1 1974, Articles divers (1974-1977). La personne comme fondement des valeurs européennes (19 septembre 1974)
1 … (Situation moins nouvelle dans l’histoire qu’on ne le pense : c’est celle du peuple juif devant ses grands prophètes !)
2 e Gasperi, Robert Schuman, Paul-Henri Spaak, pour ne citer que les plus évidents et ceux que j’ai le mieux connus. Ce n’es
3 lus évidents et ceux que j’ai le mieux connus. Ce n’ est pas rien, mais il faut bien admettre que cela n’a pas suffi pour «
4 est pas rien, mais il faut bien admettre que cela n’ a pas suffi pour « faire l’Europe ». De cette deuxième rencontre, que
5 vec une logique infernale (le nom l’indique et ce n’ est pas un hasard) ce « Pentagone de la Puissance » ou mieux : de l’ob
6 sance, comme l’a décrit Lewis Mumford et comme je n’ ai cessé de le dénoncer depuis que je m’occupe de l’Europe. Nous voici
7 r nous tous, en tant que citoyens. Car le Conseil ne tente rien de moins, dans cette affaire, que de fonder la politique e
8  ? Devant ces problèmes de destin, notre approche ne sera pas théorique. Nous ne partons pas à la recherche de définitions
9 estin, notre approche ne sera pas théorique. Nous ne partons pas à la recherche de définitions satisfaisantes ou simplemen
10 calculables. Nous pensons à partir de là. Et l’on ne peut pas faire autrement. Car la pensée, en général, n’est peut-être
11 t pas faire autrement. Car la pensée, en général, n’ est peut-être que le feed-back d’une surprise ou d’une blessure, d’une
12 andale, le choc, qui déclenche les circuits. Adam ne pensait pas avant la Chute. Tous ici, nous pensons à partir de la Cr
13 outière, annoncent un passage dangereux, quand ce ne sont pas déjà les disques rouge et blanc de la voie barrée, de l’impa
14 ouge et blanc de la voie barrée, de l’impasse. Je n’ en dirai pas plus sur ce chapitre : tout le monde a lu Forrester ou Me
15 ses et de la qualité artisanale — la jeunesse qui ne lit plus que des onomatopées en bulles ; la manipulation des désirs,
16 car c’est lui qui les rendra vraies, quand elles n’ étaient que monitoires et n’ambitionnaient rien que d’être démenties !
17 a vraies, quand elles n’étaient que monitoires et n’ ambitionnaient rien que d’être démenties ! Oui, je sens parmi nous que
18 Quel est le sens de ma vie dans cette société qui n’ en est pas une, puisqu’elle n’est plus une communauté ? Que vaut son f
19 s cette société qui n’en est pas une, puisqu’elle n’ est plus une communauté ? Que vaut son fameux niveau de vie ? Vers quo
20 iveau de vie ? Vers quoi nous conduit-elle ? Elle ne le sait pas elle-même. Cette question, et surtout qu’elle demeure san
21 e État-nation centralisé où ils se voient perdus, n’ est plus leur affaire, ne peut que les brimer, et les oblige à s’évade
22 où ils se voient perdus, n’est plus leur affaire, ne peut que les brimer, et les oblige à s’évader dans la drogue, dans la
23 de le crier dans la rue : il serait anormal qu’on ne lui réponde que par des coups de matraque. Il est normal qu’il juge t
24 ans la rue, un dictateur dans son palais, mais on ne peut renverser ce qui ne tient pas debout, ce qui n’a pas de principe
25 dans son palais, mais on ne peut renverser ce qui ne tient pas debout, ce qui n’a pas de principe de cohésion interne, — o
26 peut renverser ce qui ne tient pas debout, ce qui n’ a pas de principe de cohésion interne, — ou plutôt ce qui n’en a pas d
27 principe de cohésion interne, — ou plutôt ce qui n’ en a pas d’autre que l’obsession de la Puissance, vrai moteur de la so
28 ’une valeur, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’ est pas une entité philosophique. C’est ce qui nous permet de choisir,
29 cident ou plutôt nous permettent de décider. Nous ne prenons conscience des valeurs que lésées. Mais alors, nous n’en dout
30 nscience des valeurs que lésées. Mais alors, nous n’ en doutons plus. Voulons-nous vraiment consommer deux fois plus d’élec
31 on de bonheur animique et physiologique, que rien ne mesure, et qui vaut plus que tout ? Bien sûr, les choix sont rarement
32 es, qui sont des questions de gros sous, quand ce n’ est pas de puissance militaire. Or, ces choix de finalités, et les sac
33 i gage les valeurs, de l’évaluant fondamental. Il n’ est pas toujours bien conscient, même chez celui dont il gouverne le j
34 cabulaire le terme de justice, décidé qu’il est à ne décrire que des enchaînements nécessaires et qui échappent à toute co
35 i anime Le Capital est celle de la justice, ou je n’ y ai rien compris. C’est la justice, non la nécessité, qui est le vrai
36 ent par le terme de face, ou de visage, mais cela ne rendait pas compte de l’idée de relation et de rôle distinctif, qu’év
37 tion de l’un à l’autre, le dogme de l’incarnation n’ a pas seulement fondé l’anthropologie chrétienne, mais il a posé le mo
38 « technique » en quelque sorte, de la notion, qui ne tarda pas à être transposée du plan théologique à celui de l’humain,
39 a personne ? Il semble qu’à une telle question je ne pourrais répondre que pour moi, et pourtant j’oserai dire que la pers
40 s précédent. Car chacun naît de quelque chose qui n’ a jamais été auparavant, qui n’est exactement pareil à rien, croisemen
41 quelque chose qui n’a jamais été auparavant, qui n’ est exactement pareil à rien, croisement de chromosomes eux-mêmes sans
42 rejoindre les fins dernières qui m’appellent, je ne puis pas aller par la route nationale : elle conduirait au mieux à qu
43 ncer sans l’avoir vu. Ce que je sais, c’est qu’il n’ existera qu’autant que j’aurai le courage d’y marcher dans la nuit. Vo
44 it qu’elle est « ferme assurance des choses qu’on ne voit pas ». Le chemin qui se crée sous les pas qui le foulent, condui
45 émarches et cette fin. Je conçois que l’on puisse n’ y pas croire. Que l’on puisse nier l’existence de ce que j’appelle la
46 donc de toute identité, de toute personne. Or, ce n’ est là qu’une métaphore. Ce qui peut provoquer la mort de l’homme, c’e
47 erait dans sa perte l’espèce humaine. Car l’homme ne peut rien contre Dieu, tout contre l’homme. Quand on nie Dieu, comme
48 me Ulysse au Cyclope : « Je me nomme personne, je n’ y suis pas », c’est qu’on prépare un mauvais coup, ou qu’on tente d’éc
49 uand Dieu l’interpelle en Eden. On peut très bien ne pas croire à la personne. Et je ne cherche pas, ici, à vous convaincr
50 peut très bien ne pas croire à la personne. Et je ne cherche pas, ici, à vous convaincre qu’elle existe, mais simplement à
51 s demander ce qui, selon vous, est aliéné ? Si ce n’ est pas la personne, alors quoi ? Quelle abstraction politicienne ? Ce
52 on politicienne ? Ceux qui prétendent que l’homme n’ est qu’une illusion, que le sujet n’existe pas, même dans le discours,
53 t que l’homme n’est qu’une illusion, que le sujet n’ existe pas, même dans le discours, que le langage ne fait qu’utiliser
54 existe pas, même dans le discours, que le langage ne fait qu’utiliser notre gosier, notre langue et nos lèvres et que « ça
55 u est mort, nous disent-ils, l’homme est mort, il n’ y a plus de sujet, il n’y a plus rien. Il ne reste rien que leurs livr
56 ils, l’homme est mort, il n’y a plus de sujet, il n’ y a plus rien. Il ne reste rien que leurs livres, et leur nom sur ces
57 t, il n’y a plus de sujet, il n’y a plus rien. Il ne reste rien que leurs livres, et leur nom sur ces livres — mais pourqu
58 personne, et en son nom. L’aliénation de l’homme ne saurait désigner que ce qui compromet sa possibilité de se mouvoir, l
59 ortement qui même très bénéfique, très bien payé, ne lui serait pas propre, ne pourrait que l’altérer, le détourner de sa
60 éfique, très bien payé, ne lui serait pas propre, ne pourrait que l’altérer, le détourner de sa vocation — et c’est cela q
61 réclame en effet la totalité des allégeances, et ne peut tolérer que des pouvoirs collectifs soient détenus par des parti
62 . Au surplus, elle crée tant de liens avec ce qui n’ est pas ma vocation, que toutes les religions de la terre l’ont condam
63 fausses et même d’un ridicule moliéresque. Elles ne sont, trop évidemment, que les alibis, soit de la volonté de puissanc
64 ésistible, est le type même de l’antivaleur, s’il n’ est que l’accroissement des pouvoirs matériels, qui conduisent à la gu
65 s, au gaspillage des ressources terrestres ; s’il n’ est pas un progrès spirituel, une aventure de la liberté, un accroisse
66 evanche, l’amour est une valeur fondamentale, qui ne saurait être niée ou contestée que par des infirmes de l’âme ou des d
67 de pouvoir faible ou nul sur soi-même ; ceux qui ne s’aiment pas eux-mêmes et qui par suite ne valent rien pour aimer leu
68 ux qui ne s’aiment pas eux-mêmes et qui par suite ne valent rien pour aimer leur prochain. Car toute la tradition hébraïqu
69 commandement de la Bible. Puisque les sentiments ne se commandent pas, aimer le prochain comme soi-même, dès lors que cel
70 me soi-même, dès lors que cela nous est commandé, ne saurait donc être qu’un acte : le prochain est celui que je puis aide
71 ale, locale et régionale. L’universel et le local ne sont pas en contradiction — pas plus que l’Église et la paroisse — pu
72 implique sa responsabilité, et que la réciproque n’ est pas moins vraie. La vocation dont l’appel me libère, c’est elle au
73 stion, donc de civisme. Participation et civisme ne reprendront un sens concret que dans les petites unités, municipales
74 ire mais non pas faire. L’Europe que tout appelle ne pourra s’édifier que sur ce qui déborde, non seulement par en haut ma
75 xigences constitutives de la personne. Les hommes ne sauraient être unis par l’imposition uniforme d’un même corpus de loi
76 ’atteindrons-nous ? J’ai toujours estimé que nous ne sommes pas au monde — ni vous ni moi — pour essayer de deviner l’aven
2 1974, Articles divers (1974-1977). Alexandre Marc et l’invention du personnalisme (1974)
77 non seulement aucun de ceux que je viens de citer n’ est connu du grand public — ce qui est normal, ils ont de 21 à 32 ans
78 normal, ils ont de 21 à 32 ans — mais encore ils ne se connaissent pas entre eux, même de nom. Deux ans plus tard, le 1er
79 une droite, Thierry Maulnier. Ce « front commun » ne durera pas au-delà de ma « présentation des jeunes groupes révolution
80 ntation des jeunes groupes révolutionnaires ». Il n’ importe : une génération s’est déclarée, et quels que soient les confl
81 rofond et précieux critique catholique, voilà qui n’ importe guère : dans les deux cas, nos chemins se croisaient au point
82 t un sourire un peu lointain plisser ses yeux, il n’ en donnait pas moins une impression de sérieux profond et de maturité
83 vécu de cette praxis dont les marxistes français ne faisaient que la théorie. Il nous communiquait sa passion pour Proudh
84 euses et une section de recherches politiques. Je n’ ai souvenir que de la première. Nous étions une trentaine dans une sal
85 èlent encore incapables d’autoriser. Certes, nous n’ allions pas encore si loin. Nous en étions à découvrir que les passion
86 e l’ON et la revue Esprit , les liens personnels ne seront jamais coupés entre les deux branches principales du mouvement
87 dès 1936, de la partie littéraire de la revue et ne cesserai d’y collaborer jusqu’à la guerre. Une page du carnet intime
88 uses du conflit tour à tour déclaré ou latent qui ne cessa d’opposer l’ON en tant que groupe et le directeur d’ Esprit .
89 une technocratie petite-bourgeois (sic) que nous ne pouvons admettre.3 Ce n’est pas sans tristesse que je transcris ce
90 rgeois (sic) que nous ne pouvons admettre.3 Ce n’ est pas sans tristesse que je transcris ces phrases d’une injustice pr
91 penser que la seconde opinion de Mounier sur l’ON ne saurait s’expliquer que par une réaction de surcompensation à la prem
92 ut, si la NRF est « communiste », pourquoi l’ON ne serait-il pas « fasciste » ?) Quelle qu’ait été l’importance de ses a
93 par son action personnelle et quotidienne. « Rien ne vaut le contact d’homme à homme », répétait-il sans se lasser, insens
94 t sa cohésion de 1930 la guerre. Car jamais unité ne fut achevée à partir d’une plus radicale diversité. Nous étions huit
95 tuel de la grande tradition socialiste française, n’ était pas seulement notre aîné : il était le seul d’entre nous qui ait
96 it-il et de quoi vit-il en 1933 ? Voilà ce que je n’ arrive pas à me rappeler, et l’on se voyait à peu près tous les jours…
97 tandis que l’obédience confessionnelle d’ Esprit ne fait aucun doute. ⁂ Telles étant donc nos incroyances et nos croyance
98 un groupe étonnamment compact, à tel point qu’on ne sait pas quel fut l’apport de qui dans notre doctrine unanime. Sous l
99 propriété d’une idée, d’un concept ou d’un slogan ne fasse l’objet d’aucune contestation stérile. Toute notre doctrine est
100 -uns de ces thèmes — illustrés de citations — qui n’ ont fait, depuis ce temps-là, que gagner (si possible) en actualité.
101 anière concrète de rappeler au lecteur que l’État n’ est pas autorité, mais seulement pouvoir, ou plus précisément : servic
102 oir, ou plus précisément : service public. L’état n’ est pas « la nation organisée » (comme l’affirment les traités de droi
103 nt les traités de droit français de l’époque). Il n’ est pas « la Société », ni « la forme politique que tend à revêtit tou
104 d à revêtit toute nation civilisée » (Esmein). Il n’ est pas la patrie. Rapportée à l’homme, la patrie n’est ni petite, ni
105 st pas la patrie. Rapportée à l’homme, la patrie n’ est ni petite, ni grande : elle est humaine. Ses limites — si limites
106 le est humaine. Ses limites — si limites il y a — ne peuvent être indéfiniment distendues sans que soit détruit ce sentime
107 r de la patrie alsacienne, bretonne, catalane. Il n’ en reste pas moins que la commune est le lieu privilégié en lequel se
108 ion dans le mécanisme économico-administratif qui n’ en devrait être que le soutien. Par là les valeurs spirituelles se tro
109 es relations humaines. Cette omnipotence étatique ne paralyse pas seulement les rapports entre les citoyens d’un même pays
110 alités nationales économiques ou belliqueuses. Il n’ existe qu’une forme de « rapprochement » véritable et effectif entre é
111 de la société, est celle-ci : la source du droit n’ est pas l’état, mais la Personne. (Notez le jeu des majuscules.) Parta
112 ode dichotomique » d’Aron et Dandieu : « Le droit ne se justifie-t-il pas surtout dans la mesure où il fournit un tremplin
113 schaft.) Propriété. Le fondement de la propriété n’ est ni dans le mérite, ni dans le travail, ni dans l’utilité, mais dan
114 le cœur d’un être. Ni l’état, ni même la commune ne pourront rien posséder en tant que tels ; mais ils seront chargés de
115 ON 20) Structure antinomique de la personne. On n’ insistera jamais assez sur l’importance fondamentale du conflit en tan
116 on existentielle (dont Sartre, dix ans plus tard, ne modifiera guère que l’adjectif) : Tout homme est placé dans une cert
117 mme en général, le citoyen abstrait, l’esprit pur n’ existent que dans l’imagination déréglée des libéraux ; un être de cha
118 réglée des libéraux ; un être de chair et de sang n’ est pas seulement « lui-même », il « est » sa famille, sa race, sa pat
119 r, sa nation… Il est sa propre situation. Mais il n’ est pas que cela. Tel est le paradoxe fécond du fait agonal (c’est-à-d
120 réduction moniste tourne à l’absurde. Si l’homme n’ était que sa situation, celle-ci serait à son tour un pur possible, et
121 n pur possible, et non une réalité. Une situation n’ est réelle, en effet, que dans la mesure où elle est une, c’est-à-dire
122 l’unité d’une perspective. Or, cette perspective n’ existe que parce que l’homme est en quelque manière extérieur à sa sit
123 de l’homme sans tenir compte de son attitude. Il n’ en est peut-être pas ainsi de l’animal dont la situation ne peut être
124 peut-être pas ainsi de l’animal dont la situation ne peut être que la résultante d’un concours de circonstances extrinsèqu
125 cours de circonstances extrinsèques (que l’animal ne peut que subir), ou bien encore que le résultat d’une élimination pur
126 animal — dans le sens étymologique du terme — qui ne lui permettent pas de dominer réellement la situation). Par contre, l
127 éellement la situation). Par contre, la situation n’ a de sens humain qu’en fonction de l’attitude de l’homme. (ON 38) L
128 comme la santé, la volonté, etc., dans l’animal, n’ est le fruit d’aucune initiative particulière : il ressort de l’organi
129 rice de communautés. (ON 37) L’état totalitaire n’ est pas autre chose que l’erreur moniste projetée sur le plan de la vi
130 L’État-nation, trop petit et trop grand. L’homme n’ est pas fait à l’échelle de ces immenses conglomérats politiques que l
131 suprême de la Révolution. Dans la mesure où elle ne paralyse point l’élan révolutionnaire, la région doit jouir d’une ind
132 ce absolue… Tous les mouvements régionalistes qui n’ adhèrent pas à la Révolution échouent complètement ou, pis encore, dég
133 côte, dès le congrès de Montreux en 1947. Mais ce n’ est pas seulement la vertu anticipatrice de la pensée de Marc dans les
134 l cité plus haut9, qui concluait qu’une situation n’ a de sens humain qu’en fonction de l’attitude de l’homme. Je conclus p
135 nes de là, Mounier me rend visite à Francfort, et ne me souffle mot de cette grande affaire. Mieux encore : dans le numéro
3 1974, Articles divers (1974-1977). Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)
136 aie vie » pour un écrivain. L’ennui, c’est que je n’ y connais personne qui touche de près ou de loin à la vie littéraire e
137 r : un miracle, autrement dit une chance que rien ne permet de prévoir. Cet après-midi-là, j’ai flâné dans Neuchâtel, libr
138 es d’announcers comme on dit en anglais — speaker n’ étant employé qu’en français — qui allaient devenir mes collaborateurs
139 on Voltaire. Ces incidents, dénués de sens utile, n’ en remettent pas moins en question notre image du monde et de l’espace
140 autres fois. Le père Reinecke, survenu peu après, n’ est pas encore convaincu. Il prétend que je savais qui allait m’écrire
141 d’assez bonnes chances de deviner juste. Mais je n’ ai rien deviné du tout, puisque j’ai vu ! C’est là tout l’intérêt de l
142 arde sur un petit fait indifférent en soi, et qui n’ est pas encore « arrivé » dans le temps. Les trois lettres sont timbré
143 irard, personnage imprévisible s’il en fut, et je n’ avais aucune raison d’attendre qu’il m’écrive. Quant à l’enveloppe jau
144 ture de blanchisseur !) Il me semble que la chose ne m’était plus arrivée depuis douze ou treize ans, depuis Calw… Ma facu
145 petite voyance (voyance de détails sans intérêt) ne m’a jamais servi à rien, sinon à vérifier précisément, chaque fois qu
146 j’ai écrit cinquante pages, un quart du livre. Je n’ ai pas adressé un mot à âme qui vive (mangé dans des cafétérias où il
147 , il y eut une panne de quartier, en sorte que je ne « vis le jour » qu’à la lueur d’une lampe à pétrole hâtivement allumé
148 mot « près » les lumières revinrent. Cet incident ne me rappelle pas seulement celui qui a marqué ma naissance, mais une s
4 1974, Articles divers (1974-1977). Un modèle pour l’Europe ? (1974)
149 Un modèle pour l’Europe ? (1974)b Les Gaulois n’ avaient peur de rien sauf du tonnerre. Les Helvètes d’aujourd’hui ne s
150 rien sauf du tonnerre. Les Helvètes d’aujourd’hui ne sont pas moins courageux, ils ne craignent même plus la foudre — éven
151 es d’aujourd’hui ne sont pas moins courageux, ils ne craignent même plus la foudre — éventuelle source d’énergie — mais se
152 olchéviste, anarchiste, fasciste ou nazi. Mais il ne faudrait pas que cette modestie les empêche d’assumer leur vocation.
153 de grandes idées pour l’avenir du continent, elle n’ aurait aucune chance d’être écoutée, ou bien se couvrirait de ridicule
154 cule. » Je persiste à penser, au contraire, qu’il n’ y a pas la moindre proportion de la justesse d’une idée à la taille de
155 tance ou la grandeur d’une vocation communautaire n’ est pas fonction du territoire occupé par le groupe humain qui en est
156 ité vécue, du xiiie au xixe siècle. Mais le mot n’ est jamais prononcé avant le deuxième quart du xixe siècle. C’est à c
157 ussite. Il faut donc le garder jalousement. Et il ne doit à aucun prix devenir un isme, transportable, imitable au-delà de
158 s frontières. Sagesse paysanne et toute païenne : n’ avoue pas, ne dis pas ton bonheur, cela pourrait porter malheur ! Mais
159 Sagesse paysanne et toute païenne : n’avoue pas, ne dis pas ton bonheur, cela pourrait porter malheur ! Mais à trop bien
160 meux, se réduisait à être « contre Berne ».) Rien n’ est moins fidèle à l’esprit et à la genèse historique des institutions
161 sivement dans le pacte de 1291. De fait, personne n’ est jamais « entré » dans le pacte et celui-ci n’a pas été conclu entr
162 n’est jamais « entré » dans le pacte et celui-ci n’ a pas été conclu entre des « cantons », inexistants au xiiie siècle,
163 , Orte, universitates dans le texte original) qui n’ étaient nullement des États et ne se prétendaient nullement souveraine
164 te original) qui n’étaient nullement des États et ne se prétendaient nullement souveraines, mais voulaient rester autonome
165 ts, de démocraties directes et d’oligarchies, qui n’ avaient guère en commun que l’essentiel : la volonté de rester libres
166 ns exactement comme un État-nation centralisé, et ne diffère des autres que par ses prétentions à représenter un « Sonderf
167 senter un « Sonderfall ». (Or son cas, justement, ne serait « exceptionnel » que si la Suisse se montrait insensible aux r
168 cantons, sur des régions et non sur des États —, ne pourra devenir modèle européen que s’il accepte de ne pas arrêter son
169 ourra devenir modèle européen que s’il accepte de ne pas arrêter son processus aux frontières nationales et va même jusqu’
170 tâches à entreprendre. Sur ces deux points, nous n’ aurions à offrir à nos compatriotes européens d’autres leçons que cell
171 tat-nation souverain, indivisible et centraliste, n’ est plus adaptée au monde d’aujourd’hui et le sera moins encore au mon
172 12 et d’autre part des aménagements régionaux qui ne tiennent aucun compte des frontières politiques. Il en va de même pou
173 lution industrielle qui les met partout en danger ne connaît de frontières ni dans les airs, ni dans les mers, ni dans les
174 ent, dès lors, concevoir un exécutif européen qui ne s’appuie pas sur le relai stato-national, mais qui soit capable simul
175 es recherches les plus coûteuses, que les régions ne sauraient entreprendre pour leur compte. Elles constitueront des banq
176 f européen. Cette idée d’un gouvernement européen n’ est pas seulement, je le répète, la plus rationnelle que l’on puisse i
177 ité. Je demeure convaincu que l’expérience suisse ne saurait offrir à l’Europe rien de plus valable ni de mieux éprouvé qu
5 1974, Articles divers (1974-1977). Philosophie du prix littéraire Prince-Pierre-de-Monaco (1974)
178 rd’hui. Mais d’abord, il fallait le concevoir. Ce n’ était guère possible à Paris, qui a toujours peine à croire qu’au-delà
179 — et ce fut le Prince Rainier III de Monaco. ⁂ Je ne me lasserai jamais de chanter la gloire du petit État dans la culture
180 itaux, des écoles, et des brevets d’invention. Il n’ est en somme qu’un privilège qu’il doive céder au grand État, c’est ce
181 ’Europe est née de foyers locaux ou régionaux, et ne doit rien aux dimensions territoriales ni à la puissance politique de
182 vanche la langue, qui est l’âme de toute culture, ne connaît pas les frontières politiques nées du hasard des guerres et d
183 re. Mais si la politique, l’économie, les langues n’ ont de toute évidence aucune frontière commune — ce serait miracle, et
184 iracle, et ce miracle, sauf peut-être en Islande, ne s’est jamais produit —, il est d’autres frontières, au sein de la cul
185 ectuelle. À ce titre, Montaigne et Pascal dont on ne connaît ni romans ni poèmes, n’appartiennent pas à la littérature ; e
186 et Pascal dont on ne connaît ni romans ni poèmes, n’ appartiennent pas à la littérature ; et Montesquieu devrait au seul Te
187 non pas aux Confessions ni au Contrat social, qui ne sont pas « fictions » — du moins l’affirme-t-il… Or, une fois prise
188 lles, quoiqu’elles changent tous les cent ans, il n’ y a plus de raisons de s’arrêter. Le Conseil littéraire de Monaco n’a-
189 ons de s’arrêter. Le Conseil littéraire de Monaco n’ a-t-il pas démontré qu’il se riait de la tyrannie des genres, en couro
6 1974, Articles divers (1974-1977). À propos de Théodore Strawinsky [préface] (1974)
190 en profiter pour jouer les critiques d’art qu’ils ne sont pas, ils se contentent de dire en amateurs qu’ils devraient être
191 ant une œuvre. La peinture de Théodore Strawinsky n’ exige pas pour être vue et pour donner plaisir à voir la médiation, en
192 e elle et l’œil, d’une théorie et d’un jargon. Il n’ est donc pas facile d’en parler — et voilà qui est devenu plutôt rare
193 absence de signifié physique. Croyez bien que je n’ exagère pas : lors d’une Biennale de Venise, on a donné le grand prix
194 ture à l’auteur d’objets en métal et en verre qui n’ utilise jamais ni pinceaux ni couleurs. Et cet abstrait se voit déjà d
195 ’allusions sinistres à la bombe H qui, paraît-il, ne permet plus de peindre un beau paysage ni les yeux à leur place dans
196 ésultat de cette crise. Je réponds que l’informel ne prouve rien, sinon le refus temporaire et polémique au moins autant q
197 s visages, chiffres de l’âme. Paysages et visages n’ existent à vrai dire que pour notre œil humain auquel ils n’apparaisse
198 à vrai dire que pour notre œil humain auquel ils n’ apparaissent qu’en vertu d’une opération mal explicable, presque magiq
199 plus éloignés les uns des autres que les étoiles ne le sont de la terre, et que c’est sur ce vide sidéral, infini, cette
200 la majuscule dont se moquait notre cher Cingria, ne pourra remplacer le sacré, quoi qu’en écrive André Malraux, car s’il
201 sacré, quoi qu’en écrive André Malraux, car s’il n’ est pas un art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’en est pas non
202 é Malraux, car s’il n’est pas un art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’en est pas non plus qui ne tire du sacré sa
203 pas un art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’ en est pas non plus qui ne tire du sacré sa raison d’être indiscutable
204 soit issu du sacré, il n’en est pas non plus qui ne tire du sacré sa raison d’être indiscutable, j’entends bien : de n’êt
205 a raison d’être indiscutable, j’entends bien : de n’ être pas discuté, d’être reçu. L’art et la technique même de Théodore
206 être reçu. L’art et la technique même de Théodore ne sont pas plus indépendants de son respect du sens premier, du référen
207 sacré dans son action indéfiniment créatrice, que ne le sont l’art et la technique de l’auteur du Sacre du Printemps. Et c
208 n, procèdent authentiquement du même esprit. « On ne risque rien à affirmer une parenté », écrit excellemment le fils, à p
209 ssaient au lieu de leur rencontre créatrice. On ne le répétera jamais assez : ce dont l’Église a besoin, ce qui a été co
210 gnée de tout réalisme (mais le danger aujourd’hui n’ est pas là) doit fournir dans un style à la fois monumental et décorat
211 rois préfixes. Je dirai que le travail du peintre n’ a jamais consisté à disposer avec plus ou moins d’agrément une figurat
7 1974, Articles divers (1974-1977). Recherche pour un modèle de société européenne (février 1974)
212 out moral. Chercher à composer un modèle européen ne signifie pas pour moi donner l’Europe en exemple au reste du monde, m
213 e les modèles anciens — ou le modèle de naguère — ne satisfont plus, ne marchent plus, et qu’il est temps d’inventer mieux
214 ns — ou le modèle de naguère — ne satisfont plus, ne marchent plus, et qu’il est temps d’inventer mieux. Et en troisième l
215 l’on recherche un modèle européen, c’est que l’on ne pense pas pouvoir s’accommoder de modèles étrangers et pour nous alié
216 s modèles américains, ou russes, ou chinois. Cela ne signifie pas un instant qu’on tienne l’Europe pour supérieure — ou in
217 seront-elles valables pour le reste du monde ? Je n’ en sais rien et n’ose pas même le souhaiter : les expériences du passé
218 les pour le reste du monde ? Je n’en sais rien et n’ ose pas même le souhaiter : les expériences du passé récent, l’adoptio
219 in du repli résigné que de la volonté de dominer ( ne fût-ce que moralement) ou de se poser en modèle exemplaire. Une trois
220 u depuis le jardin mythique des origines, l’homme n’ avait fait que répondre tant bien que mal aux divers défis de la natur
221 êter une politique du pétrole ? ou du cuivre ? Ce n’ est pas tout. Une troisième sorte de prévision a cours dans notre soci
222 nt établi par des calculs irréfutables. Mais cela ne peut pas être vrai, pour les deux raisons que voici : 1) Il serait dé
223 piller comme les compagnies nous y invitent, rien ne pourra faire que la consommation double en sept ans. Les compagnies e
224 r établir son coût réel, tantôt de promoteurs qui n’ invoquent que les besoins supposés et les profits escomptés, et pensen
225 succès. Et c’est là ce qui doit nous retenir. Je ne vais pas résumer ici le fameux rapport du club de Rome, que je suppos
226 le temps de doublement de la population du globe n’ était plus que de trente-cinq ans, nous a permis à tous de calculer qu
227 elques milliards d’années, tout l’univers visible ne serait plus qu’une sphère d’êtres humains, dont le diamètre s’allonge
228 ue s’arrête un jour. La croissance démographique ne peut pas être illimitée. Il faudra bien que quelque chose l’arrête, u
229 elque chose l’arrête, un jour ou l’autre. Si l’on ne veut pas que ce soit une catastrophe, il faudra bien que ce soit une
230 role, des métaux non ferreux sans lesquels le fer ne pourra plus devenir acier, et par suite le ralentissement, puis l’arr
231 elles me font bien moins peur que celles dont ils ne parlent pas, et qui sont liées inexorablement aux succès de la croiss
232 ’est le seul moyen de les faire mentir. Car elles ne demandent qu’à être démenties, on peut même dire qu’elles ne sont là
233 t qu’à être démenties, on peut même dire qu’elles ne sont là que pour ça. Si on ne les croit pas, parce qu’on les juge tro
234 même dire qu’elles ne sont là que pour ça. Si on ne les croit pas, parce qu’on les juge trop pessimistes, elles vont cert
235 Question de calcul. (La pomme qui tombe : si rien ne la retient, vous pouvez calculer au millième de seconde quand elle to
236 uand elle touchera le sol.) Mais les futurologues ne sont pas tous pessimistes, il s’en faut. Les plus connus du grand pub
237 e Hudson Institute d’Herman Kahn par exemple, qui n’ hésite pas à nous promettre un revenu de 20 000 dollars par tête pour
238 ingt milliards d’habitants vers 2050. Mais là, il ne s’agit plus à vrai dire de prospective, ni même de marketing, il s’ag
239 nt un bref tableau (n° IV) de ce que leur méthode n’ eût pas permis de prévoir, si elle eût été appliquée vers 1900. Parmi
240 de diverses dictatures. Voilà ce que la méthode n’ eût pas permis de prévoir selon les propres dires de Kahn. J’en déduis
241 propres dires de Kahn. J’en déduis que la méthode ne vaut rien. Les faits déterminants du xxe siècle, de l’aveu de son pr
242 surprenants et presque toujours inattendus ». Ils n’ étaient en somme pas sérieux, pas scientifiques, puisque pas mesurable
243 tique de notre avenir prochain, soit parce qu’ils ne veulent pas choisir ses buts, soit parce qu’ils réduisent tout à la t
244 t tout à la technologie. Ni les uns ni les autres n’ auraient donc pu prévoir les deux phénomènes les plus littéralement bo
245 titre : L’Autodestruction d’une civilisation. Je ne puis ici qu’en résumer l’intrigue. Tout commence en 1875 (il y a donc
246 s, il fonde une fabrique. Il vend très peu : « Il n’ y avait pas de demande pour les automobiles », écrit-il simplement dan
247 publicité, il écrit que l’auto « peut vous mener n’ importe où il vous plaît d’aller… pour vous reposer le cerveau par de
248 t laid, mais bon marché et destiné à la masse. Il ne cessera de faire baisser son prix au fur et à mesure de l’accroisseme
249 in des villes détestées, sur une machine de roule n’ obéissant qu’à ses humeurs. L’auto ne répondait alors à aucun besoin d
250 ine de roule n’obéissant qu’à ses humeurs. L’auto ne répondait alors à aucun besoin du public, bien au contraire, comme He
251 rise. Elle devait permettre d’aller vite, et elle ne fait que du 4 km à l’heure dans le centre de nos grandes villes, qu’e
252 it du 6 à l’heure — l’allure d’un piéton. Mais là ne s’arrêtent pas les bouleversements et les méfaits en chaîne produits
253 méfaits en chaîne produits par l’auto. Comme elle ne marche pas encore sans pétrole, et que le pétrole consommé par l’Euro
254 tte circulation quasi sacrée, qu’il faut sauver à n’ importe quel prix, elle fait bon an mal an 280 000 morts chaque année
255 ou cinq émirs et dictateurs du Proche-Orient, qui ne savent où les investir, et qui pourraient, selon les déclarations réc
256 ucle bouclée. Résumons-nous : vers 1890, personne n’ a besoin de l’auto. Mais Henry Ford réussit à l’imposer au monde, en q
257 ort et de la folie de cet Hitler, que Herman Kahn n’ a pas prévu. Une histoire de fous, je vous l’ai dit. Et seul peut-être
258 s, ces odeurs, et l’idée même d’aller plus vite à n’ importe quel prix, sans savoir où… Mais voilà bien ce que nos futurol
259 voir où… Mais voilà bien ce que nos futurologues n’ eussent pas deviné davantage que l’aventure nationale-socialiste ou fa
260 ut de même, alors que nos démocraties bourgeoises n’ ont même pas vu le problème, et ne soupçonnent même pas son importance
261 ies bourgeoises n’ont même pas vu le problème, et ne soupçonnent même pas son importance fondamentale. Mais l’État-nation
262 s son importance fondamentale. Mais l’État-nation n’ est pas seulement responsable de la décadence des liens communautaires
263 e il convient quand on présente une recherche, je ne saurais anticiper sur ses résultats, ni donc les décrire en détail ;
264 ’aboutissement suprême de toute l’histoire. Qu’il n’ y a rien à imaginer au-delà. Et nous en avons persuadé la terre entièr
265 ussi sont des « réalités » typiques du siècle. Ce n’ est pas une raison pour les accepter, moins encore pour les glorifier.
266 oscou. La souveraineté de nos nations européennes ne reste réelle qu’en tant que prétexte à refuser les mesures d’union pr
267  ; tant il est clair qu’aucun problème écologique ne se laisse définir par nos frontières, et qu’aucune frontière politiqu
268 s, et qu’aucune frontière politique ou économique n’ a jamais arrêté ni tempête, ni virus, ni pollution de l’air ou des eau
269 correspondent aux mêmes frontières, et ce miracle ne s’est jamais réalisé. L’idée de la coïncidence territoriale de l’idéo
270 de la culture serait proprement délirante si elle ne s’expliquait pas nécessairement par la guerre. Elle n’est plus tenabl
271 expliquait pas nécessairement par la guerre. Elle n’ est plus tenable au xxe siècle. L’État-nation ne répond plus aux prob
272 n’est plus tenable au xxe siècle. L’État-nation ne répond plus aux problèmes économiques du monde moderne et encore moin
273 s que je conçois et cherche à repérer, à définir, ne seront pas des mini-États-nations qui reproduiraient en pire les prét
274 s, soit sociales, et dont les aires territoriales ne se recouvrent pas plus que les réalités fonctionnelles. On imagine la
275 out ordre, à tel point que dans un grand pays, il n’ y a plus que quelques ministres tout puissants, et dans un très grand
8 1974, Articles divers (1974-1977). L’Europe des régions (juin-juillet 1974)
276 e remise en cause est-elle purement fortuite ? Je ne pense pas qu’il y ait une crise de la notion de région, mais au contr
277 Quant à la simultanéité des deux phénomènes, elle n’ est aucunement fortuite ; à mesure que les frontières s’abaissent, les
278 tières s’abaissent, les régions « remontent ». On ne fera jamais l’Europe avec les États-nations. Donc, on la fera avec le
279 ns, les mêmes des deux côtés de la frontière, qui ne peuvent être résolus d’un seul côté. Le Marché commun en 1960-1961 a
280 9 grandes régions. Or, sur les 9, deux seulement n’ étaient pas transfrontalières : Paris et l’Auvergne ; toutes les autre
281 santes de l’Europe sont transfrontalières ; elles ne sont pas ethniques. Elles le sont dans certains cas, où vous avez par
282 s des régions ethniques et transfrontalières. Ils ne sont nullement séparés, mais au contraire reliés par les Pyrénées. On
283 ui habitent du côté du Centre ? On dit absolument n’ importe quoi pour les besoins de la cause. Comment êtes-vous parvenu à
284 un autre type. Je me suis aperçu très vite qu’on ne pourrait pas y arriver à cause de la formule de l’État-nation, à souv
285 ou créées par l’économie et par des réalités qui ne tiennent pas compte des frontières. À mesure que les frontières se dé
286 dans un sens politique uniquement. Parce que l’on ne peut pas faire une région sur une seule fonction : cela ne mènerait p
287 as faire une région sur une seule fonction : cela ne mènerait pas loin. On ne peut pas bâtir des régions sur un seul facte
288 ne seule fonction : cela ne mènerait pas loin. On ne peut pas bâtir des régions sur un seul facteur qui serait la langue p
289 mais ils sont obligés de constater que le Breton n’ est parlé que dans une partie du pays, le reste c’est le gallo qui va
290 oir imposer une même frontière à des réalités qui n’ ont rien à voir ensemble, comme la langue, l’économie, ce qu’il y a da
291 ements récents de la technique, toutes choses qui n’ ont aucune probabilité de coïncider dans l’espace. Ça c’est la formule
292 c’est une chose que l’on peut dire, mais que l’on ne peut pas faire. Si vous faites une « amicale », vous cessez d’être « 
293 hropes » ; mais si vous restez misanthropes, vous ne faites pas une amicale. Or depuis 25 ans, les ministres de nos États-
294 er vers les régions. Ou bien il faut avouer qu’on ne veut pas faire l’Europe ; et il faut savoir aussi ce que ça signifier
295 faits sur l’« indépendance totale » du pays ! Je ne dirai pas que je suis antiaméricain ou que je suis antirusse, il faut
296 s antiaméricain ou que je suis antirusse, il faut ne pas se tromper là-dessus. Je pense que la colonisation est une très m
297 e la colonisation est une très mauvaise chose. Je ne pense pas que les Américains et les Russes soient des gens pires que
298 nt résoudre cette contradiction fondamentale ? Je ne pense pas du tout qu’il faille renverser les États-nations, ni qu’on
299 érent et très simpliste de gouvernement ; mais on ne peut pas renverser notre système actuel, parce qu’il n’a pas de princ
300 t pas renverser notre système actuel, parce qu’il n’ a pas de principe de cohérence interne. Il ne s’agit pas de le renvers
301 u’il n’a pas de principe de cohérence interne. Il ne s’agit pas de le renverser, vous ne sauriez par où le prendre. La rév
302 e interne. Il ne s’agit pas de le renverser, vous ne sauriez par où le prendre. La révolution violente n’a jamais abouti à
303 sauriez par où le prendre. La révolution violente n’ a jamais abouti à autre chose qu’à renforcer les pouvoirs de l’État. M
304 -disant souveraines, et insistant plus encore que n’ importe quelle autre sur leur souveraineté absolue, être stoppées à 1h
305 la base des réalités, et pas des mythes. Que nous ne perdions pas de temps et d’énergie à renverser des choses qui n’exist
306 de temps et d’énergie à renverser des choses qui n’ existent plus, qui sont des symboles, des mythes d’un passé révolu et
307 nnée la tradition centralisatrice sur laquelle je n’ ai pas besoin d’insister. Les régions au sens réel, devraient être « r
308 lions d’habitants, ou avec le Land de Hamburg qui n’ a guère plus d’un et demi-million d’habitants et 740 km2 ? Mais en Fra
309 l’avantage des petites communautés, mais personne n’ a jamais voulu faire une région pour faire une chose petite. C’est là
310 eut faire sur la réalité, et non une finalité. Ce n’ est pas cela qui meut les gens, qui les motive : faire une chose petit
311 que. Or, de la région, les gouvernements français n’ ont su dire qu’une chose — ce qu’elle ne devait pas être : ni une atte
312 français n’ont su dire qu’une chose — ce qu’elle ne devait pas être : ni une atteinte à l’unité nationale, ni une communa
313 ommunes devraient-elles reprendre le pouvoir ? Je ne suis pas du tout d’accord avec le terme « prendre le pouvoir ». Et c’
314 du marxisme d’avant-hier. La vérité, c’est qu’il n’ y a plus de pouvoir aujourd’hui. Voilà le drame. Nous avons à créer à
315 r des pouvoirs réels, d’abord à l’échelle locale. Ne perdons plus notre temps et nos énergies à nous attaquer à un Pouvoir
316 iétés multinationales. En effet, si l’État-nation n’ était pas en crise, il n’y aurait pas de sociétés multinationales. C’e
317 effet, si l’État-nation n’était pas en crise, il n’ y aurait pas de sociétés multinationales. C’est parce que l’État-natio
318 s sociétés multinationales. Les États-nations ont n’ importe quelles dimensions, au hasard des traités et des guerres : les
319 s : les armées se sont arrêtées par hasard là. Il n’ y a aucune espèce de raison que ça coïncide avec un espace économique
320 ustrie et du commerce conduise à des sociétés qui ne tiennent plus compte des frontières. Dès qu’on prononce ce terme de s
321 rovoque aujourd’hui des jugements stéréotypés qui ne vont pas du tout dans la réalité de la chose : « société multinationa
322 e renversent ce qui revient au même. Disons qu’il n’ y a pas seulement des sociétés américaines mais aussi beaucoup de soci
323 s le lait, l’alimentation et les produits annexes n’ a aucune espèce d’intérêt politique dans les pays où elle opère ; elle
324 ilever, elle, me paraît entre les deux ; Unilever n’ est pas liée à des histoires militaires comme ITT. Il n’y a pas seulem
325 pas liée à des histoires militaires comme ITT. Il n’ y a pas seulement des histoires militaires… Aussi, je vous demande de
326 troliers font davantage la loi à Bruxelles qu’ils ne la font à Paris. Précisément, vis-à-vis des multinationales du type q
327 ultées et pourraient dire : « voilà une chose qui ne cadre absolument pas avec nos coutumes, qui est destructrice de l’env
328 environnement, qui est trop grande pour nous, qui n’ est pas adaptée à nos traditions, ou qui démoralise et dégrade notre p
329 ant par des salaires trop forts pour des gens qui ne sont pas doués pour le genre de travail offert ». À travailler en fav
330 de la presse, des partis, de l’opinion publique, n’ est pas tellement différent du danger des sociétés nationales jouant s
331 rieur comme frontières étatiques. À part cela, il n’ y a aucune espèce de différence. Le phénomène contre lequel il faut se
332 dans lesquelles elles viennent s’implanter et qui n’ y cherchent que leur profit. Ce que je dis là ne vise pas à exonérer t
333 i n’y cherchent que leur profit. Ce que je dis là ne vise pas à exonérer toutes les multinationales, mais à augmenter la m
334 méfiance à l’égard des trop grandes sociétés qui ne rencontrent jamais le barrage d’un pouvoir régional quelconque, d’une
335 égional quelconque, d’une autonomie régionale. Je n’ insiste pas tellement sur le mot « pouvoir régional », qui évoquerait
336 d’un coup, ça m’a révélé une chose à laquelle je n’ avais jamais pensé : à savoir qu’il y a deux sens au mot « croissance 
337 strie. La croissance du vivant, cela va de soi et ne fait pas de question : petit enfant deviendra grand, ce qui commence
338 ugmente indéfiniment, mécaniquement, tant qu’elle ne bute pas sur un obstacle extérieur ; elle n’a rien en elle-même qui l
339 elle ne bute pas sur un obstacle extérieur ; elle n’ a rien en elle-même qui la règle. Elle peut conduire à toutes les mons
340 seule condition qu’il puisse se nourrir assez et ne se heurte pas à des obstacles insurmontables. Eh bien, nous vivons de
341 ndustrielle sur des absurdités de ce genre ; nous ne nous sommes absolument pas rendu compte que les courbes exponentielle
342 u’on puisse faire sur le choix des paramètres, je n’ ai jamais vu un avertissement aussi brutal, aussi justement pensé et c
343 la multiplier par 16 384, ce qui est dément : on ne peut transformer toute la substance de la terre en énergie. Il faudra
344 PNB, la croissance du revenu par tête d’habitant n’ est pas une mesure humaine qui puisse diriger une politique, il faut a
345 ion que vous faites de la mentalité d’aujourd’hui n’ est pas tout à fait exacte. Il n’est pas exact de dire que les gens ne
346 té d’aujourd’hui n’est pas tout à fait exacte. Il n’ est pas exact de dire que les gens ne sont motivés que par des questio
347 t exacte. Il n’est pas exact de dire que les gens ne sont motivés que par des questions de « fric » ou de pouvoir d’achat.
348 licité. On leur dit à la radio, à la télé, qu’ils ne peuvent pas vivre heureux s’ils n’achètent pas tel ou tel produit. Il
349 a télé, qu’ils ne peuvent pas vivre heureux s’ils n’ achètent pas tel ou tel produit. Ils finissent par le croire et par vo
350 beaucoup de jeunes gens qui me disent : « moi, je ne veux pas gagner de l’argent je veux faire quelque chose qui m’intéres
351 l’exode rural ? Cela va ensemble. Mais les villes n’ existent plus guère : ce sont des faubourgs, des banlieues. Des agglom
352 faubourgs, des banlieues. Des agglomérations qui n’ ont plus de centre, qui n’ont plus de rues où les gens puissent se ren
353 Des agglomérations qui n’ont plus de centre, qui n’ ont plus de rues où les gens puissent se rencontrer, depuis que les pl
354 l’on pouvait tenir un meeting public. Cette place n’ existant plus, les villes n’ayant plus de structures, ayant drainé les
355 g public. Cette place n’existant plus, les villes n’ ayant plus de structures, ayant drainé les campagnards sans les restru
356 t une raison de vivre pendant ce temps. Cela vous ne pouvez le faire que dans un état de société très morbide, où les gens
357 dans un état de société très morbide, où les gens n’ ont plus de raison de vivre personnelle. Il ne s’agit pas de refaire l
358 ens n’ont plus de raison de vivre personnelle. Il ne s’agit pas de refaire le coup d’Hitler ou le coup de Mussolini, il ne
359 aire le coup d’Hitler ou le coup de Mussolini, il ne faut pas essayer de recréer une communauté par en haut, par un seul p
360 ommunes » par exemple en Amérique ; des colonies, n’ importe quoi, des associations, des paroisses, tout ce qui peut rassem
361 rande stabilité, vue de l’extérieur, en Suisse il n’ y a plus qu’un homme sur trois qui habite dans sa commune d’origine. P
362 ntons, et les autres sont des étrangers. Donc, il n’ y a plus qu’une minorité de Genevois. Chose étrange, les mœurs politiq
363 re des individus que l’État fait son ciment. Cela n’ est pas un phénomène nouveau, cela existait à la fin du monde hellénis
364 t en relation avec la mère-patrie). Mais la polis n’ a jamais dépassé 100 000 habitants — ce qui était considéré comme la l
365 promener sans armes. Et ces villes naturellement n’ étaient plus des communes. Il n’y avait plus l’agora sur laquelle les
366 les naturellement n’étaient plus des communes. Il n’ y avait plus l’agora sur laquelle les gens pouvaient se réunir : il fa
367 absolument en revenir aux formules communales. On ne peut pas détruire les énormes villes. Il y a une ville aux États-Unis
368 aux États-Unis qui va de Boston à Washington. On ne peut pas la détruire, personne n’aurait la fortune nécessaire, mais o
369 Washington. On ne peut pas la détruire, personne n’ aurait la fortune nécessaire, mais on peut y recréer des quartiers, de
370 ines destructions. On peut recréer des places qui ne soient pas des parkings, on peut interdire les rues aux voitures, cel
371 des petits soldats, des sujets bien alignés, qui n’ ont plus aucune espèce de résistance, qui ne se sentent plus responsab
372 , qui n’ont plus aucune espèce de résistance, qui ne se sentent plus responsables de rien dans la cité. Ce qui se fait est
373 t, c’est se révolter de temps en temps, mais cela ne sert pas à grand-chose. C’est l’encasernement, c’est l’homme transfor
374 rnement, c’est l’homme transformé en numéro. Cela ne correspond peut-être pas à un régime politique déterminé. Cela corres
375 entité, un producteur-consommateur docile, et qui n’ existe pour l’État que sous la forme d’un dossier électronique. Quel t
376 cela doit faire à peu près 15 000 employés. Cela ne correspond pas tout à fait aux besoins de l’économie industrielle qui
377 ndes villes. Je mets cela en question. L’économie n’ a rien à exiger, l’économie est là au service des hommes. Si on vous d
378 aux jeunes aujourd’hui que c’est leur affaire. Ce n’ est pas l’affaire de fatalités auxquelles on ne peut rien comprendre,
379 Ce n’est pas l’affaire de fatalités auxquelles on ne peut rien comprendre, auxquelles seuls quelques initiés-technocrates
380 technocrates peuvent comprendre quelque chose. Ce n’ est pas l’affaire des ordinateurs, ce n’est pas l’affaire des impérati
381 chose. Ce n’est pas l’affaire des ordinateurs, ce n’ est pas l’affaire des impératifs X et Y, c’est leur affaire. Souvent l
382 tifs X et Y, c’est leur affaire. Souvent les gens n’ aiment pas être responsables de leur sort, surtout quand on les cache
383 es besoins… c’est cela la politique véritable, ce n’ est pas de savoir si l’on est de gauche ou de droite. La politique qui
384 la politique d’autogestion de la commune — ce qui n’ existe pas non plus (pas de ressources financières propres, etc.). L’a
385 es bien particuliers suivant les entreprises : ce n’ est pas le même problème, suivant la nature des entreprises. Il y a be
386 dépasse son niveau, il s’unisse à d’autres. Qu’il ne se fédère que pour cela, et non pour constituer une puissance telle q
387 que l’État-nation, une puissance qui sert à faire n’ importe quoi, surtout la guerre. Qu’il se fédère pour des fonctions bi
388 : « À l’heure où l’Europe est en crise comme elle ne l’a jamais été — crise de croissance ou crise mortelle, nul ne le sai
389 été — crise de croissance ou crise mortelle, nul ne le sait encore — il nous est apparu indispensable de donner la parole
390 passionné d’écologie, il croit qu’aucune fatalité ne pèse sur nos sociétés et que nous sommes maîtres de notre destin. C’e
9 1974, Articles divers (1974-1977). Surréalisme : un jeu qui dure depuis 50 ans (7-8 septembre 1974)
391 x équipes d’« announcers » (le mot de « speaker » n’ est employé qu’en France) parmi lesquels se trouvaient Claude Lévi-Str
392 De jeunes femmes ravissantes Pour ma part, je n’ ai jamais fait partie de ce groupe, ni partagé son idéologie, ce qui m
393 folles étaient admises, jamais la drogue. Breton ne l’eût pas toléré. Il régnait parmi nous une certaine tenue et une gra
394 , jamais ! C’était d’autant plus curieux que rien ne l’intéressait davantage que les phénomènes, disons de magie, les dons
395 lieu parfois à des scènes terribles, quand Breton n’ était pas d’accord. Un jour, par exemple, nous avions décidé de faire
396 eure : « Sortez ! tonna-t-il. Et je me réjouis de ne plus jamais rencontrer sur mon chemin votre sale gueule de faux témoi
397 ssé du paradis. Et là, il y a quelque chose qu’on ne peut guère pardonner à Breton, cette faculté qu’il avait d’insulter l
398 rrêta et me dit, après un silence : « Et pourquoi ne ferait-on pas une religion dédiée au culte d’une pierre bleue ? » Et
399 Il a passé toute sa vie à une religion [sic] qui n’ aurait pas été le christianisme et dont il aurait été un des grands pr
10 1975, Articles divers (1974-1977). Notre complexe de culpabilité (1975)
400 eureux, selon les sondages d’opinion, les Suisses n’ en sont pas moins inquiets. Réfléchissant aux motifs spécifiques de ce
401 enfin : est-ce que tant de paix et de prospérité n’ ont pas été gagnées au prix de notre âme ? Au prix de nos vraies raiso
402 nir suisse est devenu notre sport national, et je ne vois pas d’autre pays qui puisse nous battre sur ce terrain-là. (C’es
403 reste, d’ailleurs.) Il paraîtrait que les Suisses ne cessent de répéter : « Y en a point comme nous ! » Je n’ai jamais ent
404 ent de répéter : « Y en a point comme nous ! » Je n’ ai jamais entendu cette fameuse phrase que dans la bouche de ceux qui
405 e dans la bouche de ceux qui la raillaient, et je ne l’ai jamais lue que sous la plume de Suisses qui affirmaient que les
406 rage d’Alain : Le Citoyen contre les Pouvoirs. Ce ne sont pas les Pouvoirs que le Suisse inquiet met en cause, mais plutôt
407 rs institutions ? Méritent-ils leurs privilèges ? Ne sont-ils pas en train de s’enliser dans un épais matérialisme, et dan
408 te réaction fondamentale — et plus générale qu’on ne le pense — provient du vieux fond religieux, et les jeunes intellectu
409 s jeunes intellectuels détachés de toute croyance ne se distinguent de leurs ainés que par une virulence particulière sur
410 es, éveilleraient peu d’échos populaires si elles ne se trouvaient coïncider avec un sentiment diffus, presque inconscient
411 ité suisse. Les Suisses, depuis quatre-cents ans, ne sont en réalité que les hôtes et les spectateurs de l’Histoire. Consi
412 de la politique, qui remercient Dieu de ce qu’ils ne sont pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite maison,
413 essus le marché, un bienfaiteur de l’humanité. Il ne connaît et n’aime aucun problème extrême, et par suite, aucun parti e
414 é, un bienfaiteur de l’humanité. Il ne connaît et n’ aime aucun problème extrême, et par suite, aucun parti extrémiste. La
415 eu qui pèse sur le monde nous devient clair. Ceci ne nous dispense nullement de notre double devoir de reconnaissance et d
416 pabilité sont des concepts théologiques17 dont je ne vois pas qu’ils trouvent dans le cas du « malaise suisse » une applic
417 uisse » une application pertinente. La neutralité ne pourrait être péché que chez ceux qui s’en font une vertu, mais pas e
418 et l’on doit discuter —, mais la traiter de péché n’ est pas une solution et empêche même d’en trouver une, car si elle est
419 suisse dus à de jeunes auteurs progressistes, on ne peut que lui donner raison, et puis les vrais problèmes se posent, ou
420 , disent les Suisses d’un air soucieux, mais rien ne prouve que ça va durer. Le Marché commun nous menace. Notre neutralit
421 r. Le Marché commun nous menace. Notre neutralité n’ est pas toujours comprise. Notre fédéralisme est compromis, et ce qu’i
422 s, vengeurs ou navrés, les sermons que j’ai cités ne changeront rien à l’évolution qu’ils dénoncent, tant qu’ils n’ouvriro
423 rien à l’évolution qu’ils dénoncent, tant qu’ils n’ ouvriront pas les voies d’un dépassement de nos petitesses. « Besoin d
424 ais démontrer aux hommes qu’ils voient trop court n’ est pas le meilleur moyen de les libérer. Il faudrait leur montrer des
425 e fédéraliste, dont pas un seul de leurs censeurs n’ a jamais suggéré qu’ils l’échangent contre un régime totalement différ
426 ique. La vraie chance de grandeur des Suisses, je ne la vois pas ailleurs que dans les raisons d’être de leur communauté p
427 e l’avenir qu’elle représente pour une Europe qui n’ en sait rien encore ! Je ne conçois pas d’autre remède à ses névroses
428 te pour une Europe qui n’en sait rien encore ! Je ne conçois pas d’autre remède à ses névroses de prospérité. C’est dans u
429 e de remords, de repentir, de conversion, et cela n’ a rien à voir avec le masochisme. 18. Phrase extraite du commentaire
11 1975, Articles divers (1974-1977). Au-delà de la société industrielle (1975)
430 sait appeler la compétence de l’économiste que je ne suis pas. Mais je dois vous faire un aveu : si j’ai finalement accept
431 d ce qui est exclu : une société dans laquelle il n’ y aurait plus d’industrie, qui arrêterait les machines et cesserait to
432 de lampes à huile ou de coutume des cavernes. On ne veut pas dire non plus, je crois, qu’une société post-industrielle se
433 par définition insatiables et inextinguibles. Ils ne seront jamais satisfaits, puisque leur formule même est de croître sa
434 ormule même est de croître sans fin. Mais si elle ne consiste ni à fermer les usines, ni à décréter la semaine des cinq di
435 es plus le week-end, la société post-industrielle ne peut signifier concrètement que ceci : un changement de cap, un chang
436 ain nombre de « principes », qui allaient de soi, n’ étaient pas discutés ni discutables, mais que la crise actuelle nous o
437 ns autre mesure que numérique, une croissance qui n’ avait donc rien de commun, sauf le nom, avec la croissance vivante au
438 rendement. Opposer à cette notion celle de loisir n’ est pas encore changer de plan. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alember
439 comme toute espèce de vide, est pure angoisse. Il n’ y aura pas de société post-industrielle tant que la seule alternative
440 ustrielle devrait aussi permettre à tout homme de ne pas consacrer une part exagérée du produit de son travail à payer ses
441 ayé, ou à payer pour pouvoir gagner une vie qu’il n’ aura même plus le temps de vivre ! IV Le nœud du problème, le li
442 ns. La société industrielle, quoi qu’on en dise, n’ est pas née pour satisfaire des besoins réels de l’homme, mais bien po
443 r les utiliser, et puis pour les multiplier. Elle n’ a jamais cessé de fomenter, de susciter en vue de son profit des besoi
444 inventeurs en ont fait autant avant lui, mais il n’ existe encore dans le monde guère plus de voitures que d’inventeurs, e
445 explosion… Cette invention, aujourd’hui oubliée, n’ a connu qu’échecs et désapprobations des autorités scientifiques. » De
446 e, il cache une stupéfiante insensibilité. Ce qui ne l’empêche pas du tout de désirer très sincèrement faire du bien à l’h
447 passer pour téméraire, car à cette époque-là, il n’ y avait pas de demande pour les automobiles… et même une répugnance du
448 industries. Et cette automobile, pour laquelle il n’ y avait pas de demande, et même une certaine répugnance au début de ce
449 numéro un de la plupart des Occidentaux. Mais ce n’ est pas encore le plus curieux de l’histoire. Née du rêve typiquement
450 lité sous sa forme la plus exaspérante. Tout cela n’ empêche nullement le petit-fils d’Henry Ford de déclarer tout récemmen
451 d’Henry Ford de déclarer tout récemment : « Nous ne sommes plus accoutumés à aller où que ce soit autrement qu’en auto. L
452 en auto. Les trains reviennent à la mode, mais ce n’ est qu’une passade. Ce pays a développé une manière de vivre particuli
453 vre particulière à cause de l’automobile, et vous ne pouvez plus changer cela en poussant un bouton. » L’aventure de l’Aut
454 » L’aventure de l’Auto est bouclée. Le besoin qui n’ existait pas est devenu prioritaire. L’Américain moyen — et nous donc 
455 l’idée que les solutions à notre crise économique ne sont pas économiques, mais spirituelles, morales et psychologiques, j
456 social, mais financier. Qu’on m’entende bien : je n’ ai rien contre le profit en soi, que tout le monde approuve en pratiqu
457 avant tout cela, s’il faut choisir. Car le profit n’ est pas un principe de mesure pour l’homme, ni pour la cité. Il n’est
458 ncipe de mesure pour l’homme, ni pour la cité. Il n’ est qu’un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’est pas autorégulé
459 omme, ni pour la cité. Il n’est qu’un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’est pas autorégulé, et par suite, ne peut
460 est qu’un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’ est pas autorégulé, et par suite, ne peut être agent de régulation, co
461 du vivant, il n’est pas autorégulé, et par suite, ne peut être agent de régulation, comme la personne. Il est donc un prin
462 iplier (comme le fait la croissance industrielle) n’ importe quoi par n’importe quel chiffre : car cette opération, si elle
463 it la croissance industrielle) n’importe quoi par n’ importe quel chiffre : car cette opération, si elle accroît le PNB, n’
464 re : car cette opération, si elle accroît le PNB, n’ en a pas moins pour effet d’inverser totalement le sens de la fonction
465 nfin, les villes : les mégalopoles du xxe siècle ne sont plus administrables, ni en fait gouvernées, comme on le voit ces
466 evoir se doter d’armements à leur taille. Si l’on ne peut pas réduire la masse critique d’une bombe H, ne faut-il pas rédu
467 peut pas réduire la masse critique d’une bombe H, ne faut-il pas réduire la taille de ceux qui seraient tentés de s’en ser
468 désastre qui menace aujourd’hui le genre humain, n’ est-il pas urgent et vital de substituer aux États-nations souverains
469 aspillage à bout de souffle… Mais je m’arrête, je n’ en finirais plus. Je terminerai sur la question qu’on va me poser, iné
470 ’ai coutume de répondre à cette question que nous ne sommes pas là pour prévoir ou deviner notre avenir, mais pour le fair
12 1975, Articles divers (1974-1977). Suisse 1975 (1975)
471 re avec des sentiments mêlés de soulagement (elle n’ a pas été occupée, son armée et sa résolution morale l’ont protégée) m
472 « neutralité active », comme on l’appelle aussi, ne se borne plus à refuser de prendre parti dans les guerres qui opposen
473 Mao — démarche que la plupart des États européens n’ ont pas osé faire jusqu’alors. Cependant, beaucoup de bons esprits che
474 Et pourtant il est clair que la vérité d’une idée ne dépend pas de la taille de celui qui la formule, et que les « petits
475 uses.) Ces données de base de la situation suisse n’ ont pas changé radicalement depuis les lendemains de la Seconde Guerre
476 tiellement de celle des « puissances » d’hier, ce n’ est plus par les dimensions, mais par le régime politique, c’est-à-dir
477 é. En temps de paix et de normalité, être neutre ne pose aucun problème, et le régime fédéraliste permet de respecter au
478 spontanée du sentiment populaire, pour peu qu’il ne lui soit pas inconditionnellement favorable. Les conseils législatifs
479 ngère rappelle quotidiennement aux Suisses qu’ils ne peuvent être seuls au monde. Il n’apparaît donc plus possible de sépa
480 Suisses qu’ils ne peuvent être seuls au monde. Il n’ apparaît donc plus possible de séparer les problèmes intérieurs du féd
481 res. Mais il se trouve, hélas, que le fédéralisme n’ est guère mieux compris par les Suisses — qui s’en réclament — que par
482 nt — que par les autres peuples de l’Europe — qui ne voient pas bien ce qu’ils pourraient en faire. Dans la partie romande
483 orestières, agricoles ou urbaines. Le fédéralisme n’ est rien d’autre, en effet, qu’une manière de se mettre ensemble pour
484 re de se mettre ensemble pour faire ce dont aucun ne serait capable seul. C’est une méthode de répartition des pouvoirs de
485 nces » dont les rivalités divisent l’Europe, mais ne veut pas du tout qu’elle se déclare neutre par rapport à l’union de l
486 n de l’Europe en train de se faire. Car la Suisse ne saurait tenir balance égale entre les ennemis de l’Europe et l’Europe
487 on sens, qui est celle du fédéralisme helvétique, ne saurait arrêter ses effets aux frontières historiques de nos cantons
488 de les gérer, il devient évident que les Suisses ne peuvent plus limiter la coopération fédéraliste à leur seul territoir
489 oisins. Il est donc évident que notre fédéralisme ne peut se maintenir dans nos cantons qu’à la seule condition de s’étend
490 n à tout prix de la paix. De tout cela, la Suisse ne peut se désintéresser, pour des raisons à la fois morales et utilitai
491 sations européennes et internationales. Mais cela ne saurait la dispenser de choisir sa politique mondiale, et ce choix se
492 es (si l’on en juge par les dernières votations), ne pourrait réussir qu’au prix de sacrifices matériels d’un héroïsme peu
493 ée de la Suisse à l’ONU. La Suisse, en adhérant, ne risquerait-elle pas de perdre son originalité, sa formule politique s
494 ? En revanche, en persistant dans son abstention, ne manquerait-elle pas de belles occasions de faire entendre sa voix en
495 ’aujourd’hui se voit amenée à s’interroger. Et ce n’ est qu’au nom de ses buts humains en tant qu’État fédératif qu’elle pe
13 1975, Articles divers (1974-1977). Le Morgarten du xxe siècle (1975)
496 ès. J’ai été amené à préciser notamment ceci : je ne vois pas, dans la Confédération fabriquée en 1848 par la réunion de 2
497 u gouvernement suisse, dont les Suisses eux-mêmes n’ ont souvent pas conscience, réside dans le fait que les sept conseille
498 de dans le fait que les sept conseillers fédéraux ne sont pas du tout l’émanation des cantons, mais qu’ils sont désignés e
499 aires que de pays membres. Cette dernière formule n’ est bonne qu’à aggraver les divergences d’intérêt entre les nations me
500 prairie du Grütli. Tout cela est une fable qu’il n’ est même pas intéressant de réfuter. En réalité, les choses se sont pa
501 e des communes d’Uri, de Nidwald et de Schwyz. On ne parlait pas de cantons, mais bien de communes (Gemeinde en allemand,
502 ur pouvoir rester chacune autonome. Seules, elles n’ auraient pas pu le rester, mais en se mettant les trois, elles avaient
503 volonté d’exercer une justice « indigène » : nous ne voulons pas de juges étrangers dans nos vallées. Or la justice, à l’é
504 s grands États-nations. Les Suisses d’aujourd’hui ne le comprennent malheureusement pas tous. Beaucoup, même, méconnaissen
505 re séparatiste ou nationaliste vaudois, mais vous ne pouvez pas être fédéraliste du même coup, parce que le fédéralisme es
506 fédéralisme. Qu’ils soient de gauche ou de droite ne m’intéresse guère : l’essentiel, c’est la forme concrète de communaut
507 cadre de l’entreprise, comme en Yougoslavie où ça n’ a pas très bien marché — le mouvement créateur des communes primitives
508 aires. Ce qui est de la démence pure. Aux yeux de n’ importe quel savant sérieux et indépendant d’Europe ou d’Amérique, c’e
509 rope ou d’Amérique, c’est insoutenable. Le projet n’ est soutenu, d’ailleurs, que par les trois États qui se partagent la r
510 is d’Alsace et d’Allemands du pays de Bade. Qu’on ne vienne pas attribuer le mérite des manifestations de Kaiseraugst aux
511 aux « trublions gauchistes ». Leurs groupuscules ne sont venus qu’après coup s’adjoindre à la grande majorité des hommes
512 p. Ils tentaient d’exploiter une situation qu’ils n’ avaient pas créée, et qui ne va pas exactement dans leur sens, car je
513 une situation qu’ils n’avaient pas créée, et qui ne va pas exactement dans leur sens, car je ne vois pas comment des maoï
514 t qui ne va pas exactement dans leur sens, car je ne vois pas comment des maoïstes ou des trotskystes pourraient être des
515 s étaient les « fossoyeurs de la démocratie ». Je ne sais pas si les gens qui ont écrit des choses pareilles connaissent l
516 e rendront compte que notre héros national suisse n’ était pas particulièrement respectueux de la légalité. Tous les moment
517 a légalité, c’est évident, et vous le savez. Vous n’ avez avec vous que la justice, et vous êtes au surplus en état de légi
518 orgarten du xxe siècle. » Peut-être les Suisses n’ aiment-ils pas beaucoup tirer la leçon de Kaiseraugst, parce qu’ils cr
519 tement : leur consommation d’électricité. Mais on ne peut pas avoir, comme on dit chez moi, le beurre et l’argent du beurr
520 Mais pour moi, une Suisse qui ferait ce choix-là ne serait plus elle-même. Elle deviendrait semblable à n’importe lequel
521 rait plus elle-même. Elle deviendrait semblable à n’ importe lequel des États-nations actuels, dont l’idéal est le nivellem
522 saisir l’ampleur du danger qui les menace. Et je ne suis pas optimiste sur les possibilités d’endoctriner les gens. Je ne
523 e sur les possibilités d’endoctriner les gens. Je ne me fais pas d’illusions : d’une manière générale, les hommes font tou
524 epuis plusieurs dizaines de milliers d’années. Il n’ y a pas de raison de penser qu’ils vont changer tout d’un coup, dans l
525 s renoncent aux centrales nucléaires. Si les gens ne sont pas capables d’entendre un discours raisonnable, comme celui que
526 phes qui se préparent. Des tragédies. Les Suisses n’ aiment pas du tout ce mot. Les Suisses s’imaginent, surtout depuis une
527 histoire — dans tous les sens du mot histoire. Il n’ y aurait plus qu’une espèce de raison moyenne qui dominerait, dans l’e
528 i dominerait, dans l’ennui total et fédéral. Cela ne va évidemment pas se passer comme ça. Nous allons vers des tragédies.
529 e ça. Nous allons vers des tragédies. Les Suisses n’ y sont pas très bien préparés par leur forme d’esprit. En revanche, il
530 loin la plus grande puissance militaire du monde, n’ ont pas pu venir à bout du Vietnam. Ils ne pouvaient pas venir à bout
531 monde, n’ont pas pu venir à bout du Vietnam. Ils ne pouvaient pas venir à bout de choses qui renaissaient partout, de pet
532 saient partout, de petits centres sur lesquels il ne valait pas la peine de lancer une bombe atomique. Ou alors, s’ils ava
533 t commencé là-bas avec leurs bombes atomiques, il n’ y aurait même plus eu de place pour les soldats américains. Nous avons
534 s institutions de la première confédération. Elle n’ y sera pas amenée par des discours, mais par la force des choses. Par
535 choses. Par la pédagogie des catastrophes qu’elle n’ aura pas pu éviter, car elles seront mondiales, mais contre lesquelles
14 1975, Articles divers (1974-1977). L’amour (1975)
536 L’amour (1975)r Il n’ est pas question de constituer, à côté de la psychologie scientifique
537 e « religion » au sens sociologique du terme). Il n’ en va pas de même de la passion, forme d’amour liée plus que toute aut
538 du grand poème musical de Wagner. L’amour-passion n’ est donc pas le mélange, mais la composition en un produit nouveau et
539 on : il peut être sans lien aucun avec l’Éros, il n’ est pas sentiment mais acte, respect de l’Autre comme sujet autonome,
540 t la vie au lieu de désirer la mort. Cet amour-là n’ est pas disert ni exalté mais réaliste, d’une manière qui ne prête guè
541 disert ni exalté mais réaliste, d’une manière qui ne prête guère à la littérature. Au dernier stade de « sublimation », où
542 stade de « sublimation », où la pulsion sexuelle n’ est plus sensible, l’amour mystique va reprendre tout le langage de la
543 rche la fusion dans la divinité, et il « meurt de ne pas mourir » (Thérèse d’Ávila). Il est à l’amour du prochain dans le
544 nésique la recherche du bien de l’être aimé. Cela ne saurait s’appliquer au mariage, dont la seule fin est de donner des e
545 nous comme une information héréditaire. Personne ne saurait dire jusqu’à quelles couches profondes de l’humanité d’Occide
546 , d’« extase amoureuse », où les amants croient «  ne plus faire qu’un », tous ceux qui qualifient l’être aimé de « ma moit
547 isante, on aurait tort d’en inférer que les Grecs n’ ont pas connu le couple sombre Éros-Thanatos, amour et mort. Trois my
548 , avant même que les évangiles aient été rédigés, ne cesse de dénoncer dans ses épîtres le sacré tant juif que païen (hell
549 a proclamation que « tout m’est permis, mais tout n’ est pas utile » (Épître aux Romains) relative à l’ensemble des interdi
550 Christ, le système des tabous sexuels. L’Évangile n’ apporte aucun code, aucun système d’interdictions rituelles, pas une r
551 ques (la circoncision notamment). La vie sexuelle n’ y joue qu’un rôle quelconque, à peu près invisible et sans drame. (Par
552 efoulement ? Non, car la tentation correspondante n’ est pas sensible : la volupté ou la luxure ne figure pas au nombre des
553 ante n’est pas sensible : la volupté ou la luxure ne figure pas au nombre des tentations majeures que Satan fait subir au
554 ton prochain comme toi-même », cette foi nouvelle n’ a pas de livres sacrés sur l’amour. C’est cette absence totale de céré
555 mme le Christ a aimé l’Église. » D’autre part, il n’ hésite pas à écrire : « Celui qui n’est pas marié s’inquiète du Seigne
556 utre part, il n’hésite pas à écrire : « Celui qui n’ est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur
557 é et de la grâce, donc valorisé à l’extrême. Cela ne pouvait se produire — et en effet ne s’est produit — que dans la sphè
558 xtrême. Cela ne pouvait se produire — et en effet ne s’est produit — que dans la sphère d’influence du christianisme. Mais
559 Proche-Orient et de l’Occident, l’amour personnel ne semble avoir joué aucun rôle pratique, juridique, ni même psychologiq
560 eul « naturel » et « aussi vieux que l’humanité » ne donne encore que de malingres témoignages de son existence en Europe,
561 e pour nous le sentiment, le désir et la passion, n’ a pris ce sens qu’avec la poésie des troubadours. Cette poésie apparaî
562 le continent avec une surprenante rapidité. Elle ne ressemble à rien de ce qu’avaient connu le monde antique et le monde
563 (amour à la manière des cours seigneuriales), on ne peut croire qu’elle n’ait été que la trouvaille plus ou moins fortuit
564 s cours seigneuriales), on ne peut croire qu’elle n’ ait été que la trouvaille plus ou moins fortuite de quelques moines mu
565 ir, et nos mœurs, et nos arts, pour des siècles ? Ne serait-elle pas au contraire le signe d’une révolution plus générale
566 nt que, le corps étant vil, rien de ce qu’il fait ne saurait engager le salut : « Point de péché au-dessous du nombril ! »
567 e Notre-Dame. La grande innovation de la cortezia n’ est pas seulement d’avoir exactement inversé la doctrine de saint Paul
568 amoureux plus que de l’Autre tel qu’il est, qu’on ne rejoindra que pour mourir ; et même l’élan de l’hérésie ne manque pas
569 dra que pour mourir ; et même l’élan de l’hérésie ne manque pas : « Amour » vaut plus que la simple vérité, que le sacré s
570 comme chez les pharaons), mais que les évangiles ne mentionnent même pas, n’a jamais cessé d’exercer son empire sur nos s
571 , mais que les évangiles ne mentionnent même pas, n’ a jamais cessé d’exercer son empire sur nos sociétés, de la Grèce prim
572 on père vient de mourir et sa mère, Blanchefleur, ne survit pas à sa naissance, d’où le nom même du héros. Le roi Marc de
573 t les tournois dont la dame est le « prix ». S’il n’ en fait rien, ce n’est pas seulement par respect de son suzerain (déjà
574 la dame est le « prix ». S’il n’en fait rien, ce n’ est pas seulement par respect de son suzerain (déjà trompé en fait), m
575 able même s’il est fascinant comme une drogue. Et n’ est-ce pas d’une intoxication — le « vin herbé » servi par une « erreu
576 ureux parce qu’elle a dit un jour que « non, elle ne serait pas libre demain soir ». Elle est toujours la femme rêvée, la
577 se le plus souvent dans le roman contemporain, il n’ en reste pas moins celui qui affronte la mort d’amour, celui auquel so
578 nce comme à la lecture des romans, que la passion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure des résistance
579 re des romans, que la passion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure des résistances qu’elle rencontre.
580 bstacles, point de passion. « Les peuples heureux n’ ont pas d’histoire », dit le proverbe. Un couple heureux ne fait pas u
581 d’histoire », dit le proverbe. Un couple heureux ne fait pas un roman. L’histoire de l’amour passionné sera donc celle de
582 t subversif, anarchique, individuel de la passion n’ est jamais séparable de l’arrière-plan social, de même que le moment m
583 rière-plan social, de même que le moment mystique ne peut se détacher que sur un fond d’orthodoxie. « Entre deux êtres iso
584 fond d’orthodoxie. « Entre deux êtres isolés, il n’ y a pas d’amour possible », dit le héros de L’Homme sans qualités de R
585 Et il ajoute : Un amour peut naître par défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. I
586 i. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’ est pas un contenu de vie mais une négation, une exception faite à tou
587 tion quelque chose dont elle soit l’exception. On ne peut vivre d’une négation pure. Musil, ici, fait écho à l’épisode de
588 la passion par l’expression — sans laquelle elle ne pourrait pas s’entretenir (au double sens de ce terme) — s’est fait s
589 sage pastoral. Les amants, chevaliers ou bergers, ne sont plus que des soupirants. Et si la mort qu’ils appellent leur est
590 libératrice. Mais la dialectique cruelle du roman n’ est plus ici que coquetteries, et le combat du Jour et de la Nuit se r
591 its que L’Astrée. Mais, si le dur destin du mythe n’ y est plus que machine romanesque, faut-il incriminer la société du te
592 et ses coutumes, ou la littérature elle-même, qui ne serait qu’un sous-produit des mystiques créatrices de formes et de my
593 hes ? L’œuvre d’art, conçue et reçue comme telle, ne serait-elle qu’un substitut tardif du sacré, un phénomène de décadenc
594 ristan et Isolde de Wagner. Ici la mort par amour n’ est plus seulement métaphorique. Elle est appelée dans sa réalité à la
595 l que l’amour de Phèdre pour Hippolyte, dont elle n’ est que la belle-mère, soit présenté comme incestueux, donc absolument
596 e la servante Brangaine à Iseut : Vous aimez. On ne peut vaincre sa destinée : Par un charme fatal vous fûtes entraînée
597 ’il écrit : Ce que je puis assurer, c’est que je n’ en ai point fait [de tragédie] où la vertu soit plus mise en jour que
598 bons ménages mais, parmi les gens de qualité, je ne connais pas un seul exemple d’affection réciproque ni de fidélité. L
599 ’affection réciproque ni de fidélité. Le mariage n’ est donc plus un obstacle, les liens familiaux se relâchent, les derni
600 lités spirituelles sont incapables de passion. On ne parle plus que de « passionnettes », mais bien plus souvent de femmes
601 e ville après un siège en règle). Mais ces femmes ne sont plus objets d’adoration. Elles ont leur politique, leur stratégi
602 leur stratégie subtile. « Les femmes de ce temps n’ aiment pas avec le cœur, elles aiment avec la tête », dit l’abbé Galia
603 s lendemains qui geignent, l’homme du plaisir qui ne laissera qu’un souvenir de bonheur, quoi qu’en dise Dona Anna. Casano
604 na Anna. Casanova, dans ses Mémoires, se vante de n’ avoir laissé derrière lui que des femmes émues et heureuses. Il est vr
605 émues et heureuses. Il est vrai qu’aucune d’elles n’ a publié de souvenirs. Mais écoutons ce cri d’Adrienne Lecouvreur, qua
606 e marquis de Sade écrit ses œuvres en prison : il ne peut donc s’agir que de fantasmes, mais qui n’en sont que plus révéla
607 il ne peut donc s’agir que de fantasmes, mais qui n’ en sont que plus révélateurs de l’inconscient collectif du siècle et d
608 monotonie de l’obsession. Quant à ses valeurs, on ne saurait trop souligner qu’elles sont celles de la noblesse la plus ar
609 eure », simple objet des plaisirs du seigneur. Il ne retiendra pas les valeurs qui « obligent » la vraie noblesse féodale
610 ait écho : Quand on fuit la douleur, c’est qu’on ne veut plus aimer… Que Dieu me conserve cette douleur qui m’est indicib
611 lettre à Diotima : La passion de l’amour suprême ne trouve jamais son accomplissement ici-bas ! Mourir ensemble ! voilà l
612 alis, dans son journal intime : Notre engagement n’ était pas pris pour ce monde. Et dans les Hymnes à la nuit : Que ton
613 tive les puissances latentes du cœur plus qu’elle ne traduit leurs pulsions. On a vu le rôle créateur de la conduite passi
614 ivent de près la littérature, celle-ci à son tour n’ est jamais indépendante de la société et de ses structures de contrain
615 e élément considéré comme tabou : l’argent. Freud n’ a rien ajouté à notre idée de l’amour puisqu’en ramenant l’amour à l’É
616 our lui, l’amour « dont les poètes parlent tant » n’ est qu’une « prime de plaisir » donnée à l’acte sexuel, l’attrait sexu
617 laisir » donnée à l’acte sexuel, l’attrait sexuel n’ ayant « en somme pour profond motif que la nécessité de procréer pour
618 ’amour du prochain, désintéressé et même oblatif, n’ est en dernière analyse qu’une « variété » de l’attrait sexuel, alors
619 n chrétienne du monde, c’est l’attrait sexuel qui n’ est qu’un cas particulier de cet Amour cosmique et spirituel qui, selo
620 érotisation générale de la psyché européenne, qui ne caractérise pas seulement la Vienne de Freud, mais le Paris de la Bel
621 rale laïque autant que par l’Église, la sexualité n’ en a pas moins envahi les salons de la peinture bourgeoise, les théâtr
622 e, de Sacher-Masoch à Marcel Proust. Le freudisme n’ a nullement « déchaîné la sexualité » comme le répètent ceux qui l’att
623 ourgeoisie seule est responsable, et auquel Freud n’ a voulu que donner ses vrais noms. Le Vocabulaire de la psychanalyse d
624 la psychanalyse de J. Laplanche et J.-B. Pontalis ne comporte pas d’article sur le mot amour. En revanche, dans l’article
625 ation amoureuse de l’enfant, où le plaisir sexuel n’ est pas trouvé indépendamment, mais toujours en s’étayant sur la satis
626 u’il écrit (très proche ici de G. Bataille) : Il ne s’agit plus d’échapper au péché, mais d’intégrer l’érotisme à la vie
627 le bourgeoise est en pleine décadence. Ses tabous ne tiennent plus. Freud et tous les psychanalystes ont accrédité malgré
628 dans les mœurs, dans le langage, dans les livres, ne signifie nullement que la sexualité soit plus anarchique ou plus vigo
629 C’est seulement l’expression de la sexualité qui n’ est plus réprimée, ce qui signifie que la plupart des interdits sociau
630 Les romanciers savent bien que le roman véritable n’ est jamais qu’une version renouvelée de l’archétype courtois de Trista
631 s cherchent partout l’obstacle qui résiste et ils n’ en trouvent plus guère. L’Homme sans qualités de Robert Musil, qui déc
632 mental. Un psychanalyste l’eût guéri et le roman n’ eût pas été. Anticipant sur une évolution qui devrait logiquement cond
633 toute psychologie, ils peignent des tableaux qui ne représentent rien, composent de la musique qui n’exprime plus aucun m
634 ne représentent rien, composent de la musique qui n’ exprime plus aucun mouvement du cœur. Nouveau roman, peinture abstrait
635 e, musique concrète utilisent des instruments qui ne peuvent plus exprimer la passion mais seulement des combinaisons d’ob
636 siècle : L’amour est une maladie incurable qui ne peut trouver remède qu’en elle-même. C’est une condition délectable e
637 délectable et un mal que nous désirons. Celui qui n’ en est pas atteint ne souhaite nullement rester sain. Et celui qui en
638 que nous désirons. Celui qui n’en est pas atteint ne souhaite nullement rester sain. Et celui qui en souffre ne trouve auc
639 te nullement rester sain. Et celui qui en souffre ne trouve aucun plaisir à en être guéri. r. Rougemont Denis de, « L
15 1975, Articles divers (1974-1977). « Le sort des écrivains emprisonnés constitue un drame et un avertissement » (juin 1975)
640 e assimilé à une marque de folie ? Je pense qu’on ne lui refuse pas d’avoir une opinion mais on accepte mal qu’il l’affirm
641 firmer avec véhémence. Il est comme un soldat qui n’ accepte pas la discipline, se fait punir mais recommence quand même. I
642 s enfermé depuis longtemps et je me demande si je ne deviendrais pas fou réellement. Quand on vous dit que vous êtes seul
643 us demander : Mais en fin de compte est-ce que je n’ ai pas tort puisque tous les autres pensent autrement ? Et ce doute ré
644 rmait ces gens et on leur disait : vous prétendez n’ avoir jamais rien dit contre Staline mais l’autre jour dans votre somm
645 le pouvoir. Tandis que les écrivains emprisonnés ne représentent aucun danger politique. Ils représentent un danger diffé
646 dit : « Combien d’hommes seraient amoureux s’ils n’ avaient jamais entendu parler d’amour ? » Eh bien, cet amour que nous
647 un élément important de ses mœurs. Or cette façon n’ a pas été modifiée par les grands de l’époque, les seigneurs puissants
648 onditionnement. La révolution culturelle chinoise n’ a pas été autre chose qu’un immense conditionnement. Et sans doute lor
649 te lorsqu’on prend les gens par grandes masses on ne peut pas gouverner autrement. Cette « nécessité » d’écarter toute opp
650 our les écrivains. Aucun écrivain digne de ce nom ne peut accepter d’être l’objet d’un pareil conditionnement où on lui di
651 le mot de Picasso. L’idée de Picasso c’est qu’il ne peut y avoir de création que « contre » une société. Pour ma part je
652 e à être en opposition contre elle. D’ailleurs ça n’ a pas toujours été le cas : je pense à Racine et à Corneille qui étaie
653 t-nation comme ceux que nous connaissons, l’homme ne peut plus agir comme responsable. Et l’homme n’est libre que s’il est
654 e ne peut plus agir comme responsable. Et l’homme n’ est libre que s’il est responsable. C’est une vieille notion que l’on
655 la définition d’Aristote selon laquelle une cité ne devrait pas dépasser la portée de la voix d’un homme criant sur l’ago
656 l’homme peut faire entendre sa voix. Pour vous il n’ y a pas de nécessité à ce qu’un État moderne soit regroupé, donc plus
657 y a une nécessité, je leur demande laquelle. Rien ne nous oblige concrètement à avoir plus d’électricité demain qu’aujourd
658 que nous le voulons pour notre commodité. Mais il n’ y a aucune nécessité. Et c’est la même chose pour les États. Ils ont c
659 elle. Napoléon, ont imposée à la France. Les rois n’ avaient jamais pu réunir complètement la France qui fut longtemps comp
660 utres États ont imité cette organisation. Mais il n’ y avait aucune nécessité. Il y avait seulement la commodité des gouver
661 lus de prétention que leurs prédécesseurs. L’État n’ a que trois missions précises ; établir la justice, maintenir l’ordre,
662 s, en fait il se mêle de tout y compris de ce qui ne le regarde pas. Son rêve — et ce qui se passe en Union soviétique de
663 es gens. Même aux États-Unis où la radio et la TV ne sont pas aux mains de l’État le gouvernement dispose de toutes sortes
664 nous sommes encore dans une société où l’individu n’ est pas aussi directement menacé. Mais je vous rends attentif à un fai
665 ice et police ! Or quel mal fait Garry Davis ? Il ne veut pas de passeport, il a un passeport de citoyen du monde et il n’
666 port, il a un passeport de citoyen du monde et il n’ en veut pas d’autres. C’est un choix qui ne menace personne. Lorsqu’il
667 et il n’en veut pas d’autres. C’est un choix qui ne menace personne. Lorsqu’il était pilote de chasse et qu’il faisait to
668 s parce que dans le fondement de notre société ce n’ est pas la masse qui constitue l’unité de mesure mais l’individu. Part
669 ouvoir est concentré entre quelques mains — et on n’ a plus besoin d’être Napoléon pour être à la tête d’un État moderne —
670 en plus courant, de plus en plus dangereux. Et on ne devra pas s’étonner si, à la fin il ne reste plus, pour s’opposer au
671 eux. Et on ne devra pas s’étonner si, à la fin il ne reste plus, pour s’opposer au pouvoir, que l’écrivain, ce fou !!! 1
672 p de travail : depuis dix ans, Vladimir Boukovski ne connaît pas d’autres horizons. En janvier 1972 il a été encore condam
673 st celui d’avoir une opinion et de l’exprimer. Il n’ est pas dans la norme de la Russie d’aujourd’hui comme les Rosenberg —
674 vision nous rappelait récemment la fin tragique — n’ étaient pas dans la norme de l’Amérique des années 1950. Très justemen
675 es, était détenu dans la prison de Vladimir où il ne recevait aucune assistance médicale bien qu’il soit gravement malade.
676 dans la logique de son œuvre et de ses actes. On n’ a pas oublié qu’il avait pris publiquement la défense de l’un de ses a
16 1975, Articles divers (1974-1977). « L’État-nation, voilà l’ennemi » (1er juillet 1975)
677 )u v Le club de Rome a prévu le désastre, mais n’ a rien dit sur ses fauteurs. Or, le principe de la crise mondiale rési
678 e la planète et vivent dans la terreur que l’URSS ne les dépasse), gaspillage comme principe du commerce, entassement méga
679 é des unités exactement superposables, ce miracle ne durerait guère, pour la simple raison que la langue, les frontières p
680 , non de prestige, en fin de compte militaire. Je ne propose pas de renverser l’État-nation : nous péririons tous dans ses
681 cadres de l’État-nation périmés ; hors d’eux, il n’ est plus d’espace libre, il n’y a plus que l’avenir qui leur échappe.
682 és ; hors d’eux, il n’est plus d’espace libre, il n’ y a plus que l’avenir qui leur échappe. Pas question de détruire l’Éta
683 s question non plus de constituer des régions qui ne soient que des mini-États-nations, et qui prétendent imposer le carca
684 es de la réalité humaine. Les régions nécessaires ne sont pas ethniques d’abord, et encore moins économiques d’abord. La s
685 l’économie en général et le Budget en particulier ne font que traduire en chiffres les vrais choix et les priorités, non p
686 e recouvrer la dimension civique sans laquelle il n’ est pas une vraie personne, c’est le problème central de notre temps.
687 yant pour extension le territoire de sa réalité — ne naîtront pas de nos modèles, mais bien de la nécessité de recréer des
688 lité et un changement de finalité. Je sais qu’on ne manquera pas de me dire, comme certains l’ont fait à Berlin : « Votre
689 t plus de mal au tiers-monde qu’aux Européens. Ce n’ est pas peu dire ! Il est grand temps de le dépouiller de son prestige
690 même coup, les régions locales. Or l’État-nation ne veut ni des unes ni des autres. »
17 1975, Articles divers (1974-1977). « Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations » (septembre 1975)
691 « Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations »
692 de petits États-nations » (septembre 1975)w x Ne risque-t-on pas de remplacer un chauvinisme national par un chauvinis
693 vinisme national par un chauvinisme régional ? Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations. C
694 abord une révolution complète : les gouvernements ne se mettront jamais à genoux devant les régions. Au pire — au mieux —,
695 se chaque jour dans le lac, au point que la lotte n’ est plus comestible. Les concentrations deviennent, aujourd’hui déjà,
696 diverses. Il faut que tout le monde s’y mette. Il ne faut pas laisser un gouvernement répondre à un autre qu’il n’est pas
697 laisser un gouvernement répondre à un autre qu’il n’ est pas question de coopérer parce que, en temps de guerre, on serait
698 Verbois-ou-de-pas-Verbois-nucléaire, parce qu’on ne me fera pas croire que la frontière arrêterait les effets d’un accide
699 s neutrons… Il y a des problèmes d’éducation : il n’ est pas tolérable que des enfants de travailleurs étrangers ne dispose
700 lérable que des enfants de travailleurs étrangers ne disposent pas du même droit à la formation professionnelle que les Su
701 français enseignent en Suisse, mais la réciproque n’ est pas possible). Il faut, au besoin, créer des équipes de travail pa
702 universités doivent être uniformisés. Même cela, n’ est-ce pas déjà une manière de sédition ? Il y a des centaines de chos
703 s qu’on peut faire ensemble et pour lesquelles on n’ a pas besoin d’autorisations. Si vous demandez à d’autres le droit d’ê
704 s au mot. Car après tout, sans responsabilité, il n’ y a pas de civisme, pas de participation du citoyen aux affaires publi
705 égion. w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations »,
18 1976, Articles divers (1974-1977). Message de M. Denis de Rougemont (1976)
706 lui à la fin de sa vie, je trouve ces mots qu’on ne saurait souhaiter plus éclairants et qui servent de titre à son deuxi
707 , je souligne cette phrase : L’unité de l’Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des institutions : leur c
708 arcourt lentement ». On sent bien ici que Schuman n’ a jamais eu en réalité à « interrompre sa méditation pour passer à l’a
709 que sa méditation s’est poursuivie en création et n’ a cessé de soutenir son action. Voilà pourquoi cet homme d’État d’all
710 édérale en s’y avançant le premier. Et certes, il n’ a jamais entretenu l’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il m’
711 ce serait une démission, voire une abdication qui ne trouverait plus personne pour l’accepter, je le crains. Parce qu’il n
712 rsonne pour l’accepter, je le crains. Parce qu’il n’ y aurait plus même d’Européens. z. Rougemont Denis de, « Message de
19 1976, Articles divers (1974-1977). L’Europe, l’été [préface] (1976)
713 1) et Varsovie, le plus délibérément novateur (on n’ y donne que de la musique d’aujourd’hui). Et les pointes d’une grande
714 ées. Quelle ville de nos pays, grande ou moyenne, n’ a-t-elle pas essayé de lancer son festival, de pousser sa petite note
715 nde rumeur musicale de nos étés européens ? Si je n’ en ai nommé qu’une trentaine, c’est parce qu’il s’agissait des « grand
716 verture d’un « concert des Nations ». En fait, on n’ entendit qu’une cacophonie en crescendo perpétuel et le bruit des cano
717 les moyens de sortir de leur isolement, mais ils ne trouvaient pas de formule efficace. Un beau jour de 1950, Igor Markev
718 pécifique du génie propre de l’Europe. La musique n’ aidera pas à résoudre les problèmes de l’union politique de nos peuple
719 cteurs de festivals européens. ⁂ Si l’association n’ avait rien fait d’autre que d’offrir aux directeurs des plus grands fe
720 al dans la société d’aujourd’hui. Cette réflexion n’ a pas cessé de revenir sur quelques thèmes majeurs que je voudrais ind
721 s Amériques précolombiennes ou de l’Afrique, vous ne trouverez l’équivalent de cette formule et de ses surprises, calculée
722 es surprises, calculées ou non, pas plus que vous ne trouverez l’équivalent de notre peinture de chevalet ou de nos portra
723 festivalienne me paraît typiquement occidentale, ne fût-ce que par les antinomies qu’elle embrasse, les paradoxes et les
724 mative, plutôt que réaliste et descriptive. (Mais n’ est-ce pas le fait de toute définition, et son utilité majeure ?) De p
725 té majeure ?) De plus, on a fait observer qu’elle ne tenait pas compte assez expressément de l’élément touristique et des
726 d’ailleurs vrais — sur « la musique, langage qui ne connaît pas de frontière », il y a cette réalité de demain, la région
727 vales, la région élément organique d’un monde qui ne connaîtra plus les frontières nationales dessinées par les diplomates
728 ologie. Pas un seul festival de notre association n’ est « national », soulignons-le : régionaux ou municipaux, chacun d’eu
729 rticulier, mais bien par une certaine manière qui n’ est qu’à lui de mettre en œuvre et d’accueillir la musique d’hier et d
20 1976, Articles divers (1974-1977). Histoire et prospective de l’identité européenne (1976)
730 quelle est votre discipline ? Quand on sent qu’on ne peut pas répondre facilement à une question toute simple, comme celle
731 elle est bien plus complexe que celui qui la pose ne le croyait. Avant donc d’essayer de nommer ma discipline, posons-nous
732 te et achevée, ou bien en train de se défaire. Ce n’ est pas une forme idéale à rejoindre, ni quelque chose qui aurait exis
733 ément) et leurs manières de vivre. Et ce problème ne se pose pas dans l’espace vide de la théorie intemporelle. Il nous es
734 ion d’énergie et pour leur défense nationale. lls n’ ignorent pas que E = mc2 a donné la victoire militaire aux USA et perm
735 ’État, mille fois plus que la recherche appliquée ne peut rendre en deux ans pour l’industrie. Vous voyez que la recherche
736 endre ce que cela signifie d’être un Européen. Ce n’ est pas un métier ni même une profession. C’est une manière d’être hom
737 Cette culture peut périr demain, si les Européens ne la vivent plus, perdent le sens de ses valeurs créatrices. Nos grands
738 t fini ! » Comme si ceux qui écrivent ces slogans n’ en étaient pas, de cette Europe qu’ils jugent finie ! L’agonie qu’ils
739 isants, c’est la leur ! Ils sont bien les seuls à ne pas le voir ! Et c’est le moment que vous choisissez pour me poser vo
740 uième anniversaire du Conseil de l’Europe. Ce qui ne prouve d’ailleurs pas que mon sujet soit « sérieux » du point de vue
741 toute une civilisation, dont le monde académique n’ est qu’une partie, certes précieuse, mais englobée, non englobante. Se
742 comprennent dès la première heure que tout cela «  ne les mène à rien », sauf à la connaissance de l’Europe en soi et pour
743 le meilleur des cas. lls choisissent vite. S’ils ne veulent qu’un job, ils ne reviendront plus. S’ils se cherchent et se
744 choisissent vite. S’ils ne veulent qu’un job, ils ne reviendront plus. S’ils se cherchent et se veulent européens, ou non,
745 elé récemment, ici même, après Jouvenel, que nous ne pouvons connaître que le passé, sans pouvoir le changer, alors que no
746 le passé, sans pouvoir le changer, alors que nous ne pouvons modifier que l’avenir, mais sans pouvoir le connaître. Or, si
747 ra donc historique. Et dès lors, votre discipline ne serait-elle pas tout simplement une histoire des idées en Europe, sur
748 e, sur l’Europe et pour l’Europe ? Oui, mais cela ne dit pas tout, il s’en faut ! Car notre enseignement ne se réduit pas
749 t pas tout, il s’en faut ! Car notre enseignement ne se réduit pas à la transmission d’un savoir, s’il y voit son premier
750 e, sur les problèmes de l’Europe, est-ce que cela ne vous condamne pas à l’européocentrisme ? Vous en êtes parfois accusé.
751 e chose « d’objectif » et « d’universel », et qui ne dépend ni des concepts de la Grèce antique ni des définitions théolog
752 toute notre culture. Croyez-vous que l’Université n’ est pas intéressée au premier chef à la survie de cette culture ? 20
21 1976, Articles divers (1974-1977). Changer de cap (novembre 1976)
753 mbre 1976)ab Ce que l’on appelle « politique » n’ est en général qu’une tactique partisane, mais ce qui m’intéresse est
754 s heures pour quelques-uns. Étrange pari. Moi, je ne le tiendrais pas… » 2. Si les clients prévus, dont l’heure est si pr
755 utes pour éviter le chômage des carrossiers (pour ne rien dire des chirurgiens, des assureurs, etc.) ? Les Américains se s
756 plus dangereux et allant toujours plus vite vers n’ importe quoi. » Des objets toujours plus grands exigent en effet des m
757 et des communautés locales. Personne, je le sais, ne viendra dire devant un parlement ou dans une assemblée populaire que
758 orce des vents, lumière et chaleur du soleil (qui ne souffrent pas la centralisation, c’est pourquoi nos États les décrien
759 t à nous laisser conduire toujours plus vite vers n’ importe où, nous décidons de reconquérir notre autonomie personnelle,
760 finies, de très profondes remises en ordre. Et je ne dis pas qu’en alertant les énergies qui sont en nous nous pourrions a
761 oncorde apparaîtraient tout à fait incongrues. Je ne dis pas qu’en nous confiant de plus en plus à nos énergies intérieure
762 ance et la SNIAS publient que l’arrêt de Concorde ne mettrait au chômage (très provisoire) que 2500 ouvriers. ab. Rougem
22 1977, Articles divers (1974-1977). Souvenir de 1938 (1977)
763 en train de sortir mes uniformes d’une malle. Je ne trouvais pas de « sujet national » à la mesure des événements — et de
764 Je demandais quelques jours « pour réfléchir » et n’ en fis rien, certain qu’avant le terme fixé, la catastrophe réglerait
765 essage secret qu’il envoie à la Diète, et dont on ne connaît que le résultat : la paix sauvée, « comme par miracle », dise
766 mental des prophètes et des psalmistes. Nul autre ne possède, dans notre tradition, cette violente simplicité qui peut s’a
767 Tout cela crée l’appel au musicien — et celui-ci ne peut être qu’Honegger. Je vais le voir à Paris. Je ne le connaissais
768 eut être qu’Honegger. Je vais le voir à Paris. Je ne le connaissais pas. En pleine gloire, à 46 ans, il vient d’écrire Jea
769 quinze ans son cadet, inconnu du grand public, je ne lui apporte rien qu’une commande peu munificente. Je lui en résume le
770 es. » Cette espèce d’harmonie préétablie, comment ne pas admettre après coup qu’elle ait gouverné dans le fait plusieurs s
771 On a écrit que si l’oratorio Nicolas de Flüe «  n’ est pas devenu populaire » c’est que « ce pacifiste était inopportun e
23 1977, Articles divers (1974-1977). Les débuts de la construction européenne (1977)
772 ture du phénomène, la Construction européenne. Il n’ est que juste et décent d’ajouter que sans le plan Marshall, proposé a
773 inistré par l’OECE, rien de tout ce qui va suivre n’ eût été possible. Il s’agit là d’un fait patent et mesurable : dans le
774 : tous ces génies prônés par l’université moderne n’ auraient-ils été « utopiques » que sur un seul sujet, l’Europe ? Mais
775 que sur un seul sujet, l’Europe ? Mais les États ne font qu’accroître leur prétention à la souveraineté absolue : elle ét
776 nationales ». Cette fausse habileté diplomatique n’ empêchera même pas la plupart des États de rejeter le projet au nom pr
777 ’ils estiment menacée par toute forme d’union qui ne soit pas purement verbale. Pour le meilleur et pour le pire, c’est ce
778 une étape décisive dans l’évolution de l’Europe, n’ ont pas été conçues ex nihilo, ni formulées pour la première fois dura
779 inistres de gouvernements éphémères, sans vision, ne pourront rien faire pour l’Europe. Si pourtant quelque chose se fait,
780 ui demandent des mesures « d’union plus étroite » ne limitant en rien les souverainetés nationales, et celle des fédéralis
781 sel, dans les six mois, un parlement européen. On ne retint que l’idée d’une assemblée dont les membres seraient élus par
782 les mesures économiques. Les thèses fédéralistes ne triomphèrent que dans les résolutions proposant la création d’un Cent
783 rties et le groupe de pression à pied d’œuvre, il ne restait plus qu’à trouver les hommes d’État capables de faire passer
784 , élue par les parlements et non par les peuples, ne pourrait rien contre un Comité de ministres, représentant les souvera
785 s nationales, et de la sorte, condamné lui-même à ne rien faire de vraiment neuf. Toutefois, le secrétariat du Conseil et
786 xelles, en février 1949, un congrès politique qui ne marqua pas de grands progrès sur La Haye, mais lui valut l’adhésion d
787 difficultés communes à résoudre en commun »29. Ce n’ était pas une réforme, mais une révolution. On peut penser que c’est à
788 élébrant l’anniversaire de la Déclaration Schuman n’ hésite pas à titrer : « Neuf mai, le jour où l’Europe est née ! » Comm
789 si l’Europe se limitait aux Six, comme si les Six n’ étaient rien de plus que des producteurs et des consommateurs de charb
790 et de ses collaborateurs — dont aucun jusqu’alors n’ avait participé aux mouvements de militants — consistait dans l’applic
791 s congrès, si riche en initiatives enthousiastes, n’ avait créé, en fait, que le Conseil de l’Europe, dont les capacités de
792 uoi qu’il en soit, les parlements de cinq des Six ne tardèrent pas à ratifier le projet français (1992 et 1953) ; mais en
793 rès la formation de la CECA nul progrès politique n’ ait été accompli, paraît de nature à confirmer le diagnostic des fédér
794 e à confirmer le diagnostic des fédéralistes : on ne peut fonder l’union des Européens sur cet obstacle majeur à toute uni
795 t de l’Extrême-Ouest, comment se fait-il que rien n’ ait été fait, que rien ne se fasse ? Dans l’état actuel de notre socié
796 ment se fait-il que rien n’ait été fait, que rien ne se fasse ? Dans l’état actuel de notre société, les gouvernements seu
24 1977, Articles divers (1974-1977). Robert Schuman (1886-1963) : l’homme de la frontière (1977)
797 77)ae af Cet homme dont on a pu écrire « qu’il n’ avait l’air de rien », qu’il entrait dans la salle du parlement « comm
798 on son passeport. Inapte au service militaire, il ne sera mobilisé qu’au titre « d’employé auxiliaire » d’une sous-préfect
799  d’employé auxiliaire » d’une sous-préfecture. Il n’ a donc jamais porté le casque à pointe, comme le lui reprocheront sans
800 accord contre l’Europe. En vérité, Robert Schuman n’ est de naissance et de tradition ni français ni allemand, mais mosella
801 populaires — qui sera le MRP de la Libération —, n’ est-ce pas surtout parce que c’est le parti qui affirme le plus claire
802 années d’occupation, sans jamais le découvrir. Il n’ en sera pas moins l’un des premiers à proposer, à la Libération, une p
803 franco-allemande dont même la démence hitlérienne n’ a jamais réussi à le faire désespérer. Réélu député de la Moselle dès
804 ale Car la politique qu’exprime le second membre ne résulte nullement de l’évaluation plus ou moins « réaliste » des inté
805 mai 1950, montre une fois de plus que l’Histoire n’ est pas faite par « les masses » mythiques, mais bien par des personne
806 n Plan Monnet ? Il est certain que la Déclaration n’ a pas été rédigée par Schuman, mais par l’équipe de Jean Monnet, dont
807 toute l’attention qu’il méritait », autrement dit n’ y répond pas : il n’est pas motivé par le même passé. Et voilà qui per
808 ’il méritait », autrement dit n’y répond pas : il n’ est pas motivé par le même passé. Et voilà qui permet de résoudre par
809 lui à la fin de sa vie, je trouve ces mots qu’on ne saurait souhaiter plus éclairants, et qui servent de titre à son deux
810 , je souligne cette phrase : L’unité de l’Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des institutions : leur c
811 nement des esprits. On sent bien ici que Schuman n’ a jamais eu, en réalité, à « interrompre sa méditation pour passer à l
812 que sa méditation s’est poursuivie en création et n’ a cessé de soutenir son action. Voilà pourquoi cet homme d’État, d’all
813 édérale en s’y avançant le premier. Et certes, il n’ a jamais entretenu l’illusion qu’il irait lui-même jusqu’au but. Il m’
25 1977, Articles divers (1974-1977). Hérétiques de toutes les religions, unissez-vous ! (1977)
814 dernisme catholique, ni le libéralisme protestant ne pouvaient constituer les noyaux durs d’une résistance à l’hitlérisme
815 ais je relis les onze numéros de notre revue : il n’ y est jamais question d’orthodoxie ! (Sauf une fois : pour nier que no
816 vous saurez ce que nous pensions alors. La vérité ne pouvait être à nos yeux quelque chose d’édicté, de codifié, d’enregis
817 le était quelque chose, disions-nous, « dont nous ne sommes pas les auteurs, mais dont l’essence même implique notre effor
818 une vérité générale… » Et par « existence » nous ne pouvions entendre que « décision concrète… dans l’instant, hic et nun
819 instant, hic et nunc. » Nous disions encore : Il ne s’agit pas de la concordance littérale de nos propositions théologiqu
820 ssages cités sont justement d’Henry Corbin. Et je n’ en trouve pas qui expriment mieux notre attitude commune d’alors. ⁂ Ap
821 ccueille à Ferney l’exclamation de l’ami retrouvé ne marque aucune rupture avec notre passé, ni encore moins mon ralliemen
822 fka. Sohrawardi écrit : « Lis le Coran comme s’il n’ avait été révélé que pour ton propre cas. » Kierkegaard écrit : « L’Év
823 justice. Elle est ouverte, mais le pauvre paysan n’ ose la franchir, à cause des deux farouches gardiens qui se tiennent a
824 qu’au jour où il dit à l’un d’eux : Mais personne n’ est jamais entré ni sorti, depuis des mois que j’attends ici ! À quoi
825 e j’attends ici ! À quoi le gardien répond : Elle n’ était là que pour toi. Maintenant, il est trop tard, nous la fermons.
826 op tard, nous la fermons. Nous pressentions qu’il n’ y a de porte que pour celui qui osera la franchir, à tous risques, san
827 sques, sans laissez-passer d’aucune sorte ; qu’il n’ y a de sens que pour celui qui se met en marche, et que la vraie voie
828 ie unique ». Elle peut signifier aussi bien qu’il n’ y a qu’une vraie voie, qu’une vérité viable, la même pour tous, à la f
829 re qu’il y a pour chacun une voie, une vérité qui ne vaut que pour lui seul, particulière et subjective. La « voie unique 
830 le par tous, en tout lieu et tout temps, et qu’on ne saurait violer sans s’égarer ; — ou au contraire une forme d’exister
831 contraire une forme d’exister sans précédent, qui ne peut être décrite ni prescrite mais seulement vécue, et une seule foi
832 dogmatiques imposés par les pouvoirs totalitaires ne m’intéressent pas dans ce contexte. Note 2. Si, comme le veulent les
833 érésie le « choix personnel d’une opinion », rien n’ empêche en principe le « choix personnel » de se porter sur la « droit
834 x personnel » est un sentier imprévisible ; et ce n’ est pas aux ponts et chaussées ni à la police de la route qu’il faut s
835 é. Dans ce second sens, le témoignage de l’esprit ne consiste nullement à réitérer ce qui est vrai pour n’importe qui, et
836 onsiste nullement à réitérer ce qui est vrai pour n’ importe qui, et encore moins à s’y conformer en s’y forçant comme dans
837 érésie en leur sens littéral, s’évanouissent : il n’ y a plus de contradiction entre l’orthologie et l’autologie, la premiè
838 é et vocation, entre universel et unique. Mais ce n’ est peut-être qu’une question de tempérament. Selon que l’on relève du
839 ère sur mon sentier », dit le psalmiste. La lampe n’ éclaire que le terrain où je m’avance, ce chemin qui commence à mes pa
840 chemin qui commence à mes pas. L’homme de la foi ne suit sa voie qu’en la frayant, « sentier étroit », dit le Bouddha, et
841 ure, en sorte que toi seul puisses y passer. Elle n’ est pas ouverte à l’avance : tu l’ouvres en osant la franchir tel que
842  hérétiques », vous unir dans vos unicités ? Cela ne se fera jamais dans aucun Siècle, mais seulement en chemin vers le vr
843 ous, et en Lui seul. D’ici là, l’Église véritable ne saurait exister que dans l’attente ardente et dans cette anxieuse esp
26 1977, Articles divers (1974-1977). La nature du pouvoir (9 octobre 1977)
844 La nature du pouvoir (9 octobre 1977)am an Je ne sais si c’est un très bon choix de m’avoir demandé d’ouvrir les débat
845 ce, et le sens du pouvoir en Suisse. En Suisse on n’ a pas du tout l’idée de la majesté du pouvoir, ni celle de renverser l
846 du pouvoir, ni celle de renverser le pouvoir. On ne parle simplement pas du pouvoir, et il y a là deux mots complètement
847 et dans notre histoire suisse. Le sens du pouvoir n’ est pas le même, et la différence excède le simple cas de ces deux pay
848 . S’agissant de définir le pouvoir, Jeanne Hersch n’ a pas prétendu faire beaucoup plus que tous les auteurs, qui ont essay
849 là. Nous le trouvons en venant au monde ; et nous n’ y pouvons rien. Nous n’avons nul besoin de nous l’expliquer pour le su
850 venant au monde ; et nous n’y pouvons rien. Nous n’ avons nul besoin de nous l’expliquer pour le subir. Ceci me rappelle u
851 eu, gêné : « Les accidents de chemin de fer, cela ne s’explique pas, ça se sent. » C’est évidemment parce que le pouvoir n
852 se sent. » C’est évidemment parce que le pouvoir ne se sent que trop de nos jours, et que cela s’accompagne d’un sentimen
853 ouvrage de Bertrand de Jouvenel : Du Pouvoir — il ne s’agit pas d’opposer une condamnation impuissante du pouvoir comme te
854 condamnation impuissante du pouvoir comme tel. Il ne suffit pas, non plus, d’essayer de le renverser, de « prendre le pouv
855  », comme le dit l’expression consacrée, car nous ne savons que trop à quoi cela mène : ceux qui croyaient prendre le pouv
856 ait, une fois pour toutes, de sa souveraineté. Ce n’ est donc ni l’anarchie, ni la révolution à la mode des siècles dernier
857 toutes les révolutions bourgeoises, jusqu’alors, n’ avaient fait que renforcer l’État et la police, c’est-à-dire que l’Éta
858 it dénoncé quelques mois plus tôt. Je pense qu’il n’ y a qu’un moyen d’opposer le pouvoir de liberté au pouvoir de l’État d
859 voir de l’État devenu extérieur à nous-mêmes, qui n’ est pas de supprimer toute espèce de pouvoir, mais de distribuer le po
860 le pouvoir est, aussi, dans la liberté, et qu’on ne peut concevoir la liberté sans l’intervention du pouvoir. La formule
861 s et demande de précisions de Jeanne Hersch :] Il n’ y a pas vraiment d’opposition entre ce que vous avez dit plus longueme
862 nd de Jouvenel dans son livre Du Pouvoir, dont je ne me lasse pas de citer cette phrase : « Le pouvoir est lié à la guerre
863 ociété veut borner les ravages de la guerre, elle n’ a d’autres moyens que de borner les facultés du pouvoir. » am. Roug
27 1977, Articles divers (1974-1977). La puissance et les choix (mai 1977)
864 ns la communauté. Comment se sentir libre si l’on n’ est responsable de rien ? Et comment serait-on responsable si l’on n’e
865 e rien ? Et comment serait-on responsable si l’on n’ est pas libre de ses actes ? N’allons pas croire pourtant qu’entre le
866 esponsable si l’on n’est pas libre de ses actes ? N’ allons pas croire pourtant qu’entre le besoin de puissance à tout prix
867 pulsions contraires coexistent en nous, personne n’ est jamais ni tout l’un ni tout l’autre. Et il n’existe pas non plus d
868 n’est jamais ni tout l’un ni tout l’autre. Et il n’ existe pas non plus de liberté réelle sans nulle puissance, ni de puis
869 e libre discussion. Le choix proprement politique n’ exclut pas telle partie du réel, mais déclare une priorité, une fin à
870 que le parallélisme inversé entre les deux choix n’ est pas exact. Le choix de la liberté ménage plus de possibles. Si en
871 vous choisissez les moyens de la puissance, vous n’ avez plus de liberté. Mais si vous choisissez les moyens de la liberté
872 si vous choisissez les moyens de la liberté, vous n’ aurez peut-être plus besoin de la puissance. Choisir les centrales nuc
873 pays, tout en jurant qu’elles sont inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin que possible de leur capitale. Les advers
874 oire humaine. Il est non moins clair que personne n’ a jamais osé dire, ni même laissé entendre, que le choix solaire est l
875 in, la confiance dans le prochain. Notre problème n’ est pas des moyens et des fins, car les fins seules dicteront leurs mo
876 e qu’il faut voir, c’est que le but de la société n’ est pas du tout d’assurer à quelques-uns la rentabilité de leur entrep
877 ur personne. Le problème des centrales nucléaires n’ est pas technologique, même pas économique, et il est encore moins fin
878 , elle est perdue. Quand les centrales nucléaires ne présenteraient aucun danger, quand elles s’avéreraient rentables, qua
879 nce des États-nations, estime Denis de Rougemont, n’ est jamais plus grande que lorsqu’ils déclarent que cette puissance es
28 1977, Articles divers (1974-1977). Du passé à l’avenir d’une région (27 juin 1977)
880 s inter-relations complexes, souvent paradoxales, ne sont d’ailleurs pas l’exception, mais plutôt la règle, parmi les peti
881 n-le-parle. Inutile d’insister : les deux clichés ne sont rien de plus que des clichés. Il y a chez le Vaudois une bonhomi
882 aux, banquier genevois… Qu’on m’entende bien : je ne limite pas « l’esprit romand » à ses expressions littéraires, philoso
883 iens d’évoquer les diversités les plus frappantes n’ ont acquis le sentiment de former une entité qu’à la faveur de leur ra
884 1815, 1848) à la Confédération helvétique, et ils ne doivent leur « esprit » commun qu’à la dominante protestante (sensibl
885 ne et indivisible. Second fait : l’entité romande n’ a pas existé de tout temps, comme la plupart de nos compatriotes l’ima
886 t vaguement. Elle est relativement récente, et il ne serait pas raisonnable de penser qu’elle va se figer désormais dans s
887 ces conflits sont apaisés de nos jours, voilà qui n’ est pas dû seulement au long travail de l’œcuménisme dans les Églises,
888 ique, cependant que la proportion des protestants ne cesse d’augmenter dans les cantons à dominante catholique. Ce phénomè
889 cir les frontières et de les fermer plus qu’elles ne l’ont jamais été dans toute l’histoire européenne. Et que devient pen
890 r et appelle une série de développements que rien n’ eût permis de prévoir il y a un demi-siècle. La fermeture progressive
891 Neuchâtel et de Besançon. Sans qu’à aucun moment ne soit remise en question l’irréversible et inconditionnelle fidélité c
892 ansfrontalière car chacun sait que les pollutions n’ ont jamais été arrêtées par les douaniers, ni par la ligne de démarcat
893 vice versa, définissent une région économique qui ne recouvre pas les deux autres et reste susceptible de variations rapid
894 ois petits ouvrages dans cette langue — dont nous ne connaissons plus guère que quelques expressions patoisantes et les pa
895 s patoisantes et les paroles du Cé qu’è lainô. Il n’ en reste pas moins remarquable que l’extension d’une langue oubliée, c
896 n ! (Tout au moins avant l’ouverture de Satolas.) N’ y aurait-il pas, entre les fondements séculaires de la culture et notr
897 s brillants théoriciens et nos robustes réalistes n’ auraient jamais osé l’imaginer ? Le secret de notre avenir ne serait-i
898 jamais osé l’imaginer ? Le secret de notre avenir ne serait-il pas enfoui au plus profond de notre histoire oubliée ? 3
899 La Suisse romande est l’expression moderne — elle ne date guère que de la seconde moitié du siècle passé — d’un complexe d
29 1977, Articles divers (1974-1977). « Il faut changer de cap » (27 septembre 1977)
900 faire ?”. À ces deux questions, curieusement, il n’ est qu’une réponse possible et c’est : “Toi-même !” » Voilà, en ces te
901 s menacent et que l’auteur dénonce lucidement, on n’ est certes pas obligé d’apporter les mêmes réponses, mais on doit conv
902 evoir augmenter d’une manière indéfinie. Or, elle ne peut pas augmenter d’une manière infinie dans un monde fini. Nos ress
903 ussi épuisé, pense-t-on, en trente ans. Qu’à cela ne tienne, disent les technocrates, nous ferons des centrales au plutoni
904 re. Vous parliez d’agression contre la nature. Il n’ y a pas que la pollution par l’industrie. Pour moi, la pollution majeu
905 on à tous vos problèmes dans la régionalisation ? N’ allons pas trop vite ! Je constate, en historien, qu’à l’origine de no
906 réativité intellectuelle, etc. sauf un seul : ils ne peuvent pas faire de grandes bêtises, c’est-à-dire de grandes guerres
907 mment pourrions-nous aboutir à ces solutions ? Je ne pense pas que les hommes vont devenir sages dans les dix années décis
908 révolution vers une nouvelle forme de progrès. Je ne propose pas la violence qui aboutit toujours à des régimes policiers,
909 ral de la civilisation et de la société politique n’ est pas la puissance des collectivités, mais la liberté des personnes.
30 1977, Articles divers (1974-1977). Au tableau d’honneur de Parents : L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)
910 aravents de nos inerties intellectuelles quand ce n’ est pas de nos lâchetés morales. » C’est ainsi que Denis de Rougemont,
911 teak qu’on lui a promis dès les années 1950. » Ce n’ est qu’un aspect ! Mais nous sommes libres aussi de réagir, « de retro
912 n défi à la jeunesse du monde. Denis de Rougemont n’ est pas un prophète. Son livre ne raconte pas une fiction. Il constate
913 nis de Rougemont n’est pas un prophète. Son livre ne raconte pas une fiction. Il constate. Sévérité du moraliste, tristess
914 ais. Tout est possible mais il faut choisir. » Ce n’ est pas un homme à renoncer. Son acharnement à défendre l’Europe, et à
915 aine doit renaître Et pourtant ! les occasions ne lui ont pas manqué de renoncer à sa foi dans l’humanité. En 1936, il
916 humaine est arrivée à une crise majeure. Si elle ne se ressaisit pas, si elle renonce à intervenir, alors elle signera sa
917 on avenir, grâce à la technique. Les catastrophes ne tombent plus du ciel, elles viennent de nous. Mais les hommes ont enc
918 n commence à y revenir aujourd’hui. Plus personne ne nie la nécessité de recréer des petites unités. C’est le refrain de t
919 e, en Scandinavie. Et nous y venons en France. Ce n’ est pas un hasard ! Un architecte grec contemporain, Doxiadis, qui éta
920 fin de sa vie à la conclusion que la ville idéale ne doit pas dépasser 50 000 habitants. C’est fantastique, vous comprenez
921 i les villes dépassaient 100 000 habitants, elles ne seraient plus gouvernées par les citoyens, que ces derniers ne pourra
922 lus gouvernées par les citoyens, que ces derniers ne pourraient plus se réunir sur l’agora, le forum, que c’en serait fini
923 re. Mais, d’ores et déjà, une chose est sûre : on ne pourra bâtir des centrales qu’à l’abri d’un rideau de CRS, donc dans
924 l’État doit être dessaisi des pleins pouvoirs. Ce n’ est qu’en décidant de reprendre leur destin en main à l’échelon local
925 e que ce qui existe a toujours existé et que nous n’ y pouvons rien changer. Elle fait des citoyens pour ce qu’on veut, et
926 obligés de s’incliner Mais Denis de Rougemont ne se contente pas d’imaginer. Pendant quinze ans, il a organisé des sta
927 cassantes. Mais, convaincu qu’« une vraie société n’ est rien d’autre qu’une dimension de la personne », il prône la plus p
31 1977, Articles divers (1974-1977). Denis de Rougemont : le retour d’un hérétique (3 octobre 1977)
928 de redevenir un penseur à la mode ? La mode ? Je ne sais pas très bien ce que c’est ! Tout de même, avec la naissance d’u
929 t car ça fait toujours plaisir de constater qu’on n’ a pas parlé dans le vide. Mais, parmi tous ceux qui défendent aujourd’
930 ns d’un slogan que d’un appel au bon sens. Car il ne faut pas s’y tromper : ou bien notre mode de développement continue s
931 à d’autres —, on sait désormais que le pire, s’il n’ est pas sûr, est en tout cas probable. Or, actuellement, il n’y a guèr
932 r, est en tout cas probable. Or, actuellement, il n’ y a guère que les écologistes pour percevoir et pour essayer de préven
933 ue pour vous, fascisme, stalinisme et libéralisme n’ étaient alors que les variantes d’une même tendance productiviste… Abs
934 elle, finalement, cette critique de la croissance n’ est qu’un luxe de nantis ? Après tout, le club des pays industrialisés
935 plutôt restreint et les deux tiers de l’humanité n’ en font pas partie… C’est un sophisme. Car si les deux tiers de l’huma
936 ile mais aussi par les embouteillages. Tant qu’il n’ aura pas l’un et l’autre, il se sentira frustré, exclu. Je pense donc
937 absurdes », ont calculé que, si notre démographie n’ était pas maîtrisée, il suffirait de quelques siècles pour que chaque
938 anète soit occupé par une dizaine d’individus. On ne pourra même plus s’allonger… L’autre grande critique que vous avez ét
939 outer ? Les États, qui sont des entités absurdes, n’ en finissent pas de se multiplier, de fortifier leurs frontières et de
940 sous-sol, de langue, de culture ou de région. Il ne faut pas s’étonner si les économistes ont tant de mal à faire fonctio
941 polluer, et d’une manière dramatique. Or personne ne se décide à intervenir car son administration relève de deux souverai
942 oi, des thèmes très étroitement liés. En face, il n’ y a que des illusions « stato-nationales ». Il est plaisant d’observer
943 erre au-dehors qu’il trouve la tranquillité qu’il n’ a plus au-dedans. » À cet égard, on peut dater avec précision la naiss
944 à ses fins ; dès que la patrie est en danger, il n’ y a plus ni catholiques, ni protestants, ni ouvriers, ni patrons, ni p
945 uvriers, ni patrons, ni paysans, ni bourgeois, il n’ y a plus que des sujets dociles et mobilisés. La guerre permet de gomm
946 me qui cite plus souvent Luther que Bakounine… Je ne suis pas anarchiste dans la mesure où je sais qu’un minimum d’État es
947 , au profit de pouvoirs locaux. Tant que l’Europe n’ existera pas politiquement, il n’y aura pas de régionalisme possible.
948 ant que l’Europe n’existera pas politiquement, il n’ y aura pas de régionalisme possible. Comment expliquez-vous que l’idée
949 nne soit malgré tout cela si peu populaire ? Rien n’ est moins sûr. Il y a quelques années, j’ai mêmeas écrit un livre inti
950 que vous semblez croire, l’idée d’une Europe unie n’ a jamais cessé de hanter l’imagerieat populaire. Et, de nos jours, c’e
951 opéenne est tacitement acceptée que plus personne n’ imagine qu’une guerre soit possible entre pays d’Europe. À la Libérati
952 ous une telle entreprise ? De ce point de vue, il n’ y a rien à craindre. L’Europe des marchands ne se fera pas car son pri
953 il n’y a rien à craindre. L’Europe des marchands ne se fera pas car son principe repose sur une idée empruntée au marxism
954 tout. Jean Monnet, quels que soient ses mérites, ne raisonnait pas autrement. En gros, cela voulait dire : si l’on tient
955 hons de Bruxelles, qui, dans le meilleur des cas, ne fixeront jamais que le prix du seigle ou de la betterave ? L’enthousi
956 jours. Même pour les « grands intellectuels », ce n’ est pas un thème très mobilisateur… À vrai dire, on a l’impression que
957 e, on a l’impression que leurs idées sur le sujet ne sont pas très précises. Prenez l’exemple de Sartre : en 1949, à l’épo
958 ans lequel il expliquait que la culture française n’ avait pas d’avenir en dehors de la culture européenne et que celle-ci
959 n dehors de la culture européenne et que celle-ci ne pourrait voir le jour que si l’Europe politique devenait une réalité.
960 rt, il affirmait que l’Européen, en tant que tel, n’ existe pas, mais dès qu’il s’adressait au tiers-monde, il accréditait
961 du parlement européen qui affirment que l’Europe ne sera jamais qu’une modalité de l’impérialisme germano-américain, ce q
962 t incapable. L’« impérialisme germano-américain » n’ est tout de même pas une abstraction. Pourquoi parler d’une « méconnai
963 itôt qu’on entreprend de le dénoncer ? Certes, ce n’ est pas une abstraction, mais il est désolant que de grands esprits ne
964 ction, mais il est désolant que de grands esprits ne lui opposent qu’une sorte de poujadisme instinctif. Depuis 1945, on s
965 comme ça, en se crispant sur son État-nation, ce n’ est pas une façon de le conjurer, au contraire… C’est en refusant l’Eu
966 que. Manifestement, la prophétie est un genre qui ne vous déplaît pas… … Surtout quand je m’aperçois, quarante ans après,
967 euse impression de voir tant de jeunes gens — qui n’ avaient probablement pas lu une seule ligne de moi, ni d’Arnaud Dandie
968 intitulé sa revue Ordine nuovo. De plus, personne ne pouvait alors prévoir que Hitler aurait, un jour, l’impudence de s’ap
969 e de s’approprier l’expression. Quant au fond, il ne faut pas se méprendre : l’expression « ordre nouveau » n’avait pas du
970 pas se méprendre : l’expression « ordre nouveau » n’ avait pas du tout le sens qu’on lui prête aujourd’hui. Nous ne ressemb
971 du tout le sens qu’on lui prête aujourd’hui. Nous ne ressemblions vraiment pas à ces petites brutes d’extrême droite pour
972 e qui se déployait, sous nos yeux, en Allemagne — ne nous convenaient guèreav. De plus, l’état de décomposition dans leque
973 Et, en histoire, quand une jeunesse a faim, elle ne regarde pas ce qu’elle mange. Dans ces conditions, l’antifascisme et
974 es. Mais attention : notre critique du communisme ne reposait pas sur la peur bourgeoise du rouge ou du partageux. C’était
975 nnais que c’était un diagnostic trop abrupt. Mais n’ oubliez pas qu’en 1933 c’était un mécanisme démocratique et une électi
976 carnait le mal absolu ; pour lesquels le marxisme n’ était qu’une variante du productivisme dont nous, Occidentaux, pouvion
977 frant ce poste à Francfort, il s’imaginait que je ne tarderais pas à me convertir à l’idéologie du IIIe Reich. Pourtant, i
978 nvertir à l’idéologie du IIIe Reich. Pourtant, il n’ ignorait rien de mes prises de position antinazies. Voulait-il donc me
979 convertir ou m’éclairer ? De ce point de vue, il ne faut pas oublier qu’Otto Abetz lui-même n’était qu’à demi nazi. Une m
980 ue, il ne faut pas oublier qu’Otto Abetz lui-même n’ était qu’à demi nazi. Une moitié suffit… Je vous l’accorde. Toujours e
981 fit le mauvais usage que l’on sait. Au fond, vous ne cessiez pas de jouer avec la politique sans jamais choisir votre camp
982 une position délicate, inconfortable… L’inconfort ne nous gênait pas. Notre grande idée à l’époque, c’était la suppression
983 liste personnaliste » au pouvoir. À ce moment-là, n’ avez-vous pas eu envie de vous engager plus directement dans l’action
984 tement dans l’action politique ? Étant suisse, je ne pouvais pas prétendre à une carrière politique en France. De plus, j’
985 plus, j’ai toujours eu horreur des partis. Ce qui ne m’a pas empêché de militer un peu partoutbb afin de conjurer, de diff
986 vêtrant des séries causales dont rien, au départ, ne laissait prévoir le croisement. Prenez l’exemple de Ford, l’inventeur
987 t ce que l’on appelle la passion et qui, en fait, n’ est qu’une sorte d’utopie unificatrice. Tristan en est l’archétype. Ma
988 ype. Manifestement — et je l’ai prouvé —, Tristan n’ aime pas Iseut. Il aime l’amour dans lequel l’identité d’Iseut s’anéan
989 e sentir coupable. « C’est le philtre, dit-il, je n’ y suis pour rien… » C’est exactement ainsi que procèdent les États-nat
990 moi,bj le monde » et, face à cette certitude, il n’ est pas de réalité qui vaille… Tout doit leur être subordonné et s’ané
991 ssion dévastatrice. Ce faisant, les États-nations ne se sentent même pas coupables puisqu’ils proclament n’être que des in
992 sentent même pas coupables puisqu’ils proclament n’ être que des instruments de la raison d’Étatbk, cet analogue du philtr
993 ristan, l’État-nation veut être seul au monde. Il ne reconnaît rien au-dessus de lui et cela a commencé, chez nousbl, avec
994 gnes de ses Mémoires : « De tout temps, la France ne fut pour moi qu’une princesse de légende vouée à des malheurs exempla
995 malheurs exemplaires. »bm Et de même que Tristan n’ aimait pas Iseut mais l’amour, de Gaulle méprisa les Français pour n’a
996 mais l’amour, de Gaulle méprisa les Français pour n’ adorer que la France. Pensez encore à sa haine des « barons félons » (
997 le dans toutes les versions du mythe de Tristan), n’ était-ce pas ainsi qu’il désignait les hommes de parti qui risquaient
998 viendrait à dire que l’impérialisme, par exemple, n’ est jamais que l’histoire d’une grande passion… Disons plutôt que la p
999 ’une grande passion… Disons plutôt que la passion n’ est jamais qu’une forme de l’impérialisme. Au fond, depuis L’Amour et
1000 qu’à votre actuel militantisme d’écologiste, vous n’ auriez fait que l’apologie de la mesure contre l’excès et de la loi co
1001 et un œil sur Jean Paulhan. » À l’évidence, vous n’ avez pas changé… C’est vrai. Qu’y puis-je ? Le classicisme, en morale,
1002 épète que l’État-nation porte en lui la guerre et n’ engendre que des monstres… Bref, depuis quarante ans, Denis de Rougemo
1003 de entier à près de douze millions d’exemplaires, ne fut pas une circonstance atténuante pour ce “penseur” à contre-couran
1004 bd. Sous le paragraphe entre parenthèses : « Je n’ ai jamais dit ça. » be. Grand point d’interrogation en marge de ce pa
32 1977, Articles divers (1974-1977). Pierre Desgraupes fait le point avec Denis de Rougemont (10 octobre 1977)
1005 des premières phrases de votre livre : « Si nous ne choisissons pas librement notre avenir, il n’y aura plus d’avenir hum
1006 ous ne choisissons pas librement notre avenir, il n’ y aura plus d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que les r
1007 du cataclysme inévitable que les rares survivants ne raconteront pas…, etc. » Quel est ce cataclysme que vous annoncez ? D
1008 que cette phrase est au conditionnel : « Si nous ne choisissons pas librement notre avenir, il arrivera…, etc. » Donc je
1009 rement notre avenir, il arrivera…, etc. » Donc je n’ annonce pas des cataclysmes, j’essaie au contraire de les prévenir. C’
1010 uver à condition de changer de direction. Mais on ne peut pas cacher que, si on laisse les choses aller, c’est perdu ! Si
1011 ne comète est en train de tomber et que plus rien n’ est susceptible de la retenir ou de la détourner dans sa chute, on sai
1012 s « mécanismes désastreux » qui nous menacent. Ce n’ est pas vous que j’étonnerai en disant qu’il y en a beaucoup et qu’on
1013 ntes et des organismes vivants avec laquelle elle n’ a pourtant rien à voir. Car la croissance biologique est une croissanc
1014 ance dans le domaine des choses matérielles où il n’ a plus aucun sens, parce qu’on envisage là une croissance indéfinie ;
1015 n envisage là une croissance indéfinie ; personne n’ a jamais dit à quel moment il faudrait que l’économie s’arrête de croî
1016 croître. Est-ce 10 %, 7 %, 3 % par an ? Personne ne le sait. Or la terre n’est pas infinie, les ressources terrestres, vo
1017  %, 3 % par an ? Personne ne le sait. Or la terre n’ est pas infinie, les ressources terrestres, vous le savez, sont limité
1018 dépend de nous. Autrefois on disait : « L’avenir n’ appartient à personne mais à Dieu. » Ou « De quoi demain sera-t-il fai
1019 e ?” » Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse : je ne me souviens pas, dans aucun de mes livres, d’avoir écrit cette phrase
1020 Alors, pour revenir à nos propos sur l’avenir, ce n’ est quand même pas Dieu qui remplit sans nous consulter les réservoirs
1021 pour trente ans environ. Autour de l’an 2000, il n’ y en aura presque plus ou il sera devenu si rare et horriblement cher
1022 il sera devenu si rare et horriblement cher qu’il ne sera plus question de rouler en auto avec un carburant dont chaque gr
1023 lors qu’est-ce qu’on va faire ? Eh bien, personne ne se le demande aujourd’hui, la recherche sur un véhicule sans pétrole
1024 de voitures et de plus en plus d’autoroutes. Il n’ est pas besoin d’être prophète pour comprendre que d’ici à cinq ou dix
1025 cinq ou dix ans, la question va se poser. Si nous ne voulons rien faire, eh bien, nous allons tomber dans les différents p
1026 panne générale de toutes les voitures parce qu’il n’ y aura plus de pétrole pour les faire rouler. Donc, je ne prédis pas u
1027 a plus de pétrole pour les faire rouler. Donc, je ne prédis pas une catastrophe des autos, je dis simplement de faire atte
1028 je dis simplement de faire attention, car si nous ne faisons pas attention, nous aurons l’air de quoi ? Regardez ce qui s’
1029 t à l’heure sur les cataclysmes ? La voici : « Il n’ y aura plus d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que les r
1030 du cataclysme inévitable que les rares survivants ne raconteront pas, faute de public : fin du récit des civilisations, fi
1031 récit des civilisations, fin de l’Histoire. » Ce n’ est tout de même pas à la panne d’essence que vous songez en écrivant
1032 llement. Je suis absolument persuadé, et personne n’ a jamais pu me faire d’objection sérieuse contre cette théorie, que si
1033 fférences ? Or, le plus aberrant est que les gens ne se posent même pas de questions aussi simples que cela. La guerre est
1034 se mettent à vendre des centrales nucléaires — je n’ ai pas besoin de dire lesquels, tout le monde le sait — c’est une manœ
1035 une manœuvre totalement suicidaire, mais personne n’ y songe. Les responsables se disent simplement : « On va essayer d’aug
1036 trales de retraitement de plutonium, alors qu’ils n’ ont pas une seule centrale nucléaire, donc pas de déchets à retraiter,
1037 trale nucléaire, donc pas de déchets à retraiter, ne s’amusent pas à faire de tels achats, qui sont extrêmement coûteux, p
1038 de retraitement du plutonium à certains pays, ce n’ est pas pour autre chose d’imaginable que pour les mettre en possibili
1039 fabriquer des bombes et de s’en servir ; personne ne peut éternellement faire des bombes pour ne pas s’en servir. Ça, c’es
1040 sonne ne peut éternellement faire des bombes pour ne pas s’en servir. Ça, c’est une farce que les ministres de tous pays r
1041 que les ministres de tous pays racontent, mais il n’ y en a pas un seul qui y croit ! Ils ne pourraient pas se regarder ent
1042 t, mais il n’y en a pas un seul qui y croit ! Ils ne pourraient pas se regarder entre eux dans les yeux sans éclater de ri
1043 es gens très importants et très intelligents, ils ne peuvent pas ne pas le savoir. Citez-moi l’un de ces mensonges par exe
1044 portants et très intelligents, ils ne peuvent pas ne pas le savoir. Citez-moi l’un de ces mensonges par exemple. Eh bien,
1045 au problème des déchets ? » Pas un savant sérieux ne peut dire qu’il l’a trouvée. Ça se saurait immédiatement, ça ferait b
1046 se. Mais vous entendez dire tous les jours : « Ça n’ est plus un problème, ça a été réglé. » Les gens qui profèrent ces men
1047 les jambes courtes, il est vite rattrapé. Mais ça ne fait rien, ils continuent à mentir. C’est justement ce qui me frappe
1048 es scientifiques, et l’attitude que vous décrivez ne l’est guère. Comment expliquez-vous cela ? Je ne voudrais pas être tr
1049 ne l’est guère. Comment expliquez-vous cela ? Je ne voudrais pas être trop polémique, mais ce que je vais vous dire est c
1050 it la Commission de l’énergie globale. Le citoyen ne savait rien de cette chose-là quand on a annoncé la démission avec éc
1051 isait partie de cette commission. Il a dit : « Je ne veux plus continuer à me prêter à cette comédie, je suis le seul memb
1052 fabricants de pièces de centrales nucléaires, ce ne sont pas des experts, ce sont des vendeurs. » Ils étaient tous docteu
1053  » Ils étaient tous docteurs en quelque chose… Je ne suspecte pas particulièrement la Suisse, mais ce n’est là qu’un exemp
1054 suspecte pas particulièrement la Suisse, mais ce n’ est là qu’un exemple pris dans un seul pays. Détrompez-vous, le problè
1055 té : « C’est très simple, il faut croire ceux qui n’ ont rien à gagner de la position qu’ils prennent. » Et il observe que
1056 d le but affiché. On nous répète à satiété : vous ne couperez pas au nucléaire parce que la population du globe double mai
1057 is c’est bien là, justement, tout le problème. Il n’ y a aucun impératif à cela. Ce sont encore des « experts » qui ont inv
1058 nté cet « impératif » ! Ils nous disent : « Si on n’ a pas recours au nucléaire, on devra retourner dans les cavernes ! » C
1059 stion : quel but poursuivent tous ces gens qu’ils n’ osent pas afficher ? La puissance. La puissance de qui ? La leur ? Ce
1060 ans Le Mal français. Sa thèse m’aide plus qu’elle ne me contrarie ; car il a très bien montré, dans le cas de problèmes qu
1061 de Gaulle, chef de l’État, agissant comme un roi, n’ avait rien pu faire de ce qu’il voulait parce que l’État c’était les f
1062 l’administration, le « on » anonyme sur lequel on ne peut rien. C’est ça, la vraie réalité de l’État. Ne vous semble-t-il
1063 peut rien. C’est ça, la vraie réalité de l’État. Ne vous semble-t-il pas un peu court de réduire l’État aux fonctionnaire
1064 re l’État aux fonctionnaires ? Les fonctionnaires ne font qu’incarner ce mythe qui est autrement plus puissant qu’eux. C’e
1065 de ce qu’en approchant des frontières, les carrés ne seraient plus bien réguliers… C’était une idée de fou, mais on en a d
1066 c tant de passion. Tout ce que vous venez de dire ne montre-t-il pas que les États-nations, que vous critiquez depuis long
1067 ats-nations, que vous critiquez depuis longtemps, ne sont pas nés hier ? Parce qu’il y a eu, de nos jours, une espèce d’ac
1068 tyrannie de l’État. Je précise à cet égard que je ne mets bien entendu aucune différence entre l’État-nation socialiste et
1069 berait dans la tyrannie. Son gouvernement, alors, ne pourrait plus être l’affaire des citoyens réunis, dialoguant, discuta
1070 alistes délégués qui s’imposeraient et les autres n’ auraient plus rien à faire que subir simplement. Aussi quand la popula
1071 igurez-vous ! Je suppose que les linguistes grecs n’ avaient pas encore inventé le mot « déportation »… Mais ne souriez pas
1072 t pas encore inventé le mot « déportation »… Mais ne souriez pas : la sagesse était que cela se faisait volontairement par
1073 avaient d’immenses troupeaux de moutons, mais ils ne savaient pas trop quoi faire avec la laine. Alors ils ont acheté une
1074 ment devenir toujours plus grand jusqu’à ce qu’il n’ y ait plus aucune possibilité matérielle de prendre son destin en main
1075 l y aurait donc, si je vous entends, une taille à ne pas dépasser sous peine de mort pour la démocratie ? Oui, je pense en
1076 ut le monde pouvait l’entendre et lui répondre de n’ importe quel point. C’est une image un peu naïve de nos jours. Bien sû
1077 sûr, il s’agit — là encore — d’un modèle mais il n’ est pas si naïf. Dans mon pays, la Suisse, qui est composée de nombreu
1078 élévision avec des lycéens. Probablement, mais ce n’ est encore qu’une intention, et il ne peut y avoir de vraie démocratie
1079 ent, mais ce n’est encore qu’une intention, et il ne peut y avoir de vraie démocratie dans des dimensions qui sont incompa
1080 ment tous les avantages sur le grand sauf un : il ne peut pas faire de très grandes bêtises. Regardez la Confédération hel
1081 ntral capable de résoudre nombre de problèmes qui ne peuvent être résolus au niveau, trop étroit, des cantons. C’est vrai
1082 est un vice, une maladie, de la Confédération, ce n’ est pas son fonctionnement normal. Pour donner de l’actualité à ces pr
1083 ions européennes actuelles me paraît terminé ; ce n’ est pas une idée que j’ai aujourd’hui. Je l’ai découverte et nous l’av
1084 chose que moi. Ce qui fait beaucoup d’effet mais ne leur donne pas une grande crédibilité puisqu’ils se sont trompés si l
1085 dibilité puisqu’ils se sont trompés si longtemps. Ne peut-on en tirer aussi la conclusion que les intellectuels n’exercent
1086 n tirer aussi la conclusion que les intellectuels n’ exercent pas une grande influence sur le réel ? Au contraire, je pense
1087 le rôle des intellectuels de les y aider. Mais ce n’ est pas facile, car les hommes non plus n’aiment pas changer. Ils comp
1088 Mais ce n’est pas facile, car les hommes non plus n’ aiment pas changer. Ils comprennent qu’il y va de leur avenir, mais il
1089 que ça les fera changer de direction puisque tout ne tient qu’à nous. Finalement, vous n’êtes pas très optimiste sur la na
1090 puisque tout ne tient qu’à nous. Finalement, vous n’ êtes pas très optimiste sur la nature humaine. Je dirai que, quoique S
1091 nature humaine. Je dirai que, quoique Suisse, je ne suis pas du tout rousseauiste : je ne pense pas, comme Jean-Jacques,
1092 Suisse, je ne suis pas du tout rousseauiste : je ne pense pas, comme Jean-Jacques, que l’homme est né bon et que la socié
1093 inuer à agir à l’abri de tout ça en disant : « Ce n’ est pas moi qui le veux, ce sont les impératifs. » Exactement comme Ad
1094 cher derrière les buissons. C’est tout juste s’il n’ a pas dit : « Je ne suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’
1095 uissons. C’est tout juste s’il n’a pas dit : « Je ne suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’est-ce que tu as fa
1096 : « Qu’est-ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’ est pas moi, c’est Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève : « Qu’est-ce qu
1097  Qu’est-ce que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’ est pas moi, c’est le serpent. » Et le serpent, bien sûr, n’était plus
1098 moi, c’est le serpent. » Et le serpent, bien sûr, n’ était plus là. Mais moi je crois à la liberté et à la responsabilité d
33 1977, Articles divers (1974-1977). L’Avenir est votre affaire (11 octobre 1977)
1099 a en fonction de ce que nous allons choisir. Nous n’ avons jamais été dans une situation aussi critique et c’est la premièr
1100 manité est confrontée à un tel problème, car elle n’ avait pas, auparavant, les moyens de tout faire sauter. Je parle d’un
1101 op tard. Et encore faut-il qu’une guerre atomique n’ éclate pas… Beaucoup de gens disent qu’une telle guerre est impossible
1102 disent qu’une telle guerre est impossible, qu’on n’ utilisera pas les bombes atomiques… Je répondrai ceci : la France et l
1103 les de retraitement des déchets à des nations qui ne peuvent rien en faire, sinon en tirer du plutonium. On leur fait prom
1104 rer du plutonium. On leur fait promettre qu’elles ne s’en serviront pas à des fins belliqueuses, mais tout le monde sait q
1105 cinq à six kilos de plutonium. Ce qui permettra à n’ importe quel État d’exercer un chantage terrible ; de menacer de détru
1106 me fait peur… Et d’après vous, les États-nations ne peuvent plus rien entreprendre de positif pour faire face à ces immen
1107 me je le montre dans mon livre, les États-nations ne sont plus adaptés aux grands enjeux de notre temps. Ils sont ou trop
1108 emps. Ils sont ou trop petits ou trop grands, ils n’ ont plus rien à faire dans ce siècle. Je n’accuse pas les gouvernants
1109 s, ils n’ont plus rien à faire dans ce siècle. Je n’ accuse pas les gouvernants d’être méchants, mais totalement inadaptés
1110 emple de la France : sur le plan international on ne l’écoute pas, elle ne compte plus. Mais elle est trop grande, en tant
1111 ur le plan international on ne l’écoute pas, elle ne compte plus. Mais elle est trop grande, en tant qu’État, à l’échelle
1112 e, tel conseiller fédéral, il vous dira que, s’il n’ était pas au pouvoir, il serait avec les manifestants de Kaiseraugst o
1113 ’il est vraiment sincère en disant cela, pourquoi ne démissionne-t-il pas en donnant ses raisons ? Pourquoi reste-t-il au
1114 udra bien un jour s’aviser : le pouvoir politique n’ existe plus, le pouvoir n’est pas à prendre, comme le croient les révo
1115  : le pouvoir politique n’existe plus, le pouvoir n’ est pas à prendre, comme le croient les révolutionnaires, le pouvoir e
1116 les révolutionnaires, le pouvoir est à créer. On ne peut plus compter sur les gouvernements, mais sur les habitants des r
1117 ns. Les gouvernements, qui crèvent de peur devant n’ importe quelle vérité, font les matamores, actuellement, mais ils ne t
1118 érité, font les matamores, actuellement, mais ils ne trouveront pas l’argent pour financer leurs centrales nucléaires. Son
1119 iards et qu’il en faudra des centaines ! Personne n’ a prouvé que c’était nécessaire. On dit qu’il faudrait économiser 30 %
1120 vivent, s’est trompé sur ses vrais besoins. « Il n’ y a d’impératifs que de la nature » et nous devons lutter contre les t
1121 nos fatalités ». La vraie politique de l’énergie n’ est pas celle qui se calculera en fonction du produit national brut —
1122 rait, avec une étonnante lucidité, que la voiture ne correspondait au départ à aucun besoin humain existant (les Américain
1123 lables succès de librairie à des « penseurs » qui n’ ont cessé de se renier et barbotent dans les plus inénarrables palinod
1124 it ironiquement et se fâche un tout petit peu… Je ne suis tout de même pas Yves Saint-Laurent ou Cardin ! Je m’honore de n
1125 pas Yves Saint-Laurent ou Cardin ! Je m’honore de n’ avoir jamais été à la mode et je me flatte d’avoir souvent été à contr
1126 emi pour achever L’Avenir est notre affaire . Je n’ avais fait cela pour aucun de mes livres. J’ai écrit, par exemple, L’
1127 t à jeter à la corbeille ce que j’avais écrit. Je ne pouvais pas me donner l’air de prophétiser après coup ce qui s’était
1128 ui veulent la liberté des personnes. On dit qu’il n’ y a pas de liberté sans puissance. À quoi je réponds que la puissance
1129 evons tirer l’énergie transformatrice, sinon nous ne nous en sortirons pas. Cette énergie proviendra des finalités, des bu
1130 umains auraient la possibilité de communiquer, de ne plus vivre comme la « foule solitaire » des grandes villes. J’ai une
1131 n du mouvement personnaliste. On dit que l’Europe n’ avance pas. Ce n’est pas entièrement vrai, il y a des points positifs 
1132 rsonnaliste. On dit que l’Europe n’avance pas. Ce n’ est pas entièrement vrai, il y a des points positifs : je mentionnerai
1133 s dernières années, et cela sans bain de sang. Ce n’ est pas rien ! Homme de clairvoyance, Denis de Rougemont est également
1134 sente que se dessine le futur visage du monde. On ne saurait trouver meilleur ouvrage que L’Avenir est notre affaire pou
1135 e destinée, projeter et assumer des finalités qui ne seront plus celles des technocrates, mais de la personne. »
34 1977, Articles divers (1974-1977). « Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)
1136 ourire. Pas banal. Les diseurs d’avenir, ceux qui ne se sont jamais trompés (Denis de Rougemont a dénoncé en 1932 le péril
1137 régionalistes et de tous les autres, espérons-le. Ne pas oublier que ce monsieur de 71 ans est directeur du Centre europée
1138 lesquels L’Amour et l’Occident paru en 1939. Je n’ avais pas commencé mon essai sur L’Amour et l’Occident à la date à l
1139 sition complète avec la passion amoureuse où l’on ne « voit pas » l’autre. Je me rallie à la conception du mariage que l’o
1140 se demander : Qu’est-ce que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais je crois que l’on peut construire
1141 grave actuellement c’est que les vrais problèmes ne sont pas du tout abordés par les hommes politiques. Regardez la Franc
1142 de la droite et de la gauche en matière nucléaire ne sont pas très différentes. Je fais commenter à mes élèves des textes
1143 es, encore plus cocorico pour Marchais. La France ne vous paraît pas particulièrement adaptée aux changements exigés par l
1144 éaire. On met dans la tête des gens l’idée qu’ils ne peuvent pas comprendre… Je les invite à méditer un argument très simp
1145 intéressez-vous aux antinucléaires, parce qu’ils n’ ont rien à y gagner… C’est déjà un élément de réflexion. Et à partir d
1146 faire appel au sens de la responsabilité. Mais ce n’ est possible que dans de petites communautés. C’est pour cela que je c
35 1977, Articles divers (1974-1977). « L’avenir, c’est notre affaire ! » (18 octobre 1977)
1147 ient me dire, alors, que je suis pessimiste. Cela ne veut rien dire. Je ne dis pas que l’asphyxie « naturelle » ou le cata
1148 ue je suis pessimiste. Cela ne veut rien dire. Je ne dis pas que l’asphyxie « naturelle » ou le cataclysme militaire sont
1149 u’on omet soigneusement de montrer où il mène. On ne parle qu’en termes de croissance — un terme d’ailleurs employé à faux
36 1977, Articles divers (1974-1977). La fonction et la structure de la ville future (décembre 1977)
1150 ville Création de l’ère néolithique, la ville n’ a guère plus de 9000 ans d’âge : de Jéricho à Manhattan et Brasilia, s
1151 rise dans l’anarchie et la dispersion. Les hommes ne cesseront pourtant pas de bâtir des villes, d’abord modestes et mesur
1152 end du Ciel « préparée comme une épouse », et qui n’ a besoin « ni du Soleil ni de la Lune pour l’éclairer, car la gloire d
1153 oire de Dieu l’éclaire ». Ainsi la fin de l’homme n’ est pas le « retour à la Mère Nature », mais la transfiguration de la
1154 s moyens et s’unir sur des finalités communes… Ce n’ est pas se trouver juxtaposés, mais vivre en relations dans une orient
1155 itants. Quant à son étendue : le rayon de la cité ne devrait pas excéder la portée de la voix d’un homme criant sur l’agor
1156 re et de l’étendue, les raisons d’être de la cité ne tardent pas à s’obscurcir, jusqu’à se perdre : leçon du mythe de Babe
1157 symptômes. 1. Les mégalopoles du type New York «  ne sont plus gouvernables » (maire L. Lindsay). Elles sont menacées de f
1158 les hommes y sont trop serrés, — et parce qu’ils ne s’y sentent pas libres, n’ayant plus la possibilité d’être responsabl
1159 rés, — et parce qu’ils ne s’y sentent pas libres, n’ ayant plus la possibilité d’être responsables, les grandes villes sont
1160 quant-à-soi par l’égoïsme hargneux. Etc., etc. On ne peut plus continuer dans les mêmes directions. Alors, vers quoi faut-
1161  ? 5. La ville de demain La ville de demain n’ aura plus à répondre aux « impératifs techniques » des promoteurs, ni
1162 litique par excellence — le sénat et le parlement n’ étaient que délégations du forum. Là s’exerçait au maximum la particip
1163 les mégalopoles à des cités « à mesure d’homme » ne peut se faire que par leur division en municipalités de quartiers. Et
1164 de que refaire des villes viables et vivables, ce n’ est pas une question d’architecture ni de technologie au premier chef,
37 1977, Articles divers (1974-1977). Demain le soleil (20 décembre 1977)
1165 ’aimer et le connaître : il travaille pour qu’ils ne risquent pas de mourir de nos décisions d’aujourd’hui. C’est un proph
1166 irme L’Avenir est notre affaire , c’est que rien n’ est encore perdu. Fondateur du Centre européen de culture à Genève, il
1167 mais toujours avec de faibles tirages. Ce succès n’ a jamais été un best-seller. On vient de raconter que j’en avais vendu
1168 êtes du pays de Rousseau et un peu utopiste ? On ne ferait jamais rien si chacun n’avait pas sa petite utopie. Depuis mon
1169 peu utopiste ? On ne ferait jamais rien si chacun n’ avait pas sa petite utopie. Depuis mon plus jeune âge, je crois à une
1170 allaient disparaître dans le gouffre général : il n’ en a rien été. Tous les mouvements de résistance dans les pays d’Europ
1171 e-socialiste. Nous étions sûrs que l’État libéral n’ était qu’un acheminement vers l’État totalitaire par la force des chos
1172 ge, nous serions obligés de la faire, mais que ce ne serait pas notre guerre. Vous discerniez donc des points communs entr
1173 mêmes finalités et poursuivent les mêmes buts, il n’ y a entre eux aucune différence à cet égard. Une compétition acharnée
1174 à cet égard. Une compétition acharnée de ce genre ne peut conduire qu’à la guerre. Elle est inévitable entre des nations q
1175 a plus de trente ans et… Vous voulez dire que je n’ ai rien empêché, c’est vrai. Mais la fonction de l’intellectuel est de
1176 e ce que les hommes voudront qu’il arrive. » Vous n’ acceptez pas qu’on se retranche derrière la formule commode « l’avenir
1177 retranche derrière la formule commode « l’avenir n’ appartient à personne, mais à Dieu » ? Je préfère que l’homme se deman
1178 ion technique, il a en main des moyens tels qu’il ne peut plus se payer le luxe sous prétexte de progrès, de partir droit
1179 éaires. Il y a des futurologues auxquels personne ne pense, ce sont des hommes sensibles. Plutôt que de les tourner en dér
1180 est de mon ami Bertrand de Jouvenel. Tout ce qui n’ est pas calculable reste prévisible par la sensibilité. Ces indicateur
1181 re libre) lorsqu’il s’aperçoit que les Américains n’ ont pas tellement envie de ses voitures. Par la force de la publicité,
1182 la force de la publicité, il les persuade qu’ils ne pourraient pas être heureux sans auto et réussit à les contaminer. Il
1183 ui étaient maîtres de la richesse du monde et qui n’ en avaient pas conscience. Nous sommes loin d’Hitler… Au contraire, no
1184 e quoi détruire toute l’économie européenne et il n’ est pas dit que nous ne le ferons pas. » Comment Hitler apparaît-il da
1185 ’économie européenne et il n’est pas dit que nous ne le ferons pas. » Comment Hitler apparaît-il dans les sables ? Hitler
1186 un besoin fondamental de communauté. Nos sociétés n’ avaient pas de raison à ce besoin et Hitler a apporté la sienne, qui é
1187 s sont forts mais Rougemont les emploie : Si nous ne choisissons pas librement notre avenir, il n’y aura plus d’avenir hum
1188 ous ne choisissons pas librement notre avenir, il n’ y aura plus d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que les r
1189 du cataclysme inévitable que les rares survivants ne se raconteront pas, faute de public. Fin du récit des civilisations,
1190 nt puériles et organisées par des jeunes gens qui ne voient pas plus loin que le bout de leur contestation. Ils sont contr
1191 de se déclarer contre le nucléaire ? Le nucléaire n’ est pas un progrès. C’est, à certains égards, une horrible régression
1192 es tyrannies que l’on croyait dépassées. Le choix ne doit-il pas se faire entre l’énergie nucléaire ou le froid et les tén
1193 l’énergie nucléaire ou le froid et les ténèbres ? Ne parlons pas d’un choix qui nous est imposé, qui tombe du ciel : nous
1194 le Concorde. C’est de la très mauvaise poésie. On ne va pas plus vite que le soleil. C’est impossible. C’est un slogan. Qu
1195 t servi de son nom pour baptiser le plutonium, ce n’ est pas par hasard. Selon la mythologie, Pluton s’enfouit sous la terr
1196 emps des enfants. Pour eux, il faut s’efforcer de ne pas avoir à écrire FIN, mais À SUIVRE au bas de la longue histoire qu
38 1977, Articles divers (1974-1977). Écologie, régionalisme, fédéralisme : l’avenir selon Denis de Rougemont (30 décembre 1977)
1197 x magasins et deux grandes surfaces ! En 1977, il n’ y a plus que 5800 habitants, il y a des immeubles vides et dans certai
1198 us qu’avec de telles mutations non contrôlées, on ne détruit pas le tissu social ? Les hommes ne se connaissent plus. Ils
1199 s, on ne détruit pas le tissu social ? Les hommes ne se connaissent plus. Ils effectuent quotidiennement des travaux qui n
1200 s. Ils effectuent quotidiennement des travaux qui ne les intéressent pas, des travaux ingrats au sens exact du terme, c’es
1201 ingrats au sens exact du terme, c’est-à-dire qui ne leur apportent aucune gratification. Ils ne sont pas heureux et ils e
1202 e qui ne leur apportent aucune gratification. Ils ne sont pas heureux et ils en viennent à se détester. On sait aujourd’hu
1203 aberration totale, une absurdité. En relançant on ne parviendra qu’à accroître, à aggraver la situation actuelle. On ne ré
1204 à accroître, à aggraver la situation actuelle. On ne résorbera ni le chômage ni l’inflation. C’est saint Thomas qui disait
1205 tion. C’est saint Thomas qui disait que « le fini n’ est pas capable d’infini ». N’en est-il pas de même pour les ressource
1206 isait que « le fini n’est pas capable d’infini ». N’ en est-il pas de même pour les ressources naturelles ? Et les hommes p
1207 fin. Après moi le déluge, semblent-ils dire. Ils ne pensent qu’aux élections et au programme d’autoroutes qu’ils ont prom
1208 plus de mal après que pendant la colonisation qui n’ a duré en fin de compte que quatre-vingts ans. Le fossé s’est accru de
1209 e leur puissance. Pour Denis de Rougemont, l’État ne devrait être qu’un service public, un point c’est tout. Ses propositi
1210 onnaire, écologiste, régionaliste et fédéraliste, ne l’emporte pas rapidement, l’Europe sera sans doute complètement colon
1211 choses peuvent aller très vite. Car ce mouvement n’ est-il pas le seul aujourd’hui à pouvoir mobiliser des centaines de mi