1
er son union politique ? La deuxième table ronde,
que
nous inaugurons, se demande plutôt : où va l’Europe ? et plus exactem
2
a l’Europe ? et plus exactement : où voulons-nous
qu’
elle aille ? Car il s’agit dorénavant moins de prévoir les événements
3
s’agit dorénavant moins de prévoir les événements
que
d’orienter les volontés. Si les deux tables rondes diffèrent visiblem
4
t — héritage dans un cas, promesse dans l’autre —
que
par le climat qui les baigne. La première souhaitait approfondir en r
5
ion morale et culturelle les efforts pour l’union
que
nos gouvernements se disposaient à faire porter principalement sur un
6
sur une construction économique, dont on croyait
qu’
elle devait entraîner nécessairement des effets politiques (mais c’est
7
les premières manifestations d’une crise mondiale
que
tous les augures nous annoncent, et voici le paradoxe de notre situat
8
les croire, donc d’agir à l’encontre des destins
qu’
ils ont calculés, alors le pire deviendra sûr. Ils nous supplient de l
9
croire… (Situation moins nouvelle dans l’histoire
qu’
on ne le pense : c’est celle du peuple juif devant ses grands prophète
10
tre approche du phénomène européen, reconnaissons
qu’
il y a eu, aussi, la carence totale de réalisations de notre union pol
11
en matière d’éducation et de culture ». Je crois
qu’
il serait juste d’ajouter à ces dispositions techniques la diffusion d
12
s doute orienté l’action d’hommes politiques tels
que
De Gasperi, Robert Schuman, Paul-Henri Spaak, pour ne citer que les p
13
, Robert Schuman, Paul-Henri Spaak, pour ne citer
que
les plus évidents et ceux que j’ai le mieux connus. Ce n’est pas rien
14
paak, pour ne citer que les plus évidents et ceux
que
j’ai le mieux connus. Ce n’est pas rien, mais il faut bien admettre q
15
us. Ce n’est pas rien, mais il faut bien admettre
que
cela n’a pas suffi pour « faire l’Europe ». De cette deuxième rencont
16
« faire l’Europe ». De cette deuxième rencontre,
que
devons-nous attendre ? Face à la crise mondiale née de nos œuvres, à
17
ford et comme je n’ai cessé de le dénoncer depuis
que
je m’occupe de l’Europe. Nous voici, nous les douze invités à la tabl
18
ote la gestion des rapports humains dans la cité.
Que
le Conseil en soit remercié par les Douze, en tant qu’invités, et qu’
19
it remercié par les Douze, en tant qu’invités, et
qu’
il en soit félicité par nous tous, en tant que citoyens. Car le Consei
20
nseil ne tente rien de moins, dans cette affaire,
que
de fonder la politique européenne, et de la fonder, comme il se doit,
21
es du passé, toujours ambiguës, comme on le sait,
que
sur une espérance active, sur cette « substance des choses espérées »
22
tive, sur cette « substance des choses espérées »
que
la foi seule, par instants, peut saisir et peut seule activer dans no
23
faut-il créer l’union des gens de l’Europe, tels
qu’
ils sont, ou tels qu’ils peuvent devenir, dans une société rénovée ? S
24
n des gens de l’Europe, tels qu’ils sont, ou tels
qu’
ils peuvent devenir, dans une société rénovée ? Selon quelle hiérarchi
25
s sommes confrontés à une crise, à des scandales,
que
tous ressentent, à des désastres calculables. Nous pensons à partir d
26
ement. Car la pensée, en général, n’est peut-être
que
le feed-back d’une surprise ou d’une blessure, d’une agression subie
27
et finalement pour la survie de l’espèce humaine.
Qu’
il s’agisse de la pollution résultant de la production industrielle au
28
service du Profit privé et du prestige national,
qu’
il s’agisse de l’épuisement des ressources terrestres non renouvelable
29
qualité artisanale — la jeunesse qui ne lit plus
que
des onomatopées en bulles ; la manipulation des désirs, des besoins e
30
fatalisme qui devrait inquiéter bien plus encore
que
les prévisions du club de Rome, car c’est lui qui les rendra vraies,
31
lui qui les rendra vraies, quand elles n’étaient
que
monitoires et n’ambitionnaient rien que d’être démenties ! Oui, je se
32
n’étaient que monitoires et n’ambitionnaient rien
que
d’être démenties ! Oui, je sens parmi nous quelque chose qui me paraî
33
lque chose qui me paraît beaucoup plus inquiétant
que
les vues apocalyptiques des écologistes, quelque chose qui est là déj
34
s les rues de nos capitales au mois de mai 1968 :
Que
faisons-nous là ? Quel est le sens de ma vie dans cette société qui n
35
pas une, puisqu’elle n’est plus une communauté ?
Que
vaut son fameux niveau de vie ? Vers quoi nous conduit-elle ? Elle ne
36
le sait pas elle-même. Cette question, et surtout
qu’
elle demeure sans réponse, voilà qui devrait nous effrayer vraiment, p
37
idéologies sans points d’appui, dans le sentiment
que
la cité, démesurée, l’énorme État-nation centralisé où ils se voient
38
e voient perdus, n’est plus leur affaire, ne peut
que
les brimer, et les oblige à s’évader dans la drogue, dans la révoluti
39
civique des majorités silencieuses. Il est normal
que
le jeune Européen d’aujourd’hui se demande à quoi tout cela rime, et
40
descende le crier dans la rue : il serait anormal
qu’
on ne lui réponde que par des coups de matraque. Il est normal qu’il j
41
s la rue : il serait anormal qu’on ne lui réponde
que
par des coups de matraque. Il est normal qu’il juge très sévèrement l
42
onde que par des coups de matraque. Il est normal
qu’
il juge très sévèrement la société matérialiste et qu’il dénonce son a
43
l juge très sévèrement la société matérialiste et
qu’
il dénonce son anarchie profonde, mais il est anormal qu’il se voie po
44
énonce son anarchie profonde, mais il est anormal
qu’
il se voie pour autant traité de « fauteur de désordre ». Car le plus
45
on interne, — ou plutôt ce qui n’en a pas d’autre
que
l’obsession de la Puissance, vrai moteur de la société industrielle,
46
e, vraie cause de toutes nos crises et du système
qu’
elles constituent. Tenter de s’y opposer par la violence serait bien p
47
r de s’y opposer par la violence serait bien pire
que
vain car ce serait faire son jeu. Cette crise morale affecte l’Occide
48
guerres sont nées de nos nationalismes. Et voici
qu’
apparaît clairement le sujet de notre table ronde : pour sortir de la
49
es impasses, il faut des choix. Il faut savoir ce
que
l’on est prêt à sacrifier et quelles sont les priorités. Veut-on d’ab
50
e naguère avait tenté de décréter l’inexistence.
Qu’
est-ce qu’une valeur, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’est pas u
51
avait tenté de décréter l’inexistence. Qu’est-ce
qu’
une valeur, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’est pas une entité
52
Face à la Crise mondiale, nous avons l’impression
que
quelque chose a été faussé dans l’échelle des priorités, que la justi
53
chose a été faussé dans l’échelle des priorités,
que
la justice, la santé, la liberté, la qualité de la vie, l’utilité soc
54
ationale. Mais s’il y a conflit de valeurs, c’est
qu’
il y a donc des valeurs ! Et qui décident ou plutôt nous permettent de
55
e décider. Nous ne prenons conscience des valeurs
que
lésées. Mais alors, nous n’en doutons plus. Voulons-nous vraiment con
56
e sensation de bonheur animique et physiologique,
que
rien ne mesure, et qui vaut plus que tout ? Bien sûr, les choix sont
57
ysiologique, que rien ne mesure, et qui vaut plus
que
tout ? Bien sûr, les choix sont rarement aussi simples. Mais ils se r
58
re. Or, ces choix de finalités, et les sacrifices
qu’
ils commandent, sur quel absolu les régler ? Et comment évaluer les va
59
ent et la conduite. Ainsi chez Marx : on a relevé
que
cet auteur semble bannir de son vocabulaire le terme de justice, déci
60
ir de son vocabulaire le terme de justice, décidé
qu’
il est à ne décrire que des enchaînements nécessaires et qui échappent
61
e terme de justice, décidé qu’il est à ne décrire
que
des enchaînements nécessaires et qui échappent à toute considération
62
ai référentiel de l’œuvre. Pour l’homme d’Europe,
qu’
il le sache ou non, le référentiel absolu, c’est la personne. Or la p
63
ne a une histoire, comme bien d’autres structures
que
l’on croirait intemporelles et universelles, mais qui ont leur date e
64
aient constitué la notion d’identité individuelle
qu’
ils exprimaient par le terme de face, ou de visage, mais cela ne renda
65
mpte de l’idée de relation et de rôle distinctif,
qu’
évoquait en revanche le mot latin de persona, terme juridique définiss
66
la conception chrétienne de l’homme. En déclarant
qu’
ils confessaient Jésus-Christ comme « vrai Dieu et vrai homme » à la f
67
u de Proudhon, et les dialectiques d’aujourd’hui,
qu’
elles soient marxistes, existentialistes ou physico-mathématiques. Et
68
e européen, à partir de l’extraordinaire création
qu’
a été le concept de personne, cette notion théomorphe de l’homme et an
69
de l’humain, par Augustin d’abord, lequel estime
que
l’homme, étant fait à l’image de Dieu, est lui aussi une personne ; p
70
uté à cette formule. Elle est devenue autre chose
qu’
un modèle, qu’une structure. Aux notions grecques d’individu, d’autono
71
rmule. Elle est devenue autre chose qu’un modèle,
qu’
une structure. Aux notions grecques d’individu, d’autonomie, et d’homm
72
errant et de Quête spirituelle. Mais aujourd’hui,
qu’
est-ce donc que la personne ? Il semble qu’à une telle question je ne
73
ête spirituelle. Mais aujourd’hui, qu’est-ce donc
que
la personne ? Il semble qu’à une telle question je ne pourrais répond
74
d’hui, qu’est-ce donc que la personne ? Il semble
qu’
à une telle question je ne pourrais répondre que pour moi, et pourtant
75
e qu’à une telle question je ne pourrais répondre
que
pour moi, et pourtant j’oserai dire que la personne c’est l’œuvre ess
76
répondre que pour moi, et pourtant j’oserai dire
que
la personne c’est l’œuvre essentielle de chacun, qui consiste à trouv
77
précédent, de sorte que la chance est quasi nulle
qu’
il naisse jamais deux individus pareils. Chacun de nous est donc le po
78
’un chemin particulier vers le But qui l’appelle,
qu’
il le nomme Dieu, ou l’Absolu, la Vérité ou le Bonheur. Le But suprême
79
t instant, à savoir si je découvre mon chemin tel
qu’
il était prévu pour moi depuis toujours, ou si je l’invente en osant y
80
l’invente en osant y avancer sans l’avoir vu. Ce
que
je sais, c’est qu’il n’existera qu’autant que j’aurai le courage d’y
81
y avancer sans l’avoir vu. Ce que je sais, c’est
qu’
il n’existera qu’autant que j’aurai le courage d’y marcher dans la nui
82
’avoir vu. Ce que je sais, c’est qu’il n’existera
qu’
autant que j’aurai le courage d’y marcher dans la nuit. Voilà qui impl
83
Ce que je sais, c’est qu’il n’existera qu’autant
que
j’aurai le courage d’y marcher dans la nuit. Voilà qui implique la fo
84
foi, cette forme de confiance dont Saint-Paul dit
qu’
elle est « ferme assurance des choses qu’on ne voit pas ». Le chemin q
85
Paul dit qu’elle est « ferme assurance des choses
qu’
on ne voit pas ». Le chemin qui se crée sous les pas qui le foulent, c
86
ance entre ses démarches et cette fin. Je conçois
que
l’on puisse n’y pas croire. Que l’on puisse nier l’existence de ce qu
87
e fin. Je conçois que l’on puisse n’y pas croire.
Que
l’on puisse nier l’existence de ce que j’appelle la personne, la trai
88
as croire. Que l’on puisse nier l’existence de ce
que
j’appelle la personne, la traiter de fantôme métaphysique, d’illusion
89
sion verbale, de concept superflu. Mais j’observe
que
ceux qui la nient ont commencé par répéter, après Nietzsche, que Dieu
90
nient ont commencé par répéter, après Nietzsche,
que
Dieu est mort, et que cela signifiait la « mort de l’homme », et donc
91
r répéter, après Nietzsche, que Dieu est mort, et
que
cela signifiait la « mort de l’homme », et donc de toute identité, de
92
oute identité, de toute personne. Or, ce n’est là
qu’
une métaphore. Ce qui peut provoquer la mort de l’homme, c’est la mort
93
o-marxistes, ou structuralistes ; quand on répète
que
la mort de l’homme s’ensuit « logiquement » ; quand on nie le sujet,
94
nsuit « logiquement » ; quand on nie le sujet, et
qu’
on répond comme Ulysse au Cyclope : « Je me nomme personne, je n’y sui
95
« Je me nomme personne, je n’y suis pas », c’est
qu’
on prépare un mauvais coup, ou qu’on tente d’échapper à certaines resp
96
is pas », c’est qu’on prépare un mauvais coup, ou
qu’
on tente d’échapper à certaines responsabilités en se dissimulant derr
97
nne. Et je ne cherche pas, ici, à vous convaincre
qu’
elle existe, mais simplement à vous faire voir qu’en fait, et pratique
98
qu’elle existe, mais simplement à vous faire voir
qu’
en fait, et pratiquement, vous y croyez, tous tant que vous êtes. Car
99
n fait, et pratiquement, vous y croyez, tous tant
que
vous êtes. Car si vous protestez, comme vous le faites tous, chaque j
100
le abstraction politicienne ? Ceux qui prétendent
que
l’homme n’est qu’une illusion, que le sujet n’existe pas, même dans l
101
iticienne ? Ceux qui prétendent que l’homme n’est
qu’
une illusion, que le sujet n’existe pas, même dans le discours, que le
102
qui prétendent que l’homme n’est qu’une illusion,
que
le sujet n’existe pas, même dans le discours, que le langage ne fait
103
que le sujet n’existe pas, même dans le discours,
que
le langage ne fait qu’utiliser notre gosier, notre langue et nos lèvr
104
as, même dans le discours, que le langage ne fait
qu’
utiliser notre gosier, notre langue et nos lèvres et que « ça » parle
105
liser notre gosier, notre langue et nos lèvres et
que
« ça » parle à travers nous, — comment peuvent-ils signer des manifes
106
us de sujet, il n’y a plus rien. Il ne reste rien
que
leurs livres, et leur nom sur ces livres — mais pourquoi ? Marx, en r
107
nom. L’aliénation de l’homme ne saurait désigner
que
ce qui compromet sa possibilité de se mouvoir, librement, à la fois s
108
L’aliéner, c’est le mécaniser — au sens argotique
qu’
a pris le mot — c’est-à-dire le manipuler, lui imposer un comportement
109
bien payé, ne lui serait pas propre, ne pourrait
que
l’altérer, le détourner de sa vocation — et c’est cela que j’appelle
110
érer, le détourner de sa vocation — et c’est cela
que
j’appelle le péché. Le problème de l’aliénation, essentiellement lié
111
ces deux termes désignent deux formes de pouvoir,
qu’
il m’importe de préciser. Le pouvoir sur autrui, c’est la Puissance, e
112
, la Liberté. Le pouvoir sur autrui, il est fatal
que
l’État s’en empare un jour ou l’autre. Car l’État réclame en effet la
113
t la totalité des allégeances, et ne peut tolérer
que
des pouvoirs collectifs soient détenus par des particuliers : qu’on s
114
collectifs soient détenus par des particuliers :
qu’
on se rappelle la lutte des rois contre les féodaux, des États moderne
115
qui s’exerce sur autrui, non sur soi (comme celui
que
procure la richesse), relève du domaine réservé ou revendiqué par l’É
116
tant de liens avec ce qui n’est pas ma vocation,
que
toutes les religions de la terre l’ont condamnée : « Heureux les pauv
117
cule moliéresque. Elles ne sont, trop évidemment,
que
les alibis, soit de la volonté de puissance des États et de leurs gra
118
ble, est le type même de l’antivaleur, s’il n’est
que
l’accroissement des pouvoirs matériels, qui conduisent à la guerre, a
119
produits matériels, croissance dont on a remarqué
que
le rythme est celui des cellules cancéreuses. En revanche, l’amour es
120
ndamentale, qui ne saurait être niée ou contestée
que
par des infirmes de l’âme ou des débiles du spirituel, tous gens de p
121
ienne qui a formé vingt siècles d’Europe nous dit
qu’
il faut aimer son prochain comme soi-même, et cela fonde la communauté
122
que cela nous est commandé, ne saurait donc être
qu’
un acte : le prochain est celui que je puis aider en fait. Mais la not
123
rait donc être qu’un acte : le prochain est celui
que
je puis aider en fait. Mais la notion même de prochain suppose quelqu
124
qui lie, engage, enracine d’autre part. J’ai dit
que
la liberté de la personne implique sa responsabilité, et que la récip
125
rté de la personne implique sa responsabilité, et
que
la réciproque n’est pas moins vraie. La vocation dont l’appel me libè
126
que c’est parmi eux, avec eux et pour eux, autant
que
pour moi, qu’elle va peut-être se réaliser. Pas de liberté réelle pou
127
i eux, avec eux et pour eux, autant que pour moi,
qu’
elle va peut-être se réaliser. Pas de liberté réelle pour un irrespons
128
ur un irresponsable : or il faut bien reconnaître
que
la cité moderne tend à faire de nous tous des irresponsables, et que
129
tend à faire de nous tous des irresponsables, et
que
les dimensions mêmes de nos États-nations et de nos villes les font é
130
ipation et civisme ne reprendront un sens concret
que
dans les petites unités, municipales et régionales, qu’il s’agit déso
131
ns les petites unités, municipales et régionales,
qu’
il s’agit désormais de recréer si l’on veut que la personne s’épanouis
132
s, qu’il s’agit désormais de recréer si l’on veut
que
la personne s’épanouisse : j’y vois la tâche principale de la générat
133
mon scepticisme à l’égard de l’Europe des États,
que
j’ai nommée une « amicale des misanthropes » — quelque chose qu’on pe
134
une « amicale des misanthropes » — quelque chose
qu’
on peut dire mais non pas faire. L’Europe que tout appelle ne pourra s
135
hose qu’on peut dire mais non pas faire. L’Europe
que
tout appelle ne pourra s’édifier que sur ce qui déborde, non seulemen
136
re. L’Europe que tout appelle ne pourra s’édifier
que
sur ce qui déborde, non seulement par en haut mais par en bas, le cad
137
a fédération continentale. Et nous venons de voir
que
ces deux pôles de la société à construire correspondent aux exigences
138
ntraire, c’est dans la liberté de chaque personne
que
vient s’enraciner la solidarité du genre humain. Ainsi de la notion d
139
de liberté et de responsabilité. Or, il se trouve
que
toute vraie politique de la personne appelle la création de petites c
140
nos libertés. C’est à cause de cela, finalement,
que
je suis venu une fois de plus, ici, parler de l’Europe, de son union,
141
ciplines sociales uniformes et dépersonnalisantes
que
cela signifie ? Ou voulons-nous accéder à notre mode de vie propre, a
142
: créer des régions et les fédérer, avec tout ce
que
cela implique d’autogestion à tous les degrés, de responsabilité à to
143
le but. L’atteindrons-nous ? J’ai toujours estimé
que
nous ne sommes pas au monde — ni vous ni moi — pour essayer de devine
144
our essayer de deviner l’avenir. C’est à le faire
que
nous sommes appelés. k. Rougemont Denis de, « La personne comme fo
145
erai donc ici ma version (qui est la bonne) telle
que
je l’ai publiée dans le Journal d’une époque, p. 93 et 94 : Chez Ch
146
, dont l’accent russe amenuisait les mots, encore
qu’
il parlât volontiers de « rigueur doctrinale et révolutionnaire ». Il
147
e, c’est l’âge de mon fils ! Tiens, voilà tout ce
que
tu mérites [un grand coup de pied] et fiche-moi le camp ! ») Sa famil
148
Plans, où il m’introduisit bientôt. C’est par lui
que
j’ai connu — ou reconnu — le nom même du personnalisme et les rudimen
149
du personnalisme et les rudiments d’une doctrine
que
ma récente découverte de la théologie barthienne me préparait à accue
150
Et c’est aussi par l’entremise de Marc, je pense,
que
je rencontre peu de temps après Emmanuel Mounier, qui préparait Espr
151
au de bord d’une génération qui démarre. On voit
que
le faible élément d’incertitude qui subsiste sur ma première rencontr
152
s et leurs animateurs, et cela durant une période
que
je puis facilement délimiter par deux repères personnels. Lorsque je
153
à l’automne de 1930, non seulement aucun de ceux
que
je viens de citer n’est connu du grand public — ce qui est normal, il
154
importe : une génération s’est déclarée, et quels
que
soient les conflits qui l’animent, elle a reconnu les éléments fondam
155
venteur d’idées et d’animateur d’actions communes
qu’
a joué dans ces années cruciales Alexandre Marc. ⁂ Que nous nous soyon
156
joué dans ces années cruciales Alexandre Marc. ⁂
Que
nous nous soyons rencontrés grâce à mon ami Max Dominicé, alors paste
157
cle, une présence enfin qui soit un acte », ainsi
que
je l’écrirai un an plus tard — et c’est, je crois, la première expres
158
engagement, terme dont d’autres ont abusé depuis.
Qu’
on me pardonne, ici, quelques mots sur moi-même, qui me paraissent néc
159
ements concrets… Les formules du petit manifeste
que
me remit Alexandre Marc m’apportaient donc en clair l’énoncé le plus
160
aient donc en clair l’énoncé le plus simple de ce
que
je tentais péniblement de décrypter, et croyais déjà sans le savoir.
161
it plus haut. J’ajouterai à ces quelques traits :
qu’
il portait à Versailles des guêtres blanches, ce qui était banal à l’é
162
blanches, ce qui était banal à l’époque pour peu
qu’
on surveillât sa mise, mais je le mentionne pour attester ma bonne mém
163
le mentionne pour attester ma bonne mémoire ; et
que
, s’il riait haut et fort, par éclats brusques, ou laissait un sourire
164
lucidité et nourrissant une volonté aussi tenace
que
dénuée d’illusions romantiques. Au demeurant, des mieux armé pour les
165
e praxis dont les marxistes français ne faisaient
que
la théorie. Il nous communiquait sa passion pour Proudhon, mais aussi
166
n pour Proudhon, mais aussi pour Lénine, celui de
Que
faire ? et des « minorités agissantes ». « Sans théorie révolutionnai
167
a le Club du Moulin-Vert (ou du moins c’est ainsi
qu’
on le nomme aujourd’hui dans les histoires de cette période). ⁂ L’idée
168
s les travaux récents publiés sur l’Ordre nouveau
que
le Club du Moulin-Vert (qui se réunissait au-dessus d’un café de la r
169
ection de recherches politiques. Je n’ai souvenir
que
de la première. Nous étions une trentaine dans une salle nue qui me r
170
écennies sur l’évolution de l’œcuménisme. On sait
que
c’est par l’action de la base, non plus par des négociations au somme
171
la base, non plus par des négociations au sommet
que
le mouvement progresse désormais ; que de plus en plus il tend à réal
172
au sommet que le mouvement progresse désormais ;
que
de plus en plus il tend à réaliser au moyen de pratiques comme l’inte
173
pratiques comme l’intercommunion « sauvage », ce
que
les instances ecclésiastiques se révèlent encore incapables d’autoris
174
ns pas encore si loin. Nous en étions à découvrir
que
les passionnés d’orthodoxies au stade naissant — réinvention de la Ré
175
ux capables de nouer le dialogue et de s’entendre
que
les tenants des libéralismes, des modernismes et des laxismes de tout
176
pirituel passant pour hérésie…) ⁂ Il est probable
que
Mounier vint un beau soir au Club du Moulin-Vert ; il est certain que
177
beau soir au Club du Moulin-Vert ; il est certain
que
nous nous sommes connus grâce à Marc, qui m’avait d’abord introduit à
178
ntient des articles de Marc et de moi. C’est dire
que
depuis plusieurs mois, nous travaillons avec Mounier, Izard, Galey, T
179
ouchard et toute l’équipe qui a préparé la revue,
que
nous voulons ouverte à tous les groupes personnalistes. Certes, Esp
180
. Certes, Esprit est l’enfant de Mounier. Quel
que
soit le nombre des articles que Marc, Dandieu, Aron, Dupuis, Prévost
181
de Mounier. Quel que soit le nombre des articles
que
Marc, Dandieu, Aron, Dupuis, Prévost ou moi avons pu lui donner, elle
182
tout par le catholicisme progressiste et péguyste
qu’
annoncent, d’entrée de jeu, ses premiers directeurs. La rencontre avec
183
petite église d’inquisiteurs ». Or, il sait bien
que
Marc et moi, qui faisons partie de sa première équipe de rédacteurs,
184
à l’Ordre nouveau, et cela en dépit de l’attrait
qu’
exercent déjà sur Marc le catholicisme et Péguy ; et en dépit aussi de
185
l’ensemble de la collaboration (il est bien vrai
que
nous nous sommes un peu laissé entraîner).2 Quels sont ces article
186
e étude sur « Le prolétariat », où l’on peut lire
que
« la distribution planée sera assurée par un service social obligatoi
187
». Mais quelques lignes de « chapeau » indiquent
que
la revue pourrait « contresigner de nombreuses analyses [de cette étu
188
ni par l’un des membres de l’ON. Elles confirment
que
l’apport du groupe, d’abord représenté par Alexandre Marc, fut de loi
189
lancement d’ Esprit . En revanche, je suis témoin
qu’
à quatre ou cinq reprises l’intervention de Marc a seule prévenu une r
190
leur numéro 1 jusqu’à la guerre. Mais le fait est
que
Marc et moi étions fort loin de soupçonner qu’en 1936, l’année même d
191
st que Marc et moi étions fort loin de soupçonner
qu’
en 1936, l’année même de la publication par L’ON de Mission ou démis
192
uvrier et une technocratie petite-bourgeois (sic)
que
nous ne pouvons admettre.3 Ce n’est pas sans tristesse que je tran
193
pouvons admettre.3 Ce n’est pas sans tristesse
que
je transcris ces phrases d’une injustice proprement aberrante4. À dis
194
ement aberrante4. À distance, j’en viens à penser
que
la seconde opinion de Mounier sur l’ON ne saurait s’expliquer que par
195
pinion de Mounier sur l’ON ne saurait s’expliquer
que
par une réaction de surcompensation à la première, que j’ai citée plu
196
ar une réaction de surcompensation à la première,
que
j’ai citée plus haut (conversation avec Maritain). Débordé sur sa gau
197
clichés communistes sur l’ON, dans le même temps
qu’
il écrit à l’archevêque de Paris qu’ Esprit est la seule revue « diri
198
le même temps qu’il écrit à l’archevêque de Paris
qu’
Esprit est la seule revue « dirigée et rédigée pour une importante p
199
quoi l’ON ne serait-il pas « fasciste » ?) Quelle
qu’
ait été l’importance de ses apports à Plans et à Esprit , c’est dans
200
Plans et à Esprit , c’est dans L’Ordre nouveau
que
Marc allait trouver le climat le plus favorable à son génie d’initiat
201
par ses conceptions tactiques (tirées de Lénine)
que
par son action personnelle et quotidienne. « Rien ne vaut le contact
202
iens quotidiens avec chacun des membres du groupe
que
l’ON dut sa cohésion de 1930 la guerre. Car jamais unité ne fut achev
203
gène Minkowski des recherches psycholinguistiques
qu’
on eût appelées plus tard structuralistes. Et il venait de signer avec
204
s complémentaires fera la force des trois volumes
qu’
ils écrivent ensemble de 1932 à 1933. Daniel-Rops, professeur agrégé,
205
fesseur agrégé, commence une carrière littéraire,
qu’
il abandonnera plus tard pour sa fameuse Histoire du christianisme. Il
206
s. Alexandre Marc a travaillé chez Hachette, mais
que
fait-il et de quoi vit-il en 1933 ? Voilà ce que je n’arrive pas à me
207
que fait-il et de quoi vit-il en 1933 ? Voilà ce
que
je n’arrive pas à me rappeler, et l’on se voyait à peu près tous les
208
de vue religieux, qui est capital, en dépit de ce
que
pense un vain peuple d’intellectuels parisiens, voici l’état du group
209
croyances déclarées, il est intéressant de savoir
que
nous formions un groupe étonnamment compact, à tel point qu’on ne sai
210
rmions un groupe étonnamment compact, à tel point
qu’
on ne sait pas quel fut l’apport de qui dans notre doctrine unanime. S
211
pait, ou se moquait simplement. Mais nous savions
qu’
une société et ses mesures sont affaire de personnes, donc de coopérat
212
932 jusqu’à l’interdiction par Vichy, je constate
que
la plupart des thèmes juridiques et politiques de la pensée personnal
213
e citations — qui n’ont fait, depuis ce temps-là,
que
gagner (si possible) en actualité. Contre l’État-nation. La critiqu
214
juscule : manière concrète de rappeler au lecteur
que
l’État n’est pas autorité, mais seulement pouvoir, ou plus précisémen
215
n’est pas « la Société », ni « la forme politique
que
tend à revêtit toute nation civilisée » (Esmein). Il n’est pas la pat
216
sentimentaux ». C’est à l’échelle de la commune
que
le sentiment patriotique se manifeste le plus spontanément… On peut p
217
enne, bretonne, catalane. Il n’en reste pas moins
que
la commune est le lieu privilégié en lequel se trouvent réunis tous l
218
ffective, de l’idéal commun, et du service public
que
devrait demeurer l’état, a tout faussé. La confusion de la patrie et
219
sme économico-administratif qui n’en devrait être
que
le soutien. Par là les valeurs spirituelles se trouvent définitivemen
220
tionales économiques ou belliqueuses. Il n’existe
qu’
une forme de « rapprochement » véritable et effectif entre états-natio
221
t de G. Gurvitch, Marc conclut avec Léon Duguit «
qu’
il existe une règle de droit antérieure et supérieure à l’état, et qui
222
s la conquête… Le possédant est celui qui marque,
que
ce soit un objet, une terre, ou le cœur d’un être. Ni l’état, ni même
223
ont Sartre, dix ans plus tard, ne modifiera guère
que
l’adjectif) : Tout homme est placé dans une certaine situation : c’e
224
est placé dans une certaine situation : c’est ce
que
les idéalistes sont toujours tentés d’oublier. L’homme en général, le
225
ral, le citoyen abstrait, l’esprit pur n’existent
que
dans l’imagination déréglée des libéraux ; un être de chair et de san
226
on… Il est sa propre situation. Mais il n’est pas
que
cela. Tel est le paradoxe fécond du fait agonal (c’est-à-dire du conf
227
al) auquel on se heurte dans cette perspective et
que
toute tentative de réduction moniste tourne à l’absurde. Si l’homme n
228
on moniste tourne à l’absurde. Si l’homme n’était
que
sa situation, celle-ci serait à son tour un pur possible, et non une
229
ne réalité. Une situation n’est réelle, en effet,
que
dans la mesure où elle est une, c’est-à-dire dans la mesure où la div
230
d’une perspective. Or, cette perspective n’existe
que
parce que l’homme est en quelque manière extérieur à sa situation, pa
231
ainsi de l’animal dont la situation ne peut être
que
la résultante d’un concours de circonstances extrinsèques (que l’anim
232
ante d’un concours de circonstances extrinsèques (
que
l’animal ne peut que subir), ou bien encore que le résultat d’une éli
233
circonstances extrinsèques (que l’animal ne peut
que
subir), ou bien encore que le résultat d’une élimination purement uti
234
(que l’animal ne peut que subir), ou bien encore
que
le résultat d’une élimination purement utilitaire de la diversité (en
235
ion). Par contre, la situation n’a de sens humain
qu’
en fonction de l’attitude de l’homme. (ON 38) Le Plan sans contrain
236
me la forme même de la vie économique, c’est dire
qu’
une véritable économie « planée » exclut à priori l’étatisme. Pour que
237
ais une réalité dynamique et progressive, il faut
qu’
un éventuel « plan » économique fasse appel aux ressorts humains de l’
238
ON 37) L’état totalitaire n’est pas autre chose
que
l’erreur moniste projetée sur le plan de la vie en société. (Son cara
239
l’échelle de ces immenses conglomérats politiques
que
l’on essaie de lui faire prendre pour « sa patrie » : ils sont beauco
240
e qui est nécessaire à l’homme. (ON 15) (On sait
que
l’argument « trop petit et trop grand » est devenu le pont aux ânes d
241
s l’article intitulé « La folie des frontières »,
qu’
il publie le 15 juin 1934, sous le nom de Michel Glady et en collabora
242
que, économique, administrative, etc.), recherche
que
je me vois amené à reprendre aujourd’hui en relation avec ma théorie
243
rie des régions fonctionnelles. Les deux passages
que
je vais citer (non sans scrupules, car ils souffriront d’être privés
244
rie » ultérieure devra tenir compte de ce point —
que
les limites territoriales, dans une société Ordre nouveau, signifiero
245
frontières se justifie, tout d’abord, par le fait
que
, grâce à leur stabilité, un minimum d’ordre matériel peut être assuré
246
qui me frappe à la relecture, c’est aussi le fait
que
Marc soit venu à l’Europe par les voies du personnalisme en premier l
247
la situation du monde, du rôle historique central
qu’
a joué notre synthèse culturelle, de la vocation mondialisante qui fut
248
fédérations : et c’est en route vers l’universel
que
l’Europe apparaît inévitablement, non point comme une fin en soi, mai
249
n du texte capital cité plus haut9, qui concluait
qu’
une situation n’a de sens humain qu’en fonction de l’attitude de l’hom
250
qui concluait qu’une situation n’a de sens humain
qu’
en fonction de l’attitude de l’homme. Je conclus pour ma part que s’il
251
de l’attitude de l’homme. Je conclus pour ma part
que
s’il y a un avenir, et qu’il demeure ou redevienne européen, la pensé
252
e conclus pour ma part que s’il y a un avenir, et
qu’
il demeure ou redevienne européen, la pensée d’Alexandre Marc est prom
253
veau, je salue les « solides promesses d’accord »
que
nous apporte le Manifeste au service du personnalisme de Mounier. Au
254
ent un maître ouvrage, à placer sur le même rayon
que
le Capital de Marx et Au-delà du marxisme, d’Henri de Man. » 7. Entr
255
poste de professeur en Chine, mais c’est à Paris
que
se passe « la vraie vie » pour un écrivain. L’ennui, c’est que je n’y
256
« la vraie vie » pour un écrivain. L’ennui, c’est
que
je n’y connais personne qui touche de près ou de loin à la vie littér
257
eul espoir : un miracle, autrement dit une chance
que
rien ne permet de prévoir. Cet après-midi-là, j’ai flâné dans Neuchât
258
et tout d’un coup, vers cinq heures, la certitude
qu’
il faut rentrer chez moi dare-dare. Tram n° 5. Je saute de la voiture
259
nche matin déjà, j’annonce subitement à mes hôtes
que
je dois rentrer à New York pour une affaire pressante. En vérité j’ig
260
vérité j’ignorais quelle affaire, mais je sentais
qu’
il fallait rentrer. Je monte l’escalier quatre à quatre, j’ouvre ma po
261
comme on dit en anglais — speaker n’étant employé
qu’
en français — qui allaient devenir mes collaborateurs quotidiens. Andr
262
mon aventure personnelle, vécue bien plus encore
que
littéraire : amitié de Breton d’abord, puis de Marcel Duchamp, et, pa
263
vie : voir des lettres en route vers moi, celles
que
m’apportera demain matin cet « homme de lettres » qu’est le facteur,
264
m’apportera demain matin cet « homme de lettres »
qu’
est le facteur, selon Voltaire. Ces incidents, dénués de sens utile, n
265
roire à mes histoires. Soudain j’ai dit : « Voilà
que
ça me prend, tout justement ! Attendez, que je vous dise… Sur mon ass
266
Voilà que ça me prend, tout justement ! Attendez,
que
je vous dise… Sur mon assiette de petit déjeuner, demain matin, il y
267
dit : « C’est bien cela », sans plus d’étonnement
que
les autres fois. Le père Reinecke, survenu peu après, n’est pas encor
268
peu après, n’est pas encore convaincu. Il prétend
que
je savais qui allait m’écrire, et que j’avais d’assez bonnes chances
269
Il prétend que je savais qui allait m’écrire, et
que
j’avais d’assez bonnes chances de deviner juste. Mais je n’ai rien de
270
il en fut, et je n’avais aucune raison d’attendre
qu’
il m’écrive. Quant à l’enveloppe jaune, elle contenait un journal où l
271
iée. (Une facture de blanchisseur !) Il me semble
que
la chose ne m’était plus arrivée depuis douze ou treize ans, depuis C
272
précisément, chaque fois qu’elle se manifestait,
que
j’étais déconnecté du monde de l’utile. « Tiens, voilà le diable !
273
étérias où il suffit de désigner du doigt le plat
qu’
on veut), et ce soir je décide de « sortir » : des amis m’ont invité «
274
e de quartier, en sorte que je ne « vis le jour »
qu’
à la lueur d’une lampe à pétrole hâtivement allumée et que tenait mon
275
lueur d’une lampe à pétrole hâtivement allumée et
que
tenait mon père. Soixante-sept ans plus tard, je donnais la leçon ina
276
rs une apocalypse à court terme, et je constatais
que
« nous arrivons au point où le moteur de la croissance commence à avo
277
étions six et heureusement accordés, je suggérai
que
l’on jouât aux questions et réponses. Ce jeu, purement télépathique e
278
n collaborateur au Centre européen de la culture,
que
j’ai appelé, après sa mort prématurée en 1957, « le seul grand poète
279
langue française ». L’une des questions était : «
Qu’
arriverait-il si Jean-Paul devenait pape ? » Et la réponse : « Le pape
280
« Le pape serait luthérien. » Deuxième échange. «
Qu’
est-ce que la mystique ? » Réponse : « C’est un petit jardin fermé qui
281
serait luthérien. » Deuxième échange. « Qu’est-ce
que
la mystique ? » Réponse : « C’est un petit jardin fermé qui s’ouvrira
282
t jardin fermé qui s’ouvrira à Pâques. » (On sait
que
le hortus clausus est un symbole fondamental du mysticisme, flamand e
283
te soirée mémorable. L’un de nous avait écrit : «
Qu’
arriverait-il si le diable entrait dans cette pièce ? » Le partenaire
284
chiste, fasciste ou nazi. Mais il ne faudrait pas
que
cette modestie les empêche d’assumer leur vocation. Lorsqu’il m’est a
285
e ridicule. » Je persiste à penser, au contraire,
qu’
il n’y a pas la moindre proportion de la justesse d’une idée à la tail
286
d’une idée à la taille de celui qui l’énonce ; et
que
l’importance ou la grandeur d’une vocation communautaire n’est pas fo
287
es dépositaires d’une grande idée, dont je crains
qu’
ils la comprennent mal, toujours plus mal, après l’avoir si bien prati
288
xixe siècle. C’est à croire, dit un historien10,
que
les Suisses se gardent soigneusement d’en faire un concept, un systèm
289
e et dans le monde, mais en Suisse même. C’est ce
que
je voudrais marquer d’abord. Nous commettons généralement en Suisse,
290
aux de répéter, comme les manuels de mon enfance,
que
la Confédération a été fondée par « les trois cantons primitifs », ta
291
liés de longue date et diversement intégrés, tels
que
Mulhouse et la Franche-Comté, ou encore les régions conquises (la Lév
292
s et d’oligarchies, qui n’avaient guère en commun
que
l’essentiel : la volonté de rester libres à leur manière — et seule l
293
es le plus souvent, parfois mondiale. C’est ainsi
que
le CERN est né, parce que les dimensions de la tâche (conception, con
294
eurer classique, tant en vertu de ses motivations
que
de son succès. Le problème spécifique de la Suisse naît du fait qu’à
295
Le problème spécifique de la Suisse naît du fait
qu’
à l’instar des nations qui l’entourent, elle est de plus en plus tenté
296
État-nation centralisé, et ne diffère des autres
que
par ses prétentions à représenter un « Sonderfall ». (Or son cas, jus
297
Or son cas, justement, ne serait « exceptionnel »
que
si la Suisse se montrait insensible aux réflexes stato-nationalistes
298
ur des États —, ne pourra devenir modèle européen
que
s’il accepte de ne pas arrêter son processus aux frontières nationale
299
de rigueur : penser juste devient plus important
que
« bien penser ». De ce qui précède, je déduirai maintenant deux séri
300
frir à nos compatriotes européens d’autres leçons
que
celles de nos erreurs. La seule chance de durée de notre fédéralisme
301
rope — de proche en proche. (Et l’on peut espérer
que
le reste du monde finira bien par l’imiter.) B) Nous avons à offrir
302
nationaux : notre Conseil fédéral. Il est certain
que
la formule napoléonienne de l’État-nation souverain, indivisible et c
303
igent d’une part des espaces beaucoup plus vastes
que
ceux de nos vingt-huit États européens12 et d’autre part des aménagem
304
aujourd’hui des aspects continentaux et régionaux
qu’
il est devenu pratiquement impossible de manipuler à l’échelle nationa
305
rée par ces agences européennes d’un type nouveau
que
sont dans le domaine économique la CEE, et dans le domaine de la rech
306
t mener à bien les recherches les plus coûteuses,
que
les régions ne sauraient entreprendre pour leur compte. Elles constit
307
pas seulement, je le répète, la plus rationnelle
que
l’on puisse imaginer aujourd’hui, mais aussi celle qui a le plus de c
308
xprime dans la collégialité. Je demeure convaincu
que
l’expérience suisse ne saurait offrir à l’Europe rien de plus valable
309
l’Europe rien de plus valable ni de mieux éprouvé
que
cet exemple unique au monde d’un exécutif collégial, conçu et ordonné
310
e Monaco, je voudrais mettre en valeur celui-ci ;
qu’
il partage seul avec le prix Nobel le privilège d’être à la fois litté
311
être à la fois littéraire et international — mais
qu’
il ajoute à cette distinction majeure, celle d’être uniquement de lang
312
e possible à Paris, qui a toujours peine à croire
qu’
au-delà de ses Portes il existe autre chose que des relais vers les ré
313
re qu’au-delà de ses Portes il existe autre chose
que
des relais vers les résidences secondaires. Il y fallait un petit Éta
314
es, et des brevets d’invention. Il n’est en somme
qu’
un privilège qu’il doive céder au grand État, c’est celui de pouvoir f
315
ts d’invention. Il n’est en somme qu’un privilège
qu’
il doive céder au grand État, c’est celui de pouvoir faire de grandes
316
uerres et des traités : la langue française moins
que
toute autre, puisqu’au-delà des trois-quarts de la France actuelle el
317
d’autres frontières, au sein de la culture même,
qu’
il importe avant tout d’effacer dans nos têtes, et ce sont les frontiè
318
es best-sellers, mais chez les plus sophistiqués,
qu’
au sens américain du mot la fiction seule est création, que les jeux d
319
s américain du mot la fiction seule est création,
que
les jeux du roman sans sujet, des poèmes « éclatés » et du théâtre al
320
sique et les Mémoires de « Papillon », et tout ce
que
, faute de mieux, l’on nomme « essais », quels qu’en soient les sujets
321
que, faute de mieux, l’on nomme « essais », quels
qu’
en soient les sujets et le style, les dimensions et l’ambition intelle
322
onseil littéraire de Monaco n’a-t-il pas démontré
qu’
il se riait de la tyrannie des genres, en couronnant, premier d’une sé
323
e pinceau (ou mieux, de formes), il serait décent
qu’
au lieu d’en profiter pour jouer les critiques d’art qu’ils ne sont pa
324
lieu d’en profiter pour jouer les critiques d’art
qu’
ils ne sont pas, ils se contentent de dire en amateurs qu’ils devraien
325
e sont pas, ils se contentent de dire en amateurs
qu’
ils devraient être — et quel beau titre : celui qui aime ! — ce qu’ils
326
être — et quel beau titre : celui qui aime ! — ce
qu’
ils éprouvent devant une œuvre. La peinture de Théodore Strawinsky n’e
327
produits ou objets comportant si peu de peinture
qu’
il devient impérieux de suppléer à cette sécheresse par un surabondant
328
. On peut tout faire, on doit tout faire pour peu
que
l’on sache inventer, et qu’importe le genre choisi ou que l’on crée.
329
t tout faire pour peu que l’on sache inventer, et
qu’
importe le genre choisi ou que l’on crée. Je dis que Théodore Strawins
330
sache inventer, et qu’importe le genre choisi ou
que
l’on crée. Je dis que Théodore Strawinsky, lui, fait de la peinture.
331
’importe le genre choisi ou que l’on crée. Je dis
que
Théodore Strawinsky, lui, fait de la peinture. Ses huiles, pastels, p
332
’abord ces cours du soir du snobisme intellectuel
que
sont devenues tant de revues et de feuilles imprimées dans le vent, p
333
tique propage ses gémissements sur la difficulté,
que
dis-je, sur l’essentielle impossibilité de communiquer : et l’on nous
334
rmel comme le résultat de cette crise. Je réponds
que
l’informel ne prouve rien, sinon le refus temporaire et polémique au
335
le refus temporaire et polémique au moins autant
que
poétique, de recourir au langage que tout Occidental sensible peut co
336
moins autant que poétique, de recourir au langage
que
tout Occidental sensible peut comprendre, celui des paysages, signes
337
l’âme. Paysages et visages n’existent à vrai dire
que
pour notre œil humain auquel ils n’apparaissent qu’en vertu d’une opé
338
e pour notre œil humain auquel ils n’apparaissent
qu’
en vertu d’une opération mal explicable, presque magique, si l’on song
339
on mal explicable, presque magique, si l’on songe
que
le cosmos tout entier est fait de vide, ponctué d’électrons infinités
340
s infinitésimaux plus éloignés les uns des autres
que
les étoiles ne le sont de la terre, et que c’est sur ce vide sidéral,
341
autres que les étoiles ne le sont de la terre, et
que
c’est sur ce vide sidéral, infini, cette vacuité fondamentale, univer
342
infini, cette vacuité fondamentale, universelle,
que
se dessinent, se colorent, se modèlent comme par miracle des formes l
343
pparitions plutôt, aux yeux de l’artiste pour peu
que
son regard accorde foi et que sa main d’un geste donne un sens aux pr
344
l’artiste pour peu que son regard accorde foi et
que
sa main d’un geste donne un sens aux propositions de la nature. Et c’
345
, parmi les œuvres de Théodore Strawinsky, celles
que
je préfère sont par exemple une certaine toute petite nature morte au
346
sible au spirituel, la vraie part du sacré autant
que
de la technique. Le sacré : jamais l’Art avec la majuscule dont se m
347
le sacré dans son action indéfiniment créatrice,
que
ne le sont l’art et la technique de l’auteur du Sacre du Printemps. E
348
parentés du père d’ailleurs, dans le petit livre
qu’
il publie en 1948, Le Message d’Igor Stravinsky. Sur ce livre, nous po
349
su défendre les intérêts spirituels de ton père,
que
tu as manifestement faits tiens. » « Les intérêts spirituels » du pèr
350
« Les intérêts spirituels » du père… Il se trouve
que
j’écris ces lignes à Venise. Et c’est ici que j’ai vécu l’un des plus
351
uve que j’écris ces lignes à Venise. Et c’est ici
que
j’ai vécu l’un des plus hauts moments de la culture européenne. Après
352
i référence du mot figuration en des sens opposés
que
lui donnent trois préfixes. Je dirai que le travail du peintre n’a ja
353
opposés que lui donnent trois préfixes. Je dirai
que
le travail du peintre n’a jamais consisté à disposer avec plus ou moi
354
n même temps que la meilleure définition des fins
qu’
entend servir son art. c. Rougemont Denis de, « [Préface] À propos
355
a recherche d’un modèle, signifie bien évidemment
que
les modèles anciens — ou le modèle de naguère — ne satisfont plus, ne
356
naguère — ne satisfont plus, ne marchent plus, et
qu’
il est temps d’inventer mieux. Et en troisième lieu, si l’on recherche
357
lieu, si l’on recherche un modèle européen, c’est
que
l’on ne pense pas pouvoir s’accommoder de modèles étrangers et pour n
358
sses, ou chinois. Cela ne signifie pas un instant
qu’
on tienne l’Europe pour supérieure — ou inférieure — à telle autre par
359
onde ; mais bien qu’on la constate différente, et
qu’
elle appelle des solutions spécifiques. Ces solutions spécifiques, par
360
Conseil de l’Europe, Arnold Toynbee nous expliqua
que
deux avenirs possibles s’ouvraient aux Européens : — ou bien l’Europe
361
oisième possibilité : aussi loin du repli résigné
que
de la volonté de dominer (ne fût-ce que moralement) ou de se poser en
362
i résigné que de la volonté de dominer (ne fût-ce
que
moralement) ou de se poser en modèle exemplaire. Une troisième possib
363
mondiale. Car c’est bien de cette crise mondiale
qu’
il s’agit aujourd’hui, et avant tout, de s’occuper ; non plus seulemen
364
ations. ⁂ Je pars d’une constatation fondamentale
que
j’essaierai de formuler en une seule phrase, que voici : Pour la prem
365
que j’essaierai de formuler en une seule phrase,
que
voici : Pour la première fois dans l’histoire, l’homme d’aujourd’hui
366
pèce humaine ; et il y est contraint du seul fait
qu’
il en a, pour la première fois, la liberté. Jusqu’à nos jours, depuis
367
ardin mythique des origines, l’homme n’avait fait
que
répondre tant bien que mal aux divers défis de la nature dont il viva
368
roire ? Des futurologues distingués vous assurent
que
les réserves existantes ou encore à découvrir de pétrole seront épuis
369
eux, Raymond Barre, leur répond — et je le cite —
que
ces réserves sont « pratiquement inépuisables, en dépit des théoricie
370
de la prospection de la British Petroleum annonce
que
la production du pétrole commencera à diminuer dans dix ans, et que d
371
du pétrole commencera à diminuer dans dix ans, et
que
des mesures de rationnement devront être décrétées dans huit ans. Mêm
372
rnements. Ces experts nous répètent, par exemple,
que
la consommation d’énergie électrique va doubler désormais tous les se
373
leur demande comment ils le savent, ils répondent
qu’
il s’agit d’un fait scientifiquement établi par des calculs irréfutabl
374
cela ne peut pas être vrai, pour les deux raisons
que
voici : 1) Il serait déjà très difficile de doubler notre production
375
16 384 en moins d’un siècle, car c’est le chiffre
qu’
on obtient au bout de quatre-vingt-dix-huit ans en multipliant une qua
376
compagnies nous y invitent, rien ne pourra faire
que
la consommation double en sept ans. Les compagnies essaient tout simp
377
dangers écologiques et les risques humains autant
que
les avantages économiques d’un projet, pour établir son coût réel, ta
378
n coût réel, tantôt de promoteurs qui n’invoquent
que
les besoins supposés et les profits escomptés, et pensent qu’après to
379
ins supposés et les profits escomptés, et pensent
qu’
après tout, cela durera bien autant qu’eux… Admettons qu’il est plus p
380
et pensent qu’après tout, cela durera bien autant
qu’
eux… Admettons qu’il est plus prudent, en tout état de cause, de suivr
381
s tout, cela durera bien autant qu’eux… Admettons
qu’
il est plus prudent, en tout état de cause, de suivre les futurologues
382
cause, de suivre les futurologues soucieux plutôt
que
les promoteurs irresponsables, quand il s’agit de formuler une politi
383
s’agit de formuler une politique. Or nous voyons
que
dans leur majorité, les futurologues calculent un avenir de catastrop
384
futurologues calculent un avenir de catastrophes,
que
ce soit à moyen ou à long terme. Ils nous annoncent des désastres en
385
as résumer ici le fameux rapport du club de Rome,
que
je suppose connu de chacun d’entre vous. Je vous rappellerai seulemen
386
hacun d’entre vous. Je vous rappellerai seulement
que
la crise mondiale — et c’est je crois sa formule la plus simple — est
387
e illimitée dans un monde dont nous avions oublié
qu’
il est irrévocablement limité. C’est la découverte, puis la prise de
388
on par les Nations unies de statistiques montrant
que
le temps de doublement de la population du globe n’était plus que de
389
doublement de la population du globe n’était plus
que
de trente-cinq ans, nous a permis à tous de calculer qu’à ce taux-là,
390
trente-cinq ans, nous a permis à tous de calculer
qu’
à ce taux-là, nous serions six milliards et demi en l’an 2000, 26 mill
391
s d’années, tout l’univers visible ne serait plus
qu’
une sphère d’êtres humains, dont le diamètre s’allongerait à la vitess
392
-t-il, convaincre même les esprits les plus obtus
qu’
il faudra bien que la croissance démographique s’arrête un jour. La c
393
l’arrête, un jour ou l’autre. Si l’on ne veut pas
que
ce soit une catastrophe, il faudra bien que ce soit une libre décisio
394
uteurs, est calculée par de nombreux futurologues
qu’
on dit atteints de sinistrose, mais dont je serais tenté de dire qu’il
395
de sinistrose, mais dont je serais tenté de dire
qu’
ils pèchent au contraire par excès d’optimisme : car pour spectaculair
396
e par excès d’optimisme : car pour spectaculaires
que
soient les catastrophes prévues par leurs méthodes plus ou moins rigo
397
moins rigoureuses, elles me font bien moins peur
que
celles dont ils ne parlent pas, et qui sont liées inexorablement aux
398
delà des pires prévisions de nos futurologues, ce
qu’
un vieux mythe des Indiens Navahos représente comme l’Ère de l’Accrois
399
ente comme l’Ère de l’Accroissement des Monstres.
Que
faire des prévisions du club de Rome — tellement moins effrayantes qu
400
ons du club de Rome — tellement moins effrayantes
que
celles de ces Indiens ? D’abord les croire. C’est le seul moyen de l
401
moyen de les faire mentir. Car elles ne demandent
qu’
à être démenties, on peut même dire qu’elles ne sont là que pour ça. S
402
demandent qu’à être démenties, on peut même dire
qu’
elles ne sont là que pour ça. Si on ne les croit pas, parce qu’on les
403
démenties, on peut même dire qu’elles ne sont là
que
pour ça. Si on ne les croit pas, parce qu’on les juge trop pessimiste
404
2000. Son système de prévision est le plus simple
qu’
on ait jamais imaginé : il repose entièrement sur la technologie et so
405
tes dans ce temps, et les conséquences politiques
qu’
elles entraîneront. Sans vouloir entreprendre ici la critique d’une pa
406
e pareille méthode, je me contenterai de citer ce
que
ses auteurs eux-mêmes en disent. À la page 54 de la traduction frança
407
n 2000, ils donnent un bref tableau (n° IV) de ce
que
leur méthode n’eût pas permis de prévoir, si elle eût été appliquée v
408
eût été appliquée vers 1900. Parmi les événements
qu’
ils qualifient de « surprenants et presque toujours inattendus » on tr
409
t établissement de diverses dictatures. Voilà ce
que
la méthode n’eût pas permis de prévoir selon les propres dires de Kah
410
voir selon les propres dires de Kahn. J’en déduis
que
la méthode ne vaut rien. Les faits déterminants du xxe siècle, de l’
411
Ils étaient simplement… historiques ! Au surplus,
qu’
ils soient pessimistes comme Meadows, Ehrlich, G. Rattray Taylor, Geor
412
t, Jean Dorst, Edward Goldsmith ou René Dubos, ou
qu’
ils soient optimistes comme Herman Kahn, quelques PDG de choc à la mod
413
eurs du territoire, presque tous les futurologues
que
je connais me paraissent pécher également par l’incapacité où ils se
414
ulent, d’indiquer des remèdes politiques aux maux
qu’
ils ont calculés, et de se référer à des finalités humaines ou divines
415
derrière les buissons quand Dieu rappelle, plutôt
que
de reconnaître ses responsabilités. Si utiles que puissent être ceux
416
que de reconnaître ses responsabilités. Si utiles
que
puissent être ceux qui calculent nos risques et définissent les contr
417
culent nos risques et définissent les contraintes
que
nous devons subir, ils demeurent incapables de fonder la politique de
418
utodestruction d’une civilisation. Je ne puis ici
qu’
en résumer l’intrigue. Tout commence en 1875 (il y a donc un peu moins
419
obiles Ford. Dans sa première publicité, il écrit
que
l’auto « peut vous mener n’importe où il vous plaît d’aller… pour vou
420
s détestées, sur une machine de roule n’obéissant
qu’
à ses humeurs. L’auto ne répondait alors à aucun besoin du public, bie
421
le devait permettre d’aller vite, et elle ne fait
que
du 4 km à l’heure dans le centre de nos grandes villes, qu’elle asphy
422
m à l’heure dans le centre de nos grandes villes,
qu’
elle asphyxie. Elle devait révéler la campagne et la solitude, elle le
423
r l’homme, elle l’asservit. Ivan Illich a calculé
que
l’Américain moyen qui roule ses 10 000 km par an, doit consacrer pour
424
s, son garage, etc., tant de journées de travail,
qu’
au total ses 10 000 km lui auront pris environ 1700 heures de son temp
425
Comme elle ne marche pas encore sans pétrole, et
que
le pétrole consommé par l’Europe est détenu à 80 % par les pays arabe
426
s le dimanche. Or cette circulation quasi sacrée,
qu’
il faut sauver à n’importe quel prix, elle fait bon an mal an 280 000
427
. Mais il y a plus grave. B. de Jouvenel a montré
qu’
elle stérilise les bases de la démocratie en transformant les places e
428
ues ; car c’était sur les places et dans les rues
que
se formait traditionnellement l’opinion, — de l’agora des cités grecq
429
es camps de la mort et de la folie de cet Hitler,
que
Herman Kahn n’a pas prévu. Une histoire de fous, je vous l’ai dit. Et
430
te quel prix, sans savoir où… Mais voilà bien ce
que
nos futurologues n’eussent pas deviné davantage que l’aventure nation
431
e nos futurologues n’eussent pas deviné davantage
que
l’aventure nationale-socialiste ou fasciste, ou même stalinienne, qu’
432
nale-socialiste ou fasciste, ou même stalinienne,
qu’
ils jugent « inattendues », aberrantes, erronées, — mais qui hélas ont
433
fait notre histoire ! Herman Kahn vient d’avouer
qu’
à ses yeux, Hitler était méthodiquement imprévisible. Pourtant d’autre
434
icateurs » et décrit d’une manière saisissante ce
que
sera la vie des ouvriers dans les pays totalitaires du xxe siècle. D
435
-cinquante ans aux dépens des communautés réelles
qu’
ils ont enfermées dans leurs frontières, mises au pas, uniformisées et
436
paraît inévitable — pour un temps —, du seul fait
que
les dictateurs proclament qu’ils apportent une réponse au grand appel
437
mps —, du seul fait que les dictateurs proclament
qu’
ils apportent une réponse au grand appel qui monte de leur peuple vers
438
seuls qui en avaient les moyens. Et vous voyez ce
qu’
ils en ont fait. Ils ont géré et détruit ses ressources en vue de leur
439
omme le fait voir leur procédé de mesure, le PNB (
que
je voudrais appeler Prestige National Brutal) qui ramène tout à l’Éta
440
ans le cadre de ses frontières, l’État-nation tel
que
nous l’avons fait, nous les Européens — mauvais Européens ! — et répa
441
u moins très clairement annoncé, sur la recherche
que
je propose et sur ses directions majeures : nous voyons maintenant ce
442
s directions majeures : nous voyons maintenant ce
qu’
il s’agit de changer dans notre société européenne : c’est le modèle s
443
vous restez en droit d’attendre, à tout le moins,
que
je vous donne mes hypothèses de travail, et le plan général de mon en
444
q générations d’instruction publique à considérer
que
l’État national est l’aboutissement suprême de toute l’histoire. Qu’i
445
est l’aboutissement suprême de toute l’histoire.
Qu’
il n’y a rien à imaginer au-delà. Et nous en avons persuadé la terre e
446
chent tous : plus de jeu, plus de vide entre eux.
Que
faire contre ce mur impénétrable, apparemment inébranlable ? À suppos
447
pénétrable, apparemment inébranlable ? À supposer
qu’
on y arrive, créerait-on un chaos ? Une anarchie ? C’est ce que me dis
448
e, créerait-on un chaos ? Une anarchie ? C’est ce
que
me disent ceux qui se croient « réalistes ». Et même certains autres,
449
e Malraux, lequel répète non sans quelque emphase
que
le xxe siècle est le siècle des nations, que la nation est la réalit
450
ase que le xxe siècle est le siècle des nations,
que
la nation est la réalité par excellence du xxe siècle. Je lui répond
451
ité, à y regarder de près14, nous nous apercevons
que
l’État-nation est bien malade. Et tout d’abord, sa souveraineté préte
452
aineté de nos nations européennes ne reste réelle
qu’
en tant que prétexte à refuser les mesures d’union proposées au plan e
453
r les mesures d’union proposées au plan européen,
qu’
il s’agisse du rejet de la CED, ou du veto opposé par certains pays à
454
lesse réelle de l’État-nation ; tant il est clair
qu’
aucun problème écologique ne se laisse définir par nos frontières, et
455
gique ne se laisse définir par nos frontières, et
qu’
aucune frontière politique ou économique n’a jamais arrêté ni tempête,
456
n à des réalités radicalement hétérogènes, telles
que
langue et sous-sol, économie et histoire. Il faudrait un miracle pour
457
a culture, et aux valeurs souvent contradictoires
qu’
elle a héritées de la Grèce, de Rome, de Jérusalem, des Celtes, des Ge
458
oire dans les termes, impraticable. C’est l’idéal
qu’
affirment les juristes et les chefs d’État, et c’est là leur hypocrisi
459
e fédération fondée sur des régions, plus petites
que
nos États actuels, et la plupart du temps chevauchant leurs frontière
460
uropéenne de demain. Mais attention : les régions
que
je conçois et cherche à repérer, à définir, ne seront pas des mini-Ét
461
posées à toutes les réalités publiques. Le modèle
que
nous recherchons prévoit par hypothèse des régions fonctionnelles, c’
462
ans le Contrat social, au chapitre où il démontre
que
plus une cité s’agrandit, moins ses citoyens ont de prise sur ses réa
463
sont les responsables de tout ordre, à tel point
que
dans un grand pays, il n’y a plus que quelques ministres tout puissan
464
à tel point que dans un grand pays, il n’y a plus
que
quelques ministres tout puissants, et dans un très grand pays, un seu
465
utés de toute espèce, aussi nombreuses et variées
que
possible, pluralité des allégeances, liberté garantie par l’exercice
466
1974)e f Le mal stato-national Il semble
que
deux de vos thèmes principaux traversent actuellement une crise aiguë
467
ause est-elle purement fortuite ? Je ne pense pas
qu’
il y ait une crise de la notion de région, mais au contraire une monté
468
omènes, elle n’est aucunement fortuite ; à mesure
que
les frontières s’abaissent, les régions « remontent ». On ne fera jam
469
scours de Lyon, il passait en revue les relations
que
devaient entretenir les régions françaises avec l’extérieur. Presque
470
traire reliés par les Pyrénées. On nous a raconté
que
le Rhin était une frontière naturelle entre les Français et les Allem
471
dée de région ? C’est à partir de l’idée d’Europe
que
je suis parvenu à l’idée de région. J’ai pensé, avec beaucoup de gens
472
avec beaucoup de gens, au lendemain de la guerre,
qu’
il était vital de « faire l’Europe » comme on disait, d’arriver à une
473
ou d’un autre type. Je me suis aperçu très vite
qu’
on ne pourrait pas y arriver à cause de la formule de l’État-nation, à
474
é à abaisser un peu les frontières, on s’aperçoit
que
les régions resurgissent, soit qu’il s’agisse d’anciennes provinces d
475
on s’aperçoit que les régions resurgissent, soit
qu’
il s’agisse d’anciennes provinces dont le relief avait été effacé par
476
été effacé par le bulldozer du jacobinisme, soit
qu’
il s’agisse de régions nouvelles, ou créées par l’économie et par des
477
i ne tiennent pas compte des frontières. À mesure
que
les frontières se dévalorisent entre nos États-nations, les régions r
478
ssairement de langue commune. Pourquoi dites-vous
que
le phénomène des régions ethniques est peut-être le moins sérieux ? A
479
gion Bretagne, mais ils sont obligés de constater
que
le Breton n’est parlé que dans une partie du pays, le reste c’est le
480
nt obligés de constater que le Breton n’est parlé
que
dans une partie du pays, le reste c’est le gallo qui va jusqu’à Renne
481
à voir ensemble, comme la langue, l’économie, ce
qu’
il y a dans le sous-sol, l’état civil, l’histoire, les développements
482
ètement hétérogènes, hétéroclites. J’ai très peur
que
des gens qui voudraient ressusciter les anciennes provinces essaient
483
ntière commune qui serait un mini-État-nation. Ce
qu’
il nous faut éviter à tout prix. Je pense que faire en Europe 300 mini
484
. Ce qu’il nous faut éviter à tout prix. Je pense
que
faire en Europe 300 mini États-nations, au lieu de 25 États-nations s
485
es langues. D’autre part, j’ai dit tout à l’heure
que
la définition d’une région aujourd’hui est beaucoup plus complexe. Qu
486
ne région aujourd’hui est beaucoup plus complexe.
Qu’
elle peut être économique aussi bien qu’ethnique, qu’elle peut être un
487
elle peut être économique aussi bien qu’ethnique,
qu’
elle peut être une question de tradition, ou de développement nouveau,
488
développement nouveau, d’ouverture sur l’avenir ;
que
la plupart des régions intéressantes qui sont en train de prendre for
489
n cercle carré, c’est une impossibilité, c’est ce
que
j’ai appelé souvent « une amicale des misanthropes » : c’est une chos
490
une amicale des misanthropes » : c’est une chose
que
l’on peut dire, mais que l’on ne peut pas faire. Si vous faites une «
491
opes » : c’est une chose que l’on peut dire, mais
que
l’on ne peut pas faire. Si vous faites une « amicale », vous cessez d
492
tourner vers les régions. Ou bien il faut avouer
qu’
on ne veut pas faire l’Europe ; et il faut savoir aussi ce que ça sign
493
t pas faire l’Europe ; et il faut savoir aussi ce
que
ça signifierait : la colonisation de l’Europe, économiquement par l’O
494
. Les chiffres sont absolument étonnants, quelles
que
soient les mesures prises officiellement, surtout les discours faits
495
« indépendance totale » du pays ! Je ne dirai pas
que
je suis antiaméricain ou que je suis antirusse, il faut ne pas se tro
496
ys ! Je ne dirai pas que je suis antiaméricain ou
que
je suis antirusse, il faut ne pas se tromper là-dessus. Je pense que
497
se, il faut ne pas se tromper là-dessus. Je pense
que
la colonisation est une très mauvaise chose. Je ne pense pas que les
498
tion est une très mauvaise chose. Je ne pense pas
que
les Américains et les Russes soient des gens pires que nous, je pense
499
es Américains et les Russes soient des gens pires
que
nous, je pense que la colonisation est pire que tout. Quand un peuple
500
s Russes soient des gens pires que nous, je pense
que
la colonisation est pire que tout. Quand un peuple se met à rendre le
501
s que nous, je pense que la colonisation est pire
que
tout. Quand un peuple se met à rendre les rênes à un autre pour son s
502
rênes à un autre pour son sort quotidien, pour ce
qu’
il doit penser, pour ce qu’il doit acheter, pour ce qu’il doit cultive
503
ort quotidien, pour ce qu’il doit penser, pour ce
qu’
il doit acheter, pour ce qu’il doit cultiver, alors il est perdu. C’es
504
doit penser, pour ce qu’il doit acheter, pour ce
qu’
il doit cultiver, alors il est perdu. C’est la décadence totale d’un p
505
C’est la décadence totale d’un peuple ; c’est ce
que
l’on a vu dans tous les pays colonisés. Donc les raisons de faire l’E
506
c les raisons de faire l’Europe sont plus grandes
que
jamais. Mais les obstacles à l’union sont plus clairs que jamais : c’
507
is. Mais les obstacles à l’union sont plus clairs
que
jamais : c’est la formule de l’État-nation qui prétend à une souverai
508
tradiction fondamentale ? Je ne pense pas du tout
qu’
il faille renverser les États-nations, ni qu’on puisse faire l’Europe
509
tout qu’il faille renverser les États-nations, ni
qu’
on puisse faire l’Europe d’une manière violente ou révolutionnaire. Je
510
une manière violente ou révolutionnaire. Je pense
qu’
on peut renverser des voitures dans la rue, qu’on peut renverser un di
511
se qu’on peut renverser des voitures dans la rue,
qu’
on peut renverser un dictateur, un système parfaitement cohérent et tr
512
volution violente n’a jamais abouti à autre chose
qu’
à renforcer les pouvoirs de l’État. Mais alors, que faut-il faire ? Il
513
u’à renforcer les pouvoirs de l’État. Mais alors,
que
faut-il faire ? Il faut créer une autre Europe, parallèle, une Europe
514
lors de la guerre de Suez par exemple. Vous savez
que
la définition même de la souveraineté nationale est donnée par Jean B
515
soi-disant souveraines, et insistant plus encore
que
n’importe quelle autre sur leur souveraineté absolue, être stoppées à
516
ours russe. Eh bien, il a été démontré ce jour-là
que
la souveraineté nationale absolue était un mythe. Moi je demande simp
517
absolue était un mythe. Moi je demande simplement
que
nous fassions une Europe sur la base des réalités, et pas des mythes.
518
rope sur la base des réalités, et pas des mythes.
Que
nous ne perdions pas de temps et d’énergie à renverser des choses qui
519
ont des symboles, des mythes d’un passé révolu et
que
nous commencions à édifier l’Europe sur les régions que nous devons f
520
us commencions à édifier l’Europe sur les régions
que
nous devons faire, en même temps que nous cherchons à les unir, sur c
521
es faire évoluer… Il y a une expression frappante
que
vous venez d’employer, c’est celle de « mise en place » des organisme
522
mise en circulation, l’erreur fondamentale de ce
que
l’on appelle « la réforme régionale ». Le même phénomène se reproduit
523
ute consultation des gens sur place. Ça, je crois
que
c’est incontestable. À mon sens, il aurait fallu faire exactement le
524
opulation, de la conscience actuelle ou virtuelle
qu’
elle a d’une région. Des possibilités de solutions qui pourraient être
525
e, quitte (je vais y revenir tout à l’heure) à ce
que
l’on organise des régions différemment suivant des fonctions, suivant
526
va donc faire des régions de taille européenne ».
Qu’
est-ce que ça veut dire ? Quand je pousse un peu les gens qui défenden
527
ire des régions de taille européenne ». Qu’est-ce
que
ça veut dire ? Quand je pousse un peu les gens qui défendent ce point
528
point de vue, ils finissent par me dire « il faut
qu’
une région en France soit compétitive avec un Land allemand ». Alors j
529
uvons-nous créer et animer des régions ? Je pense
qu’
il faut être bien conscient des finalités qu’on donne à la création de
530
ense qu’il faut être bien conscient des finalités
qu’
on donne à la création des régions. Pourquoi veut-on faire des régions
531
r faire une chose petite. C’est là un commentaire
qu’
on peut faire sur la réalité, et non une finalité. Ce n’est pas cela q
532
région, les gouvernements français n’ont su dire
qu’
une chose — ce qu’elle ne devait pas être : ni une atteinte à l’unité
533
rnements français n’ont su dire qu’une chose — ce
qu’
elle ne devait pas être : ni une atteinte à l’unité nationale, ni une
534
attente de l’Europe fédérale. Quand diront-ils ce
qu’
elle doit être ? Ce qu’il y a de plus grave dans les États-nations act
535
érale. Quand diront-ils ce qu’elle doit être ? Ce
qu’
il y a de plus grave dans les États-nations actuels, c’est surtout qu’
536
ave dans les États-nations actuels, c’est surtout
qu’
ils laissent le citoyen dans un vide civique, dans un « no man’s land
537
, cela c’est la situation politique la plus grave
que
la civilisation puisse affronter, car cela mène à la dissolution civi
538
l’inconsistance des relations civiques. Je pense
que
cela mène aussi à la criminalité, la délinquance, et pas seulement ju
539
ours ou indifférence qui sont aussi morbides l’un
que
l’autre. Contre cela il faut recréer des communautés, et voilà le pri
540
à le principal motif de faire des régions. Je dis
que
les États-nations sont trop petits à l’échelle internationale, mais t
541
elles, systématiquement, consciemment. Il fallait
que
« le coup électrique de la Raison » donné par la commune de Paris se
542
ent jusqu’aux frontières extrêmes de la France et
que
tout le monde fasse la même chose en même temps. C’est là aussi l’idé
543
avec le terme « prendre le pouvoir ». Et c’est là
que
je me sépare radicalement des marxistes. Ils croient qu’une fois leur
544
me sépare radicalement des marxistes. Ils croient
qu’
une fois leur Parti au pouvoir, c’est-à-dire maître de l’État — c’est
545
pouvoir, c’est-à-dire maître de l’État — c’est ce
qu’
ils appellent la dictature du prolétariat — l’État dépérira nécessaire
546
e du xxe siècle le dément. Il est devenu évident
que
l’État est plus fort que les hommes qui croient s’en emparer. Il les
547
t. Il est devenu évident que l’État est plus fort
que
les hommes qui croient s’en emparer. Il les digère, il les phagocyte,
548
emparer. Il les digère, il les phagocyte, quelle
que
soit leur idéologie, marxiste ou capitaliste, de droite ou de gauche,
549
cation du marxisme d’avant-hier. La vérité, c’est
qu’
il n’y a plus de pouvoir aujourd’hui. Voilà le drame. Nous avons à cré
550
déraliste, est à la fois trop petit et trop grand
qu’
il y a des sociétés multinationales. Les États-nations ont n’importe q
551
s par hasard là. Il n’y a aucune espèce de raison
que
ça coïncide avec un espace économique raisonnable. Donc il est fatal
552
espace économique raisonnable. Donc il est fatal
que
le développement même de l’industrie et du commerce conduise à des so
553
dit par exemple à l’encontre du Marché commun : «
qu’
est-ce que le Marché commun réussit à faire sinon à créer un espace po
554
emple à l’encontre du Marché commun : « qu’est-ce
que
le Marché commun réussit à faire sinon à créer un espace pour les mul
555
les] le renversent ce qui revient au même. Disons
qu’
il n’y a pas seulement des sociétés américaines mais aussi beaucoup de
556
liberté des gouvernants est d’autant plus faible
que
le territoire est plus exigu, et l’État moins fort : les pétroliers f
557
les pétroliers font davantage la loi à Bruxelles
qu’
ils ne la font à Paris. Précisément, vis-à-vis des multinationales du
558
récisément, vis-à-vis des multinationales du type
que
j’appellerai colonisateur, il s’agit de trouver un pouvoir qui pourra
559
’intégrer ou à respecter des communautés humaines
qu’
elles bafouent ouvertement aujourd’hui. Il y en aurait deux : le premi
560
lle ou telle région exactement de la même manière
que
les multinationales vis-à-vis de telle ou telle nation, qui sont en t
561
intérieure qui sont exactement comparables à ceux
que
l’on reproche aux multinationales. La seule différence c’est que les
562
he aux multinationales. La seule différence c’est
que
les frontières ont été supprimées entre les « nations », au sens anti
563
s elles viennent s’implanter et qui n’y cherchent
que
leur profit. Ce que je dis là ne vise pas à exonérer toutes les multi
564
mplanter et qui n’y cherchent que leur profit. Ce
que
je dis là ne vise pas à exonérer toutes les multinationales, mais à a
565
croissance économique Alors cela signifie-t-il
qu’
il faille trouver un nouveau mode de croissance économique ? Vous fait
566
ose à laquelle je n’avais jamais pensé : à savoir
qu’
il y a deux sens au mot « croissance », qui sont absolument différents
567
ts — je dirais presque antinomiques — en tous cas
qu’
il est très dangereux de confondre. La croissance biologique, végétale
568
nologique… Mais c’est par une erreur fondamentale
qu’
ont commise en premier lieu les gestionnaires de notre civilisation. J
569
autoréglée : c’est la même loi de la vie qui fait
qu’
une plante ou un corps animal grandit, s’épanouit, se stabilise autour
570
le qui augmente indéfiniment, mécaniquement, tant
qu’
elle ne bute pas sur un obstacle extérieur ; elle n’a rien en elle-mêm
571
uteur de 2000 m vers 40 ans, à la seule condition
qu’
il puisse se nourrir assez et ne se heurte pas à des obstacles insurmo
572
; nous ne nous sommes absolument pas rendu compte
que
les courbes exponentielles dépassaient toute espèce de réalité humain
573
ent toute espèce de réalité humaine praticable et
qu’
elles monteraient très vite. Qu’elles parviendraient d’ici à la fin du
574
ine praticable et qu’elles monteraient très vite.
Qu’
elles parviendraient d’ici à la fin du siècle, à des altitudes irrespi
575
du club de Rome a été absolument décisif. Quelles
que
soient les critiques qu’on puisse faire sur le choix des paramètres,
576
olument décisif. Quelles que soient les critiques
qu’
on puisse faire sur le choix des paramètres, je n’ai jamais vu un aver
577
s, avant la crise du pétrole, sur cette assertion
que
j’entendais répéter partout : « il nous faut faire des centrales nucl
578
ce qui touche les régions, de nous rendre compte
que
la croissance industrielle, la croissance du PNB, la croissance du re
579
abandonner ça, et nous nous apercevons très vite
que
si nous abandonnons cette idée fondamentalement fausse, nous en viend
580
oduction et l’aménager conformément à la finalité
que
nous acceptons. Je suis très optimiste après la crise du pétrole, par
581
nécessité d’exploiter toutes les formes d’énergie
qu’
on avait laissé de côté avant, comme l’énergie éolienne, l’énergie géo
582
ou c’est de l’intérêt régional ». Moi, je trouve
que
c’est particulièrement intéressant si c’est de l’intérêt régional. Ça
583
ens ni le bien de la région, finalement. Je crois
que
si l’on veut passer à une croissance autoréglée — qui est la croissan
584
c’est par le moyen des petites unités régionales
qu’
on y arrivera le mieux. La région et la commune Pourtant on s’ap
585
La région et la commune Pourtant on s’aperçoit
qu’
actuellement, et depuis un certain nombre d’années, le seul pouvoir mo
586
et puis les mass-médias raisonnent ainsi. Est-ce
qu’
une expression régionale spontanée pourrait en sortir ? On voit mal co
587
t en sortir ? On voit mal comment… La description
que
vous faites de la mentalité d’aujourd’hui n’est pas tout à fait exact
588
as tout à fait exacte. Il n’est pas exact de dire
que
les gens ne sont motivés que par des questions de « fric » ou de pouv
589
st pas exact de dire que les gens ne sont motivés
que
par des questions de « fric » ou de pouvoir d’achat. Naturellement il
590
la publicité. On leur dit à la radio, à la télé,
qu’
ils ne peuvent pas vivre heureux s’ils n’achètent pas tel ou tel produ
591
l, tout tient à cela. Et les gens s’apercevraient
qu’
il y a mille choses dans la vie beaucoup plus importantes pour eux que
592
es dans la vie beaucoup plus importantes pour eux
que
gagner de l’argent. Je le vois chez beaucoup de jeunes gens qui me di
593
és d’intervenir et d’avoir une efficacité. Est-ce
que
l’angoisse communautaire est un effet de la concentration urbaine et
594
e rues où les gens puissent se rencontrer, depuis
que
les places sont devenues des parkings, et que les rues sont envahies
595
uis que les places sont devenues des parkings, et
que
les rues sont envahies par le flot de la circulation des voitures. On
596
chez la grande majorité des hommes, mais qui fait
qu’
aussitôt que quelqu’un prétend leur apporter une réponse, ils marchent
597
de majorité des hommes, mais qui fait qu’aussitôt
que
quelqu’un prétend leur apporter une réponse, ils marchent. Ils ont ma
598
nt. Ils ont marché pour Hitler, sans autre raison
que
celle-là. Il leur disait : « Suivez-moi et vous serez tous ensemble.
599
re pendant ce temps. Cela vous ne pouvez le faire
que
dans un état de société très morbide, où les gens n’ont plus de raiso
600
r par la commune ? Oui ; peut-être par plus petit
que
la commune. Ce que l’on appelle des « communes » par exemple en Améri
601
Oui ; peut-être par plus petit que la commune. Ce
que
l’on appelle des « communes » par exemple en Amérique ; des colonies,
602
lité, vue de l’extérieur, en Suisse il n’y a plus
qu’
un homme sur trois qui habite dans sa commune d’origine. Presque tous
603
es autres sont des étrangers. Donc, il n’y a plus
qu’
une minorité de Genevois. Chose étrange, les mœurs politiques sont res
604
aisons tout à fait mystérieuses, dont il faudrait
que
les sociologues s’occupent un jour pour voir comment se transmet ce g
605
éflexe. Si « le génie du lieu » agit ainsi, c’est
que
l’on peut prendre des racines, et même si l’on change de lieu. L’impo
606
esoin de communauté et besoin de solitude. Est-ce
que
la région, reposant sur la commune, reposant sur des groupes de quart
607
rannie. Car c’est avec la poussière des individus
que
l’État fait son ciment. Cela n’est pas un phénomène nouveau, cela exi
608
e sagesse des Grecs : à Milet, ils avaient décidé
que
, lorsque la population approcherait des 100 000 habitants, une partie
609
finalement par un seul tyran. Cela, c’est une loi
que
Jean-Jacques Rousseau avait très bien définie dans Le Contrat social
610
nistes, américains surtout, et anglais également,
qu’
il faut absolument en revenir aux formules communales. On ne peut pas
611
à l’urbanisme dans tout cela ? Eh bien, je pense
que
c’est une place absolument essentielle parce que tout tient à la form
612
ecture d’une ville, quel est le système politique
qu’
elle représente. Dans le développement de quel système politique voye
613
ela au sens le plus précis du terme, c’est-à-dire
que
l’on est en train de fabriquer des petits soldats, des sujets bien al
614
s autres (« Ils », l’État). On les subit. Tout ce
que
l’on peut, c’est se révolter de temps en temps, mais cela ne sert pas
615
-consommateur docile, et qui n’existe pour l’État
que
sous la forme d’un dossier électronique. Quel type d’urbanisme pourri
616
s nombreuses. Mais une chose très curieuse, c’est
que
les architectes les plus avancés aujourd’hui, comme le Grec Constanti
617
rec Constantin Doxiadis, arrivent au même chiffre
qu’
Aristote et Platon pour l’optimum d’une ville. C’est 50 000 habitants.
618
ches (produits et services). On peut presque dire
que
c’est la loi économique qui a fait que ces villes se sont agrandies d
619
esque dire que c’est la loi économique qui a fait
que
ces villes se sont agrandies démesurément et que notre économie a sec
620
que ces villes se sont agrandies démesurément et
que
notre économie a secrété certaines organisations très complexes. Vous
621
ertaines organisations très complexes. Vous dites
que
l’économie exige une certaine concentration et conduit à faire des gr
622
omie est là au service des hommes. Si on vous dit
que
les dimensions optimums d’une ville exigent une économie décentralisé
623
e prochain livre ? C’est essentiellement ce titre
que
je donne au livre que je suis en train de terminer. Je dis : « l’aven
624
st essentiellement ce titre que je donne au livre
que
je suis en train de terminer. Je dis : « l’avenir est notre affaire »
625
, il faut faire comprendre aux jeunes aujourd’hui
que
c’est leur affaire. Ce n’est pas l’affaire de fatalités auxquelles on
626
on… Mais, il y a d’autres motivations, chez nous,
qu’
il faudrait développer. Justement le désir d’être responsable, d’être
627
loir quelque chose. C’est beaucoup plus important
qu’
une augmentation de 2 % du salaire. Quant à l’autogestion je la prends
628
ns tous les ordres d’activités, autant en atelier
qu’
en entreprise. J’entends ce terme d’atelier au sens où Proudhon l’ente
629
ipalité ». Je suis tout à fait d’accord, je pense
que
l’autogestion doit se développer dans tous les secteurs, dans tous le
630
rendre des décisions. C’est cela le fédéralisme :
que
chacun fasse à son niveau, ce qu’il est capable de faire et que, pour
631
e fédéralisme : que chacun fasse à son niveau, ce
qu’
il est capable de faire et que, pour ce qui dépasse son niveau, il s’u
632
se à son niveau, ce qu’il est capable de faire et
que
, pour ce qui dépasse son niveau, il s’unisse à d’autres. Qu’il ne se
633
e qui dépasse son niveau, il s’unisse à d’autres.
Qu’
il ne se fédère que pour cela, et non pour constituer une puissance te
634
iveau, il s’unisse à d’autres. Qu’il ne se fédère
que
pour cela, et non pour constituer une puissance telle que l’État-nati
635
cela, et non pour constituer une puissance telle
que
l’État-nation, une puissance qui sert à faire n’importe quoi, surtout
636
i sert à faire n’importe quoi, surtout la guerre.
Qu’
il se fédère pour des fonctions bien définies. Mais alors là, sans rés
637
là, sans réserve, en solidarité. Voilà au fond ce
que
j’appelle fédéralisme, et qui résume toute ma doctrine : situer l’hom
638
e réfugier aux États-Unis. C’est outre-Atlantique
qu’
il a découvert a contrario l’originalité de notre continent. Denis de
639
est un futurologue passionné d’écologie, il croit
qu’
aucune fatalité ne pèse sur nos sociétés et que nous sommes maîtres de
640
it qu’aucune fatalité ne pèse sur nos sociétés et
que
nous sommes maîtres de notre destin. C’est ce qu’il dira prochainemen
641
que nous sommes maîtres de notre destin. C’est ce
qu’
il dira prochainement dans son ouvrage intitulé L’Avenir est notre af
642
announcers » (le mot de « speaker » n’est employé
qu’
en France) parmi lesquels se trouvaient Claude Lévi-Strauss et André B
643
soie, si possible traînantes, où la mode voulait
que
l’on fît quelques accrocs ou, avec des cigarettes, quelques trous art
644
une grande liberté de ton. Nous faisions des jeux
que
Breton prenait très au sérieux. Pour lui, le jeu était une sorte d’ex
645
crits, comme celui des questions et des réponses,
que
je préférais. Il se jouait par paires. L’un écrivait trois questions
646
ouait par paires. L’un écrivait trois questions :
qu’
est-ce que ceci ou cela ? ou : qu’arriverait-il si… ? Et l’autre, en m
647
paires. L’un écrivait trois questions : qu’est-ce
que
ceci ou cela ? ou : qu’arriverait-il si… ? Et l’autre, en même temps,
648
ois questions : qu’est-ce que ceci ou cela ? ou :
qu’
arriverait-il si… ? Et l’autre, en même temps, écrivait trois réponses
649
, la personne qui jouait avec moi avait écrit : «
Qu’
arriverait-il si le diable entrait dans cette pièce ? » Je lus ma répo
650
ocessus, l’enchaînement inexorable, en soulignant
que
le système techno-industriel montrait déjà des ratés, et voilà que su
651
chno-industriel montrait déjà des ratés, et voilà
que
sur le mot « raté » toutes les lumières se sont éteintes dans la sall
652
iteurs ont cru à une mise en scène, d’autant plus
que
j’ai continué à parler, suivant mes notes à la lueur d’une torche éle
653
diable » ? Breton m’a souvent parlé de ce livre,
que
j’ai écrit à New York. Il se demandait comment un homme qui croit en
654
ir des relations avec la magie. Car c’est un fait
qu’
au cours de nos jeux surréalistes d’intuition, de divination, de télép
655
ton ? Lui, jamais ! C’était d’autant plus curieux
que
rien ne l’intéressait davantage que les phénomènes, disons de magie,
656
plus curieux que rien ne l’intéressait davantage
que
les phénomènes, disons de magie, les dons médiumniques, la parapsycho
657
es insultes de Breton Un soir, on avait décidé
que
l’on me banderait les yeux et que l’on me mettrait dans la main, succ
658
on avait décidé que l’on me banderait les yeux et
que
l’on me mettrait dans la main, successivement, un objet appartenant à
659
21 par l’occultiste du xixe siècle Éliphas Levi,
que
Breton vénérait. Un jeune philosophe grec fut désigné, que Breton ava
660
n vénérait. Un jeune philosophe grec fut désigné,
que
Breton avait baptisé « le nouveau Hegel ». Il fit le tour de l’assist
661
évi-Strauss, il lui adressa un adjectif louangeur
que
j’ai oublié, puis il le traita de « calomniateur de Freud » parce que
662
e, chassé du paradis. Et là, il y a quelque chose
qu’
on ne peut guère pardonner à Breton, cette faculté qu’il avait d’insul
663
n ne peut guère pardonner à Breton, cette faculté
qu’
il avait d’insulter les gens sans aucune espèce de « raison ». En fait
664
it, après la sortie du « coupable », on s’aperçut
qu’
il restait 21 personnes dans la salle… La « victime » avait été sacrif
665
eux, la ville moderne, c’était Paris, si curieux
que
cela paraisse. Breton détestait New York, qu’il trouvait vide, artifi
666
eux que cela paraisse. Breton détestait New York,
qu’
il trouvait vide, artificiel, sans âme. Je me rappelle un dimanche mat
667
: « Le surréalisme a cinquante ans, si l’on admet
que
sa naissance coïncide avec la publication du Manifeste d’André Breton
668
iches et de l’Occident en général), il m’a semblé
que
l’inquiétude suisse s’expliquait par trois groupes de raisons, fort i
669
e du nanti, « spectateur de l’Histoire » ; est-ce
que
ça va durer, est-ce qu’on va nous laisser longtemps encore tranquille
670
de l’Histoire » ; est-ce que ça va durer, est-ce
qu’
on va nous laisser longtemps encore tranquilles dans notre coin ? (Mot
671
notre coin ? (Motif accessoire : faisons-nous ce
qu’
il faut pour garder notre rang ?) Inquiétude du patriote : dans le mon
672
grands ensembles politiques en formation, est-ce
que
nos libertés, et la Suisse elle-même, en tant qu’État, gardent encore
673
? Inquiétude spirituelle et morale enfin : est-ce
que
tant de paix et de prospérité n’ont pas été gagnées au prix de notre
674
record qui nous reste, d’ailleurs.) Il paraîtrait
que
les Suisses ne cessent de répéter : « Y en a point comme nous ! » Je
675
s ! » Je n’ai jamais entendu cette fameuse phrase
que
dans la bouche de ceux qui la raillaient, et je ne l’ai jamais lue qu
676
ceux qui la raillaient, et je ne l’ai jamais lue
que
sous la plume de Suisses qui affirmaient que les autres suisses pense
677
lue que sous la plume de Suisses qui affirmaient
que
les autres suisses pensent ainsi et qu’ils ont tort. Au bout du compt
678
firmaient que les autres suisses pensent ainsi et
qu’
ils ont tort. Au bout du compte, c’est une propension à l’anxiété, voi
679
on à l’anxiété, voire à l’autodénigrement, plutôt
qu’
à la vanité nationale ou à la simple et naïve complaisance, qui frappe
680
qui est français, sauf le régime au pouvoir (quel
qu’
il soit). L’intellectuel suisse, c’est à peu près le contraire. Les mo
681
uisse » ont sans nul doute une tout autre origine
que
la traditionnelle rouspétance latine, si bien formulée par le titre d
682
contre les Pouvoirs. Ce ne sont pas les Pouvoirs
que
le Suisse inquiet met en cause, mais plutôt ses concitoyens. Sont-ils
683
? Cette réaction fondamentale — et plus générale
qu’
on ne le pense — provient du vieux fond religieux, et les jeunes intel
684
e toute croyance ne se distinguent de leurs ainés
que
par une virulence particulière sur le chapitre des indignations moral
685
iculière sur le chapitre des indignations morales
qu’
ils opposent au moralisme « embourgeoisé » et « hypocrite » des « soi-
686
nos publicistes, qui surcompensaient le reproche
qu’
ils devinaient chez le voisin français par des outrances verbales cont
687
aux grandes puissances notre reconnaissance de ce
qu’
elles nous dispensent de nous mêler à leurs sanglants différends. Par
688
odestie, nous payons à l’Europe blessée le tribut
qu’
il convient de payer à la douleur : le respect. Enfin, par notre modes
689
s’est jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce
que
je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir d
690
it ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin
qu’
on lui pardonne de jouir de son bien-être pendant que d’autres souffre
691
sses, depuis quatre-cents ans, ne sont en réalité
que
les hôtes et les spectateurs de l’Histoire. Considérant les autres pe
692
isiens de la politique, qui remercient Dieu de ce
qu’
ils ne sont pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite m
693
e des Suisses. C’est dans la conscience nationale
que
le jugement de Dieu qui pèse sur le monde nous devient clair. Ceci ne
694
t des concepts théologiques17 dont je ne vois pas
qu’
ils trouvent dans le cas du « malaise suisse » une application pertine
695
pertinente. La neutralité ne pourrait être péché
que
chez ceux qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle est une mesu
696
teurs de l’Histoire » ! S’il s’avère au contraire
que
la neutralité peut se justifier dans bien des cas, on en prendra trop
697
on en prendra trop facilement prétexte pour nier
que
Barth ait raison de la refuser en tant que vertu générale. Essayons d
698
la manière dont les Suisses s’examinent : mettons
que
ce soit de l’autocritique au second degré. Les exemples cités au cour
699
problème moins sur son mérite propre (ou contenu)
que
sur les mérites moraux de ceux qui ont à le résoudre, ou qui l’auraie
700
e, ou qui l’auraient déjà tranché à leur manière.
Que
la critique de l’utilitarisme, du neutralisme, du moralisme suisses s
701
dus à de jeunes auteurs progressistes, on ne peut
que
lui donner raison, et puis les vrais problèmes se posent, ou plutôt :
702
posent, ou plutôt : ils sont encore là, attendant
qu’
on les examine une fois passés nos examens de conscience. « Quels prob
703
e Manchester, de Malmö ou de Livourne. On pensait
que
tous ces problèmes étaient moins difficiles chez vous, dans vos petit
704
es Suisses d’un air soucieux, mais rien ne prouve
que
ça va durer. Le Marché commun nous menace. Notre neutralité n’est pas
705
comprise. Notre fédéralisme est compromis, et ce
qu’
il en reste freine l’élan des entreprises. Est-ce qu’il y aura une pla
706
il en reste freine l’élan des entreprises. Est-ce
qu’
il y aura une place pour nous dans le monde qui vient ? Satiriques, ve
707
ent ? Satiriques, vengeurs ou navrés, les sermons
que
j’ai cités ne changeront rien à l’évolution qu’ils dénoncent, tant qu
708
s que j’ai cités ne changeront rien à l’évolution
qu’
ils dénoncent, tant qu’ils n’ouvriront pas les voies d’un dépassement
709
ngeront rien à l’évolution qu’ils dénoncent, tant
qu’
ils n’ouvriront pas les voies d’un dépassement de nos petitesses. « Be
710
», gémit Ramuz, crispé. Mais démontrer aux hommes
qu’
ils voient trop court n’est pas le meilleur moyen de les libérer. Il f
711
rs. Mieux vaudrait donc, me semble-t-il, proposer
que
les Suisses s’élèvent à la hauteur de leur régime fédéraliste, dont p
712
pas un seul de leurs censeurs n’a jamais suggéré
qu’
ils l’échangent contre un régime totalement différent, communiste ou f
713
grandeur des Suisses, je ne la vois pas ailleurs
que
dans les raisons d’être de leur communauté peu croyable mais vraie —
714
r communauté peu croyable mais vraie — ce miracle
qu’
il faut traduire en formules désormais communicables, et qu’il faut as
715
traduire en formules désormais communicables, et
qu’
il faut assumer dans toutes ses dimensions non seulement morales mais
716
un homme de ses doutes brumeux et de son anxiété
qu’
un défi bien concret, venant de l’extérieur. Et de même que l’Europe a
717
xtérieur. Et de même que l’Europe a mieux à faire
que
d’offrir au tiers-monde le masochisme de certains écrivains auxquels
718
rmet seule de se dire progressistes, j’ose penser
que
la Suisse a mieux à faire qu’à cultiver ses inquiétudes locales. Qu’e
719
istes, j’ose penser que la Suisse a mieux à faire
qu’
à cultiver ses inquiétudes locales. Qu’elle prenne conscience de l’ave
720
ux à faire qu’à cultiver ses inquiétudes locales.
Qu’
elle prenne conscience de l’avenir qu’elle représente pour une Europe
721
es locales. Qu’elle prenne conscience de l’avenir
qu’
elle représente pour une Europe qui n’en sait rien encore ! Je ne conç
722
est dans une modestie trop commode, un peu lâche,
que
réside sa pire tentation et vraiment son péché virtuel — qui est la p
723
ntaire d’une enquête sociologique sur les examens
que
passent les recrues, dans le journal de la Migros, Construire. p. R
724
paraissait appeler la compétence de l’économiste
que
je ne suis pas. Mais je dois vous faire un aveu : si j’ai finalement
725
ous parler de la société post-industrielle, c’est
que
j’ai vu là une occasion inespérée d’essayer de comprendre moi-même ce
726
ion inespérée d’essayer de comprendre moi-même ce
que
cette expression peut signifier, ou peut-être devrait signifier. Quan
727
ier. Quand on parle de société post-industrielle,
que
veut-on dire ? Je vois d’abord ce qui est exclu : une société dans la
728
cavernes. On ne veut pas dire non plus, je crois,
qu’
une société post-industrielle serait celle où les besoins et les désir
729
post-industrielle ne peut signifier concrètement
que
ceci : un changement de cap, un changement de finalités, une nouvelle
730
eut des valeurs tout à fait différentes de celles
qu’
impliquait et imposait la société précédente. Ce changement est encore
731
soi, n’étaient pas discutés ni discutables, mais
que
la crise actuelle nous oblige à reconsidérer : et tout d’abord le tra
732
mais une croissance indéfinie, sans autre mesure
que
numérique, une croissance qui n’avait donc rien de commun, sauf le no
733
être mesuré, pesé et compté, et de cela seul. Ce
que
nous pouvons nommer aujourd’hui société industrielle — parce que déjà
734
éristique d’inverser cette déclaration et de dire
que
, dorénavant, c’est l’automobile qui doit s’adapter à Paris — c’est-à-
735
trielle à une société post-industrielle, je crois
qu’
on pourrait le résumer aussi par le contraste entre les attitudes de d
736
ont les hommes et non les firmes. » Il me semble
que
tout le contraste entre les deux types de sociétés est là : besoins d
737
? C’est sur l’opposition de ces deux conceptions
que
je voudrais vous présenter quelques remarques et suggestions. III
738
riel en principe travaille trop, parce qu’il faut
que
la firme produise toujours plus. La vie humaine se voit dès lors subo
739
Il n’y aura pas de société post-industrielle tant
que
la seule alternative au travail sera le chômage, véritable « temps vi
740
ail sera le chômage, véritable « temps vide ». Ce
que
la société nouvelle doit apporter, c’est le dépassement de l’oppositi
741
a distinction entre labeur et jeu, entre la peine
qu’
on prend et le plaisir qu’on en a, entre les contraintes de la matière
742
et jeu, entre la peine qu’on prend et le plaisir
qu’
on en a, entre les contraintes de la matière et la liberté de l’esprit
743
ée des facultés créatrices de chacun. J’ajouterai
que
la société post-industrielle devrait aussi permettre à tout homme de
744
être payé, ou à payer pour pouvoir gagner une vie
qu’
il n’aura même plus le temps de vivre ! IV Le nœud du problème,
745
de leur croissance provoquée. Le meilleur exemple
que
l’on puisse donner d’un tel processus, c’est de toute évidence celui
746
mmé Henry Ford, croise à huit miles de Detroit ce
qu’
il appelle « une locomotive routière ». Il a vécu ce jour-là, dit-il,
747
xiste encore dans le monde guère plus de voitures
que
d’inventeurs, et ces fantaisies pour millionnaires resteront sans len
748
… Cette invention, aujourd’hui oubliée, n’a connu
qu’
échecs et désapprobations des autorités scientifiques. » Deux ans plus
749
à l’oubli rapide, telle est la voiture automobile
que
Messieurs Benz et Daimler viennent de présenter au Kaiser Guillaume.
750
d, lui, marche à l’étoile, avec toute l’assurance
que
peuvent donner aux ambitions d’un petit campagnard son ignorance du r
751
e là le motif principal de la discipline forcenée
qu’
il imposera plus tard à ses ouvriers, afin de les détourner du vice, f
752
it alors —, Ford va changer tout cela. C’est dire
qu’
il va changer la nature même des besoins de l’homme occidental, et sur
753
s de l’homme occidental, et surtout la conscience
que
l’homme a de ses besoins, en faisant passer au premier rang le plus a
754
ons. Elle mène à l’usine, au bureau, plus souvent
que
vers les vacances. Elle détruit les campagnes dont elle était censée
755
ent : « Nous ne sommes plus accoutumés à aller où
que
ce soit autrement qu’en auto. Les trains reviennent à la mode, mais c
756
plus accoutumés à aller où que ce soit autrement
qu’
en auto. Les trains reviennent à la mode, mais ce n’est qu’une passade
757
o. Les trains reviennent à la mode, mais ce n’est
qu’
une passade. Ce pays a développé une manière de vivre particulière à c
758
eurs nouvelles existent et agissent en nous déjà,
que
les valeurs « fordiennes » nous apparaissent bizarres, ou puériles, e
759
assuré le succès d’Henry Ford. Partant de l’idée
que
les solutions à notre crise économique ne sont pas économiques, mais
760
le profit, non moral, ni social, mais financier.
Qu’
on m’entende bien : je n’ai rien contre le profit en soi, que tout le
761
ende bien : je n’ai rien contre le profit en soi,
que
tout le monde approuve en pratique. Mais je suis contre le profit con
762
de mesure pour l’homme, ni pour la cité. Il n’est
qu’
un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’est pas autorégulé, et pa
763
sure systématique, destructeur de l’humain autant
que
de la nature. Dans la nouvelle société, le progrès recherché sera ver
764
intoxicante ; vers la compétition éthique plutôt
que
financière, ou militaire, ou nationale ; et vers le souci d’être util
765
nationale ; et vers le souci d’être utile plutôt
que
redoutable à ses voisins, qu’il s’agisse de personnes ou d’États. La
766
d’être utile plutôt que redoutable à ses voisins,
qu’
il s’agisse de personnes ou d’États. La société industrielle veut augm
767
lus nécessiteux, dépendants des besoins matériels
qu’
elle multiplie par la publicité. La société nouvelle, visant à satisfa
768
publicité, ou déduits de courbes de consommation
qu’
on tentait de relever jusqu’à l’exponentiel. Le marketing a introduit
769
dra l’aide d’une échelle, et c’est précisément ce
que
l’escalier avait pour seule fonction de vous éviter. Nous avons vu qu
770
pour seule fonction de vous éviter. Nous avons vu
que
la prolifération illimitée de l’automobile aboutit à l’embouteillage,
771
train de faire fortune : Small is beautiful. Non
que
la petitesse soit bonne en soi : c’est une question de proportions. M
772
st une question de proportions. Mais il est clair
que
nos trop grands États croient devoir se doter d’armements à leur tail
773
n’en finirais plus. Je terminerai sur la question
qu’
on va me poser, inévitable : « Votre modèle post-industriel a-t-il des
774
ser ? » J’ai coutume de répondre à cette question
que
nous ne sommes pas là pour prévoir ou deviner notre avenir, mais pour
775
r ou deviner notre avenir, mais pour le faire. Et
que
la décadence d’une société commence quand on pose la question : « Que
776
ne société commence quand on pose la question : «
Que
va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-je faire ? »
777
ue va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : «
Que
puis-je faire ? » o. Rougemont Denis de, « Au-delà de la société
778
s’est jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce
que
je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir d
779
it ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin
qu’
on lui pardonne de jouir de son bien-être pendant que d’autres souffre
780
seconde. La fierté légitime et la gêne explicable
qu’
éprouvent la plupart des Suisses dans les années 1945 à 1950 de ce siè
781
que la volonté de solidarité compense cette gêne
que
l’on éprouve au chevet de l’Europe malade. Mais cette « neutralité ac
782
avec l’URSS, puis avec la Chine de Mao — démarche
que
la plupart des États européens n’ont pas osé faire jusqu’alors. Cepen
783
i nous, proposent, dès le lendemain de la guerre,
que
la formule de l’État suisse, c’est-à-dire le système fédéraliste, soi
784
lle se fédérera et deviendra neutre. C’est-à-dire
qu’
elle sera ou bien balkanisée, ou bien helvétisée. » À quoi toute la Su
785
et la majorité « réaliste » des Suisses répondent
qu’
une certaine humilité convient seule à ce petit pays, et qu’il serait
786
taine humilité convient seule à ce petit pays, et
qu’
il serait parfaitement illusoire et utopique d’imaginer que des soluti
787
ait parfaitement illusoire et utopique d’imaginer
que
des solutions suisses puissent être un seul instant prises au sérieux
788
uissances » de l’époque. Et pourtant il est clair
que
la vérité d’une idée ne dépend pas de la taille de celui qui la formu
789
pend pas de la taille de celui qui la formule, et
que
les « petits pays » — voyez les statistiques — ont l’avantage sur les
790
civisme, et aux vraies libertés. (C’est tout cela
que
les « grands pays » perdent un peu plus, et sans retour, à chacune de
791
urce de controverses constamment irritantes, soit
que
l’État l’invoque pour refuser d’adhérer à tel organisme international
792
ser d’adhérer à tel organisme international, soit
que
l’étranger l’estime lésée par la moindre manifestation spontanée du s
793
tation spontanée du sentiment populaire, pour peu
qu’
il ne lui soit pas inconditionnellement favorable. Les conseils législ
794
ilitaire ou nucléaire. L’université leur réplique
qu’
il s’agit là d’un calcul faux, parce qu’à trop courte vue, la qualité
795
re étrangère rappelle quotidiennement aux Suisses
qu’
ils ne peuvent être seuls au monde. Il n’apparaît donc plus possible d
796
La Suisse face à l’Europe Il paraît évident
que
le fédéralisme de formule suisse est la solution qui s’impose si l’on
797
coutumes particulières. Mais il se trouve, hélas,
que
le fédéralisme n’est guère mieux compris par les Suisses — qui s’en r
798
ux compris par les Suisses — qui s’en réclament —
que
par les autres peuples de l’Europe — qui ne voient pas bien ce qu’ils
799
s peuples de l’Europe — qui ne voient pas bien ce
qu’
ils pourraient en faire. Dans la partie romande surtout, on a pris l’h
800
résistance à « Berne », c’est-à-dire aux mesures
qu’
on baptise « centralisatrices », alors qu’elles sont, justement, « féd
801
nes. Le fédéralisme n’est rien d’autre, en effet,
qu’
une manière de se mettre ensemble pour faire ce dont aucun ne serait c
802
t selon la même logique, d’un pouvoir continental
qu’
il reste à créer mais que la nature des choses et les dimensions mêmes
803
d’un pouvoir continental qu’il reste à créer mais
que
la nature des choses et les dimensions mêmes de la tâche appellent no
804
cennie bien plus clairement encore, il est apparu
que
notre neutralité, garantie par le traité de Vienne comme étant « dans
805
les intérêts de l’Europe entière », veut en effet
que
la Suisse refuse de prendre parti entre les « puissances » dont les r
806
lités divisent l’Europe, mais ne veut pas du tout
qu’
elle se déclare neutre par rapport à l’union de l’Europe en train de s
807
plupart des agences spécialisées de l’ONU (telles
que
l’Unesco, le Haut Commissariat pour les réfugiés, le Bureau internati
808
iques, sociales, scientifiques, écologiques, etc.
que
les réalités du siècle imposent à nos États, entraîne nécessairement
809
passements de la « souveraineté nationale » telle
que
le siècle dernier pouvait encore la définir. Les problèmes concrets q
810
actuelle dans les domaines les plus divers, tels
que
ceux de l’énergie, de la monnaie, de la main-d’œuvre ou de l’environn
811
-d’œuvre ou de l’environnement, obligent à penser
que
la formule de bon sens, qui est celle du fédéralisme helvétique, ne s
812
unautés capables de les gérer, il devient évident
que
les Suisses ne peuvent plus limiter la coopération fédéraliste à leur
813
n autoritaire de ses voisins. Il est donc évident
que
notre fédéralisme ne peut se maintenir dans nos cantons qu’à la seule
814
fédéralisme ne peut se maintenir dans nos cantons
qu’
à la seule condition de s’étendre, quand il le faut, au-delà des limit
815
La Suisse face au monde Les tâches nouvelles
que
l’humanité doit assumer dans les années 1970-1980 sont presque toutes
816
presque toutes de dimensions intercontinentales,
qu’
il s’agisse de la répartition de l’énergie, de la lutte contre la fami
817
isse a bien le droit de rappeler, sans se vanter,
qu’
elle a créé de toutes pièces la Croix-Rouge, et qu’elle est l’hôte gén
818
u’elle a créé de toutes pièces la Croix-Rouge, et
qu’
elle est l’hôte généreuse et attentive de plusieurs dizaines d’organis
819
par les dernières votations), ne pourrait réussir
qu’
au prix de sacrifices matériels d’un héroïsme peu probable, et au surp
820
on, famine, paix. C’est entre ces termes extrêmes
que
se pose en permanence, depuis longtemps, le problème de l’entrée de l
821
de faire entendre sa voix en faveur des formules
qu’
elle illustre de toute son histoire : la fédération, les communes, le
822
pe et du monde, c’est sur sa propre raison d’être
que
la Suisse d’aujourd’hui se voit amenée à s’interroger. Et ce n’est qu
823
rd’hui se voit amenée à s’interroger. Et ce n’est
qu’
au nom de ses buts humains en tant qu’État fédératif qu’elle peut doré
824
nom de ses buts humains en tant qu’État fédératif
qu’
elle peut dorénavant justifier ses options. n. Rougemont Denis de,
825
e d’un peuple heureux . Aujourd’hui, il me semble
que
ce « modèle » (au sens scientifique) reste viable tel que je le décri
826
modèle » (au sens scientifique) reste viable tel
que
je le décrivais alors, à quelques précisions près. J’ai été amené à p
827
n’ont souvent pas conscience, réside dans le fait
que
les sept conseillers fédéraux ne sont pas du tout l’émanation des can
828
ne sont pas du tout l’émanation des cantons, mais
qu’
ils sont désignés en fonction de leurs compétences particulières pour
829
ommun, à Bruxelles, compte autant de commissaires
que
de pays membres. Cette dernière formule n’est bonne qu’à aggraver les
830
pays membres. Cette dernière formule n’est bonne
qu’
à aggraver les divergences d’intérêt entre les nations membres, à la d
831
ration. La difficulté, avec le fédéralisme, c’est
que
peu de gens savent réellement ce que c’est. Il est presque totalement
832
lisme, c’est que peu de gens savent réellement ce
que
c’est. Il est presque totalement méconnu hors de Suisse, et les Suiss
833
i a répandu ces erreurs. On nous a fait apprendre
qu’
à l’origine, la Suisse s’était formée par la fédération de trois canto
834
sur la prairie du Grütli. Tout cela est une fable
qu’
il n’est même pas intéressant de réfuter. En réalité, les choses se so
835
inistration et tout le gouvernement. C’est-à-dire
qu’
à l’origine du fédéralisme suisse se trouve ce qu’on appellerait aujou
836
qu’à l’origine du fédéralisme suisse se trouve ce
qu’
on appellerait aujourd’hui la volonté d’autonomie locale et d’autogest
837
et d’autogestion. C’est surtout à partir de 1848
que
le fédéralisme suisse a changé, sous l’influence des États voisins, q
838
sens du fédéralisme. Je suis frappé de constater
que
la plupart de ceux qui se disent fédéralistes sont en réalité des nat
839
té des nationalistes cantonaux. Se fondant sur ce
qu’
ils tiennent pour les erreurs de 1848, ils s’imaginent que la vie du f
840
iennent pour les erreurs de 1848, ils s’imaginent
que
la vie du fédéralisme consiste surtout à défendre les intérêts de leu
841
e cela. » Ce genre de malentendu provient du fait
qu’
en Suisse aussi, on raisonne encore trop souvent en fonction de catégo
842
mie des régions, dans les partis de gauche autant
que
dans les partis de droite. C’est une question d’attitude, de mentalit
843
ités du xxe siècle et non du xixe . Il me semble
qu’
aujourd’hui, ceux qui défendent l’autogestion régionale et communale s
844
dans le droit-fil de la pratique du fédéralisme.
Qu’
ils soient de gauche ou de droite ne m’intéresse guère : l’essentiel,
845
’essentiel, c’est la forme concrète de communauté
qu’
ils défendent. Je retrouve, chez les partisans de l’autogestion au sen
846
le même conflit entre les réalités locales et ce
qu’
on appelle trop facilement les « nécessités » nationales, continentale
847
êcher cette mainmise « étatique » avant la lettre
que
les Suisses se sont ligués. On observe un phénomène comparable aujour
848
nsoutenable. Le projet n’est soutenu, d’ailleurs,
que
par les trois États qui se partagent la région de Bâle, c’est-à-dire
849
Français d’Alsace et d’Allemands du pays de Bade.
Qu’
on ne vienne pas attribuer le mérite des manifestations de Kaiseraugst
850
ns gauchistes ». Leurs groupuscules ne sont venus
qu’
après coup s’adjoindre à la grande majorité des hommes et des femmes q
851
le camp. Ils tentaient d’exploiter une situation
qu’
ils n’avaient pas créée, et qui ne va pas exactement dans leur sens, c
852
fédéralistes : ils ont de tout autres vues. Mais
qu’
importe ! L’essentiel, qui est une chose historique, c’est la réaction
853
— de gauche comme de droite, une fois de plus —,
que
les occupants de Kaiseraugst étaient sortis de la légalité et qu’ils
854
s de Kaiseraugst étaient sortis de la légalité et
qu’
ils étaient les « fossoyeurs de la démocratie ». Je ne sais pas si les
855
reilles connaissent la légende de Guillaume Tell.
Qu’
ils la relisent, et ils se rendront compte que notre héros national su
856
ll. Qu’ils la relisent, et ils se rendront compte
que
notre héros national suisse n’était pas particulièrement respectueux
857
évident, et vous le savez. Vous n’avez avec vous
que
la justice, et vous êtes au surplus en état de légitime défense. Vous
858
s’agit de savoir quelle finalité on vise. Est-ce
qu’
on attache vraiment plus d’importance au « niveau de vie » qu’à la lib
859
e vraiment plus d’importance au « niveau de vie »
qu’
à la liberté ? Dans ce cas, autant faire des centrales nucléaires, qui
860
rale, les hommes font toujours toutes les bêtises
qu’
ils peuvent faire, et cela depuis plusieurs dizaines de milliers d’ann
861
lliers d’années. Il n’y a pas de raison de penser
qu’
ils vont changer tout d’un coup, dans les quelques années qui viennent
862
n coup, dans les quelques années qui viennent, et
que
par exemple ils renoncent aux centrales nucléaires. Si les gens ne so
863
s d’entendre un discours raisonnable, comme celui
que
je tiens ici, sur quoi compter alors ? Sur un certain nombre de désas
864
’imaginent, surtout depuis une centaine d’années,
que
le dernier mot de la vie, c’est le confort, et que si on éliminait le
865
ue le dernier mot de la vie, c’est le confort, et
que
si on éliminait les choses excessives, les tensions trop fortes, tout
866
tous les sens du mot histoire. Il n’y aurait plus
qu’
une espèce de raison moyenne qui dominerait, dans l’ennui total et féd
867
déchaîner sur la planète. C’est pour cette raison
que
les États-Unis, qui sont de loin la plus grande puissance militaire d
868
re sécurité dans le monde qui vient. Il faut donc
que
la Suisse retrouve ce qui était son attitude et sa mentalité originel
869
rce des choses. Par la pédagogie des catastrophes
qu’
elle n’aura pas pu éviter, car elles seront mondiales, mais contre les
870
tre lesquelles elle sera peut-être mieux prémunie
que
les grands. q. Rougemont Denis de, « Le Morgarten du XXe siècle »,
871
nis de, « Le Morgarten du XXe siècle », La Suisse
qu’
ils veulent, Lausanne, L’Âge d’homme, 1975, p. 71-77.
872
en de mettre en valeur le fait, historique autant
que
psychologique, que « l’Amour » tel qu’on le parle et qu’on le vit dan
873
eur le fait, historique autant que psychologique,
que
« l’Amour » tel qu’on le parle et qu’on le vit dans la culture occide
874
que autant que psychologique, que « l’Amour » tel
qu’
on le parle et qu’on le vit dans la culture occidentale, à la différen
875
chologique, que « l’Amour » tel qu’on le parle et
qu’
on le vit dans la culture occidentale, à la différence de l’amour tel
876
lture occidentale, à la différence de l’amour tel
qu’
il est codifié et vécu dans les autres cultures, se trouve lié dans sa
877
n cinématographique au xxe siècle. Preuve en est
que
nos psychologues « scientifiques » et psychanalystes de toute école p
878
es les innombrables contradictions de l’amour tel
que
nous le vivons et, plus encore, tel que nous l’écrivons. Cinq nivea
879
amour tel que nous le vivons et, plus encore, tel
que
nous l’écrivons. Cinq niveaux À la base — au regard des modernes
880
es —, l’instinct sexuel, c’est-à-dire une pulsion
que
tout être éprouve à un moment donné de son développement, même sans a
881
, mais, chez l’homme, moins étroitement déterminé
que
chez tous les autres animaux : les mâles en tout temps excitables, le
882
on du christianisme (dont on peut nier d’ailleurs
qu’
il soit une « religion » au sens sociologique du terme). Il n’en va pa
883
as de même de la passion, forme d’amour liée plus
que
toute autre à ses expressions littéraires (au « discours amoureux » c
884
t l’auto-intoxication, favorisée par la publicité
que
lui font nos romans, nos poèmes, nos chansons et nos opéras. C’est le
885
e, seront extase et mort. L’amour du prochain tel
qu’
il est, ou tel que le regard aimant est capable de le susciter, c’est
886
t mort. L’amour du prochain tel qu’il est, ou tel
que
le regard aimant est capable de le susciter, c’est l’inverse de la pa
887
mour du prochain dans le même rapport dialectique
que
l’érotisme l’est à l’instinct sexuel. L’Éros grec Le vocabulair
888
t progrès moral et spirituel, mais à la condition
qu’
en lui et par lui prévale toujours sur l’instinct génésique la recherc
889
périeur de l’Éros véritable. Il est bien certain
que
la conception platonicienne a dominé tout le développement de la civi
890
ropéenne, malgré quelques résistances isolées, et
qu’
elle constitue l’apport principal de la Grèce à ce qu’on peut appeler
891
lle constitue l’apport principal de la Grèce à ce
qu’
on peut appeler la métaphysique de l’amour (R. Flacelière, L’Amour en
892
our (R. Flacelière, L’Amour en Grèce). Il semble
que
Platon agit sur nous comme une information héréditaire. Personne ne
893
moureuse », où les amants croient « ne plus faire
qu’
un », tous ceux qui qualifient l’être aimé de « ma moitié » (variante
894
ifiante, idéalisante, on aurait tort d’en inférer
que
les Grecs n’ont pas connu le couple sombre Éros-Thanatos, amour et mo
895
thes en effet, écrit R. Flacelière, nous montrent
que
les Grecs ont médité sur les rapports mystérieux de l’amour et de la
896
dèle aux deux autres.) On peut penser, cependant,
que
ces trois mythes illustrent davantage le rêve ou l’idéal de « l’amour
897
vantage le rêve ou l’idéal de « l’amour plus fort
que
la mort » que la passion de « l’amour pour la mort » qui est, comme n
898
e ou l’idéal de « l’amour plus fort que la mort »
que
la passion de « l’amour pour la mort » qui est, comme nous le verrons
899
de Plutarque, saint Paul, avait écrit de son côté
que
le mariage est « un grand mystère (mystérion méga) ». Rencontre d’aut
900
rion méga) ». Rencontre d’autant plus surprenante
que
saint Paul, avant même que les évangiles aient été rédigés, ne cesse
901
e de dénoncer dans ses épîtres le sacré tant juif
que
païen (hellénistico-romain surtout), qu’il range sous la catégorie de
902
ant juif que païen (hellénistico-romain surtout),
qu’
il range sous la catégorie de la Loi et auquel il oppose la « liberté
903
olution paulinienne consiste dans la proclamation
que
« tout m’est permis, mais tout n’est pas utile » (Épître aux Romains)
904
circoncision notamment). La vie sexuelle n’y joue
qu’
un rôle quelconque, à peu près invisible et sans drame. (Paroles de Jé
905
e ne figure pas au nombre des tentations majeures
que
Satan fait subir au Christ dans le désert. Le paradoxe fondamental de
906
l’érotique, dans l’ère chrétienne, tient en ceci
que
le christianisme, religion de l’Amour (« Dieu est Amour »), créé par
907
par un acte d’amour (« Dieu a tant aimé le monde
qu’
il a donné son Fils unique… »), et dont toute la loi se résume dans le
908
anisé. Contre l’opinion générale des Grecs autant
que
de l’Inde et de la Chine, saint Paul fait de l’amour matrimonial, sex
909
e intarissable de problèmes, tant pour la société
que
pour l’individu. Au surplus, lié dès l’origine à la réalité de la per
910
vait se produire — et en effet ne s’est produit —
que
dans la sphère d’influence du christianisme. Mais, entre la position
911
siècle, l’amour antique s’est éclipsé, et celui
que
nous croyons seul « naturel » et « aussi vieux que l’humanité » ne do
912
ue nous croyons seul « naturel » et « aussi vieux
que
l’humanité » ne donne encore que de malingres témoignages de son exis
913
et « aussi vieux que l’humanité » ne donne encore
que
de malingres témoignages de son existence en Europe, parmi lesquels o
914
à la reine Radegonde, alors retirée au monastère
qu’
elle avait fondé à Poitiers. Ce clerc fait à la femme une place capita
915
ntiment, le désir et la passion, n’a pris ce sens
qu’
avec la poésie des troubadours. Cette poésie apparaît subitement dans
916
prenante rapidité. Elle ne ressemble à rien de ce
qu’
avaient connu le monde antique et le monde christianisé, à part les ra
917
nière des cours seigneuriales), on ne peut croire
qu’
elle n’ait été que la trouvaille plus ou moins fortuite de quelques mo
918
igneuriales), on ne peut croire qu’elle n’ait été
que
la trouvaille plus ou moins fortuite de quelques moines musiciens de
919
us. Mais, s’ils avaient raison, comment concevoir
que
cette poésie ait pu transformer nos manières de sentir, et nos mœurs,
920
spiritualisme épuré, tous condamnent le mariage —
que
le pape Grégoire VII vient d’interdire aux prêtres —, tous professent
921
—, tous professent la divinité de l’âme et jugent
que
, le corps étant vil, rien de ce qu’il fait ne saurait engager le salu
922
âme et jugent que, le corps étant vil, rien de ce
qu’
il fait ne saurait engager le salut : « Point de péché au-dessous du n
923
ces sectes dualistes. Et Joachim de Flore annonce
que
l’Esprit-Saint, dont l’ère va commencer, s’incarnera dans une Femme.
924
lon laquelle le mariage sans amour vaudrait mieux
que
l’amour sans mariage — mais surtout d’avoir soumis l’Éros au discours
925
tique et romanesque, d’avoir découvert, en somme,
que
c’est le langage qui permet de transformer la pulsion instinctuelle e
926
qui se « déclare » par des mots. On peut soutenir
que
l’histoire de l’Éros en Occident, des troubadours à notre siècle, se
927
abord dans la mystique, non moins liée au langage
que
la littérature, dans la mode, dans les formes réglées de la guerre et
928
badours datant du milieu du xiie siècle montrent
que
la légende était connue des troubadours dans le temps même où la prem
929
de l’amour même, l’amour de l’état amoureux plus
que
de l’Autre tel qu’il est, qu’on ne rejoindra que pour mourir ; et mêm
930
’amour de l’état amoureux plus que de l’Autre tel
qu’
il est, qu’on ne rejoindra que pour mourir ; et même l’élan de l’hérés
931
’état amoureux plus que de l’Autre tel qu’il est,
qu’
on ne rejoindra que pour mourir ; et même l’élan de l’hérésie ne manqu
932
que de l’Autre tel qu’il est, qu’on ne rejoindra
que
pour mourir ; et même l’élan de l’hérésie ne manque pas : « Amour » v
933
de l’hérésie ne manque pas : « Amour » vaut plus
que
la simple vérité, que le sacré social, que les devoirs religieux, que
934
e pas : « Amour » vaut plus que la simple vérité,
que
le sacré social, que les devoirs religieux, que la foi même, à la lim
935
t plus que la simple vérité, que le sacré social,
que
les devoirs religieux, que la foi même, à la limite (comme on le voit
936
, que le sacré social, que les devoirs religieux,
que
la foi même, à la limite (comme on le voit par exemple dans l’épisode
937
motifs psychologiques et religieux de la cortezia
que
les troubadours exprimaient dans le cri, le soupir, la mélopée ou la
938
es structures mêmes le secret du pouvoir immodéré
qu’
il exerce depuis des siècles sur l’affectivité occidentale ? Le der
939
Le dernier tabou, le plus fort Nous avons vu
que
le « problème sexuel » est né dans le monde christianisé du fait de l
940
el (sauf exception comme chez les pharaons), mais
que
les évangiles ne mentionnent même pas, n’a jamais cessé d’exercer son
941
té médiévale, devient obligation sacrée, pour peu
qu’
une parenté soit découverte, fût-ce au septième degré, entre mari et f
942
se voit contraint de répudier sa première femme,
qu’
il aime, parce qu’elle est sa cousine au quatrième degré et qu’elle a
943
arce qu’elle est sa cousine au quatrième degré et
qu’
elle a tenu avec lui un enfant sur les fonts baptismaux. La terreur de
944
d’Iseut, c’est ainsi de sa future « mère » légale
qu’
il tombe passionnément amoureux. La condamnation de l’inceste pèse don
945
la garder pour lui selon la coutume chevaleresque
qu’
illustrent les tournois dont la dame est le « prix ». S’il n’en fait r
946
u subsistant, du pire obstacle imaginable — celui
que
l’on pressent comme le plus « efficace » pour enflammer le désir des
947
s périlleux) et des séparations (parfois voulues)
qu’
exige et que régit la dialectique du mythe, jusqu’à la catastrophe fin
948
et des séparations (parfois voulues) qu’exige et
que
régit la dialectique du mythe, jusqu’à la catastrophe finale, où la r
949
acle dernier, fin du « roman ». Tel est le secret
que
le mythe a pour fonction, comme toujours, d’exprimer tout en le voila
950
par une « erreur » sans laquelle point de roman —
que
naît l’amour-passion, l’amour subi, celui qui fera dire à l’ermite re
951
ers la société, envers l’autre et envers soi-même
que
Freud (dès 1923, dans Das Ich und das Es) appellera le surmoi : c’est
952
n croit être amoureux parce qu’elle a dit un jour
que
« non, elle ne serait pas libre demain soir ». Elle est toujours la f
953
par mille traverses astucieusement renouvelées et
que
suscitent à plaisir (littéralement) les ruses inépuisables de l’amour
954
« femme impossible ». Mais, si débile et complexé
qu’
il apparaisse le plus souvent dans le roman contemporain, il n’en rest
955
nt, à l’expérience comme à la lecture des romans,
que
la passion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure
956
assion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies
qu’
à la mesure des résistances qu’elle rencontre. Déjà, dans la poésie de
957
égage ses énergies qu’à la mesure des résistances
qu’
elle rencontre. Déjà, dans la poésie des troubadours, nous voyons que
958
Déjà, dans la poésie des troubadours, nous voyons
que
l’amour courtois se distingue du simple désir par le raffinement de s
959
sentiment, le respect quasi religieux de la femme
que
l’on met sur un piédestal pour mieux pouvoir se plaindre qu’elle soit
960
t sur un piédestal pour mieux pouvoir se plaindre
qu’
elle soit située « en trop haut lieu », voire tout à fait inaccessible
961
ire tout à fait inaccessible. « L’amour de loin »
que
chante Jaufré Rudel, l’éloge de la chasteté, les lois d’Amour stricte
962
« roman par excellence » se dégage la conclusion
que
la passion est cette forme de l’amour qui se nourrit des obstacles qu
963
tte forme de l’amour qui se nourrit des obstacles
qu’
on lui oppose, ou qu’elle sait inventer au besoin. Sans obstacles, poi
964
qui se nourrit des obstacles qu’on lui oppose, ou
qu’
elle sait inventer au besoin. Sans obstacles, point de passion. « Les
965
era donc celle de ses traverses, de ses malheurs,
que
les lecteurs comme les amants préfèrent au bonheur « sans histoires »
966
et, enfin, l’opéra. Encore faut-il bien préciser
que
le moment subversif, anarchique, individuel de la passion n’est jamai
967
e même que le moment mystique ne peut se détacher
que
sur un fond d’orthodoxie. « Entre deux êtres isolés, il n’y a pas d’a
968
e par défi, il ne peut être fait de défi. Il faut
qu’
il soit inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie mais u
969
re dans la représentation d’une tragédie. Mais ce
que
la passion gagne à se déclarer par le moyen de la littérature, elle l
970
erme) — s’est fait sentir plus vite dans le roman
qu’
au théâtre. (Je parle ici, bien entendu, d’ouvrages littéraires, et no
971
. Les amants, chevaliers ou bergers, ne sont plus
que
des soupirants. Et si la mort qu’ils appellent leur est accordée, c’e
972
s, ne sont plus que des soupirants. Et si la mort
qu’
ils appellent leur est accordée, c’est sous la forme d’un évanouisseme
973
is la dialectique cruelle du roman n’est plus ici
que
coquetteries, et le combat du Jour et de la Nuit se ramène à des jeux
974
de sa bergère. Il est peu de romans mieux écrits
que
L’Astrée. Mais, si le dur destin du mythe n’y est plus que machine ro
975
rée. Mais, si le dur destin du mythe n’y est plus
que
machine romanesque, faut-il incriminer la société du temps et ses cou
976
tumes, ou la littérature elle-même, qui ne serait
qu’
un sous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ? L’œu
977
’art, conçue et reçue comme telle, ne serait-elle
qu’
un substitut tardif du sacré, un phénomène de décadence morale d’une s
978
ie » (Racine, préface de Bérénice). Nous avons vu
qu’
à chaque fois que la société crée de nouveaux obstacles à l’anarchie d
979
e quasi totalitaire de la nation et de la culture
qu’
on baptise aujourd’hui « le Grand Siècle », la passion imagine des for
980
s de l’Antiquité, dont Racine prétend s’inspirer,
que
de l’amour courtois et de la passion fatale, à la Tristan, dont on pe
981
a passion fatale, à la Tristan, dont on peut voir
qu’
elle est devenue la manière de « ressentir l’amour » qui paraît désorm
982
anien sur Racine est manifeste : il explique seul
que
l’amour de Phèdre pour Hippolyte, dont elle n’est que la belle-mère,
983
l’amour de Phèdre pour Hippolyte, dont elle n’est
que
la belle-mère, soit présenté comme incestueux, donc absolument interd
984
n père ». Aricie sera donc pour Hippolyte l’amour
que
le Père interdit, un substitut voilé de l’amour incestueux pour la Mè
985
ndamne, mais il en fait son œuvre ! L’autre moyen
qu’
il a trouvé pour nous parler voluptueusement de la passion de ses pers
986
la servante Œnone tient à Phèdre le même langage
que
la servante Brangaine à Iseut : Vous aimez. On ne peut vaincre sa de
987
ent sincère dans sa préface lorsqu’il écrit : Ce
que
je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait [de tragédie] où la
988
lorsqu’il écrit : Ce que je puis assurer, c’est
que
je n’en ai point fait [de tragédie] où la vertu soit plus mise en jou
989
[de tragédie] où la vertu soit plus mise en jour
que
dans celle-ci. Les moindres fautes y sont sévèrement punies […]. Les
990
s. Quant à la religion chrétienne (ou du moins ce
qu’
elle est devenue : morale prêchée parfois par des évêques qui bâtissen
991
lles sont incapables de passion. On ne parle plus
que
de « passionnettes », mais bien plus souvent de femmes « prises » (co
992
qui geignent, l’homme du plaisir qui ne laissera
qu’
un souvenir de bonheur, quoi qu’en dise Dona Anna. Casanova, dans ses
993
Mémoires, se vante de n’avoir laissé derrière lui
que
des femmes émues et heureuses. Il est vrai qu’aucune d’elles n’a publ
994
ui que des femmes émues et heureuses. Il est vrai
qu’
aucune d’elles n’a publié de souvenirs. Mais écoutons ce cri d’Adrienn
995
dieux ! » L’idéal donjuanesque, comme la légende
qu’
il inverse, donnera lieu à toute une littérature romanesque où l’amour
996
rit ses œuvres en prison : il ne peut donc s’agir
que
de fantasmes, mais qui n’en sont que plus révélateurs de l’inconscien
997
donc s’agir que de fantasmes, mais qui n’en sont
que
plus révélateurs de l’inconscient collectif du siècle et des motivati
998
nconscient collectif du siècle et des motivations
qu’
il subit. Sade est, de toute évidence, un malade mental, un de ces « f
999
amille le modèle de l’amour idéal, cette cortezia
que
, pour se venger de l’existence, il entreprend d’inverser et d’assassi
1000
Par une sorte de dépit amoureux, il veut tuer ce
que
la courtoisie adorait. Le crime d’amour impur sauvera seul la « puret
1001
Quant à ses valeurs, on ne saurait trop souligner
qu’
elles sont celles de la noblesse la plus arrogante, et peu importe qu’
1002
de la noblesse la plus arrogante, et peu importe
qu’
il les vante ou les dénonce : elles régissent l’œuvre. Au surplus, il
1003
cette inversion de l’idéal courtois, aussi ardent
que
lui à poursuivre l’impossible, aussi incompatible avec la vie vécue,
1004
ossible, aussi incompatible avec la vie vécue, et
que
J. Huizinga nommait « l’idéal de la luxure ». On pourrait croire que
1005
mait « l’idéal de la luxure ». On pourrait croire
que
cette littérature anticourtoise remplit le siècle, de la Régence à la
1006
pétrarquisme, rejoint le mythe tristanien, encore
qu’
il traduise et transpose la légende chevaleresque dans le langage d’un
1007
u mythe, avec l’usure et la déperdition d’énergie
que
cela implique nécessairement, de la passion aux émotions, de la mysti
1008
che encore au roman de Rousseau comme à tous ceux
qu’
il fera naître, de Richardson au Werther de Goethe. Et c’est une autre
1009
alis fait écho : Quand on fuit la douleur, c’est
qu’
on ne veut plus aimer… Que Dieu me conserve cette douleur qui m’est in
1010
fuit la douleur, c’est qu’on ne veut plus aimer…
Que
Dieu me conserve cette douleur qui m’est indiciblement chère. L’a
1011
âme sentimental des amants de La Nouvelle Héloïse
que
les poètes et romanciers, allemands d’abord puis anglais, vont tenter
1012
s pour ce monde. Et dans les Hymnes à la nuit :
Que
ton feu spirituel dévore mon corps, qu’en une étreinte aérienne je m’
1013
a nuit : Que ton feu spirituel dévore mon corps,
qu’
en une étreinte aérienne je m’unisse étroitement à toi, et que dure al
1014
reinte aérienne je m’unisse étroitement à toi, et
que
dure alors éternellement notre nuit nuptiale ! Les Français seront p
1015
ue suractive les puissances latentes du cœur plus
qu’
elle ne traduit leurs pulsions. On a vu le rôle créateur de la conduit
1016
rce de la religion des « Fidèles d’amour », c’est
que
l’obstacle contre lequel il se révolte et mobilise les énergies de l’
1017
l’expression de Stendhal) devient la part du rêve
qu’
on oppose au mariage bourgeois, union notariale. C’est en 1830 et 1848
1018
bourgeois, union notariale. C’est en 1830 et 1848
qu’
apparaissent en Europe des expressions telles qu’érotisme, sexualité,
1019
qu’apparaissent en Europe des expressions telles
qu’
érotisme, sexualité, problème sexuel, dans les œuvres de Charles Fouri
1020
d’un horizon crépusculaire, horizon de mysticité
qu’
il oppose à la pure sensualité. Entrant malgré lui dans les catégories
1021
t malgré lui dans les catégories plus bourgeoises
que
chrétiennes qu’il veut combattre, il écrit que la volupté unique et
1022
s les catégories plus bourgeoises que chrétiennes
qu’
il veut combattre, il écrit que la volupté unique et suprême de l’am
1023
es que chrétiennes qu’il veut combattre, il écrit
que
la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de fa
1024
mal. Et l’homme et la femme savent, de naissance,
que
dans le mal se trouve toute volupté (Fusées, III). Cependant, c’est
1025
Érotisation de la culture Éros et psyché
Que
Freud ait si profondément choqué la bourgeoisie occidentale, mais qu’
1026
fondément choqué la bourgeoisie occidentale, mais
qu’
il ait donné en même temps à un petit nombre de disciples fanatiques p
1027
vaste public, par ouï-dire, la certitude soudaine
que
sa doctrine « expliquait tout », cela tient au fait qu’il expliquait
1028
doctrine « expliquait tout », cela tient au fait
qu’
il expliquait les névroses et quelques psychoses à partir d’un des deu
1029
i, l’amour « dont les poètes parlent tant » n’est
qu’
une « prime de plaisir » donnée à l’acte sexuel, l’attrait sexuel n’ay
1030
rait sexuel n’ayant « en somme pour profond motif
que
la nécessité de procréer pour conserver l’espèce ». En bref, on peut
1031
r conserver l’espèce ». En bref, on peut affirmer
qu’
aux yeux de Freud l’amour du prochain, désintéressé et même oblatif, n
1032
éressé et même oblatif, n’est en dernière analyse
qu’
une « variété » de l’attrait sexuel, alors que, dans la conception chr
1033
tienne du monde, c’est l’attrait sexuel qui n’est
qu’
un cas particulier de cet Amour cosmique et spirituel qui, selon Dante
1034
isie pieuse ou athée, par la morale laïque autant
que
par l’Église, la sexualité n’en a pas moins envahi les salons de la p
1035
seule est responsable, et auquel Freud n’a voulu
que
donner ses vrais noms. Le Vocabulaire de la psychanalyse de J. Laplan
1036
e intitulé Génital (amour), les auteurs concèdent
qu’
on trouve chez Freud l’idée d’une forme achevée de la sexualité et mê
1037
elon Freud. Éros, dieu d’une mystique athée
Que
les interdits, les tabous et les angoisses que ces interdits exprimen
1038
Que les interdits, les tabous et les angoisses
que
ces interdits expriment (ou qui en résultent par la suite) aient prée
1039
t préexisté de longue date au christianisme (loin
que
celui-ci les ait fomentés, comme le répètent, dans leur spiritual ill
1040
Eliot], trop de savants contemporains), c’est ce
qu’
a fort bien relevé Georges Bataille dans ses ouvrages sur Éros et l’ér
1041
1970. C’est en deçà, non au-delà du christianisme
que
Bataille situe les éléments du drame authentique de l’Éros. « Le chri
1042
tradition de Nietzsche, non de Marx ni de Freud,
que
se situe André Malraux lorsqu’il écrit (très proche ici de G. Bataill
1043
l’érotisme à la vie sans qu’il perde cette force
qu’
il devait au péché ; de lui donner tout ce qui, jusqu’ici, était donné
1044
n, c’est vers une connaissance peut-être mortelle
que
nous entraîne l’Éros mythique. Avenir de l’amour-passion La mo
1045
t accrédité malgré eux l’idée, devenue populaire,
qu’
il est moins dangereux pour la société de libérer l’instinct sexuel qu
1046
reux pour la société de libérer l’instinct sexuel
que
le refouler. Cette invasion de l’érotisme dans la rue, dans les mœurs
1047
e langage, dans les livres, ne signifie nullement
que
la sexualité soit plus anarchique ou plus vigoureuse qu’en d’autres t
1048
sexualité soit plus anarchique ou plus vigoureuse
qu’
en d’autres temps. C’est seulement l’expression de la sexualité qui n’
1049
exualité qui n’est plus réprimée, ce qui signifie
que
la plupart des interdits sociaux, légaux et religieux ont perdu leur
1050
leur valeur de tabous. Les romanciers savent bien
que
le roman véritable n’est jamais qu’une version renouvelée de l’archét
1051
s savent bien que le roman véritable n’est jamais
qu’
une version renouvelée de l’archétype courtois de Tristan et Iseut. Il
1052
hos du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous
que
l’époque respecte encore. Mais déjà le héros de Lolita nous est décri
1053
ut peut se renverser très vite, au point de crise
que
nous avons atteint. L’ennui sécrété par les formes actuelles de la ci
1054
frénésies aussi dangereuses pour la santé sociale
que
pour la santé spirituelle. Les puissances passionnelles, frustrées pa
1055
trop bas également prévisibles, on peut imaginer
que
l’avenir de l’amour dépendra désormais de notre faculté de maîtriser
1056
enouvelée de la littérature romanesque et lyrique
que
de nous décrire les cheminements de cet amour dont le poète andalou I
1057
une maladie incurable qui ne peut trouver remède
qu’
en elle-même. C’est une condition délectable et un mal que nous désiro
1058
le-même. C’est une condition délectable et un mal
que
nous désirons. Celui qui n’en est pas atteint ne souhaite nullement r
1059
uoi ? Au-delà du cas précis de Boukovski je pense
que
la situation des écrivains soviétiques emprisonnés ou enfermés dans d
1060
r, à s’opposer. C’est parce qu’ils sont écrivains
que
Boukovski, comme Siniavsky ou Daniel sont enfermés ? Ou simplement pa
1061
’il est manieur de mots, donneur de sens. Dans ce
qu’
il écrit il y a presque toujours quelque chose qui peut contribuer à c
1062
les mœurs. Et le changement est la dernière chose
que
peut accepter une société figée comme les sociétés totalitaires. Dans
1063
nc être assimilé à une marque de folie ? Je pense
qu’
on ne lui refuse pas d’avoir une opinion mais on accepte mal qu’il l’a
1064
efuse pas d’avoir une opinion mais on accepte mal
qu’
il l’affirme et qu’il continue à l’affirmer avec véhémence. Il est com
1065
ne opinion mais on accepte mal qu’il l’affirme et
qu’
il continue à l’affirmer avec véhémence. Il est comme un soldat qui n’
1066
cile. Dans une société totalitaire je dirais même
qu’
il est naturel. On les condamne donc pour remettre leurs idées en plac
1067
oviétique. On lui amène quelqu’un dont on lui dit
qu’
il est fou. Sa première réaction va consister à lui laver le cerveau.
1068
e leur église point de salut et c’est sincèrement
qu’
il le condamne. Un Soljenitsyne qui, pour lui, est un écrivain « déran
1069
que où il aura toutes sortes de traitements, ceux
que
, précisément, on réserve aux fous. Si j’étais en Russie je serais enf
1070
deviendrais pas fou réellement. Quand on vous dit
que
vous êtes seul à penser de la sorte, vous pouvez réellement vous dema
1071
ment vous demander : Mais en fin de compte est-ce
que
je n’ai pas tort puisque tous les autres pensent autrement ? Et ce do
1072
us a interrogé sous hypnose et vous avez confirmé
que
vous rêviez souvent de le tuer. Donc si vous le reconnaissez c’est qu
1073
nt de le tuer. Donc si vous le reconnaissez c’est
que
vous êtes capable de le faire. Mais ces gens représentaient peut-être
1074
ais entendu parler d’amour ? » Eh bien, cet amour
que
nous connaissons, l’amour romantique que les Américains appellent « r
1075
et amour que nous connaissons, l’amour romantique
que
les Américains appellent « romance » est une invention des poètes du
1076
ur les bûchers de la première Inquisition. Est-ce
que
les dirigeants d’aujourd’hui, particulièrement ceux des sociétés tota
1077
rent bien cette influence de l’artiste ? Je crois
qu’
ils sont emplis d’angoisse devant ce monde impossible à gouverner et q
1078
ngoisse devant ce monde impossible à gouverner et
que
, même dans nos sociétés occidentales, la grande majorité rêve de diri
1079
ution culturelle chinoise n’a pas été autre chose
qu’
un immense conditionnement. Et sans doute lorsqu’on prend les gens par
1080
t d’un pareil conditionnement où on lui dirait ce
qu’
il doit écrire. C’est sa nature même qui s’y oppose. Il sera donc touj
1081
selon le mot de Picasso. L’idée de Picasso c’est
qu’
il ne peut y avoir de création que « contre » une société. Pour ma par
1082
e Picasso c’est qu’il ne peut y avoir de création
que
« contre » une société. Pour ma part je regrette que le développement
1083
« contre » une société. Pour ma part je regrette
que
le développement de la société amène toujours davantage l’artiste à ê
1084
ment les limites d’un petit canton suisse. Est-ce
que
cette dimension avait une influence ? C’est une évidence. Dans un Éta
1085
’est une évidence. Dans un État-nation comme ceux
que
nous connaissons, l’homme ne peut plus agir comme responsable. Et l’h
1086
us agir comme responsable. Et l’homme n’est libre
que
s’il est responsable. C’est une vieille notion que l’on retrouve enco
1087
ue s’il est responsable. C’est une vieille notion
que
l’on retrouve encore en justice. Si votre avocat prouve que vous avez
1088
etrouve encore en justice. Si votre avocat prouve
que
vous avez agi sous la contrainte, sans avoir la responsabilité de vot
1089
cette liberté de l’homme liée à sa responsabilité
que
j’oppose à tous les États-nations l’idée de communauté régionale. Mêm
1090
sa voix. Pour vous il n’y a pas de nécessité à ce
qu’
un État moderne soit regroupé, donc plus puissant ? Quelle nécessité ?
1091
gens qui vont construire Verbois nous expliquent
qu’
il y a une nécessité, je leur demande laquelle. Rien ne nous oblige co
1092
ge concrètement à avoir plus d’électricité demain
qu’
aujourd’hui. C’est parce que nous le voulons pour notre commodité. Mai
1093
hose pour les États. Ils ont copié l’organisation
que
la Révolution, puis après elle. Napoléon, ont imposée à la France. Le
1094
nt chacune leur langue. C’est en vue de la guerre
que
les jacobins puis Napoléon ont regroupé à Paris l’ensemble des moyens
1095
des États ont eu naturellement plus de prétention
que
leurs prédécesseurs. L’État n’a que trois missions précises ; établir
1096
de prétention que leurs prédécesseurs. L’État n’a
que
trois missions précises ; établir la justice, maintenir l’ordre, coll
1097
ace personne. Lorsqu’il était pilote de chasse et
qu’
il faisait tomber des bombes sur les villes, il était libre, considéré
1098
s, il était libre, considéré, décoré même. Depuis
qu’
il a pris le parti de la paix, toutes les polices le pourchassent y co
1099
encore très loin d’infliger aux opposants le sort
que
connaissent les écrivains soviétiques ? Nous sommes préservés contre
1100
fin il ne reste plus, pour s’opposer au pouvoir,
que
l’écrivain, ce fou !!! 19. Date de l’interview, c’est-à-dire le 4 j
1101
de Soljenitsyne sur ces camps peuvent imaginer ce
que
ces arrêts des juges représentent pour un être humain. Le crime que B
1102
juges représentent pour un être humain. Le crime
que
Boukovski paie et qu’il devra continuer de payer est celui d’avoir un
1103
ur un être humain. Le crime que Boukovski paie et
qu’
il devra continuer de payer est celui d’avoir une opinion et de l’expr
1104
e de son œuvre et de ses actes. On n’a pas oublié
qu’
il avait pris publiquement la défense de l’un de ses anciens étudiants
1105
ns étudiants, objecteur de conscience, et on sait
que
dans une actualité récente il a notamment envoyé un message aux occup
1106
. C’est dans sa belle et solide maison de Pouilly
qu’
il nous les a apportées. »
1107
habitant de la planète et vivent dans la terreur
que
l’URSS ne les dépasse), gaspillage comme principe du commerce, entass
1108
r. Or, en admettant, contre toute vraisemblance,
que
ces réalités hétérogènes forment à un moment donné des unités exactem
1109
miracle ne durerait guère, pour la simple raison
que
la langue, les frontières politiques et l’économie ont des rythmes de
1110
’eux, il n’est plus d’espace libre, il n’y a plus
que
l’avenir qui leur échappe. Pas question de détruire l’État, mais de l
1111
le distribuer aux différents niveaux des services
qu’
il doit rendre aux citoyens. Mais pas question non plus de constituer
1112
non plus de constituer des régions qui ne soient
que
des mini-États-nations, et qui prétendent imposer le carcan de fronti
1113
économiques est à chercher sur un tout autre plan
que
celui où la crise se déclare : sur le plan des attitudes mentales, mo
1114
ie en général et le Budget en particulier ne font
que
traduire en chiffres les vrais choix et les priorités, non pas allégu
1115
t enfin prendre en main leurs affaires communes —
qu’
il s’agisse de réalités culturelles ou énergétiques, écologiques ou so
1116
es ou sociales. Et voilà qui représente bien plus
qu’
une mesure opportune de « décentralisation » des pouvoirs engorgés de
1117
mentalité et un changement de finalité. Je sais
qu’
on ne manquera pas de me dire, comme certains l’ont fait à Berlin : «
1118
Votre point de vue est typiquement européen, mais
que
vaut-il pour tous ces pays neufs qui ont adopté le modèle de l’État-n
1119
t-nation qui leur était livré dans le même paquet
que
la technique et le DDT, et qui était pour eux, au départ, le moyen de
1120
e objection : 1) L’Europe a inventé l’État-nation
que
tous imitent. C’est à celle-là de donner l’exemple d’une invention me
1121
ter. À elle de développer les anticorps des virus
qu’
elle a propagés. « L’État-nation peut seul les défendre », a-t-on dit.
1122
cercle vicieux dont il s’agit de sortir. Il faut
que
ses auteurs commencent. 2) L’État-nation peut faire autant et plus de
1123
n peut faire autant et plus de mal au tiers-monde
qu’
aux Européens. Ce n’est pas peu dire ! Il est grand temps de le dépoui
1124
aura fait bien plus et mieux pour le tiers-monde
qu’
en lui prêtant son « assistance technique », c’est-à-dire des experts
1125
ient de petits États-nations. Ce serait bien pire
que
les grands. Ce seraient les défauts des grands plus l’esprit de cloch
1126
s défauts des grands plus l’esprit de clocher. Ce
qu’
il faut, c’est tout recommencer par en bas, créer des liens réels au n
1127
onc une voie sans issue. La réforme, donc, plutôt
que
la révolution… Il nous faudrait partir des racines, puis dresser un p
1128
puis dresser un plan. Par exemple, dans la région
que
j’appelle lémano-alpine, pour rester volontairement un peu vague, c’e
1129
donc les habitants des rives — contre le mercure
qu’
on déverse chaque jour dans le lac, au point que la lotte n’est plus c
1130
e qu’on déverse chaque jour dans le lac, au point
que
la lotte n’est plus comestible. Les concentrations deviennent, aujour
1131
rations deviennent, aujourd’hui déjà, plus fortes
qu’
à Minamata. Donc, des accidents épouvantables, du type japonais, sont
1132
de contamination, de pollutions diverses. Il faut
que
tout le monde s’y mette. Il ne faut pas laisser un gouvernement répon
1133
t pas laisser un gouvernement répondre à un autre
qu’
il n’est pas question de coopérer parce que, en temps de guerre, on se
1134
bois-nucléaire, parce qu’on ne me fera pas croire
que
la frontière arrêterait les effets d’un accident grave, que les douan
1135
ntière arrêterait les effets d’un accident grave,
que
les douaniers arrêteraient les neutrons… Il y a des problèmes d’éduca
1136
es problèmes d’éducation : il n’est pas tolérable
que
des enfants de travailleurs étrangers ne disposent pas du même droit
1137
pas du même droit à la formation professionnelle
que
les Suisses. C’est en train de s’arranger, mais il aura fallu des ann
1138
ière de sédition ? Il y a des centaines de choses
qu’
on peut faire ensemble et pour lesquelles on n’a pas besoin d’autorisa
1139
re, vous êtes perdu ! La liberté, c’est une chose
qu’
on prend, qu’on mérite et, surtout, dont on se montre digne en étant r
1140
perdu ! La liberté, c’est une chose qu’on prend,
qu’
on mérite et, surtout, dont on se montre digne en étant responsable. R
1141
ent, celui de l’homme de culture et de méditation
qu’
il fut, en fait, d’une manière invisible mais réelle et qui, loin d’êt
1142
nellement, je vois la preuve de cela dans le fait
qu’
il accepta de présider, pour un temps bref mais décisif, deux institut
1143
ans quel esprit l’homme politique de premier plan
qu’
était devenu Robert Schuman jugeait-il la fonction de ces deux entrepr
1144
is par lui à la fin de sa vie, je trouve ces mots
qu’
on ne saurait souhaiter plus éclairants et qui servent de titre à son
1145
et cheminer « faire du chemin, surtout en ce sens
que
le chemin est long et qu’on le parcourt lentement ». On sent bien ici
1146
min, surtout en ce sens que le chemin est long et
qu’
on le parcourt lentement ». On sent bien ici que Schuman n’a jamais eu
1147
t qu’on le parcourt lentement ». On sent bien ici
que
Schuman n’a jamais eu en réalité à « interrompre sa méditation pour p
1148
rit Jean Monnet) puisque c’est tout naturellement
que
sa méditation s’est poursuivie en création et n’a cessé de soutenir s
1149
re volontairement modeste, aura été plus créateur
que
les grands ténors de ce siècle. Piéton tranquille sur les chemins de
1150
er. Et certes, il n’a jamais entretenu l’illusion
qu’
il irait lui-même jusqu’au but. Il m’avait dit un jour de 1960, dans u
1151
Message de M. Denis de Rougemont », L’Europe plus
que
jamais est nécessaire à la prospérité et à la sécurité, Montigny-lès-
1152
ces points extrêmes de nos diversités européennes
que
relient quelques heures d’avion, au cœur du continent profondément co
1153
œur du continent profondément complexe et découpé
que
délimitent ces villes ouvertes vers cinq mers, j’imagine maintenant q
1154
les ouvertes vers cinq mers, j’imagine maintenant
que
s’élève une vaste rumeur symphonique mariant le classique au moderne
1155
ovie, le plus délibérément novateur (on n’y donne
que
de la musique d’aujourd’hui). Et les pointes d’une grande étoile : Fi
1156
icale de nos étés européens ? Si je n’en ai nommé
qu’
une trentaine, c’est parce qu’il s’agissait des « grands » de l’Europe
1157
r commune appartenance au grand ensemble culturel
qu’
est en réalité l’Europe, et l’aient prouvé en s’associant sous le sign
1158
n « concert des Nations ». En fait, on n’entendit
qu’
une cacophonie en crescendo perpétuel et le bruit des canons devait en
1159
mensions mondiales, au xxe siècle, ont montré ce
que
« l’Europe des nations » savait faire. Au lendemain de la Seconde Gue
1160
à l’œuvre. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens
qu’
elle est liée à l’Europe non seulement historiquement, dans sa genèse,
1161
e la musique et l’Europe, il résulte, d’une part,
que
s’occuper de l’Europe et spécialement de sa culture, suppose que l’on
1162
e l’Europe et spécialement de sa culture, suppose
que
l’on s’occupe de la musique ; et, d’autre part, que la musique est l’
1163
e l’on s’occupe de la musique ; et, d’autre part,
que
la musique est l’expression la plus profonde et spécifique du génie p
1164
politique de nos peuples, mais elle atteste mieux
que
la science — autre produit typique de l’Occident — notre unité fondam
1165
n de le répéter ? Saisir ensemble ces deux termes
que
la logique oppose, est un mouvement, un geste de l’esprit, caractéris
1166
, puisqu’elle englobe déjà seize pays d’Europe et
que
ses plus grands axes joignent Athènes à Édimbourg, Grenade à Helsinki
1167
ens. ⁂ Si l’association n’avait rien fait d’autre
que
d’offrir aux directeurs des plus grands festivals l’occasion de se re
1168
rogrammes et des dates, je voudrais souligner ici
que
l’association a eu et garde le mérite, à mes yeux principal, de provo
1169
pas cessé de revenir sur quelques thèmes majeurs
que
je voudrais indiquer brièvement. 1. Sur le grand fond des origines sa
1170
nd fond des origines sacrées, des fêtes rituelles
que
rappelle plus loin, avec une passionnante érudition, le professeur Es
1171
is — et du coup quelque peu restreint ou assagi —
qu’
a pris le mot dans l’ère moderne, est une forme de vie et d’activité a
1172
enne me paraît typiquement occidentale, ne fût-ce
que
par les antinomies qu’elle embrasse, les paradoxes et les ambiguïtés
1173
ent occidentale, ne fût-ce que par les antinomies
qu’
elle embrasse, les paradoxes et les ambiguïtés dont elle se nourrit. E
1174
utant à la création et au raffinement des valeurs
qu’
à leur confusion par le snobisme et la mode, aux innovations qu’aux ro
1175
usion par le snobisme et la mode, aux innovations
qu’
aux routines, et aux miracles qu’aux abus. (C’est peut-être pourquoi e
1176
aux innovations qu’aux routines, et aux miracles
qu’
aux abus. (C’est peut-être pourquoi elle reste si vivante ?) 2. Le pro
1177
estiné. Il se présente ainsi dans l’éclat intense
que
seule une brève durée permet de soutenir. Ce caractère d’exception do
1178
ute qualité des œuvres produites (tant classiques
que
de caractère expérimental) et la recherche de la perfection dans leur
1179
certains, non sans raison, aient tenu à souligner
qu’
elle était idéale et au mieux normative, plutôt que réaliste et descri
1180
u’elle était idéale et au mieux normative, plutôt
que
réaliste et descriptive. (Mais n’est-ce pas le fait de toute définiti
1181
on utilité majeure ?) De plus, on a fait observer
qu’
elle ne tenait pas compte assez expressément de l’élément touristique
1182
âtre, danse) et d’un lieu de prestige touristique
que
naît le plus souvent un festival viable. (Le cas des « semaines music
1183
lle avait été composée. C’est grâce aux festivals
qu’
on s’est remis de nos jours non seulement à jouer Hamlet sur les rempa
1184
ge, à la communauté dont elle fut l’expression ou
qu’
elle reconstitue dans les esprits chaque fois qu’elle est jouée en son
1185
ier, mais bien par une certaine manière qui n’est
qu’
à lui de mettre en œuvre et d’accueillir la musique d’hier et d’aujour
1186
ubert. Et la définition citée plus haut rappelait
qu’
un festival est d’abord une fête, c’est-à-dire l’acte exceptionnel, sy
1187
bolique et mémorial d’une communauté. Il est beau
que
ce soit à la musique, plutôt qu’à quelque mascarade folklorique, que
1188
uté. Il est beau que ce soit à la musique, plutôt
qu’
à quelque mascarade folklorique, que déjà tant de nos régions aillent
1189
sique, plutôt qu’à quelque mascarade folklorique,
que
déjà tant de nos régions aillent demander l’expression publique et se
1190
communautaire et de cette âme dont, s’il est vrai
qu’
un paysage est un « état d’âme », on pourra contempler aux pages de ce
1191
nnes, quelle est votre discipline ? Quand on sent
qu’
on ne peut pas répondre facilement à une question toute simple, comme
1192
simple, comme celle-ci, c’est peut-être le signe
qu’
il faut la compliquer, parce qu‘en réalité elle est bien plus complexe
1193
, parce qu‘en réalité elle est bien plus complexe
que
celui qui la pose ne le croyait. Avant donc d’essayer de nommer ma di
1194
ut le reste en dépendra, et d’abord mes réponses.
Qu’
est-ce donc pour vous, l’Europe ? Ce n‘est pas une réalité faite et ac
1195
quelque chose qui aurait existé historiquement et
que
l’on se proposerait de ressusciter. Mais ce n‘est pas non plus une ut
1196
et non pas d’une recherche fondamentale ? J’avoue
que
je saisis mal l’opposition de nature que vous me semblez faire, après
1197
J’avoue que je saisis mal l’opposition de nature
que
vous me semblez faire, après tant d’autres — ce fut une mode dans les
1198
pplications immédiates. C’est ainsi, nous dit-on,
que
le CERN étudie la constitution de la matière par besoin de savoir pur
1199
vue des applications non prévues mais prévisibles
qu’
ils en attendent pour leur production d’énergie et pour leur défense n
1200
t pour leur défense nationale. lls n’ignorent pas
que
E = mc2 a donné la victoire militaire aux USA et permis d’aller sur l
1201
estige et la puissance de l’État, mille fois plus
que
la recherche appliquée ne peut rendre en deux ans pour l’industrie. V
1202
t rendre en deux ans pour l’industrie. Vous voyez
que
la recherche fondamentale n‘est pas aussi « gratuite » qu’on le croya
1203
cherche fondamentale n‘est pas aussi « gratuite »
qu’
on le croyait : il arrive même qu’elle soit la mieux payée et la plus
1204
si « gratuite » qu’on le croyait : il arrive même
qu’
elle soit la mieux payée et la plus payante au bout du compte. Qu’en e
1205
mieux payée et la plus payante au bout du compte.
Qu’
en est-il dans le domaine des sciences humaines ? Je serais tenté de r
1206
tout ce qui touche aux régions, notamment. Disons
que
dans notre domaine, la recherche fondamentale est celle qui a pour ob
1207
ronomes et même les biologistes, on peut admettre
que
la métaphysique et l’anthropologie philosophique jouent le même rôle
1208
à mieux savoir et mieux comprendre en général ce
qu’
est l’Europe comme fonction dans le Monde ; et en particulier, c’est l
1209
ulier, c’est là ma branche, à mieux comprendre ce
que
cela signifie d’être un Européen. Ce n’est pas un métier ni même une
1210
ent ces slogans n’en étaient pas, de cette Europe
qu’
ils jugent finie ! L’agonie qu’ils annoncent, complaisants, c’est la l
1211
s, de cette Europe qu’ils jugent finie ! L’agonie
qu’
ils annoncent, complaisants, c’est la leur ! Ils sont bien les seuls à
1212
n les seuls à ne pas le voir ! Et c’est le moment
que
vous choisissez pour me poser vos colles de facultés ! Je souhaitais
1213
de facultés ! Je souhaitais simplement savoir ce
que
vous enseignez au juste. Je vous en donnerai deux exemples. J’ai prof
1214
ui a entraîné depuis des adhésions aussi diverses
que
celles d’un maire de New York, de plusieurs instituts de politologie
1215
seil de l’Europe. Ce qui ne prouve d’ailleurs pas
que
mon sujet soit « sérieux » du point de vue que l’on nommait naguère a
1216
as que mon sujet soit « sérieux » du point de vue
que
l’on nommait naguère académique, mais bien qu’il touche à quelque cho
1217
une civilisation, dont le monde académique n’est
qu’
une partie, certes précieuse, mais englobée, non englobante. Second ex
1218
du structuralisme. Là encore, vous allez me dire
que
ces démarches sont peu compatibles avec l’idée du sérieux scientifiqu
1219
u compatibles avec l’idée du sérieux scientifique
qu’
on cultivait au xixe siècle, mais qui s’en plaindrait aujourd’hui ? V
1220
job bien défini comprennent dès la première heure
que
tout cela « ne les mène à rien », sauf à la connaissance de l’Europe
1221
r des cas. lls choisissent vite. S’ils ne veulent
qu’
un job, ils ne reviendront plus. S’ils se cherchent et se veulent euro
1222
avez rappelé récemment, ici même, après Jouvenel,
que
nous ne pouvons connaître que le passé, sans pouvoir le changer, alor
1223
me, après Jouvenel, que nous ne pouvons connaître
que
le passé, sans pouvoir le changer, alors que nous ne pouvons modifier
1224
ir le changer, alors que nous ne pouvons modifier
que
l’avenir, mais sans pouvoir le connaître. Or, si le passé seul est ob
1225
, enfin à leur imaginer des solutions. C’est dire
que
le non-savoir, motif de toute recherche, et le virtuel, objet de la p
1226
irtuel, objet de la prospective, sont plus encore
que
le savoir ce que j’ai le désir de transmettre, c’est-à-dire de rendre
1227
la prospective, sont plus encore que le savoir ce
que
j’ai le désir de transmettre, c’est-à-dire de rendre sensible et comm
1228
cours. Car penser, après tout, ce n‘est peut-être
que
cela : mettre en système du savoir et du non-savoir, du réalisé — ce
1229
’est ce qui reste « à faire ». C’est peut-être ce
que
je pressens comme sans le connaître, qui apparaîtra un jour comme éta
1230
apparaîtra un jour comme étant le principal de ce
que
j’avais à faire passer, dans le cadre rigoureux du savoir vérifié. Ce
1231
losophique, sur les problèmes de l’Europe, est-ce
que
cela ne vous condamne pas à l’européocentrisme ? Vous en êtes parfois
1232
, de la médecine ou de l’histoire, on peut penser
qu’
on reste dans l’universel ou tout au moins dans le général. Et que ceu
1233
l’universel ou tout au moins dans le général. Et
que
ceux qui orientent leurs recherches sur les virtualités européennes m
1234
és européennes méritent l’épithète si mal vue 20
que
vous citez, c’est-à-dire ramènent tout à l’Europe et à ses intérêts,
1235
le contraire qui est vrai. Il arrive bien souvent
que
celui qui fait des lettres, de la médecine ou de l’histoire, de l’éco
1236
ine. Or s’il est naïvement européen, il est fatal
qu’
il se comporte, objectivement, d’une manière tout européocentrique. Il
1237
nt, d’une manière tout européocentrique. Il croit
que
le droit qu’il étudie est le vrai Droit universel ; que l’histoire a
1238
ière tout européocentrique. Il croit que le droit
qu’
il étudie est le vrai Droit universel ; que l’histoire a un sens et qu
1239
droit qu’il étudie est le vrai Droit universel ;
que
l’histoire a un sens et qu’elle détient la clé de l’évolution du Mond
1240
rai Droit universel ; que l’histoire a un sens et
qu’
elle détient la clé de l’évolution du Monde ; que l’économie obéit aux
1241
qu’elle détient la clé de l’évolution du Monde ;
que
l’économie obéit aux mêmes nécessités chez tous les peuples, quelles
1242
x mêmes nécessités chez tous les peuples, quelles
que
soient leurs croyances religieuses ; que la technique est quelque cho
1243
quelles que soient leurs croyances religieuses ;
que
la technique est quelque chose « d’objectif » et « d’universel », et
1244
ions théologiques des premiers conciles, et enfin
que
toutes les civilisations ont une littérature profane, et produisent d
1245
l’une des fonctions irremplaçables de ces études
que
celle de mise en garde générale contre l’européocentrisme naïf qui a
1246
té politique, au sens large du mot, bien entendu.
Que
faites-vous du savoir désintéressé ? Les termes d’opportunité et d’ut
1247
ement vital pour toute notre culture. Croyez-vous
que
l’Université n’est pas intéressée au premier chef à la survie de cett
1248
n Europe surtout et par ces masochistes invétérés
que
sont trop souvent les intellectuels européens. y. Rougemont Denis d
1249
Changer de cap (novembre 1976)ab Ce
que
l’on appelle « politique » n’est en général qu’une tactique partisane
1250
e que l’on appelle « politique » n’est en général
qu’
une tactique partisane, mais ce qui m’intéresse est autre chose : la s
1251
hnique, mais selon les grandes options de société
qu’
ils servent objectivement. Depuis six ans environ que je m’occupe de c
1252
ils servent objectivement. Depuis six ans environ
que
je m’occupe de ces choses, et que j’en écris, je suis de plus en plus
1253
six ans environ que je m’occupe de ces choses, et
que
j’en écris, je suis de plus en plus frappé par le rôle qu’y joue le m
1254
écris, je suis de plus en plus frappé par le rôle
qu’
y joue le mensonge systématique. Qu’il s’agisse des promoteurs de l’én
1255
é par le rôle qu’y joue le mensonge systématique.
Qu’
il s’agisse des promoteurs de l’énergie nucléaire, ou de Concorde, ou
1256
sions scientifiques. De ces diverses formes de ce
que
je nommerai le mensonge en service commandé, je donnerai ici un exemp
1257
commandé, je donnerai ici un exemple récent et —
qu’
on me le pardonne — personnel. ⁂ Parlant au cours d’une émission de la
1258
s en question du Concorde selon le schéma suivant
que
je reconstitue : I. Le philosophe étant celui qui pose des questions
1259
et naïves, je demande : « Concorde, à quoi est-ce
que
ça sert ? » On m’assure que cet appareil ira de Paris à New York en t
1260
ncorde, à quoi est-ce que ça sert ? » On m’assure
que
cet appareil ira de Paris à New York en trois heures et demie au lieu
1261
et » qui en « bénéficieront », si l’on peut dire,
que
feront-ils de ces heures gagnées ? Est-ce qu’elles vaudront les seize
1262
re, que feront-ils de ces heures gagnées ? Est-ce
qu’
elles vaudront les seize milliards déjà dépensés par l’État, donc par
1263
ar les contribuables français et anglais ? Est-ce
qu’
elles justifieront le risque planétaire que des savants redoutent, l’a
1264
Est-ce qu’elles justifieront le risque planétaire
que
des savants redoutent, l’atteinte possible à la couche d’ozone qui pr
1265
e la ville par hélicoptère ou métro. 3. On me dit
qu’
arrêter la fabrication de Concorde mettrait au chômage 40 000 ouvriers
1266
e des centaines de milliers d’ouvriers ? Je pense
que
si la Société est ainsi faite que la seule alternative qu’elle offre
1267
iers ? Je pense que si la Société est ainsi faite
que
la seule alternative qu’elle offre au gaspillage industriel, à la pol
1268
Société est ainsi faite que la seule alternative
qu’
elle offre au gaspillage industriel, à la pollution de l’atmosphère, v
1269
à travers les fusées américaines) ; cela signifie
qu’
en construisant Concorde, on aurait découvert des procédés qui permett
1270
e ou simplement l’enseigne d’un modèle de société
que
je récuse radicalement. Car l’humain s’y voit sacrifié non pas même a
1271
calculs et de rêves, de principes et d’ambitions
qu’
il nous faut dépasser si nous voulons survivre, qui détruisent à la fo
1272
surprofits privés — absolument contraire aux fins
que
je défends dans toute mon œuvre, de liberté et de responsabilité de l
1273
de fédération des groupes. b) Je suis convaincu
que
les promoteurs de Concorde sont animés par un certain idéal : c’est c
1274
e à valoir des fortunes, c’est le contraire de ce
que
Concorde symbolise. Le luxe suprême de demain, je l’ai défini au lend
1275
toujours plus centralisés et des investissements
que
l’État central seul peut obtenir. Des objets toujours plus dangereux
1276
plus affamé et dévoreur de cette sorte d’énergie
que
l’État central est seul en mesure de produire et de distribuer, entra
1277
vant un parlement ou dans une assemblée populaire
que
c’est cela qu’il veut, ni qu’il complote vicieusement en vue de promo
1278
nt ou dans une assemblée populaire que c’est cela
qu’
il veut, ni qu’il complote vicieusement en vue de promouvoir cette for
1279
assemblée populaire que c’est cela qu’il veut, ni
qu’
il complote vicieusement en vue de promouvoir cette forme-là d’asservi
1280
e stato-national dans notre société industrielle (
qu’
elle soit capitaliste ou socialiste, nulle différence à cet égard !),
1281
Production-Puissance-Pouvoir-Police et Plutonium,
que
le grand sociologue américain Lewis Mumford a baptisé la « Mégamachin
1282
la « Mégamachine », cette logique est plus forte
que
tous les hommes d’État, que tous les servants de l’État : elle les ma
1283
ogique est plus forte que tous les hommes d’État,
que
tous les servants de l’État : elle les manipule et commande — à leur
1284
ur mission ! C’est cette mission, et non pas eux,
que
je réprouve. ⁂ Allons plus loin et plus profond : derrière les deux a
1285
s en plus de l’État, et vous trouvez enfin normal
que
ce soit lui — comme les Rois antiques — qui dispense seul l’Énergie.
1286
Une énergie qui vous vient donc de l’extérieur et
que
les Pouvoirs publics vous assurent. Si au contraire vous voulez la li
1287
e vous voulez la liberté d’abord avec les risques
qu’
elle comporte, vous vous heurtez aux cadres géométriques qu’imposent l
1288
mporte, vous vous heurtez aux cadres géométriques
qu’
imposent la société industrielle mécanisée et l’uniformisation indispe
1289
nation. Vous êtes amené à revendiquer l’autonomie
que
l’État menace, que les nécessités de la production industrielle tende
1290
mené à revendiquer l’autonomie que l’État menace,
que
les nécessités de la production industrielle tendent à exclure. Et vo
1291
une image, si vous voulez, mais je suis convaincu
qu’
en réalité, elle signifie bien davantage, et peut produire en nous d
1292
très profondes remises en ordre. Et je ne dis pas
qu’
en alertant les énergies qui sont en nous nous pourrions aller aussi v
1293
qui sont en nous nous pourrions aller aussi vite
que
Concorde. Je dis seulement qu’en faisant appel toujours plus aux forc
1294
s aller aussi vite que Concorde. Je dis seulement
qu’
en faisant appel toujours plus aux forces qui sont en nous, le besoin
1295
jours plus aux forces qui sont en nous, le besoin
que
nous avions de forces extérieures diminuerait d’autant, et que nous s
1296
ns de forces extérieures diminuerait d’autant, et
que
nous serions alors en mesure de découvrir une réalité du monde bien d
1297
araîtraient tout à fait incongrues. Je ne dis pas
qu’
en nous confiant de plus en plus à nos énergies intérieures, nous pour
1298
culmine dans la Bombe à fusion nucléaire, je dis
que
nous ferions une autre société — et je pense qu’elle serait meilleure
1299
que nous ferions une autre société — et je pense
qu’
elle serait meilleure. 21. Aujourd’hui, Air France et la SNIAS publi
1300
21. Aujourd’hui, Air France et la SNIAS publient
que
l’arrêt de Concorde ne mettrait au chômage (très provisoire) que 2500
1301
Concorde ne mettrait au chômage (très provisoire)
que
2500 ouvriers. ab. Rougemont Denis de, « Changer de cap », Cahiers
1302
ours « pour réfléchir » et n’en fis rien, certain
qu’
avant le terme fixé, la catastrophe réglerait tout. Sur quoi, le 28 se
1303
ru distraitement quelques pages. L’image scolaire
que
je gardais de cet ermite du xve siècle était bien pâle. Mais ce jour
1304
e entre les cantons suisses, c’est par l’autorité
que
sa vie d’ascète donne au message secret qu’il envoie à la Diète, et d
1305
orité que sa vie d’ascète donne au message secret
qu’
il envoie à la Diète, et dont on ne connaît que le résultat : la paix
1306
et qu’il envoie à la Diète, et dont on ne connaît
que
le résultat : la paix sauvée, « comme par miracle », disent les témoi
1307
volées, les cloches de la délivrance : c’est cela
que
l’Europe vient de vivre ! Nuit blanche. Trois actes se composent. Au
1308
ée l’appel au musicien — et celui-ci ne peut être
qu’
Honegger. Je vais le voir à Paris. Je ne le connaissais pas. En pleine
1309
, inconnu du grand public, je ne lui apporte rien
qu’
une commande peu munificente. Je lui en résume les données, j’esquisse
1310
domicile. Je tombe bien, Honegger vient d’écrire
que
la seule forme théâtrale à laquelle il croit pour l’avenir est « cell
1311
sentiment, non seulement mon texte, mais tout ce
que
j’ai pensé, arrière-pensé en l’écrivant et renoncé à y mettre faute d
1312
dans la rue, en conduisant ma Bugatti. Jusqu’à ce
que
la mélodie sorte des paroles. » Cette espèce d’harmonie préétablie, c
1313
ie préétablie, comment ne pas admettre après coup
qu’
elle ait gouverné dans le fait plusieurs séries de « hasards objectifs
1314
s contradictoires, et une troisième On a écrit
que
si l’oratorio Nicolas de Flüe « n’est pas devenu populaire » c’est qu
1315
olas de Flüe « n’est pas devenu populaire » c’est
que
« ce pacifiste était inopportun en un moment où il s’agissait de rési
1316
bataille pour la défense spirituelle de la Suisse
que
nous avons livrée pendant la guerre, votre œuvre avait pour nous la v
1317
nous la valeur d’un corps d’armée ! » Il se peut
que
les deux jugements soient justes. Ce qui est certain, c’est que l’hom
1318
ugements soient justes. Ce qui est certain, c’est
que
l’homme de la paix est seul capable de gagner ce que toute guerre, mê
1319
l’homme de la paix est seul capable de gagner ce
que
toute guerre, même victorieuse, perd à coup sûr : les raisons d’être
1320
uts de la construction européenne (1977)ad Tel
qu’
il se manifeste pour la première fois devant l’opinion internationale,
1321
dre intelligibles les débuts et l’évolution de ce
que
l’on est convenu de nommer, non sans optimisme, quant à la vraie natu
1322
u phénomène, la Construction européenne. Il n’est
que
juste et décent d’ajouter que sans le plan Marshall, proposé aux Euro
1323
uropéenne. Il n’est que juste et décent d’ajouter
que
sans le plan Marshall, proposé aux Européens en 1947, rejeté par l’Es
1324
ropéenne qui s’éprouve obscurément menacée, ainsi
que
Dante va l’écrire dans le De Monarchia, par « le monstre aux multiple
1325
èles. De siècle en siècle, l’idée renaît à mesure
que
l’État se renforce. Au xve siècle, le roi de Bohême, Georges Podiebr
1326
iversité moderne n’auraient-ils été « utopiques »
que
sur un seul sujet, l’Europe ? Mais les États ne font qu’accroître leu
1327
un seul sujet, l’Europe ? Mais les États ne font
qu’
accroître leur prétention à la souveraineté absolue : elle était dynas
1328
— ces parties qui se veulent chacune plus grande
que
le tout continental — vont provoquer l’inévitable explosion de la Pre
1329
nseil français, lequel déclare à Genève, en 1929,
qu’
« entre les peuples de l’Europe doit exister une sorte de lien fédéral
1330
projet au nom précisément de la « souveraineté »
qu’
ils estiment menacée par toute forme d’union qui ne soit pas purement
1331
issus de la Résistance européenne à l’hitlérisme,
qu’
ils soient français ou italiens, allemands ou hollandais, suisses ou a
1332
de l’économie mondiale ». C’est à Montreux enfin
que
naît l’idée d’un rassemblement de tous les courants européistes jusqu
1333
omisé », et au stato-nationalisme centralisateur,
qu’
ils tenaient pour les fourriers du totalitarisme. Or, l’idéologie pers
1334
au lendemain de la guerre. Il convient d’ajouter
que
ces militants ignorent, en général, les anciens plans d’union de l’Eu
1335
ours en faveur d’une « sorte d’union européenne »
que
multiplient les grands ténors de la diplomatie occidentale ; rappelon
1336
continent. Cependant, pour l’observateur objectif
que
voudrait être l’historien, il est clair que ni les chefs de mouvement
1337
ectif que voudrait être l’historien, il est clair
que
ni les chefs de mouvements, sans pouvoir, ni les ministres de gouvern
1338
de quelques hommes d’État non moins « nationaux »
que
les autres, mais qui prétendent parler au nom de la Paix. Le Congrès
1339
les six mois, un parlement européen. On ne retint
que
l’idée d’une assemblée dont les membres seraient élus par les parleme
1340
nomiques. Les thèses fédéralistes ne triomphèrent
que
dans les résolutions proposant la création d’un Centre européen de la
1341
pe de pression à pied d’œuvre, il ne restait plus
qu’
à trouver les hommes d’État capables de faire passer les différentes p
1342
ait à ces fins de moyens beaucoup plus importants
que
le Conseil de l’Europe. L’organisation de Strasbourg se vit amenée de
1343
concentrer ses efforts créateurs sur les domaines
que
les souverainetés politiques stato-nationales et les compétences écon
1344
e en octobre de l’année suivante. Et il se trouva
que
sa première opération fut de définir la nature de la mission du CERN,
1345
de définir la nature de la mission du CERN, ainsi
que
de programmer les étapes de sa réalisation par les États européens, v
1346
ainsi (et même renversant parfois) le brain-drain
qu’
étaient alors en train de subir toutes nos nations, trop pauvres pour
1347
les deux résultats les plus spectaculaires de ce
que
l’on peut appeler la période des congrès demeurent sans contredit la
1348
pressaient dans le Salon de l’Horloge comprirent
qu’
ils vivaient un grand moment de l’Histoire. Il s’agissait de substitue
1349
une réforme, mais une révolution. On peut penser
que
c’est à la faveur d’une espèce de distraction tant du Conseil des min
1350
ant du Conseil des ministres français, la veille,
que
de la presse ce jour-là, puis de l’opinion européenne et finalement d
1351
’opinion européenne et finalement des parlements,
que
le « plan Schuman » a si vite réussi. Il s’agissait en réalité d’un p
1352
aversant librement les frontières des Six fut tel
que
, vingt-cinq ans plus tard, la presse européenne célébrant l’anniversa
1353
aux Six, comme si les Six n’étaient rien de plus
que
des producteurs et des consommateurs de charbon et d’acier ! Ce qui a
1354
t à l’intention de la Société des Nations. Plutôt
que
l’Europe elle-même, ce qui naissait avec la CECA, c’était une méthode
1355
it une méthode pour faire l’Europe. Nous avons vu
que
les idées directrices d’un pool charbon-acier avaient été formulées m
1356
hode apparut très vite évidente, et d’autant plus
que
la période des congrès, si riche en initiatives enthousiastes, n’avai
1357
initiatives enthousiastes, n’avait créé, en fait,
que
le Conseil de l’Europe, dont les capacités de décision politiques aut
1358
dont les capacités de décision politiques autant
qu’
économiques étaient sinon nulles, du moins annulables en tout temps pa
1359
et, fin 1951, on lui fit observer de divers côtés
qu’
une armée sans gouvernement poserait des problèmes insolubles. D’autre
1360
solubles. D’autres voulaient croire, en revanche,
qu’
elle entraînerait nécessairement l’avènement d’un pouvoir politique, e
1361
ouvoir politique, en vertu de la méthode qui veut
que
« la création d’une situation déséquilibrée oblige à faire un pas de
1362
que et la stratégie de la CECA, « ils sont d’avis
que
l’union doit être réalisée d’abord dans le domaine économique ; ils e
1363
d’abord dans le domaine économique ; ils estiment
qu’
il faut étudier la création d’une organisation commune à laquelle sero
1364
cifique de l’énergie atomique ; ils reconnaissent
que
la constitution d’un Marché commun européen est l’objectif de leur ac
1365
uropéenne, avec siège à Bruxelles. Le fait patent
que
vingt-cinq ans après la formation de la CECA nul progrès politique n’
1366
ns sur cet obstacle majeur à toute union sérieuse
qu’
est l’État-nation, obsédé par ses droits souverains, d’ailleurs de plu
1367
e l’Est et de l’Extrême-Ouest, comment se fait-il
que
rien n’ait été fait, que rien ne se fasse ? Dans l’état actuel de not
1368
uest, comment se fait-il que rien n’ait été fait,
que
rien ne se fasse ? Dans l’état actuel de notre société, les gouvernem
1369
re (1977)ae af Cet homme dont on a pu écrire «
qu’
il n’avait l’air de rien », qu’il entrait dans la salle du parlement «
1370
t on a pu écrire « qu’il n’avait l’air de rien »,
qu’
il entrait dans la salle du parlement « comme un ecclésiastique qui se
1371
me un ecclésiastique qui se rend à la chaire » et
qu’
il « pesait longuement ses arguments comme un vieux pharmacien ses pil
1372
Inapte au service militaire, il ne sera mobilisé
qu’
au titre « d’employé auxiliaire » d’une sous-préfecture. Il n’a donc j
1373
udent politicien et du célibataire presque timide
que
l’on a si souvent décrit, un homme d’État soudain s’est déclaré. Et t
1374
, lisant un texte inattendu, donc mal compris, et
qu’
on accepte à cause de cela seulement, a peut-être changé le cours de n
1375
le cours de nos destins. Cette espèce de miracle
que
représente la CECA, entendons l’acceptation grâce à Schuman du projet
1376
égion / Fédération continentale Car la politique
qu’
exprime le second membre ne résulte nullement de l’évaluation plus ou
1377
rement acquise de l’homme de la frontière, autant
que
ses méditations historiques et ses finalités spirituelles. Elle est i
1378
inaugurale du 9 mai 1950, montre une fois de plus
que
l’Histoire n’est pas faite par « les masses » mythiques, mais bien pa
1379
ent se poser à l’historien du célibataire endurci
que
fut Robert Schuman : à qui faut-il attribuer la Déclaration du 9 mai
1380
fut-il en réalité un Plan Monnet ? Il est certain
que
la Déclaration n’a pas été rédigée par Schuman, mais par l’équipe de
1381
e Uri et Étienne Hirsch. Il est non moins certain
qu’
en faisant du projet « son affaire » et en engageant sur lui le sort d
1382
alise ? Peut-être pourrait-on évoquer ici, plutôt
que
la relation classique entre le dramaturge et l’acteur qui fait triomp
1383
ans leurs différences et dans leurs ressemblances
que
l’histoire a pu voir et enregistrer : coopération entre Sully et Henr
1384
du passé qui eussent pu au contraire l’aveugler,
que
par sa vision lucide de l’avenir des pays de l’Europe. Il avait beauc
1385
t, « néglige de l’examiner avec toute l’attention
qu’
il méritait », autrement dit n’y répond pas : il n’est pas motivé par
1386
ans quel esprit l’homme politique de premier plan
qu’
était devenu Robert Schuman jugeait-il la fonction de ces deux entrepr
1387
is par lui à la fin de sa vie, je trouve ces mots
qu’
on ne saurait souhaiter plus éclairants, et qui servent de titre à son
1388
vra le cheminement des esprits. On sent bien ici
que
Schuman n’a jamais eu, en réalité, à « interrompre sa méditation pour
1389
ser à l’action » puisque c’est tout naturellement
que
sa méditation s’est poursuivie en création et n’a cessé de soutenir s
1390
re volontairement modeste, aura été plus créateur
que
les grands ténors de ce siècle. Piéton tranquille sur les chemins de
1391
er. Et certes, il n’a jamais entretenu l’illusion
qu’
il irait lui-même jusqu’au but. Il m’avait dit un jour de 1960, dans u
1392
e orthodoxie protestante, aussi paradoxale en soi
que
dans les polémiques qu’elle nous inspirait. Cette interprétation de n
1393
, aussi paradoxale en soi que dans les polémiques
qu’
elle nous inspirait. Cette interprétation de notre mouvement était en
1394
sembler normal à quelque observateur superficiel
que
face à ces dogmatiques conquérantes catholiques et protestants se ram
1395
de Maritain, néo-calvinisme de Barth. C’était ce
que
croyaient voir les journalistes, quand il leur arrivait de regarder d
1396
uestion d’orthodoxie ! (Sauf une fois : pour nier
que
nous défendions une « orthodoxie calviniste ».) En revanche, des « hé
1397
mais non point comme « contraires au dogme » : ce
que
nous referons comme « hérétique », c’est tout choix exclusif d’un seu
1398
es se trompent insondablement : celui qui affirme
que
la morale est suffisante, et celui qui nie qu’elle soit nécessaire… L
1399
me que la morale est suffisante, et celui qui nie
qu’
elle soit nécessaire… Le moralisme donne une réponse universelle et in
1400
e phrase morale par orthodoxie, et vous saurez ce
que
nous pensions alors. La vérité ne pouvait être à nos yeux quelque cho
1401
» Et par « existence » nous ne pouvions entendre
que
« décision concrète… dans l’instant, hic et nunc. » Nous disions enco
1402
mme se les approprie, comme sa chose et son bien,
qu’
il posséderait sans l’actualité de cette Parole et avant elle. Les de
1403
it : « Lis le Coran comme s’il n’avait été révélé
que
pour ton propre cas. » Kierkegaard écrit : « L’Évangile doit être lu
1404
onne n’est jamais entré ni sorti, depuis des mois
que
j’attends ici ! À quoi le gardien répond : Elle n’était là que pour t
1405
ici ! À quoi le gardien répond : Elle n’était là
que
pour toi. Maintenant, il est trop tard, nous la fermons. Nous pressen
1406
est trop tard, nous la fermons. Nous pressentions
qu’
il n’y a de porte que pour celui qui osera la franchir, à tous risques
1407
a fermons. Nous pressentions qu’il n’y a de porte
que
pour celui qui osera la franchir, à tous risques, sans laissez-passer
1408
ous risques, sans laissez-passer d’aucune sorte ;
qu’
il n’y a de sens que pour celui qui se met en marche, et que la vraie
1409
issez-passer d’aucune sorte ; qu’il n’y a de sens
que
pour celui qui se met en marche, et que la vraie voie est unique. ⁂ P
1410
a de sens que pour celui qui se met en marche, et
que
la vraie voie est unique. ⁂ Pour entrer dans la dialectique de l’héré
1411
que ». Elle peut signifier aussi bien qu’il n’y a
qu’
une vraie voie, qu’une vérité viable, la même pour tous, à la fois gén
1412
gnifier aussi bien qu’il n’y a qu’une vraie voie,
qu’
une vérité viable, la même pour tous, à la fois générale et objective
1413
à la fois générale et objective — ou au contraire
qu’
il y a pour chacun une voie, une vérité qui ne vaut que pour lui seul,
1414
y a pour chacun une voie, une vérité qui ne vaut
que
pour lui seul, particulière et subjective. La « voie unique » peut en
1415
aticable par tous, en tout lieu et tout temps, et
qu’
on ne saurait violer sans s’égarer ; — ou au contraire une forme d’exi
1416
ique » peut donc désigner aussi bien l’orthodoxie
que
l’hérésie. On voit ici que ces deux phénomènes radicalement antinomiq
1417
ussi bien l’orthodoxie que l’hérésie. On voit ici
que
ces deux phénomènes radicalement antinomiques sont en relation de com
1418
aux ponts et chaussées ni à la police de la route
qu’
il faut s’adresser si l’on cherche le chemin du Graal. ⁂ La complément
1419
ntre universel et unique. Mais ce n’est peut-être
qu’
une question de tempérament. Selon que l’on relève du type introverti
1420
t peut-être qu’une question de tempérament. Selon
que
l’on relève du type introverti ou du type extraverti, on sera porté à
1421
us facilement et d’une manière plus féconde selon
que
cette confession offre un climat de bonheur (ou si l’on veut de créat
1422
i l’on veut de créativité) à tel tempérament plus
qu’
à tel autre : ainsi le luthéranisme et l’orthodoxie russe favorisent l
1423
i le communisme « orthodoxe ») attend des fidèles
qu’
ils optent en dernier ressort non pour l’Individu (au sens kierkegaard
1424
e mystique, et qui possède une vertu de contagion
que
je voudrais dire convertissante. (Pour, moi, s’il faut en croire les
1425
ssante. (Pour, moi, s’il faut en croire les tests
que
j’ai passés, je me verrais plutôt entre deux pentes, soit sur le chem
1426
fois !) ⁂ L’aventurier de l’esprit suit le chemin
qu’
il invente en y marchant. « Ta parole est une lampe à mes pieds, une l
1427
n sentier », dit le psalmiste. La lampe n’éclaire
que
le terrain où je m’avance, ce chemin qui commence à mes pas. L’homme
1428
ence à mes pas. L’homme de la foi ne suit sa voie
qu’
en la frayant, « sentier étroit », dit le Bouddha, et l’Évangile parle
1429
à l’avance : tu l’ouvres en osant la franchir tel
que
tu es en marche par la foi, et non tel qu’on l’entend — maîtres, cout
1430
ir tel que tu es en marche par la foi, et non tel
qu’
on l’entend — maîtres, coutume d’Église ou règlements de la société. ⁂
1431
. D’ici là, l’Église véritable ne saurait exister
que
dans l’attente ardente et dans cette anxieuse espérance commune à tou
1432
iques » malgré eux : ceux qui ont un jour compris
qu’
ils étaient bien forcés d’inventer leur chemin sans aucune garantie, p
1433
, parce que je suis d’accord avec presque tout ce
qu’
a dit Jeanne Hersch hier soir. Il aurait peut-être mieux valu commence
1434
ique, dont on pourrait tirer également — je pense
que
l’auteur le pensait ainsi — des leçons de modération politique, leçon
1435
toutes, d’une manière irréversible, et le pouvoir
que
nous avons en Suisse qui, lui, est un pouvoir réparti. C’est le pouvo
1436
, depuis très longtemps, depuis des décennies, et
que
j’appelle l’opposition entre la puissance et la liberté. La puissance
1437
et liberté comme fins de la société, et je crois
que
cette distinction est, aujourd’hui, décisive. Elle domine absolument
1438
eanne Hersch n’a pas prétendu faire beaucoup plus
que
tous les auteurs, qui ont essayé cette définition impossible, d’Arist
1439
, l’écartèle. Moi je veux bien, mais il me semble
que
cela permet de faire entrer un peu trop de choses dans la définition
1440
français qui, quand on lui demandait, un jour : «
Que
faites-vous devant un problème insoluble ? », répondait : « Eh bien !
1441
ustré devant ce recul devant la définition. Mais,
qu’
y faire après tout ? Le pouvoir est là, défini ou non, il est là. Nous
1442
subir. Ceci me rappelle une très jolie épigraphe
que
Jean Cocteau avait mise à son Secret professionnel. C’est un petit di
1443
C’est évidemment parce que le pouvoir ne se sent
que
trop de nos jours, et que cela s’accompagne d’un sentiment d’impuissa
1444
e le pouvoir ne se sent que trop de nos jours, et
que
cela s’accompagne d’un sentiment d’impuissance croissant dans les pop
1445
ssant dans les populations et chez les individus,
que
les Rencontres ont choisi le thème du pouvoir. Le nœud du problème tr
1446
rsch c’est, peut-être, ce sentiment d’impuissance
que
nous avons devant les pouvoirs, qui nous amène à toutes sortes d’excè
1447
de réactions anarchisantes. Il provient de l’idée
que
le pouvoir nous est extérieur, qu’il se présente à nous sous forme de
1448
ient de l’idée que le pouvoir nous est extérieur,
qu’
il se présente à nous sous forme de contrainte, que nous subissons san
1449
u’il se présente à nous sous forme de contrainte,
que
nous subissons sans pouvoir l’exercer. Et nous sommes un peu ahuris p
1450
nécessités de la défense nationale, par exemple,
que
le pouvoir allègue, et qui coupent court à toute espèce de discussion
1451
archistes en observant, à juste titre d’ailleurs,
que
le simple refus du pouvoir extérieur finit par nous y livrer bien plu
1452
érieur finit par nous y livrer bien plus sûrement
que
toute autre conduite, et finit dans l’État totalitaire. Il me semble
1453
e, et finit dans l’État totalitaire. Il me semble
qu’
il y aurait lieu, ici, de marquer beaucoup plus fermement les conséque
1454
le dit l’expression consacrée, car nous ne savons
que
trop à quoi cela mène : ceux qui croyaient prendre le pouvoir sont pr
1455
: le pouvoir du souverain consiste dans l’abandon
que
le peuple souverain lui a fait, une fois pour toutes, de sa souverain
1456
, au début de 1917, dans L’État et la Révolution,
que
toutes les révolutions bourgeoises, jusqu’alors, n’avaient fait que r
1457
olutions bourgeoises, jusqu’alors, n’avaient fait
que
renforcer l’État et la police, c’est-à-dire que l’État s’était emparé
1458
t que renforcer l’État et la police, c’est-à-dire
que
l’État s’était emparé de ceux qui voulaient s’en emparer. Là-dessus,
1459
llustré lui-même, d’une manière parfaite, tout ce
qu’
il avait dénoncé quelques mois plus tôt. Je pense qu’il n’y a qu’un mo
1460
il avait dénoncé quelques mois plus tôt. Je pense
qu’
il n’y a qu’un moyen d’opposer le pouvoir de liberté au pouvoir de l’É
1461
oncé quelques mois plus tôt. Je pense qu’il n’y a
qu’
un moyen d’opposer le pouvoir de liberté au pouvoir de l’État devenu e
1462
espèce de pouvoir, mais de distribuer le pouvoir
que
nous trouvons abusif. Distribuer, par exemple, le pouvoir de l’État-n
1463
tte distribution, ce double dépassement, c’est ce
que
j’appelle le fédéralisme, mouvement qui s’inscrit, à mes yeux, dans c
1464
, à mes yeux, dans cette alternative fondamentale
que
je citais tout à l’heure entre la puissance et la liberté, et s’y ins
1465
té. Ayant écrit, dans un assez gros livre récent,
que
ce drame est celui de notre époque, j’ai trouvé, l’autre jour, et apr
1466
et après coup, la formule la plus simple pour ce
que
je voulais dire dans ce livre, et dans beaucoup d’autres. Je pense qu
1467
ans ce livre, et dans beaucoup d’autres. Je pense
que
cette formule rejoint les thèses de Jeanne Hersch, hier soir, notamme
1468
notamment sur l’omniprésence du pouvoir, le fait
que
le pouvoir est, aussi, dans la liberté, et qu’on ne peut concevoir la
1469
it que le pouvoir est, aussi, dans la liberté, et
qu’
on ne peut concevoir la liberté sans l’intervention du pouvoir. La for
1470
iberté sans l’intervention du pouvoir. La formule
que
je vous propose est la suivante : « La puissance, c’est le pouvoir qu
1471
st la suivante : « La puissance, c’est le pouvoir
que
l’on prend sur autrui ; la liberté, c’est le pouvoir que l’on prend s
1472
n prend sur autrui ; la liberté, c’est le pouvoir
que
l’on prend sur soi-même. » [Réagissant aux remerciements et demande
1473
ch :] Il n’y a pas vraiment d’opposition entre ce
que
vous avez dit plus longuement hier soir, et ce que j’ai dit, très vit
1474
ue vous avez dit plus longuement hier soir, et ce
que
j’ai dit, très vite, aujourd’hui. Voilà pourquoi j’ai paru trop clair
1475
es ravages de la guerre, elle n’a d’autres moyens
que
de borner les facultés du pouvoir. » am. Rougemont Denis de, « La
1476
régions, qui entendent tout simplement et autant
qu’
ils le peuvent, rester maîtres de leur propre destin. Or, parmi ceux q
1477
libre de ses actes ? N’allons pas croire pourtant
qu’
entre le besoin de puissance à tout prix et le besoin de liberté à tou
1478
eux camps bien tranchés : c’est en chacun de nous
que
le conflit se poursuit. Les deux pulsions contraires coexistent en no
1479
e qui ait quelque saveur sans au moins l’illusion
qu’
on l’exerce « librement ». Mais le choix proprement politique au sens
1480
uelle les moyens ont pour devoir de concourir. Ce
qu’
il faut voir, et qui est peut-être décisif, c’est que le parallélisme
1481
il faut voir, et qui est peut-être décisif, c’est
que
le parallélisme inversé entre les deux choix n’est pas exact. Le choi
1482
ssance. Choisir les centrales nucléaires — quelle
que
soit leur définition, eau légère ou surgénérateurs — implique, entraî
1483
ysiques, incroyablement chères, et si dangereuses
que
nos pays, tout en jurant qu’elles sont inoffensives, ne les bâtissent
1484
s, et si dangereuses que nos pays, tout en jurant
qu’
elles sont inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin que possible d
1485
rant qu’elles sont inoffensives, ne les bâtissent
qu’
aussi loin que possible de leur capitale. Les adversaires des centrale
1486
sont inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin
que
possible de leur capitale. Les adversaires des centrales qui les déno
1487
esques, trop chères et trop dangereuses, ignorent
qu’
ils dénoncent là les raisons mêmes qui font que nos États les adoptent
1488
nt qu’ils dénoncent là les raisons mêmes qui font
que
nos États les adoptent. Car « très grand » suppose, qu’on le veuille
1489
s États les adoptent. Car « très grand » suppose,
qu’
on le veuille ou non : très centralisé. « Très cher » implique l’inter
1490
l’énergie solaire implique, entraîne et favorise,
qu’
on le veuille ou non, des groupuscules, des communes, des régions à la
1491
entretenir une guerre. Il est clair comme le jour
que
le choix des centrales nucléaires et des usines de retraitement du mé
1492
fin de l’histoire humaine. Il est non moins clair
que
personne n’a jamais osé dire, ni même laissé entendre, que le choix s
1493
nne n’a jamais osé dire, ni même laissé entendre,
que
le choix solaire est la condition même de la paix : car ce choix sign
1494
s, car les fins seules dicteront leurs moyens. Ce
qu’
il faut voir, c’est que le but de la société n’est pas du tout d’assur
1495
dicteront leurs moyens. Ce qu’il faut voir, c’est
que
le but de la société n’est pas du tout d’assurer à quelques-uns la re
1496
ntables, quand il serait réellement « impératif »
que
la consommation d’énergie double tous les dix ans, je serais contre,
1497
time Denis de Rougemont, n’est jamais plus grande
que
lorsqu’ils déclarent que cette puissance est au service de l’intérêt
1498
n’est jamais plus grande que lorsqu’ils déclarent
que
cette puissance est au service de l’intérêt public. Ils ont toujours
1499
t ils continuent de la faire, dans le cadre de ce
qu’
ils considèrent, eux, comme l’intérêt public. Récemment, ils ont encor
1500
ces publics en sont en fait venus à asservir ceux
qu’
ils étaient censés servir. La charge qu’ils leur font supporter est pa
1501
rvir ceux qu’ils étaient censés servir. La charge
qu’
ils leur font supporter est parfois financière quand il s’agit, par ex
1502
l’État. Ce sont les implications politiques de ce
qu’
il nomme « le Choix du siècle » que l’auteur de L’Avenir est notre af
1503
litiques de ce qu’il nomme « le Choix du siècle »
que
l’auteur de L’Avenir est notre affaire estime urgent de souligner a
1504
ys de Vaud, naguère encore fief des Savoie, ainsi
que
le Chablais et le pays de Gex. Fribourg, vieille cité-État aristocrat
1505
qui formeront plus tard la Romandie. C’est ainsi
que
Neuchâtel qui avait entretenu pendant des siècles des liens étroits a
1506
vers les Bernois, pourtant germanophones, plutôt
que
vers les Vaudois, pourtant francophones, ou les Fribourgeois catholiq
1507
itique) qui a créé la Suisse romande, bien plutôt
que
la géographie (point de frontières naturelles à l’est), que l’histoir
1508
graphie (point de frontières naturelles à l’est),
que
l’histoire (intérêts divergents de nos cinq cantons au long des siècl
1509
nos cinq cantons au long des siècles), ou encore
que
l’analogie de régime politique (une Principauté héréditaire, une prin
1510
nd » va se constituer. Il sera l’expression de ce
que
les cinq cantons — et surtout les trois protestants — sentiront qu’il
1511
ns — et surtout les trois protestants — sentiront
qu’
ils possèdent en commun, malgré leurs origines hétéroclites, une fois
1512
complexe de philosophie et de doctrine politique
qu’
illustreront au cœur même de l’Europe, successivement, Jean-Jacques Ro
1513
s Allemagnes. Dans le courant du xixe siècle, ce
que
l’on nommera « l’esprit romand » se signale et se caractérise par des
1514
philosophiques, critiques et théologiques plutôt
que
purement littéraires. Les deux grands noms du siècle, en Suisse roman
1515
la Suisse romande va devenir la mère patrie de ce
qu’
on nomme aujourd’hui les sciences humaines. Ferdinand de Saussure fond
1516
e. On a beaucoup écrit sur cet « esprit romand »,
que
dans la plupart des ouvrages à lui consacrés, on considère comme grav
1517
’insister : les deux clichés ne sont rien de plus
que
des clichés. Il y a chez le Vaudois une bonhomie un peu cynique, une
1518
ue, une sorte de paresse qui peut être rusée mais
que
l’accent rend désarmante ; chez le Neuchâtelois que Rousseau, bien à
1519
e l’accent rend désarmante ; chez le Neuchâtelois
que
Rousseau, bien à tort, qualifiait de « fin, faux, fourbe et courtois
1520
du moins, le Suisse romand d’empreinte réformée,
qu’
il soit horloger ou pasteur, militant socialiste dans les montagnes, v
1521
montagnes, vigneron de Lavaux, banquier genevois…
Qu’
on m’entende bien : je ne limite pas « l’esprit romand » à ses express
1522
tement moral et civique, fût-il aussi sentimental
que
nos chants patriotiques, aussi concret qu’une votation sur la TVA. «
1523
mental que nos chants patriotiques, aussi concret
qu’
une votation sur la TVA. « L’esprit romand » implique une politique, j
1524
es n’ont acquis le sentiment de former une entité
qu’
à la faveur de leur rattachement tardif (1814, 1815, 1848) à la Conféd
1525
vétique, et ils ne doivent leur « esprit » commun
qu’
à la dominante protestante (sensible jusque dans les écrits d’auteurs
1526
écente, et il ne serait pas raisonnable de penser
qu’
elle va se figer désormais dans son image du xixe siècle. Elle va cha
1527
ve et ses voisins gessiens et savoyards. (On sait
que
la crainte de recevoir trop de catholiques avait joué un rôle fort im
1528
al de durcir les frontières et de les fermer plus
qu’
elles ne l’ont jamais été dans toute l’histoire européenne. Et que dev
1529
t jamais été dans toute l’histoire européenne. Et
que
devient pendant ce temps « l’esprit romand » ? Sa dominante protestan
1530
à prévoir et appelle une série de développements
que
rien n’eût permis de prévoir il y a un demi-siècle. La fermeture prog
1531
mais elle aussi transfrontalière car chacun sait
que
les pollutions n’ont jamais été arrêtées par les douaniers, ni par la
1532
nne unité. Sur cette aire, certes plus historique
que
géographique, je repère une vingtaine d’universités et d’instituts un
1533
versités et d’instituts universitaires32, densité
que
je crois inégalée dans le reste de l’Europe. Frappé par ce fait, j’av
1534
gle, il me dit : — « Détrompez-vous ! Le triangle
que
vous venez de dessiner couvre très exactement l’aire du franco-proven
1535
angue distincte à la fois de l’oc et de l’oïl, et
que
parlèrent nos populations du ixe au début du xixe siècles. » Je dev
1536
ette langue — dont nous ne connaissons plus guère
que
quelques expressions patoisantes et les paroles du Cé qu’è lainô. Il
1537
ques expressions patoisantes et les paroles du Cé
qu’
è lainô. Il n’en reste pas moins remarquable que l’extension d’une lan
1538
é qu’è lainô. Il n’en reste pas moins remarquable
que
l’extension d’une langue oubliée, comme refoulée dans l’inconscient c
1539
e moderne, plus de liens et bien plus mystérieux,
que
nos brillants théoriciens et nos robustes réalistes n’auraient jamais
1540
nde est l’expression moderne — elle ne date guère
que
de la seconde moitié du siècle passé — d’un complexe de petites unité
1541
r former au sein de celle-ci une nouvelle entité,
que
l’on peut définir grosso modo comme la partie francophone de la Suiss
1542
’une société commence quand l’homme se demande : “
Que
va-t-il arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis-je faire ?”. À
1543
“Que va-t-il arriver ?” au lieu de se demander : “
Que
puis-je faire ?”. À ces deux questions, curieusement, il n’est qu’une
1544
?”. À ces deux questions, curieusement, il n’est
qu’
une réponse possible et c’est : “Toi-même !” » Voilà, en ces temps inc
1545
ces temps incertains, le salutaire avertissement
que
nous donne l’essayiste suisse Denis de Rougemont, au terme d’un livre
1546
affaire. À tous les dangers qui nous menacent et
que
l’auteur dénonce lucidement, on n’est certes pas obligé d’apporter le
1547
ugemont, vous parlez d’une « crise universelle ».
Qu’
entendez-vous par là ? J’entends que, à l’Est comme à l’Ouest, les idé
1548
niverselle ». Qu’entendez-vous par là ? J’entends
que
, à l’Est comme à l’Ouest, les idéaux de progrès matériel, de producti
1549
t, mais dans le tiers-monde. Parce qu’on nous dit
que
l’humanité va doubler tous les trente ans, nous croyons que la produc
1550
nité va doubler tous les trente ans, nous croyons
que
la production industrielle et énergétique, va devoir augmenter d’une
1551
sement. Il nous reste du pétrole pour trente ans.
Que
fera-t-on dans trente ans des autos et des autoroutes ? Réponse des t
1552
rit sera aussi épuisé, pense-t-on, en trente ans.
Qu’
à cela ne tienne, disent les technocrates, nous ferons des centrales a
1553
ture » ? Oui, et ce qui la rend dangereuse, c’est
qu’
elle s’opère aujourd’hui sous l’égide de l’État-nation, contre le vœu
1554
ide de l’État-nation, contre le vœu des citoyens.
Qu’
appelez-vous l’État-nation ? C’est la mainmise d’un appareil étatique
1555
arliez d’agression contre la nature. Il n’y a pas
que
la pollution par l’industrie. Pour moi, la pollution majeure et défin
1556
définitive de la terre serait la guerre atomique
que
préparent, malgré eux, tous nos États-nations. Vous semblez trouver u
1557
allons pas trop vite ! Je constate, en historien,
qu’
à l’origine de nos maux actuels, il y a le gigantisme, la superstition
1558
ition des grandes dimensions. Or, nous constatons
que
les petits États ont tous les avantages sur les grands : niveau matér
1559
ses, c’est-à-dire de grandes guerres. Au fond, ce
que
vous nous proposez, c’est le modèle suisse ? C’est quelque chose qui
1560
égradation des relations humaines. Mais ces États
que
vous dénoncez ont quand même édifié au cours des siècles une langue e
1561
une langue et une culture commune ? L’État-nation
que
je dénonce a 180 ans d’âge. Il a détruit, lentement mais sûrement et
1562
le sens civique dans l’Hexagone. Mais les régions
que
je préconise sont autre chose que les seules ethnies : ce sont les co
1563
ais les régions que je préconise sont autre chose
que
les seules ethnies : ce sont les communautés qu’il s’agit de reconnaî
1564
que les seules ethnies : ce sont les communautés
qu’
il s’agit de reconnaître, comme le disait Vidal de la Blache, et non d
1565
Blache, et non de délimiter. Mais il est évident
que
les frontières seraient débordées ? On dénombre actuellement une ving
1566
ns-nous aboutir à ces solutions ? Je ne pense pas
que
les hommes vont devenir sages dans les dix années décisives qui vienn
1567
dix années décisives qui viennent, mais je pense
qu’
un certain nombre de catastrophes vont les forcer à réfléchir et à cha
1568
rté des personnes. La puissance, c’est le pouvoir
que
l’on prend sur les autres, la liberté, c’est le pouvoir que l’on pren
1569
rend sur les autres, la liberté, c’est le pouvoir
que
l’on prend sur soi-même. al. Rougemont Denis de, « Il faut changer
1570
L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)ao ap
Que
nous agissions ou non, que nous le voulions ou non, l’avenir est notr
1571
(octobre 1977)ao ap Que nous agissions ou non,
que
nous le voulions ou non, l’avenir est notre affaire. Nous en sommes s
1572
n’est pas de nos lâchetés morales. » C’est ainsi
que
Denis de Rougemont, écrivain suisse, pionnier de l’idée européenne, s
1573
t la profession de foi mais aussi l’avertissement
que
lance sans ménagement cet homme de 71 ans, qui a perdu bien des illus
1574
me du comprimé d’algues marines en guise de steak
qu’
on lui a promis dès les années 1950. » Ce n’est qu’un aspect ! Mais no
1575
u’on lui a promis dès les années 1950. » Ce n’est
qu’
un aspect ! Mais nous sommes libres aussi de réagir, « de retrouver no
1576
« Tout est encore possible, dit-il, et même plus
que
jamais. Tout est possible mais il faut choisir. » Ce n’est pas un hom
1577
[…] C’était simpliste et ridicule, aussi aberrant
que
l’on voudra. C’était un idéal commun, et terriblement effectif. Alors
1578
t lorsqu’en 1969 il a pris brutalement conscience
que
notre monde glissait vers le néant. Un rapport confidentiel du club d
1579
venir, alors elle signera sa mort. Or, maintenant
que
nous avons les moyens de surmonter les défis de la nature, nous voici
1580
ommes sont envahis par un sentiment d’impuissance
qu’
il faut absolument combattre. C’est lui qui mène la jeunesse à la déli
1581
s sociologues un peu sérieux, tant aux États-Unis
qu’
en Grande-Bretagne, en Scandinavie. Et nous y venons en France. Ce n’e
1582
és, est arrivé à la fin de sa vie à la conclusion
que
la ville idéale ne doit pas dépasser 50 000 habitants. C’est fantasti
1583
nons à la grande idée des Grecs. Ils savaient eux
que
si les villes dépassaient 100 000 habitants, elles ne seraient plus g
1584
les ne seraient plus gouvernées par les citoyens,
que
ces derniers ne pourraient plus se réunir sur l’agora, le forum, que
1585
pourraient plus se réunir sur l’agora, le forum,
que
c’en serait fini de la participation, de la communication et des rela
1586
tation qui les mutile moralement. Comment veut-on
que
l’homme soit encore un citoyen ! Et pourtant c’est de l’homme que Den
1587
encore un citoyen ! Et pourtant c’est de l’homme
que
Denis de Rougemont attend le grand changement. Pas de l’État, pas des
1588
, puisqu’elle seule nous fera réagir. C’est ainsi
que
cet automne naîtra « L’Agence de vérité atomique », parrainée par Den
1589
chose est sûre : on ne pourra bâtir des centrales
qu’
à l’abri d’un rideau de CRS, donc dans une société devenue policière.
1590
onaliste et antiétatiste. Tout prouve aujourd’hui
que
les États sont les grands responsables de la crise de notre civilisat
1591
doit être dessaisi des pleins pouvoirs. Ce n’est
qu’
en décidant de reprendre leur destin en main à l’échelon local et régi
1592
leur destin en main à l’échelon local et régional
que
les hommes y parviendront. Le moyen ? Refaire vivre les communes, les
1593
e qui perpétue les vieux clichés, qui fait croire
que
ce qui existe a toujours existé et que nous n’y pouvons rien changer.
1594
ait croire que ce qui existe a toujours existé et
que
nous n’y pouvons rien changer. Elle fait des citoyens pour ce qu’on v
1595
vons rien changer. Elle fait des citoyens pour ce
qu’
on veut, et trop souvent pour ce que l’État lui demande. Longtemps ell
1596
oyens pour ce qu’on veut, et trop souvent pour ce
que
l’État lui demande. Longtemps elle a fait des citoyens pour la nation
1597
oue dans les leçons de nos écoles secondaires. Or
qu’
y apprend-on ? Des mensonges. L’histoire des frontières naturelles par
1598
des frontières naturelles par exemple on apprend
que
les Pyrénées séparent la France de l’Espagne alors qu’elles réunissen
1599
nationales. Car l’enfant s’intéresse d’abord à ce
qu’
il voit, à ce qu’il peut toucher. Parlons-lui de l’histoire naturelle
1600
’enfant s’intéresse d’abord à ce qu’il voit, à ce
qu’
il peut toucher. Parlons-lui de l’histoire naturelle de sa région, de
1601
s des problèmes de l’école, de tous les mensonges
qu’
elle colporte et des moyens de les combattre. Pensez que quelque 3000
1602
e colporte et des moyens de les combattre. Pensez
que
quelque 3000 maîtres ont déjà été formés. Cela représente des dizaine
1603
pas de déclarations fracassantes. Mais, convaincu
qu’
« une vraie société n’est rien d’autre qu’une dimension de la personne
1604
nvaincu qu’« une vraie société n’est rien d’autre
qu’
une dimension de la personne », il prône la plus profonde révolution q
1605
rône la plus profonde révolution qui soit : celle
que
chacun doit accomplir en lui-même. ao. Rougemont Denis de, « [Ent
1606
à la mode ? La mode ? Je ne sais pas très bien ce
que
c’est ! Tout de même, avec la naissance d’une nouvelle sensibilité éc
1607
ré, dans l’air du temps… J’ai plutôt l’impression
que
l’air du temps retrouve un certain nombre d’idées pour lesquelles je
1608
m’émeut car ça fait toujours plaisir de constater
qu’
on n’a pas parlé dans le vide. Mais, parmi tous ceux qui défendent auj
1609
mi tous ceux qui défendent aujourd’hui les thèmes
que
je défendais moi-même dans les années 1930, combien m’ont vraiment lu
1610
bien m’ont vraiment lu ? Combien savent seulement
que
j’existe ? Tout de même… L’Amour et l’Occident fut un best-seller m
1611
de pensée33. En fait, il s’agit moins d’un slogan
que
d’un appel au bon sens. Car il ne faut pas s’y tromper : ou bien notr
1612
re vite. Cela dit, il y a un vieux proverbe latin
que
je me répète souvent : « Plaise aux dieux que je sois un faux prophèt
1613
tin que je me répète souvent : « Plaise aux dieux
que
je sois un faux prophète. » Le drame, aujourd’hui, c’est que la proph
1614
un faux prophète. » Le drame, aujourd’hui, c’est
que
la prophétie est devenue un exercice assez rigoureux. Regardez les co
1615
ces experts — et à d’autres —, on sait désormais
que
le pire, s’il n’est pas sûr, est en tout cas probable. Or, actuelleme
1616
ut cas probable. Or, actuellement, il n’y a guère
que
les écologistes pour percevoir et pour essayer de prévenir cette prob
1617
rotestation écologique, vous retrouvez les thèmes
que
vous aviez formulés dans les années 1930, puisque pour vous, fascisme
1618
intuition est devenu aujourd’hui une évidence. Et
que
répondez-vous à l’objection classique selon laquelle, finalement, cet
1619
finalement, cette critique de la croissance n’est
qu’
un luxe de nantis ? Après tout, le club des pays industrialisés est pl
1620
, c’est précisément à cause du type de croissance
que
les pays riches ont choisi pour eux. Ce type de croissance suppose né
1621
. C’est parce que nous nous développons à l’excès
que
nous maintenons d’innombrables pays d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique l
1622
la misère. Aujourd’hui, le tiers-monde s’imagine
que
le bonheur passe non seulement par l’automobile mais aussi par les em
1623
utomobile mais aussi par les embouteillages. Tant
qu’
il n’aura pas l’un et l’autre, il se sentira frustré, exclu. Je pense
1624
utre, il se sentira frustré, exclu. Je pense donc
qu’
après l’avoir exploité pendant plusieurs siècles l’Occident pourrait a
1625
ouvelles désillusions. Pour ce faire, il faudrait
que
nous commencions par changer de cap nous-mêmes. Il faudrait que nous
1626
ncions par changer de cap nous-mêmes. Il faudrait
que
nous imaginions une forme de développement moins démente, moins suici
1627
i adorent les scénarios « absurdes », ont calculé
que
, si notre démographie n’était pas maîtrisée, il suffirait de quelques
1628
rra même plus s’allonger… L’autre grande critique
que
vous avez été l’un des premiers à formuler concerne l’État-nation. Av
1629
taient le bord incontestable de leur identité. Or
qu’
est-ce qu’une frontière ? C’est, généralement, le résultat d’une guerr
1630
bord incontestable de leur identité. Or qu’est-ce
qu’
une frontière ? C’est, généralement, le résultat d’une guerre ou l’exp
1631
s thèmes très étroitement liés. En face, il n’y a
que
des illusions « stato-nationales ». Il est plaisant d’observer qu’auj
1632
« stato-nationales ». Il est plaisant d’observer
qu’
aujourd’hui, en France, ce sont les deux grandes traditions jacobines
1633
e retrouvent pour brandir des slogans, incapables
qu’
ils sont de voir plus loin que l’Hexagone. Vous dites également que la
1634
slogans, incapables qu’ils sont de voir plus loin
que
l’Hexagone. Vous dites également que la finalité de l’État-nation, c’
1635
ir plus loin que l’Hexagone. Vous dites également
que
la finalité de l’État-nation, c’est la guerre et que la seule façon d
1636
la finalité de l’État-nation, c’est la guerre et
que
la seule façon de prévenir celle-ci consiste à bâtir une Europe supra
1637
, depuis Hegel qui en fit la philosophie, on sait
que
l’État-nation est génétiquement lié à la guerre : « C’est par la guer
1638
lié à la guerre : « C’est par la guerre au-dehors
qu’
il trouve la tranquillité qu’il n’a plus au-dedans. » À cet égard, on
1639
la guerre au-dehors qu’il trouve la tranquillité
qu’
il n’a plus au-dedans. » À cet égard, on peut dater avec précision la
1640
patrons, ni paysans, ni bourgeois, il n’y a plus
que
des sujets dociles et mobilisés. La guerre permet de gommer toutes le
1641
linée. Toutes les institutions stato-nationales —
que
ce soit le centralisme, les méthodes de répression, ou la destruction
1642
e la part d’un homme qui cite plus souvent Luther
que
Bakounine… Je ne suis pas anarchiste dans la mesure où je sais qu’un
1643
ne suis pas anarchiste dans la mesure où je sais
qu’
un minimum d’État est nécessaire à l’organisation de la société. En re
1644
d’autre part, au profit de pouvoirs locaux. Tant
que
l’Europe n’existera pas politiquement, il n’y aura pas de régionalism
1645
de régionalisme possible. Comment expliquez-vous
que
l’idée européenne soit malgré tout cela si peu populaire ? Rien n’est
1646
elire tous ces textes, on a le sentiment très vif
que
, contrairement à ce que vous semblez croire, l’idée d’une Europe unie
1647
n a le sentiment très vif que, contrairement à ce
que
vous semblez croire, l’idée d’une Europe unie n’a jamais cessé de han
1648
Et, de nos jours, c’est encore plus sensible car,
qu’
on le veuille ou non, c’est parce que l’idée européenne est tacitement
1649
rce que l’idée européenne est tacitement acceptée
que
plus personne n’imagine qu’une guerre soit possible entre pays d’Euro
1650
t tacitement acceptée que plus personne n’imagine
qu’
une guerre soit possible entre pays d’Europe. À la Libération, l’idée
1651
s amisau, j’avais milité en ce sens. Il se trouve
que
des manœuvres politiques ont empêché ce vaste mouvement d’aboutir. Ce
1652
ont nous payons encore le prix. J’ai l’impression
qu’
il y a un malentendu : dans votre jeunesse, disiez-vous, vous étiez ré
1653
profit d’un mode de production et de civilisation
qu’
en outre vous condamnez. Alors, pourquoi soutenez-vous une telle entre
1654
ement revendiquée par les grands bourgeois autant
que
par les socialistes : c’est l’idée selon laquelle l’économie commande
1655
elle l’économie commande tout. Jean Monnet, quels
que
soient ses mérites, ne raisonnait pas autrement. En gros, cela voulai
1656
n, comment oserions-nous attendre des populations
qu’
elles s’enthousiasment pour les marathons de Bruxelles, qui, dans le m
1657
qui, dans le meilleur des cas, ne fixeront jamais
que
le prix du seigle ou de la betterave ? L’enthousiasme pour l’idée eur
1658
très mobilisateur… À vrai dire, on a l’impression
que
leurs idées sur le sujet ne sont pas très précises. Prenez l’exemple
1659
envoyé un long rapport dans lequel il expliquait
que
la culture française n’avait pas d’avenir en dehors de la culture eur
1660
as d’avenir en dehors de la culture européenne et
que
celle-ci ne pourrait voir le jour que si l’Europe politique devenait
1661
ropéenne et que celle-ci ne pourrait voir le jour
que
si l’Europe politique devenait une réalité. J’étais ravi. Or, peu de
1662
s de la terre, dans laquelle il déclare, en gros,
que
les Africains auraient raison de « tirer à vue » sur tout Européen qu
1663
ur le moins curieux car, d’une part, il affirmait
que
l’Européen, en tant que tel, n’existe pas, mais dès qu’il s’adressait
1664
re européenne » (comme on dit « nature humaine »)
que
les colonisés auraient raison de haïr. Aujourd’hui, Sartre signe des
1665
age universel du parlement européen qui affirment
que
l’Europe ne sera jamais qu’une modalité de l’impérialisme germano-amé
1666
uropéen qui affirment que l’Europe ne sera jamais
qu’
une modalité de l’impérialisme germano-américain, ce qui, à mon sens,
1667
arler d’une « méconnaissance des réalités » sitôt
qu’
on entreprend de le dénoncer ? Certes, ce n’est pas une abstraction, m
1668
e n’est pas une abstraction, mais il est désolant
que
de grands esprits ne lui opposent qu’une sorte de poujadisme instinct
1669
st désolant que de grands esprits ne lui opposent
qu’
une sorte de poujadisme instinctif. Depuis 1945, on sait que le « péri
1670
te de poujadisme instinctif. Depuis 1945, on sait
que
le « péril allemand » sera d’autant moins probable que l’on s’engager
1671
e « péril allemand » sera d’autant moins probable
que
l’on s’engagera plus franchement dans le processus d’une fédération e
1672
onjurer, au contraire… C’est en refusant l’Europe
qu’
on renforcera l’axe germano-américain. De même, c’est en refusant l’Eu
1673
no-américain. De même, c’est en refusant l’Europe
que
notre vieux continent s’achemine vers les totalitarismes locaux et, à
1674
Surtout quand je m’aperçois, quarante ans après,
que
les jeunes gens suivent presque à la lettre ce que vous appelez mes «
1675
ue les jeunes gens suivent presque à la lettre ce
que
vous appelez mes « prophéties ». Tenez, en mai 1968, ça m’a fait une
1676
andieu, ni de Robert Aron — reprendre en chœur ce
que
nous écrivions, à l’époque, dans L’Ordre nouveau . Avouez que, pour
1677
vions, à l’époque, dans L’Ordre nouveau . Avouez
que
, pour une revue dont le premier numéro paraît en 1933, au moment où H
1678
e bien fâcheux… Tout d’abord, je vous rappellerai
que
Gramsci, dans les années 1920, avait intitulé sa revue Ordine nuovo.
1679
nuovo. De plus, personne ne pouvait alors prévoir
que
Hitler aurait, un jour, l’impudence de s’approprier l’expression. Qua
1680
ion « ordre nouveau » n’avait pas du tout le sens
qu’
on lui prête aujourd’hui. Nous ne ressemblions vraiment pas à ces peti
1681
munistes et antifascistes parce que nous pensions
que
ces trois systèmes, par leur logique interne, nous conduisaient droit
1682
quand une jeunesse a faim, elle ne regarde pas ce
qu’
elle mange. Dans ces conditions, l’antifascisme et l’anticommunisme ét
1683
rme moderne des religions d’État. C’est pour cela
que
j’ai souvent défini le marxisme comme « l’opium de la révolution ». Q
1684
nt les vertus du suffrage universel, je reconnais
que
c’était un diagnostic trop abrupt. Mais n’oubliez pas qu’en 1933 c’ét
1685
ait un diagnostic trop abrupt. Mais n’oubliez pas
qu’
en 1933 c’était un mécanisme démocratique et une élection parfaitement
1686
le mal absolu ; pour lesquels le marxisme n’était
qu’
une variante du productivisme dont nous, Occidentaux, pouvions déjà co
1687
Bakounine et Proudhon me semblaient plus toniques
que
l’auteur du Capital. On passait donc pour des anarchistes, des libert
1688
ité de Francfort… C’est vrai. C’est grâce à Abetz
que
j’ai pu voir de près l’horreur hitlérienne à ses commencements. Bien
1689
en m’offrant ce poste à Francfort, il s’imaginait
que
je ne tarderais pas à me convertir à l’idéologie du IIIe Reich. Pourt
1690
irer ? De ce point de vue, il ne faut pas oublier
qu’
Otto Abetz lui-même n’était qu’à demi nazi. Une moitié suffit… Je vous
1691
e faut pas oublier qu’Otto Abetz lui-même n’était
qu’
à demi nazi. Une moitié suffit… Je vous l’accorde. Toujours est-il que
1692
moitié suffit… Je vous l’accorde. Toujours est-il
que
, dès 1932, il avait témoigné un certain intérêt à notre petit groupe.
1693
et auquel participèrent des gens aussi différents
que
Philippe Lamour, Harro Schulze Boysen, le premier chef de l’Orchestre
1694
ouge, et Otto Strasser. C’est donc par Ribbentrop
que
l’expression « ordre nouveau » parvint à Hitler, qui en fit le mauvai
1695
u » parvint à Hitler, qui en fit le mauvais usage
que
l’on sait. Au fond, vous ne cessiez pas de jouer avec la politique sa
1696
nos interlocuteurs s’appelaient aussi bien Blumba
que
Caillaux. Là-dessus, il y a eu la guerre, puis la Résistance. Certain
1697
et des mouvements de Résistance, toutes les idées
que
nous défendions dans L’Ordre nouveau ou dans Esprit ont retrouvé
1698
tbb afin de conjurer, de différer les apocalypses
qu’
on nous prépare. D’après vous, l’« apocalypse » pourrait être différée
1699
ourrait être différée ? Plus exactement, je crois
que
l’histoire se réserve toujours le droit de nous surprendre en enchevê
1700
a crise de 1973, qui aboutit à la hausse des prix
que
l’on sait et qui, en retour, met en péril les industries occidentales
1701
ectivement ces chaînes de causalités, il apparaît
que
l’abomination du génocide hitlérien a peut-être, pour ultime conséque
1702
du couple à travers l’histoire de l’Occident. Or
qu’
est-ce qu’un couple ? C’est l’assemblage d’un certain nombre de différ
1703
à travers l’histoire de l’Occident. Or qu’est-ce
qu’
un couple ? C’est l’assemblage d’un certain nombre de différences et,
1704
tonomie, la garantit. Or il existe en Occident ce
que
l’on appelle la passion et qui, en fait, n’est qu’une sorte d’utopie
1705
ue l’on appelle la passion et qui, en fait, n’est
qu’
une sorte d’utopie unificatrice. Tristan en est l’archétype. Manifeste
1706
, je n’y suis pour rien… » C’est exactement ainsi
que
procèdent les États-nations. Comme Tristan, ils disent « seul je suis
1707
t même pas coupables puisqu’ils proclament n’être
que
des instruments de la raison d’Étatbk, cet analogue du philtre, de la
1708
Bel, qui s’est laissé persuader par ses légistes
que
« le roi de France est empereur en son royaume ». C’est pour cela que
1709
ce est empereur en son royaume ». C’est pour cela
que
, lorsque de Gaulle est mort, vous avez écrit un article intitulé « La
1710
ires : « De tout temps, la France ne fut pour moi
qu’
une princesse de légende vouée à des malheurs exemplaires. »bm Et de m
1711
our, de Gaulle méprisa les Français pour n’adorer
que
la France. Pensez encore à sa haine des « barons félons » (qui jouent
1712
rsions du mythe de Tristan), n’était-ce pas ainsi
qu’
il désignait les hommes de parti qui risquaient de s’interposer entre
1713
ntre lui-même et sa passion ? Tout cela pour dire
que
l’État-nation accomplit dans l’ordre de la politique des ravages comp
1714
rolongeait cette analogie, on en viendrait à dire
que
l’impérialisme, par exemple, n’est jamais que l’histoire d’une grande
1715
ire que l’impérialisme, par exemple, n’est jamais
que
l’histoire d’une grande passion… Disons plutôt que la passion n’est j
1716
ue l’histoire d’une grande passion… Disons plutôt
que
la passion n’est jamais qu’une forme de l’impérialisme. Au fond, depu
1717
assion… Disons plutôt que la passion n’est jamais
qu’
une forme de l’impérialisme. Au fond, depuis L’Amour et l’Occident j
1718
uel militantisme d’écologiste, vous n’auriez fait
que
l’apologie de la mesure contre l’excès et de la loi contre la violenc
1719
n se prononce sur les affaires humaines, je pense
qu’
il vaut mieux être du côté du roi Marcbn, qui symbolise la légalité, q
1720
du côté du roi Marcbn, qui symbolise la légalité,
que
du côté de Tristan. Le drame, c’est que le roi Marc est plutôt ennuye
1721
légalité, que du côté de Tristan. Le drame, c’est
que
le roi Marc est plutôt ennuyeux… Ennuyeux comme la prudence, comme tr
1722
On peut refuser tout cela mais il faut savoir ce
qu’
il en coûte. Avant la guerre, Emmanuel Mounier avait dit ; « Denis de
1723
À l’évidence, vous n’avez pas changé… C’est vrai.
Qu’
y puis-je ? Le classicisme, en morale, c’est aussi une forme d’espoir.
1724
’espoir. À cet égard, il y a une phrase de Luther
que
je me répète souvent : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est
1725
que je me répète souvent : « Si l’on m’apprenait
que
la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier.
1726
ope de la culture. Depuis quarante ans, il répète
que
l’État-nation porte en lui la guerre et n’engendre que des monstres…
1727
’État-nation porte en lui la guerre et n’engendre
que
des monstres… Bref, depuis quarante ans, Denis de Rougemont, de sa re
1728
e Rougemont, manifestement agacé par les libertés
qu’
a prises le journaliste en transcrivant l’entretien. as. Rougemont pr
1729
ntiment me l’inspire aussi bien que la raison. Ce
qu’
il y a, en moi, d’affectif imagine naturellement la France, telles la
1730
et exceptionnelle. J’ai, d’instinct, l’impression
que
la Providence l’a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemp
1731
d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable
que
les rares survivants ne raconteront pas…, etc. » Quel est ce cataclys
1732
e raconteront pas…, etc. » Quel est ce cataclysme
que
vous annoncez ? D’abord je vous ferai remarquer que cette phrase est
1733
e vous annoncez ? D’abord je vous ferai remarquer
que
cette phrase est au conditionnel : « Si nous ne choisissons pas libre
1734
revanche, les écologistes, dont je suis, pensent
qu’
on peut au contraire tout sauver à condition de changer de direction.
1735
changer de direction. Mais on ne peut pas cacher
que
, si on laisse les choses aller, c’est perdu ! Si une comète est en tr
1736
t perdu ! Si une comète est en train de tomber et
que
plus rien n’est susceptible de la retenir ou de la détourner dans sa
1737
s : « Utinam vates falsus sim », « Plaise au ciel
que
je sois un faux prophète ! » : c’est-à-dire, que les mécanismes désas
1738
que je sois un faux prophète ! » : c’est-à-dire,
que
les mécanismes désastreux qui sont en train de se monter puissent êtr
1739
désastreux » qui nous menacent. Ce n’est pas vous
que
j’étonnerai en disant qu’il y en a beaucoup et qu’on en a beaucoup pa
1740
cent. Ce n’est pas vous que j’étonnerai en disant
qu’
il y en a beaucoup et qu’on en a beaucoup parlé. Ce qui m’intéresse mo
1741
ue j’étonnerai en disant qu’il y en a beaucoup et
qu’
on en a beaucoup parlé. Ce qui m’intéresse moi, c’est de dénoncer la f
1742
ort sont associées. C’est tout à fait abusivement
qu’
on a transporté ce terme de croissance dans le domaine des choses maté
1743
personne n’a jamais dit à quel moment il faudrait
que
l’économie s’arrête de croître. Est-ce 10 %, 7 %, 3 % par an ? Person
1744
cela ? Nous, sinon qui d’autre ? C’est bien là ce
que
je veux dire. L’avenir dépend entièrement de nous ; mis à part les tr
1745
; mis à part les tremblements de terre. Je crois
que
tout dépend de nous. Autrefois on disait : « L’avenir n’appartient à
1746
’une société commence quand l’homme se demande : “
Qu’
est-ce qui va arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis-je faire ?
1747
st-ce qui va arriver ?” au lieu de se demander : “
Que
puis-je faire ?” » Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse : je ne me s
1748
! Mais on l’a si souvent citée comme étant de moi
que
je l’adopte volontiers ! Alors, pour revenir à nos propos sur l’aveni
1749
st le pompiste. Or tout le monde sait aujourd’hui
qu’
il y a du pétrole pour trente ans environ. Autour de l’an 2000, il n’y
1750
us ou il sera devenu si rare et horriblement cher
qu’
il ne sera plus question de rouler en auto avec un carburant dont chaq
1751
mme vaudra son pesant de platine… Alors qu’est-ce
qu’
on va faire ? Eh bien, personne ne se le demande aujourd’hui, la reche
1752
n’est pas besoin d’être prophète pour comprendre
que
d’ici à cinq ou dix ans, la question va se poser. Si nous ne voulons
1753
d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable
que
les rares survivants ne raconteront pas, faute de public : fin du réc
1754
» Ce n’est tout de même pas à la panne d’essence
que
vous songez en écrivant cela ? Non, je songeais tout simplement à la
1755
faire d’objection sérieuse contre cette théorie,
que
si nous continuons sur la base d’une société formée d’États-nations q
1756
ations qui se disent tous plus souverains les uns
que
les autres, qui s’imaginent chacun qu’ils vont pouvoir continuer à au
1757
ns les uns que les autres, qui s’imaginent chacun
qu’
ils vont pouvoir continuer à augmenter leurs exportations et diminuer
1758
rendrait ! Il est impossible d’imaginer sans rire
que
les 175 États-nations, qui aujourd’hui se partagent la planète sans a
1759
i fera les différences ? Or, le plus aberrant est
que
les gens ne se posent même pas de questions aussi simples que cela. L
1760
ne se posent même pas de questions aussi simples
que
cela. La guerre est donc pour vous une hypothèse plausible ? Elle est
1761
s catastrophes qui les fabriquent. Il est évident
que
les pays qui achètent des centrales de retraitement de plutonium, alo
1762
ls produisent du plutonium, et avec le plutonium,
qu’
est-ce qu’on fait ? Des bombes et rien d’autre. Donc, si on vend des c
1763
ent du plutonium, et avec le plutonium, qu’est-ce
qu’
on fait ? Des bombes et rien d’autre. Donc, si on vend des centrales d
1764
pays, ce n’est pas pour autre chose d’imaginable
que
pour les mettre en possibilité de fabriquer des bombes et de s’en ser
1765
mbes pour ne pas s’en servir. Ça, c’est une farce
que
les ministres de tous pays racontent, mais il n’y en a pas un seul qu
1766
errogez à leur propos et vous en arrivez à l’idée
que
si tant d’hommes mentent, c’est qu’il doit y avoir là quelque chose d
1767
ivez à l’idée que si tant d’hommes mentent, c’est
qu’
il doit y avoir là quelque chose d’irrationnel. Cela pose en effet un
1768
ar exemple. Eh bien, posez la question : « Est-ce
qu’
il y a une solution au problème des déchets ? » Pas un savant sérieux
1769
es déchets ? » Pas un savant sérieux ne peut dire
qu’
il l’a trouvée. Ça se saurait immédiatement, ça ferait beaucoup de bru
1770
ement, ça ferait beaucoup de bruit si l’on savait
que
quelqu’un a trouvé la réponse. Mais vous entendez dire tous les jours
1771
justement ce qui me frappe dans tout cela : c’est
que
des gens qui se connaissent tous entre eux se comportent comme s’ils
1772
d’autorité dès qu’on les pousse trop. La question
que
vous soulevez ainsi est doublement grave, car tous les gens dont vous
1773
titres divers — des scientifiques, et l’attitude
que
vous décrivez ne l’est guère. Comment expliquez-vous cela ? Je ne vou
1774
? Je ne voudrais pas être trop polémique, mais ce
que
je vais vous dire est couvert par de très hautes autorités scientifiq
1775
pays, la Suisse. On a appris, à un moment donné,
qu’
il existait chez nous un conseil d’experts qui conseillait le gouverne
1776
pas particulièrement la Suisse, mais ce n’est là
qu’
un exemple pris dans un seul pays. Détrompez-vous, le problème a été t
1777
it en substance, il y a des savants qui affirment
que
tous les risques du nucléaire sont maîtrisés ; de l’autre, il y en a
1778
roire ceux qui n’ont rien à gagner de la position
qu’
ils prennent. » Et il observe que sur les vingt-six universitaires qui
1779
r de la position qu’ils prennent. » Et il observe
que
sur les vingt-six universitaires qui ont signé la déclaration en fave
1780
nergie nucléaire aux États-Unis ! Inutile de dire
que
ce sont ces « experts »-là que les gouvernements consultent… Tout cel
1781
! Inutile de dire que ce sont ces « experts »-là
que
les gouvernements consultent… Tout cela nous ramène à la question qui
1782
be double maintenant en l’espace de trente ans et
qu’
on va manquer d’énergie. Or cet argument, qui pouvait, à la limite, im
1783
même, parfois, décroître. Alors je dis : « Est-ce
que
vous comptez envoyer votre électricité nucléaire en Amazonie ou en In
1784
nucléaire en Amazonie ou en Inde ? » Sans compter
que
l’excédent d’énergie qu’on peut attendre de l’atome est insignifiant
1785
en Inde ? » Sans compter que l’excédent d’énergie
qu’
on peut attendre de l’atome est insignifiant par rapport à notre fameu
1786
par rapport à notre fameuse croissance. Peut-être
que
la population occidentale diminue, mais la consommation augmente… Mai
1787
ans. S’il faut suivre ce rythme, ça voudrait dire
que
d’ici moins de cent ans, il faudrait multiplier par 16 384 la product
1788
audrait multiplier par 16 384 la production. Rien
que
de l’énoncer est idiot. Alors revenons à la question : quel but pours
1789
la question : quel but poursuivent tous ces gens
qu’
ils n’osent pas afficher ? La puissance. La puissance de qui ? La leur
1790
e serait en effet dérisoire, mais plus facile. Ce
qu’
ils poursuivent, chacun dans sa sphère — et même parfois inconsciemmen
1791
montré dans Le Mal français. Sa thèse m’aide plus
qu’
elle ne me contrarie ; car il a très bien montré, dans le cas de probl
1792
r il a très bien montré, dans le cas de problèmes
qu’
il évoque, que même le général de Gaulle, chef de l’État, agissant com
1793
en montré, dans le cas de problèmes qu’il évoque,
que
même le général de Gaulle, chef de l’État, agissant comme un roi, n’a
1794
gissant comme un roi, n’avait rien pu faire de ce
qu’
il voulait parce que l’État c’était les fonctionnaires, l’administrati
1795
t aux fonctionnaires ? Les fonctionnaires ne font
qu’
incarner ce mythe qui est autrement plus puissant qu’eux. C’est un myt
1796
incarner ce mythe qui est autrement plus puissant
qu’
eux. C’est un mythe dévorant. Prenez, par exemple, l’idée de l’unité q
1797
r les choses quand c’est comme ça ! Souvenez-vous
qu’
il y a eu des débats terribles à la Convention là-dessus, quand deux c
1798
à partir de Paris ; ils se plaignaient même de ce
qu’
en approchant des frontières, les carrés ne seraient plus bien régulie
1799
on en a débattu passionnément. Et si vous croyez
que
ce sont là des divagations, rappelez-vous ce qui s’est passé, chez le
1800
ais pourquoi est-ce à notre siècle en particulier
que
vous faites dans votre livre ce procès du « mythe de la puissance » a
1801
e de la puissance » avec tant de passion. Tout ce
que
vous venez de dire ne montre-t-il pas que les États-nations, que vous
1802
Tout ce que vous venez de dire ne montre-t-il pas
que
les États-nations, que vous critiquez depuis longtemps, ne sont pas n
1803
de dire ne montre-t-il pas que les États-nations,
que
vous critiquez depuis longtemps, ne sont pas nés hier ? Parce qu’il y
1804
a eu, de nos jours, une espèce d’accélération et
que
le danger de la chose apparaît maintenant beaucoup plus ouvertement à
1805
ucoup plus ouvertement à cause des moyens énormes
que
nous a donnés la technique, nucléaire notamment. La première phrase d
1806
int de choisir librement son avenir, du seul fait
qu’
il en a pour la première fois la liberté, donc la responsabilité. C’es
1807
ble. Mais quel sens peut bien avoir cette liberté
que
vous accordez à l’homme en face d’un État que vous décrivez aussi sup
1808
rté que vous accordez à l’homme en face d’un État
que
vous décrivez aussi super-puissant ? Faut-il briser l’État ? Et si ou
1809
-il briser l’État ? Et si oui, comment ? Je dirai
qu’
il faut en finir avec l’État-nation et qu’il faut, pour cela, changer
1810
e dirai qu’il faut en finir avec l’État-nation et
qu’
il faut, pour cela, changer de fins. La fin de l’État-nation étant sa
1811
, c’est en mettant fin à ce mythe de la puissance
qu’
on mettra fin à la tyrannie de l’État. Je précise à cet égard que je n
1812
n à la tyrannie de l’État. Je précise à cet égard
que
je ne mets bien entendu aucune différence entre l’État-nation sociali
1813
ion socialiste et l’État-nation capitaliste. Mais
que
peut-on substituer à l’État ? Des communautés vivantes ayant d’autres
1814
at ? Des communautés vivantes ayant d’autres fins
que
leur propre puissance. Un tel substitut de l’État a-t-il jamais exist
1815
citer évidemment ce grand modèle de la démocratie
qu’
étaient les cités grecques qui se maintenaient volontairement petites.
1816
ur la mer Égée, qui avait eu la sagesse de savoir
que
si elle dépassait mettons 100 000 habitants, elle tomberait dans la t
1817
raient et les autres n’auraient plus rien à faire
que
subir simplement. Aussi quand la population approchait de 100 000 hab
1818
fait soixante-dix fois, figurez-vous ! Je suppose
que
les linguistes grecs n’avaient pas encore inventé le mot « déportatio
1819
rtation »… Mais ne souriez pas : la sagesse était
que
cela se faisait volontairement parce que tous en décidaient. Et je co
1820
à 150 pour cultiver un très grand lopin de terre
qu’
ils avaient acheté en Haute-Provence. Et quand ils sont devenus un peu
1821
aire des tissus. Le début de la puissance… Est-ce
que
ces communautés sont vos modèles ? Non, mais elles montrent, expérime
1822
mentalement, une possibilité de faire autre chose
que
simplement devenir toujours plus grand jusqu’à ce qu’il n’y ait plus
1823
simplement devenir toujours plus grand jusqu’à ce
qu’
il n’y ait plus aucune possibilité matérielle de prendre son destin en
1824
mort pour la démocratie ? Oui, je pense en effet
que
la démocratie est une question de dimension matérielle. Aristote voul
1825
uestion de dimension matérielle. Aristote voulait
que
la taille d’une ville soit calculée de telle manière que le rayon de
1826
taille d’une ville soit calculée de telle manière
que
le rayon de la ville soit à la portée de voix d’un homme criant sur l
1827
mbreux petits cantons, nous avons eu longtemps ce
que
nous appelons « Landsgemeinde », l’assemblée de canton qui se tenait
1828
conservé la coutume. Bien sûr, vous allez me dire
qu’
aujourd’hui il y a l’électronique qui a tout changé et que le chef de
1829
rd’hui il y a l’électronique qui a tout changé et
que
le chef de l’État peut se faire entendre à des milliers de kilomètres
1830
e. Peut-être est-ce parce qu’il ressent ce manque
que
M. Giscard d’Estaing va dîner chez l’habitant, ou dialogue à la télév
1831
c des lycéens. Probablement, mais ce n’est encore
qu’
une intention, et il ne peut y avoir de vraie démocratie dans des dime
1832
z facilement (après beaucoup d’autres d’ailleurs)
que
le petit État a absolument tous les avantages sur le grand sauf un :
1833
i faire l’unité c’était conquérir le plus de gens
qu’
on pouvait, devenir toujours plus fort pour aller conquérir plus loin
1834
’actualité à ces propos un peu théoriques, disons
que
vous êtes partisan des régions. Oui, des régions organisées dans un e
1835
tuelles me paraît terminé ; ce n’est pas une idée
que
j’ai aujourd’hui. Je l’ai découverte et nous l’avons formulée pour la
1836
: pour qualifier déjà l’État-nation, nous disions
qu’
il est trop grand et trop petit à la fois. La région — et en particuli
1837
araît être le cadre le mieux adapté aux problèmes
que
nous avons à résoudre d’urgence. Regardez, par exemple, ce qui se pas
1838
crèvent. Le malheur, cher Denis de Rougemont, est
qu’
il y a maintenant près d’un demi-siècle que vous écrivez… Et je dis to
1839
t, est qu’il y a maintenant près d’un demi-siècle
que
vous écrivez… Et je dis toujours la même chose ? Oui, parce que j’y c
1840
parce que pendant longtemps j’ai été moins écouté
que
des gens qui ont fait des palinodies éclatantes, ce qui attire beauco
1841
qui attire beaucoup l’attention. Mais vous notez
qu’
aujourd’hui, après trente ans, ils disent soudain la même chose que mo
1842
près trente ans, ils disent soudain la même chose
que
moi. Ce qui fait beaucoup d’effet mais ne leur donne pas une grande c
1843
ongtemps. Ne peut-on en tirer aussi la conclusion
que
les intellectuels n’exercent pas une grande influence sur le réel ? A
1844
de influence sur le réel ? Au contraire, je pense
que
leur pouvoir est plus grand que jamais. J’en reviens toujours à ma pr
1845
ntraire, je pense que leur pouvoir est plus grand
que
jamais. J’en reviens toujours à ma première phrase : « À partir de ma
1846
artir de maintenant, il arrivera dans le monde ce
que
les hommes voudront qu’il arrive. » Et les hommes réfléchissent et c’
1847
arrivera dans le monde ce que les hommes voudront
qu’
il arrive. » Et les hommes réfléchissent et c’est le rôle des intellec
1848
es non plus n’aiment pas changer. Ils comprennent
qu’
il y va de leur avenir, mais ils continuent à vouloir, comme on dit ch
1849
s le désert ? Non, il y a encore un espoir, c’est
qu’
il va arriver maintenant un certain nombre de catastrophes qui seront
1850
a crise du pétrole en 1973, qui est le type de ce
que
j’appelle une catastrophe enseignante ; parce que ça a fait peur à to
1851
alités du monde moderne au grand public. C’est ce
que
j’appelle dans mon livre « la pédagogie des catastrophes ». Car il y
1852
ont, ils seront obligés de réfléchir et peut-être
que
ça les fera changer de direction puisque tout ne tient qu’à nous. Fin
1853
s fera changer de direction puisque tout ne tient
qu’
à nous. Finalement, vous n’êtes pas très optimiste sur la nature humai
1854
as très optimiste sur la nature humaine. Je dirai
que
, quoique Suisse, je ne suis pas du tout rousseauiste : je ne pense pa
1855
usseauiste : je ne pense pas, comme Jean-Jacques,
que
l’homme est né bon et que la société le corrompt : je pense que l’hom
1856
as, comme Jean-Jacques, que l’homme est né bon et
que
la société le corrompt : je pense que l’homme est né méchant et faibl
1857
t né bon et que la société le corrompt : je pense
que
l’homme est né méchant et faible et tâche d’utiliser des impératifs i
1858
am, quand Dieu est venu le chercher au Paradis et
qu’
il est allé se cacher derrière les buissons. C’est tout juste s’il n’a
1859
ne suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé : «
Qu’
est-ce que tu as fait ? », il a dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève »
1860
s là. » Et quand Dieu lui a demandé : « Qu’est-ce
que
tu as fait ? », il a dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève » ; alors Di
1861
moi, c’est Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève : «
Qu’
est-ce que tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’est pas moi, c’est le
1862
Ève » ; alors Dieu a demandé à Ève : « Qu’est-ce
que
tu as fait ? » Et Ève a dit : « Ce n’est pas moi, c’est le serpent. »
1863
té et à la responsabilité de l’homme. Et j’espère
que
le danger sera un bon maître d’école. bo. Rougemont Denis de, « [E
1864
nir est notre affaire . Tel est le titre du livre
que
vient de publier Denis de Rougemont. L’auteur de L’Amour et l’Occide
1865
précurseurs du mouvement écologique. L’entretien
qu’
on va lire donne ainsi un prolongement inattendu à ma récente enquête
1866
q. On a ici conservé l’original, même s’il semble
que
cette question soit de l’intervieweur. br. Le pluriel est une correc
1867
catif, car c’est bien dans une aventure de croisé
que
se lance cet infatigable défenseur des plus hautes valeurs humaines.
1868
l adopte dans son livre le ton du prophète, c’est
que
notre espèce se trouve dans une situation d’urgence dont nous devons
1869
sort de l’humanité se décidera en fonction de ce
que
nous allons choisir. Nous n’avons jamais été dans une situation aussi
1870
ituation aussi critique et c’est la première fois
que
l’humanité est confrontée à un tel problème, car elle n’avait pas, au
1871
ra vraisemblablement trop tard. Et encore faut-il
qu’
une guerre atomique n’éclate pas… Beaucoup de gens disent qu’une telle
1872
re atomique n’éclate pas… Beaucoup de gens disent
qu’
une telle guerre est impossible, qu’on n’utilisera pas les bombes atom
1873
e gens disent qu’une telle guerre est impossible,
qu’
on n’utilisera pas les bombes atomiques… Je répondrai ceci : la France
1874
non en tirer du plutonium. On leur fait promettre
qu’
elles ne s’en serviront pas à des fins belliqueuses, mais tout le mond
1875
à des fins belliqueuses, mais tout le monde sait
qu’
on peut faire une bombe avec cinq à six kilos de plutonium. Ce qui per
1876
du chantage. On justifie ces ventes en affirmant
qu’
elles équilibrent la balance commerciale, mais elles révèlent en réali
1877
ant suicidaire dans l’humanité, courant plus fort
que
les chefs d’État. C’est surtout cela qui me fait peur… Et d’après vou
1878
x centrales nucléaires, quand ils se sont aperçus
qu’
on allait en construire seize dans un rayon de quarante kilomètres, ce
1879
mètres, ce qui est tout simplement dément ! Notez
que
si vous discutez, dans le privé, avec tel ministre, tel conseiller fé
1880
el ministre, tel conseiller fédéral, il vous dira
que
, s’il n’était pas au pouvoir, il serait avec les manifestants de Kais
1881
pour financer leurs centrales nucléaires. Songez
que
chaque centrale coûtera environ quatre milliards et qu’il en faudra d
1882
aque centrale coûtera environ quatre milliards et
qu’
il en faudra des centaines ! Personne n’a prouvé que c’était nécessair
1883
’il en faudra des centaines ! Personne n’a prouvé
que
c’était nécessaire. On dit qu’il faudrait économiser 30 % d’électrici
1884
ersonne n’a prouvé que c’était nécessaire. On dit
qu’
il faudrait économiser 30 % d’électricité pour pouvoir se passer de ce
1885
les. Et pourquoi pas ? Pourquoi toujours affirmer
qu’
il nous « faut » absolument ceci ou cela ? Une des grandes idées que D
1886
» absolument ceci ou cela ? Une des grandes idées
que
Denis de Rougemont développe dans son livre est précisément que l’hom
1887
ougemont développe dans son livre est précisément
que
l’homme contemporain, piégé par la technique et ceux qui en vivent, s
1888
pé sur ses vrais besoins. « Il n’y a d’impératifs
que
de la nature » et nous devons lutter contre les technocrates, contre
1889
gemont rappelle et cite dans son livre un article
qu’
il écrivit en 1928 déjà et dont le titre à lui seul est éloquent : « L
1890
écrivain y montrait, avec une étonnante lucidité,
que
la voiture ne correspondait au départ à aucun besoin humain existant
1891
ce moyen de locomotion bruyant et polluant), mais
que
Henry Ford a réussi, par un certain nombre d’astuces économiques et p
1892
veau procédé, on devrait toujours se demander : «
Qu’
est-ce qui arriverait si ça réussissait ? » Et plus prosaïquement enco
1893
on aurait évité, par exemple, de voir aujourd’hui
que
18 % du territoire de la Hollande est bétonné, ce qui est une catastr
1894
trophe du point de vue écologique. Quand on pense
que
Pompidou a pu commettre cette bourde monumentale : « Il est temps que
1895
mmettre cette bourde monumentale : « Il est temps
que
Paris s’adapte à l’automobile… » « À quoi ça sert ? » Denis de Rougem
1896
ropos de Concorde, « le mensonge qui va plus vite
que
le son », comme il dit, ce somptueux gadget de seize milliards dont l
1897
à éponger la facture… Et s’il « faut » absolument
que
des hommes d’affaires pressés gagnent trois heures sur le trajet Pari
1898
ts fascinants de L’Avenir est notre affaire est
que
Denis de Rougemont coordonne magistralement les thèses personnalistes
1899
oordonne magistralement les thèses personnalistes
qu’
il défend depuis une quarantaine d’années avec l’analyse des problèmes
1900
yse tout en m’obligeant à jeter à la corbeille ce
que
j’avais écrit. Je ne pouvais pas me donner l’air de prophétiser après
1901
la perspective centrale de votre livre ? Je dirai
que
c’est un essai d’une morale de l’homme libre et responsable. Nous avo
1902
ceux qui veulent la liberté des personnes. On dit
qu’
il n’y a pas de liberté sans puissance. À quoi je réponds que la puiss
1903
pas de liberté sans puissance. À quoi je réponds
que
la puissance est le pouvoir que l’on prend sur autrui et la liberté l
1904
À quoi je réponds que la puissance est le pouvoir
que
l’on prend sur autrui et la liberté le pouvoir que l’on prend sur soi
1905
ue l’on prend sur autrui et la liberté le pouvoir
que
l’on prend sur soi-même. C’est de nous-mêmes que nous devons tirer l’
1906
que l’on prend sur soi-même. C’est de nous-mêmes
que
nous devons tirer l’énergie transformatrice, sinon nous ne nous en so
1907
iendra des finalités, des buts proprement humains
que
nous nous fixerons… C’est d’ailleurs à une morale du but que Denis de
1908
us fixerons… C’est d’ailleurs à une morale du but
que
Denis de Rougemont consacrera l’un des onze ouvrages qu’il a en prépa
1909
is de Rougemont consacrera l’un des onze ouvrages
qu’
il a en préparation. Tout en voyant très clairement les menaces qui pè
1910
illes. J’ai une certaine confiance, car j’observe
qu’
une immense révolution se prépare dans les pays européens, chez les je
1911
ie entièrement. Je suis également heureux de voir
que
la jeune génération est en train de dépasser la stérile opposition de
1912
la « gauche » et de la « droite » et découvre ce
que
nous disions dans les années 1930, au sein du mouvement personnaliste
1913
1930, au sein du mouvement personnaliste. On dit
que
l’Europe n’avance pas. Ce n’est pas entièrement vrai, il y a des poin
1914
s positifs : je mentionnerai tout d’abord le fait
qu’
une guerre est désormais impensable entre des pays européens, ce qui r
1915
ogrès par rapport au passé ! Je relèverai ensuite
que
trois dictatures ont disparu de l’Europe ces dernières années, et cel
1916
tout entier animé par la grande et généreuse idée
que
« le secret de l’avenir de l’homme est dans l’homme, au cœur de l’hom
1917
La terre du xxie siècle sera très exactement ce
que
nous aurons voulu et c’est à chaque seconde de notre vie présente que
1918
u et c’est à chaque seconde de notre vie présente
que
se dessine le futur visage du monde. On ne saurait trouver meilleur o
1919
du monde. On ne saurait trouver meilleur ouvrage
que
L’Avenir est notre affaire pour nous en persuader. bs. Rougemont
1920
nter de déguster une gloire confortable. Et voici
qu’
il nous propose avec L’Avenir est notre affaire (Éd. Stock) un livre
1921
percutant où il s’en prend avec autant de courage
que
d’efficacité aux grands périls qui menacent notre planète et met en é
1922
t de tous les autres, espérons-le. Ne pas oublier
que
ce monsieur de 71 ans est directeur du Centre européen de la culture,
1923
s est directeur du Centre européen de la culture,
qu’
il a lui-même fondé à Genève, et auteur de trente-deux ouvrages parmi
1924
l’autre. Je me rallie à la conception du mariage
que
l’on trouve dans une tribu africaine. Le marié dit à sa femme : « Je
1925
le régionalisme, et ce qui me fait plaisir c’est
que
la réalité commence à me rejoindre ! Je suis beaucoup plus optimiste
1926
dre ! Je suis beaucoup plus optimiste aujourd’hui
qu’
il y a cinq ans. Regardez ce qui mobilise les foules : les mouvements
1927
autonomistes, la lutte antinucléaire. Vous dites
que
vous êtes un « pessimiste actif ». Il y a une phrase que j’ai écrite
1928
êtes un « pessimiste actif ». Il y a une phrase
que
j’ai écrite et à laquelle je tiens, c’est celle-ci : « La décadence d
1929
écadence d’un peuple commence quand on se demande
qu’
est-ce qui va arriver au lieu de se demander : Qu’est-ce que je vais f
1930
qu’est-ce qui va arriver au lieu de se demander :
Qu’
est-ce que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais
1931
qui va arriver au lieu de se demander : Qu’est-ce
que
je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homme soit bon mais je crois
1932
: Qu’est-ce que je vais faire ? » Je ne crois pas
que
l’homme soit bon mais je crois que l’on peut construire une société q
1933
e ne crois pas que l’homme soit bon mais je crois
que
l’on peut construire une société qui le corrompe le moins possible. C
1934
ins possible. Ce qui est grave actuellement c’est
que
les vrais problèmes ne sont pas du tout abordés par les hommes politi
1935
du nucléaire. On met dans la tête des gens l’idée
qu’
ils ne peuvent pas comprendre… Je les invite à méditer un argument trè
1936
xion. Et à partir de là, informez-vous ! Je crois
qu’
il faut faire appel au sens de la responsabilité. Mais ce n’est possib
1937
sens de la responsabilité. Mais ce n’est possible
que
dans de petites communautés. C’est pour cela que je crois aux régions
1938
que dans de petites communautés. C’est pour cela
que
je crois aux régions, contre l’État centralisateur. bu. Rougemont
1939
étés industrielles avancées. Il rappelle à chacun
que
l’avenir est son affaire, et non celle d’une vague fatalité. Il en ap
1940
pouvoir, c’est le pouvoir qui le prend. Il suffit
qu’
un homme s’assoie dans les fauteuils de l’État, qu’il utilise les télé
1941
u’un homme s’assoie dans les fauteuils de l’État,
qu’
il utilise les téléphones de l’État, pour qu’il parle aussitôt la lang
1942
ndais faire le point de la situation. Je constate
que
cette situation est grave. On vient me dire, alors, que je suis pessi
1943
tte situation est grave. On vient me dire, alors,
que
je suis pessimiste. Cela ne veut rien dire. Je ne dis pas que l’asphy
1944
pessimiste. Cela ne veut rien dire. Je ne dis pas
que
l’asphyxie « naturelle » ou le cataclysme militaire sont inévitables.
1945
le cataclysme militaire sont inévitables. Je dis
qu’
il est de notre devoir de les éviter en changeant de cap. De notre dev
1946
s » qui conduit à l’absurde J’aimerais ajouter
que
l’État-nation, en invoquant les nécessités de la guerre, a permis l’e
1947
suivi la même voie. C’est d’autant plus dangereux
que
le gigantisme économique, une fois mis en place, obéit à des impérati
1948
ne époque , par exemple. Je m’en sens plus proche
que
de L’Amour et l’Occident , en un sens. Mais le fil conducteur existe
1949
s. Mais le fil conducteur existe, dans les livres
que
vous citez. Lorsque le « mouvement personnaliste » fut lancé, nous sa
1950
ment personnaliste » fut lancé, nous savions déjà
qu’
on s’enfonçait dans un monde anonyme et artificiel, où l’on créait de
1951
la Festhalle de Francfort, j’ai vu, j’ai senti ce
qu’
il faut bien appeler l’âme de la foule. Une fausse communauté née de l
1952
gé de leur faire peur… Ce qui est tragique, c’est
que
l’esprit jacobin règne encore et qu’on omet soigneusement de montrer
1953
gique, c’est que l’esprit jacobin règne encore et
qu’
on omet soigneusement de montrer où il mène. On ne parle qu’en termes
1954
soigneusement de montrer où il mène. On ne parle
qu’
en termes de croissance — un terme d’ailleurs employé à faux — de puis
1955
à faux — de puissance, de grandeur. On oublie ce
que
j’appelle depuis toujours l’individu libre et responsable. Vous évoqu
1956
êts précis, dans une région précise. Il me semble
que
c’est sérieux et encourageant. Voyez-vous : je me méfie des attaques
1957
ujours ce dernier. Je suis persuadé, en revanche,
qu’
une participation de plus en plus active aux intérêts de la communauté
1958
et multiple contre les systèmes, montre notamment
que
l’actualité a fini par coïncider avec son combat et lance un cri d’al
1959
dent vers la libre communauté des personnes. Mais
que
signifie vivre ensemble ? C’est : dialoguer, se concerter, s’aider mu
1960
le produit nombre-étendue, limité de telle sorte
que
la communauté civique puisse fonctionner. Car une fois dépassées les
1961
taculaires », dix fois ou cent fois plus peuplées
que
les capitales du xviiie siècle. Et certains sociologues affirmaient
1962
t certains sociologues affirmaient naguère encore
qu’
à la fin du siècle, quatre cinquièmes de l’humanité s’entasseraient da
1963
res du monde. (Rien de plus vorace en électricité
qu’
une tour de 40 étages.) 4. Elles sont les lieux les plus pollués du mo
1964
e la cité, ou l’inverse ? Est-il vraiment « temps
que
Paris s’adapte à l’automobile » (Georges Pompidou) ou au contraire qu
1965
l’automobile » (Georges Pompidou) ou au contraire
que
l’auto soit détournée du cœur de la capitale, pour lui permettre de s
1966
itoyens, qui constituent l’impératif prioritaire,
que
les technologies doivent servir. Pratiquement : 1. Dans les rues de l
1967
r excellence — le sénat et le parlement n’étaient
que
délégations du forum. Là s’exerçait au maximum la participation civiq
1968
à des cités « à mesure d’homme » ne peut se faire
que
par leur division en municipalités de quartiers. Et cela suppose d’ab
1969
d’abord l’action éducative d’associations telles
que
les Community Planning Boards (CPB) de New York, ou les Groupes d’act
1970
nuer le nombre des étages, puisqu’il est démontré
que
le taux de délinquance leur est proportionnel. Supprimer les tours én
1971
tre aux autos. 6. Poser comme principe de méthode
que
refaire des villes viables et vivables, ce n’est pas une question d’a
1972
que du civisme. Nous avons aujourd’hui les villes
que
leurs habitants ont subies, qui ont été faites pour le profit de quel
1973
, et celui de ce congrès je l’espère — les villes
que
leurs citoyens actifs auront voulues et mesurées pour le mieux-être d
1974
essimiste qui dit volontiers : « Plaise aux dieux
que
je sois un faux prophète ». Il écrit pour avertir avant qu’il soit tr
1975
ant qu’il soit trop tard. Il prédit dans l’espoir
que
les événements le démentiront. Cataclysme ou apocalypse sont des mots
1976
taclysme ou apocalypse sont des mots épouvantails
qu’
il plante dans ses pages pour qu’ils effraient la peur et l’éloignent.
1977
nd il affirme L’Avenir est notre affaire , c’est
que
rien n’est encore perdu. Fondateur du Centre européen de culture à Ge
1978
Ce succès mondial est à l’origine d’un malentendu
qu’
il a voulu dissiper dès les premières minutes de notre conversation.
1979
a jamais été un best-seller. On vient de raconter
que
j’en avais vendu douze millions d’exemplaires, quel bobard ! J’ai fai
1980
Le soleil peut tout nous donner S’il fallait
que
j’explique très simplement qui vous êtes à un enfant, par exemple, qu
1981
implement qui vous êtes à un enfant, par exemple,
que
devrais-je lui dire ? D’abord, que je suis quelqu’un qui voudrait qu’
1982
, par exemple, que devrais-je lui dire ? D’abord,
que
je suis quelqu’un qui voudrait qu’il vive dans un monde agréable quan
1983
ire ? D’abord, que je suis quelqu’un qui voudrait
qu’
il vive dans un monde agréable quand il sera grand. Ensuite, que j’ai
1984
s un monde agréable quand il sera grand. Ensuite,
que
j’ai écrit des livres, que je suis l’initiateur du mouvement fédérali
1985
l sera grand. Ensuite, que j’ai écrit des livres,
que
je suis l’initiateur du mouvement fédéraliste européen. Que j’espère
1986
s l’initiateur du mouvement fédéraliste européen.
Que
j’espère être démenti dans mes prédictions les plus désastreuses, que
1987
menti dans mes prédictions les plus désastreuses,
que
je crois que le soleil peut tout nous donner. Enfin que je suis écolo
1988
s prédictions les plus désastreuses, que je crois
que
le soleil peut tout nous donner. Enfin que je suis écologiste. Que vo
1989
crois que le soleil peut tout nous donner. Enfin
que
je suis écologiste. Que vous êtes du pays de Rousseau et un peu utopi
1990
t tout nous donner. Enfin que je suis écologiste.
Que
vous êtes du pays de Rousseau et un peu utopiste ? On ne ferait jamai
1991
un peu de bruit à l’époque, mais qui est resté ce
qu’
on appelle aujourd’hui un groupuscule. Quand la guerre est arrivée, on
1992
Quand la guerre est arrivée, on aurait pu croire
que
ces idées et cette doctrine allaient disparaître dans le gouffre géné
1993
Allemagne nationale-socialiste. Nous étions sûrs
que
l’État libéral n’était qu’un acheminement vers l’État totalitaire par
1994
iste. Nous étions sûrs que l’État libéral n’était
qu’
un acheminement vers l’État totalitaire par la force des choses. Nous
1995
otalitaire par la force des choses. Nous pensions
que
tout cela menait droit à la guerre, qu’étant donné notre âge, nous se
1996
pensions que tout cela menait droit à la guerre,
qu’
étant donné notre âge, nous serions obligés de la faire, mais que ce n
1997
notre âge, nous serions obligés de la faire, mais
que
ce ne serait pas notre guerre. Vous discerniez donc des points commun
1998
compétition acharnée de ce genre ne peut conduire
qu’
à la guerre. Elle est inévitable entre des nations qui poursuivent des
1999
la il y a plus de trente ans et… Vous voulez dire
que
je n’ai rien empêché, c’est vrai. Mais la fonction de l’intellectuel
2000
hommes à réfléchir et à s’interroger. Je remarque
que
mes idées et mes propositions d’il y a trente ans sont à la mode aujo
2001
où nous allons jouer notre dernière chance. Ainsi
que
je l’écris dans la première page de L’Avenir est notre affaire : «
2002
artir de maintenant, il arrivera dans le monde ce
que
les hommes voudront qu’il arrive. » Vous n’acceptez pas qu’on se retr
2003
arrivera dans le monde ce que les hommes voudront
qu’
il arrive. » Vous n’acceptez pas qu’on se retranche derrière la formul
2004
mmes voudront qu’il arrive. » Vous n’acceptez pas
qu’
on se retranche derrière la formule commode « l’avenir n’appartient à
2005
appartient à personne, mais à Dieu » ? Je préfère
que
l’homme se demande maintenant « Que puis-je faire ? », plutôt que « Q
2006
? Je préfère que l’homme se demande maintenant «
Que
puis-je faire ? », plutôt que « Qu’est-ce qui va arriver ? » Vous ref
2007
emande maintenant « Que puis-je faire ? », plutôt
que
« Qu’est-ce qui va arriver ? » Vous refusez de voir l’intervention du
2008
maintenant « Que puis-je faire ? », plutôt que «
Qu’
est-ce qui va arriver ? » Vous refusez de voir l’intervention du doigt
2009
s Je suis chrétien, mais je trouve trop facile
qu’
on appelle volonté divine ce qui nous échappe. Que peut l’homme sur so
2010
qu’on appelle volonté divine ce qui nous échappe.
Que
peut l’homme sur son destin ? Par sa science et son invention techniq
2011
invention technique, il a en main des moyens tels
qu’
il ne peut plus se payer le luxe sous prétexte de progrès, de partir d
2012
de doctes séminaires qui doivent donc imaginer ce
que
demain pourrait être ? Le club de Rome le fait de façon admirable et
2013
it de façon admirable et nous avertit des dangers
que
font courir la surproductivité et la course à la croissance. En revan
2014
ne ne pense, ce sont des hommes sensibles. Plutôt
que
de les tourner en dérision, il serait préférable de les utiliser comm
2015
n de Denis de Rougemont, c’est parce que je pense
que
le Führer est l’exemple éclatant de ce que les futurologues étaient i
2016
pense que le Führer est l’exemple éclatant de ce
que
les futurologues étaient impuissants à deviner. Les conséquences de l
2017
rminations. Si j’ai bien compris la démonstration
que
m’a faite Denis de Rougemont, la menace apocalyptique qui pèse sur l’
2018
deux fléaux les plus dévastateurs xxe siècle et
que
la futurologie a manqués. J’ai donc écouté Denis de Rougemont m’expli
2019
une voiture pour être libre) lorsqu’il s’aperçoit
que
les Américains n’ont pas tellement envie de ses voitures. Par la forc
2020
es. Par la force de la publicité, il les persuade
qu’
ils ne pourraient pas être heureux sans auto et réussit à les contamin
2021
us allions être livrés. Ford a donné un tel essor
que
les villes se sont développées en fonction de l’automobile. On a dépa
2022
e toute l’économie européenne et il n’est pas dit
que
nous ne le ferons pas. » Comment Hitler apparaît-il dans les sables ?
2023
ccès gigantesque en Allemagne parce qu’il a senti
que
, dans le monde capitaliste, les hommes avaient un besoin fondamental
2024
es comme des artères privées de sang. C’est ainsi
que
, d’une voix tranquille, comme il m’aurait raconté quelque fable plais
2025
d’avenir humain au-delà du cataclysme inévitable
que
les rares survivants ne se raconteront pas, faute de public. Fin du r
2026
fin de l’Histoire. Tout le monde sait aujourd’hui
que
l’épuisement des sources d’énergie habituelles contraint à l’utilisat
2027
s par des jeunes gens qui ne voient pas plus loin
que
le bout de leur contestation. Ils sont contre, sans savoir exactement
2028
le centre de ses préoccupations. Voilà des années
qu’
il étudie, lit, compare, interroge, confronte les avis des grands spéc
2029
gards, une horrible régression vers des tyrannies
que
l’on croyait dépassées. Le choix ne doit-il pas se faire entre l’éner
2030
s vite, plus haut et plus loin ? Je crois surtout
qu’
il va plus bas. Les innovations techniques peuvent même avoir une dime
2031
oir une dimension poétique. Regardez la merveille
qu’
est le Concorde. C’est de la très mauvaise poésie. On ne va pas plus v
2032
e la très mauvaise poésie. On ne va pas plus vite
que
le soleil. C’est impossible. C’est un slogan. Qu’est-ce que le progrè
2033
que le soleil. C’est impossible. C’est un slogan.
Qu’
est-ce que le progrès selon vos vœux ? J’appelle progrès ce qui est fa
2034
eil. C’est impossible. C’est un slogan. Qu’est-ce
que
le progrès selon vos vœux ? J’appelle progrès ce qui est favorable à
2035
richesses, il s’ennuie tellement dans ses enfers
qu’
il voudrait tuer le plus grand nombre de gens possible pour avoir de l
2036
on intelligence, lui permettent de voir plus loin
que
nous, alors il avertit des dangers. Son cri est d’espoir et non pas d
2037
éennes. ⁂ L’analyse de Rougemont part de la crise
que
traverse aujourd’hui le monde et de ce qu’il appelle la « religion de
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crise que traverse aujourd’hui le monde et de ce
qu’
il appelle la « religion de la croissance : ceux qui croient qu’on peu
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la « religion de la croissance : ceux qui croient
qu’
on peut continuer ce qu’on a fait depuis vingt-cinq ans, sont en plein
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ssance : ceux qui croient qu’on peut continuer ce
qu’
on a fait depuis vingt-cinq ans, sont en pleine utopie au mauvais sens
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nteragissent entre eux sont aujourd’hui bloqués :
que
ce soit l’énergie, le chômage, l’inflation. La crise de l’Occident mo
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urbaine ont ralenti en Europe, après tout de même
que
le boom industriel sans vision, ait détruit le cadre de vie. En Suiss
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y avait 6500 habitants, toujours six cafés, plus
que
six magasins et deux grandes surfaces ! En 1977, il n’y a plus que 58
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et deux grandes surfaces ! En 1977, il n’y a plus
que
5800 habitants, il y a des immeubles vides et dans certains d’entre e
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occupés sur trente. Saint-Thomas Croyez-vous
qu’
avec de telles mutations non contrôlées, on ne détruit pas le tissu so
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ls en viennent à se détester. On sait aujourd’hui
que
les ressources en pétrole seront épuisées d’ici à vingt ou trente ans
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ale, une absurdité. En relançant on ne parviendra
qu’
à accroître, à aggraver la situation actuelle. On ne résorbera ni le c
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age ni l’inflation. C’est saint Thomas qui disait
que
« le fini n’est pas capable d’infini ». N’en est-il pas de même pour
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moi le déluge, semblent-ils dire. Ils ne pensent
qu’
aux élections et au programme d’autoroutes qu’ils ont promises. L’É
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ent qu’aux élections et au programme d’autoroutes
qu’
ils ont promises. L’État : le roi, c’est moi Les xixe et xxe s
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ccidentale ? Il faut d’ailleurs noter à cet égard
que
la civilisation occidentale a fait plus de mal après que pendant la c
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ant la colonisation qui n’a duré en fin de compte
que
quatre-vingts ans. Le fossé s’est accru depuis la décolonisation. ⁂ C
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fossé s’est accru depuis la décolonisation. ⁂ Ce
que
Denis de Rougemont a apporté de neuf, c’est d’avoir démontré que l’Ét
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ugemont a apporté de neuf, c’est d’avoir démontré
que
l’État est responsable de tout, puisqu’il revendique le contrôle de t
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and on dit le souverain, c’est toujours du peuple
qu’
on parle. Ce sont les États-nations et eux seuls, qui ont géré la terr
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. Pour Denis de Rougemont, l’État ne devrait être
qu’
un service public, un point c’est tout. Ses propositions développées e
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es régions, de l’autogestion sont autant à droite
qu’
à gauche. Si le nationalisme, le pouvoir de type monarchique et le myt
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nationale sont les caractéristiques de la droite,
qu’
est-ce qui la différencie du Parti communiste français ? Il y a un vér
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un virage à 180 degrés. Mais sur le fond, quelle
que
soit la nature du danger que présente le nucléaire (il y a des savant
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sur le fond, quelle que soit la nature du danger
que
présente le nucléaire (il y a des savants hostiles, les indépendants
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de temps, le gouvernement français a même décidé
que
l’armée pourrait être utilisée aux fins de défendre les centrales. On