1 1974, Articles divers (1974-1977). La personne comme fondement des valeurs européennes (19 septembre 1974)
1 ’Europe ? et plus exactement : où voulons-nous qu’ elle aille ? Car il s’agit dorénavant moins de prévoir les événements que
2 exactement : où voulons-nous qu’elle aille ? Car il s’agit dorénavant moins de prévoir les événements que d’orienter les
3 r une construction économique, dont on croyait qu’ elle devait entraîner nécessairement des effets politiques (mais c’est l’i
4 s croire, donc d’agir à l’encontre des destins qu’ ils ont calculés, alors le pire deviendra sûr. Ils nous supplient de les
5 qu’ils ont calculés, alors le pire deviendra sûr. Ils nous supplient de les faire mentir, mais il nous faut d’abord les cro
6 sûr. Ils nous supplient de les faire mentir, mais il nous faut d’abord les croire… (Situation moins nouvelle dans l’histoi
7 matière d’éducation et de culture ». Je crois qu’ il serait juste d’ajouter à ces dispositions techniques la diffusion dis
8 que j’ai le mieux connus. Ce n’est pas rien, mais il faut bien admettre que cela n’a pas suffi pour « faire l’Europe ». De
9 ent, le plus large et aussi le plus précis puisqu’ il désigne comme au temps d’Aristote la gestion des rapports humains dan
10 remercié par les Douze, en tant qu’invités, et qu’ il en soit félicité par nous tous, en tant que citoyens. Car le Conseil
11 r la politique européenne, et de la fonder, comme il se doit, beaucoup moins sur les expériences du passé, toujours ambigu
12 ? Au nom de quoi ? Et en vue de quelles fins faut- il créer l’union des gens de l’Europe, tels qu’ils sont, ou tels qu’ils
13 ut-il créer l’union des gens de l’Europe, tels qu’ ils sont, ou tels qu’ils peuvent devenir, dans une société rénovée ? Selo
14 es gens de l’Europe, tels qu’ils sont, ou tels qu’ ils peuvent devenir, dans une société rénovée ? Selon quelle hiérarchie d
15 finalement pour la survie de l’espèce humaine. Qu’ il s’agisse de la pollution résultant de la production industrielle au s
16 rvice du Profit privé et du prestige national, qu’ il s’agisse de l’épuisement des ressources terrestres non renouvelables,
17 e : tout le monde a lu Forrester ou Meadows. Mais ils sont loin d’avoir épuisé le pire de notre crise : l’équivalent moral,
18 Rome, car c’est lui qui les rendra vraies, quand elles n’étaient que monitoires et n’ambitionnaient rien que d’être démentie
19 e dans cette société qui n’en est pas une, puisqu’ elle n’est plus une communauté ? Que vaut son fameux niveau de vie ? Vers
20 son fameux niveau de vie ? Vers quoi nous conduit- elle  ? Elle ne le sait pas elle-même. Cette question, et surtout qu’elle d
21 eux niveau de vie ? Vers quoi nous conduit-elle ? Elle ne le sait pas elle-même. Cette question, et surtout qu’elle demeure
22 sait pas elle-même. Cette question, et surtout qu’ elle demeure sans réponse, voilà qui devrait nous effrayer vraiment, parce
23 té, démesurée, l’énorme État-nation centralisé où ils se voient perdus, n’est plus leur affaire, ne peut que les brimer, et
24 l’imbécillité civique des majorités silencieuses. Il est normal que le jeune Européen d’aujourd’hui se demande à quoi tout
25 out cela rime, et descende le crier dans la rue : il serait anormal qu’on ne lui réponde que par des coups de matraque. Il
26 ’on ne lui réponde que par des coups de matraque. Il est normal qu’il juge très sévèrement la société matérialiste et qu’i
27 e que par des coups de matraque. Il est normal qu’ il juge très sévèrement la société matérialiste et qu’il dénonce son ana
28 uge très sévèrement la société matérialiste et qu’ il dénonce son anarchie profonde, mais il est anormal qu’il se voie pour
29 iste et qu’il dénonce son anarchie profonde, mais il est anormal qu’il se voie pour autant traité de « fauteur de désordre
30 nce son anarchie profonde, mais il est anormal qu’ il se voie pour autant traité de « fauteur de désordre ». Car le plus pr
31 es gens rêvent de la renverser, cette société, et ils se trompent d’une manière pathétique, parce qu’on peut renverser des
32 vraie cause de toutes nos crises et du système qu’ elles constituent. Tenter de s’y opposer par la violence serait bien pire q
33 ndustrielle, scientifico-technique, quantitative. Elle est née de l’Europe, de ses valeurs et de leurs conflits ; et des gue
34 ndiale, de ses contradictions et de ses impasses, il faut des choix. Il faut savoir ce que l’on est prêt à sacrifier et qu
35 radictions et de ses impasses, il faut des choix. Il faut savoir ce que l’on est prêt à sacrifier et quelles sont les prio
36 sûr, les choix sont rarement aussi simples. Mais ils se ramènent dans l’ensemble à un dilemme fondamental entre l’impérati
37 Or, ces choix de finalités, et les sacrifices qu’ ils commandent, sur quel absolu les régler ? Et comment évaluer les valeu
38 qui gage les valeurs, de l’évaluant fondamental. Il n’est pas toujours bien conscient, même chez celui dont il gouverne l
39 pas toujours bien conscient, même chez celui dont il gouverne le jugement et la conduite. Ainsi chez Marx : on a relevé qu
40 de son vocabulaire le terme de justice, décidé qu’ il est à ne décrire que des enchaînements nécessaires et qui échappent à
41 référentiel de l’œuvre. Pour l’homme d’Europe, qu’ il le sache ou non, le référentiel absolu, c’est la personne. Or la per
42 nt constitué la notion d’identité individuelle qu’ ils exprimaient par le terme de face, ou de visage, mais cela ne rendait
43 conception chrétienne de l’homme. En déclarant qu’ ils confessaient Jésus-Christ comme « vrai Dieu et vrai homme » à la fois
44 seulement fondé l’anthropologie chrétienne, mais il a posé le modèle de la pensée spécifiquement européenne, la grande id
45 e Proudhon, et les dialectiques d’aujourd’hui, qu’ elles soient marxistes, existentialistes ou physico-mathématiques. Et c’est
46 t vraiment l’idée formatrice de l’Europe parce qu’ elle engendre l’homme européen, à partir de l’extraordinaire création qu’a
47 . Certes, les siècles ont ajouté à cette formule. Elle est devenue autre chose qu’un modèle, qu’une structure. Aux notions g
48 ais aujourd’hui, qu’est-ce donc que la personne ? Il semble qu’à une telle question je ne pourrais répondre que pour moi,
49 cédent, de sorte que la chance est quasi nulle qu’ il naisse jamais deux individus pareils. Chacun de nous est donc le poin
50 chemin particulier vers le But qui l’appelle, qu’ il le nomme Dieu, ou l’Absolu, la Vérité ou le Bonheur. Le But suprême e
51 nt, je ne puis pas aller par la route nationale : elle conduirait au mieux à quelque capitale, non à moi-même. Mais la quest
52 nstant, à savoir si je découvre mon chemin tel qu’ il était prévu pour moi depuis toujours, ou si je l’invente en osant y a
53 avancer sans l’avoir vu. Ce que je sais, c’est qu’ il n’existera qu’autant que j’aurai le courage d’y marcher dans la nuit.
54 , cette forme de confiance dont Saint-Paul dit qu’ elle est « ferme assurance des choses qu’on ne voit pas ». Le chemin qui s
55 révèle lorsqu’on marche vers lui, pas autrement. Il s’agit d’une activité jamais achevée et qui sans fin cherche sa fin,
56 ns fin cherche sa fin, et qui la reconnaît lorsqu’ elle éprouve un sentiment de convenance entre ses démarches et cette fin.
57 . Et je ne cherche pas, ici, à vous convaincre qu’ elle existe, mais simplement à vous faire voir qu’en fait, et pratiquement
58 ue « ça » parle à travers nous, — comment peuvent- ils signer des manifestes contre l’aliénation… de quoi ? Contre l’exploit
59 tre l’exploitation de l’homme par l’homme, disent- ils . Mais ce serait l’exploitation d’une illusion par une inexistence, à
60 ne inexistence, à les en croire ? Comment peuvent- ils signer, tout simplement ? Dieu est mort, nous disent-ils, l’homme est
61 ner, tout simplement ? Dieu est mort, nous disent- ils , l’homme est mort, il n’y a plus de sujet, il n’y a plus rien. Il ne
62 Dieu est mort, nous disent-ils, l’homme est mort, il n’y a plus de sujet, il n’y a plus rien. Il ne reste rien que leurs l
63 nt-ils, l’homme est mort, il n’y a plus de sujet, il n’y a plus rien. Il ne reste rien que leurs livres, et leur nom sur c
64 mort, il n’y a plus de sujet, il n’y a plus rien. Il ne reste rien que leurs livres, et leur nom sur ces livres — mais pou
65 deux termes désignent deux formes de pouvoir, qu’ il m’importe de préciser. Le pouvoir sur autrui, c’est la Puissance, et
66 sur soi-même, la Liberté. Le pouvoir sur autrui, il est fatal que l’État s’en empare un jour ou l’autre. Car l’État récla
67 à ce banc d’essai, se révèle une fausse valeur : elle procure le pouvoir sur autrui, non sur soi-même (bien au contraire),
68 oir qui aliène, non celui qui libère. Au surplus, elle crée tant de liens avec ce qui n’est pas ma vocation, que toutes les
69 aleurs fausses et même d’un ridicule moliéresque. Elles ne sont, trop évidemment, que les alibis, soit de la volonté de puiss
70 irrésistible, est le type même de l’antivaleur, s’ il n’est que l’accroissement des pouvoirs matériels, qui conduisent à la
71 ques, au gaspillage des ressources terrestres ; s’ il n’est pas un progrès spirituel, une aventure de la liberté, un accroi
72 ne qui a formé vingt siècles d’Europe nous dit qu’ il faut aimer son prochain comme soi-même, et cela fonde la communauté !
73 élément transcendant dans la personne, si bien qu’ il peut relier des hommes de toute la terre, la vie communautaire concrè
74 n — pas plus que l’Église et la paroisse — puisqu’ ils expriment la dialectique constitutive de la personne entre le transce
75 vraie. La vocation dont l’appel me libère, c’est elle aussi qui me relie à mes prochains dans la cité, parce que c’est parm
76 ux, avec eux et pour eux, autant que pour moi, qu’ elle va peut-être se réaliser. Pas de liberté réelle pour un irresponsable
77 Pas de liberté réelle pour un irresponsable : or il faut bien reconnaître que la cité moderne tend à faire de nous tous d
78 les petites unités, municipales et régionales, qu’ il s’agit désormais de recréer si l’on veut que la personne s’épanouisse
79 nséparables, de liberté et de responsabilité. Or, il se trouve que toute vraie politique de la personne appelle la créatio
80 o-industrielle démesurée et sans cadres, pourra-t- il demain redevenir responsable, s’accepter soi-même, communiquer avec a
2 1974, Articles divers (1974-1977). Alexandre Marc et l’invention du personnalisme (1974)
81 ont l’accent russe amenuisait les mots, encore qu’ il parlât volontiers de « rigueur doctrinale et révolutionnaire ». Il me
82 ers de « rigueur doctrinale et révolutionnaire ». Il me remit un manifeste de deux pages dont cette phrase me frappa, tapé
83 ans, militant socialiste-révolutionnaire à Kiev, il avait échappé de justesse au poteau, pendant les journées d’Octobre.
84 le avait fui en Allemagne. À Fribourg-en-Brisgau, il avait suivi les cours de Husserl. Né juif, il devenait catholique, et
85 au, il avait suivi les cours de Husserl. Né juif, il devenait catholique, et signait Alexandre Marc des articles d’un ton
86 violent qui paraissaient dans la revue Plans, où il m’introduisit bientôt. C’est par lui que j’ai connu — ou reconnu — le
87 re avec Alexandre Marc s’accentue fortement quand il s’agit de mes premiers contacts avec Mounier, qui fondait alors Espr
88 n’est connu du grand public — ce qui est normal, ils ont de 21 à 32 ans — mais encore ils ne se connaissent pas entre eux,
89 est normal, ils ont de 21 à 32 ans — mais encore ils ne se connaissent pas entre eux, même de nom. Deux ans plus tard, le
90 ît dans la NRF le Cahier de revendications où ils se voient tous réunis, aux côtés pour une fois de communistes comme H
91 ésentation des jeunes groupes révolutionnaires ». Il n’importe : une génération s’est déclarée, et quels que soient les co
92 , et quels que soient les conflits qui l’animent, elle a reconnu les éléments fondamentaux d’une « cause commune » dans sa d
93 ontants et au capitalisme en crise. Mais ce dont il m’importe, ici, de témoigner, c’est du rôle de pionnier, d’inventeur
94 , tout me portait à déboucher sur une action, fût- elle spirituelle d’abord, au-delà de la littérature. Alexandre Marc fut po
95 plus haut. J’ajouterai à ces quelques traits : qu’ il portait à Versailles des guêtres blanches, ce qui était banal à l’épo
96 tionne pour attester ma bonne mémoire ; et que, s’ il riait haut et fort, par éclats brusques, ou laissait un sourire un pe
97 sait un sourire un peu lointain plisser ses yeux, il n’en donnait pas moins une impression de sérieux profond et de maturi
98 ner en France des études de droit et Sciences Po, il nous apportait à la fois ses connaissances, puisées aux sources de la
99 s marxistes français ne faisaient que la théorie. Il nous communiquait sa passion pour Proudhon, mais aussi pour Lénine, c
100 ques prélats anglicans et théologiens d’Amérique. Elle était patronnée, vigoureusement, par Nathan Soederblom, primat de Suè
101 surplus, l’entreprise est par nature paradoxale : il s’agit de chercher sinon l’union, du moins les voies d’une convergenc
102 uvement progresse désormais ; que de plus en plus il tend à réaliser au moyen de pratiques comme l’intercommunion « sauvag
103 es » et l’élan spirituel passant pour hérésie…) ⁂ Il est probable que Mounier vint un beau soir au Club du Moulin-Vert ; i
104 ounier vint un beau soir au Club du Moulin-Vert ; il est certain que nous nous sommes connus grâce à Marc, qui m’avait d’a
105 loque de Francfort pendant le Carnaval de 1932 où il tentait, avec Philippe Lamour, de fonder une internationale des jeune
106 . Le premier numéro d’ Esprit vient de paraître. Il contient des articles de Marc et de moi. C’est dire que depuis plusie
107 Aron, Dupuis, Prévost ou moi avons pu lui donner, elle reste marquée avant tout par le catholicisme progressiste et péguyste
108 res de myope… intellectuel jusqu’aux ongles ») et il traite l’Ordre nouveau de « petite église d’inquisiteurs ». Or, il sa
109 nouveau de « petite église d’inquisiteurs ». Or, il sait bien que Marc et moi, qui faisons partie de sa première équipe d
110 eur première pour l’ensemble de la collaboration ( il est bien vrai que nous nous sommes un peu laissé entraîner).2 Quel
111 Izard sur « La patrie et la mort »). Mounier va-t- il rompre avec l’ON ? Il préfère écrire, au seuil du numéro : « Nous som
112 et la mort »). Mounier va-t-il rompre avec l’ON ? Il préfère écrire, au seuil du numéro : « Nous sommes le parti de l’espr
113 aque article fourni par l’un des membres de l’ON. Elles confirment que l’apport du groupe, d’abord représenté par Alexandre M
114 ébordé sur sa gauche par l’ON, « entraîné » comme il l’écrit, et très soucieux de s’en défendre non seulement devant Marit
115 ant Maritain mais devant l’Église qui s’inquiète ( il a pu craindre, en 1936 précisément, une condamnation d’Esprit en Cour
116 une condamnation d’Esprit en Cour de Rome), quand il écrit à Berdiaev, qui fut marxiste, Mounier cède aux clichés communis
117 ichés communistes sur l’ON, dans le même temps qu’ il écrit à l’archevêque de Paris qu’ Esprit est la seule revue « dirigé
118 NRF est « communiste », pourquoi l’ON ne serait- il pas « fasciste » ?) Quelle qu’ait été l’importance de ses apports à P
119 en ne vaut le contact d’homme à homme », répétait- il sans se lasser, insensible à nos plaisanteries ; et c’est sans doute
120 ste française, n’était pas seulement notre aîné : il était le seul d’entre nous qui ait lu tout Marx et tout Proudhon. Aut
121 nt originale sur la métaphore chez Marcel Proust, il poursuivait avec le docteur Eugène Minkowski des recherches psycholin
122 qu’on eût appelées plus tard structuralistes. Et il venait de signer avec Robert Aron La Révolution nécessaire, un des ra
123 omplémentaires fera la force des trois volumes qu’ ils écrivent ensemble de 1932 à 1933. Daniel-Rops, professeur agrégé, com
124 seur agrégé, commence une carrière littéraire, qu’ il abandonnera plus tard pour sa fameuse Histoire du christianisme. Il e
125 s tard pour sa fameuse Histoire du christianisme. Il est le seul d’entre nous à toucher le grand public en ce temps-là. (P
126 n des fondateurs du célèbre groupe « Bourbaki » ; il suit de près les travaux de l’École de Vienne (Wittgenstein, Carnap,
127 dre Marc a travaillé chez Hachette, mais que fait- il et de quoi vit-il en 1933 ? Voilà ce que je n’arrive pas à me rappele
128 lé chez Hachette, mais que fait-il et de quoi vit- il en 1933 ? Voilà ce que je n’arrive pas à me rappeler, et l’on se voya
129 donc nos incroyances et nos croyances déclarées, il est intéressant de savoir que nous formions un groupe étonnamment com
130 rment les traités de droit français de l’époque). Il n’est pas « la Société », ni « la forme politique que tend à revêtit
131 tend à revêtit toute nation civilisée » (Esmein). Il n’est pas la patrie. Rapportée à l’homme, la patrie n’est ni petite,
132 à l’homme, la patrie n’est ni petite, ni grande : elle est humaine. Ses limites — si limites il y a — ne peuvent être indéfi
133 une réalité spirituelle, élective et non native. Elle est le fait de « personnes qui ont su trouver en elles-mêmes la force
134 rler de la patrie alsacienne, bretonne, catalane. Il n’en reste pas moins que la commune est le lieu privilégié en lequel
135 les rapports entre les citoyens d’un même pays : elle transforme aussi les différences nationales spécifiques en rivalités
136 rivalités nationales économiques ou belliqueuses. Il n’existe qu’une forme de « rapprochement » véritable et effectif entr
137 e G. Gurvitch, Marc conclut avec Léon Duguit « qu’ il existe une règle de droit antérieure et supérieure à l’état, et qui s
138 » d’Aron et Dandieu : « Le droit ne se justifie-t- il pas surtout dans la mesure où il fournit un tremplin d’où s’élanceron
139 ne se justifie-t-il pas surtout dans la mesure où il fournit un tremplin d’où s’élanceront les conquêtes et les créations
140 ne pourront rien posséder en tant que tels ; mais ils seront chargés de distribuer aux éléments prolétariens les terres per
141 ens les terres personnelles. (ON 16) Personne. Elle est toujours « supérieure à l’état ». La personne reste à jamais supé
142 hair et de sang n’est pas seulement « lui-même », il « est » sa famille, sa race, sa patrie, son milieu social, son métier
143 patrie, son milieu social, son métier, sa nation… Il est sa propre situation. Mais il n’est pas que cela. Tel est le parad
144 tier, sa nation… Il est sa propre situation. Mais il n’est pas que cela. Tel est le paradoxe fécond du fait agonal (c’est-
145 ion n’est réelle, en effet, que dans la mesure où elle est une, c’est-à-dire dans la mesure où la diversité des éléments (do
146 seul un abus de langage permet de parler comme s’ ils étaient préexistants) se rattache à l’unité d’une perspective. Or, ce
147 uelque manière extérieur à sa situation, parce qu’ il connaît l’avantage immense du recul. C’est pourquoi il est impossible
148 nnaît l’avantage immense du recul. C’est pourquoi il est impossible de parler de la situation de l’homme sans tenir compte
149 ion de l’homme sans tenir compte de son attitude. Il n’en est peut-être pas ainsi de l’animal dont la situation ne peut êt
150 vœu », mais une réalité dynamique et progressive, il faut qu’un éventuel « plan » économique fasse appel aux ressorts huma
151 n’est le fruit d’aucune initiative particulière : il ressort de l’organisation… 8 L’union fédérale En triomphant de la
152 essaie de lui faire prendre pour « sa patrie » : ils sont beaucoup trop grands… ou trop petits pour lui. Trop petits si l’
153 térêt suprême de la Révolution. Dans la mesure où elle ne paralyse point l’élan révolutionnaire, la région doit jouir d’une
154 ’article intitulé « La folie des frontières », qu’ il publie le 15 juin 1934, sous le nom de Michel Glady et en collaborati
155 ssages que je vais citer (non sans scrupules, car ils souffriront d’être privés de l’éclairage du contexte) me paraissent a
156 rrespondre à la problématique la plus actuelle : Il semble probable — et une « théorie » ultérieure devra tenir compte de
157  » offerte à tout le monde… Offerte, non imposée. Il faudra donc étudier attentivement les problèmes de la différenciation
158 trative des frontières ; limites des communes…) ; elle se justifie ensuite en délimitant une base stable et solide aux édifi
159 mites des « patries » et des « nations »…) ; mais elle se justifie surtout dans la mesure où les frontières forment un tremp
160 onclus pour ma part que s’il y a un avenir, et qu’ il demeure ou redevienne européen, la pensée d’Alexandre Marc est promis
3 1974, Articles divers (1974-1977). Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)
161 tout d’un coup, vers cinq heures, la certitude qu’ il faut rentrer chez moi dare-dare. Tram n° 5. Je saute de la voiture en
162 prise dès le lendemain, mais serais-je candidat ? Il fallait une réponse immédiate… Trois mois plus tard je commençais mon
163 ité j’ignorais quelle affaire, mais je sentais qu’ il fallait rentrer. Je monte l’escalier quatre à quatre, j’ouvre ma port
164 e, survenu peu après, n’est pas encore convaincu. Il prétend que je savais qui allait m’écrire, et que j’avais d’assez bon
165 e est de Pierre Girard, personnage imprévisible s’ il en fut, et je n’avais aucune raison d’attendre qu’il m’écrive. Quant
166 en fut, et je n’avais aucune raison d’attendre qu’ il m’écrive. Quant à l’enveloppe jaune, elle contenait un journal où l’o
167 tendre qu’il m’écrive. Quant à l’enveloppe jaune, elle contenait un journal où l’on revient sur mon pamphlet de l’hiver dern
168 le 16 mars 1942 Réveillé il y a quelques minutes, il est onze heures du matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre es
169 tin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre est- elle pliée en deux ? Ma boite est bien assez profonde pour ce format, le f
170 se est là, pliée. (Une facture de blanchisseur !) Il me semble que la chose ne m’était plus arrivée depuis douze ou treize
171 ien, sinon à vérifier précisément, chaque fois qu’ elle se manifestait, que j’étais déconnecté du monde de l’utile. « Tien
172 mot à âme qui vive (mangé dans des cafétérias où il suffit de désigner du doigt le plat qu’on veut), et ce soir je décide
173 Avenue. La salle étroite et profonde paraît vide. Il doit être environ neuf heures et demie. J’hésite sur le seuil : va-t-
174 se ». L’une des questions était : « Qu’arriverait- il si Jean-Paul devenait pape ? » Et la réponse : « Le pape serait luthé
175 rable. L’un de nous avait écrit : « Qu’arriverait- il si le diable entrait dans cette pièce ? » Le partenaire lut sa répons
176 t. » Et toutes les lumières s’éteignirent. 15. Il s’agit des Méfaits de l’instruction publique , petit ouvrage publié
4 1974, Articles divers (1974-1977). Un modèle pour l’Europe ? (1974)
177 lvètes d’aujourd’hui ne sont pas moins courageux, ils ne craignent même plus la foudre — éventuelle source d’énergie — mais
178 Crainte salutaire, ajouterai-je aussitôt, puisqu’ elle les a si bien gardés jusqu’à ce jour, des utopies de type jacobin, bo
179 , bolchéviste, anarchiste, fasciste ou nazi. Mais il ne faudrait pas que cette modestie les empêche d’assumer leur vocatio
180 estie les empêche d’assumer leur vocation. Lorsqu’ il m’est arrivé de soutenir quelques idées sur le rôle de la Suisse dans
181 sant de grandes idées pour l’avenir du continent, elle n’aurait aucune chance d’être écoutée, ou bien se couvrirait de ridic
182 idicule. » Je persiste à penser, au contraire, qu’ il n’y a pas la moindre proportion de la justesse d’une idée à la taille
183 dépositaires d’une grande idée, dont je crains qu’ ils la comprennent mal, toujours plus mal, après l’avoir si bien pratiqué
184 avant d’être leur « message » (au moins virtuel), elle a été le principe de leur union, la formule de leur identité, la cond
185 tte exportable. C’est le secret de leur réussite. Il faut donc le garder jalousement. Et il ne doit à aucun prix devenir u
186 réussite. Il faut donc le garder jalousement. Et il ne doit à aucun prix devenir un isme, transportable, imitable au-delà
187 orique des institutions dont la Suisse est issue. Il est faux de répéter, comme les manuels de mon enfance, que la Confédé
188 onter des tâches excédant les forces de chacune d’ elles isolément. Solution optimale de ces exigences contradictoires : distr
189 i. Mais avant de s’en faire les promoteurs, comme ils le peuvent et le doivent à mon avis, les Suisses feraient bien de l’a
190 du fédéralisme vivant ! Deuxième erreur. Mais s’ il existe des tâches qui débordent la capacité communale et appellent le
191 épassent le canton et appellent la Confédération, il en existe aussi, et de plus en plus, qui par leurs dimensions (économ
192 u fait qu’à l’instar des nations qui l’entourent, elle est de plus en plus tentée de se considérer comme un État fermé et li
193 t la taille correspond aux dimensions des tâches, elle se comporte à l’égard des pays voisins exactement comme un État-natio
194 États —, ne pourra devenir modèle européen que s’ il accepte de ne pas arrêter son processus aux frontières nationales et
195 je le crains, au demeurant des plus respectables. Elle consiste à juger d’une situation politique ou économique en termes de
196 e vanité, de prudence bourgeoise ou d’orgueil. Or il s’agit ici de choisir une politique, il s’agit donc de rigueur : pens
197 gueil. Or il s’agit ici de choisir une politique, il s’agit donc de rigueur : penser juste devient plus important que « bi
198 dant des États nationaux : notre Conseil fédéral. Il est certain que la formule napoléonienne de l’État-nation souverain,
199 tiennent aucun compte des frontières politiques. Il en va de même pour les réalités écologiques : la pollution industriel
200 ourd’hui des aspects continentaux et régionaux qu’ il est devenu pratiquement impossible de manipuler à l’échelle nationale
201 réels qui se manifestent au niveau des régions : elles pourront notamment mener à bien les recherches les plus coûteuses, qu
202 gions ne sauraient entreprendre pour leur compte. Elles constitueront des banques de données accessibles à tous, à l’inverse
203 au service des gouvernements et des états-majors. Elles seront responsables non pas devant les États nationaux, mais devant u
5 1974, Articles divers (1974-1977). Philosophie du prix littéraire Prince-Pierre-de-Monaco (1974)
204 onaco, je voudrais mettre en valeur celui-ci ; qu’ il partage seul avec le prix Nobel le privilège d’être à la fois littéra
205 e à la fois littéraire et international — mais qu’ il ajoute à cette distinction majeure, celle d’être uniquement de langue
206 de langue française. International et français, «  il faut le faire », disent les jeunes d’aujourd’hui. Mais d’abord, il fa
207 », disent les jeunes d’aujourd’hui. Mais d’abord, il fallait le concevoir. Ce n’était guère possible à Paris, qui a toujou
208 toujours peine à croire qu’au-delà de ses Portes il existe autre chose que des relais vers les résidences secondaires. Il
209 e que des relais vers les résidences secondaires. Il y fallait un petit État gouverné par un grand ami des Lettres, — et c
210 bles. Voyez les statistiques de notre continent : il est régulièrement en tête de liste pour le revenu par habitant, la qu
211 hôpitaux, des écoles, et des brevets d’invention. Il n’est en somme qu’un privilège qu’il doive céder au grand État, c’est
212 d’invention. Il n’est en somme qu’un privilège qu’ il doive céder au grand État, c’est celui de pouvoir faire de grandes gu
213 qu’au-delà des trois-quarts de la France actuelle elle couvre une moitié de la Belgique, un quart de la Suisse, plusieurs va
214 peut-être en Islande, ne s’est jamais produit —, il est d’autres frontières, au sein de la culture même, qu’il importe av
215 autres frontières, au sein de la culture même, qu’ il importe avant tout d’effacer dans nos têtes, et ce sont les frontière
216 i ne sont pas « fictions » — du moins l’affirme-t- il … Or, une fois prise la très saine habitude du survol des frontières
217 rvol des frontières prétendues éternelles, quoiqu’ elles changent tous les cent ans, il n’y a plus de raisons de s’arrêter. Le
218 rnelles, quoiqu’elles changent tous les cent ans, il n’y a plus de raisons de s’arrêter. Le Conseil littéraire de Monaco n
219 s’arrêter. Le Conseil littéraire de Monaco n’a-t- il pas démontré qu’il se riait de la tyrannie des genres, en couronnant,
220 eil littéraire de Monaco n’a-t-il pas démontré qu’ il se riait de la tyrannie des genres, en couronnant, premier d’une séri
6 1974, Articles divers (1974-1977). À propos de Théodore Strawinsky [préface] (1974)
221 arlent des gens de pinceau (ou mieux, de formes), il serait décent qu’au lieu d’en profiter pour jouer les critiques d’art
222 u d’en profiter pour jouer les critiques d’art qu’ ils ne sont pas, ils se contentent de dire en amateurs qu’ils devraient ê
223 our jouer les critiques d’art qu’ils ne sont pas, ils se contentent de dire en amateurs qu’ils devraient être — et quel bea
224 ont pas, ils se contentent de dire en amateurs qu’ ils devraient être — et quel beau titre : celui qui aime ! — ce qu’ils ép
225 e — et quel beau titre : celui qui aime ! — ce qu’ ils éprouvent devant une œuvre. La peinture de Théodore Strawinsky n’exig
226 et pour donner plaisir à voir la médiation, entre elle et l’œil, d’une théorie et d’un jargon. Il n’est donc pas facile d’en
227 ntre elle et l’œil, d’une théorie et d’un jargon. Il n’est donc pas facile d’en parler — et voilà qui est devenu plutôt ra
228 oduits ou objets comportant si peu de peinture qu’ il devient impérieux de suppléer à cette sécheresse par un surabondant a
229 es d’allusions sinistres à la bombe H qui, paraît- il , ne permet plus de peindre un beau paysage ni les yeux à leur place d
230 tent à vrai dire que pour notre œil humain auquel ils n’apparaissent qu’en vertu d’une opération mal explicable, presque ma
231 le sacré, quoi qu’en écrive André Malraux, car s’ il n’est pas un art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’en est pas
232 st pas un art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’en est pas non plus qui ne tire du sacré sa raison d’être indiscuta
233 rentés du père d’ailleurs, dans le petit livre qu’ il publie en 1948, Le Message d’Igor Stravinsky. Sur ce livre, nous poss
234 its tiens. » « Les intérêts spirituels » du père… Il se trouve que j’écris ces lignes à Venise. Et c’est ici que j’ai vécu
7 1974, Articles divers (1974-1977). Recherche pour un modèle de société européenne (février 1974)
235 uère — ne satisfont plus, ne marchent plus, et qu’ il est temps d’inventer mieux. Et en troisième lieu, si l’on recherche u
236 e ; mais bien qu’on la constate différente, et qu’ elle appelle des solutions spécifiques. Ces solutions spécifiques, par la
237 . Ces solutions spécifiques, par la suite, seront- elles valables pour le reste du monde ? Je n’en sais rien et n’ose pas même
238 diale. Car c’est bien de cette crise mondiale qu’ il s’agit aujourd’hui, et avant tout, de s’occuper ; non plus seulement
239 ment son avenir et celui de l’espèce humaine ; et il y est contraint du seul fait qu’il en a, pour la première fois, la li
240 e humaine ; et il y est contraint du seul fait qu’ il en a, pour la première fois, la liberté. Jusqu’à nos jours, depuis l
241 t bien que mal aux divers défis de la nature dont il vivait, défis du corps, défis de l’environnement. Il s’agissait de su
242 vivait, défis du corps, défis de l’environnement. Il s’agissait de survivre, donc de continuer ce qui avait réussi aux plu
243 ’industrie, le cuivre par exemple. Selon les uns, il en reste pour quarante-huit ans, ou pour trente ans, ou pour vingt an
244 eur du Bureau de documentation minière de France, il en reste pour deux millions d’années… Comment, dans ces conditions, a
245 tous les sept ans, et si on leur demande comment ils le savent, ils répondent qu’il s’agit d’un fait scientifiquement étab
246 ans, et si on leur demande comment ils le savent, ils répondent qu’il s’agit d’un fait scientifiquement établi par des calc
247 r demande comment ils le savent, ils répondent qu’ il s’agit d’un fait scientifiquement établi par des calculs irréfutables
248 s être vrai, pour les deux raisons que voici : 1) Il serait déjà très difficile de doubler notre production d’énergie d’ic
249 esponsable, et d’agir sur nos gouvernants pour qu’ ils l’appliquent. De fait, les détenteurs des moyens de décision politiqu
250 out, cela durera bien autant qu’eux… Admettons qu’ il est plus prudent, en tout état de cause, de suivre les futurologues s
251 x plutôt que les promoteurs irresponsables, quand il s’agit de formuler une politique. Or nous voyons que dans leur majori
252 atastrophes, que ce soit à moyen ou à long terme. Ils nous annoncent des désastres en chaîne, des catastrophes en système,
253 llimitée dans un monde dont nous avions oublié qu’ il est irrévocablement limité. C’est la découverte, puis la prise de co
254 i la population continuait à croître à ce rythme, elle dépasserait un milliard de milliards d’âmes dans mille ans d’ici, et
255 ul Ehrlich : De tels calculs devraient, semble-t- il , convaincre même les esprits les plus obtus qu’il faudra bien que la
256 il, convaincre même les esprits les plus obtus qu’ il faudra bien que la croissance démographique s’arrête un jour. La cro
257 issance démographique ne peut pas être illimitée. Il faudra bien que quelque chose l’arrête, un jour ou l’autre. Si l’on n
258 Si l’on ne veut pas que ce soit une catastrophe, il faudra bien que ce soit une libre décision des hommes et des femmes.
259 femmes. Mais où s’arrêter ? quand ? et comment ? Il s’agit de déterminer un optimum, de définir une politique, d’évaluer
260 sinistrose, mais dont je serais tenté de dire qu’ ils pèchent au contraire par excès d’optimisme : car pour spectaculaires
261 ues par leurs méthodes plus ou moins rigoureuses, elles me font bien moins peur que celles dont ils ne parlent pas, et qui so
262 es, elles me font bien moins peur que celles dont ils ne parlent pas, et qui sont liées inexorablement aux succès de la cro
263 ire. C’est le seul moyen de les faire mentir. Car elles ne demandent qu’à être démenties, on peut même dire qu’elles ne sont
264 mandent qu’à être démenties, on peut même dire qu’ elles ne sont là que pour ça. Si on ne les croit pas, parce qu’on les juge
265 croit pas, parce qu’on les juge trop pessimistes, elles vont certainement devenir vraies. Question de calcul. (La pomme qui t
266 vous pouvez calculer au millième de seconde quand elle touchera le sol.) Mais les futurologues ne sont pas tous pessimistes,
267 is les futurologues ne sont pas tous pessimistes, il s’en faut. Les plus connus du grand public, les plus choyés par les p
268 e vingt milliards d’habitants vers 2050. Mais là, il ne s’agit plus à vrai dire de prospective, ni même de marketing, il s
269 à vrai dire de prospective, ni même de marketing, il s’agit simplement de guerre psychologique, de fausses nouvelles délib
270 ion est le plus simple qu’on ait jamais imaginé : il repose entièrement sur la technologie et son évolution la plus probab
271 au cours des vingt à trente années qui viennent. Il s’agit donc de supputer les inventions techniques qui seront faites d
272 dans ce temps, et les conséquences politiques qu’ elles entraîneront. Sans vouloir entreprendre ici la critique d’une pareill
273 page 54 de la traduction française de L’An 2000, ils donnent un bref tableau (n° IV) de ce que leur méthode n’eût pas perm
274 que leur méthode n’eût pas permis de prévoir, si elle eût été appliquée vers 1900. Parmi les événements qu’ils qualifient d
275 été appliquée vers 1900. Parmi les événements qu’ ils qualifient de « surprenants et presque toujours inattendus » on trouv
276 s du xxe siècle, de l’aveu de son propre auteur, elle les aurait ratés. Ils étaient en effet, comme il le dit, « surprenant
277 aveu de son propre auteur, elle les aurait ratés. Ils étaient en effet, comme il le dit, « surprenants et presque toujours
278 lle les aurait ratés. Ils étaient en effet, comme il le dit, « surprenants et presque toujours inattendus ». Ils n’étaient
279 , « surprenants et presque toujours inattendus ». Ils n’étaient en somme pas sérieux, pas scientifiques, puisque pas mesura
280 rieux, pas scientifiques, puisque pas mesurables. Ils étaient simplement… historiques ! Au surplus, qu’ils soient pessimist
281 étaient simplement… historiques ! Au surplus, qu’ ils soient pessimistes comme Meadows, Ehrlich, G. Rattray Taylor, Georg P
282 Jean Dorst, Edward Goldsmith ou René Dubos, ou qu’ ils soient optimistes comme Herman Kahn, quelques PDG de choc à la mode d
283 e paraissent pécher également par l’incapacité où ils se trouvent et parfois se veulent, d’indiquer des remèdes politiques
284 nt, d’indiquer des remèdes politiques aux maux qu’ ils ont calculés, et de se référer à des finalités humaines ou divines qu
285 éfinissent les contraintes que nous devons subir, ils demeurent incapables de fonder la politique de notre avenir prochain,
286 politique de notre avenir prochain, soit parce qu’ ils ne veulent pas choisir ses buts, soit parce qu’ils réduisent tout à l
287 ls ne veulent pas choisir ses buts, soit parce qu’ ils réduisent tout à la technologie. Ni les uns ni les autres n’auraient
288 e à moteur. « Ce fut mon chemin de Damas », écrit- il cinquante ans plus tard. Depuis l’instant où il aperçut cette « machi
289 t-il cinquante ans plus tard. Depuis l’instant où il aperçut cette « machine de route », sa grande et constante ambition f
290 l’adapter à la « science militaire ».) À 24 ans, il fonde une fabrique. Il vend très peu : « Il n’y avait pas de demande
291 ce militaire ».) À 24 ans, il fonde une fabrique. Il vend très peu : « Il n’y avait pas de demande pour les automobiles »,
292 ans, il fonde une fabrique. Il vend très peu : «  Il n’y avait pas de demande pour les automobiles », écrit-il simplement
293 vait pas de demande pour les automobiles », écrit- il simplement dans ses mémoires. Il parle même d’une « répugnance pour l
294 mobiles », écrit-il simplement dans ses mémoires. Il parle même d’une « répugnance pour la machine » dans le public. Puis
295 des automobiles Ford. Dans sa première publicité, il écrit que l’auto « peut vous mener n’importe où il vous plaît d’aller
296 l écrit que l’auto « peut vous mener n’importe où il vous plaît d’aller… pour vous reposer le cerveau par de longues prome
297 e et laid, mais bon marché et destiné à la masse. Il ne cessera de faire baisser son prix au fur et à mesure de l’accroiss
298 es. (C’est l’idée de la VW sous Hitler !) En 1908 il vend 10 000 voitures. En 1910, 35 000. En 1924, il fabrique 7500 voit
299 l vend 10 000 voitures. En 1910, 35 000. En 1924, il fabrique 7500 voitures par jour. Aujourd’hui, les USA produisent douz
300 le domine l’évolution mondiale des industries. Or elle est née, cette industrie n° 1, du fantasme d’un adolescent fugueur, f
301 ne nécessité primordiale pour l’homme occidental. Elle devait servir les loisirs, elle mène d’abord au bureau, à l’usine. El
302 homme occidental. Elle devait servir les loisirs, elle mène d’abord au bureau, à l’usine. Elle devait « rafraîchir les poumo
303 loisirs, elle mène d’abord au bureau, à l’usine. Elle devait « rafraîchir les poumons », elle les pollue et cancérise. Elle
304 l’usine. Elle devait « rafraîchir les poumons », elle les pollue et cancérise. Elle devait permettre d’aller vite, et elle
305 chir les poumons », elle les pollue et cancérise. Elle devait permettre d’aller vite, et elle ne fait que du 4 km à l’heure
306 cancérise. Elle devait permettre d’aller vite, et elle ne fait que du 4 km à l’heure dans le centre de nos grandes villes, q
307 l’heure dans le centre de nos grandes villes, qu’ elle asphyxie. Elle devait révéler la campagne et la solitude, elle les tu
308 e centre de nos grandes villes, qu’elle asphyxie. Elle devait révéler la campagne et la solitude, elle les tue d’une manière
309 . Elle devait révéler la campagne et la solitude, elle les tue d’une manière irréversible. Car pour elle, on bétonne les cam
310 elle les tue d’une manière irréversible. Car pour elle , on bétonne les campagnes (18 % de la Hollande déjà) et c’est autant
311 semaines pour des centaines de milliers d’années. Elle devait libérer l’homme, elle l’asservit. Ivan Illich a calculé que l’
312 e milliers d’années. Elle devait libérer l’homme, elle l’asservit. Ivan Illich a calculé que l’Américain moyen qui roule ses
313 les méfaits en chaîne produits par l’auto. Comme elle ne marche pas encore sans pétrole, et que le pétrole consommé par l’E
314 e dimanche. Or cette circulation quasi sacrée, qu’ il faut sauver à n’importe quel prix, elle fait bon an mal an 280 000 mo
315 sacrée, qu’il faut sauver à n’importe quel prix, elle fait bon an mal an 280 000 morts chaque année dans le monde, et plus
316 ais il y a plus grave. B. de Jouvenel a montré qu’ elle stérilise les bases de la démocratie en transformant les places en pa
317 la General Motors et la Société Ford elle-même, s’ ils le voulaient. Et voilà la boucle bouclée. Résumons-nous : vers 1890,
318 e-socialiste ou fasciste, ou même stalinienne, qu’ ils jugent « inattendues », aberrantes, erronées, — mais qui hélas ont fa
319 me, qui se manifestent déjà en Allemagne, et dont il annonce le sinistre avènement européen. Sur la trace de ces maîtres,
320 par les jacobins et imposé d’abord par Napoléon. Ils voient dans l’État totalitaire l’achèvement logique de nos États-nati
321 nquante ans aux dépens des communautés réelles qu’ ils ont enfermées dans leurs frontières, mises au pas, uniformisées et vi
322 —, du seul fait que les dictateurs proclament qu’ ils apportent une réponse au grand appel qui monte de leur peuple vers un
323 ls qui en avaient les moyens. Et vous voyez ce qu’ ils en ont fait. Ils ont géré et détruit ses ressources en vue de leur se
324 les moyens. Et vous voyez ce qu’ils en ont fait. Ils ont géré et détruit ses ressources en vue de leur seule puissance et
325 estige ; en vue de la guerre, dont tous sont nés. Ils ont créé l’économie industrielle sur la base et dans le cadre, d’aill
326 nationales, et pour leurs seuls intérêts, fussent- ils contraires aux intérêts de leurs habitants et de l’humanité en généra
327 irections majeures : nous voyons maintenant ce qu’ il s’agit de changer dans notre société européenne : c’est le modèle sta
328 to-national. Et nous voyons dans quelle direction il faut aller : celle qui nous permettra de refaire une communauté, des
329 utés, au-delà de l’État-nation, et en deçà. Comme il convient quand on présente une recherche, je ne saurais anticiper sur
330 titue le point de départ obligé de cette enquête. Elle pose en soi un problème très sérieux, voire formidable. Nous avons ét
331 t l’aboutissement suprême de toute l’histoire. Qu’ il n’y a rien à imaginer au-delà. Et nous en avons persuadé la terre ent
332 ons, dont les deux tiers sont nés au xxe siècle. Ils se touchent tous : plus de jeu, plus de vide entre eux. Que faire con
333 es mesures d’union proposées au plan européen, qu’ il s’agisse du rejet de la CED, ou du veto opposé par certains pays à to
334 bien la faiblesse réelle de l’État-nation ; tant il est clair qu’aucun problème écologique ne se laisse définir par nos f
335 les que langue et sous-sol, économie et histoire. Il faudrait un miracle pour que ces réalités coïncident dans l’espace, c
336 l et de la culture serait proprement délirante si elle ne s’expliquait pas nécessairement par la guerre. Elle n’est plus ten
337 ne s’expliquait pas nécessairement par la guerre. Elle n’est plus tenable au xxe siècle. L’État-nation ne répond plus aux p
338 ur offrir une structure de participation civique. Il faut donc le dépasser par en haut et par en bas, par la fédération co
339 ulture, et aux valeurs souvent contradictoires qu’ elle a héritées de la Grèce, de Rome, de Jérusalem, des Celtes, des Germai
340 structure de participation civique à la personne, elle implique la valorisation des petites communautés. Là seulement l’homm
341 ’homme peut être vraiment libre, car là seulement il est vraiment responsable. Jean-Jacques Rousseau l’avait déjà bien vu
342 s bien dit dans le Contrat social, au chapitre où il démontre que plus une cité s’agrandit, moins ses citoyens ont de pris
343 e tout ordre, à tel point que dans un grand pays, il n’y a plus que quelques ministres tout puissants, et dans un très gra
8 1974, Articles divers (1974-1977). L’Europe des régions (juin-juillet 1974)
344 in-juillet 1974)e f Le mal stato-national Il semble que deux de vos thèmes principaux traversent actuellement une
345 ope. La simultanéité de cette remise en cause est- elle purement fortuite ? Je ne pense pas qu’il y ait une crise de la notio
346 éonien qui s’oppose aux régions et propose contre elles sa « régionalisation » autoritaire. Quant à la simultanéité des deux
347 ire. Quant à la simultanéité des deux phénomènes, elle n’est aucunement fortuite ; à mesure que les frontières s’abaissent,
348 us spectaculaire, le plus bruyant aussi, parce qu’ il se traduit souvent par des explosions de plastic — l’aspect ethnique
349 1961 a commencé à étudier la question régionale ; il a dressé une carte provisoire des Six ; et cela donnait par exemple p
350 ral de Gaulle lorsque, dans son discours de Lyon, il passait en revue les relations que devaient entretenir les régions fr
351 ntéressantes de l’Europe sont transfrontalières ; elles ne sont pas ethniques. Elles le sont dans certains cas, où vous avez
352 transfrontalières ; elles ne sont pas ethniques. Elles le sont dans certains cas, où vous avez par exemple les Basques et le
353 dans des régions ethniques et transfrontalières. Ils ne sont nullement séparés, mais au contraire reliés par les Pyrénées.
354 Admettons cela ; mais alors pourquoi le Rhône est- il un lien naturel entre la Provence et les gens qui habitent du côté du
355 c beaucoup de gens, au lendemain de la guerre, qu’ il était vital de « faire l’Europe » comme on disait, d’arriver à une un
356 s’aperçoit que les régions resurgissent, soit qu’ il s’agisse d’anciennes provinces dont le relief avait été effacé par le
357 é effacé par le bulldozer du jacobinisme, soit qu’ il s’agisse de régions nouvelles, ou créées par l’économie et par des ré
358 : les Bretons réclament une région Bretagne, mais ils sont obligés de constater que le Breton n’est parlé que dans une part
359 ère commune qui serait un mini-État-nation. Ce qu’ il nous faut éviter à tout prix. Je pense que faire en Europe 300 mini É
360 région aujourd’hui est beaucoup plus complexe. Qu’ elle peut être économique aussi bien qu’ethnique, qu’elle peut être une qu
361 e peut être économique aussi bien qu’ethnique, qu’ elle peut être une question de tradition, ou de développement nouveau, d’o
362 part celle de l’Europe. C’est absolument lié. Est- il possible de construire l’Europe par une association des différents Ét
363 parfaitement clair : ou bien on fait l’Europe et il faut abandonner la formule des États-nations à souveraineté illimitée
364 illimitée et se tourner vers les régions. Ou bien il faut avouer qu’on ne veut pas faire l’Europe ; et il faut savoir auss
365 faut avouer qu’on ne veut pas faire l’Europe ; et il faut savoir aussi ce que ça signifierait : la colonisation de l’Europ
366 e je suis antiaméricain ou que je suis antirusse, il faut ne pas se tromper là-dessus. Je pense que la colonisation est un
367 es à un autre pour son sort quotidien, pour ce qu’ il doit penser, pour ce qu’il doit acheter, pour ce qu’il doit cultiver,
368 quotidien, pour ce qu’il doit penser, pour ce qu’ il doit acheter, pour ce qu’il doit cultiver, alors il est perdu. C’est
369 it penser, pour ce qu’il doit acheter, pour ce qu’ il doit cultiver, alors il est perdu. C’est la décadence totale d’un peu
370 doit acheter, pour ce qu’il doit cultiver, alors il est perdu. C’est la décadence totale d’un peuple ; c’est ce que l’on
371 diction fondamentale ? Je ne pense pas du tout qu’ il faille renverser les États-nations, ni qu’on puisse faire l’Europe d’
372 peut pas renverser notre système actuel, parce qu’ il n’a pas de principe de cohérence interne. Il ne s’agit pas de le renv
373 e qu’il n’a pas de principe de cohérence interne. Il ne s’agit pas de le renverser, vous ne sauriez par où le prendre. La
374 rcer les pouvoirs de l’État. Mais alors, que faut- il faire ? Il faut créer une autre Europe, parallèle, une Europe des réa
375 uvoirs de l’État. Mais alors, que faut-il faire ? Il faut créer une autre Europe, parallèle, une Europe des réalités. À mo
376 s États-nations est une Europe des mythes, puisqu’ elle repose sur le mythe de la souveraineté nationale, mythe qui a explosé
377 er et par un grognement de l’ours russe. Eh bien, il a été démontré ce jour-là que la souveraineté nationale absolue était
378 des nouvelles institutions régionales en France, il va falloir les faire fonctionner et peut-être les faire évoluer… Il y
379 en place » des organismes régionaux. À mon sens, elle symbolise, certainement pas dans votre esprit, mais dans celui des ge
380 ançaises actuelles ont toutes été faites à Paris, elles ont été préfabriquées dans les bureaux indépendamment de toute consul
381 Ça, je crois que c’est incontestable. À mon sens, il aurait fallu faire exactement le contraire et on sera bien obligé de
382 sera bien obligé de le faire un jour ou l’autre. Il aurait fallu une étude des besoins d’une population, de la conscience
383 lation, de la conscience actuelle ou virtuelle qu’ elle a d’une région. Des possibilités de solutions qui pourraient être don
384 ir comment on pourrait organiser ces régions, car il faut un minimum d’organisation administrative, quitte (je vais y reve
385 ctions, suivant la nature du problème à résoudre. Il faut chercher partout, comme à tâtons, le relief des problèmes, les v
386 s problèmes, les voir se soulever, se définir, et il faut se décider d’après ça, et non pas prendre une carte et quelques
387 se un peu les gens qui défendent ce point de vue, ils finissent par me dire « il faut qu’une région en France soit compétit
388 dent ce point de vue, ils finissent par me dire «  il faut qu’une région en France soit compétitive avec un Land allemand »
389 ns-nous créer et animer des régions ? Je pense qu’ il faut être bien conscient des finalités qu’on donne à la création des
390 ments français n’ont su dire qu’une chose — ce qu’ elle ne devait pas être : ni une atteinte à l’unité nationale, ni une comm
391 erre d’attente de l’Europe fédérale. Quand diront- ils ce qu’elle doit être ? Ce qu’il y a de plus grave dans les États-nati
392 ente de l’Europe fédérale. Quand diront-ils ce qu’ elle doit être ? Ce qu’il y a de plus grave dans les États-nations actuels
393 dans les États-nations actuels, c’est surtout qu’ ils laissent le citoyen dans un vide civique, dans un « no man’s land » o
394 ans un vide civique, dans un « no man’s land » où il se sent totalement impuissant sur tous les mécanismes politiques, éco
395 ires, techniques, et à tous les degrés de sa vie. Il se trouve pris dans un réseau de nécessités techniques, économiques,
396 sont aussi morbides l’un que l’autre. Contre cela il faut recréer des communautés, et voilà le principal motif de faire de
397 traditionnelles, systématiquement, consciemment. Il fallait que « le coup électrique de la Raison » donné par la commune
398 t-là, non seulement empêche la participation mais il s’y oppose. Il a supprimé tous les pouvoirs des communes. Les commune
399 ment empêche la participation mais il s’y oppose. Il a supprimé tous les pouvoirs des communes. Les communes devraient-ell
400 les pouvoirs des communes. Les communes devraient- elles reprendre le pouvoir ? Je ne suis pas du tout d’accord avec le terme
401 t là que je me sépare radicalement des marxistes. Ils croient qu’une fois leur Parti au pouvoir, c’est-à-dire maître de l’É
402 voir, c’est-à-dire maître de l’État — c’est ce qu’ ils appellent la dictature du prolétariat — l’État dépérira nécessairemen
403 ement. Toute l’histoire du xxe siècle le dément. Il est devenu évident que l’État est plus fort que les hommes qui croien
404 lus fort que les hommes qui croient s’en emparer. Il les digère, il les phagocyte, quelle que soit leur idéologie, marxist
405 s hommes qui croient s’en emparer. Il les digère, il les phagocyte, quelle que soit leur idéologie, marxiste ou capitalist
406 ion du marxisme d’avant-hier. La vérité, c’est qu’ il n’y a plus de pouvoir aujourd’hui. Voilà le drame. Nous avons à créer
407 En effet, si l’État-nation n’était pas en crise, il n’y aurait pas de sociétés multinationales. C’est parce que l’État-na
408 rres : les armées se sont arrêtées par hasard là. Il n’y a aucune espèce de raison que ça coïncide avec un espace économiq
409 ncide avec un espace économique raisonnable. Donc il est fatal que le développement même de l’industrie et du commerce con
410 ontinent. Ayant pour but le profit et le pouvoir, elles se dirigent naturellement vers l’État, et vers les organes de l’État
411 moment donné paraît contraire à leurs intérêts, [ elles ] le renversent ce qui revient au même. Disons qu’il n’y a pas seuleme
412 ] le renversent ce qui revient au même. Disons qu’ il n’y a pas seulement des sociétés américaines mais aussi beaucoup de s
413 troliers, et ça embarrasse beaucoup de gens. Mais il existe des sociétés qui ont un tout autre mode de développement, qui
414 développement, qui s’adaptent au pays dans lequel elles s’installent et qui sont obligées par la nature même de leurs activit
415 ucune espèce d’intérêt politique dans les pays où elle opère ; elle s’intègre à la coutume agricole, elle peut même l’amélio
416 d’intérêt politique dans les pays où elle opère ; elle s’intègre à la coutume agricole, elle peut même l’améliorer, et jouer
417 lle opère ; elle s’intègre à la coutume agricole, elle peut même l’améliorer, et jouer un rôle d’aide technique. Quoi de com
418 de commun avec ITT ou les pétroliers ? Unilever, elle , me paraît entre les deux ; Unilever n’est pas liée à des histoires m
419 st pas liée à des histoires militaires comme ITT. Il n’y a pas seulement des histoires militaires… Aussi, je vous demande
420 s pétroliers font davantage la loi à Bruxelles qu’ ils ne la font à Paris. Précisément, vis-à-vis des multinationales du typ
421 nationales du type que j’appellerai colonisateur, il s’agit de trouver un pouvoir qui pourrait les freiner, les forcer à s
422 tégrer ou à respecter des communautés humaines qu’ elles bafouent ouvertement aujourd’hui. Il y en aurait deux : le premier se
423 maines qu’elles bafouent ouvertement aujourd’hui. Il y en aurait deux : le premier serait un pouvoir continental qui serai
424 antique du mot, à l’intérieur d’un pays, alors qu’ elles subsistent à l’extérieur comme frontières étatiques. À part cela, il
425 xtérieur comme frontières étatiques. À part cela, il n’y a aucune espèce de différence. Le phénomène contre lequel il faut
426 espèce de différence. Le phénomène contre lequel il faut se défendre, c’est celui des trop grandes sociétés, mal adaptées
427 ociétés, mal adaptées aux régions dans lesquelles elles viennent s’implanter et qui n’y cherchent que leur profit. Ce que je
428 La croissance économique Alors cela signifie-t- il qu’il faille trouver un nouveau mode de croissance économique ? Vous
429 issance économique Alors cela signifie-t-il qu’ il faille trouver un nouveau mode de croissance économique ? Vous faite
430 — je dirais presque antinomiques — en tous cas qu’ il est très dangereux de confondre. La croissance biologique, végétale o
431 tionnaires de notre civilisation. Je m’explique : il faut être absolument clair là-dessus. La croissance du vivant est aut
432 qui augmente indéfiniment, mécaniquement, tant qu’ elle ne bute pas sur un obstacle extérieur ; elle n’a rien en elle-même qu
433 t qu’elle ne bute pas sur un obstacle extérieur ; elle n’a rien en elle-même qui la règle. Elle peut conduire à toutes les m
434 érieur ; elle n’a rien en elle-même qui la règle. Elle peut conduire à toutes les monstruosités, à toutes les démesures, com
435 ur de 2000 m vers 40 ans, à la seule condition qu’ il puisse se nourrir assez et ne se heurte pas à des obstacles insurmont
436 toute espèce de réalité humaine praticable et qu’ elles monteraient très vite. Qu’elles parviendraient d’ici à la fin du sièc
437 praticable et qu’elles monteraient très vite. Qu’ elles parviendraient d’ici à la fin du siècle, à des altitudes irrespirable
438 tte assertion que j’entendais répéter partout : «  il nous faut faire des centrales nucléaires ; c’est un impératif techniq
439 double tous les sept ans ? Savez-vous par combien il faut la multiplier dans moins de cent ans, c’est-à-dire dans quatre-v
440 ns, c’est-à-dire dans quatre-vingt-dix-huit ans ? Il faut la multiplier par 16 384, ce qui est dément : on ne peut transfo
441 former toute la substance de la terre en énergie. Il faudra bien s’arrêter un jour, alors, autant y penser tout de suite.
442 er un jour, alors, autant y penser tout de suite. Il me paraît essentiel pour tout ce qui touche les régions, de nous rend
443 mesure humaine qui puisse diriger une politique, il faut absolument abandonner ça, et nous nous apercevons très vite que
444 mécanismes de croissance par la régionalisation. Il faut proportionner la production et l’aménager conformément à la fina
445 risé par les auteurs depuis une dizaine d’années. Ils disaient tous avec mépris : « c’est de l’intérêt local, ou c’est de l
446 alité d’aujourd’hui n’est pas tout à fait exacte. Il n’est pas exact de dire que les gens ne sont motivés que par des ques
447 de « fric » ou de pouvoir d’achat. Naturellement ils y attachent une grande importance parce qu’ils croient à la publicité
448 nt ils y attachent une grande importance parce qu’ ils croient à la publicité. On leur dit à la radio, à la télé, qu’ils ne
449 publicité. On leur dit à la radio, à la télé, qu’ ils ne peuvent pas vivre heureux s’ils n’achètent pas tel ou tel produit.
450 à la télé, qu’ils ne peuvent pas vivre heureux s’ ils n’achètent pas tel ou tel produit. Ils finissent par le croire et par
451 heureux s’ils n’achètent pas tel ou tel produit. Ils finissent par le croire et par vouloir gagner de l’argent pour se l’a
452 par vouloir gagner de l’argent pour se l’acheter. Il suffit d’un changement dans l’information des gens pour amener un cha
453 rmait l’opinion, où les gens se rencontraient, où ils formaient spontanément des groupes, où l’on pouvait parler à un incon
454 que quelqu’un prétend leur apporter une réponse, ils marchent. Ils ont marché pour Hitler, sans autre raison que celle-là.
455 prétend leur apporter une réponse, ils marchent. Ils ont marché pour Hitler, sans autre raison que celle-là. Il leur disai
456 rché pour Hitler, sans autre raison que celle-là. Il leur disait : « Suivez-moi et vous serez tous ensemble. » Et cela suf
457 e. » Et cela suffisait à tout justifier pour eux. Ils étaient là, tous, le bras levé, à hurler en cadence, et ils se sentai
458 t là, tous, le bras levé, à hurler en cadence, et ils se sentaient ensemble. Ils avaient une raison de vivre pendant ce tem
459 hurler en cadence, et ils se sentaient ensemble. Ils avaient une raison de vivre pendant ce temps. Cela vous ne pouvez le
460 s gens n’ont plus de raison de vivre personnelle. Il ne s’agit pas de refaire le coup d’Hitler ou le coup de Mussolini, il
461 refaire le coup d’Hitler ou le coup de Mussolini, il ne faut pas essayer de recréer une communauté par en haut, par un seu
462 osant comme un cadre de l’extérieur sur les gens. Il faut faire le contraire, c’est-à-dire faire sortir la communauté du s
463 es… Et les racines, pour vous, c’est la commune ? Il faut donc commencer par la commune ? Oui ; peut-être par plus petit q
464 e grande stabilité, vue de l’extérieur, en Suisse il n’y a plus qu’un homme sur trois qui habite dans sa commune d’origine
465 cantons, et les autres sont des étrangers. Donc, il n’y a plus qu’une minorité de Genevois. Chose étrange, les mœurs poli
466 i pour des raisons tout à fait mystérieuses, dont il faudrait que les sociologues s’occupent un jour pour voir comment se
467 ysan lié à la terre, c’est un grand malheur. Et s’ il est purement nomade, aussi. Mon idée de l’homme complet, la personne,
468 en tension entre des aspirations contradictoires. Il a besoin de se sentir chez lui quelque part et il a besoin de circule
469 Il a besoin de se sentir chez lui quelque part et il a besoin de circuler. Besoin de communauté et besoin de solitude. Est
470 — montrent la grande sagesse des Grecs : à Milet, ils avaient décidé que, lorsque la population approcherait des 100 000 ha
471 ait 25 km de rues éclairées toute la nuit mais où il était devenu impossible de se promener sans armes. Et ces villes natu
472 villes naturellement n’étaient plus des communes. Il n’y avait plus l’agora sur laquelle les gens pouvaient se réunir : il
473 agora sur laquelle les gens pouvaient se réunir : il fallait déléguer les pouvoirs. Les gens se réunissaient par quartier
474 éunissaient par quartier selon leurs professions. Ils étaient mis à l’écart de la communauté, celle-ci était alors gérée pa
475 tes, américains surtout, et anglais également, qu’ il faut absolument en revenir aux formules communales. On ne peut pas dé
476 larges avenues qui servent au défilé des troupes, elles peuvent aussi être balayées par les tirs des soldats de la garde en c
477 ure d’une ville, quel est le système politique qu’ elle représente. Dans le développement de quel système politique voyez-vo
478 c’est la caserne, comme tout le monde l’a dit, et il faut prendre cela au sens le plus précis du terme, c’est-à-dire que l
479 a cité. Ce qui se fait est fait par les autres («  Ils  », l’État). On les subit. Tout ce que l’on peut, c’est se révolter de
480 rbanisme pourrions-nous inventer collectivement ? Il faut faire des villes petites, et très nombreuses. Mais une chose trè
481 l’on continue, comme on l’a fait jusqu’à présent, il se pourrait bien que l’on arrive à des désastres, qui sont calculable
482 nir est notre affaire » Tous ces sujets seront- ils abordés dans votre prochain livre ? C’est essentiellement ce titre qu
483  ». Comme de toutes ces choses dont nous parlons, il faut faire comprendre aux jeunes aujourd’hui que c’est leur affaire.
484 Mais, il y a d’autres motivations, chez nous, qu’ il faudrait développer. Justement le désir d’être responsable, d’être di
485 terme d’atelier au sens où Proudhon l’entendait. Il disait : « il y a deux types d’ateliers : l’atelier de communauté, l’
486 r dans tous les secteurs, dans tous les domaines, elle doit surtout s’exercer au niveau politique, au niveau de l’administra
487 formule des fédérations est extrêmement simple : elle consiste à faire coïncider les niveaux de décisions dans tous les dom
488 ider ces dimensions avec celles de la communauté. Il faut trouver une adéquation de la dimension des tâches et de la dimen
489 édéralisme : que chacun fasse à son niveau, ce qu’ il est capable de faire et que, pour ce qui dépasse son niveau, il s’uni
490 de faire et que, pour ce qui dépasse son niveau, il s’unisse à d’autres. Qu’il ne se fédère que pour cela, et non pour co
491 ui dépasse son niveau, il s’unisse à d’autres. Qu’ il ne se fédère que pour cela, et non pour constituer une puissance tell
492 ert à faire n’importe quoi, surtout la guerre. Qu’ il se fédère pour des fonctions bien définies. Mais alors là, sans réser
493 vant : « À l’heure où l’Europe est en crise comme elle ne l’a jamais été — crise de croissance ou crise mortelle, nul ne le
494 ssance ou crise mortelle, nul ne le sait encore — il nous est apparu indispensable de donner la parole à l’un des “pères d
495 servateur de l’Europe et de l’Occident. L’Europe, il doit à Hitler d’en avoir saisi le génie lorsque, contraint de quitter
496 i, trop francophile et par là même compromettant, il a dû se réfugier aux États-Unis. C’est outre-Atlantique qu’il a décou
497 éfugier aux États-Unis. C’est outre-Atlantique qu’ il a découvert a contrario l’originalité de notre continent. Denis de Ro
498 istorien est un futurologue passionné d’écologie, il croit qu’aucune fatalité ne pèse sur nos sociétés et que nous sommes
499 nous sommes maîtres de notre destin. C’est ce qu’ il dira prochainement dans son ouvrage intitulé L’Avenir est notre affa
9 1974, Articles divers (1974-1977). Surréalisme : un jeu qui dure depuis 50 ans (7-8 septembre 1974)
500 es, jamais la drogue. Breton ne l’eût pas toléré. Il régnait parmi nous une certaine tenue et une grande liberté de ton. N
501 des questions et des réponses, que je préférais. Il se jouait par paires. L’un écrivait trois questions : qu’est-ce que c
502 : qu’est-ce que ceci ou cela ? ou : qu’arriverait- il si… ? Et l’autre, en même temps, écrivait trois réponses. Puis on lis
503 qui jouait avec moi avait écrit : « Qu’arriverait- il si le diable entrait dans cette pièce ? » Je lus ma réponse : « Toute
504 maison. La crise de l’énergie Cela vous est- il arrivé depuis ? Oui, dans des circonstances assez différentes. Je don
505 ent parlé de ce livre, que j’ai écrit à New York. Il se demandait comment un homme qui croit en Dieu pouvait avoir des rel
506 , les dons médiumniques, la parapsychologie. Mais il était le contraire d’un médium. Au fond, c’était un dogmatique subver
507 c’est à Consuelo, c’est à Barbara, etc. » Y avait- il d’autres jeux ? Oui, par exemple celui qui consiste à qualifier chacu
508 eux adjectifs, l’un louangeur, l’autre péjoratif. Il a donné lieu parfois à des scènes terribles, quand Breton n’était pas
509 é, que Breton avait baptisé « le nouveau Hegel ». Il fit le tour de l’assistance, distribuant très vite — c’était la règle
510 — les adjectifs flatteurs et dépréciatifs. Lorsqu’ il arriva devant Claude Lévi-Strauss, il lui adressa un adjectif louange
511 ifs. Lorsqu’il arriva devant Claude Lévi-Strauss, il lui adressa un adjectif louangeur que j’ai oublié, puis il le traita
512 ressa un adjectif louangeur que j’ai oublié, puis il le traita de « calomniateur de Freud » parce que Lévi-Strauss venait
513 sa le personnage sur l’heure : « Sortez ! tonna-t- il . Et je me réjouis de ne plus jamais rencontrer sur mon chemin votre s
514 e peut guère pardonner à Breton, cette faculté qu’ il avait d’insulter les gens sans aucune espèce de « raison ». En fait,
515 après la sortie du « coupable », on s’aperçut qu’ il restait 21 personnes dans la salle… La « victime » avait été sacrifié
516 es ont célébré les villes modernes. Breton aimait- il New York ? Pour eux, la ville moderne, c’était Paris, si curieux que
517 que cela paraisse. Breton détestait New York, qu’ il trouvait vide, artificiel, sans âme. Je me rappelle un dimanche matin
518 quand je me suis trouvé pile devant André Breton. Il marchait tête levée, regardant les nuages entre les gratte-ciel. Il s
519 evée, regardant les nuages entre les gratte-ciel. Il s’arrêta et me dit, après un silence : « Et pourquoi ne ferait-on pas
520 on dédiée au culte d’une pierre bleue ? » Et puis il est reparti. L’incident trahit quelque chose chez lui. Il a passé tou
521 eparti. L’incident trahit quelque chose chez lui. Il a passé toute sa vie à une religion [sic] qui n’aurait pas été le chr
522 ic] qui n’aurait pas été le christianisme et dont il aurait été un des grands prêtres. Un jour, nous parlions des sectes c
523 , nous parlions des sectes cathares, avec un ami. Il écoutait d’une oreille, et brusquement il s’est tourné vers nous : « 
524 un ami. Il écoutait d’une oreille, et brusquement il s’est tourné vers nous : « Voilà, dit-il, une Église où j’aurais pu ê
525 squement il s’est tourné vers nous : « Voilà, dit- il , une Église où j’aurais pu être évêque ! » i. Rougemont Denis de,
526 York pendant la dernière guerre, au cours duquel il rencontra André Breton, Marcel Duchamp et leurs amis. D’une conversat
527 u “cadavre exquis”, poèmes ou dessins collectifs. Il y en a beaucoup d’autres. »
10 1975, Articles divers (1974-1977). Notre complexe de culpabilité (1975)
528 me celui des riches et de l’Occident en général), il m’a semblé que l’inquiétude suisse s’expliquait par trois groupes de
529 tre coin ? (Motif accessoire : faisons-nous ce qu’ il faut pour garder notre rang ?) Inquiétude du patriote : dans le monde
530 s les plus typiques de l’esprit suisse en tant qu’ il s’exprime par le livre, le théâtre, l’enquête sociologique et les édi
531 C’est le seul record qui nous reste, d’ailleurs.) Il paraîtrait que les Suisses ne cessent de répéter : « Y en a point com
532 maient que les autres suisses pensent ainsi et qu’ ils ont tort. Au bout du compte, c’est une propension à l’anxiété, voire
533 est français, sauf le régime au pouvoir (quel qu’ il soit). L’intellectuel suisse, c’est à peu près le contraire. Les moti
534 t met en cause, mais plutôt ses concitoyens. Sont- ils à la hauteur de leurs institutions ? Méritent-ils leurs privilèges ?
535 ils à la hauteur de leurs institutions ? Méritent- ils leurs privilèges ? Ne sont-ils pas en train de s’enliser dans un épai
536 tutions ? Méritent-ils leurs privilèges ? Ne sont- ils pas en train de s’enliser dans un épais matérialisme, et dans un égoï
537 lière sur le chapitre des indignations morales qu’ ils opposent au moralisme « embourgeoisé » et « hypocrite » des « soi-dis
538 essistes, éveilleraient peu d’échos populaires si elles ne se trouvaient coïncider avec un sentiment diffus, presque inconsci
539 e siècle : une sorte de complexe de culpabilité. Il s’est noué pendant la Première Guerre mondiale. « Neutres, mais non p
540 s publicistes, qui surcompensaient le reproche qu’ ils devinaient chez le voisin français par des outrances verbales contre
541 grandes puissances notre reconnaissance de ce qu’ elles nous dispensent de nous mêler à leurs sanglants différends. Par notre
542 stie, nous payons à l’Europe blessée le tribut qu’ il convient de payer à la douleur : le respect. Enfin, par notre modesti
543 rs de l’Histoire. Considérant les autres peuples, ils se réjouissent de leur liberté et de leur sagesse. Ce sont, par natur
544 ens de la politique, qui remercient Dieu de ce qu’ ils ne sont pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite mais
545 es. Le Suisse est assis dans sa petite maison, et il regarde par sa petite fenêtre, et se réjouit de voir les étrangers ve
546 r la belle et libre Helvétie. Peut-être lui plaît- il aussi d’entreprendre quelque œuvre de secours, d’adopter en temps de
547 r-dessus le marché, un bienfaiteur de l’humanité. Il ne connaît et n’aime aucun problème extrême, et par suite, aucun part
548 es concepts théologiques17 dont je ne vois pas qu’ ils trouvent dans le cas du « malaise suisse » une application pertinente
549 ez ceux qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle est une mesure politique — expédient rendu nécessaire par l’absence d
550 solution et empêche même d’en trouver une, car si elle est un péché, il faut le révoquer, ou si elle nous fait tomber dans l
551 même d’en trouver une, car si elle est un péché, il faut le révoquer, ou si elle nous fait tomber dans le péché, il faut
552 si elle est un péché, il faut le révoquer, ou si elle nous fait tomber dans le péché, il faut « l’arracher et la jeter loin
553 oquer, ou si elle nous fait tomber dans le péché, il faut « l’arracher et la jeter loin de nous », sur-le-champ, sans demi
554 loin de nous », sur-le-champ, sans demi-mesure : il faut participer aux guerres. Il eût fallu se battre contre Hitler, ou
555 ans demi-mesure : il faut participer aux guerres. Il eût fallu se battre contre Hitler, ou voler au secours de Budapest, —
556 atriotes d’être « spectateurs de l’Histoire » ! S’ il s’avère au contraire que la neutralité peut se justifier dans bien de
557 t puis les vrais problèmes se posent, ou plutôt : ils sont encore là, attendant qu’on les examine une fois passés nos exame
558 mprise. Notre fédéralisme est compromis, et ce qu’ il en reste freine l’élan des entreprises. Est-ce qu’il y aura une place
559 ue j’ai cités ne changeront rien à l’évolution qu’ ils dénoncent, tant qu’ils n’ouvriront pas les voies d’un dépassement de
560 ront rien à l’évolution qu’ils dénoncent, tant qu’ ils n’ouvriront pas les voies d’un dépassement de nos petitesses. « Besoi
561 gémit Ramuz, crispé. Mais démontrer aux hommes qu’ ils voient trop court n’est pas le meilleur moyen de les libérer. Il faud
562 court n’est pas le meilleur moyen de les libérer. Il faudrait leur montrer des horizons plus vastes, qui soient les leurs.
563 oient les leurs. Mieux vaudrait donc, me semble-t- il , proposer que les Suisses s’élèvent à la hauteur de leur régime fédér
564 s un seul de leurs censeurs n’a jamais suggéré qu’ ils l’échangent contre un régime totalement différent, communiste ou fasc
565 ommunauté peu croyable mais vraie — ce miracle qu’ il faut traduire en formules désormais communicables, et qu’il faut assu
566 aduire en formules désormais communicables, et qu’ il faut assumer dans toutes ses dimensions non seulement morales mais po
567 régime possible d’un avenir humain de l’Europe ! Il est menacé, nous dit-on ? Rien de tel pour tirer un homme de ses dout
568 à faire qu’à cultiver ses inquiétudes locales. Qu’ elle prenne conscience de l’avenir qu’elle représente pour une Europe qui
569 locales. Qu’elle prenne conscience de l’avenir qu’ elle représente pour une Europe qui n’en sait rien encore ! Je ne conçois
11 1975, Articles divers (1974-1977). Au-delà de la société industrielle (1975)
570 bord ce qui est exclu : une société dans laquelle il n’y aurait plus d’industrie, qui arrêterait les machines et cesserait
571 ont par définition insatiables et inextinguibles. Ils ne seront jamais satisfaits, puisque leur formule même est de croître
572 eur formule même est de croître sans fin. Mais si elle ne consiste ni à fermer les usines, ni à décréter la semaine des cinq
573 encore très loin d’être accompli parmi nous, mais il est amorcé dans nos esprits. Il suppose en effet, avant tout, une pri
574 parmi nous, mais il est amorcé dans nos esprits. Il suppose en effet, avant tout, une prise de conscience non seulement d
575 animaux et de l’individu humain, croissance qui, elle , comporte son programme génétique, ses propres lois d’épanouissement,
576 portant, ce sont les hommes et non les firmes. » Il me semble que tout le contraste entre les deux types de sociétés est
577 eau ? C’est la position simpliste des syndicats : elle relève encore beaucoup trop de la mentalité industrielle, qui oppose
578 e industriel en principe travaille trop, parce qu’ il faut que la firme produise toujours plus. La vie humaine se voit dès
579 », comme toute espèce de vide, est pure angoisse. Il n’y aura pas de société post-industrielle tant que la seule alternati
580 e payé, ou à payer pour pouvoir gagner une vie qu’ il n’aura même plus le temps de vivre ! IV Le nœud du problème, le
581 n pour les utiliser, et puis pour les multiplier. Elle n’a jamais cessé de fomenter, de susciter en vue de son profit des be
582 Henry Ford, croise à huit miles de Detroit ce qu’ il appelle « une locomotive routière ». Il a vécu ce jour-là, dit-il, so
583 oit ce qu’il appelle « une locomotive routière ». Il a vécu ce jour-là, dit-il, son « chemin de Damas » : « Dès l’instant
584 locomotive routière ». Il a vécu ce jour-là, dit- il , son « chemin de Damas » : « Dès l’instant où je l’aperçus, jusqu’au
585 construire une bonne machine routière », écrira-t- il dans son autobiographie. En 1892, il construit sa première voiture. «
586  », écrira-t-il dans son autobiographie. En 1892, il construit sa première voiture. « On la considérait plutôt comme une p
587 « On la considérait plutôt comme une peste, écrit- il , à cause de son vacarme qui effrayait les chevaux. » Elle restera lon
588 cause de son vacarme qui effrayait les chevaux. » Elle restera longtemps unique. Certes, plusieurs inventeurs en ont fait au
589 urs inventeurs en ont fait autant avant lui, mais il n’existe encore dans le monde guère plus de voitures que d’inventeurs
590 ler viennent de présenter au Kaiser Guillaume. » ( Il sentait juste, mais l’avenir donnera tort à son pronostic.) Le gouver
591 poque de Benjamin Franklin. Sous une écorce rude, il cache une stupéfiante insensibilité. Ce qui ne l’empêche pas du tout
592 à le motif principal de la discipline forcenée qu’ il imposera plus tard à ses ouvriers, afin de les détourner du vice, fil
593 les détourner du vice, fils des loisirs. En 1899, il fonde une première entreprise de construction d’automobiles. Et il no
594 ière entreprise de construction d’automobiles. Et il note à ce moment-là, — et je vous prie de savourer la phrase, elle le
595 ment-là, — et je vous prie de savourer la phrase, elle le mérite ! — « Ma résolution pouvait passer pour téméraire, car à ce
596 ait passer pour téméraire, car à cette époque-là, il n’y avait pas de demande pour les automobiles… et même une répugnance
597  ! En quelques décennies, par la publicité et par elle seule — la réclame, comme on dit alors —, Ford va changer tout cela.
598 alors —, Ford va changer tout cela. C’est dire qu’ il va changer la nature même des besoins de l’homme occidental, et surto
599 ng le plus artificiel et le dernier venu. En 1909 il vend dix-huit-mille voitures, mais dix ans plus tard, un million. Qua
600 itures, mais dix ans plus tard, un million. Quand il meurt en 1947, la General Motors et la Ford Company sont les deux plu
601 es industries. Et cette automobile, pour laquelle il n’y avait pas de demande, et même une certaine répugnance au début de
602 inversée dès qu’on la multiplie par des millions. Elle mène à l’usine, au bureau, plus souvent que vers les vacances. Elle d
603 e, au bureau, plus souvent que vers les vacances. Elle détruit les campagnes dont elle était censée nous restituer le charme
604 ers les vacances. Elle détruit les campagnes dont elle était censée nous restituer le charme, et provoque d’immenses destruc
605 ndes villes. Mais voici qui est encore plus fou : elle jette l’économie de nos démocraties occidentales dans la dépendance h
606 us d’abord. Et pour décrire ses caractéristiques, il nous suffira donc maintenant d’inverser la plupart des valeurs qui on
607 ’amour du prochain, et passant avant tout cela, s’ il faut choisir. Car le profit n’est pas un principe de mesure pour l’ho
608 principe de mesure pour l’homme, ni pour la cité. Il n’est qu’un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’est pas autorég
609 l’homme, ni pour la cité. Il n’est qu’un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’est pas autorégulé, et par suite, ne pe
610 n’est qu’un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’est pas autorégulé, et par suite, ne peut être agent de régulation,
611 peut être agent de régulation, comme la personne. Il est donc un principe de démesure systématique, destructeur de l’humai
612 our limites les conditions de l’équilibre vivant. Elle sera désacralisée comme le profit, orientée vers la vie meilleure, ve
613 tre utile plutôt que redoutable à ses voisins, qu’ il s’agisse de personnes ou d’États. La société industrielle veut augmen
614 ement par l’État. Sous prétexte de nous enrichir, elle nous rend donc de plus en plus nécessiteux, dépendants des besoins ma
615 nécessiteux, dépendants des besoins matériels qu’ elle multiplie par la publicité. La société nouvelle, visant à satisfaire
616 eul est la limite », comme disent les Américains. Il nous faut un nouveau marketing, qui analyse les besoins réels, et non
617 n des désirs : et voilà bien la pire aliénation ! Il nous faut retrouver des mesures, gagées sur l’homme, traduisant les d
618 n’importe quel chiffre : car cette opération, si elle accroît le PNB, n’en a pas moins pour effet d’inverser totalement le
619 ront alors deux mètres de haut ; pour les gravir, il vous faudra l’aide d’une échelle, et c’est précisément ce que l’escal
620 en soi : c’est une question de proportions. Mais il est clair que nos trop grands États croient devoir se doter d’armemen
621 réduire la masse critique d’une bombe H, ne faut- il pas réduire la taille de ceux qui seraient tentés de s’en servir ? Si
622 tre qui menace aujourd’hui le genre humain, n’est- il pas urgent et vital de substituer aux États-nations souverains des pl
623 , inévitable : « Votre modèle post-industriel a-t- il des chances de se réaliser ? » J’ai coutume de répondre à cette quest
624 é commence quand on pose la question : « Que va-t- il arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-je faire ? » o. R
12 1975, Articles divers (1974-1977). Suisse 1975 (1975)
625 -guerre avec des sentiments mêlés de soulagement ( elle n’a pas été occupée, son armée et sa résolution morale l’ont protégée
626 aussi de culpabilité, presque de honte, parce qu’ elle seule est intacte au cœur d’un continent physiquement meurtri, économ
627 finie et garantie par le traité de Vienne (1815), elle veut s’étendre désormais au monde entier. Et cela se traduit par un r
628 orces voisines (la Russie et l’Amérique), ou bien elle se fédérera et deviendra neutre. C’est-à-dire qu’elle sera ou bien ba
629 se fédérera et deviendra neutre. C’est-à-dire qu’ elle sera ou bien balkanisée, ou bien helvétisée. » À quoi toute la Suisse
630 ne humilité convient seule à ce petit pays, et qu’ il serait parfaitement illusoire et utopique d’imaginer que des solution
631 x par les « puissances » de l’époque. Et pourtant il est clair que la vérité d’une idée ne dépend pas de la taille de celu
632 e, la situation de la Suisse s’est clarifiée : si elle diffère substantiellement de celle des « puissances » d’hier, ce n’es
633 ion spontanée du sentiment populaire, pour peu qu’ il ne lui soit pas inconditionnellement favorable. Les conseils législat
634 taire ou nucléaire. L’université leur réplique qu’ il s’agit là d’un calcul faux, parce qu’à trop courte vue, la qualité de
635 erne », particulièrement lourde à vrai dire quand elle impose tel tracé d’autoroute ou telle implantation de centrale nucléa
636 étrangère rappelle quotidiennement aux Suisses qu’ ils ne peuvent être seuls au monde. Il n’apparaît donc plus possible de s
637 ux Suisses qu’ils ne peuvent être seuls au monde. Il n’apparaît donc plus possible de séparer les problèmes intérieurs du
638 e la coopération. La Suisse face à l’Europe Il paraît évident que le fédéralisme de formule suisse est la solution q
639 libertés et de leurs coutumes particulières. Mais il se trouve, hélas, que le fédéralisme n’est guère mieux compris par le
640 euples de l’Europe — qui ne voient pas bien ce qu’ ils pourraient en faire. Dans la partie romande surtout, on a pris l’habi
641 ures qu’on baptise « centralisatrices », alors qu’ elles sont, justement, « fédérales » ! C’est ignorer le sens et la fonction
642 elon la même logique, d’un pouvoir continental qu’ il reste à créer mais que la nature des choses et les dimensions mêmes d
643 la présente décennie bien plus clairement encore, il est apparu que notre neutralité, garantie par le traité de Vienne com
644 és divisent l’Europe, mais ne veut pas du tout qu’ elle se déclare neutre par rapport à l’union de l’Europe en train de se fa
645 re les ennemis de l’Europe et l’Europe même, dont elle fait partie. Ce serait vouloir rester neutre entre le microbe et le m
646 e à part entière du Conseil de l’Europe. En 1972, elle signe des accords de coopération limitée mais réelle avec la CEE. Mai
647 es à celle des communautés capables de les gérer, il devient évident que les Suisses ne peuvent plus limiter la coopératio
648 , un État-nation, comme les autres ; plus grave : elle se verrait bientôt contrainte d’imiter à l’intérieur la centralisatio
649 eur la centralisation autoritaire de ses voisins. Il est donc évident que notre fédéralisme ne peut se maintenir dans nos
650 ntons qu’à la seule condition de s’étendre, quand il le faut, au-delà des limites de l’État fédéral institué en 1848. Si l
651 uisse veut rester fidèle à sa vocation séculaire, elle se doit donc de devenir, de proche en proche, européenne, puis mondia
652 esque toutes de dimensions intercontinentales, qu’ il s’agisse de la répartition de l’énergie, de la lutte contre la famine
653 e a bien le droit de rappeler, sans se vanter, qu’ elle a créé de toutes pièces la Croix-Rouge, et qu’elle est l’hôte généreu
654 lle a créé de toutes pièces la Croix-Rouge, et qu’ elle est l’hôte généreuse et attentive de plusieurs dizaines d’organisatio
655 e, dans nos frontières, comme le rêvent, semble-t- il , nombre de Suisses (si l’on en juge par les dernières votations), ne
656 e à l’ONU. La Suisse, en adhérant, ne risquerait- elle pas de perdre son originalité, sa formule politique spécifique, et sa
657 en persistant dans son abstention, ne manquerait- elle pas de belles occasions de faire entendre sa voix en faveur des formu
658 faire entendre sa voix en faveur des formules qu’ elle illustre de toute son histoire : la fédération, les communes, le vrai
659 de ses buts humains en tant qu’État fédératif qu’ elle peut dorénavant justifier ses options. n. Rougemont Denis de, « S
13 1975, Articles divers (1974-1977). Le Morgarten du xxe siècle (1975)
660 ou l’histoire d’un peuple heureux . Aujourd’hui, il me semble que ce « modèle » (au sens scientifique) reste viable tel q
661 sont pas du tout l’émanation des cantons, mais qu’ ils sont désignés en fonction de leurs compétences particulières pour s’o
662 pour s’occuper d’un secteur de la vie publique. S’ ils devaient représenter les cantons, il en faudrait 25, comme l’actuelle
663 publique. S’ils devaient représenter les cantons, il en faudrait 25, comme l’actuelle commission du Marché commun, à Bruxe
664 t que peu de gens savent réellement ce que c’est. Il est presque totalement méconnu hors de Suisse, et les Suisses eux-mêm
665 ’écrivant de la main gauche, probablement, puisqu’ ils levaient la droite vers le ciel sur la prairie du Grütli. Tout cela e
666 la prairie du Grütli. Tout cela est une fable qu’ il n’est même pas intéressant de réfuter. En réalité, les choses se sont
667 e l’ensemble des gens et des biens d’une vallée). Elles se sont alliées entre elles, non pas pour créer une puissance, mais p
668 biens d’une vallée). Elles se sont alliées entre elles , non pas pour créer une puissance, mais pour pouvoir rester chacune a
669 ais pour pouvoir rester chacune autonome. Seules, elles n’auraient pas pu le rester, mais en se mettant les trois, elles avai
670 t pas pu le rester, mais en se mettant les trois, elles avaient juste assez de force pour préserver, chacune pour elle-même,
671 t de ce qui se passait dans le reste de l’Europe. Elle est née de l’esprit des communes, au moment où ce grand mouvement lib
672 des nationalistes cantonaux. Se fondant sur ce qu’ ils tiennent pour les erreurs de 1848, ils s’imaginent que la vie du fédé
673 sur ce qu’ils tiennent pour les erreurs de 1848, ils s’imaginent que la vie du fédéralisme consiste surtout à défendre les
674 nd à des réalités du xxe siècle et non du xixe . Il me semble qu’aujourd’hui, ceux qui défendent l’autogestion régionale
675 ns le droit-fil de la pratique du fédéralisme. Qu’ ils soient de gauche ou de droite ne m’intéresse guère : l’essentiel, c’e
676 sentiel, c’est la forme concrète de communauté qu’ ils défendent. Je retrouve, chez les partisans de l’autogestion au sens p
677 e de la route du Gothard, phénomène continental s’ il en fut, puisque cette route devait relier entre elles les deux partie
678 l en fut, puisque cette route devait relier entre elles les deux parties du Saint-Empire romain germanique. Les Habsbourg ava
679 avaient les yeux fixés sur cette route, parce qu’ ils pensaient en tirer de grandes richesses en y percevant des péages. C’
680 t des femmes qui s’étaient installés sur le camp. Ils tentaient d’exploiter une situation qu’ils n’avaient pas créée, et qu
681 camp. Ils tentaient d’exploiter une situation qu’ ils n’avaient pas créée, et qui ne va pas exactement dans leur sens, car
682 es trotskystes pourraient être des fédéralistes : ils ont de tout autres vues. Mais qu’importe ! L’essentiel, qui est une c
683 e Kaiseraugst étaient sortis de la légalité et qu’ ils étaient les « fossoyeurs de la démocratie ». Je ne sais pas si les ge
684 lles connaissent la légende de Guillaume Tell. Qu’ ils la relisent, et ils se rendront compte que notre héros national suiss
685 légende de Guillaume Tell. Qu’ils la relisent, et ils se rendront compte que notre héros national suisse n’était pas partic
686 du xxe siècle. » Peut-être les Suisses n’aiment- ils pas beaucoup tirer la leçon de Kaiseraugst, parce qu’ils craignent po
687 beaucoup tirer la leçon de Kaiseraugst, parce qu’ ils craignent pour leur niveau de vie ou plus exactement : leur consommat
688 on dit chez moi, le beurre et l’argent du beurre. Il s’agit de savoir quelle finalité on vise. Est-ce qu’on attache vraime
689 qui ferait ce choix-là ne serait plus elle-même. Elle deviendrait semblable à n’importe lequel des États-nations actuels, d
690 nt l’idéal est le nivellement universel, parce qu’ il est plus facile d’administrer un pays où toutes choses sont parfaitem
691 e, les hommes font toujours toutes les bêtises qu’ ils peuvent faire, et cela depuis plusieurs dizaines de milliers d’années
692 a depuis plusieurs dizaines de milliers d’années. Il n’y a pas de raison de penser qu’ils vont changer tout d’un coup, dan
693 ers d’années. Il n’y a pas de raison de penser qu’ ils vont changer tout d’un coup, dans les quelques années qui viennent, e
694 quelques années qui viennent, et que par exemple ils renoncent aux centrales nucléaires. Si les gens ne sont pas capables
695 ns histoire — dans tous les sens du mot histoire. Il n’y aurait plus qu’une espèce de raison moyenne qui dominerait, dans
696 en préparés par leur forme d’esprit. En revanche, ils y sont particulièrement bien préparés par leurs institutions. Les ins
697 e du monde, n’ont pas pu venir à bout du Vietnam. Ils ne pouvaient pas venir à bout de choses qui renaissaient partout, de
698 aissaient partout, de petits centres sur lesquels il ne valait pas la peine de lancer une bombe atomique. Ou alors, s’ils
699 a peine de lancer une bombe atomique. Ou alors, s’ ils avaient commencé là-bas avec leurs bombes atomiques, il n’y aurait mê
700 ient commencé là-bas avec leurs bombes atomiques, il n’y aurait même plus eu de place pour les soldats américains. Nous av
701 ra la meilleure sécurité dans le monde qui vient. Il faut donc que la Suisse retrouve ce qui était son attitude et sa ment
702 éé les institutions de la première confédération. Elle n’y sera pas amenée par des discours, mais par la force des choses. P
703 des choses. Par la pédagogie des catastrophes qu’ elle n’aura pas pu éviter, car elles seront mondiales, mais contre lesquel
704 es catastrophes qu’elle n’aura pas pu éviter, car elles seront mondiales, mais contre lesquelles elle sera peut-être mieux pr
705 ar elles seront mondiales, mais contre lesquelles elle sera peut-être mieux prémunie que les grands. q. Rougemont Denis d
706 de, « Le Morgarten du XXe siècle », La Suisse qu’ ils veulent, Lausanne, L’Âge d’homme, 1975, p. 71-77.
14 1975, Articles divers (1974-1977). L’amour (1975)
707 L’amour (1975)r Il n’est pas question de constituer, à côté de la psychologie scientifiq
708 re occidentale, à la différence de l’amour tel qu’ il est codifié et vécu dans les autres cultures, se trouve lié dans sa g
709 xpressions littéraires et artistiques en général, il nous faudra d’abord tenter de débrouiller, parmi les mille et trois s
710 es assez évidemment distinctes, sinon opposables. Il nous faudra ensuite repérer les grandes étapes d’une évolution histor
711 du christianisme (dont on peut nier d’ailleurs qu’ il soit une « religion » au sens sociologique du terme). Il n’en va pas
712 une « religion » au sens sociologique du terme). Il n’en va pas de même de la passion, forme d’amour liée plus que toute
713 seront extase et mort. L’amour du prochain tel qu’ il est, ou tel que le regard aimant est capable de le susciter, c’est l’
714 e de le susciter, c’est l’inverse de la passion : il peut être sans lien aucun avec l’Éros, il n’est pas sentiment mais ac
715 ssion : il peut être sans lien aucun avec l’Éros, il n’est pas sentiment mais acte, respect de l’Autre comme sujet autonom
716 ique va reprendre tout le langage de la passion : il cherche la fusion dans la divinité, et il « meurt de ne pas mourir »
717 ssion : il cherche la fusion dans la divinité, et il « meurt de ne pas mourir » (Thérèse d’Ávila). Il est à l’amour du pro
718 il « meurt de ne pas mourir » (Thérèse d’Ávila). Il est à l’amour du prochain dans le même rapport dialectique que l’érot
719 reste l’attribut supérieur de l’Éros véritable. Il est bien certain que la conception platonicienne a dominé tout le dév
720 éenne, malgré quelques résistances isolées, et qu’ elle constitue l’apport principal de la Grèce à ce qu’on peut appeler la m
721 ue de l’amour (R. Flacelière, L’Amour en Grèce). Il semble que Platon agit sur nous comme une information héréditaire. P
722 juif que païen (hellénistico-romain surtout), qu’ il range sous la catégorie de la Loi et auquel il oppose la « liberté de
723 qu’il range sous la catégorie de la Loi et auquel il oppose la « liberté des enfants de Dieu ». La révolution paulinienne
724 les, pas une recette de fécondité ni de plaisir ; il admet simplement les rites judaïques (la circoncision notamment). La
725 s : paix et pardon à cause de l’amour.) S’agirait- il d’un refoulement ? Non, car la tentation correspondante n’est pas sen
726 r un acte d’amour (« Dieu a tant aimé le monde qu’ il a donné son Fils unique… »), et dont toute la loi se résume dans le c
727 comme le Christ a aimé l’Église. » D’autre part, il n’hésite pas à écrire : « Celui qui n’est pas marié s’inquiète du Sei
728 gique. Le mariage était certes un sacrement, mais il liait deux patrimoines et deux familles — des clans, des rangs et des
729 la reine Radegonde, alors retirée au monastère qu’ elle avait fondé à Poitiers. Ce clerc fait à la femme une place capitale q
730 nce déjà la conception de la « courtoisie », mais il s’agit d’une femme idéalisée, objet d’une adoration mystique qui se c
731 tout le continent avec une surprenante rapidité. Elle ne ressemble à rien de ce qu’avaient connu le monde antique et le mon
732 re des cours seigneuriales), on ne peut croire qu’ elle n’ait été que la trouvaille plus ou moins fortuite de quelques moines
733 trobar, au xixe siècle et jusqu’à nous. Mais, s’ ils avaient raison, comment concevoir que cette poésie ait pu transformer
734 mœurs, et nos arts, pour des siècles ? Ne serait- elle pas au contraire le signe d’une révolution plus générale qui s’opérai
735 et jugent que, le corps étant vil, rien de ce qu’ il fait ne saurait engager le salut : « Point de péché au-dessous du nom
736 e, les Balkans, la Bosnie et l’Italie du Nord, où elle se répandra d’une part vers le nord de la France et jusqu’en Angleter
737 Angleterre, d’autre part vers l’Ouest occitan où elle s’installera solidement dans les grandes et petites cours de l’Aquita
738 Poitiers et neuvième duc d’Aquitaine (1070-1127). Il sera suivi par des dizaines puis des centaines de poètes qui se nomme
739 oésie dont la doctrine se nomme cortezia — puisqu’ elle est chantée dans les cours des seigneurs du Midi — exalte la Femme, j
740 alte la Femme, jusqu’alors négligée et méprisée ; elle la célèbre sous le nom de Dame ou domina — d’où le nom de « maîtresse
741 gneur féodal à qui le chevalier doit allégeance ; elle oppose au mariage « de raison » comme à la luxure grossière le culte
742 our de l’état amoureux plus que de l’Autre tel qu’ il est, qu’on ne rejoindra que pour mourir ; et même l’élan de l’hérésie
743 é occidentale. En lui donnant un langage nouveau, elle a permis à des sentiments nouveaux d’accéder à la conscience, d’être
744 et communicable, socialisé dans la mesure même où il est sacralisé. Situé de la sorte dans le temps et l’espace, au xiie
745 le de l’Europe christianisée, le mythe révélera-t- il par ses structures mêmes le secret du pouvoir immodéré qu’il exerce d
746 structures mêmes le secret du pouvoir immodéré qu’ il exerce depuis des siècles sur l’affectivité occidentale ? Le derni
747 abou de l’inceste. Tous les autres étant évacués, il prend une importance majeure et régit des domaines psychosociaux touj
748 voit contraint de répudier sa première femme, qu’ il aime, parce qu’elle est sa cousine au quatrième degré et qu’elle a te
749 répudier sa première femme, qu’il aime, parce qu’ elle est sa cousine au quatrième degré et qu’elle a tenu avec lui un enfan
750 e qu’elle est sa cousine au quatrième degré et qu’ elle a tenu avec lui un enfant sur les fonts baptismaux. La terreur de l’i
751 seut, c’est ainsi de sa future « mère » légale qu’ il tombe passionnément amoureux. La condamnation de l’inceste pèse donc
752 rent les tournois dont la dame est le « prix ». S’ il n’en fait rien, ce n’est pas seulement par respect de son suzerain (d
753 liquer, car son contenu demeure inavouable même s’ il est fascinant comme une drogue. Et n’est-ce pas d’une intoxication —
754 re le cocu des pièces de Boulevard. Mieux encore, il peut s’effacer progressivement, se déguiser en protecteur, en oncle,
755 e cocotte dont Swann croit être amoureux parce qu’ elle a dit un jour que « non, elle ne serait pas libre demain soir ». Elle
756 e amoureux parce qu’elle a dit un jour que « non, elle ne serait pas libre demain soir ». Elle est toujours la femme rêvée,
757 ue « non, elle ne serait pas libre demain soir ». Elle est toujours la femme rêvée, la princesse lointaine, la fée Viviane o
758 teur lucide et sensible du grand roman de Proust, il perd peu à peu son allure de somnambule fasciné par le rêve de la « f
759 emme impossible ». Mais, si débile et complexé qu’ il apparaisse le plus souvent dans le roman contemporain, il n’en reste
760 aisse le plus souvent dans le roman contemporain, il n’en reste pas moins celui qui affronte la mort d’amour, celui auquel
761 ge ses énergies qu’à la mesure des résistances qu’ elle rencontre. Déjà, dans la poésie des troubadours, nous voyons que l’am
762 ur un piédestal pour mieux pouvoir se plaindre qu’ elle soit située « en trop haut lieu », voire tout à fait inaccessible. « 
763 se nourrit des obstacles qu’on lui oppose, ou qu’ elle sait inventer au besoin. Sans obstacles, point de passion. « Les peup
764 , puis le théâtre et, enfin, l’opéra. Encore faut- il bien préciser que le moment subversif, anarchique, individuel de la p
765 un fond d’orthodoxie. « Entre deux êtres isolés, il n’y a pas d’amour possible », dit le héros de L’Homme sans qualités d
766 éros de L’Homme sans qualités de Robert Musil. Et il ajoute : Un amour peut naître par défi, il ne peut être fait de défi
767 l. Et il ajoute : Un amour peut naître par défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société
768 ut naître par défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de v
769 ar défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’ il soit inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie mais une
770 défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie mais une négation, une exception faite à
771 e exception faite à tous les contenus de vie. Or, il faut à une exception quelque chose dont elle soit l’exception. On ne
772 e. Or, il faut à une exception quelque chose dont elle soit l’exception. On ne peut vivre d’une négation pure. Musil, ici,
773 gne à se déclarer par le moyen de la littérature, elle le perd en sincérité, en virulence ; son drame vécu devient spectacle
774 on de la passion par l’expression — sans laquelle elle ne pourrait pas s’entretenir (au double sens de ce terme) — s’est fai
775 ne sont plus que des soupirants. Et si la mort qu’ ils appellent leur est accordée, c’est sous la forme d’un évanouissement,
776 ée, c’est sous la forme d’un évanouissement, dont ils se réveillent pour épouser leur maîtresse. Happy Ending. Certes, tous
777 orée de Céladon ornée d’une faveur de sa bergère. Il est peu de romans mieux écrits que L’Astrée. Mais, si le dur destin d
778 u mythe n’y est plus que machine romanesque, faut- il incriminer la société du temps et ses coutumes, ou la littérature ell
779 vre d’art, conçue et reçue comme telle, ne serait- elle qu’un substitut tardif du sacré, un phénomène de décadence morale d’u
780 mort par amour n’est plus seulement métaphorique. Elle est appelée dans sa réalité à la fois charnelle et mystique comme l’a
781 assion fatale, à la Tristan, dont on peut voir qu’ elle est devenue la manière de « ressentir l’amour » qui paraît désormais
782 re du mythe tristanien sur Racine est manifeste : il explique seul que l’amour de Phèdre pour Hippolyte, dont elle n’est q
783 e seul que l’amour de Phèdre pour Hippolyte, dont elle n’est que la belle-mère, soit présenté comme incestueux, donc absolum
784 s sont condamnables, et Racine les condamne, mais il en fait son œuvre ! L’autre moyen qu’il a trouvé pour nous parler vol
785 mne, mais il en fait son œuvre ! L’autre moyen qu’ il a trouvé pour nous parler voluptueusement de la passion de ses person
786 un charme fatal vous fûtes entraînée. Racine est- il vraiment sincère dans sa préface lorsqu’il écrit : Ce que je puis as
787 ne est-il vraiment sincère dans sa préface lorsqu’ il écrit : Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait [de
788 sorte sécularisés et, du même coup, relativisés : ils cessent donc d’être des tabous. Quant à la religion chrétienne (ou du
789 Quant à la religion chrétienne (ou du moins ce qu’ elle est devenue : morale prêchée parfois par des évêques qui bâtissent de
790 s ecclésiastiques, condamnation de la « chair »), elle a perdu tout pouvoir contraignant. À la rapide dévalorisation des obs
791 it l’homme d’un seul amour fatal mais dans lequel il trouvait toute la Femme. Don Juan viole toutes les règles de la corte
792 Mais ces femmes ne sont plus objets d’adoration. Elles ont leur politique, leur stratégie subtile. « Les femmes de ce temps
793 Les femmes de ce temps n’aiment pas avec le cœur, elles aiment avec la tête », dit l’abbé Galiani. « Des débauchées de l’espr
794 é derrière lui que des femmes émues et heureuses. Il est vrai qu’aucune d’elles n’a publié de souvenirs. Mais écoutons ce
795 emmes émues et heureuses. Il est vrai qu’aucune d’ elles n’a publié de souvenirs. Mais écoutons ce cri d’Adrienne Lecouvreur,
796 Mais écoutons ce cri d’Adrienne Lecouvreur, quand elle dit du très inconstant Maurice de Saxe : « Voici mon univers, mon esp
797 eux ! » L’idéal donjuanesque, comme la légende qu’ il inverse, donnera lieu à toute une littérature romanesque où l’amour-p
798 cruauté reste purement psychologique. Avec Sade, elle tourne aux sévices corporels. Le marquis de Sade écrit ses œuvres en
799 . Le marquis de Sade écrit ses œuvres en prison : il ne peut donc s’agir que de fantasmes, mais qui n’en sont que plus rév
800 nscient collectif du siècle et des motivations qu’ il subit. Sade est, de toute évidence, un malade mental, un de ces « fou
801 ette cortezia que, pour se venger de l’existence, il entreprend d’inverser et d’assassiner. Décidé à « copier les noirceur
802 stiques de la secte de Carpocrate au iie siècle, il entend renchérir sur elles. Pour lui, « le pire est l’ennemi du mal »
803 arpocrate au iie siècle, il entend renchérir sur elles . Pour lui, « le pire est l’ennemi du mal », comme l’a si bien vu Jean
804 vu Jean Paulhan. Par une sorte de dépit amoureux, il veut tuer ce que la courtoisie adorait. Le crime d’amour impur sauver
805 nt à ses valeurs, on ne saurait trop souligner qu’ elles sont celles de la noblesse la plus arrogante, et peu importe qu’il le
806 la noblesse la plus arrogante, et peu importe qu’ il les vante ou les dénonce : elles régissent l’œuvre. Au surplus, il ch
807 , et peu importe qu’il les vante ou les dénonce : elles régissent l’œuvre. Au surplus, il choisit parmi elles les plus propre
808 es dénonce : elles régissent l’œuvre. Au surplus, il choisit parmi elles les plus propres à « justifier » l’arbitraire, la
809 s régissent l’œuvre. Au surplus, il choisit parmi elles les plus propres à « justifier » l’arbitraire, la violence infligée,
810 érieure », simple objet des plaisirs du seigneur. Il ne retiendra pas les valeurs qui « obligent » la vraie noblesse féoda
811 La Nouvelle Héloïse (au titre significatif puisqu’ il évoque la passion d’Abélard), Rousseau d’un coup ressuscite l’amour d
812 d’un coup ressuscite l’amour de Pétrarque (auquel il emprunte les sous-titres analytiques des chapitres dans une des éditi
813 rarquisme, rejoint le mythe tristanien, encore qu’ il traduise et transpose la légende chevaleresque dans le langage d’une
814 encore au roman de Rousseau comme à tous ceux qu’ il fera naître, de Richardson au Werther de Goethe. Et c’est une autre a
815 de l’époque, Julie de Lespinasse, qui l’exprimera elle aussi dans un seul cri : J’aime, mais comme on doit aimer : dans le
816 t tenter de rejoindre une mystique primitive dont ils ignorent presque tout, historiquement, mais dont ils redécouvrent par
817 ignorent presque tout, historiquement, mais dont ils redécouvrent par éclairs la vertu sacrale et mortelle. Quelques phras
818 suractive les puissances latentes du cœur plus qu’ elle ne traduit leurs pulsions. On a vu le rôle créateur de la conduite pa
819 les d’amour », c’est que l’obstacle contre lequel il se révolte et mobilise les énergies de l’âme est l’ordre bourgeois to
820 , en défense contre la civilisation industrielle. Elle est nourrie de spleen urbain et de nostalgie d’un horizon crépusculai
821 un horizon crépusculaire, horizon de mysticité qu’ il oppose à la pure sensualité. Entrant malgré lui dans les catégories p
822 es catégories plus bourgeoises que chrétiennes qu’ il veut combattre, il écrit que la volupté unique et suprême de l’amou
823 bourgeoises que chrétiennes qu’il veut combattre, il écrit que la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certi
824 dément choqué la bourgeoisie occidentale, mais qu’ il ait donné en même temps à un petit nombre de disciples fanatiques pui
825 ctrine « expliquait tout », cela tient au fait qu’ il expliquait les névroses et quelques psychoses à partir d’un des deux
826 amour puisqu’en ramenant l’amour à l’Éros génital il inverse la cortezia, mais il a fortement contribué à la démystifier,
827 our à l’Éros génital il inverse la cortezia, mais il a fortement contribué à la démystifier, par une réduction impitoyable
828 répètent ceux qui l’attaquent sans le connaître. Il a seulement autorisé une nouvelle manière de parler des choses du sex
829 ne nouvelle manière de parler des choses du sexe. Il réfléchit (sur) un état de fait dont la bourgeoisie seule est respons
830 sme, a condamné la plupart des religions », écrit- il avec une lucidité toute nietzschéenne. Suivant en cela Baudelaire, Ba
831 uête du plaisir transcendant et « mort de Dieu ». Il s’est fait le théologien d’une mystique athée fondée sur le seul dram
832 rx ni de Freud, que se situe André Malraux lorsqu’ il écrit (très proche ici de G. Bataille) : Il ne s’agit plus d’échappe
833 rsqu’il écrit (très proche ici de G. Bataille) : Il ne s’agit plus d’échapper au péché, mais d’intégrer l’érotisme à la v
834 éché, mais d’intégrer l’érotisme à la vie sans qu’ il perde cette force qu’il devait au péché ; de lui donner tout ce qui,
835 érotisme à la vie sans qu’il perde cette force qu’ il devait au péché ; de lui donner tout ce qui, jusqu’ici, était donné à
836 ccrédité malgré eux l’idée, devenue populaire, qu’ il est moins dangereux pour la société de libérer l’instinct sexuel que
837 elée de l’archétype courtois de Tristan et Iseut. Ils cherchent partout l’obstacle qui résiste et ils n’en trouvent plus gu
838 . Ils cherchent partout l’obstacle qui résiste et ils n’en trouvent plus guère. L’Homme sans qualités de Robert Musil, qui
839 scription d’objets purifiés de toute psychologie, ils peignent des tableaux qui ne représentent rien, composent de la musiq
840 ive, la passion paraît condamnée et le roman avec elle . Mais tout peut se renverser très vite, au point de crise que nous av
841 névroses collectives et des fureurs anarchiques. Elles peuvent aussi se perdre dans un idéalisme délirant, sans nul espoir d
15 1975, Articles divers (1974-1977). « Le sort des écrivains emprisonnés constitue un drame et un avertissement » (juin 1975)
842 us amené à critiquer, à s’opposer. C’est parce qu’ ils sont écrivains que Boukovski, comme Siniavsky ou Daniel sont enfermés
843 ou Daniel sont enfermés ? Ou simplement parce qu’ ils s’opposent au régime ? Face à un régime totalitaire l’écrivain est né
844 essairement en opposition. Non seulement parce qu’ il raconte. Mais surtout parce qu’il est manieur de mots, donneur de sen
845 lement parce qu’il raconte. Mais surtout parce qu’ il est manieur de mots, donneur de sens. Dans ce qu’il écrit il y a pres
846 est manieur de mots, donneur de sens. Dans ce qu’ il écrit il y a presque toujours quelque chose qui peut contribuer à cha
847 se pas d’avoir une opinion mais on accepte mal qu’ il l’affirme et qu’il continue à l’affirmer avec véhémence. Il est comme
848 opinion mais on accepte mal qu’il l’affirme et qu’ il continue à l’affirmer avec véhémence. Il est comme un soldat qui n’ac
849 me et qu’il continue à l’affirmer avec véhémence. Il est comme un soldat qui n’accepte pas la discipline, se fait punir ma
850 e. Dans une société totalitaire je dirais même qu’ il est naturel. On les condamne donc pour remettre leurs idées en place,
851 nc pour remettre leurs idées en place, en ordre ? Il faut se mettre à la place du magistrat soviétique. On lui amène quelq
852 étique. On lui amène quelqu’un dont on lui dit qu’ il est fou. Sa première réaction va consister à lui laver le cerveau. Po
853 eur église point de salut et c’est sincèrement qu’ il le condamne. Un Soljenitsyne qui, pour lui, est un écrivain « dérangé
854 i, est un écrivain « dérangé » doit être guéri et il a justement les moyens de le guérir. Quels moyens ? Le psychiatre, le
855 psychiatre, le lavage de cerveau, la clinique où il aura toutes sortes de traitements, ceux que, précisément, on réserve
856 aient peut-être un danger politique pour Staline. Ils connaissaient les rouages de l’État. Ils avaient approché le pouvoir.
857 Staline. Ils connaissaient les rouages de l’État. Ils avaient approché le pouvoir. Tandis que les écrivains emprisonnés ne
858 prisonnés ne représentent aucun danger politique. Ils représentent un danger différent : celui de changer les mœurs parce q
859 r différent : celui de changer les mœurs parce qu’ ils sont, je l’ai dit, manieurs de mots, donneurs de sens. Les mœurs dépe
860 lt a dit : « Combien d’hommes seraient amoureux s’ ils n’avaient jamais entendu parler d’amour ? » Eh bien, cet amour que no
861 t bien cette influence de l’artiste ? Je crois qu’ ils sont emplis d’angoisse devant ce monde impossible à gouverner et que,
862 grande majorité rêve de diriger sans opposition. Ils voudraient non seulement influencer les gens dans leur comportement m
863 ’un pareil conditionnement où on lui dirait ce qu’ il doit écrire. C’est sa nature même qui s’y oppose. Il sera donc toujou
864 doit écrire. C’est sa nature même qui s’y oppose. Il sera donc toujours un opposant, un « agent de la révolution » selon l
865 lon le mot de Picasso. L’idée de Picasso c’est qu’ il ne peut y avoir de création que « contre » une société. Pour ma part
866 s davantage l’artiste à être en opposition contre elle . D’ailleurs ça n’a pas toujours été le cas : je pense à Racine et à C
867 porains pourraient se reconnaître. Par leur œuvre ils donnaient un sens aux mots comme les troubadours quelques siècles plu
868 s siècles plus tôt. Mais la société pour laquelle ils travaillaient dépassait rarement les limites d’un petit canton suisse
869 r comme responsable. Et l’homme n’est libre que s’ il est responsable. C’est une vieille notion que l’on retrouve encore en
870 où l’homme peut faire entendre sa voix. Pour vous il n’y a pas de nécessité à ce qu’un État moderne soit regroupé, donc pl
871 ce que nous le voulons pour notre commodité. Mais il n’y a aucune nécessité. Et c’est la même chose pour les États. Ils on
872 nécessité. Et c’est la même chose pour les États. Ils ont copié l’organisation que la Révolution, puis après elle. Napoléon
873 opié l’organisation que la Révolution, puis après elle . Napoléon, ont imposée à la France. Les rois n’avaient jamais pu réun
874 s autres États ont imité cette organisation. Mais il n’y avait aucune nécessité. Il y avait seulement la commodité des gou
875 ce, maintenir l’ordre, collecter les impôts. Mais il a eu vite fait de s’en trouver d’autres. Aujourd’hui il dirige l’écol
876 u vite fait de s’en trouver d’autres. Aujourd’hui il dirige l’école, il s’occupe d’hygiène, il dirige les transports, en f
877 trouver d’autres. Aujourd’hui il dirige l’école, il s’occupe d’hygiène, il dirige les transports, en fait il se mêle de t
878 urd’hui il dirige l’école, il s’occupe d’hygiène, il dirige les transports, en fait il se mêle de tout y compris de ce qui
879 cupe d’hygiène, il dirige les transports, en fait il se mêle de tout y compris de ce qui ne le regarde pas. Son rêve — et
880 d’influencer les pensées. Regardez avec quel soin il s’occupe de la radio et de la télévision. Si un pays comme la France,
881 r garder la main sur ce moyen c’est bien parce qu’ il permet d’influencer les gens. Même aux États-Unis où la radio et la T
882 t de la Confédération pour obtenir sa libération. Il m’a fait répondre par le Département de justice et police ! Or quel m
883 ustice et police ! Or quel mal fait Garry Davis ? Il ne veut pas de passeport, il a un passeport de citoyen du monde et il
884 l fait Garry Davis ? Il ne veut pas de passeport, il a un passeport de citoyen du monde et il n’en veut pas d’autres. C’es
885 sseport, il a un passeport de citoyen du monde et il n’en veut pas d’autres. C’est un choix qui ne menace personne. Lorsqu
886 es. C’est un choix qui ne menace personne. Lorsqu’ il était pilote de chasse et qu’il faisait tomber des bombes sur les vil
887 personne. Lorsqu’il était pilote de chasse et qu’ il faisait tomber des bombes sur les villes, il était libre, considéré,
888 t qu’il faisait tomber des bombes sur les villes, il était libre, considéré, décoré même. Depuis qu’il a pris le parti de
889 il était libre, considéré, décoré même. Depuis qu’ il a pris le parti de la paix, toutes les polices le pourchassent y comp
890 gereux. Et on ne devra pas s’étonner si, à la fin il ne reste plus, pour s’opposer au pouvoir, que l’écrivain, ce fou !!!
891 ne connaît pas d’autres horizons. En janvier 1972 il a été encore condamné pour “agitation et propagande antisoviétique” à
892 un être humain. Le crime que Boukovski paie et qu’ il devra continuer de payer est celui d’avoir une opinion et de l’exprim
893 r est celui d’avoir une opinion et de l’exprimer. Il n’est pas dans la norme de la Russie d’aujourd’hui comme les Rosenber
894 elles, était détenu dans la prison de Vladimir où il ne recevait aucune assistance médicale bien qu’il soit gravement mala
895 il ne recevait aucune assistance médicale bien qu’ il soit gravement malade. Pour tenter de le sauver, les groupes romands
896 e son œuvre et de ses actes. On n’a pas oublié qu’ il avait pris publiquement la défense de l’un de ses anciens étudiants,
897 cience, et on sait que dans une actualité récente il a notamment envoyé un message aux occupants de Kaiseraugst. Mais d’au
898 ’est dans sa belle et solide maison de Pouilly qu’ il nous les a apportées. »
16 1975, Articles divers (1974-1977). « L’État-nation, voilà l’ennemi » (1er juillet 1975)
899 é (sans nul reste) des territoires de la planète. Ils ont tout calculé pour leur guerre, dont tous sont nés, et selon l’obs
900 les cadres de l’État-nation périmés ; hors d’eux, il n’est plus d’espace libre, il n’y a plus que l’avenir qui leur échapp
901 rimés ; hors d’eux, il n’est plus d’espace libre, il n’y a plus que l’avenir qui leur échappe. Pas question de détruire l’
902 distribuer aux différents niveaux des services qu’ il doit rendre aux citoyens. Mais pas question non plus de constituer de
903 l’ultima ratio de ses décisions. Mais d’où tient- il sa puissance actuelle, sinon du vide civique créé par l’urbanisation
904 de la dissolution de toute communauté à laquelle ils pourraient participer ? Recréer une communauté où l’homme puisse rec
905 isse recouvrer la dimension civique sans laquelle il n’est pas une vraie personne, c’est le problème central de notre temp
906 nfin prendre en main leurs affaires communes — qu’ il s’agisse de réalités culturelles ou énergétiques, écologiques ou soci
907 nt de vue est typiquement européen, mais que vaut- il pour tous ces pays neufs qui ont adopté le modèle de l’État-nation qu
908 d’une invention meilleure et de l’expérimenter. À elle de développer les anticorps des virus qu’elle a propagés. « L’État-na
909 . À elle de développer les anticorps des virus qu’ elle a propagés. « L’État-nation peut seul les défendre », a-t-on dit. Mai
910 tres États-nations ? C’est le cercle vicieux dont il s’agit de sortir. Il faut que ses auteurs commencent. 2) L’État-natio
911 C’est le cercle vicieux dont il s’agit de sortir. Il faut que ses auteurs commencent. 2) L’État-nation peut faire autant e
912 s-monde qu’aux Européens. Ce n’est pas peu dire ! Il est grand temps de le dépouiller de son prestige, d’en dénoncer l’abs
913 rmule, à la rendre opérationnelle en temps utile, elle aura fait bien plus et mieux pour le tiers-monde qu’en lui prêtant so
17 1975, Articles divers (1974-1977). « Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations » (septembre 1975)
914 «  Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations
915 hauvinisme national par un chauvinisme régional ? Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations
916 éfauts des grands plus l’esprit de clocher. Ce qu’ il faut, c’est tout recommencer par en bas, créer des liens réels au niv
917 ussissait à renverser les gouvernements centraux, il serait obligé de reprendre leur place et il serait occupé comme les a
918 raux, il serait obligé de reprendre leur place et il serait occupé comme les autres à rester au pouvoir. C’est donc une vo
919 ssue. La réforme, donc, plutôt que la révolution… Il nous faudrait partir des racines, puis dresser un plan. Par exemple,
920 mune aux Genevois, aux Gessiens et aux Savoyards. Elle est très menacée, d’épuisement, de contamination, de pollutions diver
921 sement, de contamination, de pollutions diverses. Il faut que tout le monde s’y mette. Il ne faut pas laisser un gouvernem
922 ns diverses. Il faut que tout le monde s’y mette. Il ne faut pas laisser un gouvernement répondre à un autre qu’il n’est p
923 as laisser un gouvernement répondre à un autre qu’ il n’est pas question de coopérer parce que, en temps de guerre, on sera
924 les neutrons… Il y a des problèmes d’éducation : il n’est pas tolérable que des enfants de travailleurs étrangers ne disp
925 e les Suisses. C’est en train de s’arranger, mais il aura fallu des années. Il y a le problème de la coopération entre les
926 n Suisse, mais la réciproque n’est pas possible). Il faut, au besoin, créer des équipes de travail par-dessus les frontièr
927 iens au mot. Car après tout, sans responsabilité, il n’y a pas de civisme, pas de participation du citoyen aux affaires pu
928 a région. w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations
18 1976, Articles divers (1974-1977). Message de M. Denis de Rougemont (1976)
929 emier ! L’Europe des esprits et des cœurs, c’est elle qui motiva au premier chef Robert Schuman. Aux yeux de l’histoire, il
930 mier chef Robert Schuman. Aux yeux de l’histoire, il restera l’homme d’État grâce auquel la première Communauté européenne
931 , celui de l’homme de culture et de méditation qu’ il fut, en fait, d’une manière invisible mais réelle et qui, loin d’être
932 lement, je vois la preuve de cela dans le fait qu’ il accepta de présider, pour un temps bref mais décisif, deux institutio
933 emier plan qu’était devenu Robert Schuman jugeait- il la fonction de ces deux entreprises, si modestes au regard de la CECA
934 Piéton tranquille sur les chemins de l’histoire, il a frayé la voie vers l’union fédérale en s’y avançant le premier. Et
935 n fédérale en s’y avançant le premier. Et certes, il n’a jamais entretenu l’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il
936 Et certes, il n’a jamais entretenu l’illusion qu’ il irait lui-même jusqu’au but. Il m’avait dit un jour de 1960, dans un
937 enu l’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il m’avait dit un jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis
938 du but. Comment sauver la face de ma génération ? Il nous reste assez peu d’années. Quant à repasser le flambeau, selon le
939 personne pour l’accepter, je le crains. Parce qu’ il n’y aurait plus même d’Européens. z. Rougemont Denis de, « Message
19 1976, Articles divers (1974-1977). L’Europe, l’été [préface] (1976)
940 ureux, voici Bath, le plus ancien festival connu ( il a célébré son centenaire en 1961) et Varsovie, le plus délibérément n
941 uelle ville de nos pays, grande ou moyenne, n’a-t- elle pas essayé de lancer son festival, de pousser sa petite note séductri
942 je n’en ai nommé qu’une trentaine, c’est parce qu’ il s’agissait des « grands » de l’Europe, des mieux enracinés dans une t
943 ècle et demi, les nations se sont multipliées, et elles se sont bardées de frontières sourcilleuses, dans notre Europe jadis
944 ués à l’art de l’harmonie, ces festivals allaient- ils s’accorder et faire entendre enfin le vrai « concert européen » ? En
945 ient les moyens de sortir de leur isolement, mais ils ne trouvaient pas de formule efficace. Un beau jour de 1950, Igor Mar
946 rtistiques et pratiques des nombreux festivals où il avait dirigé. Il sentait la nécessité de les amener à se concerter —
947 tiques des nombreux festivals où il avait dirigé. Il sentait la nécessité de les amener à se concerter — terme éminemment
948 amener à se concerter — terme éminemment musical… Il avait son idée là-dessus. Pour ma part, je venais de fonder le Centre
949 l’œuvre. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens qu’ elle est liée à l’Europe non seulement historiquement, dans sa genèse, mai
950 ence et d’existence entre la musique et l’Europe, il résulte, d’une part, que s’occuper de l’Europe et spécialement de sa
951 oblèmes de l’union politique de nos peuples, mais elle atteste mieux que la science — autre produit typique de l’Occident —
952 unité fondamentale. Unité dans la diversité — est- il besoin de le répéter ? Saisir ensemble ces deux termes que la logique
953 de plusieurs années l’ouverture du Marché commun. Elle a des buts analogues : substituer la coopération aux rivalités stéril
954 , et, de la sorte, élever le niveau général. Mais elle déborde largement le cadre encore étroit des membres à part entière d
955 s membres à part entière de la Communauté, puisqu’ elle englobe déjà seize pays d’Europe et que ses plus grands axes joignent
956 fois par an leurs problèmes et leurs expériences, elle aurait mérité d’exister. Laissant de côté tous les aspects techniques
957 occidentale, ne fût-ce que par les antinomies qu’ elle embrasse, les paradoxes et les ambiguïtés dont elle se nourrit. Elle
958 le embrasse, les paradoxes et les ambiguïtés dont elle se nourrit. Elle se prête autant à la création et au raffinement des
959 paradoxes et les ambiguïtés dont elle se nourrit. Elle se prête autant à la création et au raffinement des valeurs qu’à leur
960 x miracles qu’aux abus. (C’est peut-être pourquoi elle reste si vivante ?) 2. Le problème d’une définition du festival authe
961 exceptionnelle, célébrée dans un lieu prédestiné. Il se présente ainsi dans l’éclat intense que seule une brève durée perm
962 accord de ces œuvres avec l’ambiance des lieux où elles sont jouées, créant ainsi une atmosphère particulière à laquelle cont
963 tains, non sans raison, aient tenu à souligner qu’ elle était idéale et au mieux normative, plutôt que réaliste et descriptiv
964 utilité majeure ?) De plus, on a fait observer qu’ elle ne tenait pas compte assez expressément de l’élément touristique et d
965 ble de puiser dans les nombreuses ressources dont elle dispose pour sa propre saison d’hiver, est tout à fait différent, mai
966 ritique musicale des magazines hebdomadaires dont ils deviennent une rubrique régulière, mais aussi dans les projets de vac
967 ses et de tout le contexte social en vue desquels elle avait été composée. C’est grâce aux festivals qu’on s’est remis de no
968 milieu d’origine et d’usage, à la communauté dont elle fut l’expression ou qu’elle reconstitue dans les esprits chaque fois
969 à la communauté dont elle fut l’expression ou qu’ elle reconstitue dans les esprits chaque fois qu’elle est jouée en son lie
970 ’elle reconstitue dans les esprits chaque fois qu’ elle est jouée en son lieu, annonce et préfigure une évolution très profon
971 respond à une communauté réelle, dont la ville où ils se jouent forme le foyer rayonnant. Chacun d’eux tente d’exprimer un
972 tionnel, symbolique et mémorial d’une communauté. Il est beau que ce soit à la musique, plutôt qu’à quelque mascarade folk
973 de cet être communautaire et de cette âme dont, s’ il est vrai qu’un paysage est un « état d’âme », on pourra contempler au
20 1976, Articles divers (1974-1977). Histoire et prospective de l’identité européenne (1976)
974 mple, comme celle-ci, c’est peut-être le signe qu’ il faut la compliquer, parce qu‘en réalité elle est bien plus complexe q
975 gne qu’il faut la compliquer, parce qu‘en réalité elle est bien plus complexe que celui qui la pose ne le croyait. Avant don
976 as dans l’espace vide de la théorie intemporelle. Il nous est imposé concrètement dans l’aire d’un continent déterminé, au
977 ent déterminé, au troisième tiers du xxe siècle. Il s’agirait donc selon vous d’étudier un problème d’actualité, en vue d
978 des applications non prévues mais prévisibles qu’ ils en attendent pour leur production d’énergie et pour leur défense nati
979 e n‘est pas aussi « gratuite » qu’on le croyait : il arrive même qu’elle soit la mieux payée et la plus payante au bout du
980 « gratuite » qu’on le croyait : il arrive même qu’ elle soit la mieux payée et la plus payante au bout du compte. Qu’en est-i
981 e et la plus payante au bout du compte. Qu’en est- il dans le domaine des sciences humaines ? Je serais tenté de revendique
982 ces slogans n’en étaient pas, de cette Europe qu’ ils jugent finie ! L’agonie qu’ils annoncent, complaisants, c’est la leur
983 de cette Europe qu’ils jugent finie ! L’agonie qu’ ils annoncent, complaisants, c’est la leur ! Ils sont bien les seuls à ne
984 e qu’ils annoncent, complaisants, c’est la leur ! Ils sont bien les seuls à ne pas le voir ! Et c’est le moment que vous ch
985 que l’on nommait naguère académique, mais bien qu’ il touche à quelque chose de vital pour toute une civilisation, dont le
986 ndrait aujourd’hui ? Vos étudiants s’en plaignent- ils  ? Ceux qui font des études dans la seule intention de se préparer à u
987 dans le meilleur des cas. lls choisissent vite. S’ ils ne veulent qu’un job, ils ne reviendront plus. S’ils se cherchent et
988 lls choisissent vite. S’ils ne veulent qu’un job, ils ne reviendront plus. S’ils se cherchent et se veulent européens, ou n
989 ne veulent qu’un job, ils ne reviendront plus. S’ ils se cherchent et se veulent européens, ou non, ils reviennent et parfo
990 ils se cherchent et se veulent européens, ou non, ils reviennent et parfois en demandent davantage, hors programme, isolés
991 storique. Et dès lors, votre discipline ne serait- elle pas tout simplement une histoire des idées en Europe, sur l’Europe et
992 t pour l’Europe ? Oui, mais cela ne dit pas tout, il s’en faut ! Car notre enseignement ne se réduit pas à la transmission
993 ne se réduit pas à la transmission d’un savoir, s’ il y voit son premier devoir. Il consiste surtout à éveiller dans l’espr
994 sion d’un savoir, s’il y voit son premier devoir. Il consiste surtout à éveiller dans l’esprit de l’étudiant le sens de la
995 ramènent tout à l’Europe et à ses intérêts, dont ils font le centre de leur monde. Or à mon sens, c’est le contraire qui e
996 . Or à mon sens, c’est le contraire qui est vrai. Il arrive bien souvent que celui qui fait des lettres, de la médecine ou
997 re spécifiquement européen de sa discipline. Or s’ il est naïvement européen, il est fatal qu’il se comporte, objectivement
998 de sa discipline. Or s’il est naïvement européen, il est fatal qu’il se comporte, objectivement, d’une manière tout europé
999 . Or s’il est naïvement européen, il est fatal qu’ il se comporte, objectivement, d’une manière tout européocentrique. Il c
1000 jectivement, d’une manière tout européocentrique. Il croit que le droit qu’il étudie est le vrai Droit universel ; que l’h
1001 e tout européocentrique. Il croit que le droit qu’ il étudie est le vrai Droit universel ; que l’histoire a un sens et qu’e
1002 Droit universel ; que l’histoire a un sens et qu’ elle détient la clé de l’évolution du Monde ; que l’économie obéit aux mêm
21 1976, Articles divers (1974-1977). Changer de cap (novembre 1976)
1003 que, mais selon les grandes options de société qu’ ils servent objectivement. Depuis six ans environ que je m’occupe de ces
1004 ar le rôle qu’y joue le mensonge systématique. Qu’ il s’agisse des promoteurs de l’énergie nucléaire, ou de Concorde, ou du
1005 « bénéficieront », si l’on peut dire, que feront- ils de ces heures gagnées ? Est-ce qu’elles vaudront les seize milliards
1006 que feront-ils de ces heures gagnées ? Est-ce qu’ elles vaudront les seize milliards déjà dépensés par l’État, donc par les c
1007 les contribuables français et anglais ? Est-ce qu’ elles justifieront le risque planétaire que des savants redoutent, l’attein
1008 merveilleux châteaux de nuages de l’Atlantique : ils y gagneraient (outre 20 % sur le prix du billet, et x % sur leurs imp
1009 éfléchir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’ il était vraiment indispensable de « gagner » trois heures sur ce trajet
1010 ouvriers21. Argument proprement scandaleux ! Faut- il , comme le demandait un Premier ministre, supprimer toute limitation d
1011 ciété est ainsi faite que la seule alternative qu’ elle offre au gaspillage industriel, à la pollution de l’atmosphère, voire
1012 ’atmosphère, voire à la guerre, c’est le chômage, il est temps de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’inventer
1013 lculs et de rêves, de principes et d’ambitions qu’ il nous faut dépasser si nous voulons survivre, qui détruisent à la fois
1014 lus dangereux comme les centrales à plutonium (et il en suffit de 5 kg pour faire une bombe atomique) exigent un déploieme
1015 ou dans une assemblée populaire que c’est cela qu’ il veut, ni qu’il complote vicieusement en vue de promouvoir cette forme
1016 emblée populaire que c’est cela qu’il veut, ni qu’ il complote vicieusement en vue de promouvoir cette forme-là d’asserviss
1017 tato-national dans notre société industrielle (qu’ elle soit capitaliste ou socialiste, nulle différence à cet égard !), la l
1018 hommes d’État, que tous les servants de l’État : elle les manipule et commande — à leur insu le plus souvent — dans leurs r
1019 réflexes et finalement jusque dans leurs pensées. Elle les force à mentir en bonne conscience, parce qu’au sens le plus préc
1020 parce qu’au sens le plus précis de l’expression, ils mentent par raison d’État, et même dans certains cas : par fidélité à
1021 il y a deux morales incompatibles en théorie, si elles sont parfois complémentaires en pratique. L’une veut la liberté d’abo
1022 ous voulez la liberté d’abord avec les risques qu’ elle comporte, vous vous heurtez aux cadres géométriques qu’imposent la so
1023 us voulez, mais je suis convaincu qu’en réa­lité, elle signifie bien davantage, et peut pro­duire en nous d’abord mais aussi
1024 e nous ferions une autre société — et je pense qu’ elle serait meilleure. 21. Aujourd’hui, Air France et la SNIAS publient
22 1977, Articles divers (1974-1977). Souvenir de 1938 (1977)
1025 du et profond sur l’esprit de ses compatriotes, s’ il a prévenu in extremis la guerre entre les cantons suisses, c’est par
1026 té que sa vie d’ascète donne au message secret qu’ il envoie à la Diète, et dont on ne connaît que le résultat : la paix sa
1027 Ce serait la solution formelle ; encore faudrait- il l’adapter à la structure chrétienne du sujet. Je songe alors au style
1028 e le connaissais pas. En pleine gloire, à 46 ans, il vient d’écrire Jeanne au bûcher avec Claudel. De quinze ans son cadet
1029 d’écrire que la seule forme théâtrale à laquelle il croit pour l’avenir est « celle qui arrive à grouper toute une popula
1030 ndé le secret de cette divination spirituelle, et il m’a dit modestement : « J’apprends par cœur les paroles, et puis je m
1031 préétablie, comment ne pas admettre après coup qu’ elle ait gouverné dans le fait plusieurs séries de « hasards objectifs »,
1032 e « ce pacifiste était inopportun en un moment où il s’agissait de résister au national-socialisme ». (Prof. J. de Salis.)
1033 avait pour nous la valeur d’un corps d’armée ! » Il se peut que les deux jugements soient justes. Ce qui est certain, c’e
23 1977, Articles divers (1974-1977). Les débuts de la construction européenne (1977)
1034 de la construction européenne (1977)ad Tel qu’ il se manifeste pour la première fois devant l’opinion internationale, à
1035 nature du phénomène, la Construction européenne. Il n’est que juste et décent d’ajouter que sans le plan Marshall, propos
1036 rien de tout ce qui va suivre n’eût été possible. Il s’agit là d’un fait patent et mesurable : dans les dernières années 1
1037 génies prônés par l’université moderne n’auraient- ils été « utopiques » que sur un seul sujet, l’Europe ? Mais les États ne
1038 oître leur prétention à la souveraineté absolue : elle était dynastique familiale, ils la proclament « nationale » dès la Ré
1039 aineté absolue : elle était dynastique familiale, ils la proclament « nationale » dès la Révolution française. Mais les con
1040 ntales à quelques bons esprits (quel enjeu valait- il cela ?), révolte une minorité d’« objecteurs », et sensibilise un trè
1041 ojet au nom précisément de la « souveraineté » qu’ ils estiment menacée par toute forme d’union qui ne soit pas purement ver
1042 onnet, Schuman et Spaak. Quel facteur nouveau est- il intervenu pour forcer les gouvernements à reprendre la construction a
1043 ts à reprendre la construction au point précis où ils l’avaient abandonnée en 1932 ? Les mouvements de militants et la p
1044 us de la Résistance européenne à l’hitlérisme, qu’ ils soient français ou italiens, allemands ou hollandais, suisses ou angl
1045 oraient une doctrine profondément contestataire : ils s’opposaient aux totalitarismes fasciste, stalinien et nazi en pleine
1046 sé », et au stato-nationalisme centralisateur, qu’ ils tenaient pour les fourriers du totalitarisme. Or, l’idéologie personn
1047 militantisme européen au lendemain de la guerre. Il convient d’ajouter que ces militants ignorent, en général, les ancien
1048 servateur objectif que voudrait être l’historien, il est clair que ni les chefs de mouvements, sans pouvoir, ni les minist
1049 pe » fut convoqué pour le début de mai à La Haye. Il réunit quelque huit-cents délégués de tous les pays du continent, par
1050 éparties et le groupe de pression à pied d’œuvre, il ne restait plus qu’à trouver les hommes d’État capables de faire pass
1051 ans de développement à l’échelle continentale, et elle disposait à ces fins de moyens beaucoup plus importants que le Consei
1052 ivait une campagne vigoureuse sur tous les plans. Il réunissait à Bruxelles, en février 1949, un congrès politique qui ne
1053 t une puissante intervention de Paul-Henri Spaak. Il convoquait à Westminster, en avril 1949, une Conférence économique qu
1054 ction à Genève en octobre de l’année suivante. Et il se trouva que sa première opération fut de définir la nature de la mi
1055 2 décembre 1950 au Centre européen de la culture. Il allait construire le plus grand synchrocyclotron du monde, freinant a
1056 essaient dans le Salon de l’Horloge comprirent qu’ ils vivaient un grand moment de l’Histoire. Il s’agissait de substituer,
1057 nt qu’ils vivaient un grand moment de l’Histoire. Il s’agissait de substituer, tout simplement, dans les rapports séculair
1058 es de la paix aux tricheries en vue de la guerre. Il s’agissait de « considérer les difficultés de chaque pays comme des d
1059 ements, que le « plan Schuman » a si vite réussi. Il s’agissait en réalité d’un plan Monnet. Commissaire général au Plan f
1060 reflètent l’infrastructure matérielle selon Marx. Il suffit d’un parti nationaliste prenant le pouvoir quelques années plu
1061 ubles. D’autres voulaient croire, en revanche, qu’ elle entraînerait nécessairement l’avènement d’un pouvoir politique, en ve
1062 e de rétablir l’équilibre » (Pierre Uri). Quoi qu’ il en soit, les parlements de cinq des Six ne tardèrent pas à ratifier l
1063 et français (1992 et 1953) ; mais en France même, il allait déclencher le débat le plus passionné de l’après-guerre. L’éch
1064 ssément la tactique et la stratégie de la CECA, «  ils sont d’avis que l’union doit être réalisée d’abord dans le domaine éc
1065 tre réalisée d’abord dans le domaine économique ; ils estiment qu’il faut étudier la création d’une organisation commune à
1066 bord dans le domaine économique ; ils estiment qu’ il faut étudier la création d’une organisation commune à laquelle seront
1067 e développement pacifique de l’énergie atomique ; ils reconnaissent que la constitution d’un Marché commun européen est l’o
1068 mouvements de militants se sont tus ou rabâchent. Ils parlent chaque année d’une « relance de l’Europe ». Et les ministres
1069 d’accord — depuis un peu plus de vingt-cinq ans. Ils ont lu les sondages, qui donnent en général une forte majorité aux pa
1070 s de l’Est et de l’Extrême-Ouest, comment se fait- il que rien n’ait été fait, que rien ne se fasse ? Dans l’état actuel de
24 1977, Articles divers (1974-1977). Robert Schuman (1886-1963) : l’homme de la frontière (1977)
1071 (1977)ae af Cet homme dont on a pu écrire « qu’ il n’avait l’air de rien », qu’il entrait dans la salle du parlement « c
1072 n a pu écrire « qu’il n’avait l’air de rien », qu’ il entrait dans la salle du parlement « comme un ecclésiastique qui se r
1073 un ecclésiastique qui se rend à la chaire » et qu’ il « pesait longuement ses arguments comme un vieux pharmacien ses pilul
1074 fini comme un « homme de la frontière ». En 1914, il est allemand selon son passeport. Inapte au service militaire, il ne
1075 selon son passeport. Inapte au service militaire, il ne sera mobilisé qu’au titre « d’employé auxiliaire » d’une sous-préf
1076 e « d’employé auxiliaire » d’une sous-préfecture. Il n’a donc jamais porté le casque à pointe, comme le lui reprocheront s
1077 ns ces données historiques et géopolitiques. Mais elle a dû passer par la filière française, seule capable de lui prêter ces
1078 aux œuvres sociales et religieuses de la ville où il exerce son métier d’avocat, Metz, Schuman, sur les instances de ses a
1079 ins encore par ambition. J’étais alors, écrira-t- il , un juriste quelque peu candide, inexpérimenté dans l’art de la tacti
1080 a guerre de 1939, constamment réélu à la Chambre, il s’y cantonnera dans son rôle de président de la Commission d’Alsace-L
1081 ident de la Commission d’Alsace-Lorraine ; mais s’ il adhère en 1931 au jeune Parti des démocrates populaires — qui sera le
1082 lacé en résidence surveillée dans la Forêt-Noire, il s’évade en 1942. Les nazis le rechercheront à travers toute la France
1083 es années d’occupation, sans jamais le découvrir. Il n’en sera pas moins l’un des premiers à proposer, à la Libération, un
1084 e l’équation qui est le rapport origines/horizon, elle exprime l’expérience durement acquise de l’homme de la frontière, aut
1085 ations historiques et ses finalités spirituelles. Elle est inséparable de la personne même de Robert Schuman, parce qu’elle
1086 e de la personne même de Robert Schuman, parce qu’ elle en est constitutive et lui est vraiment congénitale. L’action de Robe
1087 s personnes dégagent la résultante et trouvent en elle leur expression. Mais une autre question de paternité vient se poser
1088 taire endurci que fut Robert Schuman : à qui faut- il attribuer la Déclaration du 9 mai 1950 ? Le plan Schuman fut-il en ré
1089 a Déclaration du 9 mai 1950 ? Le plan Schuman fut- il en réalité un Plan Monnet ? Il est certain que la Déclaration n’a pas
1090 e plan Schuman fut-il en réalité un Plan Monnet ? Il est certain que la Déclaration n’a pas été rédigée par Schuman, mais
1091 oiles étaient alors Pierre Uri et Étienne Hirsch. Il est non moins certain qu’en faisant du projet « son affaire » et en e
1092 a vision lucide de l’avenir des pays de l’Europe. Il avait beaucoup réfléchi à la manière de réconcilier la France et l’Al
1093 pe unie. Quand le moyen de commencer se présenta, il sut arrêter sa méditation pour accepter de passer à l’action. Oui, m
1094 « néglige de l’examiner avec toute l’attention qu’ il méritait », autrement dit n’y répond pas : il n’est pas motivé par le
1095 qu’il méritait », autrement dit n’y répond pas : il n’est pas motivé par le même passé. Et voilà qui permet de résoudre p
1096 ope des peuples, des cœurs et des esprits : c’est elle qui motiva au premier chef Robert Schuman. Aux yeux de l’Histoire, il
1097 mier chef Robert Schuman. Aux yeux de l’Histoire, il restera l’homme d’État grâce auquel la première Communauté européenne
1098 ère Communauté européenne a pu voir le jour. Mais il s’était rêvé tout autre chose, homme de méditation et de culture, au
1099 es de collectionneur passionné. Et c’est pourquoi il accepta de présider, pour un temps bref mais décisif, deux institutio
1100 emier plan qu’était devenu Robert Schuman jugeait- il la fonction de ces deux entreprises, si modestes au regard de la CECA
1101 Piéton tranquille sur les chemins de l’Histoire, il a frayé la voie vers l’union fédérale en s’y avançant le premier. Et
1102 n fédérale en s’y avançant le premier. Et certes, il n’a jamais entretenu l’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il
1103 Et certes, il n’a jamais entretenu l’illusion qu’ il irait lui-même jusqu’au but. Il m’avait dit un jour de 1960, dans un
1104 enu l’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il m’avait dit un jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis
25 1977, Articles divers (1974-1977). Hérétiques de toutes les religions, unissez-vous ! (1977)
1105 elquefois, en route vers les rencontres d’Ascona, il s’écrie : Hérétiques de toutes les religions, unissez-vous ! J’ai sou
1106 ussi paradoxale en soi que dans les polémiques qu’ elle nous inspirait. Cette interprétation de notre mouvement était en somm
1107 , de plus en plus, fascinaient nos contemporains. Il pouvait sembler normal à quelque observateur superficiel que face à c
1108 ait ce que croyaient voir les journalistes, quand il leur arrivait de regarder de ce côté. De fait, il s’agissait de bien
1109 il leur arrivait de regarder de ce côté. De fait, il s’agissait de bien autre chose, d’une réaction vitale, fondamentale :
1110 . Mais je relis les onze numéros de notre revue : il n’y est jamais question d’orthodoxie ! (Sauf une fois : pour nier que
1111 que la morale est suffisante, et celui qui nie qu’ elle soit nécessaire… Le moralisme donne une réponse universelle et ineffi
1112 fois pour toutes, ni une « fixation théorique ». Elle était quelque chose, disions-nous, « dont nous ne sommes pas les aute
1113 l’instant, hic et nunc. » Nous disions encore : Il ne s’agit pas de la concordance littérale de nos propositions théolog
1114 se les approprie, comme sa chose et son bien, qu’ il posséderait sans l’actualité de cette Parole et avant elle. Les deux
1115 éderait sans l’actualité de cette Parole et avant elle . Les deux derniers passages cités sont justement d’Henry Corbin. Et
1116 Kafka. Sohrawardi écrit : « Lis le Coran comme s’ il n’avait été révélé que pour ton propre cas. » Kierkegaard écrit : « L
1117 ine la parabole de la Porte du Palais de justice. Elle est ouverte, mais le pauvre paysan n’ose la franchir, à cause des deu
1118 gardiens qui se tiennent auprès, jusqu’au jour où il dit à l’un d’eux : Mais personne n’est jamais entré ni sorti, depuis
1119 is que j’attends ici ! À quoi le gardien répond : Elle n’était là que pour toi. Maintenant, il est trop tard, nous la fermon
1120 épond : Elle n’était là que pour toi. Maintenant, il est trop tard, nous la fermons. Nous pressentions qu’il n’y a de port
1121 trop tard, nous la fermons. Nous pressentions qu’ il n’y a de porte que pour celui qui osera la franchir, à tous risques,
1122 risques, sans laissez-passer d’aucune sorte ; qu’ il n’y a de sens que pour celui qui se met en marche, et que la vraie vo
1123 fondamentale de l’expression de « voie unique ». Elle peut signifier aussi bien qu’il n’y a qu’une vraie voie, qu’une vérit
1124  voie unique ». Elle peut signifier aussi bien qu’ il n’y a qu’une vraie voie, qu’une vérité viable, la même pour tous, à l
1125 tituent en doctrine imposée à une communauté dont elles deviennent alors l’orthodoxie ; et les systèmes dogmatiques imposés p
1126 ponts et chaussées ni à la police de la route qu’ il faut s’adresser si l’on cherche le chemin du Graal. ⁂ La complémentar
1127 l’hérésie en leur sens littéral, s’évanouissent : il n’y a plus de contradiction entre l’orthologie et l’autologie, la pre
1128 privilégier soit la personne, soit la communauté. Il existe au surplus certaines correspondances entre ces types psycholog
1129 ion, la plupart se contentent d’y être nés ; mais ils s’en accommodent plus facilement et d’une manière plus féconde selon
1130 e communisme « orthodoxe ») attend des fidèles qu’ ils optent en dernier ressort non pour l’Individu (au sens kierkegaardien
1131 ue je voudrais dire convertissante. (Pour, moi, s’ il faut en croire les tests que j’ai passés, je me verrais plutôt entre
1132 s !) ⁂ L’aventurier de l’esprit suit le chemin qu’ il invente en y marchant. « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lum
1133 e mesure, en sorte que toi seul puisses y passer. Elle n’est pas ouverte à l’avance : tu l’ouvres en osant la franchir tel q
1134 es » malgré eux : ceux qui ont un jour compris qu’ ils étaient bien forcés d’inventer leur chemin sans aucune garantie, puis
26 1977, Articles divers (1974-1977). La nature du pouvoir (9 octobre 1977)
1135 presque tout ce qu’a dit Jeanne Hersch hier soir. Il aurait peut-être mieux valu commencer par une provocation, mais peut-
1136 ne provocation, mais peut-être celle-ci viendra-t- elle plus tard, après moi. Nous avons entendu, hier soir, une très belle l
1137 ince est celui qui impose et casse les lois comme il le veut, commence et termine les guerres comme il le veut, et reçoit
1138 il le veut, commence et termine les guerres comme il le veut, et reçoit délégation de la souveraineté populaire une fois p
1139 raliste, qui est beaucoup moins sensible parce qu’ il s’exerce à tous les niveaux, d’en bas jusqu’en haut, par délégation s
1140 que cette distinction est, aujourd’hui, décisive. Elle domine absolument tout ce qui va se passer à la fin de ce siècle. S’a
1141 te définition impossible, d’Aristote à Max Weber. Elle s’est repliée sur la notion de « mixte », et a été jusqu’à parler d’u
1142 en même temps, l’écartèle. Moi je veux bien, mais il me semble que cela permet de faire entrer un peu trop de choses dans
1143 re après tout ? Le pouvoir est là, défini ou non, il est là. Nous le trouvons en venant au monde ; et nous n’y pouvons rie
1144 voir, à toutes sortes de réactions anarchisantes. Il provient de l’idée que le pouvoir nous est extérieur, qu’il se présen
1145 t de l’idée que le pouvoir nous est extérieur, qu’ il se présente à nous sous forme de contrainte, que nous subissons sans
1146 ire le pouvoir comme limite à la contrainte. Mais il me semble insuffisant de s’en tenir à la condamnation des jeunes cont
1147 autre conduite, et finit dans l’État totalitaire. Il me semble qu’il y aurait lieu, ici, de marquer beaucoup plus fermemen
1148 ue ouvrage de Bertrand de Jouvenel : Du Pouvoir — il ne s’agit pas d’opposer une condamnation impuissante du pouvoir comme
1149 ne condamnation impuissante du pouvoir comme tel. Il ne suffit pas, non plus, d’essayer de le renverser, de « prendre le p
1150 ré de ceux qui voulaient s’en emparer. Là-dessus, il a pris le pouvoir, et a illustré lui-même, d’une manière parfaite, to
1151 stré lui-même, d’une manière parfaite, tout ce qu’ il avait dénoncé quelques mois plus tôt. Je pense qu’il n’y a qu’un moye
1152 avait dénoncé quelques mois plus tôt. Je pense qu’ il n’y a qu’un moyen d’opposer le pouvoir de liberté au pouvoir de l’Éta
1153 ents et demande de précisions de Jeanne Hersch :] Il n’y a pas vraiment d’opposition entre ce que vous avez dit plus longu
1154 une société veut borner les ravages de la guerre, elle n’a d’autres moyens que de borner les facultés du pouvoir. » am. R
27 1977, Articles divers (1974-1977). La puissance et les choix (mai 1977)
1155 gions, qui entendent tout simplement et autant qu’ ils le peuvent, rester maîtres de leur propre destin. Or, parmi ceux qui
1156 emparé. Quant à ceux qui optent pour la Liberté, ils pensent y être conduits par quelque individualisme égoïste, ou par le
1157 nne n’est jamais ni tout l’un ni tout l’autre. Et il n’existe pas non plus de liberté réelle sans nulle puissance, ni de p
1158 e plus large du mot, est le choix d’une finalité. Il désigne d’une part l’aménagement des relations humaines dans la commu
1159 le les moyens ont pour devoir de concourir. Ce qu’ il faut voir, et qui est peut-être décisif, c’est que le parallélisme in
1160 et si dangereuses que nos pays, tout en jurant qu’ elles sont inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin que possible de leu
1161 ues, trop chères et trop dangereuses, ignorent qu’ ils dénoncent là les raisons mêmes qui font que nos États les adoptent. C
1162 ensions de déclencher et d’entretenir une guerre. Il est clair comme le jour que le choix des centrales nucléaires et des
1163 ue, c’est-à-dire de la fin de l’histoire humaine. Il est non moins clair que personne n’a jamais osé dire, ni même laissé
1164 car les fins seules dicteront leurs moyens. Ce qu’ il faut voir, c’est que le but de la société n’est pas du tout d’assurer
1165 n’est pas technologique, même pas économique, et il est encore moins financier : car à ces trois niveaux, la cause est en
1166 : car à ces trois niveaux, la cause est entendue, elle est perdue. Quand les centrales nucléaires ne présenteraient aucun da
1167 nucléaires ne présenteraient aucun danger, quand elles s’avéreraient rentables, quand il serait réellement « impératif » que
1168 anger, quand elles s’avéreraient rentables, quand il serait réellement « impératif » que la consommation d’énergie double
1169 uble tous les dix ans, je serais contre, parce qu’ elles sont les pièces principales d’un système qui conduit à renforcer l’em
1170 risques de guerre. Pluton est maître des Enfers, il est aveugle comme les taupes. Mais le Soleil vient du ciel, vient de
1171 de Rougemont, n’est jamais plus grande que lorsqu’ ils déclarent que cette puissance est au service de l’intérêt public. Ils
1172 tte puissance est au service de l’intérêt public. Ils ont toujours fait la guerre, et ils continuent de la faire, dans le c
1173 térêt public. Ils ont toujours fait la guerre, et ils continuent de la faire, dans le cadre de ce qu’ils considèrent, eux,
1174 ls continuent de la faire, dans le cadre de ce qu’ ils considèrent, eux, comme l’intérêt public. Récemment, ils ont encore é
1175 sidèrent, eux, comme l’intérêt public. Récemment, ils ont encore élargi leur rayon d’intervention et de nombreux services p
1176 publics en sont en fait venus à asservir ceux qu’ ils étaient censés servir. La charge qu’ils leur font supporter est parfo
1177 r ceux qu’ils étaient censés servir. La charge qu’ ils leur font supporter est parfois financière quand il s’agit, par exemp
1178 leur font supporter est parfois financière quand il s’agit, par exemple, de faire subventionner les transports publics pa
1179 es transports publics par les contribuables. Mais elle revêt également parfois une brutalité concrète quand, par exemple enc
1180 tat. Ce sont les implications politiques de ce qu’ il nomme « le Choix du siècle » que l’auteur de L’Avenir est notre affa
1181 ants et les finalités de la société occidentale . Il vient de terminer L’Avenir est notre affaire qui va sortir incessam
28 1977, Articles divers (1974-1977). Du passé à l’avenir d’une région (27 juin 1977)
1182 ignent, succéderont dès 1707 les rois de Prusse : ils seront Princes de Neuchâtel jusqu’en 1848. Au sud, Genève, ville d’Em
1183 nton, d’ailleurs, est de langue alémanique.) Mais elle entretient des relations privilégiées avec la France, par-dessus les
1184 copale dont seule la moitié ouest parle français, elle s’est liée aux cantons catholiques des Ligues suisses, mais restera l
1185 ent enfin de se donner une Constitution fédérale. Ils vont la discuter, la rédiger, la ratifier et la mettre en vigueur en
1186 e de 1848, un « esprit romand » va se constituer. Il sera l’expression de ce que les cinq cantons — et surtout les trois p
1187 — et surtout les trois protestants — sentiront qu’ ils possèdent en commun, malgré leurs origines hétéroclites, une fois con
1188 d’un libre choix politique, d’un choix d’avenir. Elle va constituer en quelques décennies son identité culturelle, spiritue
1189 e très petites communautés, « seul système, écrit- il , qui réunisse les avantages des grands et des petits États ». Quant à
1190 se romande se définit comme « Suisse » en tant qu’ elle remplit une fonction médiatrice entre le monde germanique et le monde
1191 moins, le Suisse romand d’empreinte réformée, qu’ il soit horloger ou pasteur, militant socialiste dans les montagnes, vig
1192 ions littéraires, philosophiques ou théologiques. Il s’agit bien plutôt d’un comportement moral et civique, fût-il aussi s
1193 en plutôt d’un comportement moral et civique, fût- il aussi sentimental que nos chants patriotiques, aussi concret qu’une v
1194 e une certaine approche des problèmes de la cité. Il implique une économie dérivée de la culture et des accidents de l’his
1195 14, 1815, 1848) à la Confédération helvétique, et ils ne doivent leur « esprit » commun qu’à la dominante protestante (sens
1196 lupart de nos compatriotes l’imaginent vaguement. Elle est relativement récente, et il ne serait pas raisonnable de penser q
1197 nent vaguement. Elle est relativement récente, et il ne serait pas raisonnable de penser qu’elle va se figer désormais dan
1198 nte, et il ne serait pas raisonnable de penser qu’ elle va se figer désormais dans son image du xixe siècle. Elle va changer
1199 e figer désormais dans son image du xixe siècle. Elle va changer, cela seul est certain. À la lumière de son histoire, essa
1200 tant dans l’attitude négative des Genevois lorsqu’ il fut question, en 1814-1815, puis en 1861, de rattacher au canton les
1201 de durcir les frontières et de les fermer plus qu’ elles ne l’ont jamais été dans toute l’histoire européenne. Et que devient
1202 partie, l’AELE, dont la Suisse est le siège comme elle fut la marraine. Et nos cantons gardent leurs séculaires valences (au
1203 cologique, d’aire différente de la première, mais elle aussi transfrontalière car chacun sait que les pollutions n’ont jamai
1204 que et presque accidentel de mon fameux triangle, il me dit : — « Détrompez-vous ! Le triangle que vous venez de dessiner
1205 ions patoisantes et les paroles du Cé qu’è lainô. Il n’en reste pas moins remarquable que l’extension d’une langue oubliée
1206 u moins avant l’ouverture de Satolas.) N’y aurait- il pas, entre les fondements séculaires de la culture et notre économie
1207 l’imaginer ? Le secret de notre avenir ne serait- il pas enfoui au plus profond de notre histoire oubliée ? 31. Et même
1208  : « La Suisse romande est l’expression moderne — elle ne date guère que de la seconde moitié du siècle passé — d’un complex
29 1977, Articles divers (1974-1977). « Il faut changer de cap » (27 septembre 1977)
1209 «  Il faut changer de cap » (27 septembre 1977)al « La décadence d’une s
1210 été commence quand l’homme se demande : “Que va-t- il arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis-je faire ?”. À ces deux
1211 -je faire ?”. À ces deux questions, curieusement, il n’est qu’une réponse possible et c’est : “Toi-même !” » Voilà, en ces
1212 va devoir augmenter d’une manière indéfinie. Or, elle ne peut pas augmenter d’une manière infinie dans un monde fini. Nos r
1213 essources matérielles sont menacées d’épuisement. Il nous reste du pétrole pour trente ans. Que fera-t-on dans trente ans
1214 ates, nous ferons des centrales au plutonium. Or, elles sont un danger intolérable, nous disent des milliers de physiciens. L
1215 e » ? Oui, et ce qui la rend dangereuse, c’est qu’ elle s’opère aujourd’hui sous l’égide de l’État-nation, contre le vœu des
1216 uerre. Vous parliez d’agression contre la nature. Il n’y a pas que la pollution par l’industrie. Pour moi, la pollution ma
1217 e, créativité intellectuelle, etc. sauf un seul : ils ne peuvent pas faire de grandes bêtises, c’est-à-dire de grandes guer
1218 e ? L’État-nation que je dénonce a 180 ans d’âge. Il a détruit, lentement mais sûrement et méthodiquement les communautés
1219 e les seules ethnies : ce sont les communautés qu’ il s’agit de reconnaître, comme le disait Vidal de la Blache, et non de
1220 ait Vidal de la Blache, et non de délimiter. Mais il est évident que les frontières seraient débordées ? On dénombre actue
1221 du Danemark à la Suisse, quatre au moins d’entre elles brochant sur trois pays. Il est fortement question de créer une assem
1222 e au moins d’entre elles brochant sur trois pays. Il est fortement question de créer une assemblée de ces régions-là et d’
1223 prend sur soi-même. al. Rougemont Denis de, «  Il faut changer de cap », L’Aurore, Paris, 27 septembre 1977, p. 6.
30 1977, Articles divers (1974-1977). Au tableau d’honneur de Parents : L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)
1224 u regard rêveur, évoque la solidité, le bon sens. Il est à l’image de cette maison, ancienne ferme retapée, imposante dans
1225 apée, imposante dans sa simplicité, dans laquelle il passe ses vacances, à quelques kilomètres de Grasse. En l’an 2000 n
1226 e. En l’an 2000 ni pain, ni eau, peut-être ! Il parle de son livre d’une voix lente, pèse ses mots comme il jauge le
1227 e son livre d’une voix lente, pèse ses mots comme il jauge le poids des choses, explique, cite Platon, Aristote, décrit la
1228 cette mesure : alors, tout au long de son livre, il nous houspille, nous provoque, nous met au pied du mur. Nous voici co
1229 programmée. « Voilà notre homme de l’an 2000, dit- il  : sans eau potable, sans pain, sans vin et privé même du comprimé d’a
1230 vrais besoins et les vraies fins vers lesquelles ils nous portent ». « À vous de jouer ! » lance-t-il en défi à la jeuness
1231 ils nous portent ». « À vous de jouer ! » lance-t- il en défi à la jeunesse du monde. Denis de Rougemont n’est pas un proph
1232 n prophète. Son livre ne raconte pas une fiction. Il constate. Sévérité du moraliste, tristesse de l’humaniste, mais ferve
1233 veur de l’homme : « Tout est encore possible, dit- il , et même plus que jamais. Tout est possible mais il faut choisir. » C
1234 , et même plus que jamais. Tout est possible mais il faut choisir. » Ce n’est pas un homme à renoncer. Son acharnement à d
1235 Son acharnement à défendre l’Europe, et à travers elle l’homme, le prouve. Déjà en 1932, lorsqu’il fonde la revue Esprit, av
1236 ers elle l’homme, le prouve. Déjà en 1932, lorsqu’ il fonde la revue Esprit, avec E. Mounier, il pense à une Europe qui naî
1237 lorsqu’il fonde la revue Esprit, avec E. Mounier, il pense à une Europe qui naîtrait de la fédération des régions. Après l
1238 it de la fédération des régions. Après la guerre, il en devient l’un des artisans les plus actifs, participe à tous les gr
1239 apporteur général au congrès de La Haye. En 1950, il fonde à Genève le Centre européen de la culture dont il est toujours
1240 de à Genève le Centre européen de la culture dont il est toujours le directeur, et aujourd’hui encore il continue d’enseig
1241 est toujours le directeur, et aujourd’hui encore il continue d’enseigner à l’Institut d’études européennes. L’Europe fut
1242 éennes. L’Europe fut et reste sa passion parce qu’ elle lui apparaît comme l’aboutissement de ce personnalisme communautaire,
1243 ué de renoncer à sa foi dans l’humanité. En 1936, il a vu de près l’Allemagne d’Hitler, a assisté au délire hystérique des
1244 l’Université de Francfort. Quatre ans plus tard, il partait pour les États-Unis. « Hitler fut la réponse au problème fond
1245 nse au problème fondamental de notre temps », dit- il . Terrible constat. Il l’explique. Dans l’Europe du xxe siècle, le se
1246 ental de notre temps », dit-il. Terrible constat. Il l’explique. Dans l’Europe du xxe siècle, le sens de la communauté es
1247 semblable se reproduisait ?Sans doute l’idée a-t- elle effleuré D. de Rougemont lorsqu’en 1969 il a pris brutalement conscie
1248 a-t-elle effleuré D. de Rougemont lorsqu’en 1969 il a pris brutalement conscience que notre monde glissait vers le néant.
1249 n continuait comme maintenant. Je me suis dit : «  il faut faire quelque chose ». Vastes villes trop peuplées, inhumaine
1250  ». Vastes villes trop peuplées, inhumaines Il se met à la tâche. Pendant quatre ans, il réunit documents, rapports,
1251 ines Il se met à la tâche. Pendant quatre ans, il réunit documents, rapports, enquêtes, rencontre des sociologues, des
1252 spèce humaine est arrivée à une crise majeure. Si elle ne se ressaisit pas, si elle renonce à intervenir, alors elle signera
1253 ne crise majeure. Si elle ne se ressaisit pas, si elle renonce à intervenir, alors elle signera sa mort. Or, maintenant que
1254 essaisit pas, si elle renonce à intervenir, alors elle signera sa mort. Or, maintenant que nous avons les moyens de surmonte
1255 nos jours l’avenir était complètement inconnu, s’ il dépendait des catastrophes, du temps, de la nature, s’il s’agissait a
1256 ndait des catastrophes, du temps, de la nature, s’ il s’agissait alors simplement de survivre, de se maintenir le menton au
1257 hnique. Les catastrophes ne tombent plus du ciel, elles viennent de nous. Mais les hommes ont encore beaucoup de peine à l’ad
1258 core beaucoup de peine à l’admettre. Et pourtant, il nous reste désormais à décider librement de l’essentiel : pour quoi v
1259 es sont envahis par un sentiment d’impuissance qu’ il faut absolument combattre. C’est lui qui mène la jeunesse à la délinq
1260 rvenus, nous revenons à la grande idée des Grecs. Ils savaient eux que si les villes dépassaient 100 000 habitants, elles n
1261 que si les villes dépassaient 100 000 habitants, elles ne seraient plus gouvernées par les citoyens, que ces derniers ne pou
1262 ion. Pour que nous connaissions la vérité, puisqu’ elle seule nous fera réagir. C’est ainsi que cet automne naîtra « L’Agence
1263 les communes, les municipalités, les régions, car elles seules sont à la mesure des hommes, de leur volonté et de leur voix.
1264 nce du professeur courroucé. L’école ! mais c’est elle qui perpétue les vieux clichés, qui fait croire que ce qui existe a t
1265 ours existé et que nous n’y pouvons rien changer. Elle fait des citoyens pour ce qu’on veut, et trop souvent pour ce que l’É
1266 souvent pour ce que l’État lui demande. Longtemps elle a fait des citoyens pour la nation seulement. Nous avons payé cela pa
1267 Pyrénées séparent la France de l’Espagne alors qu’ elles réunissent les Basques et les Catalans. Le Rhin, frontière naturelle
1268 ionales. Car l’enfant s’intéresse d’abord à ce qu’ il voit, à ce qu’il peut toucher. Parlons-lui de l’histoire naturelle de
1269 fant s’intéresse d’abord à ce qu’il voit, à ce qu’ il peut toucher. Parlons-lui de l’histoire naturelle de sa région, de se
1270 e se contente pas d’imaginer. Pendant quinze ans, il a organisé des stages au Centre européen de la culture à l’intention
1271 es problèmes de l’école, de tous les mensonges qu’ elle colporte et des moyens de les combattre. Pensez que quelque 3000 maît
1272 t rien d’autre qu’une dimension de la personne », il prône la plus profonde révolution qui soit : celle que chacun doit ac
31 1977, Articles divers (1974-1977). Denis de Rougemont : le retour d’un hérétique (3 octobre 1977)
1273 slogan à un nouveau courant de pensée33. En fait, il s’agit moins d’un slogan que d’un appel au bon sens. Car il ne faut p
1274 moins d’un slogan que d’un appel au bon sens. Car il ne faut pas s’y tromper : ou bien notre mode de développement continu
1275 rève échéance. Ou bien nous réagissons et, alors, il faut faire vite. Cela dit, il y a un vieux proverbe latin que je me r
1276 et à d’autres —, on sait désormais que le pire, s’ il n’est pas sûr, est en tout cas probable. Or, actuellement, il n’y a g
1277 sûr, est en tout cas probable. Or, actuellement, il n’y a guère que les écologistes pour percevoir et pour essayer de pré
1278 mobile mais aussi par les embouteillages. Tant qu’ il n’aura pas l’un et l’autre, il se sentira frustré, exclu. Je pense do
1279 teillages. Tant qu’il n’aura pas l’un et l’autre, il se sentira frustré, exclu. Je pense donc qu’après l’avoir exploité pe
1280 pargner de nouvelles désillusions. Pour ce faire, il faudrait que nous commencions par changer de cap nous-mêmes. Il faudr
1281 e nous commencions par changer de cap nous-mêmes. Il faudrait que nous imaginions une forme de développement moins démente
1282 que, si notre démographie n’était pas maîtrisée, il suffirait de quelques siècles pour que chaque mètre carré de notre pl
1283 vec sa volonté de puissance et son égoïsme sacré, il serait le grand responsable de l’apocalypse qui se prépare… Qui pourr
1284 er leurs frontières et de s’y cramponner comme si elles étaient le bord incontestable de leur identité. Or qu’est-ce qu’une f
1285 de sous-sol, de langue, de culture ou de région. Il ne faut pas s’étonner si les économistes ont tant de mal à faire fonc
1286 u lac Léman, puisque nous l’avons sous les yeux : il est en train de se polluer, et d’une manière dramatique. Or personne
1287 r moi, des thèmes très étroitement liés. En face, il n’y a que des illusions « stato-nationales ». Il est plaisant d’obser
1288 il n’y a que des illusions « stato-nationales ». Il est plaisant d’observer qu’aujourd’hui, en France, ce sont les deux g
1289 etrouvent pour brandir des slogans, incapables qu’ ils sont de voir plus loin que l’Hexagone. Vous dites également que la fi
1290 à la guerre : « C’est par la guerre au-dehors qu’ il trouve la tranquillité qu’il n’a plus au-dedans. » À cet égard, on pe
1291 guerre au-dehors qu’il trouve la tranquillité qu’ il n’a plus au-dedans. » À cet égard, on peut dater avec précision la na
1292 nir à ses fins ; dès que la patrie est en danger, il n’y a plus ni catholiques, ni protestants, ni ouvriers, ni patrons, n
1293 i ouvriers, ni patrons, ni paysans, ni bourgeois, il n’y a plus que des sujets dociles et mobilisés. La guerre permet de g
1294 es de culture, de région, de classe ou de langue. Elle est le creuset où tous deviennent identiques. Par conséquent, on comp
1295 ourir. La guerre, par essence, le fortifie puisqu’ elle lui permet d’imposer sa loi et son autorité sur une population discip
1296 pouvoir, c’est le mythe nationaliste pour lequel il faut toujours « rester maître chez soi ». La seule façon d’user cette
1297 . Tant que l’Europe n’existera pas politiquement, il n’y aura pas de régionalisme possible. Comment expliquez-vous que l’i
1298 avec quelques amisau, j’avais milité en ce sens. Il se trouve que des manœuvres politiques ont empêché ce vaste mouvement
1299 z-vous une telle entreprise ? De ce point de vue, il n’y a rien à craindre. L’Europe des marchands ne se fera pas car son
1300 ous gouvernent voulaient vraiment faire l’Europe, ils invoqueraient, d’abord, des raisons politiques et culturelles. À part
1301 comment oserions-nous attendre des populations qu’ elles s’enthousiasment pour les marathons de Bruxelles, qui, dans le meille
1302 ue où je créais le Centre européen de la culture, il m’avait envoyé un long rapport dans lequel il expliquait que la cultu
1303 re, il m’avait envoyé un long rapport dans lequel il expliquait que la culture française n’avait pas d’avenir en dehors de
1304 e devient un article de foi de son nouveau credo. Il alla même jusqu’à écrire une préface fort célèbre pour le livre de Fr
1305 ranz Fanon, Les Damnés de la terre, dans laquelle il déclare, en gros, que les Africains auraient raison de « tirer à vue 
1306 x. C’était pour le moins curieux car, d’une part, il affirmait que l’Européen, en tant que tel, n’existe pas, mais dès qu’
1307 opéen, en tant que tel, n’existe pas, mais dès qu’ il s’adressait au tiers-monde, il accréditait l’idée d’une « nature euro
1308 e pas, mais dès qu’il s’adressait au tiers-monde, il accréditait l’idée d’une « nature européenne » (comme on dit « nature
1309 ités et des forces en présence. Mais, ce faisant, il obéit sans le savoir à un vieux réflexe de chauvinisme dont il se cro
1310 le savoir à un vieux réflexe de chauvinisme dont il se croit sincèrement incapable. L’« impérialisme germano-américain »
1311 ncer ? Certes, ce n’est pas une abstraction, mais il est désolant que de grands esprits ne lui opposent qu’une sorte de po
1312 ence de s’approprier l’expression. Quant au fond, il ne faut pas se méprendre : l’expression « ordre nouveau » n’avait pas
1313 ans, se taillaient des triomphes faciles parce qu’ ils arrivaient et disaient : « Moi, je vais vous offrir du communautaire,
1314 ux. » Et, en histoire, quand une jeunesse a faim, elle ne regarde pas ce qu’elle mange. Dans ces conditions, l’antifascisme
1315 nd une jeunesse a faim, elle ne regarde pas ce qu’ elle mange. Dans ces conditions, l’antifascisme et l’anticommunisme étaien
1316 nts. Bien sûr, en m’offrant ce poste à Francfort, il s’imaginait que je ne tarderais pas à me convertir à l’idéologie du I
1317 convertir à l’idéologie du IIIe Reich. Pourtant, il n’ignorait rien de mes prises de position antinazies. Voulait-il donc
1318 ien de mes prises de position antinazies. Voulait- il donc me convertir ou m’éclairer ? De ce point de vue, il ne faut pas
1319 me convertir ou m’éclairer ? De ce point de vue, il ne faut pas oublier qu’Otto Abetz lui-même n’était qu’à demi nazi. Un
1320 ne moitié suffit… Je vous l’accorde. Toujours est- il que, dès 1932, il avait témoigné un certain intérêt à notre petit gro
1321 Je vous l’accorde. Toujours est-il que, dès 1932, il avait témoigné un certain intérêt à notre petit groupe. Plus tard, il
1322 certain intérêt à notre petit groupe. Plus tard, il en parla même à Ribbentrop à l’occasion d’un congrès de la jeunesse e
1323 des idéologies stato-nationales qui portaient en elles la guerre « comme la nuée porte l’orage ». À cette fin, nos interlocu
1324 formidables. Relisez les éditoriaux de Combat , ils étaient visiblement inspirés par les idées personnalistes. En Holland
1325 dère rétrospectivement ces chaînes de causalités, il apparaît que l’abomination du génocide hitlérien a peut-être, pour ul
1326 au lieu d’y exclure l’autonomie, la garantit. Or il existe en Occident ce que l’on appelle la passion et qui, en fait, n’
1327 — et je l’ai prouvé —, Tristan n’aime pas Iseut. Il aime l’amour dans lequel l’identité d’Iseut s’anéantit et disparaît.
1328 vient donc une passion subie, au nom, de laquelle il détruit Iseutbi sans pour autant se sentir coupable. « C’est le philt
1329 utant se sentir coupable. « C’est le philtre, dit- il , je n’y suis pour rien… » C’est exactement ainsi que procèdent les Ét
1330 i que procèdent les États-nations. Comme Tristan, ils disent « seul je suis, moi,bj le monde » et, face à cette certitude,
1331 is, moi,bj le monde » et, face à cette certitude, il n’est pas de réalité qui vaille… Tout doit leur être subordonné et s’
1332 s-nations ne se sentent même pas coupables puisqu’ ils proclament n’être que des instruments de la raison d’Étatbk, cet anal
1333 e Tristan, l’État-nation veut être seul au monde. Il ne reconnaît rien au-dessus de lui et cela a commencé, chez nousbl, a
1334 rte de Tristan dont l’Iseut aurait été la France. Il le dit d’ailleurs dès les premières lignes de ses Mémoires : « De tou
1335 ons du mythe de Tristan), n’était-ce pas ainsi qu’ il désignait les hommes de parti qui risquaient de s’interposer entre lu
1336 les à ceux de la passion dans l’ordre de l’amour. Ils ont en commun le mépris de l’autre et la volonté de puissance. Certes
1337 is de l’autre et la volonté de puissance. Certes, ils ont affaire avec le sublime mais aussi, toujours, avec la mort. Si l’
1338 e prononce sur les affaires humaines, je pense qu’ il vaut mieux être du côté du roi Marcbn, qui symbolise la légalité, que
1339 ensée et de style. On peut refuser tout cela mais il faut savoir ce qu’il en coûte. Avant la guerre, Emmanuel Mounier avai
1340 peut refuser tout cela mais il faut savoir ce qu’ il en coûte. Avant la guerre, Emmanuel Mounier avait dit ; « Denis de Ro
1341 ntroduits par ce chapeau : « Depuis quarante ans, il parle d’environnement, d’autogestion et de la nécessité de créer une
1342 er une Europe de la culture. Depuis quarante ans, il répète que l’État-nation porte en lui la guerre et n’engendre que des
1343 pardonne tout aux prophètes, sauf d’avoir raison… Il fallut son dernier livre, L’Avenir est notre affaire , paru le mois
32 1977, Articles divers (1974-1977). Pierre Desgraupes fait le point avec Denis de Rougemont (10 octobre 1977)
1344 i nous ne choisissons pas librement notre avenir, il n’y aura plus d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que le
1345 i nous ne choisissons pas librement notre avenir, il arrivera…, etc. » Donc je n’annonce pas des cataclysmes, j’essaie au
1346 r dans sa chute, on sait exactement à quel moment elle touchera le sol… En somme, vous êtes un prophète qui espère se trompe
1347 J’écris pour que les choses changent, pas pour qu’ elles continuent. Eh bien, cette mise au point faite — et elle était en eff
1348 ntinuent. Eh bien, cette mise au point faite — et elle était en effet indispensable — voyons comment vous décrivez ces « méc
1349 t. Ce n’est pas vous que j’étonnerai en disant qu’ il y en a beaucoup et qu’on en a beaucoup parlé. Ce qui m’intéresse moi,
1350 é de la métaphore dont on use pour les justifier. Elle tient en un mot magique : croissance. Or cette idée de croissance est
1351 s plantes et des organismes vivants avec laquelle elle n’a pourtant rien à voir. Car la croissance biologique est une croiss
1352 issance dans le domaine des choses matérielles où il n’a plus aucun sens, parce qu’on envisage là une croissance indéfinie
1353 indéfinie ; personne n’a jamais dit à quel moment il faudrait que l’économie s’arrête de croître. Est-ce 10 %, 7 %, 3 % pa
1354 ersonne mais à Dieu. » Ou « De quoi demain sera-t- il fait ? » Vous, vous écrivez : « La décadence d’une société commence q
1355 ole pour trente ans environ. Autour de l’an 2000, il n’y en aura presque plus ou il sera devenu si rare et horriblement ch
1356 tour de l’an 2000, il n’y en aura presque plus ou il sera devenu si rare et horriblement cher qu’il ne sera plus question
1357 ou il sera devenu si rare et horriblement cher qu’ il ne sera plus question de rouler en auto avec un carburant dont chaque
1358 lus de voitures et de plus en plus d’autoroutes. Il n’est pas besoin d’être prophète pour comprendre que d’ici à cinq ou
1359 la panne générale de toutes les voitures parce qu’ il n’y aura plus de pétrole pour les faire rouler. Donc, je ne prédis pa
1360 tout à l’heure sur les cataclysmes ? La voici : «  Il n’y aura plus d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que le
1361 les uns que les autres, qui s’imaginent chacun qu’ ils vont pouvoir continuer à augmenter leurs exportations et diminuer leu
1362 choses finiront mal. Un enfant le comprendrait ! Il est impossible d’imaginer sans rire que les 175 États-nations, qui au
1363 erre est donc pour vous une hypothèse plausible ? Elle est absolument fatale si on continue comme ça. Un exemple typique est
1364 ui annoncent les catastrophes qui les fabriquent. Il est évident que les pays qui achètent des centrales de retraitement d
1365 centrales de retraitement de plutonium, alors qu’ ils n’ont pas une seule centrale nucléaire, donc pas de déchets à retrait
1366 rêmement coûteux, pour rien. C’est parce qu’ainsi ils produisent du plutonium, et avec le plutonium, qu’est-ce qu’on fait ?
1367 ce que les ministres de tous pays racontent, mais il n’y en a pas un seul qui y croit ! Ils ne pourraient pas se regarder
1368 ntent, mais il n’y en a pas un seul qui y croit ! Ils ne pourraient pas se regarder entre eux dans les yeux sans éclater de
1369 z à l’idée que si tant d’hommes mentent, c’est qu’ il doit y avoir là quelque chose d’irrationnel. Cela pose en effet un pr
1370 nt mentir dans la vie courante ; mais une fois qu’ ils sont mis en position de se déclarer là-dessus, alors ils se mettent à
1371 t mis en position de se déclarer là-dessus, alors ils se mettent à mentir par les intestins, je dirai, des mensonges énorme
1372 nt des gens très importants et très intelligents, ils ne peuvent pas ne pas le savoir. Citez-moi l’un de ces mensonges par
1373 déchets ? » Pas un savant sérieux ne peut dire qu’ il l’a trouvée. Ça se saurait immédiatement, ça ferait beaucoup de bruit
1374 t un proverbe — le mensonge a les jambes courtes, il est vite rattrapé. Mais ça ne fait rien, ils continuent à mentir. C’e
1375 rtes, il est vite rattrapé. Mais ça ne fait rien, ils continuent à mentir. C’est justement ce qui me frappe dans tout cela 
1376 connaissent tous entre eux se comportent comme s’ ils s’étaient mis d’accord pour présenter une certaine version des choses
1377 ys, la Suisse. On a appris, à un moment donné, qu’ il existait chez nous un conseil d’experts qui conseillait le gouverneme
1378 physique qui faisait partie de cette commission. Il a dit : « Je ne veux plus continuer à me prêter à cette comédie, je s
1379 ne sont pas des experts, ce sont des vendeurs. » Ils étaient tous docteurs en quelque chose… Je ne suspecte pas particuliè
1380 question de la façon suivante : « D’un côté, a-t- il dit en substance, il y a des savants qui affirment que tous les risqu
1381 risques du nucléaire sont maîtrisés ; de l’autre, il y en a tout autant, sinon plus, qui affirment le contraire. Qui croir
1382 re ? » Et sa réponse a été : « C’est très simple, il faut croire ceux qui n’ont rien à gagner de la position qu’ils prenne
1383 re ceux qui n’ont rien à gagner de la position qu’ ils prennent. » Et il observe que sur les vingt-six universitaires qui on
1384 ien à gagner de la position qu’ils prennent. » Et il observe que sur les vingt-six universitaires qui ont signé la déclara
1385 ouable » tous ces mensonges, selon vous, masquent- ils  ? Eh bien, regardons d’abord le but affiché. On nous répète à satiété
1386 Mais c’est bien là, justement, tout le problème. Il n’y a aucun impératif à cela. Ce sont encore des « experts » qui ont
1387 s « experts » qui ont inventé cet « impératif » ! Ils nous disent : « Si on n’a pas recours au nucléaire, on devra retourne
1388 mmation d’électricité double tous les sept ans. S’ il faut suivre ce rythme, ça voudrait dire que d’ici moins de cent ans,
1389 me, ça voudrait dire que d’ici moins de cent ans, il faudrait multiplier par 16 384 la production. Rien que de l’énoncer e
1390 question : quel but poursuivent tous ces gens qu’ ils n’osent pas afficher ? La puissance. La puissance de qui ? La leur ?
1391 erait en effet dérisoire, mais plus facile. Ce qu’ ils poursuivent, chacun dans sa sphère — et même parfois inconsciemment —
1392 e mythe de la grandeur. De Gaulle a incarné cela. Il se moquait des Français, mais il voulait la grandeur de la France. C’
1393 a incarné cela. Il se moquait des Français, mais il voulait la grandeur de la France. C’est un mythe extrêmement puissant
1394 tré dans Le Mal français. Sa thèse m’aide plus qu’ elle ne me contrarie ; car il a très bien montré, dans le cas de problèmes
1395 a thèse m’aide plus qu’elle ne me contrarie ; car il a très bien montré, dans le cas de problèmes qu’il évoque, que même l
1396 l a très bien montré, dans le cas de problèmes qu’ il évoque, que même le général de Gaulle, chef de l’État, agissant comme
1397 sant comme un roi, n’avait rien pu faire de ce qu’ il voulait parce que l’État c’était les fonctionnaires, l’administration
1398 ça, la vraie réalité de l’État. Ne vous semble-t- il pas un peu court de réduire l’État aux fonctionnaires ? Les fonctionn
1399 carrés de 18 lieues de côté, à partir de Paris ; ils se plaignaient même de ce qu’en approchant des frontières, les carrés
1400 ssion. Tout ce que vous venez de dire ne montre-t- il pas que les États-nations, que vous critiquez depuis longtemps, ne so
1401 de choisir librement son avenir, du seul fait qu’ il en a pour la première fois la liberté, donc la responsabilité. C’est
1402 tat que vous décrivez aussi super-puissant ? Faut- il briser l’État ? Et si oui, comment ? Je dirai qu’il faut en finir ave
1403 briser l’État ? Et si oui, comment ? Je dirai qu’ il faut en finir avec l’État-nation et qu’il faut, pour cela, changer de
1404 irai qu’il faut en finir avec l’État-nation et qu’ il faut, pour cela, changer de fins. La fin de l’État-nation étant sa pr
1405 propre puissance. Un tel substitut de l’État a-t- il jamais existé ? Pouvez-vous m’en citer un modèle ? Eh bien, je pourra
1406 er Égée, qui avait eu la sagesse de savoir que si elle dépassait mettons 100 000 habitants, elle tomberait dans la tyrannie.
1407 que si elle dépassait mettons 100 000 habitants, elle tomberait dans la tyrannie. Son gouvernement, alors, ne pourrait plus
1408 réunis, dialoguant, discutant de leurs affaires, il deviendrait la tâche de quelques spécialistes délégués qui s’imposera
1409 nd la population approchait de 100 000 habitants, ils décidaient de créer une colonie en exportant une partie de la populat
1410 colonie en exportant une partie de la population. Ils l’ont fait soixante-dix fois, figurez-vous ! Je suppose que les lingu
1411 tre l’exemple de Milet, a retrouvé cette sagesse. Ils étaient 100 à 150 pour cultiver un très grand lopin de terre qu’ils a
1412 150 pour cultiver un très grand lopin de terre qu’ ils avaient acheté en Haute-Provence. Et quand ils sont devenus un peu tr
1413 qu’ils avaient acheté en Haute-Provence. Et quand ils sont devenus un peu trop nombreux pour la survie harmonieuse du group
1414 op nombreux pour la survie harmonieuse du groupe, ils ont commencé à essaimer ; ils ont aujourd’hui une dizaine de communau
1415 monieuse du groupe, ils ont commencé à essaimer ; ils ont aujourd’hui une dizaine de communautés répandues sur quatre pays
1416 restent plus ou moins en relation ; par exemple, ils avaient d’immenses troupeaux de moutons, mais ils ne savaient pas tro
1417 ils avaient d’immenses troupeaux de moutons, mais ils ne savaient pas trop quoi faire avec la laine. Alors ils ont acheté u
1418 savaient pas trop quoi faire avec la laine. Alors ils ont acheté une usine en Savoie pour faire des tissus. Le début de la
1419 que ces communautés sont vos modèles ? Non, mais elles montrent, expérimentalement, une possibilité de faire autre chose que
1420 plement devenir toujours plus grand jusqu’à ce qu’ il n’y ait plus aucune possibilité matérielle de prendre son destin en m
1421 st une image un peu naïve de nos jours. Bien sûr, il s’agit — là encore — d’un modèle mais il n’est pas si naïf. Dans mon
1422 ien sûr, il s’agit — là encore — d’un modèle mais il n’est pas si naïf. Dans mon pays, la Suisse, qui est composée de nomb
1423 émocratie est dialogue. Peut-être est-ce parce qu’ il ressent ce manque que M. Giscard d’Estaing va dîner chez l’habitant,
1424 lement, mais ce n’est encore qu’une intention, et il ne peut y avoir de vraie démocratie dans des dimensions qui sont inco
1425 c le dialogue ou, du moins, la concertation. Donc il faut renoncer aux grandes dimensions parce que les grandes dimensions
1426 olument tous les avantages sur le grand sauf un : il ne peut pas faire de très grandes bêtises. Regardez la Confédération
1427 ur moi un modèle assez proche de la cité grecque. Elle s’est formée sur la base de communes forestièresbr, d’une coopérative
1428 estièresbr, d’une coopérative, si vous voulez, et elle s’est peu à peu agrandie sous la forme d’une composition de petites u
1429 chacune des unités différentes et autonomes comme elles le voulaient. Pas pour faire une grande puissance qui irait ensuite d
1430 uissance qui irait ensuite dévaster tout autour d’ elle , comme ont voulu le faire les rois de France, de Castille et d’Anglet
1431 our qualifier déjà l’État-nation, nous disions qu’ il est trop grand et trop petit à la fois. La région — et en particulier
1432 en des souverainetés nationales et, en attendant, ils crèvent. Le malheur, cher Denis de Rougemont, est qu’il y a maintenan
1433 Mais vous notez qu’aujourd’hui, après trente ans, ils disent soudain la même chose que moi. Ce qui fait beaucoup d’effet ma
1434 s ne leur donne pas une grande crédibilité puisqu’ ils se sont trompés si longtemps. Ne peut-on en tirer aussi la conclusion
1435 à ma première phrase : « À partir de maintenant, il arrivera dans le monde ce que les hommes voudront qu’il arrive. » Et
1436 ivera dans le monde ce que les hommes voudront qu’ il arrive. » Et les hommes réfléchissent et c’est le rôle des intellectu
1437 le, car les hommes non plus n’aiment pas changer. Ils comprennent qu’il y va de leur avenir, mais ils continuent à vouloir,
1438 non plus n’aiment pas changer. Ils comprennent qu’ il y va de leur avenir, mais ils continuent à vouloir, comme on dit chez
1439 . Ils comprennent qu’il y va de leur avenir, mais ils continuent à vouloir, comme on dit chez moi, le beurre et l’argent du
1440 disent : « Manger son gâteau et l’avoir encore. » Ils veulent tout à la fois. Ils épousent de bons idéaux, mais en réalité,
1441 et l’avoir encore. » Ils veulent tout à la fois. Ils épousent de bons idéaux, mais en réalité, ils font tout autre chose.
1442 is. Ils épousent de bons idéaux, mais en réalité, ils font tout autre chose. Alors, on prêche dans le désert ? Non, il y a
1443 e désert ? Non, il y a encore un espoir, c’est qu’ il va arriver maintenant un certain nombre de catastrophes qui seront as
1444 mon livre « la pédagogie des catastrophes ». Car il y en aura d’autres. Quelques petits nuages de sodium ou de plutonium
1445 usieurs reprises, mais quand les gens le sauront, ils seront obligés de réfléchir et peut-être que ça les fera changer de d
1446 quand Dieu est venu le chercher au Paradis et qu’ il est allé se cacher derrière les buissons. C’est tout juste s’il n’a p
1447 cacher derrière les buissons. C’est tout juste s’ il n’a pas dit : « Je ne suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : « 
1448 u lui a demandé : « Qu’est-ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève 
1449 rès”. » bq. On a ici conservé l’original, même s’ il semble que cette question soit de l’intervieweur. br. Le pluriel est
33 1977, Articles divers (1974-1977). L’Avenir est votre affaire (11 octobre 1977)
1450 ble défenseur des plus hautes valeurs humaines. S’ il adopte dans son livre le ton du prophète, c’est que notre espèce se t
1451 l’humanité est confrontée à un tel problème, car elle n’avait pas, auparavant, les moyens de tout faire sauter. Je parle d’
1452 auter. Je parle d’un délai de dix ans, car après, il sera vraisemblablement trop tard. Et encore faut-il qu’une guerre ato
1453 sera vraisemblablement trop tard. Et encore faut- il qu’une guerre atomique n’éclate pas… Beaucoup de gens disent qu’une t
1454 en tirer du plutonium. On leur fait promettre qu’ elles ne s’en serviront pas à des fins belliqueuses, mais tout le monde sai
1455 chantage. On justifie ces ventes en affirmant qu’ elles équilibrent la balance commerciale, mais elles révèlent en réalité un
1456 qu’elles équilibrent la balance commerciale, mais elles révèlent en réalité un courant suicidaire dans l’humanité, courant pl
1457 nt plus adaptés aux grands enjeux de notre temps. Ils sont ou trop petits ou trop grands, ils n’ont plus rien à faire dans
1458 re temps. Ils sont ou trop petits ou trop grands, ils n’ont plus rien à faire dans ce siècle. Je n’accuse pas les gouvernan
1459 e : sur le plan international on ne l’écoute pas, elle ne compte plus. Mais elle est trop grande, en tant qu’État, à l’échel
1460 nal on ne l’écoute pas, elle ne compte plus. Mais elle est trop grande, en tant qu’État, à l’échelle régionale. La sauvegard
1461 ion franco-genevoise… La conscience régionale est- elle en train de s’éveiller selon vous ? Certainement et je prendrai comme
1462 ésistance commune aux centrales nucléaires, quand ils se sont aperçus qu’on allait en construire seize dans un rayon de qua
1463 privé, avec tel ministre, tel conseiller fédéral, il vous dira que, s’il n’était pas au pouvoir, il serait avec les manife
1464 stre, tel conseiller fédéral, il vous dira que, s’ il n’était pas au pouvoir, il serait avec les manifestants de Kaiseraugs
1465 l, il vous dira que, s’il n’était pas au pouvoir, il serait avec les manifestants de Kaiseraugst ou d’ailleurs… Mais alors
1466 tants de Kaiseraugst ou d’ailleurs… Mais alors, s’ il est vraiment sincère en disant cela, pourquoi ne démissionne-t-il pas
1467 sincère en disant cela, pourquoi ne démissionne-t- il pas en donnant ses raisons ? Pourquoi reste-t-il au pouvoir, alors qu
1468 -il pas en donnant ses raisons ? Pourquoi reste-t- il au pouvoir, alors qu’il a pris conscience de l’impuissance de ce pouv
1469 aisons ? Pourquoi reste-t-il au pouvoir, alors qu’ il a pris conscience de l’impuissance de ce pouvoir ? Car c’est une véri
1470 issance de ce pouvoir ? Car c’est une vérité dont il faudra bien un jour s’aviser : le pouvoir politique n’existe plus, le
1471 le vérité, font les matamores, actuellement, mais ils ne trouveront pas l’argent pour financer leurs centrales nucléaires.
1472 e centrale coûtera environ quatre milliards et qu’ il en faudra des centaines ! Personne n’a prouvé que c’était nécessaire.
1473 onne n’a prouvé que c’était nécessaire. On dit qu’ il faudrait économiser 30 % d’électricité pour pouvoir se passer de cent
1474 . Et pourquoi pas ? Pourquoi toujours affirmer qu’ il nous « faut » absolument ceci ou cela ? Une des grandes idées que Den
1475 en vivent, s’est trompé sur ses vrais besoins. «  Il n’y a d’impératifs que de la nature » et nous devons lutter contre le
1476 ont rappelle et cite dans son livre un article qu’ il écrivit en 1928 déjà et dont le titre à lui seul est éloquent : « Le
1477 pidou a pu commettre cette bourde monumentale : «  Il est temps que Paris s’adapte à l’automobile… » « À quoi ça sert ? » D
1478  le mensonge qui va plus vite que le son », comme il dit, ce somptueux gadget de seize milliards dont les contribuables fr
1479 tront encore longtemps à éponger la facture… Et s’ il « faut » absolument que des hommes d’affaires pressés gagnent trois h
1480 tion toute simple, qui économise seize milliards. Il suffirait de supprimer les formalités de douane au départ et à l’arri
1481 ois heures de gagnées au moins ! Quant aux sages, ils préféreront vivre, selon la merveilleuse expression de notre humanist
1482 donne magistralement les thèses personnalistes qu’ il défend depuis une quarantaine d’années avec l’analyse des problèmes l
1483 es avec l’analyse des problèmes les plus actuels. Il faut souligner cette fidélité méditante et féconde à des conceptions
1484 inénarrables palinodies… Lorsqu’on lui demande s’ il est « à la mode », Denis de Rougemont sourit ironiquement et se fâche
1485 x qui veulent la liberté des personnes. On dit qu’ il n’y a pas de liberté sans puissance. À quoi je réponds que la puissan
1486 de Rougemont consacrera l’un des onze ouvrages qu’ il a en préparation. Tout en voyant très clairement les menaces qui pèse
1487 is de Rougemont est décidément un homme étonnant. Il a fêté l’an dernier son soixante-douzième anniversaire, il est un écr
1488 l’an dernier son soixante-douzième anniversaire, il est un écrivain de notoriété internationale, un intellectuel qui pour
1489 r de déguster une gloire confortable. Et voici qu’ il nous propose avec L’Avenir est notre affaire (Éd. Stock) un livre d
1490 extraordinaire jeunesse, un ouvrage percutant où il s’en prend avec autant de courage que d’efficacité aux grands périls
34 1977, Articles divers (1974-1977). « Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)
1491 s de Rougemont a dénoncé en 1932 le péril nazi et il lutte depuis plus de vingt ans pour le fédéralisme et l’écologie), on
1492 . Denis de Rougemont, lui, garde le calme suisse ( il est né à Neuchâtel) et son livre qui vient de paraître aux éditions S
1493 k a un beau titre : L’Avenir est notre affaire . Il va devenir la bible des écologistes, des régionalistes et de tous les
1494 st directeur du Centre européen de la culture, qu’ il a lui-même fondé à Genève, et auteur de trente-deux ouvrages parmi le
1495 ent, contre le nucléaire, quelle est la parenté ? Il y en a une très visible ! Je défends une certaine idée du mariage dan
1496 une révision déchirante. Quant au goût du secret, il pèse lourd dans les discussions à propos du nucléaire. On met dans la
1497 nucléaire. On met dans la tête des gens l’idée qu’ ils ne peuvent pas comprendre… Je les invite à méditer un argument très s
1498 le : intéressez-vous aux antinucléaires, parce qu’ ils n’ont rien à y gagner… C’est déjà un élément de réflexion. Et à parti
1499 n. Et à partir de là, informez-vous ! Je crois qu’ il faut faire appel au sens de la responsabilité. Mais ce n’est possible
1500 de, « [Entretien] Je suis un pessimiste actif », Elle , Paris, 17 octobre 1977, p. 8. bv. Propos recueillis par Pierrette R
35 1977, Articles divers (1974-1977). « L’avenir, c’est notre affaire ! » (18 octobre 1977)
1501 e diagnostic des sociétés industrielles avancées. Il rappelle à chacun que l’avenir est son affaire, et non celle d’une va
1502 t son affaire, et non celle d’une vague fatalité. Il en appelle à la liberté et au sens des responsabilités. Cet appel est
1503  : « Le pays dont je préfère me plaindre », comme il dit. Quand quelqu’un prend le pouvoir, c’est le pouvoir qui le prend.
1504 prend le pouvoir, c’est le pouvoir qui le prend. Il suffit qu’un homme s’assoie dans les fauteuils de l’État, qu’il utili
1505 n homme s’assoie dans les fauteuils de l’État, qu’ il utilise les téléphones de l’État, pour qu’il parle aussitôt la langue
1506 , qu’il utilise les téléphones de l’État, pour qu’ il parle aussitôt la langue de l’État. Celle de la contrainte. Assis prè
1507 cataclysme militaire sont inévitables. Je dis qu’ il est de notre devoir de les éviter en changeant de cap. De notre devoi
1508 ujours un renforcement de l’État et de sa police. Il s’est chargé très rapidement de confirmer lui-même ce diagnostic. La
1509 s’est répandu dans le monde. La révolution russe, elle , a créé l’État-parti, qui concentre encore plus de moyens en un centr
1510 Festhalle de Francfort, j’ai vu, j’ai senti ce qu’ il faut bien appeler l’âme de la foule. Une fausse communauté née de la
1511 encore et qu’on omet soigneusement de montrer où il mène. On ne parle qu’en termes de croissance — un terme d’ailleurs em
1512 ain des intérêts précis, dans une région précise. Il me semble que c’est sérieux et encourageant. Voyez-vous : je me méfie
36 1977, Articles divers (1974-1977). La fonction et la structure de la ville future (décembre 1977)
1513 « ne sont plus gouvernables » (maire L. Lindsay). Elles sont menacées de faillite (New York dès 1976, mais aussi les plus gra
1514 us il y a de véhicules, plus le trafic ralentit.) Elles illustrent la loi des rendements décroissants. (Une amélioration de 1
1515 de 2 %, 4 x ; de 3 %, 8 x ; de 10 %, 1024 x…). 3. Elles sont les machines les plus énergivores du monde. (Rien de plus vorace
1516 race en électricité qu’une tour de 40 étages.) 4. Elles sont les lieux les plus pollués du monde : air, eau, bruit. 5. Parce
1517 que les hommes y sont trop serrés, — et parce qu’ ils ne s’y sentent pas libres, n’ayant plus la possibilité d’être respons
1518 dans les mêmes directions. Alors, vers quoi faut- il aller ? 4. L’option fondamentale du siècle Au dernier quart du
1519 allégués par les promoteurs et les ministres dont ils sont les experts. Faut-il soumettre l’homme aux structures technolog
1520 et les ministres dont ils sont les experts. Faut- il soumettre l’homme aux structures technologiques de la cité, ou l’inve
1521 res technologiques de la cité, ou l’inverse ? Est- il vraiment « temps que Paris s’adapte à l’automobile » (Georges Pompido
1522 dégradant ainsi les bases mêmes de la démocratie. Il faut rendre les rues et les places non seulement aux piétons, aux bad
1523 t aux piétons, aux badauds, mais aux citoyens. Et il faut composer dans les quartiers des grandes villes l’équivalent mode
1524 (Inde). 4. Diminuer le nombre des étages, puisqu’ il est démontré que le taux de délinquance leur est proportionnel. Suppr
1525 t cesser d’être le secret d’État le mieux gardé : elle doit devenir l’école pratique du civisme. Nous avons aujourd’hui les
37 1977, Articles divers (1974-1977). Demain le soleil (20 décembre 1977)
1526 Les enfants devraient l’aimer et le connaître : il travaille pour qu’ils ne risquent pas de mourir de nos décisions d’au
1527 nt l’aimer et le connaître : il travaille pour qu’ ils ne risquent pas de mourir de nos décisions d’aujourd’hui. C’est un pr
1528  Plaise aux dieux que je sois un faux prophète ». Il écrit pour avertir avant qu’il soit trop tard. Il prédit dans l’espoi
1529 n faux prophète ». Il écrit pour avertir avant qu’ il soit trop tard. Il prédit dans l’espoir que les événements le démenti
1530 Il écrit pour avertir avant qu’il soit trop tard. Il prédit dans l’espoir que les événements le démentiront. Cataclysme ou
1531 lysme ou apocalypse sont des mots épouvantails qu’ il plante dans ses pages pour qu’ils effraient la peur et l’éloignent. Q
1532 épouvantails qu’il plante dans ses pages pour qu’ ils effraient la peur et l’éloignent. Quand il affirme L’Avenir est notr
1533 ur qu’ils effraient la peur et l’éloignent. Quand il affirme L’Avenir est notre affaire , c’est que rien n’est encore per
1534 Fondateur du Centre européen de culture à Genève, il a écrit une trentaine d’ouvrages : Penser avec les mains , Vingt-hu
1535 succès mondial est à l’origine d’un malentendu qu’ il a voulu dissiper dès les premières minutes de notre conversation. L
1536 ermanence. Le soleil peut tout nous donner S’ il fallait que j’explique très simplement qui vous êtes à un enfant, par
1537  ? D’abord, que je suis quelqu’un qui voudrait qu’ il vive dans un monde agréable quand il sera grand. Ensuite, que j’ai éc
1538 voudrait qu’il vive dans un monde agréable quand il sera grand. Ensuite, que j’ai écrit des livres, que je suis l’initiat
1539 ne allaient disparaître dans le gouffre général : il n’en a rien été. Tous les mouvements de résistance dans les pays d’Eu
1540 herchent la puissance, et continuent aujourd’hui. Il s’agit d’une puissance de caractère mythique, celle de l’État-nation.
1541 es mêmes finalités et poursuivent les mêmes buts, il n’y a entre eux aucune différence à cet égard. Une compétition acharn
1542 rnée de ce genre ne peut conduire qu’à la guerre. Elle est inévitable entre des nations qui poursuivent des chimères identiq
1543 ir est notre affaire  : « À partir de maintenant, il arrivera dans le monde ce que les hommes voudront qu’il arrive. » Vou
1544 ivera dans le monde ce que les hommes voudront qu’ il arrive. » Vous n’acceptez pas qu’on se retranche derrière la formule
1545 stin ? Par sa science et son invention technique, il a en main des moyens tels qu’il ne peut plus se payer le luxe sous pr
1546 ention technique, il a en main des moyens tels qu’ il ne peut plus se payer le luxe sous prétexte de progrès, de partir dro
1547 rès, de partir droit devant lui sans envisager où il va arriver. La véritable futurologie devrait prévoir ce qui met notre
1548 sensibles. Plutôt que de les tourner en dérision, il serait préférable de les utiliser comme des « indicateurs », enregist
1549 e vue, cette histoire a l’air un peu fantaisiste, elle l’est moins dès que Denis de Rougemont la raconte, après avoir précis
1550 d’adolescent (une voiture pour être libre) lorsqu’ il s’aperçoit que les Américains n’ont pas tellement envie de ses voitur
1551 ie de ses voitures. Par la force de la publicité, il les persuade qu’ils ne pourraient pas être heureux sans auto et réuss
1552 Par la force de la publicité, il les persuade qu’ ils ne pourraient pas être heureux sans auto et réussit à les contaminer.
1553 re heureux sans auto et réussit à les contaminer. Il commet donc une vilaine action en trompant les hommes sur leurs besoi
1554 s de quoi détruire toute l’économie européenne et il n’est pas dit que nous ne le ferons pas. » Comment Hitler apparaît-il
1555 nous ne le ferons pas. » Comment Hitler apparaît- il dans les sables ? Hitler a eu ce succès gigantesque en Allemagne parc
1556 a eu ce succès gigantesque en Allemagne parce qu’ il a senti que, dans le monde capitaliste, les hommes avaient un besoin
1557 qui était aberrante, à l’Allemagne : le racisme, il en arriva à exterminer six millions de juifs. Après la fin de la guer
1558 ng. C’est ainsi que, d’une voix tranquille, comme il m’aurait raconté quelque fable plaisante, Rougemont venait de démonte
1559 er. Ford part d’une extrémité, Hitler de l’autre. Ils se croisent et tout s’illumine des feux annonciateurs de l’apocalypse
1560 i nous ne choisissons pas librement notre avenir, il n’y aura plus d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que le
1561 t pas plus loin que le bout de leur contestation. Ils sont contre, sans savoir exactement pourquoi. Denis de Rougemont, lui
1562 centre de ses préoccupations. Voilà des années qu’ il étudie, lit, compare, interroge, confronte les avis des grands spécia
1563 avis des grands spécialistes. Quelles raisons a-t- il de se déclarer contre le nucléaire ? Le nucléaire n’est pas un progrè
1564 nies que l’on croyait dépassées. Le choix ne doit- il pas se faire entre l’énergie nucléaire ou le froid et les ténèbres ?
1565 ite, plus haut et plus loin ? Je crois surtout qu’ il va plus bas. Les innovations techniques peuvent même avoir une dimens
1566 t des personnes. Comment les personnes pourraient- elles s’épanouir dans le froid et dans le noir ? Le progrès est dans l’util
1567 ous la terre au milieu de ses immenses richesses, il s’ennuie tellement dans ses enfers qu’il voudrait tuer le plus grand
1568 chesses, il s’ennuie tellement dans ses enfers qu’ il voudrait tuer le plus grand nombre de gens possible pour avoir de la
1569 de Rougemont est reparti vers sa Suisse paisible. Il a encore à réfléchir et à chercher. Là-bas, protégé par le rempart de
1570 er. Là-bas, protégé par le rempart de ses livres, il pourrait se laisser aller à l’égoïsme de l’intellectuel, mais sa cons
1571 lui permettent de voir plus loin que nous, alors il avertit des dangers. Son cri est d’espoir et non pas de sauve-qui-peu
1572 est d’espoir et non pas de sauve-qui-peut, puisqu’ il dit « l’avenir est notre affaire ». Nous sommes tous responsables de
1573 est proche. C’est le temps des enfants. Pour eux, il faut s’efforcer de ne pas avoir à écrire FIN, mais À SUIVRE au bas de
38 1977, Articles divers (1974-1977). Écologie, régionalisme, fédéralisme : l’avenir selon Denis de Rougemont (30 décembre 1977)
1574 été trop tôt. Mais cet été, l’opinion à laquelle il s’adresse a été réveillée par Creys-Malville, entre autres. Après avo
1575 ays de Gex, à Ferney d’abord, puis à Saint-Genis. Il dirige à Genève l’Institut universitaire d’études européennes. ⁂ L’an
1576 ise que traverse aujourd’hui le monde et de ce qu’ il appelle la « religion de la croissance : ceux qui croient qu’on peut
1577 six magasins et deux grandes surfaces ! En 1977, il n’y a plus que 5800 habitants, il y a des immeubles vides et dans cer
1578 tissu social ? Les hommes ne se connaissent plus. Ils effectuent quotidiennement des travaux qui ne les intéressent pas, de
1579 -dire qui ne leur apportent aucune gratification. Ils ne sont pas heureux et ils en viennent à se détester. On sait aujourd
1580 aucune gratification. Ils ne sont pas heureux et ils en viennent à se détester. On sait aujourd’hui que les ressources en
1581 « le fini n’est pas capable d’infini ». N’en est- il pas de même pour les ressources naturelles ? Et les hommes politiques
1582 roissance sans fin. Après moi le déluge, semblent- ils dire. Ils ne pensent qu’aux élections et au programme d’autoroutes qu
1583 sans fin. Après moi le déluge, semblent-ils dire. Ils ne pensent qu’aux élections et au programme d’autoroutes qu’ils ont p
1584 qu’aux élections et au programme d’autoroutes qu’ ils ont promises. L’État : le roi, c’est moi Les xixe et xxe sièc
1585 multinationales. Mais le tiers-monde continuera-t- il à se laisser exploiter, continuera-t-il à accepter les famines dues a
1586 tinuera-t-il à se laisser exploiter, continuera-t- il à accepter les famines dues aux monocultures imposées par la société
1587 mposées par la société industrielle occidentale ? Il faut d’ailleurs noter à cet égard que la civilisation occidentale a f
1588 montré que l’État est responsable de tout, puisqu’ il revendique le contrôle de tout. Et particulièrement de l’État-nation,
1589 tats-nations et eux seuls, qui ont géré la terre. Ils ont géré et détruit les ressources en vue de leur puissance. Pour Den
1590 ions développées en 160 pages partent de l’homme ( il fut l’un des premiers personnalistes, de la revue Esprit), de la comm
1591 tre la droite et la gauche. Le nucléaire pourrait- il être une solution aux problèmes d’énergie ? Là encore, soit dit en pa
1592 te la logique la plus extrême du système. D’abord elle exige des investissements fabuleux et inchiffrables (l’uranium a quin
1593 s peuvent aller très vite. Car ce mouvement n’est- il pas le seul aujourd’hui à pouvoir mobiliser des centaines de milliers