1 ue à Rome, s’était demandé : d’où vient l’Europe, et sur quelles bases d’unité culturelle édifier son union politique ? La

2 inaugurons, se demande plutôt : où va l’Europe ? et plus exactement : où voulons-nous qu’elle aille ? Car il s’agit dorén

3 emière souhaitait approfondir en réflexion morale et culturelle les efforts pour l’union que nos gouvernements se disposai

4 ise mondiale que tous les augures nous annoncent, et voici le paradoxe de notre situation : si nous refusons de les croire

5 out dire d’un mot : entre la première table ronde et celle d’aujourd’hui, expliquant tout ce qui les rend différentes, il

6 du club de Rome décrivait les symptômes matériels et le syndrome fondamental : celui de la croissance illimitée. La crise

7 ui de la croissance illimitée. La crise mondiale, et la carence politique des Européens s’originent l’une et l’autre dans

8 carence politique des Européens s’originent l’une et l’autre dans nos attitudes devant la nature et l’État, dans l’échelle

9 ne et l’autre dans nos attitudes devant la nature et l’État, dans l’échelle des valeurs, réglant nos choix concrets, dans

10 Europe, « la Convention de coopération culturelle et le programme du Conseil en matière d’éducation et de culture ». Je cr

11 et le programme du Conseil en matière d’éducation et de culture ». Je crois qu’il serait juste d’ajouter à ces disposition

12 -Henri Spaak, pour ne citer que les plus évidents et ceux que j’ai le mieux connus. Ce n’est pas rien, mais il faut bien a

13 à nous Européens inventeurs des machines, du DDT et de la bombe atomique, nous avons à trouver comment réorienter toute l

14 afin d’éviter les désastres écologiques, civiques et génétiques auxquels conduit nécessairement une société de Production

15 de Publicité manipulatrice, de Pouvoir militaire et de Profit monétaire, un cinquième P, le Plutonium mortel des centrale

16 rmer avec une logique infernale (le nom l’indique et ce n’est pas un hasard) ce « Pentagone de la Puissance » ou mieux : d

17 sion de Puissance, comme l’a décrit Lewis Mumford et comme je n’ai cessé de le dénoncer depuis que je m’occupe de l’Europe

18 . Nous voici, nous les douze invités à la table — et vous tous qui entrerez, je l’espère, dans le débat — aux prises avec

19 mme disait Nietzsche — au nom de quelles valeurs, et en vue de quelles finalités ? En nous posant cette énorme question, e

20 dant d’y réfléchir en quelque sorte publiquement, et puis de déposer nos conclusions sur son bureau, le Conseil de l’Europ

21 , au sens du terme le plus éminent, le plus large et aussi le plus précis puisqu’il désigne comme au temps d’Aristote la g

22 soit remercié par les Douze, en tant qu’invités, et qu’il en soit félicité par nous tous, en tant que citoyens. Car le Co

23 e affaire, que de fonder la politique européenne, et de la fonder, comme il se doit, beaucoup moins sur les expériences du

24 ées » que la foi seule, par instants, peut saisir et peut seule activer dans notre histoire. Où irons-nous ? Au nom de quo

25 notre histoire. Où irons-nous ? Au nom de quoi ? Et en vue de quelles fins faut-il créer l’union des gens de l’Europe, te

26 ées elles-mêmes par rapport à quelles références, et à quel absolu réellement respecté et généralement obéi par la communa

27 références, et à quel absolu réellement respecté et généralement obéi par la communauté dans laquelle nous sommes nés ? D

28 sastres calculables. Nous pensons à partir de là. Et l’on ne peut pas faire autrement. Car la pensée, en général, n’est pe

29 os libertés, pour notre économie, pour la nature, et finalement pour la survie de l’espèce humaine. Qu’il s’agisse de la p

30 roduction industrielle au service du Profit privé et du prestige national, qu’il s’agisse de l’épuisement des ressources t

31 reux, quand ce ne sont pas déjà les disques rouge et blanc de la voie barrée, de l’impasse. Je n’en dirai pas plus sur ce

32 pire de notre crise : l’équivalent moral, social et politique du célèbre Rapport sur Les Limites à la croissance (matérie

33 Rapport sur la dégradation des relations humaines et la dissolution des liens communautaires. On y décrirait le désert sur

34 ents, des curiosités mêmes par l’école, la presse et la radio alignées, aliénés, uniformisés : cela conduit tout droit à l

35 t l’abaissement du niveau intellectuel des masses et de la qualité artisanale — la jeunesse qui ne lit plus que des onomat

36 bulles ; la manipulation des désirs, des besoins et des fantasmes par la Publicité et la Télévision ; les ravages de la d

37 rs, des besoins et des fantasmes par la Publicité et la Télévision ; les ravages de la division du travail qui est en réal

38 ndra vraies, quand elles n’étaient que monitoires et n’ambitionnaient rien que d’être démenties ! Oui, je sens parmi nous

39 s écologistes, quelque chose qui est là déjà, bel et bien là, et qui est la Question du siècle, une question pure, béante,

40 s, quelque chose qui est là déjà, bel et bien là, et qui est la Question du siècle, une question pure, béante, qui se posa

41 se posait du temps de ma jeunesse à quelques-uns, et qui a subitement éclaté dans les universités de tout l’Occident et da

42 nt éclaté dans les universités de tout l’Occident et dans les rues de nos capitales au mois de mai 1968 : Que faisons-nous

43  ? Elle ne le sait pas elle-même. Cette question, et surtout qu’elle demeure sans réponse, voilà qui devrait nous effrayer

44 nts sur le néant, laisse des millions de jeunes — et d’autres ! — dans l’angoisse et l’irresponsabilité forcée, livrés au

45 lions de jeunes — et d’autres ! — dans l’angoisse et l’irresponsabilité forcée, livrés au vertige des idéologies sans poin

46 n’est plus leur affaire, ne peut que les brimer, et les oblige à s’évader dans la drogue, dans la révolution verbale des

47 n d’aujourd’hui se demande à quoi tout cela rime, et descende le crier dans la rue : il serait anormal qu’on ne lui répond

48 u’il juge très sévèrement la société matérialiste et qu’il dénonce son anarchie profonde, mais il est anormal qu’il se voi

49 eunes gens rêvent de la renverser, cette société, et ils se trompent d’une manière pathétique, parce qu’on peut renverser

50 té industrielle, vraie cause de toutes nos crises et du système qu’elles constituent. Tenter de s’y opposer par la violenc

51 ette crise morale affecte l’Occident tout entier, et par lui tous les peuples de la terre qui copient notre civilisation i

52 itative. Elle est née de l’Europe, de ses valeurs et de leurs conflits ; et des guerres aussi, dans lesquelles nous avons

53 e l’Europe, de ses valeurs et de leurs conflits ; et des guerres aussi, dans lesquelles nous avons entraîné toute la planè

54 tour, ces guerres sont nées de nos nationalismes. Et voici qu’apparaît clairement le sujet de notre table ronde : pour sor

55 ortir de la Crise mondiale, de ses contradictions et de ses impasses, il faut des choix. Il faut savoir ce que l’on est pr

56 . Il faut savoir ce que l’on est prêt à sacrifier et quelles sont les priorités. Veut-on d’abord et à tout prix la Puissan

57 er et quelles sont les priorités. Veut-on d’abord et à tout prix la Puissance, ou la Liberté ? Tout changera selon la répo

58 , ou la Liberté ? Tout changera selon la réponse. Et avec cela entrent en jeu, dans le concret, les valeurs, dont une mode

59 ce qui nous permet de choisir, ordonne nos choix, et définit leur sens. Face à la Crise mondiale, nous avons l’impression

60 it de valeurs, c’est qu’il y a donc des valeurs ! Et qui décident ou plutôt nous permettent de décider. Nous ne prenons co

61 16 384 en un peu moins d’un siècle, utopie pure) et cela grâce aux 24 000 centrales nucléaires nécessaires à la fin du si

62 trales nucléaires nécessaires à la fin du siècle, et produisant assez de plutonium pour nous tuer tous plusieurs millions

63 progrès matériel, quantitatif, détruisant forêts et collines, ou cette sensation de bonheur animique et physiologique, qu

64 collines, ou cette sensation de bonheur animique et physiologique, que rien ne mesure, et qui vaut plus que tout ? Bien s

65 ur animique et physiologique, que rien ne mesure, et qui vaut plus que tout ? Bien sûr, les choix sont rarement aussi simp

66 tal entre l’impératif catégorique, qui est moral, et les impératifs technocratiques, qui sont des questions de gros sous,

67 puissance militaire. Or, ces choix de finalités, et les sacrifices qu’ils commandent, sur quel absolu les régler ? Et com

68 s qu’ils commandent, sur quel absolu les régler ? Et comment évaluer les valeurs qui les guident ? Ici se pose la question

69 ent, même chez celui dont il gouverne le jugement et la conduite. Ainsi chez Marx : on a relevé que cet auteur semble bann

70 st à ne décrire que des enchaînements nécessaires et qui échappent à toute considération morale. Cependant, la passion qui

71 autres structures que l’on croirait intemporelles et universelles, mais qui ont leur date et leurs coordonnées spatiales.

72 mporelles et universelles, mais qui ont leur date et leurs coordonnées spatiales. Notre notion de la personne s’est consti

73 ise s’installe dans les cadres de l’Empire romain et tente de formuler à l’aide des catégories de la pensée grecque une ré

74 onciles est celui de la Trinité : comment définir et distinguer en un seul Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, c’es

75 r et distinguer en un seul Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, c’est-à-dire les trois relations de la paternité, de

76 trois relations de la paternité, de la filialité et de la procession, sans sacrifier ni l’unité divine ni la diversité de

77 cela ne rendait pas compte de l’idée de relation et de rôle distinctif, qu’évoquait en revanche le mot latin de persona,

78 après avoir désigné le masque porté par un acteur et caractérisant son rôle dans l’action. Pour définir les trois fonction

79 ivines, c’est-à-dire pour exprimer à la fois l’Un et le Divers, ou l’unité dans la diversité, les Pères adoptèrent donc le

80 u’ils confessaient Jésus-Christ comme « vrai Dieu et vrai homme » à la fois, les Pères du concile de Chalcédoine ont posé

81 mantisme allemand, de Kierkegaard ou de Proudhon, et les dialectiques d’aujourd’hui, qu’elles soient marxistes, existentia

82 istes, existentialistes ou physico-mathématiques. Et c’est aussi, au plan de la théorie politique, le modèle du fédéralism

83 coexistence en perpétuelle interaction de l’union et des petites communautés, de l’unité globale et des autonomies locales

84 on et des petites communautés, de l’unité globale et des autonomies locales — cette pensée en tension qui est vraiment l’i

85 t de personne, cette notion théomorphe de l’homme et anthropomorphe de Dieu. Voilà pour l’origine, « technique » en quelqu

86 t en termes laïques les définitions conciliaires, et sera commenté par tout le Moyen Âge. Homologue du « vrai Dieu et vrai

87 é par tout le Moyen Âge. Homologue du « vrai Dieu et vrai homme », de la Deuxième Personne divine, la personne humaine est

88 e la coexistence en tension de l’individu naturel et de ce qui dans l’homme « passe infiniment l’homme » comme dit Pascal 

89 re. Aux notions grecques d’individu, d’autonomie, et d’homme mesure de toutes choses, aux notions romaines d’organisation

90 outes choses, aux notions romaines d’organisation et d’institutions stables (ou État), aux notions évangéliques et judaïqu

91 tions stables (ou État), aux notions évangéliques et judaïques, d’amour actif, de liberté, de justice et de vocation, sont

92 judaïques, d’amour actif, de liberté, de justice et de vocation, sont venues s’ajouter les valeurs germaniques de fidélit

93 enture initiatique courue par le chevalier errant et de Quête spirituelle. Mais aujourd’hui, qu’est-ce donc que la personn

94 le question je ne pourrais répondre que pour moi, et pourtant j’oserai dire que la personne c’est l’œuvre essentielle de c

95 ntielle de chacun, qui consiste à trouver sa voie et à courir son aventure sans précédent. Car chacun naît de quelque chos

96 chacun pour le joindre doit créer sa propre voie, et frayer son propre sentier. Partant de moi, individu sans précédent hi

97 à moi-même. Mais la question lancinante se pose, et se repose à tout instant, à savoir si je découvre mon chemin tel qu’i

98 utrement. Il s’agit d’une activité jamais achevée et qui sans fin cherche sa fin, et qui la reconnaît lorsqu’elle éprouve

99 té jamais achevée et qui sans fin cherche sa fin, et qui la reconnaît lorsqu’elle éprouve un sentiment de convenance entre

100 ve un sentiment de convenance entre ses démarches et cette fin. Je conçois que l’on puisse n’y pas croire. Que l’on puisse

101 par répéter, après Nietzsche, que Dieu est mort, et que cela signifiait la « mort de l’homme », et donc de toute identité

102 t, et que cela signifiait la « mort de l’homme », et donc de toute identité, de toute personne. Or, ce n’est là qu’une mét

103 mme, c’est la mort d’une nature tuée par l’homme, et qui nécessairement entraînerait dans sa perte l’espèce humaine. Car l

104 s’ensuit « logiquement » ; quand on nie le sujet, et qu’on répond comme Ulysse au Cyclope : « Je me nomme personne, je n’y

105 n. On peut très bien ne pas croire à la personne. Et je ne cherche pas, ici, à vous convaincre qu’elle existe, mais simple

106 te, mais simplement à vous faire voir qu’en fait, et pratiquement, vous y croyez, tous tant que vous êtes. Car si vous pro

107 ge ne fait qu’utiliser notre gosier, notre langue et nos lèvres et que « ça » parle à travers nous, — comment peuvent-ils

108 utiliser notre gosier, notre langue et nos lèvres et que « ça » parle à travers nous, — comment peuvent-ils signer des man

109 y a plus rien. Il ne reste rien que leurs livres, et leur nom sur ces livres — mais pourquoi ? Marx, en revanche, dénonçan

110 ravailleurs, témoignait en faveur de la personne, et en son nom. L’aliénation de l’homme ne saurait désigner que ce qui co

111 se mouvoir, librement, à la fois selon le naturel et selon le divin qui est en lui. L’aliéner, c’est le mécaniser — au sen

112 rait que l’altérer, le détourner de sa vocation — et c’est cela que j’appelle le péché. Le problème de l’aliénation, essen

113 ciser. Le pouvoir sur autrui, c’est la Puissance, et le pouvoir sur soi-même, la Liberté. Le pouvoir sur autrui, il est fa

114 tat réclame en effet la totalité des allégeances, et ne peut tolérer que des pouvoirs collectifs soient détenus par des pa

115 x, des États modernes contre les pouvoirs locaux, et de l’école primaire contre toute forme d’originalité chez les élèves.

116 lève du domaine réservé ou revendiqué par l’État, et sera tôt ou tard monopolisé par l’État. Tout pouvoir qui s’exerce sur

117 cela la Liberté, condition générale de l’accueil et de l’exercice de toute vocation personnelle. Mais cette vocation pers

118 ublicité, par un laboratoire manipulant les gènes et capable de provoquer des changements de personnalité « à la demande »

119 dont les conditions de vie, de dignité, de santé et de loisirs sont à peu près les mêmes à l’Est dit socialiste et à l’Ou

120 sont à peu près les mêmes à l’Est dit socialiste et à l’Ouest capitaliste, mais de nous tous, habitants d’une cité en rui

121 : « Heureux les pauvres », disent nos Béatitudes, et les sermons le répètent tous les dimanches aux banquiers qui vont à l

122 quotidienne. » Les notions d’impératif technique et d’impératif de l’économie se révèlent à leur tour valeurs fausses et

123 ’économie se révèlent à leur tour valeurs fausses et même d’un ridicule moliéresque. Elles ne sont, trop évidemment, que l

124 alibis, soit de la volonté de puissance des États et de leurs grandes agences techniques, soit du profit privé des société

125 l, pratiquement immortel (métal, verre, plastique et béton) au végétal et à l’animal dont la loi de développement inclut l

126 tel (métal, verre, plastique et béton) au végétal et à l’animal dont la loi de développement inclut la mort. Ainsi, par pe

127 s mortelle. Le Progrès vénéré par le xixe siècle et réputé irrésistible, est le type même de l’antivaleur, s’il n’est que

128 mais seulement la croissance illimitée de besoins et de produits matériels, croissance dont on a remarqué que le rythme es

129 sur soi-même ; ceux qui ne s’aiment pas eux-mêmes et qui par suite ne valent rien pour aimer leur prochain. Car toute la t

130 r leur prochain. Car toute la tradition hébraïque et chrétienne qui a formé vingt siècles d’Europe nous dit qu’il faut aim

131 dit qu’il faut aimer son prochain comme soi-même, et cela fonde la communauté ! Non sur un sentiment, mais sur un acte ! S

132 un acte ! Sur l’amour qui agit, l’amour qui aide, et non pas sur cette chose qui se lamente 12 heures par jour à la radio.

133 ipe de toute communauté est de nature spirituelle et touche l’élément transcendant dans la personne, si bien qu’il peut re

134 te est proximiste, c’est-à-dire communale, locale et régionale. L’universel et le local ne sont pas en contradiction — pas

135 -dire communale, locale et régionale. L’universel et le local ne sont pas en contradiction — pas plus que l’Église et la p

136 sont pas en contradiction — pas plus que l’Église et la paroisse — puisqu’ils expriment la dialectique constitutive de la

137 constitutive de la personne entre le transcendant et l’incarné, entre ce qui libère, dégage, universalise d’une part, et c

138 e ce qui libère, dégage, universalise d’une part, et ce qui lie, engage, enracine d’autre part. J’ai dit que la liberté de

139 iberté de la personne implique sa responsabilité, et que la réciproque n’est pas moins vraie. La vocation dont l’appel me

140 dans la cité, parce que c’est parmi eux, avec eux et pour eux, autant que pour moi, qu’elle va peut-être se réaliser. Pas

141 rne tend à faire de nous tous des irresponsables, et que les dimensions mêmes de nos États-nations et de nos villes les fo

142 et que les dimensions mêmes de nos États-nations et de nos villes les font échapper à nos prises, et rendent vaine notre

143 et de nos villes les font échapper à nos prises, et rendent vaine notre idée de participation à leur gestion, donc de civ

144 n à leur gestion, donc de civisme. Participation et civisme ne reprendront un sens concret que dans les petites unités, m

145 concret que dans les petites unités, municipales et régionales, qu’il s’agit désormais de recréer si l’on veut que la per

146 régions, par en haut, la fédération continentale. Et nous venons de voir que ces deux pôles de la société à construire cor

147 ar l’imposition uniforme d’un même corpus de lois et de règlements de police, mais au contraire, c’est dans la liberté de

148 valeurs, comme ce qui nous permet de les éprouver et au besoin de les transvaluer, nous avons vu se dégager une morale de

149 us avons vu se dégager une morale de la vocation, et nous voyons maintenant se constituer les éléments d’une politique com

150 es éléments d’une politique communautaire. Morale et politique, soulignons-le, qui se déduisent immédiatement de la struct

151 iatement de la structure bipolaire de la personne et de ses exigences antinomiques, mais en réalité inséparables, de liber

152 omiques, mais en réalité inséparables, de liberté et de responsabilité. Or, il se trouve que toute vraie politique de la p

153 endre leur autonomie, seront amenées à se fédérer et donc à pratiquer la seule méthode capable, selon moi, d’unir nos peup

154 le méthode capable, selon moi, d’unir nos peuples et de sauver nos libertés. C’est à cause de cela, finalement, que je sui

155 s de plus, ici, parler de l’Europe, de son union, et de la création des régions qui rendra seule possible cette union. Tou

156 l, culturel, économique, écologique de l’Europe — et de l’Occident tout entier — se ramène en dernière analyse à cela : co

157 né par la société technico-industrielle démesurée et sans cadres, pourra-t-il demain redevenir responsable, s’accepter soi

158 ire à la vraie liberté ? En termes philosophiques et moraux, cela signifie : voulons-nous à tout prix un certain niveau de

159 u de vie, avec les disciplines sociales uniformes et dépersonnalisantes que cela signifie ? Ou voulons-nous accéder à notr

160 e œuvre d’art ? En termes d’organisation pratique et politique, cela signifie : créer des régions et les fédérer, avec tou

161 e et politique, cela signifie : créer des régions et les fédérer, avec tout ce que cela implique d’autogestion à tous les

162 Alexandre Marc et l’invention du personnalisme (1974)a Comment nous sommes-nous renc

163 l’ai publiée dans le Journal d’une époque, p. 93 et 94 : Chez Charles Du Bos à Versailles, j’avais rencontré un personna

164 rencontré un personnage d’aspect massif, courtois et souriant, dont l’accent russe amenuisait les mots, encore qu’il parlâ

165 e qu’il parlât volontiers de « rigueur doctrinale et révolutionnaire ». Il me remit un manifeste de deux pages dont cette

166  15 ans. » L’officier le considère avec curiosité et tout d’un coup : « Tu as de la chance, c’est l’âge de mon fils ! Tien

167 là tout ce que tu mérites [un grand coup de pied] et fiche-moi le camp ! ») Sa famille avait fui en Allemagne. À Fribourg-

168 ours de Husserl. Né juif, il devenait catholique, et signait Alexandre Marc des articles d’un ton violent qui paraissaient

169 connu — ou reconnu — le nom même du personnalisme et les rudiments d’une doctrine que ma récente découverte de la théologi

170 expression adéquate de mes certitudes naissantes. Et c’est aussi par l’entremise de Marc, je pense, que je rencontre peu d

171 s après Emmanuel Mounier, qui préparait Esprit , et Arnaud Dandieu qui allait inspirer le groupe de L’Ordre nouveau . Un

172 c Dandieu, qui allait inspirer L’Ordre nouveau , et tout d’abord avec Philippe Lamour et sa revue Plans, à laquelle je co

173 re nouveau , et tout d’abord avec Philippe Lamour et sa revue Plans, à laquelle je collabore en 1931. Une seule chose sûre

174 quelle je collabore en 1931. Une seule chose sûre et certaine dans tout cela : c’est Alexandre Marc qui a provoqué presque

175 voqué presque toutes les rencontres, combinaisons et permutations entre les groupes naissants et leurs animateurs, et cela

176 isons et permutations entre les groupes naissants et leurs animateurs, et cela durant une période que je puis facilement d

177 entre les groupes naissants et leurs animateurs, et cela durant une période que je puis facilement délimiter par deux rep

178 pour une fois de communistes comme Henri Lefebvre et Paul Nizan, et d’un représentant de la Jeune droite, Thierry Maulnier

179 e communistes comme Henri Lefebvre et Paul Nizan, et d’un représentant de la Jeune droite, Thierry Maulnier. Ce « front co

180  ». Il n’importe : une génération s’est déclarée, et quels que soient les conflits qui l’animent, elle a reconnu les éléme

181 dans sa double opposition aux fascismes montants et au capitalisme en crise. Mais ce dont il m’importe, ici, de témoigne

182 r, c’est du rôle de pionnier, d’inventeur d’idées et d’animateur d’actions communes qu’a joué dans ces années cruciales Al

183 je le crois plutôt) chez Charles Du Bos, profond et précieux critique catholique, voilà qui n’importe guère : dans les de

184 — à la fois mes récentes certitudes théologiques et ma passion de l’écriture en soi, de les dépasser ou transcender par «

185 acte », ainsi que je l’écrirai un an plus tard — et c’est, je crois, la première expression de l’engagement, terme dont d

186 nécessaires pour mieux situer le point de départ et le champ de notre dialogue. Sortant d’un bain de romantisme allemand,

187 gue. Sortant d’un bain de romantisme allemand, lu et vécu, à Vienne, à Budapest, au lac de Garde, en Souabe — fasciné par

188 me tout en dénonçant ses faiblesses métaphysiques et politiques1, moralement « libéré » comme on dit aujourd’hui, mais sen

189 e Goethe ; oscillant entre les extrêmes de Pascal et de Rimbaud, tout me portait à déboucher sur une action, fût-elle spir

190 Suisse romande, qui me traitaient de communiste, et à des manifestations de rue en faveur de Sacco et Vanzetti.) Mon prem

191 et à des manifestations de rue en faveur de Sacco et Vanzetti.) Mon premier article publié à Paris s’intitulait « Le péril

192 le de ce que je tentais péniblement de décrypter, et croyais déjà sans le savoir. ⁂ Il y a plus de quarante ans de cela. J

193 inchangé dans les données de sa personne morale, et confirmé dans sa carrure morale. Pour l’apparence et le comportement,

194 confirmé dans sa carrure morale. Pour l’apparence et le comportement, je l’ai un peu décrit plus haut. J’ajouterai à ces q

195 je le mentionne pour attester ma bonne mémoire ; et que, s’il riait haut et fort, par éclats brusques, ou laissait un sou

196 tester ma bonne mémoire ; et que, s’il riait haut et fort, par éclats brusques, ou laissait un sourire un peu lointain pli

197 nnait pas moins une impression de sérieux profond et de maturité sans âge, due sans doute à tant d’expériences traumatisan

198 ssumées sans faux-fuyants, transmuées en lucidité et nourrissant une volonté aussi tenace que dénuée d’illusions romantiqu

199 eurant, des mieux armé pour les luttes politiques et intellectuelles où notre génération se voyait jetée. Formé par l’Univ

200 e avant de terminer en France des études de droit et Sciences Po, il nous apportait à la fois ses connaissances, puisées a

201 ou de l’interrogation existentielle de Heidegger, et le sens vécu de cette praxis dont les marxistes français ne faisaient

202 hon, mais aussi pour Lénine, celui de Que faire ? et des « minorités agissantes ». « Sans théorie révolutionnaire, pas d’a

203 s de fractions » avec la souplesse dans l’action, et maniant tour à tour l’exclusive jusqu’à la scission qui mutile pour m

204 jusqu’à la scission qui mutile pour mieux sauver, et l’appel généreux aux larges regroupements… Derrière tout cela, avant

205 out cela, motivant tout, une recherche de l’homme et de ses fins dernières, qui « passent infiniment l’homme » selon Pasca

206 e avait été lancée par quelques prélats anglicans et théologiens d’Amérique. Elle était patronnée, vigoureusement, par Nat

207 le » au niveau des gouvernements ecclésiastiques, et la masse des fidèles ignorait tout. Le groupe de discussion réuni par

208 Or c’est cela, justement, qui est personnaliste. Et le paradoxe œcuménique apparaît parfaitement homologue au paradoxe fé

209 comportait une section de discussions religieuses et une section de recherches politiques. Je n’ai souvenir que de la prem

210 s. Il y avait là des orthodoxes, Nicolas Berdiaev et le Père Boulgakov, le Père Gillet (ancien bénédictin) et le peintre K

211 ère Boulgakov, le Père Gillet (ancien bénédictin) et le peintre Kowalewski, qui deviendra plus tard évêque ; des protestan

212 me les pasteurs Pierre Maury, Westphal, Dominicé, et Roland de Pury, encore étudiant ; une ou deux fois, W. Visser ’t Hoof

213 général du « Conseil œcuménique en formation » ; et du côté catholique, Jacques Maritain, Gabriel Marcel, les Pères Conga

214 acques Maritain, Gabriel Marcel, les Pères Congar et Daniélou, quelques dominicains de Juvisy, et beaucoup de jeunes « de

215 ngar et Daniélou, quelques dominicains de Juvisy, et beaucoup de jeunes « de toutes croyances ou incroyances » selon la fo

216 me par Karl Barth, de Thomas d’Aquin par Maritain et Gilson, ou de la Sophiologie par Boulgakov — sont mieux capables de n

217 lgakov — sont mieux capables de nouer le dialogue et de s’entendre que les tenants des libéralismes, des modernismes et de

218 que les tenants des libéralismes, des modernismes et des laxismes de toute espèce. (Cela devait changer, bien entendu, vin

219 orthodoxies se figeant en « lectures correctes » et l’élan spirituel passant pour hérésie…) ⁂ Il est probable que Mounier

220 is, rupture de chauvinismes, rupture de marxismes et de fascismes. (Il y avait là parmi cent autres Otto Strasser, chef du

221 mi cent autres Otto Strasser, chef du Front-Noir, et Harro Schulze-Boysen, chef du groupe Gegner — Les Adversaires —, celu

222 —, celui qui animera plus tard l’Orchestre rouge et mourra sous la hache des nazis.) La rencontre d’Arnaud Dandieu et de

223 a hache des nazis.) La rencontre d’Arnaud Dandieu et de Mounier, également provoquée par Marc, date d’octobre de cette mêm

224 ent de paraître. Il contient des articles de Marc et de moi. C’est dire que depuis plusieurs mois, nous travaillons avec M

225 travaillons avec Mounier, Izard, Galey, Touchard et toute l’équipe qui a préparé la revue, que nous voulons ouverte à tou

226 rquée avant tout par le catholicisme progressiste et péguyste qu’annoncent, d’entrée de jeu, ses premiers directeurs. La r

227 aux pages 100 à 102 de l’ouvrage intitulé Mounier et sa génération. Dans ses carnets intimes, Mounier se révèle allergique

228 verres de myope… intellectuel jusqu’aux ongles ») et il traite l’Ordre nouveau de « petite église d’inquisiteurs ». Or, il

229 glise d’inquisiteurs ». Or, il sait bien que Marc et moi, qui faisons partie de sa première équipe de rédacteurs, apparten

230 cteurs, appartenons avant tout à l’Ordre nouveau, et cela en dépit de l’attrait qu’exercent déjà sur Marc le catholicisme

231 attrait qu’exercent déjà sur Marc le catholicisme et Péguy ; et en dépit aussi de mes sérieuses divergences avec le nietzs

232 exercent déjà sur Marc le catholicisme et Péguy ; et en dépit aussi de mes sérieuses divergences avec le nietzschéisme ant

233 ants de l’Ordre nouveau. Sur ces bases mouvantes, et malgré ces tensions — pas toujours déclarées, on vient de le voir — v

234 sieurs brouilles majeures entre le groupe de l’ON et la revue Esprit , les liens personnels ne seront jamais coupés entre

235 te, dès 1936, de la partie littéraire de la revue et ne cesserai d’y collaborer jusqu’à la guerre. Une page du carnet inti

236 nt qui ne cessa d’opposer l’ON en tant que groupe et le directeur d’ Esprit . 9 novembre 1932. Émouvante entrevue avec Ma

237 moi) sur le procès d’un objecteur de conscience, et deux chroniques : « Le fédéralisme révolutionnaire », par R. Dupuis e

238 « Le fédéralisme révolutionnaire », par R. Dupuis et A. Marc, et « Vers un ordre nouveau », par A. Marc. À coup sûr, ces t

239 isme révolutionnaire », par R. Dupuis et A. Marc, et « Vers un ordre nouveau », par A. Marc. À coup sûr, ces trois textes

240 e quelques pages de Georges Izard sur « La patrie et la mort »). Mounier va-t-il rompre avec l’ON ? Il préfère écrire, au

241 e question de doctrine ou sur une saute d’humeur. Et je fus certes le premier à l’appuyer, comme je fus le seul à collabor

242 ro 1 jusqu’à la guerre. Mais le fait est que Marc et moi étions fort loin de soupçonner qu’en 1936, l’année même de la pub

243 es, niant, contre Léon Blum, leur « illégalité ») et du Précis Ordre nouveau : pour la liberté, Mounier pouvait écrire à B

244 s’oriente nettement vers un fascisme antiouvrier et une technocratie petite-bourgeois (sic) que nous ne pouvons admettre.

245 a gauche par l’ON, « entraîné » comme il l’écrit, et très soucieux de s’en défendre non seulement devant Maritain mais dev

246 de Paris qu’ Esprit est la seule revue « dirigée et rédigée pour une importante part par des catholiques » face aux « tro

247 direction communiste », à savoir commune, Europe, et la NRF …5 Voilà qui eût amusé Paulhan. (Mais après tout, si la NRF

248 le qu’ait été l’importance de ses apports à Plans et à Esprit , c’est dans L’Ordre nouveau que Marc allait trouver le c

249 é, Aron le plus fertile en idées de mise en scène et de mise en valeur de nos doctrines, Marc animait en fait le groupe en

250 (tirées de Lénine) que par son action personnelle et quotidienne. « Rien ne vaut le contact d’homme à homme », répétait-il

251 sans se lasser, insensible à nos plaisanteries ; et c’est sans doute aux longs entretiens quotidiens avec chacun des memb

252 l était le seul d’entre nous qui ait lu tout Marx et tout Proudhon. Auteur d’une étude profondément originale sur la métap

253 ues qu’on eût appelées plus tard structuralistes. Et il venait de signer avec Robert Aron La Révolution nécessaire, un des

254 Nationale, Dandieu formait avec Georges Bataille et Henry Corbin, ses collègues, un trio d’une extrême densité intellectu

255 ues, un trio d’une extrême densité intellectuelle et spirituelle. Robert Aron avait traversé le premier surréalisme, la Re

256 aversé le premier surréalisme, la Revue du cinéma et le théâtre Alfred Jarry (avec Artaud) avant de rencontrer Dandieu : l

257 l’École de Vienne (Wittgenstein, Carnap, Hubert), et écrit en collaboration fréquente avec Dandieu. René Dupuis et Jean ja

258 collaboration fréquente avec Dandieu. René Dupuis et Jean jardin ont été condisciples de Marc à Sciences Po : le premier y

259 ivant pour la NRF , Esprit , L’Ordre nouveau , et publiant mes premiers livres. Alexandre Marc a travaillé chez Hachett

260 Marc a travaillé chez Hachette, mais que fait-il et de quoi vit-il en 1933 ? Voilà ce que je n’arrive pas à me rappeler,

261 933 ? Voilà ce que je n’arrive pas à me rappeler, et l’on se voyait à peu près tous les jours… Du point de vue religieux,

262 risiens, voici l’état du groupe ON en 1933 : Rops et Jardin (et peut-être Dupuis) sont catholiques déclarés ; moi, protest

263 ici l’état du groupe ON en 1933 : Rops et Jardin ( et peut-être Dupuis) sont catholiques déclarés ; moi, protestant d’école

264 aucun doute. ⁂ Telles étant donc nos incroyances et nos croyances déclarées, il est intéressant de savoir que nous formio

265 otre doctrine unanime. Sous l’impulsion de Marc — et c’est typique de sa tactique et de ses méthodes — dès le premier numé

266 pulsion de Marc — et c’est typique de sa tactique et de ses méthodes — dès le premier numéro de L’Ordre nouveau , beaucou

267 d’articles sont signés de deux noms, ou d’un nom et d’un pseudonyme, en sorte que la propriété d’une idée, d’un concept o

268 ase de moi : « Une politique à hauteur d’homme », et en 1948 paraît son livre intitulé À hauteur d’homme 7. La poésie ser

269 uait simplement. Mais nous savions qu’une société et ses mesures sont affaire de personnes, donc de coopération et de prop

270 es sont affaire de personnes, donc de coopération et de propriété communautaire. ⁂ Et pourtant, si je relis — comme je vie

271 c de coopération et de propriété communautaire. ⁂ Et pourtant, si je relis — comme je viens de le faire depuis quelques jo

272 des numéros de L’Ordre nouveau , de 1933 à 1938, et de la collection d’ Esprit , d’octobre 1932 jusqu’à l’interdiction pa

273 je constate que la plupart des thèmes juridiques et politiques de la pensée personnaliste ont été proposés, formulés et s

274 a pensée personnaliste ont été proposés, formulés et souvent développés en premier lieu par un homme : Alexandre Marc. Ant

275 é de culture », une réalité spirituelle, élective et non native. Elle est le fait de « personnes qui ont su trouver en ell

276 la force de se libérer des particularismes locaux et sentimentaux ». C’est à l’échelle de la commune que le sentiment pa

277 ent à la patrie. (ON 39) Mais grâce aux jacobins et à leur disciple Napoléon, la confusion de la patrie, de la nation et

278 Napoléon, la confusion de la patrie, de la nation et de l’État, c’est-à-dire de la réalité physico-affective, de l’idéal c

279 la réalité physico-affective, de l’idéal commun, et du service public que devrait demeurer l’état, a tout faussé. La con

280 l’état, a tout faussé. La confusion de la patrie et de la nation conduit donc à les identifier à leur tour avec l’état, c

281 xiste qu’une forme de « rapprochement » véritable et effectif entre états-nations, c’est la guerre. (Proudhon) (ON 39)

282 u des majuscules.) Partant d’une analyse critique et sympathique de Maurice Hauriou et de G. Gurvitch, Marc conclut avec L

283 nalyse critique et sympathique de Maurice Hauriou et de G. Gurvitch, Marc conclut avec Léon Duguit « qu’il existe une règl

284 guit « qu’il existe une règle de droit antérieure et supérieure à l’état, et qui s’impose à lui » (ON 29, p. 19). Sur ce

285 règle de droit antérieure et supérieure à l’état, et qui s’impose à lui » (ON 29, p. 19). Sur ce thème central, quatre gr

286 s articles de Marc dans les numéros 20, 22-23, 29 et 31 de L’ON apportent une contribution inégalée non seulement à la d

287 tion hardie de la « méthode dichotomique » d’Aron et Dandieu : « Le droit ne se justifie-t-il pas surtout dans la mesure o

288 urnit un tremplin d’où s’élanceront les conquêtes et les créations spirituelles nouvelles ? » On peut d’ailleurs en dire a

289 onomie de l’énergie, accumulation des richesses…) et de la rendre ainsi disponible en vue d’autres combats et d’autres con

290 a rendre ainsi disponible en vue d’autres combats et d’autres conquêtes » (ON 22-23). La statolâtrie universelle. La stat

291 r commun dénominateur. L’URSS du camarade Staline et la France de M. Lebrun, la Turquie « occidentalisée » et le IIIe Reic

292 rance de M. Lebrun, la Turquie « occidentalisée » et le IIIe Reich « en rupture d’Occident », le Duce et le président Roos

293 le IIIe Reich « en rupture d’Occident », le Duce et le président Roosevelt, tous sacrifient plus ou moins systématiquemen

294 dessus. (ON 22-23) Distinction entre communauté et société, la communauté étant formée de personnes, « non d’individus o

295 distinction faite par Tönnies entre Gemeinschaft et Gesellschaft.) Propriété. Le fondement de la propriété n’est ni dans

296 en tant que tel. Le conflit est défini à la fois et inséparablement par la situation de l’homme et par son attitude. Là-

297 is et inséparablement par la situation de l’homme et par son attitude. Là-dessus, une page (en collaboration avec Claude

298 gination déréglée des libéraux ; un être de chair et de sang n’est pas seulement « lui-même », il « est » sa famille, sa r

299 ental) auquel on se heurte dans cette perspective et que toute tentative de réduction moniste tourne à l’absurde. Si l’hom

300 tion, celle-ci serait à son tour un pur possible, et non une réalité. Une situation n’est réelle, en effet, que dans la me

301 de de l’homme. (ON 38) Le Plan sans contrainte et son dynamisme « libérateur ». La « perfection » du « plan » réside —

302 it non pas un « vœu », mais une réalité dynamique et progressive, il faut qu’un éventuel « plan » économique fasse appel a

303 retrouve l’unité vivante — à la fois intelligente et libre — de la personne humaine, créatrice de communautés. (ON 37) L

304 on supprimés. (ON 38) L’État-nation, trop petit et trop grand. L’homme n’est pas fait à l’échelle de ces immenses conglo

305 faire le lieu de ce contact direct avec la chair et la terre qui est nécessaire à l’homme. (ON 15) (On sait que l’argume

306 me. (ON 15) (On sait que l’argument « trop petit et trop grand » est devenu le pont aux ânes de toute critique fédéralist

307 Robert Lafont, d’Hervé Lavenir, de Lewis Mumford et de… moi-même. Marc nous a tous précédés d’une trentaine d’années sur

308 st-à-dire la région qui est l’élément constitutif et le fondement réel de notre fédéralisme… L’autonomie de la région doit

309 blie le 15 juin 1934, sous le nom de Michel Glady et en collaboration avec Cl. Chevalley, Marc donne l’esquisse d’une rech

310 ématique la plus actuelle : Il semble probable — et une « théorie » ultérieure devra tenir compte de ce point — que les l

311 se justifie ensuite en délimitant une base stable et solide aux édifices superposés, d’essence spirituelle (fonction compl

312 complexe des frontières ; limites des « patries » et des « nations »…) ; mais elle se justifie surtout dans la mesure où l

313 rment un tremplin d’où s’élanceront les conquêtes et les créations spirituelles nouvelles (fonction proprement révolutionn

314 ns : La révolution [sous-entendu : personnaliste et communautaire, ou encore : fédéraliste] libère la nation en faisant é

315 liste] libère la nation en faisant éclater l’État et en dispersant les organes nécessaires de celui-ci dans deux direction

316 tion de l’Europe, où nous nous retrouverons, Marc et moi, côte à côte, dès le congrès de Montreux en 1947. Mais ce n’est p

317 e par les voies du personnalisme en premier lieu, et par le fédéralisme intégral, expression politique de « l’élan des per

318 te qui fut la sienne dans ses plus hauts moments, et des menaces de colonisation qui pèsent aujourd’hui sur nos peuples, à

319 on peut aussi partir d’une conception de l’homme et de sa vocation personnelle, d’une attitude de l’homme qui assume et t

320 personnelle, d’une attitude de l’homme qui assume et transforme en création le conflit permanent entre le particulier et l

321 réation le conflit permanent entre le particulier et le général, le local et le mondial, l’individuel et l’universel, conf

322 nent entre le particulier et le général, le local et le mondial, l’individuel et l’universel, conflit qui l’incite à créer

323 le général, le local et le mondial, l’individuel et l’universel, conflit qui l’incite à créer de proche en proche des rel

324 créer de proche en proche des relations sociales et des communautés, des cités, puis leurs fédérations : et c’est en rout

325 communautés, des cités, puis leurs fédérations : et c’est en route vers l’universel que l’Europe apparaît inévitablement,

326 storique de notre « foi » personnaliste. Nouvelle et fascinante illustration du texte capital cité plus haut9, qui conclua

327 . Je conclus pour ma part que s’il y a un avenir, et qu’il demeure ou redevienne européen, la pensée d’Alexandre Marc est

328 mars 1926 par la Revue de Genève . 2. Mounier et sa génération, Paris, Le Seuil, 1956, p. 103-104. 3. Ibid., p. 174.

329 maines de là, Mounier me rend visite à Francfort, et ne me souffle mot de cette grande affaire. Mieux encore : dans le num

330 un important article sur les positions de l’ON, et Jean Lacroix loue son nouvel ouvrage, Dictature de la liberté. Je don

331 berté. Je donne pour ma part cinq grands articles et deux notes critiques à Esprit en 1936. Tant de tolérance envers des

332 gauche » formée d’ Esprit , de la Troisième Force et de L’Ordre nouveau , et louait la « fraternité réelle » de ces group

333 , de la Troisième Force et de L’Ordre nouveau , et louait la « fraternité réelle » de ces groupes… 5. Mounier et sa gé

334  fraternité réelle » de ces groupes… 5. Mounier et sa génération, op. cit., p. 188. 6. Dans le numéro d’ Esprit de fév

335 à placer sur le même rayon que le Capital de Marx et Au-delà du marxisme, d’Henri de Man. » 7. Entre-temps Léon Blum a pu

336 rsonne. a. Rougemont Denis de, « Alexandre Marc et l’invention du personnalisme », Le Fédéralisme et Alexandre Marc, Lau

337 et l’invention du personnalisme », Le Fédéralisme et Alexandre Marc, Lausanne, Centre de recherches européennes, 1974, p. 

338 qui touche de près ou de loin à la vie littéraire et à l’édition. Seul espoir : un miracle, autrement dit une chance que r

339 euchâtel, librairie Delachaux, « tour de ville », et tout d’un coup, vers cinq heures, la certitude qu’il faut rentrer che

340 re encore en marche à l’arrêt facultatif d’Areuse et cours vers la maison. Au moment où je passe le grand portail, je vois

341 rd je commençais mon métier d’éditeur, à Clamart, et j’entrais dans la vie littéraire de Paris, mieux encore, dans le mouv

342 nt probablement l’avenir de l’Occident, politique et social. 5 mai 1941 J’étais allé passer le week-end à Long Island, et

343 41 J’étais allé passer le week-end à Long Island, et le dimanche matin déjà, j’annonce subitement à mes hôtes que je dois

344 à l’OWI sera déclarée vacante demain après-midi, et sans doute aussitôt repourvue. Si je vais me présenter dès demain mat

345 hances. J’y suis allé le lendemain à neuf heures, et une demi-heure plus tard, je me mettais à ce travail, nouveau pour mo

346 ouveau pour moi : écrire des textes d’information et des commentaires politiques destinés à la France, diffusés par ondes

347 destinés à la France, diffusés par ondes courtes et retransmis de Londres par la BBC. Quelques semaines plus tard, intégr

348 emière équipe, Pierre Baudet, Claude Lévi-Strauss et l’un des fils Pitoëff, la seconde. Et de là datent quelques-unes des

349 évi-Strauss et l’un des fils Pitoëff, la seconde. Et de là datent quelques-unes des rencontres qui ont le mieux fécondé mo

350 amitié de Breton d’abord, puis de Marcel Duchamp, et , par eux deux, de Consuelo et d’Antoine de Saint-Exupéry. Lettres v

351 de Marcel Duchamp, et, par eux deux, de Consuelo et d’Antoine de Saint-Exupéry. Lettres vues Le phénomène s’est prod

352 ettent pas moins en question notre image du monde et de l’espace-temps. J’en donnerai deux exemples tirés de mon Journal

353 er avec mes hôtes, nous parlions de prémonitions, et je venais de raconter comment parfois j’ai su qui m’attendait à la li

354 fenêtres s’allumaient à nos pieds dans le bourg, et le père Reinecke refusait de croire à mes histoires. Soudain j’ai dit

355 grande enveloppe jaune, une enveloppe bleu clair, et une plus petite enveloppe blanche bordée de noir. » (Sentiment de cer

356 tranquille, ces objets vus dans une lumière sobre et mate.) Telle a donc été ma « vision » : formats et couleurs très nett

357 t mate.) Telle a donc été ma « vision » : formats et couleurs très nettement perçus, mais rien de plus, donc rien d’utilis

358 cu. Il prétend que je savais qui allait m’écrire, et que j’avais d’assez bonnes chances de deviner juste. Mais je n’ai rie

359 par mégarde sur un petit fait indifférent en soi, et qui n’est pas encore « arrivé » dans le temps. Les trois lettres sont

360 erre Girard, personnage imprévisible s’il en fut, et je n’avais aucune raison d’attendre qu’il m’écrive. Quant à l’envelop

361 a boite métallique. J’ai passé ma robe de chambre et suis descendu les trois étages jusqu’au vestibule : oui, c’est cela,

362 décide de me mettre à écrire La Part du diable , et m’enferme sans plus bouger ni plus répondre au téléphone entre mon fa

363 ni plus répondre au téléphone entre mon fauteuil et ma table, devant un bloc de papier blanc. Pendant trois jours et nuit

364 vant un bloc de papier blanc. Pendant trois jours et nuits de travail, j’ai écrit cinquante pages, un quart du livre. Je n

365 suffit de désigner du doigt le plat qu’on veut), et ce soir je décide de « sortir » : des amis m’ont invité « après le dî

366 urant, au bas de Madison Avenue. La salle étroite et profonde paraît vide. Il doit être environ neuf heures et demie. J’hé

367 nde paraît vide. Il doit être environ neuf heures et demie. J’hésite sur le seuil : va-t-on me servir encore ? Au fond de

368 servir encore ? Au fond de la salle, deux hommes et une femme attablés causent et boivent. L’un des hommes m’ayant remarq

369 salle, deux hommes et une femme attablés causent et boivent. L’un des hommes m’ayant remarqué s’écrie : « Tiens, voilà le

370 ilà le diable ! » Les autres se retournent à demi et rient. J’ai fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je suis mon

371 la lueur d’une lampe à pétrole hâtivement allumée et que tenait mon père. Soixante-sept ans plus tard, je donnais la leçon

372 jour-là, celui des hautes études internationales et celui des études européennes. Je décrivais la crise du monde occident

373 crise du monde occidental, en progression rapide et calculable vers une apocalypse à court terme, et je constatais que « 

374 et calculable vers une apocalypse à court terme, et je constatais que « nous arrivons au point où le moteur de la croissa

375 ement, les lumières s’éteignirent dans la salle — et dans tout le canton de Genève. Croyant à un effet de régie théâtrale,

376 applaudit. Cependant, la panne devait durer vingt et une minutes, durant lesquelles je poursuivis ma conférence sans micro

377 sans micro, en éclairant mes notes d’une torche. Et comme j’en venais à cette phrase : « En vérité, à y regarder de plus

378 , sentant l’atmosphère favorable, nous étions six et heureusement accordés, je suggérai que l’on jouât aux questions et ré

379 ccordés, je suggérai que l’on jouât aux questions et réponses. Ce jeu, purement télépathique et poétique, se joue par pair

380 stions et réponses. Ce jeu, purement télépathique et poétique, se joue par paires, dans le plus grand silence. L’un écrit

381 e plus grand silence. L’un écrit trois questions, et l’autre en même temps trois réponses ; puis l’inverse ; et cela fait,

382 e en même temps trois réponses ; puis l’inverse ; et cela fait, chacun lit à haute voix, l’un ses questions, et l’autre se

383 ait, chacun lit à haute voix, l’un ses questions, et l’autre ses réponses. De cette soirée, je retiens trois échanges rema

384 « Qu’arriverait-il si Jean-Paul devenait pape ? » Et la réponse : « Le pape serait luthérien. » Deuxième échange. « Qu’est

385 est un symbole fondamental du mysticisme, flamand et rhénan notamment.) Mais c’est le troisième échange qui m’amène à rapp

386 réponse : « Toutes les lumières s’éteindraient. » Et toutes les lumières s’éteignirent. 15. Il s’agit des Méfaits de l

387 se d’une idée à la taille de celui qui l’énonce ; et que l’importance ou la grandeur d’une vocation communautaire n’est pa

388 eur réussite. Il faut donc le garder jalousement. Et il ne doit à aucun prix devenir un isme, transportable, imitable au-d

389 ble au-delà de leurs frontières. Sagesse paysanne et toute païenne : n’avoue pas, ne dis pas ton bonheur, cela pourrait po

390 e l’attitude fédéraliste, non seulement en Europe et dans le monde, mais en Suisse même. C’est ce que je voudrais marquer

391 Suisse, à l’école, dans la presse, au Parlement, et même au sein de notre exécutif fédéral, trois erreurs à tour le moins

392 ne alliance entre États souverains, nos cantons ; et ramener du même coup la vie fédérale à la lutte pour « l’indépendance

393 ntre Berne ».) Rien n’est moins fidèle à l’esprit et à la genèse historique des institutions dont la Suisse est issue. Il

394 it, personne n’est jamais « entré » dans le pacte et celui-ci n’a pas été conclu entre des « cantons », inexistants au xii

395 texte original) qui n’étaient nullement des États et ne se prétendaient nullement souveraines, mais voulaient rester auton

396 rique de communes forestières, de villes d’empire et de cités-États (comme Berne, Bâle, Zurich, Genève), de pays (comme Va

397 Berne), de ligues régionales (comme les Grisons) et de principautés épiscopales ou monarchiques (comme le Valais, Bienne,

398 Neuchâtel) sans compter les alliés de longue date et diversement intégrés, tels que Mulhouse et la Franche-Comté, ou encor

399 e date et diversement intégrés, tels que Mulhouse et la Franche-Comté, ou encore les régions conquises (la Léventine, le p

400 es de politologie moderne de communes, de régions et de petits États, de démocraties directes et d’oligarchies, qui n’avai

401 gions et de petits États, de démocraties directes et d’oligarchies, qui n’avaient guère en commun que l’essentiel : la vol

402 el : la volonté de rester libres à leur manière — et seule l’union confédérale le permettait. Il y a très loin de cette ré

403 l’alignement schématique de vingt-cinq « cantons et demi-cantons souverains » en 1848. La formule créatrice de la Suisse

404 e la Suisse a été : des communes à la fédération, et non pas : des États souverains à une alliance confédérale. (Le terme

405 ativement récent : inconnu avant le xiiie siècle et fortement contaminé au xixe par le concept d’État-nation.) Pourtant,

406 ar la double nécessité de protéger leur autonomie et de s’unir pour affronter des tâches excédant les forces de chacune d’

407 e s’en faire les promoteurs, comme ils le peuvent et le doivent à mon avis, les Suisses feraient bien de l’appliquer chez

408 es Suisses feraient bien de l’appliquer chez eux, et d’en finir avec cette espèce de blocage au niveau cantonal de la dist

409 ul, sans la justifier, la plainte des politiciens et politologues qui annoncent régulièrement « la fin du fédéralisme » dè

410 e, en vertu de ses dimensions, à la Confédération et non plus aux cantons — conformément au principe même du fédéralisme v

411 te des tâches qui débordent la capacité communale et appellent le canton, puis dépassent le canton et appellent la Confédé

412 et appellent le canton, puis dépassent le canton et appellent la Confédération, il en existe aussi, et de plus en plus, q

413 t appellent la Confédération, il en existe aussi, et de plus en plus, qui par leurs dimensions (économiques, financières,

414 dimensions de la tâche (conception, construction et financement du plus grand synchrocyclotron du monde) excédaient les c

415 nt les capacités de chacun de nos États européens et demandaient la mise en commun de leurs ressources. Cet exemple mérite

416 plus tentée de se considérer comme un État fermé et limité par ses frontières, non seulement quant à l’état civil de ses

417 si quant à l’économie, à l’énergie, à l’éducation et même à l’écologie. Or, dans la mesure où la Suisse bloque à ses front

418 isins exactement comme un État-nation centralisé, et ne diffère des autres que par ses prétentions à représenter un « Sond

419 bloquer la vie même du fédéralisme à l’intérieur, et d’autre part faire de notre pays, à l’égard de ses voisins, un État-n

420 dans sa santé primitive — fondé sur les communes et non sur les cantons, sur des régions et non sur des États —, ne pourr

421 communes et non sur les cantons, sur des régions et non sur des États —, ne pourra devenir modèle européen que s’il accep

422 s arrêter son processus aux frontières nationales et va même jusqu’à revendiquer son extension à l’échelle continentale.

423 uisse, nos conceptions prétendument fédéralistes. Et ceci d’une double manière. D’abord en renonçant à la fiction récente

424 xtension à toute l’Europe — de proche en proche. ( Et l’on peut espérer que le reste du monde finira bien par l’imiter.) B

425 inira bien par l’imiter.) B) Nous avons à offrir et proposer à l’ensemble des peuples de l’Europe, non pas comme on le cr

426 léonienne de l’État-nation souverain, indivisible et centraliste, n’est plus adaptée au monde d’aujourd’hui et le sera moi

427 aliste, n’est plus adaptée au monde d’aujourd’hui et le sera moins encore au monde de demain. Les réalités économiques exi

428 stes que ceux de nos vingt-huit États européens12 et d’autre part des aménagements régionaux qui ne tiennent aucun compte

429 e présentent aujourd’hui des aspects continentaux et régionaux qu’il est devenu pratiquement impossible de manipuler à l’é

430 nt impossible de manipuler à l’échelle nationale, et de faire coïncider, par décret, avec les territoires délimités par le

431 rer les intérêts communs à l’échelle continentale et d’harmoniser les intérêts particuliers à l’échelle des régions ? La s

432 lle des régions ? La solution la plus raisonnable et la plus rapidement réalisable paraît préfigurée par ces agences europ

433 uveau que sont dans le domaine économique la CEE, et dans le domaine de la recherche scientifique le CERN. Des agences de

434 sources naturelles, de la monnaie, de la défense, et des relations de l’Europe avec les autres continents. Ces agences s’o

435 , qui met la science au service des gouvernements et des états-majors. Elles seront responsables non pas devant les États

436 ne, l’établissement des priorités qui l’expriment et la juste répartition des ressources communes, les responsables des ag

437 zaine des agences à prévoir, deux sont à l’œuvre, et la nécessité d’en créer d’urgence deux autres — pour l’énergie et la

438 d’en créer d’urgence deux autres — pour l’énergie et la monnaie — est devenue sensible même aux stato-nationalistes les pl

439 le unique au monde d’un exécutif collégial, conçu et ordonné dans le seul souci d’administrer les choses et non de gouvern

440 donné dans le seul souci d’administrer les choses et non de gouverner les hommes. Car les hommes doivent de plus en plus t

441 mes. C’est là le but dernier du progrès politique et sa mesure la moins trompeuse. 10. Richard Feller, Rektoratsrede, Be

442 d Feller, Rektoratsrede, Berne, 1938. 11. Art. 3 et 5 de la Constitution. 12. Pays de l’Est compris, mais non l’URSS. b

443 ix Nobel le privilège d’être à la fois littéraire et international — mais qu’il ajoute à cette distinction majeure, celle

444 tre uniquement de langue française. International et français, « il faut le faire », disent les jeunes d’aujourd’hui. Mais

445 tit État gouverné par un grand ami des Lettres, —  et ce fut le Prince Rainier III de Monaco. ⁂ Je ne me lasserai jamais de

446 obiles, des téléphones, des hôpitaux, des écoles, et des brevets d’invention. Il n’est en somme qu’un privilège qu’il doiv

447 , c’est celui de pouvoir faire de grandes guerres et de dévaster sans mesure. Mais dans le domaine de la culture au sens l

448 rme (qui englobe les sciences exactes, naturelles et humaines, et l’urbanisme, aussi bien que la philosophie, les arts, le

449 obe les sciences exactes, naturelles et humaines, et l’urbanisme, aussi bien que la philosophie, les arts, les lettres et

450 si bien que la philosophie, les arts, les lettres et l’histoire) le petit État l’emporte haut la main sur le grand. La mus

451 r le grand. La musique, la peinture, les lettres, et la philosophie qui oriente les sciences, sont nées de nos cités-États

452 uremberg de Dürer ; les villes libres de la Hanse et la République de Venise, mais aussi la Mantoue ducale, où Monteverdi

453 a Mantoue ducale, où Monteverdi rénove la musique et Mantegna la peinture, et la Florence des Médicis ; Bruges, Bâle, Amst

454 everdi rénove la musique et Mantegna la peinture, et la Florence des Médicis ; Bruges, Bâle, Amsterdam, mais aussi Ferrare

455 cis ; Bruges, Bâle, Amsterdam, mais aussi Ferrare et Urbino ; plus tard le grand-duché de Weimar, le Coppet de Madame de S

456 and-duché de Weimar, le Coppet de Madame de Staël et de sa cour, Bayreuth, Salzbourg… Toute la grande culture de l’Europe

457 e l’Europe est née de foyers locaux ou régionaux, et ne doit rien aux dimensions territoriales ni à la puissance politique

458 frontières politiques nées du hasard des guerres et des traités : la langue française moins que toute autre, puisqu’au-de

459 uisse, plusieurs vallées du Piémont, les Antilles et tout le Québec. Les frontières des quelque vingt-huit États-nations q

460 e ! Voilà qui fait sentir à quel point la culture et la politique des États vivent dans des mondes sans commune mesure. Ma

461 nce aucune frontière commune — ce serait miracle, et ce miracle, sauf peut-être en Islande, ne s’est jamais produit —, il

462 u’il importe avant tout d’effacer dans nos têtes, et ce sont les frontières des genres, inventions de pédants écolâtres qu

463 uis Boileau. On considère aujourd’hui couramment, et pas seulement dans le public des best-sellers, mais chez les plus sop

464 jeux du roman sans sujet, des poèmes « éclatés » et du théâtre aléatoire témoignent seuls d’un génie inventif, tout le re

465 ttérature, où l’on jette pêle-mêle les reportages et l’histoire, la métaphysique et les Mémoires de « Papillon », et tout

466 êle les reportages et l’histoire, la métaphysique et les Mémoires de « Papillon », et tout ce que, faute de mieux, l’on no

467 la métaphysique et les Mémoires de « Papillon », et tout ce que, faute de mieux, l’on nomme « essais », quels qu’en soien

468 n nomme « essais », quels qu’en soient les sujets et le style, les dimensions et l’ambition intellectuelle. À ce titre, Mo

469 ’en soient les sujets et le style, les dimensions et l’ambition intellectuelle. À ce titre, Montaigne et Pascal dont on ne

470 l’ambition intellectuelle. À ce titre, Montaigne et Pascal dont on ne connaît ni romans ni poèmes, n’appartiennent pas à

471 ni poèmes, n’appartiennent pas à la littérature ; et Montesquieu devrait au seul Temple de Gnide, et non pas à L’Esprit de

472 ; et Montesquieu devrait au seul Temple de Gnide, et non pas à L’Esprit des lois, d’être qualifié d’écrivain, Rousseau au

473 ntent de dire en amateurs qu’ils devraient être — et quel beau titre : celui qui aime ! — ce qu’ils éprouvent devant une œ

474 de Théodore Strawinsky n’exige pas pour être vue et pour donner plaisir à voir la médiation, entre elle et l’œil, d’une t

475 ur donner plaisir à voir la médiation, entre elle et l’œil, d’une théorie et d’un jargon. Il n’est donc pas facile d’en pa

476 la médiation, entre elle et l’œil, d’une théorie et d’un jargon. Il n’est donc pas facile d’en parler — et voilà qui est

477 un jargon. Il n’est donc pas facile d’en parler — et voilà qui est devenu plutôt rare aujourd’hui, où tant d’artistes expo

478 te sécheresse par un surabondant arrosage verbal, et de tirer des significations ambitieusement métaphysiques de cette abs

479 and prix de peinture à l’auteur d’objets en métal et en verre qui n’utilise jamais ni pinceaux ni couleurs. Et cet abstrai

480 rre qui n’utilise jamais ni pinceaux ni couleurs. Et cet abstrait se voit déjà dépassé par du concret des moins élaborés :

481 : cage à oiseau, volailles vivantes mais en cage, et dans une galerie allemande, un artiste s’est borné à s’exposer lui-mê

482 doit tout faire pour peu que l’on sache inventer, et qu’importe le genre choisi ou que l’on crée. Je dis que Théodore Stra

483 êve continu qui se déroule en toute vie d’artiste et qui saisit au vol des surprises de lumière, compose des expressions d

484 omme un écrivain fait des images de mots, où sons et sens deviennent inséparables… Cet art nous parle, et dans une langue

485 sens deviennent inséparables… Cet art nous parle, et dans une langue du cœur avec laquelle vos propres émotions vont pouvo

486 sme intellectuel que sont devenues tant de revues et de feuilles imprimées dans le vent, pleines d’allusions sinistres à l

487 sur l’essentielle impossibilité de communiquer : et l’on nous présente l’informel comme le résultat de cette crise. Je ré

488 nformel ne prouve rien, sinon le refus temporaire et polémique au moins autant que poétique, de recourir au langage que to

489 prendre, celui des paysages, signes du sentiment, et celui des visages, chiffres de l’âme. Paysages et visages n’existent

490 et celui des visages, chiffres de l’âme. Paysages et visages n’existent à vrai dire que pour notre œil humain auquel ils n

491 es autres que les étoiles ne le sont de la terre, et que c’est sur ce vide sidéral, infini, cette vacuité fondamentale, un

492 de l’artiste pour peu que son regard accorde foi et que sa main d’un geste donne un sens aux propositions de la nature. E

493 este donne un sens aux propositions de la nature. Et c’est pourquoi, parmi les œuvres de Théodore Strawinsky, celles que j

494 e la manière même de poser la couleur, dans l’une et l’autre, manifeste ce caractère d’apparition des apparences — composa

495 ications les plus concises, révélant leur essence et leur qualité d’être, mais laissant transparaître partout la texture d

496 e partout la texture de la toile ou de la brique… Et j’en fais volontiers l’aveu : devant cette petite toile, devant ces b

497 ces briques balafrées de larges touches de blanc et de bleu, je sens s’éveiller dans ma main, ma main à plume, une envie

498 bien : de n’être pas discuté, d’être reçu. L’art et la technique même de Théodore ne sont pas plus indépendants de son re

499 tion indéfiniment créatrice, que ne le sont l’art et la technique de l’auteur du Sacre du Printemps. Et c’est en quoi le f

500 t la technique de l’auteur du Sacre du Printemps. Et c’est en quoi le fils et le père, inversant l’ordre trinitaire comme

501 r du Sacre du Printemps. Et c’est en quoi le fils et le père, inversant l’ordre trinitaire comme le miroir humain reflète

502 e : « Ton merveilleux livre m’est cher infiniment et me donne de la joie. Avec quelle conviction, quel savoir-faire et que

503 a joie. Avec quelle conviction, quel savoir-faire et quelle flamme tu as su défendre les intérêts spirituels de ton père,

504 re… Il se trouve que j’écris ces lignes à Venise. Et c’est ici que j’ai vécu l’un des plus hauts moments de la culture eur

505 u l’auteur, le plus grand de ce temps, s’incliner et puis comme plonger dans les bras étendus du patriarche de Venise, le

506 e laquelle point de salut pour ce siècle. Byzance et Rome s’embrassaient au lieu de leur rencontre créatrice. On ne le r

507 ) doit fournir dans un style à la fois monumental et décoratif, l’image indispensable à la piété du peuple chrétien. (Théo

508 re Strawinsky, En quête de l’Art sacré.) Byzance et Rome, Igor et Jean XXIII. Partant de là, et pour situer Théodore Str

509 En quête de l’Art sacré.) Byzance et Rome, Igor et Jean XXIII. Partant de là, et pour situer Théodore Strawinsky dans l

510 ance et Rome, Igor et Jean XXIII. Partant de là, et pour situer Théodore Strawinsky dans l’aventure du siècle, je prendra

511 figuratifs, des cubistes aux abstraits lyriques ; et encore moins à perpétrer sur le visage humain une défiguration systém

512 e Strawinsky », Théodore Strawinsky : Musée d’art et d’histoire, Neuchâtel, du 29 novembre 1974 au 19 janvier 1975, Neuchâ

513 e 1974 au 19 janvier 1975, Neuchâtel, Musée d’art et d’histoire, 1974, p. 1-2.

514 oie le terme de modèle dans son sens scientifique et pas du tout moral. Chercher à composer un modèle européen ne signifie

515 ent chercher des structures sociales, économiques et politiques, adaptées aux réalités et aux finalités européennes. En se

516 économiques et politiques, adaptées aux réalités et aux finalités européennes. En second lieu, la recherche d’un modèle,

517 de naguère — ne satisfont plus, ne marchent plus, et qu’il est temps d’inventer mieux. Et en troisième lieu, si l’on reche

518 rchent plus, et qu’il est temps d’inventer mieux. Et en troisième lieu, si l’on recherche un modèle européen, c’est que l’

519 nse pas pouvoir s’accommoder de modèles étrangers et pour nous aliénants, comme le seraient les modèles américains, ou rus

520 u monde ; mais bien qu’on la constate différente, et qu’elle appelle des solutions spécifiques. Ces solutions spécifiques,

521 lables pour le reste du monde ? Je n’en sais rien et n’ose pas même le souhaiter : les expériences du passé récent, l’adop

522 Européens : — ou bien l’Europe prend sa retraite et tente de vivre sur son passé culturel ; — ou bien l’Europe s’efforce

523 de cette crise mondiale qu’il s’agit aujourd’hui, et avant tout, de s’occuper ; non plus seulement des moyens politiques,

524 iques, économiques ou culturels d’unir l’Europe ; et non plus seulement des moyens de développer le tiers-monde ; et non p

525 ulement des moyens de développer le tiers-monde ; et non plus seulement des moyens d’aménager les relations entre nations.

526 se voit contraint de choisir librement son avenir et celui de l’espèce humaine ; et il y est contraint du seul fait qu’il

527 brement son avenir et celui de l’espèce humaine ; et il y est contraint du seul fait qu’il en a, pour la première fois, la

528 l’Occident qui nous force à choisir notre avenir, et par là nous met en demeure de formuler une politique de l’homme et de

529 t en demeure de formuler une politique de l’homme et de l’humanité. J’insiste : ce succès même se traduit par une crise qu

530 de gouvernement, ou de gérance de la cité, en vue et au nom de fins déterminées. Gouverner c’est prévoir, dit l’adage. Ma

531 te des plus sérieux, Raymond Barre, leur répond — et je le cite — que ces réserves sont « pratiquement inépuisables, en dé

532 on du pétrole commencera à diminuer dans dix ans, et que des mesures de rationnement devront être décrétées dans huit ans.

533 celle des experts au service des grandes sociétés et des gouvernements. Ces experts nous répètent, par exemple, que la con

534 lectrique va doubler désormais tous les sept ans, et si on leur demande comment ils le savent, ils répondent qu’il s’agit

535 ; presque impossible de la quadrupler d’ici 1987, et totalement exclu de la multiplier par 16 384 en moins d’un siècle, ca

536 rs experts confondent délibérément la prospective et le marketing, détournant ainsi nos esprits de la seule question série

537 formes d’énergie ? En multipliant autour de nous et devant nous des « fatalités » alléguées et de soi-disant « impératifs

538 e nous et devant nous des « fatalités » alléguées et de soi-disant « impératifs techniques », on nous empêche d’élaborer u

539 ous empêche d’élaborer une politique responsable, et d’agir sur nos gouvernants pour qu’ils l’appliquent. De fait, les dét

540 les détenteurs des moyens de décision politiques et économiques s’inspirent tantôt des pessimistes tantôt des optimistes,

541 cent de prendre en compte les dangers écologiques et les risques humains autant que les avantages économiques d’un projet,

542 omoteurs qui n’invoquent que les besoins supposés et les profits escomptés, et pensent qu’après tout, cela durera bien aut

543 ue les besoins supposés et les profits escomptés, et pensent qu’après tout, cela durera bien autant qu’eux… Admettons qu’i

544 e de croissance, mais au contraire de ses succès. Et c’est là ce qui doit nous retenir. Je ne vais pas résumer ici le fame

545 ous rappellerai seulement que la crise mondiale — et c’est je crois sa formule la plus simple — est née de la volonté typi

546 culer qu’à ce taux-là, nous serions six milliards et demi en l’an 2000, 26 milliards en 2070, 208 milliards en 2171 soit 1

547 70, trente ans plus tard tout le monde se touche, et je m’arrête là dans mes calculs, mais d’autres ont été plus loin. Je

548 illiard de milliards d’âmes dans mille ans d’ici, et sa densité serait de deux-mille habitants au mètre carré du sol émerg

549 deux-mille habitants au mètre carré du sol émergé et immergé ! Mais on peut avancer des chiffres encore plus saugrenus. Da

550 amètre s’allongerait à la vitesse de la lumière. Et je fais mienne la sobre conclusion de Paul Ehrlich : De tels calculs

551 ra bien que ce soit une libre décision des hommes et des femmes. Mais où s’arrêter ? quand ? et comment ? Il s’agit de dét

552 hommes et des femmes. Mais où s’arrêter ? quand ? et comment ? Il s’agit de déterminer un optimum, de définir une politiqu

553 ù la croissance a fait ses percées au xxe siècle et menace de devenir exponentielle. La croissance démographique est due

554 t aussi à l’origine de la croissance industrielle et technique. Mais toutes les deux vont rencontrer dans un temps calcula

555 propre mise en échec. La croissance démographique et la croissance industrielle s’entraînant l’une l’autre, provoquent l’u

556 elle s’entraînant l’une l’autre, provoquent l’une et l’autre la croissance de la pollution, de l’air des villes, de l’eau

557 pollution, de l’air des villes, de l’eau des lacs et des océans, de la végétation et du monde animal, de l’alimentation et

558 de l’eau des lacs et des océans, de la végétation et du monde animal, de l’alimentation et du patrimoine génétique, lesque

559 végétation et du monde animal, de l’alimentation et du patrimoine génétique, lesquelles pollutions entraîneront à plus ou

560 eront à plus ou moins brève échéance des maladies et malformations physiques et psychiques nouvelles, des épidémies sans p

561 échéance des maladies et malformations physiques et psychiques nouvelles, des épidémies sans précédent, des famines conti

562 démies sans précédent, des famines continentales, et finalement des effondrements massifs de la population. Parallèlement,

563 ans lesquels le fer ne pourra plus devenir acier, et par suite le ralentissement, puis l’arrêt catastrophique de la produc

564 ète, est assez exactement quantifiable, mesurable et datable. Cette Apocalypse à court terme — vingt-sept ans, cinquante a

565 en moins peur que celles dont ils ne parlent pas, et qui sont liées inexorablement aux succès de la croissance des villes,

566 finale du lien social, du sens de la communauté, et simplement de l’amour du prochain, remplacé par la loi de la jungle e

567 our du prochain, remplacé par la loi de la jungle et la schizophrénie généralisée. Tout cela doit nous faire redouter, au-

568 u grand public, les plus choyés par les pouvoirs, et pour tout dire les mieux payés, sont ceux qui nous annoncent encore l

569 maginé : il repose entièrement sur la technologie et son évolution la plus probable au cours des vingt à trente années qui

570 tions techniques qui seront faites dans ce temps, et les conséquences politiques qu’elles entraîneront. Sans vouloir entre

571 les événements qu’ils qualifient de « surprenants et presque toujours inattendus » on trouve : Première Guerre mondiale.

572 puissance mondiale. Baisse du moral de l’Europe ( et de la démocratie et de son prestige). Montée du communisme et de l’U

573 Baisse du moral de l’Europe (et de la démocratie et de son prestige). Montée du communisme et de l’Union soviétique. Gr

574 cratie et de son prestige). Montée du communisme et de l’Union soviétique. Grande crise économique. Poussée des idéolog

575 ise économique. Poussée des idéologies fascistes et établissement de diverses dictatures. Voilà ce que la méthode n’eût

576 étaient en effet, comme il le dit, « surprenants et presque toujours inattendus ». Ils n’étaient en somme pas sérieux, pa

577 ahn, quelques PDG de choc à la mode d’avant-hier, et de nombreux aménageurs du territoire, presque tous les futurologues q

578 her également par l’incapacité où ils se trouvent et parfois se veulent, d’indiquer des remèdes politiques aux maux qu’ils

579 remèdes politiques aux maux qu’ils ont calculés, et de se référer à des finalités humaines ou divines qui pourraient seul

580 que puissent être ceux qui calculent nos risques et définissent les contraintes que nous devons subir, ils demeurent inca

581 x fléaux majeurs de l’Europe, je veux dire l’auto et Hitler. L’aventure totalement imprévisible de l’auto mériterait une t

582 miles de Detroit, le jour où un garçon de 12 ans et demi, Henry Ford, fils d’un paysan, rencontre une « locomotive routiè

583 il aperçut cette « machine de route », sa grande et constante ambition fut d’en construire une semblable pour partir au h

584 e la tyrannie. À 19 ans, le petit Henry construit et conduit sa première « machine de roule ». (À ce moment, la Grande-Bre

585 apide. En 1903, Ford gagne une course de vitesse, et encouragé par ce succès, fonde la Société des automobiles Ford. Dans

586 le cerveau par de longues promenades au grand air et vous rafraîchir les poumons grâce à ce tonique des toniques : une atm

587 troduisit son fameux « Modèle T », robuste, utile et laid, mais bon marché et destiné à la masse. Il ne cessera de faire b

588 dèle T », robuste, utile et laid, mais bon marché et destiné à la masse. Il ne cessera de faire baisser son prix au fur et

589 evait « rafraîchir les poumons », elle les pollue et cancérise. Elle devait permettre d’aller vite, et elle ne fait que du

590 et cancérise. Elle devait permettre d’aller vite, et elle ne fait que du 4 km à l’heure dans le centre de nos grandes vill

591 qu’elle asphyxie. Elle devait révéler la campagne et la solitude, elle les tue d’une manière irréversible. Car pour elle,

592 bétonne les campagnes (18 % de la Hollande déjà) et c’est autant d’humus perdu en quelques semaines pour des centaines de

593 lui auront pris environ 1700 heures de son temps, et cela fait du 6 à l’heure — l’allure d’un piéton. Mais là ne s’arrêten

594 on. Mais là ne s’arrêtent pas les bouleversements et les méfaits en chaîne produits par l’auto. Comme elle ne marche pas e

595 to. Comme elle ne marche pas encore sans pétrole, et que le pétrole consommé par l’Europe est détenu à 80 % par les pays a

596 par les pays arabes, voilà la politique mondiale et l’existence même d’Israël, par exemple, subordonnées en fait à la cir

597 mal an 280 000 morts chaque année dans le monde, et plus de 8 millions de blessés. Mais il y a plus grave. B. de Jouvenel

598 émocratie en transformant les places en parkings, et en chassant les piétons des rues ; car c’était sur les places et dans

599 les piétons des rues ; car c’était sur les places et dans les rues que se formait traditionnellement l’opinion, — de l’ago

600 ités grecques en passant par le forum des Romains et par les communes médiévales, jusqu’à nos jours. Enfin, la crise monét

601 s — 16 environ — détenus par quatre ou cinq émirs et dictateurs du Proche-Orient, qui ne savent où les investir, et qui po

602 du Proche-Orient, qui ne savent où les investir, et qui pourraient, selon les déclarations récentes du petit-fils de Henr

603 it-fils de Henry Ford, racheter la General Motors et la Société Ford elle-même, s’ils le voulaient. Et voilà la boucle bou

604 et la Société Ford elle-même, s’ils le voulaient. Et voilà la boucle bouclée. Résumons-nous : vers 1890, personne n’a beso

605 ’imposer au monde, en quelques dizaines d’années, et voici nos villes invivables, le bétonnage universel, la nature défigu

606 urée, la morale quotidienne dégradée, l’industrie et l’économie tout entière suspendues à l’auto, qui est elle-même suspen

607 r l’existence d’Israël, qui a été rendue possible et nécessaire par les camps de la mort et de la folie de cet Hitler, que

608 e possible et nécessaire par les camps de la mort et de la folie de cet Hitler, que Herman Kahn n’a pas prévu. Une histoir

609 as prévu. Une histoire de fous, je vous l’ai dit. Et seul peut-être un fou eût pu prévoir son déroulement — ou alors un ho

610 usé d’instinct ce bruit, ces vapeurs, ces odeurs, et l’idée même d’aller plus vite à n’importe quel prix, sans savoir où…

611 mprévisible. Pourtant d’autres méthodes l’ont bel et bien prévu. Dès 1885, J. Burckhardt annonce le temps des « terribles

612 nnonce le temps des « terribles simplificateurs » et décrit d’une manière saisissante ce que sera la vie des ouvriers dans

613 auvinisme, le « nationalisme de bêtes à cornes », et l’antisémitisme, qui se manifestent déjà en Allemagne, et dont il ann

614 isémitisme, qui se manifestent déjà en Allemagne, et dont il annonce le sinistre avènement européen. Sur la trace de ces m

615 0 », à Paris, à Londres, en Allemagne, en Italie, et en Suisse, dénoncent en Hitler comme en Staline les réalisateurs éner

616 tler comme en Staline les réalisateurs énergiques et sans humour, c’est-à-dire fanatiques, du modèle de l’État-nation posé

617 du modèle de l’État-nation posé par les jacobins et imposé d’abord par Napoléon. Ils voient dans l’État totalitaire l’ach

618 dans leurs frontières, mises au pas, uniformisées et vidées de leur vitalité. Les personnalistes annoncent d’ailleurs le s

619 raties bourgeoises n’ont même pas vu le problème, et ne soupçonnent même pas son importance fondamentale. Mais l’État-nati

620 cadence des liens communautaires, donc du civisme et de la morale sociale. Je le trouve aussi à l’origine de la grande cri

621 ésulte d’une très mauvaise gestion de notre terre et de ses ressources. Mais qui était le Gérant responsable ? La réponse

622 ple. Les responsables sont les États-nations, nés et multipliés sur toute la terre, au xxe siècle. Ce sont eux seuls qui

623 t souverain. Eux seuls qui en avaient les moyens. Et vous voyez ce qu’ils en ont fait. Ils ont géré et détruit ses ressour

624 Et vous voyez ce qu’ils en ont fait. Ils ont géré et détruit ses ressources en vue de leur seule puissance et de leur seul

625 uit ses ressources en vue de leur seule puissance et de leur seul prestige ; en vue de la guerre, dont tous sont nés. Ils

626 Ils ont créé l’économie industrielle sur la base et dans le cadre, d’ailleurs occidental, des seules frontières nationale

627 urs occidental, des seules frontières nationales, et pour leurs seuls intérêts, fussent-ils contraires aux intérêts de leu

628 nt-ils contraires aux intérêts de leurs habitants et de l’humanité en général. Comme le fait voir leur procédé de mesure,

629 National Brutal) qui ramène tout à l’État-nation et rien à l’homme, — chef-d’œuvre inégalé de bêtise codée. Au principe d

630 ntesté, l’État-nation souverain sur toutes choses et gens dans le cadre de ses frontières, l’État-nation tel que nous l’av

631 fait, nous les Européens — mauvais Européens ! —  et répandu sur toute la terre. Et avec cela, le principal est sinon dit,

632 vais Européens ! — et répandu sur toute la terre. Et avec cela, le principal est sinon dit, du moins très clairement annon

633 airement annoncé, sur la recherche que je propose et sur ses directions majeures : nous voyons maintenant ce qu’il s’agit

634 iété européenne : c’est le modèle stato-national. Et nous voyons dans quelle direction il faut aller : celle qui nous perm

635 nauté, des communautés, au-delà de l’État-nation, et en deçà. Comme il convient quand on présente une recherche, je ne sau

636 ins, que je vous donne mes hypothèses de travail, et le plan général de mon enquête. La critique de l’État-nation centrali

637 l’histoire. Qu’il n’y a rien à imaginer au-delà. Et nous en avons persuadé la terre entière ; environ 150 États-nations,

638 que me disent ceux qui se croient « réalistes ». Et même certains autres, comme Malraux, lequel répète non sans quelque e

639 ous apercevons que l’État-nation est bien malade. Et tout d’abord, sa souveraineté prétendue est de plus en plus illusoire

640 neté consiste dans le droit de déclarer la guerre et de conclure la paix quand on le veut, et de poser ou de casser les lo

641 a guerre et de conclure la paix quand on le veut, et de poser ou de casser les lois. Qui a encore ce droit ? La guerre de

642 d’en mesurer le peu de réalité, lorsque la France et la Grande-Bretagne ont dû stopper leurs opérations sur un froncement

643 sur un froncement de sourcil du président des USA et un grognement de Moscou. La souveraineté de nos nations européennes n

644 efus, d’ailleurs, est particulièrement maladroit, et révèle bien la faiblesse réelle de l’État-nation ; tant il est clair

645 ologique ne se laisse définir par nos frontières, et qu’aucune frontière politique ou économique n’a jamais arrêté ni temp

646 étention intenable à imposer les mêmes frontières et la même administration à des réalités radicalement hétérogènes, telle

647 lités radicalement hétérogènes, telles que langue et sous-sol, économie et histoire. Il faudrait un miracle pour que ces r

648 érogènes, telles que langue et sous-sol, économie et histoire. Il faudrait un miracle pour que ces réalités coïncident dan

649 ans l’espace, correspondent aux mêmes frontières, et ce miracle ne s’est jamais réalisé. L’idée de la coïncidence territor

650 le de l’idéologie, de l’économie, de l’état civil et de la culture serait proprement délirante si elle ne s’expliquait pas

651 d plus aux problèmes économiques du monde moderne et encore moins aux réalités civiques. L’État-nation est à la fois trop

652 civiques. L’État-nation est à la fois trop petit et trop grand. Trop petit pour jouer un rôle international, trop grand p

653 ion civique. Il faut donc le dépasser par en haut et par en bas, par la fédération continentale et par la région. Ceci se

654 aut et par en bas, par la fédération continentale et par la région. Ceci se trouve correspondre aux réalités européennes l

655 ennes les plus traditionnelles, les plus vivantes et les plus créatrices. Comparée à d’autres civilisations ou cultures, l

656 versité, due aux sources multiples de sa culture, et aux valeurs souvent contradictoires qu’elle a héritées de la Grèce, d

657 Celtes, des Germains, plus tard des Arabes au Sud et des Slaves à l’Est. Impossible donc de concevoir une union européenne

658 n européenne sur un modèle stato-national, unifié et centralisé, ni en tant que ligue d’États. Le seul modèle rendant just

659 e rendant justice à la diversité de ces réalités, et pouvant rendre fécondes leurs tensions innombrables, sans sacrifier l

660 aticable. C’est l’idéal qu’affirment les juristes et les chefs d’État, et c’est là leur hypocrisie. Je l’appelle l’amicale

661 al qu’affirment les juristes et les chefs d’État, et c’est là leur hypocrisie. Je l’appelle l’amicale des misanthropes. Ce

662 , non se faire. La seule forme d’union concevable et praticable étant donné les réalités spécifiquement européennes, serai

663 des régions, plus petites que nos États actuels, et la plupart du temps chevauchant leurs frontières. Voilà pour le cadre

664 main. Mais attention : les régions que je conçois et cherche à repérer, à définir, ne seront pas des mini-États-nations qu

665 ons absurdes des grandes : souveraineté illimitée et frontières identiques imposées à toutes les réalités publiques. Le mo

666 des fonctions soit économiques, soit culturelles et éducatives, soit écologiques, soit sociales, et dont les aires territ

667 s et éducatives, soit écologiques, soit sociales, et dont les aires territoriales ne se recouvrent pas plus que les réalit

668 justice aux caractères spécifiques de nos peuples et , plus encore, aux vocations personnelles. Un autre mot-clé de notre m

669 sable. Jean-Jacques Rousseau l’avait déjà bien vu et très bien dit dans le Contrat social, au chapitre où il démontre que

670 n’y a plus que quelques ministres tout puissants, et dans un très grand pays, un seul chef ou dictateur. Participation des

671 des communautés de toute espèce, aussi nombreuses et variées que possible, pluralité des allégeances, liberté garantie par

672 ice de responsabilités concrètes, voilà l’éthique et la philosophie du modèle de société fédéraliste dont l’établissement

673 e paraît définir la vocation de cette génération, et non seulement la dernière chance de l’Europe, mais l’une des plus bel

674 ise aiguë ; à savoir la notion de régionalisation et la construction de l’Europe. La simultanéité de cette remise en cause

675 ’État-nation napoléonien qui s’oppose aux régions et propose contre elles sa « régionalisation » autoritaire. Quant à la s

676 la montée de l’idée de région ? Il y a d’abord — et c’est le côté le plus spectaculaire, le plus bruyant aussi, parce qu’

677 par des explosions de plastic — l’aspect ethnique et linguistique de régions comme la Bretagne, le Pays-de-Galles, le Pays

678 l’on parle français), les conflits entre Flamands et Wallons… Et puis il y a toutes les régions « transfrontalières » qui

679 rançais), les conflits entre Flamands et Wallons… Et puis il y a toutes les régions « transfrontalières » qui se situent p

680 énan, ou rhodanien. Ça commence entre le Danemark et l’Allemagne ; entre la Hollande et l’Allemagne, et entre la Belgique,

681 re le Danemark et l’Allemagne ; entre la Hollande et l’Allemagne, et entre la Belgique, la Hollande et l’Allemagne, la Bel

682 t l’Allemagne ; entre la Hollande et l’Allemagne, et entre la Belgique, la Hollande et l’Allemagne, la Belgique, la France

683 et l’Allemagne, et entre la Belgique, la Hollande et l’Allemagne, la Belgique, la France et l’Allemagne, voire le Luxembou

684 a Hollande et l’Allemagne, la Belgique, la France et l’Allemagne, voire le Luxembourg, puis entre France et Allemagne, Sui

685 Allemagne, voire le Luxembourg, puis entre France et Allemagne, Suisse et France, etc. Toutes ces régions ont des problème

686 uxembourg, puis entre France et Allemagne, Suisse et France, etc. Toutes ces régions ont des problèmes communs, les mêmes

687 nale ; il a dressé une carte provisoire des Six ; et cela donnait par exemple pour la France, 9 grandes régions. Or, sur l

688 seulement n’étaient pas transfrontalières : Paris et l’Auvergne ; toutes les autres étaient transfrontalières, y compris l

689 ertains cas, où vous avez par exemple les Basques et les Catalans qui sont, eux, à la fois dans des régions ethniques et t

690 i sont, eux, à la fois dans des régions ethniques et transfrontalières. Ils ne sont nullement séparés, mais au contraire r

691 était une frontière naturelle entre les Français et les Allemands. Admettons cela ; mais alors pourquoi le Rhône est-il u

692 le Rhône est-il un lien naturel entre la Provence et les gens qui habitent du côté du Centre ? On dit absolument n’importe

693 se de régions nouvelles, ou créées par l’économie et par des réalités qui ne tiennent pas compte des frontières. À mesure

694 les régions ethniques qui sont les plus visibles, et les plus brillantes, et à mon sens peut-être les moins sérieuses, et

695 i sont les plus visibles, et les plus brillantes, et à mon sens peut-être les moins sérieuses, et les régions qui sont déf

696 tes, et à mon sens peut-être les moins sérieuses, et les régions qui sont définies par un certain nombre de facteurs à la

697 ys, le reste c’est le gallo qui va jusqu’à Rennes et jusqu’à Nantes, villes qui sont indispensables, du point de vue écono

698 int de vue économique, à la vie de cette région ; et alors on retombe dans toutes les équivoques de l’État-nation, qui con

699 nage provoqué par la nécessité d’unir nos nations et d’accepter les résurgences spontanées, d’une part celle des régions,

700 mme parfaitement clair : ou bien on fait l’Europe et il faut abandonner la formule des États-nations à souveraineté illimi

701 ormule des États-nations à souveraineté illimitée et se tourner vers les régions. Ou bien il faut avouer qu’on ne veut pas

702 il faut avouer qu’on ne veut pas faire l’Europe ; et il faut savoir aussi ce que ça signifierait : la colonisation de l’Eu

703 nisation de l’Europe, économiquement par l’Ouest, et politiquement par l’Est. C’est déjà en bonne partie réalisé pour le q

704 urope, à l’est, qui est satellisé par les Russes, et c’est réalisé en bonne partie par l’économie de nos États de l’Ouest,

705 auvaise chose. Je ne pense pas que les Américains et les Russes soient des gens pires que nous, je pense que la colonisati

706 er un dictateur, un système parfaitement cohérent et très simpliste de gouvernement ; mais on ne peut pas renverser notre

707 siècle : c’était le droit de déclarer la guerre et de conclure la paix comme on le veut, et quand on le veut. Vous avez

708 a guerre et de conclure la paix comme on le veut, et quand on le veut. Vous avez vu lors de la guerre de Suez la France et

709 Vous avez vu lors de la guerre de Suez la France et la Grande-Bretagne, nations soi-disant souveraines, et insistant plus

710 Grande-Bretagne, nations soi-disant souveraines, et insistant plus encore que n’importe quelle autre sur leur souverainet

711 un froncement de sourcils de Monsieur Eisenhower et par un grognement de l’ours russe. Eh bien, il a été démontré ce jour

712 ous fassions une Europe sur la base des réalités, et pas des mythes. Que nous ne perdions pas de temps et d’énergie à renv

713 pas des mythes. Que nous ne perdions pas de temps et d’énergie à renverser des choses qui n’existent plus, qui sont des sy

714 i sont des symboles, des mythes d’un passé révolu et que nous commencions à édifier l’Europe sur les régions que nous devo

715 us cherchons à les unir, sur cette réalité active et quotidienne. Et c’est là le sentiment des jeunes, de même que ce sont

716 es unir, sur cette réalité active et quotidienne. Et c’est là le sentiment des jeunes, de même que ce sont les jeunes qui

717 es en France, il va falloir les faire fonctionner et peut-être les faire évoluer… Il y a une expression frappante que vous

718 égions au sens réel, devraient être « reconnues » et non pas délimitées de l’extérieur. Les vingt-deux régions françaises

719 ns, il aurait fallu faire exactement le contraire et on sera bien obligé de le faire un jour ou l’autre. Il aurait fallu u

720 nt être données sur une base autonome, autogérée, et à partir de là, voir comment on pourrait organiser ces régions, car i

721 des problèmes, les voir se soulever, se définir, et il faut se décider d’après ça, et non pas prendre une carte et quelqu

722 er, se définir, et il faut se décider d’après ça, et non pas prendre une carte et quelques barèmes, quelques statistiques,

723 décider d’après ça, et non pas prendre une carte et quelques barèmes, quelques statistiques, quelques courbes pour ensuit

724 le Land de Bavière, qui a 12 millions d’habitants et 71 000 km2, la Rhénanie-Westphalie qui a 19 millions d’habitants, ou

725 u avec le Land de Hamburg qui n’a guère plus d’un et demi-million d’habitants et 740 km2 ? Mais en France, comment, en par

726 i n’a guère plus d’un et demi-million d’habitants et 740 km2 ? Mais en France, comment, en partant de ce qui existe, pouvo

727 , en partant de ce qui existe, pouvons-nous créer et animer des régions ? Je pense qu’il faut être bien conscient des fina

728 à un commentaire qu’on peut faire sur la réalité, et non une finalité. Ce n’est pas cela qui meut les gens, qui les motive

729 ui les motive, c’est deux choses : la prospérité, et pas seulement quantitative, et la participation à la vie civique. Or,

730 s : la prospérité, et pas seulement quantitative, et la participation à la vie civique. Or, de la région, les gouvernement

731 politiques, économiques, militaires, techniques, et à tous les degrés de sa vie. Il se trouve pris dans un réseau de néce

732 cela mène aussi à la criminalité, la délinquance, et pas seulement juvénile, à toutes sortes de troubles mentaux, et à un

733 nt juvénile, à toutes sortes de troubles mentaux, et à un grand désespoir qui pousse les jeunes gens à se jeter dans les m

734 tre. Contre cela il faut recréer des communautés, et voilà le principal motif de faire des régions. Je dis que les États-n

735 nément jusqu’aux frontières extrêmes de la France et que tout le monde fasse la même chose en même temps. C’est là aussi l

736 utes les communautés locales, réelles, affectives et spontanées. Cet État-là, non seulement empêche la participation mais

737 ut d’accord avec le terme « prendre le pouvoir ». Et c’est là que je me sépare radicalement des marxistes. Ils croient qu’

738 iste, de droite ou de gauche, phalangiste ou mao. Et puis, allons plus loin dans la démystification du marxisme d’avant-hi

739 d à l’échelle locale. Ne perdons plus notre temps et nos énergies à nous attaquer à un Pouvoir mythique. Prendre en main n

740 la critique fédéraliste, est à la fois trop petit et trop grand qu’il y a des sociétés multinationales. Les États-nations

741 importe quelles dimensions, au hasard des traités et des guerres : les armées se sont arrêtées par hasard là. Il n’y a auc

742 st fatal que le développement même de l’industrie et du commerce conduise à des sociétés qui ne tiennent plus compte des f

743 abolique, horriblement mauvais dans tous les cas, et on dit par exemple à l’encontre du Marché commun : « qu’est-ce que le

744 on à créer un espace pour les multinationales ? » Et alors la question est réglée à partir de ce moment-là. Or, je voudrai

745 grand nombre possible de productions différentes, et qui envahissent certains pays ou tout un continent. Ayant pour but le

746 ys ou tout un continent. Ayant pour but le profit et le pouvoir, elles se dirigent naturellement vers l’État, et vers les

747 oir, elles se dirigent naturellement vers l’État, et vers les organes de l’État pour les acheter, pour faire pression sur

748 tat pour les acheter, pour faire pression sur eux et finalement diriger leur politique. Ou bien, si la politique d’un État

749 jouent ce rôle-là, par exemple : les pétroliers, et ça embarrasse beaucoup de gens. Mais il existe des sociétés qui ont u

750 s’adaptent au pays dans lequel elles s’installent et qui sont obligées par la nature même de leurs activités économiques d

751 intégrer. Il y a donc multinationale colonisante, et multinationale à caractère de développement ? Une multinationale qui

752 ravaille par exemple dans le lait, l’alimentation et les produits annexes n’a aucune espèce d’intérêt politique dans les p

753 la coutume agricole, elle peut même l’améliorer, et jouer un rôle d’aide technique. Quoi de commun avec ITT ou les pétrol

754 ant plus faible que le territoire est plus exigu, et l’État moins fort : les pétroliers font davantage la loi à Bruxelles

755 serait bien supérieur à celui des États-nations, et l’autre serait le pouvoir des régions parce que les régions seraient

756 ue les régions seraient nécessairement consultées et pourraient dire : « voilà une chose qui ne cadre absolument pas avec

757 t pas adaptée à nos traditions, ou qui démoralise et dégrade notre population, par exemple en l’appâtant par des salaires

758 st l’autogestion. L’autogestion à tous les degrés et dans tous les sens possibles du terme. Notez cependant que le danger

759 égions dans lesquelles elles viennent s’implanter et qui n’y cherchent que leur profit. Ce que je dis là ne vise pas à exo

760 e. La croissance biologique, végétale ou animale, et cette croissance dont on parle par métaphore dans l’industrie. La cro

761 ndustrie. La croissance du vivant, cela va de soi et ne fait pas de question : petit enfant deviendra grand, ce qui commen

762 en éléphant ou en corps humain. Tout cela est bel et bon, la croissance, c’est la vie, la loi de la vie ; tout le monde es

763 d’un optimum, puis lentement se modifie, régresse et meurt, donnant naissance à de nouvelles croissances également régulée

764 programme qui est dans les chaînes de chromosomes et dans les gènes. La croissance vivante comporte un ralentissement de l

765 , une maturation, un arrêt, la mort de l’individu et le retour à la terre. Rien de pareil dans la croissance industrielle

766 la seule condition qu’il puisse se nourrir assez et ne se heurte pas à des obstacles insurmontables. Eh bien, nous vivons

767 saient toute espèce de réalité humaine praticable et qu’elles monteraient très vite. Qu’elles parviendraient d’ici à la fi

768 avertissement aussi brutal, aussi justement pensé et conçu, et qui ait eu un impact comparable sur une société humaine. J’

769 ent aussi brutal, aussi justement pensé et conçu, et qui ait eu un impact comparable sur une société humaine. J’ai eu de v

770 ntrales nucléaires ; c’est un impératif technique et économique, parce que la consommation d’électricité » (ça a été mesur

771 une politique, il faut absolument abandonner ça, et nous nous apercevons très vite que si nous abandonnons cette idée fon

772 ionalisation. Il faut proportionner la production et l’aménager conformément à la finalité que nous acceptons. Je suis trè

773 comme l’énergie éolienne, l’énergie géothermique et l’énergie hydraulique, énergie des fleuves, des petits lacs… Tout cel

774 petits lacs… Tout cela était complètement négligé et méprisé par les auteurs depuis une dizaine d’années. Ils disaient tou

775 égionales qu’on y arrivera le mieux. La région et la commune Pourtant on s’aperçoit qu’actuellement, et depuis un ce

776 ommune Pourtant on s’aperçoit qu’actuellement, et depuis un certain nombre d’années, le seul pouvoir mobilisateur en Fr

777 e, c’est le pouvoir d’achat. Les individus, déjà, et puis les mass-médias raisonnent ainsi. Est-ce qu’une expression régio

778 s tel ou tel produit. Ils finissent par le croire et par vouloir gagner de l’argent pour se l’acheter. Il suffit d’un chan

779 mentalité. C’est l’essentiel, tout tient à cela. Et les gens s’apercevraient qu’il y a mille choses dans la vie beaucoup

780 és. Devant l’absence de possibilités d’intervenir et d’avoir une efficacité. Est-ce que l’angoisse communautaire est un ef

781 nautaire est un effet de la concentration urbaine et de l’exode rural ? Cela va ensemble. Mais les villes n’existent plus

782 depuis que les places sont devenues des parkings, et que les rues sont envahies par le flot de la circulation des voitures

783 aison que celle-là. Il leur disait : « Suivez-moi et vous serez tous ensemble. » Et cela suffisait à tout justifier pour e

784 ait : « Suivez-moi et vous serez tous ensemble. » Et cela suffisait à tout justifier pour eux. Ils étaient là, tous, le br

785 ient là, tous, le bras levé, à hurler en cadence, et ils se sentaient ensemble. Ils avaient une raison de vivre pendant ce

786 parti, une seule idéologie, beaucoup trop simple et s’imposant comme un cadre de l’extérieur sur les gens. Il faut faire

787 nt préfabriqués — de préférence devant une maison et en coupant un ou deux arbres… Et les racines, pour vous, c’est la com

788 evant une maison et en coupant un ou deux arbres… Et les racines, pour vous, c’est la commune ? Il faut donc commencer par

789 qui peut rassembler des hommes autour d’une idée et d’une chose qui ait une valeur affective, une valeur concrète et quot

790 qui ait une valeur affective, une valeur concrète et quotidienne. C’est cela qui est important, partir d’en bas… Mais les

791 ous avez une minorité de Genevois, je crois 27 %, et 44 % de Confédérés, c’est-à-dire de Suisses d’autres cantons, et les

792 édérés, c’est-à-dire de Suisses d’autres cantons, et les autres sont des étrangers. Donc, il n’y a plus qu’une minorité de

793 sition de la population est entièrement nouvelle, et les Suisses allemands qui viennent à Genève, qui votaient à 80 % chez

794 t ainsi, c’est que l’on peut prendre des racines, et même si l’on change de lieu. L’important c’est d’en avoir. Parce que

795 . Parce que l’homme a besoin à la fois de racines et de mobilité. Si on le force à être enraciné comme un paysan lié à la

796 un paysan lié à la terre, c’est un grand malheur. Et s’il est purement nomade, aussi. Mon idée de l’homme complet, la pers

797 s. Il a besoin de se sentir chez lui quelque part et il a besoin de circuler. Besoin de communauté et besoin de solitude.

798 et il a besoin de circuler. Besoin de communauté et besoin de solitude. Est-ce que la région, reposant sur la commune, re

799 ’Alexandre, toutes ces normes ont été délaissées, et on a bâti des villes énormes, comme Antioche où il y avait 25 km de r

800 tait devenu impossible de se promener sans armes. Et ces villes naturellement n’étaient plus des communes. Il n’y avait pl

801 pation est maximale dans une communauté minimale, et inversement… Aujourd’hui, nous nous trouvons dans la situation hellén

802 ord avec bien des urbanistes, américains surtout, et anglais également, qu’il faut absolument en revenir aux formules comm

803 e de l’esprit communal, de l’esprit d’association et de la vie civique. Quelle place donnez-vous à l’urbanisme dans tout c

804 ument essentielle parce que tout tient à la forme et aux dimensions de la ville. Les formes de l’architecture expriment ce

805 hitecture expriment certaines réalités politiques et sociales et en interdisent d’autres. Si l’on prenait la ville communa

806 priment certaines réalités politiques et sociales et en interdisent d’autres. Si l’on prenait la ville communale au Moyen

807 ù il y a l’église, les auberges, l’hôtel de ville et les marchés, c’est-à-dire toutes les forces en tension dans la vie pu

808 en c’est la caserne, comme tout le monde l’a dit, et il faut prendre cela au sens le plus précis du terme, c’est-à-dire qu

809 e manière de juger la vie où l’homme est une pure et simple carte d’identité, un producteur-consommateur docile, et qui n’

810 te d’identité, un producteur-consommateur docile, et qui n’existe pour l’État que sous la forme d’un dossier électronique.

811 ollectivement ? Il faut faire des villes petites, et très nombreuses. Mais une chose très curieuse, c’est que les architec

812 in Doxiadis, arrivent au même chiffre qu’Aristote et Platon pour l’optimum d’une ville. C’est 50 000 habitants. Dès que vo

813 ndustrielle qui, par une intégration très poussée et une concentration de moyens et d’hommes, doit exécuter un certain nom

814 ation très poussée et une concentration de moyens et d’hommes, doit exécuter un certain nombre de tâches (produits et serv

815 it exécuter un certain nombre de tâches (produits et services). On peut presque dire que c’est la loi économique qui a fai

816 ait que ces villes se sont agrandies démesurément et que notre économie a secrété certaines organisations très complexes.

817 s que l’économie exige une certaine concentration et conduit à faire des grandes villes. Je mets cela en question. L’écono

818 inateurs, ce n’est pas l’affaire des impératifs X et Y, c’est leur affaire. Souvent les gens n’aiment pas être responsable

819 nsable, d’être digne, à ses propres yeux de vivre et valoir quelque chose. C’est beaucoup plus important qu’une augmentati

820 ave… Je pense surtout à l’autogestion des groupes et des petites communes et ensuite à l’autogestion des régions. La formu

821 l’autogestion des groupes et des petites communes et ensuite à l’autogestion des régions. La formule des fédérations est e

822 r les niveaux de décisions dans tous les domaines et dans tous les secteurs, avec les dimensions de la tâche à exécuter, d

823 trouver une adéquation de la dimension des tâches et de la dimension des communautés qui sont amenées à prendre des décisi

824 fasse à son niveau, ce qu’il est capable de faire et que, pour ce qui dépasse son niveau, il s’unisse à d’autres. Qu’il ne

825 sse à d’autres. Qu’il ne se fédère que pour cela, et non pour constituer une puissance telle que l’État-nation, une puissa

826 rité. Voilà au fond ce que j’appelle fédéralisme, et qui résume toute ma doctrine : situer l’homme au centre de la société

827 etien] L’Europe des régions », Sud-Est industriel et commercial, Grenoble, juin–juillet 1974, p. 14-19 et 46. f. Propos r

828 commercial, Grenoble, juin–juillet 1974, p. 14-19 et 46. f. Propos recueillis par Jean-Pierre Richardot et introduits par

829 . f. Propos recueillis par Jean-Pierre Richardot et introduits par le chapeau suivant : « À l’heure où l’Europe est en cr

830 ont. Avec Churchill, Robert Schumann, Jean Monnet et Konrad Adenauer, Denis de Rougemont, au lendemain de la Deuxième Guer

831 tir le Parlement européen, le Conseil de l’Europe et le Marché commun. Européen d’origine suisse et plus précisément neuch

832 pe et le Marché commun. Européen d’origine suisse et plus précisément neuchâteloise, Denis de Rougemont est le théoricien

833 en par excellence du fédéralisme, du régionalisme et de la construction européenne. Écrivain, Denis de Rougemont est un ex

834 ougemont est un excellent observateur de l’Europe et de l’Occident. L’Europe, il doit à Hitler d’en avoir saisi le génie l

835 n 1940, parce que trop antinazi, trop francophile et par là même compromettant, il a dû se réfugier aux États-Unis. C’est

836 nté vers l’avenir : la prospective. Ce philosophe et historien est un futurologue passionné d’écologie, il croit qu’aucune

837 croit qu’aucune fatalité ne pèse sur nos sociétés et que nous sommes maîtres de notre destin. C’est ce qu’il dira prochain

838 parmi lesquels se trouvaient Claude Lévi-Strauss et André Breton. Entre Breton et moi, ce fut une sorte de coup de foudre

839 Claude Lévi-Strauss et André Breton. Entre Breton et moi, ce fut une sorte de coup de foudre d’amitié. Nous avons décidé d

840 e nous rencontrer souvent, avec d’autres artistes et écrivains surréalistes venus d’Europe par divers chemins : Max Ernst,

841 ntre suisse Kurt Seligmann (un très grand peintre et un maître de magie), le cinéaste Buñuel, Marcel Duchamp. C’était donc

842 toléré. Il régnait parmi nous une certaine tenue et une grande liberté de ton. Nous faisions des jeux que Breton prenait

843 avait des jeux écrits, comme celui des questions et des réponses, que je préférais. Il se jouait par paires. L’un écrivai

844 ce que ceci ou cela ? ou : qu’arriverait-il si… ? Et l’autre, en même temps, écrivait trois réponses. Puis on lisait à hau

845 réponse : « Toutes les lumières s’éteindraient. » Et , dans la seconde, toutes les lumières se sont éteintes dans la maison

846 ystème techno-industriel montrait déjà des ratés, et voilà que sur le mot « raté » toutes les lumières se sont éteintes da

847 utes les lumières se sont éteintes dans la salle ( et , comme on l’a su plus tard, dans tout le canton de Genève). Naturelle

848 e télépathie, je devinais presque toujours juste. Et Breton ? Lui, jamais ! C’était d’autant plus curieux que rien ne l’in

849 médium. Au fond, c’était un dogmatique subversif, et un rationaliste malgré lui. Les insultes de Breton Un soir, on

850 r, on avait décidé que l’on me banderait les yeux et que l’on me mettrait dans la main, successivement, un objet appartena

851 , j’avais quatre ou cinq secondes pour réfléchir, et je disais : « C’est à Leonora, c’est à Consuelo, c’est à Barbara, etc

852 vite — c’était la règle — les adjectifs flatteurs et dépréciatifs. Lorsqu’il arriva devant Claude Lévi-Strauss, il lui adr

853 e personnage sur l’heure : « Sortez ! tonna-t-il. Et je me réjouis de ne plus jamais rencontrer sur mon chemin votre sale

854 le, insulté jusqu’à la moelle, chassé du paradis. Et là, il y a quelque chose qu’on ne peut guère pardonner à Breton, cett

855 ue était déserte, tout le monde était à l’église, et j’y allais moi-même, quand je me suis trouvé pile devant André Breton

856 ant les nuages entre les gratte-ciel. Il s’arrêta et me dit, après un silence : « Et pourquoi ne ferait-on pas une religio

857 ciel. Il s’arrêta et me dit, après un silence : «  Et pourquoi ne ferait-on pas une religion dédiée au culte d’une pierre b

858 e religion dédiée au culte d’une pierre bleue ? » Et puis il est reparti. L’incident trahit quelque chose chez lui. Il a p

859 igion [sic] qui n’aurait pas été le christianisme et dont il aurait été un des grands prêtres. Un jour, nous parlions des

860 cathares, avec un ami. Il écoutait d’une oreille, et brusquement il s’est tourné vers nous : « Voilà, dit-il, une Église o

861 duquel il rencontra André Breton, Marcel Duchamp et leurs amis. D’une conversation enregistrée qui s’est poursuivie une s

862 paradoxal (mais qui est en somme celui des riches et de l’Occident en général), il m’a semblé que l’inquiétude suisse s’ex

863 politiques en formation, est-ce que nos libertés, et la Suisse elle-même, en tant qu’État, gardent encore un sens et pourr

864 lle-même, en tant qu’État, gardent encore un sens et pourront subsister ? Inquiétude spirituelle et morale enfin : est-ce

865 ns et pourront subsister ? Inquiétude spirituelle et morale enfin : est-ce que tant de paix et de prospérité n’ont pas été

866 ituelle et morale enfin : est-ce que tant de paix et de prospérité n’ont pas été gagnées au prix de notre âme ? Au prix de

867 par le livre, le théâtre, l’enquête sociologique et les éditoriaux des grands journaux romands. Depuis 1962, date de la d

868 l’avenir suisse est devenu notre sport national, et je ne vois pas d’autre pays qui puisse nous battre sur ce terrain-là.

869 ase que dans la bouche de ceux qui la raillaient, et je ne l’ai jamais lue que sous la plume de Suisses qui affirmaient qu

870 affirmaient que les autres suisses pensent ainsi et qu’ils ont tort. Au bout du compte, c’est une propension à l’anxiété,

871 t, plutôt qu’à la vanité nationale ou à la simple et naïve complaisance, qui frappe l’observateur de ce pays. Quand un hom

872 est excellent, typique du premier pays du monde, et bien digne d’être approuvé par tous ses citoyens. Mais quand on dit e

873 en train de s’enliser dans un épais matérialisme, et dans un égoïsme qui dément leurs grands idéaux officiels ? Cette réac

874 idéaux officiels ? Cette réaction fondamentale — et plus générale qu’on ne le pense — provient du vieux fond religieux, e

875 n ne le pense — provient du vieux fond religieux, et les jeunes intellectuels détachés de toute croyance ne se distinguent

876 les qu’ils opposent au moralisme « embourgeoisé » et « hypocrite » des « soi-disant chrétiens ». Toutefois, ces motivation

877 uatre-cents ans, ne sont en réalité que les hôtes et les spectateurs de l’Histoire. Considérant les autres peuples, ils se

878 utres peuples, ils se réjouissent de leur liberté et de leur sagesse. Ce sont, par nature, des pharisiens de la politique,

879 utres. Le Suisse est assis dans sa petite maison, et il regarde par sa petite fenêtre, et se réjouit de voir les étrangers

880 tite maison, et il regarde par sa petite fenêtre, et se réjouit de voir les étrangers venir chez lui pour admirer la belle

881 es étrangers venir chez lui pour admirer la belle et libre Helvétie. Peut-être lui plaît-il aussi d’entreprendre quelque œ

882 de guerre un enfant allemand, un enfant français, et de devenir ainsi, par-dessus le marché, un bienfaiteur de l’humanité.

883 rché, un bienfaiteur de l’humanité. Il ne connaît et n’aime aucun problème extrême, et par suite, aucun parti extrémiste.

884 . Il ne connaît et n’aime aucun problème extrême, et par suite, aucun parti extrémiste. La politique suisse vit de comprom

885 e au premier rang de ses préoccupations son repos et sa sécurité. Tel pourrait être, à peu près, le péché propre des Suiss

886 ullement de notre double devoir de reconnaissance et de responsabilité (à l’égard de notre patrie), mais ce devoir est cel

887 tre patrie), mais ce devoir est celui d’un accusé et d’un coupable. Helveticus sum, homo sum, peccator sum 16. Péché et c

888 Helveticus sum, homo sum, peccator sum 16. Péché et culpabilité sont des concepts théologiques17 dont je ne vois pas qu’i

889 n 1914, enfin doctrine d’État ces derniers temps, et là-dessus l’on peut et l’on doit discuter —, mais la traiter de péché

890 d’État ces derniers temps, et là-dessus l’on peut et l’on doit discuter —, mais la traiter de péché n’est pas une solution

891 , mais la traiter de péché n’est pas une solution et empêche même d’en trouver une, car si elle est un péché, il faut le r

892 s fait tomber dans le péché, il faut « l’arracher et la jeter loin de nous », sur-le-champ, sans demi-mesure : il faut par

893 tu générale. Essayons de prendre une vue globale, et objective au moins par l’intention, de la manière dont les Suisses s’

894 vrage me semblent révéler une tendance générale — et pour le coup, « bien suisse » — à juger d’un problème moins sur son m

895 progressistes, on ne peut que lui donner raison, et puis les vrais problèmes se posent, ou plutôt : ils sont encore là, a

896 ’Européen qui venait admirer notre libre Helvétie et qui est un peu déconcerté… Eh bien, lisez nos quotidiens : on y parle

897 y parle à longueur d’éditoriaux de la surchauffe et du manque de main-d’œuvre, de la pollution de l’air, des eaux et des

898 main-d’œuvre, de la pollution de l’air, des eaux et des paysages, de la laideur des petites maisons neuves, qui poussent

899 sir de vivre, de l’insuffisante éducation de base et des impasses de l’enseignement supérieur, du vieux duel de la commune

900 seignement supérieur, du vieux duel de la commune et de l’État, de la montée d’un « matérialisme jouisseur, calculateur, é

901 rtie comme une dette, d’un bonheur à tempérament, et de l’esprit de nivellement universel, père de l’ennui égal pour tous.

902 ur tous. — Mais quoi ! nous connaissons tout cela et c’est bien pire chez nous ! s’écrie l’Européen de Düsseldorf, d’Anver

903 ujours comprise. Notre fédéralisme est compromis, et ce qu’il en reste freine l’élan des entreprises. Est-ce qu’il y aura

904 aut traduire en formules désormais communicables, et qu’il faut assumer dans toutes ses dimensions non seulement morales m

905 dimensions non seulement morales mais politiques, et non seulement économiques mais spirituelles. Fédéralisme, seul régime

906 de tel pour tirer un homme de ses doutes brumeux et de son anxiété qu’un défi bien concret, venant de l’extérieur. Et de

907 é qu’un défi bien concret, venant de l’extérieur. Et de même que l’Europe a mieux à faire que d’offrir au tiers-monde le m

908 mmode, un peu lâche, que réside sa pire tentation et vraiment son péché virtuel — qui est la peur d’assumer sa vocation.

909 , conférence sur les rapports entre la Providence et la prédestination, 1936 (trad. de l’auteur). Helveticus sum… : Je sui

910 ile parle de remords, de repentir, de conversion, et cela n’a rien à voir avec le masochisme. 18. Phrase extraite du comm

911 r devant vous de la « société post-industrielle » et de ses valeurs, mon premier mouvement a été de recul devant un sujet

912 ait plus d’industrie, qui arrêterait les machines et cesserait toute recherche technologique, pour revenir à un stade prim

913 été post-industrielle serait celle où les besoins et les désirs de la société industrielle étant satisfaits et comblés, on

914 ésirs de la société industrielle étant satisfaits et comblés, on déciderait d’arrêter le progrès matériel pour se vouer à

915 ntemplation ou au bouddhisme zen. Car les besoins et les désirs de la société industrielle, aussi nommée société de consom

916 de consommation, sont par définition insatiables et inextinguibles. Ils ne seront jamais satisfaits, puisque leur formule

917 ciété industrielle née en Europe au xixe siècle, et qui s’est épanouie au xxe jusqu’à Los Angeles et Vladivostok, jusqu’

918 et qui s’est épanouie au xxe jusqu’à Los Angeles et Vladivostok, jusqu’à Tokyo même. Une société post-industrielle sera d

919 ost-industrielle sera donc une société qui adopte et promeut des valeurs tout à fait différentes de celles qu’impliquait e

920 s tout à fait différentes de celles qu’impliquait et imposait la société précédente. Ce changement est encore très loin d’

921 crise en nous, dans nos mentalités, nos attitudes et nos manières d’évaluer ce qui compte le plus dans la vie. II La

922 ue la crise actuelle nous oblige à reconsidérer : et tout d’abord le travail comme valeur fondamentale, et les disciplines

923 out d’abord le travail comme valeur fondamentale, et les disciplines de travail ou horaires, nées avec les grandes villes

924 onté de produire toujours plus, d’où la publicité et le marketing ; la rentabilité comme indicateur universel remplaçant l

925 hentique du terme, celle des plantes, des animaux et de l’individu humain, croissance qui, elle, comporte son programme gé

926 res lois d’épanouissement, de maturité, de déclin et de mort, en vue de naissances nouvelles. Le référentiel absolu de la

927 el absolu de la société industrielle était donc — et demeure encore pour la majorité de nos contemporains — la croissance

928 nt indéfini de tout ce qui peut être mesuré, pesé et compté, et de cela seul. Ce que nous pouvons nommer aujourd’hui socié

929 de tout ce qui peut être mesuré, pesé et compté, et de cela seul. Ce que nous pouvons nommer aujourd’hui société industri

930 mation, donc à la production, sans cesse accrues, et où, selon la phrase fameuse de Georges Pompidou « Paris devait s’adap

931 ière caractéristique d’inverser cette déclaration et de dire que, dorénavant, c’est l’automobile qui doit s’adapter à Pari

932 lli a répondu : « L’important, ce sont les hommes et non les firmes. » Il me semble que tout le contraste entre les deux

933 que je voudrais vous présenter quelques remarques et suggestions. III Au travail, vertu fondamentale de l’ère indust

934 ombre des heures par jour, des jours par semaine, et des années d’activité minutées à l’usine ou au bureau ? C’est la posi

935 ité industrielle, qui oppose radicalement travail et absence de travail, sans analyser ni la nature du travail, ni le cont

936 encore changer de plan. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, en 1765, définissait le loisir comme « le temps vuide ».

937 passement de l’opposition de nature entre travail et loisir. C’est instaurer l’artisanat et l’art, la trouvaille poétique

938 re travail et loisir. C’est instaurer l’artisanat et l’art, la trouvaille poétique bricolée dans la vie quotidienne, c’est

939 uotidienne, c’est-à-dire les activités inventives et imaginatives, où tend à disparaître la distinction entre labeur et je

940 où tend à disparaître la distinction entre labeur et jeu, entre la peine qu’on prend et le plaisir qu’on en a, entre les c

941 n entre labeur et jeu, entre la peine qu’on prend et le plaisir qu’on en a, entre les contraintes de la matière et la libe

942 r qu’on en a, entre les contraintes de la matière et la liberté de l’esprit qui la façonne, dans le temps plein, la plénit

943 ns réels de l’homme, mais bien pour les utiliser, et puis pour les multiplier. Elle n’a jamais cessé de fomenter, de susci

944 où je l’aperçus, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière »,

945 le monde guère plus de voitures que d’inventeurs, et ces fantaisies pour millionnaires resteront sans lendemain, si l’on e

946 vention, aujourd’hui oubliée, n’a connu qu’échecs et désapprobations des autorités scientifiques. » Deux ans plus tard, Cl

947 elle est la voiture automobile que Messieurs Benz et Daimler viennent de présenter au Kaiser Guillaume. » (Il sentait just

948 ignorance du reste du monde, son puritanisme naïf et le soutien de la morale utilitaire qui règne sans problème sur les Ét

949 remière entreprise de construction d’automobiles. Et il note à ce moment-là, — et je vous prie de savourer la phrase, elle

950 ction d’automobiles. Et il note à ce moment-là, —  et je vous prie de savourer la phrase, elle le mérite ! — « Ma résolutio

951 il n’y avait pas de demande pour les automobiles… et même une répugnance du public… » Phrase inouïe, constat vertigineux,

952 ournant ! En quelques décennies, par la publicité et par elle seule — la réclame, comme on dit alors —, Ford va changer to

953 la nature même des besoins de l’homme occidental, et surtout la conscience que l’homme a de ses besoins, en faisant passer

954 faisant passer au premier rang le plus artificiel et le dernier venu. En 1909 il vend dix-huit-mille voitures, mais dix an

955 illion. Quand il meurt en 1947, la General Motors et la Ford Company sont les deux plus grandes firmes du monde. L’industr

956 onde. L’industrie de l’auto domine la conjoncture et détermine l’évolution mondiale de presque toutes les autres industrie

957 mondiale de presque toutes les autres industries. Et cette automobile, pour laquelle il n’y avait pas de demande, et même

958 obile, pour laquelle il n’y avait pas de demande, et même une certaine répugnance au début de ce siècle, est devenue le be

959 dont elle était censée nous restituer le charme, et provoque d’immenses destructions de champs, de forêts, de rivages ine

960 li­tiques qui relèvent du carambolage non calculé et peuvent à tout instant devenir tragiques pour la survie de l’État d’I

961 venir tragiques pour la survie de l’État d’Israël et pour la paix en général. Enfin, et c’est le comble, née pour la vites

962 ’État d’Israël et pour la paix en général. Enfin, et c’est le comble, née pour la vitesse, l’automobile, dans les avenues

963 heure, qui est la vitesse d’un piéton peu pressé, et par l’embouteillage crée l’immobilité sous sa forme la plus exaspéran

964 re de vivre particulière à cause de l’automobile, et vous ne pouvez plus changer cela en poussant un bouton. » L’aventure

965 t pas est devenu prioritaire. L’Américain moyen — et nous donc ! — est prié de s’en tenir au mode de vie instauré par l’Au

966 de s’en tenir au mode de vie instauré par l’Auto, et qui favorise les ventes. V Vous me pardonnerez, je l’espère, de

967 e. C’est parce que des valeurs nouvelles existent et agissent en nous déjà, que les valeurs « fordiennes » nous apparaisse

968 iennes » nous apparaissent bizarres, ou puériles, et souvent même scandaleuses. Cette réaction est, à mes yeux, l’indicate

969 du déclin d’une certaine société, autour de nous, et de la proche émergence d’une société nouvelle, en nous d’abord. Et po

970 mergence d’une société nouvelle, en nous d’abord. Et pour décrire ses caractéristiques, il nous suffira donc maintenant d’

971 sont pas économiques, mais spirituelles, morales et psychologiques, je poserai au fondement de tout le respect de chaque

972 açant le civisme, remplaçant l’amour du prochain, et passant avant tout cela, s’il faut choisir. Car le profit n’est pas u

973 ne relève pas du vivant, il n’est pas autorégulé, et par suite, ne peut être agent de régulation, comme la personne. Il es

974 utôt que financière, ou militaire, ou nationale ; et vers le souci d’être utile plutôt que redoutable à ses voisins, qu’il

975 orces matérielles, aux « impératifs techniques », et aux « nécessités économiques », dont les clés sont détenues finalemen

976 nouveau marketing, qui analyse les besoins réels, et non les possibilités de vendre plus. L’ancien décelait les besoins vi

977 de la sorte un élément de perversion des désirs : et voilà bien la pire aliénation ! Il nous faut retrouver des mesures, g

978 les gravir, il vous faudra l’aide d’une échelle, et c’est précisément ce que l’escalier avait pour seule fonction de vous

979 rnées, comme on le voit ces jours-ci à New York ; et les hommes y sont seuls en masse : livrés au scepticisme et à la déli

980 mes y sont seuls en masse : livrés au scepticisme et à la délinquance. Cette dégradation des relations humaines, née des g

981 aujourd’hui le genre humain, n’est-il pas urgent et vital de substituer aux États-nations souverains des pléiades de régi

982 elle société, doit remplacer nos techniques dures et polluantes, de même que l’énergie solaire doit remplacer les centrale

983 voir ou deviner notre avenir, mais pour le faire. Et que la décadence d’une société commence quand on pose la question : «

984 ectives sur la société au-delà de la surabondance et du gaspillage, Bruxelles, Nestlé Belgique, 1975, p. 29-38.

985 soulagement (elle n’a pas été occupée, son armée et sa résolution morale l’ont protégée) mais aussi de culpabilité, presq

986 nt physiquement meurtri, économiquement disloqué, et surtout moralement diminué. Au lendemain de la Libération, un Suisse

987 rl Spitteler pendant la Première Guerre mondiale, et c’est encore plus vrai après la seconde. La fierté légitime et la gên

988 re plus vrai après la seconde. La fierté légitime et la gêne explicable qu’éprouvent la plupart des Suisses dans les année

989 définit la politique suisse dès 1946 : Neutralité et solidarité. Où l’on voit bien que la volonté de solidarité compense c

990 Au-delà de cette fonction traditionnelle définie et garantie par le traité de Vienne (1815), elle veut s’étendre désormai

991 ), elle veut s’étendre désormais au monde entier. Et cela se traduit par un refus d’adhérer à l’ONU, alors simple instrume

992 ndant, beaucoup de bons esprits chez nos voisins, et quelques voix isolées parmi nous, proposent, dès le lendemain de la g

993 raliste, soit transposée à l’échelle du continent et prise comme modèle (au sens technique du terme) de l’avenir européen.

994 e bataille des grandes forces voisines (la Russie et l’Amérique), ou bien elle se fédérera et deviendra neutre. C’est-à-di

995 a Russie et l’Amérique), ou bien elle se fédérera et deviendra neutre. C’est-à-dire qu’elle sera ou bien balkanisée, ou bi

996 n helvétisée. » À quoi toute la Suisse officielle et la majorité « réaliste » des Suisses répondent qu’une certaine humili

997 certaine humilité convient seule à ce petit pays, et qu’il serait parfaitement illusoire et utopique d’imaginer que des so

998 etit pays, et qu’il serait parfaitement illusoire et utopique d’imaginer que des solutions suisses puissent être un seul i

999 es au sérieux par les « puissances » de l’époque. Et pourtant il est clair que la vérité d’une idée ne dépend pas de la ta

1000 dépend pas de la taille de celui qui la formule, et que les « petits pays » — voyez les statistiques — ont l’avantage sur

1001 les « grands », non seulement quant aux moyennes et aux quantités mesurables, comme le revenu par tête, la densité des té

1002 nu par tête, la densité des téléphones, des autos et des réfrigérateurs, mais aussi quant à la qualité de la vie, au civis

1003 s aussi quant à la qualité de la vie, au civisme, et aux vraies libertés. (C’est tout cela que les « grands pays » perdent

1004 cela que les « grands pays » perdent un peu plus, et sans retour, à chacune de leurs « grandes » guerres, même victorieuse

1005 s de nos voisins, s’est dissipée. Face à l’Europe et face au monde, la situation de la Suisse s’est clarifiée : si elle di

1006 e corollaire est la neutralité. En temps de paix et de normalité, être neutre ne pose aucun problème, et le régime fédéra

1007 de normalité, être neutre ne pose aucun problème, et le régime fédéraliste permet de respecter au plus près les diversités

1008 nt favorable. Les conseils législatifs, nationaux et cantonaux, dont le rôle traditionnel et principal reste de discuter e

1009 nationaux et cantonaux, dont le rôle traditionnel et principal reste de discuter et de voter le budget, entrent doucement

1010 rôle traditionnel et principal reste de discuter et de voter le budget, entrent doucement en panique. Leur premier réflex

1011 er réflexe est de couper les dépenses culturelles et de recherche pure, au profit du budget militaire ou nucléaire. L’univ

1012 ralisme des problèmes extérieurs de la neutralité et de la coopération. La Suisse face à l’Europe Il paraît évident

1013 lut de ses peuples, le maintien de leurs libertés et de leurs coutumes particulières. Mais il se trouve, hélas, que le féd

1014 justement, « fédérales » ! C’est ignorer le sens et la fonction du vrai fédéralisme, celui qui a fait la Suisse à partir

1015 les dimensions des tâches à accomplir d’une part, et selon la taille des groupes sociaux et politiques qui peuvent s’en ch

1016 ’une part, et selon la taille des groupes sociaux et politiques qui peuvent s’en charger, d’autre part. À la commune, les

1017 xes internationaux dépendront tout naturellement, et selon la même logique, d’un pouvoir continental qu’il reste à créer m

1018 qu’il reste à créer mais que la nature des choses et les dimensions mêmes de la tâche appellent normalement. Ainsi l’Europ

1019 taines conséquences politiques des plus nouvelles et virtuellement novatrices, quant aux relations entre la Suisse et l’Eu

1020 t novatrices, quant aux relations entre la Suisse et l’Europe d’abord, la Suisse et le monde ensuite. L’idée, le principe

1021 ns entre la Suisse et l’Europe d’abord, la Suisse et le monde ensuite. L’idée, le principe et presque le tabou de la neutr

1022 a Suisse et le monde ensuite. L’idée, le principe et presque le tabou de la neutralité constituaient depuis un siècle l’ar

1023 e politique étrangère. Dans les années 1960 déjà, et dans la présente décennie bien plus clairement encore, il est apparu

1024 tenir balance égale entre les ennemis de l’Europe et l’Europe même, dont elle fait partie. Ce serait vouloir rester neutre

1025 Ce serait vouloir rester neutre entre le microbe et le malade. Toute la politique étrangère — et d’abord européenne — de

1026 robe et le malade. Toute la politique étrangère — et d’abord européenne — de la Suisse, de 1945 à 1975, s’explique par une

1027 ntre une conception négative, invoquant le tabou, et une conception active, invoquant la solidarité. La neutralité-tabou e

1028 entraîne notre refus d’adhérer aux Nations unies et à la Communauté économique européenne. La neutralité active ou solida

1029 s concrets se tissent chaque jour entre la Suisse et l’Europe. Le simple fait de l’agrandissement des tâches économiques,

1030 ste à leur seul territoire actuel. Autrement dit, et pour paraphraser l’un des slogans célèbres de la révolution soviétiqu

1031 désintéresser, pour des raisons à la fois morales et utilitaires. Certes, la Suisse a bien le droit de rappeler, sans se v

1032 , qu’elle a créé de toutes pièces la Croix-Rouge, et qu’elle est l’hôte généreuse et attentive de plusieurs dizaines d’org

1033 s la Croix-Rouge, et qu’elle est l’hôte généreuse et attentive de plusieurs dizaines d’organisations européennes et intern

1034 de plusieurs dizaines d’organisations européennes et internationales. Mais cela ne saurait la dispenser de choisir sa poli

1035 it la dispenser de choisir sa politique mondiale, et ce choix se pose entre la solidarité et l’égoïsme. Un égoïsme fermé s

1036 mondiale, et ce choix se pose entre la solidarité et l’égoïsme. Un égoïsme fermé sur soi-même, dans nos frontières, comme

1037 sacrifices matériels d’un héroïsme peu probable, et au surplus sans vraie grandeur. Tout égoïsme national bien compris, m

1038 Tout égoïsme national bien compris, mieux éclairé et informé, suppose en revanche, et pratiquement, l’union des peuples de

1039 s, mieux éclairé et informé, suppose en revanche, et pratiquement, l’union des peuples de l’Europe ; parce que cette union

1040 son originalité, sa formule politique spécifique, et sans nul doute, les bénéfices moraux de sa neutralité ? En revanche,

1041 recours à la guerre ? Face aux défis de l’Europe et du monde, c’est sur sa propre raison d’être que la Suisse d’aujourd’h

1042 isse d’aujourd’hui se voit amenée à s’interroger. Et ce n’est qu’au nom de ses buts humains en tant qu’État fédératif qu’e

1043 iècle (1975)q La Suisse devrait être l’exemple et le moteur d’une fédéralisation de l’Europe, ai-je écrit, il y a plus

1044 Il est presque totalement méconnu hors de Suisse, et les Suisses eux-mêmes commettent de graves erreurs à son sujet. C’est

1045 formé sur la base des communes d’Uri, de Nidwald et de Schwyz. On ne parlait pas de cantons, mais bien de communes (Gemei

1046 rsitas en latin, c’est-à-dire l’ensemble des gens et des biens d’une vallée). Elles se sont alliées entre elles, non pas p

1047 préserver, chacune pour elle-même, leur autonomie et leur différence. L’une des choses qui sont le plus clairement soulign

1048 stice, à l’époque, c’était toute l’administration et tout le gouvernement. C’est-à-dire qu’à l’origine du fédéralisme suis

1049 llerait aujourd’hui la volonté d’autonomie locale et d’autogestion. C’est surtout à partir de 1848 que le fédéralisme suis

1050 rain de s’unifier. Certains achevaient leur unité et d’autres la commençaient à peine, comme l’Allemagne et l’Italie. À ce

1051 autres la commençaient à peine, comme l’Allemagne et l’Italie. À cette époque, nous avons partiellement subi le courant ré

1052 t en Europe, qui était celui de la centralisation et de la création des grands États-nations. (J’appelle État-nation la ma

1053 e grand mouvement libertaire, au nord de l’Italie et en Flandre, était déjà presque écrasé. Aujourd’hui, on découvre la né

1054 déralisme dans les relations entre les Européens, et la Suisse se trouve être le seul pays qui ait traversé à peu près ind

1055 politiques sclérosées, comme celles de la gauche et de la droite. Or, je trouve des nationalistes et des centralistes can

1056 et de la droite. Or, je trouve des nationalistes et des centralistes cantonaux à gauche comme à droite. Il y a aussi des

1057 ite. C’est une question d’attitude, de mentalité, et non pas de choix politique traditionnel, parce que cela correspond à

1058 que cela correspond à des réalités du xxe siècle et non du xixe . Il me semble qu’aujourd’hui, ceux qui défendent l’autog

1059 d’hui, ceux qui défendent l’autogestion régionale et communale sont ceux qui se situent le mieux dans le droit-fil de la p

1060 ans de l’autogestion au sens politique, juridique et administratif — et non limité au cadre de l’entreprise, comme en Youg

1061 n au sens politique, juridique et administratif — et non limité au cadre de l’entreprise, comme en Yougoslavie où ça n’a p

1062 itives autour du Gothard. Certes, entre le xiiie et le xxe siècle, la nature des problèmes a changé. Cependant, malgré l

1063 ujours le même conflit entre les réalités locales et ce qu’on appelle trop facilement les « nécessités » nationales, conti

1064 tre la situation de nos trois communes primitives et celle des communes qui essaient aujourd’hui de se défendre contre l’i

1065 fendaient la possibilité pour eux de vivre libres et à leur manière. Et cette possibilité était menacée depuis l’ouverture

1066 ilité pour eux de vivre libres et à leur manière. Et cette possibilité était menacée depuis l’ouverture de la route du Got

1067 e pure. Aux yeux de n’importe quel savant sérieux et indépendant d’Europe ou d’Amérique, c’est insoutenable. Le projet n’e

1068 région de Bâle, c’est-à-dire la France, la Suisse et l’Allemagne. Parce que c’est dans leur intérêt. Face à cette menace d

1069 apitales respectives, les Français de Markolsheim et de Fessenheim, les Allemands de Wyhl et les Suisses de Kaiseraugst re

1070 rkolsheim et de Fessenheim, les Allemands de Wyhl et les Suisses de Kaiseraugst retrouvent le réflexe qui fut celui des Ur

1071 éflexe qui fut celui des Uranais, des Nidwaldiens et des Schwyzois : se mettre ensemble. À Kaiseraugst, il y avait parmi l

1072 des délégations importantes de Français d’Alsace et d’Allemands du pays de Bade. Qu’on ne vienne pas attribuer le mérite

1073 coup s’adjoindre à la grande majorité des hommes et des femmes qui s’étaient installés sur le camp. Ils tentaient d’explo

1074 ploiter une situation qu’ils n’avaient pas créée, et qui ne va pas exactement dans leur sens, car je ne vois pas comment d

1075 ants de Kaiseraugst étaient sortis de la légalité et qu’ils étaient les « fossoyeurs de la démocratie ». Je ne sais pas si

1076 la légende de Guillaume Tell. Qu’ils la relisent, et ils se rendront compte que notre héros national suisse n’était pas pa

1077 : « Vous êtes hors de la légalité, c’est évident, et vous le savez. Vous n’avez avec vous que la justice, et vous êtes au

1078 s le savez. Vous n’avez avec vous que la justice, et vous êtes au surplus en état de légitime défense. Vous êtes donc en t

1079 peut pas avoir, comme on dit chez moi, le beurre et l’argent du beurre. Il s’agit de savoir quelle finalité on vise. Est-

1080 à l’uniformité d’abord, puis à la vie en uniforme et finalement au « niveau de vie » le plus bas, le niveau zéro, qui est

1081 un pays où toutes choses sont parfaitement égales et identiques, où toutes les différences locales sont abolies. C’est le

1082 ptes à saisir l’ampleur du danger qui les menace. Et je ne suis pas optimiste sur les possibilités d’endoctriner les gens.

1083 toujours toutes les bêtises qu’ils peuvent faire, et cela depuis plusieurs dizaines de milliers d’années. Il n’y a pas de

1084 d’un coup, dans les quelques années qui viennent, et que par exemple ils renoncent aux centrales nucléaires. Si les gens n

1085 ompter alors ? Sur un certain nombre de désastres et de catastrophes qui se préparent. Des tragédies. Les Suisses n’aiment

1086 , que le dernier mot de la vie, c’est le confort, et que si on éliminait les choses excessives, les tensions trop fortes,

1087 raison moyenne qui dominerait, dans l’ennui total et fédéral. Cela ne va évidemment pas se passer comme ça. Nous allons ve

1088 s. Or, dans le monde actuel, plus vous êtes petit et plus vous avez de chances de survivre au tohu-bohu général qui est en

1089 que la Suisse retrouve ce qui était son attitude et sa mentalité originelles, celles qui ont créé les institutions de la

1090 constituer, à côté de la psychologie scientifique et de la psychanalyse, une troisième psychologie qui, faute de rigueur,

1091 psychologique, que « l’Amour » tel qu’on le parle et qu’on le vit dans la culture occidentale, à la différence de l’amour

1092 à la différence de l’amour tel qu’il est codifié et vécu dans les autres cultures, se trouve lié dans sa genèse permanent

1093 ermanente à l’expression, premièrement littéraire et musicale (au xiie siècle), puis théâtrale dès la fin du xvie siècle

1094 uve en est que nos psychologues « scientifiques » et psychanalystes de toute école prennent leurs repères, leurs modèles s

1095 prennent leurs repères, leurs modèles structurels et leurs termes de base dans la tradition littéraire qui est la nôtre, d

1096 ition littéraire qui est la nôtre, d’Œdipe à Sade et à Sacher-Masoch. Pour situer cette forme d’amour spécifiquement occid

1097 tudiées au mieux dans ses expressions littéraires et artistiques en général, il nous faudra d’abord tenter de débrouiller,

1098 ra d’abord tenter de débrouiller, parmi les mille et trois sens du mot amour, quelques classes sémantiques assez évidemmen

1099 qui s’est stratifiée dans la psyché occidentale, et dont la connaissance rend seule intelligibles les innombrables contra

1100 contradictions de l’amour tel que nous le vivons et , plus encore, tel que nous l’écrivons. Cinq niveaux À la base —

1101 le détournement d’un instinct qui était générique et génésique, au profit d’un plaisir individuel et stérile. Ainsi défini

1102 e et génésique, au profit d’un plaisir individuel et stérile. Ainsi défini comme la transformation du besoin en jouissance

1103 u « discours amoureux » comme on disait naguère), et limitée de la sorte (à peu d’exceptions près) à l’aire de la culture

1104 jubilante, comparée à un feu qui couve en secret et qui soudain éclate, flambe et « se déclare ». C’est l’amour qui se pr

1105 qui couve en secret et qui soudain éclate, flambe et « se déclare ». C’est l’amour qui se prend pour son objet, qui aime s

1106 rend pour son objet, qui aime sa propre intensité et non pas l’Autre. C’est l’auto-intoxication, favorisée par la publicit

1107 que lui font nos romans, nos poèmes, nos chansons et nos opéras. C’est le sentiment qui s’exalte de tout ce qui s’oppose a

1108 e tout ce qui s’oppose au désir, sépare les corps et fait obstacle à l’accomplissement sexuel « sans histoire », comme à l

1109 élange, mais la composition en un produit nouveau et de propriétés spécifiques, d’une jouissance désirée ou perdue et d’un

1110 s spécifiques, d’une jouissance désirée ou perdue et d’une souffrance délicieusement entretenue, qui, à l’extrême, seront

1111 ement entretenue, qui, à l’extrême, seront extase et mort. L’amour du prochain tel qu’il est, ou tel que le regard aimant

1112 passion : il cherche la fusion dans la divinité, et il « meurt de ne pas mourir » (Thérèse d’Ávila). Il est à l’amour du

1113 e seul qui exerce encore une influence permanente et vérifiable sur l’expression des « variétés de l’expérience amoureuse 

1114 ’expérience amoureuse » en Occident. Selon Platon et son maître Socrate, Éros est l’agent de tout progrès moral et spiritu

1115 e Socrate, Éros est l’agent de tout progrès moral et spirituel, mais à la condition qu’en lui et par lui prévale toujours

1116 moral et spirituel, mais à la condition qu’en lui et par lui prévale toujours sur l’instinct génésique la recherche du bie

1117 nd à l’enfantement dans la beauté, selon le corps et selon l’âme… » Cependant, la fécondité spirituelle reste l’attribut s

1118 européenne, malgré quelques résistances isolées, et qu’elle constitue l’apport principal de la Grèce à ce qu’on peut appe

1119 homme le plus simple use couramment d’expressions et de notions qui remontent à Platon (J. Ortega y Gasset). Illustrant c

1120 e allemand, puis à la poésie populaire des romans et des chansons, parlent d’« âme sœur », de « fusion des âmes », d’« ext

1121 ma moitié » (variante : « ma meilleure moitié »), et tous ceux qui écrivent sur Éros. Si l’idée platonicienne de l’amour e

1122 t pas connu le couple sombre Éros-Thanatos, amour et mort. Trois mythes en effet, écrit R. Flacelière, nous montrent que

1123 ont médité sur les rapports mystérieux de l’amour et de la mort, bien avant le Moyen Âge courtois et le roman de Tristan e

1124 r et de la mort, bien avant le Moyen Âge courtois et le roman de Tristan et Iseut, qui contient d’ailleurs tant de réminis

1125 vant le Moyen Âge courtois et le roman de Tristan et Iseut, qui contient d’ailleurs tant de réminiscences de l’Antiquité :

1126 iniscences de l’Antiquité : ce sont ceux d’Orphée et d’Eurydice, d’Admète et d’Alceste, de Protésilas et de Laodamie. (Le

1127 é : ce sont ceux d’Orphée et d’Eurydice, d’Admète et d’Alceste, de Protésilas et de Laodamie. (Le premier sert de modèle

1128 d’Eurydice, d’Admète et d’Alceste, de Protésilas et de Laodamie. (Le premier sert de modèle aux deux autres.) On peut pe

1129 surtout), qu’il range sous la catégorie de la Loi et auquel il oppose la « liberté des enfants de Dieu ». La révolution pa

1130 aux Romains) relative à l’ensemble des interdits et des tabous, au premier rang desquels figurait comme toujours et dans

1131 au premier rang desquels figurait comme toujours et dans toutes les religions, sauf celle du Christ, le système des tabou

1132 joue qu’un rôle quelconque, à peu près invisible et sans drame. (Paroles de Jésus à une prostituée ou à la femme de cinq

1133 une prostituée ou à la femme de cinq maris : paix et pardon à cause de l’amour.) S’agirait-il d’un refoulement ? Non, car

1134 aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… »), et dont toute la loi se résume dans le commandement unique « Tu aimeras

1135 andement unique « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même », cette foi nouvelle n’a pas de livres s

1136 cette absence totale de cérémonials d’initiation et de recettes de plaisir ou de fécondité, si profus dans les grandes re

1137 l’opinion générale des Grecs autant que de l’Inde et de la Chine, saint Paul fait de l’amour matrimonial, sexuel, social e

1138 Paul fait de l’amour matrimonial, sexuel, social et personnel, une forme d’existence spirituelle : « Maris, aimez vos fem

1139 te du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de pla

1140 dans les seules limites du mariage le plus strict et consacré — tout le reste étant laissé en friche ou très sommairement

1141 alité de la personne, l’amour sexuel, sentimental et spirituel (amour des corps, des âmes ou des esprits, selon la tripart

1142 ou des esprits, selon la tripartition paulinienne et gnostique, soulignons-le) se trouvait lié à la dialectique du salut,

1143 à la dialectique du salut, c’est-à-dire du péché et de la grâce, donc valorisé à l’extrême. Cela ne pouvait se produire —

1144 lorisé à l’extrême. Cela ne pouvait se produire — et en effet ne s’est produit — que dans la sphère d’influence du christi

1145 d’un principe révolutionnaire — foi contre loi — et sa réalisation sociale, il y a toute l’épaisseur, la lourdeur, l’iner

1146 illénaire de la christianisation du Proche-Orient et de l’Occident, l’amour personnel ne semble avoir joué aucun rôle prat

1147 rtes un sacrement, mais il liait deux patrimoines et deux familles — des clans, des rangs et des procréateurs, non des per

1148 trimoines et deux familles — des clans, des rangs et des procréateurs, non des personnes. Du ixe au xiie siècle, l’amour

1149 au xiie siècle, l’amour antique s’est éclipsé, et celui que nous croyons seul « naturel » et « aussi vieux que l’humani

1150 lipsé, et celui que nous croyons seul « naturel » et « aussi vieux que l’humanité » ne donne encore que de malingres témoi

1151 our, qui désigne pour nous le sentiment, le désir et la passion, n’a pris ce sens qu’avec la poésie des troubadours. Cette

1152 rance actuelle (Poitou, Limousin, puis Languedoc) et va se répandre sur tout le continent avec une surprenante rapidité. E

1153 le à rien de ce qu’avaient connu le monde antique et le monde christianisé, à part les rares exceptions, déjà citées, des

1154 poésies dues à des clercs… Avec ses formes fixes et raffinées et sa doctrine absolument nouvelle, la cortezia (amour à la

1155 à des clercs… Avec ses formes fixes et raffinées et sa doctrine absolument nouvelle, la cortezia (amour à la manière des

1156 ques moines musiciens de Saint-Martial de Limoges et de jongleurs peu cultivés. Telle est, pourtant, la thèse « prudente »

1157 upart des spécialistes du trobar, au xixe siècle et jusqu’à nous. Mais, s’ils avaient raison, comment concevoir que cette

1158 poésie ait pu transformer nos manières de sentir, et nos mœurs, et nos arts, pour des siècles ? Ne serait-elle pas au cont

1159 transformer nos manières de sentir, et nos mœurs, et nos arts, pour des siècles ? Ne serait-elle pas au contraire le signe

1160 n Italie, en Allemagne rhénane, dans les Flandres et le Nord, puis le centre et le sud de la France : tous opposent à l’Ég

1161 ane, dans les Flandres et le Nord, puis le centre et le sud de la France : tous opposent à l’Église un spiritualisme épuré

1162 x prêtres —, tous professent la divinité de l’âme et jugent que, le corps étant vil, rien de ce qu’il fait ne saurait enga

1163 , déclare l’évêque d’une de ces sectes dualistes. Et Joachim de Flore annonce que l’Esprit-Saint, dont l’ère va commencer,

1164 énie à travers l’Anatolie, les Balkans, la Bosnie et l’Italie du Nord, où elle se répandra d’une part vers le nord de la F

1165 se répandra d’une part vers le nord de la France et jusqu’en Angleterre, d’autre part vers l’Ouest occitan où elle s’inst

1166 où elle s’installera solidement dans les grandes et petites cours de l’Aquitaine et du comté de Toulouse, puis chez les a

1167 dans les grandes et petites cours de l’Aquitaine et du comté de Toulouse, puis chez les artisans des villes du Midi. Le c

1168 atio ordonnée aux lois de l’espèce, de l’héritage et de la brutalité masculine. Un prédicateur itinérant, Robert d’Arbriss

1169 aire par ses diatribes passionnées contre le luxe et la luxure, fonde en 1101 à Fontevrault un couvent de femmes, bientôt

1170 que les plus grandes dames de France, de Bretagne et du Poitou, dont l’ex-femme et la fille de Guillaume IX, viennent y ch

1171 France, de Bretagne et du Poitou, dont l’ex-femme et la fille de Guillaume IX, viennent y chercher refuge contre la tyrann

1172 ge contre la tyrannie grossière du mariage féodal et catholique. Le Breton Pierre Abélard (1079-1142), poète, philosophe,

1173 bélard (1079-1142), poète, philosophe, théologien et le plus grand docteur de son époque, devient le premier héros histori

1174 en butte à des obstacles toujours plus tragiques, et s’exaltant du tourment qui en résulte. Une forme toute nouvelle de po

1175 te nouvelle de poésie chantée naît dans le Poitou et le Limousin avec les premières œuvres de Guillaume, sixième comte de

1176 es œuvres de Guillaume, sixième comte de Poitiers et neuvième duc d’Aquitaine (1070-1127). Il sera suivi par des dizaines

1177 s du Midi — exalte la Femme, jusqu’alors négligée et méprisée ; elle la célèbre sous le nom de Dame ou domina — d’où le no

1178 l’Église répond par les titres de « Notre Dame » et de Regina Coeli désormais donnés à la Vierge. En 1140, des moines ins

1179 urtout d’avoir soumis l’Éros au discours poétique et romanesque, d’avoir découvert, en somme, que c’est le langage qui per

1180 ransformer la pulsion instinctuelle en sentiment, et l’expérience générique en conscience individuelle. À partir des troub

1181 conscience individuelle. À partir des troubadours et des trouvères du xiie siècle, l’amour est cela qui se « déclare » pa

1182 avec celle des expressions du désir, du sentiment et de la passion, non seulement dans la poésie, le roman, le théâtre et

1183 on seulement dans la poésie, le roman, le théâtre et l’opéra, mais aussi et d’abord dans la mystique, non moins liée au la

1184 ésie, le roman, le théâtre et l’opéra, mais aussi et d’abord dans la mystique, non moins liée au langage que la littératur

1185 ans la mode, dans les formes réglées de la guerre et , de nos jours, dans les mass médias audiovisuels. On s’en tiendra ici

1186 ur-passion Très peu après l’aventure d’Héloïse et Abélard apparaît le roman de Tristan et Iseut. Plusieurs allusions da

1187 d’Héloïse et Abélard apparaît le roman de Tristan et Iseut. Plusieurs allusions dans des poésies de troubadours datant du

1188 langue romane — d’où le nom de roman), le Tristan et Iseut de Béroul, commence à circuler en Europe. Tous les éléments de

1189 ent souvent provoquées par les amants eux-mêmes), et l’obstacle suprême, qui est la mort, portera le désir jusqu’à l’extas

1190 rang à la cour, faillit à l’honneur du chevalier et à la fidélité envers le suzerain, ment, se parjure et finalement perd

1191 la fidélité envers le suzerain, ment, se parjure et finalement perd la vie même), mais cet asservissement volontaire est

1192 ire est aussi source de prouesses, d’enthousiasme et d’élévation spirituelle ; amour de la princesse lointaine, rappelant

1193 nh » de Jaufré Rudel pour la comtesse de Tripoli, et c’est en vérité l’amour de l’amour même, l’amour de l’état amoureux p

1194 l qu’il est, qu’on ne rejoindra que pour mourir ; et même l’élan de l’hérésie ne manque pas : « Amour » vaut plus que la s

1195 de Dieu » commenté par Gottfried de Stras­bourg). Et le salut vient par la grâce de la Dame, de la Sophia aeterna — « l’Ét

1196 minin », dira Goethe. La dialectique du vrai jour et de l’évidence quotidienne qui domine le roman est gnostique… Ainsi, l

1197 tique… Ainsi, le roman de Tristan décrit, analyse et déploie dans la durée tous les motifs psychologiques et religieux de

1198 loie dans la durée tous les motifs psychologiques et religieux de la cortezia que les troubadours exprimaient dans le cri,

1199 uveaux d’accéder à la conscience, d’être reconnus et assumés. L’amour, dès lors, sera toujours lié à son « aveu », à sa « 

1200 formelle de la constitution d’un mythe exemplaire et communicable, socialisé dans la mesure même où il est sacralisé. Sit

1201 l est sacralisé. Situé de la sorte dans le temps et l’espace, au xiie siècle de l’Europe christianisée, le mythe révéler

1202 christianisé du fait de l’absence d’un code sacré et d’un système d’interdits comme on en trouve dans les autres religions

1203 es étant évacués, il prend une importance majeure et régit des domaines psychosociaux toujours plus larges. Ainsi, le divo

1204 découverte, fût-ce au septième degré, entre mari et femme. Robert le Pieux se voit contraint de répudier sa première femm

1205 , parce qu’elle est sa cousine au quatrième degré et qu’elle a tenu avec lui un enfant sur les fonts baptismaux. La terreu

1206 remiers instants, va peser sur l’amour de Tristan et d’Iseut. Car le trio Tristan-Iseut-roi Marc correspond non pas, certe

1207 spond non pas, certes, en vérité de fait matériel et physiologique, mais en réalité psychosociale, au trio œdipien fils-mè

1208 ns le malheur parental : son père vient de mourir et sa mère, Blanchefleur, ne survit pas à sa naissance, d’où le nom même

1209 les, frère de sa mère, prend l’orphelin à sa cour et l’éduque. Or, chez les Celtes, comme chez bien d’autres peuples, l’on

1210 cle maternel prend la place du père (même vivant) et devient le « père nourricier » et véritable éducateur, en vertu d’une

1211 e (même vivant) et devient le « père nourricier » et véritable éducateur, en vertu d’une institution dite fosterage. Trist

1212 nde. Tristan, qui est le plus fort des chevaliers et qui a conquis Iseut par valeur et prouesse, serait en droit de la gar

1213 des chevaliers et qui a conquis Iseut par valeur et prouesse, serait en droit de la garder pour lui selon la coutume chev

1214 rompé en fait), mais parce qu’à la force des lois et de sa fidélité au roi s’ajoute celle, bien plus contraignante, du der

1215 s « efficace » pour enflammer le désir des amants et le porter au degré de la passion mortelle. Dès lors, la structure du

1216 lternance des revoirs (de plus en plus périlleux) et des séparations (parfois voulues) qu’exige et que régit la dialectiqu

1217 ux) et des séparations (parfois voulues) qu’exige et que régit la dialectique du mythe, jusqu’à la catastrophe finale, où

1218 er tout en le voilant, de trahir en le traduisant et de communiquer sans l’expliquer, car son contenu demeure inavouable m

1219 vouable même s’il est fascinant comme une drogue. Et n’est-ce pas d’une intoxication — le « vin herbé » servi par une « er

1220 es deux amants : « Amor par force vos demeine » ? Et , depuis lors, tous les romans dignes du nom obéiront à la structure t

1221 à la structure triangulaire, d’origine œdipienne, et à l’alternance des obstacles secrètement suscités puis surmontés, sau

1222 ètement suscités puis surmontés, sauf le dernier… Et l’auteur, qui reste inconscient de la présence impérieuse du mythe, l

1223 sentimental, voire au comique dans Don Quichotte, et l’histoire du roman européen, qui semble celle d’une longue dégradati

1224 te Mosca dans La Chartreuse de Parme, ou le digne et terne mari des héroïnes bourgeoises, de Balzac à Flaubert, voire le c

1225 se déguiser en protecteur, en oncle, en ami aîné et plus sage, et finalement s’évanouir tout à fait dans les romans d’ana

1226 n protecteur, en oncle, en ami aîné et plus sage, et finalement s’évanouir tout à fait dans les romans d’analyse intérieur

1227 morale, d’une autorité tutélaire mais rigoureuse, et du devoir envers la société, envers l’autre et envers soi-même que Fr

1228 e, et du devoir envers la société, envers l’autre et envers soi-même que Freud (dès 1923, dans Das Ich und das Es) appelle

1229 ch und das Es) appellera le surmoi : c’est encore et toujours l’image du Père — celui qui interdit la Mère au Fils. De mêm

1230 beaux vers de Vigny, objet d’un « amour taciturne et toujours menacé », la Tess d’Urberville de Thomas Hardy ou la grande

1231 plus falots) doit en être séparé, après de brèves et fulgurantes rencontres, par mille traverses astucieusement renouvelée

1232 s, par mille traverses astucieusement renouvelées et que suscitent à plaisir (littéralement) les ruses inépuisables de l’a

1233 du héros empanaché de l’Astrée au conteur lucide et sensible du grand roman de Proust, il perd peu à peu son allure de so

1234 rêve de la « femme impossible ». Mais, si débile et complexé qu’il apparaisse le plus souvent dans le roman contemporain,

1235 e négocier avec la mort » (Pétrarque). Passion et obstacle C’est un fait évident, à l’expérience comme à la lecture

1236 cture des romans, que la passion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure des résistances qu’elle rencont

1237 son expression romanesque dans la France du Nord et l’Angleterre celtique. La légende de Tristan et Iseut reste le protot

1238 d et l’Angleterre celtique. La légende de Tristan et Iseut reste le prototype éternel de l’Amour, inventé par la poésie du

1239 ésie du Midi mais transposé dans le climat sombre et tempétueux de la Bretagne, de l’Irlande et de la Cornouailles. Des an

1240 sombre et tempétueux de la Bretagne, de l’Irlande et de la Cornouailles. Des analyses de ce « roman par excellence » se dé

1241 nouvelé entre la religion des « Fidèles d’amour » et l’orthodoxie des Églises, entre l’aventure individuelle de la passion

1242 re individuelle de la passion (ou de la mystique) et la morale collective de la cité, entre le romantisme éternel et les n

1243 ollective de la cité, entre le romantisme éternel et les nécessités de l’ordre social. Chaque fois que la société crée de

1244 la religion subversive de l’amour reprend vigueur et invente de nouveaux moyens de s’exprimer et de répandre sa contagion,

1245 gueur et invente de nouveaux moyens de s’exprimer et de répandre sa contagion, par le poème d’abord et le roman, puis le t

1246 et de répandre sa contagion, par le poème d’abord et le roman, puis le théâtre et, enfin, l’opéra. Encore faut-il bien pré

1247 par le poème d’abord et le roman, puis le théâtre et , enfin, l’opéra. Encore faut-il bien préciser que le moment subversif

1248 e héros de L’Homme sans qualités de Robert Musil. Et il ajoute : Un amour peut naître par défi, il ne peut être fait de d

1249 ts de la légende, exilés dans la forêt de Morois, et qui, le philtre ayant cessé d’agir au bout de trois ans, découvrent l

1250 out de trois ans, découvrent l’existence du monde et se séparent, pour renouveler l’obstacle — et leur passion. L’inévitab

1251 onde et se séparent, pour renouveler l’obstacle — et leur passion. L’inévitable et nécessaire socialisation de la passion

1252 uveler l’obstacle — et leur passion. L’inévitable et nécessaire socialisation de la passion se fait sentir dans la publica

1253 fait sentir dans la publication même d’un roman, et plus encore dans la représentation d’une tragédie. Mais ce que la pas

1254 ies durement subies deviennent intrigue, suspense et plaisir du lecteur. Cependant, cette dégradation de la passion par l’

1255 parle ici, bien entendu, d’ouvrages littéraires, et non pas de romans pornos ni du trio de Boulevard, mari-femme-amant ou

1256 L’Astrée d’Honoré d’Urfé, ouvrage en cinq parties et plusieurs milliers de pages, paru de 1607 à 1627 et traduit aussitôt

1257 plusieurs milliers de pages, paru de 1607 à 1627 et traduit aussitôt dans la plupart des langues de l’Europe. La cortezia

1258 iers ou bergers, ne sont plus que des soupirants. Et si la mort qu’ils appellent leur est accordée, c’est sous la forme d’

1259 cruelle du roman n’est plus ici que coquetteries, et le combat du Jour et de la Nuit se ramène à des jeux de pénombre. Ent

1260 t plus ici que coquetteries, et le combat du Jour et de la Nuit se ramène à des jeux de pénombre. Entre les corps des deux

1261 omanesque, faut-il incriminer la société du temps et ses coutumes, ou la littérature elle-même, qui ne serait qu’un sous-p

1262 n sous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ? L’œuvre d’art, conçue et reçue comme telle, ne serait-ell

1263 es de formes et de mythes ? L’œuvre d’art, conçue et reçue comme telle, ne serait-elle qu’un substitut tardif du sacré, un

1264 , un phénomène de décadence morale d’une société, et qui offre peu de résistance à la critique des générations qui vont su

1265 omberville ou Scudéry. Une dernière flamme, mince et pure, La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, brûle encore sur

1266 erne ? La mort s’y atténue en renoncement mutuel, et la chevalerie fait place à la vertu, qui conclut en faveur du monde,

1267 irulence dans le théâtre de la même époque. Roméo et Juliette est peut-être la plus authentique tragédie courtoise et la p

1268 peut-être la plus authentique tragédie courtoise et la plus belle épiphanie du mythe avant le Tristan et Isolde de Wagner

1269 la plus belle épiphanie du mythe avant le Tristan et Isolde de Wagner. Ici la mort par amour n’est plus seulement métaphor

1270 e est appelée dans sa réalité à la fois charnelle et mystique comme l’amour même. Deux générations plus tard, le théâtre f

1271 s’organise solidement sous le règne de Louis XIV et oppose à l’anarchie de la Fronde cette mise en ordre quasi totalitair

1272 ette mise en ordre quasi totalitaire de la nation et de la culture qu’on baptise aujourd’hui « le Grand Siècle », la passi

1273 a Cour même, par le théâtre. Andromaque, Bérénice et Phèdre descendent bien moins de l’Antiquité, dont Racine prétend s’in

1274 acine prétend s’inspirer, que de l’amour courtois et de la passion fatale, à la Tristan, dont on peut voir qu’elle est dev

1275 cine le fait amoureux d’Aricie « qui est la fille et la sœur des ennemis mortels de son père ». Aricie sera donc pour Hipp

1276 à des déguisements plus savants !) Ces sentiments et ces passions sont condamnables, et Racine les condamne, mais il en fa

1277 Ces sentiments et ces passions sont condamnables, et Racine les condamne, mais il en fait son œuvre ! L’autre moyen qu’il

1278 libi à la responsabilité (culpabilité) des amants et , du même coup, à celle de l’auteur : Les dieux m’en sont témoins, ce

1279 flanc Ont allumé le feu fatal à tout mon sang. Et la servante Œnone tient à Phèdre le même langage que la servante Bran

1280 esse majestueuse ». Racine va se retirer du monde et des passions mondaines. De Don Juan à Sade Le xviiie siècle of

1281 pondant à l’affaiblissement des obstacles sociaux et moraux, déprimés par la critique rationaliste ou ridiculisés par ceux

1282 ns familiaux se relâchent, les derniers interdits et tabous se voient en quelque sorte sécularisés et, du même coup, relat

1283 et tabous se voient en quelque sorte sécularisés et , du même coup, relativisés : ils cessent donc d’être des tabous. Quan

1284 e à la Révolution) va donc répondre une apparente et passagère éclipse du mythe. De Molière à Mozart, c’est Don Juan qui o

1285 . Don Juan viole toutes les règles de la cortezia et devient le héros du siècle où les cyniques donnent le ton aux mœurs e

1286 u siècle où les cyniques donnent le ton aux mœurs et à l’esprit. Or, ceux qui demeurent insensibles aux réalités spirituel

1287 n’avoir laissé derrière lui que des femmes émues et heureuses. Il est vrai qu’aucune d’elles n’a publié de souvenirs. Mai

1288 aurice de Saxe : « Voici mon univers, mon espoir, et mes dieux ! » L’idéal donjuanesque, comme la légende qu’il inverse, d

1289 sion se réduit à « l’échange de deux fantaisies » et au « contact de deux épidermes », selon l’aphorisme célèbre de Chamfo

1290 x yeux du romancier, c’est une intrigue délibérée et qui traduit non plus la dialectique du mythe mais une impitoyable str

1291 révélateurs de l’inconscient collectif du siècle et des motivations qu’il subit. Sade est, de toute évidence, un malade m

1292 e venger de l’existence, il entreprend d’inverser et d’assassiner. Décidé à « copier les noirceurs de la nature », tels le

1293 comme à ceux des fauteurs de la Terreur jacobine. Et , pour cela, une seule alternative : exercer la cruauté et la violence

1294 cela, une seule alternative : exercer la cruauté et la violence sur soi-même — ou sur le prochain. Sade choisit pour vict

1295 les sont celles de la noblesse la plus arrogante, et peu importe qu’il les vante ou les dénonce : elles régissent l’œuvre.

1296 raire, la violence infligée, le mépris de l’homme et de la femme et surtout de la classe « inférieure », simple objet des

1297 nce infligée, le mépris de l’homme et de la femme et surtout de la classe « inférieure », simple objet des plaisirs du sei

1298 « obligent » la vraie noblesse féodale à la vertu et au service, celles qui pourraient favoriser les « attachements », les

1299 ts », les « fidélités » réciproques. Entre Laclos et Sade, l’astucieux et le fou, s’étend toute une littérature qui va du

1300  » réciproques. Entre Laclos et Sade, l’astucieux et le fou, s’étend toute une littérature qui va du réalisme libertin des

1301 impossible, aussi incompatible avec la vie vécue, et que J. Huizinga nommait « l’idéal de la luxure ». On pourrait croire

1302 ousseau le gêneur, qui d’ailleurs vient de Genève et déteste les modes régnantes. Par le sujet et par le style de La Nouve

1303 nève et déteste les modes régnantes. Par le sujet et par le style de La Nouvelle Héloïse (au titre significatif puisqu’il

1304 ues des chapitres dans une des éditions du roman) et , par-delà le pétrarquisme, rejoint le mythe tristanien, encore qu’il

1305 ejoint le mythe tristanien, encore qu’il traduise et transpose la légende chevaleresque dans le langage d’une petite noble

1306 gage d’une petite noblesse vaudoise embourgeoisée et dans le registre de la souffrance intime et du renoncement moral, non

1307 oisée et dans le registre de la souffrance intime et du renoncement moral, non plus de la fascination mortelle. Ainsi l’on

1308 sensibilisation, des mœurs au mythe, avec l’usure et la déperdition d’énergie que cela implique nécessairement, de la pass

1309 émotions, de la mystique aux sentiments religieux et de l’extase aux états d’âme poétiques. Mais la mélancolie profonde qu

1310 fera naître, de Richardson au Werther de Goethe. Et c’est une autre amoureuse célèbre de l’époque, Julie de Lespinasse, q

1311 des amants de La Nouvelle Héloïse que les poètes et romanciers, allemands d’abord puis anglais, vont tenter de rejoindre

1312 ont ils redécouvrent par éclairs la vertu sacrale et mortelle. Quelques phrases des plus purs romantiques allemands suffir

1313 Notre engagement n’était pas pris pour ce monde. Et dans les Hymnes à la nuit : Que ton feu spirituel dévore mon corps,

1314 étreinte aérienne je m’unisse étroitement à toi, et que dure alors éternellement notre nuit nuptiale ! Les Français sero

1315 tout le xixe siècle sera sentimental, passionné et mélancolique dans les choses de l’amour, selon le vocabulaire des poè

1316 rm und Drang aux lakistes, de Platen à Baudelaire et de Novalis aux symbolistes. Car l’amour passionné, répétons-le, prend

1317 cet élan qui par ailleurs fait naître le langage. Et l’invention d’une rhétorique suractive les puissances latentes du cœu

1318 ateur de la conduite passionnelle des troubadours et des trouvères. Rousseau fait boire du lait à toute la cour de France,

1319 eurs générations. Mais, si l’évolution de l’amour et la psychologie de l’état amoureux suivent de près la littérature, cel

1320 son tour n’est jamais indépendante de la société et de ses structures de contrainte. Si le romantisme est un retour en fo

1321 c’est que l’obstacle contre lequel il se révolte et mobilise les énergies de l’âme est l’ordre bourgeois tout entier : le

1322 res, condition de l’industrie, des chemins de fer et de l’urbanisation ; l’instruction publique, bientôt obligatoire, alig

1323 lignant les esprits ; la conscription universelle et obligatoire alignant les corps ; la grande presse alignant les curios

1324 mariage bourgeois, union notariale. C’est en 1830 et 1848 qu’apparaissent en Europe des expressions telles qu’érotisme, se

1325 oblème sexuel, dans les œuvres de Charles Fourier et de ses disciples socialistes et communautaires, puis chez Kierkegaard

1326 e Charles Fourier et de ses disciples socialistes et communautaires, puis chez Kierkegaard, c’est-à-dire chez les critique

1327 les critiques les plus radicaux de la bourgeoisie et de son système de valeurs jugées incompatibles soit avec la justice s

1328 que, compose dans ses poèmes une érotique secrète et douloureuse, en défense contre la civilisation industrielle. Elle est

1329 n industrielle. Elle est nourrie de spleen urbain et de nostalgie d’un horizon crépusculaire, horizon de mysticité qu’il o

1330 veut combattre, il écrit que la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. Et l’homme

1331 de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. Et l’homme et la femme savent, de naissance, que dans le mal se trouve t

1332 gît dans la certitude de faire le mal. Et l’homme et la femme savent, de naissance, que dans le mal se trouve toute volupt

1333 , réactivé par les tabous de la nouvelle société, et qui réinventera les tourments bienheureux des amours interdites et im

1334 a les tourments bienheureux des amours interdites et impossibles. Et c’est Wagner qui en révélera musicalement le sens éso

1335 bienheureux des amours interdites et impossibles. Et c’est Wagner qui en révélera musicalement le sens ésotérique, au mome

1336 mariage bourgeois, suffisamment consolidé, permet et appelle à la fois cette évasion psychodramatique vers la passion rêvé

1337 « mariage d’amour », refoulant les motifs sexuels et déguisant les motifs financiers, doit aboutir à une situation névroti

1338 nanciers, doit aboutir à une situation névrotique et créer un véritable stress social. Érotisation de la culture É

1339 ss social. Érotisation de la culture Éros et psyché Que Freud ait si profondément choqué la bourgeoisie occiden

1340 cela tient au fait qu’il expliquait les névroses et quelques psychoses à partir d’un des deux éléments considérés comme t

1341 à peu près dans le même temps, des effets de choc et de conversion d’une intensité comparable en « expliquant tout » par l

1342 x yeux de Freud l’amour du prochain, désintéressé et même oblatif, n’est en dernière analyse qu’une « variété » de l’attra

1343 n’est qu’un cas particulier de cet Amour cosmique et spirituel qui, selon Dante, « meut le soleil et les autres étoiles ».

1344 e et spirituel qui, selon Dante, « meut le soleil et les autres étoiles ». La psychanalyse s’est constituée au cours d’une

1345 le Paris de la Belle Époque, Venise comme Munich, et Londres comme Berlin. Officiellement censurée par la bourgeoisie pieu

1346 es salons de la peinture bourgeoise, les théâtres et la littérature romanesque qui, désormais, va étudier les mœurs des co

1347 courtisanes, l’inceste, l’homosexualité féminine et masculine, et les délices infiniment variées du masochisme, de Sacher

1348 l’inceste, l’homosexualité féminine et masculine, et les délices infiniment variées du masochisme, de Sacher-Masoch à Marc

1349 e fait dont la bourgeoisie seule est responsable, et auquel Freud n’a voulu que donner ses vrais noms. Le Vocabulaire de l

1350 Le Vocabulaire de la psychanalyse de J. Laplanche et J.-B. Pontalis ne comporte pas d’article sur le mot amour. En revanch

1351 Freud l’idée d’une forme achevée de la sexualité et même “d’une attitude complètement normale en amour” où viennent s’uni

1352 r” où viennent s’unir le courant de la sensualité et celui de la “tendresse” (Zärtlichkeit). Ce dernier terme, placé entr

1353 vacuée par cette interprétation purement sexuelle et égoïste de « l’amour » selon Freud. Éros, dieu d’une mystique athé

1354 e mystique athée Que les interdits, les tabous et les angoisses que ces interdits expriment (ou qui en résultent par la

1355 elevé Georges Bataille dans ses ouvrages sur Éros et l’érotisme, si fort en vogue dans l’avant-garde intellectuelle des an

1356 e, Bataille croit retrouver dans le sens du péché et la conscience de la « transgression » les éléments d’une érotique mod

1357 vre illustre les liens nécessaires entre érotisme et religion, désir et angoisse, transgression et volupté, finalement quê

1358 ens nécessaires entre érotisme et religion, désir et angoisse, transgression et volupté, finalement quête du plaisir trans

1359 sme et religion, désir et angoisse, transgression et volupté, finalement quête du plaisir transcendant et « mort de Dieu »

1360 volupté, finalement quête du plaisir transcendant et « mort de Dieu ». Il s’est fait le théologien d’une mystique athée fo

1361 t bien au-delà du motif générique de procréation, et même du motif individuel d’intégration, c’est vers une connaissance p

1362 ine décadence. Ses tabous ne tiennent plus. Freud et tous les psychanalystes ont accrédité malgré eux l’idée, devenue popu

1363 ifie que la plupart des interdits sociaux, légaux et religieux ont perdu leur valeur de tabous. Les romanciers savent bien

1364 ion renouvelée de l’archétype courtois de Tristan et Iseut. Ils cherchent partout l’obstacle qui résiste et ils n’en trouv

1365 eut. Ils cherchent partout l’obstacle qui résiste et ils n’en trouvent plus guère. L’Homme sans qualités de Robert Musil,

1366 l, qui décrit une passion incestueuse entre frère et sœur, et la Lolita de Nabokov, qui décrit la passion d’un quadragénai

1367 crit une passion incestueuse entre frère et sœur, et la Lolita de Nabokov, qui décrit la passion d’un quadragénaire pour u

1368 re un malade mental. Un psychanalyste l’eût guéri et le roman n’eût pas été. Anticipant sur une évolution qui devrait logi

1369 ns cette perspective, la passion paraît condamnée et le roman avec elle. Mais tout peut se renverser très vite, au point d

1370 s de cette revanche des puissances irrationnelles et affectives : l’érotisme généralisé, le budget privé de la magie qui,

1371 ssances passionnelles, frustrées par la technique et réclamant leur dû, peuvent provoquer des névroses collectives et des

1372 ur dû, peuvent provoquer des névroses collectives et des fureurs anarchiques. Elles peuvent aussi se perdre dans un idéali

1373 ec la science ou la théologie. Entre ce trop haut et ce trop bas également prévisibles, on peut imaginer que l’avenir de l

1374 r les deux pulsions contradictoires de l’érotisme et de la passion. Et ce sera la fonction retrouvée et renouvelée de la l

1375 s contradictoires de l’érotisme et de la passion. Et ce sera la fonction retrouvée et renouvelée de la littérature romanes

1376 t de la passion. Et ce sera la fonction retrouvée et renouvelée de la littérature romanesque et lyrique que de nous décrir

1377 rouvée et renouvelée de la littérature romanesque et lyrique que de nous décrire les cheminements de cet amour dont le poè

1378 e qu’en elle-même. C’est une condition délectable et un mal que nous désirons. Celui qui n’en est pas atteint ne souhaite

1379 st pas atteint ne souhaite nullement rester sain. Et celui qui en souffre ne trouve aucun plaisir à en être guéri. r.

1380 sort des écrivains emprisonnés constitue un drame et un avertissement » (juin 1975)s t Maître, vous avez accordé votre

1381 ue chose qui peut contribuer à changer les mœurs. Et le changement est la dernière chose que peut accepter une société fig

1382 r une opinion mais on accepte mal qu’il l’affirme et qu’il continue à l’affirmer avec véhémence. Il est comme un soldat qu

1383 uent la norme. Hors de leur église point de salut et c’est sincèrement qu’il le condamne. Un Soljenitsyne qui, pour lui, e

1384 lui, est un écrivain « dérangé » doit être guéri et il a justement les moyens de le guérir. Quels moyens ? Le psychiatre,

1385 tais en Russie je serais enfermé depuis longtemps et je me demande si je ne deviendrais pas fou réellement. Quand on vous

1386 tort puisque tous les autres pensent autrement ? Et ce doute répété, amplifié, peut très bien vous amener à la folie. J’a

1387 é à la fondation de l’URSS. On enfermait ces gens et on leur disait : vous prétendez n’avoir jamais rien dit contre Stalin

1388 rêvé de le tuer. On vous a interrogé sous hypnose et vous avez confirmé que vous rêviez souvent de le tuer. Donc si vous l

1389 ion — puis les relations sensuelles entre l’homme et la femme. Les poètes de cette époque, les troubadours, ont inventé, e

1390 hose de tout à fait différent de l’amour sensuel. Et c’est cette notion de l’amour qui a été vulgarisée à travers toutes l

1391 nt une société imagine les rapports entre l’homme et la femme est un élément important de ses mœurs. Or cette façon n’a pa

1392 r les grands de l’époque, les seigneurs puissants et redoutés, mais par de modestes troubadours dont quelques-uns moururen

1393 d’angoisse devant ce monde impossible à gouverner et que, même dans nos sociétés occidentales, la grande majorité rêve de

1394 rtement mais aussi dans leurs pensées. Les Russes et les Chinois sont les seuls qui avouent ouvertement pratiquer ce condi

1395 as été autre chose qu’un immense conditionnement. Et sans doute lorsqu’on prend les gens par grandes masses on ne peut pas

1396 a n’a pas toujours été le cas : je pense à Racine et à Corneille qui étaient au service de Louis XIV. Les grands peintres

1397 ons, l’homme ne peut plus agir comme responsable. Et l’homme n’est libre que s’il est responsable. C’est une vieille notio

1398 notre commodité. Mais il n’y a aucune nécessité. Et c’est la même chose pour les États. Ils ont copié l’organisation que

1399 y compris de ce qui ne le regarde pas. Son rêve — et ce qui se passe en Union soviétique de façon scandaleuse préfigure pe

1400 . Regardez avec quel soin il s’occupe de la radio et de la télévision. Si un pays comme la France, par exemple, insiste po

1401 luencer les gens. Même aux États-Unis où la radio et la TV ne sont pas aux mains de l’État le gouvernement dispose de tout

1402 l m’a fait répondre par le Département de justice et police ! Or quel mal fait Garry Davis ? Il ne veut pas de passeport,

1403 passeport, il a un passeport de citoyen du monde et il n’en veut pas d’autres. C’est un choix qui ne menace personne. Lor

1404 menace personne. Lorsqu’il était pilote de chasse et qu’il faisait tomber des bombes sur les villes, il était libre, consi

1405 ù le pouvoir est concentré entre quelques mains — et on n’a plus besoin d’être Napoléon pour être à la tête d’un État mode

1406 plus en plus courant, de plus en plus dangereux. Et on ne devra pas s’étonner si, à la fin il ne reste plus, pour s’oppos

1407 sort des écrivains emprisonnés constitue un drame et un avertissement », L’Écho illustré, Genève, juin 1975, p. 7-9, 11.

1408 . 7-9, 11. t. Propos recueillis par Jean Saintié et précédés de l’introduction suivante : « Prison, accusations, lavage d

1409 ier 1972 il a été encore condamné pour “agitation et propagande antisoviétique” à douze nouvelles années de détention dont

1410 — dramatique exemple de la déformation d’un mot — et cinq de camp de travail. Tous ceux qui ont lu le magistral “reportage

1411 pour un être humain. Le crime que Boukovski paie et qu’il devra continuer de payer est celui d’avoir une opinion et de l’

1412 continuer de payer est celui d’avoir une opinion et de l’exprimer. Il n’est pas dans la norme de la Russie d’aujourd’hui

1413 nternational, mouvement pour la liberté d’opinion et de religion, a décidé de prendre en charge et de porter devant l’opin

1414 ion et de religion, a décidé de prendre en charge et de porter devant l’opinion mondiale le cas de l’écrivain Vladimir Bou

1415 engagement sont bien dans la logique de son œuvre et de ses actes. On n’a pas oublié qu’il avait pris publiquement la défe

1416 e ses anciens étudiants, objecteur de conscience, et on sait que dans une actualité récente il a notamment envoyé un messa

1417 en faveur de cet engagement. C’est dans sa belle et solide maison de Pouilly qu’il nous les a apportées. »

1418 oi tuer 32 000 fois chaque habitant de la planète et vivent dans la terreur que l’URSS ne les dépasse), gaspillage comme p

1419 out calculé pour leur guerre, dont tous sont nés, et selon l’obsession de puissance qui explique seule, sans la justifier,

1420 e lit de Procuste de leurs frontières les langues et l’économie, les ressources du sous-sol et l’état civil, la culture et

1421 langues et l’économie, les ressources du sous-sol et l’état civil, la culture et les idéologies partisanes au pouvoir. Or

1422 essources du sous-sol et l’état civil, la culture et les idéologies partisanes au pouvoir. Or, en admettant, contre toute

1423 e raison que la langue, les frontières politiques et l’économie ont des rythmes de fluctuation non comparables : d’ordre m

1424 langues, séculaire pour le tracé des frontières, et décennal, au plus, pour les économies industrielles. Cette analyse no

1425 ions au pouvoir exclusif de gestion de la terre — et , dès lors, les calculs d’avenir les plus catastrophiques ont seule ch

1426 seule chance d’être vérifiés ; ou bien des hommes et des groupes décident de reprendre en main leur destin à l’échelon loc

1427 e reprendre en main leur destin à l’échelon local et régional, et de faire prévaloir l’intérêt général de l’humain, de la

1428 n main leur destin à l’échelon local et régional, et de faire prévaloir l’intérêt général de l’humain, de la personne, sur

1429 us conduit, dans une atmosphère de panique sourde et de délinquance généralisée, vers l’État totalitaire mondial dirigé pa

1430 groupes d’hommes, qui se veulent à la fois libres et responsables, trouvent et appliquent à temps des formules de remplace

1431 eulent à la fois libres et responsables, trouvent et appliquent à temps des formules de remplacement de l’État-nation, ord

1432 liberté personnelle, non de puissance collective, et de communauté vivante, non de prestige, en fin de compte militaire. J

1433 je vois très peu à renverser, tout à construire. Et force nous sera de le faire dans les cadres de l’État-nation périmés 

1434 régions qui ne soient que des mini-États-nations, et qui prétendent imposer le carcan de frontières fixes, omnivalentes, à

1435 égions nécessaires ne sont pas ethniques d’abord, et encore moins économiques d’abord. La solution de nos problèmes économ

1436 morales, spirituelles, dont l’économie en général et le Budget en particulier ne font que traduire en chiffres les vrais c

1437 ne font que traduire en chiffres les vrais choix et les priorités, non pas alléguées, mais réelles. Grand responsable de

1438 de leur impuissance devant leur destin collectif, et de la dissolution de toute communauté à laquelle ils pourraient parti

1439 urelles ou énergétiques, écologiques ou sociales. Et voilà qui représente bien plus qu’une mesure opportune de « décentral

1440 gorgés de la capitale ; cela représente, implique et favorise un changement d’attitude de l’homme face à la société, un ch

1441 mme face à la société, un changement de mentalité et un changement de finalité. Je sais qu’on ne manquera pas de me dire,

1442 était livré dans le même paquet que la technique et le DDT, et qui était pour eux, au départ, le moyen de leur libération

1443 é dans le même paquet que la technique et le DDT, et qui était pour eux, au départ, le moyen de leur libération ? » Deux r

1444 -là de donner l’exemple d’une invention meilleure et de l’expérimenter. À elle de développer les anticorps des virus qu’el

1445 rs commencent. 2) L’État-nation peut faire autant et plus de mal au tiers-monde qu’aux Européens. Ce n’est pas peu dire !

1446 uiller de son prestige, d’en dénoncer l’absurdité et d’inciter chacune des grandes régions du globe à rechercher sa propre

1447 ionnelle en temps utile, elle aura fait bien plus et mieux pour le tiers-monde qu’en lui prêtant son « assistance techniqu

1448 ements, en gaspillage, en production de pollution et en obsolescence calculée. u. Rougemont Denis de, « L’État-nation,

1449 teur du Centre européen de la culture, de Genève, et membre du club de Rome, Denis de Rougemont est d’accord pour la créat

1450 e plus terre-à-terre, à partir de tâches communes et sans exiger d’abord une révolution complète : les gouvernements ne se

1451 entraux, il serait obligé de reprendre leur place et il serait occupé comme les autres à rester au pouvoir. C’est donc une

1452 x Savoie, en partie du Bas-Valais, du Val d’Aoste et du canton de Vaud, tout ce qui est autour du Léman. Une quantité de p

1453 (qui intéresse toute la vallée jusqu’à Marseille et même, au-delà, une partie de la Méditerranée), protéger les poissons

1454 rtie de la Méditerranée), protéger les poissons — et donc les habitants des rives — contre le mercure qu’on déverse chaque

1455 ue, aussi, est commune aux Genevois, aux Gessiens et aux Savoyards. Elle est très menacée, d’épuisement, de contamination,

1456 des centaines de choses qu’on peut faire ensemble et pour lesquelles on n’a pas besoin d’autorisations. Si vous demandez à

1457 iberté, c’est une chose qu’on prend, qu’on mérite et , surtout, dont on se montre digne en étant responsable. Responsable :

1458 toyen aux affaires publiques, pas de communauté ! Et c’est la nostalgie d’une communauté humaine restaurée, d’un lien de p

1459 rticipation réelle, de luttes communes, d’amitiés et de voisinage retrouvé, qui me motive, quand je lutte pour la région.

1460 Le Mois de Candide, Ferney, septembre 1975, p. 9 et 18. x. Propos recueillis par Alex Décotte.

1461 n s’y avançant le premier ! L’Europe des esprits et des cœurs, c’est elle qui motiva au premier chef Robert Schuman. Aux

1462 venir tout différent, celui de l’homme de culture et de méditation qu’il fut, en fait, d’une manière invisible mais réelle

1463 fut, en fait, d’une manière invisible mais réelle et qui, loin d’être marginale par rapport à son œuvre politique, pourrai

1464 s mots qu’on ne saurait souhaiter plus éclairants et qui servent de titre à son deuxième chapitre : L’Europe, avant d’êtr

1465 politique, doit être une communauté culturelle. Et dans ce même chapitre, je souligne cette phrase : L’unité de l’Europ

1466 ttré, cheminement signifie « action de cheminer » et cheminer « faire du chemin, surtout en ce sens que le chemin est long

1467 chemin, surtout en ce sens que le chemin est long et qu’on le parcourt lentement ». On sent bien ici que Schuman n’a jamai

1468 nt que sa méditation s’est poursuivie en création et n’a cessé de soutenir son action. Voilà pourquoi cet homme d’État d’

1469 vers l’union fédérale en s’y avançant le premier. Et certes, il n’a jamais entretenu l’illusion qu’il irait lui-même jusqu

1470 pe plus que jamais est nécessaire à la prospérité et à la sécurité, Montigny-lès-Metz, Association Robert Schuman pour l’E

1471 ande, d’Édimbourg à Spolète, de Bergen à Bordeaux et d’Athènes à Stockholm, toute l’Europe en été vibre et chante, danse o

1472 ’Athènes à Stockholm, toute l’Europe en été vibre et chante, danse ou déploie les fastes de ses opéras dans les plus beaux

1473 avion, au cœur du continent profondément complexe et découpé que délimitent ces villes ouvertes vers cinq mers, j’imagine

1474 sont quelques heures d’autoroute à travers forêts et vallées qui relient les hauts lieux de la vie musicale. Le circuit le

1475 par exemple, pour remonter au nord-est par Zurich et Bregenz, Salzbourg, Graz et Munich jusqu’à Bayreuth, revenir à l’oues

1476 u nord-est par Zurich et Bregenz, Salzbourg, Graz et Munich jusqu’à Bayreuth, revenir à l’ouest, puis au sud par Strasbour

1477 th, revenir à l’ouest, puis au sud par Strasbourg et Besançon jusqu’à Lyon, vous ferait traverser dix villes de festivals

1478 on, vous ferait traverser dix villes de festivals et boucler le voyage à Lucerne en moins de 2000 km par la route. Un circ

1479 Prague, de Berlin, de Copenhague, de la Hollande et de Gand. Au-delà, isolés mais heureux, voici Bath, le plus ancien fes

1480 tival connu (il a célébré son centenaire en 1961) et Varsovie, le plus délibérément novateur (on n’y donne que de la musiq

1481 r (on n’y donne que de la musique d’aujourd’hui). Et les pointes d’une grande étoile : Finlande, Suède, Norvège, Écosse, A

1482 and ensemble culturel qu’est en réalité l’Europe, et l’aient prouvé en s’associant sous le signe de l’union continentale.

1483 signe de l’union continentale. ⁂ Depuis un siècle et demi, les nations se sont multipliées, et elles se sont bardées de fr

1484 siècle et demi, les nations se sont multipliées, et elles se sont bardées de frontières sourcilleuses, dans notre Europe

1485 tre Europe jadis ouverte à tous vents de l’esprit et tous échanges humains. Lors du congrès de Vienne, en 1815, les hommes

1486 entendit qu’une cacophonie en crescendo perpétuel et le bruit des canons devait en marquer l’inévitable conclusion. Deux c

1487 de Guerre mondiale, tandis que le continent ruiné et disloqué essayait de reconstruire ses villes et une économie de paix,

1488 é et disloqué essayait de reconstruire ses villes et une économie de paix, on vit aussi renaître dans tous nos pays d’une

1489 tives locales animées par des amateurs de théâtre et de musique, d’autre part le goût des voyages. La rencontre de ces ini

1490 goût des voyages. La rencontre de ces initiatives et de cet essor touristique sans précédent allait donner naissance à un

1491 ou du bien plus récent Salzbourg de Hofmannsthal et Max Reinhardt. Voués à l’art de l’harmonie, ces festivals allaient-il

1492 l’harmonie, ces festivals allaient-ils s’accorder et faire entendre enfin le vrai « concert européen » ? En fait, chacun t

1493 prestigieux connaissait les problèmes artistiques et pratiques des nombreux festivals où il avait dirigé. Il sentait la né

1494 était précisément d’offrir un lieu de rencontres et des moyens de coopération aux forces culturelles de toute l’Europe à

1495 echerche de l’union. Notre entente fut immédiate, et les plans vite tracés. Tous nos grands festivals furent invités à dél

1496 européenne des festivals de musique était fondée et se mettait à l’œuvre. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens qu’elle e

1497 xe physico-spirituel qui a formé l’homme européen et qui le définit le mieux, quand on le compare à l’homme d’autres cultu

1498 , quand on le compare à l’homme d’autres cultures et civilisations. De cette affinité d’essence et d’existence entre la mu

1499 res et civilisations. De cette affinité d’essence et d’existence entre la musique et l’Europe, il résulte, d’une part, que

1500 ffinité d’essence et d’existence entre la musique et l’Europe, il résulte, d’une part, que s’occuper de l’Europe et spécia

1501 il résulte, d’une part, que s’occuper de l’Europe et spécialement de sa culture, suppose que l’on s’occupe de la musique ;

1502 ulture, suppose que l’on s’occupe de la musique ; et , d’autre part, que la musique est l’expression la plus profonde et sp

1503 que la musique est l’expression la plus profonde et spécifique du génie propre de l’Europe. La musique n’aidera pas à rés

1504 les plus variés de notre existence, le politique et l’institutionnel, l’économique et l’artistique, nous retrouverons tou

1505 e, le politique et l’institutionnel, l’économique et l’artistique, nous retrouverons toujours le même type de problèmes :

1506 r ceux de l’individu, faire chanter les tons purs et les voix différentes, et non pas tout mêler indiscernablement ni s’en

1507 re chanter les tons purs et les voix différentes, et non pas tout mêler indiscernablement ni s’en tenir à l’unisson. En un

1508 sont la santé de la culture comme de l’économie, et , de la sorte, élever le niveau général. Mais elle déborde largement l

1509 uté, puisqu’elle englobe déjà seize pays d’Europe et que ses plus grands axes joignent Athènes à Édimbourg, Grenade à Hels

1510 s d’Europe, assurent le rayonnement de la musique et de la culture européennes ont été reçus en qualité de membres associé

1511 été reçus en qualité de membres associés. Israël et Osaka ont brillamment inauguré cette plus grande alliance. Au carref

1512 scendent jusqu’aux eaux bleues du Léman. À droite et à gauche, de hauts arbres s’écartent pour découvrir et encadrer la ma

1513 gauche, de hauts arbres s’écartent pour découvrir et encadrer la majestueuse pyramide du Mont-Blanc, sommet de l’Europe. D

1514 sont assises autour d’une table en fer à cheval, et souvent leurs regards se perdent sur ces champs de neige au loin, or

1515 ds se perdent sur ces champs de neige au loin, or et rose dans la lumière de l’après-midi. Par-dessus le tapis vert, jonch

1516 is vert, jonché de papiers, des noms s’échangent, et des projets s’esquissent : ce sont tous les grands noms de la musique

1517 ands noms de la musique, compositeurs, exécutants et chefs, de Monteverdi et Purcell jusqu’aux champions de la dernière éc

1518 compositeurs, exécutants et chefs, de Monteverdi et Purcell jusqu’aux champions de la dernière école postsérielle ; et ce

1519 aux champions de la dernière école postsérielle ; et ce sont des projets de concerts, de ballets, d’opéras de tous les siè

1520 au centre d’un prestigieux complot contre l’ennui et la laideur quotidienne : l’assemblée annuelle des directeurs de festi

1521 als l’occasion de se rencontrer, de se connaître, et d’échanger une ou deux fois par an leurs problèmes et leurs expérienc

1522 ’échanger une ou deux fois par an leurs problèmes et leurs expériences, elle aurait mérité d’exister. Laissant de côté tou

1523 maines de la publicité, des échanges d’exécutants et de mises en scène, et de la publication concertée des programmes et d

1524 , des échanges d’exécutants et de mises en scène, et de la publication concertée des programmes et des dates, je voudrais

1525 ne, et de la publication concertée des programmes et des dates, je voudrais souligner ici que l’association a eu et garde

1526 je voudrais souligner ici que l’association a eu et garde le mérite, à mes yeux principal, de provoquer la réflexion des

1527 festivals, mais aussi de musicologues, critiques et animateurs d’émissions musicales à la radiotélévision, sur le phénomè

1528 fesseur Estreicher, le festival, au sens précis — et du coup quelque peu restreint ou assagi — qu’a pris le mot dans l’ère

1529 s le mot dans l’ère moderne, est une forme de vie et d’activité artistique tout à fait spécifique de la culture européenne

1530 , vous ne trouverez l’équivalent de cette formule et de ses surprises, calculées ou non, pas plus que vous ne trouverez l’

1531 de nos portraits individualisés, de nos concerts et de nos musées. Tout à la fois communautaire et adonnée au culte des v

1532 ts et de nos musées. Tout à la fois communautaire et adonnée au culte des vedettes, traditionnelle et expérimentale, artis

1533 et adonnée au culte des vedettes, traditionnelle et expérimentale, artistique et touristique, la formule festivalienne me

1534 ttes, traditionnelle et expérimentale, artistique et touristique, la formule festivalienne me paraît typiquement occidenta

1535 ar les antinomies qu’elle embrasse, les paradoxes et les ambiguïtés dont elle se nourrit. Elle se prête autant à la créati

1536 le se nourrit. Elle se prête autant à la création et au raffinement des valeurs qu’à leur confusion par le snobisme et la

1537 t des valeurs qu’à leur confusion par le snobisme et la mode, aux innovations qu’aux routines, et aux miracles qu’aux abus

1538 isme et la mode, aux innovations qu’aux routines, et aux miracles qu’aux abus. (C’est peut-être pourquoi elle reste si viv

1539 s (tant classiques que de caractère expérimental) et la recherche de la perfection dans leur réalisation ; mais aussi par

1540 d’une cité, l’intérêt collectif de ses habitants, et la tradition culturelle d’une région. Soumise à l’examen d’une cinqu

1541 men d’une cinquantaine de critiques, compositeurs et musicologues, cette définition fut très généralement approuvée, bien

1542 ison, aient tenu à souligner qu’elle était idéale et au mieux normative, plutôt que réaliste et descriptive. (Mais n’est-c

1543 idéale et au mieux normative, plutôt que réaliste et descriptive. (Mais n’est-ce pas le fait de toute définition, et son u

1544 . (Mais n’est-ce pas le fait de toute définition, et son utilité majeure ?) De plus, on a fait observer qu’elle ne tenait

1545 ompte assez expressément de l’élément touristique et des aspects sociaux du phénomène festival considéré dans sa totalité

1546 du phénomène festival considéré dans sa totalité et dans ses conditions matérielles d’existence. 3. C’est en effet de la

1547 e la rencontre d’un art (musique, théâtre, danse) et d’un lieu de prestige touristique que naît le plus souvent un festiva

1548 plus de place non seulement à la radiotélévision et dans la critique musicale des magazines hebdomadaires dont ils devien

1549 e vacances de centaines de milliers de touristes, et enfin dans les budgets nationaux, régionaux et municipaux, et dans le

1550 s, et enfin dans les budgets nationaux, régionaux et municipaux, et dans les portefeuilles publicitaires. Cela va de pair

1551 s les budgets nationaux, régionaux et municipaux, et dans les portefeuilles publicitaires. Cela va de pair avec l’accroiss

1552 nt du temps de loisirs, la diffusion des disques, et d’une manière générale, la popularisation de la culture. L’essor des

1553 l’ampleur de cette évolution sociale. 4. Au xixe et au début de ce siècle, la musique était confinée dans les salles de c

1554 cadres architecturaux, des fonctions religieuses et de tout le contexte social en vue desquels elle avait été composée. C

1555 ruelles servent de coulisses, Mireille aux Baux, et L’Enlèvement au sérail sur le bassin de la cour des Myrtes à l’Alhamb

1556 a. Ce retour de la musique à son milieu d’origine et d’usage, à la communauté dont elle fut l’expression ou qu’elle recons

1557 haque fois qu’elle est jouée en son lieu, annonce et préfigure une évolution très profonde de la société contemporaine : l

1558 plus autour de pôles de développement économique et culturel, ces « métropoles régionales » chères à la jeune sociologie.

1559 ine manière qui n’est qu’à lui de mettre en œuvre et d’accueillir la musique d’hier et d’aujourd’hui, bien commun et œuvre

1560 mettre en œuvre et d’accueillir la musique d’hier et d’aujourd’hui, bien commun et œuvre commune de la culture européenne.

1561 r la musique d’hier et d’aujourd’hui, bien commun et œuvre commune de la culture européenne. « L’art est l’état d’esprit d

1562 at d’esprit d’un jour de fête », disait Flaubert. Et la définition citée plus haut rappelait qu’un festival est d’abord un

1563 ête, c’est-à-dire l’acte exceptionnel, symbolique et mémorial d’une communauté. Il est beau que ce soit à la musique, plut

1564 os régions aillent demander l’expression publique et sensible de cet être communautaire et de cette âme dont, s’il est vra

1565 on publique et sensible de cet être communautaire et de cette âme dont, s’il est vrai qu’un paysage est un « état d’âme »,

1566 Histoire et prospective de l’identité européenne (1976)y Dans le champ des étu

1567 ma discipline, posons-nous la question préalable, et plus sérieuse, de l’identité de l’Europe et de ce qui motive son étud

1568 able, et plus sérieuse, de l’identité de l’Europe et de ce qui motive son étude aujourd’hui. Tout le reste en dépendra, et

1569 son étude aujourd’hui. Tout le reste en dépendra, et d’abord mes réponses. Qu’est-ce donc pour vous, l’Europe ? Ce n‘est p

1570 r vous, l’Europe ? Ce n‘est pas une réalité faite et achevée, ou bien en train de se défaire. Ce n’est pas une forme idéal

1571 ni quelque chose qui aurait existé historiquement et que l’on se proposerait de ressusciter. Mais ce n‘est pas non plus un

1572 cé au xvie siècle, du duc de Sully, de Comenius, et de William Penn au xviie siècle, ou de Coudenhove-Kalergi dès 1923.

1573 , leur culture (dont l’Université est un élément) et leurs manières de vivre. Et ce problème ne se pose pas dans l’espace

1574 rsité est un élément) et leurs manières de vivre. Et ce problème ne se pose pas dans l’espace vide de la théorie intempore

1575 é, en vue de lui trouver des solutions pratiques, et non pas d’une recherche fondamentale ? J’avoue que je saisis mal l’op

1576 les années 1960 — entre la recherche fondamentale et la science appliquée. « Fondamentale » correspond, dans l’esprit du p

1577 ondamentale » correspond, dans l’esprit du public et d’un grand nombre d’universitaires, à l’idée d’une recherche théoriqu

1578 u’ils en attendent pour leur production d’énergie et pour leur défense nationale. lls n’ignorent pas que E = mc2 a donné l

1579 que E = mc2 a donné la victoire militaire aux USA et permis d’aller sur la Lune. Pour eux, la recherche fondamentale est c

1580 ui peut « rendre » en vingt ans, pour le prestige et la puissance de l’État, mille fois plus que la recherche appliquée ne

1581 yait : il arrive même qu’elle soit la mieux payée et la plus payante au bout du compte. Qu’en est-il dans le domaine des s

1582 s — pour Ies parties métaphysiques de mes cours ; et la qualité de « recherche finalement appliquée » — qui importe aux go

1583 proprement politiques de mon enseignement, cours et travaux de séminaires, tout ce qui touche aux régions, notamment. Dis

1584 our les physiciens, les chimistes, les astronomes et même les biologistes, on peut admettre que la métaphysique et l’anthr