
1075 stan et Isolde de Wagner. Ici la mort par amour n’ est plus seulement métaphorique. Elle est appelée dans sa réalité à la fo
1076 par amour n’est plus seulement métaphorique. Elle est appelée dans sa réalité à la fois charnelle et mystique comme l’amour
1077 n fatale, à la Tristan, dont on peut voir qu’elle est devenue la manière de « ressentir l’amour » qui paraît désormais natu
1078 n Europe. L’empire du mythe tristanien sur Racine est manifeste : il explique seul que l’amour de Phèdre pour Hippolyte, do
1079 que l’amour de Phèdre pour Hippolyte, dont elle n’ est que la belle-mère, soit présenté comme incestueux, donc absolument in
1080 our Hippolyte, dont elle n’est que la belle-mère, soit présenté comme incestueux, donc absolument interdit. Quant à Hippolyt
1081 Hippolyte, Racine le fait amoureux d’Aricie « qui est la fille et la sœur des ennemis mortels de son père ». Aricie sera do
1082 la sœur des ennemis mortels de son père ». Aricie sera donc pour Hippolyte l’amour que le Père interdit, un substitut voilé
1083 ts plus savants !) Ces sentiments et ces passions sont condamnables, et Racine les condamne, mais il en fait son œuvre ! L’a
1084 même coup, à celle de l’auteur : Les dieux m’en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc Ont allumé le feu fatal à tou
1085 feu fatal à tout mon sang. Et la servante Œnone tient à Phèdre le même langage que la servante Brangaine à Iseut : Vous ai
1086 vaincre sa destinée : Par un charme fatal vous fûtes entraînée. Racine est-il vraiment sincère dans sa préface lorsqu’il
1087 Par un charme fatal vous fûtes entraînée. Racine est -il vraiment sincère dans sa préface lorsqu’il écrit : Ce que je puis
1088 e je n’en ai point fait [de tragédie] où la vertu soit plus mise en jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y sont sévèr
1089 en jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y sont sévèrement punies […]. Les faiblesses de l’amour y passent pour de vr
1090 ’amour y passent pour de vraies faiblesses. On est loin du dessein « d’exciter les passions » pour plaire à un besoin de
1091 ffection réciproque ni de fidélité. Le mariage n’ est donc plus un obstacle, les liens familiaux se relâchent, les derniers
1092 t, du même coup, relativisés : ils cessent donc d’ être des tabous. Quant à la religion chrétienne (ou du moins ce qu’elle es
1093 à la religion chrétienne (ou du moins ce qu’elle est devenue : morale prêchée parfois par des évêques qui bâtissent des pa
1094 dissante, mais secrètement anxieuse. Or, Don Juan est l’antithèse de Tristan, son négatif parfait : infidèle par définition
1095 lle qui pourrait retenir son amour, quand Tristan était l’homme d’un seul amour fatal mais dans lequel il trouvait toute la F
1096 i demeurent insensibles aux réalités spirituelles sont incapables de passion. On ne parle plus que de « passionnettes », mai
1097 ille après un siège en règle). Mais ces femmes ne sont plus objets d’adoration. Elles ont leur politique, leur stratégie sub
1098 errière lui que des femmes émues et heureuses. Il est vrai qu’aucune d’elles n’a publié de souvenirs. Mais écoutons ce cri
1099 peut donc s’agir que de fantasmes, mais qui n’en sont que plus révélateurs de l’inconscient collectif du siècle et des moti
1100 if du siècle et des motivations qu’il subit. Sade est , de toute évidence, un malade mental, un de ces « fous » qui, selon C
1101 l entend renchérir sur elles. Pour lui, « le pire est l’ennemi du mal », comme l’a si bien vu Jean Paulhan. Par une sorte d
1102 es valeurs, on ne saurait trop souligner qu’elles sont celles de la noblesse la plus arrogante, et peu importe qu’il les van
1103 plit le siècle, de la Régence à la Révolution. Ce serait oublier son plus grand écrivain, Rousseau le gêneur, qui d’ailleurs v
1104 s aimer… Que Dieu me conserve cette douleur qui m’ est indiciblement chère. L’amour romantique C’est à partir de l’ét
1105 is, dans son journal intime : Notre engagement n’ était pas pris pour ce monde. Et dans les Hymnes à la nuit : Que ton feu
1106 éternellement notre nuit nuptiale ! Les Français seront plus lents à se laisser emporter par « l’enthousiasme errant, fils de
1107 autre vie ! À partir de là, tout le xixe siècle sera sentimental, passionné et mélancolique dans les choses de l’amour, se
1108 ent de près la littérature, celle-ci à son tour n’ est jamais indépendante de la société et de ses structures de contrainte.
1109 de ses structures de contrainte. Si le romantisme est un retour en force de la religion des « Fidèles d’amour », c’est que
1110 l il se révolte et mobilise les énergies de l’âme est l’ordre bourgeois tout entier : le règne des horaires, condition de l
1111 et de son système de valeurs jugées incompatibles soit avec la justice sociale, soit avec l’exigence chrétienne. Baudelaire,
1112 ugées incompatibles soit avec la justice sociale, soit avec l’exigence chrétienne. Baudelaire, profond révélateur de la sens
1113 défense contre la civilisation industrielle. Elle est nourrie de spleen urbain et de nostalgie d’un horizon crépusculaire,
1114 oudaine que sa doctrine « expliquait tout », cela tient au fait qu’il expliquait les névroses et quelques psychoses à partir
1115 r lui, l’amour « dont les poètes parlent tant » n’ est qu’une « prime de plaisir » donnée à l’acte sexuel, l’attrait sexuel
1116 mour du prochain, désintéressé et même oblatif, n’ est en dernière analyse qu’une « variété » de l’attrait sexuel, alors que
1117 chrétienne du monde, c’est l’attrait sexuel qui n’ est qu’un cas particulier de cet Amour cosmique et spirituel qui, selon D
1118 soleil et les autres étoiles ». La psychanalyse s’ est constituée au cours d’une période d’érotisation générale de la psyché
1119 t (sur) un état de fait dont la bourgeoisie seule est responsable, et auquel Freud n’a voulu que donner ses vrais noms. Le
1120 illemets comme pour s’excuser de son incongruité, est défini comme une attitude envers autrui qui perpétue ou reproduit le
1121 ion amoureuse de l’enfant, où le plaisir sexuel n’ est pas trouvé indépendamment, mais toujours en s’étayant sur la satisfac
1122 du plaisir transcendant et « mort de Dieu ». Il s’ est fait le théologien d’une mystique athée fondée sur le seul drame d’Ér
1123 au péché ; de lui donner tout ce qui, jusqu’ici, était donné à l’amour ; d’en faire le moyen de notre propre révélation (pré
1124 Avenir de l’amour-passion La morale bourgeoise est en pleine décadence. Ses tabous ne tiennent plus. Freud et tous les p
1125 bourgeoise est en pleine décadence. Ses tabous ne tiennent plus. Freud et tous les psychanalystes ont accrédité malgré eux l’idé
1126 édité malgré eux l’idée, devenue populaire, qu’il est moins dangereux pour la société de libérer l’instinct sexuel que le r
1127 es livres, ne signifie nullement que la sexualité soit plus anarchique ou plus vigoureuse qu’en d’autres temps. C’est seulem
1128 ’est seulement l’expression de la sexualité qui n’ est plus réprimée, ce qui signifie que la plupart des interdits sociaux,
1129 s romanciers savent bien que le roman véritable n’ est jamais qu’une version renouvelée de l’archétype courtois de Tristan e
1130 d’un quadragénaire pour une nymphette de 12 ans, sont les derniers échos du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous que
1131 especte encore. Mais déjà le héros de Lolita nous est décrit comme un antihéros, c’est-à-dire un malade mental. Un psychana
1132 n psychanalyste l’eût guéri et le roman n’eût pas été . Anticipant sur une évolution qui devrait logiquement conduire à l’ex
1133 radictoires de l’érotisme et de la passion. Et ce sera la fonction retrouvée et renouvelée de la littérature romanesque et l
1134 dalou Ibn Hazm écrivait au xie siècle : L’amour est une maladie incurable qui ne peut trouver remède qu’en elle-même. C’e
1135 table et un mal que nous désirons. Celui qui n’en est pas atteint ne souhaite nullement rester sain. Et celui qui en souffr
1136 celui qui en souffre ne trouve aucun plaisir à en être guéri. r. Rougemont Denis de, « L’amour », L’Univers de la psych
15 1975, Articles divers (1974-1977). « Le sort des écrivains emprisonnés constitue un drame et un avertissement » (juin 1975)
1137 ne manière scandaleuse dans les pays totalitaires est en germe chez nous. Face à un État qui veut tout régenter, y compris
1138 mené à critiquer, à s’opposer. C’est parce qu’ils sont écrivains que Boukovski, comme Siniavsky ou Daniel sont enfermés ? Ou
1139 crivains que Boukovski, comme Siniavsky ou Daniel sont enfermés ? Ou simplement parce qu’ils s’opposent au régime ? Face à u
1140 régime ? Face à un régime totalitaire l’écrivain est nécessairement en opposition. Non seulement parce qu’il raconte. Mais
1141 ent parce qu’il raconte. Mais surtout parce qu’il est manieur de mots, donneur de sens. Dans ce qu’il écrit il y a presque
1142 contribuer à changer les mœurs. Et le changement est la dernière chose que peut accepter une société figée comme les socié
1143 rivain, d’avoir une opinion personnelle peut donc être assimilé à une marque de folie ? Je pense qu’on ne lui refuse pas d’a
1144 et qu’il continue à l’affirmer avec véhémence. Il est comme un soldat qui n’accepte pas la discipline, se fait punir mais r
1145 e. Il y a un mot pour désigner ces individus : ce sont des mauvaises têtes. De mauvaise tête à « dérangé du cerveau » le gli
1146 vaise tête à « dérangé du cerveau » le glissement est facile. Dans une société totalitaire je dirais même qu’il est naturel
1147 Dans une société totalitaire je dirais même qu’il est naturel. On les condamne donc pour remettre leurs idées en place, en
1148 que. On lui amène quelqu’un dont on lui dit qu’il est fou. Sa première réaction va consister à lui laver le cerveau. Pour c
1149 qu’il le condamne. Un Soljenitsyne qui, pour lui, est un écrivain « dérangé » doit être guéri et il a justement les moyens
1150 e qui, pour lui, est un écrivain « dérangé » doit être guéri et il a justement les moyens de le guérir. Quels moyens ? Le ps
1151 ceux que, précisément, on réserve aux fous. Si j’ étais en Russie je serais enfermé depuis longtemps et je me demande si je n
1152 ent, on réserve aux fous. Si j’étais en Russie je serais enfermé depuis longtemps et je me demande si je ne deviendrais pas fo
1153 is pas fou réellement. Quand on vous dit que vous êtes seul à penser de la sorte, vous pouvez réellement vous demander : Mai
1154 réellement vous demander : Mais en fin de compte est -ce que je n’ai pas tort puisque tous les autres pensent autrement ? E
1155 ès bien vous amener à la folie. J’ai su comment s’ étaient passés les grands procès de Moscou lorsque Staline s’est débarrassé d
1156 sés les grands procès de Moscou lorsque Staline s’ est débarrassé de tous les vieux communistes qui avaient participé à la f
1157 tuer. Donc si vous le reconnaissez c’est que vous êtes capable de le faire. Mais ces gens représentaient peut-être un danger
1158 fférent : celui de changer les mœurs parce qu’ils sont , je l’ai dit, manieurs de mots, donneurs de sens. Les mœurs dépendent
1159 our ; La Rochefoucault a dit : « Combien d’hommes seraient amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’amour ? » Eh bien, c
1160 mantique que les Américains appellent « romance » est une invention des poètes du Midi de la France au xiie siècle. Avant
1161 r sensuel. Et c’est cette notion de l’amour qui a été vulgarisée à travers toutes les littératures, toutes les sociétés jus
1162 té imagine les rapports entre l’homme et la femme est un élément important de ses mœurs. Or cette façon n’a pas été modifié
1163 nt important de ses mœurs. Or cette façon n’a pas été modifiée par les grands de l’époque, les seigneurs puissants et redou
1164 hares sur les bûchers de la première Inquisition. Est -ce que les dirigeants d’aujourd’hui, particulièrement ceux des sociét
1165 en cette influence de l’artiste ? Je crois qu’ils sont emplis d’angoisse devant ce monde impossible à gouverner et que, même
1166 ssi dans leurs pensées. Les Russes et les Chinois sont les seuls qui avouent ouvertement pratiquer ce conditionnement. La ré
1167 nement. La révolution culturelle chinoise n’a pas été autre chose qu’un immense conditionnement. Et sans doute lorsqu’on pr
1168 Aucun écrivain digne de ce nom ne peut accepter d’ être l’objet d’un pareil conditionnement où on lui dirait ce qu’il doit éc
1169 t écrire. C’est sa nature même qui s’y oppose. Il sera donc toujours un opposant, un « agent de la révolution » selon le mot
1170 e la société amène toujours davantage l’artiste à être en opposition contre elle. D’ailleurs ça n’a pas toujours été le cas 
1171 ition contre elle. D’ailleurs ça n’a pas toujours été le cas : je pense à Racine et à Corneille qui étaient au service de L
1172 été le cas : je pense à Racine et à Corneille qui étaient au service de Louis XIV. Les grands peintres de la Renaissance qui dé
1173 ient les gens qui faisaient l’ordre dans la cité, étaient eux aussi proches du pouvoir. Chacun de ces artistes, à sa manière, é
1174 du pouvoir. Chacun de ces artistes, à sa manière, était donneur de mesures morales dans lesquelles leurs contemporains pourra
1175 it rarement les limites d’un petit canton suisse. Est -ce que cette dimension avait une influence ? C’est une évidence. Dans
1176 ne peut plus agir comme responsable. Et l’homme n’ est libre que s’il est responsable. C’est une vieille notion que l’on ret
1177 omme responsable. Et l’homme n’est libre que s’il est responsable. C’est une vieille notion que l’on retrouve encore en jus
1178 sans avoir la responsabilité de votre acte, vous serez acquitté. C’est parce que je crois à cette liberté de l’homme liée à
1179 i la voix porte aujourd’hui beaucoup plus loin je suis fidèle à la définition d’Aristote selon laquelle une cité ne devrait
1180 il n’y a pas de nécessité à ce qu’un État moderne soit regroupé, donc plus puissant ? Quelle nécessité ? Quand les gens qui
1181 aient jamais pu réunir complètement la France qui fut longtemps composée de neuf nations parlant chacune leur langue. C’est
1182 session de tous les moyens de commander, ceux qui étaient à la tête des États ont eu naturellement plus de prétention que leurs
1183 gens. Même aux États-Unis où la radio et la TV ne sont pas aux mains de l’État le gouvernement dispose de toutes sortes de m
1184 Partout l’État veut imposer sa norme. Ces défauts sont peut-être moins évidents dans de petits pays, la Suisse notamment. Bi
1185 e petits pays, la Suisse notamment. Bien sûr nous sommes encore dans une société où l’individu n’est pas aussi directement men
1186 us sommes encore dans une société où l’individu n’ est pas aussi directement menacé. Mais je vous rends attentif à un fait.
1187 C’est un choix qui ne menace personne. Lorsqu’il était pilote de chasse et qu’il faisait tomber des bombes sur les villes, i
1188 u’il faisait tomber des bombes sur les villes, il était libre, considéré, décoré même. Depuis qu’il a pris le parti de la pai
1189 ris la police suisse. C’est un exemple. Mais nous sommes encore très loin d’infliger aux opposants le sort que connaissent les
1190 que connaissent les écrivains soviétiques ? Nous sommes préservés contre certaines outrances des pays totalitaires parce que
1191 parce que dans le fondement de notre société ce n’ est pas la masse qui constitue l’unité de mesure mais l’individu. Partout
1192 Partout ailleurs où la dimension de l’État-nation est trop grande, où le pouvoir est concentré entre quelques mains — et on
1193 n de l’État-nation est trop grande, où le pouvoir est concentré entre quelques mains — et on n’a plus besoin d’être Napoléo
1194 ré entre quelques mains — et on n’a plus besoin d’ être Napoléon pour être à la tête d’un État moderne — le glissement vers u
1195 ains — et on n’a plus besoin d’être Napoléon pour être à la tête d’un État moderne — le glissement vers une société sans opp
1196 sition où l’homme se fond dans la norme, accepte, est un phénomène de plus en plus courant, de plus en plus dangereux. Et o
1197 nnaît pas d’autres horizons. En janvier 1972 il a été encore condamné pour “agitation et propagande antisoviétique” à douze
1198 ce que ces arrêts des juges représentent pour un être humain. Le crime que Boukovski paie et qu’il devra continuer de payer
1199 Boukovski paie et qu’il devra continuer de payer est celui d’avoir une opinion et de l’exprimer. Il n’est pas dans la norm
1200 celui d’avoir une opinion et de l’exprimer. Il n’ est pas dans la norme de la Russie d’aujourd’hui comme les Rosenberg — do
1201 sion nous rappelait récemment la fin tragique — n’ étaient pas dans la norme de l’Amérique des années 1950. Très justement Amnes
1202 Vladimir Boukovski qui, aux dernières nouvelles, était détenu dans la prison de Vladimir où il ne recevait aucune assistance
1203 ne recevait aucune assistance médicale bien qu’il soit gravement malade. Pour tenter de le sauver, les groupes romands d’Amn
1204 ant sa libération. Au premier rang de ceux qui se sont engagés dans ce combat on trouve le nom de l’un des plus grands écriv
1205 Denis de Rougemont. Les raisons de cet engagement sont bien dans la logique de son œuvre et de ses actes. On n’a pas oublié
16 1975, Articles divers (1974-1977). « L’État-nation, voilà l’ennemi » (1er juillet 1975)
1206 résultat, brillante gestion ! Mais, au fait, qui était le gérant ? La réponse est dangereusement simple. Les responsables so
1207 ! Mais, au fait, qui était le gérant ? La réponse est dangereusement simple. Les responsables sont les 150 États-nations qu
1208 ponse est dangereusement simple. Les responsables sont les 150 États-nations qui se partagent aujourd’hui la totalité (sans
1209 Ils ont tout calculé pour leur guerre, dont tous sont nés, et selon l’obsession de puissance qui explique seule, sans la ju
1210 venir les plus catastrophiques ont seule chance d’ être vérifiés ; ou bien des hommes et des groupes décident de reprendre en
1211 peu à renverser, tout à construire. Et force nous sera de le faire dans les cadres de l’État-nation périmés ; hors d’eux, il
1212 adres de l’État-nation périmés ; hors d’eux, il n’ est plus d’espace libre, il n’y a plus que l’avenir qui leur échappe. Pas
1213 uestion non plus de constituer des régions qui ne soient que des mini-États-nations, et qui prétendent imposer le carcan de fr
1214 de la réalité humaine. Les régions nécessaires ne sont pas ethniques d’abord, et encore moins économiques d’abord. La soluti
1215 d’abord. La solution de nos problèmes économiques est à chercher sur un tout autre plan que celui où la crise se déclare :
1216 la mauvaise gestion de la planète, l’État-nation est aussi le fauteur de la crise, dans la mesure où l’obsession de la pui
1217 se, dans la mesure où l’obsession de la puissance est l’ultima ratio de ses décisions. Mais d’où tient-il sa puissance actu
1218 ce est l’ultima ratio de ses décisions. Mais d’où tient -il sa puissance actuelle, sinon du vide civique créé par l’urbanisati
1219 recouvrer la dimension civique sans laquelle il n’ est pas une vraie personne, c’est le problème central de notre temps. Les
1220 rtains l’ont fait à Berlin : « Votre point de vue est typiquement européen, mais que vaut-il pour tous ces pays neufs qui o
1221 ui ont adopté le modèle de l’État-nation qui leur était livré dans le même paquet que la technique et le DDT, et qui était po
1222 le même paquet que la technique et le DDT, et qui était pour eux, au départ, le moyen de leur libération ? » Deux réponses à
1223 plus de mal au tiers-monde qu’aux Européens. Ce n’ est pas peu dire ! Il est grand temps de le dépouiller de son prestige, d
1224 onde qu’aux Européens. Ce n’est pas peu dire ! Il est grand temps de le dépouiller de son prestige, d’en dénoncer l’absurdi
1225 ve, et membre du club de Rome, Denis de Rougemont est d’accord pour la création des régions, à l’échelle du monde, mais à c
17 1975, Articles divers (1974-1977). « Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations » (septembre 1975)
1226 « Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations » (septembre 1975)w x Ne risque-t-on pas d
1227 ional ? Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations. Ce serait bien pire que les grands. Ce serai
1228 es régions qui soient de petits États-nations. Ce serait bien pire que les grands. Ce seraient les défauts des grands plus l’e
1229 s-nations. Ce serait bien pire que les grands. Ce seraient les défauts des grands plus l’esprit de clocher. Ce qu’il faut, c’est
1230 issait à renverser les gouvernements centraux, il serait obligé de reprendre leur place et il serait occupé comme les autres à
1231 x, il serait obligé de reprendre leur place et il serait occupé comme les autres à rester au pouvoir. C’est donc une voie sans
1232 du Val d’Aoste et du canton de Vaud, tout ce qui est autour du Léman. Une quantité de problèmes seraient à résoudre sur pl
1233 ui est autour du Léman. Une quantité de problèmes seraient à résoudre sur place par des gens de la région, avec l’aide des élus
1234 chaque jour dans le lac, au point que la lotte n’ est plus comestible. Les concentrations deviennent, aujourd’hui déjà, plu
1235 c, des accidents épouvantables, du type japonais, sont possibles d’un jour à l’autre dans notre région. Il y a là une tâche
1236 accomplir en commun. La nappe phréatique, aussi, est commune aux Genevois, aux Gessiens et aux Savoyards. Elle est très me
1237 aux Genevois, aux Gessiens et aux Savoyards. Elle est très menacée, d’épuisement, de contamination, de pollutions diverses.
1238 isser un gouvernement répondre à un autre qu’il n’ est pas question de coopérer parce que, en temps de guerre, on serait trè
1239 ion de coopérer parce que, en temps de guerre, on serait très embêté si on avait la même station de pompage… Il y a les problè
1240 e pompage… Il y a les problèmes de l’aéroport qui sont évidemment communs aux deux côtés de la frontière. Il y a le problème
1241 neutrons… Il y a des problèmes d’éducation : il n’ est pas tolérable que des enfants de travailleurs étrangers ne disposent
1242 ançais enseignent en Suisse, mais la réciproque n’ est pas possible). Il faut, au besoin, créer des équipes de travail par-d
1243 des ordinateurs des diverses universités doivent être uniformisés. Même cela, n’est-ce pas déjà une manière de sédition ? I
1244 niversités doivent être uniformisés. Même cela, n’ est -ce pas déjà une manière de sédition ? Il y a des centaines de choses
1245 risations. Si vous demandez à d’autres le droit d’ être libre, vous êtes perdu ! La liberté, c’est une chose qu’on prend, qu’
1246 s demandez à d’autres le droit d’être libre, vous êtes perdu ! La liberté, c’est une chose qu’on prend, qu’on mérite et, sur
1247 on mérite et, surtout, dont on se montre digne en étant responsable. Responsable : je tiens au mot. Car après tout, sans resp
1248 ntre digne en étant responsable. Responsable : je tiens au mot. Car après tout, sans responsabilité, il n’y a pas de civisme,
1249 retien] Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations », Le Mois de Candide, Ferney, septembre 1975
18 1976, Articles divers (1974-1977). Message de M. Denis de Rougemont (1976)
1250 voir le jour. Mais lui-même, comme jeune homme, s’ était rêvé un avenir tout différent, celui de l’homme de culture et de médi
1251 elui de l’homme de culture et de méditation qu’il fut , en fait, d’une manière invisible mais réelle et qui, loin d’être mar
1252 ’une manière invisible mais réelle et qui, loin d’ être marginale par rapport à son œuvre politique, pourrait bien en être la
1253 r rapport à son œuvre politique, pourrait bien en être la source. Personnellement, je vois la preuve de cela dans le fait qu
1254 quel esprit l’homme politique de premier plan qu’ était devenu Robert Schuman jugeait-il la fonction de ces deux entreprises,
1255 itre à son deuxième chapitre : L’Europe, avant d’ être une alliance militaire ou une entité politique, doit être une communa
1256 alliance militaire ou une entité politique, doit être une communauté culturelle. Et dans ce même chapitre, je souligne cet
1257 faire du chemin, surtout en ce sens que le chemin est long et qu’on le parcourt lentement ». On sent bien ici que Schuman n
1258 sque c’est tout naturellement que sa méditation s’ est poursuivie en création et n’a cessé de soutenir son action. Voilà po
1259 omme d’État d’allure volontairement modeste, aura été plus créateur que les grands ténors de ce siècle. Piéton tranquille s
1260 jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis sans doute trop vieux pour surmonter l’idée de nation souveraine, dan
1261 r l’idée de nation souveraine, dans laquelle j’ai été élevé. Ce sera l’affaire de votre génération. Trois lustres ont pass
1262 tion souveraine, dans laquelle j’ai été élevé. Ce sera l’affaire de votre génération. Trois lustres ont passé déjà sans que
1263 Quant à repasser le flambeau, selon le cliché, ce serait une démission, voire une abdication qui ne trouverait plus personne p
1264 M. Denis de Rougemont », L’Europe plus que jamais est nécessaire à la prospérité et à la sécurité, Montigny-lès-Metz, Assoc
19 1976, Articles divers (1974-1977). L’Europe, l’été [préface] (1976)
1265 L’Europe, l’ été [préface] (1976)aa L’Europe, l’été, devient un parc immense aux bo
1266 L’Europe, l’été [préface] (1976)aa L’Europe, l’ été , devient un parc immense aux bosquets enchantés de musique. Du gracil
1267 deaux et d’Athènes à Stockholm, toute l’Europe en été vibre et chante, danse ou déploie les fastes de ses opéras dans les p
1268 e à travers tout le romantisme occidental. Là, ce sont quelques heures d’autoroute à travers forêts et vallées qui relient l
1269 ommune appartenance au grand ensemble culturel qu’ est en réalité l’Europe, et l’aient prouvé en s’associant sous le signe d
1270 ntale. ⁂ Depuis un siècle et demi, les nations se sont multipliées, et elles se sont bardées de frontières sourcilleuses, da
1271 emi, les nations se sont multipliées, et elles se sont bardées de frontières sourcilleuses, dans notre Europe jadis ouverte
1272 tre européen de la culture, à Genève, dont le but était précisément d’offrir un lieu de rencontres et des moyens de coopérati
1273 l’Europe à la recherche de l’union. Notre entente fut immédiate, et les plans vite tracés. Tous nos grands festivals furent
1274 les plans vite tracés. Tous nos grands festivals furent invités à déléguer leurs directeurs pour une première prise de contac
1275 l’Association européenne des festivals de musique était fondée et se mettait à l’œuvre. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens
1276 tait fondée et se mettait à l’œuvre. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens qu’elle est liée à l’Europe non seulement histor
1277 re. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens qu’elle est liée à l’Europe non seulement historiquement, dans sa genèse, mais en
1278 nèse, mais encore essentiellement dans sa nature, étant née du complexe physico-spirituel qui a formé l’homme européen et qui
1279 de la musique ; et, d’autre part, que la musique est l’expression la plus profonde et spécifique du génie propre de l’Euro
1280 tre unité fondamentale. Unité dans la diversité — est -il besoin de le répéter ? Saisir ensemble ces deux termes que la logi
1281 r ensemble ces deux termes que la logique oppose, est un mouvement, un geste de l’esprit, caractéristique de l’Europe. Voil
1282 , et non pas tout mêler indiscernablement ni s’en tenir à l’unisson. En un mot fédérer, mot-clé de notre Centre. Je prie les
1283 x rivalités stériles, favoriser les échanges, qui sont la santé de la culture comme de l’économie, et, de la sorte, élever l
1284 nt de la musique et de la culture européennes ont été reçus en qualité de membres associés. Israël et Osaka ont brillamment
1285 on du rez-de-chaussée, une trentaine de personnes sont assises autour d’une table en fer à cheval, et souvent leurs regards
1286 oms s’échangent, et des projets s’esquissent : ce sont tous les grands noms de la musique, compositeurs, exécutants et chefs
1287 ampions de la dernière école postsérielle ; et ce sont des projets de concerts, de ballets, d’opéras de tous les siècles qui
1288 a joie de centaines de milliers d’auditeurs. Nous sommes ici au centre d’un prestigieux complot contre l’ennui et la laideur q
1289 ou assagi — qu’a pris le mot dans l’ère moderne, est une forme de vie et d’activité artistique tout à fait spécifique de l
1290 stivalienne me paraît typiquement occidentale, ne fût -ce que par les antinomies qu’elle embrasse, les paradoxes et les ambi
1291 oblème d’une définition du festival authentique s’ est donc posé d’emblée aux membres de l’association. À l’occasion d’une
1292 n proposait la définition suivante : Un festival est d’abord une fête, un ensemble de manifestations artistiques s’élevant
1293 et de soutenir. Ce caractère d’exception doit lui être conféré non seulement par la haute qualité des œuvres produites (tant
1294 de ces œuvres avec l’ambiance des lieux où elles sont jouées, créant ainsi une atmosphère particulière à laquelle contribue
1295 s, compositeurs et musicologues, cette définition fut très généralement approuvée, bien que certains, non sans raison, aien
1296 rouvée, bien que certains, non sans raison, aient tenu à souligner qu’elle était idéale et au mieux normative, plutôt que ré
1297 , non sans raison, aient tenu à souligner qu’elle était idéale et au mieux normative, plutôt que réaliste et descriptive. (Ma
1298 tive, plutôt que réaliste et descriptive. (Mais n’ est -ce pas le fait de toute définition, et son utilité majeure ?) De plus
1299 ival viable. (Le cas des « semaines musicales » d’ été organisées par une grande ville comme Berlin, Vienne ou même Zurich,
1300 dont elle dispose pour sa propre saison d’hiver, est tout à fait différent, mais plus rare.) La multiplication des festiva
1301 dernières décennies. Chaque année, les festivals tiennent plus de place non seulement à la radiotélévision et dans la critique
1302 pularisation de la culture. L’essor des festivals est un indice commode permettant de mesurer l’ampleur de cette évolution
1303 4. Au xixe et au début de ce siècle, la musique était confinée dans les salles de concert, séparée de la vie, j’entends des
1304 out le contexte social en vue desquels elle avait été composée. C’est grâce aux festivals qu’on s’est remis de nos jours no
1305 t été composée. C’est grâce aux festivals qu’on s’ est remis de nos jours non seulement à jouer Hamlet sur les remparts d’un
1306 u d’origine et d’usage, à la communauté dont elle fut l’expression ou qu’elle reconstitue dans les esprits chaque fois qu’e
1307 reconstitue dans les esprits chaque fois qu’elle est jouée en son lieu, annonce et préfigure une évolution très profonde d
1308 ogie. Pas un seul festival de notre association n’ est « national », soulignons-le : régionaux ou municipaux, chacun d’eux c
1309 iculier, mais bien par une certaine manière qui n’ est qu’à lui de mettre en œuvre et d’accueillir la musique d’hier et d’au
1310 t œuvre commune de la culture européenne. « L’art est l’état d’esprit d’un jour de fête », disait Flaubert. Et la définitio
1311 finition citée plus haut rappelait qu’un festival est d’abord une fête, c’est-à-dire l’acte exceptionnel, symbolique et mém
1312 nnel, symbolique et mémorial d’une communauté. Il est beau que ce soit à la musique, plutôt qu’à quelque mascarade folklori
1313 et mémorial d’une communauté. Il est beau que ce soit à la musique, plutôt qu’à quelque mascarade folklorique, que déjà tan
1314 demander l’expression publique et sensible de cet être communautaire et de cette âme dont, s’il est vrai qu’un paysage est u
1315 cet être communautaire et de cette âme dont, s’il est vrai qu’un paysage est un « état d’âme », on pourra contempler aux pa
1316 et de cette âme dont, s’il est vrai qu’un paysage est un « état d’âme », on pourra contempler aux pages de ce livre tant d’
1317 aa. Rougemont Denis de, « [Préface] L’Europe, l’ été  », Festivals de musique européens, Lausanne, 24 Heures, 1976, p. 7-12
20 1976, Articles divers (1974-1977). Histoire et prospective de l’identité européenne (1976)
1318 y Dans le champ des études européennes, quelle est votre discipline ? Quand on sent qu’on ne peut pas répondre facilemen
1319 u’il faut la compliquer, parce qu‘en réalité elle est bien plus complexe que celui qui la pose ne le croyait. Avant donc d’
1320 le reste en dépendra, et d’abord mes réponses. Qu’ est -ce donc pour vous, l’Europe ? Ce n‘est pas une réalité faite et achev
1321 ponses. Qu’est-ce donc pour vous, l’Europe ? Ce n‘ est pas une réalité faite et achevée, ou bien en train de se défaire. Ce
1322 et achevée, ou bien en train de se défaire. Ce n’ est pas une forme idéale à rejoindre, ni quelque chose qui aurait existé
1323 que l’on se proposerait de ressusciter. Mais ce n‘ est pas non plus une utopie, comme le furent les projets d’union de Pierr
1324 . Mais ce n‘est pas non plus une utopie, comme le furent les projets d’union de Pierre Dubois (1308), du roi de Bohême Georges
1325 lliard d’humains, leur culture (dont l’Université est un élément) et leurs manières de vivre. Et ce problème ne se pose pas
1326 l’espace vide de la théorie intemporelle. Il nous est imposé concrètement dans l’aire d’un continent déterminé, au troisièm
1327 e vous me semblez faire, après tant d’autres — ce fut une mode dans les années 1960 — entre la recherche fondamentale et la
1328 amateurs d’applications techniques ou militaires étant priés de s’abstenir ou de modérer leurs impatiences. Bien. Mais les g
1329 sur la Lune. Pour eux, la recherche fondamentale est celle qui peut « rendre » en vingt ans, pour le prestige et la puissa
1330 strie. Vous voyez que la recherche fondamentale n‘ est pas aussi « gratuite » qu’on le croyait : il arrive même qu’elle soit
1331 tuite » qu’on le croyait : il arrive même qu’elle soit la mieux payée et la plus payante au bout du compte. Qu’en est-il dan
1332 payée et la plus payante au bout du compte. Qu’en est -il dans le domaine des sciences humaines ? Je serais tenté de revendi
1333 est-il dans le domaine des sciences humaines ? Je serais tenté de revendiquer la qualité de « recherche fondamentale » — qui i
1334 que dans notre domaine, la recherche fondamentale est celle qui a pour objet l’homme lui-même, la personne. Si la mathémati
1335 l’homme lui-même, la personne. Si la mathématique est science fondamentale pour les physiciens, les chimistes, les astronom
1336 mieux savoir et mieux comprendre en général ce qu’ est l’Europe comme fonction dans le Monde ; et en particulier, c’est là m
1337 ranche, à mieux comprendre ce que cela signifie d’ être un Européen. Ce n’est pas un métier ni même une profession. C’est une
1338 dre ce que cela signifie d’être un Européen. Ce n’ est pas un métier ni même une profession. C’est une manière d’être homme
1339 étier ni même une profession. C’est une manière d’ être homme et d’orienter la vie. C’est une manière aussi de faire vivre l’
1340 de faire vivre l’Europe en vivant sa culture, qui est , à mes yeux, sa profonde identité. Cette culture a produit — comme dé
1341 istan, et l’amour-passion, la Comédie et les deux Sommes , les mystiques espagnols, les Élisabéthains, et les classiques frança
1342 i ! » Comme si ceux qui écrivent ces slogans n’en étaient pas, de cette Europe qu’ils jugent finie ! L’agonie qu’ils annoncent,
1343 ’ils annoncent, complaisants, c’est la leur ! Ils sont bien les seuls à ne pas le voir ! Et c’est le moment que vous choisis
1344 pe. Ce qui ne prouve d’ailleurs pas que mon sujet soit « sérieux » du point de vue que l’on nommait naguère académique, mais
1345 oute une civilisation, dont le monde académique n’ est qu’une partie, certes précieuse, mais englobée, non englobante. Secon
1346 . Là encore, vous allez me dire que ces démarches sont peu compatibles avec l’idée du sérieux scientifique qu’on cultivait a
1347 s sans pouvoir le connaître. Or, si le passé seul est objet de savoir, tout savoir assuré sera donc historique. Et dès lors
1348 assé seul est objet de savoir, tout savoir assuré sera donc historique. Et dès lors, votre discipline ne serait-elle pas tou
1349 donc historique. Et dès lors, votre discipline ne serait -elle pas tout simplement une histoire des idées en Europe, sur l’Euro
1350 echerche, et le virtuel, objet de la prospective, sont plus encore que le savoir ce que j’ai le désir de transmettre, c’est-
1351 uditeurs d’un cours. Car penser, après tout, ce n‘ est peut-être que cela : mettre en système du savoir et du non-savoir, du
1352 stème du savoir et du non-savoir, du réalisé — ce sont les « faits » — et du virtuel ou potentiel, c’est ce qui reste « à fa
1353 e sans le connaître, qui apparaîtra un jour comme étant le principal de ce que j’avais à faire passer, dans le cadre rigoureu
1354 gie philosophique, sur les problèmes de l’Europe, est -ce que cela ne vous condamne pas à l’européocentrisme ? Vous en êtes
1355 vous condamne pas à l’européocentrisme ? Vous en êtes parfois accusé. Quand on fait « simplement » du droit, des lettres, d
1356 leur monde. Or à mon sens, c’est le contraire qui est vrai. Il arrive bien souvent que celui qui fait des lettres, de la mé
1357 e ou marxiste, ou de la science politique en soi, soit à mille lieues de soupçonner le caractère spécifiquement européen de
1358 spécifiquement européen de sa discipline. Or s’il est naïvement européen, il est fatal qu’il se comporte, objectivement, d’
1359 sa discipline. Or s’il est naïvement européen, il est fatal qu’il se comporte, objectivement, d’une manière tout européocen
1360 opéocentrique. Il croit que le droit qu’il étudie est le vrai Droit universel ; que l’histoire a un sens et qu’elle détient
1361 mes nécessités chez tous les peuples, quelles que soient leurs croyances religieuses ; que la technique est quelque chose « d’
1362 nt leurs croyances religieuses ; que la technique est quelque chose « d’objectif » et « d’universel », et qui ne dépend ni
1363 duisent des romans d’amour, etc. Or ces croyances sont typiquement européennes, bien qu’erronées, comme le démontrent nos ét
1364 isième tiers du xxe siècle. L’étude de la chimie est utile, l’étude du droit aussi, mais connaître les raisons d’être et l
1365 tude du droit aussi, mais connaître les raisons d’ être et les moyens de survivre de l’Europe est simplement vital pour toute
1366 sons d’être et les moyens de survivre de l’Europe est simplement vital pour toute notre culture. Croyez-vous que l’Universi
1367 ute notre culture. Croyez-vous que l’Université n’ est pas intéressée au premier chef à la survie de cette culture ? 20. M
1368 rope surtout et par ces masochistes invétérés que sont trop souvent les intellectuels européens. y. Rougemont Denis de, « 
21 1976, Articles divers (1974-1977). Changer de cap (novembre 1976)
1369 re 1976)ab Ce que l’on appelle « politique » n’ est en général qu’une tactique partisane, mais ce qui m’intéresse est aut
1370 u’une tactique partisane, mais ce qui m’intéresse est autre chose : la stratégie de notre civilisation. Ce sont donc les gr
1371 re chose : la stratégie de notre civilisation. Ce sont donc les grands choix moraux qui déterminent parfois à notre insu les
1372 et la nature, une société dont l’idéal directeur soit la liberté des personnes assurées par la participation responsable de
1373 je m’occupe de ces choses, et que j’en écris, je suis de plus en plus frappé par le rôle qu’y joue le mensonge systématique
1374 éma suivant que je reconstitue : I. Le philosophe étant celui qui pose des questions simples et naïves, je demande : « Concor
1375 imples et naïves, je demande : « Concorde, à quoi est -ce que ça sert ? » On m’assure que cet appareil ira de Paris à New Yo
1376 peut dire, que feront-ils de ces heures gagnées ? Est -ce qu’elles vaudront les seize milliards déjà dépensés par l’État, do
1377 donc par les contribuables français et anglais ? Est -ce qu’elles justifieront le risque planétaire que des savants redoute
1378 es pour quelques-uns. Étrange pari. Moi, je ne le tiendrais pas… » 2. Si les clients prévus, dont l’heure est si précieuse, sont
1379 is pas… » 2. Si les clients prévus, dont l’heure est si précieuse, sont à tel point suroccupés, on leur rendrait meilleur
1380 es clients prévus, dont l’heure est si précieuse, sont à tel point suroccupés, on leur rendrait meilleur service en leur fai
1381 échir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’il était vraiment indispensable de « gagner » trois heures sur ce trajet, en v
1382 urgiens, des assureurs, etc.) ? Les Américains se sont posé la question à propos du Vietnam : pouvons-nous arrêter la guerre
1383 milliers d’ouvriers ? Je pense que si la Société est ainsi faite que la seule alternative qu’elle offre au gaspillage indu
1384 mosphère, voire à la guerre, c’est le chômage, il est temps de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’inventer d’a
1385 s « retombées technologiques » (Concorde lui-même étant une retombée des V2 à travers les fusées américaines) ; cela signifie
1386 nos têtes. 5. Indépendamment de ces arguments, je suis contre Concorde pour deux raisons fondamentales. a) Tout comme les c
1387 a) Tout comme les centrales nucléaires, Concorde est le symbole ou simplement l’enseigne d’un modèle de société que je réc
1388 d’autonomie et de fédération des groupes. b) Je suis convaincu que les promoteurs de Concorde sont animés par un certain i
1389 Je suis convaincu que les promoteurs de Concorde sont animés par un certain idéal : c’est celui du Progrès selon le xixe s
1390 oreur de cette sorte d’énergie que l’État central est seul en mesure de produire et de distribuer, entraînant ainsi, par le
1391 national dans notre société industrielle (qu’elle soit capitaliste ou socialiste, nulle différence à cet égard !), la logiqu
1392 mford a baptisé la « Mégamachine », cette logique est plus forte que tous les hommes d’État, que tous les servants de l’Éta
1393 a deux morales incompatibles en théorie, si elles sont parfois complémentaires en pratique. L’une veut la liberté d’abord, l
1394 l’autre veut la sécurité par-dessus tout. Si vous tenez à la sécurité par-dessus tout, vous êtes amené à accepter la logique
1395 Si vous tenez à la sécurité par-dessus tout, vous êtes amené à accepter la logique interne de la mégamachine étatique, vous
1396 us de l’État, et vous trouvez enfin normal que ce soit lui — comme les Rois antiques — qui dispense seul l’Énergie. Une éner
1397 pensable au fonctionnement de l’État-nation. Vous êtes amené à revendiquer l’autonomie que l’État menace, que les nécessités
1398 onversion pour une image, si vous voulez, mais je suis convaincu qu’en réa­lité, elle signifie bien davantage, et peut pro­d
1399 Et je ne dis pas qu’en alertant les énergies qui sont en nous nous pourrions aller aussi vite que Concorde. Je dis seulemen
1400 qu’en faisant appel toujours plus aux forces qui sont en nous, le besoin que nous avions de forces extérieures diminuerait
1401 ces extérieures diminuerait d’autant, et que nous serions alors en mesure de découvrir une réalité du monde bien différente, où
1402 s ferions une autre société — et je pense qu’elle serait meilleure. 21. Aujourd’hui, Air France et la SNIAS publient que l’a
22 1977, Articles divers (1974-1977). Souvenir de 1938 (1977)
1403 , à Venise, Honegger diriger son Nocturne et je m’ étais dit : Voilà celui pour qui je voudrais écrire quelque chose. À peine
1404 ionale de 1939. La guerre paraissait imminente, j’ étais en train de sortir mes uniformes d’une malle. Je ne trouvais pas de «
1405 laire que je gardais de cet ermite du xve siècle était bien pâle. Mais ce jour-là, je reprends le livre et je découvre un pe
1406 ce ! Revenir au théâtre grec, avec son chœur ? Ce serait la solution formelle ; encore faudrait-il l’adapter à la structure ch
1407 la crée l’appel au musicien — et celui-ci ne peut être qu’Honegger. Je vais le voir à Paris. Je ne le connaissais pas. En pl
1408 forme théâtrale à laquelle il croit pour l’avenir est « celle qui arrive à grouper toute une population ». C’est donc oui,
1409 se met au travail dès novembre. En janvier, tout sera terminé. Mais un soir d’août 1939, à La Chaux-de-Fonds, assistant pou
1410 première fois à une répétition des chœurs — et ce sera la dernière : la guerre est pour demain — je me sens littéralement tr
1411 n des chœurs — et ce sera la dernière : la guerre est pour demain — je me sens littéralement transporté ! Voici chanté, cla
1412 rière-plan religieux de ma « Légende dramatique » est révélé tantôt par un lyrisme aérien, alpestre, cristallin, comme dans
1413 On a écrit que si l’oratorio Nicolas de Flüe « n’ est pas devenu populaire » c’est que « ce pacifiste était inopportun en u
1414 t pas devenu populaire » c’est que « ce pacifiste était inopportun en un moment où il s’agissait de résister au national-soci
1415 rps d’armée ! » Il se peut que les deux jugements soient justes. Ce qui est certain, c’est que l’homme de la paix est seul cap
1416 peut que les deux jugements soient justes. Ce qui est certain, c’est que l’homme de la paix est seul capable de gagner ce q
1417 Ce qui est certain, c’est que l’homme de la paix est seul capable de gagner ce que toute guerre, même victorieuse, perd à
1418 même victorieuse, perd à coup sûr : les raisons d’ être d’une communauté d’hommes libres. Au surplus, la musique d’Honegger r
23 1977, Articles divers (1974-1977). Les débuts de la construction européenne (1977)
1419 a Résistance, et dont l’élément le plus dynamique est l’Union européenne des fédéralistes ; Un ensemble de projets politiqu
1420 tiques plus ou moins pragmatiques, dont Churchill sera le porte-parole le plus prestigieux, Schuman et Spaak les artisans le
1421 ncipaux, leurs conflits et leurs complémentarités sont seuls capables de rendre intelligibles les débuts et l’évolution de c
1422 ligibles les débuts et l’évolution de ce que l’on est convenu de nommer, non sans optimisme, quant à la vraie nature du phé
1423 re du phénomène, la Construction européenne. Il n’ est que juste et décent d’ajouter que sans le plan Marshall, proposé aux
1424 hall, proposé aux Européens en 1947, rejeté par l’ Est sur l’ordre de Moscou, accepté par l’Ouest, et dès lors administré pa
1425 é par l’OECE, rien de tout ce qui va suivre n’eût été possible. Il s’agit là d’un fait patent et mesurable : dans les derni
1426 ainte, rédigé en 1306. Pierre Dubois, son auteur, est un juriste de Philippe le Bel et d’Édouard d’Angleterre. Le plan d’un
1427 es prônés par l’université moderne n’auraient-ils été « utopiques » que sur un seul sujet, l’Europe ? Mais les États ne fon
1428 leur prétention à la souveraineté absolue : elle était dynastique familiale, ils la proclament « nationale » dès la Révoluti
1429 d’un régime d’union fédérale européenne. Le texte est présenté en 1930 à la Société des Nations. On peut y lire : S’unir p
1430 y lire : S’unir pour vivre et prospérer : telle est la stricte nécessité devant laquelle se trouvent désormais les nation
1431 ouvent désormais les nations d’Europe. Mais tout est compromis — comme le seront la CECA et plus encore la CEE — par l’axi
1432 ons d’Europe. Mais tout est compromis — comme le seront la CECA et plus encore la CEE — par l’axiome, inlassablement réaffirm
1433 s estiment menacée par toute forme d’union qui ne soit pas purement verbale. Pour le meilleur et pour le pire, c’est ce voca
1434 eilleur et pour le pire, c’est ce vocabulaire qui sera repris dans les traités européens de l’après-guerre. Mais ce qui exig
1435 éens de l’après-guerre. Mais ce qui exige alors d’ être expliqué, c’est le passage de l’échec du projet Briand aux relatifs s
1436 ns Monnet, Schuman et Spaak. Quel facteur nouveau est -il intervenu pour forcer les gouvernements à reprendre la constructio
1437 rchisants, participent également aux débats. Tous sont issus de la Résistance européenne à l’hitlérisme, qu’ils soient franç
1438 e la Résistance européenne à l’hitlérisme, qu’ils soient français ou italiens, allemands ou hollandais, suisses ou anglais. En
1439 jours de congrès, le cadre de l’action européenne est posé, le but ultime bien indiqué : « L’Europe une dans un monde uni. 
1440 qué : « L’Europe une dans un monde uni. » L’union sera faite sur le modèle du fédéralisme intégral, celui qui part des pouvo
1441 é d’unir tous les peuples du continent, ceux de l’ Est compris, est affirmée comme seul moyen de prévenir la colonisation pa
1442 les peuples du continent, ceux de l’Est compris, est affirmée comme seul moyen de prévenir la colonisation par un Parti ou
1443 économique du continent : l’union douanière doit être l’expression finale d’une union économique ou plan commun de producti
1444 un de production. La franchise des échanges devra être obtenue par des abaissements de droits échelonnés sur dix ou quinze a
1445 sur dix ou quinze ans. Un « plan Monnet européen est nécessaire »25 non seulement pour l’équilibre des productions françai
1446 décisive dans l’évolution de l’Europe, n’ont pas été conçues ex nihilo, ni formulées pour la première fois durant les quat
1447 de résistance actifs dans neuf pays en guerre se sont réunis clandestinement, par trois fois, pour élaborer un Manifeste fé
1448 , et au stato-nationalisme centralisateur, qu’ils tenaient pour les fourriers du totalitarisme. Or, l’idéologie personnaliste de
1449 pendant, pour l’observateur objectif que voudrait être l’historien, il est clair que ni les chefs de mouvements, sans pouvoi
1450 vateur objectif que voudrait être l’historien, il est clair que ni les chefs de mouvements, sans pouvoir, ni les ministres
1451 l’Europe. Si pourtant quelque chose se fait, cela sera dû à la complicité qui s’établit, sous le couvert d’ambiguïtés ou d’é
1452 de Coudenhove, un premier « Congrès de l’Europe » fut convoqué pour le début de mai à La Haye. Il réunit quelque huit-cents
1453 etint que l’idée d’une assemblée dont les membres seraient élus par les parlements. Des compromis analogues entre dirigistes, pl
1454 de l’Europe, 1949 À partir de La Haye « tout s’ est déroulé très vite » comme on dit dans les romans policiers. Une fois
1455 r former le Mouvement européen, dont le président fut Duncan Sandys, jeune ancien ministre et gendre de Churchill, et le se
1456 lles. Le traité instituant le Conseil de l’Europe fut paraphé au palais Saint-James, à Londres, le 5 mai, un an après La Ha
1457 ivante. Et il se trouva que sa première opération fut de définir la nature de la mission du CERN, ainsi que de programmer l
1458 on par les États européens, via l’Unesco. Le CERN fut inauguré le 1er août 1954 à Meyrin, près Genève, au lieu choisi lors
1459 si (et même renversant parfois) le brain-drain qu’ étaient alors en train de subir toutes nos nations, trop pauvres pour offrir
1460 fficultés communes à résoudre en commun »29. Ce n’ était pas une réforme, mais une révolution. On peut penser que c’est à la f
1461 nvois traversant librement les frontières des Six fut tel que, vingt-cinq ans plus tard, la presse européenne célébrant l’a
1462 te pas à titrer : « Neuf mai, le jour où l’Europe est née ! » Comme si l’Europe se limitait aux Six, comme si les Six n’éta
1463 l’Europe se limitait aux Six, comme si les Six n’ étaient rien de plus que des producteurs et des consommateurs de charbon et d
1464 idées directrices d’un pool charbon-acier avaient été formulées maintes fois pendant la période des congrès unionistes et f
1465 ités de décision politiques autant qu’économiques étaient sinon nulles, du moins annulables en tout temps par le Comité des min
1466 ropéenne, écartée de la discussion des congrès, s’ était imposée pendant la préparation de la CECA. Lorsque René Pleven ranima
1467 établir l’équilibre » (Pierre Uri). Quoi qu’il en soit , les parlements de cinq des Six ne tardèrent pas à ratifier le projet
1468 ’échec retentissant de ce combat mal engagé, mais tenu peut-être à tort pour décisif par opposants et partisans, marquera le
1469 ent la tactique et la stratégie de la CECA, « ils sont d’avis que l’union doit être réalisée d’abord dans le domaine économi
1470 ie de la CECA, « ils sont d’avis que l’union doit être réalisée d’abord dans le domaine économique ; ils estiment qu’il faut
1471 la création d’une organisation commune à laquelle seront attribués la responsabilité et les moyens d’assurer le développement
1472 t que la constitution d’un Marché commun européen est l’objectif de leur action dans le domaine de la politique économique 
1473 formation de la CECA nul progrès politique n’ait été accompli, paraît de nature à confirmer le diagnostic des fédéralistes
1474 sur cet obstacle majeur à toute union sérieuse qu’ est l’État-nation, obsédé par ses droits souverains, d’ailleurs de plus e
1475 ine, et pas une réalisation convaincante, faute d’ être exaltante. Les mouvements de militants se sont tus ou rabâchent. Ils
1476 d’être exaltante. Les mouvements de militants se sont tus ou rabâchent. Ils parlent chaque année d’une « relance de l’Europ
1477 e d’une « relance de l’Europe ». Et les ministres sont d’accord — depuis un peu plus de vingt-cinq ans. Ils ont lu les sonda
1478 on de nos vingt-cinq pays par les hégémonies de l’ Est et de l’Extrême-Ouest, comment se fait-il que rien n’ait été fait, qu
1479 ’Extrême-Ouest, comment se fait-il que rien n’ait été fait, que rien ne se fasse ? Dans l’état actuel de notre société, les
1480 actuel de notre société, les gouvernements seuls sont responsables. Le dilemme devient des plus clairs : irons-nous avec eu
24 1977, Articles divers (1974-1977). Robert Schuman (1886-1963) : l’homme de la frontière (1977)
1481 i « une action bouleversante sans préavis », et s’ est montré « l’un de ces hommes exceptionnels par lesquels l’Esprit inflé
1482 aint à la nationalité allemande, Robert Schuman s’ est à plusieurs reprises, très justement, défini comme un « homme de la f
1483 i comme un « homme de la frontière ». En 1914, il est allemand selon son passeport. Inapte au service militaire, il ne sera
1484 son passeport. Inapte au service militaire, il ne sera mobilisé qu’au titre « d’employé auxiliaire » d’une sous-préfecture.
1485 cord contre l’Europe. En vérité, Robert Schuman n’ est de naissance et de tradition ni français ni allemand, mais mosellan.
1486 is mosellan. Fils d’une région non d’une nation — soit subie soit choisie librement — c’est un homme de « l’Europe médiane »
1487 . Fils d’une région non d’une nation — soit subie soit choisie librement — c’est un homme de « l’Europe médiane », de cette
1488 et non par goût, et moins encore par ambition. J’ étais alors, écrira-t-il, un juriste quelque peu candide, inexpérimenté dan
1489 31 au jeune Parti des démocrates populaires — qui sera le MRP de la Libération —, n’est-ce pas surtout parce que c’est le pa
1490 opulaires — qui sera le MRP de la Libération —, n’ est -ce pas surtout parce que c’est le parti qui affirme le plus clairemen
1491 s d’occupation, sans jamais le découvrir. Il n’en sera pas moins l’un des premiers à proposer, à la Libération, une politiqu
1492 s président du Conseil (en 1947 et 1948) — telles sont les étapes d’une brillante carrière d’homme politique français, mais
1493 on a si souvent décrit, un homme d’État soudain s’ est déclaré. Et tandis que les autres, tant bien que mal, expédient les a
1494 s, traduisant le premier membre de l’équation qui est le rapport origines/horizon, elle exprime l’expérience durement acqui
1495 s historiques et ses finalités spirituelles. Elle est inséparable de la personne même de Robert Schuman, parce qu’elle en e
1496 personne même de Robert Schuman, parce qu’elle en est constitutive et lui est vraiment congénitale. L’action de Robert Schu
1497 Schuman, parce qu’elle en est constitutive et lui est vraiment congénitale. L’action de Robert Schuman, à la date inaugural
1498 ai 1950, montre une fois de plus que l’Histoire n’ est pas faite par « les masses » mythiques, mais bien par des personnes r
1499 se poser à l’historien du célibataire endurci que fut Robert Schuman : à qui faut-il attribuer la Déclaration du 9 mai 1950
1500 er la Déclaration du 9 mai 1950 ? Le plan Schuman fut -il en réalité un Plan Monnet ? Il est certain que la Déclaration n’a
1501 lan Schuman fut-il en réalité un Plan Monnet ? Il est certain que la Déclaration n’a pas été rédigée par Schuman, mais par
1502 onnet ? Il est certain que la Déclaration n’a pas été rédigée par Schuman, mais par l’équipe de Jean Monnet, dont les étoil
1503 ais par l’équipe de Jean Monnet, dont les étoiles étaient alors Pierre Uri et Étienne Hirsch. Il est non moins certain qu’en fa
1504 es étaient alors Pierre Uri et Étienne Hirsch. Il est non moins certain qu’en faisant du projet « son affaire » et en engag
1505 exte en acte et une épure en fait d’histoire. Qui est le vrai père ? Celui qui conçoit le projet ou celui qui le réalise ?
1506 à la Société des Nations en 1930. Robert Schuman fut réellement l’homme du Plan qui porte son nom, parce que ce plan résul
1507 e que ce plan résultait du problème dans lequel s’ était noué son drame personnel, et parce que ce plan figurait le dénouement
1508 ême : L’action de Robert Schuman me paraît avoir été déterminée moins par ses souvenirs du passé qui eussent pu au contrai
1509 l méritait », autrement dit n’y répond pas : il n’ est pas motivé par le même passé. Et voilà qui permet de résoudre par une
1510 ommunauté européenne a pu voir le jour. Mais il s’ était rêvé tout autre chose, homme de méditation et de culture, au milieu d
1511 quel esprit l’homme politique de premier plan qu’ était devenu Robert Schuman jugeait-il la fonction de ces deux entreprises,
1512 itre à son deuxième chapitre : L’Europe, avant d’ être une alliance militaire ou une entité politique, doit être une Communa
1513 alliance militaire ou une entité politique, doit être une Communauté culturelle. Et dans ce même chapitre, je souligne cet
1514 sque c’est tout naturellement que sa méditation s’ est poursuivie en création et n’a cessé de soutenir son action. Voilà pou
1515 mme d’État, d’allure volontairement modeste, aura été plus créateur que les grands ténors de ce siècle. Piéton tranquille s
1516 jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis sans doute trop vieux pour surmonter l’idée de nation souveraine, dan
1517 r l’idée de nation souveraine, dans laquelle j’ai été élevé. Ce sera l’affaire de votre génération… ae. Rougemont Denis
1518 tion souveraine, dans laquelle j’ai été élevé. Ce sera l’affaire de votre génération… ae. Rougemont Denis de, « Robert S
25 1977, Articles divers (1974-1977). Hérétiques de toutes les religions, unissez-vous ! (1977)
1519 nspirait. Cette interprétation de notre mouvement était en somme inévitable dans la conjoncture de l’époque. Tout allait à ma
1520 je relis les onze numéros de notre revue : il n’y est jamais question d’orthodoxie ! (Sauf une fois : pour nier que nous dé
1521 oxie calviniste ».) En revanche, des « hérésies » sont dénoncées, mais non point comme « contraires au dogme » : ce que nous
1522 insondablement : celui qui affirme que la morale est suffisante, et celui qui nie qu’elle soit nécessaire… Le moralisme do
1523 a morale est suffisante, et celui qui nie qu’elle soit nécessaire… Le moralisme donne une réponse universelle et inefficace,
1524 ce que nous pensions alors. La vérité ne pouvait être à nos yeux quelque chose d’édicté, de codifié, d’enregistré une fois
1525 pour toutes, ni une « fixation théorique ». Elle était quelque chose, disions-nous, « dont nous ne sommes pas les auteurs, m
1526 était quelque chose, disions-nous, « dont nous ne sommes pas les auteurs, mais dont l’essence même implique notre effort pour
1527 juger si c’est la Parole de Dieu, donc Dieu, qui est le sujet de ces énoncés, ou bien au contraire si l’homme se les appro
1528 et avant elle. Les deux derniers passages cités sont justement d’Henry Corbin. Et je n’en trouve pas qui expriment mieux n
1529 n part pour Byzance et le Proche-Orient ; puis ce sera la guerre, et pour moi, plus de six années d’exil américain. Et pourt
1530 rawardi écrit : « Lis le Coran comme s’il n’avait été révélé que pour ton propre cas. » Kierkegaard écrit : « L’Évangile do
1531 opre cas. » Kierkegaard écrit : « L’Évangile doit être lu comme une lettre personnelle, adressée à toi seul. » Et Kafka imag
1532 a parabole de la Porte du Palais de justice. Elle est ouverte, mais le pauvre paysan n’ose la franchir, à cause des deux fa
1533 nchir, à cause des deux farouches gardiens qui se tiennent auprès, jusqu’au jour où il dit à l’un d’eux : Mais personne n’est ja
1534 ’au jour où il dit à l’un d’eux : Mais personne n’ est jamais entré ni sorti, depuis des mois que j’attends ici ! À quoi le
1535 j’attends ici ! À quoi le gardien répond : Elle n’ était là que pour toi. Maintenant, il est trop tard, nous la fermons. Nous
1536 nd : Elle n’était là que pour toi. Maintenant, il est trop tard, nous la fermons. Nous pressentions qu’il n’y a de porte qu
1537 celui qui se met en marche, et que la vraie voie est unique. ⁂ Pour entrer dans la dialectique de l’hérésie et de l’orthod
1538 e une forme d’exister sans précédent, qui ne peut être décrite ni prescrite mais seulement vécue, et une seule fois ; — l’ob
1539 assique, dans laquelle la constitution de l’objet est indépendante de la manière dont on l’observe, et peut être vérifiée u
1540 pendante de la manière dont on l’observe, et peut être vérifiée ubique et semper, — ou au contraire « l’actualité unique, ir
1541 que ces deux phénomènes radicalement antinomiques sont en relation de complémentarité. Note 1. Les hérésies qui se constitue
1542 comme le veulent les dictionnaires, l’orthodoxie est la « droite opinion » et l’hérésie le « choix personnel d’une opinion
1543 te opinion ». Mais en fait, « la droite opinion » est une route nationale où la circulation est uniformément réglée, tandis
1544 inion » est une route nationale où la circulation est uniformément réglée, tandis que le « choix personnel » est un sentier
1545 rmément réglée, tandis que le « choix personnel » est un sentier imprévisible ; et ce n’est pas aux ponts et chaussées ni à
1546 personnel » est un sentier imprévisible ; et ce n’ est pas aux ponts et chaussées ni à la police de la route qu’il faut s’ad
1547 ait aussi bien qualifier selon D. Suzuki « ce qui est dans la ligne authentique de transmission », i.e. la communication no
1548 l’esprit ne consiste nullement à réitérer ce qui est vrai pour n’importe qui, et encore moins à s’y conformer en s’y força
1549 . Une attitude personnaliste cohérente m’incite à tenir balance égale entre communauté et vocation, entre universel et unique
1550 et vocation, entre universel et unique. Mais ce n’ est peut-être qu’une question de tempérament. Selon que l’on relève du ty
1551 lève du type introverti ou du type extraverti, on sera porté à privilégier soit la personne, soit la communauté. Il existe a
1552 u du type extraverti, on sera porté à privilégier soit la personne, soit la communauté. Il existe au surplus certaines corre
1553 ti, on sera porté à privilégier soit la personne, soit la communauté. Il existe au surplus certaines correspondances entre c
1554 ent leur confession, la plupart se contentent d’y être nés ; mais ils s’en accommodent plus facilement et d’une manière plus
1555 i passés, je me verrais plutôt entre deux pentes, soit sur le chemin de crête, tenté par deux vertiges, soit au fond de la v
1556 sur le chemin de crête, tenté par deux vertiges, soit au fond de la vallée, et tout effort pour m’élever d’un côté ou de l’
1557 rait la séparation. Reste une seule solution, qui est de longer la rivière jusqu’à sa source, là où les deux pentes se rejo
1558 e chemin qu’il invente en y marchant. « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier », dit le psalmist
1559 e, en sorte que toi seul puisses y passer. Elle n’ est pas ouverte à l’avance : tu l’ouvres en osant la franchir tel que tu
1560 nce : tu l’ouvres en osant la franchir tel que tu es en marche par la foi, et non tel qu’on l’entend — maîtres, coutume d’
1561 malgré eux : ceux qui ont un jour compris qu’ils étaient bien forcés d’inventer leur chemin sans aucune garantie, puisque le v
26 1977, Articles divers (1974-1977). La nature du pouvoir (9 octobre 1977)
1562 m’avoir demandé d’ouvrir les débats, parce que je suis d’accord avec presque tout ce qu’a dit Jeanne Hersch hier soir. Il au
1563 politique, leçon dont un des éléments importants était la notion de limite devenue centrale au xxe siècle, dans tous les do
1564 dans notre histoire suisse. Le sens du pouvoir n’ est pas le même, et la différence excède le simple cas de ces deux pays ;
1565 ar Jean Bodin au xvie siècle, pour qui le Prince est celui qui impose et casse les lois comme il le veut, commence et term
1566 et le pouvoir que nous avons en Suisse qui, lui, est un pouvoir réparti. C’est le pouvoir fédéraliste, qui est beaucoup mo
1567 ouvoir réparti. C’est le pouvoir fédéraliste, qui est beaucoup moins sensible parce qu’il s’exerce à tous les niveaux, d’en
1568 le. C’est une distinction fondamentale dont je me suis occupé, au fond, depuis très longtemps, depuis des décennies, et que
1569 on entre la puissance et la liberté. La puissance est une espèce de représentation collective, une volonté collective, souv
1570 lonté collective, souvent mythique, et la liberté est la poursuite de la liberté des personnes. J’oppose puissance et liber
1571 de la société, et je crois que cette distinction est , aujourd’hui, décisive. Elle domine absolument tout ce qui va se pass
1572 nition impossible, d’Aristote à Max Weber. Elle s’ est repliée sur la notion de « mixte », et a été jusqu’à parler d’un « mi
1573 le s’est repliée sur la notion de « mixte », et a été jusqu’à parler d’un « mixte » qui compose le pouvoir et, en même temp
1574 inition. Mais, qu’y faire après tout ? Le pouvoir est là, défini ou non, il est là. Nous le trouvons en venant au monde ; e
1575 après tout ? Le pouvoir est là, défini ou non, il est là. Nous le trouvons en venant au monde ; et nous n’y pouvons rien. N
1576 santes. Il provient de l’idée que le pouvoir nous est extérieur, qu’il se présente à nous sous forme de contrainte, que nou
1577 ue nous subissons sans pouvoir l’exercer. Et nous sommes un peu ahuris par tous ces impératifs technologiques, ces nécessités
1578 contrainte. Mais il me semble insuffisant de s’en tenir à la condamnation des jeunes contestataires ou anarchistes en observa
1579 cela mène : ceux qui croyaient prendre le pouvoir sont pris par lui. Le pouvoir abusif de l’État est fait de toutes nos démi
1580 ir sont pris par lui. Le pouvoir abusif de l’État est fait de toutes nos démissions civiques, et tend à les rendre définiti
1581 t, une fois pour toutes, de sa souveraineté. Ce n’ est donc ni l’anarchie, ni la révolution à la mode des siècles derniers q
1582 er l’État et la police, c’est-à-dire que l’État s’ était emparé de ceux qui voulaient s’en emparer. Là-dessus, il a pris le po
1583 ir de l’État devenu extérieur à nous-mêmes, qui n’ est pas de supprimer toute espèce de pouvoir, mais de distribuer le pouvo
1584 it, dans un assez gros livre récent, que ce drame est celui de notre époque, j’ai trouvé, l’autre jour, et après coup, la f
1585 l’omniprésence du pouvoir, le fait que le pouvoir est , aussi, dans la liberté, et qu’on ne peut concevoir la liberté sans l
1586 ention du pouvoir. La formule que je vous propose est la suivante : « La puissance, c’est le pouvoir que l’on prend sur aut
1587 rquoi j’ai paru trop clair sur certains points. J’ étais obligé de me résumer, de résumer des résumés faits depuis longtemps ;
1588 au sens de l’État, et la guerre. Cette liaison a été très bien mise en valeur par Bertrand de Jouvenel dans son livre Du P
1589 me lasse pas de citer cette phrase : « Le pouvoir est lié à la guerre, et si une société veut borner les ravages de la guer
27 1977, Articles divers (1974-1977). La puissance et les choix (mai 1977)
1590 ins en moins compatibles dans les faits. Le temps est venu de choisir entre les deux, en connaissance de cause, bien sûr, m
1591 abord ou finalement, une minorité très restreinte est motivée par la volonté de puissance exercée sur autrui, ce sont les c
1592 ar la volonté de puissance exercée sur autrui, ce sont les chefs ; mais la plupart cèdent tout simplement au besoin de Sécur
1593 urs droits à l’État, au chef ou au Parti qui s’en est emparé. Quant à ceux qui optent pour la Liberté, ils pensent y être c
1594 à ceux qui optent pour la Liberté, ils pensent y être conduits par quelque individualisme égoïste, ou par le goût de l’aven
1595 te, ou par le goût de l’aventure, mais la plupart sont au contraire motivés par un besoin de responsabilité assumée dans la
1596 la communauté. Comment se sentir libre si l’on n’ est responsable de rien ? Et comment serait-on responsable si l’on n’est
1597 re si l’on n’est responsable de rien ? Et comment serait -on responsable si l’on n’est pas libre de ses actes ? N’allons pas cr
1598 rien ? Et comment serait-on responsable si l’on n’ est pas libre de ses actes ? N’allons pas croire pourtant qu’entre le bes
1599 ulsions contraires coexistent en nous, personne n’ est jamais ni tout l’un ni tout l’autre. Et il n’existe pas non plus de l
1600 roprement politique au sens le plus large du mot, est le choix d’une finalité. Il désigne d’une part l’aménagement des rela
1601 r devoir de concourir. Ce qu’il faut voir, et qui est peut-être décisif, c’est que le parallélisme inversé entre les deux c
1602 ue le parallélisme inversé entre les deux choix n’ est pas exact. Le choix de la liberté ménage plus de possibles. Si en eff
1603 ce. Choisir les centrales nucléaires — quelle que soit leur définition, eau légère ou surgénérateurs — implique, entraîne et
1604 dangereuses que nos pays, tout en jurant qu’elles sont inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin que possible de leur cap
1605 ions de déclencher et d’entretenir une guerre. Il est clair comme le jour que le choix des centrales nucléaires et des usin
1606 c’est-à-dire de la fin de l’histoire humaine. Il est non moins clair que personne n’a jamais osé dire, ni même laissé ente
1607 re, ni même laissé entendre, que le choix solaire est la condition même de la paix : car ce choix signifie du même coup la
1608 , la confiance dans le prochain. Notre problème n’ est pas des moyens et des fins, car les fins seules dicteront leurs moyen
1609 qu’il faut voir, c’est que le but de la société n’ est pas du tout d’assurer à quelques-uns la rentabilité de leur entrepris
1610 personne. Le problème des centrales nucléaires n’ est pas technologique, même pas économique, et il est encore moins financ
1611 est pas technologique, même pas économique, et il est encore moins financier : car à ces trois niveaux, la cause est entend
1612 ins financier : car à ces trois niveaux, la cause est entendue, elle est perdue. Quand les centrales nucléaires ne présente
1613 à ces trois niveaux, la cause est entendue, elle est perdue. Quand les centrales nucléaires ne présenteraient aucun danger
1614 er, quand elles s’avéreraient rentables, quand il serait réellement « impératif » que la consommation d’énergie double tous le
1615 onsommation d’énergie double tous les dix ans, je serais contre, parce qu’elles sont les pièces principales d’un système qui c
1616 ous les dix ans, je serais contre, parce qu’elles sont les pièces principales d’un système qui conduit à renforcer l’emprise
1617 tions, c’est-à-dire les risques de guerre. Pluton est maître des Enfers, il est aveugle comme les taupes. Mais le Soleil vi
1618 sques de guerre. Pluton est maître des Enfers, il est aveugle comme les taupes. Mais le Soleil vient du ciel, vient de Zeus
1619 e des États-nations, estime Denis de Rougemont, n’ est jamais plus grande que lorsqu’ils déclarent que cette puissance est a
1620 ande que lorsqu’ils déclarent que cette puissance est au service de l’intérêt public. Ils ont toujours fait la guerre, et i
1621 d’intervention et de nombreux services publics en sont en fait venus à asservir ceux qu’ils étaient censés servir. La charge
1622 lics en sont en fait venus à asservir ceux qu’ils étaient censés servir. La charge qu’ils leur font supporter est parfois finan
1623 nsés servir. La charge qu’ils leur font supporter est parfois financière quand il s’agit, par exemple, de faire subventionn
1624 n environnement. Pour Denis de Rougemont, le pire est encore à venir puisque les fonctionnaires des États-nations, responsa
1625 eau des structures de la société et de l’État. Ce sont les implications politiques de ce qu’il nomme « le Choix du siècle »
1626 « le Choix du siècle » que l’auteur de L’Avenir est notre affaire estime urgent de souligner aujourd’hui. » Suivi encore
1627 n : « Philosophe et essayiste, Denis de Rougemont est l’auteur de très nombreux ouvrages dont L’Amour et l’Occident , La
1628 iété occidentale . Il vient de terminer L’Avenir est notre affaire qui va sortir incessamment en librairie (Éditions Stoc
1629 en librairie (Éditions Stock). Denis de Rougemont est directeur de l’Institut universitaire d’études européennes, à Genève.
28 1977, Articles divers (1974-1977). Du passé à l’avenir d’une région (27 juin 1977)
1630 iie siècle. Au nord, la Principauté de Neuchâtel est gouvernée au nom d’un prince français, Henry II d’Orléans-Longueville
1631 nt, succéderont dès 1707 les rois de Prusse : ils seront Princes de Neuchâtel jusqu’en 1848. Au sud, Genève, ville d’Empire, d
1632 agressions du duc de Savoie (dont la plus célèbre est l’Escalade de 1602). Les Bernois, déjà venus à son secours en 1535, o
1633 ement à Berne. (Une partie du canton, d’ailleurs, est de langue alémanique.) Mais elle entretient des relations privilégiée
1634 dont seule la moitié ouest parle français, elle s’ est liée aux cantons catholiques des Ligues suisses, mais restera longtem
1635 nter-relations complexes, souvent paradoxales, ne sont d’ailleurs pas l’exception, mais plutôt la règle, parmi les petits Ét
1636 la Franche-Comté (sa charte de franchises, 1214, était copiée sur celle de Besançon), se tourne dès la Réforme vers les Bern
1637 e ces cinq pays, principautés et républiques : ce sont la Réforme (pour Genève, Neuchâtel et Vaud) et les liens de combourge
1638 la géographie (point de frontières naturelles à l’ est ), que l’histoire (intérêts divergents de nos cinq cantons au long des
1639 e 1848, un « esprit romand » va se constituer. Il sera l’expression de ce que les cinq cantons — et surtout les trois protes
1640 ore de Bèze à Genève, Guillaume Farel à Neuchâtel sont d’origine française. Seul Pierre Viret est autochtone, qui domine la
1641 hâtel sont d’origine française. Seul Pierre Viret est autochtone, qui domine la Réforme vaudoise. Leurs descendants donnero
1642 maine de Staël et Benjamin Constant. Jean-Jacques est sans nul doute le premier théoricien du fédéralisme, c’est-à-dire de
1643 uant à Madame de Staël et à Benjamin Constant, ce sont eux qui, par « la trouée de Coppet », vont faire entrer en France la
1644 es deux grands noms du siècle, en Suisse romande, sont Alexandre Vinet et Henri-Frédéric Amiel, c’est-à-dire le moraliste du
1645 nte de la pensée romande : Quand tous tes périls seraient dans ta liberté, toute la tranquillité dans la servitude, je préférer
1646 a vie, et la servitude c’est la mort. La tyrannie est le souverain désordre. Au xxe siècle, la Suisse romande va devenir
1647 l’éducation, fondé par Jean Piaget à Genève, peut être considéré comme la capitale mondiale de la psychologie génétique et d
1648 e-parle. Inutile d’insister : les deux clichés ne sont rien de plus que des clichés. Il y a chez le Vaudois une bonhomie un
1649 mie un peu cynique, une sorte de paresse qui peut être rusée mais que l’accent rend désarmante ; chez le Neuchâtelois que Ro
1650 ins, le Suisse romand d’empreinte réformée, qu’il soit horloger ou pasteur, militant socialiste dans les montagnes, vigneron
1651 t bien plutôt d’un comportement moral et civique, fût -il aussi sentimental que nos chants patriotiques, aussi concret qu’un
1652 Réalité récente — qui peut changer… Si je me suis étendu quelque peu sur la genèse historique de notre Romandie, c’étai
1653 t de nos compatriotes l’imaginent vaguement. Elle est relativement récente, et il ne serait pas raisonnable de penser qu’el
1654 aguement. Elle est relativement récente, et il ne serait pas raisonnable de penser qu’elle va se figer désormais dans son imag
1655 image du xixe siècle. Elle va changer, cela seul est certain. À la lumière de son histoire, essayons de conjecturer dans q
1656 a vu, à différencier nos cantons. Si ces conflits sont apaisés de nos jours, voilà qui n’est pas dû seulement au long travai
1657 s conflits sont apaisés de nos jours, voilà qui n’ est pas dû seulement au long travail de l’œcuménisme dans les Églises, mo
1658 t dans l’attitude négative des Genevois lorsqu’il fut question, en 1814-1815, puis en 1861, de rattacher au canton les dist
1659 es et de les fermer plus qu’elles ne l’ont jamais été dans toute l’histoire européenne. Et que devient pendant ce temps « l
1660 , puis de sa contrepartie, l’AELE, dont la Suisse est le siège comme elle fut la marraine. Et nos cantons gardent leurs séc
1661 e, l’AELE, dont la Suisse est le siège comme elle fut la marraine. Et nos cantons gardent leurs séculaires valences (au sen
1662 uchâtel et de Besançon. Sans qu’à aucun moment ne soit remise en question l’irréversible et inconditionnelle fidélité conféd
1663 trouve caractériser une région différente, toutes étant cependant transfrontalières par nature et fonction. — De la France vo
1664 ciaux, d’éducation et d’environnement. — Le Léman est pollué par le Rhône qui y déverse du mercure (déchet d’industries pha
1665 e car chacun sait que les pollutions n’ont jamais été arrêtées par les douaniers, ni par la ligne de démarcation toute théo
1666 fin du ixe au milieu du xie siècle) avait déjà été englobé dans le royaume de Bourgogne transjurane : c’est sa plus anci
1667 ais osé l’imaginer ? Le secret de notre avenir ne serait -il pas enfoui au plus profond de notre histoire oubliée ? 31. Et m
1668 ak. Présenté par ce résumé : « La Suisse romande est l’expression moderne — elle ne date guère que de la seconde moitié du
29 1977, Articles divers (1974-1977). « Il faut changer de cap » (27 septembre 1977)
1669 aire ?”. À ces deux questions, curieusement, il n’ est qu’une réponse possible et c’est : “Toi-même !” » Voilà, en ces temps
1670 ant dont le titre résume bien l’esprit : L’Avenir est notre affaire. À tous les dangers qui nous menacent et que l’auteur d
1671 menacent et que l’auteur dénonce lucidement, on n’ est certes pas obligé d’apporter les mêmes réponses, mais on doit conveni
1672 e ». Qu’entendez-vous par là ? J’entends que, à l’ Est comme à l’Ouest, les idéaux de progrès matériel, de production indust
1673 les choses aller. Et le premier de ces désastres serait provoqué par la démographie galopante ? C’est le plus frappant en eff
1674 ie dans un monde fini. Nos ressources matérielles sont menacées d’épuisement. Il nous reste du pétrole pour trente ans. Que
1675 endront la relève. Mais l’uranium qui les nourrit sera aussi épuisé, pense-t-on, en trente ans. Qu’à cela ne tienne, disent
1676 i épuisé, pense-t-on, en trente ans. Qu’à cela ne tienne , disent les technocrates, nous ferons des centrales au plutonium. Or,
1677 nous ferons des centrales au plutonium. Or, elles sont un danger intolérable, nous disent des milliers de physiciens. Là, no
1678 i, la pollution majeure et définitive de la terre serait la guerre atomique que préparent, malgré eux, tous nos États-nations.
1679 ose qui s’en inspire, dans la mesure où la Suisse est née de la fédération de petites communautés, car la petite communauté
1680 communauté permet seule à la voix d’un citoyen d’ être entendue, donc aux citoyens d’être libres, parce que responsables de
1681 d’un citoyen d’être entendue, donc aux citoyens d’ être libres, parce que responsables de leur destin et des destins de la ci
1682 ans l’Hexagone. Mais les régions que je préconise sont autre chose que les seules ethnies : ce sont les communautés qu’il s’
1683 nise sont autre chose que les seules ethnies : ce sont les communautés qu’il s’agit de reconnaître, comme le disait Vidal de
1684 Vidal de la Blache, et non de délimiter. Mais il est évident que les frontières seraient débordées ? On dénombre actuellem
1685 délimiter. Mais il est évident que les frontières seraient débordées ? On dénombre actuellement une vingtaine de régions transfr
1686 u moins d’entre elles brochant sur trois pays. Il est fortement question de créer une assemblée de ces régions-là et d’une
1687 de ces régions-là et d’une trentaine d’autres qui sont en train de se faire reconnaître en Europe et, à mon sens, c’est là l
1688 l de la civilisation et de la société politique n’ est pas la puissance des collectivités, mais la liberté des personnes. La
30 1977, Articles divers (1974-1977). Au tableau d’honneur de Parents : L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)
1689 Au tableau d’honneur de Parents : L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)ao ap Que nous agissions ou non, que n
1690 ons ou non, que nous le voulions ou non, l’avenir est notre affaire. Nous en sommes seuls responsables. « Mieux vaut le sav
1691 lions ou non, l’avenir est notre affaire. Nous en sommes seuls responsables. « Mieux vaut le savoir et cesser de nous cacher d
1692 avents de nos inerties intellectuelles quand ce n’ est pas de nos lâchetés morales. » C’est ainsi que Denis de Rougemont, éc
1693 on dernier livre qui vient de paraître. L’Avenir est notre affaire . Un titre qui est la profession de foi mais aussi l’av
1694 aître. L’Avenir est notre affaire . Un titre qui est la profession de foi mais aussi l’avertissement que lance sans ménage
1695 egard rêveur, évoque la solidité, le bon sens. Il est à l’image de cette maison, ancienne ferme retapée, imposante dans sa
1696 de la démocratie, modèle idéal d’une société qui était tournée vers l’homme. Nous avons perdu cette mesure : alors, tout au
1697 ak qu’on lui a promis dès les années 1950. » Ce n’ est qu’un aspect ! Mais nous sommes libres aussi de réagir, « de retrouve
1698 années 1950. » Ce n’est qu’un aspect ! Mais nous sommes libres aussi de réagir, « de retrouver nos vrais désirs, nos vrais be
1699 défi à la jeunesse du monde. Denis de Rougemont n’ est pas un prophète. Son livre ne raconte pas une fiction. Il constate. S
1700 de l’humaniste, mais ferveur de l’homme : « Tout est encore possible, dit-il, et même plus que jamais. Tout est possible m
1701 e possible, dit-il, et même plus que jamais. Tout est possible mais il faut choisir. » Ce n’est pas un homme à renoncer. So
1702 s. Tout est possible mais il faut choisir. » Ce n’ est pas un homme à renoncer. Son acharnement à défendre l’Europe, et à tr
1703 à Genève le Centre européen de la culture dont il est toujours le directeur, et aujourd’hui encore il continue d’enseigner
1704 igner à l’Institut d’études européennes. L’Europe fut et reste sa passion parce qu’elle lui apparaît comme l’aboutissement
1705 ce personnalisme communautaire, fondamental, qui fut la recherche de sa vie. Recherche de la personne, de la vocation d’ho
1706 pplaudir l’homme providentiel. Denis de Rougemont était alors lecteur à l’Université de Francfort. Quatre ans plus tard, il p
1707 us tard, il partait pour les États-Unis. « Hitler fut la réponse au problème fondamental de notre temps », dit-il. Terrible
1708 l’Europe du xxe siècle, le sens de la communauté est en train de disparaître, mais le besoin « d’être ensemble » demeure v
1709 é est en train de disparaître, mais le besoin « d’ être ensemble » demeure vital. […] Hitler a répondu à la question centrale
1710 r a répondu à la question centrale du siècle, qui est religieuse au sens élémentaire, en offrant une camaraderie, un coude
1711 s de la croissance démographique et industrielle) est à l’origine de ce déclic : J’ai vu sous forme de courbes ce qui allai
1712 e passer si on continuait comme maintenant. Je me suis dit : « il faut faire quelque chose ». Vastes villes trop peuplées
1713 ues, des urbanistes, des physiciens. Son livre en est le résultat. À la fois cri d’alarme et désespérance. L’espèce humaine
1714 is cri d’alarme et désespérance. L’espèce humaine est arrivée à une crise majeure. Si elle ne se ressaisit pas, si elle ren
1715 s responsables. Car si jusqu’à nos jours l’avenir était complètement inconnu, s’il dépendait des catastrophes, du temps, de l
1716 a voix se fait plus douce. Voyez-vous, les hommes sont envahis par un sentiment d’impuissance qu’il faut absolument combattr
1717 lles trop vastes, trop peuplées, inhumaines. Nous sommes loin des cités grecques ! C’est pour vous le modèle idéal ? Absolumen
1718 en Scandinavie. Et nous y venons en France. Ce n’ est pas un hasard ! Un architecte grec contemporain, Doxiadis, qui était
1719  ! Un architecte grec contemporain, Doxiadis, qui était l’animateur de tous les urbanistes avancés, est arrivé à la fin de sa
1720 était l’animateur de tous les urbanistes avancés, est arrivé à la fin de sa vie à la conclusion que la ville idéale ne doit
1721 es villes dépassaient 100 000 habitants, elles ne seraient plus gouvernées par les citoyens, que ces derniers ne pourraient plus
1722 nt plus se réunir sur l’agora, le forum, que c’en serait fini de la participation, de la communication et des relations humain
1723 tion et des relations humaines. Comment encore être un citoyen ! Nous, nous avons compté sur l’adaptation des hommes.
1724 es mutile moralement. Comment veut-on que l’homme soit encore un citoyen ! Et pourtant c’est de l’homme que Denis de Rougemo
1725 État, pas des gouvernements, dont l’arme favorite est devenue le mensonge. Accusation gratuite ? J’ai relevé douze mensonge
1726 pos du nucléaire. Mais, d’ores et déjà, une chose est sûre : on ne pourra bâtir des centrales qu’à l’abri d’un rideau de CR
1727 mmes d’État mentent trop à ceux du peuple Vous êtes un farouche ennemi de l’État-nation ? J’ai toujours été antinationali
1728 farouche ennemi de l’État-nation ? J’ai toujours été antinationaliste et antiétatiste. Tout prouve aujourd’hui que les Éta
1729 tiétatiste. Tout prouve aujourd’hui que les États sont les grands responsables de la crise de notre civilisation. Ce sont eu
1730 esponsables de la crise de notre civilisation. Ce sont eux seuls qui ont géré la terre. Eux seuls qui en avaient les moyens.
1731 que l’avenir devienne notre affaire, l’État doit être dessaisi des pleins pouvoirs. Ce n’est qu’en décidant de reprendre le
1732 État doit être dessaisi des pleins pouvoirs. Ce n’ est qu’en décidant de reprendre leur destin en main à l’échelon local et
1733 les municipalités, les régions, car elles seules sont à la mesure des hommes, de leur volonté et de leur voix. Et de s’en p
1734 rle allemand des deux côtés du Rhin. Les exemples sont multiples. L’enseignement doit opérer une mutation complète et être b
1735 enseignement doit opérer une mutation complète et être basé sur des réalités régionales et non nationales. Car l’enfant s’in
1736 l’Europe puis à l’humanité. Les gouvernements seront bien obligés de s’incliner Mais Denis de Rougemont ne se contente
1737 mbattre. Pensez que quelque 3000 maîtres ont déjà été formés. Cela représente des dizaines de milliers d’élèves. Notre acti
1738 lités Si nous continuons ainsi, les gouvernements seront bien obligés de s’incliner, non ? … Denis de Rougemont a choisi sa ré
1739 ssantes. Mais, convaincu qu’« une vraie société n’ est rien d’autre qu’une dimension de la personne », il prône la plus prof
1740 sonne », il prône la plus profonde révolution qui soit  : celle que chacun doit accomplir en lui-même. ao. Rougemont Deni
1741 honneur de Parents : Denis de Rougemont, L’Avenir est notre affaire  », Parents, Paris, octobre 1977, p. 46 et 48. ap. Pro
1742 usive de Parents vous montre pourquoi cette œuvre est révolutionnaire. »
31 1977, Articles divers (1974-1977). Denis de Rougemont : le retour d’un hérétique (3 octobre 1977)
1743 j’existe ? Tout de même… L’Amour et l’Occident fut un best-seller mondial traduit en dix-sept langues. Et le titre de vo
1744 s. Et le titre de votre dernier livre — L’Avenir est notre affaire — sert déjà de slogan à un nouveau courant de pensée33
1745 je me répète souvent : « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète. » Le drame, aujourd’hui, c’est que la prophétie est
1746 . » Le drame, aujourd’hui, c’est que la prophétie est devenue un exercice assez rigoureux. Regardez les conclusions des exp
1747 d’autres —, on sait désormais que le pire, s’il n’ est pas sûr, est en tout cas probable. Or, actuellement, il n’y a guère q
1748 n sait désormais que le pire, s’il n’est pas sûr, est en tout cas probable. Or, actuellement, il n’y a guère que les écolog
1749 pour vous, fascisme, stalinisme et libéralisme n’ étaient alors que les variantes d’une même tendance productiviste… Absolument
1750 es années 1930, pouvait passer pour une intuition est devenu aujourd’hui une évidence. Et que répondez-vous à l’objection c
1751 le, finalement, cette critique de la croissance n’ est qu’un luxe de nantis ? Après tout, le club des pays industrialisés es
1752 tis ? Après tout, le club des pays industrialisés est plutôt restreint et les deux tiers de l’humanité n’en font pas partie
1753 un sophisme. Car si les deux tiers de l’humanité sont encore dans un état de sous-développement industriel, c’est préciséme
1754 peut aussi limiter les dégâts. D’ailleurs, nous y serons contraints ; les experts américains, qui adorent les scénarios « absu
1755 surdes », ont calculé que, si notre démographie n’ était pas maîtrisée, il suffirait de quelques siècles pour que chaque mètre
1756 cles pour que chaque mètre carré de notre planète soit occupé par une dizaine d’individus. On ne pourra même plus s’allonger
1757 s’allonger… L’autre grande critique que vous avez été l’un des premiers à formuler concerne l’État-nation. Avec sa volonté
1758 sa volonté de puissance et son égoïsme sacré, il serait le grand responsable de l’apocalypse qui se prépare… Qui pourrait en
1759 prépare… Qui pourrait en douter ? Les États, qui sont des entités absurdes, n’en finissent pas de se multiplier, de fortifi
1760 rs frontières et de s’y cramponner comme si elles étaient le bord incontestable de leur identité. Or qu’est-ce qu’une frontière
1761 ent le bord incontestable de leur identité. Or qu’ est -ce qu’une frontière ? C’est, généralement, le résultat d’une guerre o
1762 onales car la seule idée d’« économie nationale » est une absurdité. Prenons l’exemple du lac Léman, puisque nous l’avons s
1763 ac Léman, puisque nous l’avons sous les yeux : il est en train de se polluer, et d’une manière dramatique. Or personne ne s
1764 pourrait faire le même constat pour le Rhin, qui est actuellement pollué par cinq pays. Vous voyez donc comment l’idée eur
1765 l’idée européenne, le régionalisme et l’écologie sont , pour moi, des thèmes très étroitement liés. En face, il n’y a que de
1766 n’y a que des illusions « stato-nationales ». Il est plaisant d’observer qu’aujourd’hui, en France, ce sont les deux grand
1767 plaisant d’observer qu’aujourd’hui, en France, ce sont les deux grandes traditions jacobines — les gaullistes et les communi
1768 uvent pour brandir des slogans, incapables qu’ils sont de voir plus loin que l’Hexagone. Vous dites également que la finalit
1769 en fit la philosophie, on sait que l’État-nation est génétiquement lié à la guerre : « C’est par la guerre au-dehors qu’il
1770 erre « aux rois de l’Europe » parce que la guerre était devenue pour eux le seul moyen de tenir leur monde, de contrôler la s
1771 la guerre était devenue pour eux le seul moyen de tenir leur monde, de contrôler la société française, afin de lui imposer un
1772 idéal de parvenir à ses fins ; dès que la patrie est en danger, il n’y a plus ni catholiques, ni protestants, ni ouvriers,
1773 culture, de région, de classe ou de langue. Elle est le creuset où tous deviennent identiques. Par conséquent, on comprend
1774 Toutes les institutions stato-nationales — que ce soit le centralisme, les méthodes de répression, ou la destruction des cul
1775 ression, ou la destruction des cultures locales — sont nées de la guerre et, fatalement, y conduisent. Vous voici, soudainem
1776 qui cite plus souvent Luther que Bakounine… Je ne suis pas anarchiste dans la mesure où je sais qu’un minimum d’État est néc
1777 te dans la mesure où je sais qu’un minimum d’État est nécessaire à l’organisation de la société. En revanche, ce qui me sem
1778 ble. Comment expliquez-vous que l’idée européenne soit malgré tout cela si peu populaire ? Rien n’est moins sûr. Il y a quel
1779 e soit malgré tout cela si peu populaire ? Rien n’ est moins sûr. Il y a quelques années, j’ai mêmeas écrit un livre intitul
1780 lé Vingt-huit siècles d’Europe dans lequel je m’ étais amusé à collectionner tous les textes où s’exprimait une nostalgie de
1781 veuille ou non, c’est parce que l’idée européenne est tacitement acceptée que plus personne n’imagine qu’une guerre soit po
1782 cceptée que plus personne n’imagine qu’une guerre soit possible entre pays d’Europe. À la Libération, l’idée européenne — qu
1783 e. À la Libération, l’idée européenne — qui avait été un grand espoir de la Résistance — aurait dû s’imposer tout de suite
1784 ques ont empêché ce vaste mouvement d’aboutir. Ce fut un rendez-vous manqué dont nous payons encore le prix. J’ai l’impress
1785 lentendu : dans votre jeunesse, disiez-vous, vous étiez résolument anticapitaliste. Or l’Europe qui se fait aujourd’hui est u
1786 icapitaliste. Or l’Europe qui se fait aujourd’hui est une Europe taillée à la convenance des multinationales. Si cette Euro
1787 ultinationales. Si cette Europe-là se réalise, ce sera pour le plus grand profit d’un mode de production et de civilisation
1788 l’économie commande tout. Jean Monnet, quels que soient ses mérites, ne raisonnait pas autrement. En gros, cela voulait dire 
1789 s autrement. En gros, cela voulait dire : si l’on tient les gens par le fric, on les tiendra par la peau. À l’inverse, quand
1790 dire : si l’on tient les gens par le fric, on les tiendra par la peau. À l’inverse, quand de Gaulle a bloqué la construction de
1791 e Gaulle a bloqué la construction de l’Europe, ce fut pour des raisons strictement politiques ou culturelles. On a alors pu
1792 relles. On a alors pu constater combien celles-ci étaient efficaces et mobilisatrices. Si, aujourd’hui, les princes qui nous go
1793 betterave ? L’enthousiasme pour l’idée européenne est plutôt rare de nos jours. Même pour les « grands intellectuels », ce
1794 urs. Même pour les « grands intellectuels », ce n’ est pas un thème très mobilisateur… À vrai dire, on a l’impression que le
1795 on a l’impression que leurs idées sur le sujet ne sont pas très précises. Prenez l’exemple de Sartre : en 1949, à l’époque o
1796 que si l’Europe politique devenait une réalité. J’ étais ravi. Or, peu de temps après, Sartre devient, comme l’on sait, le com
1797 parlement européen qui affirment que l’Europe ne sera jamais qu’une modalité de l’impérialisme germano-américain, ce qui, à
1798 incapable. L’« impérialisme germano-américain » n’ est tout de même pas une abstraction. Pourquoi parler d’une « méconnaissa
1799 ôt qu’on entreprend de le dénoncer ? Certes, ce n’ est pas une abstraction, mais il est désolant que de grands esprits ne lu
1800 r ? Certes, ce n’est pas une abstraction, mais il est désolant que de grands esprits ne lui opposent qu’une sorte de poujad
1801 f. Depuis 1945, on sait que le « péril allemand » sera d’autant moins probable que l’on s’engagera plus franchement dans le
1802 omme ça, en se crispant sur son État-nation, ce n’ est pas une façon de le conjurer, au contraire… C’est en refusant l’Europ
1803 tastrophe écologique. Manifestement, la prophétie est un genre qui ne vous déplaît pas… … Surtout quand je m’aperçois, quar
1804 la lettre ce que vous appelez mes « prophéties ». Tenez , en mai 1968, ça m’a fait une bien curieuse impression de voir tant d
1805 se trouvaient alors les démocraties occidentales était pour nous comme l’aveu, la preuve de l’essoufflement du libéralisme.
1806 la preuve de l’essoufflement du libéralisme. Nous étions donc anticapitalistes, anticommunistes et antifascistes parce que nou
1807 n dans laquelle l’idée même de suffrage universel est tournée en dérision. À l’époque, cela cadrait tout à fait avec la pro
1808 sur le drame d’une jeunesse européenne qui avait été abusée par les grandes doctrines du moment. Cette jeunesse avait faim
1809 es conditions, l’antifascisme et l’anticommunisme étaient , pour nous, des urgences. Mais attention : notre critique du communis
1810 rnait le mal absolu ; pour lesquels le marxisme n’ était qu’une variante du productivisme dont nous, Occidentaux, pouvions déj
1811 , il ne faut pas oublier qu’Otto Abetz lui-même n’ était qu’à demi nazi. Une moitié suffit… Je vous l’accorde. Toujours est-il
1812 i. Une moitié suffit… Je vous l’accorde. Toujours est -il que, dès 1932, il avait témoigné un certain intérêt à notre petit
1813 sion d’un congrès de la jeunesse européenne qui s’ était tenu à Francfort, et auquel participèrent des gens aussi différents q
1814 ’un congrès de la jeunesse européenne qui s’était tenu à Francfort, et auquel participèrent des gens aussi différents que Ph
1815 esse d’Uriage), mais, pour l’essentiel, nous nous sommes tous retrouvés dans le combat antinazi. Par le biais de la presse cla
1816 midables. Relisez les éditoriaux de Combat , ils étaient visiblement inspirés par les idées personnalistes. En Hollande, à la
1817 ngager plus directement dans l’action politique ? Étant suisse, je ne pouvais pas prétendre à une carrière politique en Franc
1818 prépare. D’après vous, l’« apocalypse » pourrait être différée ? Plus exactement, je crois que l’histoire se réserve toujou
1819 entales de l’automobile, ce qui, finalement, peut être un bienfait pour notre mode de développement.bc bd Ainsi, si l’on co
1820 une politique de la personne et de l’individu qui sont les seuls pôles de résistance à la terreur d’Étatbf. Même si le but e
1821 résistance à la terreur d’Étatbf. Même si le but est commun, chacun doit inventer son chemin, car, si l’on prend les route
1822 couple à travers l’histoire de l’Occident. Or qu’ est -ce qu’un couple ? C’est l’assemblage d’un certain nombre de différenc
1823 niformisation et la fusion. L’homme et la femme y sont libres, ensemble, parce quebh irréductibles l’un à l’autre. L’union,
1824 ce que l’on appelle la passion et qui, en fait, n’ est qu’une sorte d’utopie unificatrice. Tristan en est l’archétype. Manif
1825 st qu’une sorte d’utopie unificatrice. Tristan en est l’archétype. Manifestement — et je l’ai prouvé —, Tristan n’aime pas
1826 ntir coupable. « C’est le philtre, dit-il, je n’y suis pour rien… » C’est exactement ainsi que procèdent les États-nations.
1827 tats-nations. Comme Tristan, ils disent « seul je suis , moi,bj le monde » et, face à cette certitude, il n’est pas de réalit
1828 oi,bj le monde » et, face à cette certitude, il n’ est pas de réalité qui vaille… Tout doit leur être subordonné et s’anéant
1829 l n’est pas de réalité qui vaille… Tout doit leur être subordonné et s’anéantir au nom du Pouvoir, cet analogue de la passio
1830 entent même pas coupables puisqu’ils proclament n’ être que des instruments de la raison d’Étatbk, cet analogue du philtre, d
1831 , de la drogue. Comme Tristan, l’État-nation veut être seul au monde. Il ne reconnaît rien au-dessus de lui et cela a commen
1832 ommencé, chez nousbl, avec Philippe le Bel, qui s’ est laissé persuader par ses légistes que « le roi de France est empereur
1833 persuader par ses légistes que « le roi de France est empereur en son royaume ». C’est pour cela que, lorsque de Gaulle est
1834 royaume ». C’est pour cela que, lorsque de Gaulle est mort, vous avez écrit un article intitulé « La mort de Tristan » ? La
1835 Tristan » ? La comparaison s’imposait… De Gaulle était une sorte de Tristan dont l’Iseut aurait été la France. Il le dit d’a
1836 le était une sorte de Tristan dont l’Iseut aurait été la France. Il le dit d’ailleurs dès les premières lignes de ses Mémoi
1837 s de ses Mémoires : « De tout temps, la France ne fut pour moi qu’une princesse de légende vouée à des malheurs exemplaires
1838 dans toutes les versions du mythe de Tristan), n’ était -ce pas ainsi qu’il désignait les hommes de parti qui risquaient de s’
1839 endrait à dire que l’impérialisme, par exemple, n’ est jamais que l’histoire d’une grande passion… Disons plutôt que la pass
1840 ne grande passion… Disons plutôt que la passion n’ est jamais qu’une forme de l’impérialisme. Au fond, depuis L’Amour et l’
1841 les affaires humaines, je pense qu’il vaut mieux être du côté du roi Marcbn, qui symbolise la légalité, que du côté de Tris
1842 côté de Tristan. Le drame, c’est que le roi Marc est plutôt ennuyeux… Ennuyeux comme la prudence, comme trop de mariages,
1843 uvent : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier. » 33. Voir l’édit
1844 ir raison… Il fallut son dernier livre, L’Avenir est notre affaire , paru le mois dernier chez Stock, pour qu’on redécouvr
1845 rnier chez Stock, pour qu’on redécouvre celui qui fut , à la veille de la guerre, le maître à penser de toute une génération
1846 entier à près de douze millions d’exemplaires, ne fut pas une circonstance atténuante pour ce “penseur” à contre-courant qu
1847 tre-courant qui, aujourd’hui, à soixante-dix ans, est tout étonné de reconnaître sa propre voix dans le chœur indigné de to
1848 rge de ce paragraphe. bf. « et de l’individu qui sont  » souligné et marqué d’un point d’interrogation. bg. Remplacé par « 
1849 . Point d’interrogation en marge. bj. La virgule est rajoutée sur l’exemplaire. bk. En marge : « Non ! pas la raison, mai
1850 a citation. La citation exacte tirée des Mémoires est  : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le
1851 te tirée des Mémoires est : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi
32 1977, Articles divers (1974-1977). Pierre Desgraupes fait le point avec Denis de Rougemont (10 octobre 1977)
1852 rares survivants ne raconteront pas…, etc. » Quel est ce cataclysme que vous annoncez ? D’abord je vous ferai remarquer que
1853 D’abord je vous ferai remarquer que cette phrase est au conditionnel : « Si nous ne choisissons pas librement notre avenir
1854 ucoup de gens qui adorent jouer les Cassandre. Ce sont d’ailleurs généralement les mêmes — vous le noterez — qui annoncent l
1855 rovoquent ! En revanche, les écologistes, dont je suis , pensent qu’on peut au contraire tout sauver à condition de changer d
1856 sse les choses aller, c’est perdu ! Si une comète est en train de tomber et que plus rien n’est susceptible de la retenir o
1857 comète est en train de tomber et que plus rien n’ est susceptible de la retenir ou de la détourner dans sa chute, on sait e
1858 quel moment elle touchera le sol… En somme, vous êtes un prophète qui espère se tromper. Exactement. C’était la formule des
1859 tinam vates falsus sim », « Plaise au ciel que je sois un faux prophète ! » : c’est-à-dire, que les mécanismes désastreux qu
1860 : c’est-à-dire, que les mécanismes désastreux qui sont en train de se monter puissent être arrêtés à temps ! J’écris pour qu
1861 ésastreux qui sont en train de se monter puissent être arrêtés à temps ! J’écris pour que les choses changent, pas pour qu’e
1862 ent. Eh bien, cette mise au point faite — et elle était en effet indispensable — voyons comment vous décrivez ces « mécanisme
1863 « mécanismes désastreux » qui nous menacent. Ce n’ est pas vous que j’étonnerai en disant qu’il y en a beaucoup et qu’on en
1864 la métaphore dont on use pour les justifier. Elle tient en un mot magique : croissance. Or cette idée de croissance est une i
1865 magique : croissance. Or cette idée de croissance est une idée fausse ; c’est une espèce de mauvaise métaphore faite à part
1866 ourtant rien à voir. Car la croissance biologique est une croissance autorégulée ; c’est même ce qui la définit : les plant
1867 s corps ont leurs chromosomes, leurs cellules qui sont programmés, comme on dit, pour pousser, croître, se développer, s’épa
1868 ça la croissance : un cycle où la vie et la mort sont associées. C’est tout à fait abusivement qu’on a transporté ce terme
1869 t il faudrait que l’économie s’arrête de croître. Est -ce 10 %, 7 %, 3 % par an ? Personne ne le sait. Or la terre n’est pas
1870 , 3 % par an ? Personne ne le sait. Or la terre n’ est pas infinie, les ressources terrestres, vous le savez, sont limitées.
1871 nfinie, les ressources terrestres, vous le savez, sont limitées. Mais, justement, qui peut décider de cela ? Nous, sinon qui
1872 ent à personne mais à Dieu. » Ou « De quoi demain sera-t -il fait ? » Vous, vous écrivez : « La décadence d’une société commenc
1873 e société commence quand l’homme se demande : “Qu’ est -ce qui va arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis-je faire ?” »
1874 cette phrase ! Mais on l’a si souvent citée comme étant de moi que je l’adopte volontiers ! Alors, pour revenir à nos propos
1875 ors, pour revenir à nos propos sur l’avenir, ce n’ est quand même pas Dieu qui remplit sans nous consulter les réservoirs de
1876 r de l’an 2000, il n’y en aura presque plus ou il sera devenu si rare et horriblement cher qu’il ne sera plus question de ro
1877 sera devenu si rare et horriblement cher qu’il ne sera plus question de rouler en auto avec un carburant dont chaque gramme
1878 que gramme vaudra son pesant de platine… Alors qu’ est -ce qu’on va faire ? Eh bien, personne ne se le demande aujourd’hui, l
1879 rd’hui, la recherche sur un véhicule sans pétrole est dans les limbes. Et les constructeurs d’automobiles, soutenus par les
1880 e voitures et de plus en plus d’autoroutes. Il n’ est pas besoin d’être prophète pour comprendre que d’ici à cinq ou dix an
1881 plus en plus d’autoroutes. Il n’est pas besoin d’ être prophète pour comprendre que d’ici à cinq ou dix ans, la question va
1882 on, nous aurons l’air de quoi ? Regardez ce qui s’ est passé il y a deux mois à New York quand le courant est venu à manquer
1883 assé il y a deux mois à New York quand le courant est venu à manquer et imaginez le même incident avec le pétrole ! Puis-je
1884 écit des civilisations, fin de l’Histoire. » Ce n’ est tout de même pas à la panne d’essence que vous songez en écrivant cel
1885 du cataclysme, le plus éclatant naturellement. Je suis absolument persuadé, et personne n’a jamais pu me faire d’objection s
1886 oses finiront mal. Un enfant le comprendrait ! Il est impossible d’imaginer sans rire que les 175 États-nations, qui aujour
1887 ! Qui fera les différences ? Or, le plus aberrant est que les gens ne se posent même pas de questions aussi simples que cel
1888 as de questions aussi simples que cela. La guerre est donc pour vous une hypothèse plausible ? Elle est absolument fatale s
1889 est donc pour vous une hypothèse plausible ? Elle est absolument fatale si on continue comme ça. Un exemple typique est cel
1890 atale si on continue comme ça. Un exemple typique est celui des centrales nucléaires. Les États qui ont augmenté leur PNB s
1891 uis, après moi, le déluge… » Je vous l’ai dit, ce sont ceux qui annoncent les catastrophes qui les fabriquent. Il est éviden
1892 annoncent les catastrophes qui les fabriquent. Il est évident que les pays qui achètent des centrales de retraitement de pl
1893 ter, ne s’amusent pas à faire de tels achats, qui sont extrêmement coûteux, pour rien. C’est parce qu’ainsi ils produisent d
1894 produisent du plutonium, et avec le plutonium, qu’ est -ce qu’on fait ? Des bombes et rien d’autre. Donc, si on vend des cent
1895 e retraitement du plutonium à certains pays, ce n’ est pas pour autre chose d’imaginable que pour les mettre en possibilité
1896 lus ou moins intimement beaucoup de ces gens, qui sont des gens honnêtes et détestent mentir dans la vie courante ; mais une
1897 entir dans la vie courante ; mais une fois qu’ils sont mis en position de se déclarer là-dessus, alors ils se mettent à ment
1898 estins, je dirai, des mensonges énormes. Comme ce sont souvent des gens très importants et très intelligents, ils ne peuvent
1899 onges par exemple. Eh bien, posez la question : «  Est -ce qu’il y a une solution au problème des déchets ? » Pas un savant s
1900 . Mais vous entendez dire tous les jours : « Ça n’ est plus un problème, ça a été réglé. » Les gens qui profèrent ces menson
1901 ous les jours : « Ça n’est plus un problème, ça a été réglé. » Les gens qui profèrent ces mensonges savent très bien que —
1902 n proverbe — le mensonge a les jambes courtes, il est vite rattrapé. Mais ça ne fait rien, ils continuent à mentir. C’est j
1903 issent tous entre eux se comportent comme s’ils s’ étaient mis d’accord pour présenter une certaine version des choses et oppose
1904 pousse trop. La question que vous soulevez ainsi est doublement grave, car tous les gens dont vous parlez sont — à des deg
1905 blement grave, car tous les gens dont vous parlez sont — à des degrés et à des titres divers — des scientifiques, et l’attit
1906 ientifiques, et l’attitude que vous décrivez ne l’ est guère. Comment expliquez-vous cela ? Je ne voudrais pas être trop pol
1907 Comment expliquez-vous cela ? Je ne voudrais pas être trop polémique, mais ce que je vais vous dire est couvert par de très
1908 tre trop polémique, mais ce que je vais vous dire est couvert par de très hautes autorités scientifiques. Je vais prendre e
1909 ux plus continuer à me prêter à cette comédie, je suis le seul membre indépendant de la commission ! Mes dix-neuf collègues
1910 bricants de pièces de centrales nucléaires, ce ne sont pas des experts, ce sont des vendeurs. » Ils étaient tous docteurs en
1911 trales nucléaires, ce ne sont pas des experts, ce sont des vendeurs. » Ils étaient tous docteurs en quelque chose… Je ne sus
1912 sont pas des experts, ce sont des vendeurs. » Ils étaient tous docteurs en quelque chose… Je ne suspecte pas particulièrement l
1913 uspecte pas particulièrement la Suisse, mais ce n’ est là qu’un exemple pris dans un seul pays. Détrompez-vous, le problème
1914 dans un seul pays. Détrompez-vous, le problème a été très sérieusement discuté aux États-Unis, vu la gravité de la chose.
1915 Un prix Nobel de physiologie, George Wald, a même été amené à formuler la question de la façon suivante : « D’un côté, a-t-
1916 s qui affirment que tous les risques du nucléaire sont maîtrisés ; de l’autre, il y en a tout autant, sinon plus, qui affirm
1917 ment le contraire. Qui croire ? » Et sa réponse a été  : « C’est très simple, il faut croire ceux qui n’ont rien à gagner de
1918 nucléaire aux États-Unis ! Inutile de dire que ce sont ces « experts »-là que les gouvernements consultent… Tout cela nous r
1919 inq ans, parce que la population de tout le globe était en expansion, est devenu dérisoire aujourd’hui où, vous le savez, si
1920 a population de tout le globe était en expansion, est devenu dérisoire aujourd’hui où, vous le savez, si le tiers-monde con
1921 ner et même, parfois, décroître. Alors je dis : «  Est -ce que vous comptez envoyer votre électricité nucléaire en Amazonie o
1922 excédent d’énergie qu’on peut attendre de l’atome est insignifiant par rapport à notre fameuse croissance. Peut-être que la
1923 le problème. Il n’y a aucun impératif à cela. Ce sont encore des « experts » qui ont inventé cet « impératif » ! Ils nous d
1924 re mal. D’ailleurs, écoutez. Faites un calcul qui est tout bête : selon les experts, la consommation d’électricité double t
1925 r par 16 384 la production. Rien que de l’énoncer est idiot. Alors revenons à la question : quel but poursuivent tous ces g
1926 La puissance. La puissance de qui ? La leur ? Ce serait dérisoire. Non, pas la leur. Ce serait en effet dérisoire, mais plus
1927 leur ? Ce serait dérisoire. Non, pas la leur. Ce serait en effet dérisoire, mais plus facile. Ce qu’ils poursuivent, chacun d
1928 he extrêmement puissant et nocif. Car qui ou quoi est l’État-nation ? À voir les choses de près, c’est une chose sinistre,
1929 s fonctionnaires ne font qu’incarner ce mythe qui est autrement plus puissant qu’eux. C’est un mythe dévorant. Prenez, par
1930 orant. Prenez, par exemple, l’idée de l’unité qui est déjà chez les rois de France mais se développe surtout pendant la Rév
1931 ce qu’en approchant des frontières, les carrés ne seraient plus bien réguliers… C’était une idée de fou, mais on en a débattu pa
1932 a débattu passionnément. Et si vous croyez que ce sont là des divagations, rappelez-vous ce qui s’est passé, chez les esprit
1933 e sont là des divagations, rappelez-vous ce qui s’ est passé, chez les esprits les plus intelligents, au moment de la guerre
1934 ce « de Dunkerque à Tamanrasset ! » Mais pourquoi est -ce à notre siècle en particulier que vous faites dans votre livre ce
1935 -nations, que vous critiquez depuis longtemps, ne sont pas nés hier ? Parce qu’il y a eu, de nos jours, une espèce d’accélér
1936 ur cela, changer de fins. La fin de l’État-nation étant sa propre puissance, c’est en mettant fin à ce mythe de la puissance
1937 er évidemment ce grand modèle de la démocratie qu’ étaient les cités grecques qui se maintenaient volontairement petites. Le plu
1938 rannie. Son gouvernement, alors, ne pourrait plus être l’affaire des citoyens réunis, dialoguant, discutant de leurs affaire
1939 « déportation »… Mais ne souriez pas : la sagesse était que cela se faisait volontairement parce que tous en décidaient. Et j
1940 l’exemple de Milet, a retrouvé cette sagesse. Ils étaient 100 à 150 pour cultiver un très grand lopin de terre qu’ils avaient a
1941 ls avaient acheté en Haute-Provence. Et quand ils sont devenus un peu trop nombreux pour la survie harmonieuse du groupe, il
1942 pour faire des tissus. Le début de la puissance… Est -ce que ces communautés sont vos modèles ? Non, mais elles montrent, e
1943 début de la puissance… Est-ce que ces communautés sont vos modèles ? Non, mais elles montrent, expérimentalement, une possib
1944 cratie ? Oui, je pense en effet que la démocratie est une question de dimension matérielle. Aristote voulait que la taille
1945 ielle. Aristote voulait que la taille d’une ville soit calculée de telle manière que le rayon de la ville soit à la portée d
1946 alculée de telle manière que le rayon de la ville soit à la portée de voix d’un homme criant sur l’agora. C’était très sage
1947 ûr, il s’agit — là encore — d’un modèle mais il n’ est pas si naïf. Dans mon pays, la Suisse, qui est composée de nombreux p
1948 n’est pas si naïf. Dans mon pays, la Suisse, qui est composée de nombreux petits cantons, nous avons eu longtemps ce que n
1949 s « Landsgemeinde », l’assemblée de canton qui se tenait sur la place publique. Il y a encore plusieurs cantons — les plus pet
1950 n et dire : « À moi la parole. » Et la démocratie est dialogue. Peut-être est-ce parce qu’il ressent ce manque que M. Gisca
1951 arole. » Et la démocratie est dialogue. Peut-être est -ce parce qu’il ressent ce manque que M. Giscard d’Estaing va dîner ch
1952 évision avec des lycéens. Probablement, mais ce n’ est encore qu’une intention, et il ne peut y avoir de vraie démocratie da
1953 avoir de vraie démocratie dans des dimensions qui sont incompatibles avec le dialogue ou, du moins, la concertation. Donc il
1954 bêtises. Regardez la Confédération helvétique qui est pour moi un modèle assez proche de la cité grecque. Elle s’est formée
1955 un modèle assez proche de la cité grecque. Elle s’ est formée sur la base de communes forestièresbr, d’une coopérative, si v
1956 sbr, d’une coopérative, si vous voulez, et elle s’ est peu à peu agrandie sous la forme d’une composition de petites unités
1957 le de résoudre nombre de problèmes qui ne peuvent être résolus au niveau, trop étroit, des cantons. C’est vrai dans la mesur
1958 dans la mesure seulement où les gens renoncent à être responsables et rêvent de se décharger de leurs responsabilités sur l
1959 t un vice, une maladie, de la Confédération, ce n’ est pas son fonctionnement normal. Pour donner de l’actualité à ces propo
1960 é à ces propos un peu théoriques, disons que vous êtes partisan des régions. Oui, des régions organisées dans un ensemble pl
1961 ns européennes actuelles me paraît terminé ; ce n’ est pas une idée que j’ai aujourd’hui. Je l’ai découverte et nous l’avons
1962 ’Hitler et de Staline, le mouvement personnaliste est né. En 1934, nous avions inventé une formule qui est devenue banale p
1963 né. En 1934, nous avions inventé une formule qui est devenue banale par la suite : pour qualifier déjà l’État-nation, nous
1964 qualifier déjà l’État-nation, nous disions qu’il est trop grand et trop petit à la fois. La région — et en particulier la
1965 et en particulier la région transfrontalière qui est le cas le plus fréquent en Europe — me paraît être le cadre le mieux
1966 est le cas le plus fréquent en Europe — me paraît être le cadre le mieux adapté aux problèmes que nous avons à résoudre d’ur
1967 pollution des eaux. Le Léman, le Rhin, la Manche sont menacés de mort. Et Britanniques, Allemands, Suisses et Français se r
1968 renvoient la balle et créent des commissions qui sont , bien entendu, impuissantes parce qu’au-delà il y a quatre souveraine
1969 ils crèvent. Le malheur, cher Denis de Rougemont, est qu’il y a maintenant près d’un demi-siècle que vous écrivez… Et je di
1970 crois. Et aussi parce que pendant longtemps j’ai été moins écouté que des gens qui ont fait des palinodies éclatantes, ce
1971 ur donne pas une grande crédibilité puisqu’ils se sont trompés si longtemps. Ne peut-on en tirer aussi la conclusion que les
1972 le réel ? Au contraire, je pense que leur pouvoir est plus grand que jamais. J’en reviens toujours à ma première phrase : «
1973 rôle des intellectuels de les y aider. Mais ce n’ est pas facile, car les hommes non plus n’aiment pas changer. Ils compren
1974 maintenant un certain nombre de catastrophes qui seront assez mineures au début, comme la crise du pétrole en 1973, qui est l
1975 au début, comme la crise du pétrole en 1973, qui est le type de ce que j’appelle une catastrophe enseignante ; parce que ç
1976 urs reprises, mais quand les gens le sauront, ils seront obligés de réfléchir et peut-être que ça les fera changer de directio
1977 ça les fera changer de direction puisque tout ne tient qu’à nous. Finalement, vous n’êtes pas très optimiste sur la nature h
1978 isque tout ne tient qu’à nous. Finalement, vous n’ êtes pas très optimiste sur la nature humaine. Je dirai que, quoique Suiss
1979 ture humaine. Je dirai que, quoique Suisse, je ne suis pas du tout rousseauiste : je ne pense pas, comme Jean-Jacques, que l
1980 je ne pense pas, comme Jean-Jacques, que l’homme est né bon et que la société le corrompt : je pense que l’homme est né mé
1981 que la société le corrompt : je pense que l’homme est né méchant et faible et tâche d’utiliser des impératifs imaginaires d
1982 uer à agir à l’abri de tout ça en disant : « Ce n’ est pas moi qui le veux, ce sont les impératifs. » Exactement comme Adam,
1983 ça en disant : « Ce n’est pas moi qui le veux, ce sont les impératifs. » Exactement comme Adam, quand Dieu est venu le cherc
1984 s impératifs. » Exactement comme Adam, quand Dieu est venu le chercher au Paradis et qu’il est allé se cacher derrière les
1985 and Dieu est venu le chercher au Paradis et qu’il est allé se cacher derrière les buissons. C’est tout juste s’il n’a pas d
1986 sons. C’est tout juste s’il n’a pas dit : « Je ne suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’est-ce que tu as fait ? 
1987 suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’ est -ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève » ; a
1988 « Qu’est-ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’ est pas moi, c’est Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève : « Qu’est-ce que t
1989 , c’est Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève : « Qu’ est -ce que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’est pas moi, c’est le ser
1990 u’est-ce que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’ est pas moi, c’est le serpent. » Et le serpent, bien sûr, n’était plus là
1991 i, c’est le serpent. » Et le serpent, bien sûr, n’ était plus là. Mais moi je crois à la liberté et à la responsabilité de l’h
1992 ponsabilité de l’homme. Et j’espère que le danger sera un bon maître d’école. bo. Rougemont Denis de, « [Entretien] Pierr
1993 en introduit par le chapeau suivant : «  L’Avenir est notre affaire . Tel est le titre du livre que vient de publier Denis
1994 eau suivant : «  L’Avenir est notre affaire . Tel est le titre du livre que vient de publier Denis de Rougemont. L’auteur d
1995 é l’original, même s’il semble que cette question soit de l’intervieweur. br. Le pluriel est une correction de la main de R
1996 question soit de l’intervieweur. br. Le pluriel est une correction de la main de Rougemont, en marge de l’exemplaire.
33 1977, Articles divers (1974-1977). L’Avenir est votre affaire (11 octobre 1977)
1997 L’Avenir est votre affaire (11 octobre 1977)bs bt J’ai rencontré Denis de Rouge
1998 e ce que nous allons choisir. Nous n’avons jamais été dans une situation aussi critique et c’est la première fois que l’hum
1999 critique et c’est la première fois que l’humanité est confrontée à un tel problème, car elle n’avait pas, auparavant, les m
2000 er. Je parle d’un délai de dix ans, car après, il sera vraisemblablement trop tard. Et encore faut-il qu’une guerre atomique
2001 pas… Beaucoup de gens disent qu’une telle guerre est impossible, qu’on n’utilisera pas les bombes atomiques… Je répondrai
2002 je le montre dans mon livre, les États-nations ne sont plus adaptés aux grands enjeux de notre temps. Ils sont ou trop petit
2003 lus adaptés aux grands enjeux de notre temps. Ils sont ou trop petits ou trop grands, ils n’ont plus rien à faire dans ce si
2004 dans ce siècle. Je n’accuse pas les gouvernants d’ être méchants, mais totalement inadaptés aux tâches de notre temps. Prenez
2005 n ne l’écoute pas, elle ne compte plus. Mais elle est trop grande, en tant qu’État, à l’échelle régionale. La sauvegarde du
2006 région franco-genevoise… La conscience régionale est -elle en train de s’éveiller selon vous ? Certainement et je prendrai
2007 ce commune aux centrales nucléaires, quand ils se sont aperçus qu’on allait en construire seize dans un rayon de quarante ki
2008 eize dans un rayon de quarante kilomètres, ce qui est tout simplement dément ! Notez que si vous discutez, dans le privé, a
2009 tel conseiller fédéral, il vous dira que, s’il n’ était pas au pouvoir, il serait avec les manifestants de Kaiseraugst ou d’a
2010 il vous dira que, s’il n’était pas au pouvoir, il serait avec les manifestants de Kaiseraugst ou d’ailleurs… Mais alors, s’il
2011 ts de Kaiseraugst ou d’ailleurs… Mais alors, s’il est vraiment sincère en disant cela, pourquoi ne démissionne-t-il pas en
2012 le pouvoir politique n’existe plus, le pouvoir n’ est pas à prendre, comme le croient les révolutionnaires, le pouvoir est
2013 comme le croient les révolutionnaires, le pouvoir est à créer. On ne peut plus compter sur les gouvernements, mais sur les
2014 s que Denis de Rougemont développe dans son livre est précisément que l’homme contemporain, piégé par la technique et ceux
2015 , piégé par la technique et ceux qui en vivent, s’ est trompé sur ses vrais besoins. « Il n’y a d’impératifs que de la natur
2016 os fatalités ». La vraie politique de l’énergie n’ est pas celle qui se calculera en fonction du produit national brut — cet
2017 ppant de la manipulation des besoins humains nous est fourni par le développement de l’automobile. Denis de Rougemont rappe
2018 écrivit en 1928 déjà et dont le titre à lui seul est éloquent : « Le péril Ford ». Ce texte, publié dans une revue protest
2019 u procédé, on devrait toujours se demander : « Qu’ est -ce qui arriverait si ça réussissait ? » Et plus prosaïquement encore 
2020 aïquement encore : « À quoi ça sert ? » Si l’on s’ était interrogé à propos de la voiture, on aurait évité, par exemple, de vo
2021 aujourd’hui que 18 % du territoire de la Hollande est bétonné, ce qui est une catastrophe du point de vue écologique. Quand
2022 du territoire de la Hollande est bétonné, ce qui est une catastrophe du point de vue écologique. Quand on pense que Pompid
2023 ou a pu commettre cette bourde monumentale : « Il est temps que Paris s’adapte à l’automobile… » « À quoi ça sert ? » Denis
2024 bile… » « À quoi ça sert ? » Denis de Rougemont s’ est posé la question, avec une corrosive ingénuité à propos de Concorde,
2025 silence »… Un des aspects fascinants de L’Avenir est notre affaire est que Denis de Rougemont coordonne magistralement le
2026 spects fascinants de L’Avenir est notre affaire est que Denis de Rougemont coordonne magistralement les thèses personnali
2027 énarrables palinodies… Lorsqu’on lui demande s’il est « à la mode », Denis de Rougemont sourit ironiquement et se fâche un
2028 ironiquement et se fâche un tout petit peu… Je ne suis tout de même pas Yves Saint-Laurent ou Cardin ! Je m’honore de n’avoi
2029 Laurent ou Cardin ! Je m’honore de n’avoir jamais été à la mode et je me flatte d’avoir souvent été à contre-courant ! Ce q
2030 ais été à la mode et je me flatte d’avoir souvent été à contre-courant ! Ce qui est en jeu dans ce livre, comme dans toute
2031 tte d’avoir souvent été à contre-courant ! Ce qui est en jeu dans ce livre, comme dans toute mon œuvre, va tout de même bie
2032 ’ai mis quatre ans et demi pour achever L’Avenir est notre affaire . Je n’avais fait cela pour aucun de mes livres. J’ai é
2033 xemple, L’Amour et l’Occident en trois mois… En été 1973, j’avais déjà écrit une centaine de pages, où je prévoyais certa
2034 e donner l’air de prophétiser après coup ce qui s’ était produit ! En un sens, je suis content de ce long temps de maturation
2035 près coup ce qui s’était produit ! En un sens, je suis content de ce long temps de maturation qui a été nécessaire, car j’ai
2036 suis content de ce long temps de maturation qui a été nécessaire, car j’ai pu prendre de la distance par rapport à l’actual
2037 ans puissance. À quoi je réponds que la puissance est le pouvoir que l’on prend sur autrui et la liberté le pouvoir que l’o
2038 confiance. Du point de vue écologique, la guerre est la pollution majeure de la planète. Nous devons tenter de créer une s
2039 tenter de créer une société plus amicale, où les êtres humains auraient la possibilité de communiquer, de ne plus vivre comm
2040 ns, chez les jeunes surtout. Des milliers de gens sont mobilisés par les thèmes de l’écologie, du régionalisme, de la commun
2041 hautement positive et je l’appuie entièrement. Je suis également heureux de voir que la jeune génération est en train de dép
2042 également heureux de voir que la jeune génération est en train de dépasser la stérile opposition de la « gauche » et de la
2043 onnaliste. On dit que l’Europe n’avance pas. Ce n’ est pas entièrement vrai, il y a des points positifs : je mentionnerai to
2044 e mentionnerai tout d’abord le fait qu’une guerre est désormais impensable entre des pays européens, ce qui représente un i
2045 dernières années, et cela sans bain de sang. Ce n’ est pas rien ! Homme de clairvoyance, Denis de Rougemont est également un
2046 rien ! Homme de clairvoyance, Denis de Rougemont est également un homme d’espoir. Son très beau livre est tout entier anim
2047 également un homme d’espoir. Son très beau livre est tout entier animé par la grande et généreuse idée que « le secret de
2048 reuse idée que « le secret de l’avenir de l’homme est dans l’homme, au cœur de l’homme d’aujourd’hui ». La terre du xxie s
2049 l’homme d’aujourd’hui ». La terre du xxie siècle sera très exactement ce que nous aurons voulu et c’est à chaque seconde de
2050 ne saurait trouver meilleur ouvrage que L’Avenir est notre affaire pour nous en persuader. bs. Rougemont Denis de, « [
2051 bs. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’avenir est votre affaire », 24 Heures, Lausanne, 11 octobre 1977, p. 58. bt. Pr
2052 its par le chapeau suivant : « Denis de Rougemont est décidément un homme étonnant. Il a fêté l’an dernier son soixante-dou
2053 an dernier son soixante-douzième anniversaire, il est un écrivain de notoriété internationale, un intellectuel qui pourrait
2054 table. Et voici qu’il nous propose avec L’Avenir est notre affaire (Éd. Stock) un livre d’une extraordinaire jeunesse, un
2055 estinée, projeter et assumer des finalités qui ne seront plus celles des technocrates, mais de la personne. »
34 1977, Articles divers (1974-1977). « Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)
2056 « Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)bu bv Denis de Rougemont, c
2057 . Pas banal. Les diseurs d’avenir, ceux qui ne se sont jamais trompés (Denis de Rougemont a dénoncé en 1932 le péril nazi et
2058 enis de Rougemont, lui, garde le calme suisse (il est né à Neuchâtel) et son livre qui vient de paraître aux éditions Stock
2059 re aux éditions Stock a un beau titre : L’Avenir est notre affaire . Il va devenir la bible des écologistes, des régionali
2060 rons-le. Ne pas oublier que ce monsieur de 71 ans est directeur du Centre européen de la culture, qu’il a lui-même fondé à
2061 e et son armée. Entre L’Amour et l’Occident qui est une méditation sur le mythe de Tristan et Iseut, sur le goût des Occi
2062 pour l’environnement, contre le nucléaire, quelle est la parenté ? Il y en a une très visible ! Je défends une certaine idé
2063 c’est que la réalité commence à me rejoindre ! Je suis beaucoup plus optimiste aujourd’hui qu’il y a cinq ans. Regardez ce q
2064 stes, la lutte antinucléaire. Vous dites que vous êtes un « pessimiste actif ». Il y a une phrase que j’ai écrite et à laqu
2065 l y a une phrase que j’ai écrite et à laquelle je tiens , c’est celle-ci : « La décadence d’un peuple commence quand on se dem
2066 dence d’un peuple commence quand on se demande qu’ est -ce qui va arriver au lieu de se demander : Qu’est-ce que je vais fair
2067 est-ce qui va arriver au lieu de se demander : Qu’ est -ce que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais je
2068 que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais je crois que l’on peut construire une société qui le corromp
2069 société qui le corrompe le moins possible. Ce qui est grave actuellement c’est que les vrais problèmes ne sont pas du tout
2070 ave actuellement c’est que les vrais problèmes ne sont pas du tout abordés par les hommes politiques. Regardez la France : l
2071 la droite et de la gauche en matière nucléaire ne sont pas très différentes. Je fais commenter à mes élèves des textes de Mi
2072 textes de Michel Debré et de Georges Marchais. Ce sont à peu près les mêmes, encore plus cocorico pour Marchais. La France n
2073 situation actuelle de l’environnement ? La France est un pays centralisateur où l’on a le goût du secret. Pour les Français
2074 ire appel au sens de la responsabilité. Mais ce n’ est possible que dans de petites communautés. C’est pour cela que je croi
2075 teur. bu. Rougemont Denis de, « [Entretien] Je suis un pessimiste actif », Elle, Paris, 17 octobre 1977, p. 8. bv. Propo
35 1977, Articles divers (1974-1977). « L’avenir, c’est notre affaire ! » (18 octobre 1977)
2076 re affaire ! » (18 octobre 1977)bw bx L’avenir est notre affaire : une affirmation, un titre, un livre-programme. Denis
2077 elles avancées. Il rappelle à chacun que l’avenir est son affaire, et non celle d’une vague fatalité. Il en appelle à la li
2078 liberté et au sens des responsabilités. Cet appel est apparemment entendu : l’ouvrage est un succès public. Nous en avons p
2079 és. Cet appel est apparemment entendu : l’ouvrage est un succès public. Nous en avons parlé avec l’écrivain dans sa demeure
2080 arche solide et rassurante. En écrivant L’Avenir est notre affaire , j’entendais faire le point de la situation. Je consta
2081 de la situation. Je constate que cette situation est grave. On vient me dire, alors, que je suis pessimiste. Cela ne veut
2082 uation est grave. On vient me dire, alors, que je suis pessimiste. Cela ne veut rien dire. Je ne dis pas que l’asphyxie « na
2083 asphyxie « naturelle » ou le cataclysme militaire sont inévitables. Je dis qu’il est de notre devoir de les éviter en change
2084 taclysme militaire sont inévitables. Je dis qu’il est de notre devoir de les éviter en changeant de cap. De notre devoir et
2085 s un renforcement de l’État et de sa police. Il s’ est chargé très rapidement de confirmer lui-même ce diagnostic. La « gran
2086 mand et l’allemand. Non seulement la révolution s’ est chargée de gommer cette diversité des peuples, mais encore l’histoire
2087 tion de 1789 a créé l’État-nation qui, ensuite, s’ est répandu dans le monde. La révolution russe, elle, a créé l’État-parti
2088 concentrées. L’industrie lourde, dans l’ensemble, était avant tout utile aux États, non aux peuples. L’État-parti, qui domine
2089 ts, non aux peuples. L’État-parti, qui domine à l’ Est , a suivi la même voie. C’est d’autant plus dangereux que le gigantism
2090 Lettre ouverte aux Européens (1970), L’Avenir est entre nos mains [sic] (1977) : il y a un fil conducteur qui relie ce
2091 ous citez. Lorsque le « mouvement personnaliste » fut lancé, nous savions déjà qu’on s’enfonçait dans un monde anonyme et a
2092 « systèmes ». L’esprit jacobin La réalité s’ est chargée de me confirmer dans ma voie. Lecteur en Allemagne, j’ai donn
2093 m’a appris beaucoup de choses. En fait, les nazis étaient des jacobins, la convergence était évidente. Et puis j’ai vu Hitler c
2094 t, les nazis étaient des jacobins, la convergence était évidente. Et puis j’ai vu Hitler célébrer le culte nazi à la Festhall
2095 agent allemand chargé de leur faire peur… Ce qui est tragique, c’est que l’esprit jacobin règne encore et qu’on omet soign
2096 livre, les nombreux mouvements populaires qui se sont créés au cours de ces dernières années. Vous les considérez comme les
2097 en plus répandu de cette démission générale dont est faite la « puissance » ? Il y a des mouvements qui sont de tous les t
2098 aite la « puissance » ? Il y a des mouvements qui sont de tous les temps. Les « hippies », par exemple, dont les chroniqueur
2099 re l’État, qui renforcent toujours ce dernier. Je suis persuadé, en revanche, qu’une participation de plus en plus active au
2100 ra de modifier la situation. Justement : l’avenir est notre affaire. bw. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’avenir, c’
36 1977, Articles divers (1974-1977). La fonction et la structure de la ville future (décembre 1977)
2101 icho à Manhattan et Brasilia, son développement a été celui de la civilisation elle-même. Le Paradis était un jardin. Chass
2102 té celui de la civilisation elle-même. Le Paradis était un jardin. Chassés de ce jardin les hommes errants et anxieux tentent
2103 tiers du xxe siècle. La conclusion de l’aventure est décrite par la Bible, non comme un retour au jardin primitif, mais (a
2104 re de Dieu l’éclaire ». Ainsi la fin de l’homme n’ est pas le « retour à la Mère Nature », mais la transfiguration de la soc
2105 moyens et s’unir sur des finalités communes… Ce n’ est pas se trouver juxtaposés, mais vivre en relations dans une orientati
2106 ures ». Pour Aristote, la vraie cité, conviviale, est celle où tout le monde pourrait se connaître : cela limite le nombre
2107 es deux cas, l’indicateur principal ou « mesure » est le produit nombre-étendue, limité de telle sorte que la communauté ci
2108 ptimales du nombre et de l’étendue, les raisons d’ être de la cité ne tardent pas à s’obscurcir, jusqu’à se perdre : leçon du
2109 mptômes. 1. Les mégalopoles du type New York « ne sont plus gouvernables » (maire L. Lindsay). Elles sont menacées de failli
2110 ont plus gouvernables » (maire L. Lindsay). Elles sont menacées de faillite (New York dès 1976, mais aussi les plus grandes
2111 nçaises, et Londres, etc.). 2. Les grandes villes sont des exemples de contre-productivité. (Plus il y a de véhicules, plus
2112 , 4 x ; de 3 %, 8 x ; de 10 %, 1024 x…). 3. Elles sont les machines les plus énergivores du monde. (Rien de plus vorace en é
2113 n électricité qu’une tour de 40 étages.) 4. Elles sont les lieux les plus pollués du monde : air, eau, bruit. 5. Parce que l
2114 onde : air, eau, bruit. 5. Parce que les hommes y sont trop serrés, — et parce qu’ils ne s’y sentent pas libres, n’ayant plu
2115 sentent pas libres, n’ayant plus la possibilité d’ être responsables, les grandes villes sont devenues des milieux d’agressiv
2116 ssibilité d’être responsables, les grandes villes sont devenues des milieux d’agressivité généralisée, de délinquance et de
2117 ). 6. Pour toutes ces raisons, les grandes villes sont aujourd’hui des machines à dissocier toute communauté vivante pour en
2118 he scientifique, et plus spécialement urbanisme — est de savoir si l’on va repartir de l’homme et de ses besoins fondamenta
2119 gués par les promoteurs et les ministres dont ils sont les experts. Faut-il soumettre l’homme aux structures technologiques
2120 uctures technologiques de la cité, ou l’inverse ? Est -il vraiment « temps que Paris s’adapte à l’automobile » (Georges Pomp
2121 e » (Georges Pompidou) ou au contraire que l’auto soit détournée du cœur de la capitale, pour lui permettre de se ranimer ci
2122 plein, square — dérivée de l’agora et du forum, a été le lieu politique par excellence — le sénat et le parlement n’étaient
2123 tique par excellence — le sénat et le parlement n’ étaient que délégations du forum. Là s’exerçait au maximum la participation c
2124 nde). 4. Diminuer le nombre des étages, puisqu’il est démontré que le taux de délinquance leur est proportionnel. Supprimer
2125 u’il est démontré que le taux de délinquance leur est proportionnel. Supprimer les tours énergivores. Interdire le gaspilla
2126 que refaire des villes viables et vivables, ce n’ est pas une question d’architecture ni de technologie au premier chef, ma
2127 population. « L’enquête publique » doit cesser d’ être le secret d’État le mieux gardé : elle doit devenir l’école pratique
2128 es villes que leurs habitants ont subies, qui ont été faites pour le profit de quelques-uns, avec l’aide forcée de tous les
2129 ée de tous les contribuables qui avaient oublié d’ être des citoyens. Nous aurons, demain — c’est mon vœu, et celui de ce con
2130 mmes, devenant plus responsables de leur ville, y soient par conséquent plus libres. by. Rougemont Denis de, « La fonction
37 1977, Articles divers (1974-1977). Demain le soleil (20 décembre 1977)
2131 te qui dit volontiers : « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète ». Il écrit pour avertir avant qu’il soit trop tard.
2132 aux prophète ». Il écrit pour avertir avant qu’il soit trop tard. Il prédit dans l’espoir que les événements le démentiront.
2133 énements le démentiront. Cataclysme ou apocalypse sont des mots épouvantails qu’il plante dans ses pages pour qu’ils effraie
2134 a peur et l’éloignent. Quand il affirme L’Avenir est notre affaire , c’est que rien n’est encore perdu. Fondateur du Centr
2135 me L’Avenir est notre affaire , c’est que rien n’ est encore perdu. Fondateur du Centre européen de culture à Genève, il a
2136 et le livre qui lui a apporté la célébrité et qui est aujourd’hui un grand classique, L’Amour et l’Occident . Ce succès mo
2137 sique, L’Amour et l’Occident . Ce succès mondial est à l’origine d’un malentendu qu’il a voulu dissiper dès les premières
2138 de notre conversation. L’Amour et l’Occident a été traduit en douze langues et publié dans quatorze pays, mais toujours
2139 urs avec de faibles tirages. Ce succès n’a jamais été un best-seller. On vient de raconter que j’en avais vendu douze milli
2140  ! J’ai fait l’addition, le chiffre de vente réel est inférieur à 400 000 exemplaires en trente-huit ans, mais on le réimpr
2141 l fallait que j’explique très simplement qui vous êtes à un enfant, par exemple, que devrais-je lui dire ? D’abord, que je s
2142 xemple, que devrais-je lui dire ? D’abord, que je suis quelqu’un qui voudrait qu’il vive dans un monde agréable quand il ser
2143 udrait qu’il vive dans un monde agréable quand il sera grand. Ensuite, que j’ai écrit des livres, que je suis l’initiateur d
2144 grand. Ensuite, que j’ai écrit des livres, que je suis l’initiateur du mouvement fédéraliste européen. Que j’espère être dém
2145 r du mouvement fédéraliste européen. Que j’espère être démenti dans mes prédictions les plus désastreuses, que je crois que
2146 que le soleil peut tout nous donner. Enfin que je suis écologiste. Que vous êtes du pays de Rousseau et un peu utopiste ? On
2147 us donner. Enfin que je suis écologiste. Que vous êtes du pays de Rousseau et un peu utopiste ? On ne ferait jamais rien si
2148 rme de société où une communauté entre les hommes serait possible. Dès les années 1930, j’ai fondé le mouvement personnaliste
2149 e qui a fait un peu de bruit à l’époque, mais qui est resté ce qu’on appelle aujourd’hui un groupuscule. Quand la guerre es
2150 pelle aujourd’hui un groupuscule. Quand la guerre est arrivée, on aurait pu croire que ces idées et cette doctrine allaient
2151 paraître dans le gouffre général : il n’en a rien été . Tous les mouvements de résistance dans les pays d’Europe se sont nou
2152 ouvements de résistance dans les pays d’Europe se sont nourris de nos idées, même en Allemagne nazie, puisque nous avons eu
2153 ments aux Alliés. Suisses, Français, Belges, vous étiez tous citoyens de sociétés libérales et démocratiques : quelles étaien
2154 de sociétés libérales et démocratiques : quelles étaient vos craintes ? Les mêmes finalités À Paris, vers 1930, nous éti
2155 Les mêmes finalités À Paris, vers 1930, nous étions dans une démocratie libérale dirigée par les partis et qui paraissait
2156 r les partis et qui paraissait fatalement glisser soit vers une complète anarchie, soit vers une forme plus ou moins totalit
2157 talement glisser soit vers une complète anarchie, soit vers une forme plus ou moins totalitaire d’État, né de la résistance
2158 ie fasciste, Allemagne nationale-socialiste. Nous étions sûrs que l’État libéral n’était qu’un acheminement vers l’État totali
2159 socialiste. Nous étions sûrs que l’État libéral n’ était qu’un acheminement vers l’État totalitaire par la force des choses. N
2160 nsions que tout cela menait droit à la guerre, qu’ étant donné notre âge, nous serions obligés de la faire, mais que ce ne ser
2161 droit à la guerre, qu’étant donné notre âge, nous serions obligés de la faire, mais que ce ne serait pas notre guerre. Vous dis
2162 nous serions obligés de la faire, mais que ce ne serait pas notre guerre. Vous discerniez donc des points communs entre des p
2163 de ce genre ne peut conduire qu’à la guerre. Elle est inévitable entre des nations qui poursuivent des chimères identiques.
2164 é, c’est vrai. Mais la fonction de l’intellectuel est de forcer les hommes à réfléchir et à s’interroger. Je remarque que m
2165 mes idées et mes propositions d’il y a trente ans sont à la mode aujourd’hui. Peut-être parce qu’est venu le temps où nous a
2166 ns sont à la mode aujourd’hui. Peut-être parce qu’ est venu le temps où nous allons jouer notre dernière chance. Ainsi que j
2167 que je l’écris dans la première page de L’Avenir est notre affaire  : « À partir de maintenant, il arrivera dans le monde
2168 intenant « Que puis-je faire ? », plutôt que « Qu’ est -ce qui va arriver ? » Vous refusez de voir l’intervention du doigt de
2169 rtains événements ? Des hommes sensibles Je suis chrétien, mais je trouve trop facile qu’on appelle volonté divine ce
2170 ait prévoir ce qui met notre avenir en danger. Ce sont des super-cerveaux, des savants rassemblés dans de doctes séminaires
2171 qui doivent donc imaginer ce que demain pourrait être  ? Le club de Rome le fait de façon admirable et nous avertit des dang
2172 a des futurologues auxquels personne ne pense, ce sont des hommes sensibles. Plutôt que de les tourner en dérision, il serai
2173 sibles. Plutôt que de les tourner en dérision, il serait préférable de les utiliser comme des « indicateurs », enregistrant l’
2174 n ait pris conscience. Cette idée neuve et hardie est de mon ami Bertrand de Jouvenel. Tout ce qui n’est pas calculable res
2175 st de mon ami Bertrand de Jouvenel. Tout ce qui n’ est pas calculable reste prévisible par la sensibilité. Ces indicateurs v
2176 nds événements. Hitler et l’automobile Vous êtes l’un de ces hommes sensibles ? Dès 1932, j’avais prévu les victoires
2177 victoires et la chute d’Adolf Hitler. Le désastre était inscrit dans les données de son aventure. Si Hitler revient souvent d
2178 Rougemont, c’est parce que je pense que le Führer est l’exemple éclatant de ce que les futurologues étaient impuissants à d
2179 est l’exemple éclatant de ce que les futurologues étaient impuissants à deviner. Les conséquences de l’irruption d’Hitler dans
2180 nt, la menace apocalyptique qui pèse sur l’avenir est une conséquence du passage d’Hitler sur la terre, surtout lorsque ce
2181 cette histoire a l’air un peu fantaisiste, elle l’ est moins dès que Denis de Rougemont la raconte, après avoir précisé en e
2182 récisé en exergue : Hitler et l’automobile auront été les deux fléaux les plus dévastateurs xxe siècle et que la futurolog
2183 t Ford, qui généralisa l’automobile, et Hitler se sont trouvés être les alliés objectifs pour hypothéquer le futur. Il y a d
2184 énéralisa l’automobile, et Hitler se sont trouvés être les alliés objectifs pour hypothéquer le futur. Il y a d’abord le jeu
2185 qui trahit ce rêve d’adolescent (une voiture pour être libre) lorsqu’il s’aperçoit que les Américains n’ont pas tellement en
2186 blicité, il les persuade qu’ils ne pourraient pas être heureux sans auto et réussit à les contaminer. Il commet donc une vil
2187 eprise et annoncer à quelle fatalité nous allions être livrés. Ford a donné un tel essor que les villes se sont développées
2188 vrés. Ford a donné un tel essor que les villes se sont développées en fonction de l’automobile. On a dépassé les limites hum
2189 a dépassé les limites humaines et des utopies se sont réalisées pour plaire à l’auto et au pétrole. Mais ce pétrole indispe
2190 ent dans le sous-sol des pays sous-développés qui étaient maîtres de la richesse du monde et qui n’en avaient pas conscience. N
2191 du monde et qui n’en avaient pas conscience. Nous sommes loin d’Hitler… Au contraire, nous en sommes tout près. Comme le génér
2192 Nous sommes loin d’Hitler… Au contraire, nous en sommes tout près. Comme le général Kadhafi le déclarait en 1973 : « Nous avo
2193 quoi détruire toute l’économie européenne et il n’ est pas dit que nous ne le ferons pas. » Comment Hitler apparaît-il dans
2194 on à ce besoin et Hitler a apporté la sienne, qui était aberrante, à l’Allemagne : le racisme, il en arriva à exterminer six
2195 cteurs de pétrole. La guerre du Kippour, en 1973, est l’endroit où Ford et Hitler se rencontrent. Résultat : l’embargo, la
2196 inévitable Apocalypse ou cataclysme. Les mots sont forts mais Rougemont les emploie : Si nous ne choisissons pas libreme
2197 de campagne casquées autour du site des centrales sont puériles et organisées par des jeunes gens qui ne voient pas plus loi
2198 s plus loin que le bout de leur contestation. Ils sont contre, sans savoir exactement pourquoi. Denis de Rougemont, lui, a l
2199 mont, lui, a le droit de parler d’un problème qui est le centre de ses préoccupations. Voilà des années qu’il étudie, lit,
2200 se déclarer contre le nucléaire ? Le nucléaire n’ est pas un progrès. C’est, à certains égards, une horrible régression ver
2201 les ténèbres ? Ne parlons pas d’un choix qui nous est imposé, qui tombe du ciel : nous sommes les seuls responsables car no
2202 oix qui nous est imposé, qui tombe du ciel : nous sommes les seuls responsables car nous avons créé une société vorace en éner
2203 une dimension poétique. Regardez la merveille qu’ est le Concorde. C’est de la très mauvaise poésie. On ne va pas plus vite
2204 le soleil. C’est impossible. C’est un slogan. Qu’ est -ce que le progrès selon vos vœux ? J’appelle progrès ce qui est favor
2205 progrès selon vos vœux ? J’appelle progrès ce qui est favorable à un meilleur épanouissement des personnes. Comment les per
2206 anouir dans le froid et dans le noir ? Le progrès est dans l’utilisation de l’énergie solaire, symbole de tout cela. Voilà
2207 — à Pluton — dieu des Enfers, dieu aveugle. On s’ est servi de son nom pour baptiser le plutonium, ce n’est pas par hasard.
2208 servi de son nom pour baptiser le plutonium, ce n’ est pas par hasard. Selon la mythologie, Pluton s’enfouit sous la terre a
2209 Déjà nous lui préparons ses cavernes, celles où seront enfouis les déchets radioactifs qui auront, auparavant, ruiné l’human
2210 auparavant, ruiné l’humanité. Denis de Rougemont est reparti vers sa Suisse paisible. Il a encore à réfléchir et à cherche
2211 n que nous, alors il avertit des dangers. Son cri est d’espoir et non pas de sauve-qui-peut, puisqu’il dit « l’avenir est n
2212 n pas de sauve-qui-peut, puisqu’il dit « l’avenir est notre affaire ». Nous sommes tous responsables de nos lendemains comm
2213 uisqu’il dit « l’avenir est notre affaire ». Nous sommes tous responsables de nos lendemains comme le Petit Prince l’était de
2214 nsables de nos lendemains comme le Petit Prince l’ était de sa rose, Noël est proche. C’est le temps des enfants. Pour eux, il
2215 ns comme le Petit Prince l’était de sa rose, Noël est proche. C’est le temps des enfants. Pour eux, il faut s’efforcer de n
38 1977, Articles divers (1974-1977). Écologie, régionalisme, fédéralisme : l’avenir selon Denis de Rougemont (30 décembre 1977)
2216 trop tôt », le livre de Denis Rougemont L’Avenir est notre affaire paru cet automne, est sorti au bon moment. En juin der
2217 nt L’Avenir est notre affaire paru cet automne, est sorti au bon moment. En juin dernier, c’eût encore été trop tôt. Mais
2218 orti au bon moment. En juin dernier, c’eût encore été trop tôt. Mais cet été, l’opinion à laquelle il s’adresse a été révei
2219 juin dernier, c’eût encore été trop tôt. Mais cet été , l’opinion à laquelle il s’adresse a été réveillée par Creys-Malville
2220 Mais cet été, l’opinion à laquelle il s’adresse a été réveillée par Creys-Malville, entre autres. Après avoir vécu plusieur
2221 gne, ensuite aux États-Unis, Denis de Rougemont s’ est installé dans le pays de Gex, à Ferney d’abord, puis à Saint-Genis. I
2222 continuer ce qu’on a fait depuis vingt-cinq ans, sont en pleine utopie au mauvais sens du terme ». Les différents éléments
2223 is le xixe siècle et qui interagissent entre eux sont aujourd’hui bloqués : que ce soit l’énergie, le chômage, l’inflation.
2224 ssent entre eux sont aujourd’hui bloqués : que ce soit l’énergie, le chômage, l’inflation. La crise de l’Occident mondial a
2225 re de vie. En Suisse, la croissance démographique est négative depuis deux ans. Prenons le cas de Ferney-Voltaire. En 1947,
2226 ans certains d’entre eux cinq ou six appartements sont occupés sur trente. Saint-Thomas Croyez-vous qu’avec de telles m
2227 ui ne leur apportent aucune gratification. Ils ne sont pas heureux et ils en viennent à se détester. On sait aujourd’hui que
2228 On sait aujourd’hui que les ressources en pétrole seront épuisées d’ici à vingt ou trente ans ; on en trouvera bien sûr toujou
2229 à quel prix ? Épuisé ou inutilisable, le résultat est le même. Et pourtant on parle de relance de l’économie ! C’est une ab
2230 on. C’est saint Thomas qui disait que « le fini n’ est pas capable d’infini ». N’en est-il pas de même pour les ressources n
2231 que « le fini n’est pas capable d’infini ». N’en est -il pas de même pour les ressources naturelles ? Et les hommes politiq
2232 e roi, c’est moi Les xixe et xxe siècles ont été marqués par les « économies d’échelle » qui ont conduit à une concent
2233 n fin de compte que quatre-vingts ans. Le fossé s’ est accru depuis la décolonisation. ⁂ Ce que Denis de Rougemont a apporté
2234 pporté de neuf, c’est d’avoir démontré que l’État est responsable de tout, puisqu’il revendique le contrôle de tout. Et par
2235 uverain, c’est toujours du peuple qu’on parle. Ce sont les États-nations et eux seuls, qui ont géré la terre. Ils ont géré e
2236 sance. Pour Denis de Rougemont, l’État ne devrait être qu’un service public, un point c’est tout. Ses propositions développé
2237 s développées en 160 pages partent de l’homme (il fut l’un des premiers personnalistes, de la revue Esprit), de la commune
2238 a région à l’Europe. Tout le système de Rougemont est fondé sur l’autogestion politique à partir des régions, nécessaires p
2239 emis de l’écologie, des régions, de l’autogestion sont autant à droite qu’à gauche. Si le nationalisme, le pouvoir de type m
2240 type monarchique et le mythe de l’unité nationale sont les caractéristiques de la droite, qu’est-ce qui la différencie du Pa
2241 ionale sont les caractéristiques de la droite, qu’ est -ce qui la différencie du Parti communiste français ? Il y a un vérita
2242 la droite et la gauche. Le nucléaire pourrait-il être une solution aux problèmes d’énergie ? Là encore, soit dit en passant
2243 une solution aux problèmes d’énergie ? Là encore, soit dit en passant, le parti communiste a opéré un virage à 180 degrés. M
2244 virage à 180 degrés. Mais sur le fond, quelle que soit la nature du danger que présente le nucléaire (il y a des savants hos
2245 quet d’Alice au pays des Merveilles où les boules étaient des hérissons et les arceaux des valets, tous se déplaçant au gré de
2246 ement français a même décidé que l’armée pourrait être utilisée aux fins de défendre les centrales. On se livre à des enquêt
2247 rsonnes, de leurs familles : la société nucléaire est une société policière. « J’ai bon espoir » L’énergie solaire, a
2248 st sans doute la raison pour laquelle les États y sont hostiles, est liée au système d’autonomie jusqu’à la propre maison de
2249 a raison pour laquelle les États y sont hostiles, est liée au système d’autonomie jusqu’à la propre maison des citoyens. Si
2250 édéraliste, ne l’emporte pas rapidement, l’Europe sera sans doute complètement colonisée par les États-Unis et l’URSS et con
2251 hoses peuvent aller très vite. Car ce mouvement n’ est -il pas le seul aujourd’hui à pouvoir mobiliser des centaines de milli