1 1974, Articles divers (1974-1977). La personne comme fondement des valeurs européennes (19 septembre 1974)
1 ement, c’est moins encore par le sujet — héritage dans un cas, promesse dans l’autre — que par le climat qui les baigne. La
2 ore par le sujet — héritage dans un cas, promesse dans l’autre — que par le climat qui les baigne. La première souhaitait ap
3 aut d’abord les croire… (Situation moins nouvelle dans l’histoire qu’on ne le pense : c’est celle du peuple juif devant ses
4 par un symbole la nature des changements survenus dans notre approche du phénomène européen, reconnaissons qu’il y a eu, aus
5 itique des Européens s’originent l’une et l’autre dans nos attitudes devant la nature et l’État, dans l’échelle des valeurs,
6 re dans nos attitudes devant la nature et l’État, dans l’échelle des valeurs, réglant nos choix concrets, dans les finalités
7 ’échelle des valeurs, réglant nos choix concrets, dans les finalités dont ces valeurs sont en définitive les moyens. De la p
8 a table — et vous tous qui entrerez, je l’espère, dans le débat — aux prises avec une question simple tout au moins dans son
9 aux prises avec une question simple tout au moins dans son énoncé : quelle société rénovée voulons-nous, nous autres « bons
10 temps d’Aristote la gestion des rapports humains dans la cité. Que le Conseil en soit remercié par les Douze, en tant qu’in
11 citoyens. Car le Conseil ne tente rien de moins, dans cette affaire, que de fonder la politique européenne, et de la fonder
12 , par instants, peut saisir et peut seule activer dans notre histoire. Où irons-nous ? Au nom de quoi ? Et en vue de quelles
13 tels qu’ils sont, ou tels qu’ils peuvent devenir, dans une société rénovée ? Selon quelle hiérarchie de valeurs ? Gagée sur
14 t respecté et généralement obéi par la communauté dans laquelle nous sommes nés ? Devant ces problèmes de destin, notre appr
15 multiplient ces grands points d’exclamation qui, dans la signalisation routière, annoncent un passage dangereux, quand ce n
16 unesse à quelques-uns, et qui a subitement éclaté dans les universités de tout l’Occident et dans les rues de nos capitales
17 éclaté dans les universités de tout l’Occident et dans les rues de nos capitales au mois de mai 1968 : Que faisons-nous là ?
18 Que faisons-nous là ? Quel est le sens de ma vie dans cette société qui n’en est pas une, puisqu’elle n’est plus une commun
19 , laisse des millions de jeunes — et d’autres ! —  dans l’angoisse et l’irresponsabilité forcée, livrés au vertige des idéolo
20 és au vertige des idéologies sans points d’appui, dans le sentiment que la cité, démesurée, l’énorme État-nation centralisé
21 ne peut que les brimer, et les oblige à s’évader dans la drogue, dans la révolution verbale des minorités vociférantes, ou
22 brimer, et les oblige à s’évader dans la drogue, dans la révolution verbale des minorités vociférantes, ou dans l’imbécilli
23 révolution verbale des minorités vociférantes, ou dans l’imbécillité civique des majorités silencieuses. Il est normal que l
24 mande à quoi tout cela rime, et descende le crier dans la rue : il serait anormal qu’on ne lui réponde que par des coups de
25 thétique, parce qu’on peut renverser des voitures dans la rue, un dictateur dans son palais, mais on ne peut renverser ce qu
26 renverser des voitures dans la rue, un dictateur dans son palais, mais on ne peut renverser ce qui ne tient pas debout, ce
27 eurs et de leurs conflits ; et des guerres aussi, dans lesquelles nous avons entraîné toute la planète. Or à leur tour, ces
28 ra selon la réponse. Et avec cela entrent en jeu, dans le concret, les valeurs, dont une mode de naguère avait tenté de décr
29 décréter l’inexistence. Qu’est-ce qu’une valeur, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’est pas une entité philosophique. C
30 avons l’impression que quelque chose a été faussé dans l’échelle des priorités, que la justice, la santé, la liberté, la qua
31 sont rarement aussi simples. Mais ils se ramènent dans l’ensemble à un dilemme fondamental entre l’impératif catégorique, qu
32 Chalcédoine en 451, époque où l’Église s’installe dans les cadres de l’Empire romain et tente de formuler à l’aide des catég
33 terme juridique définissant l’homme par son rôle dans la cité, après avoir désigné le masque porté par un acteur et caracté
34 que porté par un acteur et caractérisant son rôle dans l’action. Pour définir les trois fonctions ou relations divines, c’es
35 exprimer à la fois l’Un et le Divers, ou l’unité dans la diversité, les Pères adoptèrent donc le terme de personne. Mais c’
36 nce en tension de l’individu naturel et de ce qui dans l’homme « passe infiniment l’homme » comme dit Pascal : le transcenda
37 tera qu’autant que j’aurai le courage d’y marcher dans la nuit. Voilà qui implique la foi, cette forme de confiance dont Sai
38 e par l’homme, et qui nécessairement entraînerait dans sa perte l’espèce humaine. Car l’homme ne peut rien contre Dieu, tout
39 ndus « impératifs », — comme Adam court se cacher dans les buissons quand Dieu l’interpelle en Eden. On peut très bien ne pa
40 qu’une illusion, que le sujet n’existe pas, même dans le discours, que le langage ne fait qu’utiliser notre gosier, notre l
41 rce sur autrui conduit donc à l’État totalitaire, dans le système actuel de l’État-nation centralisé, déstructuré ; donc à l
42 rsonne. Une petite phrase de Simone Weil, géniale dans sa simplicité, dit là-dessus tout l’essentiel : « L’orgueil national
43 un désir inavoué, tout inconscient, de substituer dans le cadre de notre vie le minéral, pratiquement immortel (métal, verre
44 ture spirituelle et touche l’élément transcendant dans la personne, si bien qu’il peut relier des hommes de toute la terre,
45 re, c’est elle aussi qui me relie à mes prochains dans la cité, parce que c’est parmi eux, avec eux et pour eux, autant que
46 ion et civisme ne reprendront un sens concret que dans les petites unités, municipales et régionales, qu’il s’agit désormais
47 de règlements de police, mais au contraire, c’est dans la liberté de chaque personne que vient s’enraciner la solidarité du
48 tous les étages, d’aventure personnelle à courir dans une communauté retrouvée. Voilà le but. L’atteindrons-nous ? J’ai tou
2 1974, Articles divers (1974-1977). Alexandre Marc et l’invention du personnalisme (1974)
49 sion (qui est la bonne) telle que je l’ai publiée dans le Journal d’une époque, p. 93 et 94 : Chez Charles Du Bos à Versai
50 au poteau, pendant les journées d’Octobre. (Pris dans une rafle, des tracts plein les poches, on le pousse dans une file de
51 rafle, des tracts plein les poches, on le pousse dans une file de prisonniers vers le lieu de l’exécution. Un officier de p
52 rc des articles d’un ton violent qui paraissaient dans la revue Plans, où il m’introduisit bientôt. C’est par lui que j’ai c
53 llabore en 1931. Une seule chose sûre et certaine dans tout cela : c’est Alexandre Marc qui a provoqué presque toutes les re
54 Deux ans plus tard, le 1er décembre 1932, paraît dans la NRF le Cahier de revendications où ils se voient tous réunis,
55 les éléments fondamentaux d’une « cause commune » dans sa double opposition aux fascismes montants et au capitalisme en cris
56 idées et d’animateur d’actions communes qu’a joué dans ces années cruciales Alexandre Marc. ⁂ Que nous nous soyons rencontré
57 critique catholique, voilà qui n’importe guère : dans les deux cas, nos chemins se croisaient au point précis où j’éprouvai
58 ale personnelle, dont j’allais chercher le modèle dans la biographie de Goethe ; oscillant entre les extrêmes de Pascal et d
59 ans de cela. Je le retrouve aujourd’hui inchangé dans les données de sa personne morale, et confirmé dans sa carrure morale
60 ns les données de sa personne morale, et confirmé dans sa carrure morale. Pour l’apparence et le comportement, je l’ai un pe
61 doute à tant d’expériences traumatisantes subies dans son adolescence — la mort plusieurs fois vue de près, les déracinemen
62 oupes subversifs, alternant la rigueur doctrinale dans les « controverses de fractions » avec la souplesse dans l’action, et
63 s « controverses de fractions » avec la souplesse dans l’action, et maniant tour à tour l’exclusive jusqu’à la scission qui
64 u du moins c’est ainsi qu’on le nomme aujourd’hui dans les histoires de cette période). ⁂ L’idée œcuménique avait été lancée
65 , du moins les voies d’une convergence, non point dans les compromis dogmatiques ni dans une tolérance émue, mais à partir d
66 ence, non point dans les compromis dogmatiques ni dans une tolérance émue, mais à partir des divergences les plus strictemen
67 itement homologue au paradoxe fédéraliste. Je lis dans les travaux récents publiés sur l’Ordre nouveau que le Club du Moulin
68 nir que de la première. Nous étions une trentaine dans une salle nue qui me rappelait mes salles d’écoles primaires. Il y av
69 2 de l’ouvrage intitulé Mounier et sa génération. Dans ses carnets intimes, Mounier se révèle allergique à Dandieu (« Cheveu
70 dre Marc, fut de loin le plus « révolutionnaire » dans la période de lancement d’ Esprit . En revanche, je suis témoin qu’à
71 e, Mounier cède aux clichés communistes sur l’ON, dans le même temps qu’il écrit à l’archevêque de Paris qu’ Esprit est la
72 tance de ses apports à Plans et à Esprit , c’est dans L’Ordre nouveau que Marc allait trouver le climat le plus favorable
73 point qu’on ne sait pas quel fut l’apport de qui dans notre doctrine unanime. Sous l’impulsion de Marc — et c’est typique d
74 ’est-à-dire à concentrer l’existence de la nation dans le mécanisme économico-administratif qui n’en devrait être que le sou
75 ce thème central, quatre grands articles de Marc dans les numéros 20, 22-23, 29 et 31 de L’ON apportent une contribution
76 dieu : « Le droit ne se justifie-t-il pas surtout dans la mesure où il fournit un tremplin d’où s’élanceront les conquêtes e
77 la zone planée trouverait sa justification ultime dans le fait de libérer l’homme (création des automatismes, économie de l’
78 ’état. Ce point a été suffisamment mis en lumière dans tous nos écrits antérieurs pour nous épargner l’obligation d’insister
79 Propriété. Le fondement de la propriété n’est ni dans le mérite, ni dans le travail, ni dans l’utilité, mais dans la conquê
80 ement de la propriété n’est ni dans le mérite, ni dans le travail, ni dans l’utilité, mais dans la conquête… Le possédant es
81 é n’est ni dans le mérite, ni dans le travail, ni dans l’utilité, mais dans la conquête… Le possédant est celui qui marque,
82 rite, ni dans le travail, ni dans l’utilité, mais dans la conquête… Le possédant est celui qui marque, que ce soit un objet,
83 era guère que l’adjectif) : Tout homme est placé dans une certaine situation : c’est ce que les idéalistes sont toujours te
84 le citoyen abstrait, l’esprit pur n’existent que dans l’imagination déréglée des libéraux ; un être de chair et de sang n’e
85 -dire du conflit fondamental) auquel on se heurte dans cette perspective et que toute tentative de réduction moniste tourne
86 éalité. Une situation n’est réelle, en effet, que dans la mesure où elle est une, c’est-à-dire dans la mesure où la diversit
87 que dans la mesure où elle est une, c’est-à-dire dans la mesure où la diversité des éléments (dont seul un abus de langage
88 é (en liaison avec les « passions » de l’animal — dans le sens étymologique du terme — qui ne lui permettent pas de dominer
89 — réserve faite de toutes les autres conditions — dans le degré d’élimination de la contrainte, conçue non pas comme une gar
90 qui veut dire à personne… : de sorte que l’ordre dans l’être collectif, comme la santé, la volonté, etc., dans l’animal, n’
91 être collectif, comme la santé, la volonté, etc., dans l’animal, n’est le fruit d’aucune initiative particulière : il ressor
92 ste de l’État-nation. On le retrouve de nos jours dans les écrits de J. Buchmann, de Robert Lafont, d’Hervé Lavenir, de Lewi
93 limite, c’est l’intérêt suprême de la Révolution. Dans la mesure où elle ne paralyse point l’élan révolutionnaire, la région
94 stes. (Esprit n° 2, novembre 1932) Frontières. Dans l’article intitulé « La folie des frontières », qu’il publie le 15 ju
95 mpte de ce point — que les limites territoriales, dans une société Ordre nouveau, signifieront une « possibilité » offerte à
96 tion, d’adhésion ou de sécession, qui se poseront dans la perspective de notre communalisme intégral… L’existence des front
97 des « nations »…) ; mais elle se justifie surtout dans la mesure où les frontières forment un tremplin d’où s’élanceront les
98 ci en quelques lignes un condensé de ce qui sera, dans les années septante, le programme des fédéralistes européens : La ré
99 en dispersant les organes nécessaires de celui-ci dans deux directions : celle de la patrie locale d’une part, celle de la f
100 de revendications, NRF, décembre 1932.) ⁂ Tout, dans ces textes, annonce « l’Europe », j’entends la lutte pour la fédérati
101 ement la vertu anticipatrice de la pensée de Marc dans les années 1930 qui me frappe à la relecture, c’est aussi le fait que
102 e, de la vocation mondialisante qui fut la sienne dans ses plus hauts moments, et des menaces de colonisation qui pèsent auj
103 uffle mot de cette grande affaire. Mieux encore : dans le numéro d’octobre 1936 de L’Ordre nouveau, je salue les « solides p
104 e Mounier. Au reste, Robert Aron vient de publier dans Esprit un important article sur les positions de l’ON, et Jean Lacr
105 Mounier et sa génération, op. cit., p. 188. 6. Dans le numéro d’ Esprit de février 1936 (date de la lettre de Mounier à
106 poursuivent leur lutte, pendant que j’écris ceci, dans la pure tradition de Proudhon, leur concitoyen franc-comtois. 9. St
3 1974, Articles divers (1974-1977). Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)
107 permet de prévoir. Cet après-midi-là, j’ai flâné dans Neuchâtel, librairie Delachaux, « tour de ville », et tout d’un coup,
108 ais mon métier d’éditeur, à Clamart, et j’entrais dans la vie littéraire de Paris, mieux encore, dans le mouvement personnal
109 is dans la vie littéraire de Paris, mieux encore, dans le mouvement personnaliste, dont la doctrine détient probablement l’a
110 par la BBC. Quelques semaines plus tard, intégré dans la section française, je me voyais chargé d’écrire chaque jour deux «
111 Le phénomène s’est produit à plusieurs reprises dans ma vie : voir des lettres en route vers moi, celles que m’apportera d
112 ur de nous, des fenêtres s’allumaient à nos pieds dans le bourg, et le père Reinecke refusait de croire à mes histoires. Sou
113 Sentiment de certitude tranquille, ces objets vus dans une lumière sobre et mate.) Telle a donc été ma « vision » : formats
114 férent en soi, et qui n’est pas encore « arrivé » dans le temps. Les trois lettres sont timbrées d’hier, deux à Genève dans
115 trois lettres sont timbrées d’hier, deux à Genève dans la matinée, une à Neuchâtel à sept heures du soir. Celle qui est bord
116 le diable ! » Le mercredi des Cendres de 1942, dans un studio du Village, à New York, je décide de me mettre à écrire La
117 Je n’ai pas adressé un mot à âme qui vive (mangé dans des cafétérias où il suffit de désigner du doigt le plat qu’on veut),
118 her, me dis-je, mais j’ai faim. J’entre au hasard dans un petit restaurant, au bas de Madison Avenue. La salle étroite et pr
119 à demi et rient. J’ai fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je suis monté sans dîner chez mes amis. Trois pannes
120 mot, très exactement, les lumières s’éteignirent dans la salle — et dans tout le canton de Genève. Croyant à un effet de ré
121 nt, les lumières s’éteignirent dans la salle — et dans tout le canton de Genève. Croyant à un effet de régie théâtrale, l’au
122 ssance, mais une soirée où nous fûmes « visités » dans notre maison de Ferney, le 29 juin 1954. Après le dîner, sentant l’at
123 ent télépathique et poétique, se joue par paires, dans le plus grand silence. L’un écrit trois questions, et l’autre en même
124 t écrit : « Qu’arriverait-il si le diable entrait dans cette pièce ? » Le partenaire lut sa réponse : « Toutes les lumières
4 1974, Articles divers (1974-1977). Un modèle pour l’Europe ? (1974)
125 soutenir quelques idées sur le rôle de la Suisse dans le monde, ou du moins à l’échelle de l’Europe, je me suis fait répond
126 rope, je me suis fait répondre en haut lieu comme dans nos journaux : « Restons modestes ! La Suisse est un petit pays qui d
127 er sur les voisins : voilà le fédéralisme suisse, dans sa réalité vécue, du xiiie au xixe siècle. Mais le mot n’est jamais
128 ’attitude fédéraliste, non seulement en Europe et dans le monde, mais en Suisse même. C’est ce que je voudrais marquer d’abo
129 ous commettons généralement en Suisse, à l’école, dans la presse, au Parlement, et même au sein de notre exécutif fédéral, t
130 s des siècles, seraient « entrés » successivement dans le pacte de 1291. De fait, personne n’est jamais « entré » dans le pa
131 de 1291. De fait, personne n’est jamais « entré » dans le pacte et celui-ci n’a pas été conclu entre des « cantons », inexis
132 communes (Gemeinden, Stätten, Orte, universitates dans le texte original) qui n’étaient nullement des États et ne se prétend
133 ’énergie, à l’éducation et même à l’écologie. Or, dans la mesure où la Suisse bloque à ses frontières le processus fédéralis
134 a thèse de Trotski contre Staline, le fédéralisme dans un seul pays est impraticable. Bloquer le processus fédéraliste aux f
135 s ; simplement plus petit. Le fédéralisme suisse, dans sa santé primitive — fondé sur les communes et non sur les cantons, s
136 La seule chance de durée de notre fédéralisme est dans son extension à toute l’Europe — de proche en proche. (Et l’on peut e
137 met partout en danger ne connaît de frontières ni dans les airs, ni dans les mers, ni dans les fleuves. Toutes les réalités
138 ger ne connaît de frontières ni dans les airs, ni dans les mers, ni dans les fleuves. Toutes les réalités de la vie publique
139 frontières ni dans les airs, ni dans les mers, ni dans les fleuves. Toutes les réalités de la vie publique présentent aujour
140 es agences européennes d’un type nouveau que sont dans le domaine économique la CEE, et dans le domaine de la recherche scie
141 au que sont dans le domaine économique la CEE, et dans le domaine de la recherche scientifique le CERN. Des agences de formu
142 ormule comparable devront sans doute être créées, dans les années à venir, pour répondre aux besoins croissants de coordinat
143 x besoins croissants de coordination continentale dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’environnement, des un
144 s’écoule tandis que j’écris. Or, on aura reconnu dans mon esquisse d’exécutif européen tous les traits caractéristiques de
145 rdonnées à la compétence politique, qui s’exprime dans la collégialité. Je demeure convaincu que l’expérience suisse ne saur
146 u monde d’un exécutif collégial, conçu et ordonné dans le seul souci d’administrer les choses et non de gouverner les hommes
5 1974, Articles divers (1974-1977). Philosophie du prix littéraire Prince-Pierre-de-Monaco (1974)
147 asserai jamais de chanter la gloire du petit État dans la culture européenne, qui est née de lui. Le petit État présente sur
148 grandes guerres et de dévaster sans mesure. Mais dans le domaine de la culture au sens le plus large du terme (qui englobe
149 point la culture et la politique des États vivent dans des mondes sans commune mesure. Mais si la politique, l’économie, les
150 culture même, qu’il importe avant tout d’effacer dans nos têtes, et ce sont les frontières des genres, inventions de pédant
151 onsidère aujourd’hui couramment, et pas seulement dans le public des best-sellers, mais chez les plus sophistiqués, qu’au se
6 1974, Articles divers (1974-1977). À propos de Théodore Strawinsky [préface] (1974)
152 age à oiseau, volailles vivantes mais en cage, et dans une galerie allemande, un artiste s’est borné à s’exposer lui-même. T
153 s deviennent inséparables… Cet art nous parle, et dans une langue du cœur avec laquelle vos propres émotions vont pouvoir di
154 devenues tant de revues et de feuilles imprimées dans le vent, pleines d’allusions sinistres à la bombe H qui, paraît-il, n
155 peindre un beau paysage ni les yeux à leur place dans un visage. Depuis vingt ans au moins toute une critique propage ses g
156 e, parce que la manière même de poser la couleur, dans l’une et l’autre, manifeste ce caractère d’apparition des apparences
157 s touches de blanc et de bleu, je sens s’éveiller dans ma main, ma main à plume, une envie de pinceau ! — l’envie de partici
158 premier, du référentiel absolu, qui est le sacré dans son action indéfiniment créatrice, que ne le sont l’art et la techniq
159 e fils, à propos des parentés du père d’ailleurs, dans le petit livre qu’il publie en 1948, Le Message d’Igor Stravinsky. Su
160 a culture européenne. Après la création mondiale, dans le chœur de la basilique, du Cantique en l’honneur de saint Marc, j’a
161 and de ce temps, s’incliner et puis comme plonger dans les bras étendus du patriarche de Venise, le futur Jean XXIII, pape d
162 i est la forme sublime du fédéralisme, de l’unité dans la diversité, hors de laquelle point de salut pour ce siècle. Byzance
163 le danger aujourd’hui n’est pas là) doit fournir dans un style à la fois monumental et décoratif, l’image indispensable à l
164 Partant de là, et pour situer Théodore Strawinsky dans l’aventure du siècle, je prendrai référence du mot figuration en des
7 1974, Articles divers (1974-1977). Recherche pour un modèle de société européenne (février 1974)
165 termes de mon titre. J’emploie le terme de modèle dans son sens scientifique et pas du tout moral. Chercher à composer un mo
166 e seule phrase, que voici : Pour la première fois dans l’histoire, l’homme d’aujourd’hui se voit contraint de choisir librem
167 age. Mais qui prévoit ? Vous lisez tous les jours dans la presse les déclarations les plus contradictoires relatives à l’ave
168 ue la production du pétrole commencera à diminuer dans dix ans, et que des mesures de rationnement devront être décrétées da
169 es mesures de rationnement devront être décrétées dans huit ans. Même jeu pour les métaux nécessaires à l’industrie, le cuiv
170 il en reste pour deux millions d’années… Comment, dans ces conditions, arrêter une politique du pétrole ? ou du cuivre ? Ce
171 as tout. Une troisième sorte de prévision a cours dans notre société : celle des experts au service des grandes sociétés et
172 git de formuler une politique. Or nous voyons que dans leur majorité, les futurologues calculent un avenir de catastrophes,
173 é typiquement occidentale de croissance illimitée dans un monde dont nous avions oublié qu’il est irrévocablement limité. C
174 prise de conscience de l’explosion démographique, dans les années 1960, qui nous a tout d’abord alertés. La publication par
175 s tard tout le monde se touche, et je m’arrête là dans mes calculs, mais d’autres ont été plus loin. Je lis dans le beau liv
176 calculs, mais d’autres ont été plus loin. Je lis dans le beau livre de Paul Ehrlich, Population, ressources, environnement,
177 elle dépasserait un milliard de milliards d’âmes dans mille ans d’ici, et sa densité serait de deux-mille habitants au mètr
178 peut avancer des chiffres encore plus saugrenus. Dans quelques milliards d’années, tout l’univers visible ne serait plus qu
179 es répercussions… Car le même processus se répète dans tous les autres domaines de la civilisation contemporaine où la crois
180 t technique. Mais toutes les deux vont rencontrer dans un temps calculable leur limite. Déjà, leur succès même commence à pr
181 0 % de l’humanité va vivre, ou plutôt s’entasser, dans vingt-cinq ans. L’urbanisation sauvage de l’humanité annonce en effet
182 puter les inventions techniques qui seront faites dans ce temps, et les conséquences politiques qu’elles entraîneront. Sans
183 mande pour les automobiles », écrit-il simplement dans ses mémoires. Il parle même d’une « répugnance pour la machine » dans
184 l parle même d’une « répugnance pour la machine » dans le public. Puis l’idée d’aller vite amuse les Américains. D’autres fa
185 se les Américains. D’autres fabriques se fondent, dans l’intention de jouer au plus rapide. En 1903, Ford gagne une course d
186 ce succès, fonde la Société des automobiles Ford. Dans sa première publicité, il écrit que l’auto « peut vous mener n’import
187 t fugueur, fasciné par l’idée de partir au hasard dans la campagne, loin des villes détestées, sur une machine de roule n’ob
188 aller vite, et elle ne fait que du 4 km à l’heure dans le centre de nos grandes villes, qu’elle asphyxie. Elle devait révéle
189 lle fait bon an mal an 280 000 morts chaque année dans le monde, et plus de 8 millions de blessés. Mais il y a plus grave. B
190 piétons des rues ; car c’était sur les places et dans les rues que se formait traditionnellement l’opinion, — de l’agora de
191 nière saisissante ce que sera la vie des ouvriers dans les pays totalitaires du xxe siècle. Dans le même temps, Nietzsche c
192 vriers dans les pays totalitaires du xxe siècle. Dans le même temps, Nietzsche crie son mépris pour le chauvinisme, le « na
193 cobins et imposé d’abord par Napoléon. Ils voient dans l’État totalitaire l’achèvement logique de nos États-nations, lesquel
194 pens des communautés réelles qu’ils ont enfermées dans leurs frontières, mises au pas, uniformisées et vidées de leur vitali
195 s ont créé l’économie industrielle sur la base et dans le cadre, d’ailleurs occidental, des seules frontières nationales, et
196 l’État-nation souverain sur toutes choses et gens dans le cadre de ses frontières, l’État-nation tel que nous l’avons fait,
197 nous voyons maintenant ce qu’il s’agit de changer dans notre société européenne : c’est le modèle stato-national. Et nous vo
198  : c’est le modèle stato-national. Et nous voyons dans quelle direction il faut aller : celle qui nous permettra de refaire
199 an Bodin (xvie siècle), la souveraineté consiste dans le droit de déclarer la guerre et de conclure la paix quand on le veu
200 se fondamentale, basique, de l’État-nation réside dans sa définition même, dans sa prétention intenable à imposer les mêmes
201 de l’État-nation réside dans sa définition même, dans sa prétention intenable à imposer les mêmes frontières et la même adm
202 drait un miracle pour que ces réalités coïncident dans l’espace, correspondent aux mêmes frontières, et ce miracle ne s’est
203 ée sur des États souverains serait contradictoire dans les termes, impraticable. C’est l’idéal qu’affirment les juristes et
204 es Rousseau l’avait déjà bien vu et très bien dit dans le Contrat social, au chapitre où il démontre que plus une cité s’agr
205 t les responsables de tout ordre, à tel point que dans un grand pays, il n’y a plus que quelques ministres tout puissants, e
206 a plus que quelques ministres tout puissants, et dans un très grand pays, un seul chef ou dictateur. Participation des pers
207 ce mot était prononcé, les lumières s’éteignirent dans tout le canton de Genève. Cette panne totale devait durer 21 minutes.
208 che. 14. Sur ces mots, les lumières se rallument dans tout le canton. g. Rougemont Denis de, « Recherche pour un modèle d
8 1974, Articles divers (1974-1977). L’Europe des régions (juin-juillet 1974)
209 mme l’avait bien vu le général de Gaulle lorsque, dans son discours de Lyon, il passait en revue les relations que devaient
210 ères ; elles ne sont pas ethniques. Elles le sont dans certains cas, où vous avez par exemple les Basques et les Catalans qu
211 Basques et les Catalans qui sont, eux, à la fois dans des régions ethniques et transfrontalières. Ils ne sont nullement sép
212 rs à la création d’une Europe unie. D’autre part, dans la faible mesure où l’on est arrivé à abaisser un peu les frontières,
213 -être le moins sérieux ? Attention, j’ai dit cela dans un sens politique uniquement. Parce que l’on ne peut pas faire une ré
214 bligés de constater que le Breton n’est parlé que dans une partie du pays, le reste c’est le gallo qui va jusqu’à Rennes et
215 e, à la vie de cette région ; et alors on retombe dans toutes les équivoques de l’État-nation, qui consiste (pour le dire en
216 semble, comme la langue, l’économie, ce qu’il y a dans le sous-sol, l’état civil, l’histoire, les développements récents de
217 choses qui n’ont aucune probabilité de coïncider dans l’espace. Ça c’est la formule de l’État-nation napoléonien : imposer
218 anciennes provinces essaient de les faire rentrer dans ce « lit de Procuste » d’une frontière commune qui serait un mini-Éta
219 États-nations prétendent vouloir faire l’Europe. Dans ces conditions nous sommes devant un dilemme parfaitement clair : ou
220 dence totale d’un peuple ; c’est ce que l’on a vu dans tous les pays colonisés. Donc les raisons de faire l’Europe sont plus
221 naire. Je pense qu’on peut renverser des voitures dans la rue, qu’on peut renverser un dictateur, un système parfaitement co
222 aux. À mon sens, elle symbolise, certainement pas dans votre esprit, mais dans celui des gens qui l’ont mise en circulation,
223 mbolise, certainement pas dans votre esprit, mais dans celui des gens qui l’ont mise en circulation, l’erreur fondamentale d
224 forme régionale ». Le même phénomène se reproduit dans d’autres pays, mais c’est peut-être particulièrement frappant en Fran
225 s été faites à Paris, elles ont été préfabriquées dans les bureaux indépendamment de toute consultation des gens sur place.
226 ce qu’elle doit être ? Ce qu’il y a de plus grave dans les États-nations actuels, c’est surtout qu’ils laissent le citoyen d
227 actuels, c’est surtout qu’ils laissent le citoyen dans un vide civique, dans un « no man’s land » où il se sent totalement i
228 qu’ils laissent le citoyen dans un vide civique, dans un « no man’s land » où il se sent totalement impuissant sur tous les
229 et à tous les degrés de sa vie. Il se trouve pris dans un réseau de nécessités techniques, économiques, avec ordinateur à l’
230 d désespoir qui pousse les jeunes gens à se jeter dans les minorités vociférantes au discours révolutionnaire dont les barri
231 lutionnaire dont les barricades sont le signe, ou dans cette « majorité silencieuse », qui est une sorte d’imbécilité civiqu
232 ale, mais trop grands pour animer la vie civique, dans leurs régions, leurs provinces, leurs communes. Bien plus, les jacobi
233 he, phalangiste ou mao. Et puis, allons plus loin dans la démystification du marxisme d’avant-hier. La vérité, c’est qu’il n
234 des jugements stéréotypés qui ne vont pas du tout dans la réalité de la chose : « société multinationale », c’est nécessaire
235 t nécessairement diabolique, horriblement mauvais dans tous les cas, et on dit par exemple à l’encontre du Marché commun : «
236 tre mode de développement, qui s’adaptent au pays dans lequel elles s’installent et qui sont obligées par la nature même de
237 nt ? Une multinationale qui travaille par exemple dans le lait, l’alimentation et les produits annexes n’a aucune espèce d’i
238 its annexes n’a aucune espèce d’intérêt politique dans les pays où elle opère ; elle s’intègre à la coutume agricole, elle p
239 l’autogestion. L’autogestion à tous les degrés et dans tous les sens possibles du terme. Notez cependant que le danger des m
240 s scrupules les équilibres écologiques ou sociaux dans telle région du Midi, ou le long du Rhin, en Savoie ou dans le Nord,
241 région du Midi, ou le long du Rhin, en Savoie ou dans le Nord, etc. Vous avez des phénomènes de colonisation intérieure qui
242 s trop grandes sociétés, mal adaptées aux régions dans lesquelles elles viennent s’implanter et qui n’y cherchent que leur p
243 évoquerait trop une délégation du pouvoir central dans une région, mais sur l’autonomie, l’autodétermination, l’autogestion
244 , et cette croissance dont on parle par métaphore dans l’industrie. La croissance du vivant, cela va de soi et ne fait pas d
245 ances également régulées par un programme qui est dans les chaînes de chromosomes et dans les gènes. La croissance vivante c
246 gramme qui est dans les chaînes de chromosomes et dans les gènes. La croissance vivante comporte un ralentissement de la cro
247 ’individu et le retour à la terre. Rien de pareil dans la croissance industrielle qui augmente indéfiniment, mécaniquement,
248 où les ressources de la terre seraient épuisées, dans un temps extrêmement bref. L’impact du rapport du club de Rome a été
249 ns ? Savez-vous par combien il faut la multiplier dans moins de cent ans, c’est-à-dire dans quatre-vingt-dix-huit ans ? Il f
250 a multiplier dans moins de cent ans, c’est-à-dire dans quatre-vingt-dix-huit ans ? Il faut la multiplier par 16 384, ce qui
251 gent pour se l’acheter. Il suffit d’un changement dans l’information des gens pour amener un changement dans la mentalité. C
252 l’information des gens pour amener un changement dans la mentalité. C’est l’essentiel, tout tient à cela. Et les gens s’ape
253 t les gens s’apercevraient qu’il y a mille choses dans la vie beaucoup plus importantes pour eux que gagner de l’argent. Je
254 yant drainé les campagnards sans les restructurer dans un nouvel ensemble social, vous avez cet état de dissociation, de des
255 endant ce temps. Cela vous ne pouvez le faire que dans un état de société très morbide, où les gens n’ont plus de raison de
256 se il n’y a plus qu’un homme sur trois qui habite dans sa commune d’origine. Presque tous sont déplacés. Prenez la ville de
257 i viennent à Genève, qui votaient à 80 % chez eux dans certains cantons, au bout d’une génération votent à 20 à 25 % comme l
258 , si j’ai bien compris votre pensée, est possible dans un monde sans racines paysannes ? Nous sommes dans une société à domi
259 ans un monde sans racines paysannes ? Nous sommes dans une société à dominante urbaine, caractérisée par l’« atomisation » q
260 que Jean-Jacques Rousseau avait très bien définie dans Le Contrat social : plus l’État est grand, moins il y a de magistrats
261 le deviennent par rotation comme cela se faisait dans la cité grecque antique. Donc, la participation est maximale dans une
262 cque antique. Donc, la participation est maximale dans une communauté minimale, et inversement… Aujourd’hui, nous nous trouv
263 , et inversement… Aujourd’hui, nous nous trouvons dans la situation hellénistique. Simplement c’est plus grave, les villes s
264 e civique. Quelle place donnez-vous à l’urbanisme dans tout cela ? Eh bien, je pense que c’est une place absolument essentie
265 archés, c’est-à-dire toutes les forces en tension dans la vie publique. Cela correspondait à la révolution communaliste, à l
266 uel est le système politique qu’elle représente. Dans le développement de quel système politique voyez-vous ? Eh bien c’est
267 ance, qui ne se sentent plus responsables de rien dans la cité. Ce qui se fait est fait par les autres (« Ils », l’État). On
268 s. Dès que vous dépassez ces limites, vous tombez dans la loi des rendements décroissants. Cela me semble exact, mais je me
269 e affaire » Tous ces sujets seront-ils abordés dans votre prochain livre ? C’est essentiellement ce titre que je donne au
270  % du salaire. Quant à l’autogestion je la prends dans un sens absolument global, général : responsabilités. C’est le mot qu
271 d’« irresponsabilité » générale de l’homme perdu dans les mégalopolis. Le désir de devenir responsable de son destin doit a
272 de son destin doit amener au désir d’autogestion dans tous les ordres d’activités, autant en atelier qu’en entreprise. J’en
273 rd, je pense que l’autogestion doit se développer dans tous les secteurs, dans tous les domaines, elle doit surtout s’exerce
274 estion doit se développer dans tous les secteurs, dans tous les domaines, elle doit surtout s’exercer au niveau politique, a
275 « politique » l’aménagement des rapports humains, dans une communauté donnée, l’équilibre entre la hiérarchie des besoins… c
276 nsiste à faire coïncider les niveaux de décisions dans tous les domaines et dans tous les secteurs, avec les dimensions de l
277 es niveaux de décisions dans tous les domaines et dans tous les secteurs, avec les dimensions de la tâche à exécuter, de fai
278 e notre destin. C’est ce qu’il dira prochainement dans son ouvrage intitulé L’Avenir est notre affaire . »
9 1974, Articles divers (1974-1977). Surréalisme : un jeu qui dure depuis 50 ans (7-8 septembre 1974)
279 de mon retour en Europe, lorsque je repris ce jeu dans ma maison de Ferney. Un soir, la personne qui jouait avec moi avait é
280 t écrit : « Qu’arriverait-il si le diable entrait dans cette pièce ? » Je lus ma réponse : « Toutes les lumières s’éteindrai
281 nse : « Toutes les lumières s’éteindraient. » Et, dans la seconde, toutes les lumières se sont éteintes dans la maison. L
282 la seconde, toutes les lumières se sont éteintes dans la maison. La crise de l’énergie Cela vous est-il arrivé depuis
283 ’énergie Cela vous est-il arrivé depuis ? Oui, dans des circonstances assez différentes. Je donnais la leçon inaugurale d
284 mot « raté » toutes les lumières se sont éteintes dans la salle (et, comme on l’a su plus tard, dans tout le canton de Genèv
285 tes dans la salle (et, comme on l’a su plus tard, dans tout le canton de Genève). Naturellement, les auditeurs ont cru à une
286 ctrique. Après vingt minutes, au moment où je lis dans mes notes : « Ceci devrait être regardé de plus près », toutes les lu
287 ’on me banderait les yeux et que l’on me mettrait dans la main, successivement, un objet appartenant à chacune des femmes pr
288 ets ? Absolument pas. On me plaçait quelque chose dans le creux de la main, j’avais quatre ou cinq secondes pour réfléchir,
289 rature là-dessus — qui avait joué un certain rôle dans ma vie. Nous avions lancé 21 invitations à dîner dans un restaurant p
290 ma vie. Nous avions lancé 21 invitations à dîner dans un restaurant portugais, près des docks de New York. Vers dix heures
291 upable », on s’aperçut qu’il restait 21 personnes dans la salle… La « victime » avait été sacrifiée sur l’autel du nombre 21
10 1975, Articles divers (1974-1977). Notre complexe de culpabilité (1975)
292 u’on va nous laisser longtemps encore tranquilles dans notre coin ? (Motif accessoire : faisons-nous ce qu’il faut pour gard
293 our garder notre rang ?) Inquiétude du patriote : dans le monde des technocrates, des grands marchés, des grands ensembles p
294 » Je n’ai jamais entendu cette fameuse phrase que dans la bouche de ceux qui la raillaient, et je ne l’ai jamais lue que sou
295 rivilèges ? Ne sont-ils pas en train de s’enliser dans un épais matérialisme, et dans un égoïsme qui dément leurs grands idé
296 train de s’enliser dans un épais matérialisme, et dans un égoïsme qui dément leurs grands idéaux officiels ? Cette réaction
297 des étudiants hongrois sur l’attitude du croyant dans la vie politique, a cette réponse courageuse mais en même temps révél
298 ont le « complexe suisse » est prompt à se couler dans les tournures du langage théologique : Le péché des Suisses pourrait
299 s pourrait bien avoir son expression particulière dans la neutralité suisse. Les Suisses, depuis quatre-cents ans, ne sont e
300 ne sont pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite maison, et il regarde par sa petite fenêtre, et se réjouit
301 e, à peu près, le péché propre des Suisses. C’est dans la conscience nationale que le jugement de Dieu qui pèse sur le monde
302 héologiques17 dont je ne vois pas qu’ils trouvent dans le cas du « malaise suisse » une application pertinente. La neutralit
303 rendu nécessaire par l’absence de pouvoir unifié dans les Ligues, puis élément d’équilibre européen, puis moyen d’empêcher
304 il faut le révoquer, ou si elle nous fait tomber dans le péché, il faut « l’arracher et la jeter loin de nous », sur-le-cha
305 au contraire que la neutralité peut se justifier dans bien des cas, on en prendra trop facilement prétexte pour nier que Ba
306 ces problèmes étaient moins difficiles chez vous, dans vos petits États fédérés. — Oui, disent les Suisses d’un air soucieux
307 reprises. Est-ce qu’il y aura une place pour nous dans le monde qui vient ? Satiriques, vengeurs ou navrés, les sermons que
308 ndeur des Suisses, je ne la vois pas ailleurs que dans les raisons d’être de leur communauté peu croyable mais vraie — ce mi
309 es désormais communicables, et qu’il faut assumer dans toutes ses dimensions non seulement morales mais politiques, et non s
310 ’autre remède à ses névroses de prospérité. C’est dans une modestie trop commode, un peu lâche, que réside sa pire tentation
311 ologique sur les examens que passent les recrues, dans le journal de la Migros, Construire. p. Rougemont Denis de, « Notre
11 1975, Articles divers (1974-1977). Au-delà de la société industrielle (1975)
312  ? Je vois d’abord ce qui est exclu : une société dans laquelle il n’y aurait plus d’industrie, qui arrêterait les machines
313 in d’être accompli parmi nous, mais il est amorcé dans nos esprits. Il suppose en effet, avant tout, une prise de conscience
314 de parle, mais des causes de cette crise en nous, dans nos mentalités, nos attitudes et nos manières d’évaluer ce qui compte
315 s et nos manières d’évaluer ce qui compte le plus dans la vie. II La société industrielle reposait sur un certain nombr
316 e bonheur du genre humain. » La semaine dernière, dans une interview sur la crise, Giovanni Agnelli a répondu : « L’importan
317 tisanat et l’art, la trouvaille poétique bricolée dans la vie quotidienne, c’est-à-dire les activités inventives et imaginat
318 matière et la liberté de l’esprit qui la façonne, dans le temps plein, la plénitude manifestée des facultés créatrices de ch
319 le lieu de l’affrontement décisif, se situe donc dans la définition des besoins humains. La société industrielle, quoi qu’
320 struire une bonne machine routière », écrira-t-il dans son autobiographie. En 1892, il construit sa première voiture. « On l
321 nt fait autant avant lui, mais il n’existe encore dans le monde guère plus de voitures que d’inventeurs, et ces fantaisies p
322 tifiques. » Deux ans plus tard, Clemenceau écrira dans son journal : « Dangereuse, puante, inconfortable, ridicule assurémen
323 jette l’économie de nos démocraties occidentales dans la dépendance humiliante de quelques émirs de droit divin, avec des c
324 est le comble, née pour la vitesse, l’automobile, dans les avenues de New York ou de Paris, permet de faire du quatre ou cin
325 destructeur de l’humain autant que de la nature. Dans la nouvelle société, le progrès recherché sera vers le mieux, non ver
326 riel ou physique, pour leur donner libre carrière dans les domaines moraux, culturels, spirituels, où « le ciel seul est la
327 rais dû vous parler de la technologie douce, qui, dans la nouvelle société, doit remplacer nos techniques dures et polluante
12 1975, Articles divers (1974-1977). Suisse 1975 (1975)
328 guerres du xxe siècle européen, la Suisse entre dans l’après-guerre avec des sentiments mêlés de soulagement (elle n’a pas
329 ne explicable qu’éprouvent la plupart des Suisses dans les années 1945 à 1950 de ce siècle vont trouver leur expression la p
330 siècle vont trouver leur expression la plus juste dans la formule par laquelle le conseiller fédéral Max Petitpierre définit
331 ussi, ne se borne plus à refuser de prendre parti dans les guerres qui opposent nos voisins. Au-delà de cette fonction tradi
332 de Bâle) exprime avec force ce point de vue : « … dans l’avenir, ou bien l’Europe deviendra le champ de bataille des grandes
333 s foisonnantes qui font la richesse du pays. Mais dans un temps de crise comme celui qui s’est instauré dès l’automne de 197
334 ne voient pas bien ce qu’ils pourraient en faire. Dans la partie romande surtout, on a pris l’habitude de confondre le fédér
335 ent normalement. Ainsi l’Europe prend ses racines dans le terreau de l’authentique fédéralisme suisse. De cette manière de c
336 cipal du catéchisme de notre politique étrangère. Dans les années 1960 déjà, et dans la présente décennie bien plus claireme
337 olitique étrangère. Dans les années 1960 déjà, et dans la présente décennie bien plus clairement encore, il est apparu que n
338 é, garantie par le traité de Vienne comme étant «  dans les intérêts de l’Europe entière », veut en effet que la Suisse refus
339 lèmes concrets qui se posent à la Suisse actuelle dans les domaines les plus divers, tels que ceux de l’énergie, de la monna
340 res de la révolution soviétique, « le fédéralisme dans un seul pays est utopique ». Car si, dans les domaines indiqués plus
341 ralisme dans un seul pays est utopique ». Car si, dans les domaines indiqués plus haut, on voulait limiter la coopération pr
342 vident que notre fédéralisme ne peut se maintenir dans nos cantons qu’à la seule condition de s’étendre, quand il le faut, a
343 Les tâches nouvelles que l’humanité doit assumer dans les années 1970-1980 sont presque toutes de dimensions intercontinent
344 rité et l’égoïsme. Un égoïsme fermé sur soi-même, dans nos frontières, comme le rêvent, semble-t-il, nombre de Suisses (si l
345 aux de sa neutralité ? En revanche, en persistant dans son abstention, ne manquerait-elle pas de belles occasions de faire e
13 1975, Articles divers (1974-1977). Le Morgarten du xxe siècle (1975)
346 de l’Europe, ai-je écrit, il y a plus de dix ans, dans La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux . Aujourd’hui, il me sem
347 amené à préciser notamment ceci : je ne vois pas, dans la Confédération fabriquée en 1848 par la réunion de 25 petits États
348 es 27 États souverains du continent, mais je vois dans le Conseil fédéral le modèle d’un gouvernement fédéral européen. La p
349 es eux-mêmes n’ont souvent pas conscience, réside dans le fait que les sept conseillers fédéraux ne sont pas du tout l’émana
350 ral, qui est composé de manière à pouvoir traiter dans l’intérêt commun les problèmes qui se posent au niveau de la Confédér
351 es choses qui sont le plus clairement soulignées, dans le pacte du Grütli, c’est la volonté d’exercer une justice « indigène
352 digène » : nous ne voulons pas de juges étrangers dans nos vallées. Or la justice, à l’époque, c’était toute l’administratio
353 étatique sur l’ensemble d’une nation.) Cependant, dans ses structures, la Suisse a toujours été à contre-courant de ce qui s
354 oujours été à contre-courant de ce qui se passait dans le reste de l’Europe. Elle est née de l’esprit des communes, au momen
355 e la nécessité vitale d’introduire le fédéralisme dans les relations entre les Européens, et la Suisse se trouve être le seu
356 à l’échelle européenne, l’autonomie des régions, dans les partis de gauche autant que dans les partis de droite. C’est une
357 des régions, dans les partis de gauche autant que dans les partis de droite. C’est une question d’attitude, de mentalité, et
358 le et communale sont ceux qui se situent le mieux dans le droit-fil de la pratique du fédéralisme. Qu’ils soient de gauche o
359 comparable aujourd’hui, autour du coude du Rhin, dans la région de Bâle. Il y a en projet seize centrales nucléaires. Ce qu
360 France, la Suisse et l’Allemagne. Parce que c’est dans leur intérêt. Face à cette menace de leurs capitales respectives, les
361 n’avaient pas créée, et qui ne va pas exactement dans leur sens, car je ne vois pas comment des maoïstes ou des trotskystes
362 t-ce au prix d’une illégalité. On a beaucoup dit, dans la presse — de gauche comme de droite, une fois de plus —, que les oc
363 de Kaiseraugst. Cela m’a d’ailleurs amené à dire dans un message aux dix mille personnes qui sont allées manifester à Kaise
364 importance au « niveau de vie » qu’à la liberté ? Dans ce cas, autant faire des centrales nucléaires, quitte à se voir rédui
365 son de penser qu’ils vont changer tout d’un coup, dans les quelques années qui viennent, et que par exemple ils renoncent au
366 ns trop fortes, tout se passerait sans histoire — dans tous les sens du mot histoire. Il n’y aurait plus qu’une espèce de ra
367 s qu’une espèce de raison moyenne qui dominerait, dans l’ennui total et fédéral. Cela ne va évidemment pas se passer comme ç
368 se distinguent par leurs petites dimensions. Or, dans le monde actuel, plus vous êtes petit et plus vous avez de chances de
369 rabilité minimale, qui sera la meilleure sécurité dans le monde qui vient. Il faut donc que la Suisse retrouve ce qui était
14 1975, Articles divers (1974-1977). L’amour (1975)
370 ue « l’Amour » tel qu’on le parle et qu’on le vit dans la culture occidentale, à la différence de l’amour tel qu’il est codi
371 fférence de l’amour tel qu’il est codifié et vécu dans les autres cultures, se trouve lié dans sa genèse permanente à l’expr
372 é et vécu dans les autres cultures, se trouve lié dans sa genèse permanente à l’expression, premièrement littéraire et music
373 leurs modèles structurels et leurs termes de base dans la tradition littéraire qui est la nôtre, d’Œdipe à Sade et à Sacher-
374 uctures psychiques peuvent être étudiées au mieux dans ses expressions littéraires et artistiques en général, il nous faudra
375 s d’une évolution historique qui s’est stratifiée dans la psyché occidentale, et dont la connaissance rend seule intelligibl
376 comportent une érotique, le plus souvent codifiée dans des livres sacrés ou des idoles — à la seule exception du christianis
377 t le langage de la passion : il cherche la fusion dans la divinité, et il « meurt de ne pas mourir » (Thérèse d’Ávila). Il e
378 » (Thérèse d’Ávila). Il est à l’amour du prochain dans le même rapport dialectique que l’érotisme l’est à l’instinct sexuel.
379 État. Certes, l’amour vrai « tend à l’enfantement dans la beauté, selon le corps et selon l’âme… » Cependant, la fécondité s
380 évangiles aient été rédigés, ne cesse de dénoncer dans ses épîtres le sacré tant juif que païen (hellénistico-romain surtout
381 nts de Dieu ». La révolution paulinienne consiste dans la proclamation que « tout m’est permis, mais tout n’est pas utile »
382 premier rang desquels figurait comme toujours et dans toutes les religions, sauf celle du Christ, le système des tabous sex
383 entations majeures que Satan fait subir au Christ dans le désert. Le paradoxe fondamental de l’érotique, dans l’ère chrétien
384 le désert. Le paradoxe fondamental de l’érotique, dans l’ère chrétienne, tient en ceci que le christianisme, religion de l’A
385 n Fils unique… »), et dont toute la loi se résume dans le commandement unique « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton proch
386 de recettes de plaisir ou de fécondité, si profus dans les grandes religions de l’Asie, qui va créer le « problème sexuel »
387 mi de la vie spirituelle, toléré finalement, mais dans les seules limites du mariage le plus strict et consacré — tout le re
388 se produire — et en effet ne s’est produit — que dans la sphère d’influence du christianisme. Mais, entre la position d’un
389 des troubadours. Cette poésie apparaît subitement dans le sud de la France actuelle (Poitou, Limousin, puis Languedoc) et va
390 lution plus générale qui s’opérait à cette époque dans la psyché occidentale ? Dès la fin du xie siècle, des mouvements rel
391 oxes prolifèrent en Italie, en Allemagne rhénane, dans les Flandres et le Nord, puis le centre et le sud de la France : tous
392 sprit-Saint, dont l’ère va commencer, s’incarnera dans une Femme. La plus puissante de ces hérésies sera le catharisme, venu
393 s l’Ouest occitan où elle s’installera solidement dans les grandes et petites cours de l’Aquitaine et du comté de Toulouse,
394 . Une forme toute nouvelle de poésie chantée naît dans le Poitou et le Limousin avec les premières œuvres de Guillaume, sixi
395 trine se nomme cortezia — puisqu’elle est chantée dans les cours des seigneurs du Midi — exalte la Femme, jusqu’alors néglig
396 sir, du sentiment et de la passion, non seulement dans la poésie, le roman, le théâtre et l’opéra, mais aussi et d’abord dan
397 man, le théâtre et l’opéra, mais aussi et d’abord dans la mystique, non moins liée au langage que la littérature, dans la mo
398 ue, non moins liée au langage que la littérature, dans la mode, dans les formes réglées de la guerre et, de nos jours, dans
399 liée au langage que la littérature, dans la mode, dans les formes réglées de la guerre et, de nos jours, dans les mass média
400 les formes réglées de la guerre et, de nos jours, dans les mass médias audiovisuels. On s’en tiendra ici à la littérature.
401 le roman de Tristan et Iseut. Plusieurs allusions dans des poésies de troubadours datant du milieu du xiie siècle montrent
402 trent que la légende était connue des troubadours dans le temps même où la première version (en langue romane — d’où le nom
403 ts de la révolution psychique composés en système dans la cortezia se retrouvent dans l’histoire de Tristan : désir exaspéré
404 omposés en système dans la cortezia se retrouvent dans l’histoire de Tristan : désir exaspéré par les obstacles de toute nat
405 i même, à la limite (comme on le voit par exemple dans l’épisode du « jugement de Dieu » commenté par Gottfried de Stras­bou
406 i, le roman de Tristan décrit, analyse et déploie dans la durée tous les motifs psychologiques et religieux de la cortezia q
407 ux de la cortezia que les troubadours exprimaient dans le cri, le soupir, la mélopée ou la fulguration lyrique. La poésie co
408 tenu affectif de la passion va trouver maintenant dans le récit l’indispensable condition formelle de la constitution d’un m
409 d’un mythe exemplaire et communicable, socialisé dans la mesure même où il est sacralisé. Situé de la sorte dans le temps
410 sure même où il est sacralisé. Situé de la sorte dans le temps et l’espace, au xiie siècle de l’Europe christianisée, le m
411 Nous avons vu que le « problème sexuel » est né dans le monde christianisé du fait de l’absence d’un code sacré et d’un sy
412 ré et d’un système d’interdits comme on en trouve dans les autres religions. Un seul tabou, d’ailleurs universel (sauf excep
413 ale, au trio œdipien fils-mère-père. Tristan naît dans le malheur parental : son père vient de mourir et sa mère, Blanchefle
414 amants s’opère au prix de leur séparation suprême dans la mort, obstacle dernier, fin du « roman ». Tel est le secret que le
415 tre, du tragique au sentimental, voire au comique dans Don Quichotte, et l’histoire du roman européen, qui semble celle d’un
416 e roi Marc peut devenir tour à tour le Commandeur dans Don Juan, le comte Mosca dans La Chartreuse de Parme, ou le digne et
417 tour le Commandeur dans Don Juan, le comte Mosca dans La Chartreuse de Parme, ou le digne et terne mari des héroïnes bourge
418 t plus sage, et finalement s’évanouir tout à fait dans les romans d’analyse intérieure, mais c’est pour renaître aussitôt so
419 s l’autre et envers soi-même que Freud (dès 1923, dans Das Ich und das Es) appellera le surmoi : c’est encore et toujours l’
420 bile et complexé qu’il apparaisse le plus souvent dans le roman contemporain, il n’en reste pas moins celui qui affronte la
421 a mesure des résistances qu’elle rencontre. Déjà, dans la poésie des troubadours, nous voyons que l’amour courtois se distin
422 amour courtois trouvera son expression romanesque dans la France du Nord et l’Angleterre celtique. La légende de Tristan et
423 our, inventé par la poésie du Midi mais transposé dans le climat sombre et tempétueux de la Bretagne, de l’Irlande et de la
424 peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie mais une négation, une ex
425 écho à l’épisode des amants de la légende, exilés dans la forêt de Morois, et qui, le philtre ayant cessé d’agir au bout de
426 ssaire socialisation de la passion se fait sentir dans la publication même d’un roman, et plus encore dans la représentation
427 ns la publication même d’un roman, et plus encore dans la représentation d’une tragédie. Mais ce que la passion gagne à se d
428 e sens de ce terme) — s’est fait sentir plus vite dans le roman qu’au théâtre. (Je parle ici, bien entendu, d’ouvrages litté
429 de pages, paru de 1607 à 1627 et traduit aussitôt dans la plupart des langues de l’Europe. La cortezia y devient simple cour
430 ue se dégrade en psychologie de salon, transposée dans un paysage pastoral. Les amants, chevaliers ou bergers, ne sont plus
431 e ? En fait, ce fut assez d’un décret de Boileau, dans son Dialogue sur les héros de roman, pour réduire à l’oubli la féerie
432 sa morale. Cependant, le mythe garde sa virulence dans le théâtre de la même époque. Roméo et Juliette est peut-être la plus
433 est plus seulement métaphorique. Elle est appelée dans sa réalité à la fois charnelle et mystique comme l’amour même. Deux g
434 , la passion imagine des formes qui vont l’avouer dans toute sa force, à la Cour même, par le théâtre. Andromaque, Bérénice
435 eur : Les dieux m’en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc Ont allumé le feu fatal à tout mon sang. Et la servante
436 fûtes entraînée. Racine est-il vraiment sincère dans sa préface lorsqu’il écrit : Ce que je puis assurer, c’est que je n’
437 tragédie] où la vertu soit plus mise en jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y sont sévèrement punies […]. Les faibl
438 Tristan était l’homme d’un seul amour fatal mais dans lequel il trouvait toute la Femme. Don Juan viole toutes les règles d
439 de bonheur, quoi qu’en dise Dona Anna. Casanova, dans ses Mémoires, se vante de n’avoir laissé derrière lui que des femmes
440 de la Laure de Pétrarque (Laure de Noves) trouve dans la tradition de sa famille le modèle de l’amour idéal, cette cortezia
441 mprunte les sous-titres analytiques des chapitres dans une des éditions du roman) et, par-delà le pétrarquisme, rejoint le m
442 il traduise et transpose la légende chevaleresque dans le langage d’une petite noblesse vaudoise embourgeoisée et dans le re
443 e d’une petite noblesse vaudoise embourgeoisée et dans le registre de la souffrance intime et du renoncement moral, non plus
444 , Julie de Lespinasse, qui l’exprimera elle aussi dans un seul cri : J’aime, mais comme on doit aimer : dans le désespoir !
445 un seul cri : J’aime, mais comme on doit aimer : dans le désespoir ! À quoi Novalis fait écho : Quand on fuit la douleur,
446 semble ! voilà le seul accomplissement. Novalis, dans son journal intime : Notre engagement n’était pas pris pour ce monde
447 re engagement n’était pas pris pour ce monde. Et dans les Hymnes à la nuit : Que ton feu spirituel dévore mon corps, qu’en
448 teaubriand paraphrasant le Cantique des cantiques dans son invocation célèbre : Levez-vous vite, orages désirés qui devez e
449 vous vite, orages désirés qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie ! À partir de là, tout le xixe siècle s
450 iècle sera sentimental, passionné et mélancolique dans les choses de l’amour, selon le vocabulaire des poètes romantiques, d
451 r l’amour passionné, répétons-le, prend sa source dans cet élan qui par ailleurs fait naître le langage. Et l’invention d’un
452 s telles qu’érotisme, sexualité, problème sexuel, dans les œuvres de Charles Fourier et de ses disciples socialistes et comm
453 vélateur de la sensibilité de son époque, compose dans ses poèmes une érotique secrète et douloureuse, en défense contre la
454 l oppose à la pure sensualité. Entrant malgré lui dans les catégories plus bourgeoises que chrétiennes qu’il veut combattre,
455 que la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. Et l’homme et la femme savent, de naiss
456 Et l’homme et la femme savent, de naissance, que dans le mal se trouve toute volupté (Fusées, III). Cependant, c’est le ro
457 matique vers la passion rêvée, son épanouissement dans la mort, au-delà de la prison des corps, dans l’extase de l’union des
458 ent dans la mort, au-delà de la prison des corps, dans l’extase de l’union des âmes. Tout cela évolue vers une crise radica
459 e courante : le sexe. Marx produisait, à peu près dans le même temps, des effets de choc et de conversion d’une intensité co
460 u’une « variété » de l’attrait sexuel, alors que, dans la conception chrétienne du monde, c’est l’attrait sexuel qui n’est q
461 orte pas d’article sur le mot amour. En revanche, dans l’article intitulé Génital (amour), les auteurs concèdent qu’on trouv
462 que celui-ci les ait fomentés, comme le répètent, dans leur spiritual illiteracy [T. S. Eliot], trop de savants contemporain
463 , c’est ce qu’a fort bien relevé Georges Bataille dans ses ouvrages sur Éros et l’érotisme, si fort en vogue dans l’avant-ga
464 ouvrages sur Éros et l’érotisme, si fort en vogue dans l’avant-garde intellectuelle des années 1970. C’est en deçà, non au-d
465 vant en cela Baudelaire, Bataille croit retrouver dans le sens du péché et la conscience de la « transgression » les élément
466 fondée sur le seul drame d’Éros. C’est, de même, dans la tradition de Nietzsche, non de Marx ni de Freud, que se situe Andr
467 uel que le refouler. Cette invasion de l’érotisme dans la rue, dans les mœurs, dans le langage, dans les livres, ne signifie
468 fouler. Cette invasion de l’érotisme dans la rue, dans les mœurs, dans le langage, dans les livres, ne signifie nullement qu
469 vasion de l’érotisme dans la rue, dans les mœurs, dans le langage, dans les livres, ne signifie nullement que la sexualité s
470 sme dans la rue, dans les mœurs, dans le langage, dans les livres, ne signifie nullement que la sexualité soit plus anarchiq
471 imental, les artistes contemporains se cantonnent dans la description d’objets purifiés de toute psychologie, ils peignent d
472 objets, de sensations, de rapports mathématiques. Dans cette perspective, la passion paraît condamnée et le roman avec elle.
473 able, à bien des égards, à celui qui se produisit dans la psyché collective du xiie siècle : une vaste remontée du principe
474 pseudo-oriental, la révolte surréaliste culminant dans le culte de la femme-enfant salvatrice de l’homme, prisonnier de la r
475 ureurs anarchiques. Elles peuvent aussi se perdre dans un idéalisme délirant, sans nul espoir de réconciliation avec la scie
15 1975, Articles divers (1974-1977). « Le sort des écrivains emprisonnés constitue un drame et un avertissement » (juin 1975)
476 des écrivains soviétiques emprisonnés ou enfermés dans des cliniques sous prétexte de maladie mentale, représente l’extrême
477 ente l’extrême d’un phénomène tout à fait général dans les sociétés d’aujourd’hui, notamment dans les sociétés occidentales.
478 énéral dans les sociétés d’aujourd’hui, notamment dans les sociétés occidentales. Ce qui se passe d’une manière scandaleuse
479 ntales. Ce qui se passe d’une manière scandaleuse dans les pays totalitaires est en germe chez nous. Face à un État qui veut
480 parce qu’il est manieur de mots, donneur de sens. Dans ce qu’il écrit il y a presque toujours quelque chose qui peut contrib
481 ne société figée comme les sociétés totalitaires. Dans ces sociétés, le fait, pour un écrivain, d’avoir une opinion personne
482 « dérangé du cerveau » le glissement est facile. Dans une société totalitaire je dirais même qu’il est naturel. On les cond
483 jamais rien dit contre Staline mais l’autre jour dans votre sommeil, vous avez rêvé de le tuer. On vous a interrogé sous hy
484 vant ce monde impossible à gouverner et que, même dans nos sociétés occidentales, la grande majorité rêve de diriger sans op
485 Ils voudraient non seulement influencer les gens dans leur comportement mais aussi dans leurs pensées. Les Russes et les Ch
486 uencer les gens dans leur comportement mais aussi dans leurs pensées. Les Russes et les Chinois sont les seuls qui avouent o
487 pulaires, citaient les gens qui faisaient l’ordre dans la cité, étaient eux aussi proches du pouvoir. Chacun de ces artistes
488 s, à sa manière, était donneur de mesures morales dans lesquelles leurs contemporains pourraient se reconnaître. Par leur œu
489 mension avait une influence ? C’est une évidence. Dans un État-nation comme ceux que nous connaissons, l’homme ne peut plus
490 se passe à l’échelon des communes ou des régions, dans une « mesure » où l’homme peut faire entendre sa voix. Pour vous il n
491 norme. Ces défauts sont peut-être moins évidents dans de petits pays, la Suisse notamment. Bien sûr nous sommes encore dans
492 la Suisse notamment. Bien sûr nous sommes encore dans une société où l’individu n’est pas aussi directement menacé. Mais je
493 rtaines outrances des pays totalitaires parce que dans le fondement de notre société ce n’est pas la masse qui constitue l’u
494 rs une société sans opposition où l’homme se fond dans la norme, accepte, est un phénomène de plus en plus courant, de plus
495 ’avoir une opinion et de l’exprimer. Il n’est pas dans la norme de la Russie d’aujourd’hui comme les Rosenberg — dont la tél
496 ppelait récemment la fin tragique — n’étaient pas dans la norme de l’Amérique des années 1950. Très justement Amnesty Intern
497 kovski qui, aux dernières nouvelles, était détenu dans la prison de Vladimir où il ne recevait aucune assistance médicale bi
498 tion. Au premier rang de ceux qui se sont engagés dans ce combat on trouve le nom de l’un des plus grands écrivains suisses
499 ougemont. Les raisons de cet engagement sont bien dans la logique de son œuvre et de ses actes. On n’a pas oublié qu’il avai
500 tudiants, objecteur de conscience, et on sait que dans une actualité récente il a notamment envoyé un message aux occupants
501 litaient aussi en faveur de cet engagement. C’est dans sa belle et solide maison de Pouilly qu’il nous les a apportées. »
16 1975, Articles divers (1974-1977). « L’État-nation, voilà l’ennemi » (1er juillet 1975)
502 incipe de la crise mondiale réside, à l’évidence, dans une mauvaise gestion de la terre : pollution, pillage des ressources,
503  000 fois chaque habitant de la planète et vivent dans la terreur que l’URSS ne les dépasse), gaspillage comme principe du c
504 ans la justifier, leur prétention à faire rentrer dans le lit de Procuste de leurs frontières les langues et l’économie, les
505 sonne devant la mécanique de l’État nous conduit, dans une atmosphère de panique sourde et de délinquance généralisée, vers
506 de renverser l’État-nation : nous péririons tous dans ses ruines. Au niveau des pouvoirs concrets, je vois très peu à renve
507 tout à construire. Et force nous sera de le faire dans les cadres de l’État-nation périmés ; hors d’eux, il n’est plus d’esp
508 , l’État-nation est aussi le fauteur de la crise, dans la mesure où l’obsession de la puissance est l’ultima ratio de ses dé
509 angoisse qui en résulte chez les individus perdus dans les foules solitaires, dans le sentiment de leur impuissance devant l
510 les individus perdus dans les foules solitaires, dans le sentiment de leur impuissance devant leur destin collectif, et de
511 é le modèle de l’État-nation qui leur était livré dans le même paquet que la technique et le DDT, et qui était pour eux, au
512 urope de l’Ouest, la solution me paraît consister dans la structure de petites régions fonctionnelles. Si l’Europe réussit à
17 1975, Articles divers (1974-1977). « Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations » (septembre 1975)
513 r des racines, puis dresser un plan. Par exemple, dans la région que j’appelle lémano-alpine, pour rester volontairement un
514 ves — contre le mercure qu’on déverse chaque jour dans le lac, au point que la lotte n’est plus comestible. Les concentratio
515 enoble – Aoste – Fribourg – Lausanne – Neuchâtel. Dans ce triangle, on trouve seize instituts universitaires. Vu cette densi
18 1976, Articles divers (1974-1977). Message de M. Denis de Rougemont (1976)
516 ource. Personnellement, je vois la preuve de cela dans le fait qu’il accepta de présider, pour un temps bref mais décisif, d
517 dée par S. A. R. le prince Bernhard des Pays-Bas. Dans quel esprit l’homme politique de premier plan qu’était devenu Robert
518 litique, doit être une communauté culturelle. Et dans ce même chapitre, je souligne cette phrase : L’unité de l’Europe ne
519 ême jusqu’au but. Il m’avait dit un jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis sans doute trop vieux pour surmont
520 vieux pour surmonter l’idée de nation souveraine, dans laquelle j’ai été élevé. Ce sera l’affaire de votre génération. Troi
19 1976, Articles divers (1974-1977). L’Europe, l’été [préface] (1976)
521 aux petites places dallées de marbre de Dubrovnik dans l’enceinte de ses remparts, de Lisbonne sur l’Atlantique à Venise sur
522 chante, danse ou déploie les fastes de ses opéras dans les plus beaux décors du monde : ceux d’une nature humanisée par les
523 on festival, de pousser sa petite note séductrice dans la grande rumeur musicale de nos étés européens ? Si je n’en ai nommé
524 t des « grands » de l’Europe, des mieux enracinés dans une tradition régionale mais aussi des premiers qui aient pris consci
525 lles se sont bardées de frontières sourcilleuses, dans notre Europe jadis ouverte à tous vents de l’esprit et tous échanges
526 es et une économie de paix, on vit aussi renaître dans tous nos pays d’une part des initiatives locales animées par des amat
527 près la lecture de son article sur la coopération dans le domaine musical. Ce jeune chef prestigieux connaissait les problèm
528 est liée à l’Europe non seulement historiquement, dans sa genèse, mais encore essentiellement dans sa nature, étant née du c
529 ment, dans sa genèse, mais encore essentiellement dans sa nature, étant née du complexe physico-spirituel qui a formé l’homm
530 e de l’Occident — notre unité fondamentale. Unité dans la diversité — est-il besoin de le répéter ? Saisir ensemble ces deux
531 prit, caractéristique de l’Europe. Voilà pourquoi dans les domaines les plus variés de notre existence, le politique et l’in
532 plus grande alliance. Au carrefour de ces axes, dans un des plus beaux parcs de Genève, se dresse une villa romantique. Le
533 ueuse pyramide du Mont-Blanc, sommet de l’Europe. Dans le salon du rez-de-chaussée, une trentaine de personnes sont assises
534 rdent sur ces champs de neige au loin, or et rose dans la lumière de l’après-midi. Par-dessus le tapis vert, jonché de papie
535 es aspects techniques de la coopération organisée dans les divers domaines de la publicité, des échanges d’exécutants et de
536 s à la radiotélévision, sur le phénomène festival dans la société d’aujourd’hui. Cette réflexion n’a pas cessé de revenir su
537 uelque peu restreint ou assagi — qu’a pris le mot dans l’ère moderne, est une forme de vie et d’activité artistique tout à f
538 ut à fait spécifique de la culture européenne. Ni dans l’Antiquité, ni dans les civilisations sacrées de l’Égypte, de l’Asie
539 de la culture européenne. Ni dans l’Antiquité, ni dans les civilisations sacrées de l’Égypte, de l’Asie, des Amériques préco
540 occasion d’une Enquête sur le rôle des festivals dans la vie culturelle de l’Europe , publiée en 1957, l’association propos
541 e niveau de la cérémonie exceptionnelle, célébrée dans un lieu prédestiné. Il se présente ainsi dans l’éclat intense que seu
542 rée dans un lieu prédestiné. Il se présente ainsi dans l’éclat intense que seule une brève durée permet de soutenir. Ce cara
543 re expérimental) et la recherche de la perfection dans leur réalisation ; mais aussi par l’accord de ces œuvres avec l’ambia
544 s aspects sociaux du phénomène festival considéré dans sa totalité et dans ses conditions matérielles d’existence. 3. C’est
545 phénomène festival considéré dans sa totalité et dans ses conditions matérielles d’existence. 3. C’est en effet de la renco
546 Berlin, Vienne ou même Zurich, capable de puiser dans les nombreuses ressources dont elle dispose pour sa propre saison d’h
547 us de place non seulement à la radiotélévision et dans la critique musicale des magazines hebdomadaires dont ils deviennent
548 ils deviennent une rubrique régulière, mais aussi dans les projets de vacances de centaines de milliers de touristes, et enf
549 s de centaines de milliers de touristes, et enfin dans les budgets nationaux, régionaux et municipaux, et dans les portefeui
550 es budgets nationaux, régionaux et municipaux, et dans les portefeuilles publicitaires. Cela va de pair avec l’accroissement
551 au début de ce siècle, la musique était confinée dans les salles de concert, séparée de la vie, j’entends des cadres archit
552 l, comme à Dubrovnik, mais les tragédies lyriques dans des amphithéâtres grecs ou romains, les ballets dans des parcs royaux
553 s des amphithéâtres grecs ou romains, les ballets dans des parcs royaux, les messes de Bach ou de Mozart dans des basiliques
554 des parcs royaux, les messes de Bach ou de Mozart dans des basiliques baroques, les mystères sur des parvis de cathédrales,
555 ystères sur des parvis de cathédrales, les opéras dans des cours de palais, ou sur des places de petites villes dont les rue
556 dont elle fut l’expression ou qu’elle reconstitue dans les esprits chaque fois qu’elle est jouée en son lieu, annonce et pré
20 1976, Articles divers (1974-1977). Histoire et prospective de l’identité européenne (1976)
557 t prospective de l’identité européenne (1976)y Dans le champ des études européennes, quelle est votre discipline ? Quand
558 manières de vivre. Et ce problème ne se pose pas dans l’espace vide de la théorie intemporelle. Il nous est imposé concrète
559 rie intemporelle. Il nous est imposé concrètement dans l’aire d’un continent déterminé, au troisième tiers du xxe siècle. I
560 blez faire, après tant d’autres — ce fut une mode dans les années 1960 — entre la recherche fondamentale et la science appli
561 a science appliquée. « Fondamentale » correspond, dans l’esprit du public et d’un grand nombre d’universitaires, à l’idée d’
562 res, à l’idée d’une recherche théorique, gratuite dans ses motivations, c’est-à-dire sans souci d’applications immédiates. C
563 t la plus payante au bout du compte. Qu’en est-il dans le domaine des sciences humaines ? Je serais tenté de revendiquer la
564 ce qui touche aux régions, notamment. Disons que dans notre domaine, la recherche fondamentale est celle qui a pour objet l
565 l’anthropologie philosophique jouent le même rôle dans notre champ d’études. Une faculté de droit prépare des avocats, une f
566 ndre en général ce qu’est l’Europe comme fonction dans le Monde ; et en particulier, c’est là ma branche, à mieux comprendre
567 . Tout cela m’a conduit à de multiples incursions dans l’histoire et l’ethnographie, les sciences religieuses et les théolog
568 nts s’en plaignent-ils ? Ceux qui font des études dans la seule intention de se préparer à un job bien défini comprennent dè
569 connaissance de l’Europe en soi et pour eux-mêmes dans le meilleur des cas. lls choisissent vite. S’ils ne veulent qu’un job
570 on premier devoir. Il consiste surtout à éveiller dans l’esprit de l’étudiant le sens de la problématique européenne, puis à
571 nt le principal de ce que j’avais à faire passer, dans le cadre rigoureux du savoir vérifié. Centrer toutes les études de vo
572 cine ou de l’histoire, on peut penser qu’on reste dans l’universel ou tout au moins dans le général. Et que ceux qui oriente
573 ser qu’on reste dans l’universel ou tout au moins dans le général. Et que ceux qui orientent leurs recherches sur les virtua
574 f qui a causé et qui cause encore tant de ravages dans le tiers-monde. Et je parle de mettre en garde non seulement les Euro
575 d’opportunité et d’utilité me paraissent faibles, dans la conjoncture de ce troisième tiers du xxe siècle. L’étude de la ch
21 1976, Articles divers (1974-1977). Changer de cap (novembre 1976)
576 nc considérer quelques-uns des arguments échangés dans ce grand débat, non pas pour leur valeur scientifique ou technique, m
577 és — absolument contraire aux fins que je défends dans toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de la personne, d’au
578 ’ai trouvé la formule de tout ce qui me répugnait dans l’affaire nucléaire comme dans celle de Concorde, en faisant de ces d
579 e qui me répugnait dans l’affaire nucléaire comme dans celle de Concorde, en faisant de ces deux entreprises les suites logi
580 e le sais, ne viendra dire devant un parlement ou dans une assemblée populaire que c’est cela qu’il veut, ni qu’il complote
581 sement. Mais la logique du système stato-national dans notre société industrielle (qu’elle soit capitaliste ou socialiste, n
582 ipule et commande — à leur insu le plus souvent — dans leurs réflexes et finalement jusque dans leurs pensées. Elle les forc
583 ouvent — dans leurs réflexes et finalement jusque dans leurs pensées. Elle les force à mentir en bonne conscience, parce qu’
584 xpression, ils mentent par raison d’État, et même dans certains cas : par fidélité à leur mission ! C’est cette mission, et
585 énergie nécessaire le plus près possible de vous, dans votre environnement immédiat, chute d’eau, rivière, force des vents,
586 , et peut pro­duire en nous d’abord mais aussitôt dans la société d’aujourd’hui de proche en proche, des répercussions infin
587 équivalent de la société industrielle qui culmine dans la Bombe à fusion nucléaire, je dis que nous ferions une autre sociét
22 1977, Articles divers (1974-1977). Souvenir de 1938 (1977)
588 , au bord de l’hérésie, exerçant, de son ermitage dans les Alpes, un empire étendu et profond sur l’esprit de ses compatriot
589 rophètes et des psalmistes. Nul autre ne possède, dans notre tradition, cette violente simplicité qui peut s’adapter à la fo
590 soutenu par le chœur, au sublime de la précision dans le sentiment, non seulement mon texte, mais tout ce que j’ai pensé, a
591 ar un lyrisme aérien, alpestre, cristallin, comme dans le chœur fugué : « Étoile du matin ». Plus tard, je lui ai demandé l
592 aroles, et puis je me les répète continuellement, dans mon atelier, dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’à ce que la
593 me les répète continuellement, dans mon atelier, dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’à ce que la mélodie sorte des
594 t ne pas admettre après coup qu’elle ait gouverné dans le fait plusieurs séries de « hasards objectifs », comme dit Breton,
595 li citant la « Légende dramatique » s’écriait : «  Dans la bataille pour la défense spirituelle de la Suisse que nous avons l
23 1977, Articles divers (1974-1977). Les débuts de la construction européenne (1977)
596 ble. Il s’agit là d’un fait patent et mesurable : dans les dernières années 1940, l’Amérique a sauvé l’Europe, généralement
597 obscurément menacée, ainsi que Dante va l’écrire dans le De Monarchia, par « le monstre aux multiples têtes » de l’État nat
598 ient leurs « grands desseins européens ». Suivent dans la foulée Voltaire, Rousseau, Gibbon, Kant, Hegel, Auguste Comte et V
599 our le pire, c’est ce vocabulaire qui sera repris dans les traités européens de l’après-guerre. Mais ce qui exige alors d’êt
600 posé, le but ultime bien indiqué : « L’Europe une dans un monde uni. » L’union sera faite sur le modèle du fédéralisme intég
601 es à Montreux, et qui marquent une étape décisive dans l’évolution de l’Europe, n’ont pas été conçues ex nihilo, ni formulée
602 e par Hitler : la Résistance. À Genève, dès 1944, dans une Europe en guerre encore, les délégués de mouvements de résistance
603 , les délégués de mouvements de résistance actifs dans neuf pays en guerre se sont réunis clandestinement, par trois fois, p
604 e Gilson, Charles Morgan… Tout au long des débats dans les trois commissions — politique, économique, culturelle — et durant
605 lturelle — et durant les séances plénières tenues dans l’historique Ridderzaal, deux grandes tendances s’affrontent : celle
606 a de faire le saut d’élire au suffrage universel, dans les six mois, un parlement européen. On ne retint que l’idée d’une as
607 ques. Les thèses fédéralistes ne triomphèrent que dans les résolutions proposant la création d’un Centre européen de la cult
608 aye « tout s’est déroulé très vite » comme on dit dans les romans policiers. Une fois les objectifs définis, les plans tracé
609 eize parlements européens. Lacune fort importante dans ce complexe : l’économie. Le plan Marshall, entré en vigueur dès 1946
610 bien peu parmi les journalistes qui se pressaient dans le Salon de l’Horloge comprirent qu’ils vivaient un grand moment de l
611 re. Il s’agissait de substituer, tout simplement, dans les rapports séculaires de nos États occidentaux, le souci de la soli
612 es et fédéralistes, de 1946 à 1949. La nouveauté, dans l’approche de Jean Monnet et de ses collaborateurs — dont aucun jusqu
613 articipé aux mouvements de militants — consistait dans l’application systématique, à ces idées, des trois principes suivants
614 ionales. Mais la faiblesse de la méthode résidait dans l’hypothèse de base selon laquelle le politique suivrait l’économique
615 iste prenant le pouvoir quelques années plus tard dans l’un des Six, pour bloquer les mécanismes communautaires. Dès avant l
616 t « le moment venu de franchir une nouvelle étape dans la voie de la Construction européenne ». Renouvelant expressément la
617 ont d’avis que l’union doit être réalisée d’abord dans le domaine économique ; ils estiment qu’il faut étudier la création d
618 ché commun européen est l’objectif de leur action dans le domaine de la politique économique ». Les négociations vont bon tr
619 es pour relever l’économie française. 26. Publié dans L’Europe de demain, Éditions de la Baconnière, 1946, où l’on peut lir
620 urnal Combat et le Manifeste de Ventotene, rédigé dans un confino fasciste des îles Lipari par Ernesto Rossi et Altiero Spin
24 1977, Articles divers (1974-1977). Robert Schuman (1886-1963) : l’homme de la frontière (1977)
621 re « qu’il n’avait l’air de rien », qu’il entrait dans la salle du parlement « comme un ecclésiastique qui se rend à la chai
622 e. Toute sa carrière européenne paraît préfigurée dans ces données historiques et géopolitiques. Mais elle a dû passer par l
623 il, un juriste quelque peu candide, inexpérimenté dans l’art de la tactique et de l’opportunité politique. Jusqu’à la guerr
624 constamment réélu à la Chambre, il s’y cantonnera dans son rôle de président de la Commission d’Alsace-Lorraine ; mais s’il
625 quelques mois, puis placé en résidence surveillée dans la Forêt-Noire, il s’évade en 1942. Les nazis le rechercheront à trav
626 es, mais bien par des personnes réelles. Et cela, dans le sens des forces dont ces personnes dégagent la résultante et trouv
627 opération « politique » plus ou moins comparables dans leurs différences et dans leurs ressemblances que l’histoire a pu voi
628 us ou moins comparables dans leurs différences et dans leurs ressemblances que l’histoire a pu voir et enregistrer : coopéra
629 son nom, parce que ce plan résultait du problème dans lequel s’était noué son drame personnel, et parce que ce plan figurai
630 manière de réconcilier la France et l’Allemagne… dans une Europe unie. Quand le moyen de commencer se présenta, il sut arrê
631 e la culture, aujourd’hui transférée à Amsterdam. Dans quel esprit l’homme politique de premier plan qu’était devenu Robert
632 litique, doit être une Communauté culturelle. Et dans ce même chapitre, je souligne cette phrase : L’unité de l’Europe ne
633 ême jusqu’au but. Il m’avait dit un jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis sans doute trop vieux pour surmont
634 vieux pour surmonter l’idée de nation souveraine, dans laquelle j’ai été élevé. Ce sera l’affaire de votre génération… ae
25 1977, Articles divers (1974-1977). Hérétiques de toutes les religions, unissez-vous ! (1977)
635 es religions, unissez-vous ! (1977)ac Un jour, dans notre jardin de Ferney, où les Corbin s’arrêtaient quelquefois, en ro
636 thodoxie protestante, aussi paradoxale en soi que dans les polémiques qu’elle nous inspirait. Cette interprétation de notre
637 tion de notre mouvement était en somme inévitable dans la conjoncture de l’époque. Tout allait à marches forcées vers la rad
638 nes, imposées par l’État et sa police à la nation dans tous ses ordres, mythique, politique, quotidien, triomphaient en Russ
639 de toute réalité, et d’abord spirituelle. Ainsi, dans le premier numéro : Deux hommes se trompent insondablement : celui q
640 ne question terriblement particulière. Remplacez dans cette phrase morale par orthodoxie, et vous saurez ce que nous pensio
641 ous ne pouvions entendre que « décision concrète… dans l’instant, hic et nunc. » Nous disions encore : Il ne s’agit pas de
642 lliement à quelque antidoctrine nouvelle élaborée dans l’entre-temps, mais une prise de conscience renouvelée de ce qui anim
643 e, et que la vraie voie est unique. ⁂ Pour entrer dans la dialectique de l’hérésie et de l’orthodoxie, considérons l’ambiguï
644  ; — l’objectivité pure de la physique classique, dans laquelle la constitution de l’objet est indépendante de la manière do
645 ar les pouvoirs totalitaires ne m’intéressent pas dans ce contexte. Note 2. Si, comme le veulent les dictionnaires, l’orthod
646 aussi bien qualifier selon D. Suzuki « ce qui est dans la ligne authentique de transmission », i.e. la communication non des
647 es moyens de découvrir personnellement la vérité. Dans ce second sens, le témoignage de l’esprit ne consiste nullement à réi
648 encore moins à s’y conformer en s’y forçant comme dans un lit de Procuste, mais au contraire : à la découvrir (ou la re-inve
649 incomparables et par définition sans précédent. ⁂ Dans le post-scriptum récemment ajouté à L’Amour et l’Occident , je parle
650 . Et cela nous vaut une œuvre vaste et passionnée dans sa rigueur, dont la maîtrise technique favorise — ô miracle — l’ouver
651 Comment pourriez-vous, « hérétiques », vous unir dans vos unicités ? Cela ne se fera jamais dans aucun Siècle, mais seuleme
652 s unir dans vos unicités ? Cela ne se fera jamais dans aucun Siècle, mais seulement en chemin vers le vrai But de tous, et e
653 ici là, l’Église véritable ne saurait exister que dans l’attente ardente et dans cette anxieuse espérance commune à tous les
654 ne saurait exister que dans l’attente ardente et dans cette anxieuse espérance commune à tous les « hérétiques » malgré eux
26 1977, Articles divers (1974-1977). La nature du pouvoir (9 octobre 1977)
655 notion de limite devenue centrale au xxe siècle, dans tous les domaines. Je voudrais, d’abord, souligner l’importance de ce
656 ion d’un pouvoir par d’autres. J’ai aussi relevé, dans cette leçon, une distinction qui, en général, amuse l’auditoire quand
657 deux mots complètement différents par leur sens, dans toute l’histoire de France, en tout cas, à partir de Philippe le Bel,
658 nce, en tout cas, à partir de Philippe le Bel, et dans notre histoire suisse. Le sens du pouvoir n’est pas le même, et la di
659 cela permet de faire entrer un peu trop de choses dans la définition du pouvoir. En somme, Jeanne Hersch a fait un peu comme
660 accompagne d’un sentiment d’impuissance croissant dans les populations et chez les individus, que les Rencontres ont choisi
661 plus sûrement que toute autre conduite, et finit dans l’État totalitaire. Il me semble qu’il y aurait lieu, ici, de marquer
662 vant l’« ultima ratio » de toutes ses contraintes dans cette préparation à la guerre — je vous renvoie, là-dessus, au classi
663 de Jean Bodin : le pouvoir du souverain consiste dans l’abandon que le peuple souverain lui a fait, une fois pour toutes, d
664 de des siècles derniers qui peuvent nous secourir dans cette tragédie car cette « prise du pouvoir », dont on parle toujours
665 de Lénine : Lénine avait écrit, au début de 1917, dans L’État et la Révolution, que toutes les révolutions bourgeoises, jusq
666 fédéralisme, mouvement qui s’inscrit, à mes yeux, dans cette alternative fondamentale que je citais tout à l’heure entre la
667 t comme le choix même de la liberté. Ayant écrit, dans un assez gros livre récent, que ce drame est celui de notre époque, j
668 ormule la plus simple pour ce que je voulais dire dans ce livre, et dans beaucoup d’autres. Je pense que cette formule rejoi
669 ple pour ce que je voulais dire dans ce livre, et dans beaucoup d’autres. Je pense que cette formule rejoint les thèses de J
670 ce du pouvoir, le fait que le pouvoir est, aussi, dans la liberté, et qu’on ne peut concevoir la liberté sans l’intervention
671 très bien mise en valeur par Bertrand de Jouvenel dans son livre Du Pouvoir, dont je ne me lasse pas de citer cette phrase :
27 1977, Articles divers (1974-1977). La puissance et les choix (mai 1977)
672 ent antinomiques et de moins en moins compatibles dans les faits. Le temps est venu de choisir entre les deux, en connaissan
673 es, deux passions se manifestent dès les origines dans l’histoire de l’humanité, et s’opposent ou parfois se composent en ch
674 e motivés par un besoin de responsabilité assumée dans la communauté. Comment se sentir libre si l’on n’est responsable de r
675 e d’une part l’aménagement des relations humaines dans la communauté (polis, donne politique, civitas donne civisme), d’autr
676 . « Très cher » implique l’intervention de l’État dans les investissements majeurs, et un bond en avant du PNB, mesure des d
677 ibilité, pour des centaines de milliers de foyers dans chacun de nos pays européens, de se rendre indépendants, de se faire
678 tonomie, l’autosuffisance au besoin, la confiance dans le prochain. Notre problème n’est pas des moyens et des fins, car les
679 rs fait la guerre, et ils continuent de la faire, dans le cadre de ce qu’ils considèrent, eux, comme l’intérêt public. Récem
28 1977, Articles divers (1974-1977). Du passé à l’avenir d’une région (27 juin 1977)
680 à la pression des mouvements « nationalitaires » dans les deux grands États-nations en voie de formation à partir de l’Alle
681 confrontés au groupe majoritaire des Alémaniques dans la nouvelle Confédération. La Suisse romande dès ce moment-là, se met
682 de dès ce moment-là, se met à exister comme telle dans le cadre de la Suisse confédérale, donc en fonction d’un libre choix
683 s inverse, l’École suisse de Zurich ait introduit dans le monde germanique la première connaissance de Dante, de Shakespeare
684 de latin, le monde anglo-saxon et les Allemagnes. Dans le courant du xixe siècle, ce que l’on nommera « l’esprit romand » s
685 pensée romande : Quand tous tes périls seraient dans ta liberté, toute la tranquillité dans la servitude, je préférerais e
686 s seraient dans ta liberté, toute la tranquillité dans la servitude, je préférerais encore la liberté : car la liberté c’est
687 psychologie de l’enfant, et modifier profondément dans tout l’Occident, l’approche des problèmes de l’école et de la formati
688 n a beaucoup écrit sur cet « esprit romand », que dans la plupart des ouvrages à lui consacrés, on considère comme grave et
689 n bien curieux mélange de gouaille à la française dans le peuple, de sérieux calviniste dans la grande bourgeoisie, de gauch
690 a française dans le peuple, de sérieux calviniste dans la grande bourgeoisie, de gauchisme intellectuel chez beaucoup d’ense
691 ’il soit horloger ou pasteur, militant socialiste dans les montagnes, vigneron de Lavaux, banquier genevois… Qu’on m’entende
692 és sur nos communautés : l’horlogerie par exemple dans l’arc jurassien, et la banque à Genève à cause de tous ces réfugiés i
693 italiens, lorrains, dauphinois, parisiens, exilés dans maints pays d’Europe par la révocation de l’édit de Nantes, mais gard
694 un qu’à la dominante protestante (sensible jusque dans les écrits d’auteurs fribourgeois comme Reynold) et qui différencie l
695 isonnable de penser qu’elle va se figer désormais dans son image du xixe siècle. Elle va changer, cela seul est certain. À
696 lumière de son histoire, essayons de conjecturer dans quels délais, dans quelles directives générales, et par l’effet de qu
697 toire, essayons de conjecturer dans quels délais, dans quelles directives générales, et par l’effet de quelles nécessités ma
698 pas dû seulement au long travail de l’œcuménisme dans les Églises, moins encore à la prétendue « désaffection des masses »
699 a proportion des protestants ne cesse d’augmenter dans les cantons à dominante catholique. Ce phénomène sociologique (et non
700 de catholiques avait joué un rôle fort impor­tant dans l’attitude négative des Genevois lorsqu’il fut question, en 1814-1815
701 t de les fermer plus qu’elles ne l’ont jamais été dans toute l’histoire européenne. Et que devient pendant ce temps « l’espr
702 le. Le sommet se situe près de Belfort. J’observe dans cette aire — tout empiriquement définie, on va le voir — une série de
703 n. — De la France voisine, chaque matin, arrivent dans les bureaux et les usines de Genève quelque 23 000 travailleurs, qui
704 au milieu du xie siècle) avait déjà été englobé dans le royaume de Bourgogne transjurane : c’est sa plus ancienne unité. S
705 s universitaires32, densité que je crois inégalée dans le reste de l’Europe. Frappé par ce fait, j’avais entrepris il y a qu
706 (1814 et 1815) avait publié trois petits ouvrages dans cette langue — dont nous ne connaissons plus guère que quelques expre
707 l’extension d’une langue oubliée, comme refoulée dans l’inconscient collectif, se trouve coïncider avec l’extension non seu
708 bliée ? 31. Et même deux, si l’on fait rentrer dans la Romandie l’ancien Évêché de Bâle, c’est-à-dire le futur canton du
29 1977, Articles divers (1974-1977). « Il faut changer de cap » (27 septembre 1977)
709 plus frappant en effet, non pas en Occident, mais dans le tiers-monde. Parce qu’on nous dit que l’humanité va doubler tous l
710 elle ne peut pas augmenter d’une manière infinie dans un monde fini. Nos ressources matérielles sont menacées d’épuisement.
711 s reste du pétrole pour trente ans. Que fera-t-on dans trente ans des autos et des autoroutes ? Réponse des technocrates : o
712 semblez trouver une solution à tous vos problèmes dans la régionalisation ? N’allons pas trop vite ! Je constate, en histori
713 le suisse ? C’est quelque chose qui s’en inspire, dans la mesure où la Suisse est née de la fédération de petites communauté
714 nsables de leur destin et des destins de la cité. Dans les énormes villes d’aujourd’hui, on assiste à une dramatique dégrada
715 tés traditionnelles, et par suite le sens civique dans l’Hexagone. Mais les régions que je préconise sont autre chose que le
716 Je ne pense pas que les hommes vont devenir sages dans les dix années décisives qui viennent, mais je pense qu’un certain no
30 1977, Articles divers (1974-1977). Au tableau d’honneur de Parents : L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)
717 , pionnier de l’idée européenne, s’adresse à nous dans son dernier livre qui vient de paraître. L’Avenir est notre affaire
718 ions sur notre monde mais pas encore sa confiance dans les hommes. Tout dans cet écrivain, grand, robuste, au regard rêveur,
719 ais pas encore sa confiance dans les hommes. Tout dans cet écrivain, grand, robuste, au regard rêveur, évoque la solidité, l
720 e cette maison, ancienne ferme retapée, imposante dans sa simplicité, dans laquelle il passe ses vacances, à quelques kilomè
721 enne ferme retapée, imposante dans sa simplicité, dans laquelle il passe ses vacances, à quelques kilomètres de Grasse. En
722 personne, de la vocation d’homme. On la retrouve dans tous ses livres, dans ses articles, dans toutes ses activités. Le
723 ion d’homme. On la retrouve dans tous ses livres, dans ses articles, dans toutes ses activités. Le sens de la communauté
724 retrouve dans tous ses livres, dans ses articles, dans toutes ses activités. Le sens de la communauté humaine doit renaît
725 asions ne lui ont pas manqué de renoncer à sa foi dans l’humanité. En 1936, il a vu de près l’Allemagne d’Hitler, a assisté
726 temps », dit-il. Terrible constat. Il l’explique. Dans l’Europe du xxe siècle, le sens de la communauté est en train de dis
727 ssus de l’eau, aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire, l’homme peut choisir son avenir, grâce à la technique. Le
728 ugemont se tourne vers le feu de bois qui crépite dans la cheminée, le regard songeur : Oui, nous avons vraiment atteint les
729 à la délinquance. La dissolution de la communauté dans la société actuelle a fait perdre à l’homme le sentiment de responsab
730 éaire, répond Denis de Rougemont. C’est insensé ! Dans tous les domaines, le mensonge atteint un sommet jamais égalé. Contre
731 es centrales qu’à l’abri d’un rideau de CRS, donc dans une société devenue policière. Vous voyez, partout nous atteignons le
732 rale » du marketing. Le sort de l’an 2000 se joue dans les leçons de nos écoles secondaires. Or qu’y apprend-on ? Des menson
31 1977, Articles divers (1974-1977). Denis de Rougemont : le retour d’un hérétique (3 octobre 1977)
733 otalitaire, vous vous retrouvez, bon gré mal gré, dans l’air du temps… J’ai plutôt l’impression que l’air du temps retrouve
734 toujours plaisir de constater qu’on n’a pas parlé dans le vide. Mais, parmi tous ceux qui défendent aujourd’hui les thèmes q
735 aujourd’hui les thèmes que je défendais moi-même dans les années 1930, combien m’ont vraiment lu ? Combien savent seulement
736 dez les conclusions des experts du club de Rome : dans la mesure où les hommes persévéreront dans leur démission, ces conclu
737 Rome : dans la mesure où les hommes persévéreront dans leur démission, ces conclusions se vérifieront. C’est de l’ordre de l
738 vous retrouvez les thèmes que vous aviez formulés dans les années 1930, puisque pour vous, fascisme, stalinisme et libéralis
739 te… Absolument. J’ajouterai cependant que ce qui, dans les années 1930, pouvait passer pour une intuition est devenu aujourd
740 . Car si les deux tiers de l’humanité sont encore dans un état de sous-développement industriel, c’est précisément à cause d
741 ables pays d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine dans la misère. Aujourd’hui, le tiers-monde s’imagine que le bonheur passe
742 t Luther que Bakounine… Je ne suis pas anarchiste dans la mesure où je sais qu’un minimum d’État est nécessaire à l’organisa
743 t un livre intitulé Vingt-huit siècles d’Europe dans lequel je m’étais amusé à collectionner tous les textes où s’exprimai
744 prix. J’ai l’impression qu’il y a un malentendu : dans votre jeunesse, disiez-vous, vous étiez résolument anticapitaliste. O
745 housiasment pour les marathons de Bruxelles, qui, dans le meilleur des cas, ne fixeront jamais que le prix du seigle ou de l
746 de la culture, il m’avait envoyé un long rapport dans lequel il expliquait que la culture française n’avait pas d’avenir en
747 le livre de Franz Fanon, Les Damnés de la terre, dans laquelle il déclare, en gros, que les Africains auraient raison de « 
748 ins probable que l’on s’engagera plus franchement dans le processus d’une fédération européenne. Le dénoncer, comme ça, en s
749 endre en chœur ce que nous écrivions, à l’époque, dans L’Ordre nouveau . Avouez que, pour une revue dont le premier numéro
750 x… Tout d’abord, je vous rappellerai que Gramsci, dans les années 1920, avait intitulé sa revue Ordine nuovo. De plus, perso
751 et pour qui l’ordre se confond avec la tyrannie. Dans les années 1930, notre grand souci, c’était d’abord la Révolution… La
752 enaient guèreav. De plus, l’état de décomposition dans lequel se trouvaient alors les démocraties occidentales était pour no
753 s assez déplaisantes, surtoutaw si on les replace dans leur contexte. Ainsi, en 1933, vousax trouvez opportun d’écrire un ar
754 faire précéder d’une longue citation de Proudhon dans laquelle l’idée même de suffrage universel est tournée en dérision. À
755 sse a faim, elle ne regarde pas ce qu’elle mange. Dans ces conditions, l’antifascisme et l’anticommunisme étaient, pour nous
756 d’entre nous, comme Mounier, s’engagèrent d’abord dans des organisations vaguement pétainistes (je pense surtout aux fameux
757 pour l’essentiel, nous nous sommes tous retrouvés dans le combat antinazi. Par le biais de la presse clandestine et des mouv
758 Résistance, toutes les idées que nous défendions dans L’Ordre nouveau ou dans Esprit ont retrouvé une audience et une a
759 ées que nous défendions dans L’Ordre nouveau ou dans Esprit ont retrouvé une audience et une actualité formidables. Reli
760 ous pas eu envie de vous engager plus directement dans l’action politique ? Étant suisse, je ne pouvais pas prétendre à une
761 arlez du pouvoir comme vous parliez de la passion dans L’Amour et l’Occident … C’est absolument exact puisque, dans ce livr
762 r et l’Occident … C’est absolument exact puisque, dans ce livre, je me livrais à une étude du couple à travers l’histoire de
763 ouvé —, Tristan n’aime pas Iseut. Il aime l’amour dans lequel l’identité d’Iseut s’anéantit et disparaît. Tristan pénètre da
764 d’Iseut s’anéantit et disparaît. Tristan pénètre dans cet état passionnel grâce à un philtre dont les chroniqueurs, depuis
765 es « barons félons » (qui jouent un si grand rôle dans toutes les versions du mythe de Tristan), n’était-ce pas ainsi qu’il
766 ? Tout cela pour dire que l’État-nation accomplit dans l’ordre de la politique des ravages comparables à ceux de la passion
767 ique des ravages comparables à ceux de la passion dans l’ordre de l’amour. Ils ont en commun le mépris de l’autre et la volo
768 de sa retraite dorée du bord du lac Léman, prêche dans le désert. On pardonne tout aux prophètes, sauf d’avoir raison… Il fa
769 ur et l’Occident , qui se vendit à partir de 1939 dans le monde entier à près de douze millions d’exemplaires, ne fut pas un
770 ns, est tout étonné de reconnaître sa propre voix dans le chœur indigné de tous ses cadets en colère. » On précise en notes
32 1977, Articles divers (1974-1977). Pierre Desgraupes fait le point avec Denis de Rougemont (10 octobre 1977)
771 ’est susceptible de la retenir ou de la détourner dans sa chute, on sait exactement à quel moment elle touchera le sol… En s
772 ivement qu’on a transporté ce terme de croissance dans le domaine des choses matérielles où il n’a plus aucun sens, parce qu
773 d’ouvrir une parenthèse : je ne me souviens pas, dans aucun de mes livres, d’avoir écrit cette phrase ! Mais on l’a si souv
774 ui, la recherche sur un véhicule sans pétrole est dans les limbes. Et les constructeurs d’automobiles, soutenus par les gouv
775 e voulons rien faire, eh bien, nous allons tomber dans les différents précipices. Par exemple, la panne générale de toutes l
776 oit ! Ils ne pourraient pas se regarder entre eux dans les yeux sans éclater de rire… Un de vos sujets d’étonnement provien
777 ion comme disent les théologiens) dont on entoure dans nos pays les problèmes du nucléaire. Vous vous interrogez à leur prop
778 s, qui sont des gens honnêtes et détestent mentir dans la vie courante ; mais une fois qu’ils sont mis en position de se déc
779 inuent à mentir. C’est justement ce qui me frappe dans tout cela : c’est que des gens qui se connaissent tous entre eux se c
780 scientifiques. Je vais prendre encore un exemple dans mon propre pays, la Suisse. On a appris, à un moment donné, qu’il exi
781 nt la Suisse, mais ce n’est là qu’un exemple pris dans un seul pays. Détrompez-vous, le problème a été très sérieusement dis
782 me temps des postes de directeur ou de conseiller dans les principales sociétés productrices d’énergie nucléaire aux États-U
783 n’a pas recours au nucléaire, on devra retourner dans les cavernes ! » C’est une ânerie monstrueuse. Avec les centrales nuc
784 s les plus optimistes, 20 % de plus d’électricité dans dix ou quinze ans ; or nous pouvons faire déjà 30 % d’économie tout d
785 , mais plus facile. Ce qu’ils poursuivent, chacun dans sa sphère — et même parfois inconsciemment — c’est le mythe de la pui
786 administrations ; Peyrefitte l’a très bien montré dans Le Mal français. Sa thèse m’aide plus qu’elle ne me contrarie ; car i
787 elle ne me contrarie ; car il a très bien montré, dans le cas de problèmes qu’il évoque, que même le général de Gaulle, chef
788 -ce à notre siècle en particulier que vous faites dans votre livre ce procès du « mythe de la puissance » avec tant de passi
789 mon livre dit à peu près : pour la première fois dans l’histoire, l’homme se voit contraint de choisir librement son avenir
790 passait mettons 100 000 habitants, elle tomberait dans la tyrannie. Son gouvernement, alors, ne pourrait plus être l’affaire
791 à encore — d’un modèle mais il n’est pas si naïf. Dans mon pays, la Suisse, qui est composée de nombreux petits cantons, nou
792 ention, et il ne peut y avoir de vraie démocratie dans des dimensions qui sont incompatibles avec le dialogue ou, du moins,
793 s au niveau, trop étroit, des cantons. C’est vrai dans la mesure seulement où les gens renoncent à être responsables et rêve
794 partisan des régions. Oui, des régions organisées dans un ensemble plus vaste. Européen d’abord, peut-être mondial plus tard
795 être mondial plus tard. Le règne de l’État-nation dans ses dimensions européennes actuelles me paraît terminé ; ce n’est pas
796 re phrase : « À partir de maintenant, il arrivera dans le monde ce que les hommes voudront qu’il arrive. » Et les hommes réf
797 lité, ils font tout autre chose. Alors, on prêche dans le désert ? Non, il y a encore un espoir, c’est qu’il va arriver main
798 e moderne au grand public. C’est ce que j’appelle dans mon livre « la pédagogie des catastrophes ». Car il y en aura d’autre
33 1977, Articles divers (1974-1977). L’Avenir est votre affaire (11 octobre 1977)
799 e 1977)bs bt J’ai rencontré Denis de Rougemont dans sa maison de Pouilly, tout près de la petite église où saint Bernard
800 prochement hautement significatif, car c’est bien dans une aventure de croisé que se lance cet infatigable défenseur des plu
801 eur des plus hautes valeurs humaines. S’il adopte dans son livre le ton du prophète, c’est que notre espèce se trouve dans u
802 ton du prophète, c’est que notre espèce se trouve dans une situation d’urgence dont nous devons absolument prendre conscienc
803 absolument prendre conscience. Tout peut se jouer dans les dix ans à venir. Le sort de l’humanité se décidera en fonction de
804 que nous allons choisir. Nous n’avons jamais été dans une situation aussi critique et c’est la première fois que l’humanité
805 s elles révèlent en réalité un courant suicidaire dans l’humanité, courant plus fort que les chefs d’État. C’est surtout cel
806 ace à ces immenses problèmes ? Comme je le montre dans mon livre, les États-nations ne sont plus adaptés aux grands enjeux d
807 etits ou trop grands, ils n’ont plus rien à faire dans ce siècle. Je n’accuse pas les gouvernants d’être méchants, mais tota
808 , des Suisses ont acquis une conscience régionale dans leur résistance commune aux centrales nucléaires, quand ils se sont a
809 se sont aperçus qu’on allait en construire seize dans un rayon de quarante kilomètres, ce qui est tout simplement dément !
810 t simplement dément ! Notez que si vous discutez, dans le privé, avec tel ministre, tel conseiller fédéral, il vous dira que
811 es grandes idées que Denis de Rougemont développe dans son livre est précisément que l’homme contemporain, piégé par la tech
812 l’automobile. Denis de Rougemont rappelle et cite dans son livre un article qu’il écrivit en 1928 déjà et dont le titre à lu
813 st éloquent : « Le péril Ford ». Ce texte, publié dans une revue protestante, tomba à l’époque dans le plus grand silence, m
814 blié dans une revue protestante, tomba à l’époque dans le plus grand silence, mais l’écrivain y montrait, avec une étonnante
815 blicitaires, à rendre l’automobile « nécessaire » dans l’esprit de ses compatriotes. Quand on lance une nouvelle technique,
816 seurs » qui n’ont cessé de se renier et barbotent dans les plus inénarrables palinodies… Lorsqu’on lui demande s’il est « à
817 souvent été à contre-courant ! Ce qui est en jeu dans ce livre, comme dans toute mon œuvre, va tout de même bien au-delà d’
818 -courant ! Ce qui est en jeu dans ce livre, comme dans toute mon œuvre, va tout de même bien au-delà d’une simple question d
819 ins événements qui pouvaient se passer, notamment dans le monde arabe. Puis vint la guerre du Kippour, qui vérifiait mon ana
820 ar j’observe qu’une immense révolution se prépare dans les pays européens, chez les jeunes surtout. Des milliers de gens son
821 de la « droite » et découvre ce que nous disions dans les années 1930, au sein du mouvement personnaliste. On dit que l’Eur
822 e idée que « le secret de l’avenir de l’homme est dans l’homme, au cœur de l’homme d’aujourd’hui ». La terre du xxie siècle
34 1977, Articles divers (1974-1977). « Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)
823 visible ! Je défends une certaine idée du mariage dans L’Amour et l’Occident , en opposition complète avec la passion amour
824 rallie à la conception du mariage que l’on trouve dans une tribu africaine. Le marié dit à sa femme : « Je te vois », et réc
825 », et réciproquement. Cela veut dire : je te vois dans ta réalité donc dans la différence. Pas de subordination, pas de fusi
826 Cela veut dire : je te vois dans ta réalité donc dans la différence. Pas de subordination, pas de fusion, pas « d’unisexe »
827 idée du fédéralisme, du régionalisme ! L’égalité dans la différence, sans uniformité ! J’ai toujours combattu pour le régio
828 échirante. Quant au goût du secret, il pèse lourd dans les discussions à propos du nucléaire. On met dans la tête des gens l
829 ans les discussions à propos du nucléaire. On met dans la tête des gens l’idée qu’ils ne peuvent pas comprendre… Je les invi
830 de la responsabilité. Mais ce n’est possible que dans de petites communautés. C’est pour cela que je crois aux régions, con
35 1977, Articles divers (1974-1977). « L’avenir, c’est notre affaire ! » (18 octobre 1977)
831 uccès public. Nous en avons parlé avec l’écrivain dans sa demeure de Pouilly, en France : « Le pays dont je préfère me plain
832 voir qui le prend. Il suffit qu’un homme s’assoie dans les fauteuils de l’État, qu’il utilise les téléphones de l’État, pour
833 elle de la contrainte. Assis près de la cheminée, dans sa pièce de travail, Denis de Rougemont forge prudemment ses phrases,
834 udemment ses phrases, comme on se fraie un chemin dans la forêt. Pas de formules toutes faites, pas de petits feux d’artific
835 es éviter en changeant de cap. De notre devoir et dans nos possibilités… Vous dites « changer de cap ». Vous évitez le terme
836 a créé l’État-nation qui, ensuite, s’est répandu dans le monde. La révolution russe, elle, a créé l’État-parti, qui concent
837 de plus en plus concentrées. L’industrie lourde, dans l’ensemble, était avant tout utile aux États, non aux peuples. L’État
838 tés populaires, entraîne la tentation de chercher dans des campagnes militaires un dérivatif aux tensions intérieures… Pol
839 dent , en un sens. Mais le fil conducteur existe, dans les livres que vous citez. Lorsque le « mouvement personnaliste » fut
840  » fut lancé, nous savions déjà qu’on s’enfonçait dans un monde anonyme et artificiel, où l’on créait de faux besoins, où la
841 cobin La réalité s’est chargée de me confirmer dans ma voie. Lecteur en Allemagne, j’ai donné, en 1935 et 1936, un cours
842 de la Révolution française. Je parle de tout cela dans mon Journal d’Allemagne . Des chemises brunes et des chemises noires
843 rs l’individu libre et responsable. Vous évoquez, dans votre livre, les nombreux mouvements populaires qui se sont créés au
844 groupements prennent en main des intérêts précis, dans une région précise. Il me semble que c’est sérieux et encourageant. V
845 ruggmann et introduits par le chapeau suivant : «  Dans son dernier livre, le célèbre essayiste qui, depuis plus de quarante
36 1977, Articles divers (1974-1977). La fonction et la structure de la ville future (décembre 1977)
846 finalités communes, qui font échouer l’entreprise dans l’anarchie et la dispersion. Les hommes ne cesseront pourtant pas de
847 ociété humaine, c’est-à-dire la personne réalisée dans la communauté. 2. Pourquoi des villes ? Parce que les hommes on
848 as se trouver juxtaposés, mais vivre en relations dans une orientation commune. Cette finalité implique des conditions, dict
849 mmes, les enfants, les métèques et les esclaves). Dans les deux cas, l’indicateur principal ou « mesure » est le produit nom
850 , quatre cinquièmes de l’humanité s’entasseraient dans des villes de plus de 5 millions d’habitants. 3. Crise et réaction
851 odèle Manhattan, une réaction générale se déclare dans le monde entier, provoquée non par quelque sagesse mais par la craint
852 ité forcée, la solitude féconde par la relégation dans l’indifférence, le quant-à-soi par l’égoïsme hargneux. Etc., etc. On
853 me hargneux. Etc., etc. On ne peut plus continuer dans les mêmes directions. Alors, vers quoi faut-il aller ? 4. L’option
854 e atteint le point où la seule question décisive, dans la plupart des grandes affaires publiques — industrie, énergie, trans
855 es technologies doivent servir. Pratiquement : 1. Dans les rues de la polis grecque et sur son agora se formait l’opinion, s
856 x badauds, mais aux citoyens. Et il faut composer dans les quartiers des grandes villes l’équivalent moderne de la place, pa
857 tion en mesures architecturales ou techniques. 3. Dans les pays à forte progression démographique, créer de nouvelles villes
37 1977, Articles divers (1974-1977). Demain le soleil (20 décembre 1977)
858 our avertir avant qu’il soit trop tard. Il prédit dans l’espoir que les événements le démentiront. Cataclysme ou apocalypse
859 pocalypse sont des mots épouvantails qu’il plante dans ses pages pour qu’ils effraient la peur et l’éloignent. Quand il affi
860 ccident a été traduit en douze langues et publié dans quatorze pays, mais toujours avec de faibles tirages. Ce succès n’a j
861 rd, que je suis quelqu’un qui voudrait qu’il vive dans un monde agréable quand il sera grand. Ensuite, que j’ai écrit des li
862 t fédéraliste européen. Que j’espère être démenti dans mes prédictions les plus désastreuses, que je crois que le soleil peu
863 ces idées et cette doctrine allaient disparaître dans le gouffre général : il n’en a rien été. Tous les mouvements de résis
864 ’en a rien été. Tous les mouvements de résistance dans les pays d’Europe se sont nourris de nos idées, même en Allemagne naz
865 êmes finalités À Paris, vers 1930, nous étions dans une démocratie libérale dirigée par les partis et qui paraissait fata
866 jouer notre dernière chance. Ainsi que je l’écris dans la première page de L’Avenir est notre affaire  : « À partir de main
867 affaire  : « À partir de maintenant, il arrivera dans le monde ce que les hommes voudront qu’il arrive. » Vous n’acceptez p
868 s refusez de voir l’intervention du doigt de Dieu dans certains événements ? Des hommes sensibles Je suis chrétien, ma
869 e sont des super-cerveaux, des savants rassemblés dans de doctes séminaires qui doivent donc imaginer ce que demain pourrait
870 a chute d’Adolf Hitler. Le désastre était inscrit dans les données de son aventure. Si Hitler revient souvent dans la conver
871 onnées de son aventure. Si Hitler revient souvent dans la conversation de Denis de Rougemont, c’est parce que je pense que l
872 deviner. Les conséquences de l’irruption d’Hitler dans l’ordonnancement de l’Histoire ont dépassé la Deuxième Guerre mondial
873 e indispensable se trouvait enfoui principalement dans le sous-sol des pays sous-développés qui étaient maîtres de la riches
874 us ne le ferons pas. » Comment Hitler apparaît-il dans les sables ? Hitler a eu ce succès gigantesque en Allemagne parce qu’
875 gigantesque en Allemagne parce qu’il a senti que, dans le monde capitaliste, les hommes avaient un besoin fondamental de com
876 des lendemains sans chaleur, sans lumière, figés dans l’immobilité avec des routes comme des artères privées de sang. C’est
877 Comment les personnes pourraient-elles s’épanouir dans le froid et dans le noir ? Le progrès est dans l’utilisation de l’éne
878 nnes pourraient-elles s’épanouir dans le froid et dans le noir ? Le progrès est dans l’utilisation de l’énergie solaire, sym
879 ir dans le froid et dans le noir ? Le progrès est dans l’utilisation de l’énergie solaire, symbole de tout cela. Voilà de la
880 de ses immenses richesses, il s’ennuie tellement dans ses enfers qu’il voudrait tuer le plus grand nombre de gens possible
38 1977, Articles divers (1974-1977). Écologie, régionalisme, fédéralisme : l’avenir selon Denis de Rougemont (30 décembre 1977)
881 aux États-Unis, Denis de Rougemont s’est installé dans le pays de Gex, à Ferney d’abord, puis à Saint-Genis. Il dirige à Gen
882 que 5800 habitants, il y a des immeubles vides et dans certains d’entre eux cinq ou six appartements sont occupés sur trente
883 a bien sûr toujours quelque part (on cherche même dans la région parisienne) : mais à quel prix ? Épuisé ou inutilisable, le