1 1974, Articles divers (1974-1977). La personne comme fondement des valeurs européennes (19 septembre 1974)
1 u Conseil en matière d’éducation et de culture ». Je crois qu’il serait juste d’ajouter à ces dispositions techniques la d
2 , pour ne citer que les plus évidents et ceux que j’ ai le mieux connus. Ce n’est pas rien, mais il faut bien admettre que
3 uissance, comme l’a décrit Lewis Mumford et comme je n’ai cessé de le dénoncer depuis que je m’occupe de l’Europe. Nous vo
4 et comme je n’ai cessé de le dénoncer depuis que je m’occupe de l’Europe. Nous voici, nous les douze invités à la table —
5 comme je n’ai cessé de le dénoncer depuis que je m’ occupe de l’Europe. Nous voici, nous les douze invités à la table — et
6 e invités à la table — et vous tous qui entrerez, je l’espère, dans le débat — aux prises avec une question simple tout au
7 s rouge et blanc de la voie barrée, de l’impasse. Je n’en dirai pas plus sur ce chapitre : tout le monde a lu Forrester ou
8 ites à la croissance (matérielle) reste à écrire. Je l’intitulerais pour ma part Rapport sur la dégradation des relations
9 n’ambitionnaient rien que d’être démenties ! Oui, je sens parmi nous quelque chose qui me paraît beaucoup plus inquiétant
10 nties ! Oui, je sens parmi nous quelque chose qui me paraît beaucoup plus inquiétant que les vues apocalyptiques des écolo
11 question pure, béante, qui se posait du temps de ma jeunesse à quelques-uns, et qui a subitement éclaté dans les universi
12 1968 : Que faisons-nous là ? Quel est le sens de ma vie dans cette société qui n’en est pas une, puisqu’elle n’est plus u
13 qui anime Le Capital est celle de la justice, ou je n’y ai rien compris. C’est la justice, non la nécessité, qui est le v
14 e la personne ? Il semble qu’à une telle question je ne pourrais répondre que pour moi, et pourtant j’oserai dire que la p
15 e telle question je ne pourrais répondre que pour moi , et pourtant j’oserai dire que la personne c’est l’œuvre essentielle
16 je ne pourrais répondre que pour moi, et pourtant j’ oserai dire que la personne c’est l’œuvre essentielle de chacun, qui c
17 re voie, et frayer son propre sentier. Partant de moi , individu sans précédent historique ni physiologique, pour rejoindre
18 siologique, pour rejoindre les fins dernières qui m’ appellent, je ne puis pas aller par la route nationale : elle conduira
19 our rejoindre les fins dernières qui m’appellent, je ne puis pas aller par la route nationale : elle conduirait au mieux à
20 se pose, et se repose à tout instant, à savoir si je découvre mon chemin tel qu’il était prévu pour moi depuis toujours, o
21 se repose à tout instant, à savoir si je découvre mon chemin tel qu’il était prévu pour moi depuis toujours, ou si je l’inv
22 je découvre mon chemin tel qu’il était prévu pour moi depuis toujours, ou si je l’invente en osant y avancer sans l’avoir v
23 qu’il était prévu pour moi depuis toujours, ou si je l’invente en osant y avancer sans l’avoir vu. Ce que je sais, c’est q
24 nvente en osant y avancer sans l’avoir vu. Ce que je sais, c’est qu’il n’existera qu’autant que j’aurai le courage d’y mar
25 que je sais, c’est qu’il n’existera qu’autant que j’ aurai le courage d’y marcher dans la nuit. Voilà qui implique la foi,
26 t de convenance entre ses démarches et cette fin. Je conçois que l’on puisse n’y pas croire. Que l’on puisse nier l’existe
27 roire. Que l’on puisse nier l’existence de ce que j’ appelle la personne, la traiter de fantôme métaphysique, d’illusion ve
28 ue, d’illusion verbale, de concept superflu. Mais j’ observe que ceux qui la nient ont commencé par répéter, après Nietzsch
29 ujet, et qu’on répond comme Ulysse au Cyclope : «  Je me nomme personne, je n’y suis pas », c’est qu’on prépare un mauvais
30 t, et qu’on répond comme Ulysse au Cyclope : « Je me nomme personne, je n’y suis pas », c’est qu’on prépare un mauvais cou
31 comme Ulysse au Cyclope : « Je me nomme personne, je n’y suis pas », c’est qu’on prépare un mauvais coup, ou qu’on tente d
32 On peut très bien ne pas croire à la personne. Et je ne cherche pas, ici, à vous convaincre qu’elle existe, mais simplemen
33 les plus diaboliquement variées de l’aliénation, j’ ose vous demander ce qui, selon vous, est aliéné ? Si ce n’est pas la
34 , le détourner de sa vocation — et c’est cela que j’ appelle le péché. Le problème de l’aliénation, essentiellement lié à c
35 tion, essentiellement lié à celui de la personne, me paraît se ramener au problème du pouvoir : pouvoir sur soi ou pouvoir
36 pouvoir : pouvoir sur soi ou pouvoir sur autrui ? J’ ai fait allusion tout à l’heure au dilemme Puissance ou Liberté. Or, c
37 ux termes désignent deux formes de pouvoir, qu’il m’ importe de préciser. Le pouvoir sur autrui, c’est la Puissance, et le
38 ion personnelle. Mais cette vocation personnelle, je le répète, nous est le plus souvent inconnue. La découvrir comme si o
39 le type même de l’aliénation : c’est la dictée de mon aventure individuelle par l’autre, l’étranger, l’alien comme dit l’an
40 us, elle crée tant de liens avec ce qui n’est pas ma vocation, que toutes les religions de la terre l’ont condamnée : « He
41 donc être qu’un acte : le prochain est celui que je puis aider en fait. Mais la notion même de prochain suppose quelque p
42 rt, et ce qui lie, engage, enracine d’autre part. J’ ai dit que la liberté de la personne implique sa responsabilité, et qu
43 e n’est pas moins vraie. La vocation dont l’appel me libère, c’est elle aussi qui me relie à mes prochains dans la cité, p
44 tion dont l’appel me libère, c’est elle aussi qui me relie à mes prochains dans la cité, parce que c’est parmi eux, avec e
45 ’appel me libère, c’est elle aussi qui me relie à mes prochains dans la cité, parce que c’est parmi eux, avec eux et pour e
46 parmi eux, avec eux et pour eux, autant que pour moi , qu’elle va peut-être se réaliser. Pas de liberté réelle pour un irre
47 créer si l’on veut que la personne s’épanouisse : j’ y vois la tâche principale de la génération qui monte. J’y vois aussi
48 s la tâche principale de la génération qui monte. J’ y vois aussi la condition de toute union possible de l’Europe. J’ai di
49 la condition de toute union possible de l’Europe. J’ ai dit souvent mon scepticisme à l’égard de l’Europe des États, que j’
50 oute union possible de l’Europe. J’ai dit souvent mon scepticisme à l’égard de l’Europe des États, que j’ai nommée une « am
51 scepticisme à l’égard de l’Europe des États, que j’ ai nommée une « amicale des misanthropes » — quelque chose qu’on peut
52 donc à pratiquer la seule méthode capable, selon moi , d’unir nos peuples et de sauver nos libertés. C’est à cause de cela,
53 libertés. C’est à cause de cela, finalement, que je suis venu une fois de plus, ici, parler de l’Europe, de son union, et
54 uté retrouvée. Voilà le but. L’atteindrons-nous ? J’ ai toujours estimé que nous ne sommes pas au monde — ni vous ni moi —
55 timé que nous ne sommes pas au monde — ni vous ni moi — pour essayer de deviner l’avenir. C’est à le faire que nous sommes
2 1974, Articles divers (1974-1977). Alexandre Marc et l’invention du personnalisme (1974)
56 us rencontrés ? Rien de plus difficile à établir. J’ ai tenté récemment de confronter mes souvenirs avec ceux d’Alexandre M
57 ile à établir. J’ai tenté récemment de confronter mes souvenirs avec ceux d’Alexandre Marc, mais sur ce point, du moins, no
58 se rappelle très bien certains détails précis — «  Je t’entends encore me dire… » — mais les détails sont différents… Je do
59 n certains détails précis — « Je t’entends encore me dire… » — mais les détails sont différents… Je donnerai donc ici ma v
60 re me dire… » — mais les détails sont différents… Je donnerai donc ici ma version (qui est la bonne) telle que je l’ai pub
61 les détails sont différents… Je donnerai donc ici ma version (qui est la bonne) telle que je l’ai publiée dans le Journal
62 donc ici ma version (qui est la bonne) telle que je l’ai publiée dans le Journal d’une époque, p. 93 et 94 : Chez Charl
63 p. 93 et 94 : Chez Charles Du Bos à Versailles, j’ avais rencontré un personnage d’aspect massif, courtois et souriant, d
64 de « rigueur doctrinale et révolutionnaire ». Il me remit un manifeste de deux pages dont cette phrase me frappa, tapée e
65 emit un manifeste de deux pages dont cette phrase me frappa, tapée en majuscules : Ni individualistes ni collectivistes, n
66 d’un coup : « Tu as de la chance, c’est l’âge de mon fils ! Tiens, voilà tout ce que tu mérites [un grand coup de pied] et
67 e que tu mérites [un grand coup de pied] et fiche- moi le camp ! ») Sa famille avait fui en Allemagne. À Fribourg-en-Brisgau
68 olent qui paraissaient dans la revue Plans, où il m’ introduisit bientôt. C’est par lui que j’ai connu — ou reconnu — le no
69 s, où il m’introduisit bientôt. C’est par lui que j’ ai connu — ou reconnu — le nom même du personnalisme et les rudiments
70 personnalisme et les rudiments d’une doctrine que ma récente découverte de la théologie barthienne me préparait à accueill
71 ma récente découverte de la théologie barthienne me préparait à accueillir comme une expression adéquate de mes certitude
72 ait à accueillir comme une expression adéquate de mes certitudes naissantes. Et c’est aussi par l’entremise de Marc, je pen
73 issantes. Et c’est aussi par l’entremise de Marc, je pense, que je rencontre peu de temps après Emmanuel Mounier, qui prép
74 ’est aussi par l’entremise de Marc, je pense, que je rencontre peu de temps après Emmanuel Mounier, qui préparait Esprit
75 le faible élément d’incertitude qui subsiste sur ma première rencontre avec Alexandre Marc s’accentue fortement quand il
76 ndre Marc s’accentue fortement quand il s’agit de mes premiers contacts avec Mounier, qui fondait alors Esprit , avec Dand
77 vec Philippe Lamour et sa revue Plans, à laquelle je collabore en 1931. Une seule chose sûre et certaine dans tout cela :
78 leurs animateurs, et cela durant une période que je puis facilement délimiter par deux repères personnels. Lorsque je m’i
79 nt délimiter par deux repères personnels. Lorsque je m’installe à Paris, à l’automne de 1930, non seulement aucun de ceux
80 délimiter par deux repères personnels. Lorsque je m’ installe à Paris, à l’automne de 1930, non seulement aucun de ceux que
81 ’automne de 1930, non seulement aucun de ceux que je viens de citer n’est connu du grand public — ce qui est normal, ils o
82 ier. Ce « front commun » ne durera pas au-delà de ma « présentation des jeunes groupes révolutionnaires ». Il n’importe :
83 ants et au capitalisme en crise. Mais ce dont il m’ importe, ici, de témoigner, c’est du rôle de pionnier, d’inventeur d’i
84 e Marc. ⁂ Que nous nous soyons rencontrés grâce à mon ami Max Dominicé, alors pasteur à Belleville, ou (comme je le crois p
85 x Dominicé, alors pasteur à Belleville, ou (comme je le crois plutôt) chez Charles Du Bos, profond et précieux critique ca
86 cas, nos chemins se croisaient au point précis où j’ éprouvais le besoin de dépasser — sans rien en sacrifier d’ailleurs —
87 r — sans rien en sacrifier d’ailleurs — à la fois mes récentes certitudes théologiques et ma passion de l’écriture en soi,
88 à la fois mes récentes certitudes théologiques et ma passion de l’écriture en soi, de les dépasser ou transcender par « un
89 une présence enfin qui soit un acte », ainsi que je l’écrirai un an plus tard — et c’est, je crois, la première expressio
90 insi que je l’écrirai un an plus tard — et c’est, je crois, la première expression de l’engagement, terme dont d’autres on
91 ment, terme dont d’autres ont abusé depuis. Qu’on me pardonne, ici, quelques mots sur moi-même, qui me paraissent nécessai
92 me pardonne, ici, quelques mots sur moi-même, qui me paraissent nécessaires pour mieux situer le point de départ et le cha
93 on dit aujourd’hui, mais sentant la nécessité de me faire une morale personnelle, dont j’allais chercher le modèle dans l
94 écessité de me faire une morale personnelle, dont j’ allais chercher le modèle dans la biographie de Goethe ; oscillant ent
95 entre les extrêmes de Pascal et de Rimbaud, tout me portait à déboucher sur une action, fût-elle spirituelle d’abord, au-
96 u-delà de la littérature. Alexandre Marc fut pour moi l’initiateur à la réalité politique. (Avant cela, mes options politiq
97 l’initiateur à la réalité politique. (Avant cela, mes options politiques s’étaient bornées à d’acerbes discussions avec les
98 ions avec les maurrassiens de Suisse romande, qui me traitaient de communiste, et à des manifestations de rue en faveur de
99 estations de rue en faveur de Sacco et Vanzetti.) Mon premier article publié à Paris s’intitulait « Le péril Ford », mon pr
100 le publié à Paris s’intitulait « Le péril Ford », mon premier petit livre Les Méfaits de l’instruction publique  : anticap
101 mocratie », bourgeoise ou stalinienne d’ailleurs, j’ inclinais vers un anarchisme fort dépourvu de prolongements concrets…
102 ts concrets… Les formules du petit manifeste que me remit Alexandre Marc m’apportaient donc en clair l’énoncé le plus sim
103 es du petit manifeste que me remit Alexandre Marc m’ apportaient donc en clair l’énoncé le plus simple de ce que je tentais
104 t donc en clair l’énoncé le plus simple de ce que je tentais péniblement de décrypter, et croyais déjà sans le savoir. ⁂ I
105 le savoir. ⁂ Il y a plus de quarante ans de cela. Je le retrouve aujourd’hui inchangé dans les données de sa personne mora
106 rure morale. Pour l’apparence et le comportement, je l’ai un peu décrit plus haut. J’ajouterai à ces quelques traits : qu’
107 le comportement, je l’ai un peu décrit plus haut. J’ ajouterai à ces quelques traits : qu’il portait à Versailles des guêtr
108 l’époque pour peu qu’on surveillât sa mise, mais je le mentionne pour attester ma bonne mémoire ; et que, s’il riait haut
109 illât sa mise, mais je le mentionne pour attester ma bonne mémoire ; et que, s’il riait haut et fort, par éclats brusques,
110 t parfaitement homologue au paradoxe fédéraliste. Je lis dans les travaux récents publiés sur l’Ordre nouveau que le Club
111 igieuses et une section de recherches politiques. Je n’ai souvenir que de la première. Nous étions une trentaine dans une
112 Nous étions une trentaine dans une salle nue qui me rappelait mes salles d’écoles primaires. Il y avait là des orthodoxes
113 une trentaine dans une salle nue qui me rappelait mes salles d’écoles primaires. Il y avait là des orthodoxes, Nicolas Berd
114 ain que nous nous sommes connus grâce à Marc, qui m’ avait d’abord introduit à la revue Plans, puis invité au colloque de F
115 paraître. Il contient des articles de Marc et de moi . C’est dire que depuis plusieurs mois, nous travaillons avec Mounier,
116 icles que Marc, Dandieu, Aron, Dupuis, Prévost ou moi avons pu lui donner, elle reste marquée avant tout par le catholicism
117 se d’inquisiteurs ». Or, il sait bien que Marc et moi , qui faisons partie de sa première équipe de rédacteurs, appartenons
118 c le catholicisme et Péguy ; et en dépit aussi de mes sérieuses divergences avec le nietzschéisme antichrétien qui anime al
119 . Marc aura son bureau à Esprit de 1932 à 1934. Je m’occuperai ensuite, dès 1936, de la partie littéraire de la revue et
120 arc aura son bureau à Esprit de 1932 à 1934. Je m’ occuperai ensuite, dès 1936, de la partie littéraire de la revue et ne
121 e page du carnet intime tenu par Mounier fin 1932 me paraît bien révélatrice des causes du conflit tour à tour déclaré ou
122 2 Quels sont ces articles « venant de l’ON » ? J’ en trouve trois : Jean-Pierre Cartier (c’était moi) sur le procès d’un
123 J’en trouve trois : Jean-Pierre Cartier (c’était moi ) sur le procès d’un objecteur de conscience, et deux chroniques : « L
124 la période de lancement d’ Esprit . En revanche, je suis témoin qu’à quatre ou cinq reprises l’intervention de Marc a seu
125 uestion de doctrine ou sur une saute d’humeur. Et je fus certes le premier à l’appuyer, comme je fus le seul à collaborer
126 r. Et je fus certes le premier à l’appuyer, comme je fus le seul à collaborer régulièrement aux deux revues, de leur numér
127 1 jusqu’à la guerre. Mais le fait est que Marc et moi étions fort loin de soupçonner qu’en 1936, l’année même de la publica
128 la liberté, Mounier pouvait écrire à Berdiaev : Je vous expliquerai moi-même, ou Maritain si vous le voyez avant, ce con
129 ons admettre.3 Ce n’est pas sans tristesse que je transcris ces phrases d’une injustice proprement aberrante4. À distan
130 ’une injustice proprement aberrante4. À distance, j’ en viens à penser que la seconde opinion de Mounier sur l’ON ne saurai
131 ne réaction de surcompensation à la première, que j’ ai citée plus haut (conversation avec Maritain). Débordé sur sa gauche
132 de Dautry à la SNCF. Seul non-Français du groupe, je dirige les collections d’une petite maison d’édition protestante, don
133 s d’une petite maison d’édition protestante, dont je suis censé vivre, tout en écrivant pour la NRF , Esprit , L’Ordre
134 a NRF , Esprit , L’Ordre nouveau , et publiant mes premiers livres. Alexandre Marc a travaillé chez Hachette, mais que f
135 fait-il et de quoi vit-il en 1933 ? Voilà ce que je n’arrive pas à me rappeler, et l’on se voyait à peu près tous les jou
136 i vit-il en 1933 ? Voilà ce que je n’arrive pas à me rappeler, et l’on se voyait à peu près tous les jours… Du point de vu
137 (et peut-être Dupuis) sont catholiques déclarés ; moi , protestant d’école barthienne. Arnaud Dandieu d’origine catholique,
138 Idée chrétienne peut-être, mais russe assurément. Je donnerai l’exemple des titres. En avril 1936, paraît la brochure ON
139 ou démission de la France. Quatre ans plus tard, je publierai à Neuchâtel Mission ou démission de la Suisse . En novembr
140 épigraphe à un article de L’ON cette phrase de moi  : « Une politique à hauteur d’homme », et en 1948 paraît son livre in
141 et de propriété communautaire. ⁂ Et pourtant, si je relis — comme je viens de le faire depuis quelques jours — ce qui me
142 communautaire. ⁂ Et pourtant, si je relis — comme je viens de le faire depuis quelques jours — ce qui me reste des numéros
143 viens de le faire depuis quelques jours — ce qui me reste des numéros de L’Ordre nouveau , de 1933 à 1938, et de la coll
144 d’octobre 1932 jusqu’à l’interdiction par Vichy, je constate que la plupart des thèmes juridiques et politiques de la pen
145 t sur la postérité pour honorer Marc l’inventeur, je voudrais relever quelques-uns de ces thèmes — illustrés de citations
146 économique, administrative, etc.), recherche que je me vois amené à reprendre aujourd’hui en relation avec ma théorie des
147 onomique, administrative, etc.), recherche que je me vois amené à reprendre aujourd’hui en relation avec ma théorie des ré
148 is amené à reprendre aujourd’hui en relation avec ma théorie des régions fonctionnelles. Les deux passages que je vais cit
149 des régions fonctionnelles. Les deux passages que je vais citer (non sans scrupules, car ils souffriront d’être privés de
150 friront d’être privés de l’éclairage du contexte) me paraissent aujourd’hui correspondre à la problématique la plus actuel
151 ) ⁂ Tout, dans ces textes, annonce « l’Europe », j’ entends la lutte pour la fédération de l’Europe, où nous nous retrouve
152 n de l’Europe, où nous nous retrouverons, Marc et moi , côte à côte, dès le congrès de Montreux en 1947. Mais ce n’est pas s
153 ice de la pensée de Marc dans les années 1930 qui me frappe à la relecture, c’est aussi le fait que Marc soit venu à l’Eur
154 s humain qu’en fonction de l’attitude de l’homme. Je conclus pour ma part que s’il y a un avenir, et qu’il demeure ou rede
155 re Marc est promise à beaucoup d’avenir. 1. Cf. mon essai « Adieu, beau désordre… », publié en mars 1926 par la Revue de
156 ., p. 174. 4. À quelques semaines de là, Mounier me rend visite à Francfort, et ne me souffle mot de cette grande affaire
157 de là, Mounier me rend visite à Francfort, et ne me souffle mot de cette grande affaire. Mieux encore : dans le numéro d’
158 dans le numéro d’octobre 1936 de L’Ordre nouveau, je salue les « solides promesses d’accord » que nous apporte le Manifest
159 loue son nouvel ouvrage, Dictature de la liberté. Je donne pour ma part cinq grands articles et deux notes critiques à Es
160 temps Léon Blum a publié À l’Échelle humaine. 8. Je voudrais dédier cette citation aux ouvriers de Lip, qui poursuivent l
161 s de Lip, qui poursuivent leur lutte, pendant que j’ écris ceci, dans la pure tradition de Proudhon, leur concitoyen franc-
3 1974, Articles divers (1974-1977). Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)
162 Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)m Deux téléphones Octobre 1930 Je viens de pas
163 arrivées (1974)m Deux téléphones Octobre 1930 Je viens de passer ma licence. On m’offre un poste de professeur en Chin
164 Deux téléphones Octobre 1930 Je viens de passer ma licence. On m’offre un poste de professeur en Chine, mais c’est à Par
165 es Octobre 1930 Je viens de passer ma licence. On m’ offre un poste de professeur en Chine, mais c’est à Paris que se passe
166 vraie vie » pour un écrivain. L’ennui, c’est que je n’y connais personne qui touche de près ou de loin à la vie littérair
167 que rien ne permet de prévoir. Cet après-midi-là, j’ ai flâné dans Neuchâtel, librairie Delachaux, « tour de ville », et to
168 cinq heures, la certitude qu’il faut rentrer chez moi dare-dare. Tram n° 5. Je saute de la voiture encore en marche à l’arr
169 qu’il faut rentrer chez moi dare-dare. Tram n° 5. Je saute de la voiture encore en marche à l’arrêt facultatif d’Areuse et
170 if d’Areuse et cours vers la maison. Au moment où je passe le grand portail, je vois ma mère à la fenêtre : « Dépêche-toi,
171 a maison. Au moment où je passe le grand portail, je vois ma mère à la fenêtre : « Dépêche-toi, téléphone de Paris ! » On
172 . Au moment où je passe le grand portail, je vois ma mère à la fenêtre : « Dépêche-toi, téléphone de Paris ! » On m’offrai
173 enêtre : « Dépêche-toi, téléphone de Paris ! » On m’ offrait un job de directeur littéraire d’une maison d’éditions protest
174 pouvait être prise dès le lendemain, mais serais- je candidat ? Il fallait une réponse immédiate… Trois mois plus tard je
175 llait une réponse immédiate… Trois mois plus tard je commençais mon métier d’éditeur, à Clamart, et j’entrais dans la vie
176 nse immédiate… Trois mois plus tard je commençais mon métier d’éditeur, à Clamart, et j’entrais dans la vie littéraire de P
177 je commençais mon métier d’éditeur, à Clamart, et j’ entrais dans la vie littéraire de Paris, mieux encore, dans le mouveme
178 ir de l’Occident, politique et social. 5 mai 1941 J’ étais allé passer le week-end à Long Island, et le dimanche matin déjà
179 eek-end à Long Island, et le dimanche matin déjà, j’ annonce subitement à mes hôtes que je dois rentrer à New York pour une
180 et le dimanche matin déjà, j’annonce subitement à mes hôtes que je dois rentrer à New York pour une affaire pressante. En v
181 matin déjà, j’annonce subitement à mes hôtes que je dois rentrer à New York pour une affaire pressante. En vérité j’ignor
182 à New York pour une affaire pressante. En vérité j’ ignorais quelle affaire, mais je sentais qu’il fallait rentrer. Je mon
183 ssante. En vérité j’ignorais quelle affaire, mais je sentais qu’il fallait rentrer. Je monte l’escalier quatre à quatre, j
184 e affaire, mais je sentais qu’il fallait rentrer. Je monte l’escalier quatre à quatre, j’ouvre ma porte : le téléphone son
185 ait rentrer. Je monte l’escalier quatre à quatre, j’ ouvre ma porte : le téléphone sonnait. C’est un ami suisse qui vient d
186 rer. Je monte l’escalier quatre à quatre, j’ouvre ma porte : le téléphone sonnait. C’est un ami suisse qui vient de quitte
187 après-midi, et sans doute aussitôt repourvue. Si je vais me présenter dès demain matin, j’ai les plus grandes chances. J’
188 idi, et sans doute aussitôt repourvue. Si je vais me présenter dès demain matin, j’ai les plus grandes chances. J’y suis a
189 ourvue. Si je vais me présenter dès demain matin, j’ ai les plus grandes chances. J’y suis allé le lendemain à neuf heures,
190 dès demain matin, j’ai les plus grandes chances. J’ y suis allé le lendemain à neuf heures, et une demi-heure plus tard, j
191 emain à neuf heures, et une demi-heure plus tard, je me mettais à ce travail, nouveau pour moi : écrire des textes d’infor
192 in à neuf heures, et une demi-heure plus tard, je me mettais à ce travail, nouveau pour moi : écrire des textes d’informat
193 us tard, je me mettais à ce travail, nouveau pour moi  : écrire des textes d’information et des commentaires politiques dest
194 nes plus tard, intégré dans la section française, je me voyais chargé d’écrire chaque jour deux « shows » de quinze pages
195 plus tard, intégré dans la section française, je me voyais chargé d’écrire chaque jour deux « shows » de quinze pages cha
196 ant employé qu’en français — qui allaient devenir mes collaborateurs quotidiens. André Breton, Amédée Ozenfant, Georges Dut
197 ques-unes des rencontres qui ont le mieux fécondé mon aventure personnelle, vécue bien plus encore que littéraire : amitié
198 phénomène s’est produit à plusieurs reprises dans ma vie : voir des lettres en route vers moi, celles que m’apportera dema
199 ises dans ma vie : voir des lettres en route vers moi , celles que m’apportera demain matin cet « homme de lettres » qu’est
200  : voir des lettres en route vers moi, celles que m’ apportera demain matin cet « homme de lettres » qu’est le facteur, sel
201 estion notre image du monde et de l’espace-temps. J’ en donnerai deux exemples tirés de mon Journal d’une époque . Calw en
202 space-temps. J’en donnerai deux exemples tirés de mon Journal d’une époque . Calw en Wurtemberg, 30 juin 1929 Hier soir su
203 ollines, pendant une promenade d’après dîner avec mes hôtes, nous parlions de prémonitions, et je venais de raconter commen
204 avec mes hôtes, nous parlions de prémonitions, et je venais de raconter comment parfois j’ai su qui m’attendait à la lisiè
205 nitions, et je venais de raconter comment parfois j’ ai su qui m’attendait à la lisière de cette forêt tel soir d’été, quel
206 je venais de raconter comment parfois j’ai su qui m’ attendait à la lisière de cette forêt tel soir d’été, quel sujet d’exa
207 rêt tel soir d’été, quel sujet d’examen venait de m’ être réservé, ou quelles lettres j’allais recevoir le lendemain. Le so
208 amen venait de m’être réservé, ou quelles lettres j’ allais recevoir le lendemain. Le soir montait autour de nous, des fenê
209 e bourg, et le père Reinecke refusait de croire à mes histoires. Soudain j’ai dit : « Voilà que ça me prend, tout justement
210 necke refusait de croire à mes histoires. Soudain j’ ai dit : « Voilà que ça me prend, tout justement ! Attendez, que je vo
211 mes histoires. Soudain j’ai dit : « Voilà que ça me prend, tout justement ! Attendez, que je vous dise… Sur mon assiette
212 à que ça me prend, tout justement ! Attendez, que je vous dise… Sur mon assiette de petit déjeuner, demain matin, il y a u
213 tout justement ! Attendez, que je vous dise… Sur mon assiette de petit déjeuner, demain matin, il y a une grande enveloppe
214 dans une lumière sobre et mate.) Telle a donc été ma « vision » : formats et couleurs très nettement perçus, mais rien de
215 ment. Ce matin, en trouvant les trois lettres sur mon assiette, j’ai dit : « C’est bien cela », sans plus d’étonnement que
216 , en trouvant les trois lettres sur mon assiette, j’ ai dit : « C’est bien cela », sans plus d’étonnement que les autres fo
217 après, n’est pas encore convaincu. Il prétend que je savais qui allait m’écrire, et que j’avais d’assez bonnes chances de
218 re convaincu. Il prétend que je savais qui allait m’ écrire, et que j’avais d’assez bonnes chances de deviner juste. Mais j
219 prétend que je savais qui allait m’écrire, et que j’ avais d’assez bonnes chances de deviner juste. Mais je n’ai rien devin
220 ais d’assez bonnes chances de deviner juste. Mais je n’ai rien deviné du tout, puisque j’ai vu ! C’est là tout l’intérêt d
221 juste. Mais je n’ai rien deviné du tout, puisque j’ ai vu ! C’est là tout l’intérêt de l’affaire : cette perception soudai
222 e Girard, personnage imprévisible s’il en fut, et je n’avais aucune raison d’attendre qu’il m’écrive. Quant à l’enveloppe
223 fut, et je n’avais aucune raison d’attendre qu’il m’ écrive. Quant à l’enveloppe jaune, elle contenait un journal où l’on r
224 ne, elle contenait un journal où l’on revient sur mon pamphlet de l’hiver dernier 15. New York City, 16e rue Ouest, le 16 m
225 a quelques minutes, il est onze heures du matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre est-elle pliée en deux ? Ma boi
226 quelques minutes, il est onze heures du matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre est-elle pliée en deux ? Ma boite
227 « Pourquoi cette lettre est-elle pliée en deux ? Ma boite est bien assez profonde pour ce format, le facteur devrait le s
228 pour ce format, le facteur devrait le savoir ! » Je voyais une mince enveloppe grise pliée en V derrière la porte sans jo
229 rrière la porte sans jour de la boite métallique. J’ ai passé ma robe de chambre et suis descendu les trois étages jusqu’au
230 orte sans jour de la boite métallique. J’ai passé ma robe de chambre et suis descendu les trois étages jusqu’au vestibule 
231 est là, pliée. (Une facture de blanchisseur !) Il me semble que la chose ne m’était plus arrivée depuis douze ou treize an
232 e de blanchisseur !) Il me semble que la chose ne m’ était plus arrivée depuis douze ou treize ans, depuis Calw… Ma faculté
233 arrivée depuis douze ou treize ans, depuis Calw… Ma faculté de petite voyance (voyance de détails sans intérêt) ne m’a ja
234 tite voyance (voyance de détails sans intérêt) ne m’ a jamais servi à rien, sinon à vérifier précisément, chaque fois qu’el
235 cisément, chaque fois qu’elle se manifestait, que j’ étais déconnecté du monde de l’utile. « Tiens, voilà le diable ! »
236 s de 1942, dans un studio du Village, à New York, je décide de me mettre à écrire La Part du diable , et m’enferme sans p
237 ns un studio du Village, à New York, je décide de me mettre à écrire La Part du diable , et m’enferme sans plus bouger ni
238 ide de me mettre à écrire La Part du diable , et m’ enferme sans plus bouger ni plus répondre au téléphone entre mon faute
239 s plus bouger ni plus répondre au téléphone entre mon fauteuil et ma table, devant un bloc de papier blanc. Pendant trois j
240 plus répondre au téléphone entre mon fauteuil et ma table, devant un bloc de papier blanc. Pendant trois jours et nuits d
241 r blanc. Pendant trois jours et nuits de travail, j’ ai écrit cinquante pages, un quart du livre. Je n’ai pas adressé un mo
242 l, j’ai écrit cinquante pages, un quart du livre. Je n’ai pas adressé un mot à âme qui vive (mangé dans des cafétérias où
243 désigner du doigt le plat qu’on veut), et ce soir je décide de « sortir » : des amis m’ont invité « après le dîner ». Je s
244 t), et ce soir je décide de « sortir » : des amis m’ ont invité « après le dîner ». Je sors. Je vais marcher, me dis-je, ma
245 tir » : des amis m’ont invité « après le dîner ». Je sors. Je vais marcher, me dis-je, mais j’ai faim. J’entre au hasard d
246 es amis m’ont invité « après le dîner ». Je sors. Je vais marcher, me dis-je, mais j’ai faim. J’entre au hasard dans un pe
247 ité « après le dîner ». Je sors. Je vais marcher, me dis-je, mais j’ai faim. J’entre au hasard dans un petit restaurant, a
248 près le dîner ». Je sors. Je vais marcher, me dis- je , mais j’ai faim. J’entre au hasard dans un petit restaurant, au bas d
249 îner ». Je sors. Je vais marcher, me dis-je, mais j’ ai faim. J’entre au hasard dans un petit restaurant, au bas de Madison
250 sors. Je vais marcher, me dis-je, mais j’ai faim. J’ entre au hasard dans un petit restaurant, au bas de Madison Avenue. La
251 vide. Il doit être environ neuf heures et demie. J’ hésite sur le seuil : va-t-on me servir encore ? Au fond de la salle,
252 heures et demie. J’hésite sur le seuil : va-t-on me servir encore ? Au fond de la salle, deux hommes et une femme attablé
253 emme attablés causent et boivent. L’un des hommes m’ ayant remarqué s’écrie : « Tiens, voilà le diable ! » Les autres se re
254 ble ! » Les autres se retournent à demi et rient. J’ ai fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je suis monté sans dî
255 ’ai fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je suis monté sans dîner chez mes amis. Trois pannes d’électricité
256 t dans ce quartier. Je suis monté sans dîner chez mes amis. Trois pannes d’électricité Au moment où je naissais au pr
257 is. Trois pannes d’électricité Au moment où je naissais au presbytère de Couvet, Val-de-Travers, canton de Neuchâtel
258 tin, il y eut une panne de quartier, en sorte que je ne « vis le jour » qu’à la lueur d’une lampe à pétrole hâtivement all
259 lampe à pétrole hâtivement allumée et que tenait mon père. Soixante-sept ans plus tard, je donnais la leçon inaugurale de
260 que tenait mon père. Soixante-sept ans plus tard, je donnais la leçon inaugurale de deux instituts universitaires réunis c
261 internationales et celui des études européennes. Je décrivais la crise du monde occidental, en progression rapide et calc
262 calculable vers une apocalypse à court terme, et je constatais que « nous arrivons au point où le moteur de la croissance
263 ait durer vingt et une minutes, durant lesquelles je poursuivis ma conférence sans micro, en éclairant mes notes d’une tor
264 t et une minutes, durant lesquelles je poursuivis ma conférence sans micro, en éclairant mes notes d’une torche. Et comme
265 poursuivis ma conférence sans micro, en éclairant mes notes d’une torche. Et comme j’en venais à cette phrase : « En vérité
266 ro, en éclairant mes notes d’une torche. Et comme j’ en venais à cette phrase : « En vérité, à y regarder de plus près, l’É
267 « près » les lumières revinrent. Cet incident ne me rappelle pas seulement celui qui a marqué ma naissance, mais une soir
268 t ne me rappelle pas seulement celui qui a marqué ma naissance, mais une soirée où nous fûmes « visités » dans notre maiso
269 orable, nous étions six et heureusement accordés, je suggérai que l’on jouât aux questions et réponses. Ce jeu, purement t
270 stions, et l’autre ses réponses. De cette soirée, je retiens trois échanges remarquables. Il y avait là Jean-Paul de Dadel
271 emarquables. Il y avait là Jean-Paul de Dadelsen, mon collaborateur au Centre européen de la culture, que j’ai appelé, aprè
272 llaborateur au Centre européen de la culture, que j’ ai appelé, après sa mort prématurée en 1957, « le seul grand poète lut
273 n notamment.) Mais c’est le troisième échange qui m’ amène à rappeler ici cette soirée mémorable. L’un de nous avait écrit 
274 enis de, « Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées », Gymnase cantonal de Neuchâtel : 1873-1973, Neuchâtel
4 1974, Articles divers (1974-1977). Un modèle pour l’Europe ? (1974)
275 les idées générales. Crainte salutaire, ajouterai- je aussitôt, puisqu’elle les a si bien gardés jusqu’à ce jour, des utopi
276 ie les empêche d’assumer leur vocation. Lorsqu’il m’ est arrivé de soutenir quelques idées sur le rôle de la Suisse dans le
277 ns le monde, ou du moins à l’échelle de l’Europe, je me suis fait répondre en haut lieu comme dans nos journaux : « Reston
278 le monde, ou du moins à l’échelle de l’Europe, je me suis fait répondre en haut lieu comme dans nos journaux : « Restons m
279 tre écoutée, ou bien se couvrirait de ridicule. » Je persiste à penser, au contraire, qu’il n’y a pas la moindre proportio
280 ses sont les dépositaires d’une grande idée, dont je crains qu’ils la comprennent mal, toujours plus mal, après l’avoir si
281 dans le monde, mais en Suisse même. C’est ce que je voudrais marquer d’abord. Nous commettons généralement en Suisse, à
282 sue. Il est faux de répéter, comme les manuels de mon enfance, que la Confédération a été fondée par « les trois cantons pr
283 promoteurs, comme ils le peuvent et le doivent à mon avis, les Suisses feraient bien de l’appliquer chez eux, et d’en fini
284 devant une confusion morale, typiquement suisse, je le crains, au demeurant des plus respectables. Elle consiste à juger
285 tique ou économique en termes de morale courante, j’ entends de modestie ou de vanité, de prudence bourgeoise ou d’orgueil.
286 mportant que « bien penser ». De ce qui précède, je déduirai maintenant deux séries de conséquences politiques. A) Nous
287 e d’un gouvernement européen n’est pas seulement, je le répète, la plus rationnelle que l’on puisse imaginer aujourd’hui,
288 au cours de l’an de crise qui s’écoule tandis que j’ écris. Or, on aura reconnu dans mon esquisse d’exécutif européen tous
289 oule tandis que j’écris. Or, on aura reconnu dans mon esquisse d’exécutif européen tous les traits caractéristiques de notr
290 ce politique, qui s’exprime dans la collégialité. Je demeure convaincu que l’expérience suisse ne saurait offrir à l’Europ
5 1974, Articles divers (1974-1977). Philosophie du prix littéraire Prince-Pierre-de-Monaco (1974)
291 us les autres le prix du Prince Pierre de Monaco, je voudrais mettre en valeur celui-ci ; qu’il partage seul avec le prix
292 s, — et ce fut le Prince Rainier III de Monaco. ⁂ Je ne me lasserai jamais de chanter la gloire du petit État dans la cult
293 t ce fut le Prince Rainier III de Monaco. ⁂ Je ne me lasserai jamais de chanter la gloire du petit État dans la culture eu
294 e des genres, en couronnant, premier d’une série ( je l’espère) l’auteur de ces lignes ? d. Rougemont Denis de, « Philos
6 1974, Articles divers (1974-1977). À propos de Théodore Strawinsky [préface] (1974)
295 tte absence de signifié physique. Croyez bien que je n’exagère pas : lors d’une Biennale de Venise, on a donné le grand pr
296 me. Tout cela peut inquiéter ou amuser. Tout cela m’ a souvent passionné. On peut tout faire, on doit tout faire pour peu q
297 , et qu’importe le genre choisi ou que l’on crée. Je dis que Théodore Strawinsky, lui, fait de la peinture. Ses huiles, pa
298 opage ses gémissements sur la difficulté, que dis- je , sur l’essentielle impossibilité de communiquer : et l’on nous présen
299 ente l’informel comme le résultat de cette crise. Je réponds que l’informel ne prouve rien, sinon le refus temporaire et p
300 rmi les œuvres de Théodore Strawinsky, celles que je préfère sont par exemple une certaine toute petite nature morte aux t
301 artout la texture de la toile ou de la brique… Et j’ en fais volontiers l’aveu : devant cette petite toile, devant ces briq
302 balafrées de larges touches de blanc et de bleu, je sens s’éveiller dans ma main, ma main à plume, une envie de pinceau !
303 ches de blanc et de bleu, je sens s’éveiller dans ma main, ma main à plume, une envie de pinceau ! — l’envie de participer
304 lanc et de bleu, je sens s’éveiller dans ma main, ma main à plume, une envie de pinceau ! — l’envie de participer à ce tra
305 i ne tire du sacré sa raison d’être indiscutable, j’ entends bien : de n’être pas discuté, d’être reçu. L’art et la techniq
306 ettre émouvante du père : « Ton merveilleux livre m’ est cher infiniment et me donne de la joie. Avec quelle conviction, qu
307 « Ton merveilleux livre m’est cher infiniment et me donne de la joie. Avec quelle conviction, quel savoir-faire et quelle
308 s intérêts spirituels » du père… Il se trouve que j’ écris ces lignes à Venise. Et c’est ici que j’ai vécu l’un des plus ha
309 que j’écris ces lignes à Venise. Et c’est ici que j’ ai vécu l’un des plus hauts moments de la culture européenne. Après la
310 asilique, du Cantique en l’honneur de saint Marc, j’ ai vu l’auteur, le plus grand de ce temps, s’incliner et puis comme pl
311 er Théodore Strawinsky dans l’aventure du siècle, je prendrai référence du mot figuration en des sens opposés que lui donn
312 des sens opposés que lui donnent trois préfixes. Je dirai que le travail du peintre n’a jamais consisté à disposer avec p
7 1974, Articles divers (1974-1977). Recherche pour un modèle de société européenne (février 1974)
313 1974)g h Précisons tout d’abord les termes de mon titre. J’emploie le terme de modèle dans son sens scientifique et pas
314 Précisons tout d’abord les termes de mon titre. J’ emploie le terme de modèle dans son sens scientifique et pas du tout m
315 composer un modèle européen ne signifie pas pour moi donner l’Europe en exemple au reste du monde, mais simplement cherche
316 e, seront-elles valables pour le reste du monde ? Je n’en sais rien et n’ose pas même le souhaiter : les expériences du pa
317 ormant en communauté modèle. Vingt ans plus tard, me voici à la recherche d’une troisième possibilité : aussi loin du repl
318 moyens d’aménager les relations entre nations. ⁂ Je pars d’une constatation fondamentale que j’essaierai de formuler en u
319 ns. ⁂ Je pars d’une constatation fondamentale que j’ essaierai de formuler en une seule phrase, que voici : Pour la premièr
320 rmuler une politique de l’homme et de l’humanité. J’ insiste : ce succès même se traduit par une crise qui remet ou met tou
321 des plus sérieux, Raymond Barre, leur répond — et je le cite — que ces réserves sont « pratiquement inépuisables, en dépit
322 ses succès. Et c’est là ce qui doit nous retenir. Je ne vais pas résumer ici le fameux rapport du club de Rome, que je sup
323 ésumer ici le fameux rapport du club de Rome, que je suppose connu de chacun d’entre vous. Je vous rappellerai seulement q
324 ome, que je suppose connu de chacun d’entre vous. Je vous rappellerai seulement que la crise mondiale — et c’est je crois
325 llerai seulement que la crise mondiale — et c’est je crois sa formule la plus simple — est née de la volonté typiquement o
326 trente ans plus tard tout le monde se touche, et je m’arrête là dans mes calculs, mais d’autres ont été plus loin. Je lis
327 ente ans plus tard tout le monde se touche, et je m’ arrête là dans mes calculs, mais d’autres ont été plus loin. Je lis da
328 d tout le monde se touche, et je m’arrête là dans mes calculs, mais d’autres ont été plus loin. Je lis dans le beau livre d
329 ans mes calculs, mais d’autres ont été plus loin. Je lis dans le beau livre de Paul Ehrlich, Population, ressources, envir
330 tre s’allongerait à la vitesse de la lumière. Et je fais mienne la sobre conclusion de Paul Ehrlich : De tels calculs de
331 à avoir des ratés*13 très inquiétants… Tout cela, je le répète, est assez exactement quantifiable, mesurable et datable. C
332 ogues qu’on dit atteints de sinistrose, mais dont je serais tenté de dire qu’ils pèchent au contraire par excès d’optimism
333 r leurs méthodes plus ou moins rigoureuses, elles me font bien moins peur que celles dont ils ne parlent pas, et qui sont
334 reprendre ici la critique d’une pareille méthode, je me contenterai de citer ce que ses auteurs eux-mêmes en disent. À la
335 rendre ici la critique d’une pareille méthode, je me contenterai de citer ce que ses auteurs eux-mêmes en disent. À la pag
336 ermis de prévoir selon les propres dires de Kahn. J’ en déduis que la méthode ne vaut rien. Les faits déterminants du xxe
337 du territoire, presque tous les futurologues que je connais me paraissent pécher également par l’incapacité où ils se tro
338 ire, presque tous les futurologues que je connais me paraissent pécher également par l’incapacité où ils se trouvent et pa
339 otre siècle, les deux fléaux majeurs de l’Europe, je veux dire l’auto et Hitler. L’aventure totalement imprévisible de l’a
340 de l’auto mériterait une très ample monographie. Je suis parfois tenté d’écrire cette épopée, ou cette histoire de fous,
341 our titre : L’Autodestruction d’une civilisation. Je ne puis ici qu’en résumer l’intrigue. Tout commence en 1875 (il y a d
342 st-à-dire une machine agricole à moteur. « Ce fut mon chemin de Damas », écrit-il cinquante ans plus tard. Depuis l’instant
343 crise monétaire mondiale est due principalement, m’ expliquent des banquiers, aux milliards de dollars — 16 environ — déte
344 Herman Kahn n’a pas prévu. Une histoire de fous, je vous l’ai dit. Et seul peut-être un fou eût pu prévoir son déroulemen
345 utaires, donc du civisme et de la morale sociale. Je le trouve aussi à l’origine de la grande crise dénoncée par le club d
346 le fait voir leur procédé de mesure, le PNB (que je voudrais appeler Prestige National Brutal) qui ramène tout à l’État-n
347 ins très clairement annoncé, sur la recherche que je propose et sur ses directions majeures : nous voyons maintenant ce qu
348 omme il convient quand on présente une recherche, je ne saurais anticiper sur ses résultats, ni donc les décrire en détail
349 restez en droit d’attendre, à tout le moins, que je vous donne mes hypothèses de travail, et le plan général de mon enquê
350 it d’attendre, à tout le moins, que je vous donne mes hypothèses de travail, et le plan général de mon enquête. La critique
351 mes hypothèses de travail, et le plan général de mon enquête. La critique de l’État-nation centralisé constitue le point d
352 réerait-on un chaos ? Une anarchie ? C’est ce que me disent ceux qui se croient « réalistes ». Et même certains autres, co
353 ion est la réalité par excellence du xxe siècle. Je lui réponds : oui, mais le cancer aussi, la pollution aussi, l’État t
354 et les chefs d’État, et c’est là leur hypocrisie. Je l’appelle l’amicale des misanthropes. Cela peut se dire, non se faire
355 éenne de demain. Mais attention : les régions que je conçois et cherche à repérer, à définir, ne seront pas des mini-États
356 odèle de société fédéraliste dont l’établissement me paraît définir la vocation de cette génération, et non seulement la d
8 1974, Articles divers (1974-1977). L’Europe des régions (juin-juillet 1974)
357 ette remise en cause est-elle purement fortuite ? Je ne pense pas qu’il y ait une crise de la notion de région, mais au co
358 de région ? C’est à partir de l’idée d’Europe que je suis parvenu à l’idée de région. J’ai pensé, avec beaucoup de gens, a
359 d’Europe que je suis parvenu à l’idée de région. J’ ai pensé, avec beaucoup de gens, au lendemain de la guerre, qu’il étai
360 rriver à une union fédérale, ou d’un autre type. Je me suis aperçu très vite qu’on ne pourrait pas y arriver à cause de l
361 ver à une union fédérale, ou d’un autre type. Je me suis aperçu très vite qu’on ne pourrait pas y arriver à cause de la f
362 t les plus visibles, et les plus brillantes, et à mon sens peut-être les moins sérieuses, et les régions qui sont définies
363 iques est peut-être le moins sérieux ? Attention, j’ ai dit cela dans un sens politique uniquement. Parce que l’on ne peut
364 hénomènes complètement hétérogènes, hétéroclites. J’ ai très peur que des gens qui voudraient ressusciter les anciennes pro
365 at-nation. Ce qu’il nous faut éviter à tout prix. Je pense que faire en Europe 300 mini États-nations, au lieu de 25 États
366 ational » d’une manière absolument insupportable. J’ écarte donc cette idée de créer des États sur la seule base des langue
367 tats sur la seule base des langues. D’autre part, j’ ai dit tout à l’heure que la définition d’une région aujourd’hui est b
368 rogressiste, futuriste. Une remarque sur laquelle je voudrais insister : les frontières de nos États-nations sont indéfend
369 rcle carré, c’est une impossibilité, c’est ce que j’ ai appelé souvent « une amicale des misanthropes » : c’est une chose q
370 urs faits sur l’« indépendance totale » du pays ! Je ne dirai pas que je suis antiaméricain ou que je suis antirusse, il f
371 dépendance totale » du pays ! Je ne dirai pas que je suis antiaméricain ou que je suis antirusse, il faut ne pas se trompe
372 Je ne dirai pas que je suis antiaméricain ou que je suis antirusse, il faut ne pas se tromper là-dessus. Je pense que la
373 s antirusse, il faut ne pas se tromper là-dessus. Je pense que la colonisation est une très mauvaise chose. Je ne pense pa
374 que la colonisation est une très mauvaise chose. Je ne pense pas que les Américains et les Russes soient des gens pires q
375 ins et les Russes soient des gens pires que nous, je pense que la colonisation est pire que tout. Quand un peuple se met à
376 mment résoudre cette contradiction fondamentale ? Je ne pense pas du tout qu’il faille renverser les États-nations, ni qu’
377 Europe d’une manière violente ou révolutionnaire. Je pense qu’on peut renverser des voitures dans la rue, qu’on peut renve
378 tre Europe, parallèle, une Europe des réalités. À mon sens l’Europe des États-nations est une Europe des mythes, puisqu’ell
379 la souveraineté nationale absolue était un mythe. Moi je demande simplement que nous fassions une Europe sur la base des ré
380 ouveraineté nationale absolue était un mythe. Moi je demande simplement que nous fassions une Europe sur la base des réali
381 de « mise en place » des organismes régionaux. À mon sens, elle symbolise, certainement pas dans votre esprit, mais dans c
382 donnée la tradition centralisatrice sur laquelle je n’ai pas besoin d’insister. Les régions au sens réel, devraient être
383 ent de toute consultation des gens sur place. Ça, je crois que c’est incontestable. À mon sens, il aurait fallu faire exac
384 ur place. Ça, je crois que c’est incontestable. À mon sens, il aurait fallu faire exactement le contraire et on sera bien o
385 un minimum d’organisation administrative, quitte ( je vais y revenir tout à l’heure) à ce que l’on organise des régions dif
386 européenne ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Quand je pousse un peu les gens qui défendent ce point de vue, ils finissent p
387 qui défendent ce point de vue, ils finissent par me dire « il faut qu’une région en France soit compétitive avec un Land
388 e soit compétitive avec un Land allemand ». Alors je leur dis : « avec quel Land ? » Par exemple avec le Land de Bavière,
389 xiste, pouvons-nous créer et animer des régions ? Je pense qu’il faut être bien conscient des finalités qu’on donne à la c
390 des régions. Pourquoi veut-on faire des régions ? J’ ai dit l’avantage des petites communautés, mais personne n’a jamais vo
391 tyrannie, l’inconsistance des relations civiques. Je pense que cela mène aussi à la criminalité, la délinquance, et pas se
392 et voilà le principal motif de faire des régions. Je dis que les États-nations sont trop petits à l’échelle internationale
393 s communes devraient-elles reprendre le pouvoir ? Je ne suis pas du tout d’accord avec le terme « prendre le pouvoir ». Et
394 le terme « prendre le pouvoir ». Et c’est là que je me sépare radicalement des marxistes. Ils croient qu’une fois leur Pa
395 terme « prendre le pouvoir ». Et c’est là que je me sépare radicalement des marxistes. Ils croient qu’une fois leur Parti
396 question est réglée à partir de ce moment-là. Or, je voudrais faire observer ceci : il y a au moins deux types complètemen
397 mmun avec ITT ou les pétroliers ? Unilever, elle, me paraît entre les deux ; Unilever n’est pas liée à des histoires milit
398 a pas seulement des histoires militaires… Aussi, je vous demande de bien vouloir vous prononcer sur la liberté des gouver
399 ir vous prononcer sur la liberté des gouvernants, je pense plus particulièrement à un cas récent : la Belgique face aux pé
400 sément, vis-à-vis des multinationales du type que j’ appellerai colonisateur, il s’agit de trouver un pouvoir qui pourrait
401 nter et qui n’y cherchent que leur profit. Ce que je dis là ne vise pas à exonérer toutes les multinationales, mais à augm
402 r régional quelconque, d’une autonomie régionale. Je n’insiste pas tellement sur le mot « pouvoir régional », qui évoquera
403 e allusion au célèbre rapport du club de Rome qui m’ a fait très forte impression quand j’en ai eu connaissance, sous la fo
404 de Rome qui m’a fait très forte impression quand j’ en ai eu connaissance, sous la forme d’un texte de 20 pages dactylogra
405 de Rome signé par les Meadows. Tout d’un coup, ça m’ a révélé une chose à laquelle je n’avais jamais pensé : à savoir qu’il
406 out d’un coup, ça m’a révélé une chose à laquelle je n’avais jamais pensé : à savoir qu’il y a deux sens au mot « croissan
407 « croissance », qui sont absolument différents — je dirais presque antinomiques — en tous cas qu’il est très dangereux de
408 ier lieu les gestionnaires de notre civilisation. Je m’explique : il faut être absolument clair là-dessus. La croissance d
409 lieu les gestionnaires de notre civilisation. Je m’ explique : il faut être absolument clair là-dessus. La croissance du v
410 s qu’on puisse faire sur le choix des paramètres, je n’ai jamais vu un avertissement aussi brutal, aussi justement pensé e
411 eu un impact comparable sur une société humaine. J’ ai eu de vives discussions à Bruxelles il y a quelques mois, avant la
412 vant la crise du pétrole, sur cette assertion que j’ entendais répéter partout : « il nous faut faire des centrales nucléai
413 à donc le type d’une croissance illimitée. À quoi je répondais : « avez-vous jamais fait le calcul à quoi mène une croissa
414 un jour, alors, autant y penser tout de suite. Il me paraît essentiel pour tout ce qui touche les régions, de nous rendre
415 er conformément à la finalité que nous acceptons. Je suis très optimiste après la crise du pétrole, parce que je vois des
416 ès optimiste après la crise du pétrole, parce que je vois des gens conscients de la nécessité d’exploiter toutes les forme
417 ’intérêt local, ou c’est de l’intérêt régional ». Moi , je trouve que c’est particulièrement intéressant si c’est de l’intér
418 rêt local, ou c’est de l’intérêt régional ». Moi, je trouve que c’est particulièrement intéressant si c’est de l’intérêt r
419 ien des gens ni le bien de la région, finalement. Je crois que si l’on veut passer à une croissance autoréglée — qui est l
420 plus importantes pour eux que gagner de l’argent. Je le vois chez beaucoup de jeunes gens qui me disent : « moi, je ne veu
421 gent. Je le vois chez beaucoup de jeunes gens qui me disent : « moi, je ne veux pas gagner de l’argent je veux faire quelq
422 is chez beaucoup de jeunes gens qui me disent : «  moi , je ne veux pas gagner de l’argent je veux faire quelque chose qui m’
423 ez beaucoup de jeunes gens qui me disent : « moi, je ne veux pas gagner de l’argent je veux faire quelque chose qui m’inté
424 disent : « moi, je ne veux pas gagner de l’argent je veux faire quelque chose qui m’intéresse ». Peut-on donner le pas au
425 agner de l’argent je veux faire quelque chose qui m’ intéresse ». Peut-on donner le pas au désir de participation sur le dé
426 re raison que celle-là. Il leur disait : « Suivez- moi et vous serez tous ensemble. » Et cela suffisait à tout justifier pou
427 le de Genève, vous avez une minorité de Genevois, je crois 27 %, et 44 % de Confédérés, c’est-à-dire de Suisses d’autres c
428 rand malheur. Et s’il est purement nomade, aussi. Mon idée de l’homme complet, la personne, c’est l’homme en tension entre
429 de quartiers, renforcés par des associations, si j’ ai bien compris votre pensée, est possible dans un monde sans racines
430 s d’action beaucoup plus dangereux à manier. Mais je pense, en accord avec bien des urbanistes, américains surtout, et ang
431 nnez-vous à l’urbanisme dans tout cela ? Eh bien, je pense que c’est une place absolument essentielle parce que tout tient
432 bez dans la loi des rendements décroissants. Cela me semble exact, mais je me pose cependant une question : 50 000 habitan
433 ndements décroissants. Cela me semble exact, mais je me pose cependant une question : 50 000 habitants, cela doit faire à
434 ments décroissants. Cela me semble exact, mais je me pose cependant une question : 50 000 habitants, cela doit faire à peu
435 centration et conduit à faire des grandes villes. Je mets cela en question. L’économie n’a rien à exiger, l’économie est l
436 ochain livre ? C’est essentiellement ce titre que je donne au livre que je suis en train de terminer. Je dis : « l’avenir
437 ssentiellement ce titre que je donne au livre que je suis en train de terminer. Je dis : « l’avenir est notre affaire ». C
438 donne au livre que je suis en train de terminer. Je dis : « l’avenir est notre affaire ». Comme de toutes ces choses dont
439 entation de 2 % du salaire. Quant à l’autogestion je la prends dans un sens absolument global, général : responsabilités.
440 d’activités, autant en atelier qu’en entreprise. J’ entends ce terme d’atelier au sens où Proudhon l’entendait. Il disait 
441 elier de communauté, l’atelier de municipalité ». Je suis tout à fait d’accord, je pense que l’autogestion doit se dévelop
442 de municipalité ». Je suis tout à fait d’accord, je pense que l’autogestion doit se développer dans tous les secteurs, da
443 que, au niveau de l’administration de la commune. J’ appelle « politique » l’aménagement des rapports humains, dans une com
444 De la formule allemande à la formule yougoslave… Je pense surtout à l’autogestion des groupes et des petites communes et
445 sans réserve, en solidarité. Voilà au fond ce que j’ appelle fédéralisme, et qui résume toute ma doctrine : situer l’homme
446 ce que j’appelle fédéralisme, et qui résume toute ma doctrine : situer l’homme au centre de la société. e. Rougemont D
9 1974, Articles divers (1974-1977). Surréalisme : un jeu qui dure depuis 50 ans (7-8 septembre 1974)
447 anger. Comment avez-vous rencontré André Breton ? Je l’ai vu pour la première fois à New York en 1941, à l’Office of War I
448 New York en 1941, à l’Office of War Information. J’ étais devenu le rédacteur principal de l’émission La Voix de l’Amériqu
449 mission La Voix de l’Amérique parle aux Français. Mes deux textes quotidiens étaient lus par deux équipes d’« announcers »
450 ude Lévi-Strauss et André Breton. Entre Breton et moi , ce fut une sorte de coup de foudre d’amitié. Nous avons décidé de no
451 . De jeunes femmes ravissantes Pour ma part, je n’ai jamais fait partie de ce groupe, ni partagé son idéologie, ce qu
452 ie de ce groupe, ni partagé son idéologie, ce qui m’ a évité d’être excommunié tôt ou tard. C’était entre nous, à New York,
453 s, comme celui des questions et des réponses, que je préférais. Il se jouait par paires. L’un écrivait trois questions : q
454 t à haute voix les résultats. C’était prodigieux. J’ ai gardé un certain nombre de ces petits papiers, où je retrouve souve
455 gardé un certain nombre de ces petits papiers, où je retrouve souvent l’écriture de Breton, mais les plus étonnants datent
456 ture de Breton, mais les plus étonnants datent de mon retour en Europe, lorsque je repris ce jeu dans ma maison de Ferney.
457 étonnants datent de mon retour en Europe, lorsque je repris ce jeu dans ma maison de Ferney. Un soir, la personne qui joua
458 n retour en Europe, lorsque je repris ce jeu dans ma maison de Ferney. Un soir, la personne qui jouait avec moi avait écri
459 n de Ferney. Un soir, la personne qui jouait avec moi avait écrit : « Qu’arriverait-il si le diable entrait dans cette pièc
460 rait-il si le diable entrait dans cette pièce ? » Je lus ma réponse : « Toutes les lumières s’éteindraient. » Et, dans la
461 si le diable entrait dans cette pièce ? » Je lus ma réponse : « Toutes les lumières s’éteindraient. » Et, dans la seconde
462  ? Oui, dans des circonstances assez différentes. Je donnais la leçon inaugurale de l’année 1973-1974 à l’Institut univers
463 uste avant la première grande crise de l’énergie. J’ en prédisais le processus, l’enchaînement inexorable, en soulignant qu
464 rs ont cru à une mise en scène, d’autant plus que j’ ai continué à parler, suivant mes notes à la lueur d’une torche électr
465 d’autant plus que j’ai continué à parler, suivant mes notes à la lueur d’une torche électrique. Après vingt minutes, au mom
466 che électrique. Après vingt minutes, au moment où je lis dans mes notes : « Ceci devrait être regardé de plus près », tout
467 ue. Après vingt minutes, au moment où je lis dans mes notes : « Ceci devrait être regardé de plus près », toutes les lumièr
468 allumées. Était-ce « la part du diable » ? Breton m’ a souvent parlé de ce livre, que j’ai écrit à New York. Il se demandai
469 ble » ? Breton m’a souvent parlé de ce livre, que j’ ai écrit à New York. Il se demandait comment un homme qui croit en Die
470 listes d’intuition, de divination, de télépathie, je devinais presque toujours juste. Et Breton ? Lui, jamais ! C’était d’
471 es de Breton Un soir, on avait décidé que l’on me banderait les yeux et que l’on me mettrait dans la main, successiveme
472 décidé que l’on me banderait les yeux et que l’on me mettrait dans la main, successivement, un objet appartenant à chacune
473 nant à chacune des femmes présentes. Chaque fois, j’ ai deviné à qui était l’objet. Breton était comme « transfixé » par ce
474 qui appartenaient ces objets ? Absolument pas. On me plaçait quelque chose dans le creux de la main, j’avais quatre ou cin
475 e plaçait quelque chose dans le creux de la main, j’ avais quatre ou cinq secondes pour réfléchir, et je disais : « C’est à
476 ’avais quatre ou cinq secondes pour réfléchir, et je disais : « C’est à Leonora, c’est à Consuelo, c’est à Barbara, etc. »
477 e là-dessus — qui avait joué un certain rôle dans ma vie. Nous avions lancé 21 invitations à dîner dans un restaurant port
478 s des docks de New York. Vers dix heures du soir, je suis monté sur un escabeau pour lire le chapitre consacré au nombre 2
479 Strauss, il lui adressa un adjectif louangeur que j’ ai oublié, puis il le traita de « calomniateur de Freud » parce que Lé
480 ersonnage sur l’heure : « Sortez ! tonna-t-il. Et je me réjouis de ne plus jamais rencontrer sur mon chemin votre sale gue
481 onnage sur l’heure : « Sortez ! tonna-t-il. Et je me réjouis de ne plus jamais rencontrer sur mon chemin votre sale gueule
482 Et je me réjouis de ne plus jamais rencontrer sur mon chemin votre sale gueule de faux témoin ! » Le malheureux sortit de l
483 York, qu’il trouvait vide, artificiel, sans âme. Je me rappelle un dimanche matin, à Madison Avenue. La rue était déserte
484 rk, qu’il trouvait vide, artificiel, sans âme. Je me rappelle un dimanche matin, à Madison Avenue. La rue était déserte, t
485 était déserte, tout le monde était à l’église, et j’ y allais moi-même, quand je me suis trouvé pile devant André Breton. I
486 e était à l’église, et j’y allais moi-même, quand je me suis trouvé pile devant André Breton. Il marchait tête levée, rega
487 tait à l’église, et j’y allais moi-même, quand je me suis trouvé pile devant André Breton. Il marchait tête levée, regarda
488 les nuages entre les gratte-ciel. Il s’arrêta et me dit, après un silence : « Et pourquoi ne ferait-on pas une religion d
489 tourné vers nous : « Voilà, dit-il, une Église où j’ aurais pu être évêque ! » i. Rougemont Denis de, « [Entretien] Sur
10 1975, Articles divers (1974-1977). Notre complexe de culpabilité (1975)
490 celui des riches et de l’Occident en général), il m’ a semblé que l’inquiétude suisse s’expliquait par trois groupes de rai
491 avenir suisse est devenu notre sport national, et je ne vois pas d’autre pays qui puisse nous battre sur ce terrain-là. (C
492 essent de répéter : « Y en a point comme nous ! » Je n’ai jamais entendu cette fameuse phrase que dans la bouche de ceux q
493 que dans la bouche de ceux qui la raillaient, et je ne l’ai jamais lue que sous la plume de Suisses qui affirmaient que l
494 t jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir de s
495 culpabilité sont des concepts théologiques17 dont je ne vois pas qu’ils trouvent dans le cas du « malaise suisse » une app
496 degré. Les exemples cités au cours de cet ouvrage me semblent révéler une tendance générale — et pour le coup, « bien suis
497 nos examens de conscience. « Quels problèmes ? », me demande l’Européen qui venait admirer notre libre Helvétie et qui est
498 ? Satiriques, vengeurs ou navrés, les sermons que j’ ai cités ne changeront rien à l’évolution qu’ils dénoncent, tant qu’il
499 astes, qui soient les leurs. Mieux vaudrait donc, me semble-t-il, proposer que les Suisses s’élèvent à la hauteur de leur
500 rchique. La vraie chance de grandeur des Suisses, je ne la vois pas ailleurs que dans les raisons d’être de leur communaut
501 du progrès permet seule de se dire progressistes, j’ ose penser que la Suisse a mieux à faire qu’à cultiver ses inquiétudes
502 sente pour une Europe qui n’en sait rien encore ! Je ne conçois pas d’autre remède à ses névroses de prospérité. C’est dan
503 tion, 1936 (trad. de l’auteur). Helveticus sum… : Je suis suisse, je suis un être humain, je suis un pécheur. 17. Nuançon
504 . de l’auteur). Helveticus sum… : Je suis suisse, je suis un être humain, je suis un pécheur. 17. Nuançons : la culpabili
505 us sum… : Je suis suisse, je suis un être humain, je suis un pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité est aussi un état ou
11 1975, Articles divers (1974-1977). Au-delà de la société industrielle (1975)
506 « société post-industrielle » et de ses valeurs, mon premier mouvement a été de recul devant un sujet qui me paraissait ap
507 mier mouvement a été de recul devant un sujet qui me paraissait appeler la compétence de l’économiste que je ne suis pas.
508 aissait appeler la compétence de l’économiste que je ne suis pas. Mais je dois vous faire un aveu : si j’ai finalement acc
509 mpétence de l’économiste que je ne suis pas. Mais je dois vous faire un aveu : si j’ai finalement accepté de vous parler d
510 ne suis pas. Mais je dois vous faire un aveu : si j’ ai finalement accepté de vous parler de la société post-industrielle,
511 parler de la société post-industrielle, c’est que j’ ai vu là une occasion inespérée d’essayer de comprendre moi-même ce qu
512 de société post-industrielle, que veut-on dire ? Je vois d’abord ce qui est exclu : une société dans laquelle il n’y aura
513 utume des cavernes. On ne veut pas dire non plus, je crois, qu’une société post-industrielle serait celle où les besoins e
514 que déjà nous concevons quelque chose, au-delà — je le définis comme l’époque où l’homme devait s’adapter à l’industrie,
515 à l’automobile ». La société post-industrielle, à mes yeux, aura pour première caractéristique d’inverser cette déclaration
516 été industrielle à une société post-industrielle, je crois qu’on pourrait le résumer aussi par le contraste entre les atti
517 tant, ce sont les hommes et non les firmes. » Il me semble que tout le contraste entre les deux types de sociétés est là 
518 ’est sur l’opposition de ces deux conceptions que je voudrais vous présenter quelques remarques et suggestions. III
519 ude manifestée des facultés créatrices de chacun. J’ ajouterai que la société post-industrielle devrait aussi permettre à t
520 -il, son « chemin de Damas » : « Dès l’instant où je l’aperçus, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a é
521 l’instant où je l’aperçus, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine ro
522 on d’automobiles. Et il note à ce moment-là, — et je vous prie de savourer la phrase, elle le mérite ! — « Ma résolution p
523 prie de savourer la phrase, elle le mérite ! — «  Ma résolution pouvait passer pour téméraire, car à cette époque-là, il n
524 l’Auto, et qui favorise les ventes. V Vous me pardonnerez, je l’espère, de m’être un peu étendu sur le chapitre san
525 favorise les ventes. V Vous me pardonnerez, je l’espère, de m’être un peu étendu sur le chapitre sans doute le plus
526 tes. V Vous me pardonnerez, je l’espère, de m’ être un peu étendu sur le chapitre sans doute le plus illustratif de l
527 souvent même scandaleuses. Cette réaction est, à mes yeux, l’indicateur très certain du déclin d’une certaine société, aut
528 es, mais spirituelles, morales et psychologiques, je poserai au fondement de tout le respect de chaque personne humaine, l
529 ofit, non moral, ni social, mais financier. Qu’on m’ entende bien : je n’ai rien contre le profit en soi, que tout le monde
530 ni social, mais financier. Qu’on m’entende bien : je n’ai rien contre le profit en soi, que tout le monde approuve en prat
531 soi, que tout le monde approuve en pratique. Mais je suis contre le profit considéré comme référentiel absolu, comme « mes
532 tions humaines, née des grandes villes, devrait à mon sens faire l’objet d’un nouveau rapport dramatique au club de Rome. C
533 on ami hollandais le physicien Hendrijk Lorentz ? J’ aurais dû vous parler de la technologie douce, qui, dans la nouvelle s
534 une société de gaspillage à bout de souffle… Mais je m’arrête, je n’en finirais plus. Je terminerai sur la question qu’on
535 société de gaspillage à bout de souffle… Mais je m’ arrête, je n’en finirais plus. Je terminerai sur la question qu’on va
536 e gaspillage à bout de souffle… Mais je m’arrête, je n’en finirais plus. Je terminerai sur la question qu’on va me poser,
537 souffle… Mais je m’arrête, je n’en finirais plus. Je terminerai sur la question qu’on va me poser, inévitable : « Votre mo
538 rais plus. Je terminerai sur la question qu’on va me poser, inévitable : « Votre modèle post-industriel a-t-il des chances
539 -industriel a-t-il des chances de se réaliser ? » J’ ai coutume de répondre à cette question que nous ne sommes pas là pour
540 l arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis- je faire ? » o. Rougemont Denis de, « Au-delà de la société industri
12 1975, Articles divers (1974-1977). Suisse 1975 (1975)
541 t jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir de s
13 1975, Articles divers (1974-1977). Le Morgarten du xxe siècle (1975)
542 et le moteur d’une fédéralisation de l’Europe, ai- je écrit, il y a plus de dix ans, dans La Suisse ou l’histoire d’un peu
543 l’histoire d’un peuple heureux . Aujourd’hui, il me semble que ce « modèle » (au sens scientifique) reste viable tel que
544 èle » (au sens scientifique) reste viable tel que je le décrivais alors, à quelques précisions près. J’ai été amené à préc
545 e le décrivais alors, à quelques précisions près. J’ ai été amené à préciser notamment ceci : je ne vois pas, dans la Confé
546 près. J’ai été amené à préciser notamment ceci : je ne vois pas, dans la Confédération fabriquée en 1848 par la réunion d
547 ration des 27 États souverains du continent, mais je vois dans le Conseil fédéral le modèle d’un gouvernement fédéral euro
548 tion et de la création des grands États-nations. ( J’ appelle État-nation la mainmise d’un appareil étatique sur l’ensemble
549 , méconnaissent le véritable sens du fédéralisme. Je suis frappé de constater que la plupart de ceux qui se disent fédéral
550 dire contre la fédération. Ramuz avait coutume de me dire : « Entre nous, nous sommes contre Berne, nous sommes fédéralist
551 es fédéralistes, donc nous sommes séparatistes… » Je lui répondais : « Vous pouvez être séparatiste ou nationaliste vaudoi
552 s, comme celles de la gauche et de la droite. Or, je trouve des nationalistes et des centralistes cantonaux à gauche comme
553 à des réalités du xxe siècle et non du xixe . Il me semble qu’aujourd’hui, ceux qui défendent l’autogestion régionale et
554 éralisme. Qu’ils soient de gauche ou de droite ne m’ intéresse guère : l’essentiel, c’est la forme concrète de communauté q
555 la forme concrète de communauté qu’ils défendent. Je retrouve, chez les partisans de l’autogestion au sens politique, juri
556 essités » nationales, continentales ou mondiales. Je vois par exemple un parallèle frappant entre la situation de nos troi
557 , et qui ne va pas exactement dans leur sens, car je ne vois pas comment des maoïstes ou des trotskystes pourraient être d
558 ’ils étaient les « fossoyeurs de la démocratie ». Je ne sais pas si les gens qui ont écrit des choses pareilles connaissen
559 t été le premier manifestant de Kaiseraugst. Cela m’ a d’ailleurs amené à dire dans un message aux dix mille personnes qui
560 ité. Mais on ne peut pas avoir, comme on dit chez moi , le beurre et l’argent du beurre. Il s’agit de savoir quelle finalité
561 s bas, le niveau zéro, qui est la mort… Mais pour moi , une Suisse qui ferait ce choix-là ne serait plus elle-même. Elle dev
562 C’est le rêve secret de tous les administrateurs. J’ ignore si les citoyens suisses sont aptes à saisir l’ampleur du danger
563 s à saisir l’ampleur du danger qui les menace. Et je ne suis pas optimiste sur les possibilités d’endoctriner les gens. Je
564 iste sur les possibilités d’endoctriner les gens. Je ne me fais pas d’illusions : d’une manière générale, les hommes font
565 ur les possibilités d’endoctriner les gens. Je ne me fais pas d’illusions : d’une manière générale, les hommes font toujou
566 entendre un discours raisonnable, comme celui que je tiens ici, sur quoi compter alors ? Sur un certain nombre de désastre
14 1975, Articles divers (1974-1977). L’amour (1975)
567 u’un », tous ceux qui qualifient l’être aimé de «  ma moitié » (variante : « ma meilleure moitié »), et tous ceux qui écriv
568 ifient l’être aimé de « ma moitié » (variante : «  ma meilleure moitié »), et tous ceux qui écrivent sur Éros. Si l’idée pl
569 linienne consiste dans la proclamation que « tout m’ est permis, mais tout n’est pas utile » (Épître aux Romains) relative
570 it sentir plus vite dans le roman qu’au théâtre. ( Je parle ici, bien entendu, d’ouvrages littéraires, et non pas de romans
571 voilé de l’amour incestueux pour la Mère. « Dois- je épouser ses droits contre un père irrité ? » se demande le jeune homm
572 t, du même coup, à celle de l’auteur : Les dieux m’ en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc Ont allumé le feu fata
573 Les dieux m’en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc Ont allumé le feu fatal à tout mon sang. Et la servante Œnon
574 i dans mon flanc Ont allumé le feu fatal à tout mon sang. Et la servante Œnone tient à Phèdre le même langage que la ser
575 sincère dans sa préface lorsqu’il écrit : Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait [de tragédie] où la ver
576 squ’il écrit : Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait [de tragédie] où la vertu soit plus mise en jour q
577 de bons ménages mais, parmi les gens de qualité, je ne connais pas un seul exemple d’affection réciproque ni de fidélité.
578 dit du très inconstant Maurice de Saxe : « Voici mon univers, mon espoir, et mes dieux ! » L’idéal donjuanesque, comme la
579 inconstant Maurice de Saxe : « Voici mon univers, mon espoir, et mes dieux ! » L’idéal donjuanesque, comme la légende qu’il
580 ice de Saxe : « Voici mon univers, mon espoir, et mes dieux ! » L’idéal donjuanesque, comme la légende qu’il inverse, donne
581 e, qui l’exprimera elle aussi dans un seul cri : J’ aime, mais comme on doit aimer : dans le désespoir ! À quoi Novalis f
582 douleur, c’est qu’on ne veut plus aimer… Que Dieu me conserve cette douleur qui m’est indiciblement chère. L’amour rom
583 lus aimer… Que Dieu me conserve cette douleur qui m’ est indiciblement chère. L’amour romantique C’est à partir de l
584 Hymnes à la nuit : Que ton feu spirituel dévore mon corps, qu’en une étreinte aérienne je m’unisse étroitement à toi, et
585 uel dévore mon corps, qu’en une étreinte aérienne je m’unisse étroitement à toi, et que dure alors éternellement notre nui
586 dévore mon corps, qu’en une étreinte aérienne je m’ unisse étroitement à toi, et que dure alors éternellement notre nuit n
15 1975, Articles divers (1974-1977). « Le sort des écrivains emprisonnés constitue un drame et un avertissement » (juin 1975)
587 né. Pourquoi ? Au-delà du cas précis de Boukovski je pense que la situation des écrivains soviétiques emprisonnés ou enfer
588 e peut donc être assimilé à une marque de folie ? Je pense qu’on ne lui refuse pas d’avoir une opinion mais on accepte mal
589 issement est facile. Dans une société totalitaire je dirais même qu’il est naturel. On les condamne donc pour remettre leu
590 s, ceux que, précisément, on réserve aux fous. Si j’ étais en Russie je serais enfermé depuis longtemps et je me demande si
591 sément, on réserve aux fous. Si j’étais en Russie je serais enfermé depuis longtemps et je me demande si je ne deviendrais
592 s en Russie je serais enfermé depuis longtemps et je me demande si je ne deviendrais pas fou réellement. Quand on vous dit
593 n Russie je serais enfermé depuis longtemps et je me demande si je ne deviendrais pas fou réellement. Quand on vous dit qu
594 rais enfermé depuis longtemps et je me demande si je ne deviendrais pas fou réellement. Quand on vous dit que vous êtes se
595 vous demander : Mais en fin de compte est-ce que je n’ai pas tort puisque tous les autres pensent autrement ? Et ce doute
596 amplifié, peut très bien vous amener à la folie. J’ ai su comment s’étaient passés les grands procès de Moscou lorsque Sta
597 t : celui de changer les mœurs parce qu’ils sont, je l’ai dit, manieurs de mots, donneurs de sens. Les mœurs dépendent du
598 res, mesurent bien cette influence de l’artiste ? Je crois qu’ils sont emplis d’angoisse devant ce monde impossible à gouv
599 création que « contre » une société. Pour ma part je regrette que le développement de la société amène toujours davantage
600 elle. D’ailleurs ça n’a pas toujours été le cas : je pense à Racine et à Corneille qui étaient au service de Louis XIV. Le
601 votre acte, vous serez acquitté. C’est parce que je crois à cette liberté de l’homme liée à sa responsabilité que j’oppos
602 e liberté de l’homme liée à sa responsabilité que j’ oppose à tous les États-nations l’idée de communauté régionale. Même s
603 e si la voix porte aujourd’hui beaucoup plus loin je suis fidèle à la définition d’Aristote selon laquelle une cité ne dev
604 Verbois nous expliquent qu’il y a une nécessité, je leur demande laquelle. Rien ne nous oblige concrètement à avoir plus
605 individu n’est pas aussi directement menacé. Mais je vous rends attentif à un fait. Aujourd’hui19 Garry Davis purge à Bâle
606 Davis purge à Bâle une nouvelle peine de prison. J’ ai écrit au président de la Confédération pour obtenir sa libération.
607 e la Confédération pour obtenir sa libération. Il m’ a fait répondre par le Département de justice et police ! Or quel mal
16 1975, Articles divers (1974-1977). « L’État-nation, voilà l’ennemi » (1er juillet 1975)
608 nte, non de prestige, en fin de compte militaire. Je ne propose pas de renverser l’État-nation : nous péririons tous dans
609 dans ses ruines. Au niveau des pouvoirs concrets, je vois très peu à renverser, tout à construire. Et force nous sera de l
610 ement de mentalité et un changement de finalité. Je sais qu’on ne manquera pas de me dire, comme certains l’ont fait à Be
611 nt de finalité. Je sais qu’on ne manquera pas de me dire, comme certains l’ont fait à Berlin : « Votre point de vue est t
612 l’Est comme pour l’Europe de l’Ouest, la solution me paraît consister dans la structure de petites régions fonctionnelles.
17 1975, Articles divers (1974-1977). « Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations » (septembre 1975)
613 dresser un plan. Par exemple, dans la région que j’ appelle lémano-alpine, pour rester volontairement un peu vague, c’est
614 rbois-ou-de-pas-Verbois-nucléaire, parce qu’on ne me fera pas croire que la frontière arrêterait les effets d’un accident
615 montre digne en étant responsable. Responsable : je tiens au mot. Car après tout, sans responsabilité, il n’y a pas de ci
616 communes, d’amitiés et de voisinage retrouvé, qui me motive, quand je lutte pour la région. w. Rougemont Denis de, « [E
617 és et de voisinage retrouvé, qui me motive, quand je lutte pour la région. w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Il ne s
18 1976, Articles divers (1974-1977). Message de M. Denis de Rougemont (1976)
618 pourrait bien en être la source. Personnellement, je vois la preuve de cela dans le fait qu’il accepta de présider, pour u
619 ais décisif, deux institutions au sort desquelles j’ avais eu le bonheur de l’intéresser : le Centre européen de la culture
620 Pour l’Europe, réunis par lui à la fin de sa vie, je trouve ces mots qu’on ne saurait souhaiter plus éclairants et qui ser
621 communauté culturelle. Et dans ce même chapitre, je souligne cette phrase : L’unité de l’Europe ne se fera ni uniquement
622 l’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il m’ avait dit un jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis san
623 un jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis sans doute trop vieux pour surmonter l’idée de nation souveraine
624 monter l’idée de nation souveraine, dans laquelle j’ ai été élevé. Ce sera l’affaire de votre génération. Trois lustres on
625 che visiblement du but. Comment sauver la face de ma génération ? Il nous reste assez peu d’années. Quant à repasser le fl
626 qui ne trouverait plus personne pour l’accepter, je le crains. Parce qu’il n’y aurait plus même d’Européens. z. Rougem
19 1976, Articles divers (1974-1977). L’Europe, l’été [préface] (1976)
627 ue délimitent ces villes ouvertes vers cinq mers, j’ imagine maintenant que s’élève une vaste rumeur symphonique mariant le
628 grande rumeur musicale de nos étés européens ? Si je n’en ai nommé qu’une trentaine, c’est parce qu’il s’agissait des « gr
629 icace. Un beau jour de 1950, Igor Markevitch vint me voir. Je lui avais écrit tôt après la lecture de son article sur la c
630 beau jour de 1950, Igor Markevitch vint me voir. Je lui avais écrit tôt après la lecture de son article sur la coopératio
631 sical… Il avait son idée là-dessus. Pour ma part, je venais de fonder le Centre européen de la culture, à Genève, dont le
632 sson. En un mot fédérer, mot-clé de notre Centre. Je prie les historiens de prendre note d’un petit fait qui a son importa
633 ublication concertée des programmes et des dates, je voudrais souligner ici que l’association a eu et garde le mérite, à m
634 ici que l’association a eu et garde le mérite, à mes yeux principal, de provoquer la réflexion des dirigeants de festivals
635 cessé de revenir sur quelques thèmes majeurs que je voudrais indiquer brièvement. 1. Sur le grand fond des origines sacré
636 tistique et touristique, la formule festivalienne me paraît typiquement occidentale, ne fût-ce que par les antinomies qu’e
637 ée dans les salles de concert, séparée de la vie, j’ entends des cadres architecturaux, des fonctions religieuses et de tou
20 1976, Articles divers (1974-1977). Histoire et prospective de l’identité européenne (1976)
638 ose ne le croyait. Avant donc d’essayer de nommer ma discipline, posons-nous la question préalable, et plus sérieuse, de l
639 ujourd’hui. Tout le reste en dépendra, et d’abord mes réponses. Qu’est-ce donc pour vous, l’Europe ? Ce n‘est pas une réali
640 tiques, et non pas d’une recherche fondamentale ? J’ avoue que je saisis mal l’opposition de nature que vous me semblez fai
641 on pas d’une recherche fondamentale ? J’avoue que je saisis mal l’opposition de nature que vous me semblez faire, après ta
642 que je saisis mal l’opposition de nature que vous me semblez faire, après tant d’autres — ce fut une mode dans les années
643 en est-il dans le domaine des sciences humaines ? Je serais tenté de revendiquer la qualité de « recherche fondamentale »
644 niversitaires — pour Ies parties métaphysiques de mes cours ; et la qualité de « recherche finalement appliquée » — qui imp
645 ments — pour les parties proprement politiques de mon enseignement, cours et travaux de séminaires, tout ce qui touche aux
646 ction dans le Monde ; et en particulier, c’est là ma branche, à mieux comprendre ce que cela signifie d’être un Européen.
647 e vivre l’Europe en vivant sa culture, qui est, à mes yeux, sa profonde identité. Cette culture a produit — comme déchets,
648 oir ! Et c’est le moment que vous choisissez pour me poser vos colles de facultés ! Je souhaitais simplement savoir ce que
649 choisissez pour me poser vos colles de facultés ! Je souhaitais simplement savoir ce que vous enseignez au juste. Je vous
650 simplement savoir ce que vous enseignez au juste. Je vous en donnerai deux exemples. J’ai professé à notre Institut et à l
651 gnez au juste. Je vous en donnerai deux exemples. J’ ai professé à notre Institut et à l’EPFZ simultanément, puis sous une
652 nève, un cours sur la Philosophie du fédéralisme. J’ y parlais d’histoire, bien sûr, d’anthropologie et de religion comparé
653 de l’Europe. Ce qui ne prouve d’ailleurs pas que mon sujet soit « sérieux » du point de vue que l’on nommait naguère acadé
654 , mais englobée, non englobante. Second exemple : Je donne depuis deux ans, en alternance avec André Reszler, un cours sur
655 ur Les Mythes formateurs de la psyché européenne. J’ ai parlé des mythes grecs, puis des mythes de la Genèse, et enfin de l
656 ’Inde, de la Chine, ou de la Polynésie. Tout cela m’ a conduit à de multiples incursions dans l’histoire et l’ethnographie,
657 tique et du structuralisme. Là encore, vous allez me dire que ces démarches sont peu compatibles avec l’idée du sérieux sc
658 rospective, sont plus encore que le savoir ce que j’ ai le désir de transmettre, c’est-à-dire de rendre sensible et comme u
659 ce qui reste « à faire ». C’est peut-être ce que je pressens comme sans le connaître, qui apparaîtra un jour comme étant
660 raîtra un jour comme étant le principal de ce que j’ avais à faire passer, dans le cadre rigoureux du savoir vérifié. Centr
661 rêts, dont ils font le centre de leur monde. Or à mon sens, c’est le contraire qui est vrai. Il arrive bien souvent que cel
662 se encore tant de ravages dans le tiers-monde. Et je parle de mettre en garde non seulement les Européens mais les étudian
663 intéressé ? Les termes d’opportunité et d’utilité me paraissent faibles, dans la conjoncture de ce troisième tiers du xxe
21 1976, Articles divers (1974-1977). Changer de cap (novembre 1976)
664 en général qu’une tactique partisane, mais ce qui m’ intéresse est autre chose : la stratégie de notre civilisation. Ce son
665 yens aux affaires de leurs communautés autonomes. Je vais donc considérer quelques-uns des arguments échangés dans ce gran
666 servent objectivement. Depuis six ans environ que je m’occupe de ces choses, et que j’en écris, je suis de plus en plus fr
667 vent objectivement. Depuis six ans environ que je m’ occupe de ces choses, et que j’en écris, je suis de plus en plus frapp
668 ans environ que je m’occupe de ces choses, et que j’ en écris, je suis de plus en plus frappé par le rôle qu’y joue le mens
669 que je m’occupe de ces choses, et que j’en écris, je suis de plus en plus frappé par le rôle qu’y joue le mensonge systéma
670 éaire, ou de Concorde, ou du bétonnage universel, j’ observe les mêmes comportements. Au début, un refus général d’informer
671 s scientifiques. De ces diverses formes de ce que je nommerai le mensonge en service commandé, je donnerai ici un exemple
672 que je nommerai le mensonge en service commandé, je donnerai ici un exemple récent et — qu’on me le pardonne — personnel.
673 ndé, je donnerai ici un exemple récent et — qu’on me le pardonne — personnel. ⁂ Parlant au cours d’une émission de la TV f
674 ant d’interruptions agressives du meneur de jeu — j’ ai essayé de formuler mes objections et mes mises en question du Conco
675 ssives du meneur de jeu — j’ai essayé de formuler mes objections et mes mises en question du Concorde selon le schéma suiva
676 e jeu — j’ai essayé de formuler mes objections et mes mises en question du Concorde selon le schéma suivant que je reconsti
677 question du Concorde selon le schéma suivant que je reconstitue : I. Le philosophe étant celui qui pose des questions sim
678 t celui qui pose des questions simples et naïves, je demande : « Concorde, à quoi est-ce que ça sert ? » On m’assure que c
679 de : « Concorde, à quoi est-ce que ça sert ? » On m’ assure que cet appareil ira de Paris à New York en trois heures et dem
680 ntre les rayons ultraviolets ? « Votre pari — dis- je aux promoteurs de Concorde alignés devant moi, et consternés — c’est
681 dis-je aux promoteurs de Concorde alignés devant moi , et consternés — c’est le contraire du pari de Pascal. Si vous perdez
682 nez trois heures pour quelques-uns. Étrange pari. Moi , je ne le tiendrais pas… » 2. Si les clients prévus, dont l’heure es
683 rois heures pour quelques-uns. Étrange pari. Moi, je ne le tiendrais pas… » 2. Si les clients prévus, dont l’heure est si
684 le temps de se reposer, de réfléchir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’il était vraiment indispensable de « gagner 
685 entre de la ville par hélicoptère ou métro. 3. On me dit qu’arrêter la fabrication de Concorde mettrait au chômage 40 000
686 nts occupe des centaines de milliers d’ouvriers ? Je pense que si la Société est ainsi faite que la seule alternative qu’e
687 ur nos têtes. 5. Indépendamment de ces arguments, je suis contre Concorde pour deux raisons fondamentales. a) Tout comme
688 simplement l’enseigne d’un modèle de société que je récuse radicalement. Car l’humain s’y voit sacrifié non pas même au P
689 rofits privés — absolument contraire aux fins que je défends dans toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de la p
690 ment contraire aux fins que je défends dans toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de la personne, d’autonomie et
691 ne, d’autonomie et de fédération des groupes. b) Je suis convaincu que les promoteurs de Concorde sont animés par un cert
692 ue Concorde symbolise. Le luxe suprême de demain, je l’ai défini au lendemain d’Hiroshima : la lenteur au sein du silence.
693 main d’Hiroshima : la lenteur au sein du silence. Je crois bien que ce soir-là, j’ai trouvé la formule de tout ce qui me r
694 au sein du silence. Je crois bien que ce soir-là, j’ ai trouvé la formule de tout ce qui me répugnait dans l’affaire nucléa
695 ce soir-là, j’ai trouvé la formule de tout ce qui me répugnait dans l’affaire nucléaire comme dans celle de Concorde, en f
696 s individus et des communautés locales. Personne, je le sais, ne viendra dire devant un parlement ou dans une assemblée po
697 ission ! C’est cette mission, et non pas eux, que je réprouve. ⁂ Allons plus loin et plus profond : derrière les deux atti
698 t plus profond : derrière les deux attitudes dont je viens d’esquisser l’oppo­sition radicale, il y a deux attitudes oppos
699 e conversion pour une image, si vous voulez, mais je suis convaincu qu’en réa­lité, elle signifie bien davantage, et peut
700 infinies, de très profondes remises en ordre. Et je ne dis pas qu’en alertant les énergies qui sont en nous nous pourrion
701 ous nous pourrions aller aussi vite que Concorde. Je dis seulement qu’en faisant appel toujours plus aux forces qui sont e
702 e Concorde apparaîtraient tout à fait incongrues. Je ne dis pas qu’en nous confiant de plus en plus à nos énergies intérie
703 lle qui culmine dans la Bombe à fusion nucléaire, je dis que nous ferions une autre société — et je pense qu’elle serait m
704 e, je dis que nous ferions une autre société — et je pense qu’elle serait meilleure. 21. Aujourd’hui, Air France et la S
22 1977, Articles divers (1974-1977). Souvenir de 1938 (1977)
705 Souvenir de 1938 (1977)ag Je venais d’entendre, à Venise, Honegger diriger son Nocturne et je m’ét
706 endre, à Venise, Honegger diriger son Nocturne et je m’étais dit : Voilà celui pour qui je voudrais écrire quelque chose.
707 re, à Venise, Honegger diriger son Nocturne et je m’ étais dit : Voilà celui pour qui je voudrais écrire quelque chose. À p
708 Nocturne et je m’étais dit : Voilà celui pour qui je voudrais écrire quelque chose. À peine de retour en Suisse, on m’offr
709 re quelque chose. À peine de retour en Suisse, on m’ offre de composer un Festspiel pour l’« Expo » nationale de 1939. La g
710 ationale de 1939. La guerre paraissait imminente, j’ étais en train de sortir mes uniformes d’une malle. Je ne trouvais pas
711 paraissait imminente, j’étais en train de sortir mes uniformes d’une malle. Je ne trouvais pas de « sujet national » à la
712 ais en train de sortir mes uniformes d’une malle. Je ne trouvais pas de « sujet national » à la mesure des événements — et
713 à la mesure des événements — et de la scène dont j’ avais vu les plans : trente-cinq mètres de large, trois niveaux, point
714 de rideau, devant une salle de dix mille places. Je demandais quelques jours « pour réfléchir » et n’en fis rien, certain
715 , le 28 septembre vers 17 h, un coup de téléphone m’ annonce Munich30 : « C’est la paix ! », me dit-on. (On le croyait ce j
716 léphone m’annonce Munich30 : « C’est la paix ! », me dit-on. (On le croyait ce jour-là !) C’est aussi toute la vie qui se
717 reprend à vivre, les délais à courir, le sujet à me fuir… Le matin même, sans raisons apparentes, on m’avait remis une bi
718 fuir… Le matin même, sans raisons apparentes, on m’ avait remis une biographie nouvelle de Nicolas de Flüe. J’en avais par
719 remis une biographie nouvelle de Nicolas de Flüe. J’ en avais parcouru distraitement quelques pages. L’image scolaire que j
720 istraitement quelques pages. L’image scolaire que je gardais de cet ermite du xve siècle était bien pâle. Mais ce jour-là
721 du xve siècle était bien pâle. Mais ce jour-là, je reprends le livre et je découvre un personnage fascinant. Mystique, n
722 en pâle. Mais ce jour-là, je reprends le livre et je découvre un personnage fascinant. Mystique, naïf, au bord de l’hérési
723 Nuit blanche. Trois actes se composent. Au matin j’ ai tout le plan de la pièce et j’en ai vu le paradoxe essentiel : peup
724 posent. Au matin j’ai tout le plan de la pièce et j’ en ai vu le paradoxe essentiel : peupler et animer une scène immense a
725 -il l’adapter à la structure chrétienne du sujet. Je songe alors au style monumental des prophètes et des psalmistes. Nul
726 musicien — et celui-ci ne peut être qu’Honegger. Je vais le voir à Paris. Je ne le connaissais pas. En pleine gloire, à 4
727 e peut être qu’Honegger. Je vais le voir à Paris. Je ne le connaissais pas. En pleine gloire, à 46 ans, il vient d’écrire
728 De quinze ans son cadet, inconnu du grand public, je ne lui apporte rien qu’une commande peu munificente. Je lui en résume
729 lui apporte rien qu’une commande peu munificente. Je lui en résume les données, j’esquisse la structure de la pièce, suggé
730 de peu munificente. Je lui en résume les données, j’ esquisse la structure de la pièce, suggérée par celle de la scène, et
731 étés, et l’on fabriquera les costumes à domicile. Je tombe bien, Honegger vient d’écrire que la seule forme théâtrale à la
732 ce sera la dernière : la guerre est pour demain — je me sens littéralement transporté ! Voici chanté, clamé ou soutenu par
733 sera la dernière : la guerre est pour demain — je me sens littéralement transporté ! Voici chanté, clamé ou soutenu par le
734 de la précision dans le sentiment, non seulement mon texte, mais tout ce que j’ai pensé, arrière-pensé en l’écrivant et re
735 timent, non seulement mon texte, mais tout ce que j’ ai pensé, arrière-pensé en l’écrivant et renoncé à y mettre faute de m
736 de mots… Et surtout, l’arrière-plan religieux de ma « Légende dramatique » est révélé tantôt par un lyrisme aérien, alpes
737 le chœur fugué : « Étoile du matin ». Plus tard, je lui ai demandé le secret de cette divination spirituelle, et il m’a d
738 le secret de cette divination spirituelle, et il m’ a dit modestement : « J’apprends par cœur les paroles, et puis je me l
739 nation spirituelle, et il m’a dit modestement : «  J’ apprends par cœur les paroles, et puis je me les répète continuellemen
740 ment : « J’apprends par cœur les paroles, et puis je me les répète continuellement, dans mon atelier, dans la rue, en cond
741 t : « J’apprends par cœur les paroles, et puis je me les répète continuellement, dans mon atelier, dans la rue, en conduis
742 s, et puis je me les répète continuellement, dans mon atelier, dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’à ce que la mél
743 ent, dans mon atelier, dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’à ce que la mélodie sorte des paroles. » Cette espèce
23 1977, Articles divers (1974-1977). Robert Schuman (1886-1963) : l’homme de la frontière (1977)
744 e et non par goût, et moins encore par ambition. J’ étais alors, écrira-t-il, un juriste quelque peu candide, inexpériment
745 ean Monnet lui-même : L’action de Robert Schuman me paraît avoir été déterminée moins par ses souvenirs du passé qui euss
746 ais décisif, deux institutions au sort desquelles j’ avais eu le bonheur de l’intéresser, le Centre européen de la culture,
747 Pour l’Europe, réunis par lui à la fin de sa vie, je trouve ces mots qu’on ne saurait souhaiter plus éclairants, et qui se
748 Communauté culturelle. Et dans ce même chapitre, je souligne cette phrase : L’unité de l’Europe ne se fera ni uniquement
749 l’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il m’ avait dit un jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis san
750 un jour de 1960, dans un moment de confidence : Je suis sans doute trop vieux pour surmonter l’idée de nation souveraine
751 monter l’idée de nation souveraine, dans laquelle j’ ai été élevé. Ce sera l’affaire de votre génération… ae. Rougemont
24 1977, Articles divers (1974-1977). Hérétiques de toutes les religions, unissez-vous ! (1977)
752 érétiques de toutes les religions, unissez-vous ! J’ ai souvent médité sur cette phrase, depuis lors. ⁂ Au temps de nos pre
753 cès de Moscou et la persécution des Églises. Mais je relis les onze numéros de notre revue : il n’y est jamais question d’
754 passages cités sont justement d’Henry Corbin. Et je n’en trouve pas qui expriment mieux notre attitude commune d’alors. ⁂
755 e Proche-Orient ; puis ce sera la guerre, et pour moi , plus de six années d’exil américain. Et pourtant, le bravo silencieu
756 cain. Et pourtant, le bravo silencieux par lequel j’ accueille à Ferney l’exclamation de l’ami retrouvé ne marque aucune ru
757 aucune rupture avec notre passé, ni encore moins mon ralliement à quelque antidoctrine nouvelle élaborée dans l’entre-temp
758 urtout de Sohrawardi, dès 1931. Cette même année, je publiais divers essais parmi les tout premiers parus en France sur Ki
759 n’est jamais entré ni sorti, depuis des mois que j’ attends ici ! À quoi le gardien répond : Elle n’était là que pour toi.
760 ment secret qui conduit seul à l’intégration d’un moi distinct… La « voie unique » peut donc désigner aussi bien l’orthodox
761 matiques imposés par les pouvoirs totalitaires ne m’ intéressent pas dans ce contexte. Note 2. Si, comme le veulent les dic
762 iptum récemment ajouté à L’Amour et l’Occident , je parle « d’hérésies libératrices des âmes et d’orthodoxie conservatric
763 e la cité ». Une attitude personnaliste cohérente m’ incite à tenir balance égale entre communauté et vocation, entre unive
764 stique, et qui possède une vertu de contagion que je voudrais dire convertissante. (Pour, moi, s’il faut en croire les tes
765 agion que je voudrais dire convertissante. (Pour, moi , s’il faut en croire les tests que j’ai passés, je me verrais plutôt
766 te. (Pour, moi, s’il faut en croire les tests que j’ ai passés, je me verrais plutôt entre deux pentes, soit sur le chemin
767 i, s’il faut en croire les tests que j’ai passés, je me verrais plutôt entre deux pentes, soit sur le chemin de crête, ten
768 s’il faut en croire les tests que j’ai passés, je me verrais plutôt entre deux pentes, soit sur le chemin de crête, tenté
769 s, soit au fond de la vallée, et tout effort pour m’ élever d’un côté ou de l’autre aggraverait la séparation. Reste une se
770 nvente en y marchant. « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier », dit le psalmiste. La lampe n’éc
771 parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier », dit le psalmiste. La lampe n’éclaire que le terrain où je
772 e psalmiste. La lampe n’éclaire que le terrain où je m’avance, ce chemin qui commence à mes pas. L’homme de la foi ne suit
773 salmiste. La lampe n’éclaire que le terrain où je m’ avance, ce chemin qui commence à mes pas. L’homme de la foi ne suit sa
774 terrain où je m’avance, ce chemin qui commence à mes pas. L’homme de la foi ne suit sa voie qu’en la frayant, « sentier ét
25 1977, Articles divers (1974-1977). La nature du pouvoir (9 octobre 1977)
775 La nature du pouvoir (9 octobre 1977)am an Je ne sais si c’est un très bon choix de m’avoir demandé d’ouvrir les dé
776 am an Je ne sais si c’est un très bon choix de m’ avoir demandé d’ouvrir les débats, parce que je suis d’accord avec pre
777 de m’avoir demandé d’ouvrir les débats, parce que je suis d’accord avec presque tout ce qu’a dit Jeanne Hersch hier soir.
778 eut-être celle-ci viendra-t-elle plus tard, après moi . Nous avons entendu, hier soir, une très belle leçon de modération ph
779 philosophique, dont on pourrait tirer également — je pense que l’auteur le pensait ainsi — des leçons de modération politi
780 centrale au xxe siècle, dans tous les domaines. Je voudrais, d’abord, souligner l’importance de cette notion de limitati
781 e notion de limitation d’un pouvoir par d’autres. J’ ai aussi relevé, dans cette leçon, une distinction qui, en général, am
782 versible. C’est une distinction fondamentale dont je me suis occupé, au fond, depuis très longtemps, depuis des décennies,
783 sible. C’est une distinction fondamentale dont je me suis occupé, au fond, depuis très longtemps, depuis des décennies, et
784 puis très longtemps, depuis des décennies, et que j’ appelle l’opposition entre la puissance et la liberté. La puissance es
785 rté est la poursuite de la liberté des personnes. J’ oppose puissance et liberté comme fins de la société, et je crois que
786 puissance et liberté comme fins de la société, et je crois que cette distinction est, aujourd’hui, décisive. Elle domine a
787 compose le pouvoir et, en même temps, l’écartèle. Moi je veux bien, mais il me semble que cela permet de faire entrer un pe
788 ose le pouvoir et, en même temps, l’écartèle. Moi je veux bien, mais il me semble que cela permet de faire entrer un peu t
789 même temps, l’écartèle. Moi je veux bien, mais il me semble que cela permet de faire entrer un peu trop de choses dans la
790 n problème insoluble ? », répondait : « Eh bien ! je le complique. » (Vous avez peut-être reconnu le président de la Chamb
791 ul besoin de nous l’expliquer pour le subir. Ceci me rappelle une très jolie épigraphe que Jean Cocteau avait mise à son S
792 le pouvoir comme limite à la contrainte. Mais il me semble insuffisant de s’en tenir à la condamnation des jeunes contest
793 re conduite, et finit dans l’État totalitaire. Il me semble qu’il y aurait lieu, ici, de marquer beaucoup plus fermement l
794 contraintes dans cette préparation à la guerre — je vous renvoie, là-dessus, au classique ouvrage de Bertrand de Jouvenel
795 sions civiques, et tend à les rendre définitives. Je rappelle, là encore, la définition de Jean Bodin : le pouvoir du souv
796 va prendre les agresseurs, va les « phagocyter ». Je vous rappelle l’exemple de Lénine : Lénine avait écrit, au début de 1
797 ut ce qu’il avait dénoncé quelques mois plus tôt. Je pense qu’il n’y a qu’un moyen d’opposer le pouvoir de liberté au pouv
798 distribution, ce double dépassement, c’est ce que j’ appelle le fédéralisme, mouvement qui s’inscrit, à mes yeux, dans cett
799 ppelle le fédéralisme, mouvement qui s’inscrit, à mes yeux, dans cette alternative fondamentale que je citais tout à l’heur
800 mes yeux, dans cette alternative fondamentale que je citais tout à l’heure entre la puissance et la liberté, et s’y inscri
801 e récent, que ce drame est celui de notre époque, j’ ai trouvé, l’autre jour, et après coup, la formule la plus simple pour
802 après coup, la formule la plus simple pour ce que je voulais dire dans ce livre, et dans beaucoup d’autres. Je pense que c
803 is dire dans ce livre, et dans beaucoup d’autres. Je pense que cette formule rejoint les thèses de Jeanne Hersch, hier soi
804 té sans l’intervention du pouvoir. La formule que je vous propose est la suivante : « La puissance, c’est le pouvoir que l
805 ous avez dit plus longuement hier soir, et ce que j’ ai dit, très vite, aujourd’hui. Voilà pourquoi j’ai paru trop clair su
806 j’ai dit, très vite, aujourd’hui. Voilà pourquoi j’ ai paru trop clair sur certains points. J’étais obligé de me résumer,
807 ourquoi j’ai paru trop clair sur certains points. J’ étais obligé de me résumer, de résumer des résumés faits depuis longte
808 trop clair sur certains points. J’étais obligé de me résumer, de résumer des résumés faits depuis longtemps ; j’insisterai
809 , de résumer des résumés faits depuis longtemps ; j’ insisterai, tout de même, sur cette liaison entre le pouvoir, au sens
810 trand de Jouvenel dans son livre Du Pouvoir, dont je ne me lasse pas de citer cette phrase : « Le pouvoir est lié à la gue
811 de Jouvenel dans son livre Du Pouvoir, dont je ne me lasse pas de citer cette phrase : « Le pouvoir est lié à la guerre, e
26 1977, Articles divers (1974-1977). La puissance et les choix (mai 1977)
812 uvent ou se déclarent en cette fin du xxe siècle me paraissent se ramener, symboliquement mais concrètement aussi, à l’op
813 a consommation d’énergie double tous les dix ans, je serais contre, parce qu’elles sont les pièces principales d’un systèm
27 1977, Articles divers (1974-1977). Du passé à l’avenir d’une région (27 juin 1977)
814 s tabous de la bourgeoisie. Deux pensées de Vinet me paraissent définir la pointe militante de la pensée romande : Quand
815 liberté, toute la tranquillité dans la servitude, je préférerais encore la liberté : car la liberté c’est la vie, et la se
816 nes, vigneron de Lavaux, banquier genevois… Qu’on m’ entende bien : je ne limite pas « l’esprit romand » à ses expressions
817 Lavaux, banquier genevois… Qu’on m’entende bien : je ne limite pas « l’esprit romand » à ses expressions littéraires, phil
818 TVA. « L’esprit romand » implique une politique, je veux dire une certaine approche des problèmes de la cité. Il implique
819 nt ? Réalité récente — qui peut changer… Si je me suis étendu quelque peu sur la genèse historique de notre Romandie
820 ? Réalité récente — qui peut changer… Si je me suis étendu quelque peu sur la genèse historique de notre Romandie, c
821 Premier fait : les cinq ou six petits États dont je viens d’évoquer les diversités les plus frappantes n’ont acquis le se
822 de Grenoble. Le sommet se situe près de Belfort. J’ observe dans cette aire — tout empiriquement définie, on va le voir —
823 te aire, certes plus historique que géographique, je repère une vingtaine d’universités et d’instituts universitaires32, d
824 ités et d’instituts universitaires32, densité que je crois inégalée dans le reste de l’Europe. Frappé par ce fait, j’avais
825 ée dans le reste de l’Europe. Frappé par ce fait, j’ avais entrepris il y a quelques années une étude sur les possibilités
826 ein de cette vaste région universitaire. Et comme j’ expliquais mes projets à l’un de nos recteurs romands, tout en m’excus
827 vaste région universitaire. Et comme j’expliquais mes projets à l’un de nos recteurs romands, tout en m’excusant du caractè
828 s projets à l’un de nos recteurs romands, tout en m’ excusant du caractère très empirique et presque accidentel de mon fame
829 caractère très empirique et presque accidentel de mon fameux triangle, il me dit : — « Détrompez-vous ! Le triangle que vou
830 et presque accidentel de mon fameux triangle, il me dit : — « Détrompez-vous ! Le triangle que vous venez de dessiner cou
831 populations du ixe au début du xixe siècles. » Je devais découvrir peu après que Pictet de Rochemont, porte-parole de G
28 1977, Articles divers (1974-1977). « Il faut changer de cap » (27 septembre 1977)
832 -il arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis- je faire ?”. À ces deux questions, curieusement, il n’est qu’une réponse
833 « crise universelle ». Qu’entendez-vous par là ? J’ entends que, à l’Est comme à l’Ouest, les idéaux de progrès matériel,
834 n’y a pas que la pollution par l’industrie. Pour moi , la pollution majeure et définitive de la terre serait la guerre atom
835 ans la régionalisation ? N’allons pas trop vite ! Je constate, en historien, qu’à l’origine de nos maux actuels, il y a le
836 langue et une culture commune ? L’État-nation que je dénonce a 180 ans d’âge. Il a détruit, lentement mais sûrement et mét
837 ens civique dans l’Hexagone. Mais les régions que je préconise sont autre chose que les seules ethnies : ce sont les commu
838 en train de se faire reconnaître en Europe et, à mon sens, c’est là la voie d’une union européenne possible. Mais comment
839 comment pourrions-nous aboutir à ces solutions ? Je ne pense pas que les hommes vont devenir sages dans les dix années dé
840 dans les dix années décisives qui viennent, mais je pense qu’un certain nombre de catastrophes vont les forcer à réfléchi
841 te révolution vers une nouvelle forme de progrès. Je ne propose pas la violence qui aboutit toujours à des régimes policie
842 t des pouvoirs existants, déjà si compromis. Pour moi , le but général de la civilisation et de la société politique n’est p
29 1977, Articles divers (1974-1977). Au tableau d’honneur de Parents : L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)
843 e et industrielle) est à l’origine de ce déclic : J’ ai vu sous forme de courbes ce qui allait se passer si on continuait c
844 lait se passer si on continuait comme maintenant. Je me suis dit : « il faut faire quelque chose ». Vastes villes trop
845 t se passer si on continuait comme maintenant. Je me suis dit : « il faut faire quelque chose ». Vastes villes trop peu
846 te est devenue le mensonge. Accusation gratuite ? J’ ai relevé douze mensonges officiels à propos du nucléaire, répond Deni
847 Vous êtes un farouche ennemi de l’État-nation ? J’ ai toujours été antinationaliste et antiétatiste. Tout prouve aujourd’
30 1977, Articles divers (1974-1977). Denis de Rougemont : le retour d’un hérétique (3 octobre 1977)
848 sir de redevenir un penseur à la mode ? La mode ? Je ne sais pas très bien ce que c’est ! Tout de même, avec la naissance
849 retrouvez, bon gré mal gré, dans l’air du temps… J’ ai plutôt l’impression que l’air du temps retrouve un certain nombre d
850 etrouve un certain nombre d’idées pour lesquelles je me bats obstinément depuis près de cinquante ans. Évidemment, cette c
851 ouve un certain nombre d’idées pour lesquelles je me bats obstinément depuis près de cinquante ans. Évidemment, cette conv
852 s de cinquante ans. Évidemment, cette convergence m’ émeut car ça fait toujours plaisir de constater qu’on n’a pas parlé da
853 ous ceux qui défendent aujourd’hui les thèmes que je défendais moi-même dans les années 1930, combien m’ont vraiment lu ?
854 défendais moi-même dans les années 1930, combien m’ ont vraiment lu ? Combien savent seulement que j’existe ? Tout de même
855 m’ont vraiment lu ? Combien savent seulement que j’ existe ? Tout de même… L’Amour et l’Occident fut un best-seller mond
856 ite. Cela dit, il y a un vieux proverbe latin que je me répète souvent : « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète. 
857 . Cela dit, il y a un vieux proverbe latin que je me répète souvent : « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète. » L
858 que je me répète souvent : « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète. » Le drame, aujourd’hui, c’est que la prophéti
859 es d’une même tendance productiviste… Absolument. J’ ajouterai cependant que ce qui, dans les années 1930, pouvait passer p
860 as l’un et l’autre, il se sentira frustré, exclu. Je pense donc qu’après l’avoir exploité pendant plusieurs siècles l’Occi
861 opéenne, le régionalisme et l’écologie sont, pour moi , des thèmes très étroitement liés. En face, il n’y a que des illusion
862 homme qui cite plus souvent Luther que Bakounine… Je ne suis pas anarchiste dans la mesure où je sais qu’un minimum d’État
863 nine… Je ne suis pas anarchiste dans la mesure où je sais qu’un minimum d’État est nécessaire à l’organisation de la socié
864 l’organisation de la société. En revanche, ce qui me semble important, c’est de hâter la désacralisation de cet État. Au x
865 e ? Rien n’est moins sûr. Il y a quelques années, j’ ai mêmeas écrit un livre intitulé Vingt-huit siècles d’Europe dans l
866 ntitulé Vingt-huit siècles d’Europe dans lequel je m’étais amusé à collectionner tous les textes où s’exprimait une nost
867 tulé Vingt-huit siècles d’Europe dans lequel je m’ étais amusé à collectionner tous les textes où s’exprimait une nostalg
868 s’imposer tout de suite et, avec quelques amisau, j’ avais milité en ce sens. Il se trouve que des manœuvres politiques ont
869 ndez-vous manqué dont nous payons encore le prix. J’ ai l’impression qu’il y a un malentendu : dans votre jeunesse, disiez-
870 enez l’exemple de Sartre : en 1949, à l’époque où je créais le Centre européen de la culture, il m’avait envoyé un long ra
871 où je créais le Centre européen de la culture, il m’ avait envoyé un long rapport dans lequel il expliquait que la culture
872 r que si l’Europe politique devenait une réalité. J’ étais ravi. Or, peu de temps après, Sartre devient, comme l’on sait, l
873 té de l’impérialisme germano-américain, ce qui, à mon sens, témoigne d’une grande méconnaissance des réalités et des forces
874 un genre qui ne vous déplaît pas… … Surtout quand je m’aperçois, quarante ans après, que les jeunes gens suivent presque à
875 genre qui ne vous déplaît pas… … Surtout quand je m’ aperçois, quarante ans après, que les jeunes gens suivent presque à la
876 s suivent presque à la lettre ce que vous appelez mes « prophéties ». Tenez, en mai 1968, ça m’a fait une bien curieuse imp
877 ppelez mes « prophéties ». Tenez, en mai 1968, ça m’ a fait une bien curieuse impression de voir tant de jeunes gens — qui
878 n’avaient probablement pas lu une seule ligne de moi , ni d’Arnaud Dandieu, ni de Robert Aron — reprendre en chœur ce que n
879 oir, c’était un titre bien fâcheux… Tout d’abord, je vous rappellerai que Gramsci, dans les années 1920, avait intitulé sa
880 t-être, mais c’était un malentenduay. Ce sur quoi je voulais mettre l’accent — quand je dis « moi », je pense aussi aux in
881 y. Ce sur quoi je voulais mettre l’accent — quand je dis « moi », je pense aussi aux intellectuels « personnalistes » regr
882 quoi je voulais mettre l’accent — quand je dis «  moi  », je pense aussi aux intellectuels « personnalistes » regroupés par
883 e voulais mettre l’accent — quand je dis « moi », je pense aussi aux intellectuels « personnalistes » regroupés par Emmanu
884 s faciles parce qu’ils arrivaient et disaient : «  Moi , je vais vous offrir du communautaire, du religieux. » Et, en histoir
885 iles parce qu’ils arrivaient et disaient : « Moi, je vais vous offrir du communautaire, du religieux. » Et, en histoire, q
886 moderne des religions d’État. C’est pour cela que j’ ai souvent défini le marxisme comme « l’opium de la révolution ». Quan
887 pticisme devant les vertus du suffrage universel, je reconnais que c’était un diagnostic trop abrupt. Mais n’oubliez pas q
888 t permis à Hitler de devenir chancelier. Au fond, je faisais partie d’un groupe d’intellectuels pour lesquels le phénomène
889 a faillite. En ce temps-là, Bakounine et Proudhon me semblaient plus toniques que l’auteur du Capital. On passait donc pou
890 de Francfort… C’est vrai. C’est grâce à Abetz que j’ ai pu voir de près l’horreur hitlérienne à ses commencements. Bien sûr
891 eur hitlérienne à ses commencements. Bien sûr, en m’ offrant ce poste à Francfort, il s’imaginait que je ne tarderais pas à
892 ’offrant ce poste à Francfort, il s’imaginait que je ne tarderais pas à me convertir à l’idéologie du IIIe Reich. Pourtant
893 ancfort, il s’imaginait que je ne tarderais pas à me convertir à l’idéologie du IIIe Reich. Pourtant, il n’ignorait rien d
894 ie du IIIe Reich. Pourtant, il n’ignorait rien de mes prises de position antinazies. Voulait-il donc me convertir ou m’écla
895 es prises de position antinazies. Voulait-il donc me convertir ou m’éclairer ? De ce point de vue, il ne faut pas oublier
896 ition antinazies. Voulait-il donc me convertir ou m’ éclairer ? De ce point de vue, il ne faut pas oublier qu’Otto Abetz lu
897 i-même n’était qu’à demi nazi. Une moitié suffit… Je vous l’accorde. Toujours est-il que, dès 1932, il avait témoigné un c
898 ord dans des organisations vaguement pétainistes ( je pense surtout aux fameux Chantiers de jeunesse d’Uriage), mais, pour
899 rectement dans l’action politique ? Étant suisse, je ne pouvais pas prétendre à une carrière politique en France. De plus,
900 ndre à une carrière politique en France. De plus, j’ ai toujours eu horreur des partis. Ce qui ne m’a pas empêché de milite
901 s, j’ai toujours eu horreur des partis. Ce qui ne m’ a pas empêché de militer un peu partoutbb afin de conjurer, de différe
902 lypse » pourrait être différée ? Plus exactement, je crois que l’histoire se réserve toujours le droit de nous surprendre
903 ’asphyxie et à l’embouteillage mondial. Bien sûr, je caricature. Mais enfin… Cela me fait penser au vers de Hölderlin, « L
904 ondial. Bien sûr, je caricature. Mais enfin… Cela me fait penser au vers de Hölderlin, « Là où croît le danger, croît auss
905 politique… Pourquoi parler d’ambiguïté ? Fidèle à mes premières intuitions, je crois, et de toute mon énergie, à la possibi
906 d’ambiguïté ? Fidèle à mes premières intuitions, je crois, et de toute mon énergie, à la possibilité d’une politique de l
907 à mes premières intuitions, je crois, et de toute mon énergie, à la possibilité d’une politique de la personne et de l’indi
908 … C’est absolument exact puisque, dans ce livre, je me livrais à une étude du couple à travers l’histoire de l’Occident.
909 C’est absolument exact puisque, dans ce livre, je me livrais à une étude du couple à travers l’histoire de l’Occident. Or
910 e. Tristan en est l’archétype. Manifestement — et je l’ai prouvé —, Tristan n’aime pas Iseut. Il aime l’amour dans lequel
911 t se sentir coupable. « C’est le philtre, dit-il, je n’y suis pour rien… » C’est exactement ainsi que procèdent les États-
912 s États-nations. Comme Tristan, ils disent « seul je suis, moi,bj le monde » et, face à cette certitude, il n’est pas de r
913 ations. Comme Tristan, ils disent « seul je suis, moi ,bj le monde » et, face à cette certitude, il n’est pas de réalité qui
914 Mémoires : « De tout temps, la France ne fut pour moi qu’une princesse de légende vouée à des malheurs exemplaires. »bm Et
915 s que l’on se prononce sur les affaires humaines, je pense qu’il vaut mieux être du côté du roi Marcbn, qui symbolise la l
916 ce, vous n’avez pas changé… C’est vrai. Qu’y puis- je  ? Le classicisme, en morale, c’est aussi une forme d’espoir. À cet ég
917 oir. À cet égard, il y a une phrase de Luther que je me répète souvent : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pou
918 . À cet égard, il y a une phrase de Luther que je me répète souvent : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour d
919 se de Luther que je me répète souvent : « Si l’on m’ apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand mêm
920 m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier. » 33. Voir l’éditorial de Jean Da
921 he. bd. Sous le paragraphe entre parenthèses : «  Je n’ai jamais dit ça. » be. Grand point d’interrogation en marge de ce
922 citation exacte tirée des Mémoires est : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me
923 n exacte tirée des Mémoires est : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspir
924 xacte tirée des Mémoires est : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire a
925 fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi bien que la raison. Ce qu’il y a, en moi, d’affectif
926 nspire aussi bien que la raison. Ce qu’il y a, en moi , d’affectif imagine naturellement la France, telles la princesse des
927 vouée à une destinée éminente et exceptionnelle. J’ ai, d’instinct, l’impression que la Providence l’a créée pour des succ
31 1977, Articles divers (1974-1977). Pierre Desgraupes fait le point avec Denis de Rougemont (10 octobre 1977)
928 ont (10 octobre 1977)bo bp Denis de Rougemont, je vais vous lire une des premières phrases de votre livre : « Si nous n
929 uel est ce cataclysme que vous annoncez ? D’abord je vous ferai remarquer que cette phrase est au conditionnel : « Si nous
930 librement notre avenir, il arrivera…, etc. » Donc je n’annonce pas des cataclysmes, j’essaie au contraire de les prévenir.
931 a…, etc. » Donc je n’annonce pas des cataclysmes, j’ essaie au contraire de les prévenir. C’est ce qui me distingue de beau
932 essaie au contraire de les prévenir. C’est ce qui me distingue de beaucoup de gens qui adorent jouer les Cassandre. Ce son
933 s provoquent ! En revanche, les écologistes, dont je suis, pensent qu’on peut au contraire tout sauver à condition de chan
934 « Utinam vates falsus sim », « Plaise au ciel que je sois un faux prophète ! » : c’est-à-dire, que les mécanismes désastre
935 rain de se monter puissent être arrêtés à temps ! J’ écris pour que les choses changent, pas pour qu’elles continuent. Eh b
936 streux » qui nous menacent. Ce n’est pas vous que j’ étonnerai en disant qu’il y en a beaucoup et qu’on en a beaucoup parlé
937 n a beaucoup et qu’on en a beaucoup parlé. Ce qui m’ intéresse moi, c’est de dénoncer la fausseté de la métaphore dont on u
938 et qu’on en a beaucoup parlé. Ce qui m’intéresse moi , c’est de dénoncer la fausseté de la métaphore dont on use pour les j
939  ? Nous, sinon qui d’autre ? C’est bien là ce que je veux dire. L’avenir dépend entièrement de nous ; mis à part les tremb
940 t de nous ; mis à part les tremblements de terre. Je crois que tout dépend de nous. Autrefois on disait : « L’avenir n’app
941 va arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis- je faire ?” » Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse : je ne me souviens
942 e se demander : “Que puis-je faire ?” » Permettez- moi d’ouvrir une parenthèse : je ne me souviens pas, dans aucun de mes li
943 aire ?” » Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse : je ne me souviens pas, dans aucun de mes livres, d’avoir écrit cette phr
944 ” » Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse : je ne me souviens pas, dans aucun de mes livres, d’avoir écrit cette phrase !
945 parenthèse : je ne me souviens pas, dans aucun de mes livres, d’avoir écrit cette phrase ! Mais on l’a si souvent citée com
946 ase ! Mais on l’a si souvent citée comme étant de moi que je l’adopte volontiers ! Alors, pour revenir à nos propos sur l’a
947 is on l’a si souvent citée comme étant de moi que je l’adopte volontiers ! Alors, pour revenir à nos propos sur l’avenir,
948 aura plus de pétrole pour les faire rouler. Donc, je ne prédis pas une catastrophe des autos, je dis simplement de faire a
949 Donc, je ne prédis pas une catastrophe des autos, je dis simplement de faire attention, car si nous ne faisons pas attenti
950 imaginez le même incident avec le pétrole ! Puis- je vous citer la fin de votre phrase de tout à l’heure sur les cataclysm
951 d’essence que vous songez en écrivant cela ? Non, je songeais tout simplement à la guerre nucléaire. C’est un des aspects
952 ts du cataclysme, le plus éclatant naturellement. Je suis absolument persuadé, et personne n’a jamais pu me faire d’object
953 is absolument persuadé, et personne n’a jamais pu me faire d’objection sérieuse contre cette théorie, que si nous continuo
954 NB se mettent à vendre des centrales nucléaires — je n’ai pas besoin de dire lesquels, tout le monde le sait — c’est une m
955 portations pendant quelques années et puis, après moi , le déluge… » Je vous l’ai dit, ce sont ceux qui annoncent les catast
956 quelques années et puis, après moi, le déluge… » Je vous l’ai dit, ce sont ceux qui annoncent les catastrophes qui les fa
957 ème psychologique très curieux : personnellement, je connais plus ou moins intimement beaucoup de ces gens, qui sont des g
958 alors ils se mettent à mentir par les intestins, je dirai, des mensonges énormes. Comme ce sont souvent des gens très imp
959 gents, ils ne peuvent pas ne pas le savoir. Citez- moi l’un de ces mensonges par exemple. Eh bien, posez la question : « Est
960 , ils continuent à mentir. C’est justement ce qui me frappe dans tout cela : c’est que des gens qui se connaissent tous en
961 vez ne l’est guère. Comment expliquez-vous cela ? Je ne voudrais pas être trop polémique, mais ce que je vais vous dire es
962 ne voudrais pas être trop polémique, mais ce que je vais vous dire est couvert par de très hautes autorités scientifiques
963 uvert par de très hautes autorités scientifiques. Je vais prendre encore un exemple dans mon propre pays, la Suisse. On a
964 ntifiques. Je vais prendre encore un exemple dans mon propre pays, la Suisse. On a appris, à un moment donné, qu’il existai
965 faisait partie de cette commission. Il a dit : «  Je ne veux plus continuer à me prêter à cette comédie, je suis le seul m
966 mission. Il a dit : « Je ne veux plus continuer à me prêter à cette comédie, je suis le seul membre indépendant de la comm
967 veux plus continuer à me prêter à cette comédie, je suis le seul membre indépendant de la commission ! Mes dix-neuf collè
968 uis le seul membre indépendant de la commission ! Mes dix-neuf collègues représentent tous des multinationales, des product
969 rs. » Ils étaient tous docteurs en quelque chose… Je ne suspecte pas particulièrement la Suisse, mais ce n’est là qu’un ex
970 lation stagner et même, parfois, décroître. Alors je dis : « Est-ce que vous comptez envoyer votre électricité nucléaire e
971 a très bien montré dans Le Mal français. Sa thèse m’ aide plus qu’elle ne me contrarie ; car il a très bien montré, dans le
972 Le Mal français. Sa thèse m’aide plus qu’elle ne me contrarie ; car il a très bien montré, dans le cas de problèmes qu’il
973 nique, nucléaire notamment. La première phrase de mon livre dit à peu près : pour la première fois dans l’histoire, l’homme
974 nt ? Faut-il briser l’État ? Et si oui, comment ? Je dirai qu’il faut en finir avec l’État-nation et qu’il faut, pour cela
975 issance qu’on mettra fin à la tyrannie de l’État. Je précise à cet égard que je ne mets bien entendu aucune différence ent
976 la tyrannie de l’État. Je précise à cet égard que je ne mets bien entendu aucune différence entre l’État-nation socialiste
977 itut de l’État a-t-il jamais existé ? Pouvez-vous m’ en citer un modèle ? Eh bien, je pourrais vous citer évidemment ce gra
978 sté ? Pouvez-vous m’en citer un modèle ? Eh bien, je pourrais vous citer évidemment ce grand modèle de la démocratie qu’ét
979 Ils l’ont fait soixante-dix fois, figurez-vous ! Je suppose que les linguistes grecs n’avaient pas encore inventé le mot
980 t volontairement parce que tous en décidaient. Et je connais aujourd’hui des communautés non nationales, par exemple, la c
981 prendre son destin en main. Il y aurait donc, si je vous entends, une taille à ne pas dépasser sous peine de mort pour la
982 sser sous peine de mort pour la démocratie ? Oui, je pense en effet que la démocratie est une question de dimension matéri
983 ore — d’un modèle mais il n’est pas si naïf. Dans mon pays, la Suisse, qui est composée de nombreux petits cantons, nous av
984 en ont conservé la coutume. Bien sûr, vous allez me dire qu’aujourd’hui il y a l’électronique qui a tout changé et que le
985 i répondre ? Qui peut lever la main et dire : « À moi la parole. » Et la démocratie est dialogue. Peut-être est-ce parce qu
986 ensions nous conduisent à des grandes guerres ?bq J’ ai fait une comparaison assez poussée entre le petit État ou la petite
987 État ou la petite communauté et le grand État, et je montre assez facilement (après beaucoup d’autres d’ailleurs) que le p
988 Regardez la Confédération helvétique qui est pour moi un modèle assez proche de la cité grecque. Elle s’est formée sur la b
989 -nation dans ses dimensions européennes actuelles me paraît terminé ; ce n’est pas une idée que j’ai aujourd’hui. Je l’ai
990 les me paraît terminé ; ce n’est pas une idée que j’ ai aujourd’hui. Je l’ai découverte et nous l’avons formulée pour la pr
991 iné ; ce n’est pas une idée que j’ai aujourd’hui. Je l’ai découverte et nous l’avons formulée pour la première fois lorsqu
992 lière qui est le cas le plus fréquent en Europe — me paraît être le cadre le mieux adapté aux problèmes que nous avons à r
993 tenant près d’un demi-siècle que vous écrivez… Et je dis toujours la même chose ? Oui, parce que j’y crois. Et aussi parce
994 Et je dis toujours la même chose ? Oui, parce que j’ y crois. Et aussi parce que pendant longtemps j’ai été moins écouté qu
995 e j’y crois. Et aussi parce que pendant longtemps j’ ai été moins écouté que des gens qui ont fait des palinodies éclatante
996 trente ans, ils disent soudain la même chose que moi . Ce qui fait beaucoup d’effet mais ne leur donne pas une grande crédi
997 une grande influence sur le réel ? Au contraire, je pense que leur pouvoir est plus grand que jamais. J’en reviens toujou
998 pense que leur pouvoir est plus grand que jamais. J’ en reviens toujours à ma première phrase : « À partir de maintenant, i
999 st plus grand que jamais. J’en reviens toujours à ma première phrase : « À partir de maintenant, il arrivera dans le monde
1000 mais ils continuent à vouloir, comme on dit chez moi , le beurre et l’argent du beurre. Les Américains disent : « Manger so
1001 ise du pétrole en 1973, qui est le type de ce que j’ appelle une catastrophe enseignante ; parce que ça a fait peur à tout
1002 és du monde moderne au grand public. C’est ce que j’ appelle dans mon livre « la pédagogie des catastrophes ». Car il y en
1003 erne au grand public. C’est ce que j’appelle dans mon livre « la pédagogie des catastrophes ». Car il y en aura d’autres. Q
1004 n’êtes pas très optimiste sur la nature humaine. Je dirai que, quoique Suisse, je ne suis pas du tout rousseauiste : je n
1005 la nature humaine. Je dirai que, quoique Suisse, je ne suis pas du tout rousseauiste : je ne pense pas, comme Jean-Jacque
1006 que Suisse, je ne suis pas du tout rousseauiste : je ne pense pas, comme Jean-Jacques, que l’homme est né bon et que la so
1007 ’homme est né bon et que la société le corrompt : je pense que l’homme est né méchant et faible et tâche d’utiliser des im
1008 ir à l’abri de tout ça en disant : « Ce n’est pas moi qui le veux, ce sont les impératifs. » Exactement comme Adam, quand D
1009 s buissons. C’est tout juste s’il n’a pas dit : «  Je ne suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’est-ce que tu as
1010 -ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’est pas moi , c’est Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève : « Qu’est-ce que tu as fai
1011 que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’est pas moi , c’est le serpent. » Et le serpent, bien sûr, n’était plus là. Mais m
1012  » Et le serpent, bien sûr, n’était plus là. Mais moi je crois à la liberté et à la responsabilité de l’homme. Et j’espère
1013 t le serpent, bien sûr, n’était plus là. Mais moi je crois à la liberté et à la responsabilité de l’homme. Et j’espère que
1014 la liberté et à la responsabilité de l’homme. Et j’ espère que le danger sera un bon maître d’école. bo. Rougemont Deni
1015 n va lire donne ainsi un prolongement inattendu à ma récente enquête sur “Les déchets du progrès”. » bq. On a ici conserv
32 1977, Articles divers (1974-1977). L’Avenir est votre affaire (11 octobre 1977)
1016 venir est votre affaire (11 octobre 1977)bs bt J’ ai rencontré Denis de Rougemont dans sa maison de Pouilly, tout près d
1017 pas, auparavant, les moyens de tout faire sauter. Je parle d’un délai de dix ans, car après, il sera vraisemblablement tro
1018 ible, qu’on n’utilisera pas les bombes atomiques… Je répondrai ceci : la France et l’Allemagne vendent des centrales de re
1019 fort que les chefs d’État. C’est surtout cela qui me fait peur… Et d’après vous, les États-nations ne peuvent plus rien en
1020 pour faire face à ces immenses problèmes ? Comme je le montre dans mon livre, les États-nations ne sont plus adaptés aux
1021 ces immenses problèmes ? Comme je le montre dans mon livre, les États-nations ne sont plus adaptés aux grands enjeux de no
1022 ands, ils n’ont plus rien à faire dans ce siècle. Je n’accuse pas les gouvernants d’être méchants, mais totalement inadapt
1023 train de s’éveiller selon vous ? Certainement et je prendrai comme exemple la « Regio Basiliensis » où des Allemands, des
1024 ourit ironiquement et se fâche un tout petit peu… Je ne suis tout de même pas Yves Saint-Laurent ou Cardin ! Je m’honore d
1025 s tout de même pas Yves Saint-Laurent ou Cardin ! Je m’honore de n’avoir jamais été à la mode et je me flatte d’avoir souv
1026 out de même pas Yves Saint-Laurent ou Cardin ! Je m’ honore de n’avoir jamais été à la mode et je me flatte d’avoir souvent
1027  ! Je m’honore de n’avoir jamais été à la mode et je me flatte d’avoir souvent été à contre-courant ! Ce qui est en jeu da
1028 Je m’honore de n’avoir jamais été à la mode et je me flatte d’avoir souvent été à contre-courant ! Ce qui est en jeu dans
1029 Ce qui est en jeu dans ce livre, comme dans toute mon œuvre, va tout de même bien au-delà d’une simple question de mode int
1030 n. Combien de temps avez-vous mis pour l’écrire ? J’ ai mis quatre ans et demi pour achever L’Avenir est notre affaire . J
1031 t demi pour achever L’Avenir est notre affaire . Je n’avais fait cela pour aucun de mes livres. J’ai écrit, par exemple,
1032 otre affaire . Je n’avais fait cela pour aucun de mes livres. J’ai écrit, par exemple, L’Amour et l’Occident en trois moi
1033 . Je n’avais fait cela pour aucun de mes livres. J’ ai écrit, par exemple, L’Amour et l’Occident en trois mois… En été 1
1034 ’Amour et l’Occident en trois mois… En été 1973, j’ avais déjà écrit une centaine de pages, où je prévoyais certains événe
1035 973, j’avais déjà écrit une centaine de pages, où je prévoyais certains événements qui pouvaient se passer, notamment dans
1036 be. Puis vint la guerre du Kippour, qui vérifiait mon analyse tout en m’obligeant à jeter à la corbeille ce que j’avais écr
1037 rre du Kippour, qui vérifiait mon analyse tout en m’ obligeant à jeter à la corbeille ce que j’avais écrit. Je ne pouvais p
1038 tout en m’obligeant à jeter à la corbeille ce que j’ avais écrit. Je ne pouvais pas me donner l’air de prophétiser après co
1039 eant à jeter à la corbeille ce que j’avais écrit. Je ne pouvais pas me donner l’air de prophétiser après coup ce qui s’éta
1040 corbeille ce que j’avais écrit. Je ne pouvais pas me donner l’air de prophétiser après coup ce qui s’était produit ! En un
1041 r après coup ce qui s’était produit ! En un sens, je suis content de ce long temps de maturation qui a été nécessaire, car
1042 ong temps de maturation qui a été nécessaire, car j’ ai pu prendre de la distance par rapport à l’actualité immédiate. Comm
1043 sez-vous la perspective centrale de votre livre ? Je dirai que c’est un essai d’une morale de l’homme libre et responsable
1044 qu’il n’y a pas de liberté sans puissance. À quoi je réponds que la puissance est le pouvoir que l’on prend sur autrui et
1045 comme la « foule solitaire » des grandes villes. J’ ai une certaine confiance, car j’observe qu’une immense révolution se
1046 grandes villes. J’ai une certaine confiance, car j’ observe qu’une immense révolution se prépare dans les pays européens,
1047 de la communauté. Une expérience comme Longo Maï me paraît hautement positive et je l’appuie entièrement. Je suis égaleme
1048 e comme Longo Maï me paraît hautement positive et je l’appuie entièrement. Je suis également heureux de voir que la jeune
1049 ît hautement positive et je l’appuie entièrement. Je suis également heureux de voir que la jeune génération est en train d
1050 as entièrement vrai, il y a des points positifs : je mentionnerai tout d’abord le fait qu’une guerre est désormais impensa
1051 résente un immense progrès par rapport au passé ! Je relèverai ensuite que trois dictatures ont disparu de l’Europe ces de
33 1977, Articles divers (1974-1977). « Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)
1052 «  Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)bu bv Denis de Rougemo
1053 mi lesquels L’Amour et l’Occident paru en 1939. Je n’avais pas commencé mon essai sur L’Amour et l’Occident à la date
1054 l’Occident paru en 1939. Je n’avais pas commencé mon essai sur L’Amour et l’Occident à la date à laquelle mon éditeur m’
1055 sur L’Amour et l’Occident à la date à laquelle mon éditeur m’avait demandé de le remettre. J’ai donc très volontiers céd
1056 r et l’Occident à la date à laquelle mon éditeur m’ avait demandé de le remettre. J’ai donc très volontiers cédé la place
1057 uelle mon éditeur m’avait demandé de le remettre. J’ ai donc très volontiers cédé la place à un jeune auteur qui s’appelait
1058 lle est la parenté ? Il y en a une très visible ! Je défends une certaine idée du mariage dans L’Amour et l’Occident , en
1059 assion amoureuse où l’on ne « voit pas » l’autre. Je me rallie à la conception du mariage que l’on trouve dans une tribu a
1060 ion amoureuse où l’on ne « voit pas » l’autre. Je me rallie à la conception du mariage que l’on trouve dans une tribu afri
1061 une tribu africaine. Le marié dit à sa femme : «  Je te vois », et réciproquement. Cela veut dire : je te vois dans ta réa
1062 Je te vois », et réciproquement. Cela veut dire : je te vois dans ta réalité donc dans la différence. Pas de subordination
1063 ! L’égalité dans la différence, sans uniformité ! J’ ai toujours combattu pour le régionalisme, et ce qui me fait plaisir c
1064 toujours combattu pour le régionalisme, et ce qui me fait plaisir c’est que la réalité commence à me rejoindre ! Je suis b
1065 i me fait plaisir c’est que la réalité commence à me rejoindre ! Je suis beaucoup plus optimiste aujourd’hui qu’il y a cin
1066 ir c’est que la réalité commence à me rejoindre ! Je suis beaucoup plus optimiste aujourd’hui qu’il y a cinq ans. Regardez
1067 s un « pessimiste actif ». Il y a une phrase que j’ ai écrite et à laquelle je tiens, c’est celle-ci : « La décadence d’un
1068 Il y a une phrase que j’ai écrite et à laquelle je tiens, c’est celle-ci : « La décadence d’un peuple commence quand on
1069 va arriver au lieu de se demander : Qu’est-ce que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais je crois que
1070 de se demander : Qu’est-ce que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais je crois que l’on peut constru
1071 ire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais je crois que l’on peut construire une société qui le corrompe le moins p
1072 n matière nucléaire ne sont pas très différentes. Je fais commenter à mes élèves des textes de Michel Debré et de Georges
1073 ne sont pas très différentes. Je fais commenter à mes élèves des textes de Michel Debré et de Georges Marchais. Ce sont à p
1074 des gens l’idée qu’ils ne peuvent pas comprendre… Je les invite à méditer un argument très simple : intéressez-vous aux an
1075 de réflexion. Et à partir de là, informez-vous ! Je crois qu’il faut faire appel au sens de la responsabilité. Mais ce n’
1076 dans de petites communautés. C’est pour cela que je crois aux régions, contre l’État centralisateur. bu. Rougemont Den
1077 isateur. bu. Rougemont Denis de, « [Entretien] Je suis un pessimiste actif », Elle, Paris, 17 octobre 1977, p. 8. bv.
34 1977, Articles divers (1974-1977). « L’avenir, c’est notre affaire ! » (18 octobre 1977)
1078 sa demeure de Pouilly, en France : « Le pays dont je préfère me plaindre », comme il dit. Quand quelqu’un prend le pouvoir
1079 de Pouilly, en France : « Le pays dont je préfère me plaindre », comme il dit. Quand quelqu’un prend le pouvoir, c’est le
1080 urante. En écrivant L’Avenir est notre affaire , j’ entendais faire le point de la situation. Je constate que cette situat
1081 ire , j’entendais faire le point de la situation. Je constate que cette situation est grave. On vient me dire, alors, que
1082 constate que cette situation est grave. On vient me dire, alors, que je suis pessimiste. Cela ne veut rien dire. Je ne di
1083 situation est grave. On vient me dire, alors, que je suis pessimiste. Cela ne veut rien dire. Je ne dis pas que l’asphyxie
1084 , que je suis pessimiste. Cela ne veut rien dire. Je ne dis pas que l’asphyxie « naturelle » ou le cataclysme militaire so
1085 le » ou le cataclysme militaire sont inévitables. Je dis qu’il est de notre devoir de les éviter en changeant de cap. De n
1086 re de décision encore plus réduit. Voilà pourquoi je me méfie des révolutions… Le « toujours plus » qui conduit à l’abs
1087 de décision encore plus réduit. Voilà pourquoi je me méfie des révolutions… Le « toujours plus » qui conduit à l’absurd
1088 Le « toujours plus » qui conduit à l’absurde J’ aimerais ajouter que l’État-nation, en invoquant les nécessités de la
1089 ez-vous votre propre évolution ? Personnellement, je préfère mes textes plus poétiques, plus immédiats. Ceux réunis en 196
1090 re propre évolution ? Personnellement, je préfère mes textes plus poétiques, plus immédiats. Ceux réunis en 1968 sous le ti
1091 ous le titre Journal d’une époque , par exemple. Je m’en sens plus proche que de L’Amour et l’Occident , en un sens. Mai
1092 le titre Journal d’une époque , par exemple. Je m’ en sens plus proche que de L’Amour et l’Occident , en un sens. Mais l
1093 L’esprit jacobin La réalité s’est chargée de me confirmer dans ma voie. Lecteur en Allemagne, j’ai donné, en 1935 et
1094 La réalité s’est chargée de me confirmer dans ma voie. Lecteur en Allemagne, j’ai donné, en 1935 et 1936, un cours sur
1095 me confirmer dans ma voie. Lecteur en Allemagne, j’ ai donné, en 1935 et 1936, un cours sur la littérature de la Révolutio
1096 rs sur la littérature de la Révolution française. Je parle de tout cela dans mon Journal d’Allemagne . Des chemises brune
1097 Révolution française. Je parle de tout cela dans mon Journal d’Allemagne . Des chemises brunes et des chemises noires aux
1098 premiers rangs, des textes révolutionnaires sous mes yeux : cela m’a appris beaucoup de choses. En fait, les nazis étaient
1099 des textes révolutionnaires sous mes yeux : cela m’ a appris beaucoup de choses. En fait, les nazis étaient des jacobins,
1100 jacobins, la convergence était évidente. Et puis j’ ai vu Hitler célébrer le culte nazi à la Festhalle de Francfort, j’ai
1101 lébrer le culte nazi à la Festhalle de Francfort, j’ ai vu, j’ai senti ce qu’il faut bien appeler l’âme de la foule. Une fa
1102 culte nazi à la Festhalle de Francfort, j’ai vu, j’ ai senti ce qu’il faut bien appeler l’âme de la foule. Une fausse comm
1103 nauté née de la grisaille et de l’anonymat. Quand j’ en ai parlé en France, en 1936, les uns m’ont taxé de folie et les aut
1104 . Quand j’en ai parlé en France, en 1936, les uns m’ ont taxé de folie et les autres m’ont pris pour un agent allemand char
1105 n 1936, les uns m’ont taxé de folie et les autres m’ ont pris pour un agent allemand chargé de leur faire peur… Ce qui est
1106 aux — de puissance, de grandeur. On oublie ce que j’ appelle depuis toujours l’individu libre et responsable. Vous évoquez,
1107 des intérêts précis, dans une région précise. Il me semble que c’est sérieux et encourageant. Voyez-vous : je me méfie de
1108 e que c’est sérieux et encourageant. Voyez-vous : je me méfie des attaques frontales contre l’État, qui renforcent toujour
1109 ue c’est sérieux et encourageant. Voyez-vous : je me méfie des attaques frontales contre l’État, qui renforcent toujours c
1110 ontre l’État, qui renforcent toujours ce dernier. Je suis persuadé, en revanche, qu’une participation de plus en plus acti
35 1977, Articles divers (1974-1977). La fonction et la structure de la ville future (décembre 1977)
1111 d’être des citoyens. Nous aurons, demain — c’est mon vœu, et celui de ce congrès je l’espère — les villes que leurs citoye
1112 s, demain — c’est mon vœu, et celui de ce congrès je l’espère — les villes que leurs citoyens actifs auront voulues et mes
36 1977, Articles divers (1974-1977). Demain le soleil (20 décembre 1977)
1113 miste qui dit volontiers : « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète ». Il écrit pour avertir avant qu’il soit trop
1114 mais été un best-seller. On vient de raconter que j’ en avais vendu douze millions d’exemplaires, quel bobard ! J’ai fait l
1115 vendu douze millions d’exemplaires, quel bobard ! J’ ai fait l’addition, le chiffre de vente réel est inférieur à 400 000 e
1116 soleil peut tout nous donner S’il fallait que j’ explique très simplement qui vous êtes à un enfant, par exemple, que d
1117 i vous êtes à un enfant, par exemple, que devrais- je lui dire ? D’abord, que je suis quelqu’un qui voudrait qu’il vive dan
1118 r exemple, que devrais-je lui dire ? D’abord, que je suis quelqu’un qui voudrait qu’il vive dans un monde agréable quand i
1119 monde agréable quand il sera grand. Ensuite, que j’ ai écrit des livres, que je suis l’initiateur du mouvement fédéraliste
1120 ra grand. Ensuite, que j’ai écrit des livres, que je suis l’initiateur du mouvement fédéraliste européen. Que j’espère êtr
1121 initiateur du mouvement fédéraliste européen. Que j’ espère être démenti dans mes prédictions les plus désastreuses, que je
1122 éraliste européen. Que j’espère être démenti dans mes prédictions les plus désastreuses, que je crois que le soleil peut to
1123 i dans mes prédictions les plus désastreuses, que je crois que le soleil peut tout nous donner. Enfin que je suis écologis
1124 is que le soleil peut tout nous donner. Enfin que je suis écologiste. Que vous êtes du pays de Rousseau et un peu utopiste
1125 en si chacun n’avait pas sa petite utopie. Depuis mon plus jeune âge, je crois à une forme de société où une communauté ent
1126 pas sa petite utopie. Depuis mon plus jeune âge, je crois à une forme de société où une communauté entre les hommes serai
1127 les hommes serait possible. Dès les années 1930, j’ ai fondé le mouvement personnaliste qui a fait un peu de bruit à l’épo
1128 l y a plus de trente ans et… Vous voulez dire que je n’ai rien empêché, c’est vrai. Mais la fonction de l’intellectuel est
1129 forcer les hommes à réfléchir et à s’interroger. Je remarque que mes idées et mes propositions d’il y a trente ans sont à
1130 es à réfléchir et à s’interroger. Je remarque que mes idées et mes propositions d’il y a trente ans sont à la mode aujourd’
1131 r et à s’interroger. Je remarque que mes idées et mes propositions d’il y a trente ans sont à la mode aujourd’hui. Peut-êtr
1132 ous allons jouer notre dernière chance. Ainsi que je l’écris dans la première page de L’Avenir est notre affaire  : « À p
1133 l’avenir n’appartient à personne, mais à Dieu » ? Je préfère que l’homme se demande maintenant « Que puis-je faire ? », pl
1134 fère que l’homme se demande maintenant « Que puis- je faire ? », plutôt que « Qu’est-ce qui va arriver ? » Vous refusez de
1135 certains événements ? Des hommes sensibles Je suis chrétien, mais je trouve trop facile qu’on appelle volonté divin
1136 Des hommes sensibles Je suis chrétien, mais je trouve trop facile qu’on appelle volonté divine ce qui nous échappe.
1137 ris conscience. Cette idée neuve et hardie est de mon ami Bertrand de Jouvenel. Tout ce qui n’est pas calculable reste prév
1138 ous êtes l’un de ces hommes sensibles ? Dès 1932, j’ avais prévu les victoires et la chute d’Adolf Hitler. Le désastre étai
1139 nversation de Denis de Rougemont, c’est parce que je pense que le Führer est l’exemple éclatant de ce que les futurologues
1140 ses ruines, ses massacres ses exterminations. Si j’ ai bien compris la démonstration que m’a faite Denis de Rougemont, la
1141 ations. Si j’ai bien compris la démonstration que m’ a faite Denis de Rougemont, la menace apocalyptique qui pèse sur l’ave
1142 eurs xxe siècle et que la futurologie a manqués. J’ ai donc écouté Denis de Rougemont m’expliquer comment Ford, qui généra
1143 ie a manqués. J’ai donc écouté Denis de Rougemont m’ expliquer comment Ford, qui généralisa l’automobile, et Hitler se sont
1144 falsifiant leur désir à la source même. À 21 ans, j’ ai écrit un article pour dénoncer cette entreprise et annoncer à quell
1145 C’est ainsi que, d’une voix tranquille, comme il m’ aurait raconté quelque fable plaisante, Rougemont venait de démonter,
1146 ble plaisante, Rougemont venait de démonter, pour moi , pièce à pièce, un de ces agencements de l’Histoire dont on se demand
1147 ller toujours plus vite, plus haut et plus loin ? Je crois surtout qu’il va plus bas. Les innovations techniques peuvent m
1148 slogan. Qu’est-ce que le progrès selon vos vœux ? J’ appelle progrès ce qui est favorable à un meilleur épanouissement des
1149 tout cela. Voilà de la poésie si vous en voulez. J’ oppose Zeus — dieu de l’énergie solaire — à Pluton — dieu des Enfers,
37 1977, Articles divers (1974-1977). Écologie, régionalisme, fédéralisme : l’avenir selon Denis de Rougemont (30 décembre 1977)
1150 en public, prêchent la croissance sans fin. Après moi le déluge, semblent-ils dire. Ils ne pensent qu’aux élections et au p
1151 es qu’ils ont promises. L’État : le roi, c’est moi Les xixe et xxe siècles ont été marqués par les « économies d’éc
1152 t de l’État-nation, celui qui dit : Le roi, c’est moi . Alors qu’en Suisse quand on dit le souverain, c’est toujours du peup
1153 société nucléaire est une société policière. «  J’ ai bon espoir » L’énergie solaire, au contraire, et c’est sans dout
1154 aîtra des mouvements sociaux sans précédent. Mais j’ ai bon espoir. Les choses peuvent aller très vite. Car ce mouvement n’