1 1974, Articles divers (1974-1977). La personne comme fondement des valeurs européennes (19 septembre 1974)
1 er son union politique ? La deuxième table ronde, que nous inaugurons, se demande plutôt : où va l’Europe ? et plus exactem
2 a l’Europe ? et plus exactement : où voulons-nous qu’ elle aille ? Car il s’agit dorénavant moins de prévoir les événements
3 s’agit dorénavant moins de prévoir les événements que d’orienter les volontés. Si les deux tables rondes diffèrent visiblem
4 t — héritage dans un cas, promesse dans l’autre — que par le climat qui les baigne. La première souhaitait approfondir en r
5 ion morale et culturelle les efforts pour l’union que nos gouvernements se disposaient à faire porter principalement sur un
6 sur une construction économique, dont on croyait qu’ elle devait entraîner nécessairement des effets politiques (mais c’est
7 les premières manifestations d’une crise mondiale que tous les augures nous annoncent, et voici le paradoxe de notre situat
8 les croire, donc d’agir à l’encontre des destins qu’ ils ont calculés, alors le pire deviendra sûr. Ils nous supplient de l
9 croire… (Situation moins nouvelle dans l’histoire qu’ on ne le pense : c’est celle du peuple juif devant ses grands prophète
10 tre approche du phénomène européen, reconnaissons qu’ il y a eu, aussi, la carence totale de réalisations de notre union pol
11 en matière d’éducation et de culture ». Je crois qu’ il serait juste d’ajouter à ces dispositions techniques la diffusion d
12 s doute orienté l’action d’hommes politiques tels que De Gasperi, Robert Schuman, Paul-Henri Spaak, pour ne citer que les p
13 , Robert Schuman, Paul-Henri Spaak, pour ne citer que les plus évidents et ceux que j’ai le mieux connus. Ce n’est pas rien
14 paak, pour ne citer que les plus évidents et ceux que j’ai le mieux connus. Ce n’est pas rien, mais il faut bien admettre q
15 us. Ce n’est pas rien, mais il faut bien admettre que cela n’a pas suffi pour « faire l’Europe ». De cette deuxième rencont
16 « faire l’Europe ». De cette deuxième rencontre, que devons-nous attendre ? Face à la crise mondiale née de nos œuvres, à
17 ford et comme je n’ai cessé de le dénoncer depuis que je m’occupe de l’Europe. Nous voici, nous les douze invités à la tabl
18 ote la gestion des rapports humains dans la cité. Que le Conseil en soit remercié par les Douze, en tant qu’invités, et qu’
19 it remercié par les Douze, en tant qu’invités, et qu’ il en soit félicité par nous tous, en tant que citoyens. Car le Consei
20 nseil ne tente rien de moins, dans cette affaire, que de fonder la politique européenne, et de la fonder, comme il se doit,
21 es du passé, toujours ambiguës, comme on le sait, que sur une espérance active, sur cette « substance des choses espérées »
22 tive, sur cette « substance des choses espérées » que la foi seule, par instants, peut saisir et peut seule activer dans no
23 faut-il créer l’union des gens de l’Europe, tels qu’ ils sont, ou tels qu’ils peuvent devenir, dans une société rénovée ? S
24 n des gens de l’Europe, tels qu’ils sont, ou tels qu’ ils peuvent devenir, dans une société rénovée ? Selon quelle hiérarchi
25 s sommes confrontés à une crise, à des scandales, que tous ressentent, à des désastres calculables. Nous pensons à partir d
26 ement. Car la pensée, en général, n’est peut-être que le feed-back d’une surprise ou d’une blessure, d’une agression subie
27 et finalement pour la survie de l’espèce humaine. Qu’ il s’agisse de la pollution résultant de la production industrielle au
28 service du Profit privé et du prestige national, qu’ il s’agisse de l’épuisement des ressources terrestres non renouvelable
29 qualité artisanale — la jeunesse qui ne lit plus que des onomatopées en bulles ; la manipulation des désirs, des besoins e
30 fatalisme qui devrait inquiéter bien plus encore que les prévisions du club de Rome, car c’est lui qui les rendra vraies,
31 lui qui les rendra vraies, quand elles n’étaient que monitoires et n’ambitionnaient rien que d’être démenties ! Oui, je se
32 n’étaient que monitoires et n’ambitionnaient rien que d’être démenties ! Oui, je sens parmi nous quelque chose qui me paraî
33 lque chose qui me paraît beaucoup plus inquiétant que les vues apocalyptiques des écologistes, quelque chose qui est là déj
34 s les rues de nos capitales au mois de mai 1968 : Que faisons-nous là ? Quel est le sens de ma vie dans cette société qui n
35 pas une, puisqu’elle n’est plus une communauté ? Que vaut son fameux niveau de vie ? Vers quoi nous conduit-elle ? Elle ne
36 le sait pas elle-même. Cette question, et surtout qu’ elle demeure sans réponse, voilà qui devrait nous effrayer vraiment, p
37 idéologies sans points d’appui, dans le sentiment que la cité, démesurée, l’énorme État-nation centralisé où ils se voient
38 e voient perdus, n’est plus leur affaire, ne peut que les brimer, et les oblige à s’évader dans la drogue, dans la révoluti
39 civique des majorités silencieuses. Il est normal que le jeune Européen d’aujourd’hui se demande à quoi tout cela rime, et
40 descende le crier dans la rue : il serait anormal qu’ on ne lui réponde que par des coups de matraque. Il est normal qu’il j
41 s la rue : il serait anormal qu’on ne lui réponde que par des coups de matraque. Il est normal qu’il juge très sévèrement l
42 onde que par des coups de matraque. Il est normal qu’ il juge très sévèrement la société matérialiste et qu’il dénonce son a
43 l juge très sévèrement la société matérialiste et qu’ il dénonce son anarchie profonde, mais il est anormal qu’il se voie po
44 énonce son anarchie profonde, mais il est anormal qu’ il se voie pour autant traité de « fauteur de désordre ». Car le plus
45 on interne, — ou plutôt ce qui n’en a pas d’autre que l’obsession de la Puissance, vrai moteur de la société industrielle,
46 e, vraie cause de toutes nos crises et du système qu’ elles constituent. Tenter de s’y opposer par la violence serait bien p
47 r de s’y opposer par la violence serait bien pire que vain car ce serait faire son jeu. Cette crise morale affecte l’Occide
48 guerres sont nées de nos nationalismes. Et voici qu’ apparaît clairement le sujet de notre table ronde : pour sortir de la
49 es impasses, il faut des choix. Il faut savoir ce que l’on est prêt à sacrifier et quelles sont les priorités. Veut-on d’ab
50 e naguère avait tenté de décréter l’inexistence. Qu’ est-ce qu’une valeur, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’est pas u
51 avait tenté de décréter l’inexistence. Qu’est-ce qu’ une valeur, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’est pas une entité
52 Face à la Crise mondiale, nous avons l’impression que quelque chose a été faussé dans l’échelle des priorités, que la justi
53 chose a été faussé dans l’échelle des priorités, que la justice, la santé, la liberté, la qualité de la vie, l’utilité soc
54 ationale. Mais s’il y a conflit de valeurs, c’est qu’ il y a donc des valeurs ! Et qui décident ou plutôt nous permettent de
55 e décider. Nous ne prenons conscience des valeurs que lésées. Mais alors, nous n’en doutons plus. Voulons-nous vraiment con
56 e sensation de bonheur animique et physiologique, que rien ne mesure, et qui vaut plus que tout ? Bien sûr, les choix sont
57 ysiologique, que rien ne mesure, et qui vaut plus que tout ? Bien sûr, les choix sont rarement aussi simples. Mais ils se r
58 re. Or, ces choix de finalités, et les sacrifices qu’ ils commandent, sur quel absolu les régler ? Et comment évaluer les va
59 ent et la conduite. Ainsi chez Marx : on a relevé que cet auteur semble bannir de son vocabulaire le terme de justice, déci
60 ir de son vocabulaire le terme de justice, décidé qu’ il est à ne décrire que des enchaînements nécessaires et qui échappent
61 e terme de justice, décidé qu’il est à ne décrire que des enchaînements nécessaires et qui échappent à toute considération
62 ai référentiel de l’œuvre. Pour l’homme d’Europe, qu’ il le sache ou non, le référentiel absolu, c’est la personne. Or la p
63 ne a une histoire, comme bien d’autres structures que l’on croirait intemporelles et universelles, mais qui ont leur date e
64 aient constitué la notion d’identité individuelle qu’ ils exprimaient par le terme de face, ou de visage, mais cela ne renda
65 mpte de l’idée de relation et de rôle distinctif, qu’ évoquait en revanche le mot latin de persona, terme juridique définiss
66 la conception chrétienne de l’homme. En déclarant qu’ ils confessaient Jésus-Christ comme « vrai Dieu et vrai homme » à la f
67 u de Proudhon, et les dialectiques d’aujourd’hui, qu’ elles soient marxistes, existentialistes ou physico-mathématiques. Et
68 e européen, à partir de l’extraordinaire création qu’ a été le concept de personne, cette notion théomorphe de l’homme et an
69 de l’humain, par Augustin d’abord, lequel estime que l’homme, étant fait à l’image de Dieu, est lui aussi une personne ; p
70 uté à cette formule. Elle est devenue autre chose qu’ un modèle, qu’une structure. Aux notions grecques d’individu, d’autono
71 rmule. Elle est devenue autre chose qu’un modèle, qu’ une structure. Aux notions grecques d’individu, d’autonomie, et d’homm
72 errant et de Quête spirituelle. Mais aujourd’hui, qu’ est-ce donc que la personne ? Il semble qu’à une telle question je ne
73 ête spirituelle. Mais aujourd’hui, qu’est-ce donc que la personne ? Il semble qu’à une telle question je ne pourrais répond
74 d’hui, qu’est-ce donc que la personne ? Il semble qu’ à une telle question je ne pourrais répondre que pour moi, et pourtant
75 e qu’à une telle question je ne pourrais répondre que pour moi, et pourtant j’oserai dire que la personne c’est l’œuvre ess
76 répondre que pour moi, et pourtant j’oserai dire que la personne c’est l’œuvre essentielle de chacun, qui consiste à trouv
77 précédent, de sorte que la chance est quasi nulle qu’ il naisse jamais deux individus pareils. Chacun de nous est donc le po
78 ’un chemin particulier vers le But qui l’appelle, qu’ il le nomme Dieu, ou l’Absolu, la Vérité ou le Bonheur. Le But suprême
79 t instant, à savoir si je découvre mon chemin tel qu’ il était prévu pour moi depuis toujours, ou si je l’invente en osant y
80 l’invente en osant y avancer sans l’avoir vu. Ce que je sais, c’est qu’il n’existera qu’autant que j’aurai le courage d’y
81 y avancer sans l’avoir vu. Ce que je sais, c’est qu’ il n’existera qu’autant que j’aurai le courage d’y marcher dans la nui
82 ’avoir vu. Ce que je sais, c’est qu’il n’existera qu’ autant que j’aurai le courage d’y marcher dans la nuit. Voilà qui impl
83 Ce que je sais, c’est qu’il n’existera qu’autant que j’aurai le courage d’y marcher dans la nuit. Voilà qui implique la fo
84 foi, cette forme de confiance dont Saint-Paul dit qu’ elle est « ferme assurance des choses qu’on ne voit pas ». Le chemin q
85 Paul dit qu’elle est « ferme assurance des choses qu’ on ne voit pas ». Le chemin qui se crée sous les pas qui le foulent, c
86 ance entre ses démarches et cette fin. Je conçois que l’on puisse n’y pas croire. Que l’on puisse nier l’existence de ce qu
87 e fin. Je conçois que l’on puisse n’y pas croire. Que l’on puisse nier l’existence de ce que j’appelle la personne, la trai
88 as croire. Que l’on puisse nier l’existence de ce que j’appelle la personne, la traiter de fantôme métaphysique, d’illusion
89 sion verbale, de concept superflu. Mais j’observe que ceux qui la nient ont commencé par répéter, après Nietzsche, que Dieu
90 nient ont commencé par répéter, après Nietzsche, que Dieu est mort, et que cela signifiait la « mort de l’homme », et donc
91 r répéter, après Nietzsche, que Dieu est mort, et que cela signifiait la « mort de l’homme », et donc de toute identité, de
92 oute identité, de toute personne. Or, ce n’est là qu’ une métaphore. Ce qui peut provoquer la mort de l’homme, c’est la mort
93 o-marxistes, ou structuralistes ; quand on répète que la mort de l’homme s’ensuit « logiquement » ; quand on nie le sujet,
94 nsuit « logiquement » ; quand on nie le sujet, et qu’ on répond comme Ulysse au Cyclope : « Je me nomme personne, je n’y sui
95 « Je me nomme personne, je n’y suis pas », c’est qu’ on prépare un mauvais coup, ou qu’on tente d’échapper à certaines resp
96 is pas », c’est qu’on prépare un mauvais coup, ou qu’ on tente d’échapper à certaines responsabilités en se dissimulant derr
97 nne. Et je ne cherche pas, ici, à vous convaincre qu’ elle existe, mais simplement à vous faire voir qu’en fait, et pratique
98 qu’elle existe, mais simplement à vous faire voir qu’ en fait, et pratiquement, vous y croyez, tous tant que vous êtes. Car
99 n fait, et pratiquement, vous y croyez, tous tant que vous êtes. Car si vous protestez, comme vous le faites tous, chaque j
100 le abstraction politicienne ? Ceux qui prétendent que l’homme n’est qu’une illusion, que le sujet n’existe pas, même dans l
101 iticienne ? Ceux qui prétendent que l’homme n’est qu’ une illusion, que le sujet n’existe pas, même dans le discours, que le
102 qui prétendent que l’homme n’est qu’une illusion, que le sujet n’existe pas, même dans le discours, que le langage ne fait
103 que le sujet n’existe pas, même dans le discours, que le langage ne fait qu’utiliser notre gosier, notre langue et nos lèvr
104 as, même dans le discours, que le langage ne fait qu’ utiliser notre gosier, notre langue et nos lèvres et que « ça » parle
105 liser notre gosier, notre langue et nos lèvres et que « ça » parle à travers nous, — comment peuvent-ils signer des manifes
106 us de sujet, il n’y a plus rien. Il ne reste rien que leurs livres, et leur nom sur ces livres — mais pourquoi ? Marx, en r
107 nom. L’aliénation de l’homme ne saurait désigner que ce qui compromet sa possibilité de se mouvoir, librement, à la fois s
108 L’aliéner, c’est le mécaniser — au sens argotique qu’ a pris le mot — c’est-à-dire le manipuler, lui imposer un comportement
109 bien payé, ne lui serait pas propre, ne pourrait que l’altérer, le détourner de sa vocation — et c’est cela que j’appelle
110 érer, le détourner de sa vocation — et c’est cela que j’appelle le péché. Le problème de l’aliénation, essentiellement lié
111 ces deux termes désignent deux formes de pouvoir, qu’ il m’importe de préciser. Le pouvoir sur autrui, c’est la Puissance, e
112 , la Liberté. Le pouvoir sur autrui, il est fatal que l’État s’en empare un jour ou l’autre. Car l’État réclame en effet la
113 t la totalité des allégeances, et ne peut tolérer que des pouvoirs collectifs soient détenus par des particuliers : qu’on s
114 collectifs soient détenus par des particuliers : qu’ on se rappelle la lutte des rois contre les féodaux, des États moderne
115 qui s’exerce sur autrui, non sur soi (comme celui que procure la richesse), relève du domaine réservé ou revendiqué par l’É
116 tant de liens avec ce qui n’est pas ma vocation, que toutes les religions de la terre l’ont condamnée : « Heureux les pauv
117 cule moliéresque. Elles ne sont, trop évidemment, que les alibis, soit de la volonté de puissance des États et de leurs gra
118 ble, est le type même de l’antivaleur, s’il n’est que l’accroissement des pouvoirs matériels, qui conduisent à la guerre, a
119 produits matériels, croissance dont on a remarqué que le rythme est celui des cellules cancéreuses. En revanche, l’amour es
120 ndamentale, qui ne saurait être niée ou contestée que par des infirmes de l’âme ou des débiles du spirituel, tous gens de p
121 ienne qui a formé vingt siècles d’Europe nous dit qu’ il faut aimer son prochain comme soi-même, et cela fonde la communauté
122 que cela nous est commandé, ne saurait donc être qu’ un acte : le prochain est celui que je puis aider en fait. Mais la not
123 rait donc être qu’un acte : le prochain est celui que je puis aider en fait. Mais la notion même de prochain suppose quelqu
124 qui lie, engage, enracine d’autre part. J’ai dit que la liberté de la personne implique sa responsabilité, et que la récip
125 rté de la personne implique sa responsabilité, et que la réciproque n’est pas moins vraie. La vocation dont l’appel me libè
126 que c’est parmi eux, avec eux et pour eux, autant que pour moi, qu’elle va peut-être se réaliser. Pas de liberté réelle pou
127 i eux, avec eux et pour eux, autant que pour moi, qu’ elle va peut-être se réaliser. Pas de liberté réelle pour un irrespons
128 ur un irresponsable : or il faut bien reconnaître que la cité moderne tend à faire de nous tous des irresponsables, et que
129 tend à faire de nous tous des irresponsables, et que les dimensions mêmes de nos États-nations et de nos villes les font é
130 ipation et civisme ne reprendront un sens concret que dans les petites unités, municipales et régionales, qu’il s’agit déso
131 ns les petites unités, municipales et régionales, qu’ il s’agit désormais de recréer si l’on veut que la personne s’épanouis
132 s, qu’il s’agit désormais de recréer si l’on veut que la personne s’épanouisse : j’y vois la tâche principale de la générat
133 mon scepticisme à l’égard de l’Europe des États, que j’ai nommée une « amicale des misanthropes » — quelque chose qu’on pe
134 une « amicale des misanthropes » — quelque chose qu’ on peut dire mais non pas faire. L’Europe que tout appelle ne pourra s
135 hose qu’on peut dire mais non pas faire. L’Europe que tout appelle ne pourra s’édifier que sur ce qui déborde, non seulemen
136 re. L’Europe que tout appelle ne pourra s’édifier que sur ce qui déborde, non seulement par en haut mais par en bas, le cad
137 a fédération continentale. Et nous venons de voir que ces deux pôles de la société à construire correspondent aux exigences
138 ntraire, c’est dans la liberté de chaque personne que vient s’enraciner la solidarité du genre humain. Ainsi de la notion d
139 de liberté et de responsabilité. Or, il se trouve que toute vraie politique de la personne appelle la création de petites c
140 nos libertés. C’est à cause de cela, finalement, que je suis venu une fois de plus, ici, parler de l’Europe, de son union,
141 ciplines sociales uniformes et dépersonnalisantes que cela signifie ? Ou voulons-nous accéder à notre mode de vie propre, a
142  : créer des régions et les fédérer, avec tout ce que cela implique d’autogestion à tous les degrés, de responsabilité à to
143 le but. L’atteindrons-nous ? J’ai toujours estimé que nous ne sommes pas au monde — ni vous ni moi — pour essayer de devine
144 our essayer de deviner l’avenir. C’est à le faire que nous sommes appelés. k. Rougemont Denis de, « La personne comme fo
2 1974, Articles divers (1974-1977). Alexandre Marc et l’invention du personnalisme (1974)
145 erai donc ici ma version (qui est la bonne) telle que je l’ai publiée dans le Journal d’une époque, p. 93 et 94 : Chez Ch
146 , dont l’accent russe amenuisait les mots, encore qu’ il parlât volontiers de « rigueur doctrinale et révolutionnaire ». Il
147 e, c’est l’âge de mon fils ! Tiens, voilà tout ce que tu mérites [un grand coup de pied] et fiche-moi le camp ! ») Sa famil
148 Plans, où il m’introduisit bientôt. C’est par lui que j’ai connu — ou reconnu — le nom même du personnalisme et les rudimen
149 du personnalisme et les rudiments d’une doctrine que ma récente découverte de la théologie barthienne me préparait à accue
150 Et c’est aussi par l’entremise de Marc, je pense, que je rencontre peu de temps après Emmanuel Mounier, qui préparait Espr
151 au de bord d’une génération qui démarre. On voit que le faible élément d’incertitude qui subsiste sur ma première rencontr
152 s et leurs animateurs, et cela durant une période que je puis facilement délimiter par deux repères personnels. Lorsque je
153 à l’automne de 1930, non seulement aucun de ceux que je viens de citer n’est connu du grand public — ce qui est normal, il
154 importe : une génération s’est déclarée, et quels que soient les conflits qui l’animent, elle a reconnu les éléments fondam
155 venteur d’idées et d’animateur d’actions communes qu’ a joué dans ces années cruciales Alexandre Marc. ⁂ Que nous nous soyon
156 joué dans ces années cruciales Alexandre Marc. ⁂ Que nous nous soyons rencontrés grâce à mon ami Max Dominicé, alors paste
157 cle, une présence enfin qui soit un acte », ainsi que je l’écrirai un an plus tard — et c’est, je crois, la première expres
158 engagement, terme dont d’autres ont abusé depuis. Qu’ on me pardonne, ici, quelques mots sur moi-même, qui me paraissent néc
159 ements concrets… Les formules du petit manifeste que me remit Alexandre Marc m’apportaient donc en clair l’énoncé le plus
160 aient donc en clair l’énoncé le plus simple de ce que je tentais péniblement de décrypter, et croyais déjà sans le savoir.
161 it plus haut. J’ajouterai à ces quelques traits : qu’ il portait à Versailles des guêtres blanches, ce qui était banal à l’é
162 blanches, ce qui était banal à l’époque pour peu qu’ on surveillât sa mise, mais je le mentionne pour attester ma bonne mém
163 le mentionne pour attester ma bonne mémoire ; et que , s’il riait haut et fort, par éclats brusques, ou laissait un sourire
164 lucidité et nourrissant une volonté aussi tenace que dénuée d’illusions romantiques. Au demeurant, des mieux armé pour les
165 e praxis dont les marxistes français ne faisaient que la théorie. Il nous communiquait sa passion pour Proudhon, mais aussi
166 n pour Proudhon, mais aussi pour Lénine, celui de Que faire ? et des « minorités agissantes ». « Sans théorie révolutionnai
167 a le Club du Moulin-Vert (ou du moins c’est ainsi qu’ on le nomme aujourd’hui dans les histoires de cette période). ⁂ L’idée
168 s les travaux récents publiés sur l’Ordre nouveau que le Club du Moulin-Vert (qui se réunissait au-dessus d’un café de la r
169 ection de recherches politiques. Je n’ai souvenir que de la première. Nous étions une trentaine dans une salle nue qui me r
170 écennies sur l’évolution de l’œcuménisme. On sait que c’est par l’action de la base, non plus par des négociations au somme
171 la base, non plus par des négociations au sommet que le mouvement progresse désormais ; que de plus en plus il tend à réal
172 au sommet que le mouvement progresse désormais ; que de plus en plus il tend à réaliser au moyen de pratiques comme l’inte
173 pratiques comme l’intercommunion « sauvage », ce que les instances ecclésiastiques se révèlent encore incapables d’autoris
174 ns pas encore si loin. Nous en étions à découvrir que les passionnés d’orthodoxies au stade naissant — réinvention de la Ré
175 ux capables de nouer le dialogue et de s’entendre que les tenants des libéralismes, des modernismes et des laxismes de tout
176 pirituel passant pour hérésie…) ⁂ Il est probable que Mounier vint un beau soir au Club du Moulin-Vert ; il est certain que
177 beau soir au Club du Moulin-Vert ; il est certain que nous nous sommes connus grâce à Marc, qui m’avait d’abord introduit à
178 ntient des articles de Marc et de moi. C’est dire que depuis plusieurs mois, nous travaillons avec Mounier, Izard, Galey, T
179 ouchard et toute l’équipe qui a préparé la revue, que nous voulons ouverte à tous les groupes personnalistes. Certes, Esp
180 . Certes, Esprit est l’enfant de Mounier. Quel que soit le nombre des articles que Marc, Dandieu, Aron, Dupuis, Prévost
181 de Mounier. Quel que soit le nombre des articles que Marc, Dandieu, Aron, Dupuis, Prévost ou moi avons pu lui donner, elle
182 tout par le catholicisme progressiste et péguyste qu’ annoncent, d’entrée de jeu, ses premiers directeurs. La rencontre avec
183  petite église d’inquisiteurs ». Or, il sait bien que Marc et moi, qui faisons partie de sa première équipe de rédacteurs,
184 à l’Ordre nouveau, et cela en dépit de l’attrait qu’ exercent déjà sur Marc le catholicisme et Péguy ; et en dépit aussi de
185 l’ensemble de la collaboration (il est bien vrai que nous nous sommes un peu laissé entraîner).2 Quels sont ces article
186 e étude sur « Le prolétariat », où l’on peut lire que « la distribution planée sera assurée par un service social obligatoi
187  ». Mais quelques lignes de « chapeau » indiquent que la revue pourrait « contresigner de nombreuses analyses [de cette étu
188 ni par l’un des membres de l’ON. Elles confirment que l’apport du groupe, d’abord représenté par Alexandre Marc, fut de loi
189 lancement d’ Esprit . En revanche, je suis témoin qu’ à quatre ou cinq reprises l’intervention de Marc a seule prévenu une r
190 leur numéro 1 jusqu’à la guerre. Mais le fait est que Marc et moi étions fort loin de soupçonner qu’en 1936, l’année même d
191 st que Marc et moi étions fort loin de soupçonner qu’ en 1936, l’année même de la publication par L’ON de Mission ou démis
192 uvrier et une technocratie petite-bourgeois (sic) que nous ne pouvons admettre.3 Ce n’est pas sans tristesse que je tran
193 pouvons admettre.3 Ce n’est pas sans tristesse que je transcris ces phrases d’une injustice proprement aberrante4. À dis
194 ement aberrante4. À distance, j’en viens à penser que la seconde opinion de Mounier sur l’ON ne saurait s’expliquer que par
195 pinion de Mounier sur l’ON ne saurait s’expliquer que par une réaction de surcompensation à la première, que j’ai citée plu
196 ar une réaction de surcompensation à la première, que j’ai citée plus haut (conversation avec Maritain). Débordé sur sa gau
197 clichés communistes sur l’ON, dans le même temps qu’ il écrit à l’archevêque de Paris qu’ Esprit est la seule revue « diri
198 le même temps qu’il écrit à l’archevêque de Paris qu’ Esprit est la seule revue « dirigée et rédigée pour une importante p
199 quoi l’ON ne serait-il pas « fasciste » ?) Quelle qu’ ait été l’importance de ses apports à Plans et à Esprit , c’est dans
200 Plans et à Esprit , c’est dans L’Ordre nouveau que Marc allait trouver le climat le plus favorable à son génie d’initiat
201 par ses conceptions tactiques (tirées de Lénine) que par son action personnelle et quotidienne. « Rien ne vaut le contact
202 iens quotidiens avec chacun des membres du groupe que l’ON dut sa cohésion de 1930 la guerre. Car jamais unité ne fut achev
203 gène Minkowski des recherches psycholinguistiques qu’ on eût appelées plus tard structuralistes. Et il venait de signer avec
204 s complémentaires fera la force des trois volumes qu’ ils écrivent ensemble de 1932 à 1933. Daniel-Rops, professeur agrégé,
205 fesseur agrégé, commence une carrière littéraire, qu’ il abandonnera plus tard pour sa fameuse Histoire du christianisme. Il
206 s. Alexandre Marc a travaillé chez Hachette, mais que fait-il et de quoi vit-il en 1933 ? Voilà ce que je n’arrive pas à me
207 que fait-il et de quoi vit-il en 1933 ? Voilà ce que je n’arrive pas à me rappeler, et l’on se voyait à peu près tous les
208 de vue religieux, qui est capital, en dépit de ce que pense un vain peuple d’intellectuels parisiens, voici l’état du group
209 croyances déclarées, il est intéressant de savoir que nous formions un groupe étonnamment compact, à tel point qu’on ne sai
210 rmions un groupe étonnamment compact, à tel point qu’ on ne sait pas quel fut l’apport de qui dans notre doctrine unanime. S
211 pait, ou se moquait simplement. Mais nous savions qu’ une société et ses mesures sont affaire de personnes, donc de coopérat
212 932 jusqu’à l’interdiction par Vichy, je constate que la plupart des thèmes juridiques et politiques de la pensée personnal
213 e citations — qui n’ont fait, depuis ce temps-là, que gagner (si possible) en actualité. Contre l’État-nation. La critiqu
214 juscule : manière concrète de rappeler au lecteur que l’État n’est pas autorité, mais seulement pouvoir, ou plus précisémen
215 n’est pas « la Société », ni « la forme politique que tend à revêtit toute nation civilisée » (Esmein). Il n’est pas la pat
216 sentimentaux ». C’est à l’échelle de la commune que le sentiment patriotique se manifeste le plus spontanément… On peut p
217 enne, bretonne, catalane. Il n’en reste pas moins que la commune est le lieu privilégié en lequel se trouvent réunis tous l
218 ffective, de l’idéal commun, et du service public que devrait demeurer l’état, a tout faussé. La confusion de la patrie et
219 sme économico-administratif qui n’en devrait être que le soutien. Par là les valeurs spirituelles se trouvent définitivemen
220 tionales économiques ou belliqueuses. Il n’existe qu’ une forme de « rapprochement » véritable et effectif entre états-natio
221 t de G. Gurvitch, Marc conclut avec Léon Duguit «  qu’ il existe une règle de droit antérieure et supérieure à l’état, et qui
222 s la conquête… Le possédant est celui qui marque, que ce soit un objet, une terre, ou le cœur d’un être. Ni l’état, ni même
223 ont Sartre, dix ans plus tard, ne modifiera guère que l’adjectif) : Tout homme est placé dans une certaine situation : c’e
224 est placé dans une certaine situation : c’est ce que les idéalistes sont toujours tentés d’oublier. L’homme en général, le
225 ral, le citoyen abstrait, l’esprit pur n’existent que dans l’imagination déréglée des libéraux ; un être de chair et de san
226 on… Il est sa propre situation. Mais il n’est pas que cela. Tel est le paradoxe fécond du fait agonal (c’est-à-dire du conf
227 al) auquel on se heurte dans cette perspective et que toute tentative de réduction moniste tourne à l’absurde. Si l’homme n
228 on moniste tourne à l’absurde. Si l’homme n’était que sa situation, celle-ci serait à son tour un pur possible, et non une
229 ne réalité. Une situation n’est réelle, en effet, que dans la mesure où elle est une, c’est-à-dire dans la mesure où la div
230 d’une perspective. Or, cette perspective n’existe que parce que l’homme est en quelque manière extérieur à sa situation, pa
231 ainsi de l’animal dont la situation ne peut être que la résultante d’un concours de circonstances extrinsèques (que l’anim
232 ante d’un concours de circonstances extrinsèques ( que l’animal ne peut que subir), ou bien encore que le résultat d’une éli
233 circonstances extrinsèques (que l’animal ne peut que subir), ou bien encore que le résultat d’une élimination purement uti
234 (que l’animal ne peut que subir), ou bien encore que le résultat d’une élimination purement utilitaire de la diversité (en
235 ion). Par contre, la situation n’a de sens humain qu’ en fonction de l’attitude de l’homme. (ON 38) Le Plan sans contrain
236 me la forme même de la vie économique, c’est dire qu’ une véritable économie « planée » exclut à priori l’étatisme. Pour que
237 ais une réalité dynamique et progressive, il faut qu’ un éventuel « plan » économique fasse appel aux ressorts humains de l’
238 ON 37) L’état totalitaire n’est pas autre chose que l’erreur moniste projetée sur le plan de la vie en société. (Son cara
239 l’échelle de ces immenses conglomérats politiques que l’on essaie de lui faire prendre pour « sa patrie » : ils sont beauco
240 e qui est nécessaire à l’homme. (ON 15) (On sait que l’argument « trop petit et trop grand » est devenu le pont aux ânes d
241 s l’article intitulé « La folie des frontières », qu’ il publie le 15 juin 1934, sous le nom de Michel Glady et en collabora
242 que, économique, administrative, etc.), recherche que je me vois amené à reprendre aujourd’hui en relation avec ma théorie
243 rie des régions fonctionnelles. Les deux passages que je vais citer (non sans scrupules, car ils souffriront d’être privés
244 rie » ultérieure devra tenir compte de ce point — que les limites territoriales, dans une société Ordre nouveau, signifiero
245 frontières se justifie, tout d’abord, par le fait que , grâce à leur stabilité, un minimum d’ordre matériel peut être assuré
246 qui me frappe à la relecture, c’est aussi le fait que Marc soit venu à l’Europe par les voies du personnalisme en premier l
247 la situation du monde, du rôle historique central qu’ a joué notre synthèse culturelle, de la vocation mondialisante qui fut
248 fédérations : et c’est en route vers l’universel que l’Europe apparaît inévitablement, non point comme une fin en soi, mai
249 n du texte capital cité plus haut9, qui concluait qu’ une situation n’a de sens humain qu’en fonction de l’attitude de l’hom
250 qui concluait qu’une situation n’a de sens humain qu’ en fonction de l’attitude de l’homme. Je conclus pour ma part que s’il
251 de l’attitude de l’homme. Je conclus pour ma part que s’il y a un avenir, et qu’il demeure ou redevienne européen, la pensé
252 e conclus pour ma part que s’il y a un avenir, et qu’ il demeure ou redevienne européen, la pensée d’Alexandre Marc est prom
253 veau, je salue les « solides promesses d’accord » que nous apporte le Manifeste au service du personnalisme de Mounier. Au
254 ent un maître ouvrage, à placer sur le même rayon que le Capital de Marx et Au-delà du marxisme, d’Henri de Man. » 7. Entr
3 1974, Articles divers (1974-1977). Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)
255 poste de professeur en Chine, mais c’est à Paris que se passe « la vraie vie » pour un écrivain. L’ennui, c’est que je n’y
256 « la vraie vie » pour un écrivain. L’ennui, c’est que je n’y connais personne qui touche de près ou de loin à la vie littér
257 eul espoir : un miracle, autrement dit une chance que rien ne permet de prévoir. Cet après-midi-là, j’ai flâné dans Neuchât
258 et tout d’un coup, vers cinq heures, la certitude qu’ il faut rentrer chez moi dare-dare. Tram n° 5. Je saute de la voiture
259 nche matin déjà, j’annonce subitement à mes hôtes que je dois rentrer à New York pour une affaire pressante. En vérité j’ig
260 vérité j’ignorais quelle affaire, mais je sentais qu’ il fallait rentrer. Je monte l’escalier quatre à quatre, j’ouvre ma po
261 comme on dit en anglais — speaker n’étant employé qu’ en français — qui allaient devenir mes collaborateurs quotidiens. Andr
262 mon aventure personnelle, vécue bien plus encore que littéraire : amitié de Breton d’abord, puis de Marcel Duchamp, et, pa
263 vie : voir des lettres en route vers moi, celles que m’apportera demain matin cet « homme de lettres » qu’est le facteur,
264 m’apportera demain matin cet « homme de lettres » qu’ est le facteur, selon Voltaire. Ces incidents, dénués de sens utile, n
265 roire à mes histoires. Soudain j’ai dit : « Voilà que ça me prend, tout justement ! Attendez, que je vous dise… Sur mon ass
266 Voilà que ça me prend, tout justement ! Attendez, que je vous dise… Sur mon assiette de petit déjeuner, demain matin, il y
267 dit : « C’est bien cela », sans plus d’étonnement que les autres fois. Le père Reinecke, survenu peu après, n’est pas encor
268 peu après, n’est pas encore convaincu. Il prétend que je savais qui allait m’écrire, et que j’avais d’assez bonnes chances
269 Il prétend que je savais qui allait m’écrire, et que j’avais d’assez bonnes chances de deviner juste. Mais je n’ai rien de
270 il en fut, et je n’avais aucune raison d’attendre qu’ il m’écrive. Quant à l’enveloppe jaune, elle contenait un journal où l
271 iée. (Une facture de blanchisseur !) Il me semble que la chose ne m’était plus arrivée depuis douze ou treize ans, depuis C
272 précisément, chaque fois qu’elle se manifestait, que j’étais déconnecté du monde de l’utile. « Tiens, voilà le diable !
273 étérias où il suffit de désigner du doigt le plat qu’ on veut), et ce soir je décide de « sortir » : des amis m’ont invité «
274 e de quartier, en sorte que je ne « vis le jour » qu’ à la lueur d’une lampe à pétrole hâtivement allumée et que tenait mon
275 lueur d’une lampe à pétrole hâtivement allumée et que tenait mon père. Soixante-sept ans plus tard, je donnais la leçon ina
276 rs une apocalypse à court terme, et je constatais que « nous arrivons au point où le moteur de la croissance commence à avo
277 étions six et heureusement accordés, je suggérai que l’on jouât aux questions et réponses. Ce jeu, purement télépathique e
278 n collaborateur au Centre européen de la culture, que j’ai appelé, après sa mort prématurée en 1957, « le seul grand poète
279 langue française ». L’une des questions était : «  Qu’ arriverait-il si Jean-Paul devenait pape ? » Et la réponse : « Le pape
280 « Le pape serait luthérien. » Deuxième échange. «  Qu’ est-ce que la mystique ? » Réponse : « C’est un petit jardin fermé qui
281 serait luthérien. » Deuxième échange. « Qu’est-ce que la mystique ? » Réponse : « C’est un petit jardin fermé qui s’ouvrira
282 t jardin fermé qui s’ouvrira à Pâques. » (On sait que le hortus clausus est un symbole fondamental du mysticisme, flamand e
283 te soirée mémorable. L’un de nous avait écrit : «  Qu’ arriverait-il si le diable entrait dans cette pièce ? » Le partenaire
4 1974, Articles divers (1974-1977). Un modèle pour l’Europe ? (1974)
284 chiste, fasciste ou nazi. Mais il ne faudrait pas que cette modestie les empêche d’assumer leur vocation. Lorsqu’il m’est a
285 e ridicule. » Je persiste à penser, au contraire, qu’ il n’y a pas la moindre proportion de la justesse d’une idée à la tail
286 d’une idée à la taille de celui qui l’énonce ; et que l’importance ou la grandeur d’une vocation communautaire n’est pas fo
287 es dépositaires d’une grande idée, dont je crains qu’ ils la comprennent mal, toujours plus mal, après l’avoir si bien prati
288 xixe siècle. C’est à croire, dit un historien10, que les Suisses se gardent soigneusement d’en faire un concept, un systèm
289 e et dans le monde, mais en Suisse même. C’est ce que je voudrais marquer d’abord. Nous commettons généralement en Suisse,
290 aux de répéter, comme les manuels de mon enfance, que la Confédération a été fondée par « les trois cantons primitifs », ta
291 liés de longue date et diversement intégrés, tels que Mulhouse et la Franche-Comté, ou encore les régions conquises (la Lév
292 s et d’oligarchies, qui n’avaient guère en commun que l’essentiel : la volonté de rester libres à leur manière — et seule l
293 es le plus souvent, parfois mondiale. C’est ainsi que le CERN est né, parce que les dimensions de la tâche (conception, con
294 eurer classique, tant en vertu de ses motivations que de son succès. Le problème spécifique de la Suisse naît du fait qu’à
295 Le problème spécifique de la Suisse naît du fait qu’ à l’instar des nations qui l’entourent, elle est de plus en plus tenté
296 État-nation centralisé, et ne diffère des autres que par ses prétentions à représenter un « Sonderfall ». (Or son cas, jus
297 Or son cas, justement, ne serait « exceptionnel » que si la Suisse se montrait insensible aux réflexes stato-nationalistes
298 ur des États —, ne pourra devenir modèle européen que s’il accepte de ne pas arrêter son processus aux frontières nationale
299 de rigueur : penser juste devient plus important que « bien penser ». De ce qui précède, je déduirai maintenant deux séri
300 frir à nos compatriotes européens d’autres leçons que celles de nos erreurs. La seule chance de durée de notre fédéralisme
301 rope — de proche en proche. (Et l’on peut espérer que le reste du monde finira bien par l’imiter.) B) Nous avons à offrir
302 nationaux : notre Conseil fédéral. Il est certain que la formule napoléonienne de l’État-nation souverain, indivisible et c
303 igent d’une part des espaces beaucoup plus vastes que ceux de nos vingt-huit États européens12 et d’autre part des aménagem
304 aujourd’hui des aspects continentaux et régionaux qu’ il est devenu pratiquement impossible de manipuler à l’échelle nationa
305 rée par ces agences européennes d’un type nouveau que sont dans le domaine économique la CEE, et dans le domaine de la rech
306 t mener à bien les recherches les plus coûteuses, que les régions ne sauraient entreprendre pour leur compte. Elles constit
307 pas seulement, je le répète, la plus rationnelle que l’on puisse imaginer aujourd’hui, mais aussi celle qui a le plus de c
308 xprime dans la collégialité. Je demeure convaincu que l’expérience suisse ne saurait offrir à l’Europe rien de plus valable
309 l’Europe rien de plus valable ni de mieux éprouvé que cet exemple unique au monde d’un exécutif collégial, conçu et ordonné
5 1974, Articles divers (1974-1977). Philosophie du prix littéraire Prince-Pierre-de-Monaco (1974)
310 e Monaco, je voudrais mettre en valeur celui-ci ; qu’ il partage seul avec le prix Nobel le privilège d’être à la fois litté
311 être à la fois littéraire et international — mais qu’ il ajoute à cette distinction majeure, celle d’être uniquement de lang
312 e possible à Paris, qui a toujours peine à croire qu’ au-delà de ses Portes il existe autre chose que des relais vers les ré
313 re qu’au-delà de ses Portes il existe autre chose que des relais vers les résidences secondaires. Il y fallait un petit Éta
314 es, et des brevets d’invention. Il n’est en somme qu’ un privilège qu’il doive céder au grand État, c’est celui de pouvoir f
315 ts d’invention. Il n’est en somme qu’un privilège qu’ il doive céder au grand État, c’est celui de pouvoir faire de grandes
316 uerres et des traités : la langue française moins que toute autre, puisqu’au-delà des trois-quarts de la France actuelle el
317 d’autres frontières, au sein de la culture même, qu’ il importe avant tout d’effacer dans nos têtes, et ce sont les frontiè
318 es best-sellers, mais chez les plus sophistiqués, qu’ au sens américain du mot la fiction seule est création, que les jeux d
319 s américain du mot la fiction seule est création, que les jeux du roman sans sujet, des poèmes « éclatés » et du théâtre al
320 sique et les Mémoires de « Papillon », et tout ce que , faute de mieux, l’on nomme « essais », quels qu’en soient les sujets
321 que, faute de mieux, l’on nomme « essais », quels qu’ en soient les sujets et le style, les dimensions et l’ambition intelle
322 onseil littéraire de Monaco n’a-t-il pas démontré qu’ il se riait de la tyrannie des genres, en couronnant, premier d’une sé
6 1974, Articles divers (1974-1977). À propos de Théodore Strawinsky [préface] (1974)
323 e pinceau (ou mieux, de formes), il serait décent qu’ au lieu d’en profiter pour jouer les critiques d’art qu’ils ne sont pa
324 lieu d’en profiter pour jouer les critiques d’art qu’ ils ne sont pas, ils se contentent de dire en amateurs qu’ils devraien
325 e sont pas, ils se contentent de dire en amateurs qu’ ils devraient être — et quel beau titre : celui qui aime ! — ce qu’ils
326 être — et quel beau titre : celui qui aime ! — ce qu’ ils éprouvent devant une œuvre. La peinture de Théodore Strawinsky n’e
327 produits ou objets comportant si peu de peinture qu’ il devient impérieux de suppléer à cette sécheresse par un surabondant
328 . On peut tout faire, on doit tout faire pour peu que l’on sache inventer, et qu’importe le genre choisi ou que l’on crée.
329 t tout faire pour peu que l’on sache inventer, et qu’ importe le genre choisi ou que l’on crée. Je dis que Théodore Strawins
330 sache inventer, et qu’importe le genre choisi ou que l’on crée. Je dis que Théodore Strawinsky, lui, fait de la peinture.
331 ’importe le genre choisi ou que l’on crée. Je dis que Théodore Strawinsky, lui, fait de la peinture. Ses huiles, pastels, p
332 ’abord ces cours du soir du snobisme intellectuel que sont devenues tant de revues et de feuilles imprimées dans le vent, p
333 tique propage ses gémissements sur la difficulté, que dis-je, sur l’essentielle impossibilité de communiquer : et l’on nous
334 rmel comme le résultat de cette crise. Je réponds que l’informel ne prouve rien, sinon le refus temporaire et polémique au
335 le refus temporaire et polémique au moins autant que poétique, de recourir au langage que tout Occidental sensible peut co
336 moins autant que poétique, de recourir au langage que tout Occidental sensible peut comprendre, celui des paysages, signes
337 l’âme. Paysages et visages n’existent à vrai dire que pour notre œil humain auquel ils n’apparaissent qu’en vertu d’une opé
338 e pour notre œil humain auquel ils n’apparaissent qu’ en vertu d’une opération mal explicable, presque magique, si l’on song
339 on mal explicable, presque magique, si l’on songe que le cosmos tout entier est fait de vide, ponctué d’électrons infinités
340 s infinitésimaux plus éloignés les uns des autres que les étoiles ne le sont de la terre, et que c’est sur ce vide sidéral,
341 autres que les étoiles ne le sont de la terre, et que c’est sur ce vide sidéral, infini, cette vacuité fondamentale, univer
342 infini, cette vacuité fondamentale, universelle, que se dessinent, se colorent, se modèlent comme par miracle des formes l
343 pparitions plutôt, aux yeux de l’artiste pour peu que son regard accorde foi et que sa main d’un geste donne un sens aux pr
344 l’artiste pour peu que son regard accorde foi et que sa main d’un geste donne un sens aux propositions de la nature. Et c’
345 , parmi les œuvres de Théodore Strawinsky, celles que je préfère sont par exemple une certaine toute petite nature morte au
346 sible au spirituel, la vraie part du sacré autant que de la technique. Le sacré : jamais l’Art avec la majuscule dont se m
347 le sacré dans son action indéfiniment créatrice, que ne le sont l’art et la technique de l’auteur du Sacre du Printemps. E
348 parentés du père d’ailleurs, dans le petit livre qu’ il publie en 1948, Le Message d’Igor Stravinsky. Sur ce livre, nous po
349 su défendre les intérêts spirituels de ton père, que tu as manifestement faits tiens. » « Les intérêts spirituels » du pèr
350 « Les intérêts spirituels » du père… Il se trouve que j’écris ces lignes à Venise. Et c’est ici que j’ai vécu l’un des plus
351 uve que j’écris ces lignes à Venise. Et c’est ici que j’ai vécu l’un des plus hauts moments de la culture européenne. Après
352 i référence du mot figuration en des sens opposés que lui donnent trois préfixes. Je dirai que le travail du peintre n’a ja
353 opposés que lui donnent trois préfixes. Je dirai que le travail du peintre n’a jamais consisté à disposer avec plus ou moi
354 n même temps que la meilleure définition des fins qu’ entend servir son art. c. Rougemont Denis de, « [Préface] À propos
7 1974, Articles divers (1974-1977). Recherche pour un modèle de société européenne (février 1974)
355 a recherche d’un modèle, signifie bien évidemment que les modèles anciens — ou le modèle de naguère — ne satisfont plus, ne
356 naguère — ne satisfont plus, ne marchent plus, et qu’ il est temps d’inventer mieux. Et en troisième lieu, si l’on recherche
357 lieu, si l’on recherche un modèle européen, c’est que l’on ne pense pas pouvoir s’accommoder de modèles étrangers et pour n
358 sses, ou chinois. Cela ne signifie pas un instant qu’ on tienne l’Europe pour supérieure — ou inférieure — à telle autre par
359 onde ; mais bien qu’on la constate différente, et qu’ elle appelle des solutions spécifiques. Ces solutions spécifiques, par
360 Conseil de l’Europe, Arnold Toynbee nous expliqua que deux avenirs possibles s’ouvraient aux Européens : — ou bien l’Europe
361 oisième possibilité : aussi loin du repli résigné que de la volonté de dominer (ne fût-ce que moralement) ou de se poser en
362 i résigné que de la volonté de dominer (ne fût-ce que moralement) ou de se poser en modèle exemplaire. Une troisième possib
363 mondiale. Car c’est bien de cette crise mondiale qu’ il s’agit aujourd’hui, et avant tout, de s’occuper ; non plus seulemen
364 ations. ⁂ Je pars d’une constatation fondamentale que j’essaierai de formuler en une seule phrase, que voici : Pour la prem
365 que j’essaierai de formuler en une seule phrase, que voici : Pour la première fois dans l’histoire, l’homme d’aujourd’hui
366 pèce humaine ; et il y est contraint du seul fait qu’ il en a, pour la première fois, la liberté. Jusqu’à nos jours, depuis
367 ardin mythique des origines, l’homme n’avait fait que répondre tant bien que mal aux divers défis de la nature dont il viva
368 roire ? Des futurologues distingués vous assurent que les réserves existantes ou encore à découvrir de pétrole seront épuis
369 eux, Raymond Barre, leur répond — et je le cite — que ces réserves sont « pratiquement inépuisables, en dépit des théoricie
370 de la prospection de la British Petroleum annonce que la production du pétrole commencera à diminuer dans dix ans, et que d
371 du pétrole commencera à diminuer dans dix ans, et que des mesures de rationnement devront être décrétées dans huit ans. Mêm
372 rnements. Ces experts nous répètent, par exemple, que la consommation d’énergie électrique va doubler désormais tous les se
373 leur demande comment ils le savent, ils répondent qu’ il s’agit d’un fait scientifiquement établi par des calculs irréfutabl
374 cela ne peut pas être vrai, pour les deux raisons que voici : 1) Il serait déjà très difficile de doubler notre production
375 16 384 en moins d’un siècle, car c’est le chiffre qu’ on obtient au bout de quatre-vingt-dix-huit ans en multipliant une qua
376 compagnies nous y invitent, rien ne pourra faire que la consommation double en sept ans. Les compagnies essaient tout simp
377 dangers écologiques et les risques humains autant que les avantages économiques d’un projet, pour établir son coût réel, ta
378 n coût réel, tantôt de promoteurs qui n’invoquent que les besoins supposés et les profits escomptés, et pensent qu’après to
379 ins supposés et les profits escomptés, et pensent qu’ après tout, cela durera bien autant qu’eux… Admettons qu’il est plus p
380 et pensent qu’après tout, cela durera bien autant qu’ eux… Admettons qu’il est plus prudent, en tout état de cause, de suivr
381 s tout, cela durera bien autant qu’eux… Admettons qu’ il est plus prudent, en tout état de cause, de suivre les futurologues
382 cause, de suivre les futurologues soucieux plutôt que les promoteurs irresponsables, quand il s’agit de formuler une politi
383 s’agit de formuler une politique. Or nous voyons que dans leur majorité, les futurologues calculent un avenir de catastrop
384 futurologues calculent un avenir de catastrophes, que ce soit à moyen ou à long terme. Ils nous annoncent des désastres en
385 as résumer ici le fameux rapport du club de Rome, que je suppose connu de chacun d’entre vous. Je vous rappellerai seulemen
386 hacun d’entre vous. Je vous rappellerai seulement que la crise mondiale — et c’est je crois sa formule la plus simple — est
387 e illimitée dans un monde dont nous avions oublié qu’ il est irrévocablement limité. C’est la découverte, puis la prise de
388 on par les Nations unies de statistiques montrant que le temps de doublement de la population du globe n’était plus que de
389 doublement de la population du globe n’était plus que de trente-cinq ans, nous a permis à tous de calculer qu’à ce taux-là,
390 trente-cinq ans, nous a permis à tous de calculer qu’ à ce taux-là, nous serions six milliards et demi en l’an 2000, 26 mill
391 s d’années, tout l’univers visible ne serait plus qu’ une sphère d’êtres humains, dont le diamètre s’allongerait à la vitess
392 -t-il, convaincre même les esprits les plus obtus qu’ il faudra bien que la croissance démographique s’arrête un jour. La c
393 l’arrête, un jour ou l’autre. Si l’on ne veut pas que ce soit une catastrophe, il faudra bien que ce soit une libre décisio
394 uteurs, est calculée par de nombreux futurologues qu’ on dit atteints de sinistrose, mais dont je serais tenté de dire qu’il
395 de sinistrose, mais dont je serais tenté de dire qu’ ils pèchent au contraire par excès d’optimisme : car pour spectaculair
396 e par excès d’optimisme : car pour spectaculaires que soient les catastrophes prévues par leurs méthodes plus ou moins rigo
397 moins rigoureuses, elles me font bien moins peur que celles dont ils ne parlent pas, et qui sont liées inexorablement aux
398 delà des pires prévisions de nos futurologues, ce qu’ un vieux mythe des Indiens Navahos représente comme l’Ère de l’Accrois
399 ente comme l’Ère de l’Accroissement des Monstres. Que faire des prévisions du club de Rome — tellement moins effrayantes qu
400 ons du club de Rome — tellement moins effrayantes que celles de ces Indiens ? D’abord les croire. C’est le seul moyen de l
401 moyen de les faire mentir. Car elles ne demandent qu’ à être démenties, on peut même dire qu’elles ne sont là que pour ça. S
402 demandent qu’à être démenties, on peut même dire qu’ elles ne sont là que pour ça. Si on ne les croit pas, parce qu’on les
403 démenties, on peut même dire qu’elles ne sont là que pour ça. Si on ne les croit pas, parce qu’on les juge trop pessimiste
404 2000. Son système de prévision est le plus simple qu’ on ait jamais imaginé : il repose entièrement sur la technologie et so
405 tes dans ce temps, et les conséquences politiques qu’ elles entraîneront. Sans vouloir entreprendre ici la critique d’une pa
406 e pareille méthode, je me contenterai de citer ce que ses auteurs eux-mêmes en disent. À la page 54 de la traduction frança
407 n 2000, ils donnent un bref tableau (n° IV) de ce que leur méthode n’eût pas permis de prévoir, si elle eût été appliquée v
408 eût été appliquée vers 1900. Parmi les événements qu’ ils qualifient de « surprenants et presque toujours inattendus » on tr
409 t établissement de diverses dictatures. Voilà ce que la méthode n’eût pas permis de prévoir selon les propres dires de Kah
410 voir selon les propres dires de Kahn. J’en déduis que la méthode ne vaut rien. Les faits déterminants du xxe siècle, de l’
411 Ils étaient simplement… historiques ! Au surplus, qu’ ils soient pessimistes comme Meadows, Ehrlich, G. Rattray Taylor, Geor
412 t, Jean Dorst, Edward Goldsmith ou René Dubos, ou qu’ ils soient optimistes comme Herman Kahn, quelques PDG de choc à la mod
413 eurs du territoire, presque tous les futurologues que je connais me paraissent pécher également par l’incapacité où ils se
414 ulent, d’indiquer des remèdes politiques aux maux qu’ ils ont calculés, et de se référer à des finalités humaines ou divines
415 derrière les buissons quand Dieu rappelle, plutôt que de reconnaître ses responsabilités. Si utiles que puissent être ceux
416 que de reconnaître ses responsabilités. Si utiles que puissent être ceux qui calculent nos risques et définissent les contr
417 culent nos risques et définissent les contraintes que nous devons subir, ils demeurent incapables de fonder la politique de
418 utodestruction d’une civilisation. Je ne puis ici qu’ en résumer l’intrigue. Tout commence en 1875 (il y a donc un peu moins
419 obiles Ford. Dans sa première publicité, il écrit que l’auto « peut vous mener n’importe où il vous plaît d’aller… pour vou
420 s détestées, sur une machine de roule n’obéissant qu’ à ses humeurs. L’auto ne répondait alors à aucun besoin du public, bie
421 le devait permettre d’aller vite, et elle ne fait que du 4 km à l’heure dans le centre de nos grandes villes, qu’elle asphy
422 m à l’heure dans le centre de nos grandes villes, qu’ elle asphyxie. Elle devait révéler la campagne et la solitude, elle le
423 r l’homme, elle l’asservit. Ivan Illich a calculé que l’Américain moyen qui roule ses 10 000 km par an, doit consacrer pour
424 s, son garage, etc., tant de journées de travail, qu’ au total ses 10 000 km lui auront pris environ 1700 heures de son temp
425 Comme elle ne marche pas encore sans pétrole, et que le pétrole consommé par l’Europe est détenu à 80 % par les pays arabe
426 s le dimanche. Or cette circulation quasi sacrée, qu’ il faut sauver à n’importe quel prix, elle fait bon an mal an 280 000
427 . Mais il y a plus grave. B. de Jouvenel a montré qu’ elle stérilise les bases de la démocratie en transformant les places e
428 ues ; car c’était sur les places et dans les rues que se formait traditionnellement l’opinion, — de l’agora des cités grecq
429 es camps de la mort et de la folie de cet Hitler, que Herman Kahn n’a pas prévu. Une histoire de fous, je vous l’ai dit. Et
430 te quel prix, sans savoir où… Mais voilà bien ce que nos futurologues n’eussent pas deviné davantage que l’aventure nation
431 e nos futurologues n’eussent pas deviné davantage que l’aventure nationale-socialiste ou fasciste, ou même stalinienne, qu’
432 nale-socialiste ou fasciste, ou même stalinienne, qu’ ils jugent « inattendues », aberrantes, erronées, — mais qui hélas ont
433 fait notre histoire ! Herman Kahn vient d’avouer qu’ à ses yeux, Hitler était méthodiquement imprévisible. Pourtant d’autre
434 icateurs » et décrit d’une manière saisissante ce que sera la vie des ouvriers dans les pays totalitaires du xxe siècle. D
435 -cinquante ans aux dépens des communautés réelles qu’ ils ont enfermées dans leurs frontières, mises au pas, uniformisées et
436 paraît inévitable — pour un temps —, du seul fait que les dictateurs proclament qu’ils apportent une réponse au grand appel
437 mps —, du seul fait que les dictateurs proclament qu’ ils apportent une réponse au grand appel qui monte de leur peuple vers
438 seuls qui en avaient les moyens. Et vous voyez ce qu’ ils en ont fait. Ils ont géré et détruit ses ressources en vue de leur
439 omme le fait voir leur procédé de mesure, le PNB ( que je voudrais appeler Prestige National Brutal) qui ramène tout à l’Éta
440 ans le cadre de ses frontières, l’État-nation tel que nous l’avons fait, nous les Européens — mauvais Européens ! — et répa
441 u moins très clairement annoncé, sur la recherche que je propose et sur ses directions majeures : nous voyons maintenant ce
442 s directions majeures : nous voyons maintenant ce qu’ il s’agit de changer dans notre société européenne : c’est le modèle s
443 vous restez en droit d’attendre, à tout le moins, que je vous donne mes hypothèses de travail, et le plan général de mon en
444 q générations d’instruction publique à considérer que l’État national est l’aboutissement suprême de toute l’histoire. Qu’i
445 est l’aboutissement suprême de toute l’histoire. Qu’ il n’y a rien à imaginer au-delà. Et nous en avons persuadé la terre e
446 chent tous : plus de jeu, plus de vide entre eux. Que faire contre ce mur impénétrable, apparemment inébranlable ? À suppos
447 pénétrable, apparemment inébranlable ? À supposer qu’ on y arrive, créerait-on un chaos ? Une anarchie ? C’est ce que me dis
448 e, créerait-on un chaos ? Une anarchie ? C’est ce que me disent ceux qui se croient « réalistes ». Et même certains autres,
449 e Malraux, lequel répète non sans quelque emphase que le xxe siècle est le siècle des nations, que la nation est la réalit
450 ase que le xxe siècle est le siècle des nations, que la nation est la réalité par excellence du xxe siècle. Je lui répond
451 ité, à y regarder de près14, nous nous apercevons que l’État-nation est bien malade. Et tout d’abord, sa souveraineté préte
452 aineté de nos nations européennes ne reste réelle qu’ en tant que prétexte à refuser les mesures d’union proposées au plan e
453 r les mesures d’union proposées au plan européen, qu’ il s’agisse du rejet de la CED, ou du veto opposé par certains pays à
454 lesse réelle de l’État-nation ; tant il est clair qu’ aucun problème écologique ne se laisse définir par nos frontières, et
455 gique ne se laisse définir par nos frontières, et qu’ aucune frontière politique ou économique n’a jamais arrêté ni tempête,
456 n à des réalités radicalement hétérogènes, telles que langue et sous-sol, économie et histoire. Il faudrait un miracle pour
457 a culture, et aux valeurs souvent contradictoires qu’ elle a héritées de la Grèce, de Rome, de Jérusalem, des Celtes, des Ge
458 oire dans les termes, impraticable. C’est l’idéal qu’ affirment les juristes et les chefs d’État, et c’est là leur hypocrisi
459 e fédération fondée sur des régions, plus petites que nos États actuels, et la plupart du temps chevauchant leurs frontière
460 uropéenne de demain. Mais attention : les régions que je conçois et cherche à repérer, à définir, ne seront pas des mini-Ét
461 posées à toutes les réalités publiques. Le modèle que nous recherchons prévoit par hypothèse des régions fonctionnelles, c’
462 ans le Contrat social, au chapitre où il démontre que plus une cité s’agrandit, moins ses citoyens ont de prise sur ses réa
463 sont les responsables de tout ordre, à tel point que dans un grand pays, il n’y a plus que quelques ministres tout puissan
464 à tel point que dans un grand pays, il n’y a plus que quelques ministres tout puissants, et dans un très grand pays, un seu
465 utés de toute espèce, aussi nombreuses et variées que possible, pluralité des allégeances, liberté garantie par l’exercice
8 1974, Articles divers (1974-1977). L’Europe des régions (juin-juillet 1974)
466 1974)e f Le mal stato-national Il semble que deux de vos thèmes principaux traversent actuellement une crise aiguë
467 ause est-elle purement fortuite ? Je ne pense pas qu’ il y ait une crise de la notion de région, mais au contraire une monté
468 omènes, elle n’est aucunement fortuite ; à mesure que les frontières s’abaissent, les régions « remontent ». On ne fera jam
469 scours de Lyon, il passait en revue les relations que devaient entretenir les régions françaises avec l’extérieur. Presque
470 traire reliés par les Pyrénées. On nous a raconté que le Rhin était une frontière naturelle entre les Français et les Allem
471 dée de région ? C’est à partir de l’idée d’Europe que je suis parvenu à l’idée de région. J’ai pensé, avec beaucoup de gens
472 avec beaucoup de gens, au lendemain de la guerre, qu’ il était vital de « faire l’Europe » comme on disait, d’arriver à une
473 ou d’un autre type. Je me suis aperçu très vite qu’ on ne pourrait pas y arriver à cause de la formule de l’État-nation, à
474 é à abaisser un peu les frontières, on s’aperçoit que les régions resurgissent, soit qu’il s’agisse d’anciennes provinces d
475 on s’aperçoit que les régions resurgissent, soit qu’ il s’agisse d’anciennes provinces dont le relief avait été effacé par
476 été effacé par le bulldozer du jacobinisme, soit qu’ il s’agisse de régions nouvelles, ou créées par l’économie et par des
477 i ne tiennent pas compte des frontières. À mesure que les frontières se dévalorisent entre nos États-nations, les régions r
478 ssairement de langue commune. Pourquoi dites-vous que le phénomène des régions ethniques est peut-être le moins sérieux ? A
479 gion Bretagne, mais ils sont obligés de constater que le Breton n’est parlé que dans une partie du pays, le reste c’est le
480 nt obligés de constater que le Breton n’est parlé que dans une partie du pays, le reste c’est le gallo qui va jusqu’à Renne
481 à voir ensemble, comme la langue, l’économie, ce qu’ il y a dans le sous-sol, l’état civil, l’histoire, les développements
482 ètement hétérogènes, hétéroclites. J’ai très peur que des gens qui voudraient ressusciter les anciennes provinces essaient
483 ntière commune qui serait un mini-État-nation. Ce qu’ il nous faut éviter à tout prix. Je pense que faire en Europe 300 mini
484 . Ce qu’il nous faut éviter à tout prix. Je pense que faire en Europe 300 mini États-nations, au lieu de 25 États-nations s
485 es langues. D’autre part, j’ai dit tout à l’heure que la définition d’une région aujourd’hui est beaucoup plus complexe. Qu
486 ne région aujourd’hui est beaucoup plus complexe. Qu’ elle peut être économique aussi bien qu’ethnique, qu’elle peut être un
487 elle peut être économique aussi bien qu’ethnique, qu’ elle peut être une question de tradition, ou de développement nouveau,
488 développement nouveau, d’ouverture sur l’avenir ; que la plupart des régions intéressantes qui sont en train de prendre for
489 n cercle carré, c’est une impossibilité, c’est ce que j’ai appelé souvent « une amicale des misanthropes » : c’est une chos
490  une amicale des misanthropes » : c’est une chose que l’on peut dire, mais que l’on ne peut pas faire. Si vous faites une «
491 opes » : c’est une chose que l’on peut dire, mais que l’on ne peut pas faire. Si vous faites une « amicale », vous cessez d
492 tourner vers les régions. Ou bien il faut avouer qu’ on ne veut pas faire l’Europe ; et il faut savoir aussi ce que ça sign
493 t pas faire l’Europe ; et il faut savoir aussi ce que ça signifierait : la colonisation de l’Europe, économiquement par l’O
494 . Les chiffres sont absolument étonnants, quelles que soient les mesures prises officiellement, surtout les discours faits
495 « indépendance totale » du pays ! Je ne dirai pas que je suis antiaméricain ou que je suis antirusse, il faut ne pas se tro
496 ys ! Je ne dirai pas que je suis antiaméricain ou que je suis antirusse, il faut ne pas se tromper là-dessus. Je pense que
497 se, il faut ne pas se tromper là-dessus. Je pense que la colonisation est une très mauvaise chose. Je ne pense pas que les
498 tion est une très mauvaise chose. Je ne pense pas que les Américains et les Russes soient des gens pires que nous, je pense
499 es Américains et les Russes soient des gens pires que nous, je pense que la colonisation est pire que tout. Quand un peuple
500 s Russes soient des gens pires que nous, je pense que la colonisation est pire que tout. Quand un peuple se met à rendre le
501 s que nous, je pense que la colonisation est pire que tout. Quand un peuple se met à rendre les rênes à un autre pour son s
502 rênes à un autre pour son sort quotidien, pour ce qu’ il doit penser, pour ce qu’il doit acheter, pour ce qu’il doit cultive
503 ort quotidien, pour ce qu’il doit penser, pour ce qu’ il doit acheter, pour ce qu’il doit cultiver, alors il est perdu. C’es
504 doit penser, pour ce qu’il doit acheter, pour ce qu’ il doit cultiver, alors il est perdu. C’est la décadence totale d’un p
505 C’est la décadence totale d’un peuple ; c’est ce que l’on a vu dans tous les pays colonisés. Donc les raisons de faire l’E
506 c les raisons de faire l’Europe sont plus grandes que jamais. Mais les obstacles à l’union sont plus clairs que jamais : c’
507 is. Mais les obstacles à l’union sont plus clairs que jamais : c’est la formule de l’État-nation qui prétend à une souverai
508 tradiction fondamentale ? Je ne pense pas du tout qu’ il faille renverser les États-nations, ni qu’on puisse faire l’Europe
509 tout qu’il faille renverser les États-nations, ni qu’ on puisse faire l’Europe d’une manière violente ou révolutionnaire. Je
510 une manière violente ou révolutionnaire. Je pense qu’ on peut renverser des voitures dans la rue, qu’on peut renverser un di
511 se qu’on peut renverser des voitures dans la rue, qu’ on peut renverser un dictateur, un système parfaitement cohérent et tr
512 volution violente n’a jamais abouti à autre chose qu’ à renforcer les pouvoirs de l’État. Mais alors, que faut-il faire ? Il
513 u’à renforcer les pouvoirs de l’État. Mais alors, que faut-il faire ? Il faut créer une autre Europe, parallèle, une Europe
514 lors de la guerre de Suez par exemple. Vous savez que la définition même de la souveraineté nationale est donnée par Jean B
515 soi-disant souveraines, et insistant plus encore que n’importe quelle autre sur leur souveraineté absolue, être stoppées à
516 ours russe. Eh bien, il a été démontré ce jour-là que la souveraineté nationale absolue était un mythe. Moi je demande simp
517 absolue était un mythe. Moi je demande simplement que nous fassions une Europe sur la base des réalités, et pas des mythes.
518 rope sur la base des réalités, et pas des mythes. Que nous ne perdions pas de temps et d’énergie à renverser des choses qui
519 ont des symboles, des mythes d’un passé révolu et que nous commencions à édifier l’Europe sur les régions que nous devons f
520 us commencions à édifier l’Europe sur les régions que nous devons faire, en même temps que nous cherchons à les unir, sur c
521 es faire évoluer… Il y a une expression frappante que vous venez d’employer, c’est celle de « mise en place » des organisme
522 mise en circulation, l’erreur fondamentale de ce que l’on appelle « la réforme régionale ». Le même phénomène se reproduit
523 ute consultation des gens sur place. Ça, je crois que c’est incontestable. À mon sens, il aurait fallu faire exactement le
524 opulation, de la conscience actuelle ou virtuelle qu’ elle a d’une région. Des possibilités de solutions qui pourraient être
525 e, quitte (je vais y revenir tout à l’heure) à ce que l’on organise des régions différemment suivant des fonctions, suivant
526 va donc faire des régions de taille européenne ». Qu’ est-ce que ça veut dire ? Quand je pousse un peu les gens qui défenden
527 ire des régions de taille européenne ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Quand je pousse un peu les gens qui défendent ce point
528 point de vue, ils finissent par me dire « il faut qu’ une région en France soit compétitive avec un Land allemand ». Alors j
529 uvons-nous créer et animer des régions ? Je pense qu’ il faut être bien conscient des finalités qu’on donne à la création de
530 ense qu’il faut être bien conscient des finalités qu’ on donne à la création des régions. Pourquoi veut-on faire des régions
531 r faire une chose petite. C’est là un commentaire qu’ on peut faire sur la réalité, et non une finalité. Ce n’est pas cela q
532 région, les gouvernements français n’ont su dire qu’ une chose — ce qu’elle ne devait pas être : ni une atteinte à l’unité
533 rnements français n’ont su dire qu’une chose — ce qu’ elle ne devait pas être : ni une atteinte à l’unité nationale, ni une
534 attente de l’Europe fédérale. Quand diront-ils ce qu’ elle doit être ? Ce qu’il y a de plus grave dans les États-nations act
535 érale. Quand diront-ils ce qu’elle doit être ? Ce qu’ il y a de plus grave dans les États-nations actuels, c’est surtout qu’
536 ave dans les États-nations actuels, c’est surtout qu’ ils laissent le citoyen dans un vide civique, dans un « no man’s land 
537 , cela c’est la situation politique la plus grave que la civilisation puisse affronter, car cela mène à la dissolution civi
538 l’inconsistance des relations civiques. Je pense que cela mène aussi à la criminalité, la délinquance, et pas seulement ju
539 ours ou indifférence qui sont aussi morbides l’un que l’autre. Contre cela il faut recréer des communautés, et voilà le pri
540 à le principal motif de faire des régions. Je dis que les États-nations sont trop petits à l’échelle internationale, mais t
541 elles, systématiquement, consciemment. Il fallait que « le coup électrique de la Raison » donné par la commune de Paris se
542 ent jusqu’aux frontières extrêmes de la France et que tout le monde fasse la même chose en même temps. C’est là aussi l’idé
543 avec le terme « prendre le pouvoir ». Et c’est là que je me sépare radicalement des marxistes. Ils croient qu’une fois leur
544 me sépare radicalement des marxistes. Ils croient qu’ une fois leur Parti au pouvoir, c’est-à-dire maître de l’État — c’est
545 pouvoir, c’est-à-dire maître de l’État — c’est ce qu’ ils appellent la dictature du prolétariat — l’État dépérira nécessaire
546 e du xxe siècle le dément. Il est devenu évident que l’État est plus fort que les hommes qui croient s’en emparer. Il les
547 t. Il est devenu évident que l’État est plus fort que les hommes qui croient s’en emparer. Il les digère, il les phagocyte,
548 emparer. Il les digère, il les phagocyte, quelle que soit leur idéologie, marxiste ou capitaliste, de droite ou de gauche,
549 cation du marxisme d’avant-hier. La vérité, c’est qu’ il n’y a plus de pouvoir aujourd’hui. Voilà le drame. Nous avons à cré
550 déraliste, est à la fois trop petit et trop grand qu’ il y a des sociétés multinationales. Les États-nations ont n’importe q
551 s par hasard là. Il n’y a aucune espèce de raison que ça coïncide avec un espace économique raisonnable. Donc il est fatal
552 espace économique raisonnable. Donc il est fatal que le développement même de l’industrie et du commerce conduise à des so
553 dit par exemple à l’encontre du Marché commun : «  qu’ est-ce que le Marché commun réussit à faire sinon à créer un espace po
554 emple à l’encontre du Marché commun : « qu’est-ce que le Marché commun réussit à faire sinon à créer un espace pour les mul
555 les] le renversent ce qui revient au même. Disons qu’ il n’y a pas seulement des sociétés américaines mais aussi beaucoup de
556 liberté des gouvernants est d’autant plus faible que le territoire est plus exigu, et l’État moins fort : les pétroliers f
557 les pétroliers font davantage la loi à Bruxelles qu’ ils ne la font à Paris. Précisément, vis-à-vis des multinationales du
558 récisément, vis-à-vis des multinationales du type que j’appellerai colonisateur, il s’agit de trouver un pouvoir qui pourra
559 ’intégrer ou à respecter des communautés humaines qu’ elles bafouent ouvertement aujourd’hui. Il y en aurait deux : le premi
560 lle ou telle région exactement de la même manière que les multinationales vis-à-vis de telle ou telle nation, qui sont en t
561 intérieure qui sont exactement comparables à ceux que l’on reproche aux multinationales. La seule différence c’est que les
562 he aux multinationales. La seule différence c’est que les frontières ont été supprimées entre les « nations », au sens anti
563 s elles viennent s’implanter et qui n’y cherchent que leur profit. Ce que je dis là ne vise pas à exonérer toutes les multi
564 mplanter et qui n’y cherchent que leur profit. Ce que je dis là ne vise pas à exonérer toutes les multinationales, mais à a
565 croissance économique Alors cela signifie-t-il qu’ il faille trouver un nouveau mode de croissance économique ? Vous fait
566 ose à laquelle je n’avais jamais pensé : à savoir qu’ il y a deux sens au mot « croissance », qui sont absolument différents
567 ts — je dirais presque antinomiques — en tous cas qu’ il est très dangereux de confondre. La croissance biologique, végétale
568 nologique… Mais c’est par une erreur fondamentale qu’ ont commise en premier lieu les gestionnaires de notre civilisation. J
569 autoréglée : c’est la même loi de la vie qui fait qu’ une plante ou un corps animal grandit, s’épanouit, se stabilise autour
570 le qui augmente indéfiniment, mécaniquement, tant qu’ elle ne bute pas sur un obstacle extérieur ; elle n’a rien en elle-mêm
571 uteur de 2000 m vers 40 ans, à la seule condition qu’ il puisse se nourrir assez et ne se heurte pas à des obstacles insurmo
572 ; nous ne nous sommes absolument pas rendu compte que les courbes exponentielles dépassaient toute espèce de réalité humain
573 ent toute espèce de réalité humaine praticable et qu’ elles monteraient très vite. Qu’elles parviendraient d’ici à la fin du
574 ine praticable et qu’elles monteraient très vite. Qu’ elles parviendraient d’ici à la fin du siècle, à des altitudes irrespi
575 du club de Rome a été absolument décisif. Quelles que soient les critiques qu’on puisse faire sur le choix des paramètres,
576 olument décisif. Quelles que soient les critiques qu’ on puisse faire sur le choix des paramètres, je n’ai jamais vu un aver
577 s, avant la crise du pétrole, sur cette assertion que j’entendais répéter partout : « il nous faut faire des centrales nucl
578 ce qui touche les régions, de nous rendre compte que la croissance industrielle, la croissance du PNB, la croissance du re
579 abandonner ça, et nous nous apercevons très vite que si nous abandonnons cette idée fondamentalement fausse, nous en viend
580 oduction et l’aménager conformément à la finalité que nous acceptons. Je suis très optimiste après la crise du pétrole, par
581 nécessité d’exploiter toutes les formes d’énergie qu’ on avait laissé de côté avant, comme l’énergie éolienne, l’énergie géo
582 ou c’est de l’intérêt régional ». Moi, je trouve que c’est particulièrement intéressant si c’est de l’intérêt régional. Ça
583 ens ni le bien de la région, finalement. Je crois que si l’on veut passer à une croissance autoréglée — qui est la croissan
584 c’est par le moyen des petites unités régionales qu’ on y arrivera le mieux. La région et la commune Pourtant on s’ap
585 La région et la commune Pourtant on s’aperçoit qu’ actuellement, et depuis un certain nombre d’années, le seul pouvoir mo
586 et puis les mass-médias raisonnent ainsi. Est-ce qu’ une expression régionale spontanée pourrait en sortir ? On voit mal co
587 t en sortir ? On voit mal comment… La description que vous faites de la mentalité d’aujourd’hui n’est pas tout à fait exact
588 as tout à fait exacte. Il n’est pas exact de dire que les gens ne sont motivés que par des questions de « fric » ou de pouv
589 st pas exact de dire que les gens ne sont motivés que par des questions de « fric » ou de pouvoir d’achat. Naturellement il
590 la publicité. On leur dit à la radio, à la télé, qu’ ils ne peuvent pas vivre heureux s’ils n’achètent pas tel ou tel produ
591 l, tout tient à cela. Et les gens s’apercevraient qu’ il y a mille choses dans la vie beaucoup plus importantes pour eux que
592 es dans la vie beaucoup plus importantes pour eux que gagner de l’argent. Je le vois chez beaucoup de jeunes gens qui me di
593 és d’intervenir et d’avoir une efficacité. Est-ce que l’angoisse communautaire est un effet de la concentration urbaine et
594 e rues où les gens puissent se rencontrer, depuis que les places sont devenues des parkings, et que les rues sont envahies
595 uis que les places sont devenues des parkings, et que les rues sont envahies par le flot de la circulation des voitures. On
596 chez la grande majorité des hommes, mais qui fait qu’ aussitôt que quelqu’un prétend leur apporter une réponse, ils marchent
597 de majorité des hommes, mais qui fait qu’aussitôt que quelqu’un prétend leur apporter une réponse, ils marchent. Ils ont ma
598 nt. Ils ont marché pour Hitler, sans autre raison que celle-là. Il leur disait : « Suivez-moi et vous serez tous ensemble. 
599 re pendant ce temps. Cela vous ne pouvez le faire que dans un état de société très morbide, où les gens n’ont plus de raiso
600 r par la commune ? Oui ; peut-être par plus petit que la commune. Ce que l’on appelle des « communes » par exemple en Améri
601 Oui ; peut-être par plus petit que la commune. Ce que l’on appelle des « communes » par exemple en Amérique ; des colonies,
602 lité, vue de l’extérieur, en Suisse il n’y a plus qu’ un homme sur trois qui habite dans sa commune d’origine. Presque tous
603 es autres sont des étrangers. Donc, il n’y a plus qu’ une minorité de Genevois. Chose étrange, les mœurs politiques sont res
604 aisons tout à fait mystérieuses, dont il faudrait que les sociologues s’occupent un jour pour voir comment se transmet ce g
605 éflexe. Si « le génie du lieu » agit ainsi, c’est que l’on peut prendre des racines, et même si l’on change de lieu. L’impo
606 esoin de communauté et besoin de solitude. Est-ce que la région, reposant sur la commune, reposant sur des groupes de quart
607 rannie. Car c’est avec la poussière des individus que l’État fait son ciment. Cela n’est pas un phénomène nouveau, cela exi
608 e sagesse des Grecs : à Milet, ils avaient décidé que , lorsque la population approcherait des 100 000 habitants, une partie
609 finalement par un seul tyran. Cela, c’est une loi que Jean-Jacques Rousseau avait très bien définie dans Le Contrat social 
610 nistes, américains surtout, et anglais également, qu’ il faut absolument en revenir aux formules communales. On ne peut pas
611 à l’urbanisme dans tout cela ? Eh bien, je pense que c’est une place absolument essentielle parce que tout tient à la form
612 ecture d’une ville, quel est le système politique qu’ elle représente. Dans le développement de quel système politique voye
613 ela au sens le plus précis du terme, c’est-à-dire que l’on est en train de fabriquer des petits soldats, des sujets bien al
614 s autres (« Ils », l’État). On les subit. Tout ce que l’on peut, c’est se révolter de temps en temps, mais cela ne sert pas
615 -consommateur docile, et qui n’existe pour l’État que sous la forme d’un dossier électronique. Quel type d’urbanisme pourri
616 s nombreuses. Mais une chose très curieuse, c’est que les architectes les plus avancés aujourd’hui, comme le Grec Constanti
617 rec Constantin Doxiadis, arrivent au même chiffre qu’ Aristote et Platon pour l’optimum d’une ville. C’est 50 000 habitants.
618 ches (produits et services). On peut presque dire que c’est la loi économique qui a fait que ces villes se sont agrandies d
619 esque dire que c’est la loi économique qui a fait que ces villes se sont agrandies démesurément et que notre économie a sec
620 que ces villes se sont agrandies démesurément et que notre économie a secrété certaines organisations très complexes. Vous
621 ertaines organisations très complexes. Vous dites que l’économie exige une certaine concentration et conduit à faire des gr
622 omie est là au service des hommes. Si on vous dit que les dimensions optimums d’une ville exigent une économie décentralisé
623 e prochain livre ? C’est essentiellement ce titre que je donne au livre que je suis en train de terminer. Je dis : « l’aven
624 st essentiellement ce titre que je donne au livre que je suis en train de terminer. Je dis : « l’avenir est notre affaire »
625 , il faut faire comprendre aux jeunes aujourd’hui que c’est leur affaire. Ce n’est pas l’affaire de fatalités auxquelles on
626 on… Mais, il y a d’autres motivations, chez nous, qu’ il faudrait développer. Justement le désir d’être responsable, d’être
627 loir quelque chose. C’est beaucoup plus important qu’ une augmentation de 2 % du salaire. Quant à l’autogestion je la prends
628 ns tous les ordres d’activités, autant en atelier qu’ en entreprise. J’entends ce terme d’atelier au sens où Proudhon l’ente
629 ipalité ». Je suis tout à fait d’accord, je pense que l’autogestion doit se développer dans tous les secteurs, dans tous le
630 rendre des décisions. C’est cela le fédéralisme : que chacun fasse à son niveau, ce qu’il est capable de faire et que, pour
631 e fédéralisme : que chacun fasse à son niveau, ce qu’ il est capable de faire et que, pour ce qui dépasse son niveau, il s’u
632 se à son niveau, ce qu’il est capable de faire et que , pour ce qui dépasse son niveau, il s’unisse à d’autres. Qu’il ne se
633 e qui dépasse son niveau, il s’unisse à d’autres. Qu’ il ne se fédère que pour cela, et non pour constituer une puissance te
634 iveau, il s’unisse à d’autres. Qu’il ne se fédère que pour cela, et non pour constituer une puissance telle que l’État-nati
635 cela, et non pour constituer une puissance telle que l’État-nation, une puissance qui sert à faire n’importe quoi, surtout
636 i sert à faire n’importe quoi, surtout la guerre. Qu’ il se fédère pour des fonctions bien définies. Mais alors là, sans rés
637 là, sans réserve, en solidarité. Voilà au fond ce que j’appelle fédéralisme, et qui résume toute ma doctrine : situer l’hom
638 e réfugier aux États-Unis. C’est outre-Atlantique qu’ il a découvert a contrario l’originalité de notre continent. Denis de
639 est un futurologue passionné d’écologie, il croit qu’ aucune fatalité ne pèse sur nos sociétés et que nous sommes maîtres de
640 it qu’aucune fatalité ne pèse sur nos sociétés et que nous sommes maîtres de notre destin. C’est ce qu’il dira prochainemen
641 que nous sommes maîtres de notre destin. C’est ce qu’ il dira prochainement dans son ouvrage intitulé L’Avenir est notre af
9 1974, Articles divers (1974-1977). Surréalisme : un jeu qui dure depuis 50 ans (7-8 septembre 1974)
642 announcers » (le mot de « speaker » n’est employé qu’ en France) parmi lesquels se trouvaient Claude Lévi-Strauss et André B
643 soie, si possible traînantes, où la mode voulait que l’on fît quelques accrocs ou, avec des cigarettes, quelques trous art
644 une grande liberté de ton. Nous faisions des jeux que Breton prenait très au sérieux. Pour lui, le jeu était une sorte d’ex
645 crits, comme celui des questions et des réponses, que je préférais. Il se jouait par paires. L’un écrivait trois questions 
646 ouait par paires. L’un écrivait trois questions : qu’ est-ce que ceci ou cela ? ou : qu’arriverait-il si… ? Et l’autre, en m
647 paires. L’un écrivait trois questions : qu’est-ce que ceci ou cela ? ou : qu’arriverait-il si… ? Et l’autre, en même temps,
648 ois questions : qu’est-ce que ceci ou cela ? ou : qu’ arriverait-il si… ? Et l’autre, en même temps, écrivait trois réponses
649 , la personne qui jouait avec moi avait écrit : «  Qu’ arriverait-il si le diable entrait dans cette pièce ? » Je lus ma répo
650 ocessus, l’enchaînement inexorable, en soulignant que le système techno-industriel montrait déjà des ratés, et voilà que su
651 chno-industriel montrait déjà des ratés, et voilà que sur le mot « raté » toutes les lumières se sont éteintes dans la sall
652 iteurs ont cru à une mise en scène, d’autant plus que j’ai continué à parler, suivant mes notes à la lueur d’une torche éle
653 diable » ? Breton m’a souvent parlé de ce livre, que j’ai écrit à New York. Il se demandait comment un homme qui croit en
654 ir des relations avec la magie. Car c’est un fait qu’ au cours de nos jeux surréalistes d’intuition, de divination, de télép
655 ton ? Lui, jamais ! C’était d’autant plus curieux que rien ne l’intéressait davantage que les phénomènes, disons de magie,
656 plus curieux que rien ne l’intéressait davantage que les phénomènes, disons de magie, les dons médiumniques, la parapsycho
657 es insultes de Breton Un soir, on avait décidé que l’on me banderait les yeux et que l’on me mettrait dans la main, succ
658 on avait décidé que l’on me banderait les yeux et que l’on me mettrait dans la main, successivement, un objet appartenant à
659 21 par l’occultiste du xixe siècle Éliphas Levi, que Breton vénérait. Un jeune philosophe grec fut désigné, que Breton ava
660 n vénérait. Un jeune philosophe grec fut désigné, que Breton avait baptisé « le nouveau Hegel ». Il fit le tour de l’assist
661 évi-Strauss, il lui adressa un adjectif louangeur que j’ai oublié, puis il le traita de « calomniateur de Freud » parce que
662 e, chassé du paradis. Et là, il y a quelque chose qu’ on ne peut guère pardonner à Breton, cette faculté qu’il avait d’insul
663 n ne peut guère pardonner à Breton, cette faculté qu’ il avait d’insulter les gens sans aucune espèce de « raison ». En fait
664 it, après la sortie du « coupable », on s’aperçut qu’ il restait 21 personnes dans la salle… La « victime » avait été sacrif
665 eux, la ville moderne, c’était Paris, si curieux que cela paraisse. Breton détestait New York, qu’il trouvait vide, artifi
666 eux que cela paraisse. Breton détestait New York, qu’ il trouvait vide, artificiel, sans âme. Je me rappelle un dimanche mat
667 : « Le surréalisme a cinquante ans, si l’on admet que sa naissance coïncide avec la publication du Manifeste d’André Breton
10 1975, Articles divers (1974-1977). Notre complexe de culpabilité (1975)
668 iches et de l’Occident en général), il m’a semblé que l’inquiétude suisse s’expliquait par trois groupes de raisons, fort i
669 e du nanti, « spectateur de l’Histoire » ; est-ce que ça va durer, est-ce qu’on va nous laisser longtemps encore tranquille
670 de l’Histoire » ; est-ce que ça va durer, est-ce qu’ on va nous laisser longtemps encore tranquilles dans notre coin ? (Mot
671 notre coin ? (Motif accessoire : faisons-nous ce qu’ il faut pour garder notre rang ?) Inquiétude du patriote : dans le mon
672 grands ensembles politiques en formation, est-ce que nos libertés, et la Suisse elle-même, en tant qu’État, gardent encore
673 ? Inquiétude spirituelle et morale enfin : est-ce que tant de paix et de prospérité n’ont pas été gagnées au prix de notre
674 record qui nous reste, d’ailleurs.) Il paraîtrait que les Suisses ne cessent de répéter : « Y en a point comme nous ! » Je
675 s ! » Je n’ai jamais entendu cette fameuse phrase que dans la bouche de ceux qui la raillaient, et je ne l’ai jamais lue qu
676 ceux qui la raillaient, et je ne l’ai jamais lue que sous la plume de Suisses qui affirmaient que les autres suisses pense
677 lue que sous la plume de Suisses qui affirmaient que les autres suisses pensent ainsi et qu’ils ont tort. Au bout du compt
678 firmaient que les autres suisses pensent ainsi et qu’ ils ont tort. Au bout du compte, c’est une propension à l’anxiété, voi
679 on à l’anxiété, voire à l’autodénigrement, plutôt qu’ à la vanité nationale ou à la simple et naïve complaisance, qui frappe
680 qui est français, sauf le régime au pouvoir (quel qu’ il soit). L’intellectuel suisse, c’est à peu près le contraire. Les mo
681 uisse » ont sans nul doute une tout autre origine que la traditionnelle rouspétance latine, si bien formulée par le titre d
682 contre les Pouvoirs. Ce ne sont pas les Pouvoirs que le Suisse inquiet met en cause, mais plutôt ses concitoyens. Sont-ils
683  ? Cette réaction fondamentale — et plus générale qu’ on ne le pense — provient du vieux fond religieux, et les jeunes intel
684 e toute croyance ne se distinguent de leurs ainés que par une virulence particulière sur le chapitre des indignations moral
685 iculière sur le chapitre des indignations morales qu’ ils opposent au moralisme « embourgeoisé » et « hypocrite » des « soi-
686 nos publicistes, qui surcompensaient le reproche qu’ ils devinaient chez le voisin français par des outrances verbales cont
687 aux grandes puissances notre reconnaissance de ce qu’ elles nous dispensent de nous mêler à leurs sanglants différends. Par
688 odestie, nous payons à l’Europe blessée le tribut qu’ il convient de payer à la douleur : le respect. Enfin, par notre modes
689 s’est jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir d
690 it ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’ on lui pardonne de jouir de son bien-être pendant que d’autres souffre
691 sses, depuis quatre-cents ans, ne sont en réalité que les hôtes et les spectateurs de l’Histoire. Considérant les autres pe
692 isiens de la politique, qui remercient Dieu de ce qu’ ils ne sont pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite m
693 e des Suisses. C’est dans la conscience nationale que le jugement de Dieu qui pèse sur le monde nous devient clair. Ceci ne
694 t des concepts théologiques17 dont je ne vois pas qu’ ils trouvent dans le cas du « malaise suisse » une application pertine
695 pertinente. La neutralité ne pourrait être péché que chez ceux qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle est une mesu
696 teurs de l’Histoire » ! S’il s’avère au contraire que la neutralité peut se justifier dans bien des cas, on en prendra trop
697 on en prendra trop facilement prétexte pour nier que Barth ait raison de la refuser en tant que vertu générale. Essayons d
698 la manière dont les Suisses s’examinent : mettons que ce soit de l’autocritique au second degré. Les exemples cités au cour
699 problème moins sur son mérite propre (ou contenu) que sur les mérites moraux de ceux qui ont à le résoudre, ou qui l’auraie
700 e, ou qui l’auraient déjà tranché à leur manière. Que la critique de l’utilitarisme, du neutralisme, du moralisme suisses s
701 dus à de jeunes auteurs progressistes, on ne peut que lui donner raison, et puis les vrais problèmes se posent, ou plutôt :
702 posent, ou plutôt : ils sont encore là, attendant qu’ on les examine une fois passés nos examens de conscience. « Quels prob
703 e Manchester, de Malmö ou de Livourne. On pensait que tous ces problèmes étaient moins difficiles chez vous, dans vos petit
704 es Suisses d’un air soucieux, mais rien ne prouve que ça va durer. Le Marché commun nous menace. Notre neutralité n’est pas
705 comprise. Notre fédéralisme est compromis, et ce qu’ il en reste freine l’élan des entreprises. Est-ce qu’il y aura une pla
706 il en reste freine l’élan des entreprises. Est-ce qu’ il y aura une place pour nous dans le monde qui vient ? Satiriques, ve
707 ent ? Satiriques, vengeurs ou navrés, les sermons que j’ai cités ne changeront rien à l’évolution qu’ils dénoncent, tant qu
708 s que j’ai cités ne changeront rien à l’évolution qu’ ils dénoncent, tant qu’ils n’ouvriront pas les voies d’un dépassement
709 ngeront rien à l’évolution qu’ils dénoncent, tant qu’ ils n’ouvriront pas les voies d’un dépassement de nos petitesses. « Be
710 », gémit Ramuz, crispé. Mais démontrer aux hommes qu’ ils voient trop court n’est pas le meilleur moyen de les libérer. Il f
711 rs. Mieux vaudrait donc, me semble-t-il, proposer que les Suisses s’élèvent à la hauteur de leur régime fédéraliste, dont p
712 pas un seul de leurs censeurs n’a jamais suggéré qu’ ils l’échangent contre un régime totalement différent, communiste ou f
713 grandeur des Suisses, je ne la vois pas ailleurs que dans les raisons d’être de leur communauté peu croyable mais vraie —
714 r communauté peu croyable mais vraie — ce miracle qu’ il faut traduire en formules désormais communicables, et qu’il faut as
715 traduire en formules désormais communicables, et qu’ il faut assumer dans toutes ses dimensions non seulement morales mais
716 un homme de ses doutes brumeux et de son anxiété qu’ un défi bien concret, venant de l’extérieur. Et de même que l’Europe a
717 xtérieur. Et de même que l’Europe a mieux à faire que d’offrir au tiers-monde le masochisme de certains écrivains auxquels
718 rmet seule de se dire progressistes, j’ose penser que la Suisse a mieux à faire qu’à cultiver ses inquiétudes locales. Qu’e
719 istes, j’ose penser que la Suisse a mieux à faire qu’ à cultiver ses inquiétudes locales. Qu’elle prenne conscience de l’ave
720 ux à faire qu’à cultiver ses inquiétudes locales. Qu’ elle prenne conscience de l’avenir qu’elle représente pour une Europe
721 es locales. Qu’elle prenne conscience de l’avenir qu’ elle représente pour une Europe qui n’en sait rien encore ! Je ne conç
722 est dans une modestie trop commode, un peu lâche, que réside sa pire tentation et vraiment son péché virtuel — qui est la p
723 ntaire d’une enquête sociologique sur les examens que passent les recrues, dans le journal de la Migros, Construire. p. R
11 1975, Articles divers (1974-1977). Au-delà de la société industrielle (1975)
724 paraissait appeler la compétence de l’économiste que je ne suis pas. Mais je dois vous faire un aveu : si j’ai finalement
725 ous parler de la société post-industrielle, c’est que j’ai vu là une occasion inespérée d’essayer de comprendre moi-même ce
726 ion inespérée d’essayer de comprendre moi-même ce que cette expression peut signifier, ou peut-être devrait signifier. Quan
727 ier. Quand on parle de société post-industrielle, que veut-on dire ? Je vois d’abord ce qui est exclu : une société dans la
728 cavernes. On ne veut pas dire non plus, je crois, qu’ une société post-industrielle serait celle où les besoins et les désir
729 post-industrielle ne peut signifier concrètement que ceci : un changement de cap, un changement de finalités, une nouvelle
730 eut des valeurs tout à fait différentes de celles qu’ impliquait et imposait la société précédente. Ce changement est encore
731 soi, n’étaient pas discutés ni discutables, mais que la crise actuelle nous oblige à reconsidérer : et tout d’abord le tra
732 mais une croissance indéfinie, sans autre mesure que numérique, une croissance qui n’avait donc rien de commun, sauf le no
733 être mesuré, pesé et compté, et de cela seul. Ce que nous pouvons nommer aujourd’hui société industrielle — parce que déjà
734 éristique d’inverser cette déclaration et de dire que , dorénavant, c’est l’automobile qui doit s’adapter à Paris — c’est-à-
735 trielle à une société post-industrielle, je crois qu’ on pourrait le résumer aussi par le contraste entre les attitudes de d
736 ont les hommes et non les firmes. » Il me semble que tout le contraste entre les deux types de sociétés est là : besoins d
737  ? C’est sur l’opposition de ces deux conceptions que je voudrais vous présenter quelques remarques et suggestions. III
738 riel en principe travaille trop, parce qu’il faut que la firme produise toujours plus. La vie humaine se voit dès lors subo
739 Il n’y aura pas de société post-industrielle tant que la seule alternative au travail sera le chômage, véritable « temps vi
740 ail sera le chômage, véritable « temps vide ». Ce que la société nouvelle doit apporter, c’est le dépassement de l’oppositi
741 a distinction entre labeur et jeu, entre la peine qu’ on prend et le plaisir qu’on en a, entre les contraintes de la matière
742 et jeu, entre la peine qu’on prend et le plaisir qu’ on en a, entre les contraintes de la matière et la liberté de l’esprit
743 ée des facultés créatrices de chacun. J’ajouterai que la société post-industrielle devrait aussi permettre à tout homme de
744 être payé, ou à payer pour pouvoir gagner une vie qu’ il n’aura même plus le temps de vivre ! IV Le nœud du problème,
745 de leur croissance provoquée. Le meilleur exemple que l’on puisse donner d’un tel processus, c’est de toute évidence celui
746 mmé Henry Ford, croise à huit miles de Detroit ce qu’ il appelle « une locomotive routière ». Il a vécu ce jour-là, dit-il,
747 xiste encore dans le monde guère plus de voitures que d’inventeurs, et ces fantaisies pour millionnaires resteront sans len
748 … Cette invention, aujourd’hui oubliée, n’a connu qu’ échecs et désapprobations des autorités scientifiques. » Deux ans plus
749 à l’oubli rapide, telle est la voiture automobile que Messieurs Benz et Daimler viennent de présenter au Kaiser Guillaume. 
750 d, lui, marche à l’étoile, avec toute l’assurance que peuvent donner aux ambitions d’un petit campagnard son ignorance du r
751 e là le motif principal de la discipline forcenée qu’ il imposera plus tard à ses ouvriers, afin de les détourner du vice, f
752 it alors —, Ford va changer tout cela. C’est dire qu’ il va changer la nature même des besoins de l’homme occidental, et sur
753 s de l’homme occidental, et surtout la conscience que l’homme a de ses besoins, en faisant passer au premier rang le plus a
754 ons. Elle mène à l’usine, au bureau, plus souvent que vers les vacances. Elle détruit les campagnes dont elle était censée
755 ent : « Nous ne sommes plus accoutumés à aller où que ce soit autrement qu’en auto. Les trains reviennent à la mode, mais c
756 plus accoutumés à aller où que ce soit autrement qu’ en auto. Les trains reviennent à la mode, mais ce n’est qu’une passade
757 o. Les trains reviennent à la mode, mais ce n’est qu’ une passade. Ce pays a développé une manière de vivre particulière à c
758 eurs nouvelles existent et agissent en nous déjà, que les valeurs « fordiennes » nous apparaissent bizarres, ou puériles, e
759 assuré le succès d’Henry Ford. Partant de l’idée que les solutions à notre crise économique ne sont pas économiques, mais
760 le profit, non moral, ni social, mais financier. Qu’ on m’entende bien : je n’ai rien contre le profit en soi, que tout le
761 ende bien : je n’ai rien contre le profit en soi, que tout le monde approuve en pratique. Mais je suis contre le profit con
762 de mesure pour l’homme, ni pour la cité. Il n’est qu’ un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’est pas autorégulé, et pa
763 sure systématique, destructeur de l’humain autant que de la nature. Dans la nouvelle société, le progrès recherché sera ver
764 intoxicante ; vers la compétition éthique plutôt que financière, ou militaire, ou nationale ; et vers le souci d’être util
765 nationale ; et vers le souci d’être utile plutôt que redoutable à ses voisins, qu’il s’agisse de personnes ou d’États. La
766 d’être utile plutôt que redoutable à ses voisins, qu’ il s’agisse de personnes ou d’États. La société industrielle veut augm
767 lus nécessiteux, dépendants des besoins matériels qu’ elle multiplie par la publicité. La société nouvelle, visant à satisfa
768 publicité, ou déduits de courbes de consommation qu’ on tentait de relever jusqu’à l’exponentiel. Le marketing a introduit
769 dra l’aide d’une échelle, et c’est précisément ce que l’escalier avait pour seule fonction de vous éviter. Nous avons vu qu
770 pour seule fonction de vous éviter. Nous avons vu que la prolifération illimitée de l’automobile aboutit à l’embouteillage,
771 train de faire fortune : Small is beautiful. Non que la petitesse soit bonne en soi : c’est une question de proportions. M
772 st une question de proportions. Mais il est clair que nos trop grands États croient devoir se doter d’armements à leur tail
773 n’en finirais plus. Je terminerai sur la question qu’ on va me poser, inévitable : « Votre modèle post-industriel a-t-il des
774 ser ? » J’ai coutume de répondre à cette question que nous ne sommes pas là pour prévoir ou deviner notre avenir, mais pour
775 r ou deviner notre avenir, mais pour le faire. Et que la décadence d’une société commence quand on pose la question : « Que
776 ne société commence quand on pose la question : «  Que va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-je faire ? »
777 ue va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : «  Que puis-je faire ? » o. Rougemont Denis de, « Au-delà de la société
12 1975, Articles divers (1974-1977). Suisse 1975 (1975)
778 s’est jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir d
779 it ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’ on lui pardonne de jouir de son bien-être pendant que d’autres souffre
780 seconde. La fierté légitime et la gêne explicable qu’ éprouvent la plupart des Suisses dans les années 1945 à 1950 de ce siè
781 que la volonté de solidarité compense cette gêne que l’on éprouve au chevet de l’Europe malade. Mais cette « neutralité ac
782 avec l’URSS, puis avec la Chine de Mao — démarche que la plupart des États européens n’ont pas osé faire jusqu’alors. Cepen
783 i nous, proposent, dès le lendemain de la guerre, que la formule de l’État suisse, c’est-à-dire le système fédéraliste, soi
784 lle se fédérera et deviendra neutre. C’est-à-dire qu’ elle sera ou bien balkanisée, ou bien helvétisée. » À quoi toute la Su
785 et la majorité « réaliste » des Suisses répondent qu’ une certaine humilité convient seule à ce petit pays, et qu’il serait
786 taine humilité convient seule à ce petit pays, et qu’ il serait parfaitement illusoire et utopique d’imaginer que des soluti
787 ait parfaitement illusoire et utopique d’imaginer que des solutions suisses puissent être un seul instant prises au sérieux
788 uissances » de l’époque. Et pourtant il est clair que la vérité d’une idée ne dépend pas de la taille de celui qui la formu
789 pend pas de la taille de celui qui la formule, et que les « petits pays » — voyez les statistiques — ont l’avantage sur les
790 civisme, et aux vraies libertés. (C’est tout cela que les « grands pays » perdent un peu plus, et sans retour, à chacune de
791 urce de controverses constamment irritantes, soit que l’État l’invoque pour refuser d’adhérer à tel organisme international
792 ser d’adhérer à tel organisme international, soit que l’étranger l’estime lésée par la moindre manifestation spontanée du s
793 tation spontanée du sentiment populaire, pour peu qu’ il ne lui soit pas inconditionnellement favorable. Les conseils législ
794 ilitaire ou nucléaire. L’université leur réplique qu’ il s’agit là d’un calcul faux, parce qu’à trop courte vue, la qualité
795 re étrangère rappelle quotidiennement aux Suisses qu’ ils ne peuvent être seuls au monde. Il n’apparaît donc plus possible d
796 La Suisse face à l’Europe Il paraît évident que le fédéralisme de formule suisse est la solution qui s’impose si l’on
797 coutumes particulières. Mais il se trouve, hélas, que le fédéralisme n’est guère mieux compris par les Suisses — qui s’en r
798 ux compris par les Suisses — qui s’en réclament — que par les autres peuples de l’Europe — qui ne voient pas bien ce qu’ils
799 s peuples de l’Europe — qui ne voient pas bien ce qu’ ils pourraient en faire. Dans la partie romande surtout, on a pris l’h
800 résistance à « Berne », c’est-à-dire aux mesures qu’ on baptise « centralisatrices », alors qu’elles sont, justement, « féd
801 nes. Le fédéralisme n’est rien d’autre, en effet, qu’ une manière de se mettre ensemble pour faire ce dont aucun ne serait c
802 t selon la même logique, d’un pouvoir continental qu’ il reste à créer mais que la nature des choses et les dimensions mêmes
803 d’un pouvoir continental qu’il reste à créer mais que la nature des choses et les dimensions mêmes de la tâche appellent no
804 cennie bien plus clairement encore, il est apparu que notre neutralité, garantie par le traité de Vienne comme étant « dans
805 les intérêts de l’Europe entière », veut en effet que la Suisse refuse de prendre parti entre les « puissances » dont les r
806 lités divisent l’Europe, mais ne veut pas du tout qu’ elle se déclare neutre par rapport à l’union de l’Europe en train de s
807 plupart des agences spécialisées de l’ONU (telles que l’Unesco, le Haut Commissariat pour les réfugiés, le Bureau internati
808 iques, sociales, scientifiques, écologiques, etc. que les réalités du siècle imposent à nos États, entraîne nécessairement
809 passements de la « souveraineté nationale » telle que le siècle dernier pouvait encore la définir. Les problèmes concrets q
810 actuelle dans les domaines les plus divers, tels que ceux de l’énergie, de la monnaie, de la main-d’œuvre ou de l’environn
811 -d’œuvre ou de l’environnement, obligent à penser que la formule de bon sens, qui est celle du fédéralisme helvétique, ne s
812 unautés capables de les gérer, il devient évident que les Suisses ne peuvent plus limiter la coopération fédéraliste à leur
813 n autoritaire de ses voisins. Il est donc évident que notre fédéralisme ne peut se maintenir dans nos cantons qu’à la seule
814 fédéralisme ne peut se maintenir dans nos cantons qu’ à la seule condition de s’étendre, quand il le faut, au-delà des limit
815 La Suisse face au monde Les tâches nouvelles que l’humanité doit assumer dans les années 1970-1980 sont presque toutes
816 presque toutes de dimensions intercontinentales, qu’ il s’agisse de la répartition de l’énergie, de la lutte contre la fami
817 isse a bien le droit de rappeler, sans se vanter, qu’ elle a créé de toutes pièces la Croix-Rouge, et qu’elle est l’hôte gén
818 u’elle a créé de toutes pièces la Croix-Rouge, et qu’ elle est l’hôte généreuse et attentive de plusieurs dizaines d’organis
819 par les dernières votations), ne pourrait réussir qu’ au prix de sacrifices matériels d’un héroïsme peu probable, et au surp
820 on, famine, paix. C’est entre ces termes extrêmes que se pose en permanence, depuis longtemps, le problème de l’entrée de l
821 de faire entendre sa voix en faveur des formules qu’ elle illustre de toute son histoire : la fédération, les communes, le
822 pe et du monde, c’est sur sa propre raison d’être que la Suisse d’aujourd’hui se voit amenée à s’interroger. Et ce n’est qu
823 rd’hui se voit amenée à s’interroger. Et ce n’est qu’ au nom de ses buts humains en tant qu’État fédératif qu’elle peut doré
824 nom de ses buts humains en tant qu’État fédératif qu’ elle peut dorénavant justifier ses options. n. Rougemont Denis de,
13 1975, Articles divers (1974-1977). Le Morgarten du xxe siècle (1975)
825 e d’un peuple heureux . Aujourd’hui, il me semble que ce « modèle » (au sens scientifique) reste viable tel que je le décri
826  modèle » (au sens scientifique) reste viable tel que je le décrivais alors, à quelques précisions près. J’ai été amené à p
827 n’ont souvent pas conscience, réside dans le fait que les sept conseillers fédéraux ne sont pas du tout l’émanation des can
828 ne sont pas du tout l’émanation des cantons, mais qu’ ils sont désignés en fonction de leurs compétences particulières pour
829 ommun, à Bruxelles, compte autant de commissaires que de pays membres. Cette dernière formule n’est bonne qu’à aggraver les
830 pays membres. Cette dernière formule n’est bonne qu’ à aggraver les divergences d’intérêt entre les nations membres, à la d
831 ration. La difficulté, avec le fédéralisme, c’est que peu de gens savent réellement ce que c’est. Il est presque totalement
832 lisme, c’est que peu de gens savent réellement ce que c’est. Il est presque totalement méconnu hors de Suisse, et les Suiss
833 i a répandu ces erreurs. On nous a fait apprendre qu’ à l’origine, la Suisse s’était formée par la fédération de trois canto
834 sur la prairie du Grütli. Tout cela est une fable qu’ il n’est même pas intéressant de réfuter. En réalité, les choses se so
835 inistration et tout le gouvernement. C’est-à-dire qu’ à l’origine du fédéralisme suisse se trouve ce qu’on appellerait aujou
836 qu’à l’origine du fédéralisme suisse se trouve ce qu’ on appellerait aujourd’hui la volonté d’autonomie locale et d’autogest
837 et d’autogestion. C’est surtout à partir de 1848 que le fédéralisme suisse a changé, sous l’influence des États voisins, q
838 sens du fédéralisme. Je suis frappé de constater que la plupart de ceux qui se disent fédéralistes sont en réalité des nat
839 té des nationalistes cantonaux. Se fondant sur ce qu’ ils tiennent pour les erreurs de 1848, ils s’imaginent que la vie du f
840 iennent pour les erreurs de 1848, ils s’imaginent que la vie du fédéralisme consiste surtout à défendre les intérêts de leu
841 e cela. » Ce genre de malentendu provient du fait qu’ en Suisse aussi, on raisonne encore trop souvent en fonction de catégo
842 mie des régions, dans les partis de gauche autant que dans les partis de droite. C’est une question d’attitude, de mentalit
843 ités du xxe siècle et non du xixe . Il me semble qu’ aujourd’hui, ceux qui défendent l’autogestion régionale et communale s
844 dans le droit-fil de la pratique du fédéralisme. Qu’ ils soient de gauche ou de droite ne m’intéresse guère : l’essentiel,
845 ’essentiel, c’est la forme concrète de communauté qu’ ils défendent. Je retrouve, chez les partisans de l’autogestion au sen
846 le même conflit entre les réalités locales et ce qu’ on appelle trop facilement les « nécessités » nationales, continentale
847 êcher cette mainmise « étatique » avant la lettre que les Suisses se sont ligués. On observe un phénomène comparable aujour
848 nsoutenable. Le projet n’est soutenu, d’ailleurs, que par les trois États qui se partagent la région de Bâle, c’est-à-dire
849 Français d’Alsace et d’Allemands du pays de Bade. Qu’ on ne vienne pas attribuer le mérite des manifestations de Kaiseraugst
850 ns gauchistes ». Leurs groupuscules ne sont venus qu’ après coup s’adjoindre à la grande majorité des hommes et des femmes q
851 le camp. Ils tentaient d’exploiter une situation qu’ ils n’avaient pas créée, et qui ne va pas exactement dans leur sens, c
852 fédéralistes : ils ont de tout autres vues. Mais qu’ importe ! L’essentiel, qui est une chose historique, c’est la réaction
853 — de gauche comme de droite, une fois de plus —, que les occupants de Kaiseraugst étaient sortis de la légalité et qu’ils
854 s de Kaiseraugst étaient sortis de la légalité et qu’ ils étaient les « fossoyeurs de la démocratie ». Je ne sais pas si les
855 reilles connaissent la légende de Guillaume Tell. Qu’ ils la relisent, et ils se rendront compte que notre héros national su
856 ll. Qu’ils la relisent, et ils se rendront compte que notre héros national suisse n’était pas particulièrement respectueux
857 évident, et vous le savez. Vous n’avez avec vous que la justice, et vous êtes au surplus en état de légitime défense. Vous
858 s’agit de savoir quelle finalité on vise. Est-ce qu’ on attache vraiment plus d’importance au « niveau de vie » qu’à la lib
859 e vraiment plus d’importance au « niveau de vie » qu’ à la liberté ? Dans ce cas, autant faire des centrales nucléaires, qui
860 rale, les hommes font toujours toutes les bêtises qu’ ils peuvent faire, et cela depuis plusieurs dizaines de milliers d’ann
861 lliers d’années. Il n’y a pas de raison de penser qu’ ils vont changer tout d’un coup, dans les quelques années qui viennent
862 n coup, dans les quelques années qui viennent, et que par exemple ils renoncent aux centrales nucléaires. Si les gens ne so
863 s d’entendre un discours raisonnable, comme celui que je tiens ici, sur quoi compter alors ? Sur un certain nombre de désas
864 ’imaginent, surtout depuis une centaine d’années, que le dernier mot de la vie, c’est le confort, et que si on éliminait le
865 ue le dernier mot de la vie, c’est le confort, et que si on éliminait les choses excessives, les tensions trop fortes, tout
866 tous les sens du mot histoire. Il n’y aurait plus qu’ une espèce de raison moyenne qui dominerait, dans l’ennui total et féd
867 déchaîner sur la planète. C’est pour cette raison que les États-Unis, qui sont de loin la plus grande puissance militaire d
868 re sécurité dans le monde qui vient. Il faut donc que la Suisse retrouve ce qui était son attitude et sa mentalité originel
869 rce des choses. Par la pédagogie des catastrophes qu’ elle n’aura pas pu éviter, car elles seront mondiales, mais contre les
870 tre lesquelles elle sera peut-être mieux prémunie que les grands. q. Rougemont Denis de, « Le Morgarten du XXe siècle »,
871 nis de, « Le Morgarten du XXe siècle », La Suisse qu’ ils veulent, Lausanne, L’Âge d’homme, 1975, p. 71-77.
14 1975, Articles divers (1974-1977). L’amour (1975)
872 en de mettre en valeur le fait, historique autant que psychologique, que « l’Amour » tel qu’on le parle et qu’on le vit dan
873 eur le fait, historique autant que psychologique, que « l’Amour » tel qu’on le parle et qu’on le vit dans la culture occide
874 que autant que psychologique, que « l’Amour » tel qu’ on le parle et qu’on le vit dans la culture occidentale, à la différen
875 chologique, que « l’Amour » tel qu’on le parle et qu’ on le vit dans la culture occidentale, à la différence de l’amour tel
876 lture occidentale, à la différence de l’amour tel qu’ il est codifié et vécu dans les autres cultures, se trouve lié dans sa
877 n cinématographique au xxe siècle. Preuve en est que nos psychologues « scientifiques » et psychanalystes de toute école p
878 es les innombrables contradictions de l’amour tel que nous le vivons et, plus encore, tel que nous l’écrivons. Cinq nivea
879 amour tel que nous le vivons et, plus encore, tel que nous l’écrivons. Cinq niveaux À la base — au regard des modernes
880 es —, l’instinct sexuel, c’est-à-dire une pulsion que tout être éprouve à un moment donné de son développement, même sans a
881 , mais, chez l’homme, moins étroitement déterminé que chez tous les autres animaux : les mâles en tout temps excitables, le
882 on du christianisme (dont on peut nier d’ailleurs qu’ il soit une « religion » au sens sociologique du terme). Il n’en va pa
883 as de même de la passion, forme d’amour liée plus que toute autre à ses expressions littéraires (au « discours amoureux » c
884 t l’auto-intoxication, favorisée par la publicité que lui font nos romans, nos poèmes, nos chansons et nos opéras. C’est le
885 e, seront extase et mort. L’amour du prochain tel qu’ il est, ou tel que le regard aimant est capable de le susciter, c’est
886 t mort. L’amour du prochain tel qu’il est, ou tel que le regard aimant est capable de le susciter, c’est l’inverse de la pa
887 mour du prochain dans le même rapport dialectique que l’érotisme l’est à l’instinct sexuel. L’Éros grec Le vocabulair
888 t progrès moral et spirituel, mais à la condition qu’ en lui et par lui prévale toujours sur l’instinct génésique la recherc
889 périeur de l’Éros véritable. Il est bien certain que la conception platonicienne a dominé tout le développement de la civi
890 ropéenne, malgré quelques résistances isolées, et qu’ elle constitue l’apport principal de la Grèce à ce qu’on peut appeler
891 lle constitue l’apport principal de la Grèce à ce qu’ on peut appeler la métaphysique de l’amour (R. Flacelière, L’Amour en
892 our (R. Flacelière, L’Amour en Grèce). Il semble que Platon agit sur nous comme une information héréditaire. Personne ne
893 moureuse », où les amants croient « ne plus faire qu’ un », tous ceux qui qualifient l’être aimé de « ma moitié » (variante 
894 ifiante, idéalisante, on aurait tort d’en inférer que les Grecs n’ont pas connu le couple sombre Éros-Thanatos, amour et mo
895 thes en effet, écrit R. Flacelière, nous montrent que les Grecs ont médité sur les rapports mystérieux de l’amour et de la
896 dèle aux deux autres.) On peut penser, cependant, que ces trois mythes illustrent davantage le rêve ou l’idéal de « l’amour
897 vantage le rêve ou l’idéal de « l’amour plus fort que la mort » que la passion de « l’amour pour la mort » qui est, comme n
898 e ou l’idéal de « l’amour plus fort que la mort » que la passion de « l’amour pour la mort » qui est, comme nous le verrons
899 de Plutarque, saint Paul, avait écrit de son côté que le mariage est « un grand mystère (mystérion méga) ». Rencontre d’aut
900 rion méga) ». Rencontre d’autant plus surprenante que saint Paul, avant même que les évangiles aient été rédigés, ne cesse
901 e de dénoncer dans ses épîtres le sacré tant juif que païen (hellénistico-romain surtout), qu’il range sous la catégorie de
902 ant juif que païen (hellénistico-romain surtout), qu’ il range sous la catégorie de la Loi et auquel il oppose la « liberté
903 olution paulinienne consiste dans la proclamation que « tout m’est permis, mais tout n’est pas utile » (Épître aux Romains)
904 circoncision notamment). La vie sexuelle n’y joue qu’ un rôle quelconque, à peu près invisible et sans drame. (Paroles de Jé
905 e ne figure pas au nombre des tentations majeures que Satan fait subir au Christ dans le désert. Le paradoxe fondamental de
906 l’érotique, dans l’ère chrétienne, tient en ceci que le christianisme, religion de l’Amour (« Dieu est Amour »), créé par
907 par un acte d’amour (« Dieu a tant aimé le monde qu’ il a donné son Fils unique… »), et dont toute la loi se résume dans le
908 anisé. Contre l’opinion générale des Grecs autant que de l’Inde et de la Chine, saint Paul fait de l’amour matrimonial, sex
909 e intarissable de problèmes, tant pour la société que pour l’individu. Au surplus, lié dès l’origine à la réalité de la per
910 vait se produire — et en effet ne s’est produit — que dans la sphère d’influence du christianisme. Mais, entre la position
911 siècle, l’amour antique s’est éclipsé, et celui que nous croyons seul « naturel » et « aussi vieux que l’humanité » ne do
912 ue nous croyons seul « naturel » et « aussi vieux que l’humanité » ne donne encore que de malingres témoignages de son exis
913 et « aussi vieux que l’humanité » ne donne encore que de malingres témoignages de son existence en Europe, parmi lesquels o
914 à la reine Radegonde, alors retirée au monastère qu’ elle avait fondé à Poitiers. Ce clerc fait à la femme une place capita
915 ntiment, le désir et la passion, n’a pris ce sens qu’ avec la poésie des troubadours. Cette poésie apparaît subitement dans
916 prenante rapidité. Elle ne ressemble à rien de ce qu’ avaient connu le monde antique et le monde christianisé, à part les ra
917 nière des cours seigneuriales), on ne peut croire qu’ elle n’ait été que la trouvaille plus ou moins fortuite de quelques mo
918 igneuriales), on ne peut croire qu’elle n’ait été que la trouvaille plus ou moins fortuite de quelques moines musiciens de
919 us. Mais, s’ils avaient raison, comment concevoir que cette poésie ait pu transformer nos manières de sentir, et nos mœurs,
920 spiritualisme épuré, tous condamnent le mariage — que le pape Grégoire VII vient d’interdire aux prêtres —, tous professent
921 —, tous professent la divinité de l’âme et jugent que , le corps étant vil, rien de ce qu’il fait ne saurait engager le salu
922 âme et jugent que, le corps étant vil, rien de ce qu’ il fait ne saurait engager le salut : « Point de péché au-dessous du n
923 ces sectes dualistes. Et Joachim de Flore annonce que l’Esprit-Saint, dont l’ère va commencer, s’incarnera dans une Femme.
924 lon laquelle le mariage sans amour vaudrait mieux que l’amour sans mariage — mais surtout d’avoir soumis l’Éros au discours
925 tique et romanesque, d’avoir découvert, en somme, que c’est le langage qui permet de transformer la pulsion instinctuelle e
926 qui se « déclare » par des mots. On peut soutenir que l’histoire de l’Éros en Occident, des troubadours à notre siècle, se
927 abord dans la mystique, non moins liée au langage que la littérature, dans la mode, dans les formes réglées de la guerre et
928 badours datant du milieu du xiie siècle montrent que la légende était connue des troubadours dans le temps même où la prem
929 de l’amour même, l’amour de l’état amoureux plus que de l’Autre tel qu’il est, qu’on ne rejoindra que pour mourir ; et mêm
930 ’amour de l’état amoureux plus que de l’Autre tel qu’ il est, qu’on ne rejoindra que pour mourir ; et même l’élan de l’hérés
931 ’état amoureux plus que de l’Autre tel qu’il est, qu’ on ne rejoindra que pour mourir ; et même l’élan de l’hérésie ne manqu
932 que de l’Autre tel qu’il est, qu’on ne rejoindra que pour mourir ; et même l’élan de l’hérésie ne manque pas : « Amour » v
933 de l’hérésie ne manque pas : « Amour » vaut plus que la simple vérité, que le sacré social, que les devoirs religieux, que
934 e pas : « Amour » vaut plus que la simple vérité, que le sacré social, que les devoirs religieux, que la foi même, à la lim
935 t plus que la simple vérité, que le sacré social, que les devoirs religieux, que la foi même, à la limite (comme on le voit
936 , que le sacré social, que les devoirs religieux, que la foi même, à la limite (comme on le voit par exemple dans l’épisode
937 motifs psychologiques et religieux de la cortezia que les troubadours exprimaient dans le cri, le soupir, la mélopée ou la
938 es structures mêmes le secret du pouvoir immodéré qu’ il exerce depuis des siècles sur l’affectivité occidentale ? Le der
939 Le dernier tabou, le plus fort Nous avons vu que le « problème sexuel » est né dans le monde christianisé du fait de l
940 el (sauf exception comme chez les pharaons), mais que les évangiles ne mentionnent même pas, n’a jamais cessé d’exercer son
941 té médiévale, devient obligation sacrée, pour peu qu’ une parenté soit découverte, fût-ce au septième degré, entre mari et f
942 se voit contraint de répudier sa première femme, qu’ il aime, parce qu’elle est sa cousine au quatrième degré et qu’elle a
943 arce qu’elle est sa cousine au quatrième degré et qu’ elle a tenu avec lui un enfant sur les fonts baptismaux. La terreur de
944 d’Iseut, c’est ainsi de sa future « mère » légale qu’ il tombe passionnément amoureux. La condamnation de l’inceste pèse don
945 la garder pour lui selon la coutume chevaleresque qu’ illustrent les tournois dont la dame est le « prix ». S’il n’en fait r
946 u subsistant, du pire obstacle imaginable — celui que l’on pressent comme le plus « efficace » pour enflammer le désir des
947 s périlleux) et des séparations (parfois voulues) qu’ exige et que régit la dialectique du mythe, jusqu’à la catastrophe fin
948 et des séparations (parfois voulues) qu’exige et que régit la dialectique du mythe, jusqu’à la catastrophe finale, où la r
949 acle dernier, fin du « roman ». Tel est le secret que le mythe a pour fonction, comme toujours, d’exprimer tout en le voila
950 par une « erreur » sans laquelle point de roman — que naît l’amour-passion, l’amour subi, celui qui fera dire à l’ermite re
951 ers la société, envers l’autre et envers soi-même que Freud (dès 1923, dans Das Ich und das Es) appellera le surmoi : c’est
952 n croit être amoureux parce qu’elle a dit un jour que « non, elle ne serait pas libre demain soir ». Elle est toujours la f
953 par mille traverses astucieusement renouvelées et que suscitent à plaisir (littéralement) les ruses inépuisables de l’amour
954 « femme impossible ». Mais, si débile et complexé qu’ il apparaisse le plus souvent dans le roman contemporain, il n’en rest
955 nt, à l’expérience comme à la lecture des romans, que la passion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure
956 assion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies qu’ à la mesure des résistances qu’elle rencontre. Déjà, dans la poésie de
957 égage ses énergies qu’à la mesure des résistances qu’ elle rencontre. Déjà, dans la poésie des troubadours, nous voyons que
958 Déjà, dans la poésie des troubadours, nous voyons que l’amour courtois se distingue du simple désir par le raffinement de s
959 sentiment, le respect quasi religieux de la femme que l’on met sur un piédestal pour mieux pouvoir se plaindre qu’elle soit
960 t sur un piédestal pour mieux pouvoir se plaindre qu’ elle soit située « en trop haut lieu », voire tout à fait inaccessible
961 ire tout à fait inaccessible. « L’amour de loin » que chante Jaufré Rudel, l’éloge de la chasteté, les lois d’Amour stricte
962 « roman par excellence » se dégage la conclusion que la passion est cette forme de l’amour qui se nourrit des obstacles qu
963 tte forme de l’amour qui se nourrit des obstacles qu’ on lui oppose, ou qu’elle sait inventer au besoin. Sans obstacles, poi
964 qui se nourrit des obstacles qu’on lui oppose, ou qu’ elle sait inventer au besoin. Sans obstacles, point de passion. « Les
965 era donc celle de ses traverses, de ses malheurs, que les lecteurs comme les amants préfèrent au bonheur « sans histoires »
966 et, enfin, l’opéra. Encore faut-il bien préciser que le moment subversif, anarchique, individuel de la passion n’est jamai
967 e même que le moment mystique ne peut se détacher que sur un fond d’orthodoxie. « Entre deux êtres isolés, il n’y a pas d’a
968 e par défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’ il soit inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie mais u
969 re dans la représentation d’une tragédie. Mais ce que la passion gagne à se déclarer par le moyen de la littérature, elle l
970 erme) — s’est fait sentir plus vite dans le roman qu’ au théâtre. (Je parle ici, bien entendu, d’ouvrages littéraires, et no
971 . Les amants, chevaliers ou bergers, ne sont plus que des soupirants. Et si la mort qu’ils appellent leur est accordée, c’e
972 s, ne sont plus que des soupirants. Et si la mort qu’ ils appellent leur est accordée, c’est sous la forme d’un évanouisseme
973 is la dialectique cruelle du roman n’est plus ici que coquetteries, et le combat du Jour et de la Nuit se ramène à des jeux
974 de sa bergère. Il est peu de romans mieux écrits que L’Astrée. Mais, si le dur destin du mythe n’y est plus que machine ro
975 rée. Mais, si le dur destin du mythe n’y est plus que machine romanesque, faut-il incriminer la société du temps et ses cou
976 tumes, ou la littérature elle-même, qui ne serait qu’ un sous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ? L’œu
977 ’art, conçue et reçue comme telle, ne serait-elle qu’ un substitut tardif du sacré, un phénomène de décadence morale d’une s
978 ie » (Racine, préface de Bérénice). Nous avons vu qu’ à chaque fois que la société crée de nouveaux obstacles à l’anarchie d
979 e quasi totalitaire de la nation et de la culture qu’ on baptise aujourd’hui « le Grand Siècle », la passion imagine des for
980 s de l’Antiquité, dont Racine prétend s’inspirer, que de l’amour courtois et de la passion fatale, à la Tristan, dont on pe
981 a passion fatale, à la Tristan, dont on peut voir qu’ elle est devenue la manière de « ressentir l’amour » qui paraît désorm
982 anien sur Racine est manifeste : il explique seul que l’amour de Phèdre pour Hippolyte, dont elle n’est que la belle-mère,
983 l’amour de Phèdre pour Hippolyte, dont elle n’est que la belle-mère, soit présenté comme incestueux, donc absolument interd
984 n père ». Aricie sera donc pour Hippolyte l’amour que le Père interdit, un substitut voilé de l’amour incestueux pour la Mè
985 ndamne, mais il en fait son œuvre ! L’autre moyen qu’ il a trouvé pour nous parler voluptueusement de la passion de ses pers
986 la servante Œnone tient à Phèdre le même langage que la servante Brangaine à Iseut : Vous aimez. On ne peut vaincre sa de
987 ent sincère dans sa préface lorsqu’il écrit : Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait [de tragédie] où la
988 lorsqu’il écrit : Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait [de tragédie] où la vertu soit plus mise en jou
989 [de tragédie] où la vertu soit plus mise en jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y sont sévèrement punies […]. Les
990 s. Quant à la religion chrétienne (ou du moins ce qu’ elle est devenue : morale prêchée parfois par des évêques qui bâtissen
991 lles sont incapables de passion. On ne parle plus que de « passionnettes », mais bien plus souvent de femmes « prises » (co
992 qui geignent, l’homme du plaisir qui ne laissera qu’ un souvenir de bonheur, quoi qu’en dise Dona Anna. Casanova, dans ses
993 Mémoires, se vante de n’avoir laissé derrière lui que des femmes émues et heureuses. Il est vrai qu’aucune d’elles n’a publ
994 ui que des femmes émues et heureuses. Il est vrai qu’ aucune d’elles n’a publié de souvenirs. Mais écoutons ce cri d’Adrienn
995 dieux ! » L’idéal donjuanesque, comme la légende qu’ il inverse, donnera lieu à toute une littérature romanesque où l’amour
996 rit ses œuvres en prison : il ne peut donc s’agir que de fantasmes, mais qui n’en sont que plus révélateurs de l’inconscien
997 donc s’agir que de fantasmes, mais qui n’en sont que plus révélateurs de l’inconscient collectif du siècle et des motivati
998 nconscient collectif du siècle et des motivations qu’ il subit. Sade est, de toute évidence, un malade mental, un de ces « f
999 amille le modèle de l’amour idéal, cette cortezia que , pour se venger de l’existence, il entreprend d’inverser et d’assassi
1000 Par une sorte de dépit amoureux, il veut tuer ce que la courtoisie adorait. Le crime d’amour impur sauvera seul la « puret
1001 Quant à ses valeurs, on ne saurait trop souligner qu’ elles sont celles de la noblesse la plus arrogante, et peu importe qu’
1002 de la noblesse la plus arrogante, et peu importe qu’ il les vante ou les dénonce : elles régissent l’œuvre. Au surplus, il
1003 cette inversion de l’idéal courtois, aussi ardent que lui à poursuivre l’impossible, aussi incompatible avec la vie vécue,
1004 ossible, aussi incompatible avec la vie vécue, et que J. Huizinga nommait « l’idéal de la luxure ». On pourrait croire que
1005 mait « l’idéal de la luxure ». On pourrait croire que cette littérature anticourtoise remplit le siècle, de la Régence à la
1006 pétrarquisme, rejoint le mythe tristanien, encore qu’ il traduise et transpose la légende chevaleresque dans le langage d’un
1007 u mythe, avec l’usure et la déperdition d’énergie que cela implique nécessairement, de la passion aux émotions, de la mysti
1008 che encore au roman de Rousseau comme à tous ceux qu’ il fera naître, de Richardson au Werther de Goethe. Et c’est une autre
1009 alis fait écho : Quand on fuit la douleur, c’est qu’ on ne veut plus aimer… Que Dieu me conserve cette douleur qui m’est in
1010 fuit la douleur, c’est qu’on ne veut plus aimer… Que Dieu me conserve cette douleur qui m’est indiciblement chère. L’a
1011 âme sentimental des amants de La Nouvelle Héloïse que les poètes et romanciers, allemands d’abord puis anglais, vont tenter
1012 s pour ce monde. Et dans les Hymnes à la nuit : Que ton feu spirituel dévore mon corps, qu’en une étreinte aérienne je m’
1013 a nuit : Que ton feu spirituel dévore mon corps, qu’ en une étreinte aérienne je m’unisse étroitement à toi, et que dure al
1014 reinte aérienne je m’unisse étroitement à toi, et que dure alors éternellement notre nuit nuptiale ! Les Français seront p
1015 ue suractive les puissances latentes du cœur plus qu’ elle ne traduit leurs pulsions. On a vu le rôle créateur de la conduit
1016 rce de la religion des « Fidèles d’amour », c’est que l’obstacle contre lequel il se révolte et mobilise les énergies de l’
1017 l’expression de Stendhal) devient la part du rêve qu’ on oppose au mariage bourgeois, union notariale. C’est en 1830 et 1848
1018 bourgeois, union notariale. C’est en 1830 et 1848 qu’ apparaissent en Europe des expressions telles qu’érotisme, sexualité,
1019 qu’apparaissent en Europe des expressions telles qu’ érotisme, sexualité, problème sexuel, dans les œuvres de Charles Fouri
1020 d’un horizon crépusculaire, horizon de mysticité qu’ il oppose à la pure sensualité. Entrant malgré lui dans les catégories
1021 t malgré lui dans les catégories plus bourgeoises que chrétiennes qu’il veut combattre, il écrit que la volupté unique et
1022 s les catégories plus bourgeoises que chrétiennes qu’ il veut combattre, il écrit que la volupté unique et suprême de l’am
1023 es que chrétiennes qu’il veut combattre, il écrit que la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de fa
1024 mal. Et l’homme et la femme savent, de naissance, que dans le mal se trouve toute volupté (Fusées, III). Cependant, c’est
1025 Érotisation de la culture Éros et psyché Que Freud ait si profondément choqué la bourgeoisie occidentale, mais qu’
1026 fondément choqué la bourgeoisie occidentale, mais qu’ il ait donné en même temps à un petit nombre de disciples fanatiques p
1027 vaste public, par ouï-dire, la certitude soudaine que sa doctrine « expliquait tout », cela tient au fait qu’il expliquait
1028 doctrine « expliquait tout », cela tient au fait qu’ il expliquait les névroses et quelques psychoses à partir d’un des deu
1029 i, l’amour « dont les poètes parlent tant » n’est qu’ une « prime de plaisir » donnée à l’acte sexuel, l’attrait sexuel n’ay
1030 rait sexuel n’ayant « en somme pour profond motif que la nécessité de procréer pour conserver l’espèce ». En bref, on peut
1031 r conserver l’espèce ». En bref, on peut affirmer qu’ aux yeux de Freud l’amour du prochain, désintéressé et même oblatif, n
1032 éressé et même oblatif, n’est en dernière analyse qu’ une « variété » de l’attrait sexuel, alors que, dans la conception chr
1033 tienne du monde, c’est l’attrait sexuel qui n’est qu’ un cas particulier de cet Amour cosmique et spirituel qui, selon Dante
1034 isie pieuse ou athée, par la morale laïque autant que par l’Église, la sexualité n’en a pas moins envahi les salons de la p
1035 seule est responsable, et auquel Freud n’a voulu que donner ses vrais noms. Le Vocabulaire de la psychanalyse de J. Laplan
1036 e intitulé Génital (amour), les auteurs concèdent qu’ on trouve chez Freud l’idée d’une forme achevée de la sexualité et mê
1037 elon Freud. Éros, dieu d’une mystique athée Que les interdits, les tabous et les angoisses que ces interdits exprimen
1038 Que les interdits, les tabous et les angoisses que ces interdits expriment (ou qui en résultent par la suite) aient prée
1039 t préexisté de longue date au christianisme (loin que celui-ci les ait fomentés, comme le répètent, dans leur spiritual ill
1040 Eliot], trop de savants contemporains), c’est ce qu’ a fort bien relevé Georges Bataille dans ses ouvrages sur Éros et l’ér
1041 1970. C’est en deçà, non au-delà du christianisme que Bataille situe les éléments du drame authentique de l’Éros. « Le chri
1042 tradition de Nietzsche, non de Marx ni de Freud, que se situe André Malraux lorsqu’il écrit (très proche ici de G. Bataill
1043 l’érotisme à la vie sans qu’il perde cette force qu’ il devait au péché ; de lui donner tout ce qui, jusqu’ici, était donné
1044 n, c’est vers une connaissance peut-être mortelle que nous entraîne l’Éros mythique. Avenir de l’amour-passion La mo
1045 t accrédité malgré eux l’idée, devenue populaire, qu’ il est moins dangereux pour la société de libérer l’instinct sexuel qu
1046 reux pour la société de libérer l’instinct sexuel que le refouler. Cette invasion de l’érotisme dans la rue, dans les mœurs
1047 e langage, dans les livres, ne signifie nullement que la sexualité soit plus anarchique ou plus vigoureuse qu’en d’autres t
1048 sexualité soit plus anarchique ou plus vigoureuse qu’ en d’autres temps. C’est seulement l’expression de la sexualité qui n’
1049 exualité qui n’est plus réprimée, ce qui signifie que la plupart des interdits sociaux, légaux et religieux ont perdu leur
1050 leur valeur de tabous. Les romanciers savent bien que le roman véritable n’est jamais qu’une version renouvelée de l’archét
1051 s savent bien que le roman véritable n’est jamais qu’ une version renouvelée de l’archétype courtois de Tristan et Iseut. Il
1052 hos du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous que l’époque respecte encore. Mais déjà le héros de Lolita nous est décri
1053 ut peut se renverser très vite, au point de crise que nous avons atteint. L’ennui sécrété par les formes actuelles de la ci
1054 frénésies aussi dangereuses pour la santé sociale que pour la santé spirituelle. Les puissances passionnelles, frustrées pa
1055 trop bas également prévisibles, on peut imaginer que l’avenir de l’amour dépendra désormais de notre faculté de maîtriser
1056 enouvelée de la littérature romanesque et lyrique que de nous décrire les cheminements de cet amour dont le poète andalou I
1057 une maladie incurable qui ne peut trouver remède qu’ en elle-même. C’est une condition délectable et un mal que nous désiro
1058 le-même. C’est une condition délectable et un mal que nous désirons. Celui qui n’en est pas atteint ne souhaite nullement r
15 1975, Articles divers (1974-1977). « Le sort des écrivains emprisonnés constitue un drame et un avertissement » (juin 1975)
1059 uoi ? Au-delà du cas précis de Boukovski je pense que la situation des écrivains soviétiques emprisonnés ou enfermés dans d
1060 r, à s’opposer. C’est parce qu’ils sont écrivains que Boukovski, comme Siniavsky ou Daniel sont enfermés ? Ou simplement pa
1061 ’il est manieur de mots, donneur de sens. Dans ce qu’ il écrit il y a presque toujours quelque chose qui peut contribuer à c
1062 les mœurs. Et le changement est la dernière chose que peut accepter une société figée comme les sociétés totalitaires. Dans
1063 nc être assimilé à une marque de folie ? Je pense qu’ on ne lui refuse pas d’avoir une opinion mais on accepte mal qu’il l’a
1064 efuse pas d’avoir une opinion mais on accepte mal qu’ il l’affirme et qu’il continue à l’affirmer avec véhémence. Il est com
1065 ne opinion mais on accepte mal qu’il l’affirme et qu’ il continue à l’affirmer avec véhémence. Il est comme un soldat qui n’
1066 cile. Dans une société totalitaire je dirais même qu’ il est naturel. On les condamne donc pour remettre leurs idées en plac
1067 oviétique. On lui amène quelqu’un dont on lui dit qu’ il est fou. Sa première réaction va consister à lui laver le cerveau.
1068 e leur église point de salut et c’est sincèrement qu’ il le condamne. Un Soljenitsyne qui, pour lui, est un écrivain « déran
1069 que où il aura toutes sortes de traitements, ceux que , précisément, on réserve aux fous. Si j’étais en Russie je serais enf
1070 deviendrais pas fou réellement. Quand on vous dit que vous êtes seul à penser de la sorte, vous pouvez réellement vous dema
1071 ment vous demander : Mais en fin de compte est-ce que je n’ai pas tort puisque tous les autres pensent autrement ? Et ce do
1072 us a interrogé sous hypnose et vous avez confirmé que vous rêviez souvent de le tuer. Donc si vous le reconnaissez c’est qu
1073 nt de le tuer. Donc si vous le reconnaissez c’est que vous êtes capable de le faire. Mais ces gens représentaient peut-être
1074 ais entendu parler d’amour ? » Eh bien, cet amour que nous connaissons, l’amour romantique que les Américains appellent « r
1075 et amour que nous connaissons, l’amour romantique que les Américains appellent « romance » est une invention des poètes du
1076 ur les bûchers de la première Inquisition. Est-ce que les dirigeants d’aujourd’hui, particulièrement ceux des sociétés tota
1077 rent bien cette influence de l’artiste ? Je crois qu’ ils sont emplis d’angoisse devant ce monde impossible à gouverner et q
1078 ngoisse devant ce monde impossible à gouverner et que , même dans nos sociétés occidentales, la grande majorité rêve de diri
1079 ution culturelle chinoise n’a pas été autre chose qu’ un immense conditionnement. Et sans doute lorsqu’on prend les gens par
1080 t d’un pareil conditionnement où on lui dirait ce qu’ il doit écrire. C’est sa nature même qui s’y oppose. Il sera donc touj
1081 selon le mot de Picasso. L’idée de Picasso c’est qu’ il ne peut y avoir de création que « contre » une société. Pour ma par
1082 e Picasso c’est qu’il ne peut y avoir de création que « contre » une société. Pour ma part je regrette que le développement
1083 « contre » une société. Pour ma part je regrette que le développement de la société amène toujours davantage l’artiste à ê
1084 ment les limites d’un petit canton suisse. Est-ce que cette dimension avait une influence ? C’est une évidence. Dans un Éta
1085 ’est une évidence. Dans un État-nation comme ceux que nous connaissons, l’homme ne peut plus agir comme responsable. Et l’h
1086 us agir comme responsable. Et l’homme n’est libre que s’il est responsable. C’est une vieille notion que l’on retrouve enco
1087 ue s’il est responsable. C’est une vieille notion que l’on retrouve encore en justice. Si votre avocat prouve que vous avez
1088 etrouve encore en justice. Si votre avocat prouve que vous avez agi sous la contrainte, sans avoir la responsabilité de vot
1089 cette liberté de l’homme liée à sa responsabilité que j’oppose à tous les États-nations l’idée de communauté régionale. Mêm
1090 sa voix. Pour vous il n’y a pas de nécessité à ce qu’ un État moderne soit regroupé, donc plus puissant ? Quelle nécessité ?
1091 gens qui vont construire Verbois nous expliquent qu’ il y a une nécessité, je leur demande laquelle. Rien ne nous oblige co
1092 ge concrètement à avoir plus d’électricité demain qu’ aujourd’hui. C’est parce que nous le voulons pour notre commodité. Mai
1093 hose pour les États. Ils ont copié l’organisation que la Révolution, puis après elle. Napoléon, ont imposée à la France. Le
1094 nt chacune leur langue. C’est en vue de la guerre que les jacobins puis Napoléon ont regroupé à Paris l’ensemble des moyens
1095 des États ont eu naturellement plus de prétention que leurs prédécesseurs. L’État n’a que trois missions précises ; établir
1096 de prétention que leurs prédécesseurs. L’État n’a que trois missions précises ; établir la justice, maintenir l’ordre, coll
1097 ace personne. Lorsqu’il était pilote de chasse et qu’ il faisait tomber des bombes sur les villes, il était libre, considéré
1098 s, il était libre, considéré, décoré même. Depuis qu’ il a pris le parti de la paix, toutes les polices le pourchassent y co
1099 encore très loin d’infliger aux opposants le sort que connaissent les écrivains soviétiques ? Nous sommes préservés contre
1100 fin il ne reste plus, pour s’opposer au pouvoir, que l’écrivain, ce fou !!! 19. Date de l’interview, c’est-à-dire le 4 j
1101 de Soljenitsyne sur ces camps peuvent imaginer ce que ces arrêts des juges représentent pour un être humain. Le crime que B
1102 juges représentent pour un être humain. Le crime que Boukovski paie et qu’il devra continuer de payer est celui d’avoir un
1103 ur un être humain. Le crime que Boukovski paie et qu’ il devra continuer de payer est celui d’avoir une opinion et de l’expr
1104 e de son œuvre et de ses actes. On n’a pas oublié qu’ il avait pris publiquement la défense de l’un de ses anciens étudiants
1105 ns étudiants, objecteur de conscience, et on sait que dans une actualité récente il a notamment envoyé un message aux occup
1106 . C’est dans sa belle et solide maison de Pouilly qu’ il nous les a apportées. »
16 1975, Articles divers (1974-1977). « L’État-nation, voilà l’ennemi » (1er juillet 1975)
1107 habitant de la planète et vivent dans la terreur que l’URSS ne les dépasse), gaspillage comme principe du commerce, entass
1108 r. Or, en admettant, contre toute vraisemblance, que ces réalités hétérogènes forment à un moment donné des unités exactem
1109 miracle ne durerait guère, pour la simple raison que la langue, les frontières politiques et l’économie ont des rythmes de
1110 ’eux, il n’est plus d’espace libre, il n’y a plus que l’avenir qui leur échappe. Pas question de détruire l’État, mais de l
1111 le distribuer aux différents niveaux des services qu’ il doit rendre aux citoyens. Mais pas question non plus de constituer
1112 non plus de constituer des régions qui ne soient que des mini-États-nations, et qui prétendent imposer le carcan de fronti
1113 économiques est à chercher sur un tout autre plan que celui où la crise se déclare : sur le plan des attitudes mentales, mo
1114 ie en général et le Budget en particulier ne font que traduire en chiffres les vrais choix et les priorités, non pas allégu
1115 t enfin prendre en main leurs affaires communes — qu’ il s’agisse de réalités culturelles ou énergétiques, écologiques ou so
1116 es ou sociales. Et voilà qui représente bien plus qu’ une mesure opportune de « décentralisation » des pouvoirs engorgés de
1117 mentalité et un changement de finalité. Je sais qu’ on ne manquera pas de me dire, comme certains l’ont fait à Berlin : « 
1118 Votre point de vue est typiquement européen, mais que vaut-il pour tous ces pays neufs qui ont adopté le modèle de l’État-n
1119 t-nation qui leur était livré dans le même paquet que la technique et le DDT, et qui était pour eux, au départ, le moyen de
1120 e objection : 1) L’Europe a inventé l’État-nation que tous imitent. C’est à celle-là de donner l’exemple d’une invention me
1121 ter. À elle de développer les anticorps des virus qu’ elle a propagés. « L’État-nation peut seul les défendre », a-t-on dit.
1122 cercle vicieux dont il s’agit de sortir. Il faut que ses auteurs commencent. 2) L’État-nation peut faire autant et plus de
1123 n peut faire autant et plus de mal au tiers-monde qu’ aux Européens. Ce n’est pas peu dire ! Il est grand temps de le dépoui
1124 aura fait bien plus et mieux pour le tiers-monde qu’ en lui prêtant son « assistance technique », c’est-à-dire des experts
17 1975, Articles divers (1974-1977). « Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations » (septembre 1975)
1125 ient de petits États-nations. Ce serait bien pire que les grands. Ce seraient les défauts des grands plus l’esprit de cloch
1126 s défauts des grands plus l’esprit de clocher. Ce qu’ il faut, c’est tout recommencer par en bas, créer des liens réels au n
1127 onc une voie sans issue. La réforme, donc, plutôt que la révolution… Il nous faudrait partir des racines, puis dresser un p
1128 puis dresser un plan. Par exemple, dans la région que j’appelle lémano-alpine, pour rester volontairement un peu vague, c’e
1129 donc les habitants des rives — contre le mercure qu’ on déverse chaque jour dans le lac, au point que la lotte n’est plus c
1130 e qu’on déverse chaque jour dans le lac, au point que la lotte n’est plus comestible. Les concentrations deviennent, aujour
1131 rations deviennent, aujourd’hui déjà, plus fortes qu’ à Minamata. Donc, des accidents épouvantables, du type japonais, sont
1132 de contamination, de pollutions diverses. Il faut que tout le monde s’y mette. Il ne faut pas laisser un gouvernement répon
1133 t pas laisser un gouvernement répondre à un autre qu’ il n’est pas question de coopérer parce que, en temps de guerre, on se
1134 bois-nucléaire, parce qu’on ne me fera pas croire que la frontière arrêterait les effets d’un accident grave, que les douan
1135 ntière arrêterait les effets d’un accident grave, que les douaniers arrêteraient les neutrons… Il y a des problèmes d’éduca
1136 es problèmes d’éducation : il n’est pas tolérable que des enfants de travailleurs étrangers ne disposent pas du même droit
1137 pas du même droit à la formation professionnelle que les Suisses. C’est en train de s’arranger, mais il aura fallu des ann
1138 ière de sédition ? Il y a des centaines de choses qu’ on peut faire ensemble et pour lesquelles on n’a pas besoin d’autorisa
1139 re, vous êtes perdu ! La liberté, c’est une chose qu’ on prend, qu’on mérite et, surtout, dont on se montre digne en étant r
1140 perdu ! La liberté, c’est une chose qu’on prend, qu’ on mérite et, surtout, dont on se montre digne en étant responsable. R
18 1976, Articles divers (1974-1977). Message de M. Denis de Rougemont (1976)
1141 ent, celui de l’homme de culture et de méditation qu’ il fut, en fait, d’une manière invisible mais réelle et qui, loin d’êt
1142 nellement, je vois la preuve de cela dans le fait qu’ il accepta de présider, pour un temps bref mais décisif, deux institut
1143 ans quel esprit l’homme politique de premier plan qu’ était devenu Robert Schuman jugeait-il la fonction de ces deux entrepr
1144 is par lui à la fin de sa vie, je trouve ces mots qu’ on ne saurait souhaiter plus éclairants et qui servent de titre à son
1145 et cheminer « faire du chemin, surtout en ce sens que le chemin est long et qu’on le parcourt lentement ». On sent bien ici
1146 min, surtout en ce sens que le chemin est long et qu’ on le parcourt lentement ». On sent bien ici que Schuman n’a jamais eu
1147 t qu’on le parcourt lentement ». On sent bien ici que Schuman n’a jamais eu en réalité à « interrompre sa méditation pour p
1148 rit Jean Monnet) puisque c’est tout naturellement que sa méditation s’est poursuivie en création et n’a cessé de soutenir s
1149 re volontairement modeste, aura été plus créateur que les grands ténors de ce siècle. Piéton tranquille sur les chemins de
1150 er. Et certes, il n’a jamais entretenu l’illusion qu’ il irait lui-même jusqu’au but. Il m’avait dit un jour de 1960, dans u
1151 Message de M. Denis de Rougemont », L’Europe plus que jamais est nécessaire à la prospérité et à la sécurité, Montigny-lès-
19 1976, Articles divers (1974-1977). L’Europe, l’été [préface] (1976)
1152 ces points extrêmes de nos diversités européennes que relient quelques heures d’avion, au cœur du continent profondément co
1153 œur du continent profondément complexe et découpé que délimitent ces villes ouvertes vers cinq mers, j’imagine maintenant q
1154 les ouvertes vers cinq mers, j’imagine maintenant que s’élève une vaste rumeur symphonique mariant le classique au moderne
1155 ovie, le plus délibérément novateur (on n’y donne que de la musique d’aujourd’hui). Et les pointes d’une grande étoile : Fi
1156 icale de nos étés européens ? Si je n’en ai nommé qu’ une trentaine, c’est parce qu’il s’agissait des « grands » de l’Europe
1157 r commune appartenance au grand ensemble culturel qu’ est en réalité l’Europe, et l’aient prouvé en s’associant sous le sign
1158 n « concert des Nations ». En fait, on n’entendit qu’ une cacophonie en crescendo perpétuel et le bruit des canons devait en
1159 mensions mondiales, au xxe siècle, ont montré ce que « l’Europe des nations » savait faire. Au lendemain de la Seconde Gue
1160 à l’œuvre. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens qu’ elle est liée à l’Europe non seulement historiquement, dans sa genèse,
1161 e la musique et l’Europe, il résulte, d’une part, que s’occuper de l’Europe et spécialement de sa culture, suppose que l’on
1162 e l’Europe et spécialement de sa culture, suppose que l’on s’occupe de la musique ; et, d’autre part, que la musique est l’
1163 e l’on s’occupe de la musique ; et, d’autre part, que la musique est l’expression la plus profonde et spécifique du génie p
1164 politique de nos peuples, mais elle atteste mieux que la science — autre produit typique de l’Occident — notre unité fondam
1165 n de le répéter ? Saisir ensemble ces deux termes que la logique oppose, est un mouvement, un geste de l’esprit, caractéris
1166 , puisqu’elle englobe déjà seize pays d’Europe et que ses plus grands axes joignent Athènes à Édimbourg, Grenade à Helsinki
1167 ens. ⁂ Si l’association n’avait rien fait d’autre que d’offrir aux directeurs des plus grands festivals l’occasion de se re
1168 rogrammes et des dates, je voudrais souligner ici que l’association a eu et garde le mérite, à mes yeux principal, de provo
1169 pas cessé de revenir sur quelques thèmes majeurs que je voudrais indiquer brièvement. 1. Sur le grand fond des origines sa
1170 nd fond des origines sacrées, des fêtes rituelles que rappelle plus loin, avec une passionnante érudition, le professeur Es
1171 is — et du coup quelque peu restreint ou assagi — qu’ a pris le mot dans l’ère moderne, est une forme de vie et d’activité a
1172 enne me paraît typiquement occidentale, ne fût-ce que par les antinomies qu’elle embrasse, les paradoxes et les ambiguïtés
1173 ent occidentale, ne fût-ce que par les antinomies qu’ elle embrasse, les paradoxes et les ambiguïtés dont elle se nourrit. E
1174 utant à la création et au raffinement des valeurs qu’ à leur confusion par le snobisme et la mode, aux innovations qu’aux ro
1175 usion par le snobisme et la mode, aux innovations qu’ aux routines, et aux miracles qu’aux abus. (C’est peut-être pourquoi e
1176 aux innovations qu’aux routines, et aux miracles qu’ aux abus. (C’est peut-être pourquoi elle reste si vivante ?) 2. Le pro
1177 estiné. Il se présente ainsi dans l’éclat intense que seule une brève durée permet de soutenir. Ce caractère d’exception do
1178 ute qualité des œuvres produites (tant classiques que de caractère expérimental) et la recherche de la perfection dans leur
1179 certains, non sans raison, aient tenu à souligner qu’ elle était idéale et au mieux normative, plutôt que réaliste et descri
1180 u’elle était idéale et au mieux normative, plutôt que réaliste et descriptive. (Mais n’est-ce pas le fait de toute définiti
1181 on utilité majeure ?) De plus, on a fait observer qu’ elle ne tenait pas compte assez expressément de l’élément touristique
1182 âtre, danse) et d’un lieu de prestige touristique que naît le plus souvent un festival viable. (Le cas des « semaines music
1183 lle avait été composée. C’est grâce aux festivals qu’ on s’est remis de nos jours non seulement à jouer Hamlet sur les rempa
1184 ge, à la communauté dont elle fut l’expression ou qu’ elle reconstitue dans les esprits chaque fois qu’elle est jouée en son
1185 ier, mais bien par une certaine manière qui n’est qu’ à lui de mettre en œuvre et d’accueillir la musique d’hier et d’aujour
1186 ubert. Et la définition citée plus haut rappelait qu’ un festival est d’abord une fête, c’est-à-dire l’acte exceptionnel, sy
1187 bolique et mémorial d’une communauté. Il est beau que ce soit à la musique, plutôt qu’à quelque mascarade folklorique, que
1188 uté. Il est beau que ce soit à la musique, plutôt qu’ à quelque mascarade folklorique, que déjà tant de nos régions aillent
1189 sique, plutôt qu’à quelque mascarade folklorique, que déjà tant de nos régions aillent demander l’expression publique et se
1190 communautaire et de cette âme dont, s’il est vrai qu’ un paysage est un « état d’âme », on pourra contempler aux pages de ce
20 1976, Articles divers (1974-1977). Histoire et prospective de l’identité européenne (1976)
1191 nnes, quelle est votre discipline ? Quand on sent qu’ on ne peut pas répondre facilement à une question toute simple, comme
1192 simple, comme celle-ci, c’est peut-être le signe qu’ il faut la compliquer, parce qu‘en réalité elle est bien plus complexe
1193 , parce qu‘en réalité elle est bien plus complexe que celui qui la pose ne le croyait. Avant donc d’essayer de nommer ma di
1194 ut le reste en dépendra, et d’abord mes réponses. Qu’ est-ce donc pour vous, l’Europe ? Ce n‘est pas une réalité faite et ac
1195 quelque chose qui aurait existé historiquement et que l’on se proposerait de ressusciter. Mais ce n‘est pas non plus une ut
1196 et non pas d’une recherche fondamentale ? J’avoue que je saisis mal l’opposition de nature que vous me semblez faire, après
1197 J’avoue que je saisis mal l’opposition de nature que vous me semblez faire, après tant d’autres — ce fut une mode dans les
1198 pplications immédiates. C’est ainsi, nous dit-on, que le CERN étudie la constitution de la matière par besoin de savoir pur
1199 vue des applications non prévues mais prévisibles qu’ ils en attendent pour leur production d’énergie et pour leur défense n
1200 t pour leur défense nationale. lls n’ignorent pas que E = mc2 a donné la victoire militaire aux USA et permis d’aller sur l
1201 estige et la puissance de l’État, mille fois plus que la recherche appliquée ne peut rendre en deux ans pour l’industrie. V
1202 t rendre en deux ans pour l’industrie. Vous voyez que la recherche fondamentale n‘est pas aussi « gratuite » qu’on le croya
1203 cherche fondamentale n‘est pas aussi « gratuite » qu’ on le croyait : il arrive même qu’elle soit la mieux payée et la plus
1204 si « gratuite » qu’on le croyait : il arrive même qu’ elle soit la mieux payée et la plus payante au bout du compte. Qu’en e
1205 mieux payée et la plus payante au bout du compte. Qu’ en est-il dans le domaine des sciences humaines ? Je serais tenté de r
1206 tout ce qui touche aux régions, notamment. Disons que dans notre domaine, la recherche fondamentale est celle qui a pour ob
1207 ronomes et même les biologistes, on peut admettre que la métaphysique et l’anthropologie philosophique jouent le même rôle
1208 à mieux savoir et mieux comprendre en général ce qu’ est l’Europe comme fonction dans le Monde ; et en particulier, c’est l
1209 ulier, c’est là ma branche, à mieux comprendre ce que cela signifie d’être un Européen. Ce n’est pas un métier ni même une
1210 ent ces slogans n’en étaient pas, de cette Europe qu’ ils jugent finie ! L’agonie qu’ils annoncent, complaisants, c’est la l
1211 s, de cette Europe qu’ils jugent finie ! L’agonie qu’ ils annoncent, complaisants, c’est la leur ! Ils sont bien les seuls à
1212 n les seuls à ne pas le voir ! Et c’est le moment que vous choisissez pour me poser vos colles de facultés ! Je souhaitais
1213 de facultés ! Je souhaitais simplement savoir ce que vous enseignez au juste. Je vous en donnerai deux exemples. J’ai prof
1214 ui a entraîné depuis des adhésions aussi diverses que celles d’un maire de New York, de plusieurs instituts de politologie
1215 seil de l’Europe. Ce qui ne prouve d’ailleurs pas que mon sujet soit « sérieux » du point de vue que l’on nommait naguère a
1216 as que mon sujet soit « sérieux » du point de vue que l’on nommait naguère académique, mais bien qu’il touche à quelque cho
1217 une civilisation, dont le monde académique n’est qu’ une partie, certes précieuse, mais englobée, non englobante. Second ex
1218 du structuralisme. Là encore, vous allez me dire que ces démarches sont peu compatibles avec l’idée du sérieux scientifiqu
1219 u compatibles avec l’idée du sérieux scientifique qu’ on cultivait au xixe siècle, mais qui s’en plaindrait aujourd’hui ? V
1220 job bien défini comprennent dès la première heure que tout cela « ne les mène à rien », sauf à la connaissance de l’Europe
1221 r des cas. lls choisissent vite. S’ils ne veulent qu’ un job, ils ne reviendront plus. S’ils se cherchent et se veulent euro
1222 avez rappelé récemment, ici même, après Jouvenel, que nous ne pouvons connaître que le passé, sans pouvoir le changer, alor
1223 me, après Jouvenel, que nous ne pouvons connaître que le passé, sans pouvoir le changer, alors que nous ne pouvons modifier
1224 ir le changer, alors que nous ne pouvons modifier que l’avenir, mais sans pouvoir le connaître. Or, si le passé seul est ob
1225 , enfin à leur imaginer des solutions. C’est dire que le non-savoir, motif de toute recherche, et le virtuel, objet de la p
1226 irtuel, objet de la prospective, sont plus encore que le savoir ce que j’ai le désir de transmettre, c’est-à-dire de rendre
1227 la prospective, sont plus encore que le savoir ce que j’ai le désir de transmettre, c’est-à-dire de rendre sensible et comm
1228 cours. Car penser, après tout, ce n‘est peut-être que cela : mettre en système du savoir et du non-savoir, du réalisé — ce
1229 ’est ce qui reste « à faire ». C’est peut-être ce que je pressens comme sans le connaître, qui apparaîtra un jour comme éta
1230 apparaîtra un jour comme étant le principal de ce que j’avais à faire passer, dans le cadre rigoureux du savoir vérifié. Ce
1231 losophique, sur les problèmes de l’Europe, est-ce que cela ne vous condamne pas à l’européocentrisme ? Vous en êtes parfois
1232 , de la médecine ou de l’histoire, on peut penser qu’ on reste dans l’universel ou tout au moins dans le général. Et que ceu
1233 l’universel ou tout au moins dans le général. Et que ceux qui orientent leurs recherches sur les virtualités européennes m
1234 és européennes méritent l’épithète si mal vue  20 que vous citez, c’est-à-dire ramènent tout à l’Europe et à ses intérêts,
1235 le contraire qui est vrai. Il arrive bien souvent que celui qui fait des lettres, de la médecine ou de l’histoire, de l’éco
1236 ine. Or s’il est naïvement européen, il est fatal qu’ il se comporte, objectivement, d’une manière tout européocentrique. Il
1237 nt, d’une manière tout européocentrique. Il croit que le droit qu’il étudie est le vrai Droit universel ; que l’histoire a
1238 ière tout européocentrique. Il croit que le droit qu’ il étudie est le vrai Droit universel ; que l’histoire a un sens et qu
1239 droit qu’il étudie est le vrai Droit universel ; que l’histoire a un sens et qu’elle détient la clé de l’évolution du Mond
1240 rai Droit universel ; que l’histoire a un sens et qu’ elle détient la clé de l’évolution du Monde ; que l’économie obéit aux
1241 qu’elle détient la clé de l’évolution du Monde ; que l’économie obéit aux mêmes nécessités chez tous les peuples, quelles
1242 x mêmes nécessités chez tous les peuples, quelles que soient leurs croyances religieuses ; que la technique est quelque cho
1243 quelles que soient leurs croyances religieuses ; que la technique est quelque chose « d’objectif » et « d’universel », et
1244 ions théologiques des premiers conciles, et enfin que toutes les civilisations ont une littérature profane, et produisent d
1245 l’une des fonctions irremplaçables de ces études que celle de mise en garde générale contre l’européocentrisme naïf qui a
1246 té politique, au sens large du mot, bien entendu. Que faites-vous du savoir désintéressé ? Les termes d’opportunité et d’ut
1247 ement vital pour toute notre culture. Croyez-vous que l’Université n’est pas intéressée au premier chef à la survie de cett
1248 n Europe surtout et par ces masochistes invétérés que sont trop souvent les intellectuels européens. y. Rougemont Denis d
21 1976, Articles divers (1974-1977). Changer de cap (novembre 1976)
1249 Changer de cap (novembre 1976)ab Ce que l’on appelle « politique » n’est en général qu’une tactique partisane
1250 e que l’on appelle « politique » n’est en général qu’ une tactique partisane, mais ce qui m’intéresse est autre chose : la s
1251 hnique, mais selon les grandes options de société qu’ ils servent objectivement. Depuis six ans environ que je m’occupe de c
1252 ils servent objectivement. Depuis six ans environ que je m’occupe de ces choses, et que j’en écris, je suis de plus en plus
1253 six ans environ que je m’occupe de ces choses, et que j’en écris, je suis de plus en plus frappé par le rôle qu’y joue le m
1254 écris, je suis de plus en plus frappé par le rôle qu’ y joue le mensonge systématique. Qu’il s’agisse des promoteurs de l’én
1255 é par le rôle qu’y joue le mensonge systématique. Qu’ il s’agisse des promoteurs de l’énergie nucléaire, ou de Concorde, ou
1256 sions scientifiques. De ces diverses formes de ce que je nommerai le mensonge en service commandé, je donnerai ici un exemp
1257 commandé, je donnerai ici un exemple récent et — qu’ on me le pardonne — personnel. ⁂ Parlant au cours d’une émission de la
1258 s en question du Concorde selon le schéma suivant que je reconstitue : I. Le philosophe étant celui qui pose des questions
1259 et naïves, je demande : « Concorde, à quoi est-ce que ça sert ? » On m’assure que cet appareil ira de Paris à New York en t
1260 ncorde, à quoi est-ce que ça sert ? » On m’assure que cet appareil ira de Paris à New York en trois heures et demie au lieu
1261 et » qui en « bénéficieront », si l’on peut dire, que feront-ils de ces heures gagnées ? Est-ce qu’elles vaudront les seize
1262 re, que feront-ils de ces heures gagnées ? Est-ce qu’ elles vaudront les seize milliards déjà dépensés par l’État, donc par
1263 ar les contribuables français et anglais ? Est-ce qu’ elles justifieront le risque planétaire que des savants redoutent, l’a
1264 Est-ce qu’elles justifieront le risque planétaire que des savants redoutent, l’atteinte possible à la couche d’ozone qui pr
1265 e la ville par hélicoptère ou métro. 3. On me dit qu’ arrêter la fabrication de Concorde mettrait au chômage 40 000 ouvriers
1266 e des centaines de milliers d’ouvriers ? Je pense que si la Société est ainsi faite que la seule alternative qu’elle offre
1267 iers ? Je pense que si la Société est ainsi faite que la seule alternative qu’elle offre au gaspillage industriel, à la pol
1268 Société est ainsi faite que la seule alternative qu’ elle offre au gaspillage industriel, à la pollution de l’atmosphère, v
1269 à travers les fusées américaines) ; cela signifie qu’ en construisant Concorde, on aurait découvert des procédés qui permett
1270 e ou simplement l’enseigne d’un modèle de société que je récuse radicalement. Car l’humain s’y voit sacrifié non pas même a
1271 calculs et de rêves, de principes et d’ambitions qu’ il nous faut dépasser si nous voulons survivre, qui détruisent à la fo
1272 surprofits privés — absolument contraire aux fins que je défends dans toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de l
1273 de fédération des groupes. b) Je suis convaincu que les promoteurs de Concorde sont animés par un certain idéal : c’est c
1274 e à valoir des fortunes, c’est le contraire de ce que Concorde symbolise. Le luxe suprême de demain, je l’ai défini au lend
1275 toujours plus centralisés et des investissements que l’État central seul peut obtenir. Des objets toujours plus dangereux
1276 plus affamé et dévoreur de cette sorte d’énergie que l’État central est seul en mesure de produire et de distribuer, entra
1277 vant un parlement ou dans une assemblée populaire que c’est cela qu’il veut, ni qu’il complote vicieusement en vue de promo
1278 nt ou dans une assemblée populaire que c’est cela qu’ il veut, ni qu’il complote vicieusement en vue de promouvoir cette for
1279 assemblée populaire que c’est cela qu’il veut, ni qu’ il complote vicieusement en vue de promouvoir cette forme-là d’asservi
1280 e stato-national dans notre société industrielle ( qu’ elle soit capitaliste ou socialiste, nulle différence à cet égard !),
1281 Production-Puissance-Pouvoir-Police et Plutonium, que le grand sociologue américain Lewis Mumford a baptisé la « Mégamachin
1282 la « Mégamachine », cette logique est plus forte que tous les hommes d’État, que tous les servants de l’État : elle les ma
1283 ogique est plus forte que tous les hommes d’État, que tous les servants de l’État : elle les manipule et commande — à leur
1284 ur mission ! C’est cette mission, et non pas eux, que je réprouve. ⁂ Allons plus loin et plus profond : derrière les deux a
1285 s en plus de l’État, et vous trouvez enfin normal que ce soit lui — comme les Rois antiques — qui dispense seul l’Énergie.
1286 Une énergie qui vous vient donc de l’extérieur et que les Pouvoirs publics vous assurent. Si au contraire vous voulez la li
1287 e vous voulez la liberté d’abord avec les risques qu’ elle comporte, vous vous heurtez aux cadres géométriques qu’imposent l
1288 mporte, vous vous heurtez aux cadres géométriques qu’ imposent la société industrielle mécanisée et l’uniformisation indispe
1289 nation. Vous êtes amené à revendiquer l’autonomie que l’État menace, que les nécessités de la production industrielle tende
1290 mené à revendiquer l’autonomie que l’État menace, que les nécessités de la production industrielle tendent à exclure. Et vo
1291 une image, si vous voulez, mais je suis convaincu qu’ en réa­lité, elle signifie bien davantage, et peut pro­duire en nous d
1292 très profondes remises en ordre. Et je ne dis pas qu’ en alertant les énergies qui sont en nous nous pourrions aller aussi v
1293 qui sont en nous nous pourrions aller aussi vite que Concorde. Je dis seulement qu’en faisant appel toujours plus aux forc
1294 s aller aussi vite que Concorde. Je dis seulement qu’ en faisant appel toujours plus aux forces qui sont en nous, le besoin
1295 jours plus aux forces qui sont en nous, le besoin que nous avions de forces extérieures diminuerait d’autant, et que nous s
1296 ns de forces extérieures diminuerait d’autant, et que nous serions alors en mesure de découvrir une réalité du monde bien d
1297 araîtraient tout à fait incongrues. Je ne dis pas qu’ en nous confiant de plus en plus à nos énergies intérieures, nous pour
1298 culmine dans la Bombe à fusion nucléaire, je dis que nous ferions une autre société — et je pense qu’elle serait meilleure
1299 que nous ferions une autre société — et je pense qu’ elle serait meilleure. 21. Aujourd’hui, Air France et la SNIAS publi
1300 21. Aujourd’hui, Air France et la SNIAS publient que l’arrêt de Concorde ne mettrait au chômage (très provisoire) que 2500
1301 Concorde ne mettrait au chômage (très provisoire) que 2500 ouvriers. ab. Rougemont Denis de, « Changer de cap », Cahiers
22 1977, Articles divers (1974-1977). Souvenir de 1938 (1977)
1302 ours « pour réfléchir » et n’en fis rien, certain qu’ avant le terme fixé, la catastrophe réglerait tout. Sur quoi, le 28 se
1303 ru distraitement quelques pages. L’image scolaire que je gardais de cet ermite du xve siècle était bien pâle. Mais ce jour
1304 e entre les cantons suisses, c’est par l’autorité que sa vie d’ascète donne au message secret qu’il envoie à la Diète, et d
1305 orité que sa vie d’ascète donne au message secret qu’ il envoie à la Diète, et dont on ne connaît que le résultat : la paix
1306 et qu’il envoie à la Diète, et dont on ne connaît que le résultat : la paix sauvée, « comme par miracle », disent les témoi
1307 volées, les cloches de la délivrance : c’est cela que l’Europe vient de vivre ! Nuit blanche. Trois actes se composent. Au
1308 ée l’appel au musicien — et celui-ci ne peut être qu’ Honegger. Je vais le voir à Paris. Je ne le connaissais pas. En pleine
1309 , inconnu du grand public, je ne lui apporte rien qu’ une commande peu munificente. Je lui en résume les données, j’esquisse
1310 domicile. Je tombe bien, Honegger vient d’écrire que la seule forme théâtrale à laquelle il croit pour l’avenir est « cell
1311 sentiment, non seulement mon texte, mais tout ce que j’ai pensé, arrière-pensé en l’écrivant et renoncé à y mettre faute d
1312 dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’à ce que la mélodie sorte des paroles. » Cette espèce d’harmonie préétablie, c
1313 ie préétablie, comment ne pas admettre après coup qu’ elle ait gouverné dans le fait plusieurs séries de « hasards objectifs
1314 s contradictoires, et une troisième On a écrit que si l’oratorio Nicolas de Flüe « n’est pas devenu populaire » c’est qu
1315 olas de Flüe « n’est pas devenu populaire » c’est que « ce pacifiste était inopportun en un moment où il s’agissait de rési
1316 bataille pour la défense spirituelle de la Suisse que nous avons livrée pendant la guerre, votre œuvre avait pour nous la v
1317 nous la valeur d’un corps d’armée ! » Il se peut que les deux jugements soient justes. Ce qui est certain, c’est que l’hom
1318 ugements soient justes. Ce qui est certain, c’est que l’homme de la paix est seul capable de gagner ce que toute guerre, mê
1319 l’homme de la paix est seul capable de gagner ce que toute guerre, même victorieuse, perd à coup sûr : les raisons d’être
23 1977, Articles divers (1974-1977). Les débuts de la construction européenne (1977)
1320 uts de la construction européenne (1977)ad Tel qu’ il se manifeste pour la première fois devant l’opinion internationale,
1321 dre intelligibles les débuts et l’évolution de ce que l’on est convenu de nommer, non sans optimisme, quant à la vraie natu
1322 u phénomène, la Construction européenne. Il n’est que juste et décent d’ajouter que sans le plan Marshall, proposé aux Euro
1323 uropéenne. Il n’est que juste et décent d’ajouter que sans le plan Marshall, proposé aux Européens en 1947, rejeté par l’Es
1324 ropéenne qui s’éprouve obscurément menacée, ainsi que Dante va l’écrire dans le De Monarchia, par « le monstre aux multiple
1325 èles. De siècle en siècle, l’idée renaît à mesure que l’État se renforce. Au xve siècle, le roi de Bohême, Georges Podiebr
1326 iversité moderne n’auraient-ils été « utopiques » que sur un seul sujet, l’Europe ? Mais les États ne font qu’accroître leu
1327 un seul sujet, l’Europe ? Mais les États ne font qu’ accroître leur prétention à la souveraineté absolue : elle était dynas
1328 — ces parties qui se veulent chacune plus grande que le tout continental — vont provoquer l’inévitable explosion de la Pre
1329 nseil français, lequel déclare à Genève, en 1929, qu’ « entre les peuples de l’Europe doit exister une sorte de lien fédéral
1330 projet au nom précisément de la « souveraineté » qu’ ils estiment menacée par toute forme d’union qui ne soit pas purement
1331 issus de la Résistance européenne à l’hitlérisme, qu’ ils soient français ou italiens, allemands ou hollandais, suisses ou a
1332 de l’économie mondiale ». C’est à Montreux enfin que naît l’idée d’un rassemblement de tous les courants européistes jusqu
1333 omisé », et au stato-nationalisme centralisateur, qu’ ils tenaient pour les fourriers du totalitarisme. Or, l’idéologie pers
1334 au lendemain de la guerre. Il convient d’ajouter que ces militants ignorent, en général, les anciens plans d’union de l’Eu
1335 ours en faveur d’une « sorte d’union européenne » que multiplient les grands ténors de la diplomatie occidentale ; rappelon
1336 continent. Cependant, pour l’observateur objectif que voudrait être l’historien, il est clair que ni les chefs de mouvement
1337 ectif que voudrait être l’historien, il est clair que ni les chefs de mouvements, sans pouvoir, ni les ministres de gouvern
1338 de quelques hommes d’État non moins « nationaux » que les autres, mais qui prétendent parler au nom de la Paix. Le Congrès
1339 les six mois, un parlement européen. On ne retint que l’idée d’une assemblée dont les membres seraient élus par les parleme
1340 nomiques. Les thèses fédéralistes ne triomphèrent que dans les résolutions proposant la création d’un Centre européen de la
1341 pe de pression à pied d’œuvre, il ne restait plus qu’ à trouver les hommes d’État capables de faire passer les différentes p
1342 ait à ces fins de moyens beaucoup plus importants que le Conseil de l’Europe. L’organisation de Strasbourg se vit amenée de
1343 concentrer ses efforts créateurs sur les domaines que les souverainetés politiques stato-nationales et les compétences écon
1344 e en octobre de l’année suivante. Et il se trouva que sa première opération fut de définir la nature de la mission du CERN,
1345 de définir la nature de la mission du CERN, ainsi que de programmer les étapes de sa réalisation par les États européens, v
1346 ainsi (et même renversant parfois) le brain-drain qu’ étaient alors en train de subir toutes nos nations, trop pauvres pour
1347 les deux résultats les plus spectaculaires de ce que l’on peut appeler la période des congrès demeurent sans contredit la
1348 pressaient dans le Salon de l’Horloge comprirent qu’ ils vivaient un grand moment de l’Histoire. Il s’agissait de substitue
1349 une réforme, mais une révolution. On peut penser que c’est à la faveur d’une espèce de distraction tant du Conseil des min
1350 ant du Conseil des ministres français, la veille, que de la presse ce jour-là, puis de l’opinion européenne et finalement d
1351 ’opinion européenne et finalement des parlements, que le « plan Schuman » a si vite réussi. Il s’agissait en réalité d’un p
1352 aversant librement les frontières des Six fut tel que , vingt-cinq ans plus tard, la presse européenne célébrant l’anniversa
1353 aux Six, comme si les Six n’étaient rien de plus que des producteurs et des consommateurs de charbon et d’acier ! Ce qui a
1354 t à l’intention de la Société des Nations. Plutôt que l’Europe elle-même, ce qui naissait avec la CECA, c’était une méthode
1355 it une méthode pour faire l’Europe. Nous avons vu que les idées directrices d’un pool charbon-acier avaient été formulées m
1356 hode apparut très vite évidente, et d’autant plus que la période des congrès, si riche en initiatives enthousiastes, n’avai
1357 initiatives enthousiastes, n’avait créé, en fait, que le Conseil de l’Europe, dont les capacités de décision politiques aut
1358 dont les capacités de décision politiques autant qu’ économiques étaient sinon nulles, du moins annulables en tout temps pa
1359 et, fin 1951, on lui fit observer de divers côtés qu’ une armée sans gouvernement poserait des problèmes insolubles. D’autre
1360 solubles. D’autres voulaient croire, en revanche, qu’ elle entraînerait nécessairement l’avènement d’un pouvoir politique, e
1361 ouvoir politique, en vertu de la méthode qui veut que « la création d’une situation déséquilibrée oblige à faire un pas de
1362 que et la stratégie de la CECA, « ils sont d’avis que l’union doit être réalisée d’abord dans le domaine économique ; ils e
1363 d’abord dans le domaine économique ; ils estiment qu’ il faut étudier la création d’une organisation commune à laquelle sero
1364 cifique de l’énergie atomique ; ils reconnaissent que la constitution d’un Marché commun européen est l’objectif de leur ac
1365 uropéenne, avec siège à Bruxelles. Le fait patent que vingt-cinq ans après la formation de la CECA nul progrès politique n’
1366 ns sur cet obstacle majeur à toute union sérieuse qu’ est l’État-nation, obsédé par ses droits souverains, d’ailleurs de plu
1367 e l’Est et de l’Extrême-Ouest, comment se fait-il que rien n’ait été fait, que rien ne se fasse ? Dans l’état actuel de not
1368 uest, comment se fait-il que rien n’ait été fait, que rien ne se fasse ? Dans l’état actuel de notre société, les gouvernem
24 1977, Articles divers (1974-1977). Robert Schuman (1886-1963) : l’homme de la frontière (1977)
1369 re (1977)ae af Cet homme dont on a pu écrire «  qu’ il n’avait l’air de rien », qu’il entrait dans la salle du parlement «
1370 t on a pu écrire « qu’il n’avait l’air de rien », qu’ il entrait dans la salle du parlement « comme un ecclésiastique qui se
1371 me un ecclésiastique qui se rend à la chaire » et qu’ il « pesait longuement ses arguments comme un vieux pharmacien ses pil
1372 Inapte au service militaire, il ne sera mobilisé qu’ au titre « d’employé auxiliaire » d’une sous-préfecture. Il n’a donc j
1373 udent politicien et du célibataire presque timide que l’on a si souvent décrit, un homme d’État soudain s’est déclaré. Et t
1374 , lisant un texte inattendu, donc mal compris, et qu’ on accepte à cause de cela seulement, a peut-être changé le cours de n
1375 le cours de nos destins. Cette espèce de miracle que représente la CECA, entendons l’acceptation grâce à Schuman du projet
1376 égion / Fédération continentale Car la politique qu’ exprime le second membre ne résulte nullement de l’évaluation plus ou
1377 rement acquise de l’homme de la frontière, autant que ses méditations historiques et ses finalités spirituelles. Elle est i
1378 inaugurale du 9 mai 1950, montre une fois de plus que l’Histoire n’est pas faite par « les masses » mythiques, mais bien pa
1379 ent se poser à l’historien du célibataire endurci que fut Robert Schuman : à qui faut-il attribuer la Déclaration du 9 mai
1380 fut-il en réalité un Plan Monnet ? Il est certain que la Déclaration n’a pas été rédigée par Schuman, mais par l’équipe de
1381 e Uri et Étienne Hirsch. Il est non moins certain qu’ en faisant du projet « son affaire » et en engageant sur lui le sort d
1382 alise ? Peut-être pourrait-on évoquer ici, plutôt que la relation classique entre le dramaturge et l’acteur qui fait triomp
1383 ans leurs différences et dans leurs ressemblances que l’histoire a pu voir et enregistrer : coopération entre Sully et Henr
1384 du passé qui eussent pu au contraire l’aveugler, que par sa vision lucide de l’avenir des pays de l’Europe. Il avait beauc
1385 t, « néglige de l’examiner avec toute l’attention qu’ il méritait », autrement dit n’y répond pas : il n’est pas motivé par
1386 ans quel esprit l’homme politique de premier plan qu’ était devenu Robert Schuman jugeait-il la fonction de ces deux entrepr
1387 is par lui à la fin de sa vie, je trouve ces mots qu’ on ne saurait souhaiter plus éclairants, et qui servent de titre à son
1388 vra le cheminement des esprits. On sent bien ici que Schuman n’a jamais eu, en réalité, à « interrompre sa méditation pour
1389 ser à l’action » puisque c’est tout naturellement que sa méditation s’est poursuivie en création et n’a cessé de soutenir s
1390 re volontairement modeste, aura été plus créateur que les grands ténors de ce siècle. Piéton tranquille sur les chemins de
1391 er. Et certes, il n’a jamais entretenu l’illusion qu’ il irait lui-même jusqu’au but. Il m’avait dit un jour de 1960, dans u
25 1977, Articles divers (1974-1977). Hérétiques de toutes les religions, unissez-vous ! (1977)
1392 e orthodoxie protestante, aussi paradoxale en soi que dans les polémiques qu’elle nous inspirait. Cette interprétation de n
1393 , aussi paradoxale en soi que dans les polémiques qu’ elle nous inspirait. Cette interprétation de notre mouvement était en
1394 sembler normal à quelque observateur superficiel que face à ces dogmatiques conquérantes catholiques et protestants se ram
1395 de Maritain, néo-calvinisme de Barth. C’était ce que croyaient voir les journalistes, quand il leur arrivait de regarder d
1396 uestion d’orthodoxie ! (Sauf une fois : pour nier que nous défendions une « orthodoxie calviniste ».) En revanche, des « hé
1397 mais non point comme « contraires au dogme » : ce que nous referons comme « hérétique », c’est tout choix exclusif d’un seu
1398 es se trompent insondablement : celui qui affirme que la morale est suffisante, et celui qui nie qu’elle soit nécessaire… L
1399 me que la morale est suffisante, et celui qui nie qu’ elle soit nécessaire… Le moralisme donne une réponse universelle et in
1400 e phrase morale par orthodoxie, et vous saurez ce que nous pensions alors. La vérité ne pouvait être à nos yeux quelque cho
1401  » Et par « existence » nous ne pouvions entendre que « décision concrète… dans l’instant, hic et nunc. » Nous disions enco
1402 mme se les approprie, comme sa chose et son bien, qu’ il posséderait sans l’actualité de cette Parole et avant elle. Les de
1403 it : « Lis le Coran comme s’il n’avait été révélé que pour ton propre cas. » Kierkegaard écrit : « L’Évangile doit être lu
1404 onne n’est jamais entré ni sorti, depuis des mois que j’attends ici ! À quoi le gardien répond : Elle n’était là que pour t
1405 ici ! À quoi le gardien répond : Elle n’était là que pour toi. Maintenant, il est trop tard, nous la fermons. Nous pressen
1406 est trop tard, nous la fermons. Nous pressentions qu’ il n’y a de porte que pour celui qui osera la franchir, à tous risques
1407 a fermons. Nous pressentions qu’il n’y a de porte que pour celui qui osera la franchir, à tous risques, sans laissez-passer
1408 ous risques, sans laissez-passer d’aucune sorte ; qu’ il n’y a de sens que pour celui qui se met en marche, et que la vraie
1409 issez-passer d’aucune sorte ; qu’il n’y a de sens que pour celui qui se met en marche, et que la vraie voie est unique. ⁂ P
1410 a de sens que pour celui qui se met en marche, et que la vraie voie est unique. ⁂ Pour entrer dans la dialectique de l’héré
1411 que ». Elle peut signifier aussi bien qu’il n’y a qu’ une vraie voie, qu’une vérité viable, la même pour tous, à la fois gén
1412 gnifier aussi bien qu’il n’y a qu’une vraie voie, qu’ une vérité viable, la même pour tous, à la fois générale et objective
1413 à la fois générale et objective — ou au contraire qu’ il y a pour chacun une voie, une vérité qui ne vaut que pour lui seul,
1414 y a pour chacun une voie, une vérité qui ne vaut que pour lui seul, particulière et subjective. La « voie unique » peut en
1415 aticable par tous, en tout lieu et tout temps, et qu’ on ne saurait violer sans s’égarer ; — ou au contraire une forme d’exi
1416 ique » peut donc désigner aussi bien l’orthodoxie que l’hérésie. On voit ici que ces deux phénomènes radicalement antinomiq
1417 ussi bien l’orthodoxie que l’hérésie. On voit ici que ces deux phénomènes radicalement antinomiques sont en relation de com
1418 aux ponts et chaussées ni à la police de la route qu’ il faut s’adresser si l’on cherche le chemin du Graal. ⁂ La complément
1419 ntre universel et unique. Mais ce n’est peut-être qu’ une question de tempérament. Selon que l’on relève du type introverti
1420 t peut-être qu’une question de tempérament. Selon que l’on relève du type introverti ou du type extraverti, on sera porté à
1421 us facilement et d’une manière plus féconde selon que cette confession offre un climat de bonheur (ou si l’on veut de créat
1422 i l’on veut de créativité) à tel tempérament plus qu’ à tel autre : ainsi le luthéranisme et l’orthodoxie russe favorisent l
1423 i le communisme « orthodoxe ») attend des fidèles qu’ ils optent en dernier ressort non pour l’Individu (au sens kierkegaard
1424 e mystique, et qui possède une vertu de contagion que je voudrais dire convertissante. (Pour, moi, s’il faut en croire les
1425 ssante. (Pour, moi, s’il faut en croire les tests que j’ai passés, je me verrais plutôt entre deux pentes, soit sur le chem
1426 fois !) ⁂ L’aventurier de l’esprit suit le chemin qu’ il invente en y marchant. « Ta parole est une lampe à mes pieds, une l
1427 n sentier », dit le psalmiste. La lampe n’éclaire que le terrain où je m’avance, ce chemin qui commence à mes pas. L’homme
1428 ence à mes pas. L’homme de la foi ne suit sa voie qu’ en la frayant, « sentier étroit », dit le Bouddha, et l’Évangile parle
1429 à l’avance : tu l’ouvres en osant la franchir tel que tu es en marche par la foi, et non tel qu’on l’entend — maîtres, cout
1430 ir tel que tu es en marche par la foi, et non tel qu’ on l’entend — maîtres, coutume d’Église ou règlements de la société. ⁂
1431 . D’ici là, l’Église véritable ne saurait exister que dans l’attente ardente et dans cette anxieuse espérance commune à tou
1432 iques » malgré eux : ceux qui ont un jour compris qu’ ils étaient bien forcés d’inventer leur chemin sans aucune garantie, p
26 1977, Articles divers (1974-1977). La nature du pouvoir (9 octobre 1977)
1433 , parce que je suis d’accord avec presque tout ce qu’ a dit Jeanne Hersch hier soir. Il aurait peut-être mieux valu commence
1434 ique, dont on pourrait tirer également — je pense que l’auteur le pensait ainsi — des leçons de modération politique, leçon
1435 toutes, d’une manière irréversible, et le pouvoir que nous avons en Suisse qui, lui, est un pouvoir réparti. C’est le pouvo
1436 , depuis très longtemps, depuis des décennies, et que j’appelle l’opposition entre la puissance et la liberté. La puissance
1437 et liberté comme fins de la société, et je crois que cette distinction est, aujourd’hui, décisive. Elle domine absolument
1438 eanne Hersch n’a pas prétendu faire beaucoup plus que tous les auteurs, qui ont essayé cette définition impossible, d’Arist
1439 , l’écartèle. Moi je veux bien, mais il me semble que cela permet de faire entrer un peu trop de choses dans la définition
1440 français qui, quand on lui demandait, un jour : «  Que faites-vous devant un problème insoluble ? », répondait : « Eh bien !
1441 ustré devant ce recul devant la définition. Mais, qu’ y faire après tout ? Le pouvoir est là, défini ou non, il est là. Nous
1442 subir. Ceci me rappelle une très jolie épigraphe que Jean Cocteau avait mise à son Secret professionnel. C’est un petit di
1443 C’est évidemment parce que le pouvoir ne se sent que trop de nos jours, et que cela s’accompagne d’un sentiment d’impuissa
1444 e le pouvoir ne se sent que trop de nos jours, et que cela s’accompagne d’un sentiment d’impuissance croissant dans les pop
1445 ssant dans les populations et chez les individus, que les Rencontres ont choisi le thème du pouvoir. Le nœud du problème tr
1446 rsch c’est, peut-être, ce sentiment d’impuissance que nous avons devant les pouvoirs, qui nous amène à toutes sortes d’excè
1447 de réactions anarchisantes. Il provient de l’idée que le pouvoir nous est extérieur, qu’il se présente à nous sous forme de
1448 ient de l’idée que le pouvoir nous est extérieur, qu’ il se présente à nous sous forme de contrainte, que nous subissons san
1449 u’il se présente à nous sous forme de contrainte, que nous subissons sans pouvoir l’exercer. Et nous sommes un peu ahuris p
1450 nécessités de la défense nationale, par exemple, que le pouvoir allègue, et qui coupent court à toute espèce de discussion
1451 archistes en observant, à juste titre d’ailleurs, que le simple refus du pouvoir extérieur finit par nous y livrer bien plu
1452 érieur finit par nous y livrer bien plus sûrement que toute autre conduite, et finit dans l’État totalitaire. Il me semble
1453 e, et finit dans l’État totalitaire. Il me semble qu’ il y aurait lieu, ici, de marquer beaucoup plus fermement les conséque
1454 le dit l’expression consacrée, car nous ne savons que trop à quoi cela mène : ceux qui croyaient prendre le pouvoir sont pr
1455 : le pouvoir du souverain consiste dans l’abandon que le peuple souverain lui a fait, une fois pour toutes, de sa souverain
1456 , au début de 1917, dans L’État et la Révolution, que toutes les révolutions bourgeoises, jusqu’alors, n’avaient fait que r
1457 olutions bourgeoises, jusqu’alors, n’avaient fait que renforcer l’État et la police, c’est-à-dire que l’État s’était emparé
1458 t que renforcer l’État et la police, c’est-à-dire que l’État s’était emparé de ceux qui voulaient s’en emparer. Là-dessus,
1459 llustré lui-même, d’une manière parfaite, tout ce qu’ il avait dénoncé quelques mois plus tôt. Je pense qu’il n’y a qu’un mo
1460 il avait dénoncé quelques mois plus tôt. Je pense qu’ il n’y a qu’un moyen d’opposer le pouvoir de liberté au pouvoir de l’É
1461 oncé quelques mois plus tôt. Je pense qu’il n’y a qu’ un moyen d’opposer le pouvoir de liberté au pouvoir de l’État devenu e
1462 espèce de pouvoir, mais de distribuer le pouvoir que nous trouvons abusif. Distribuer, par exemple, le pouvoir de l’État-n
1463 tte distribution, ce double dépassement, c’est ce que j’appelle le fédéralisme, mouvement qui s’inscrit, à mes yeux, dans c
1464 , à mes yeux, dans cette alternative fondamentale que je citais tout à l’heure entre la puissance et la liberté, et s’y ins
1465 té. Ayant écrit, dans un assez gros livre récent, que ce drame est celui de notre époque, j’ai trouvé, l’autre jour, et apr
1466 et après coup, la formule la plus simple pour ce que je voulais dire dans ce livre, et dans beaucoup d’autres. Je pense qu
1467 ans ce livre, et dans beaucoup d’autres. Je pense que cette formule rejoint les thèses de Jeanne Hersch, hier soir, notamme
1468 notamment sur l’omniprésence du pouvoir, le fait que le pouvoir est, aussi, dans la liberté, et qu’on ne peut concevoir la
1469 it que le pouvoir est, aussi, dans la liberté, et qu’ on ne peut concevoir la liberté sans l’intervention du pouvoir. La for
1470 iberté sans l’intervention du pouvoir. La formule que je vous propose est la suivante : « La puissance, c’est le pouvoir qu
1471 st la suivante : « La puissance, c’est le pouvoir que l’on prend sur autrui ; la liberté, c’est le pouvoir que l’on prend s
1472 n prend sur autrui ; la liberté, c’est le pouvoir que l’on prend sur soi-même. » [Réagissant aux remerciements et demande
1473 ch :] Il n’y a pas vraiment d’opposition entre ce que vous avez dit plus longuement hier soir, et ce que j’ai dit, très vit
1474 ue vous avez dit plus longuement hier soir, et ce que j’ai dit, très vite, aujourd’hui. Voilà pourquoi j’ai paru trop clair
1475 es ravages de la guerre, elle n’a d’autres moyens que de borner les facultés du pouvoir. » am. Rougemont Denis de, « La
27 1977, Articles divers (1974-1977). La puissance et les choix (mai 1977)
1476 régions, qui entendent tout simplement et autant qu’ ils le peuvent, rester maîtres de leur propre destin. Or, parmi ceux q
1477 libre de ses actes ? N’allons pas croire pourtant qu’ entre le besoin de puissance à tout prix et le besoin de liberté à tou
1478 eux camps bien tranchés : c’est en chacun de nous que le conflit se poursuit. Les deux pulsions contraires coexistent en no
1479 e qui ait quelque saveur sans au moins l’illusion qu’ on l’exerce « librement ». Mais le choix proprement politique au sens
1480 uelle les moyens ont pour devoir de concourir. Ce qu’ il faut voir, et qui est peut-être décisif, c’est que le parallélisme
1481 il faut voir, et qui est peut-être décisif, c’est que le parallélisme inversé entre les deux choix n’est pas exact. Le choi
1482 ssance. Choisir les centrales nucléaires — quelle que soit leur définition, eau légère ou surgénérateurs — implique, entraî
1483 ysiques, incroyablement chères, et si dangereuses que nos pays, tout en jurant qu’elles sont inoffensives, ne les bâtissent
1484 s, et si dangereuses que nos pays, tout en jurant qu’ elles sont inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin que possible d
1485 rant qu’elles sont inoffensives, ne les bâtissent qu’ aussi loin que possible de leur capitale. Les adversaires des centrale
1486 sont inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin que possible de leur capitale. Les adversaires des centrales qui les déno
1487 esques, trop chères et trop dangereuses, ignorent qu’ ils dénoncent là les raisons mêmes qui font que nos États les adoptent
1488 nt qu’ils dénoncent là les raisons mêmes qui font que nos États les adoptent. Car « très grand » suppose, qu’on le veuille
1489 s États les adoptent. Car « très grand » suppose, qu’ on le veuille ou non : très centralisé. « Très cher » implique l’inter
1490 l’énergie solaire implique, entraîne et favorise, qu’ on le veuille ou non, des groupuscules, des communes, des régions à la
1491 entretenir une guerre. Il est clair comme le jour que le choix des centrales nucléaires et des usines de retraitement du mé
1492 fin de l’histoire humaine. Il est non moins clair que personne n’a jamais osé dire, ni même laissé entendre, que le choix s
1493 nne n’a jamais osé dire, ni même laissé entendre, que le choix solaire est la condition même de la paix : car ce choix sign
1494 s, car les fins seules dicteront leurs moyens. Ce qu’ il faut voir, c’est que le but de la société n’est pas du tout d’assur
1495 dicteront leurs moyens. Ce qu’il faut voir, c’est que le but de la société n’est pas du tout d’assurer à quelques-uns la re
1496 ntables, quand il serait réellement « impératif » que la consommation d’énergie double tous les dix ans, je serais contre,
1497 time Denis de Rougemont, n’est jamais plus grande que lorsqu’ils déclarent que cette puissance est au service de l’intérêt
1498 n’est jamais plus grande que lorsqu’ils déclarent que cette puissance est au service de l’intérêt public. Ils ont toujours
1499 t ils continuent de la faire, dans le cadre de ce qu’ ils considèrent, eux, comme l’intérêt public. Récemment, ils ont encor
1500 ces publics en sont en fait venus à asservir ceux qu’ ils étaient censés servir. La charge qu’ils leur font supporter est pa
1501 rvir ceux qu’ils étaient censés servir. La charge qu’ ils leur font supporter est parfois financière quand il s’agit, par ex
1502 l’État. Ce sont les implications politiques de ce qu’ il nomme « le Choix du siècle » que l’auteur de L’Avenir est notre af
1503 litiques de ce qu’il nomme « le Choix du siècle » que l’auteur de L’Avenir est notre affaire estime urgent de souligner a
28 1977, Articles divers (1974-1977). Du passé à l’avenir d’une région (27 juin 1977)
1504 ys de Vaud, naguère encore fief des Savoie, ainsi que le Chablais et le pays de Gex. Fribourg, vieille cité-État aristocrat
1505 qui formeront plus tard la Romandie. C’est ainsi que Neuchâtel qui avait entretenu pendant des siècles des liens étroits a
1506 vers les Bernois, pourtant germanophones, plutôt que vers les Vaudois, pourtant francophones, ou les Fribourgeois catholiq
1507 itique) qui a créé la Suisse romande, bien plutôt que la géographie (point de frontières naturelles à l’est), que l’histoir
1508 graphie (point de frontières naturelles à l’est), que l’histoire (intérêts divergents de nos cinq cantons au long des siècl
1509 nos cinq cantons au long des siècles), ou encore que l’analogie de régime politique (une Principauté héréditaire, une prin
1510 nd » va se constituer. Il sera l’expression de ce que les cinq cantons — et surtout les trois protestants — sentiront qu’il
1511 ns — et surtout les trois protestants — sentiront qu’ ils possèdent en commun, malgré leurs origines hétéroclites, une fois
1512 complexe de philosophie et de doctrine politique qu’ illustreront au cœur même de l’Europe, successivement, Jean-Jacques Ro
1513 s Allemagnes. Dans le courant du xixe siècle, ce que l’on nommera « l’esprit romand » se signale et se caractérise par des
1514 philosophiques, critiques et théologiques plutôt que purement littéraires. Les deux grands noms du siècle, en Suisse roman
1515 la Suisse romande va devenir la mère patrie de ce qu’ on nomme aujourd’hui les sciences humaines. Ferdinand de Saussure fond
1516 e. On a beaucoup écrit sur cet « esprit romand », que dans la plupart des ouvrages à lui consacrés, on considère comme grav
1517 ’insister : les deux clichés ne sont rien de plus que des clichés. Il y a chez le Vaudois une bonhomie un peu cynique, une
1518 ue, une sorte de paresse qui peut être rusée mais que l’accent rend désarmante ; chez le Neuchâtelois que Rousseau, bien à
1519 e l’accent rend désarmante ; chez le Neuchâtelois que Rousseau, bien à tort, qualifiait de « fin, faux, fourbe et courtois 
1520 du moins, le Suisse romand d’empreinte réformée, qu’ il soit horloger ou pasteur, militant socialiste dans les montagnes, v
1521 montagnes, vigneron de Lavaux, banquier genevois… Qu’ on m’entende bien : je ne limite pas « l’esprit romand » à ses express
1522 tement moral et civique, fût-il aussi sentimental que nos chants patriotiques, aussi concret qu’une votation sur la TVA. « 
1523 mental que nos chants patriotiques, aussi concret qu’ une votation sur la TVA. « L’esprit romand » implique une politique, j
1524 es n’ont acquis le sentiment de former une entité qu’ à la faveur de leur rattachement tardif (1814, 1815, 1848) à la Conféd
1525 vétique, et ils ne doivent leur « esprit » commun qu’ à la dominante protestante (sensible jusque dans les écrits d’auteurs
1526 écente, et il ne serait pas raisonnable de penser qu’ elle va se figer désormais dans son image du xixe siècle. Elle va cha
1527 ve et ses voisins gessiens et savoyards. (On sait que la crainte de recevoir trop de catholiques avait joué un rôle fort im
1528 al de durcir les frontières et de les fermer plus qu’ elles ne l’ont jamais été dans toute l’histoire européenne. Et que dev
1529 t jamais été dans toute l’histoire européenne. Et que devient pendant ce temps « l’esprit romand » ? Sa dominante protestan
1530 à prévoir et appelle une série de développements que rien n’eût permis de prévoir il y a un demi-siècle. La fermeture prog
1531 mais elle aussi transfrontalière car chacun sait que les pollutions n’ont jamais été arrêtées par les douaniers, ni par la
1532 nne unité. Sur cette aire, certes plus historique que géographique, je repère une vingtaine d’universités et d’instituts un
1533 versités et d’instituts universitaires32, densité que je crois inégalée dans le reste de l’Europe. Frappé par ce fait, j’av
1534 gle, il me dit : — « Détrompez-vous ! Le triangle que vous venez de dessiner couvre très exactement l’aire du franco-proven
1535 angue distincte à la fois de l’oc et de l’oïl, et que parlèrent nos populations du ixe au début du xixe siècles. » Je dev
1536 ette langue — dont nous ne connaissons plus guère que quelques expressions patoisantes et les paroles du Cé qu’è lainô. Il
1537 ques expressions patoisantes et les paroles du Cé qu’ è lainô. Il n’en reste pas moins remarquable que l’extension d’une lan
1538 é qu’è lainô. Il n’en reste pas moins remarquable que l’extension d’une langue oubliée, comme refoulée dans l’inconscient c
1539 e moderne, plus de liens et bien plus mystérieux, que nos brillants théoriciens et nos robustes réalistes n’auraient jamais
1540 nde est l’expression moderne — elle ne date guère que de la seconde moitié du siècle passé — d’un complexe de petites unité
1541 r former au sein de celle-ci une nouvelle entité, que l’on peut définir grosso modo comme la partie francophone de la Suiss
29 1977, Articles divers (1974-1977). « Il faut changer de cap » (27 septembre 1977)
1542 ’une société commence quand l’homme se demande : “ Que va-t-il arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis-je faire ?”. À
1543 “Que va-t-il arriver ?” au lieu de se demander : “ Que puis-je faire ?”. À ces deux questions, curieusement, il n’est qu’une
1544  ?”. À ces deux questions, curieusement, il n’est qu’ une réponse possible et c’est : “Toi-même !” » Voilà, en ces temps inc
1545 ces temps incertains, le salutaire avertissement que nous donne l’essayiste suisse Denis de Rougemont, au terme d’un livre
1546 affaire. À tous les dangers qui nous menacent et que l’auteur dénonce lucidement, on n’est certes pas obligé d’apporter le
1547 ugemont, vous parlez d’une « crise universelle ». Qu’ entendez-vous par là ? J’entends que, à l’Est comme à l’Ouest, les idé
1548 niverselle ». Qu’entendez-vous par là ? J’entends que , à l’Est comme à l’Ouest, les idéaux de progrès matériel, de producti
1549 t, mais dans le tiers-monde. Parce qu’on nous dit que l’humanité va doubler tous les trente ans, nous croyons que la produc
1550 nité va doubler tous les trente ans, nous croyons que la production industrielle et énergétique, va devoir augmenter d’une
1551 sement. Il nous reste du pétrole pour trente ans. Que fera-t-on dans trente ans des autos et des autoroutes ? Réponse des t
1552 rit sera aussi épuisé, pense-t-on, en trente ans. Qu’ à cela ne tienne, disent les technocrates, nous ferons des centrales a
1553 ture » ? Oui, et ce qui la rend dangereuse, c’est qu’ elle s’opère aujourd’hui sous l’égide de l’État-nation, contre le vœu
1554 ide de l’État-nation, contre le vœu des citoyens. Qu’ appelez-vous l’État-nation ? C’est la mainmise d’un appareil étatique
1555 arliez d’agression contre la nature. Il n’y a pas que la pollution par l’industrie. Pour moi, la pollution majeure et défin
1556 définitive de la terre serait la guerre atomique que préparent, malgré eux, tous nos États-nations. Vous semblez trouver u
1557 allons pas trop vite ! Je constate, en historien, qu’ à l’origine de nos maux actuels, il y a le gigantisme, la superstition
1558 ition des grandes dimensions. Or, nous constatons que les petits États ont tous les avantages sur les grands : niveau matér
1559 ses, c’est-à-dire de grandes guerres. Au fond, ce que vous nous proposez, c’est le modèle suisse ? C’est quelque chose qui
1560 égradation des relations humaines. Mais ces États que vous dénoncez ont quand même édifié au cours des siècles une langue e
1561 une langue et une culture commune ? L’État-nation que je dénonce a 180 ans d’âge. Il a détruit, lentement mais sûrement et
1562 le sens civique dans l’Hexagone. Mais les régions que je préconise sont autre chose que les seules ethnies : ce sont les co
1563 ais les régions que je préconise sont autre chose que les seules ethnies : ce sont les communautés qu’il s’agit de reconnaî
1564 que les seules ethnies : ce sont les communautés qu’ il s’agit de reconnaître, comme le disait Vidal de la Blache, et non d
1565 Blache, et non de délimiter. Mais il est évident que les frontières seraient débordées ? On dénombre actuellement une ving
1566 ns-nous aboutir à ces solutions ? Je ne pense pas que les hommes vont devenir sages dans les dix années décisives qui vienn
1567 dix années décisives qui viennent, mais je pense qu’ un certain nombre de catastrophes vont les forcer à réfléchir et à cha
1568 rté des personnes. La puissance, c’est le pouvoir que l’on prend sur les autres, la liberté, c’est le pouvoir que l’on pren
1569 rend sur les autres, la liberté, c’est le pouvoir que l’on prend sur soi-même. al. Rougemont Denis de, « Il faut changer
30 1977, Articles divers (1974-1977). Au tableau d’honneur de Parents : L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)
1570 L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)ao ap Que nous agissions ou non, que nous le voulions ou non, l’avenir est notr
1571 (octobre 1977)ao ap Que nous agissions ou non, que nous le voulions ou non, l’avenir est notre affaire. Nous en sommes s
1572 n’est pas de nos lâchetés morales. » C’est ainsi que Denis de Rougemont, écrivain suisse, pionnier de l’idée européenne, s
1573 t la profession de foi mais aussi l’avertissement que lance sans ménagement cet homme de 71 ans, qui a perdu bien des illus
1574 me du comprimé d’algues marines en guise de steak qu’ on lui a promis dès les années 1950. » Ce n’est qu’un aspect ! Mais no
1575 u’on lui a promis dès les années 1950. » Ce n’est qu’ un aspect ! Mais nous sommes libres aussi de réagir, « de retrouver no
1576 « Tout est encore possible, dit-il, et même plus que jamais. Tout est possible mais il faut choisir. » Ce n’est pas un hom
1577 […] C’était simpliste et ridicule, aussi aberrant que l’on voudra. C’était un idéal commun, et terriblement effectif. Alors
1578 t lorsqu’en 1969 il a pris brutalement conscience que notre monde glissait vers le néant. Un rapport confidentiel du club d
1579 venir, alors elle signera sa mort. Or, maintenant que nous avons les moyens de surmonter les défis de la nature, nous voici
1580 ommes sont envahis par un sentiment d’impuissance qu’ il faut absolument combattre. C’est lui qui mène la jeunesse à la déli
1581 s sociologues un peu sérieux, tant aux États-Unis qu’ en Grande-Bretagne, en Scandinavie. Et nous y venons en France. Ce n’e
1582 és, est arrivé à la fin de sa vie à la conclusion que la ville idéale ne doit pas dépasser 50 000 habitants. C’est fantasti
1583 nons à la grande idée des Grecs. Ils savaient eux que si les villes dépassaient 100 000 habitants, elles ne seraient plus g
1584 les ne seraient plus gouvernées par les citoyens, que ces derniers ne pourraient plus se réunir sur l’agora, le forum, que
1585 pourraient plus se réunir sur l’agora, le forum, que c’en serait fini de la participation, de la communication et des rela
1586 tation qui les mutile moralement. Comment veut-on que l’homme soit encore un citoyen ! Et pourtant c’est de l’homme que Den
1587 encore un citoyen ! Et pourtant c’est de l’homme que Denis de Rougemont attend le grand changement. Pas de l’État, pas des
1588 , puisqu’elle seule nous fera réagir. C’est ainsi que cet automne naîtra « L’Agence de vérité atomique », parrainée par Den
1589 chose est sûre : on ne pourra bâtir des centrales qu’ à l’abri d’un rideau de CRS, donc dans une société devenue policière.
1590 onaliste et antiétatiste. Tout prouve aujourd’hui que les États sont les grands responsables de la crise de notre civilisat
1591 doit être dessaisi des pleins pouvoirs. Ce n’est qu’ en décidant de reprendre leur destin en main à l’échelon local et régi
1592 leur destin en main à l’échelon local et régional que les hommes y parviendront. Le moyen ? Refaire vivre les communes, les
1593 e qui perpétue les vieux clichés, qui fait croire que ce qui existe a toujours existé et que nous n’y pouvons rien changer.
1594 ait croire que ce qui existe a toujours existé et que nous n’y pouvons rien changer. Elle fait des citoyens pour ce qu’on v
1595 vons rien changer. Elle fait des citoyens pour ce qu’ on veut, et trop souvent pour ce que l’État lui demande. Longtemps ell
1596 oyens pour ce qu’on veut, et trop souvent pour ce que l’État lui demande. Longtemps elle a fait des citoyens pour la nation
1597 oue dans les leçons de nos écoles secondaires. Or qu’ y apprend-on ? Des mensonges. L’histoire des frontières naturelles par
1598 des frontières naturelles par exemple on apprend que les Pyrénées séparent la France de l’Espagne alors qu’elles réunissen
1599 nationales. Car l’enfant s’intéresse d’abord à ce qu’ il voit, à ce qu’il peut toucher. Parlons-lui de l’histoire naturelle
1600 ’enfant s’intéresse d’abord à ce qu’il voit, à ce qu’ il peut toucher. Parlons-lui de l’histoire naturelle de sa région, de
1601 s des problèmes de l’école, de tous les mensonges qu’ elle colporte et des moyens de les combattre. Pensez que quelque 3000
1602 e colporte et des moyens de les combattre. Pensez que quelque 3000 maîtres ont déjà été formés. Cela représente des dizaine
1603 pas de déclarations fracassantes. Mais, convaincu qu’ « une vraie société n’est rien d’autre qu’une dimension de la personne
1604 nvaincu qu’« une vraie société n’est rien d’autre qu’ une dimension de la personne », il prône la plus profonde révolution q
1605 rône la plus profonde révolution qui soit : celle que chacun doit accomplir en lui-même. ao. Rougemont Denis de, « [Ent
31 1977, Articles divers (1974-1977). Denis de Rougemont : le retour d’un hérétique (3 octobre 1977)
1606 à la mode ? La mode ? Je ne sais pas très bien ce que c’est ! Tout de même, avec la naissance d’une nouvelle sensibilité éc
1607 ré, dans l’air du temps… J’ai plutôt l’impression que l’air du temps retrouve un certain nombre d’idées pour lesquelles je
1608 m’émeut car ça fait toujours plaisir de constater qu’ on n’a pas parlé dans le vide. Mais, parmi tous ceux qui défendent auj
1609 mi tous ceux qui défendent aujourd’hui les thèmes que je défendais moi-même dans les années 1930, combien m’ont vraiment lu
1610 bien m’ont vraiment lu ? Combien savent seulement que j’existe ? Tout de même… L’Amour et l’Occident fut un best-seller m
1611 de pensée33. En fait, il s’agit moins d’un slogan que d’un appel au bon sens. Car il ne faut pas s’y tromper : ou bien notr
1612 re vite. Cela dit, il y a un vieux proverbe latin que je me répète souvent : « Plaise aux dieux que je sois un faux prophèt
1613 tin que je me répète souvent : « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète. » Le drame, aujourd’hui, c’est que la proph
1614 un faux prophète. » Le drame, aujourd’hui, c’est que la prophétie est devenue un exercice assez rigoureux. Regardez les co
1615 ces experts — et à d’autres —, on sait désormais que le pire, s’il n’est pas sûr, est en tout cas probable. Or, actuelleme
1616 ut cas probable. Or, actuellement, il n’y a guère que les écologistes pour percevoir et pour essayer de prévenir cette prob
1617 rotestation écologique, vous retrouvez les thèmes que vous aviez formulés dans les années 1930, puisque pour vous, fascisme
1618 intuition est devenu aujourd’hui une évidence. Et que répondez-vous à l’objection classique selon laquelle, finalement, cet
1619 finalement, cette critique de la croissance n’est qu’ un luxe de nantis ? Après tout, le club des pays industrialisés est pl
1620 , c’est précisément à cause du type de croissance que les pays riches ont choisi pour eux. Ce type de croissance suppose né
1621 . C’est parce que nous nous développons à l’excès que nous maintenons d’innombrables pays d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique l
1622 la misère. Aujourd’hui, le tiers-monde s’imagine que le bonheur passe non seulement par l’automobile mais aussi par les em
1623 utomobile mais aussi par les embouteillages. Tant qu’ il n’aura pas l’un et l’autre, il se sentira frustré, exclu. Je pense
1624 utre, il se sentira frustré, exclu. Je pense donc qu’ après l’avoir exploité pendant plusieurs siècles l’Occident pourrait a
1625 ouvelles désillusions. Pour ce faire, il faudrait que nous commencions par changer de cap nous-mêmes. Il faudrait que nous
1626 ncions par changer de cap nous-mêmes. Il faudrait que nous imaginions une forme de développement moins démente, moins suici
1627 i adorent les scénarios « absurdes », ont calculé que , si notre démographie n’était pas maîtrisée, il suffirait de quelques
1628 rra même plus s’allonger… L’autre grande critique que vous avez été l’un des premiers à formuler concerne l’État-nation. Av
1629 taient le bord incontestable de leur identité. Or qu’ est-ce qu’une frontière ? C’est, généralement, le résultat d’une guerr
1630 bord incontestable de leur identité. Or qu’est-ce qu’ une frontière ? C’est, généralement, le résultat d’une guerre ou l’exp
1631 s thèmes très étroitement liés. En face, il n’y a que des illusions « stato-nationales ». Il est plaisant d’observer qu’auj
1632 « stato-nationales ». Il est plaisant d’observer qu’ aujourd’hui, en France, ce sont les deux grandes traditions jacobines
1633 e retrouvent pour brandir des slogans, incapables qu’ ils sont de voir plus loin que l’Hexagone. Vous dites également que la
1634 slogans, incapables qu’ils sont de voir plus loin que l’Hexagone. Vous dites également que la finalité de l’État-nation, c’
1635 ir plus loin que l’Hexagone. Vous dites également que la finalité de l’État-nation, c’est la guerre et que la seule façon d
1636 la finalité de l’État-nation, c’est la guerre et que la seule façon de prévenir celle-ci consiste à bâtir une Europe supra
1637 , depuis Hegel qui en fit la philosophie, on sait que l’État-nation est génétiquement lié à la guerre : « C’est par la guer
1638 lié à la guerre : « C’est par la guerre au-dehors qu’ il trouve la tranquillité qu’il n’a plus au-dedans. » À cet égard, on
1639 la guerre au-dehors qu’il trouve la tranquillité qu’ il n’a plus au-dedans. » À cet égard, on peut dater avec précision la
1640 patrons, ni paysans, ni bourgeois, il n’y a plus que des sujets dociles et mobilisés. La guerre permet de gommer toutes le
1641 linée. Toutes les institutions stato-nationales — que ce soit le centralisme, les méthodes de répression, ou la destruction
1642 e la part d’un homme qui cite plus souvent Luther que Bakounine… Je ne suis pas anarchiste dans la mesure où je sais qu’un
1643 ne suis pas anarchiste dans la mesure où je sais qu’ un minimum d’État est nécessaire à l’organisation de la société. En re
1644 d’autre part, au profit de pouvoirs locaux. Tant que l’Europe n’existera pas politiquement, il n’y aura pas de régionalism
1645 de régionalisme possible. Comment expliquez-vous que l’idée européenne soit malgré tout cela si peu populaire ? Rien n’est
1646 elire tous ces textes, on a le sentiment très vif que , contrairement à ce que vous semblez croire, l’idée d’une Europe unie
1647 n a le sentiment très vif que, contrairement à ce que vous semblez croire, l’idée d’une Europe unie n’a jamais cessé de han
1648 Et, de nos jours, c’est encore plus sensible car, qu’ on le veuille ou non, c’est parce que l’idée européenne est tacitement
1649 rce que l’idée européenne est tacitement acceptée que plus personne n’imagine qu’une guerre soit possible entre pays d’Euro
1650 t tacitement acceptée que plus personne n’imagine qu’ une guerre soit possible entre pays d’Europe. À la Libération, l’idée
1651 s amisau, j’avais milité en ce sens. Il se trouve que des manœuvres politiques ont empêché ce vaste mouvement d’aboutir. Ce
1652 ont nous payons encore le prix. J’ai l’impression qu’ il y a un malentendu : dans votre jeunesse, disiez-vous, vous étiez ré
1653 profit d’un mode de production et de civilisation qu’ en outre vous condamnez. Alors, pourquoi soutenez-vous une telle entre
1654 ement revendiquée par les grands bourgeois autant que par les socialistes : c’est l’idée selon laquelle l’économie commande
1655 elle l’économie commande tout. Jean Monnet, quels que soient ses mérites, ne raisonnait pas autrement. En gros, cela voulai
1656 n, comment oserions-nous attendre des populations qu’ elles s’enthousiasment pour les marathons de Bruxelles, qui, dans le m
1657 qui, dans le meilleur des cas, ne fixeront jamais que le prix du seigle ou de la betterave ? L’enthousiasme pour l’idée eur
1658 très mobilisateur… À vrai dire, on a l’impression que leurs idées sur le sujet ne sont pas très précises. Prenez l’exemple
1659 envoyé un long rapport dans lequel il expliquait que la culture française n’avait pas d’avenir en dehors de la culture eur
1660 as d’avenir en dehors de la culture européenne et que celle-ci ne pourrait voir le jour que si l’Europe politique devenait
1661 ropéenne et que celle-ci ne pourrait voir le jour que si l’Europe politique devenait une réalité. J’étais ravi. Or, peu de
1662 s de la terre, dans laquelle il déclare, en gros, que les Africains auraient raison de « tirer à vue » sur tout Européen qu
1663 ur le moins curieux car, d’une part, il affirmait que l’Européen, en tant que tel, n’existe pas, mais dès qu’il s’adressait
1664 re européenne » (comme on dit « nature humaine ») que les colonisés auraient raison de haïr. Aujourd’hui, Sartre signe des
1665 age universel du parlement européen qui affirment que l’Europe ne sera jamais qu’une modalité de l’impérialisme germano-amé
1666 uropéen qui affirment que l’Europe ne sera jamais qu’ une modalité de l’impérialisme germano-américain, ce qui, à mon sens,
1667 arler d’une « méconnaissance des réalités » sitôt qu’ on entreprend de le dénoncer ? Certes, ce n’est pas une abstraction, m
1668 e n’est pas une abstraction, mais il est désolant que de grands esprits ne lui opposent qu’une sorte de poujadisme instinct
1669 st désolant que de grands esprits ne lui opposent qu’ une sorte de poujadisme instinctif. Depuis 1945, on sait que le « péri
1670 te de poujadisme instinctif. Depuis 1945, on sait que le « péril allemand » sera d’autant moins probable que l’on s’engager
1671 e « péril allemand » sera d’autant moins probable que l’on s’engagera plus franchement dans le processus d’une fédération e
1672 onjurer, au contraire… C’est en refusant l’Europe qu’ on renforcera l’axe germano-américain. De même, c’est en refusant l’Eu
1673 no-américain. De même, c’est en refusant l’Europe que notre vieux continent s’achemine vers les totalitarismes locaux et, à
1674 Surtout quand je m’aperçois, quarante ans après, que les jeunes gens suivent presque à la lettre ce que vous appelez mes «
1675 ue les jeunes gens suivent presque à la lettre ce que vous appelez mes « prophéties ». Tenez, en mai 1968, ça m’a fait une
1676 andieu, ni de Robert Aron — reprendre en chœur ce que nous écrivions, à l’époque, dans L’Ordre nouveau . Avouez que, pour
1677 vions, à l’époque, dans L’Ordre nouveau . Avouez que , pour une revue dont le premier numéro paraît en 1933, au moment où H
1678 e bien fâcheux… Tout d’abord, je vous rappellerai que Gramsci, dans les années 1920, avait intitulé sa revue Ordine nuovo.
1679 nuovo. De plus, personne ne pouvait alors prévoir que Hitler aurait, un jour, l’impudence de s’approprier l’expression. Qua
1680 ion « ordre nouveau » n’avait pas du tout le sens qu’ on lui prête aujourd’hui. Nous ne ressemblions vraiment pas à ces peti
1681 munistes et antifascistes parce que nous pensions que ces trois systèmes, par leur logique interne, nous conduisaient droit
1682 quand une jeunesse a faim, elle ne regarde pas ce qu’ elle mange. Dans ces conditions, l’antifascisme et l’anticommunisme ét
1683 rme moderne des religions d’État. C’est pour cela que j’ai souvent défini le marxisme comme « l’opium de la révolution ». Q
1684 nt les vertus du suffrage universel, je reconnais que c’était un diagnostic trop abrupt. Mais n’oubliez pas qu’en 1933 c’ét
1685 ait un diagnostic trop abrupt. Mais n’oubliez pas qu’ en 1933 c’était un mécanisme démocratique et une élection parfaitement
1686 le mal absolu ; pour lesquels le marxisme n’était qu’ une variante du productivisme dont nous, Occidentaux, pouvions déjà co
1687 Bakounine et Proudhon me semblaient plus toniques que l’auteur du Capital. On passait donc pour des anarchistes, des libert
1688 ité de Francfort… C’est vrai. C’est grâce à Abetz que j’ai pu voir de près l’horreur hitlérienne à ses commencements. Bien
1689 en m’offrant ce poste à Francfort, il s’imaginait que je ne tarderais pas à me convertir à l’idéologie du IIIe Reich. Pourt
1690 irer ? De ce point de vue, il ne faut pas oublier qu’ Otto Abetz lui-même n’était qu’à demi nazi. Une moitié suffit… Je vous
1691 e faut pas oublier qu’Otto Abetz lui-même n’était qu’ à demi nazi. Une moitié suffit… Je vous l’accorde. Toujours est-il que
1692 moitié suffit… Je vous l’accorde. Toujours est-il que , dès 1932, il avait témoigné un certain intérêt à notre petit groupe.
1693 et auquel participèrent des gens aussi différents que Philippe Lamour, Harro Schulze Boysen, le premier chef de l’Orchestre
1694 ouge, et Otto Strasser. C’est donc par Ribbentrop que l’expression « ordre nouveau » parvint à Hitler, qui en fit le mauvai
1695 u » parvint à Hitler, qui en fit le mauvais usage que l’on sait. Au fond, vous ne cessiez pas de jouer avec la politique sa
1696 nos interlocuteurs s’appelaient aussi bien Blumba que Caillaux. Là-dessus, il y a eu la guerre, puis la Résistance. Certain
1697 et des mouvements de Résistance, toutes les idées que nous défendions dans L’Ordre nouveau ou dans Esprit ont retrouvé
1698 tbb afin de conjurer, de différer les apocalypses qu’ on nous prépare. D’après vous, l’« apocalypse » pourrait être différée
1699 ourrait être différée ? Plus exactement, je crois que l’histoire se réserve toujours le droit de nous surprendre en enchevê
1700 a crise de 1973, qui aboutit à la hausse des prix que l’on sait et qui, en retour, met en péril les industries occidentales
1701 ectivement ces chaînes de causalités, il apparaît que l’abomination du génocide hitlérien a peut-être, pour ultime conséque
1702 du couple à travers l’histoire de l’Occident. Or qu’ est-ce qu’un couple ? C’est l’assemblage d’un certain nombre de différ
1703 à travers l’histoire de l’Occident. Or qu’est-ce qu’ un couple ? C’est l’assemblage d’un certain nombre de différences et,
1704 tonomie, la garantit. Or il existe en Occident ce que l’on appelle la passion et qui, en fait, n’est qu’une sorte d’utopie
1705 ue l’on appelle la passion et qui, en fait, n’est qu’ une sorte d’utopie unificatrice. Tristan en est l’archétype. Manifeste
1706 , je n’y suis pour rien… » C’est exactement ainsi que procèdent les États-nations. Comme Tristan, ils disent « seul je suis
1707 t même pas coupables puisqu’ils proclament n’être que des instruments de la raison d’Étatbk, cet analogue du philtre, de la
1708 Bel, qui s’est laissé persuader par ses légistes que « le roi de France est empereur en son royaume ». C’est pour cela que
1709 ce est empereur en son royaume ». C’est pour cela que , lorsque de Gaulle est mort, vous avez écrit un article intitulé « La
1710 ires : « De tout temps, la France ne fut pour moi qu’ une princesse de légende vouée à des malheurs exemplaires. »bm Et de m
1711 our, de Gaulle méprisa les Français pour n’adorer que la France. Pensez encore à sa haine des « barons félons » (qui jouent
1712 rsions du mythe de Tristan), n’était-ce pas ainsi qu’ il désignait les hommes de parti qui risquaient de s’interposer entre
1713 ntre lui-même et sa passion ? Tout cela pour dire que l’État-nation accomplit dans l’ordre de la politique des ravages comp
1714 rolongeait cette analogie, on en viendrait à dire que l’impérialisme, par exemple, n’est jamais que l’histoire d’une grande
1715 ire que l’impérialisme, par exemple, n’est jamais que l’histoire d’une grande passion… Disons plutôt que la passion n’est j
1716 ue l’histoire d’une grande passion… Disons plutôt que la passion n’est jamais qu’une forme de l’impérialisme. Au fond, depu
1717 assion… Disons plutôt que la passion n’est jamais qu’ une forme de l’impérialisme. Au fond, depuis L’Amour et l’Occident j
1718 uel militantisme d’écologiste, vous n’auriez fait que l’apologie de la mesure contre l’excès et de la loi contre la violenc
1719 n se prononce sur les affaires humaines, je pense qu’ il vaut mieux être du côté du roi Marcbn, qui symbolise la légalité, q
1720 du côté du roi Marcbn, qui symbolise la légalité, que du côté de Tristan. Le drame, c’est que le roi Marc est plutôt ennuye
1721 légalité, que du côté de Tristan. Le drame, c’est que le roi Marc est plutôt ennuyeux… Ennuyeux comme la prudence, comme tr
1722 On peut refuser tout cela mais il faut savoir ce qu’ il en coûte. Avant la guerre, Emmanuel Mounier avait dit ; « Denis de
1723 À l’évidence, vous n’avez pas changé… C’est vrai. Qu’ y puis-je ? Le classicisme, en morale, c’est aussi une forme d’espoir.
1724 ’espoir. À cet égard, il y a une phrase de Luther que je me répète souvent : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est
1725 que je me répète souvent : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier.
1726 ope de la culture. Depuis quarante ans, il répète que l’État-nation porte en lui la guerre et n’engendre que des monstres…
1727 ’État-nation porte en lui la guerre et n’engendre que des monstres… Bref, depuis quarante ans, Denis de Rougemont, de sa re
1728 e Rougemont, manifestement agacé par les libertés qu’ a prises le journaliste en transcrivant l’entretien. as. Rougemont pr
1729 ntiment me l’inspire aussi bien que la raison. Ce qu’ il y a, en moi, d’affectif imagine naturellement la France, telles la
1730 et exceptionnelle. J’ai, d’instinct, l’impression que la Providence l’a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemp
32 1977, Articles divers (1974-1977). Pierre Desgraupes fait le point avec Denis de Rougemont (10 octobre 1977)
1731 d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que les rares survivants ne raconteront pas…, etc. » Quel est ce cataclys
1732 e raconteront pas…, etc. » Quel est ce cataclysme que vous annoncez ? D’abord je vous ferai remarquer que cette phrase est
1733 e vous annoncez ? D’abord je vous ferai remarquer que cette phrase est au conditionnel : « Si nous ne choisissons pas libre
1734 revanche, les écologistes, dont je suis, pensent qu’ on peut au contraire tout sauver à condition de changer de direction.
1735 changer de direction. Mais on ne peut pas cacher que , si on laisse les choses aller, c’est perdu ! Si une comète est en tr
1736 t perdu ! Si une comète est en train de tomber et que plus rien n’est susceptible de la retenir ou de la détourner dans sa
1737 s : « Utinam vates falsus sim », « Plaise au ciel que je sois un faux prophète ! » : c’est-à-dire, que les mécanismes désas
1738 que je sois un faux prophète ! » : c’est-à-dire, que les mécanismes désastreux qui sont en train de se monter puissent êtr
1739 désastreux » qui nous menacent. Ce n’est pas vous que j’étonnerai en disant qu’il y en a beaucoup et qu’on en a beaucoup pa
1740 cent. Ce n’est pas vous que j’étonnerai en disant qu’ il y en a beaucoup et qu’on en a beaucoup parlé. Ce qui m’intéresse mo
1741 ue j’étonnerai en disant qu’il y en a beaucoup et qu’ on en a beaucoup parlé. Ce qui m’intéresse moi, c’est de dénoncer la f
1742 ort sont associées. C’est tout à fait abusivement qu’ on a transporté ce terme de croissance dans le domaine des choses maté
1743 personne n’a jamais dit à quel moment il faudrait que l’économie s’arrête de croître. Est-ce 10 %, 7 %, 3 % par an ? Person
1744 cela ? Nous, sinon qui d’autre ? C’est bien là ce que je veux dire. L’avenir dépend entièrement de nous ; mis à part les tr
1745  ; mis à part les tremblements de terre. Je crois que tout dépend de nous. Autrefois on disait : « L’avenir n’appartient à
1746 ’une société commence quand l’homme se demande : “ Qu’ est-ce qui va arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis-je faire ?
1747 st-ce qui va arriver ?” au lieu de se demander : “ Que puis-je faire ?” » Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse : je ne me s
1748 ! Mais on l’a si souvent citée comme étant de moi que je l’adopte volontiers ! Alors, pour revenir à nos propos sur l’aveni
1749 st le pompiste. Or tout le monde sait aujourd’hui qu’ il y a du pétrole pour trente ans environ. Autour de l’an 2000, il n’y
1750 us ou il sera devenu si rare et horriblement cher qu’ il ne sera plus question de rouler en auto avec un carburant dont chaq
1751 mme vaudra son pesant de platine… Alors qu’est-ce qu’ on va faire ? Eh bien, personne ne se le demande aujourd’hui, la reche
1752 n’est pas besoin d’être prophète pour comprendre que d’ici à cinq ou dix ans, la question va se poser. Si nous ne voulons
1753 d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que les rares survivants ne raconteront pas, faute de public : fin du réc
1754  » Ce n’est tout de même pas à la panne d’essence que vous songez en écrivant cela ? Non, je songeais tout simplement à la
1755 faire d’objection sérieuse contre cette théorie, que si nous continuons sur la base d’une société formée d’États-nations q
1756 ations qui se disent tous plus souverains les uns que les autres, qui s’imaginent chacun qu’ils vont pouvoir continuer à au
1757 ns les uns que les autres, qui s’imaginent chacun qu’ ils vont pouvoir continuer à augmenter leurs exportations et diminuer
1758 rendrait ! Il est impossible d’imaginer sans rire que les 175 États-nations, qui aujourd’hui se partagent la planète sans a
1759 i fera les différences ? Or, le plus aberrant est que les gens ne se posent même pas de questions aussi simples que cela. L
1760 ne se posent même pas de questions aussi simples que cela. La guerre est donc pour vous une hypothèse plausible ? Elle est
1761 s catastrophes qui les fabriquent. Il est évident que les pays qui achètent des centrales de retraitement de plutonium, alo
1762 ls produisent du plutonium, et avec le plutonium, qu’ est-ce qu’on fait ? Des bombes et rien d’autre. Donc, si on vend des c
1763 ent du plutonium, et avec le plutonium, qu’est-ce qu’ on fait ? Des bombes et rien d’autre. Donc, si on vend des centrales d
1764 pays, ce n’est pas pour autre chose d’imaginable que pour les mettre en possibilité de fabriquer des bombes et de s’en ser
1765 mbes pour ne pas s’en servir. Ça, c’est une farce que les ministres de tous pays racontent, mais il n’y en a pas un seul qu
1766 errogez à leur propos et vous en arrivez à l’idée que si tant d’hommes mentent, c’est qu’il doit y avoir là quelque chose d
1767 ivez à l’idée que si tant d’hommes mentent, c’est qu’ il doit y avoir là quelque chose d’irrationnel. Cela pose en effet un
1768 ar exemple. Eh bien, posez la question : « Est-ce qu’ il y a une solution au problème des déchets ? » Pas un savant sérieux
1769 es déchets ? » Pas un savant sérieux ne peut dire qu’ il l’a trouvée. Ça se saurait immédiatement, ça ferait beaucoup de bru
1770 ement, ça ferait beaucoup de bruit si l’on savait que quelqu’un a trouvé la réponse. Mais vous entendez dire tous les jours
1771 justement ce qui me frappe dans tout cela : c’est que des gens qui se connaissent tous entre eux se comportent comme s’ils
1772 d’autorité dès qu’on les pousse trop. La question que vous soulevez ainsi est doublement grave, car tous les gens dont vous
1773 titres divers — des scientifiques, et l’attitude que vous décrivez ne l’est guère. Comment expliquez-vous cela ? Je ne vou
1774 ? Je ne voudrais pas être trop polémique, mais ce que je vais vous dire est couvert par de très hautes autorités scientifiq
1775 pays, la Suisse. On a appris, à un moment donné, qu’ il existait chez nous un conseil d’experts qui conseillait le gouverne
1776 pas particulièrement la Suisse, mais ce n’est là qu’ un exemple pris dans un seul pays. Détrompez-vous, le problème a été t
1777 it en substance, il y a des savants qui affirment que tous les risques du nucléaire sont maîtrisés ; de l’autre, il y en a
1778 roire ceux qui n’ont rien à gagner de la position qu’ ils prennent. » Et il observe que sur les vingt-six universitaires qui
1779 r de la position qu’ils prennent. » Et il observe que sur les vingt-six universitaires qui ont signé la déclaration en fave
1780 nergie nucléaire aux États-Unis ! Inutile de dire que ce sont ces « experts »-là que les gouvernements consultent… Tout cel
1781  ! Inutile de dire que ce sont ces « experts »-là que les gouvernements consultent… Tout cela nous ramène à la question qui
1782 be double maintenant en l’espace de trente ans et qu’ on va manquer d’énergie. Or cet argument, qui pouvait, à la limite, im
1783 même, parfois, décroître. Alors je dis : « Est-ce que vous comptez envoyer votre électricité nucléaire en Amazonie ou en In
1784 nucléaire en Amazonie ou en Inde ? » Sans compter que l’excédent d’énergie qu’on peut attendre de l’atome est insignifiant
1785 en Inde ? » Sans compter que l’excédent d’énergie qu’ on peut attendre de l’atome est insignifiant par rapport à notre fameu
1786 par rapport à notre fameuse croissance. Peut-être que la population occidentale diminue, mais la consommation augmente… Mai
1787 ans. S’il faut suivre ce rythme, ça voudrait dire que d’ici moins de cent ans, il faudrait multiplier par 16 384 la product
1788 audrait multiplier par 16 384 la production. Rien que de l’énoncer est idiot. Alors revenons à la question : quel but pours
1789 la question : quel but poursuivent tous ces gens qu’ ils n’osent pas afficher ? La puissance. La puissance de qui ? La leur
1790 e serait en effet dérisoire, mais plus facile. Ce qu’ ils poursuivent, chacun dans sa sphère — et même parfois inconsciemmen
1791 montré dans Le Mal français. Sa thèse m’aide plus qu’ elle ne me contrarie ; car il a très bien montré, dans le cas de probl
1792 r il a très bien montré, dans le cas de problèmes qu’ il évoque, que même le général de Gaulle, chef de l’État, agissant com
1793 en montré, dans le cas de problèmes qu’il évoque, que même le général de Gaulle, chef de l’État, agissant comme un roi, n’a
1794 gissant comme un roi, n’avait rien pu faire de ce qu’ il voulait parce que l’État c’était les fonctionnaires, l’administrati
1795 t aux fonctionnaires ? Les fonctionnaires ne font qu’ incarner ce mythe qui est autrement plus puissant qu’eux. C’est un myt
1796 incarner ce mythe qui est autrement plus puissant qu’ eux. C’est un mythe dévorant. Prenez, par exemple, l’idée de l’unité q
1797 r les choses quand c’est comme ça ! Souvenez-vous qu’ il y a eu des débats terribles à la Convention là-dessus, quand deux c
1798 à partir de Paris ; ils se plaignaient même de ce qu’ en approchant des frontières, les carrés ne seraient plus bien régulie
1799 on en a débattu passionnément. Et si vous croyez que ce sont là des divagations, rappelez-vous ce qui s’est passé, chez le
1800 ais pourquoi est-ce à notre siècle en particulier que vous faites dans votre livre ce procès du « mythe de la puissance » a
1801 e de la puissance » avec tant de passion. Tout ce que vous venez de dire ne montre-t-il pas que les États-nations, que vous
1802 Tout ce que vous venez de dire ne montre-t-il pas que les États-nations, que vous critiquez depuis longtemps, ne sont pas n
1803 de dire ne montre-t-il pas que les États-nations, que vous critiquez depuis longtemps, ne sont pas nés hier ? Parce qu’il y
1804 a eu, de nos jours, une espèce d’accélération et que le danger de la chose apparaît maintenant beaucoup plus ouvertement à
1805 ucoup plus ouvertement à cause des moyens énormes que nous a donnés la technique, nucléaire notamment. La première phrase d
1806 int de choisir librement son avenir, du seul fait qu’ il en a pour la première fois la liberté, donc la responsabilité. C’es
1807 ble. Mais quel sens peut bien avoir cette liberté que vous accordez à l’homme en face d’un État que vous décrivez aussi sup
1808 rté que vous accordez à l’homme en face d’un État que vous décrivez aussi super-puissant ? Faut-il briser l’État ? Et si ou
1809 -il briser l’État ? Et si oui, comment ? Je dirai qu’ il faut en finir avec l’État-nation et qu’il faut, pour cela, changer
1810 e dirai qu’il faut en finir avec l’État-nation et qu’ il faut, pour cela, changer de fins. La fin de l’État-nation étant sa
1811 , c’est en mettant fin à ce mythe de la puissance qu’ on mettra fin à la tyrannie de l’État. Je précise à cet égard que je n
1812 n à la tyrannie de l’État. Je précise à cet égard que je ne mets bien entendu aucune différence entre l’État-nation sociali
1813 ion socialiste et l’État-nation capitaliste. Mais que peut-on substituer à l’État ? Des communautés vivantes ayant d’autres
1814 at ? Des communautés vivantes ayant d’autres fins que leur propre puissance. Un tel substitut de l’État a-t-il jamais exist
1815 citer évidemment ce grand modèle de la démocratie qu’ étaient les cités grecques qui se maintenaient volontairement petites.
1816 ur la mer Égée, qui avait eu la sagesse de savoir que si elle dépassait mettons 100 000 habitants, elle tomberait dans la t
1817 raient et les autres n’auraient plus rien à faire que subir simplement. Aussi quand la population approchait de 100 000 hab
1818 fait soixante-dix fois, figurez-vous ! Je suppose que les linguistes grecs n’avaient pas encore inventé le mot « déportatio
1819 rtation »… Mais ne souriez pas : la sagesse était que cela se faisait volontairement parce que tous en décidaient. Et je co
1820 à 150 pour cultiver un très grand lopin de terre qu’ ils avaient acheté en Haute-Provence. Et quand ils sont devenus un peu
1821 aire des tissus. Le début de la puissance… Est-ce que ces communautés sont vos modèles ? Non, mais elles montrent, expérime
1822 mentalement, une possibilité de faire autre chose que simplement devenir toujours plus grand jusqu’à ce qu’il n’y ait plus
1823 simplement devenir toujours plus grand jusqu’à ce qu’ il n’y ait plus aucune possibilité matérielle de prendre son destin en
1824 mort pour la démocratie ? Oui, je pense en effet que la démocratie est une question de dimension matérielle. Aristote voul
1825 uestion de dimension matérielle. Aristote voulait que la taille d’une ville soit calculée de telle manière que le rayon de
1826 taille d’une ville soit calculée de telle manière que le rayon de la ville soit à la portée de voix d’un homme criant sur l
1827 mbreux petits cantons, nous avons eu longtemps ce que nous appelons « Landsgemeinde », l’assemblée de canton qui se tenait
1828 conservé la coutume. Bien sûr, vous allez me dire qu’ aujourd’hui il y a l’électronique qui a tout changé et que le chef de
1829 rd’hui il y a l’électronique qui a tout changé et que le chef de l’État peut se faire entendre à des milliers de kilomètres
1830 e. Peut-être est-ce parce qu’il ressent ce manque que M. Giscard d’Estaing va dîner chez l’habitant, ou dialogue à la télév
1831 c des lycéens. Probablement, mais ce n’est encore qu’ une intention, et il ne peut y avoir de vraie démocratie dans des dime
1832 z facilement (après beaucoup d’autres d’ailleurs) que le petit État a absolument tous les avantages sur le grand sauf un :
1833 i faire l’unité c’était conquérir le plus de gens qu’ on pouvait, devenir toujours plus fort pour aller conquérir plus loin
1834 ’actualité à ces propos un peu théoriques, disons que vous êtes partisan des régions. Oui, des régions organisées dans un e
1835 tuelles me paraît terminé ; ce n’est pas une idée que j’ai aujourd’hui. Je l’ai découverte et nous l’avons formulée pour la
1836 : pour qualifier déjà l’État-nation, nous disions qu’ il est trop grand et trop petit à la fois. La région — et en particuli
1837 araît être le cadre le mieux adapté aux problèmes que nous avons à résoudre d’urgence. Regardez, par exemple, ce qui se pas
1838 crèvent. Le malheur, cher Denis de Rougemont, est qu’ il y a maintenant près d’un demi-siècle que vous écrivez… Et je dis to
1839 t, est qu’il y a maintenant près d’un demi-siècle que vous écrivez… Et je dis toujours la même chose ? Oui, parce que j’y c
1840 parce que pendant longtemps j’ai été moins écouté que des gens qui ont fait des palinodies éclatantes, ce qui attire beauco
1841 qui attire beaucoup l’attention. Mais vous notez qu’ aujourd’hui, après trente ans, ils disent soudain la même chose que mo
1842 près trente ans, ils disent soudain la même chose que moi. Ce qui fait beaucoup d’effet mais ne leur donne pas une grande c
1843 ongtemps. Ne peut-on en tirer aussi la conclusion que les intellectuels n’exercent pas une grande influence sur le réel ? A
1844 de influence sur le réel ? Au contraire, je pense que leur pouvoir est plus grand que jamais. J’en reviens toujours à ma pr
1845 ntraire, je pense que leur pouvoir est plus grand que jamais. J’en reviens toujours à ma première phrase : « À partir de ma
1846 artir de maintenant, il arrivera dans le monde ce que les hommes voudront qu’il arrive. » Et les hommes réfléchissent et c’
1847 arrivera dans le monde ce que les hommes voudront qu’ il arrive. » Et les hommes réfléchissent et c’est le rôle des intellec
1848 es non plus n’aiment pas changer. Ils comprennent qu’ il y va de leur avenir, mais ils continuent à vouloir, comme on dit ch
1849 s le désert ? Non, il y a encore un espoir, c’est qu’ il va arriver maintenant un certain nombre de catastrophes qui seront
1850 a crise du pétrole en 1973, qui est le type de ce que j’appelle une catastrophe enseignante ; parce que ça a fait peur à to
1851 alités du monde moderne au grand public. C’est ce que j’appelle dans mon livre « la pédagogie des catastrophes ». Car il y
1852 ont, ils seront obligés de réfléchir et peut-être que ça les fera changer de direction puisque tout ne tient qu’à nous. Fin
1853 s fera changer de direction puisque tout ne tient qu’ à nous. Finalement, vous n’êtes pas très optimiste sur la nature humai
1854 as très optimiste sur la nature humaine. Je dirai que , quoique Suisse, je ne suis pas du tout rousseauiste : je ne pense pa
1855 usseauiste : je ne pense pas, comme Jean-Jacques, que l’homme est né bon et que la société le corrompt : je pense que l’hom
1856 as, comme Jean-Jacques, que l’homme est né bon et que la société le corrompt : je pense que l’homme est né méchant et faibl
1857 t né bon et que la société le corrompt : je pense que l’homme est né méchant et faible et tâche d’utiliser des impératifs i
1858 am, quand Dieu est venu le chercher au Paradis et qu’ il est allé se cacher derrière les buissons. C’est tout juste s’il n’a
1859 ne suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : «  Qu’ est-ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève » 
1860 s là. » Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’est-ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève » ; alors Di
1861 moi, c’est Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève : «  Qu’ est-ce que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’est pas moi, c’est le
1862 Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève : « Qu’est-ce que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’est pas moi, c’est le serpent. »
1863 té et à la responsabilité de l’homme. Et j’espère que le danger sera un bon maître d’école. bo. Rougemont Denis de, « [E
1864 nir est notre affaire . Tel est le titre du livre que vient de publier Denis de Rougemont. L’auteur de L’Amour et l’Occide
1865 précurseurs du mouvement écologique. L’entretien qu’ on va lire donne ainsi un prolongement inattendu à ma récente enquête
1866 q. On a ici conservé l’original, même s’il semble que cette question soit de l’intervieweur. br. Le pluriel est une correc
33 1977, Articles divers (1974-1977). L’Avenir est votre affaire (11 octobre 1977)
1867 catif, car c’est bien dans une aventure de croisé que se lance cet infatigable défenseur des plus hautes valeurs humaines.
1868 l adopte dans son livre le ton du prophète, c’est que notre espèce se trouve dans une situation d’urgence dont nous devons
1869 sort de l’humanité se décidera en fonction de ce que nous allons choisir. Nous n’avons jamais été dans une situation aussi
1870 ituation aussi critique et c’est la première fois que l’humanité est confrontée à un tel problème, car elle n’avait pas, au
1871 ra vraisemblablement trop tard. Et encore faut-il qu’ une guerre atomique n’éclate pas… Beaucoup de gens disent qu’une telle
1872 re atomique n’éclate pas… Beaucoup de gens disent qu’ une telle guerre est impossible, qu’on n’utilisera pas les bombes atom
1873 e gens disent qu’une telle guerre est impossible, qu’ on n’utilisera pas les bombes atomiques… Je répondrai ceci : la France
1874 non en tirer du plutonium. On leur fait promettre qu’ elles ne s’en serviront pas à des fins belliqueuses, mais tout le mond
1875 à des fins belliqueuses, mais tout le monde sait qu’ on peut faire une bombe avec cinq à six kilos de plutonium. Ce qui per
1876 du chantage. On justifie ces ventes en affirmant qu’ elles équilibrent la balance commerciale, mais elles révèlent en réali
1877 ant suicidaire dans l’humanité, courant plus fort que les chefs d’État. C’est surtout cela qui me fait peur… Et d’après vou
1878 x centrales nucléaires, quand ils se sont aperçus qu’ on allait en construire seize dans un rayon de quarante kilomètres, ce
1879 mètres, ce qui est tout simplement dément ! Notez que si vous discutez, dans le privé, avec tel ministre, tel conseiller fé
1880 el ministre, tel conseiller fédéral, il vous dira que , s’il n’était pas au pouvoir, il serait avec les manifestants de Kais
1881 pour financer leurs centrales nucléaires. Songez que chaque centrale coûtera environ quatre milliards et qu’il en faudra d
1882 aque centrale coûtera environ quatre milliards et qu’ il en faudra des centaines ! Personne n’a prouvé que c’était nécessair
1883 ’il en faudra des centaines ! Personne n’a prouvé que c’était nécessaire. On dit qu’il faudrait économiser 30 % d’électrici
1884 ersonne n’a prouvé que c’était nécessaire. On dit qu’ il faudrait économiser 30 % d’électricité pour pouvoir se passer de ce
1885 les. Et pourquoi pas ? Pourquoi toujours affirmer qu’ il nous « faut » absolument ceci ou cela ? Une des grandes idées que D
1886 » absolument ceci ou cela ? Une des grandes idées que Denis de Rougemont développe dans son livre est précisément que l’hom
1887 ougemont développe dans son livre est précisément que l’homme contemporain, piégé par la technique et ceux qui en vivent, s
1888 pé sur ses vrais besoins. « Il n’y a d’impératifs que de la nature » et nous devons lutter contre les technocrates, contre
1889 gemont rappelle et cite dans son livre un article qu’ il écrivit en 1928 déjà et dont le titre à lui seul est éloquent : « L
1890 écrivain y montrait, avec une étonnante lucidité, que la voiture ne correspondait au départ à aucun besoin humain existant
1891 ce moyen de locomotion bruyant et polluant), mais que Henry Ford a réussi, par un certain nombre d’astuces économiques et p
1892 veau procédé, on devrait toujours se demander : «  Qu’ est-ce qui arriverait si ça réussissait ? » Et plus prosaïquement enco
1893 on aurait évité, par exemple, de voir aujourd’hui que 18 % du territoire de la Hollande est bétonné, ce qui est une catastr
1894 trophe du point de vue écologique. Quand on pense que Pompidou a pu commettre cette bourde monumentale : « Il est temps que
1895 mmettre cette bourde monumentale : « Il est temps que Paris s’adapte à l’automobile… » « À quoi ça sert ? » Denis de Rougem
1896 ropos de Concorde, « le mensonge qui va plus vite que le son », comme il dit, ce somptueux gadget de seize milliards dont l
1897 à éponger la facture… Et s’il « faut » absolument que des hommes d’affaires pressés gagnent trois heures sur le trajet Pari
1898 ts fascinants de L’Avenir est notre affaire est que Denis de Rougemont coordonne magistralement les thèses personnalistes
1899 oordonne magistralement les thèses personnalistes qu’ il défend depuis une quarantaine d’années avec l’analyse des problèmes
1900 yse tout en m’obligeant à jeter à la corbeille ce que j’avais écrit. Je ne pouvais pas me donner l’air de prophétiser après
1901 la perspective centrale de votre livre ? Je dirai que c’est un essai d’une morale de l’homme libre et responsable. Nous avo
1902 ceux qui veulent la liberté des personnes. On dit qu’ il n’y a pas de liberté sans puissance. À quoi je réponds que la puiss
1903 pas de liberté sans puissance. À quoi je réponds que la puissance est le pouvoir que l’on prend sur autrui et la liberté l
1904 À quoi je réponds que la puissance est le pouvoir que l’on prend sur autrui et la liberté le pouvoir que l’on prend sur soi
1905 ue l’on prend sur autrui et la liberté le pouvoir que l’on prend sur soi-même. C’est de nous-mêmes que nous devons tirer l’
1906 que l’on prend sur soi-même. C’est de nous-mêmes que nous devons tirer l’énergie transformatrice, sinon nous ne nous en so
1907 iendra des finalités, des buts proprement humains que nous nous fixerons… C’est d’ailleurs à une morale du but que Denis de
1908 us fixerons… C’est d’ailleurs à une morale du but que Denis de Rougemont consacrera l’un des onze ouvrages qu’il a en prépa
1909 is de Rougemont consacrera l’un des onze ouvrages qu’ il a en préparation. Tout en voyant très clairement les menaces qui pè
1910 illes. J’ai une certaine confiance, car j’observe qu’ une immense révolution se prépare dans les pays européens, chez les je
1911 ie entièrement. Je suis également heureux de voir que la jeune génération est en train de dépasser la stérile opposition de
1912 la « gauche » et de la « droite » et découvre ce que nous disions dans les années 1930, au sein du mouvement personnaliste
1913 1930, au sein du mouvement personnaliste. On dit que l’Europe n’avance pas. Ce n’est pas entièrement vrai, il y a des poin
1914 s positifs : je mentionnerai tout d’abord le fait qu’ une guerre est désormais impensable entre des pays européens, ce qui r
1915 ogrès par rapport au passé ! Je relèverai ensuite que trois dictatures ont disparu de l’Europe ces dernières années, et cel
1916 tout entier animé par la grande et généreuse idée que « le secret de l’avenir de l’homme est dans l’homme, au cœur de l’hom
1917 La terre du xxie siècle sera très exactement ce que nous aurons voulu et c’est à chaque seconde de notre vie présente que
1918 u et c’est à chaque seconde de notre vie présente que se dessine le futur visage du monde. On ne saurait trouver meilleur o
1919 du monde. On ne saurait trouver meilleur ouvrage que L’Avenir est notre affaire pour nous en persuader. bs. Rougemont
1920 nter de déguster une gloire confortable. Et voici qu’ il nous propose avec L’Avenir est notre affaire (Éd. Stock) un livre
1921 percutant où il s’en prend avec autant de courage que d’efficacité aux grands périls qui menacent notre planète et met en é
34 1977, Articles divers (1974-1977). « Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)
1922 t de tous les autres, espérons-le. Ne pas oublier que ce monsieur de 71 ans est directeur du Centre européen de la culture,
1923 s est directeur du Centre européen de la culture, qu’ il a lui-même fondé à Genève, et auteur de trente-deux ouvrages parmi
1924 l’autre. Je me rallie à la conception du mariage que l’on trouve dans une tribu africaine. Le marié dit à sa femme : « Je
1925 le régionalisme, et ce qui me fait plaisir c’est que la réalité commence à me rejoindre ! Je suis beaucoup plus optimiste
1926 dre ! Je suis beaucoup plus optimiste aujourd’hui qu’ il y a cinq ans. Regardez ce qui mobilise les foules : les mouvements
1927 autonomistes, la lutte antinucléaire. Vous dites que vous êtes un « pessimiste actif ». Il y a une phrase que j’ai écrite
1928 êtes un « pessimiste actif ». Il y a une phrase que j’ai écrite et à laquelle je tiens, c’est celle-ci : « La décadence d
1929 écadence d’un peuple commence quand on se demande qu’ est-ce qui va arriver au lieu de se demander : Qu’est-ce que je vais f
1930 qu’est-ce qui va arriver au lieu de se demander : Qu’ est-ce que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais
1931 qui va arriver au lieu de se demander : Qu’est-ce que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais je crois
1932 : Qu’est-ce que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais je crois que l’on peut construire une société q
1933 e ne crois pas que l’homme soit bon mais je crois que l’on peut construire une société qui le corrompe le moins possible. C
1934 ins possible. Ce qui est grave actuellement c’est que les vrais problèmes ne sont pas du tout abordés par les hommes politi
1935 du nucléaire. On met dans la tête des gens l’idée qu’ ils ne peuvent pas comprendre… Je les invite à méditer un argument trè
1936 xion. Et à partir de là, informez-vous ! Je crois qu’ il faut faire appel au sens de la responsabilité. Mais ce n’est possib
1937 sens de la responsabilité. Mais ce n’est possible que dans de petites communautés. C’est pour cela que je crois aux régions
1938 que dans de petites communautés. C’est pour cela que je crois aux régions, contre l’État centralisateur. bu. Rougemont
35 1977, Articles divers (1974-1977). « L’avenir, c’est notre affaire ! » (18 octobre 1977)
1939 étés industrielles avancées. Il rappelle à chacun que l’avenir est son affaire, et non celle d’une vague fatalité. Il en ap
1940 pouvoir, c’est le pouvoir qui le prend. Il suffit qu’ un homme s’assoie dans les fauteuils de l’État, qu’il utilise les télé
1941 u’un homme s’assoie dans les fauteuils de l’État, qu’ il utilise les téléphones de l’État, pour qu’il parle aussitôt la lang
1942 ndais faire le point de la situation. Je constate que cette situation est grave. On vient me dire, alors, que je suis pessi
1943 tte situation est grave. On vient me dire, alors, que je suis pessimiste. Cela ne veut rien dire. Je ne dis pas que l’asphy
1944 pessimiste. Cela ne veut rien dire. Je ne dis pas que l’asphyxie « naturelle » ou le cataclysme militaire sont inévitables.
1945 le cataclysme militaire sont inévitables. Je dis qu’ il est de notre devoir de les éviter en changeant de cap. De notre dev
1946 s » qui conduit à l’absurde J’aimerais ajouter que l’État-nation, en invoquant les nécessités de la guerre, a permis l’e
1947 suivi la même voie. C’est d’autant plus dangereux que le gigantisme économique, une fois mis en place, obéit à des impérati
1948 ne époque , par exemple. Je m’en sens plus proche que de L’Amour et l’Occident , en un sens. Mais le fil conducteur existe
1949 s. Mais le fil conducteur existe, dans les livres que vous citez. Lorsque le « mouvement personnaliste » fut lancé, nous sa
1950 ment personnaliste » fut lancé, nous savions déjà qu’ on s’enfonçait dans un monde anonyme et artificiel, où l’on créait de
1951 la Festhalle de Francfort, j’ai vu, j’ai senti ce qu’ il faut bien appeler l’âme de la foule. Une fausse communauté née de l
1952 gé de leur faire peur… Ce qui est tragique, c’est que l’esprit jacobin règne encore et qu’on omet soigneusement de montrer
1953 gique, c’est que l’esprit jacobin règne encore et qu’ on omet soigneusement de montrer où il mène. On ne parle qu’en termes
1954 soigneusement de montrer où il mène. On ne parle qu’ en termes de croissance — un terme d’ailleurs employé à faux — de puis
1955 à faux — de puissance, de grandeur. On oublie ce que j’appelle depuis toujours l’individu libre et responsable. Vous évoqu
1956 êts précis, dans une région précise. Il me semble que c’est sérieux et encourageant. Voyez-vous : je me méfie des attaques
1957 ujours ce dernier. Je suis persuadé, en revanche, qu’ une participation de plus en plus active aux intérêts de la communauté
1958 et multiple contre les systèmes, montre notamment que l’actualité a fini par coïncider avec son combat et lance un cri d’al
36 1977, Articles divers (1974-1977). La fonction et la structure de la ville future (décembre 1977)
1959 dent vers la libre communauté des personnes. Mais que signifie vivre ensemble ? C’est : dialoguer, se concerter, s’aider mu
1960 le produit nombre-étendue, limité de telle sorte que la communauté civique puisse fonctionner. Car une fois dépassées les
1961 taculaires », dix fois ou cent fois plus peuplées que les capitales du xviiie siècle. Et certains sociologues affirmaient
1962 t certains sociologues affirmaient naguère encore qu’ à la fin du siècle, quatre cinquièmes de l’humanité s’entasseraient da
1963 res du monde. (Rien de plus vorace en électricité qu’ une tour de 40 étages.) 4. Elles sont les lieux les plus pollués du mo
1964 e la cité, ou l’inverse ? Est-il vraiment « temps que Paris s’adapte à l’automobile » (Georges Pompidou) ou au contraire qu
1965 l’automobile » (Georges Pompidou) ou au contraire que l’auto soit détournée du cœur de la capitale, pour lui permettre de s
1966 itoyens, qui constituent l’impératif prioritaire, que les technologies doivent servir. Pratiquement : 1. Dans les rues de l
1967 r excellence — le sénat et le parlement n’étaient que délégations du forum. Là s’exerçait au maximum la participation civiq
1968 à des cités « à mesure d’homme » ne peut se faire que par leur division en municipalités de quartiers. Et cela suppose d’ab
1969 d’abord l’action éducative d’associations telles que les Community Planning Boards (CPB) de New York, ou les Groupes d’act
1970 nuer le nombre des étages, puisqu’il est démontré que le taux de délinquance leur est proportionnel. Supprimer les tours én
1971 tre aux autos. 6. Poser comme principe de méthode que refaire des villes viables et vivables, ce n’est pas une question d’a
1972 que du civisme. Nous avons aujourd’hui les villes que leurs habitants ont subies, qui ont été faites pour le profit de quel
1973 , et celui de ce congrès je l’espère — les villes que leurs citoyens actifs auront voulues et mesurées pour le mieux-être d
37 1977, Articles divers (1974-1977). Demain le soleil (20 décembre 1977)
1974 essimiste qui dit volontiers : « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète ». Il écrit pour avertir avant qu’il soit tr
1975 ant qu’il soit trop tard. Il prédit dans l’espoir que les événements le démentiront. Cataclysme ou apocalypse sont des mots
1976 taclysme ou apocalypse sont des mots épouvantails qu’ il plante dans ses pages pour qu’ils effraient la peur et l’éloignent.
1977 nd il affirme L’Avenir est notre affaire , c’est que rien n’est encore perdu. Fondateur du Centre européen de culture à Ge
1978 Ce succès mondial est à l’origine d’un malentendu qu’ il a voulu dissiper dès les premières minutes de notre conversation.
1979 a jamais été un best-seller. On vient de raconter que j’en avais vendu douze millions d’exemplaires, quel bobard ! J’ai fai
1980 Le soleil peut tout nous donner S’il fallait que j’explique très simplement qui vous êtes à un enfant, par exemple, qu
1981 implement qui vous êtes à un enfant, par exemple, que devrais-je lui dire ? D’abord, que je suis quelqu’un qui voudrait qu’
1982 , par exemple, que devrais-je lui dire ? D’abord, que je suis quelqu’un qui voudrait qu’il vive dans un monde agréable quan
1983 ire ? D’abord, que je suis quelqu’un qui voudrait qu’ il vive dans un monde agréable quand il sera grand. Ensuite, que j’ai
1984 s un monde agréable quand il sera grand. Ensuite, que j’ai écrit des livres, que je suis l’initiateur du mouvement fédérali
1985 l sera grand. Ensuite, que j’ai écrit des livres, que je suis l’initiateur du mouvement fédéraliste européen. Que j’espère
1986 s l’initiateur du mouvement fédéraliste européen. Que j’espère être démenti dans mes prédictions les plus désastreuses, que
1987 menti dans mes prédictions les plus désastreuses, que je crois que le soleil peut tout nous donner. Enfin que je suis écolo
1988 s prédictions les plus désastreuses, que je crois que le soleil peut tout nous donner. Enfin que je suis écologiste. Que vo
1989 crois que le soleil peut tout nous donner. Enfin que je suis écologiste. Que vous êtes du pays de Rousseau et un peu utopi
1990 t tout nous donner. Enfin que je suis écologiste. Que vous êtes du pays de Rousseau et un peu utopiste ? On ne ferait jamai
1991 un peu de bruit à l’époque, mais qui est resté ce qu’ on appelle aujourd’hui un groupuscule. Quand la guerre est arrivée, on
1992 Quand la guerre est arrivée, on aurait pu croire que ces idées et cette doctrine allaient disparaître dans le gouffre géné
1993 Allemagne nationale-socialiste. Nous étions sûrs que l’État libéral n’était qu’un acheminement vers l’État totalitaire par
1994 iste. Nous étions sûrs que l’État libéral n’était qu’ un acheminement vers l’État totalitaire par la force des choses. Nous
1995 otalitaire par la force des choses. Nous pensions que tout cela menait droit à la guerre, qu’étant donné notre âge, nous se
1996 pensions que tout cela menait droit à la guerre, qu’ étant donné notre âge, nous serions obligés de la faire, mais que ce n
1997 notre âge, nous serions obligés de la faire, mais que ce ne serait pas notre guerre. Vous discerniez donc des points commun
1998 compétition acharnée de ce genre ne peut conduire qu’ à la guerre. Elle est inévitable entre des nations qui poursuivent des
1999 la il y a plus de trente ans et… Vous voulez dire que je n’ai rien empêché, c’est vrai. Mais la fonction de l’intellectuel
2000 hommes à réfléchir et à s’interroger. Je remarque que mes idées et mes propositions d’il y a trente ans sont à la mode aujo
2001 où nous allons jouer notre dernière chance. Ainsi que je l’écris dans la première page de L’Avenir est notre affaire  : « 
2002 artir de maintenant, il arrivera dans le monde ce que les hommes voudront qu’il arrive. » Vous n’acceptez pas qu’on se retr
2003 arrivera dans le monde ce que les hommes voudront qu’ il arrive. » Vous n’acceptez pas qu’on se retranche derrière la formul
2004 mmes voudront qu’il arrive. » Vous n’acceptez pas qu’ on se retranche derrière la formule commode « l’avenir n’appartient à
2005 appartient à personne, mais à Dieu » ? Je préfère que l’homme se demande maintenant « Que puis-je faire ? », plutôt que « Q
2006  ? Je préfère que l’homme se demande maintenant «  Que puis-je faire ? », plutôt que « Qu’est-ce qui va arriver ? » Vous ref
2007 emande maintenant « Que puis-je faire ? », plutôt que « Qu’est-ce qui va arriver ? » Vous refusez de voir l’intervention du
2008 maintenant « Que puis-je faire ? », plutôt que «  Qu’ est-ce qui va arriver ? » Vous refusez de voir l’intervention du doigt
2009 s Je suis chrétien, mais je trouve trop facile qu’ on appelle volonté divine ce qui nous échappe. Que peut l’homme sur so
2010 qu’on appelle volonté divine ce qui nous échappe. Que peut l’homme sur son destin ? Par sa science et son invention techniq
2011 invention technique, il a en main des moyens tels qu’ il ne peut plus se payer le luxe sous prétexte de progrès, de partir d
2012 de doctes séminaires qui doivent donc imaginer ce que demain pourrait être ? Le club de Rome le fait de façon admirable et
2013 it de façon admirable et nous avertit des dangers que font courir la surproductivité et la course à la croissance. En revan
2014 ne ne pense, ce sont des hommes sensibles. Plutôt que de les tourner en dérision, il serait préférable de les utiliser comm
2015 n de Denis de Rougemont, c’est parce que je pense que le Führer est l’exemple éclatant de ce que les futurologues étaient i
2016 pense que le Führer est l’exemple éclatant de ce que les futurologues étaient impuissants à deviner. Les conséquences de l
2017 rminations. Si j’ai bien compris la démonstration que m’a faite Denis de Rougemont, la menace apocalyptique qui pèse sur l’
2018 deux fléaux les plus dévastateurs xxe siècle et que la futurologie a manqués. J’ai donc écouté Denis de Rougemont m’expli
2019 une voiture pour être libre) lorsqu’il s’aperçoit que les Américains n’ont pas tellement envie de ses voitures. Par la forc
2020 es. Par la force de la publicité, il les persuade qu’ ils ne pourraient pas être heureux sans auto et réussit à les contamin
2021 us allions être livrés. Ford a donné un tel essor que les villes se sont développées en fonction de l’automobile. On a dépa
2022 e toute l’économie européenne et il n’est pas dit que nous ne le ferons pas. » Comment Hitler apparaît-il dans les sables ?
2023 ccès gigantesque en Allemagne parce qu’il a senti que , dans le monde capitaliste, les hommes avaient un besoin fondamental
2024 es comme des artères privées de sang. C’est ainsi que , d’une voix tranquille, comme il m’aurait raconté quelque fable plais
2025 d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable que les rares survivants ne se raconteront pas, faute de public. Fin du r
2026 fin de l’Histoire. Tout le monde sait aujourd’hui que l’épuisement des sources d’énergie habituelles contraint à l’utilisat
2027 s par des jeunes gens qui ne voient pas plus loin que le bout de leur contestation. Ils sont contre, sans savoir exactement
2028 le centre de ses préoccupations. Voilà des années qu’ il étudie, lit, compare, interroge, confronte les avis des grands spéc
2029 gards, une horrible régression vers des tyrannies que l’on croyait dépassées. Le choix ne doit-il pas se faire entre l’éner
2030 s vite, plus haut et plus loin ? Je crois surtout qu’ il va plus bas. Les innovations techniques peuvent même avoir une dime
2031 oir une dimension poétique. Regardez la merveille qu’ est le Concorde. C’est de la très mauvaise poésie. On ne va pas plus v
2032 e la très mauvaise poésie. On ne va pas plus vite que le soleil. C’est impossible. C’est un slogan. Qu’est-ce que le progrè
2033 que le soleil. C’est impossible. C’est un slogan. Qu’ est-ce que le progrès selon vos vœux ? J’appelle progrès ce qui est fa
2034 eil. C’est impossible. C’est un slogan. Qu’est-ce que le progrès selon vos vœux ? J’appelle progrès ce qui est favorable à
2035 richesses, il s’ennuie tellement dans ses enfers qu’ il voudrait tuer le plus grand nombre de gens possible pour avoir de l
2036 on intelligence, lui permettent de voir plus loin que nous, alors il avertit des dangers. Son cri est d’espoir et non pas d
38 1977, Articles divers (1974-1977). Écologie, régionalisme, fédéralisme : l’avenir selon Denis de Rougemont (30 décembre 1977)
2037 éennes. ⁂ L’analyse de Rougemont part de la crise que traverse aujourd’hui le monde et de ce qu’il appelle la « religion de
2038 crise que traverse aujourd’hui le monde et de ce qu’ il appelle la « religion de la croissance : ceux qui croient qu’on peu
2039 la « religion de la croissance : ceux qui croient qu’ on peut continuer ce qu’on a fait depuis vingt-cinq ans, sont en plein
2040 ssance : ceux qui croient qu’on peut continuer ce qu’ on a fait depuis vingt-cinq ans, sont en pleine utopie au mauvais sens
2041 nteragissent entre eux sont aujourd’hui bloqués : que ce soit l’énergie, le chômage, l’inflation. La crise de l’Occident mo
2042 urbaine ont ralenti en Europe, après tout de même que le boom industriel sans vision, ait détruit le cadre de vie. En Suiss
2043 y avait 6500 habitants, toujours six cafés, plus que six magasins et deux grandes surfaces ! En 1977, il n’y a plus que 58
2044 et deux grandes surfaces ! En 1977, il n’y a plus que 5800 habitants, il y a des immeubles vides et dans certains d’entre e
2045 occupés sur trente. Saint-Thomas Croyez-vous qu’ avec de telles mutations non contrôlées, on ne détruit pas le tissu so
2046 ls en viennent à se détester. On sait aujourd’hui que les ressources en pétrole seront épuisées d’ici à vingt ou trente ans
2047 ale, une absurdité. En relançant on ne parviendra qu’ à accroître, à aggraver la situation actuelle. On ne résorbera ni le c
2048 age ni l’inflation. C’est saint Thomas qui disait que « le fini n’est pas capable d’infini ». N’en est-il pas de même pour
2049 moi le déluge, semblent-ils dire. Ils ne pensent qu’ aux élections et au programme d’autoroutes qu’ils ont promises. L’É
2050 ent qu’aux élections et au programme d’autoroutes qu’ ils ont promises. L’État : le roi, c’est moi Les xixe et xxe s
2051 ccidentale ? Il faut d’ailleurs noter à cet égard que la civilisation occidentale a fait plus de mal après que pendant la c
2052 ant la colonisation qui n’a duré en fin de compte que quatre-vingts ans. Le fossé s’est accru depuis la décolonisation. ⁂ C
2053 fossé s’est accru depuis la décolonisation. ⁂ Ce que Denis de Rougemont a apporté de neuf, c’est d’avoir démontré que l’Ét
2054 ugemont a apporté de neuf, c’est d’avoir démontré que l’État est responsable de tout, puisqu’il revendique le contrôle de t
2055 and on dit le souverain, c’est toujours du peuple qu’ on parle. Ce sont les États-nations et eux seuls, qui ont géré la terr
2056 . Pour Denis de Rougemont, l’État ne devrait être qu’ un service public, un point c’est tout. Ses propositions développées e
2057 es régions, de l’autogestion sont autant à droite qu’ à gauche. Si le nationalisme, le pouvoir de type monarchique et le myt
2058 nationale sont les caractéristiques de la droite, qu’ est-ce qui la différencie du Parti communiste français ? Il y a un vér
2059 un virage à 180 degrés. Mais sur le fond, quelle que soit la nature du danger que présente le nucléaire (il y a des savant
2060 sur le fond, quelle que soit la nature du danger que présente le nucléaire (il y a des savants hostiles, les indépendants
2061 de temps, le gouvernement français a même décidé que l’armée pourrait être utilisée aux fins de défendre les centrales. On