1 1974, Articles divers (1974-1977). La personne comme fondement des valeurs européennes (19 septembre 1974)
1 oire, donc d’agir à l’encontre des destins qu’ils ont calculés, alors le pire deviendra sûr. Ils nous supplient de les fair
2 deur, de quelques « lieux communs » européens qui ont sans doute orienté l’action d’hommes politiques tels que De Gasperi,
3 pour ne citer que les plus évidents et ceux que j’ ai le mieux connus. Ce n’est pas rien, mais il faut bien admettre que ce
4 t pas rien, mais il faut bien admettre que cela n’ a pas suffi pour « faire l’Europe ». De cette deuxième rencontre, que d
5 es machines, du DDT et de la bombe atomique, nous avons à trouver comment réorienter toute l’aventure occidentale de l’homme,
6 » ou mieux : de l’obsession de Puissance, comme l’ a décrit Lewis Mumford et comme je n’ai cessé de le dénoncer depuis que
7 nce, comme l’a décrit Lewis Mumford et comme je n’ ai cessé de le dénoncer depuis que je m’occupe de l’Europe. Nous voici,
8 onclusions sur son bureau, le Conseil de l’Europe a fait un acte qui mérite d’être qualifié de politique, au sens du term
9 en dirai pas plus sur ce chapitre : tout le monde a lu Forrester ou Meadows. Mais ils sont loin d’avoir épuisé le pire de
10 e a lu Forrester ou Meadows. Mais ils sont loin d’ avoir épuisé le pire de notre crise : l’équivalent moral, social et politiq
11 i est en réalité une division de l’homme, comme l’ avait annoncé Kropotkine ; la montée universelle de la délinquance, la démo
12 it du temps de ma jeunesse à quelques-uns, et qui a subitement éclaté dans les universités de tout l’Occident et dans les
13 ut renverser ce qui ne tient pas debout, ce qui n’ a pas de principe de cohésion interne, — ou plutôt ce qui n’en a pas d’
14 cipe de cohésion interne, — ou plutôt ce qui n’en a pas d’autre que l’obsession de la Puissance, vrai moteur de la sociét
15 lits ; et des guerres aussi, dans lesquelles nous avons entraîné toute la planète. Or à leur tour, ces guerres sont nées de n
16 le concret, les valeurs, dont une mode de naguère avait tenté de décréter l’inexistence. Qu’est-ce qu’une valeur, dans le co
17 définit leur sens. Face à la Crise mondiale, nous avons l’impression que quelque chose a été faussé dans l’échelle des priori
18 ndiale, nous avons l’impression que quelque chose a été faussé dans l’échelle des priorités, que la justice, la santé, la
19 le jugement et la conduite. Ainsi chez Marx : on a relevé que cet auteur semble bannir de son vocabulaire le terme de ju
20 ime Le Capital est celle de la justice, ou je n’y ai rien compris. C’est la justice, non la nécessité, qui est le vrai réf
21 entiel absolu, c’est la personne. Or la personne a une histoire, comme bien d’autres structures que l’on croirait intemp
22 croirait intemporelles et universelles, mais qui ont leur date et leurs coordonnées spatiales. Notre notion de la personne
23 divine ni la diversité des fonctions ? Les Grecs avaient constitué la notion d’identité individuelle qu’ils exprimaient par le
24 inissant l’homme par son rôle dans la cité, après avoir désigné le masque porté par un acteur et caractérisant son rôle dans
25  » à la fois, les Pères du concile de Chalcédoine ont posé le premier modèle permettant de penser ensemble des réalités ant
26 on de l’un à l’autre, le dogme de l’incarnation n’ a pas seulement fondé l’anthropologie chrétienne, mais il a posé le mod
27 ulement fondé l’anthropologie chrétienne, mais il a posé le modèle de la pensée spécifiquement européenne, la grande idée
28 uropéen, à partir de l’extraordinaire création qu’ a été le concept de personne, cette notion théomorphe de l’homme et ant
29 homme par rapport à lui-même. Certes, les siècles ont ajouté à cette formule. Elle est devenue autre chose qu’un modèle, qu
30 précédent. Car chacun naît de quelque chose qui n’ a jamais été auparavant, qui n’est exactement pareil à rien, croisement
31 urs, ou si je l’invente en osant y avancer sans l’ avoir vu. Ce que je sais, c’est qu’il n’existera qu’autant que j’aurai le c
32 e je sais, c’est qu’il n’existera qu’autant que j’ aurai le courage d’y marcher dans la nuit. Voilà qui implique la foi, cette
33 pt superflu. Mais j’observe que ceux qui la nient ont commencé par répéter, après Nietzsche, que Dieu est mort, et que cela
34 t mort, nous disent-ils, l’homme est mort, il n’y a plus de sujet, il n’y a plus rien. Il ne reste rien que leurs livres,
35 l’homme est mort, il n’y a plus de sujet, il n’y a plus rien. Il ne reste rien que leurs livres, et leur nom sur ces liv
36 liéner, c’est le mécaniser — au sens argotique qu’ a pris le mot — c’est-à-dire le manipuler, lui imposer un comportement
37 uvoir : pouvoir sur soi ou pouvoir sur autrui ? J’ ai fait allusion tout à l’heure au dilemme Puissance ou Liberté. Or, ces
38 vocation, que toutes les religions de la terre l’ ont condamnée : « Heureux les pauvres », disent nos Béatitudes, et les se
39 oins et de produits matériels, croissance dont on a remarqué que le rythme est celui des cellules cancéreuses. En revanch
40 ar toute la tradition hébraïque et chrétienne qui a formé vingt siècles d’Europe nous dit qu’il faut aimer son prochain c
41 , et ce qui lie, engage, enracine d’autre part. J’ ai dit que la liberté de la personne implique sa responsabilité, et que
42 condition de toute union possible de l’Europe. J’ ai dit souvent mon scepticisme à l’égard de l’Europe des États, que j’ai
43 cepticisme à l’égard de l’Europe des États, que j’ ai nommée une « amicale des misanthropes » — quelque chose qu’on peut di
44 es éprouver et au besoin de les transvaluer, nous avons vu se dégager une morale de la vocation, et nous voyons maintenant se
45 é retrouvée. Voilà le but. L’atteindrons-nous ? J’ ai toujours estimé que nous ne sommes pas au monde — ni vous ni moi — po
2 1974, Articles divers (1974-1977). Alexandre Marc et l’invention du personnalisme (1974)
46 xandre Marc et l’invention du personnalisme (1974) a Comment nous sommes-nous rencontrés ? Rien de plus difficile à éta
47 rencontrés ? Rien de plus difficile à établir. J’ ai tenté récemment de confronter mes souvenirs avec ceux d’Alexandre Mar
48 ici ma version (qui est la bonne) telle que je l’ ai publiée dans le Journal d’une époque, p. 93 et 94 : Chez Charles Du
49 . 93 et 94 : Chez Charles Du Bos à Versailles, j’ avais rencontré un personnage d’aspect massif, courtois et souriant, dont l
50 s, militant socialiste-révolutionnaire à Kiev, il avait échappé de justesse au poteau, pendant les journées d’Octobre. (Pris
51 ficier de police inspecte la colonne : « Quel âge as -tu, toi ? » — « 15 ans. » L’officier le considère avec curiosité et t
52 considère avec curiosité et tout d’un coup : « Tu as de la chance, c’est l’âge de mon fils ! Tiens, voilà tout ce que tu m
53 oup de pied] et fiche-moi le camp ! ») Sa famille avait fui en Allemagne. À Fribourg-en-Brisgau, il avait suivi les cours de
54 avait fui en Allemagne. À Fribourg-en-Brisgau, il avait suivi les cours de Husserl. Né juif, il devenait catholique, et signa
55 où il m’introduisit bientôt. C’est par lui que j’ ai connu — ou reconnu — le nom même du personnalisme et les rudiments d’
56 ertaine dans tout cela : c’est Alexandre Marc qui a provoqué presque toutes les rencontres, combinaisons et permutations
57 st connu du grand public — ce qui est normal, ils ont de 21 à 32 ans — mais encore ils ne se connaissent pas entre eux, mêm
58 quels que soient les conflits qui l’animent, elle a reconnu les éléments fondamentaux d’une « cause commune » dans sa dou
59 teur d’idées et d’animateur d’actions communes qu’ a joué dans ces années cruciales Alexandre Marc. ⁂ Que nous nous soyons
60 e expression de l’engagement, terme dont d’autres ont abusé depuis. Qu’on me pardonne, ici, quelques mots sur moi-même, qui
61 morale. Pour l’apparence et le comportement, je l’ ai un peu décrit plus haut. J’ajouterai à ces quelques traits : qu’il po
62 histoires de cette période). ⁂ L’idée œcuménique avait été lancée par quelques prélats anglicans et théologiens d’Amérique.
63 ses et une section de recherches politiques. Je n’ ai souvenir que de la première. Nous étions une trentaine dans une salle
64 n que nous nous sommes connus grâce à Marc, qui m’ avait d’abord introduit à la revue Plans, puis invité au colloque de Francf
65 ier, Izard, Galey, Touchard et toute l’équipe qui a préparé la revue, que nous voulons ouverte à tous les groupes personn
66 s que Marc, Dandieu, Aron, Dupuis, Prévost ou moi avons pu lui donner, elle reste marquée avant tout par le catholicisme prog
67 es premiers directeurs. La rencontre avec Dandieu a mal tourné, comme on peut le voir aux pages 100 à 102 de l’ouvrage in
68 ches principales du mouvement personnaliste. Marc aura son bureau à Esprit de 1932 à 1934. Je m’occuperai ensuite, dès 193
69 Émouvante entrevue avec Maritain… Le numéro 2 lui a beaucoup déplu, non seulement par l’allure sommaire des articles vena
70 ’à quatre ou cinq reprises l’intervention de Marc a seule prévenu une rupture, décidée de part ou d’autre, sur une questi
71 réaction de surcompensation à la première, que j’ ai citée plus haut (conversation avec Maritain). Débordé sur sa gauche p
72 Maritain mais devant l’Église qui s’inquiète (il a pu craindre, en 1936 précisément, une condamnation d’Esprit en Cour d
73 à savoir commune, Europe, et la NRF …5 Voilà qui eût amusé Paulhan. (Mais après tout, si la NRF est « communiste », pour
74 i l’ON ne serait-il pas « fasciste » ?) Quelle qu’ ait été l’importance de ses apports à Plans et à Esprit , c’est dans L’
75 nt notre aîné : il était le seul d’entre nous qui ait lu tout Marx et tout Proudhon. Auteur d’une étude profondément origin
76 inkowski des recherches psycholinguistiques qu’on eût appelées plus tard structuralistes. Et il venait de signer avec Rober
77 ensité intellectuelle et spirituelle. Robert Aron avait traversé le premier surréalisme, la Revue du cinéma et le théâtre Alf
78 réquente avec Dandieu. René Dupuis et Jean jardin ont été condisciples de Marc à Sciences Po : le premier y retournera comm
79 , et publiant mes premiers livres. Alexandre Marc a travaillé chez Hachette, mais que fait-il et de quoi vit-il en 1933 ?
80 ridiques et politiques de la pensée personnaliste ont été proposés, formulés et souvent développés en premier lieu par un h
81 ns de ces thèmes — illustrés de citations — qui n’ ont fait, depuis ce temps-là, que gagner (si possible) en actualité. Co
82 t non native. Elle est le fait de « personnes qui ont su trouver en elles-mêmes la force de se libérer des particularismes
83 et du service public que devrait demeurer l’état, a tout faussé. La confusion de la patrie et de la nation conduit donc
84 matiquement au culte inhumain de l’état. Ce point a été suffisamment mis en lumière dans tous nos écrits antérieurs pour
85 llement la situation). Par contre, la situation n’ a de sens humain qu’en fonction de l’attitude de l’homme. (ON 38) Le
86 enir, de Lewis Mumford et de… moi-même. Marc nous a tous précédés d’une trentaine d’années sur ce point.) Régions. C’e
87 situation du monde, du rôle historique central qu’ a joué notre synthèse culturelle, de la vocation mondialisante qui fut
88 cité plus haut9, qui concluait qu’une situation n’ a de sens humain qu’en fonction de l’attitude de l’homme. Je conclus po
89 isme, d’Henri de Man. » 7. Entre-temps Léon Blum a publié À l’Échelle humaine. 8. Je voudrais dédier cette citation aux
90 tois. 9. Structure antinomique de la personne. a . Rougemont Denis de, « Alexandre Marc et l’invention du personnalism
3 1974, Articles divers (1974-1977). Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)
91 e rien ne permet de prévoir. Cet après-midi-là, j’ ai flâné dans Neuchâtel, librairie Delachaux, « tour de ville », et tout
92 rvue. Si je vais me présenter dès demain matin, j’ ai les plus grandes chances. J’y suis allé le lendemain à neuf heures, e
93 Et de là datent quelques-unes des rencontres qui ont le mieux fécondé mon aventure personnelle, vécue bien plus encore que
94 tions, et je venais de raconter comment parfois j’ ai su qui m’attendait à la lisière de cette forêt tel soir d’été, quel s
95 cke refusait de croire à mes histoires. Soudain j’ ai dit : « Voilà que ça me prend, tout justement ! Attendez, que je vous
96 objets vus dans une lumière sobre et mate.) Telle a donc été ma « vision » : formats et couleurs très nettement perçus, m
97 en trouvant les trois lettres sur mon assiette, j’ ai dit : « C’est bien cela », sans plus d’étonnement que les autres fois
98 étend que je savais qui allait m’écrire, et que j’ avais d’assez bonnes chances de deviner juste. Mais je n’ai rien deviné du
99 ’assez bonnes chances de deviner juste. Mais je n’ ai rien deviné du tout, puisque j’ai vu ! C’est là tout l’intérêt de l’a
100 uste. Mais je n’ai rien deviné du tout, puisque j’ ai vu ! C’est là tout l’intérêt de l’affaire : cette perception soudaine
101 ard, personnage imprévisible s’il en fut, et je n’ avais aucune raison d’attendre qu’il m’écrive. Quant à l’enveloppe jaune, e
102 ière la porte sans jour de la boite métallique. J’ ai passé ma robe de chambre et suis descendu les trois étages jusqu’au v
103 te voyance (voyance de détails sans intérêt) ne m’ a jamais servi à rien, sinon à vérifier précisément, chaque fois qu’ell
104 blanc. Pendant trois jours et nuits de travail, j’ ai écrit cinquante pages, un quart du livre. Je n’ai pas adressé un mot
105 ai écrit cinquante pages, un quart du livre. Je n’ ai pas adressé un mot à âme qui vive (mangé dans des cafétérias où il su
106 , et ce soir je décide de « sortir » : des amis m’ ont invité « après le dîner ». Je sors. Je vais marcher, me dis-je, mais
107 er ». Je sors. Je vais marcher, me dis-je, mais j’ ai faim. J’entre au hasard dans un petit restaurant, au bas de Madison A
108 me attablés causent et boivent. L’un des hommes m’ ayant remarqué s’écrie : « Tiens, voilà le diable ! » Les autres se retourn
109 e ! » Les autres se retournent à demi et rient. J’ ai fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je suis monté sans dîne
110 au point où le moteur de la croissance commence à avoir des ratés ». Sur ce dernier mot, très exactement, les lumières s’étei
111 t incident ne me rappelle pas seulement celui qui a marqué ma naissance, mais une soirée où nous fûmes « visités » dans n
112 aborateur au Centre européen de la culture, que j’ ai appelé, après sa mort prématurée en 1957, « le seul grand poète luthé
113 rappeler ici cette soirée mémorable. L’un de nous avait écrit : « Qu’arriverait-il si le diable entrait dans cette pièce ? »
4 1974, Articles divers (1974-1977). Un modèle pour l’Europe ? (1974)
114 n modèle pour l’Europe ? (1974)b Les Gaulois n’ avaient peur de rien sauf du tonnerre. Les Helvètes d’aujourd’hui ne sont pas
115 salutaire, ajouterai-je aussitôt, puisqu’elle les a si bien gardés jusqu’à ce jour, des utopies de type jacobin, bolchévi
116 grandes idées pour l’avenir du continent, elle n’ aurait aucune chance d’être écoutée, ou bien se couvrirait de ridicule. » Je
117 . » Je persiste à penser, au contraire, qu’il n’y a pas la moindre proportion de la justesse d’une idée à la taille de ce
118 ls la comprennent mal, toujours plus mal, après l’ avoir si bien pratiquée pendant des siècles. Cette idée est leur histoire m
119 d’être leur « message » (au moins virtuel), elle a été le principe de leur union, la formule de leur identité, la condit
120 les manuels de mon enfance, que la Confédération a été fondée par « les trois cantons primitifs », tandis que dix-neuf a
121 ’est jamais « entré » dans le pacte et celui-ci n’ a pas été conclu entre des « cantons », inexistants au xiiie siècle, m
122 , de démocraties directes et d’oligarchies, qui n’ avaient guère en commun que l’essentiel : la volonté de rester libres à leur
123 ains » en 1848. La formule créatrice de la Suisse a été : des communes à la fédération, et non pas : des États souverains
124 plus simples : les communautés de tous ordres qui ont peu à peu formé la fédération suisse ont été motivées par la double n
125 dres qui ont peu à peu formé la fédération suisse ont été motivées par la double nécessité de protéger leur autonomie et de
126 intenant deux séries de conséquences politiques. A ) Nous avons à réformer de toute urgence, en Suisse, nos conceptions p
127 deux séries de conséquences politiques. A) Nous avons à réformer de toute urgence, en Suisse, nos conceptions prétendument
128 âches à entreprendre. Sur ces deux points, nous n’ aurions à offrir à nos compatriotes européens d’autres leçons que celles de n
129 este du monde finira bien par l’imiter.) B) Nous avons à offrir et proposer à l’ensemble des peuples de l’Europe, non pas co
130 puisse imaginer aujourd’hui, mais aussi celle qui a le plus de chances de se réaliser au cours de la prochaine décennie :
131 de crise qui s’écoule tandis que j’écris. Or, on aura reconnu dans mon esquisse d’exécutif européen tous les traits caracté
5 1974, Articles divers (1974-1977). Philosophie du prix littéraire Prince-Pierre-de-Monaco (1974)
132 concevoir. Ce n’était guère possible à Paris, qui a toujours peine à croire qu’au-delà de ses Portes il existe autre chos
133 ue vingt-huit États-nations qui divisent l’Europe ont en moyenne, quant à leur tracé actuel, un peu moins de cent ans d’âge
134 . Mais si la politique, l’économie, les langues n’ ont de toute évidence aucune frontière commune — ce serait miracle, et ce
135 , quoiqu’elles changent tous les cent ans, il n’y a plus de raisons de s’arrêter. Le Conseil littéraire de Monaco n’a-t-i
136 s de s’arrêter. Le Conseil littéraire de Monaco n’ a-t -il pas démontré qu’il se riait de la tyrannie des genres, en couronna
6 1974, Articles divers (1974-1977). À propos de Théodore Strawinsky [préface] (1974)
137 n’exagère pas : lors d’une Biennale de Venise, on a donné le grand prix de peinture à l’auteur d’objets en métal et en ve
138 . Tout cela peut inquiéter ou amuser. Tout cela m’ a souvent passionné. On peut tout faire, on doit tout faire pour peu qu
139 otions vont pouvoir dialoguer naturellement, sans avoir dû suivre d’abord ces cours du soir du snobisme intellectuel que sont
140 conviction, quel savoir-faire et quelle flamme tu as su défendre les intérêts spirituels de ton père, que tu as manifestem
141 endre les intérêts spirituels de ton père, que tu as manifestement faits tiens. » « Les intérêts spirituels » du père… Il
142 e j’écris ces lignes à Venise. Et c’est ici que j’ ai vécu l’un des plus hauts moments de la culture européenne. Après la c
143 ilique, du Cantique en l’honneur de saint Marc, j’ ai vu l’auteur, le plus grand de ce temps, s’incliner et puis comme plon
144 On ne le répétera jamais assez : ce dont l’Église a besoin, ce qui a été consacré en l’an 787 par le IIe concile œcuméniq
145 jamais assez : ce dont l’Église a besoin, ce qui a été consacré en l’an 787 par le IIe concile œcuménique de Nicée, c’es
146 is préfixes. Je dirai que le travail du peintre n’ a jamais consisté à disposer avec plus ou moins d’agrément une figurati
147 langage même par juste crainte des clichés comme eurent à le faire les non-figuratifs, des cubistes aux abstraits lyriques ;
7 1974, Articles divers (1974-1977). Recherche pour un modèle de société européenne (février 1974)
148 ine ; et il y est contraint du seul fait qu’il en a , pour la première fois, la liberté. Jusqu’à nos jours, depuis le sin
149 depuis le jardin mythique des origines, l’homme n’ avait fait que répondre tant bien que mal aux divers défis de la nature don
150 s’agissait de survivre, donc de continuer ce qui avait réussi aux plus forts, aux plus féconds, aux plus habiles de ses ancê
151 n’est pas tout. Une troisième sorte de prévision a cours dans notre société : celle des experts au service des grandes s
152 e de croissance illimitée dans un monde dont nous avions oublié qu’il est irrévocablement limité. C’est la découverte, puis l
153 ion démographique, dans les années 1960, qui nous a tout d’abord alertés. La publication par les Nations unies de statist
154 u globe n’était plus que de trente-cinq ans, nous a permis à tous de calculer qu’à ce taux-là, nous serions six milliards
155 et je m’arrête là dans mes calculs, mais d’autres ont été plus loin. Je lis dans le beau livre de Paul Ehrlich, Population,
156 de la civilisation contemporaine où la croissance a fait ses percées au xxe siècle et menace de devenir exponentielle. L
157 au point où le moteur de la croissance commence à avoir des ratés*13 très inquiétants… Tout cela, je le répète, est assez exa
158 Son système de prévision est le plus simple qu’on ait jamais imaginé : il repose entièrement sur la technologie et son évol
159 un bref tableau (n° IV) de ce que leur méthode n’ eût pas permis de prévoir, si elle eût été appliquée vers 1900. Parmi les
160 leur méthode n’eût pas permis de prévoir, si elle eût été appliquée vers 1900. Parmi les événements qu’ils qualifient de « 
161 e diverses dictatures. Voilà ce que la méthode n’ eût pas permis de prévoir selon les propres dires de Kahn. J’en déduis qu
162 siècle, de l’aveu de son propre auteur, elle les aurait ratés. Ils étaient en effet, comme il le dit, « surprenants et presqu
163 d’indiquer des remèdes politiques aux maux qu’ils ont calculés, et de se référer à des finalités humaines ou divines qui po
164 tout à la technologie. Ni les uns ni les autres n’ auraient donc pu prévoir les deux phénomènes les plus littéralement bouleversa
165 rire cette épopée, ou cette histoire de fous, qui aurait pour titre : L’Autodestruction d’une civilisation. Je ne puis ici qu’
166 l fonde une fabrique. Il vend très peu : « Il n’y avait pas de demande pour les automobiles », écrit-il simplement dans ses m
167 du public, bien au contraire, comme Henry Ford l’ a noté. Aujourd’hui, moins d’un siècle plus tard, c’est une nécessité p
168 ait libérer l’homme, elle l’asservit. Ivan Illich a calculé que l’Américain moyen qui roule ses 10 000 km par an, doit co
169 ournées de travail, qu’au total ses 10 000 km lui auront pris environ 1700 heures de son temps, et cela fait du 6 à l’heure —
170 e blessés. Mais il y a plus grave. B. de Jouvenel a montré qu’elle stérilise les bases de la démocratie en transformant l
171 le bouclée. Résumons-nous : vers 1890, personne n’ a besoin de l’auto. Mais Henry Ford réussit à l’imposer au monde, en qu
172 elle est déterminée par l’existence d’Israël, qui a été rendue possible et nécessaire par les camps de la mort et de la f
173 t et de la folie de cet Hitler, que Herman Kahn n’ a pas prévu. Une histoire de fous, je vous l’ai dit. Et seul peut-être
174 hn n’a pas prévu. Une histoire de fous, je vous l’ ai dit. Et seul peut-être un fou eût pu prévoir son déroulement — ou alo
175 fous, je vous l’ai dit. Et seul peut-être un fou eût pu prévoir son déroulement — ou alors un homme très sensible, qui au
176 le, qui au premier contact avec la première auto, eût refusé d’instinct ce bruit, ces vapeurs, ces odeurs, et l’idée même d
177 ir où… Mais voilà bien ce que nos futurologues n’ eussent pas deviné davantage que l’aventure nationale-socialiste ou fasciste,
178 tendues », aberrantes, erronées, — mais qui hélas ont fait notre histoire ! Herman Kahn vient d’avouer qu’à ses yeux, Hitle
179 uement imprévisible. Pourtant d’autres méthodes l’ ont bel et bien prévu. Dès 1885, J. Burckhardt annonce le temps des « ter
180 nte ans aux dépens des communautés réelles qu’ils ont enfermées dans leurs frontières, mises au pas, uniformisées et vidées
181 de même, alors que nos démocraties bourgeoises n’ ont même pas vu le problème, et ne soupçonnent même pas son importance fo
182 e la terre, au xxe siècle. Ce sont eux seuls qui ont prétendu gérer la terre. Qui s’en sont octroyé le droit souverain. Eu
183 sont octroyé le droit souverain. Eux seuls qui en avaient les moyens. Et vous voyez ce qu’ils en ont fait. Ils ont géré et détr
184 en avaient les moyens. Et vous voyez ce qu’ils en ont fait. Ils ont géré et détruit ses ressources en vue de leur seule pui
185 moyens. Et vous voyez ce qu’ils en ont fait. Ils ont géré et détruit ses ressources en vue de leur seule puissance et de l
186 ge ; en vue de la guerre, dont tous sont nés. Ils ont créé l’économie industrielle sur la base et dans le cadre, d’ailleurs
187 e de ses frontières, l’État-nation tel que nous l’ avons fait, nous les Européens — mauvais Européens ! — et répandu sur toute
188 un problème très sérieux, voire formidable. Nous avons été formés par quatre ou cinq générations d’instruction publique à co
189 utissement suprême de toute l’histoire. Qu’il n’y a rien à imaginer au-delà. Et nous en avons persuadé la terre entière ;
190 . Qu’il n’y a rien à imaginer au-delà. Et nous en avons persuadé la terre entière ; environ 150 États-nations, dont les deux
191 n le veut, et de poser ou de casser les lois. Qui a encore ce droit ? La guerre de Suez en 1956 a permis d’en mesurer le
192 Qui a encore ce droit ? La guerre de Suez en 1956 a permis d’en mesurer le peu de réalité, lorsque la France et la Grande
193 réalité, lorsque la France et la Grande-Bretagne ont dû stopper leurs opérations sur un froncement de sourcil du président
194 et qu’aucune frontière politique ou économique n’ a jamais arrêté ni tempête, ni virus, ni pollution de l’air ou des eaux
195 e, et aux valeurs souvent contradictoires qu’elle a héritées de la Grèce, de Rome, de Jérusalem, des Celtes, des Germains
196 s totalitaires du xxe siècle. L’Europe créatrice a toujours cultivé la complexité, qui rend justice aux caractères spéci
197 est vraiment responsable. Jean-Jacques Rousseau l’ avait déjà bien vu et très bien dit dans le Contrat social, au chapitre où
198 que plus une cité s’agrandit, moins ses citoyens ont de prise sur ses réalités, moins nombreux donc y sont les responsable
199 ordre, à tel point que dans un grand pays, il n’y a plus que quelques ministres tout puissants, et dans un très grand pay
8 1974, Articles divers (1974-1977). L’Europe des régions (juin-juillet 1974)
200 emagne, Suisse et France, etc. Toutes ces régions ont des problèmes communs, les mêmes des deux côtés de la frontière, qui
201 lus d’un seul côté. Le Marché commun en 1960-1961 a commencé à étudier la question régionale ; il a dressé une carte prov
202 1 a commencé à étudier la question régionale ; il a dressé une carte provisoire des Six ; et cela donnait par exemple pou
203 is la Bretagne, liée au monde atlantique, comme l’ avait bien vu le général de Gaulle lorsque, dans son discours de Lyon, il p
204 hniques. Elles le sont dans certains cas, où vous avez par exemple les Basques et les Catalans qui sont, eux, à la fois dans
205 ais au contraire reliés par les Pyrénées. On nous a raconté que le Rhin était une frontière naturelle entre les Français
206 ’Europe que je suis parvenu à l’idée de région. J’ ai pensé, avec beaucoup de gens, au lendemain de la guerre, qu’il était
207 ’il s’agisse d’anciennes provinces dont le relief avait été effacé par le bulldozer du jacobinisme, soit qu’il s’agisse de ré
208 ues est peut-être le moins sérieux ? Attention, j’ ai dit cela dans un sens politique uniquement. Parce que l’on ne peut pa
209 r imposer une même frontière à des réalités qui n’ ont rien à voir ensemble, comme la langue, l’économie, ce qu’il y a dans
210 ents récents de la technique, toutes choses qui n’ ont aucune probabilité de coïncider dans l’espace. Ça c’est la formule de
211 nomènes complètement hétérogènes, hétéroclites. J’ ai très peur que des gens qui voudraient ressusciter les anciennes provi
212 ts sur la seule base des langues. D’autre part, j’ ai dit tout à l’heure que la définition d’une région aujourd’hui est bea
213 tions sont indéfendables aujourd’hui. Bidault les a appelées « des cicatrices de l’histoire », ce qui était assez joli. L
214 le carré, c’est une impossibilité, c’est ce que j’ ai appelé souvent « une amicale des misanthropes » : c’est une chose que
215 décadence totale d’un peuple ; c’est ce que l’on a vu dans tous les pays colonisés. Donc les raisons de faire l’Europe s
216 pas renverser notre système actuel, parce qu’il n’ a pas de principe de cohérence interne. Il ne s’agit pas de le renverse
217 uriez par où le prendre. La révolution violente n’ a jamais abouti à autre chose qu’à renforcer les pouvoirs de l’État. Ma
218 le mythe de la souveraineté nationale, mythe qui a explosé lors de la guerre de Suez par exemple. Vous savez que la défi
219 paix comme on le veut, et quand on le veut. Vous avez vu lors de la guerre de Suez la France et la Grande-Bretagne, nations
220 et par un grognement de l’ours russe. Eh bien, il a été démontré ce jour-là que la souveraineté nationale absolue était u
221 dans votre esprit, mais dans celui des gens qui l’ ont mise en circulation, l’erreur fondamentale de ce que l’on appelle « l
222 ée la tradition centralisatrice sur laquelle je n’ ai pas besoin d’insister. Les régions au sens réel, devraient être « rec
223 ieur. Les vingt-deux régions françaises actuelles ont toutes été faites à Paris, elles ont été préfabriquées dans les burea
224 es actuelles ont toutes été faites à Paris, elles ont été préfabriquées dans les bureaux indépendamment de toute consultati
225 je crois que c’est incontestable. À mon sens, il aurait fallu faire exactement le contraire et on sera bien obligé de le fair
226 ra bien obligé de le faire un jour ou l’autre. Il aurait fallu une étude des besoins d’une population, de la conscience actuel
227 n, de la conscience actuelle ou virtuelle qu’elle a d’une région. Des possibilités de solutions qui pourraient être donné
228 égions, ou 9 comme le proposait le Marché commun. Avons -nous intérêt en France à faire des régions assez vastes de « taille e
229 Land ? » Par exemple avec le Land de Bavière, qui a 12 millions d’habitants et 71 000 km2, la Rhénanie-Westphalie qui a 1
230 bitants et 71 000 km2, la Rhénanie-Westphalie qui a 19 millions d’habitants, ou avec le Land de Hamburg qui n’a guère plu
231 ons d’habitants, ou avec le Land de Hamburg qui n’ a guère plus d’un et demi-million d’habitants et 740 km2 ? Mais en Fran
232 s régions. Pourquoi veut-on faire des régions ? J’ ai dit l’avantage des petites communautés, mais personne n’a jamais voul
233 avantage des petites communautés, mais personne n’ a jamais voulu faire une région pour faire une chose petite. C’est là u
234 e. Or, de la région, les gouvernements français n’ ont su dire qu’une chose — ce qu’elle ne devait pas être : ni une atteint
235 rovinces, leurs communes. Bien plus, les jacobins ont commencé par écraser toutes les communautés traditionnelles, systémat
236 t empêche la participation mais il s’y oppose. Il a supprimé tous les pouvoirs des communes. Les communes devraient-elles
237 marxisme d’avant-hier. La vérité, c’est qu’il n’y a plus de pouvoir aujourd’hui. Voilà le drame. Nous avons à créer à rec
238 plus de pouvoir aujourd’hui. Voilà le drame. Nous avons à créer à recréer des pouvoirs réels, d’abord à l’échelle locale. Ne
239 et, si l’État-nation n’était pas en crise, il n’y aurait pas de sociétés multinationales. C’est parce que l’État-nation, comme
240 a des sociétés multinationales. Les États-nations ont n’importe quelles dimensions, au hasard des traités et des guerres :
241 les armées se sont arrêtées par hasard là. Il n’y a aucune espèce de raison que ça coïncide avec un espace économique rai
242 i envahissent certains pays ou tout un continent. Ayant pour but le profit et le pouvoir, elles se dirigent naturellement ver
243 nversent ce qui revient au même. Disons qu’il n’y a pas seulement des sociétés américaines mais aussi beaucoup de société
244 beaucoup de gens. Mais il existe des sociétés qui ont un tout autre mode de développement, qui s’adaptent au pays dans lequ
245 le lait, l’alimentation et les produits annexes n’ a aucune espèce d’intérêt politique dans les pays où elle opère ; elle
246 liée à des histoires militaires comme ITT. Il n’y a pas seulement des histoires militaires… Aussi, je vous demande de bie
247 u’elles bafouent ouvertement aujourd’hui. Il y en aurait deux : le premier serait un pouvoir continental qui serait bien supér
248 tionales jouant sur les différentes régions. Vous avez des sociétés nationales, en France ou en Allemagne, ou en Italie, qui
249 ong du Rhin, en Savoie ou dans le Nord, etc. Vous avez des phénomènes de colonisation intérieure qui sont exactement compara
250 les. La seule différence c’est que les frontières ont été supprimées entre les « nations », au sens antique du mot, à l’int
251 r comme frontières étatiques. À part cela, il n’y a aucune espèce de différence. Le phénomène contre lequel il faut se dé
252 allusion au célèbre rapport du club de Rome qui m’ a fait très forte impression quand j’en ai eu connaissance, sous la for
253 ome qui m’a fait très forte impression quand j’en ai eu connaissance, sous la forme d’un texte de 20 pages dactylographiée
254 qui m’a fait très forte impression quand j’en ai eu connaissance, sous la forme d’un texte de 20 pages dactylographiées d
255 Rome signé par les Meadows. Tout d’un coup, ça m’ a révélé une chose à laquelle je n’avais jamais pensé : à savoir qu’il
256 ’un coup, ça m’a révélé une chose à laquelle je n’ avais jamais pensé : à savoir qu’il y a deux sens au mot « croissance », qu
257 ogique… Mais c’est par une erreur fondamentale qu’ ont commise en premier lieu les gestionnaires de notre civilisation. Je m
258 le ne bute pas sur un obstacle extérieur ; elle n’ a rien en elle-même qui la règle. Elle peut conduire à toutes les monst
259 êmement bref. L’impact du rapport du club de Rome a été absolument décisif. Quelles que soient les critiques qu’on puisse
260 on puisse faire sur le choix des paramètres, je n’ ai jamais vu un avertissement aussi brutal, aussi justement pensé et con
261 si brutal, aussi justement pensé et conçu, et qui ait eu un impact comparable sur une société humaine. J’ai eu de vives dis
262 rutal, aussi justement pensé et conçu, et qui ait eu un impact comparable sur une société humaine. J’ai eu de vives discus
263 u un impact comparable sur une société humaine. J’ ai eu de vives discussions à Bruxelles il y a quelques mois, avant la cr
264 n impact comparable sur une société humaine. J’ai eu de vives discussions à Bruxelles il y a quelques mois, avant la crise
265 ue, parce que la consommation d’électricité » (ça a été mesuré par les ordinateurs !) « double tous les sept ans ». Voilà
266 une croissance illimitée. À quoi je répondais : «  avez -vous jamais fait le calcul à quoi mène une croissance qui double tous
267 ité d’exploiter toutes les formes d’énergie qu’on avait laissé de côté avant, comme l’énergie éolienne, l’énergie géothermiqu
268 evant l’absence de possibilités d’intervenir et d’ avoir une efficacité. Est-ce que l’angoisse communautaire est un effet de l
269 aubourgs, des banlieues. Des agglomérations qui n’ ont plus de centre, qui n’ont plus de rues où les gens puissent se rencon
270 es agglomérations qui n’ont plus de centre, qui n’ ont plus de rues où les gens puissent se rencontrer, depuis que les place
271 es par le flot de la circulation des voitures. On a détruit les bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux phys
272 public. Cette place n’existant plus, les villes n’ ayant plus de structures, ayant drainé les campagnards sans les restructure
273 tant plus, les villes n’ayant plus de structures, ayant drainé les campagnards sans les restructurer dans un nouvel ensemble
274 restructurer dans un nouvel ensemble social, vous avez cet état de dissociation, de destruction du principe social. On arriv
275 tend leur apporter une réponse, ils marchent. Ils ont marché pour Hitler, sans autre raison que celle-là. Il leur disait :
276 ler en cadence, et ils se sentaient ensemble. Ils avaient une raison de vivre pendant ce temps. Cela vous ne pouvez le faire qu
277 ns un état de société très morbide, où les gens n’ ont plus de raison de vivre personnelle. Il ne s’agit pas de refaire le c
278 r des hommes autour d’une idée et d’une chose qui ait une valeur affective, une valeur concrète et quotidienne. C’est cela
279 qui est important, partir d’en bas… Mais les gens ont changé, ont quitté leur région, quitté leur ville… En Suisse, qui don
280 rtant, partir d’en bas… Mais les gens ont changé, ont quitté leur région, quitté leur ville… En Suisse, qui donne toujours
281 e stabilité, vue de l’extérieur, en Suisse il n’y a plus qu’un homme sur trois qui habite dans sa commune d’origine. Pres
282 us sont déplacés. Prenez la ville de Genève, vous avez une minorité de Genevois, je crois 27 %, et 44 % de Confédérés, c’est
283 s, et les autres sont des étrangers. Donc, il n’y a plus qu’une minorité de Genevois. Chose étrange, les mœurs politiques
284 énération votent à 20 à 25 % comme les Genevois l’ ont toujours fait depuis 1830. Ceci pour des raisons tout à fait mystérie
285 me si l’on change de lieu. L’important c’est d’en avoir . Parce que l’homme a besoin à la fois de racines et de mobilité. Si o
286 . L’important c’est d’en avoir. Parce que l’homme a besoin à la fois de racines et de mobilité. Si on le force à être enr
287 tension entre des aspirations contradictoires. Il a besoin de se sentir chez lui quelque part et il a besoin de circuler.
288 a besoin de se sentir chez lui quelque part et il a besoin de circuler. Besoin de communauté et besoin de solitude. Est-c
289 e quartiers, renforcés par des associations, si j’ ai bien compris votre pensée, est possible dans un monde sans racines pa
290 ntrent la grande sagesse des Grecs : à Milet, ils avaient décidé que, lorsque la population approcherait des 100 000 habitants,
291 en relation avec la mère-patrie). Mais la polis n’ a jamais dépassé 100 000 habitants — ce qui était considéré comme la li
292 Mais avec l’Empire d’Alexandre, toutes ces normes ont été délaissées, et on a bâti des villes énormes, comme Antioche où il
293 ndre, toutes ces normes ont été délaissées, et on a bâti des villes énormes, comme Antioche où il y avait 25 km de rues é
294 naturellement n’étaient plus des communes. Il n’y avait plus l’agora sur laquelle les gens pouvaient se réunir : il fallait d
295 an. Cela, c’est une loi que Jean-Jacques Rousseau avait très bien définie dans Le Contrat social : plus l’État est grand, moi
296 ashington. On ne peut pas la détruire, personne n’ aurait la fortune nécessaire, mais on peut y recréer des quartiers, des comm
297 ? Eh bien c’est la caserne, comme tout le monde l’ a dit, et il faut prendre cela au sens le plus précis du terme, c’est-à
298 es petits soldats, des sujets bien alignés, qui n’ ont plus aucune espèce de résistance, qui ne se sentent plus responsables
299 peut presque dire que c’est la loi économique qui a fait que ces villes se sont agrandies démesurément et que notre écono
300 sont agrandies démesurément et que notre économie a secrété certaines organisations très complexes. Vous dites que l’écon
301 es villes. Je mets cela en question. L’économie n’ a rien à exiger, l’économie est là au service des hommes. Si on vous di
302 it se décentraliser. Si l’on continue, comme on l’ a fait jusqu’à présent, il se pourrait bien que l’on arrive à des désas
303 es entreprises. Il y a beaucoup d’expériences qui ont été faites, allant plus ou moins de la cogestion à l’autogestion, à l
304 l’heure où l’Europe est en crise comme elle ne l’ a jamais été — crise de croissance ou crise mortelle, nul ne le sait en
305 ont, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, a contribué “à mettre l’Europe sur ses rails” en organisant notamment l
306 et de l’Occident. L’Europe, il doit à Hitler d’en avoir saisi le génie lorsque, contraint de quitter la Suisse en 1940, parce
307 trop francophile et par là même compromettant, il a dû se réfugier aux États-Unis. C’est outre-Atlantique qu’il a découve
308 gier aux États-Unis. C’est outre-Atlantique qu’il a découvert a contrario l’originalité de notre continent. Denis de Roug
309 ts-Unis. C’est outre-Atlantique qu’il a découvert a contrario l’originalité de notre continent. Denis de Rougemont est av
9 1974, Articles divers (1974-1977). Surréalisme : un jeu qui dure depuis 50 ans (7-8 septembre 1974)
310 le Secrétariat des Suisses à l’étranger. Comment avez -vous rencontré André Breton ? Je l’ai vu pour la première fois à New
311 . Comment avez-vous rencontré André Breton ? Je l’ ai vu pour la première fois à New York en 1941, à l’Office of War Inform
312 ce fut une sorte de coup de foudre d’amitié. Nous avons décidé de nous rencontrer souvent, avec d’autres artistes et écrivain
313 C’était donc une sorte de groupe ? Le surréalisme a toujours été, à Paris, une affaire de groupe, dont Breton était le « 
314 e jeunes femmes ravissantes Pour ma part, je n’ ai jamais fait partie de ce groupe, ni partagé son idéologie, ce qui m’a
315 de ce groupe, ni partagé son idéologie, ce qui m’ a évité d’être excommunié tôt ou tard. C’était entre nous, à New York,
316 es étaient admises, jamais la drogue. Breton ne l’ eût pas toléré. Il régnait parmi nous une certaine tenue et une grande li
317 à haute voix les résultats. C’était prodigieux. J’ ai gardé un certain nombre de ces petits papiers, où je retrouve souvent
318 Ferney. Un soir, la personne qui jouait avec moi avait écrit : « Qu’arriverait-il si le diable entrait dans cette pièce ? »
319 es se sont éteintes dans la salle (et, comme on l’ a su plus tard, dans tout le canton de Genève). Naturellement, les audi
320 e canton de Genève). Naturellement, les auditeurs ont cru à une mise en scène, d’autant plus que j’ai continué à parler, su
321 ont cru à une mise en scène, d’autant plus que j’ ai continué à parler, suivant mes notes à la lueur d’une torche électriq
322 lumées. Était-ce « la part du diable » ? Breton m’ a souvent parlé de ce livre, que j’ai écrit à New York. Il se demandait
323 e » ? Breton m’a souvent parlé de ce livre, que j’ ai écrit à New York. Il se demandait comment un homme qui croit en Dieu
324 andait comment un homme qui croit en Dieu pouvait avoir des relations avec la magie. Car c’est un fait qu’au cours de nos jeu
325 gré lui. Les insultes de Breton Un soir, on avait décidé que l’on me banderait les yeux et que l’on me mettrait dans la
326 nt à chacune des femmes présentes. Chaque fois, j’ ai deviné à qui était l’objet. Breton était comme « transfixé » par ce g
327 plaçait quelque chose dans le creux de la main, j’ avais quatre ou cinq secondes pour réfléchir, et je disais : « C’est à Leon
328 nora, c’est à Consuelo, c’est à Barbara, etc. » Y avait -il d’autres jeux ? Oui, par exemple celui qui consiste à qualifier ch
329 adjectifs, l’un louangeur, l’autre péjoratif. Il a donné lieu parfois à des scènes terribles, quand Breton n’était pas d
330 n’était pas d’accord. Un jour, par exemple, nous avions décidé de faire un banquet consacré au nombre 21 — nombre sacré, il y
331 cré, il y a toute une littérature là-dessus — qui avait joué un certain rôle dans ma vie. Nous avions lancé 21 invitations à
332 qui avait joué un certain rôle dans ma vie. Nous avions lancé 21 invitations à dîner dans un restaurant portugais, près des d
333 Un jeune philosophe grec fut désigné, que Breton avait baptisé « le nouveau Hegel ». Il fit le tour de l’assistance, distrib
334 rauss, il lui adressa un adjectif louangeur que j’ ai oublié, puis il le traita de « calomniateur de Freud » parce que Lévi
335 eut guère pardonner à Breton, cette faculté qu’il avait d’insulter les gens sans aucune espèce de « raison ». En fait, après
336 estait 21 personnes dans la salle… La « victime » avait été sacrifiée sur l’autel du nombre 21… Une religion nouvelle L
337 21… Une religion nouvelle Les surréalistes ont célébré les villes modernes. Breton aimait-il New York ? Pour eux, la
338 rti. L’incident trahit quelque chose chez lui. Il a passé toute sa vie à une religion [sic] qui n’aurait pas été le chris
339 l a passé toute sa vie à une religion [sic] qui n’ aurait pas été le christianisme et dont il aurait été un des grands prêtres.
340 qui n’aurait pas été le christianisme et dont il aurait été un des grands prêtres. Un jour, nous parlions des sectes cathares
341 urné vers nous : « Voilà, dit-il, une Église où j’ aurais pu être évêque ! » i. Rougemont Denis de, « [Entretien] Surréalis
342 otterand précédé de ce chapeau : « Le surréalisme a cinquante ans, si l’on admet que sa naissance coïncide avec la public
343 ésintéressé de la pensée”. À cette occasion, nous avons demandé à Denis de Rougemont de parler de son séjour à New York penda
344 rée qui s’est poursuivie une soirée entière, nous avons extrait les passages qui se rapportent à l’une des activités du group
345 re exquis”, poèmes ou dessins collectifs. Il y en a beaucoup d’autres. »
10 1975, Articles divers (1974-1977). Notre complexe de culpabilité (1975)
346 lui des riches et de l’Occident en général), il m’ a semblé que l’inquiétude suisse s’expliquait par trois groupes de rais
347 nfin : est-ce que tant de paix et de prospérité n’ ont pas été gagnées au prix de notre âme ? Au prix de nos vraies raisons
348 it que les Suisses ne cessent de répéter : « Y en a point comme nous ! » Je n’ai jamais entendu cette fameuse phrase que
349 t de répéter : « Y en a point comme nous ! » Je n’ ai jamais entendu cette fameuse phrase que dans la bouche de ceux qui la
350 s la bouche de ceux qui la raillaient, et je ne l’ ai jamais lue que sous la plume de Suisses qui affirmaient que les autre
351 nt que les autres suisses pensent ainsi et qu’ils ont tort. Au bout du compte, c’est une propension à l’anxiété, voire à l’
352 ire. Les motifs spécifiques du « malaise suisse » ont sans nul doute une tout autre origine que la traditionnelle rouspétan
353 malade sait ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir de son bien-être pendant que d’aut
354 sur l’attitude du croyant dans la vie politique, a cette réponse courageuse mais en même temps révélatrice de la manière
355 théologique : Le péché des Suisses pourrait bien avoir son expression particulière dans la neutralité suisse. Les Suisses, d
356 demi-mesure : il faut participer aux guerres. Il eût fallu se battre contre Hitler, ou voler au secours de Budapest, — de
357 ndra trop facilement prétexte pour nier que Barth ait raison de la refuser en tant que vertu générale. Essayons de prendre
358 u contenu) que sur les mérites moraux de ceux qui ont à le résoudre, ou qui l’auraient déjà tranché à leur manière. Que la
359 es moraux de ceux qui ont à le résoudre, ou qui l’ auraient déjà tranché à leur manière. Que la critique de l’utilitarisme, du ne
360 Satiriques, vengeurs ou navrés, les sermons que j’ ai cités ne changeront rien à l’évolution qu’ils dénoncent, tant qu’ils
361 fédéraliste, dont pas un seul de leurs censeurs n’ a jamais suggéré qu’ils l’échangent contre un régime totalement différe
362 t, venant de l’extérieur. Et de même que l’Europe a mieux à faire que d’offrir au tiers-monde le masochisme de certains é
363 se dire progressistes, j’ose penser que la Suisse a mieux à faire qu’à cultiver ses inquiétudes locales. Qu’elle prenne c
364 de remords, de repentir, de conversion, et cela n’ a rien à voir avec le masochisme. 18. Phrase extraite du commentaire d
11 1975, Articles divers (1974-1977). Au-delà de la société industrielle (1975)
365 rielle » et de ses valeurs, mon premier mouvement a été de recul devant un sujet qui me paraissait appeler la compétence
366 suis pas. Mais je dois vous faire un aveu : si j’ ai finalement accepté de vous parler de la société post-industrielle, c’
367 rler de la société post-industrielle, c’est que j’ ai vu là une occasion inespérée d’essayer de comprendre moi-même ce que
368 qui est exclu : une société dans laquelle il n’y aurait plus d’industrie, qui arrêterait les machines et cesserait toute rech
369 e hiérarchie des valeurs, par rapport à celle qui a caractérisé la société industrielle née en Europe au xixe siècle, et
370 enfin le profit calculé uniquement en monnaie, en avoir abstrait, jamais en termes de bien-être, de mieux-être, de plus être,
371 autre mesure que numérique, une croissance qui n’ avait donc rien de commun, sauf le nom, avec la croissance vivante au sens
372 bile ». La société post-industrielle, à mes yeux, aura pour première caractéristique d’inverser cette déclaration et de dire
373 dans une interview sur la crise, Giovanni Agnelli a répondu : « L’important, ce sont les hommes et non les firmes. » Il
374 e toute espèce de vide, est pure angoisse. Il n’y aura pas de société post-industrielle tant que la seule alternative au tra
375 entre la peine qu’on prend et le plaisir qu’on en a , entre les contraintes de la matière et la liberté de l’esprit qui la
376 é, ou à payer pour pouvoir gagner une vie qu’il n’ aura même plus le temps de vivre ! IV Le nœud du problème, le lieu d
377 les utiliser, et puis pour les multiplier. Elle n’ a jamais cessé de fomenter, de susciter en vue de son profit des besoin
378 ce qu’il appelle « une locomotive routière ». Il a vécu ce jour-là, dit-il, son « chemin de Damas » : « Dès l’instant où
379 ’au jour présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière », écrira-t-il dans son
380 longtemps unique. Certes, plusieurs inventeurs en ont fait autant avant lui, mais il n’existe encore dans le monde guère pl
381 allemand, écrit en 1880 : « Automobile : nom qui a quelquefois été donné à de curieux véhicules mus par un moteur à expl
382 xplosion… Cette invention, aujourd’hui oubliée, n’ a connu qu’échecs et désapprobations des autorités scientifiques. » Deu
383 ser pour téméraire, car à cette époque-là, il n’y avait pas de demande pour les automobiles… et même une répugnance du public
384 occidental, et surtout la conscience que l’homme a de ses besoins, en faisant passer au premier rang le plus artificiel
385 stries. Et cette automobile, pour laquelle il n’y avait pas de demande, et même une certaine répugnance au début de ce siècle
386 à la mode, mais ce n’est qu’une passade. Ce pays a développé une manière de vivre particulière à cause de l’automobile,
387 maintenant d’inverser la plupart des valeurs qui ont assuré le succès d’Henry Ford. Partant de l’idée que les solutions à
388 cial, mais financier. Qu’on m’entende bien : je n’ ai rien contre le profit en soi, que tout le monde approuve en pratique.
389 ra vers le mieux, non vers le plus. La croissance aura pour limites les conditions de l’équilibre vivant. Elle sera désacral
390 it de relever jusqu’à l’exponentiel. Le marketing a introduit de la sorte un élément de perversion des désirs : et voilà
391 car cette opération, si elle accroît le PNB, n’en a pas moins pour effet d’inverser totalement le sens de la fonction d’u
392 dix les dimensions de votre escalier, les marches auront alors deux mètres de haut ; pour les gravir, il vous faudra l’aide d’
393 e échelle, et c’est précisément ce que l’escalier avait pour seule fonction de vous éviter. Nous avons vu que la prolifératio
394 er avait pour seule fonction de vous éviter. Nous avons vu que la prolifération illimitée de l’automobile aboutit à l’emboute
395 paralyse en pratique les mieux armés, comme on l’ a bien vu au Vietnam. Enfin, les villes : les mégalopoles du xxe siècl
396 ami hollandais le physicien Hendrijk Lorentz ? J’ aurais dû vous parler de la technologie douce, qui, dans la nouvelle société
397 oser, inévitable : « Votre modèle post-industriel a-t -il des chances de se réaliser ? » J’ai coutume de répondre à cette qu
398 ndustriel a-t-il des chances de se réaliser ? » J’ ai coutume de répondre à cette question que nous ne sommes pas là pour p
12 1975, Articles divers (1974-1977). Suisse 1975 (1975)
399 avec des sentiments mêlés de soulagement (elle n’ a pas été occupée, son armée et sa résolution morale l’ont protégée) ma
400 été occupée, son armée et sa résolution morale l’ ont protégée) mais aussi de culpabilité, presque de honte, parce qu’elle
401 malade sait ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir de son bien-être pendant que d’aut
402 o — démarche que la plupart des États européens n’ ont pas osé faire jusqu’alors. Cependant, beaucoup de bons esprits chez n
403 ue les « petits pays » — voyez les statistiques — ont l’avantage sur les « grands », non seulement quant aux moyennes et au
404 es.) Ces données de base de la situation suisse n’ ont pas changé radicalement depuis les lendemains de la Seconde Guerre mo
405 supérieur. Enfin, la double anxiété simultanée d’ avoir trop ou trop peu de main-d’œuvre étrangère rappelle quotidiennement a
406 ient en faire. Dans la partie romande surtout, on a pris l’habitude de confondre le fédéralisme avec le réflexe de résist
407 ens et la fonction du vrai fédéralisme, celui qui a fait la Suisse à partir des communes médiévales, forestières, agricol
408 la fois morales et utilitaires. Certes, la Suisse a bien le droit de rappeler, sans se vanter, qu’elle a créé de toutes p
409 ien le droit de rappeler, sans se vanter, qu’elle a créé de toutes pièces la Croix-Rouge, et qu’elle est l’hôte généreuse
13 1975, Articles divers (1974-1977). Le Morgarten du xxe siècle (1975)
410 le et le moteur d’une fédéralisation de l’Europe, ai -je écrit, il y a plus de dix ans, dans La Suisse ou l’histoire d’un
411 le décrivais alors, à quelques précisions près. J’ ai été amené à préciser notamment ceci : je ne vois pas, dans la Confédé
412 gouvernement suisse, dont les Suisses eux-mêmes n’ ont souvent pas conscience, réside dans le fait que les sept conseillers
413 à son sujet. C’est l’École, une fois de plus, qui a répandu ces erreurs. On nous a fait apprendre qu’à l’origine, la Suis
414 fois de plus, qui a répandu ces erreurs. On nous a fait apprendre qu’à l’origine, la Suisse s’était formée par la fédéra
415 e par la fédération de trois cantons. Leurs chefs auraient fait un beau pacte en latin, l’écrivant de la main gauche, probableme
416 pouvoir rester chacune autonome. Seules, elles n’ auraient pas pu le rester, mais en se mettant les trois, elles avaient juste a
417 pu le rester, mais en se mettant les trois, elles avaient juste assez de force pour préserver, chacune pour elle-même, leur aut
418 urtout à partir de 1848 que le fédéralisme suisse a changé, sous l’influence des États voisins, qui étaient tous en train
419 mme l’Allemagne et l’Italie. À cette époque, nous avons partiellement subi le courant régnant en Europe, qui était celui de l
420 ation.) Cependant, dans ses structures, la Suisse a toujours été à contre-courant de ce qui se passait dans le reste de l
421 ens, et la Suisse se trouve être le seul pays qui ait traversé à peu près indemne la période des grands États-nations. Les
422 e Berne, c’est-à-dire contre la fédération. Ramuz avait coutume de me dire : « Entre nous, nous sommes contre Berne, nous som
423 dre de l’entreprise, comme en Yougoslavie où ça n’ a pas très bien marché — le mouvement créateur des communes primitives
424 xiiie et le xxe siècle, la nature des problèmes a changé. Cependant, malgré les apparences, on retrouve toujours le mêm
425 du Saint-Empire romain germanique. Les Habsbourg avaient les yeux fixés sur cette route, parce qu’ils pensaient en tirer de gr
426 Ils tentaient d’exploiter une situation qu’ils n’ avaient pas créée, et qui ne va pas exactement dans leur sens, car je ne vois
427 rotskystes pourraient être des fédéralistes : ils ont de tout autres vues. Mais qu’importe ! L’essentiel, qui est une chose
428 re sur place, fût-ce au prix d’une illégalité. On a beaucoup dit, dans la presse — de gauche comme de droite, une fois de
429 e la démocratie ». Je ne sais pas si les gens qui ont écrit des choses pareilles connaissent la légende de Guillaume Tell.
430 rupture de légalité ! Aujourd’hui, Guillaume Tell aurait été le premier manifestant de Kaiseraugst. Cela m’a d’ailleurs amené
431 été le premier manifestant de Kaiseraugst. Cela m’ a d’ailleurs amené à dire dans un message aux dix mille personnes qui s
432 légalité, c’est évident, et vous le savez. Vous n’ avez avec vous que la justice, et vous êtes au surplus en état de légitime
433 r consommation d’électricité. Mais on ne peut pas avoir , comme on dit chez moi, le beurre et l’argent du beurre. Il s’agit de
434 s plusieurs dizaines de milliers d’années. Il n’y a pas de raison de penser qu’ils vont changer tout d’un coup, dans les
435 oire — dans tous les sens du mot histoire. Il n’y aurait plus qu’une espèce de raison moyenne qui dominerait, dans l’ennui tot
436 e monde actuel, plus vous êtes petit et plus vous avez de chances de survivre au tohu-bohu général qui est en train de se dé
437 in la plus grande puissance militaire du monde, n’ ont pas pu venir à bout du Vietnam. Ils ne pouvaient pas venir à bout de
438 ine de lancer une bombe atomique. Ou alors, s’ils avaient commencé là-bas avec leurs bombes atomiques, il n’y aurait même plus
439 mmencé là-bas avec leurs bombes atomiques, il n’y aurait même plus eu de place pour les soldats américains. Nous avons ce même
440 c leurs bombes atomiques, il n’y aurait même plus eu de place pour les soldats américains. Nous avons ce même avantage d’u
441 lus eu de place pour les soldats américains. Nous avons ce même avantage d’une décentralisation extrêmement poussée, donc d’u
442 attitude et sa mentalité originelles, celles qui ont créé les institutions de la première confédération. Elle n’y sera pas
443 oses. Par la pédagogie des catastrophes qu’elle n’ aura pas pu éviter, car elles seront mondiales, mais contre lesquelles ell
14 1975, Articles divers (1974-1977). L’amour (1975)
444 à un moment donné de son développement, même sans avoir jamais rien lu ni même entendu dire à son sujet. Fonction de l’espèce
445 est bien certain que la conception platonicienne a dominé tout le développement de la civilisation européenne, malgré qu
446 uelles couches profondes de l’humanité d’Occident ont pénétré les conceptions platoniciennes. L’homme le plus simple use co
447 t résolument positive, édifiante, idéalisante, on aurait tort d’en inférer que les Grecs n’ont pas connu le couple sombre Éros
448 ante, on aurait tort d’en inférer que les Grecs n’ ont pas connu le couple sombre Éros-Thanatos, amour et mort. Trois mythe
449 écrit R. Flacelière, nous montrent que les Grecs ont médité sur les rapports mystérieux de l’amour et de la mort, bien ava
450 ). » Or un contemporain de Plutarque, saint Paul, avait écrit de son côté que le mariage est « un grand mystère (mystérion mé
451 ante que saint Paul, avant même que les évangiles aient été rédigés, ne cesse de dénoncer dans ses épîtres le sacré tant juif
452 eu est Amour »), créé par un acte d’amour (« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… »), et dont toute l
453 n acte d’amour (« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… »), et dont toute la loi se résume dans le com
454 n prochain comme toi-même », cette foi nouvelle n’ a pas de livres sacrés sur l’amour. C’est cette absence totale de cérém
455 uelle : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église. » D’autre part, il n’hésite pas à écrire : « Celui qui
456 ent et de l’Occident, l’amour personnel ne semble avoir joué aucun rôle pratique, juridique, ni même psychologique. Le mariag
457 ine Radegonde, alors retirée au monastère qu’elle avait fondé à Poitiers. Ce clerc fait à la femme une place capitale qui ann
458 pour nous le sentiment, le désir et la passion, n’ a pris ce sens qu’avec la poésie des troubadours. Cette poésie apparaît
459 nante rapidité. Elle ne ressemble à rien de ce qu’ avaient connu le monde antique et le monde christianisé, à part les rares exc
460 cours seigneuriales), on ne peut croire qu’elle n’ ait été que la trouvaille plus ou moins fortuite de quelques moines music
461 bar, au xixe siècle et jusqu’à nous. Mais, s’ils avaient raison, comment concevoir que cette poésie ait pu transformer nos man
462 vaient raison, comment concevoir que cette poésie ait pu transformer nos manières de sentir, et nos mœurs, et nos arts, pou
463 e innovation de la cortezia n’est pas seulement d’ avoir exactement inversé la doctrine de saint Paul — selon laquelle le mari
464 t mieux que l’amour sans mariage — mais surtout d’ avoir soumis l’Éros au discours poétique et romanesque, d’avoir découvert,
465 umis l’Éros au discours poétique et romanesque, d’ avoir découvert, en somme, que c’est le langage qui permet de transformer l
466 ée ou la fulguration lyrique. La poésie courtoise a sensibilisé la psyché occidentale. En lui donnant un langage nouveau,
467 identale. En lui donnant un langage nouveau, elle a permis à des sentiments nouveaux d’accéder à la conscience, d’être re
468 ntale ? Le dernier tabou, le plus fort Nous avons vu que le « problème sexuel » est né dans le monde christianisé du fa
469 mais que les évangiles ne mentionnent même pas, n’ a jamais cessé d’exercer son empire sur nos sociétés, de la Grèce primi
470 elle est sa cousine au quatrième degré et qu’elle a tenu avec lui un enfant sur les fonts baptismaux. La terreur de l’inc
471 istan, qui est le plus fort des chevaliers et qui a conquis Iseut par valeur et prouesse, serait en droit de la garder po
472 fin du « roman ». Tel est le secret que le mythe a pour fonction, comme toujours, d’exprimer tout en le voilant, de trah
473 otte dont Swann croit être amoureux parce qu’elle a dit un jour que « non, elle ne serait pas libre demain soir ». Elle e
474 tacles, point de passion. « Les peuples heureux n’ ont pas d’histoire », dit le proverbe. Un couple heureux ne fait pas un r
475 d d’orthodoxie. « Entre deux êtres isolés, il n’y a pas d’amour possible », dit le héros de L’Homme sans qualités de Robe
476 xilés dans la forêt de Morois, et qui, le philtre ayant cessé d’agir au bout de trois ans, découvrent l’existence du monde et
477 la tragédie » (Racine, préface de Bérénice). Nous avons vu qu’à chaque fois que la société crée de nouveaux obstacles à l’ana
478 se demande le jeune homme. (La psychanalyse nous a habitués à des déguisements plus savants !) Ces sentiments et ces pas
479 , mais il en fait son œuvre ! L’autre moyen qu’il a trouvé pour nous parler voluptueusement de la passion de ses personna
480 m’en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc Ont allumé le feu fatal à tout mon sang. Et la servante Œnone tient à Ph
481 crit : Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait [de tragédie] où la vertu soit plus mise en jour que dans
482 lésiastiques, condamnation de la « chair »), elle a perdu tout pouvoir contraignant. À la rapide dévalorisation des obsta
483 ces femmes ne sont plus objets d’adoration. Elles ont leur politique, leur stratégie subtile. « Les femmes de ce temps n’ai
484 Anna. Casanova, dans ses Mémoires, se vante de n’ avoir laissé derrière lui que des femmes émues et heureuses. Il est vrai qu
485 ues et heureuses. Il est vrai qu’aucune d’elles n’ a publié de souvenirs. Mais écoutons ce cri d’Adrienne Lecouvreur, quan
486 ique du mythe mais une impitoyable stratégie : on a reconnu la formule des Liaisons dangereuses de Laclos. Leur cruauté r
487 ntal, un de ces « fous » qui, selon Chesterton, «  a tout perdu excepté la raison ». Privé en fait d’amour physique, ce de
488 our lui, « le pire est l’ennemi du mal », comme l’ a si bien vu Jean Paulhan. Par une sorte de dépit amoureux, il veut tue
489 (Sacher-Masoch se choisira lui-même). Ses livres ont la monotonie de l’obsession. Quant à ses valeurs, on ne saurait trop
490 , non plus de la fascination mortelle. Ainsi l’on a passé, en plus de cinq siècles de progressive sensibilisation, des mœ
491 u cœur plus qu’elle ne traduit leurs pulsions. On a vu le rôle créateur de la conduite passionnelle des troubadours et de
492 on de la culture Éros et psyché Que Freud ait si profondément choqué la bourgeoisie occidentale, mais qu’il ait don
493 ent choqué la bourgeoisie occidentale, mais qu’il ait donné en même temps à un petit nombre de disciples fanatiques puis, a
494 élément considéré comme tabou : l’argent. Freud n’ a rien ajouté à notre idée de l’amour puisqu’en ramenant l’amour à l’Ér
495 à l’Éros génital il inverse la cortezia, mais il a fortement contribué à la démystifier, par une réduction impitoyable d
496 isir » donnée à l’acte sexuel, l’attrait sexuel n’ ayant « en somme pour profond motif que la nécessité de procréer pour conse
497 laïque autant que par l’Église, la sexualité n’en a pas moins envahi les salons de la peinture bourgeoise, les théâtres e
498 de Sacher-Masoch à Marcel Proust. Le freudisme n’ a nullement « déchaîné la sexualité » comme le répètent ceux qui l’atta
499 pètent ceux qui l’attaquent sans le connaître. Il a seulement autorisé une nouvelle manière de parler des choses du sexe.
500 rgeoisie seule est responsable, et auquel Freud n’ a voulu que donner ses vrais noms. Le Vocabulaire de la psychanalyse de
501 atisfaction des pulsions d’autoconservation. (On a reconnu l’action du « principe de plaisir », principe économique qui
502 dits expriment (ou qui en résultent par la suite) aient préexisté de longue date au christianisme (loin que celui-ci les ait
503 ngue date au christianisme (loin que celui-ci les ait fomentés, comme le répètent, dans leur spiritual illiteracy [T. S. El
504 iot], trop de savants contemporains), c’est ce qu’ a fort bien relevé Georges Bataille dans ses ouvrages sur Éros et l’éro
505 ros. « Le christianisme, s’opposant à l’érotisme, a condamné la plupart des religions », écrit-il avec une lucidité toute
506 e tiennent plus. Freud et tous les psychanalystes ont accrédité malgré eux l’idée, devenue populaire, qu’il est moins dange
507 lupart des interdits sociaux, légaux et religieux ont perdu leur valeur de tabous. Les romanciers savent bien que le roman
508 c’est-à-dire un malade mental. Un psychanalyste l’ eût guéri et le roman n’eût pas été. Anticipant sur une évolution qui dev
509 ental. Un psychanalyste l’eût guéri et le roman n’ eût pas été. Anticipant sur une évolution qui devrait logiquement conduir
510 e renverser très vite, au point de crise que nous avons atteint. L’ennui sécrété par les formes actuelles de la civilisation
15 1975, Articles divers (1974-1977). « Le sort des écrivains emprisonnés constitue un drame et un avertissement » (juin 1975)
511 un avertissement » (juin 1975)s t Maître, vous avez accordé votre soutien à la campagne d’Amnesty International en faveur
512 . Dans ces sociétés, le fait, pour un écrivain, d’ avoir une opinion personnelle peut donc être assimilé à une marque de folie
513 que de folie ? Je pense qu’on ne lui refuse pas d’ avoir une opinion mais on accepte mal qu’il l’affirme et qu’il continue à l
514 est un écrivain « dérangé » doit être guéri et il a justement les moyens de le guérir. Quels moyens ? Le psychiatre, le l
515 ychiatre, le lavage de cerveau, la clinique où il aura toutes sortes de traitements, ceux que, précisément, on réserve aux f
516 demander : Mais en fin de compte est-ce que je n’ ai pas tort puisque tous les autres pensent autrement ? Et ce doute répé
517 mplifié, peut très bien vous amener à la folie. J’ ai su comment s’étaient passés les grands procès de Moscou lorsque Stali
518 ’est débarrassé de tous les vieux communistes qui avaient participé à la fondation de l’URSS. On enfermait ces gens et on leur
519 ait ces gens et on leur disait : vous prétendez n’ avoir jamais rien dit contre Staline mais l’autre jour dans votre sommeil,
520 taline mais l’autre jour dans votre sommeil, vous avez rêvé de le tuer. On vous a interrogé sous hypnose et vous avez confir
521 votre sommeil, vous avez rêvé de le tuer. On vous a interrogé sous hypnose et vous avez confirmé que vous rêviez souvent
522 le tuer. On vous a interrogé sous hypnose et vous avez confirmé que vous rêviez souvent de le tuer. Donc si vous le reconnai
523 ine. Ils connaissaient les rouages de l’État. Ils avaient approché le pouvoir. Tandis que les écrivains emprisonnés ne représen
524 elui de changer les mœurs parce qu’ils sont, je l’ ai dit, manieurs de mots, donneurs de sens. Les mœurs dépendent du langa
525 un seul exemple : le mot amour ; La Rochefoucault a dit : « Combien d’hommes seraient amoureux s’ils n’avaient jamais ent
526 it : « Combien d’hommes seraient amoureux s’ils n’ avaient jamais entendu parler d’amour ? » Eh bien, cet amour que nous connais
527 mme. Les poètes de cette époque, les troubadours, ont inventé, eux, une femme inaccessible, une déesse pour laquelle on nou
528 our sensuel. Et c’est cette notion de l’amour qui a été vulgarisée à travers toutes les littératures, toutes les sociétés
529 élément important de ses mœurs. Or cette façon n’ a pas été modifiée par les grands de l’époque, les seigneurs puissants
530 ditionnement. La révolution culturelle chinoise n’ a pas été autre chose qu’un immense conditionnement. Et sans doute lors
531 Picasso. L’idée de Picasso c’est qu’il ne peut y avoir de création que « contre » une société. Pour ma part je regrette que
532 à être en opposition contre elle. D’ailleurs ça n’ a pas toujours été le cas : je pense à Racine et à Corneille qui étaien
533 n petit canton suisse. Est-ce que cette dimension avait une influence ? C’est une évidence. Dans un État-nation comme ceux qu
534 ncore en justice. Si votre avocat prouve que vous avez agi sous la contrainte, sans avoir la responsabilité de votre acte, v
535 prouve que vous avez agi sous la contrainte, sans avoir la responsabilité de votre acte, vous serez acquitté. C’est parce que
536 mme peut faire entendre sa voix. Pour vous il n’y a pas de nécessité à ce qu’un État moderne soit regroupé, donc plus pui
537 ande laquelle. Rien ne nous oblige concrètement à avoir plus d’électricité demain qu’aujourd’hui. C’est parce que nous le vou
538 nous le voulons pour notre commodité. Mais il n’y a aucune nécessité. Et c’est la même chose pour les États. Ils ont copi
539 ssité. Et c’est la même chose pour les États. Ils ont copié l’organisation que la Révolution, puis après elle. Napoléon, on
540 ion que la Révolution, puis après elle. Napoléon, ont imposée à la France. Les rois n’avaient jamais pu réunir complètement
541 le. Napoléon, ont imposée à la France. Les rois n’ avaient jamais pu réunir complètement la France qui fut longtemps composée de
542 n vue de la guerre que les jacobins puis Napoléon ont regroupé à Paris l’ensemble des moyens de gouverner. C’était d’ailleu
543 tralisa­tion. Petit à petit tous les autres États ont imité cette organisation. Mais il n’y avait aucune nécessité. Il y av
544 s États ont imité cette organisation. Mais il n’y avait aucune nécessité. Il y avait seulement la commodité des gouvernants.
545 e commander, ceux qui étaient à la tête des États ont eu naturellement plus de prétention que leurs prédécesseurs. L’État n
546 mmander, ceux qui étaient à la tête des États ont eu naturellement plus de prétention que leurs prédécesseurs. L’État n’a
547 s de prétention que leurs prédécesseurs. L’État n’ a que trois missions précises ; établir la justice, maintenir l’ordre,
548 maintenir l’ordre, collecter les impôts. Mais il a eu vite fait de s’en trouver d’autres. Aujourd’hui il dirige l’école,
549 aintenir l’ordre, collecter les impôts. Mais il a eu vite fait de s’en trouver d’autres. Aujourd’hui il dirige l’école, il
550 avis purge à Bâle une nouvelle peine de prison. J’ ai écrit au président de la Confédération pour obtenir sa libération. Il
551 la Confédération pour obtenir sa libération. Il m’ a fait répondre par le Département de justice et police ! Or quel mal f
552 ait Garry Davis ? Il ne veut pas de passeport, il a un passeport de citoyen du monde et il n’en veut pas d’autres. C’est
553 était libre, considéré, décoré même. Depuis qu’il a pris le parti de la paix, toutes les polices le pourchassent y compri
554 voir est concentré entre quelques mains — et on n’ a plus besoin d’être Napoléon pour être à la tête d’un État moderne — l
555 connaît pas d’autres horizons. En janvier 1972 il a été encore condamné pour “agitation et propagande antisoviétique” à d
556 n mot — et cinq de camp de travail. Tous ceux qui ont lu le magistral “reportage” de Soljenitsyne sur ces camps peuvent ima
557 aie et qu’il devra continuer de payer est celui d’ avoir une opinion et de l’exprimer. Il n’est pas dans la norme de la Russie
558 uvement pour la liberté d’opinion et de religion, a décidé de prendre en charge et de porter devant l’opinion mondiale le
559 uver, les groupes romands d’Amnesty International ont demandé aux pairs de l’écrivain emprisonné — professeurs de lettres,
560 ans la logique de son œuvre et de ses actes. On n’ a pas oublié qu’il avait pris publiquement la défense de l’un de ses an
561 on œuvre et de ses actes. On n’a pas oublié qu’il avait pris publiquement la défense de l’un de ses anciens étudiants, object
562 nce, et on sait que dans une actualité récente il a notamment envoyé un message aux occupants de Kaiseraugst. Mais d’autr
563 belle et solide maison de Pouilly qu’il nous les a apportées. »
16 1975, Articles divers (1974-1977). « L’État-nation, voilà l’ennemi » (1er juillet 1975)
564 ennemi » (1er juillet 1975)u v Le club de Rome a prévu le désastre, mais n’a rien dit sur ses fauteurs. Or, le princip
565 v Le club de Rome a prévu le désastre, mais n’ a rien dit sur ses fauteurs. Or, le principe de la crise mondiale résid
566 ans nul reste) des territoires de la planète. Ils ont tout calculé pour leur guerre, dont tous sont nés, et selon l’obsessi
567 a langue, les frontières politiques et l’économie ont des rythmes de fluctuation non comparables : d’ordre millénaire pour
568 rs, les calculs d’avenir les plus catastrophiques ont seule chance d’être vérifiés ; ou bien des hommes et des groupes déci
569 hors d’eux, il n’est plus d’espace libre, il n’y a plus que l’avenir qui leur échappe. Pas question de détruire l’État,
570 égions fonctionnelles, d’aires diverses — chacune ayant pour extension le territoire de sa réalité — ne naîtront pas de nos m
571 u’on ne manquera pas de me dire, comme certains l’ ont fait à Berlin : « Votre point de vue est typiquement européen, mais q
572 en, mais que vaut-il pour tous ces pays neufs qui ont adopté le modèle de l’État-nation qui leur était livré dans le même p
573 ? » Deux réponses à cette objection : 1) L’Europe a inventé l’État-nation que tous imitent. C’est à celle-là de donner l’
574 lle de développer les anticorps des virus qu’elle a propagés. « L’État-nation peut seul les défendre », a-t-on dit. Mais
575 opagés. « L’État-nation peut seul les défendre », a-t -on dit. Mais les défendre contre quoi ? Contre d’autres États-nations
576 , à la rendre opérationnelle en temps utile, elle aura fait bien plus et mieux pour le tiers-monde qu’en lui prêtant son « a
17 1975, Articles divers (1974-1977). « Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations » (septembre 1975)
577 , en temps de guerre, on serait très embêté si on avait la même station de pompage… Il y a les problèmes de l’aéroport qui so
578 es Suisses. C’est en train de s’arranger, mais il aura fallu des années. Il y a le problème de la coopération entre les univ
579 qu’on peut faire ensemble et pour lesquelles on n’ a pas besoin d’autorisations. Si vous demandez à d’autres le droit d’êt
580 mot. Car après tout, sans responsabilité, il n’y a pas de civisme, pas de participation du citoyen aux affaires publique
18 1976, Articles divers (1974-1977). Message de M. Denis de Rougemont (1976)
581 an, piéton tranquille sur le chemin de l’histoire a frayé la voie vers l’union fédérale en s’y avançant le premier ! L’E
582 at grâce auquel la première Communauté européenne a pu voir le jour. Mais lui-même, comme jeune homme, s’était rêvé un av
583 s décisif, deux institutions au sort desquelles j’ avais eu le bonheur de l’intéresser : le Centre européen de la culture à Ge
584 sif, deux institutions au sort desquelles j’avais eu le bonheur de l’intéresser : le Centre européen de la culture à Genèv
585 court lentement ». On sent bien ici que Schuman n’ a jamais eu en réalité à « interrompre sa méditation pour passer à l’ac
586 tement ». On sent bien ici que Schuman n’a jamais eu en réalité à « interrompre sa méditation pour passer à l’action » (co
587 e sa méditation pour passer à l’action » (comme l’ a écrit Jean Monnet) puisque c’est tout naturellement que sa méditation
588 e sa méditation s’est poursuivie en création et n’ a cessé de soutenir son action. Voilà pourquoi cet homme d’État d’allu
589 cet homme d’État d’allure volontairement modeste, aura été plus créateur que les grands ténors de ce siècle. Piéton tranquil
590 éton tranquille sur les chemins de l’histoire, il a frayé la voie vers l’union fédérale en s’y avançant le premier. Et ce
591 érale en s’y avançant le premier. Et certes, il n’ a jamais entretenu l’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il m’a
592 ’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il m’ avait dit un jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis sans dou
593 nter l’idée de nation souveraine, dans laquelle j’ ai été élevé. Ce sera l’affaire de votre génération. Trois lustres ont
594 era l’affaire de votre génération. Trois lustres ont passé déjà sans que rien nous rapproche visiblement du but. Comment s
595 ne pour l’accepter, je le crains. Parce qu’il n’y aurait plus même d’Européens. z. Rougemont Denis de, « Message de M. Deni
19 1976, Articles divers (1974-1977). L’Europe, l’été [préface] (1976)
596 ux, voici Bath, le plus ancien festival connu (il a célébré son centenaire en 1961) et Varsovie, le plus délibérément nov
597 d’autres, rescapés de ces deux ou trois-cents qui ont tenté un jour d’exister pour disparaître après quelques saisons, faut
598 s. Quelle ville de nos pays, grande ou moyenne, n’ a-t -elle pas essayé de lancer son festival, de pousser sa petite note séd
599 umeur musicale de nos étés européens ? Si je n’en ai nommé qu’une trentaine, c’est parce qu’il s’agissait des « grands » d
600 e tradition régionale mais aussi des premiers qui aient pris conscience de leur commune appartenance au grand ensemble cultur
601 nsemble culturel qu’est en réalité l’Europe, et l’ aient prouvé en s’associant sous le signe de l’union continentale. ⁂ Depuis
602 aclysmes de dimensions mondiales, au xxe siècle, ont montré ce que « l’Europe des nations » savait faire. Au lendemain de
603 our de 1950, Igor Markevitch vint me voir. Je lui avais écrit tôt après la lecture de son article sur la coopération dans le
604 stiques et pratiques des nombreux festivals où il avait dirigé. Il sentait la nécessité de les amener à se concerter — terme
605 ner à se concerter — terme éminemment musical… Il avait son idée là-dessus. Pour ma part, je venais de fonder le Centre europ
606 ture, étant née du complexe physico-spirituel qui a formé l’homme européen et qui le définit le mieux, quand on le compar
607 es historiens de prendre note d’un petit fait qui a son importance symbolique : l’Association des festivals européens a p
608 ymbolique : l’Association des festivals européens a précédé de plusieurs années l’ouverture du Marché commun. Elle a des
609 usieurs années l’ouverture du Marché commun. Elle a des buts analogues : substituer la coopération aux rivalités stériles
610 nement de la musique et de la culture européennes ont été reçus en qualité de membres associés. Israël et Osaka ont brillam
611 s en qualité de membres associés. Israël et Osaka ont brillamment inauguré cette plus grande alliance. Au carrefour de ces
612 eurs de festivals européens. ⁂ Si l’association n’ avait rien fait d’autre que d’offrir aux directeurs des plus grands festiva
613 par an leurs problèmes et leurs expériences, elle aurait mérité d’exister. Laissant de côté tous les aspects techniques de la
614 ates, je voudrais souligner ici que l’association a eu et garde le mérite, à mes yeux principal, de provoquer la réflexio
615 es, je voudrais souligner ici que l’association a eu et garde le mérite, à mes yeux principal, de provoquer la réflexion d
616 dans la société d’aujourd’hui. Cette réflexion n’ a pas cessé de revenir sur quelques thèmes majeurs que je voudrais indi
617 — et du coup quelque peu restreint ou assagi — qu’ a pris le mot dans l’ère moderne, est une forme de vie et d’activité ar
618 nt approuvée, bien que certains, non sans raison, aient tenu à souligner qu’elle était idéale et au mieux normative, plutôt q
619 définition, et son utilité majeure ?) De plus, on a fait observer qu’elle ne tenait pas compte assez expressément de l’él
620 mais plus rare.) La multiplication des festivals a donc suivi assez exactement les courbes ascendantes du tourisme duran
621 t de tout le contexte social en vue desquels elle avait été composée. C’est grâce aux festivals qu’on s’est remis de nos jour
20 1976, Articles divers (1974-1977). Histoire et prospective de l’identité européenne (1976)
622 ne forme idéale à rejoindre, ni quelque chose qui aurait existé historiquement et que l’on se proposerait de ressusciter. Mais
623 défense nationale. lls n’ignorent pas que E = mc2 a donné la victoire militaire aux USA et permis d’aller sur la Lune. Po
624 domaine, la recherche fondamentale est celle qui a pour objet l’homme lui-même, la personne. Si la mathématique est scie
625 , à mes yeux, sa profonde identité. Cette culture a produit — comme déchets, selon Spengler — la civilisation mondiale du
626 ez au juste. Je vous en donnerai deux exemples. J’ ai professé à notre Institut et à l’EPFZ simultanément, puis sous une fo
627 ion (notamment de la région transfrontalière) qui a entraîné depuis des adhésions aussi diverses que celles d’un maire de
628 Les Mythes formateurs de la psyché européenne. J’ ai parlé des mythes grecs, puis des mythes de la Genèse, et enfin de l’A
629 nde, de la Chine, ou de la Polynésie. Tout cela m’ a conduit à de multiples incursions dans l’histoire et l’ethnographie,
630 ntage, hors programme, isolés ou en groupes. Vous avez rappelé récemment, ici même, après Jouvenel, que nous ne pouvons conn
631 spective, sont plus encore que le savoir ce que j’ ai le désir de transmettre, c’est-à-dire de rendre sensible et comme urg
632 îtra un jour comme étant le principal de ce que j’ avais à faire passer, dans le cadre rigoureux du savoir vérifié. Centrer to
633 udie est le vrai Droit universel ; que l’histoire a un sens et qu’elle détient la clé de l’évolution du Monde ; que l’éco
634 s conciles, et enfin que toutes les civilisations ont une littérature profane, et produisent des romans d’amour, etc. Or ce
635 garde générale contre l’européocentrisme naïf qui a causé et qui cause encore tant de ravages dans le tiers-monde. Et je
21 1976, Articles divers (1974-1977). Changer de cap (novembre 1976)
636 t d’interruptions agressives du meneur de jeu — j’ ai essayé de formuler mes objections et mes mises en question du Concord
637 es sur ce trajet, en voici le moyen simple et qui eût déjà permis environ 15,8 milliards d’économies : 1° supprimer les for
638 ) ; cela signifie qu’en construisant Concorde, on aurait découvert des procédés qui permettront de construire d’autres avions
639 s procédés qui permettront de construire d’autres avions encore plus chers et plus problématiques, et puis surtout qui permett
640 contre Concorde pour deux raisons fondamentales. a ) Tout comme les centrales nucléaires, Concorde est le symbole ou simp
641 ncorde symbolise. Le luxe suprême de demain, je l’ ai défini au lendemain d’Hiroshima : la lenteur au sein du silence. Je c
642 sein du silence. Je crois bien que ce soir-là, j’ ai trouvé la formule de tout ce qui me répugnait dans l’affaire nucléair
643 , que le grand sociologue américain Lewis Mumford a baptisé la « Mégamachine », cette logique est plus forte que tous les
644 s aux forces qui sont en nous, le besoin que nous avions de forces extérieures diminuerait d’autant, et que nous serions alors
22 1977, Articles divers (1974-1977). Souvenir de 1938 (1977)
645 la mesure des événements — et de la scène dont j’ avais vu les plans : trente-cinq mètres de large, trois niveaux, point de d
646 uir… Le matin même, sans raisons apparentes, on m’ avait remis une biographie nouvelle de Nicolas de Flüe. J’en avais parcouru
647 une biographie nouvelle de Nicolas de Flüe. J’en avais parcouru distraitement quelques pages. L’image scolaire que je gardai
648 et profond sur l’esprit de ses compatriotes, s’il a prévenu in extremis la guerre entre les cantons suisses, c’est par l’
649 uit blanche. Trois actes se composent. Au matin j’ ai tout le plan de la pièce et j’en ai vu le paradoxe essentiel : peuple
650 t. Au matin j’ai tout le plan de la pièce et j’en ai vu le paradoxe essentiel : peupler et animer une scène immense autour
651 ment, non seulement mon texte, mais tout ce que j’ ai pensé, arrière-pensé en l’écrivant et renoncé à y mettre faute de mot
652 r fugué : « Étoile du matin ». Plus tard, je lui ai demandé le secret de cette divination spirituelle, et il m’a dit mode
653 e secret de cette divination spirituelle, et il m’ a dit modestement : « J’apprends par cœur les paroles, et puis je me le
654 ablie, comment ne pas admettre après coup qu’elle ait gouverné dans le fait plusieurs séries de « hasards objectifs », comm
655 opinions contradictoires, et une troisième On a écrit que si l’oratorio Nicolas de Flüe « n’est pas devenu populaire 
656 pour la défense spirituelle de la Suisse que nous avons livrée pendant la guerre, votre œuvre avait pour nous la valeur d’un
657 nous avons livrée pendant la guerre, votre œuvre avait pour nous la valeur d’un corps d’armée ! » Il se peut que les deux ju
658 nges ou d’enfants de Nicolas de Flüe : « Honegger a touché là les sommets de son lyrisme. » 30. Note à l’usage des jeu
23 1977, Articles divers (1974-1977). Les débuts de la construction européenne (1977)
659 istré par l’OECE, rien de tout ce qui va suivre n’ eût été possible. Il s’agit là d’un fait patent et mesurable : dans les d
660 able : dans les dernières années 1940, l’Amérique a sauvé l’Europe, généralement ingrate et souvent ricanante. Généalog
661 tous ces génies prônés par l’université moderne n’ auraient -ils été « utopiques » que sur un seul sujet, l’Europe ? Mais les État
662 eprendre la construction au point précis où ils l’ avaient abandonnée en 1932 ? Les mouvements de militants et la période des
663 ne étape décisive dans l’évolution de l’Europe, n’ ont pas été conçues ex nihilo, ni formulées pour la première fois durant
664 me. Or, l’idéologie personnaliste des années 1930 a inspiré la plupart des manifestes et des journaux clandestins de la R
665 en devant les parlements. Les six mouvements qui avaient organisé et mené à bien le congrès de La Haye se fédérèrent tôt après
666 mie. Le plan Marshall, entré en vigueur dès 1946, avait donné naissance à l’Organisation européenne de coopération économique
667 (OECE). Celle-ci, fortement soutenue par les USA, avait immédiatement polarisé les études et les plans de développement à l’é
668 inalement des parlements, que le « plan Schuman » a si vite réussi. Il s’agissait en réalité d’un plan Monnet. Commissair
669 Hirsch, Pierre Uri et le professeur Paul Reuter, avaient cherché dès le mois de mai 1949, nous venons de le voir, les moyens d
670 des consommateurs de charbon et d’acier ! Ce qui a frappé à juste titre l’opinion de tous nos pays, c’est l’idée de crée
671 CA, c’était une méthode pour faire l’Europe. Nous avons vu que les idées directrices d’un pool charbon-acier avaient été form
672 que les idées directrices d’un pool charbon-acier avaient été formulées maintes fois pendant la période des congrès unionistes
673 de ses collaborateurs — dont aucun jusqu’alors n’ avait participé aux mouvements de militants — consistait dans l’application
674 congrès, si riche en initiatives enthousiastes, n’ avait créé, en fait, que le Conseil de l’Europe, dont les capacités de déci
675 pouvoir du général de Gaulle, le drame de la CED avait illustré une fois de plus la primauté des tabous stato-nationaux sur
676 s la formation de la CECA nul progrès politique n’ ait été accompli, paraît de nature à confirmer le diagnostic des fédérali
677 ccord — depuis un peu plus de vingt-cinq ans. Ils ont lu les sondages, qui donnent en général une forte majorité aux partis
678 de l’Extrême-Ouest, comment se fait-il que rien n’ ait été fait, que rien ne se fasse ? Dans l’état actuel de notre société,
24 1977, Articles divers (1974-1977). Robert Schuman (1886-1963) : l’homme de la frontière (1977)
679 de la frontière (1977)ae af Cet homme dont on a pu écrire « qu’il n’avait l’air de rien », qu’il entrait dans la sall
680 c’est bien le même qui, selon les mêmes auteurs, a accompli « une action bouleversante sans préavis », et s’est montré «
681 ’employé auxiliaire » d’une sous-préfecture. Il n’ a donc jamais porté le casque à pointe, comme le lui reprocheront sans
682 s données historiques et géopolitiques. Mais elle a dû passer par la filière française, seule capable de lui prêter ces m
683 anco-allemande dont même la démence hitlérienne n’ a jamais réussi à le faire désespérer. Réélu député de la Moselle dès 1
684 e d’homme politique français, mais vingt autres l’ auront aussi bien parcourue sans avoir pour autant fait de l’Histoire. Si no
685 s vingt autres l’auront aussi bien parcourue sans avoir pour autant fait de l’Histoire. Si nous parlons ici de Robert Schuman
686 iticien et du célibataire presque timide que l’on a si souvent décrit, un homme d’État soudain s’est déclaré. Et tandis q
687 pris, et qu’on accepte à cause de cela seulement, a peut-être changé le cours de nos destins. Cette espèce de miracle que
688 Plan Monnet ? Il est certain que la Déclaration n’ a pas été rédigée par Schuman, mais par l’équipe de Jean Monnet, dont l
689 de sa propre politique européenne, Robert Schuman a transformé un texte en acte et une épure en fait d’histoire. Qui est
690 rences et dans leurs ressemblances que l’histoire a pu voir et enregistrer : coopération entre Sully et Henri IV, à propo
691 lui-même : L’action de Robert Schuman me paraît avoir été déterminée moins par ses souvenirs du passé qui eussent pu au con
692 é déterminée moins par ses souvenirs du passé qui eussent pu au contraire l’aveugler, que par sa vision lucide de l’avenir des
693 ision lucide de l’avenir des pays de l’Europe. Il avait beaucoup réfléchi à la manière de réconcilier la France et l’Allemagn
694 at grâce auquel la première Communauté européenne a pu voir le jour. Mais il s’était rêvé tout autre chose, homme de médi
695 s décisif, deux institutions au sort desquelles j’ avais eu le bonheur de l’intéresser, le Centre européen de la culture, à Ge
696 sif, deux institutions au sort desquelles j’avais eu le bonheur de l’intéresser, le Centre européen de la culture, à Genèv
697 ment des esprits. On sent bien ici que Schuman n’ a jamais eu, en réalité, à « interrompre sa méditation pour passer à l’
698 esprits. On sent bien ici que Schuman n’a jamais eu , en réalité, à « interrompre sa méditation pour passer à l’action » p
699 e sa méditation s’est poursuivie en création et n’ a cessé de soutenir son action. Voilà pourquoi cet homme d’État, d’allu
700 et homme d’État, d’allure volontairement modeste, aura été plus créateur que les grands ténors de ce siècle. Piéton tranquil
701 éton tranquille sur les chemins de l’Histoire, il a frayé la voie vers l’union fédérale en s’y avançant le premier. Et ce
702 érale en s’y avançant le premier. Et certes, il n’ a jamais entretenu l’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il m’a
703 ’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il m’ avait dit un jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis sans dou
704 nter l’idée de nation souveraine, dans laquelle j’ ai été élevé. Ce sera l’affaire de votre génération… ae. Rougemont D
705 vol. 6, Paris, Mazenod, 1977, p. 254-257. af. On a intégré les corrections effectuées par Rougemont sur l’exemplaire.
25 1977, Articles divers (1974-1977). Hérétiques de toutes les religions, unissez-vous ! (1977)
706 étiques de toutes les religions, unissez-vous ! J’ ai souvent médité sur cette phrase, depuis lors. ⁂ Au temps de nos premi
707 a. Sohrawardi écrit : « Lis le Coran comme s’il n’ avait été révélé que pour ton propre cas. » Kierkegaard écrit : « L’Évangil
708 ard, nous la fermons. Nous pressentions qu’il n’y a de porte que pour celui qui osera la franchir, à tous risques, sans l
709 s, sans laissez-passer d’aucune sorte ; qu’il n’y a de sens que pour celui qui se met en marche, et que la vraie voie est
710 nique ». Elle peut signifier aussi bien qu’il n’y a qu’une vraie voie, qu’une vérité viable, la même pour tous, à la fois
711 ie en leur sens littéral, s’évanouissent : il n’y a plus de contradiction entre l’orthologie et l’autologie, la première
712 et l’autologie, la première — selon sa mission — ayant provoqué la seconde à éveiller des vocations incomparables et par déf
713 lu » et le service de la cité. Né ailleurs, mais, ayant choisi par une décision de ferveur — non moins profondément philosoph
714 . (Pour, moi, s’il faut en croire les tests que j’ ai passés, je me verrais plutôt entre deux pentes, soit sur le chemin de
715 e à tous les « hérétiques » malgré eux : ceux qui ont un jour compris qu’ils étaient bien forcés d’inventer leur chemin san
26 1977, Articles divers (1974-1977). La nature du pouvoir (9 octobre 1977)
716 an Je ne sais si c’est un très bon choix de m’ avoir demandé d’ouvrir les débats, parce que je suis d’accord avec presque
717 arce que je suis d’accord avec presque tout ce qu’ a dit Jeanne Hersch hier soir. Il aurait peut-être mieux valu commencer
718 sque tout ce qu’a dit Jeanne Hersch hier soir. Il aurait peut-être mieux valu commencer par une provocation, mais peut-être ce
719 elle-ci viendra-t-elle plus tard, après moi. Nous avons entendu, hier soir, une très belle leçon de modération philosophique,
720 notion de limitation d’un pouvoir par d’autres. J’ ai aussi relevé, dans cette leçon, une distinction qui, en général, amus
721 , et le sens du pouvoir en Suisse. En Suisse on n’ a pas du tout l’idée de la majesté du pouvoir, ni celle de renverser le
722 ’une manière irréversible, et le pouvoir que nous avons en Suisse qui, lui, est un pouvoir réparti. C’est le pouvoir fédérali
723 S’agissant de définir le pouvoir, Jeanne Hersch n’ a pas prétendu faire beaucoup plus que tous les auteurs, qui ont essayé
724 ndu faire beaucoup plus que tous les auteurs, qui ont essayé cette définition impossible, d’Aristote à Max Weber. Elle s’es
725 Elle s’est repliée sur la notion de « mixte », et a été jusqu’à parler d’un « mixte » qui compose le pouvoir et, en même
726 la définition du pouvoir. En somme, Jeanne Hersch a fait un peu comme cet homme politique français qui, quand on lui dema
727 répondait : « Eh bien ! je le complique. » (Vous avez peut-être reconnu le président de la Chambre française.) On se sent t
728 enant au monde ; et nous n’y pouvons rien. Nous n’ avons nul besoin de nous l’expliquer pour le subir. Ceci me rappelle une tr
729 appelle une très jolie épigraphe que Jean Cocteau avait mise à son Secret professionnel. C’est un petit dialogue ainsi conçu 
730 lations et chez les individus, que les Rencontres ont choisi le thème du pouvoir. Le nœud du problème traité hier soir par
731 t, peut-être, ce sentiment d’impuissance que nous avons devant les pouvoirs, qui nous amène à toutes sortes d’excès de langag
732 et, de plus en plus, absolu ? Jeanne Hersch nous a hier soir indiqué une voie : opposer à ce pouvoir d’autres pouvoirs g
733 nsiste dans l’abandon que le peuple souverain lui a fait, une fois pour toutes, de sa souveraineté. Ce n’est donc ni l’an
734  ». Je vous rappelle l’exemple de Lénine : Lénine avait écrit, au début de 1917, dans L’État et la Révolution, que toutes les
735 outes les révolutions bourgeoises, jusqu’alors, n’ avaient fait que renforcer l’État et la police, c’est-à-dire que l’État s’éta
736 de ceux qui voulaient s’en emparer. Là-dessus, il a pris le pouvoir, et a illustré lui-même, d’une manière parfaite, tout
737 s’en emparer. Là-dessus, il a pris le pouvoir, et a illustré lui-même, d’une manière parfaite, tout ce qu’il avait dénonc
738 é lui-même, d’une manière parfaite, tout ce qu’il avait dénoncé quelques mois plus tôt. Je pense qu’il n’y a qu’un moyen d’op
739 énoncé quelques mois plus tôt. Je pense qu’il n’y a qu’un moyen d’opposer le pouvoir de liberté au pouvoir de l’État deve
740 et s’y inscrit comme le choix même de la liberté. Ayant écrit, dans un assez gros livre récent, que ce drame est celui de not
741 récent, que ce drame est celui de notre époque, j’ ai trouvé, l’autre jour, et après coup, la formule la plus simple pour c
742 demande de précisions de Jeanne Hersch :] Il n’y a pas vraiment d’opposition entre ce que vous avez dit plus longuement
743 n’y a pas vraiment d’opposition entre ce que vous avez dit plus longuement hier soir, et ce que j’ai dit, très vite, aujourd
744 s avez dit plus longuement hier soir, et ce que j’ ai dit, très vite, aujourd’hui. Voilà pourquoi j’ai paru trop clair sur
745 ’ai dit, très vite, aujourd’hui. Voilà pourquoi j’ ai paru trop clair sur certains points. J’étais obligé de me résumer, de
746 r, au sens de l’État, et la guerre. Cette liaison a été très bien mise en valeur par Bertrand de Jouvenel dans son livre
747 iété veut borner les ravages de la guerre, elle n’ a d’autres moyens que de borner les facultés du pouvoir. » am. Rouge
27 1977, Articles divers (1974-1977). La puissance et les choix (mai 1977)
748 La puissance et les choix (mai 1977)ah ai L’ensemble des conflits qui couvent ou se déclarent en cette fin d
749 réelle sans nulle puissance, ni de puissance qui ait quelque saveur sans au moins l’illusion qu’on l’exerce « librement ».
750 clare une priorité, une fin à laquelle les moyens ont pour devoir de concourir. Ce qu’il faut voir, et qui est peut-être dé
751 ous choisissez les moyens de la puissance, vous n’ avez plus de liberté. Mais si vous choisissez les moyens de la liberté, vo
752 vous choisissez les moyens de la liberté, vous n’ aurez peut-être plus besoin de la puissance. Choisir les centrales nucléair
753 re humaine. Il est non moins clair que personne n’ a jamais osé dire, ni même laissé entendre, que le choix solaire est la
754 um du développement, New York, mai 1977, p. 1-2. ai . Introduit par cette note : « La puissance des États-nations, estime
755 puissance est au service de l’intérêt public. Ils ont toujours fait la guerre, et ils continuent de la faire, dans le cadre
756 rent, eux, comme l’intérêt public. Récemment, ils ont encore élargi leur rayon d’intervention et de nombreux services publi
757 esponsables de fournir l’énergie aux populations, ont à faire face aujourd’hui aux problèmes d’un monde dont le pétrole va
28 1977, Articles divers (1974-1977). Du passé à l’avenir d’une région (27 juin 1977)
758 ). Les Bernois, déjà venus à son secours en 1535, ont annexé au passage le Pays de Vaud, naguère encore fief des Savoie, ai
759 s tard la Romandie. C’est ainsi que Neuchâtel qui avait entretenu pendant des siècles des liens étroits avec la Franche-Comté
760 ale, en 1848 (phénomène proprement politique) qui a créé la Suisse romande, bien plutôt que la géographie (point de front
761 près qu’en sens inverse, l’École suisse de Zurich ait introduit dans le monde germanique la première connaissance de Dante,
762 École suisse, écrivains, philosophes et peintres, ont rempli leur fonction de médiateurs entre le monde latin, le monde ang
763 t de la pédagogie scientifique du xxe siècle. On a beaucoup écrit sur cet « esprit romand », que dans la plupart des ouv
764 re de toute expression lyrique gratuite… Bref, on a fait du Romand-type l’antithèse du Français-tel-qu’on-le-parle. Inuti
765 e civique, synonymes de devoir moral ; ces traits ont caractérisé depuis plus d’un siècle, aux yeux des étrangers du moins,
766 ns d’évoquer les diversités les plus frappantes n’ ont acquis le sentiment de former une entité qu’à la faveur de leur ratta
767 et indivisible. Second fait : l’entité romande n’ a pas existé de tout temps, comme la plupart de nos compatriotes l’imag
768 La grande région Les conflits confessionnels ont beaucoup contribué, on l’a vu, à différencier nos cantons. Si ces con
769 flits confessionnels ont beaucoup contribué, on l’ a vu, à différencier nos cantons. Si ces conflits sont apaisés de nos j
770 ement de brassage démographique qui, par exemple, a fait de la « Rome protestante » une ville à très nette majorité catho
771 gique (et non pas proprement religieux) se trouve avoir levé le principal obstacle à l’établissement de relations plus étroit
772 it que la crainte de recevoir trop de catholiques avait joué un rôle fort impor­tant dans l’attitude négative des Genevois lo
773 ionnels. Les guerres mondiales de 1914 et de 1939 ont eu pour effet normal de durcir les frontières et de les fermer plus q
774 els. Les guerres mondiales de 1914 et de 1939 ont eu pour effet normal de durcir les frontières et de les fermer plus qu’e
775 es frontières et de les fermer plus qu’elles ne l’ ont jamais été dans toute l’histoire européenne. Et que devient pendant c
776 et appelle une série de développements que rien n’ eût permis de prévoir il y a un demi-siècle. La fermeture progressive des
777 i-siècle. La fermeture progressive des frontières a provoqué les réactions de la Communauté économique de Bruxelles, puis
778 rojeté sur une carte, donne une région englobante ayant la forme d’un grand triangle : la base relie Saint-Étienne à Aoste en
779 sfrontalière car chacun sait que les pollutions n’ ont jamais été arrêtées par les douaniers, ni par la ligne de démarcation
780 oire (de la fin du ixe au milieu du xie siècle) avait déjà été englobé dans le royaume de Bourgogne transjurane : c’est sa
781 dans le reste de l’Europe. Frappé par ce fait, j’ avais entrepris il y a quelques années une étude sur les possibilités de co
782 aux congrès de Paris et de Vienne (1814 et 1815) avait publié trois petits ouvrages dans cette langue — dont nous ne connais
783 (Tout au moins avant l’ouverture de Satolas.) N’y aurait -il pas, entre les fondements séculaires de la culture et notre économ
784 brillants théoriciens et nos robustes réalistes n’ auraient jamais osé l’imaginer ? Le secret de notre avenir ne serait-il pas en
785 et différente de celle des autres. Ces histoires ont soudain convergé en l’année 1848 lors de la création de la Confédérat
786 la Suisse ; et dès ce moment, mais pas avant, on a parlé d’une Suisse romande, par opposition à la Suisse alémanique et
29 1977, Articles divers (1974-1977). « Il faut changer de cap » (27 septembre 1977)
787 n industrielle et de consommation illimitées nous ont conduits au seuil d’une série de désastres parfaitement calculables s
788 Vous parliez d’agression contre la nature. Il n’y a pas que la pollution par l’industrie. Pour moi, la pollution majeure
789 ensions. Or, nous constatons que les petits États ont tous les avantages sur les grands : niveau matériel, richesse par têt
790 ations humaines. Mais ces États que vous dénoncez ont quand même édifié au cours des siècles une langue et une culture comm
791 ne culture commune ? L’État-nation que je dénonce a 180 ans d’âge. Il a détruit, lentement mais sûrement et méthodiquemen
792 L’État-nation que je dénonce a 180 ans d’âge. Il a détruit, lentement mais sûrement et méthodiquement les communautés tr
30 1977, Articles divers (1974-1977). Au tableau d’honneur de Parents : L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)
793 ue lance sans ménagement cet homme de 71 ans, qui a perdu bien des illusions sur notre monde mais pas encore sa confiance
794 ’une société qui était tournée vers l’homme. Nous avons perdu cette mesure : alors, tout au long de son livre, il nous houspi
795 rimé d’algues marines en guise de steak qu’on lui a promis dès les années 1950. » Ce n’est qu’un aspect ! Mais nous somme
796 it renaître Et pourtant ! les occasions ne lui ont pas manqué de renoncer à sa foi dans l’humanité. En 1936, il a vu de
797 de renoncer à sa foi dans l’humanité. En 1936, il a vu de près l’Allemagne d’Hitler, a assisté au délire hystérique des f
798 é. En 1936, il a vu de près l’Allemagne d’Hitler, a assisté au délire hystérique des foules massées pour applaudir l’homm
799 oin « d’être ensemble » demeure vital. […] Hitler a répondu à la question centrale du siècle, qui est religieuse au sens
800 mène semblable se reproduisait ?Sans doute l’idée a-t -elle effleuré D. de Rougemont lorsqu’en 1969 il a pris brutalement co
801 t-elle effleuré D. de Rougemont lorsqu’en 1969 il a pris brutalement conscience que notre monde glissait vers le néant. U
802 club de Rome (comité international de savants qui a alerté le monde sur les excès de la croissance démographique et indus
803 et industrielle) est à l’origine de ce déclic : J’ ai vu sous forme de courbes ce qui allait se passer si on continuait com
804 ors elle signera sa mort. Or, maintenant que nous avons les moyens de surmonter les défis de la nature, nous voici seuls resp
805 du ciel, elles viennent de nous. Mais les hommes ont encore beaucoup de peine à l’admettre. Et pourtant, il nous reste dés
806 e dans la cheminée, le regard songeur : Oui, nous avons vraiment atteint les limites. La voix se fait plus douce. Voyez-vous,
807 olution de la communauté dans la société actuelle a fait perdre à l’homme le sentiment de responsabilité et donc sa liber
808 Comment encore être un citoyen ! Nous, nous avons compté sur l’adaptation des hommes. Effrayante adaptation qui les mut
809 est devenue le mensonge. Accusation gratuite ? J’ ai relevé douze mensonges officiels à propos du nucléaire, répond Denis
810 Vous êtes un farouche ennemi de l’État-nation ? J’ ai toujours été antinationaliste et antiétatiste. Tout prouve aujourd’hu
811 rise de notre civilisation. Ce sont eux seuls qui ont géré la terre. Eux seuls qui en avaient les moyens. Pour que l’avenir
812 eux seuls qui ont géré la terre. Eux seuls qui en avaient les moyens. Pour que l’avenir devienne notre affaire, l’État doit êtr
813 vieux clichés, qui fait croire que ce qui existe a toujours existé et que nous n’y pouvons rien changer. Elle fait des c
814 nt pour ce que l’État lui demande. Longtemps elle a fait des citoyens pour la nation seulement. Nous avons payé cela par
815 fait des citoyens pour la nation seulement. Nous avons payé cela par deux guerres mondiales. L’éducation aujourd’hui doit ap
816 e contente pas d’imaginer. Pendant quinze ans, il a organisé des stages au Centre européen de la culture à l’intention d’
817 de les combattre. Pensez que quelque 3000 maîtres ont déjà été formés. Cela représente des dizaines de milliers d’élèves. N
818 obligés de s’incliner, non ? … Denis de Rougemont a choisi sa révolution. Pas de grands chambardements, pas de déclaratio
31 1977, Articles divers (1974-1977). Denis de Rougemont : le retour d’un hérétique (3 octobre 1977)
819 etrouvez, bon gré mal gré, dans l’air du temps… J’ ai plutôt l’impression que l’air du temps retrouve un certain nombre d’i
820 car ça fait toujours plaisir de constater qu’on n’ a pas parlé dans le vide. Mais, parmi tous ceux qui défendent aujourd’h
821 éfendais moi-même dans les années 1930, combien m’ ont vraiment lu ? Combien savent seulement que j’existe ? Tout de même…
822 st en tout cas probable. Or, actuellement, il n’y a guère que les écologistes pour percevoir et pour essayer de prévenir
823 on écologique, vous retrouvez les thèmes que vous aviez formulés dans les années 1930, puisque pour vous, fascisme, stalinism
824 à cause du type de croissance que les pays riches ont choisi pour eux. Ce type de croissance suppose nécessairement un pill
825 e mais aussi par les embouteillages. Tant qu’il n’ aura pas l’un et l’autre, il se sentira frustré, exclu. Je pense donc qu’a
826 sentira frustré, exclu. Je pense donc qu’après l’ avoir exploité pendant plusieurs siècles l’Occident pourrait au moins lui é
827 ment moins démente, moins suicidaire. Bref, après avoir donné tant de leçons à l’humanité, nous pourrions, peut-être, pour un
828 éricains, qui adorent les scénarios « absurdes », ont calculé que, si notre démographie n’était pas maîtrisée, il suffirait
829 plus s’allonger… L’autre grande critique que vous avez été l’un des premiers à formuler concerne l’État-nation. Avec sa volo
830 gion. Il ne faut pas s’étonner si les économistes ont tant de mal à faire fonctionner les économies nationales car la seule
831 é. Prenons l’exemple du lac Léman, puisque nous l’ avons sous les yeux : il est en train de se polluer, et d’une manière drama
832 des thèmes très étroitement liés. En face, il n’y a que des illusions « stato-nationales ». Il est plaisant d’observer qu
833 re au-dehors qu’il trouve la tranquillité qu’il n’ a plus au-dedans. » À cet égard, on peut dater avec précision la naissa
834 es fins ; dès que la patrie est en danger, il n’y a plus ni catholiques, ni protestants, ni ouvriers, ni patrons, ni pays
835 ers, ni patrons, ni paysans, ni bourgeois, il n’y a plus que des sujets dociles et mobilisés. La guerre permet de gommer
836 on comprend pourquoi, tôt ou tard, l’État-nation aura besoin d’y recourir. La guerre, par essence, le fortifie puisqu’elle
837 lisation de cet État. Au xvie siècle, Jean Bodin avait défini celui-ci comme le souverain capable de « poser et de casser le
838 e réapproprier le pouvoir dont l’État jacobin les a dépossédés. Or l’obstacle majeur à cette redistribution du pouvoir, c
839 que l’Europe n’existera pas politiquement, il n’y aura pas de régionalisme possible. Comment expliquez-vous que l’idée europ
840 ? Rien n’est moins sûr. Il y a quelques années, j’ ai mêmeas écrit un livre intitulé Vingt-huit siècles d’Europe dans leq
841 jusqu’à Jean Monnet… À relire tous ces textes, on a le sentiment très vif que, contrairement à ce que vous semblez croire
842 e vous semblez croire, l’idée d’une Europe unie n’ a jamais cessé de hanter l’imagerieat populaire. Et, de nos jours, c’es
843 ’Europe. À la Libération, l’idée européenne — qui avait été un grand espoir de la Résistance — aurait dû s’imposer tout de su
844 qui avait été un grand espoir de la Résistance — aurait dû s’imposer tout de suite et, avec quelques amisau, j’avais milité e
845 imposer tout de suite et, avec quelques amisau, j’ avais milité en ce sens. Il se trouve que des manœuvres politiques ont empê
846 e sens. Il se trouve que des manœuvres politiques ont empêché ce vaste mouvement d’aboutir. Ce fut un rendez-vous manqué do
847 ez-vous manqué dont nous payons encore le prix. J’ ai l’impression qu’il y a un malentendu : dans votre jeunesse, disiez-vo
848 une telle entreprise ? De ce point de vue, il n’y a rien à craindre. L’Europe des marchands ne se fera pas car son princi
849 tiendra par la peau. À l’inverse, quand de Gaulle a bloqué la construction de l’Europe, ce fut pour des raisons stricteme
850 raisons strictement politiques ou culturelles. On a alors pu constater combien celles-ci étaient efficaces et mobilisatri
851 t pas un thème très mobilisateur… À vrai dire, on a l’impression que leurs idées sur le sujet ne sont pas très précises.
852 je créais le Centre européen de la culture, il m’ avait envoyé un long rapport dans lequel il expliquait que la culture franç
853 s lequel il expliquait que la culture française n’ avait pas d’avenir en dehors de la culture européenne et que celle-ci ne po
854 s laquelle il déclare, en gros, que les Africains auraient raison de « tirer à vue » sur tout Européen qui se présenterait à eux
855 omme on dit « nature humaine ») que les colonisés auraient raison de haïr. Aujourd’hui, Sartre signe des manifestes contre l’éle
856 elez mes « prophéties ». Tenez, en mai 1968, ça m’ a fait une bien curieuse impression de voir tant de jeunes gens — qui n
857 se impression de voir tant de jeunes gens — qui n’ avaient probablement pas lu une seule ligne de moi, ni d’Arnaud Dandieu, ni d
858 us rappellerai que Gramsci, dans les années 1920, avait intitulé sa revue Ordine nuovo. De plus, personne ne pouvait alors pr
859 lus, personne ne pouvait alors prévoir que Hitler aurait , un jour, l’impudence de s’approprier l’expression. Quant au fond, il
860 s se méprendre : l’expression « ordre nouveau » n’ avait pas du tout le sens qu’on lui prête aujourd’hui. Nous ne ressemblions
861 ord la Révolution… Laquelle ? Les révolutions qui avaient déjà eu lieu — comme celle de 1917, en Russie, ou comme celle qui se
862 ’était sur le drame d’une jeunesse européenne qui avait été abusée par les grandes doctrines du moment. Cette jeunesse avait
863 r les grandes doctrines du moment. Cette jeunesse avait faim de communauté, de rassemblement, voire de religion, et Hitler, S
864 religieux. » Et, en histoire, quand une jeunesse a faim, elle ne regarde pas ce qu’elle mange. Dans ces conditions, l’an
865 derne des religions d’État. C’est pour cela que j’ ai souvent défini le marxisme comme « l’opium de la révolution ». Quant
866 atique et une élection parfaitement régulière qui avaient permis à Hitler de devenir chancelier. Au fond, je faisais partie d’u
867 Francfort… C’est vrai. C’est grâce à Abetz que j’ ai pu voir de près l’horreur hitlérienne à ses commencements. Bien sûr,
868 vous l’accorde. Toujours est-il que, dès 1932, il avait témoigné un certain intérêt à notre petit groupe. Plus tard, il en pa
869 éfendions dans L’Ordre nouveau ou dans Esprit ont retrouvé une audience et une actualité formidables. Relisez les édito
870 ste personnaliste » au pouvoir. À ce moment-là, n’ avez -vous pas eu envie de vous engager plus directement dans l’action poli
871 ste » au pouvoir. À ce moment-là, n’avez-vous pas eu envie de vous engager plus directement dans l’action politique ? Étan
872 re à une carrière politique en France. De plus, j’ ai toujours eu horreur des partis. Ce qui ne m’a pas empêché de militer
873 rière politique en France. De plus, j’ai toujours eu horreur des partis. Ce qui ne m’a pas empêché de militer un peu parto
874 j’ai toujours eu horreur des partis. Ce qui ne m’ a pas empêché de militer un peu partoutbb afin de conjurer, de différer
875 apparaît que l’abomination du génocide hitlérien a peut-être, pour ultime conséquence, notre survie écologique, alors qu
876 séquence, notre survie écologique, alors que Ford aurait pu, à lui seul, nous conduire à l’asphyxie et à l’embouteillage mondi
877 tionne exactement comme une fédération de groupes ayant chacun ses lois propres. Ce type de contrat exclut, par définition, l
878 istan en est l’archétype. Manifestement — et je l’ ai prouvé —, Tristan n’aime pas Iseut. Il aime l’amour dans lequel l’ide
879 de. Il ne reconnaît rien au-dessus de lui et cela a commencé, chez nousbl, avec Philippe le Bel, qui s’est laissé persuad
880 t pour cela que, lorsque de Gaulle est mort, vous avez écrit un article intitulé « La mort de Tristan » ? La comparaison s’i
881 De Gaulle était une sorte de Tristan dont l’Iseut aurait été la France. Il le dit d’ailleurs dès les premières lignes de ses M
882 à ceux de la passion dans l’ordre de l’amour. Ils ont en commun le mépris de l’autre et la volonté de puissance. Certes, il
883 e l’autre et la volonté de puissance. Certes, ils ont affaire avec le sublime mais aussi, toujours, avec la mort. Si l’on p
884 ’à votre actuel militantisme d’écologiste, vous n’ auriez fait que l’apologie de la mesure contre l’excès et de la loi contre l
885 qu’il en coûte. Avant la guerre, Emmanuel Mounier avait dit ; « Denis de Rougemont écrit avec un œil sur l’absolu et un œil s
886 t un œil sur Jean Paulhan. » À l’évidence, vous n’ avez pas changé… C’est vrai. Qu’y puis-je ? Le classicisme, en morale, c’e
887 le désert. On pardonne tout aux prophètes, sauf d’ avoir raison… Il fallut son dernier livre, L’Avenir est notre affaire , pa
888 ertaire, et qui fait encore figure d’accusée pour avoir refusé le militantisme et l’embrigadement. L’immense succès de L’Amo
889 ougemont, manifestement agacé par les libertés qu’ a prises le journaliste en transcrivant l’entretien. as. Rougemont pro
890 ises le journaliste en transcrivant l’entretien. as . Rougemont propose de supprimer « même ». at. Point d’interrogation
891 bd. Sous le paragraphe entre parenthèses : « Je n’ ai jamais dit ça. » be. Grand point d’interrogation en marge de ce para
892 ouée à une destinée éminente et exceptionnelle. J’ ai , d’instinct, l’impression que la Providence l’a créée pour des succès
893 ’ai, d’instinct, l’impression que la Providence l’ a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires. » bn. Deu
32 1977, Articles divers (1974-1977). Pierre Desgraupes fait le point avec Denis de Rougemont (10 octobre 1977)
894 ne choisissons pas librement notre avenir, il n’y aura plus d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que les rares s
895 est pas vous que j’étonnerai en disant qu’il y en a beaucoup et qu’on en a beaucoup parlé. Ce qui m’intéresse moi, c’est
896 nerai en disant qu’il y en a beaucoup et qu’on en a beaucoup parlé. Ce qui m’intéresse moi, c’est de dénoncer la fausseté
897 es et des organismes vivants avec laquelle elle n’ a pourtant rien à voir. Car la croissance biologique est une croissance
898 même ce qui la définit : les plantes et les corps ont leurs chromosomes, leurs cellules qui sont programmés, comme on dit,
899 nt associées. C’est tout à fait abusivement qu’on a transporté ce terme de croissance dans le domaine des choses matériel
900 ce dans le domaine des choses matérielles où il n’ a plus aucun sens, parce qu’on envisage là une croissance indéfinie ; p
901 envisage là une croissance indéfinie ; personne n’ a jamais dit à quel moment il faudrait que l’économie s’arrête de croît
902 e ne me souviens pas, dans aucun de mes livres, d’ avoir écrit cette phrase ! Mais on l’a si souvent citée comme étant de moi
903 es livres, d’avoir écrit cette phrase ! Mais on l’ a si souvent citée comme étant de moi que je l’adopte volontiers ! Alor
904 rente ans environ. Autour de l’an 2000, il n’y en aura presque plus ou il sera devenu si rare et horriblement cher qu’il ne
905 e générale de toutes les voitures parce qu’il n’y aura plus de pétrole pour les faire rouler. Donc, je ne prédis pas une cat
906 l’heure sur les cataclysmes ? La voici : « Il n’y aura plus d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que les rares s
907 ement. Je suis absolument persuadé, et personne n’ a jamais pu me faire d’objection sérieuse contre cette théorie, que si
908 est celui des centrales nucléaires. Les États qui ont augmenté leur PNB se mettent à vendre des centrales nucléaires — je n
909 mettent à vendre des centrales nucléaires — je n’ ai pas besoin de dire lesquels, tout le monde le sait — c’est une manœuv
910 années et puis, après moi, le déluge… » Je vous l’ ai dit, ce sont ceux qui annoncent les catastrophes qui les fabriquent.
911 ales de retraitement de plutonium, alors qu’ils n’ ont pas une seule centrale nucléaire, donc pas de déchets à retraiter, ne
912 ministres de tous pays racontent, mais il n’y en a pas un seul qui y croit ! Ils ne pourraient pas se regarder entre eux
913 que si tant d’hommes mentent, c’est qu’il doit y avoir là quelque chose d’irrationnel. Cela pose en effet un problème psycho
914 ts ? » Pas un savant sérieux ne peut dire qu’il l’ a trouvée. Ça se saurait immédiatement, ça ferait beaucoup de bruit si
915 it beaucoup de bruit si l’on savait que quelqu’un a trouvé la réponse. Mais vous entendez dire tous les jours : « Ça n’es
916 tous les jours : « Ça n’est plus un problème, ça a été réglé. » Les gens qui profèrent ces mensonges savent très bien qu
917 bien que — comme le dit un proverbe — le mensonge a les jambes courtes, il est vite rattrapé. Mais ça ne fait rien, ils c
918 re un exemple dans mon propre pays, la Suisse. On a appris, à un moment donné, qu’il existait chez nous un conseil d’expe
919 citoyen ne savait rien de cette chose-là quand on a annoncé la démission avec éclat d’un certain professeur de physique q
920 ysique qui faisait partie de cette commission. Il a dit : « Je ne veux plus continuer à me prêter à cette comédie, je sui
921 is dans un seul pays. Détrompez-vous, le problème a été très sérieusement discuté aux États-Unis, vu la gravité de la cho
922 chose. Un prix Nobel de physiologie, George Wald, a même été amené à formuler la question de la façon suivante : « D’un c
923 r la question de la façon suivante : « D’un côté, a-t -il dit en substance, il y a des savants qui affirment que tous les ri
924 du nucléaire sont maîtrisés ; de l’autre, il y en a tout autant, sinon plus, qui affirment le contraire. Qui croire ? » E
925 irment le contraire. Qui croire ? » Et sa réponse a été : « C’est très simple, il faut croire ceux qui n’ont rien à gagne
926  : « C’est très simple, il faut croire ceux qui n’ ont rien à gagner de la position qu’ils prennent. » Et il observe que sur
927 observe que sur les vingt-six universitaires qui ont signé la déclaration en faveur des centrales, quatorze occupent en mê
928 ’est bien là, justement, tout le problème. Il n’y a aucun impératif à cela. Ce sont encore des « experts » qui ont invent
929 ératif à cela. Ce sont encore des « experts » qui ont inventé cet « impératif » ! Ils nous disent : « Si on n’a pas recours
930 é cet « impératif » ! Ils nous disent : « Si on n’ a pas recours au nucléaire, on devra retourner dans les cavernes ! » C’
931 monstrueuse. Avec les centrales nucléaires, nous aurons , selon les estimations les plus optimistes, 20 % de plus d’électricit
932  % d’économie tout de suite ; depuis la crise, on a fait 20 % en Suisse comme on a voulu, sans le moindre mal. D’ailleurs
933 epuis la crise, on a fait 20 % en Suisse comme on a voulu, sans le moindre mal. D’ailleurs, écoutez. Faites un calcul qui
934 de la nation, le mythe de la grandeur. De Gaulle a incarné cela. Il se moquait des Français, mais il voulait la grandeur
935 t la dictature des administrations ; Peyrefitte l’ a très bien montré dans Le Mal français. Sa thèse m’aide plus qu’elle n
936 hèse m’aide plus qu’elle ne me contrarie ; car il a très bien montré, dans le cas de problèmes qu’il évoque, que même le
937 Gaulle, chef de l’État, agissant comme un roi, n’ avait rien pu faire de ce qu’il voulait parce que l’État c’était les foncti
938 us, quand deux conventionnels, Sieyès et Thouret, ont émis l’idée tout à fait étonnante de diviser la France en carrés de 1
939 en réguliers… C’était une idée de fou, mais on en a débattu passionnément. Et si vous croyez que ce sont là des divagatio
940 s ouvertement à cause des moyens énormes que nous a donnés la technique, nucléaire notamment. La première phrase de mon l
941 oisir librement son avenir, du seul fait qu’il en a pour la première fois la liberté, donc la responsabilité. C’est à la
942 dernier choix possible. Mais quel sens peut bien avoir cette liberté que vous accordez à l’homme en face d’un État que vous
943 on substituer à l’État ? Des communautés vivantes ayant d’autres fins que leur propre puissance. Un tel substitut de l’État a
944 leur propre puissance. Un tel substitut de l’État a-t -il jamais existé ? Pouvez-vous m’en citer un modèle ? Eh bien, je pou
945 ple, c’est la cité de Milet, sur la mer Égée, qui avait eu la sagesse de savoir que si elle dépassait mettons 100 000 habitan
946 ’est la cité de Milet, sur la mer Égée, qui avait eu la sagesse de savoir que si elle dépassait mettons 100 000 habitants,
947 istes délégués qui s’imposeraient et les autres n’ auraient plus rien à faire que subir simplement. Aussi quand la population app
948 e en exportant une partie de la population. Ils l’ ont fait soixante-dix fois, figurez-vous ! Je suppose que les linguistes
949 urez-vous ! Je suppose que les linguistes grecs n’ avaient pas encore inventé le mot « déportation »… Mais ne souriez pas : la s
950 , qui, sans du tout connaître l’exemple de Milet, a retrouvé cette sagesse. Ils étaient 100 à 150 pour cultiver un très g
951 pour cultiver un très grand lopin de terre qu’ils avaient acheté en Haute-Provence. Et quand ils sont devenus un peu trop nombr
952 ombreux pour la survie harmonieuse du groupe, ils ont commencé à essaimer ; ils ont aujourd’hui une dizaine de communautés
953 euse du groupe, ils ont commencé à essaimer ; ils ont aujourd’hui une dizaine de communautés répandues sur quatre pays qui
954 tent plus ou moins en relation ; par exemple, ils avaient d’immenses troupeaux de moutons, mais ils ne savaient pas trop quoi f
955 ient pas trop quoi faire avec la laine. Alors ils ont acheté une usine en Savoie pour faire des tissus. Le début de la puis
956 devenir toujours plus grand jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune possibilité matérielle de prendre son destin en main. Il
957 qui est composée de nombreux petits cantons, nous avons eu longtemps ce que nous appelons « Landsgemeinde », l’assemblée de c
958 t composée de nombreux petits cantons, nous avons eu longtemps ce que nous appelons « Landsgemeinde », l’assemblée de cant
959 core plusieurs cantons — les plus petits — qui en ont conservé la coutume. Bien sûr, vous allez me dire qu’aujourd’hui il y
960 me dire qu’aujourd’hui il y a l’électronique qui a tout changé et que le chef de l’État peut se faire entendre à des mil
961 ce n’est encore qu’une intention, et il ne peut y avoir de vraie démocratie dans des dimensions qui sont incompatibles avec l
962 sions nous conduisent à des grandes guerres ?bq J’ ai fait une comparaison assez poussée entre le petit État ou la petite c
963 s beaucoup d’autres d’ailleurs) que le petit État a absolument tous les avantages sur le grand sauf un : il ne peut pas f
964 irait ensuite dévaster tout autour d’elle, comme ont voulu le faire les rois de France, de Castille et d’Angleterre, pour
965 voilà encore un autre modèle de quelque chose qui a duré maintenant sept-cents ans et qui fonctionne très bien, parce que
966 s me paraît terminé ; ce n’est pas une idée que j’ ai aujourd’hui. Je l’ai découverte et nous l’avons formulée pour la prem
967 ce n’est pas une idée que j’ai aujourd’hui. Je l’ ai découverte et nous l’avons formulée pour la première fois lorsque, fa
968 ue j’ai aujourd’hui. Je l’ai découverte et nous l’ avons formulée pour la première fois lorsque, face à la montée d’Hitler et
969 le mouvement personnaliste est né. En 1934, nous avions inventé une formule qui est devenue banale par la suite : pour qualif
970 e le cadre le mieux adapté aux problèmes que nous avons à résoudre d’urgence. Regardez, par exemple, ce qui se passe avec la
971 j’y crois. Et aussi parce que pendant longtemps j’ ai été moins écouté que des gens qui ont fait des palinodies éclatantes,
972 longtemps j’ai été moins écouté que des gens qui ont fait des palinodies éclatantes, ce qui attire beaucoup l’attention. M
973 Les Américains disent : « Manger son gâteau et l’ avoir encore. » Ils veulent tout à la fois. Ils épousent de bons idéaux, ma
974 ppelle une catastrophe enseignante ; parce que ça a fait peur à tout le monde, ça a touché juste assez grand pour que tou
975 te ; parce que ça a fait peur à tout le monde, ça a touché juste assez grand pour que tout le monde fasse très attention 
976 pour que tout le monde fasse très attention ; ça a appris une quantité énorme de réalités du monde moderne au grand publ
977 re « la pédagogie des catastrophes ». Car il y en aura d’autres. Quelques petits nuages de sodium ou de plutonium qui iront
978 c’est déjà arrivé sans qu’on nous le dise. On les a arrêtés au dernier moment, à plusieurs reprises, mais quand les gens
979 er derrière les buissons. C’est tout juste s’il n’ a pas dit : « Je ne suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’e
980 as dit : « Je ne suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’est-ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’est pas m
981 Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’est-ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève » ; alors Dieu a d
982 ui a demandé : « Qu’est-ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève :
983 it : « Ce n’est pas moi, c’est Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève : « Qu’est-ce que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’
984 ; alors Dieu a demandé à Ève : « Qu’est-ce que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’est pas moi, c’est le serpent. » Et le
985 ndé à Ève : « Qu’est-ce que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’est pas moi, c’est le serpent. » Et le serpent, bien sûr
986 ant, quelques-uns des thèmes personnalistes qui l’ ont rendu célèbre il y a plus de trente ans et font de lui aujourd’hui l’
987 e enquête sur “Les déchets du progrès”. » bq. On a ici conservé l’original, même s’il semble que cette question soit de
33 1977, Articles divers (1974-1977). L’Avenir est votre affaire (11 octobre 1977)
988 nir est votre affaire (11 octobre 1977)bs bt J’ ai rencontré Denis de Rougemont dans sa maison de Pouilly, tout près de
989 en fonction de ce que nous allons choisir. Nous n’ avons jamais été dans une situation aussi critique et c’est la première foi
990 nité est confrontée à un tel problème, car elle n’ avait pas, auparavant, les moyens de tout faire sauter. Je parle d’un délai
991 ps. Ils sont ou trop petits ou trop grands, ils n’ ont plus rien à faire dans ce siècle. Je n’accuse pas les gouvernants d’ê
992 exemple, tout le monde s’en fout à Paris, comme l’ a bien montré l’attitude du gouvernement français à propos de la région
993 sis » où des Allemands, des Français, des Suisses ont acquis une conscience régionale dans leur résistance commune aux cent
994 ons ? Pourquoi reste-t-il au pouvoir, alors qu’il a pris conscience de l’impuissance de ce pouvoir ? Car c’est une vérité
995 rds et qu’il en faudra des centaines ! Personne n’ a prouvé que c’était nécessaire. On dit qu’il faudrait économiser 30 %
996 ent, s’est trompé sur ses vrais besoins. « Il n’y a d’impératifs que de la nature » et nous devons lutter contre les tech
997 omotion bruyant et polluant), mais que Henry Ford a réussi, par un certain nombre d’astuces économiques et publicitaires,
998 l’on s’était interrogé à propos de la voiture, on aurait évité, par exemple, de voir aujourd’hui que 18 % du territoire de la
999 nt de vue écologique. Quand on pense que Pompidou a pu commettre cette bourde monumentale : « Il est temps que Paris s’ad
1000 bles succès de librairie à des « penseurs » qui n’ ont cessé de se renier et barbotent dans les plus inénarrables palinodies
1001 s Yves Saint-Laurent ou Cardin ! Je m’honore de n’ avoir jamais été à la mode et je me flatte d’avoir souvent été à contre-cou
1002 de n’avoir jamais été à la mode et je me flatte d’ avoir souvent été à contre-courant ! Ce qui est en jeu dans ce livre, comme
1003 se d’une très vaste information. Combien de temps avez -vous mis pour l’écrire ? J’ai mis quatre ans et demi pour achever L’
1004 Combien de temps avez-vous mis pour l’écrire ? J’ ai mis quatre ans et demi pour achever L’Avenir est notre affaire . Je
1005 i pour achever L’Avenir est notre affaire . Je n’ avais fait cela pour aucun de mes livres. J’ai écrit, par exemple, L’Amour
1006 Je n’avais fait cela pour aucun de mes livres. J’ ai écrit, par exemple, L’Amour et l’Occident en trois mois… En été 197
1007 mour et l’Occident en trois mois… En été 1973, j’ avais déjà écrit une centaine de pages, où je prévoyais certains événements
1008 ut en m’obligeant à jeter à la corbeille ce que j’ avais écrit. Je ne pouvais pas me donner l’air de prophétiser après coup ce
1009 e suis content de ce long temps de maturation qui a été nécessaire, car j’ai pu prendre de la distance par rapport à l’ac
1010 g temps de maturation qui a été nécessaire, car j’ ai pu prendre de la distance par rapport à l’actualité immédiate. Commen
1011 ’une morale de l’homme libre et responsable. Nous avons de nos jours une opposition entre les gens qui veulent la puissance (
1012 eulent la liberté des personnes. On dit qu’il n’y a pas de liberté sans puissance. À quoi je réponds que la puissance est
1013 Rougemont consacrera l’un des onze ouvrages qu’il a en préparation. Tout en voyant très clairement les menaces qui pèsent
1014 er une société plus amicale, où les êtres humains auraient la possibilité de communiquer, de ne plus vivre comme la « foule soli
1015 omme la « foule solitaire » des grandes villes. J’ ai une certaine confiance, car j’observe qu’une immense révolution se pr
1016 passé ! Je relèverai ensuite que trois dictatures ont disparu de l’Europe ces dernières années, et cela sans bain de sang.
1017 du xxie siècle sera très exactement ce que nous aurons voulu et c’est à chaque seconde de notre vie présente que se dessine
1018 de Rougemont est décidément un homme étonnant. Il a fêté l’an dernier son soixante-douzième anniversaire, il est un écriv
34 1977, Articles divers (1974-1977). « Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)
1019 qui ne se sont jamais trompés (Denis de Rougemont a dénoncé en 1932 le péril nazi et il lutte depuis plus de vingt ans po
1020 de vingt ans pour le fédéralisme et l’écologie), ont souvent le ton docte et la mine morose. Denis de Rougemont, lui, gard
1021 on livre qui vient de paraître aux éditions Stock a un beau titre : L’Avenir est notre affaire . Il va devenir la bible
1022 directeur du Centre européen de la culture, qu’il a lui-même fondé à Genève, et auteur de trente-deux ouvrages parmi lesq
1023 squels L’Amour et l’Occident paru en 1939. Je n’ avais pas commencé mon essai sur L’Amour et l’Occident à la date à laquel
1024 et l’Occident à la date à laquelle mon éditeur m’ avait demandé de le remettre. J’ai donc très volontiers cédé la place à un
1025 lle mon éditeur m’avait demandé de le remettre. J’ ai donc très volontiers cédé la place à un jeune auteur qui s’appelait C
1026 tre le nucléaire, quelle est la parenté ? Il y en a une très visible ! Je défends une certaine idée du mariage dans L’Am
1027 L’égalité dans la différence, sans uniformité ! J’ ai toujours combattu pour le régionalisme, et ce qui me fait plaisir c’e
1028 un « pessimiste actif ». Il y a une phrase que j’ ai écrite et à laquelle je tiens, c’est celle-ci : « La décadence d’un p
1029 nt ? La France est un pays centralisateur où l’on a le goût du secret. Pour les Français, le régionalisme c’est une redéc
1030 ntéressez-vous aux antinucléaires, parce qu’ils n’ ont rien à y gagner… C’est déjà un élément de réflexion. Et à partir de l
35 1977, Articles divers (1974-1977). « L’avenir, c’est notre affaire ! » (18 octobre 1977)
1031 entendu : l’ouvrage est un succès public. Nous en avons parlé avec l’écrivain dans sa demeure de Pouilly, en France : « Le pa
1032 ce diagnostic. La « grande révolution » de France a permis de réaliser un nivellement sans précédent. En 1790, on traduis
1033 icielle feint de l’ignorer. La révolution de 1789 a créé l’État-nation qui, ensuite, s’est répandu dans le monde. La révo
1034 répandu dans le monde. La révolution russe, elle, a créé l’État-parti, qui concentre encore plus de moyens en un centre d
1035 nation, en invoquant les nécessités de la guerre, a permis l’essor d’industries de plus en plus concentrées. L’industrie
1036 on aux peuples. L’État-parti, qui domine à l’Est, a suivi la même voie. C’est d’autant plus dangereux que le gigantisme é
1037 table conduirait à des désastres politiques. Nous avons pris le parti de l’homme, multiple et libre, face aux « systèmes ».
1038 e confirmer dans ma voie. Lecteur en Allemagne, j’ ai donné, en 1935 et 1936, un cours sur la littérature de la Révolution
1039 es textes révolutionnaires sous mes yeux : cela m’ a appris beaucoup de choses. En fait, les nazis étaient des jacobins, l
1040 acobins, la convergence était évidente. Et puis j’ ai vu Hitler célébrer le culte nazi à la Festhalle de Francfort, j’ai vu
1041 brer le culte nazi à la Festhalle de Francfort, j’ ai vu, j’ai senti ce qu’il faut bien appeler l’âme de la foule. Une faus
1042 ulte nazi à la Festhalle de Francfort, j’ai vu, j’ ai senti ce qu’il faut bien appeler l’âme de la foule. Une fausse commun
1043 née de la grisaille et de l’anonymat. Quand j’en ai parlé en France, en 1936, les uns m’ont taxé de folie et les autres m
1044 Quand j’en ai parlé en France, en 1936, les uns m’ ont taxé de folie et les autres m’ont pris pour un agent allemand chargé
1045 1936, les uns m’ont taxé de folie et les autres m’ ont pris pour un agent allemand chargé de leur faire peur… Ce qui est tra
1046 des portraits fidèles. Il y a également toujours eu des mouvements communautaires plus ou moins idéalistes. Mais aujourd’
1047 re les systèmes, montre notamment que l’actualité a fini par coïncider avec son combat et lance un cri d’alarme. »
36 1977, Articles divers (1974-1977). La fonction et la structure de la ville future (décembre 1977)
1048 ille Création de l’ère néolithique, la ville n’ a guère plus de 9000 ans d’âge : de Jéricho à Manhattan et Brasilia, so
1049 éricho à Manhattan et Brasilia, son développement a été celui de la civilisation elle-même. Le Paradis était un jardin. C
1050 d du Ciel « préparée comme une épouse », et qui n’ a besoin « ni du Soleil ni de la Lune pour l’éclairer, car la gloire de
1051 2. Pourquoi des villes ? Parce que les hommes ont besoin de vivre ensemble et tendent vers la libre communauté des pers
1052 t de grandes distances entre le logis et l’usine, ont fait surgir les « villes tentaculaires », dix fois ou cent fois plus
1053 s, — et parce qu’ils ne s’y sentent pas libres, n’ ayant plus la possibilité d’être responsables, les grandes villes sont deve
1054 5. La ville de demain La ville de demain n’ aura plus à répondre aux « impératifs techniques » des promoteurs, ni aux
1055 , plein, square — dérivée de l’agora et du forum, a été le lieu politique par excellence — le sénat et le parlement n’éta
1056 le doit devenir l’école pratique du civisme. Nous avons aujourd’hui les villes que leurs habitants ont subies, qui ont été fa
1057 avons aujourd’hui les villes que leurs habitants ont subies, qui ont été faites pour le profit de quelques-uns, avec l’aid
1058 ui les villes que leurs habitants ont subies, qui ont été faites pour le profit de quelques-uns, avec l’aide forcée de tous
1059 avec l’aide forcée de tous les contribuables qui avaient oublié d’être des citoyens. Nous aurons, demain — c’est mon vœu, et c
1060 bles qui avaient oublié d’être des citoyens. Nous aurons , demain — c’est mon vœu, et celui de ce congrès je l’espère — les vil
1061 e l’espère — les villes que leurs citoyens actifs auront voulues et mesurées pour le mieux-être de tous, et pour que toujours
37 1977, Articles divers (1974-1977). Demain le soleil (20 décembre 1977)
1062 dateur du Centre européen de culture à Genève, il a écrit une trentaine d’ouvrages : Penser avec les mains , Vingt-huit
1063 ope , Journal d’une époque , et le livre qui lui a apporté la célébrité et qui est aujourd’hui un grand classique, L’Am
1064 cès mondial est à l’origine d’un malentendu qu’il a voulu dissiper dès les premières minutes de notre conversation. L’A
1065 s de notre conversation. L’Amour et l’Occident a été traduit en douze langues et publié dans quatorze pays, mais toujo
1066 ais toujours avec de faibles tirages. Ce succès n’ a jamais été un best-seller. On vient de raconter que j’en avais vendu
1067 été un best-seller. On vient de raconter que j’en avais vendu douze millions d’exemplaires, quel bobard ! J’ai fait l’additio
1068 ndu douze millions d’exemplaires, quel bobard ! J’ ai fait l’addition, le chiffre de vente réel est inférieur à 400 000 exe
1069 onde agréable quand il sera grand. Ensuite, que j’ ai écrit des livres, que je suis l’initiateur du mouvement fédéraliste e
1070 u utopiste ? On ne ferait jamais rien si chacun n’ avait pas sa petite utopie. Depuis mon plus jeune âge, je crois à une forme
1071 es hommes serait possible. Dès les années 1930, j’ ai fondé le mouvement personnaliste qui a fait un peu de bruit à l’époqu
1072 s 1930, j’ai fondé le mouvement personnaliste qui a fait un peu de bruit à l’époque, mais qui est resté ce qu’on appelle
1073 i un groupuscule. Quand la guerre est arrivée, on aurait pu croire que ces idées et cette doctrine allaient disparaître dans l
1074 ent disparaître dans le gouffre général : il n’en a rien été. Tous les mouvements de résistance dans les pays d’Europe se
1075 nos idées, même en Allemagne nazie, puisque nous avons eu des rapports avec le fameux Orchestre rouge qui passait via la Sui
1076 dées, même en Allemagne nazie, puisque nous avons eu des rapports avec le fameux Orchestre rouge qui passait via la Suisse
1077 lle de l’État-nation. Communistes et capitalistes ont les mêmes finalités et poursuivent les mêmes buts, il n’y a entre eux
1078 s finalités et poursuivent les mêmes buts, il n’y a entre eux aucune différence à cet égard. Une compétition acharnée de
1079 plus de trente ans et… Vous voulez dire que je n’ ai rien empêché, c’est vrai. Mais la fonction de l’intellectuel est de f
1080 n ? Par sa science et son invention technique, il a en main des moyens tels qu’il ne peut plus se payer le luxe sous prét
1081 s fléaux sociaux, longtemps avant que la foule en ait pris conscience. Cette idée neuve et hardie est de mon ami Bertrand d
1082 sible par la sensibilité. Ces indicateurs vivants ont le privilège de ressentir au plus profond d’eux-mêmes les réalités so
1083 s êtes l’un de ces hommes sensibles ? Dès 1932, j’ avais prévu les victoires et la chute d’Adolf Hitler. Le désastre était ins
1084 tion d’Hitler dans l’ordonnancement de l’Histoire ont dépassé la Deuxième Guerre mondiale, ses ruines, ses massacres ses ex
1085 es ruines, ses massacres ses exterminations. Si j’ ai bien compris la démonstration que m’a faite Denis de Rougemont, la me
1086 ions. Si j’ai bien compris la démonstration que m’ a faite Denis de Rougemont, la menace apocalyptique qui pèse sur l’aven
1087 d’Hitler sur la terre, surtout lorsque ce passage a croisé la progression de l’automobile. À première vue, cette histoire
1088 oins dès que Denis de Rougemont la raconte, après avoir précisé en exergue : Hitler et l’automobile auront été les deux fléau
1089 avoir précisé en exergue : Hitler et l’automobile auront été les deux fléaux les plus dévastateurs xxe siècle et que la futur
1090 us dévastateurs xxe siècle et que la futurologie a manqués. J’ai donc écouté Denis de Rougemont m’expliquer comment Ford
1091 rs xxe siècle et que la futurologie a manqués. J’ ai donc écouté Denis de Rougemont m’expliquer comment Ford, qui générali
1092 libre) lorsqu’il s’aperçoit que les Américains n’ ont pas tellement envie de ses voitures. Par la force de la publicité, il
1093 lsifiant leur désir à la source même. À 21 ans, j’ ai écrit un article pour dénoncer cette entreprise et annoncer à quelle
1094 à quelle fatalité nous allions être livrés. Ford a donné un tel essor que les villes se sont développées en fonction de
1095 sont développées en fonction de l’automobile. On a dépassé les limites humaines et des utopies se sont réalisées pour pl
1096 aient maîtres de la richesse du monde et qui n’en avaient pas conscience. Nous sommes loin d’Hitler… Au contraire, nous en somm
1097 le général Kadhafi le déclarait en 1973 : « Nous avons entre les mains de quoi détruire toute l’économie européenne et il n’
1098 mment Hitler apparaît-il dans les sables ? Hitler a eu ce succès gigantesque en Allemagne parce qu’il a senti que, dans l
1099 ent Hitler apparaît-il dans les sables ? Hitler a eu ce succès gigantesque en Allemagne parce qu’il a senti que, dans le m
1100 eu ce succès gigantesque en Allemagne parce qu’il a senti que, dans le monde capitaliste, les hommes avaient un besoin fo
1101 senti que, dans le monde capitaliste, les hommes avaient un besoin fondamental de communauté. Nos sociétés n’avaient pas de ra
1102 besoin fondamental de communauté. Nos sociétés n’ avaient pas de raison à ce besoin et Hitler a apporté la sienne, qui était ab
1103 tés n’avaient pas de raison à ce besoin et Hitler a apporté la sienne, qui était aberrante, à l’Allemagne : le racisme, i
1104 ’est ainsi que, d’une voix tranquille, comme il m’ aurait raconté quelque fable plaisante, Rougemont venait de démonter, pour m
1105 agencements de l’Histoire dont on se demande qui a pu les imaginer. Ford part d’une extrémité, Hitler de l’autre. Ils se
1106 ne choisissons pas librement notre avenir, il n’y aura plus d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que les rares s
1107 oir exactement pourquoi. Denis de Rougemont, lui, a le droit de parler d’un problème qui est le centre de ses préoccupati
1108 les avis des grands spécialistes. Quelles raisons a-t -il de se déclarer contre le nucléaire ? Le nucléaire n’est pas un pro
1109 iel : nous sommes les seuls responsables car nous avons créé une société vorace en énergie. Qui nous a obligés à respecter la
1110 vons créé une société vorace en énergie. Qui nous a obligés à respecter la religion qui consiste à doubler tous les dix a
1111 plus bas. Les innovations techniques peuvent même avoir une dimension poétique. Regardez la merveille qu’est le Concorde. C’e
1112 t tuer le plus grand nombre de gens possible pour avoir de la compagnie. Conscience branchée sur le monde Déjà nous lui
1113 les où seront enfouis les déchets radioactifs qui auront , auparavant, ruiné l’humanité. Denis de Rougemont est reparti vers sa
1114 Rougemont est reparti vers sa Suisse paisible. Il a encore à réfléchir et à chercher. Là-bas, protégé par le rempart de s
1115 s enfants. Pour eux, il faut s’efforcer de ne pas avoir à écrire FIN, mais À SUIVRE au bas de la longue histoire qui s’écrit
38 1977, Articles divers (1974-1977). Écologie, régionalisme, fédéralisme : l’avenir selon Denis de Rougemont (30 décembre 1977)
1116 . Mais cet été, l’opinion à laquelle il s’adresse a été réveillée par Creys-Malville, entre autres. Après avoir vécu plus
1117 réveillée par Creys-Malville, entre autres. Après avoir vécu plusieurs années avant la guerre en Allemagne, ensuite aux États
1118  : ceux qui croient qu’on peut continuer ce qu’on a fait depuis vingt-cinq ans, sont en pleine utopie au mauvais sens du
1119 mage, l’inflation. La crise de l’Occident mondial a pour critère spécifique de résulter non de l’échec mais de la réalisa
1120 raphique et son corollaire, la croissance urbaine ont ralenti en Europe, après tout de même que le boom industriel sans vis
1121 tout de même que le boom industriel sans vision, ait détruit le cadre de vie. En Suisse, la croissance démographique est n
1122 gasins et deux grandes surfaces ! En 1977, il n’y a plus que 5800 habitants, il y a des immeubles vides et dans certains
1123 aux élections et au programme d’autoroutes qu’ils ont promises. L’État : le roi, c’est moi Les xixe et xxe siècles
1124  : le roi, c’est moi Les xixe et xxe siècles ont été marqués par les « économies d’échelle » qui ont conduit à une con
1125 t été marqués par les « économies d’échelle » qui ont conduit à une concentration toujours de plus en plus grande et à part
1126 noter à cet égard que la civilisation occidentale a fait plus de mal après que pendant la colonisation qui n’a duré en fi
1127 us de mal après que pendant la colonisation qui n’ a duré en fin de compte que quatre-vingts ans. Le fossé s’est accru dep
1128 is la décolonisation. ⁂ Ce que Denis de Rougemont a apporté de neuf, c’est d’avoir démontré que l’État est responsable de
1129 que Denis de Rougemont a apporté de neuf, c’est d’ avoir démontré que l’État est responsable de tout, puisqu’il revendique le
1130 arle. Ce sont les États-nations et eux seuls, qui ont géré la terre. Ils ont géré et détruit les ressources en vue de leur
1131 -nations et eux seuls, qui ont géré la terre. Ils ont géré et détruit les ressources en vue de leur puissance. Pour Denis d
1132 a lutte contre la pollution. C’est l’Amérique qui a exporté l’inflation, née de la guerre du Vietnam, en Europe : seule u
1133 encore, soit dit en passant, le parti communiste a opéré un virage à 180 degrés. Mais sur le fond, quelle que soit la na
1134 estissements fabuleux et inchiffrables (l’uranium a quintuplé en sept ans). Les prix de tous les éléments varient tous le
1135 ts. Il y a peu de temps, le gouvernement français a même décidé que l’armée pourrait être utilisée aux fins de défendre l
1136 ciété nucléaire est une société policière. « J’ ai bon espoir » L’énergie solaire, au contraire, et c’est sans doute
1137 tra des mouvements sociaux sans précédent. Mais j’ ai bon espoir. Les choses peuvent aller très vite. Car ce mouvement n’es