1 1974, Articles divers (1974-1977). La personne comme fondement des valeurs européennes (19 septembre 1974)
1 1974)k La première table ronde, tenue à Rome, s’ était demandé : d’où vient l’Europe, et sur quelles bases d’unité cult
2 e ? La deuxième table ronde, que nous inaugurons, se demande plutôt : où va l’Europe ? et plus exactement : où voulons-nou
3 actement : où voulons-nous qu’elle aille ? Car il s’ agit dorénavant moins de prévoir les événements que d’orienter les vol
4 le les efforts pour l’union que nos gouvernements se disposaient à faire porter principalement sur une construction économ
5 t des effets politiques (mais c’est l’inverse qui s’ est produit). Celle d’aujourd’hui veut affronter les premières manifes
6 e mondiale, et la carence politique des Européens s’ originent l’une et l’autre dans nos attitudes devant la nature et l’Ét
7 a politique européenne, et de la fonder, comme il se doit, beaucoup moins sur les expériences du passé, toujours ambiguës,
8 agression subie ou d’un défi. « On pense comme on se heurte », disait Paul Valéry. C’est le scandale, le choc, qui déclenc
9 alement pour la survie de l’espèce humaine. Qu’il s’ agisse de la pollution résultant de la production industrielle au serv
10 ce du Profit privé et du prestige national, qu’il s’ agisse de l’épuisement des ressources terrestres non renouvelables, ou
11 -monde, ou de la pénurie d’énergie, de tous côtés se multiplient ces grands points d’exclamation qui, dans la signalisatio
12 uestion du siècle, une question pure, béante, qui se posait du temps de ma jeunesse à quelques-uns, et qui a subitement éc
13 démesurée, l’énorme État-nation centralisé où ils se voient perdus, n’est plus leur affaire, ne peut que les brimer, et le
14 affaire, ne peut que les brimer, et les oblige à s’ évader dans la drogue, dans la révolution verbale des minorités vocifé
15 Il est normal que le jeune Européen d’aujourd’hui se demande à quoi tout cela rime, et descende le crier dans la rue : il
16 son anarchie profonde, mais il est anormal qu’il se voie pour autant traité de « fauteur de désordre ». Car le plus profo
17 ens rêvent de la renverser, cette société, et ils se trompent d’une manière pathétique, parce qu’on peut renverser des voi
18 ses et du système qu’elles constituent. Tenter de s’ y opposer par la violence serait bien pire que vain car ce serait fair
19 liberté, la qualité de la vie, l’utilité sociale, se voient sacrifiées sans merci sur l’autel du Profit, de la Rentabilité
20 du Prestige ou de l’indépendance nationale. Mais s’ il y a conflit de valeurs, c’est qu’il y a donc des valeurs ! Et qui d
21 , les choix sont rarement aussi simples. Mais ils se ramènent dans l’ensemble à un dilemme fondamental entre l’impératif c
22 comment évaluer les valeurs qui les guident ? Ici se pose la question décisive du référentiel, c’est-à-dire de ce qui gage
23 oordonnées spatiales. Notre notion de la personne s’ est constituée au cours des grands conciles œcuméniques de Nicée en 32
24 en 325, à Chalcédoine en 451, époque où l’Église s’ installe dans les cadres de l’Empire romain et tente de formuler à l’a
25 de penser ensemble des réalités antinomiques, qui s’ excluent en logique mais coexistent en fait, ou comme diront les scola
26 e liberté, de justice et de vocation, sont venues s’ ajouter les valeurs germaniques de fidélité, de communauté, de biens c
27 tale, non à moi-même. Mais la question lancinante se pose, et se repose à tout instant, à savoir si je découvre mon chemin
28 moi-même. Mais la question lancinante se pose, et se repose à tout instant, à savoir si je découvre mon chemin tel qu’il é
29 nce des choses qu’on ne voit pas ». Le chemin qui se crée sous les pas qui le foulent, conduit au But qui se révèle lorsqu
30 e sous les pas qui le foulent, conduit au But qui se révèle lorsqu’on marche vers lui, pas autrement. Il s’agit d’une acti
31 vèle lorsqu’on marche vers lui, pas autrement. Il s’ agit d’une activité jamais achevée et qui sans fin cherche sa fin, et
32 ralistes ; quand on répète que la mort de l’homme s’ ensuit « logiquement » ; quand on nie le sujet, et qu’on répond comme
33 n tente d’échapper à certaines responsabilités en se dissimulant derrière de prétendues « fatalités », de prétendus « impé
34 , de prétendus « impératifs », — comme Adam court se cacher dans les buissons quand Dieu l’interpelle en Eden. On peut trè
35 t désigner que ce qui compromet sa possibilité de se mouvoir, librement, à la fois selon le naturel et selon le divin qui
36 ntiellement lié à celui de la personne, me paraît se ramener au problème du pouvoir : pouvoir sur soi ou pouvoir sur autru
37 é. Le pouvoir sur autrui, il est fatal que l’État s’ en empare un jour ou l’autre. Car l’État réclame en effet la totalité
38 ctifs soient détenus par des particuliers : qu’on se rappelle la lutte des rois contre les féodaux, des États modernes con
39 e d’originalité chez les élèves. Tout pouvoir qui s’ exerce sur autrui, non sur soi (comme celui que procure la richesse),
40 t ou tard monopolisé par l’État. Tout pouvoir qui s’ exerce sur autrui conduit donc à l’État totalitaire, dans le système a
41 he singulière de chacune de nos vies. La tyrannie se définit alors par rapport à la seule personne, comme le type même de
42 ées plastique »l. La richesse, à ce banc d’essai, se révèle une fausse valeur : elle procure le pouvoir sur autrui, non su
43 quiers qui vont à l’église… Le prestige national se révèle fausse valeur, évalué à ce test de la personne. Une petite phr
44 ’impératif technique et d’impératif de l’économie se révèlent à leur tour valeurs fausses et même d’un ridicule moliéresqu
45 é irrésistible, est le type même de l’antivaleur, s’ il n’est que l’accroissement des pouvoirs matériels, qui conduisent à
46 miques, au gaspillage des ressources terrestres ; s’ il n’est pas un progrès spirituel, une aventure de la liberté, un accr
47 pouvoir faible ou nul sur soi-même ; ceux qui ne s’ aiment pas eux-mêmes et qui par suite ne valent rien pour aimer leur p
48 l’amour qui aide, et non pas sur cette chose qui se lamente 12 heures par jour à la radio. Car aimer son prochain comme s
49 mmandement de la Bible. Puisque les sentiments ne se commandent pas, aimer le prochain comme soi-même, dès lors que cela n
50 ur eux, autant que pour moi, qu’elle va peut-être se réaliser. Pas de liberté réelle pour un irresponsable : or il faut bi
51 petites unités, municipales et régionales, qu’il s’ agit désormais de recréer si l’on veut que la personne s’épanouisse :
52 désormais de recréer si l’on veut que la personne s’ épanouisse : j’y vois la tâche principale de la génération qui monte.
53 on pas faire. L’Europe que tout appelle ne pourra s’ édifier que sur ce qui déborde, non seulement par en haut mais par en
54 ’est dans la liberté de chaque personne que vient s’ enraciner la solidarité du genre humain. Ainsi de la notion de personn
55 er et au besoin de les transvaluer, nous avons vu se dégager une morale de la vocation, et nous voyons maintenant se const
56 morale de la vocation, et nous voyons maintenant se constituer les éléments d’une politique communautaire. Morale et poli
57 nautaire. Morale et politique, soulignons-le, qui se déduisent immédiatement de la structure bipolaire de la personne et d
58 i, pour défendre leur autonomie, seront amenées à se fédérer et donc à pratiquer la seule méthode capable, selon moi, d’un
59 ique de l’Europe — et de l’Occident tout entier — se ramène en dernière analyse à cela : comment l’homme, aliéné par la so
60 cadres, pourra-t-il demain redevenir responsable, s’ accepter soi-même, communiquer avec autrui, accéder enfin au pouvoir n
2 1974, Articles divers (1974-1977). Alexandre Marc et l’invention du personnalisme (1974)
61 gences menacent de demeurer irréductibles. Chacun se rappelle très bien certains détails précis — « Je t’entends encore me
62 e L’Ordre nouveau . Une pléiade de petits foyers se met à scintiller sur le tableau de bord d’une génération qui démarre.
63 ste sur ma première rencontre avec Alexandre Marc s’ accentue fortement quand il s’agit de mes premiers contacts avec Mouni
64 avec Alexandre Marc s’accentue fortement quand il s’ agit de mes premiers contacts avec Mounier, qui fondait alors Esprit
65 rmal, ils ont de 21 à 32 ans — mais encore ils ne se connaissent pas entre eux, même de nom. Deux ans plus tard, le 1er dé
66 ans la NRF le Cahier de revendications où ils se voient tous réunis, aux côtés pour une fois de communistes comme Henr
67 révolutionnaires ». Il n’importe : une génération s’ est déclarée, et quels que soient les conflits qui l’animent, elle a r
68 n’importe guère : dans les deux cas, nos chemins se croisaient au point précis où j’éprouvais le besoin de dépasser — san
69 té politique. (Avant cela, mes options politiques s’ étaient bornées à d’acerbes discussions avec les maurrassiens de Suiss
70 et Vanzetti.) Mon premier article publié à Paris s’ intitulait « Le péril Ford », mon premier petit livre Les Méfaits de
71 entionne pour attester ma bonne mémoire ; et que, s’ il riait haut et fort, par éclats brusques, ou laissait un sourire un
72 politiques et intellectuelles où notre génération se voyait jetée. Formé par l’Université allemande avant de terminer en F
73 rche dont la nature proprement spirituelle devait se manifester d’abord — conformément à la tactique léniniste — par la fo
74 n petit groupe à fortes tensions intérieures, qui se nomma le Club du Moulin-Vert (ou du moins c’est ainsi qu’on le nomme
75 rimat de Suède. Un secrétariat modeste, à Genève, s’ efforçait d’entretenir un dialogue « préalable » au niveau des gouvern
76 rait tout. Le groupe de discussion réuni par Marc se place d’entrée de jeu sur un tout autre plan : celui des croyants, no
77 plus, l’entreprise est par nature paradoxale : il s’ agit de chercher sinon l’union, du moins les voies d’une convergence,
78 r l’Ordre nouveau que le Club du Moulin-Vert (qui se réunissait au-dessus d’un café de la rue du même nom) comportait une
79 « sauvage », ce que les instances ecclésiastiques se révèlent encore incapables d’autoriser. Certes, nous n’allions pas en
80 — sont mieux capables de nouer le dialogue et de s’ entendre que les tenants des libéralismes, des modernismes et des laxi
81 ien entendu, vingt ans plus tard, les orthodoxies se figeant en « lectures correctes » et l’élan spirituel passant pour hé
82 sa génération. Dans ses carnets intimes, Mounier se révèle allergique à Dandieu (« Cheveux longs rejetés en arrière, gros
83 pas toujours déclarées, on vient de le voir — va s’ engager une collaboration durable : de 1932 à 1940, nonobstant plusieu
84 gie directrice, ni même le ton ». Ces précautions se répéteront désormais en tête de chaque article fourni par l’un des me
85 , ce conflit avec L’Ordre nouveau … Le mouvement s’ oriente nettement vers un fascisme antiouvrier et une technocratie pet
86 la seconde opinion de Mounier sur l’ON ne saurait s’ expliquer que par une réaction de surcompensation à la première, que j
87  entraîné » comme il l’écrit, et très soucieux de s’ en défendre non seulement devant Maritain mais devant l’Église qui s’i
88 eulement devant Maritain mais devant l’Église qui s’ inquiète (il a pu craindre, en 1936 précisément, une condamnation d’Es
89 ut le contact d’homme à homme », répétait-il sans se lasser, insensible à nos plaisanteries ; et c’est sans doute aux long
90 ilà ce que je n’arrive pas à me rappeler, et l’on se voyait à peu près tous les jours… Du point de vue religieux, qui est
91 origine protestante, Robert Aron d’origine juive, se disent à l’époque nietzschéens (tous les trois rejoindront plus tard
92 épétaient les surréalistes après Lautréamont, qui se trompait, ou se moquait simplement. Mais nous savions qu’une société
93 rréalistes après Lautréamont, qui se trompait, ou se moquait simplement. Mais nous savions qu’une société et ses mesures s
94 tal des écrits d’Alexandre Marc. La revue de L’ON se refusera systématiquement à écrire état avec une majuscule : manière
95 nes qui ont su trouver en elles-mêmes la force de se libérer des particularismes locaux et sentimentaux ». C’est à l’éch
96 chelle de la commune que le sentiment patriotique se manifeste le plus spontanément… On peut parler de la patrie alsacienn
97 en vient à constituer le centre au travers duquel s’ établissent nécessairement toutes les relations humaines. Cette omnipo
98 e droit antérieure et supérieure à l’état, et qui s’ impose à lui » (ON 29, p. 19). Sur ce thème central, quatre grands ar
99 dichotomique » d’Aron et Dandieu : « Le droit ne se justifie-t-il pas surtout dans la mesure où il fournit un tremplin d’
100 out dans la mesure où il fournit un tremplin d’où s’ élanceront les conquêtes et les créations spirituelles nouvelles ? » O
101 s : la transcendance de cet « être vertical » qui s’ appelle l’homme debout, répond victorieusement à l’« horizontalité » d
102 l (c’est-à-dire du conflit fondamental) auquel on se heurte dans cette perspective et que toute tentative de réduction mon
103 nt seul un abus de langage permet de parler comme s’ ils étaient préexistants) se rattache à l’unité d’une perspective. Or,
104 ermet de parler comme s’ils étaient préexistants) se rattache à l’unité d’une perspective. Or, cette perspective n’existe
105 différenciation, d’adhésion ou de sécession, qui se poseront dans la perspective de notre communalisme intégral… L’exist
106 ommunalisme intégral… L’existence des frontières se justifie, tout d’abord, par le fait que, grâce à leur stabilité, un m
107 ve des frontières ; limites des communes…) ; elle se justifie ensuite en délimitant une base stable et solide aux édifices
108 des « patries » et des « nations »…) ; mais elle se justifie surtout dans la mesure où les frontières forment un tremplin
109 mesure où les frontières forment un tremplin d’où s’ élanceront les conquêtes et les créations spirituelles nouvelles (fonc
110 ’attitude de l’homme. Je conclus pour ma part que s’ il y a un avenir, et qu’il demeure ou redevienne européen, la pensée d
3 1974, Articles divers (1974-1977). Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)
111 te de professeur en Chine, mais c’est à Paris que se passe « la vraie vie » pour un écrivain. L’ennui, c’est que je n’y co
112 de Saint-Exupéry. Lettres vues Le phénomène s’ est produit à plusieurs reprises dans ma vie : voir des lettres en rou
113 ain. Le soir montait autour de nous, des fenêtres s’ allumaient à nos pieds dans le bourg, et le père Reinecke refusait de
114 eue est de Pierre Girard, personnage imprévisible s’ il en fut, et je n’avais aucune raison d’attendre qu’il m’écrive. Quan
115 sinon à vérifier précisément, chaque fois qu’elle se manifestait, que j’étais déconnecté du monde de l’utile. « Tiens,
116 sent et boivent. L’un des hommes m’ayant remarqué s’ écrie : « Tiens, voilà le diable ! » Les autres se retournent à demi e
117 s’écrie : « Tiens, voilà le diable ! » Les autres se retournent à demi et rient. J’ai fui. Pas d’autre restaurant dans ce
118 Sur ce dernier mot, très exactement, les lumières s’ éteignirent dans la salle — et dans tout le canton de Genève. Croyant
119 onses. Ce jeu, purement télépathique et poétique, se joue par paires, dans le plus grand silence. L’un écrit trois questio
120 e ? » Réponse : « C’est un petit jardin fermé qui s’ ouvrira à Pâques. » (On sait que le hortus clausus est un symbole fond
121 partenaire lut sa réponse : « Toutes les lumières s’ éteindraient. » Et toutes les lumières s’éteignirent. 15. Il s’agit
122 lumières s’éteindraient. » Et toutes les lumières s’ éteignirent. 15. Il s’agit des Méfaits de l’instruction publique ,
123 » Et toutes les lumières s’éteignirent. 15. Il s’ agit des Méfaits de l’instruction publique , petit ouvrage publié à t
4 1974, Articles divers (1974-1977). Un modèle pour l’Europe ? (1974)
124 tes ! La Suisse est un petit pays qui doit savoir se tenir à sa place. En proposant de grandes idées pour l’avenir du cont
125 le n’aurait aucune chance d’être écoutée, ou bien se couvrirait de ridicule. » Je persiste à penser, au contraire, qu’il n
126 de leur identité, la condition de leurs libertés. S’ unir entre groupes autonomes à seule fin d’assurer à tous une défense
127 est à croire, dit un historien10, que les Suisses se gardent soigneusement d’en faire un concept, un système, c’est-à-dire
128 éral. (Être fédéraliste, pour tel Vaudois fameux, se réduisait à être « contre Berne ».) Rien n’est moins fidèle à l’espri
129 original) qui n’étaient nullement des États et ne se prétendaient nullement souveraines, mais voulaient rester autonomes,
130 Genève), de pays (comme Vaud, Argovie), de cités s’ annexant des pays (comme Berne), de ligues régionales (comme les Griso
131 la complexité baroque de notre histoire fédérale se ramène en fin de compte à une loi des plus simples : les communautés
132 double nécessité de protéger leur autonomie et de s’ unir pour affronter des tâches excédant les forces de chacune d’elles
133 société occidentale d’aujourd’hui. Mais avant de s’ en faire les promoteurs, comme ils le peuvent et le doivent à mon avis
134 la fin du fédéralisme » dès qu’une tâche nouvelle se voit attribuée, en vertu de ses dimensions, à la Confédération et non
135 e du fédéralisme vivant ! Deuxième erreur. Mais s’ il existe des tâches qui débordent la capacité communale et appellent
136 i l’entourent, elle est de plus en plus tentée de se considérer comme un État fermé et limité par ses frontières, non seul
137 taille correspond aux dimensions des tâches, elle se comporte à l’égard des pays voisins exactement comme un État-nation c
138 ment, ne serait « exceptionnel » que si la Suisse se montrait insensible aux réflexes stato-nationalistes qui sont communs
139 es États —, ne pourra devenir modèle européen que s’ il accepte de ne pas arrêter son processus aux frontières nationales e
140 ale. Troisième erreur. Sur quoi le Suisse moyen se récrie : « Proposer notre fédéralisme à toute l’Europe, en attendant
141 anité, de prudence bourgeoise ou d’orgueil. Or il s’ agit ici de choisir une politique, il s’agit donc de rigueur : penser
142 il. Or il s’agit ici de choisir une politique, il s’ agit donc de rigueur : penser juste devient plus important que « bien
143 , dès lors, concevoir un exécutif européen qui ne s’ appuie pas sur le relai stato-national, mais qui soit capable simultan
144 l’Europe avec les autres continents. Ces agences s’ occuperont des problèmes réels qui se manifestent au niveau des région
145 Ces agences s’occuperont des problèmes réels qui se manifestent au niveau des régions : elles pourront notamment mener à
146 ommunes, les responsables des agences européennes se réuniront régulièrement en un conseil exécutif européen. Cette idée d
147 hui, mais aussi celle qui a le plus de chances de se réaliser au cours de la prochaine décennie : déjà, sur la dizaine des
148 tes les plus obtus, au cours de l’an de crise qui s’ écoule tandis que j’écris. Or, on aura reconnu dans mon esquisse d’exé
149 elles subordonnées à la compétence politique, qui s’ exprime dans la collégialité. Je demeure convaincu que l’expérience su
150 . Car les hommes doivent de plus en plus tendre à se gouverner eux-mêmes. C’est là le but dernier du progrès politique et
5 1974, Articles divers (1974-1977). Philosophie du prix littéraire Prince-Pierre-de-Monaco (1974)
151 cle, et ce miracle, sauf peut-être en Islande, ne s’ est jamais produit —, il est d’autres frontières, au sein de la cultur
152 nt tous les cent ans, il n’y a plus de raisons de s’ arrêter. Le Conseil littéraire de Monaco n’a-t-il pas démontré qu’il s
153 littéraire de Monaco n’a-t-il pas démontré qu’il se riait de la tyrannie des genres, en couronnant, premier d’une série (
6 1974, Articles divers (1974-1977). À propos de Théodore Strawinsky [préface] (1974)
154 jouer les critiques d’art qu’ils ne sont pas, ils se contentent de dire en amateurs qu’ils devraient être — et quel beau t
155 e jamais ni pinceaux ni couleurs. Et cet abstrait se voit déjà dépassé par du concret des moins élaborés : cage à oiseau,
156 n cage, et dans une galerie allemande, un artiste s’ est borné à s’exposer lui-même. Tout cela peut inquiéter ou amuser. To
157 s une galerie allemande, un artiste s’est borné à s’ exposer lui-même. Tout cela peut inquiéter ou amuser. Tout cela m’a so
158 la craie, selon les exigences du rêve continu qui se déroule en toute vie d’artiste et qui saisit au vol des surprises de
159 ini, cette vacuité fondamentale, universelle, que se dessinent, se colorent, se modèlent comme par miracle des formes lumi
160 uité fondamentale, universelle, que se dessinent, se colorent, se modèlent comme par miracle des formes lumineuses, des fi
161 tale, universelle, que se dessinent, se colorent, se modèlent comme par miracle des formes lumineuses, des figures désirab
162 ineuses, des figures désirables, des paysages qui se composent, des visages qui nous regardent — apparences ou mirages aux
163 es de larges touches de blanc et de bleu, je sens s’ éveiller dans ma main, ma main à plume, une envie de pinceau ! — l’env
164 . Le sacré : jamais l’Art avec la majuscule dont se moquait notre cher Cingria, ne pourra remplacer le sacré, quoi qu’en
165 er le sacré, quoi qu’en écrive André Malraux, car s’ il n’est pas un art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’en est pa
166 arc, j’ai vu l’auteur, le plus grand de ce temps, s’ incliner et puis comme plonger dans les bras étendus du patriarche de
167 le point de salut pour ce siècle. Byzance et Rome s’ embrassaient au lieu de leur rencontre créatrice. On ne le répétera
7 1974, Articles divers (1974-1977). Recherche pour un modèle de société européenne (février 1974)
168 èle européen, c’est que l’on ne pense pas pouvoir s’ accommoder de modèles étrangers et pour nous aliénants, comme le serai
169 Toynbee nous expliqua que deux avenirs possibles s’ ouvraient aux Européens : — ou bien l’Europe prend sa retraite et tent
170 vivre sur son passé culturel ; — ou bien l’Europe s’ efforce de s’assurer une position morale dominante, en se transformant
171 passé culturel ; — ou bien l’Europe s’efforce de s’ assurer une position morale dominante, en se transformant en communaut
172 ce de s’assurer une position morale dominante, en se transformant en communauté modèle. Vingt ans plus tard, me voici à la
173 lonté de dominer (ne fût-ce que moralement) ou de se poser en modèle exemplaire. Une troisième possibilité qui serait en s
174 le. Car c’est bien de cette crise mondiale qu’il s’ agit aujourd’hui, et avant tout, de s’occuper ; non plus seulement des
175 diale qu’il s’agit aujourd’hui, et avant tout, de s’ occuper ; non plus seulement des moyens politiques, économiques ou cul
176 mière fois dans l’histoire, l’homme d’aujourd’hui se voit contraint de choisir librement son avenir et celui de l’espèce h
177 ait, défis du corps, défis de l’environnement. Il s’ agissait de survivre, donc de continuer ce qui avait réussi aux plus f
178 omme et de l’humanité. J’insiste : ce succès même se traduit par une crise qui remet ou met tout en question. ⁂ Choisir li
179 emande comment ils le savent, ils répondent qu’il s’ agit d’un fait scientifiquement établi par des calculs irréfutables. M
180 ndéfiniment notre consommation d’énergie, comment s’ organiser pour vivre aussi bien, voire mieux, en consommant moins d’él
181 des moyens de décision politiques et économiques s’ inspirent tantôt des pessimistes tantôt des optimistes, c’est-à-dire d
182 s, c’est-à-dire des futurologues indépendants qui s’ efforcent de prendre en compte les dangers écologiques et les risques
183 lutôt que les promoteurs irresponsables, quand il s’ agit de formuler une politique. Or nous voyons que dans leur majorité,
184 au m2 en 2570, trente ans plus tard tout le monde se touche, et je m’arrête là dans mes calculs, mais d’autres ont été plu
185 s qu’une sphère d’êtres humains, dont le diamètre s’ allongerait à la vitesse de la lumière. Et je fais mienne la sobre co
186 qu’il faudra bien que la croissance démographique s’ arrête un jour. La croissance démographique ne peut pas être illimité
187 libre décision des hommes et des femmes. Mais où s’ arrêter ? quand ? et comment ? Il s’agit de déterminer un optimum, de
188 mmes. Mais où s’arrêter ? quand ? et comment ? Il s’ agit de déterminer un optimum, de définir une politique, d’évaluer ses
189 ’évaluer ses répercussions… Car le même processus se répète dans tous les autres domaines de la civilisation contemporaine
190 sance démographique et la croissance industrielle s’ entraînant l’une l’autre, provoquent l’une et l’autre la croissance de
191 nfinies où 80 % de l’humanité va vivre, ou plutôt s’ entasser, dans vingt-cinq ans. L’urbanisation sauvage de l’humanité an
192 les futurologues ne sont pas tous pessimistes, il s’ en faut. Les plus connus du grand public, les plus choyés par les pouv
193 t milliards d’habitants vers 2050. Mais là, il ne s’ agit plus à vrai dire de prospective, ni même de marketing, il s’agit
194 rai dire de prospective, ni même de marketing, il s’ agit simplement de guerre psychologique, de fausses nouvelles délibéré
195 cours des vingt à trente années qui viennent. Il s’ agit donc de supputer les inventions techniques qui seront faites dans
196 nt par l’incapacité où ils se trouvent et parfois se veulent, d’indiquer des remèdes politiques aux maux qu’ils ont calcul
197 es politiques aux maux qu’ils ont calculés, et de se référer à des finalités humaines ou divines qui pourraient seules per
198 hniques » derrière lesquels l’homme moderne court se cacher, comme Adam derrière les buissons quand Dieu rappelle, plutôt
199 ler vite amuse les Américains. D’autres fabriques se fondent, dans l’intention de jouer au plus rapide. En 1903, Ford gagn
200 du 6 à l’heure — l’allure d’un piéton. Mais là ne s’ arrêtent pas les bouleversements et les méfaits en chaîne produits par
201 ; car c’était sur les places et dans les rues que se formait traditionnellement l’opinion, — de l’agora des cités grecques
202 r la General Motors et la Société Ford elle-même, s’ ils le voulaient. Et voilà la boucle bouclée. Résumons-nous : vers 189
203 isme de bêtes à cornes », et l’antisémitisme, qui se manifestent déjà en Allemagne, et dont il annonce le sinistre avèneme
204 achèvement logique de nos États-nations, lesquels se sont constitués depuis cent-cinquante ans aux dépens des communautés
205 nt eux seuls qui ont prétendu gérer la terre. Qui s’ en sont octroyé le droit souverain. Eux seuls qui en avaient les moyen
206 ctions majeures : nous voyons maintenant ce qu’il s’ agit de changer dans notre société européenne : c’est le modèle stato-
207 dont les deux tiers sont nés au xxe siècle. Ils se touchent tous : plus de jeu, plus de vide entre eux. Que faire contre
208  ? Une anarchie ? C’est ce que me disent ceux qui se croient « réalistes ». Et même certains autres, comme Malraux, lequel
209 mesures d’union proposées au plan européen, qu’il s’ agisse du rejet de la CED, ou du veto opposé par certains pays à toute
210 tant il est clair qu’aucun problème écologique ne se laisse définir par nos frontières, et qu’aucune frontière politique o
211 respondent aux mêmes frontières, et ce miracle ne s’ est jamais réalisé. L’idée de la coïncidence territoriale de l’idéolog
212 la culture serait proprement délirante si elle ne s’ expliquait pas nécessairement par la guerre. Elle n’est plus tenable a
213 e l’appelle l’amicale des misanthropes. Cela peut se dire, non se faire. La seule forme d’union concevable et praticable é
214 ’amicale des misanthropes. Cela peut se dire, non se faire. La seule forme d’union concevable et praticable étant donné le
215 soit sociales, et dont les aires territoriales ne se recouvrent pas plus que les réalités fonctionnelles. On imagine la co
216 ial, au chapitre où il démontre que plus une cité s’ agrandit, moins ses citoyens ont de prise sur ses réalités, moins nomb
217 stant même où ce mot était prononcé, les lumières s’ éteignirent dans tout le canton de Genève. Cette panne totale devait d
218 tes d’une torche. 14. Sur ces mots, les lumières se rallument dans tout le canton. g. Rougemont Denis de, « Recherche p
8 1974, Articles divers (1974-1977). L’Europe des régions (juin-juillet 1974)
219 est en crise c’est l’État-nation napoléonien qui s’ oppose aux régions et propose contre elles sa « régionalisation » auto
220 aucunement fortuite ; à mesure que les frontières s’ abaissent, les régions « remontent ». On ne fera jamais l’Europe avec
221 spectaculaire, le plus bruyant aussi, parce qu’il se traduit souvent par des explosions de plastic — l’aspect ethnique et
222 y a toutes les régions « transfrontalières » qui se situent pour la plupart sur l’axe rhénan, ou rhodanien. Ça commence e
223 e de l’État-nation, à souveraineté illimitée, qui s’ opposerait toujours à la création d’une Europe unie. D’autre part, dan
224 n est arrivé à abaisser un peu les frontières, on s’ aperçoit que les régions resurgissent, soit qu’il s’agisse d’anciennes
225 aperçoit que les régions resurgissent, soit qu’il s’ agisse d’anciennes provinces dont le relief avait été effacé par le bu
226 ffacé par le bulldozer du jacobinisme, soit qu’il s’ agisse de régions nouvelles, ou créées par l’économie et par des réali
227 ompte des frontières. À mesure que les frontières se dévalorisent entre nos États-nations, les régions resurgissent. Il y
228 ule des États-nations à souveraineté illimitée et se tourner vers les régions. Ou bien il faut avouer qu’on ne veut pas fa
229 méricain ou que je suis antirusse, il faut ne pas se tromper là-dessus. Je pense que la colonisation est une très mauvaise
230 a colonisation est pire que tout. Quand un peuple se met à rendre les rênes à un autre pour son sort quotidien, pour ce qu
231 l n’a pas de principe de cohérence interne. Il ne s’ agit pas de le renverser, vous ne sauriez par où le prendre. La révolu
232 pelle « la réforme régionale ». Le même phénomène se reproduit dans d’autres pays, mais c’est peut-être particulièrement f
233 comme à tâtons, le relief des problèmes, les voir se soulever, se définir, et il faut se décider d’après ça, et non pas pr
234 s, le relief des problèmes, les voir se soulever, se définir, et il faut se décider d’après ça, et non pas prendre une car
235 mes, les voir se soulever, se définir, et il faut se décider d’après ça, et non pas prendre une carte et quelques barèmes,
236 un vide civique, dans un « no man’s land » où il se sent totalement impuissant sur tous les mécanismes politiques, économ
237 à un grand désespoir qui pousse les jeunes gens à se jeter dans les minorités vociférantes au discours révolutionnaire don
238 ique de la Raison » donné par la commune de Paris se transmette instantanément jusqu’aux frontières extrêmes de la France
239 à, non seulement empêche la participation mais il s’ y oppose. Il a supprimé tous les pouvoirs des communes. Les communes d
240 e l’État est plus fort que les hommes qui croient s’ en emparer. Il les digère, il les phagocyte, quelle que soit leur idéo
241 au hasard des traités et des guerres : les armées se sont arrêtées par hasard là. Il n’y a aucune espèce de raison que ça
242 nt. Ayant pour but le profit et le pouvoir, elles se dirigent naturellement vers l’État, et vers les organes de l’État pou
243 qui ont un tout autre mode de développement, qui s’ adaptent au pays dans lequel elles s’installent et qui sont obligées p
244 ppement, qui s’adaptent au pays dans lequel elles s’ installent et qui sont obligées par la nature même de leurs activités
245 la nature même de leurs activités économiques de s’ y intégrer. Il y a donc multinationale colonisante, et multinationale
246 érêt politique dans les pays où elle opère ; elle s’ intègre à la coutume agricole, elle peut même l’améliorer, et jouer un
247 ionales du type que j’appellerai colonisateur, il s’ agit de trouver un pouvoir qui pourrait les freiner, les forcer à s’in
248 un pouvoir qui pourrait les freiner, les forcer à s’ intégrer ou à respecter des communautés humaines qu’elles bafouent ouv
249 les, en France ou en Allemagne, ou en Italie, qui se conduisent vis-à-vis de telle ou telle région exactement de la même m
250 de différence. Le phénomène contre lequel il faut se défendre, c’est celui des trop grandes sociétés, mal adaptées aux rég
251 aptées aux régions dans lesquelles elles viennent s’ implanter et qui n’y cherchent que leur profit. Ce que je dis là ne vi
252 dra grand, ce qui commence par un germe invisible s’ épanouira un jour en arbre, en éléphant ou en corps humain. Tout cela
253 ui fait qu’une plante ou un corps animal grandit, s’ épanouit, se stabilise autour d’un optimum, puis lentement se modifie,
254 ne plante ou un corps animal grandit, s’épanouit, se stabilise autour d’un optimum, puis lentement se modifie, régresse et
255 se stabilise autour d’un optimum, puis lentement se modifie, régresse et meurt, donnant naissance à de nouvelles croissan
256 m vers 40 ans, à la seule condition qu’il puisse se nourrir assez et ne se heurte pas à des obstacles insurmontables. Eh
257 ule condition qu’il puisse se nourrir assez et ne se heurte pas à des obstacles insurmontables. Eh bien, nous vivons depui
258 substance de la terre en énergie. Il faudra bien s’ arrêter un jour, alors, autant y penser tout de suite. Il me paraît es
259 mieux. La région et la commune Pourtant on s’ aperçoit qu’actuellement, et depuis un certain nombre d’années, le seu
260 o, à la télé, qu’ils ne peuvent pas vivre heureux s’ ils n’achètent pas tel ou tel produit. Ils finissent par le croire et
261 le croire et par vouloir gagner de l’argent pour se l’acheter. Il suffit d’un changement dans l’information des gens pour
262 C’est l’essentiel, tout tient à cela. Et les gens s’ apercevraient qu’il y a mille choses dans la vie beaucoup plus importa
263 ntre, qui n’ont plus de rues où les gens puissent se rencontrer, depuis que les places sont devenues des parkings, et que
264 a démocratie, c’est-à-dire les lieux physiques où se formait l’opinion, où les gens se rencontraient, où ils formaient spo
265 ux physiques où se formait l’opinion, où les gens se rencontraient, où ils formaient spontanément des groupes, où l’on pou
266 , tous, le bras levé, à hurler en cadence, et ils se sentaient ensemble. Ils avaient une raison de vivre pendant ce temps.
267 n’ont plus de raison de vivre personnelle. Il ne s’ agit pas de refaire le coup d’Hitler ou le coup de Mussolini, il ne fa
268 rti, une seule idéologie, beaucoup trop simple et s’ imposant comme un cadre de l’extérieur sur les gens. Il faut faire le
269 ystérieuses, dont il faudrait que les sociologues s’ occupent un jour pour voir comment se transmet ce genre de réflexe. Si
270 sociologues s’occupent un jour pour voir comment se transmet ce genre de réflexe. Si « le génie du lieu » agit ainsi, c’e
271 paysan lié à la terre, c’est un grand malheur. Et s’ il est purement nomade, aussi. Mon idée de l’homme complet, la personn
272 e des aspirations contradictoires. Il a besoin de se sentir chez lui quelque part et il a besoin de circuler. Besoin de co
273 les de la période classique grecque — la polis où s’ est formé le sentiment communal — montrent la grande sagesse des Grecs
274 ute la nuit mais où il était devenu impossible de se promener sans armes. Et ces villes naturellement n’étaient plus des c
275 vait plus l’agora sur laquelle les gens pouvaient se réunir : il fallait déléguer les pouvoirs. Les gens se réunissaient p
276 unir : il fallait déléguer les pouvoirs. Les gens se réunissaient par quartier selon leurs professions. Ils étaient mis à
277 yens libres le deviennent par rotation comme cela se faisait dans la cité grecque antique. Donc, la participation est maxi
278 ui n’ont plus aucune espèce de résistance, qui ne se sentent plus responsables de rien dans la cité. Ce qui se fait est fa
279 nt plus responsables de rien dans la cité. Ce qui se fait est fait par les autres (« Ils », l’État). On les subit. Tout ce
280 État). On les subit. Tout ce que l’on peut, c’est se révolter de temps en temps, mais cela ne sert pas à grand-chose. C’es
281 c’est la loi économique qui a fait que ces villes se sont agrandies démesurément et que notre économie a secrété certaines
282 igent une économie décentralisée, l’économie doit se décentraliser. Si l’on continue, comme on l’a fait jusqu’à présent, i
283 n continue, comme on l’a fait jusqu’à présent, il se pourrait bien que l’on arrive à des désastres, qui sont calculables d
284 nd on les cache derrière des fatalités comme Adam se cachait derrière un buisson… Mais, il y a d’autres motivations, chez
285 à fait d’accord, je pense que l’autogestion doit se développer dans tous les secteurs, dans tous les domaines, elle doit
286 cteurs, dans tous les domaines, elle doit surtout s’ exercer au niveau politique, au niveau de l’administration de la commu
287 faire et que, pour ce qui dépasse son niveau, il s’ unisse à d’autres. Qu’il ne se fédère que pour cela, et non pour const
288 asse son niveau, il s’unisse à d’autres. Qu’il ne se fédère que pour cela, et non pour constituer une puissance telle que
289 à faire n’importe quoi, surtout la guerre. Qu’il se fédère pour des fonctions bien définies. Mais alors là, sans réserve,
290 francophile et par là même compromettant, il a dû se réfugier aux États-Unis. C’est outre-Atlantique qu’il a découvert a c
9 1974, Articles divers (1974-1977). Surréalisme : un jeu qui dure depuis 50 ans (7-8 septembre 1974)
291 s questions et des réponses, que je préférais. Il se jouait par paires. L’un écrivait trois questions : qu’est-ce que ceci
292 èce ? » Je lus ma réponse : « Toutes les lumières s’ éteindraient. » Et, dans la seconde, toutes les lumières se sont étein
293 aient. » Et, dans la seconde, toutes les lumières se sont éteintes dans la maison. La crise de l’énergie Cela vous e
294 voilà que sur le mot « raté » toutes les lumières se sont éteintes dans la salle (et, comme on l’a su plus tard, dans tout
295 être regardé de plus près », toutes les lumières se sont rallumées. Était-ce « la part du diable » ? Breton m’a souvent p
296 parlé de ce livre, que j’ai écrit à New York. Il se demandait comment un homme qui croit en Dieu pouvait avoir des relati
297 n ». En fait, après la sortie du « coupable », on s’ aperçut qu’il restait 21 personnes dans la salle… La « victime » avait
298 e, regardant les nuages entre les gratte-ciel. Il s’ arrêta et me dit, après un silence : « Et pourquoi ne ferait-on pas un
299 ami. Il écoutait d’une oreille, et brusquement il s’ est tourné vers nous : « Voilà, dit-il, une Église où j’aurais pu être
300 et leurs amis. D’une conversation enregistrée qui s’ est poursuivie une soirée entière, nous avons extrait les passages qui
301 irée entière, nous avons extrait les passages qui se rapportent à l’une des activités du groupe : le jeu. Concernant celui
10 1975, Articles divers (1974-1977). Notre complexe de culpabilité (1975)
302 bilité (1975)p Au premier rang des peuples qui se disent heureux, selon les sondages d’opinion, les Suisses n’en sont p
303 n général), il m’a semblé que l’inquiétude suisse s’ expliquait par trois groupes de raisons, fort inégalement légitimes. I
304 es plus typiques de l’esprit suisse en tant qu’il s’ exprime par le livre, le théâtre, l’enquête sociologique et les éditor
305 ande d’association de la Suisse au Marché commun, s’ interroger sur l’avenir suisse est devenu notre sport national, et je
306 ls leurs privilèges ? Ne sont-ils pas en train de s’ enliser dans un épais matérialisme, et dans un égoïsme qui dément leur
307 eunes intellectuels détachés de toute croyance ne se distinguent de leurs ainés que par une virulence particulière sur le
308 siècle : une sorte de complexe de culpabilité. Il s’ est noué pendant la Première Guerre mondiale. « Neutres, mais non pas
309 Enfin, par notre modestie, nous nous excusons. «  S’ excuser de quoi ? » Quiconque s’est jamais trouvé au chevet d’un malad
310 nous excusons. « S’excuser de quoi ? » Quiconque s’ est jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un h
311 manière dont le « complexe suisse » est prompt à se couler dans les tournures du langage théologique : Le péché des Suis
312 e l’Histoire. Considérant les autres peuples, ils se réjouissent de leur liberté et de leur sagesse. Ce sont, par nature,
313 e maison, et il regarde par sa petite fenêtre, et se réjouit de voir les étrangers venir chez lui pour admirer la belle et
314 utralité ne pourrait être péché que chez ceux qui s’ en font une vertu, mais pas en soi. Elle est une mesure politique — ex
315 re : il faut participer aux guerres. Il eût fallu se battre contre Hitler, ou voler au secours de Budapest, — de cette vil
316 mpatriotes d’être « spectateurs de l’Histoire » ! S’ il s’avère au contraire que la neutralité peut se justifier dans bien
317 iotes d’être « spectateurs de l’Histoire » ! S’il s’ avère au contraire que la neutralité peut se justifier dans bien des c
318 S’il s’avère au contraire que la neutralité peut se justifier dans bien des cas, on en prendra trop facilement prétexte p
319 s par l’intention, de la manière dont les Suisses s’ examinent : mettons que ce soit de l’autocritique au second degré. Les
320 tilitarisme, du neutralisme, du moralisme suisses s’ exprime par les Questions sans espoir de Ramuz, par les virulentes sat
321 ue lui donner raison, et puis les vrais problèmes se posent, ou plutôt : ils sont encore là, attendant qu’on les examine u
322 naissons tout cela et c’est bien pire chez nous ! s’ écrie l’Européen de Düsseldorf, d’Anvers, de Lyon, de Manchester, de M
323 it donc, me semble-t-il, proposer que les Suisses s’ élèvent à la hauteur de leur régime fédéraliste, dont pas un seul de l
324 des conditions réelles du progrès permet seule de se dire progressistes, j’ose penser que la Suisse a mieux à faire qu’à c
11 1975, Articles divers (1974-1977). Au-delà de la société industrielle (1975)
325 on déciderait d’arrêter le progrès matériel pour se vouer à l’artisanat, au jardinage, à la contemplation ou au bouddhism
326 ndustrielle née en Europe au xixe siècle, et qui s’ est épanouie au xxe jusqu’à Los Angeles et Vladivostok, jusqu’à Tokyo
327 — je le définis comme l’époque où l’homme devait s’ adapter à l’industrie, à la consommation, donc à la production, sans c
328 phrase fameuse de Georges Pompidou « Paris devait s’ adapter à l’automobile ». La société post-industrielle, à mes yeux, au
329 dire que, dorénavant, c’est l’automobile qui doit s’ adapter à Paris — c’est-à-dire l’industrie à l’homme. Le passage de la
330 e la firme produise toujours plus. La vie humaine se voit dès lors subordonnée au rendement. Opposer à cette notion celle
331 d du problème, le lieu de l’affrontement décisif, se situe donc dans la définition des besoins humains. La société indust
332 n profit des besoins neufs, artificiels, quitte à s’ en prévaloir ensuite, une fois ces besoins devenus invétérés, pour inv
333 L’Américain moyen — et nous donc ! — est prié de s’ en tenir au mode de vie instauré par l’Auto, et qui favorise les vente
334 l’amour du prochain, et passant avant tout cela, s’ il faut choisir. Car le profit n’est pas un principe de mesure pour l’
335 utile plutôt que redoutable à ses voisins, qu’il s’ agisse de personnes ou d’États. La société industrielle veut augmenter
336 st clair que nos trop grands États croient devoir se doter d’armements à leur taille. Si l’on ne peut pas réduire la masse
337 réduire la taille de ceux qui seraient tentés de s’ en servir ? Si la guerre est le pire désastre qui menace aujourd’hui l
338 otre modèle post-industriel a-t-il des chances de se réaliser ? » J’ai coutume de répondre à cette question que nous ne so
339 a question : « Que va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-je faire ? » o. Rougemont Denis de, « Au-de
12 1975, Articles divers (1974-1977). Suisse 1975 (1975)
340 éprouve une sorte d’embarras, comme un besoin de s’ excuser. « S’excuser de quoi ? Quiconque s’est jamais trouvé au chevet
341 sorte d’embarras, comme un besoin de s’excuser. «  S’ excuser de quoi ? Quiconque s’est jamais trouvé au chevet d’un malade
342 oin de s’excuser. « S’excuser de quoi ? Quiconque s’ est jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un h
343 neutralité active », comme on l’appelle aussi, ne se borne plus à refuser de prendre parti dans les guerres qui opposent n
344 arantie par le traité de Vienne (1815), elle veut s’ étendre désormais au monde entier. Et cela se traduit par un refus d’a
345 veut s’étendre désormais au monde entier. Et cela se traduit par un refus d’adhérer à l’ONU, alors simple instrument de la
346 voisines (la Russie et l’Amérique), ou bien elle se fédérera et deviendra neutre. C’est-à-dire qu’elle sera ou bien balka
347 e « grandes puissances » à propos de nos voisins, s’ est dissipée. Face à l’Europe et face au monde, la situation de la Sui
348 urope et face au monde, la situation de la Suisse s’ est clarifiée : si elle diffère substantiellement de celle des « puiss
349 pays. Mais dans un temps de crise comme celui qui s’ est instauré dès l’automne de 1973, la neutralité, qui était une forme
350 re ou nucléaire. L’université leur réplique qu’il s’ agit là d’un calcul faux, parce qu’à trop courte vue, la qualité de la
351 restant le meilleur atout de notre industrie. On s’ agite au niveau des cantons, où l’on dénonce « l’emprise croissante de
352 fédéralisme de formule suisse est la solution qui s’ impose si l’on veut vraiment « faire l’Europe », c’est-à-dire non pas
353 e n’est guère mieux compris par les Suisses — qui s’ en réclament — que par les autres peuples de l’Europe — qui ne voient
354 e n’est rien d’autre, en effet, qu’une manière de se mettre ensemble pour faire ce dont aucun ne serait capable seul. C’es
355 lle des groupes sociaux et politiques qui peuvent s’ en charger, d’autre part. À la commune, les chemins vicinaux, au canto
356 visent l’Europe, mais ne veut pas du tout qu’elle se déclare neutre par rapport à l’union de l’Europe en train de se faire
357 tre par rapport à l’union de l’Europe en train de se faire. Car la Suisse ne saurait tenir balance égale entre les ennemis
358 ’abord européenne — de la Suisse, de 1945 à 1975, s’ explique par une oscillation perpétuelle entre une conception négative
359 réelle avec la CEE. Mais des liens plus concrets se tissent chaque jour entre la Suisse et l’Europe. Le simple fait de l’
360 ait encore la définir. Les problèmes concrets qui se posent à la Suisse actuelle dans les domaines les plus divers, tels q
361 État-nation, comme les autres ; plus grave : elle se verrait bientôt contrainte d’imiter à l’intérieur la centralisation a
362 Il est donc évident que notre fédéralisme ne peut se maintenir dans nos cantons qu’à la seule condition de s’étendre, quan
363 tenir dans nos cantons qu’à la seule condition de s’ étendre, quand il le faut, au-delà des limites de l’État fédéral insti
364 veut rester fidèle à sa vocation séculaire, elle se doit donc de devenir, de proche en proche, européenne, puis mondiale.
365 ue toutes de dimensions intercontinentales, qu’il s’ agisse de la répartition de l’énergie, de la lutte contre la famine, d
366 prix de la paix. De tout cela, la Suisse ne peut se désintéresser, pour des raisons à la fois morales et utilitaires. Cer
367 rtes, la Suisse a bien le droit de rappeler, sans se vanter, qu’elle a créé de toutes pièces la Croix-Rouge, et qu’elle es
368 ser de choisir sa politique mondiale, et ce choix se pose entre la solidarité et l’égoïsme. Un égoïsme fermé sur soi-même,
369 ait seule capable de faire face aux problèmes qui se posent à l’échelle mondiale — énergie, pollution, famine, paix. C’est
370 famine, paix. C’est entre ces termes extrêmes que se pose en permanence, depuis longtemps, le problème de l’entrée de la S
371 propre raison d’être que la Suisse d’aujourd’hui se voit amenée à s’interroger. Et ce n’est qu’au nom de ses buts humains
372 être que la Suisse d’aujourd’hui se voit amenée à s’ interroger. Et ce n’est qu’au nom de ses buts humains en tant qu’État
13 1975, Articles divers (1974-1977). Le Morgarten du xxe siècle (1975)
373 fonction de leurs compétences particulières pour s’ occuper d’un secteur de la vie publique. S’ils devaient représenter le
374 s pour s’occuper d’un secteur de la vie publique. S’ ils devaient représenter les cantons, il en faudrait 25, comme l’actue
375 r traiter dans l’intérêt commun les problèmes qui se posent au niveau de la Confédération. La difficulté, avec le fédérali
376 n nous a fait apprendre qu’à l’origine, la Suisse s’ était formée par la fédération de trois cantons. Leurs chefs auraient
377 as intéressant de réfuter. En réalité, les choses se sont passées tout à fait autrement. Le fédéralisme suisse s’est formé
378 sées tout à fait autrement. Le fédéralisme suisse s’ est formé sur la base des communes d’Uri, de Nidwald et de Schwyz. On
379 semble des gens et des biens d’une vallée). Elles se sont alliées entre elles, non pas pour créer une puissance, mais pour
380 eules, elles n’auraient pas pu le rester, mais en se mettant les trois, elles avaient juste assez de force pour préserver,
381 e des États voisins, qui étaient tous en train de s’ unifier. Certains achevaient leur unité et d’autres la commençaient à
382 Suisse a toujours été à contre-courant de ce qui se passait dans le reste de l’Europe. Elle est née de l’esprit des commu
383 is frappé de constater que la plupart de ceux qui se disent fédéralistes sont en réalité des nationalistes cantonaux. Se f
384 stes sont en réalité des nationalistes cantonaux. Se fondant sur ce qu’ils tiennent pour les erreurs de 1848, ils s’imagin
385 ce qu’ils tiennent pour les erreurs de 1848, ils s’ imaginent que la vie du fédéralisme consiste surtout à défendre les in
386 ’autogestion régionale et communale sont ceux qui se situent le mieux dans le droit-fil de la pratique du fédéralisme. Qu’
387 et celle des communes qui essaient aujourd’hui de se défendre contre l’implantation de centrales nucléaires sur leur terri
388 ure de la route du Gothard, phénomène continental s’ il en fut, puisque cette route devait relier entre elles les deux part
389 mise « étatique » avant la lettre que les Suisses se sont ligués. On observe un phénomène comparable aujourd’hui, autour d
390 soutenu, d’ailleurs, que par les trois États qui se partagent la région de Bâle, c’est-à-dire la France, la Suisse et l’A
391 i des Uranais, des Nidwaldiens et des Schwyzois : se mettre ensemble. À Kaiseraugst, il y avait parmi les occupants des dé
392 ». Leurs groupuscules ne sont venus qu’après coup s’ adjoindre à la grande majorité des hommes et des femmes qui s’étaient
393 à la grande majorité des hommes et des femmes qui s’ étaient installés sur le camp. Ils tentaient d’exploiter une situation
394 gion de Bâle. C’est le réflexe d’autogestion, qui se traduit par la volonté de se défendre sur place, fût-ce au prix d’une
395 e d’autogestion, qui se traduit par la volonté de se défendre sur place, fût-ce au prix d’une illégalité. On a beaucoup di
396 nde de Guillaume Tell. Qu’ils la relisent, et ils se rendront compte que notre héros national suisse n’était pas particuli
397 dit chez moi, le beurre et l’argent du beurre. Il s’ agit de savoir quelle finalité on vise. Est-ce qu’on attache vraiment
398 , autant faire des centrales nucléaires, quitte à se voir réduits à l’uniformité d’abord, puis à la vie en uniforme et fin
399 ertain nombre de désastres et de catastrophes qui se préparent. Des tragédies. Les Suisses n’aiment pas du tout ce mot. Le
400 Suisses n’aiment pas du tout ce mot. Les Suisses s’ imaginent, surtout depuis une centaine d’années, que le dernier mot de
401 choses excessives, les tensions trop fortes, tout se passerait sans histoire — dans tous les sens du mot histoire. Il n’y
402 ennui total et fédéral. Cela ne va évidemment pas se passer comme ça. Nous allons vers des tragédies. Les Suisses n’y sont
403 tutions. Les institutions fédéralistes, en effet, se distinguent par leurs petites dimensions. Or, dans le monde actuel, p
404 survivre au tohu-bohu général qui est en train de se déchaîner sur la planète. C’est pour cette raison que les États-Unis,
405 la peine de lancer une bombe atomique. Ou alors, s’ ils avaient commencé là-bas avec leurs bombes atomiques, il n’y aurait
14 1975, Articles divers (1974-1977). L’amour (1975)
406 une troisième psychologie qui, faute de rigueur, se dirait littéraire, mais bien de mettre en valeur le fait, historique
407 les grandes étapes d’une évolution historique qui s’ est stratifiée dans la psyché occidentale, et dont la connaissance ren
408 ouve en secret et qui soudain éclate, flambe et «  se déclare ». C’est l’amour qui se prend pour son objet, qui aime sa pro
409 late, flambe et « se déclare ». C’est l’amour qui se prend pour son objet, qui aime sa propre intensité et non pas l’Autre
410 os chansons et nos opéras. C’est le sentiment qui s’ exalte de tout ce qui s’oppose au désir, sépare les corps et fait obst
411 s. C’est le sentiment qui s’exalte de tout ce qui s’ oppose au désir, sépare les corps et fait obstacle à l’accomplissement
412 recherche du bien de l’être aimé. Cela ne saurait s’ appliquer au mariage, dont la seule fin est de donner des enfants à l’
413 cinq maris : paix et pardon à cause de l’amour.) S’ agirait-il d’un refoulement ? Non, car la tentation correspondante n’e
414 a donné son Fils unique… »), et dont toute la loi se résume dans le commandement unique « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
415 hésite pas à écrire : « Celui qui n’est pas marié s’ inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui e
416 ens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’ inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme » (I Cor
417 grâce, donc valorisé à l’extrême. Cela ne pouvait se produire — et en effet ne s’est produit — que dans la sphère d’influe
418 ême. Cela ne pouvait se produire — et en effet ne s’ est produit — que dans la sphère d’influence du christianisme. Mais, e
419 rsonnes. Du ixe au xiie siècle, l’amour antique s’ est éclipsé, et celui que nous croyons seul « naturel » et « aussi vie
420 déjà la conception de la « courtoisie », mais il s’ agit d’une femme idéalisée, objet d’une adoration mystique qui se conf
421 mme idéalisée, objet d’une adoration mystique qui se confond bientôt avec celle vouée à la Sainte Vierge. La « cortezia
422 actuelle (Poitou, Limousin, puis Languedoc) et va se répandre sur tout le continent avec une surprenante rapidité. Elle ne
423 du trobar, au xixe siècle et jusqu’à nous. Mais, s’ ils avaient raison, comment concevoir que cette poésie ait pu transfor
424 raire le signe d’une révolution plus générale qui s’ opérait à cette époque dans la psyché occidentale ? Dès la fin du xie
425 once que l’Esprit-Saint, dont l’ère va commencer, s’ incarnera dans une Femme. La plus puissante de ces hérésies sera le ca
426 s Balkans, la Bosnie et l’Italie du Nord, où elle se répandra d’une part vers le nord de la France et jusqu’en Angleterre,
427 eterre, d’autre part vers l’Ouest occitan où elle s’ installera solidement dans les grandes et petites cours de l’Aquitaine
428 ant trop difficile l’exigence d’absolue chasteté, se bornent à médire du mariage, cette iurata fornicatio ordonnée aux loi
429 butte à des obstacles toujours plus tragiques, et s’ exaltant du tourment qui en résulte. Une forme toute nouvelle de poési
430 par des dizaines puis des centaines de poètes qui se nomment « troubadours » (c’est-à-dire trouveurs, inventeurs, composit
431 urs, compositeurs). Cette poésie dont la doctrine se nomme cortezia — puisqu’elle est chantée dans les cours des seigneurs
432 s trouvères du xiie siècle, l’amour est cela qui se « déclare » par des mots. On peut soutenir que l’histoire de l’Éros e
433 Éros en Occident, des troubadours à notre siècle, se confond avec celle des expressions du désir, du sentiment et de la pa
434 nos jours, dans les mass médias audiovisuels. On s’ en tiendra ici à la littérature. Le mythe de l’amour-passion Trè
435 on psychique composés en système dans la cortezia se retrouvent dans l’histoire de Tristan : désir exaspéré par les obstac
436 valier et à la fidélité envers le suzerain, ment, se parjure et finalement perd la vie même), mais cet asservissement volo
437 tième degré, entre mari et femme. Robert le Pieux se voit contraint de répudier sa première femme, qu’il aime, parce qu’el
438 strent les tournois dont la dame est le « prix ». S’ il n’en fait rien, ce n’est pas seulement par respect de son suzerain
439 e qu’à la force des lois et de sa fidélité au roi s’ ajoute celle, bien plus contraignante, du dernier tabou subsistant, du
440 rophe finale, où la réunion définitive des amants s’ opère au prix de leur séparation suprême dans la mort, obstacle dernie
441 xpliquer, car son contenu demeure inavouable même s’ il est fascinant comme une drogue. Et n’est-ce pas d’une intoxication
442 cu des pièces de Boulevard. Mieux encore, il peut s’ effacer progressivement, se déguiser en protecteur, en oncle, en ami a
443 Mieux encore, il peut s’effacer progressivement, se déguiser en protecteur, en oncle, en ami aîné et plus sage, et finale
444 en oncle, en ami aîné et plus sage, et finalement s’ évanouir tout à fait dans les romans d’analyse intérieure, mais c’est
445 fée Viviane ou la Velléda des Martyrs, celle qui se prête aux fantasmes de l’homme. Le « héros » (comme on le dit encore
446 comme à la lecture des romans, que la passion ne s’ approfondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure des résistances q
447 des troubadours, nous voyons que l’amour courtois se distingue du simple désir par le raffinement de ses expressions, la c
448 que l’on met sur un piédestal pour mieux pouvoir se plaindre qu’elle soit située « en trop haut lieu », voire tout à fait
449 nts. C’est cela qui permet à l’attrait naturel de s’ exalter, de devenir une passion. Ce trait fondamental, la retenue, les
450 e trait fondamental, la retenue, les contraintes, se manifestera d’une manière beaucoup plus dramatique lorsque l’amour co
451 lles. Des analyses de ce « roman par excellence » se dégage la conclusion que la passion est cette forme de l’amour qui se
452 ion que la passion est cette forme de l’amour qui se nourrit des obstacles qu’on lui oppose, ou qu’elle sait inventer au b
453 le xive siècle, toute la littérature européenne s’ est convertie au style des troubadours. De ce temps jusqu’au xxe sièc
454 reprend vigueur et invente de nouveaux moyens de s’ exprimer et de répandre sa contagion, par le poème d’abord et le roman
455 an social, de même que le moment mystique ne peut se détacher que sur un fond d’orthodoxie. « Entre deux êtres isolés, il
456 de trois ans, découvrent l’existence du monde et se séparent, pour renouveler l’obstacle — et leur passion. L’inévitable
457 vitable et nécessaire socialisation de la passion se fait sentir dans la publication même d’un roman, et plus encore dans
458 on d’une tragédie. Mais ce que la passion gagne à se déclarer par le moyen de la littérature, elle le perd en sincérité, e
459 l’expression — sans laquelle elle ne pourrait pas s’ entretenir (au double sens de ce terme) — s’est fait sentir plus vite
460 t pas s’entretenir (au double sens de ce terme) — s’ est fait sentir plus vite dans le roman qu’au théâtre. (Je parle ici,
461 nt simple courtoisie au sens moderne. La mystique se dégrade en psychologie de salon, transposée dans un paysage pastoral.
462 c’est sous la forme d’un évanouissement, dont ils se réveillent pour épouser leur maîtresse. Happy Ending. Certes, tous le
463 rands thèmes du mythe sont là, mais leur tragique s’ est mué en élégante mélancolie : lois d’Amour, séparations ingénieuses
464 coquetteries, et le combat du Jour et de la Nuit se ramène à des jeux de pénombre. Entre les corps des deux amants plus d
465 r roman courtois, premier roman moderne ? La mort s’ y atténue en renoncement mutuel, et la chevalerie fait place à la vert
466 rend vigueur. Ainsi, lorsque la société française s’ organise solidement sous le règne de Louis XIV et oppose à l’anarchie
467 nt bien moins de l’Antiquité, dont Racine prétend s’ inspirer, que de l’amour courtois et de la passion fatale, à la Trista
468 s-je épouser ses droits contre un père irrité ? » se demande le jeune homme. (La psychanalyse nous a habitués à des déguis
469 un besoin de « tristesse majestueuse ». Racine va se retirer du monde et des passions mondaines. De Don Juan à Sade
470 n’est donc plus un obstacle, les liens familiaux se relâchent, les derniers interdits et tabous se voient en quelque sort
471 ux se relâchent, les derniers interdits et tabous se voient en quelque sorte sécularisés et, du même coup, relativisés : i
472 u’en dise Dona Anna. Casanova, dans ses Mémoires, se vante de n’avoir laissé derrière lui que des femmes émues et heureuse
473 ute une littérature romanesque où l’amour-passion se réduit à « l’échange de deux fantaisies » et au « contact de deux épi
474 Sade écrit ses œuvres en prison : il ne peut donc s’ agir que de fantasmes, mais qui n’en sont que plus révélateurs de l’in
475 modèle de l’amour idéal, cette cortezia que, pour se venger de l’existence, il entreprend d’inverser et d’assassiner. Déci
476 e choisit pour victime le prochain (Sacher-Masoch se choisira lui-même). Ses livres ont la monotonie de l’obsession. Quant
477 ues. Entre Laclos et Sade, l’astucieux et le fou, s’ étend toute une littérature qui va du réalisme libertin des Liaisons d
478 ancolie profonde qui baigne l’histoire de Tristan s’ attache encore au roman de Rousseau comme à tous ceux qu’il fera naîtr
479 nuit nuptiale ! Les Français seront plus lents à se laisser emporter par « l’enthousiasme errant, fils de la belle Nuit »
480 d’amour », c’est que l’obstacle contre lequel il se révolte et mobilise les énergies de l’âme est l’ordre bourgeois tout
481 e soleil et les autres étoiles ». La psychanalyse s’ est constituée au cours d’une période d’érotisation générale de la psy
482 titude complètement normale en amour” où viennent s’ unir le courant de la sensualité et celui de la “tendresse” (Zärtlichk
483 dernier terme, placé entre guillemets comme pour s’ excuser de son incongruité, est défini comme une attitude envers autr
484 n’est pas trouvé indépendamment, mais toujours en s’ étayant sur la satisfaction des pulsions d’autoconservation. (On a re
485 drame authentique de l’Éros. « Le christianisme, s’ opposant à l’érotisme, a condamné la plupart des religions », écrit-il
486 e du plaisir transcendant et « mort de Dieu ». Il s’ est fait le théologien d’une mystique athée fondée sur le seul drame d
487 dition de Nietzsche, non de Marx ni de Freud, que se situe André Malraux lorsqu’il écrit (très proche ici de G. Bataille) 
488 l écrit (très proche ici de G. Bataille) : Il ne s’ agit plus d’échapper au péché, mais d’intégrer l’érotisme à la vie san
489 l ou même sentimental, les artistes contemporains se cantonnent dans la description d’objets purifiés de toute psychologie
490 t condamnée et le roman avec elle. Mais tout peut se renverser très vite, au point de crise que nous avons atteint. L’ennu
491 nomène comparable, à bien des égards, à celui qui se produisit dans la psyché collective du xiie siècle : une vaste remon
492 rche de nouveaux symboles, de nouvelles façons de se manifester, de s’exprimer. Les derniers ouvrages de C. G. Jung prédis
493 ymboles, de nouvelles façons de se manifester, de s’ exprimer. Les derniers ouvrages de C. G. Jung prédisaient ce retour de
494 s et des fureurs anarchiques. Elles peuvent aussi se perdre dans un idéalisme délirant, sans nul espoir de réconciliation
15 1975, Articles divers (1974-1977). « Le sort des écrivains emprisonnés constitue un drame et un avertissement » (juin 1975)
495 notamment dans les sociétés occidentales. Ce qui se passe d’une manière scandaleuse dans les pays totalitaires est en ger
496 ris la morale, l’écrivain qui veut dire la vérité se voit de plus en plus amené à critiquer, à s’opposer. C’est parce qu’i
497 rité se voit de plus en plus amené à critiquer, à s’ opposer. C’est parce qu’ils sont écrivains que Boukovski, comme Siniav
498 Daniel sont enfermés ? Ou simplement parce qu’ils s’ opposent au régime ? Face à un régime totalitaire l’écrivain est néces
499 comme un soldat qui n’accepte pas la discipline, se fait punir mais recommence quand même. Il y a un mot pour désigner ce
500 remettre leurs idées en place, en ordre ? Il faut se mettre à la place du magistrat soviétique. On lui amène quelqu’un don
501 très bien vous amener à la folie. J’ai su comment s’ étaient passés les grands procès de Moscou lorsque Staline s’est débar
502 assés les grands procès de Moscou lorsque Staline s’ est débarrassé de tous les vieux communistes qui avaient participé à l
503 ault a dit : « Combien d’hommes seraient amoureux s’ ils n’avaient jamais entendu parler d’amour ? » Eh bien, cet amour que
504 it ce qu’il doit écrire. C’est sa nature même qui s’ y oppose. Il sera donc toujours un opposant, un « agent de la révoluti
505 es dans lesquelles leurs contemporains pourraient se reconnaître. Par leur œuvre ils donnaient un sens aux mots comme les
506 gir comme responsable. Et l’homme n’est libre que s’ il est responsable. C’est une vieille notion que l’on retrouve encore
507 leurs tout ce qui intéresse notre vie quotidienne se passe à l’échelon des communes ou des régions, dans une « mesure » où
508 , collecter les impôts. Mais il a eu vite fait de s’ en trouver d’autres. Aujourd’hui il dirige l’école, il s’occupe d’hygi
509 ouver d’autres. Aujourd’hui il dirige l’école, il s’ occupe d’hygiène, il dirige les transports, en fait il se mêle de tout
510 e d’hygiène, il dirige les transports, en fait il se mêle de tout y compris de ce qui ne le regarde pas. Son rêve — et ce
511 de ce qui ne le regarde pas. Son rêve — et ce qui se passe en Union soviétique de façon scandaleuse préfigure peut-être de
512 nfluencer les pensées. Regardez avec quel soin il s’ occupe de la radio et de la télévision. Si un pays comme la France, pa
513 ement vers une société sans opposition où l’homme se fond dans la norme, accepte, est un phénomène de plus en plus courant
514 nt, de plus en plus dangereux. Et on ne devra pas s’ étonner si, à la fin il ne reste plus, pour s’opposer au pouvoir, que
515 pas s’étonner si, à la fin il ne reste plus, pour s’ opposer au pouvoir, que l’écrivain, ce fou !!! 19. Date de l’intervi
516 andant sa libération. Au premier rang de ceux qui se sont engagés dans ce combat on trouve le nom de l’un des plus grands
16 1975, Articles divers (1974-1977). « L’État-nation, voilà l’ennemi » (1er juillet 1975)
517 . Les responsables sont les 150 États-nations qui se partagent aujourd’hui la totalité (sans nul reste) des territoires de
518 a personne, sur celui des États nationaux. Le jeu se rouvre, l’avenir redevient notre affaire. Ou bien la démission épidé
519 and Ordinateur. Ou bien des groupes d’hommes, qui se veulent à la fois libres et responsables, trouvent et appliquent à te
520 cher sur un tout autre plan que celui où la crise se déclare : sur le plan des attitudes mentales, morales, spirituelles,
521 n prendre en main leurs affaires communes — qu’il s’ agisse de réalités culturelles ou énergétiques, écologiques ou sociale
522 s États-nations ? C’est le cercle vicieux dont il s’ agit de sortir. Il faut que ses auteurs commencent. 2) L’État-nation p
17 1975, Articles divers (1974-1977). « Il ne s’agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations » (septembre 1975)
523 « Il ne s’ agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations » (se
524 isme national par un chauvinisme régional ? Il ne s’ agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations. Ce s
525 rd une révolution complète : les gouvernements ne se mettront jamais à genoux devant les régions. Au pire — au mieux —, si
526 de pollutions diverses. Il faut que tout le monde s’ y mette. Il ne faut pas laisser un gouvernement répondre à un autre qu
527 rofessionnelle que les Suisses. C’est en train de s’ arranger, mais il aura fallu des années. Il y a le problème de la coop
528 densité extraordinaire, les universités devraient s’ entendre pour des échanges d’étudiants, de professeurs (actuellement,
529 se qu’on prend, qu’on mérite et, surtout, dont on se montre digne en étant responsable. Responsable : je tiens au mot. Car
530 on. w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Il ne s’ agit pas de créer des régions qui soient de petits États-nations », Le
18 1976, Articles divers (1974-1977). Message de M. Denis de Rougemont (1976)
531 histoire a frayé la voie vers l’union fédérale en s’ y avançant le premier ! L’Europe des esprits et des cœurs, c’est elle
532 u voir le jour. Mais lui-même, comme jeune homme, s’ était rêvé un avenir tout différent, celui de l’homme de culture et de
533 e souligne cette phrase : L’unité de l’Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des institutions : leur créa
534 uisque c’est tout naturellement que sa méditation s’ est poursuivie en création et n’a cessé de soutenir son action. Voilà
535 oire, il a frayé la voie vers l’union fédérale en s’ y avançant le premier. Et certes, il n’a jamais entretenu l’illusion q
19 1976, Articles divers (1974-1977). L’Europe, l’été [préface] (1976)
536 nise sur l’Adriatique, dont les théâtres baroques se ressemblent, des plages de Santander aux lacs de la Finlande, d’Édimb
537 ouvertes vers cinq mers, j’imagine maintenant que s’ élève une vaste rumeur symphonique mariant le classique au moderne à t
538 n’en ai nommé qu’une trentaine, c’est parce qu’il s’ agissait des « grands » de l’Europe, des mieux enracinés dans une trad
539 qu’est en réalité l’Europe, et l’aient prouvé en s’ associant sous le signe de l’union continentale. ⁂ Depuis un siècle et
540 inentale. ⁂ Depuis un siècle et demi, les nations se sont multipliées, et elles se sont bardées de frontières sourcilleuse
541 t demi, les nations se sont multipliées, et elles se sont bardées de frontières sourcilleuses, dans notre Europe jadis ouv
542 nce à un nombre sans cesse croissant de festivals s’ efforçant d’imiter à leur échelle, voire de renouveler les formules gl
543 à l’art de l’harmonie, ces festivals allaient-ils s’ accorder et faire entendre enfin le vrai « concert européen » ? En fai
544 t dirigé. Il sentait la nécessité de les amener à se concerter — terme éminemment musical… Il avait son idée là-dessus. Po
545 ropéenne des festivals de musique était fondée et se mettait à l’œuvre. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens qu’elle est
546 musique et l’Europe, il résulte, d’une part, que s’ occuper de l’Europe et spécialement de sa culture, suppose que l’on s’
547 e et spécialement de sa culture, suppose que l’on s’ occupe de la musique ; et, d’autre part, que la musique est l’expressi
548 entes, et non pas tout mêler indiscernablement ni s’ en tenir à l’unisson. En un mot fédérer, mot-clé de notre Centre. Je p
549 ces axes, dans un des plus beaux parcs de Genève, se dresse une villa romantique. Les pelouses descendent jusqu’aux eaux b
550 s du Léman. À droite et à gauche, de hauts arbres s’ écartent pour découvrir et encadrer la majestueuse pyramide du Mont-Bl
551 e table en fer à cheval, et souvent leurs regards se perdent sur ces champs de neige au loin, or et rose dans la lumière d
552 dessus le tapis vert, jonché de papiers, des noms s’ échangent, et des projets s’esquissent : ce sont tous les grands noms
553 de papiers, des noms s’échangent, et des projets s’ esquissent : ce sont tous les grands noms de la musique, compositeurs,
554 irecteurs des plus grands festivals l’occasion de se rencontrer, de se connaître, et d’échanger une ou deux fois par an le
555 grands festivals l’occasion de se rencontrer, de se connaître, et d’échanger une ou deux fois par an leurs problèmes et l
556 brasse, les paradoxes et les ambiguïtés dont elle se nourrit. Elle se prête autant à la création et au raffinement des val
557 oxes et les ambiguïtés dont elle se nourrit. Elle se prête autant à la création et au raffinement des valeurs qu’à leur co
558 problème d’une définition du festival authentique s’ est donc posé d’emblée aux membres de l’association. À l’occasion d’un
559 e fête, un ensemble de manifestations artistiques s’ élevant au-dessus du niveau des programmes courants, pour atteindre le
560 eptionnelle, célébrée dans un lieu prédestiné. Il se présente ainsi dans l’éclat intense que seule une brève durée permet
561 ait été composée. C’est grâce aux festivals qu’on s’ est remis de nos jours non seulement à jouer Hamlet sur les remparts d
562 sinées par les diplomates de 1815 à 1945, mais va s’ organiser de plus en plus autour de pôles de développement économique
563 ond à une communauté réelle, dont la ville où ils se jouent forme le foyer rayonnant. Chacun d’eux tente d’exprimer un gen
564 e de cet être communautaire et de cette âme dont, s’ il est vrai qu’un paysage est un « état d’âme », on pourra contempler
20 1976, Articles divers (1974-1977). Histoire et prospective de l’identité européenne (1976)
565 une réalité faite et achevée, ou bien en train de se défaire. Ce n’est pas une forme idéale à rejoindre, ni quelque chose
566 hose qui aurait existé historiquement et que l’on se proposerait de ressusciter. Mais ce n‘est pas non plus une utopie, co
567 nt) et leurs manières de vivre. Et ce problème ne se pose pas dans l’espace vide de la théorie intemporelle. Il nous est i
568 déterminé, au troisième tiers du xxe siècle. Il s’ agirait donc selon vous d’étudier un problème d’actualité, en vue de l
569 lications techniques ou militaires étant priés de s’ abstenir ou de modérer leurs impatiences. Bien. Mais les gouvernements
570 tifique qu’on cultivait au xixe siècle, mais qui s’ en plaindrait aujourd’hui ? Vos étudiants s’en plaignent-ils ? Ceux qu
571 s qui s’en plaindrait aujourd’hui ? Vos étudiants s’ en plaignent-ils ? Ceux qui font des études dans la seule intention de
572 ux qui font des études dans la seule intention de se préparer à un job bien défini comprennent dès la première heure que t
573 s dans le meilleur des cas. lls choisissent vite. S’ ils ne veulent qu’un job, ils ne reviendront plus. S’ils se cherchent
574 ls ne veulent qu’un job, ils ne reviendront plus. S’ ils se cherchent et se veulent européens, ou non, ils reviennent et pa
575 veulent qu’un job, ils ne reviendront plus. S’ils se cherchent et se veulent européens, ou non, ils reviennent et parfois
576 b, ils ne reviendront plus. S’ils se cherchent et se veulent européens, ou non, ils reviennent et parfois en demandent dav
577 our l’Europe ? Oui, mais cela ne dit pas tout, il s’ en faut ! Car notre enseignement ne se réduit pas à la transmission d’
578 as tout, il s’en faut ! Car notre enseignement ne se réduit pas à la transmission d’un savoir, s’il y voit son premier dev
579 t ne se réduit pas à la transmission d’un savoir, s’ il y voit son premier devoir. Il consiste surtout à éveiller dans l’es
580 tère spécifiquement européen de sa discipline. Or s’ il est naïvement européen, il est fatal qu’il se comporte, objectiveme
581 r s’il est naïvement européen, il est fatal qu’il se comporte, objectivement, d’une manière tout européocentrique. Il croi
21 1976, Articles divers (1974-1977). Changer de cap (novembre 1976)
582 on des autoroutes ou du bétonnage universel. Car, se déclarer pour ou contre le nucléaire, pour ou contre le supersonique,
583 le rôle qu’y joue le mensonge systématique. Qu’il s’ agisse des promoteurs de l’énergie nucléaire, ou de Concorde, ou du bé
584 é certaine de l’empêcher de savoir à temps ce qui se prépare, et de le placer devant le fait accompli. Puis, devant l’inqu
585 x du billet, et x % sur leurs impôts) le temps de se reposer, de réfléchir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’il éta
586 réfléchir, ou de lire mes livres par exemple. Et s’ il était vraiment indispensable de « gagner » trois heures sur ce traj
587 hirurgiens, des assureurs, etc.) ? Les Américains se sont posé la question à propos du Vietnam : pouvons-nous arrêter la g
588 st le chômage, il est temps de changer de cap, de se fixer d’autres buts, et d’inventer d’autres moyens d’y aller. 4. Outr
589 de plus en plus sophistiqués : ces « retombées » se feront donc sur nos têtes. 5. Indépendamment de ces arguments, je sui
590 société que je récuse radicalement. Car l’humain s’ y voit sacrifié non pas même au Profit (ici très négatif) mais à la pu
591 t centralisateur et policier, au nom de quoi tout s’ ordonne à la guerre. Concorde résume un ensemble de calculs et de rêve
592 i ! L’idée vraiment moderne du progrès et du luxe s’ oppose radicalement à cette manie démodée de la vitesse et du fracas p
22 1977, Articles divers (1974-1977). Souvenir de 1938 (1977)
593 royait ce jour-là !) C’est aussi toute la vie qui se reprend à vivre, les délais à courir, le sujet à me fuir… Le matin mê
594 endu et profond sur l’esprit de ses compatriotes, s’ il a prévenu in extremis la guerre entre les cantons suisses, c’est pa
595 cle », disent les témoins… Et soudain un contact s’ établit, le passé se charge de l’émotion présente et lui prête en reto
596 moins… Et soudain un contact s’établit, le passé se charge de l’émotion présente et lui prête en retour une dimension nou
597 Europe vient de vivre ! Nuit blanche. Trois actes se composent. Au matin j’ai tout le plan de la pièce et j’en ai vu le pa
598 tre tradition, cette violente simplicité qui peut s’ adapter à la fois à la déclaration d’un chœur en marche et au dialogue
599 r toute une population ». C’est donc oui, et l’on se met au travail dès novembre. En janvier, tout sera terminé. Mais un s
600  ce pacifiste était inopportun en un moment où il s’ agissait de résister au national-socialisme ». (Prof. J. de Salis.) En
601 47, C. A. Loosli citant la « Légende dramatique » s’ écriait : « Dans la bataille pour la défense spirituelle de la Suisse
602 ait pour nous la valeur d’un corps d’armée ! » Il se peut que les deux jugements soient justes. Ce qui est certain, c’est
23 1977, Articles divers (1974-1977). Les débuts de la construction européenne (1977)
603 la construction européenne (1977)ad Tel qu’il se manifeste pour la première fois devant l’opinion internationale, à l’
604 Une série généalogique de « grands desseins » qui s’ origine au xvie siècle, et à travers Sully, William Penn, Kant et Maz
605 n de tout ce qui va suivre n’eût été possible. Il s’ agit là d’un fait patent et mesurable : dans les dernières années 1940
606 d’Angleterre. Le plan d’union de l’avocat normand se présente comme un réflexe de défense de la communauté européenne qui
607 éflexe de défense de la communauté européenne qui s’ éprouve obscurément menacée, ainsi que Dante va l’écrire dans le De Mo
608 ècle en siècle, l’idée renaît à mesure que l’État se renforce. Au xve siècle, le roi de Bohême, Georges Podiebrad, au xvi
609 tradictions violentes entre les États-nations qui se multiplient en Europe — ces parties qui se veulent chacune plus grand
610 ns qui se multiplient en Europe — ces parties qui se veulent chacune plus grande que le tout continental — vont provoquer
611 . L’holocauste de vingt millions d’Européens qui s’ ensuit pose des questions fondamentales à quelques bons esprits (quel
612 1930 à la Société des Nations. On peut y lire : S’ unir pour vivre et prospérer : telle est la stricte nécessité devant l
613 nts de résistance actifs dans neuf pays en guerre se sont réunis clandestinement, par trois fois, pour élaborer un Manifes
614 ent une doctrine profondément contestataire : ils s’ opposaient aux totalitarismes fasciste, stalinien et nazi en pleine mo
615 en faire pour l’Europe. Si pourtant quelque chose se fait, cela sera dû à la complicité qui s’établit, sous le couvert d’a
616 e chose se fait, cela sera dû à la complicité qui s’ établit, sous le couvert d’ambiguïtés ou d’équivoques implicitement ad
617 nnalités politiques ou économiques, auxquels vint s’ ajouter le mouvement paneuropéen de Coudenhove, un premier « Congrès d
618 s l’historique Ridderzaal, deux grandes tendances s’ affrontent : celle des unionistes (à la Churchill) qui demandent des m
619 l de l’Europe, 1949 À partir de La Haye « tout s’ est déroulé très vite » comme on dit dans les romans policiers. Une fo
620 ent organisé et mené à bien le congrès de La Haye se fédérèrent tôt après pour former le Mouvement européen, dont le prési
621 Conseil de l’Europe. L’organisation de Strasbourg se vit amenée de la sorte, après quelques années, à concentrer ses effor
622 x, et sur laquelle l’équipe de Jean Monnet allait se mettre à travailler de son côté dès le début de mai27. En décembre de
623 t de l’acier, bien peu parmi les journalistes qui se pressaient dans le Salon de l’Horloge comprirent qu’ils vivaient un g
624 qu’ils vivaient un grand moment de l’Histoire. Il s’ agissait de substituer, tout simplement, dans les rapports séculaires
625 de la paix aux tricheries en vue de la guerre. Il s’ agissait de « considérer les difficultés de chaque pays comme des diff
626 nts, que le « plan Schuman » a si vite réussi. Il s’ agissait en réalité d’un plan Monnet. Commissaire général au Plan fran
627 la française et l’allemande d’abord — d’où devait s’ ensuivre, par le jeu de mécanismes supranationaux mis en place et honn
628 le jour où l’Europe est née ! » Comme si l’Europe se limitait aux Six, comme si les Six n’étaient rien de plus que des pro
629 européenne, écartée de la discussion des congrès, s’ était imposée pendant la préparation de la CECA. Lorsque René Pleven r
630 ute d’être exaltante. Les mouvements de militants se sont tus ou rabâchent. Ils parlent chaque année d’une « relance de l’
631 égémonies de l’Est et de l’Extrême-Ouest, comment se fait-il que rien n’ait été fait, que rien ne se fasse ? Dans l’état a
632 t se fait-il que rien n’ait été fait, que rien ne se fasse ? Dans l’état actuel de notre société, les gouvernements seuls
24 1977, Articles divers (1974-1977). Robert Schuman (1886-1963) : l’homme de la frontière (1977)
633 salle du parlement « comme un ecclésiastique qui se rend à la chaire » et qu’il « pesait longuement ses arguments comme u
634 pli « une action bouleversante sans préavis », et s’ est montré « l’un de ces hommes exceptionnels par lesquels l’Esprit in
635 traint à la nationalité allemande, Robert Schuman s’ est à plusieurs reprises, très justement, défini comme un « homme de l
636 human, sur les instances de ses amis catholiques, se laisse porter à la députation dès 1919, par sens du devoir civique et
637 uerre de 1939, constamment réélu à la Chambre, il s’ y cantonnera dans son rôle de président de la Commission d’Alsace-Lorr
638 ésident de la Commission d’Alsace-Lorraine ; mais s’ il adhère en 1931 au jeune Parti des démocrates populaires — qui sera
639 é en résidence surveillée dans la Forêt-Noire, il s’ évade en 1942. Les nazis le rechercheront à travers toute la France pe
640 l’on a si souvent décrit, un homme d’État soudain s’ est déclaré. Et tandis que les autres, tant bien que mal, expédient le
641 mise en place rapide, et l’ampleur de ses suites, s’ expliquent seulement si l’on rapporte l’attitude de Schuman lors du 9
642 ssion. Mais une autre question de paternité vient se poser à l’historien du célibataire endurci que fut Robert Schuman : à
643 rce que ce plan résultait du problème dans lequel s’ était noué son drame personnel, et parce que ce plan figurait le dénou
644 dans une Europe unie. Quand le moyen de commencer se présenta, il sut arrêter sa méditation pour accepter de passer à l’ac
645 Communauté européenne a pu voir le jour. Mais il s’ était rêvé tout autre chose, homme de méditation et de culture, au mil
646 e souligne cette phrase : L’unité de l’Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des institutions : leur créa
647 uisque c’est tout naturellement que sa méditation s’ est poursuivie en création et n’a cessé de soutenir son action. Voilà
648 oire, il a frayé la voie vers l’union fédérale en s’ y avançant le premier. Et certes, il n’a jamais entretenu l’illusion q
25 1977, Articles divers (1974-1977). Hérétiques de toutes les religions, unissez-vous ! (1977)
649 jour, dans notre jardin de Ferney, où les Corbin s’ arrêtaient quelquefois, en route vers les rencontres d’Ascona, il s’éc
650 uefois, en route vers les rencontres d’Ascona, il s’ écrie : Hérétiques de toutes les religions, unissez-vous ! J’ai souven
651 c et Nunc , petite revue de pensée religieuse qui se réclamait de Kierkegaard et de sa double descendance — « existentiell
652 gmatiques conquérantes catholiques et protestants se rameutent sur leurs origines doctrinales — néo-thomisme de Maritain,
653 leur arrivait de regarder de ce côté. De fait, il s’ agissait de bien autre chose, d’une réaction vitale, fondamentale : ni
654 lle. Ainsi, dans le premier numéro : Deux hommes se trompent insondablement : celui qui affirme que la morale est suffisa
655 ès paradoxalement, notre « orthodoxie » prétendue s’ opposait à toute « transposition de l’événement fondamental de l’exist
656 tant, hic et nunc. » Nous disions encore : Il ne s’ agit pas de la concordance littérale de nos propositions théologiques
657 t de ces énoncés, ou bien au contraire si l’homme se les approprie, comme sa chose et son bien, qu’il posséderait sans l’a
658 Hic et Nunc (1932-1939), nos voies pour un temps se séparent. Henry Corbin part pour Byzance et le Proche-Orient ; puis c
659 deur nos écrits de l’époque de Hic et Nunc . Lui s’ occupait déjà des grands mystiques soufis, et surtout de Sohrawardi, d
660 ur Kafka. Sohrawardi écrit : « Lis le Coran comme s’ il n’avait été révélé que pour ton propre cas. » Kierkegaard écrit : «
661 franchir, à cause des deux farouches gardiens qui se tiennent auprès, jusqu’au jour où il dit à l’un d’eux : Mais personne
662 ne sorte ; qu’il n’y a de sens que pour celui qui se met en marche, et que la vraie voie est unique. ⁂ Pour entrer dans la
663 eu et tout temps, et qu’on ne saurait violer sans s’ égarer ; — ou au contraire une forme d’exister sans précédent, qui ne
664 tion de complémentarité. Note 1. Les hérésies qui se constituent en doctrine imposée à une communauté dont elles deviennen
665 n n’empêche en principe le « choix personnel » de se porter sur la « droite opinion ». Mais en fait, « la droite opinion »
666 t chaussées ni à la police de la route qu’il faut s’ adresser si l’on cherche le chemin du Graal. ⁂ La complémentarité de l
667 ui est vrai pour n’importe qui, et encore moins à s’ y conformer en s’y forçant comme dans un lit de Procuste, mais au cont
668 n’importe qui, et encore moins à s’y conformer en s’ y forçant comme dans un lit de Procuste, mais au contraire : à la déco
669 contraire : à la découvrir (ou la re-inventer) en se l’appropriant par la pensée, par l’action, par le sentiment. Alors se
670 l’orthodoxie et l’hérésie en leur sens littéral, s’ évanouissent : il n’y a plus de contradiction entre l’orthologie et l’
671 ntre nous choisissent leur confession, la plupart se contentent d’y être nés ; mais ils s’en accommodent plus facilement e
672 la plupart se contentent d’y être nés ; mais ils s’ en accommodent plus facilement et d’une manière plus féconde selon que
673 que je voudrais dire convertissante. (Pour, moi, s’ il faut en croire les tests que j’ai passés, je me verrais plutôt entr
674 rivière jusqu’à sa source, là où les deux pentes se rejoignent — seul moyen de les remonter les deux à la fois !) ⁂ L’ave
675 rétiques », vous unir dans vos unicités ? Cela ne se fera jamais dans aucun Siècle, mais seulement en chemin vers le vrai
26 1977, Articles divers (1974-1977). La nature du pouvoir (9 octobre 1977)
676 iste, qui est beaucoup moins sensible parce qu’il s’ exerce à tous les niveaux, d’en bas jusqu’en haut, par délégation succ
677 , décisive. Elle domine absolument tout ce qui va se passer à la fin de ce siècle. S’agissant de définir le pouvoir, Jeann
678 t tout ce qui va se passer à la fin de ce siècle. S’ agissant de définir le pouvoir, Jeanne Hersch n’a pas prétendu faire b
679 finition impossible, d’Aristote à Max Weber. Elle s’ est repliée sur la notion de « mixte », et a été jusqu’à parler d’un «
680 reconnu le président de la Chambre française.) On se sent tout de même un peu frustré devant ce recul devant la définition
681 gêné : « Les accidents de chemin de fer, cela ne s’ explique pas, ça se sent. » C’est évidemment parce que le pouvoir ne s
682 ents de chemin de fer, cela ne s’explique pas, ça se sent. » C’est évidemment parce que le pouvoir ne se sent que trop de
683 sent. » C’est évidemment parce que le pouvoir ne se sent que trop de nos jours, et que cela s’accompagne d’un sentiment d
684 oir ne se sent que trop de nos jours, et que cela s’ accompagne d’un sentiment d’impuissance croissant dans les populations
685 e l’idée que le pouvoir nous est extérieur, qu’il se présente à nous sous forme de contrainte, que nous subissons sans pou
686 à la contrainte. Mais il me semble insuffisant de s’ en tenir à la condamnation des jeunes contestataires ou anarchistes en
687 rage de Bertrand de Jouvenel : Du Pouvoir — il ne s’ agit pas d’opposer une condamnation impuissante du pouvoir comme tel.
688 rcer l’État et la police, c’est-à-dire que l’État s’ était emparé de ceux qui voulaient s’en emparer. Là-dessus, il a pris
689 e que l’État s’était emparé de ceux qui voulaient s’ en emparer. Là-dessus, il a pris le pouvoir, et a illustré lui-même, d
690 st ce que j’appelle le fédéralisme, mouvement qui s’ inscrit, à mes yeux, dans cette alternative fondamentale que je citais
691 ut à l’heure entre la puissance et la liberté, et s’ y inscrit comme le choix même de la liberté. Ayant écrit, dans un asse
27 1977, Articles divers (1974-1977). La puissance et les choix (mai 1977)
692 7)ah ai L’ensemble des conflits qui couvent ou se déclarent en cette fin du xxe siècle me paraissent se ramener, symbo
693 clarent en cette fin du xxe siècle me paraissent se ramener, symboliquement mais concrètement aussi, à l’opposition entre
694 onduit. Deux volontés, deux forces, deux passions se manifestent dès les origines dans l’histoire de l’humanité, et s’oppo
695 ès les origines dans l’histoire de l’humanité, et s’ opposent ou parfois se composent en chacun de nous : la Puissance et l
696 ’histoire de l’humanité, et s’opposent ou parfois se composent en chacun de nous : la Puissance et la Liberté. La puissanc
697 us leurs droits à l’État, au chef ou au Parti qui s’ en est emparé. Quant à ceux qui optent pour la Liberté, ils pensent y
698 esponsabilité assumée dans la communauté. Comment se sentir libre si l’on n’est responsable de rien ? Et comment serait-on
699 t le besoin de liberté à tous risques, l’humanité se divise en deux camps bien tranchés : c’est en chacun de nous que le c
700 tranchés : c’est en chacun de nous que le conflit se poursuit. Les deux pulsions contraires coexistent en nous, personne n
701 s de foyers dans chacun de nos pays européens, de se rendre indépendants, de se faire « Suisses », de recréer des cadres d
702 nos pays européens, de se rendre indépendants, de se faire « Suisses », de recréer des cadres de participation civique. L’
703 aires ne présenteraient aucun danger, quand elles s’ avéreraient rentables, quand il serait réellement « impératif » que la
704 ur font supporter est parfois financière quand il s’ agit, par exemple, de faire subventionner les transports publics par l
705 d’hui aux problèmes d’un monde dont le pétrole va s’ épuiser… Comment remplacer le pétrole ? Pour l’avenir prochain, deux s
28 1977, Articles divers (1974-1977). Du passé à l’avenir d’une région (27 juin 1977)
706 s fournissant les membres d’un Conseil d’État qui s’ appuie tantôt sur la France, tantôt sur Berne, pour échapper à la tute
707 a tutelle de l’autre. Aux Orléans-Longueville qui s’ éteignent, succéderont dès 1707 les rois de Prusse : ils seront Prince
708 e dont seule la moitié ouest parle français, elle s’ est liée aux cantons catholiques des Ligues suisses, mais restera long
709 hises, 1214, était copiée sur celle de Besançon), se tourne dès la Réforme vers les Bernois, pourtant germanophones, plutô
710 atholiques. Cependant que Genève, cité du Refuge, s’ ouvre au monde mais tend à se fermer à ses proches voisins du Faucigny
711 ève, cité du Refuge, s’ouvre au monde mais tend à se fermer à ses proches voisins du Faucigny et du Genevois, certes fort
712 guerre de Sécession des Suisses), la nécessité de se prémunir contre le retour de pareils conflits intérieurs apparaît évi
713 ’Italie. Nos vingt-deux cantons décident enfin de se donner une Constitution fédérale. Ils vont la discuter, la rédiger, l
714 ergence décisive de 1848, un « esprit romand » va se constituer. Il sera l’expression de ce que les cinq cantons — et surt
715 onfédération. La Suisse romande dès ce moment-là, se met à exister comme telle dans le cadre de la Suisse confédérale, don
716 peare et des troubadours. Ainsi la Suisse romande se définit comme « Suisse » en tant qu’elle remplit une fonction médiatr
717 siècle, ce que l’on nommera « l’esprit romand » se signale et se caractérise par des œuvres philosophiques, critiques et
718 ue l’on nommera « l’esprit romand » se signale et se caractérise par des œuvres philosophiques, critiques et théologiques
719 me à fondement théologique, et l’introspectif qui s’ efforce à la traversée clandestine et craintive du territoire des tabo
720 oms de Jakobson et de Lévi-Strauss. En même temps s’ ouvre à Genève l’Institut Rousseau, centre de recherches pédagogiques,
721 et courtois », une rudesse utilitaire qui semble se méfier de la courtoisie comme d’une espèce de fourberie, précisément 
722 s littéraires, philosophiques ou théologiques. Il s’ agit bien plutôt d’un comportement moral et civique, fût-il aussi sent
723 il ne serait pas raisonnable de penser qu’elle va se figer désormais dans son image du xixe siècle. Elle va changer, cela
724 ités mais aussi de quelles possibilités nouvelles se fera le changement. La grande région Les conflits confessionnel
725 valences (au sens chimique du terme : pouvoir de se combiner) par rapport aux régions voisines. Genève reste la métropole
726 oste en passant par le sud de Grenoble. Le sommet se situe près de Belfort. J’observe dans cette aire — tout empiriquement
727 rsitaires), Fribourg, Neuchâtel, Besançon. À quoi s’ ajoutent les Facultés de Chambéry et d’Annecy, noyaux d’universités à
29 1977, Articles divers (1974-1977). « Il faut changer de cap » (27 septembre 1977)
728 La décadence d’une société commence quand l’homme se demande : “Que va-t-il arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis-
729 e se demande : “Que va-t-il arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis-je faire ?”. À ces deux questions, curieusement,
730 Oui, et ce qui la rend dangereuse, c’est qu’elle s’ opère aujourd’hui sous l’égide de l’État-nation, contre le vœu des cit
731 c’est le modèle suisse ? C’est quelque chose qui s’ en inspire, dans la mesure où la Suisse est née de la fédération de pe
732 es seules ethnies : ce sont les communautés qu’il s’ agit de reconnaître, comme le disait Vidal de la Blache, et non de dél
733 et d’une trentaine d’autres qui sont en train de se faire reconnaître en Europe et, à mon sens, c’est là la voie d’une un
734 role de 1973. Changer de cap, c’est littéralement se convertir, faire sa révolution. Chacun de nous peut opérer pour lui-m
30 1977, Articles divers (1974-1977). Au tableau d’honneur de Parents : L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)
735 , écrivain suisse, pionnier de l’idée européenne, s’ adresse à nous dans son dernier livre qui vient de paraître. L’Avenir
736 lement effectif. Alors, si un phénomène semblable se reproduisait ?Sans doute l’idée a-t-elle effleuré D. de Rougemont lor
737 lic : J’ai vu sous forme de courbes ce qui allait se passer si on continuait comme maintenant. Je me suis dit : « il faut
738 Vastes villes trop peuplées, inhumaines Il se met à la tâche. Pendant quatre ans, il réunit documents, rapports, en
739 maine est arrivée à une crise majeure. Si elle ne se ressaisit pas, si elle renonce à intervenir, alors elle signera sa mo
740 ’à nos jours l’avenir était complètement inconnu, s’ il dépendait des catastrophes, du temps, de la nature, s’il s’agissait
741 pendait des catastrophes, du temps, de la nature, s’ il s’agissait alors simplement de survivre, de se maintenir le menton
742 it des catastrophes, du temps, de la nature, s’il s’ agissait alors simplement de survivre, de se maintenir le menton au-de
743 s’il s’agissait alors simplement de survivre, de se maintenir le menton au-dessus de l’eau, aujourd’hui, pour la première
744 pour quoi voulons-nous vivre ? Denis de Rougemont se tourne vers le feu de bois qui crépite dans la cheminée, le regard so
745 nous avons vraiment atteint les limites. La voix se fait plus douce. Voyez-vous, les hommes sont envahis par un sentiment
746 les citoyens, que ces derniers ne pourraient plus se réunir sur l’agora, le forum, que c’en serait fini de la participatio
747 es hommes, de leur volonté et de leur voix. Et de s’ en prendre à l’école avec la véhémence du professeur courroucé. L’écol
748 la « morale » du marketing. Le sort de l’an 2000 se joue dans les leçons de nos écoles secondaires. Or qu’y apprend-on ?
749 alités régionales et non nationales. Car l’enfant s’ intéresse d’abord à ce qu’il voit, à ce qu’il peut toucher. Parlons-lu
750 omment la région dépend d’un ensemble plus vaste, s’ étendant à l’Europe puis à l’humanité. Les gouvernements seront bie
751 nité. Les gouvernements seront bien obligés de s’ incliner Mais Denis de Rougemont ne se contente pas d’imaginer. Pen
752 ligés de s’incliner Mais Denis de Rougemont ne se contente pas d’imaginer. Pendant quinze ans, il a organisé des stages
753 s ainsi, les gouvernements seront bien obligés de s’ incliner, non ? … Denis de Rougemont a choisi sa révolution. Pas de gr
31 1977, Articles divers (1974-1977). Denis de Rougemont : le retour d’un hérétique (3 octobre 1977)
754 gan à un nouveau courant de pensée33. En fait, il s’ agit moins d’un slogan que d’un appel au bon sens. Car il ne faut pas
755 an que d’un appel au bon sens. Car il ne faut pas s’ y tromper : ou bien notre mode de développement continue sur sa lancée
756 ersévéreront dans leur démission, ces conclusions se vérifieront. C’est de l’ordre de l’incontestable. Grâce à ces experts
757 — et à d’autres —, on sait désormais que le pire, s’ il n’est pas sûr, est en tout cas probable. Or, actuellement, il n’y a
758 atine dans la misère. Aujourd’hui, le tiers-monde s’ imagine que le bonheur passe non seulement par l’automobile mais aussi
759 llages. Tant qu’il n’aura pas l’un et l’autre, il se sentira frustré, exclu. Je pense donc qu’après l’avoir exploité penda
760 r une dizaine d’individus. On ne pourra même plus s’ allonger… L’autre grande critique que vous avez été l’un des premiers
761 l serait le grand responsable de l’apocalypse qui se prépare… Qui pourrait en douter ? Les États, qui sont des entités abs
762 sont des entités absurdes, n’en finissent pas de se multiplier, de fortifier leurs frontières et de s’y cramponner comme
763 e multiplier, de fortifier leurs frontières et de s’ y cramponner comme si elles étaient le bord incontestable de leur iden
764 uerre ou l’expression d’un rapport de force. Tout se passe donc comme si la surface de la Terre se laissait découper par d
765 out se passe donc comme si la surface de la Terre se laissait découper par des abstractions guerrières, et ce au mépris de
766 e langue, de culture ou de région. Il ne faut pas s’ étonner si les économistes ont tant de mal à faire fonctionner les éco
767 e nous l’avons sous les yeux : il est en train de se polluer, et d’une manière dramatique. Or personne ne se décide à inte
768 luer, et d’une manière dramatique. Or personne ne se décide à intervenir car son administration relève de deux souverainet
769 cobines — les gaullistes et les communistes — qui se retrouvent pour brandir des slogans, incapables qu’ils sont de voir p
770 ou professionnelles, les groupes de base doivent se réapproprier le pouvoir dont l’État jacobin les a dépossédés. Or l’ob
771 m’étais amusé à collectionner tous les textes où s’ exprimait une nostalgie de l’Europe, depuis Hésiode jusqu’à Jean Monne
772 été un grand espoir de la Résistance — aurait dû s’ imposer tout de suite et, avec quelques amisau, j’avais milité en ce s
773 étiez résolument anticapitaliste. Or l’Europe qui se fait aujourd’hui est une Europe taillée à la convenance des multinati
774 onvenance des multinationales. Si cette Europe-là se réalise, ce sera pour le plus grand profit d’un mode de production et
775 n’y a rien à craindre. L’Europe des marchands ne se fera pas car son principe repose sur une idée empruntée au marxisme v
776 t oserions-nous attendre des populations qu’elles s’ enthousiasment pour les marathons de Bruxelles, qui, dans le meilleur
777 t raison de « tirer à vue » sur tout Européen qui se présenterait à eux. C’était pour le moins curieux car, d’une part, il
778 en, en tant que tel, n’existe pas, mais dès qu’il s’ adressait au tiers-monde, il accréditait l’idée d’une « nature europée
779 savoir à un vieux réflexe de chauvinisme dont il se croit sincèrement incapable. L’« impérialisme germano-américain » n’e
780 allemand » sera d’autant moins probable que l’on s’ engagera plus franchement dans le processus d’une fédération européenn
781 fédération européenne. Le dénoncer, comme ça, en se crispant sur son État-nation, ce n’est pas une façon de le conjurer,
782 st en refusant l’Europe que notre vieux continent s’ achemine vers les totalitarismes locaux et, à terme, vers la catastrop
783 révoir que Hitler aurait, un jour, l’impudence de s’ approprier l’expression. Quant au fond, il ne faut pas se méprendre :
784 prier l’expression. Quant au fond, il ne faut pas se méprendre : l’expression « ordre nouveau » n’avait pas du tout le sen
785 ouveau » veut dire « ancien » et pour qui l’ordre se confond avec la tyrannie. Dans les années 1930, notre grand souci, c’
786 omme celle de 1917, en Russie, ou comme celle qui se déployait, sous nos yeux, en Allemagne — ne nous convenaient guèreav.
787 itler, Staline ou Mussolini, en vrais charlatans, se taillaient des triomphes faciles parce qu’ils arrivaient et disaient 
788 . Bien sûr, en m’offrant ce poste à Francfort, il s’ imaginait que je ne tarderais pas à me convertir à l’idéologie du IIIe
789 casion d’un congrès de la jeunesse européenne qui s’ était tenu à Francfort, et auquel participèrent des gens aussi différe
790 porte l’orage ». À cette fin, nos interlocuteurs s’ appelaient aussi bien Blumba que Caillaux. Là-dessus, il y a eu la gue
791 Résistance. Certains d’entre nous, comme Mounier, s’ engagèrent d’abord dans des organisations vaguement pétainistes (je pe
792 fférée ? Plus exactement, je crois que l’histoire se réserve toujours le droit de nous surprendre en enchevêtrant des séri
793 t. Il aime l’amour dans lequel l’identité d’Iseut s’ anéantit et disparaît. Tristan pénètre dans cet état passionnel grâce
794 , de laquelle il détruit Iseutbi sans pour autant se sentir coupable. « C’est le philtre, dit-il, je n’y suis pour rien… »
795 ité qui vaille… Tout doit leur être subordonné et s’ anéantir au nom du Pouvoir, cet analogue de la passion dévastatrice. C
796 on dévastatrice. Ce faisant, les États-nations ne se sentent même pas coupables puisqu’ils proclament n’être que des instr
797 commencé, chez nousbl, avec Philippe le Bel, qui s’ est laissé persuader par ses légistes que « le roi de France est emper
798 intitulé « La mort de Tristan » ? La comparaison s’ imposait… De Gaulle était une sorte de Tristan dont l’Iseut aurait été
799 l désignait les hommes de parti qui risquaient de s’ interposer entre lui-même et sa passion ? Tout cela pour dire que l’Ét
800 ès et de la loi contre la violence ? Dès que l’on se prononce sur les affaires humaines, je pense qu’il vaut mieux être du
801 L’immense succès de L’Amour et l’Occident , qui se vendit à partir de 1939 dans le monde entier à près de douze millions
32 1977, Articles divers (1974-1977). Pierre Desgraupes fait le point avec Denis de Rougemont (10 octobre 1977)
802 e sol… En somme, vous êtes un prophète qui espère se tromper. Exactement. C’était la formule des Latins : « Utinam vates f
803 ue les mécanismes désastreux qui sont en train de se monter puissent être arrêtés à temps ! J’écris pour que les choses ch
804 programmés, comme on dit, pour pousser, croître, se développer, s’épanouir, fleurir et ensuite tomber, mourir et donner n
805 mme on dit, pour pousser, croître, se développer, s’ épanouir, fleurir et ensuite tomber, mourir et donner naissance à de n
806 mais dit à quel moment il faudrait que l’économie s’ arrête de croître. Est-ce 10 %, 7 %, 3 % par an ? Personne ne le sait.
807 La décadence d’une société commence quand l’homme se demande : “Qu’est-ce qui va arriver ?” au lieu de se demander : “Que
808 demande : “Qu’est-ce qui va arriver ?” au lieu de se demander : “Que puis-je faire ?” » Permettez-moi d’ouvrir une parenth
809 s qu’est-ce qu’on va faire ? Eh bien, personne ne se le demande aujourd’hui, la recherche sur un véhicule sans pétrole est
810 endre que d’ici à cinq ou dix ans, la question va se poser. Si nous ne voulons rien faire, eh bien, nous allons tomber dan
811 tion, nous aurons l’air de quoi ? Regardez ce qui s’ est passé il y a deux mois à New York quand le courant est venu à manq
812 la base d’une société formée d’États-nations qui se disent tous plus souverains les uns que les autres, qui s’imaginent c
813 tous plus souverains les uns que les autres, qui s’ imaginent chacun qu’ils vont pouvoir continuer à augmenter leurs expor
814 s rire que les 175 États-nations, qui aujourd’hui se partagent la planète sans aucun reste, puissent tous, comme leurs pol
815 rences ? Or, le plus aberrant est que les gens ne se posent même pas de questions aussi simples que cela. La guerre est do
816 s nucléaires. Les États qui ont augmenté leur PNB se mettent à vendre des centrales nucléaires — je n’ai pas besoin de dir
817 idaire, mais personne n’y songe. Les responsables se disent simplement : « On va essayer d’augmenter nos exportations pend
818 le nucléaire, donc pas de déchets à retraiter, ne s’ amusent pas à faire de tels achats, qui sont extrêmement coûteux, pour
819 ttre en possibilité de fabriquer des bombes et de s’ en servir ; personne ne peut éternellement faire des bombes pour ne pa
820 e peut éternellement faire des bombes pour ne pas s’ en servir. Ça, c’est une farce que les ministres de tous pays raconten
821 a pas un seul qui y croit ! Ils ne pourraient pas se regarder entre eux dans les yeux sans éclater de rire… Un de vos suj
822 te ; mais une fois qu’ils sont mis en position de se déclarer là-dessus, alors ils se mettent à mentir par les intestins,
823 s en position de se déclarer là-dessus, alors ils se mettent à mentir par les intestins, je dirai, des mensonges énormes.
824 savant sérieux ne peut dire qu’il l’a trouvée. Ça se saurait immédiatement, ça ferait beaucoup de bruit si l’on savait que
825 me frappe dans tout cela : c’est que des gens qui se connaissent tous entre eux se comportent comme s’ils s’étaient mis d’
826 st que des gens qui se connaissent tous entre eux se comportent comme s’ils s’étaient mis d’accord pour présenter une cert
827 se connaissent tous entre eux se comportent comme s’ ils s’étaient mis d’accord pour présenter une certaine version des cho
828 naissent tous entre eux se comportent comme s’ils s’ étaient mis d’accord pour présenter une certaine version des choses et
829 sommation d’électricité double tous les sept ans. S’ il faut suivre ce rythme, ça voudrait dire que d’ici moins de cent ans
830 ythe de la grandeur. De Gaulle a incarné cela. Il se moquait des Français, mais il voulait la grandeur de la France. C’est
831 l’unité qui est déjà chez les rois de France mais se développe surtout pendant la Révolution et avec Napoléon : c’est l’id
832 rés de 18 lieues de côté, à partir de Paris ; ils se plaignaient même de ce qu’en approchant des frontières, les carrés ne
833 ce sont là des divagations, rappelez-vous ce qui s’ est passé, chez les esprits les plus intelligents, au moment de la gue
834  : pour la première fois dans l’histoire, l’homme se voit contraint de choisir librement son avenir, du seul fait qu’il en
835 e la démocratie qu’étaient les cités grecques qui se maintenaient volontairement petites. Le plus bel exemple, c’est la ci
836 it la tâche de quelques spécialistes délégués qui s’ imposeraient et les autres n’auraient plus rien à faire que subir simp
837 … Mais ne souriez pas : la sagesse était que cela se faisait volontairement parce que tous en décidaient. Et je connais au
838 une image un peu naïve de nos jours. Bien sûr, il s’ agit — là encore — d’un modèle mais il n’est pas si naïf. Dans mon pay
839 lons « Landsgemeinde », l’assemblée de canton qui se tenait sur la place publique. Il y a encore plusieurs cantons — les p
840 e qui a tout changé et que le chef de l’État peut se faire entendre à des milliers de kilomètres. Mais qui peut lui répond
841 i un modèle assez proche de la cité grecque. Elle s’ est formée sur la base de communes forestièresbr, d’une coopérative, s
842 resbr, d’une coopérative, si vous voulez, et elle s’ est peu à peu agrandie sous la forme d’une composition de petites unit
843 a reste petit. Mais on entend parfois les Suisses se plaindre justement d’un manque de pouvoir central capable de résoudre
844 s gens renoncent à être responsables et rêvent de se décharger de leurs responsabilités sur le pouvoir fédéral. Ça, c’est
845 résoudre d’urgence. Regardez, par exemple, ce qui se passe avec la pollution des eaux. Le Léman, le Rhin, la Manche sont m
846 . Et Britanniques, Allemands, Suisses et Français se renvoient la balle et créent des commissions qui sont, bien entendu,
847 u-delà il y a quatre souverainetés nationales qui se défient. Mais les poissons se moquent bien des souverainetés national
848 etés nationales qui se défient. Mais les poissons se moquent bien des souverainetés nationales et, en attendant, ils crève
849 leur donne pas une grande crédibilité puisqu’ils se sont trompés si longtemps. Ne peut-on en tirer aussi la conclusion qu
850 petits nuages de sodium ou de plutonium qui iront se balader sur des villes comme c’est déjà arrivé sans qu’on nous le dis
851 est venu le chercher au Paradis et qu’il est allé se cacher derrière les buissons. C’est tout juste s’il n’a pas dit : « J
852 se cacher derrière les buissons. C’est tout juste s’ il n’a pas dit : « Je ne suis pas là. » Et quand Dieu lui a demandé :
853 ogrès”. » bq. On a ici conservé l’original, même s’ il semble que cette question soit de l’intervieweur. br. Le pluriel e
33 1977, Articles divers (1974-1977). L’Avenir est votre affaire (11 octobre 1977)
854 f, car c’est bien dans une aventure de croisé que se lance cet infatigable défenseur des plus hautes valeurs humaines. S’i
855 gable défenseur des plus hautes valeurs humaines. S’ il adopte dans son livre le ton du prophète, c’est que notre espèce se
856 s devons absolument prendre conscience. Tout peut se jouer dans les dix ans à venir. Le sort de l’humanité se décidera en
857 r dans les dix ans à venir. Le sort de l’humanité se décidera en fonction de ce que nous allons choisir. Nous n’avons jama
858 du plutonium. On leur fait promettre qu’elles ne s’ en serviront pas à des fins belliqueuses, mais tout le monde sait qu’o
859 a sauvegarde du Léman, par exemple, tout le monde s’ en fout à Paris, comme l’a bien montré l’attitude du gouvernement fran
860 ise… La conscience régionale est-elle en train de s’ éveiller selon vous ? Certainement et je prendrai comme exemple la « R
861 tance commune aux centrales nucléaires, quand ils se sont aperçus qu’on allait en construire seize dans un rayon de quaran
862 nistre, tel conseiller fédéral, il vous dira que, s’ il n’était pas au pouvoir, il serait avec les manifestants de Kaiserau
863 estants de Kaiseraugst ou d’ailleurs… Mais alors, s’ il est vraiment sincère en disant cela, pourquoi ne démissionne-t-il p
864 Car c’est une vérité dont il faudra bien un jour s’ aviser : le pouvoir politique n’existe plus, le pouvoir n’est pas à pr
865 udrait économiser 30 % d’électricité pour pouvoir se passer de centrales. Et pourquoi pas ? Pourquoi toujours affirmer qu’
866 in, piégé par la technique et ceux qui en vivent, s’ est trompé sur ses vrais besoins. « Il n’y a d’impératifs que de la na
867 vraie politique de l’énergie n’est pas celle qui se calculera en fonction du produit national brut — cette funeste idole
868 te idole des États contemporains — mais celle qui s’ articulera aux « conceptions de l’homme et de son rôle sur la terre qu
869 echnique, un nouveau procédé, on devrait toujours se demander : « Qu’est-ce qui arriverait si ça réussissait ? » Et plus p
870 osaïquement encore : « À quoi ça sert ? » Si l’on s’ était interrogé à propos de la voiture, on aurait évité, par exemple,
871 tte bourde monumentale : « Il est temps que Paris s’ adapte à l’automobile… » « À quoi ça sert ? » Denis de Rougemont s’est
872 mobile… » « À quoi ça sert ? » Denis de Rougemont s’ est posé la question, avec une corrosive ingénuité à propos de Concord
873 ettront encore longtemps à éponger la facture… Et s’ il « faut » absolument que des hommes d’affaires pressés gagnent trois
874 e librairie à des « penseurs » qui n’ont cessé de se renier et barbotent dans les plus inénarrables palinodies… Lorsqu’on
875 us inénarrables palinodies… Lorsqu’on lui demande s’ il est « à la mode », Denis de Rougemont sourit ironiquement et se fâc
876 mode », Denis de Rougemont sourit ironiquement et se fâche un tout petit peu… Je ne suis tout de même pas Yves Saint-Laure
877 où je prévoyais certains événements qui pouvaient se passer, notamment dans le monde arabe. Puis vint la guerre du Kippour
878 me donner l’air de prophétiser après coup ce qui s’ était produit ! En un sens, je suis content de ce long temps de matura
879 onfiance, car j’observe qu’une immense révolution se prépare dans les pays européens, chez les jeunes surtout. Des millier
880 c’est à chaque seconde de notre vie présente que se dessine le futur visage du monde. On ne saurait trouver meilleur ouvr
881 iété internationale, un intellectuel qui pourrait se contenter de déguster une gloire confortable. Et voici qu’il nous pro
882 traordinaire jeunesse, un ouvrage percutant où il s’ en prend avec autant de courage que d’efficacité aux grands périls qui
34 1977, Articles divers (1974-1977). « Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)
883 ire. Pas banal. Les diseurs d’avenir, ceux qui ne se sont jamais trompés (Denis de Rougemont a dénoncé en 1932 le péril na
884 ès volontiers cédé la place à un jeune auteur qui s’ appelait Charles de Gaulle et qui publiait La France et son armée. Ent
885 ci : « La décadence d’un peuple commence quand on se demande qu’est-ce qui va arriver au lieu de se demander : Qu’est-ce q
886 on se demande qu’est-ce qui va arriver au lieu de se demander : Qu’est-ce que je vais faire ? » Je ne crois pas que l’homm
35 1977, Articles divers (1974-1977). « L’avenir, c’est notre affaire ! » (18 octobre 1977)
887 st le pouvoir qui le prend. Il suffit qu’un homme s’ assoie dans les fauteuils de l’État, qu’il utilise les téléphones de l
888 Rougemont forge prudemment ses phrases, comme on se fraie un chemin dans la forêt. Pas de formules toutes faites, pas de
889 urs un renforcement de l’État et de sa police. Il s’ est chargé très rapidement de confirmer lui-même ce diagnostic. La « g
890 lamand et l’allemand. Non seulement la révolution s’ est chargée de gommer cette diversité des peuples, mais encore l’histo
891 lution de 1789 a créé l’État-nation qui, ensuite, s’ est répandu dans le monde. La révolution russe, elle, a créé l’État-pa
892 ersonnaliste » fut lancé, nous savions déjà qu’on s’ enfonçait dans un monde anonyme et artificiel, où l’on créait de faux
893 x « systèmes ». L’esprit jacobin La réalité s’ est chargée de me confirmer dans ma voie. Lecteur en Allemagne, j’ai d
894 tre livre, les nombreux mouvements populaires qui se sont créés au cours de ces dernières années. Vous les considérez comm
36 1977, Articles divers (1974-1977). La fonction et la structure de la ville future (décembre 1977)
895 les hommes errants et anxieux tentent d’abord de se bâtir une sécurité monumentale, un lieu où vivre ensemble, non « disp
896 que signifie vivre ensemble ? C’est : dialoguer, se concerter, s’aider mutuellement, se rencontrer, s’aventurer, se perdr
897 vivre ensemble ? C’est : dialoguer, se concerter, s’ aider mutuellement, se rencontrer, s’aventurer, se perdre et se trouve
898  : dialoguer, se concerter, s’aider mutuellement, se rencontrer, s’aventurer, se perdre et se trouver parmi les autres, s’
899 e concerter, s’aider mutuellement, se rencontrer, s’ aventurer, se perdre et se trouver parmi les autres, s’opposer sur les
900 s’aider mutuellement, se rencontrer, s’aventurer, se perdre et se trouver parmi les autres, s’opposer sur les moyens et s’
901 nturer, se perdre et se trouver parmi les autres, s’ opposer sur les moyens et s’unir sur des finalités communes… Ce n’est
902 ver parmi les autres, s’opposer sur les moyens et s’ unir sur des finalités communes… Ce n’est pas se trouver juxtaposés, m
903 , conviviale, est celle où tout le monde pourrait se connaître : cela limite le nombre des habitants. Quant à son étendue 
904 e, les raisons d’être de la cité ne tardent pas à s’ obscurcir, jusqu’à se perdre : leçon du mythe de Babel. Au xixe siècl
905 de la cité ne tardent pas à s’obscurcir, jusqu’à se perdre : leçon du mythe de Babel. Au xixe siècle, l’industrie attira
906 la fin du siècle, quatre cinquièmes de l’humanité s’ entasseraient dans des villes de plus de 5 millions d’habitants. 3.
907 de béton, modèle Manhattan, une réaction générale se déclare dans le monde entier, provoquée non par quelque sagesse mais
908 ais par la crainte de voir les mécanismes urbains se bloquer d’une manière dramatique à bref délai. Énumérons quelques sym
909 s hommes y sont trop serrés, — et parce qu’ils ne s’ y sentent pas libres, n’ayant plus la possibilité d’être responsables,
910 ou l’inverse ? Est-il vraiment « temps que Paris s’ adapte à l’automobile » (Georges Pompidou) ou au contraire que l’auto
911 née du cœur de la capitale, pour lui permettre de se ranimer civiquement ? 5. La ville de demain La ville de demain
912 ans les rues de la polis grecque et sur son agora se formait l’opinion, se discutaient les lois. En toutes provinces europ
913 is grecque et sur son agora se formait l’opinion, se discutaient les lois. En toutes provinces européennes, de Grenade à R
914 parlement n’étaient que délégations du forum. Là s’ exerçait au maximum la participation civique. Le temple antique puis l
915 entre ces entités qui font la société européenne se concrétisent sur la place. Aujourd’hui les autos et leurs parkings en
916 alopoles à des cités « à mesure d’homme » ne peut se faire que par leur division en municipalités de quartiers. Et cela su
37 1977, Articles divers (1974-1977). Demain le soleil (20 décembre 1977)
917 permanence. Le soleil peut tout nous donner S’ il fallait que j’explique très simplement qui vous êtes à un enfant, p
918 s mouvements de résistance dans les pays d’Europe se sont nourris de nos idées, même en Allemagne nazie, puisque nous avon
919 t, né de la résistance aux États totalitaires qui se dressaient : Russie stalinienne, Italie fasciste, Allemagne nationale
920 chent la puissance, et continuent aujourd’hui. Il s’ agit d’une puissance de caractère mythique, celle de l’État-nation. Co
921 lectuel est de forcer les hommes à réfléchir et à s’ interroger. Je remarque que mes idées et mes propositions d’il y a tre
922 oudront qu’il arrive. » Vous n’acceptez pas qu’on se retranche derrière la formule commode « l’avenir n’appartient à perso
923 personne, mais à Dieu » ? Je préfère que l’homme se demande maintenant « Que puis-je faire ? », plutôt que « Qu’est-ce qu
924 , il a en main des moyens tels qu’il ne peut plus se payer le luxe sous prétexte de progrès, de partir droit devant lui sa
925 ment Ford, qui généralisa l’automobile, et Hitler se sont trouvés être les alliés objectifs pour hypothéquer le futur. Il
926 dolescent (une voiture pour être libre) lorsqu’il s’ aperçoit que les Américains n’ont pas tellement envie de ses voitures.
927 livrés. Ford a donné un tel essor que les villes se sont développées en fonction de l’automobile. On a dépassé les limite
928 On a dépassé les limites humaines et des utopies se sont réalisées pour plaire à l’auto et au pétrole. Mais ce pétrole in
929 Kippour, en 1973, est l’endroit où Ford et Hitler se rencontrent. Résultat : l’embargo, la crise de l’énergie, la peur des
930 ièce, un de ces agencements de l’Histoire dont on se demande qui a pu les imaginer. Ford part d’une extrémité, Hitler de l
931 Ford part d’une extrémité, Hitler de l’autre. Ils se croisent et tout s’illumine des feux annonciateurs de l’apocalypse.
932 émité, Hitler de l’autre. Ils se croisent et tout s’ illumine des feux annonciateurs de l’apocalypse. Cataclysme inévita
933 cataclysme inévitable que les rares survivants ne se raconteront pas, faute de public. Fin du récit des civilisations, fin
934 es grands spécialistes. Quelles raisons a-t-il de se déclarer contre le nucléaire ? Le nucléaire n’est pas un progrès. C’e
935 e l’on croyait dépassées. Le choix ne doit-il pas se faire entre l’énergie nucléaire ou le froid et les ténèbres ? Ne parl
936 personnes. Comment les personnes pourraient-elles s’ épanouir dans le froid et dans le noir ? Le progrès est dans l’utilisa
937 re — à Pluton — dieu des Enfers, dieu aveugle. On s’ est servi de son nom pour baptiser le plutonium, ce n’est pas par hasa
938 n’est pas par hasard. Selon la mythologie, Pluton s’ enfouit sous la terre au milieu de ses immenses richesses, il s’ennuie
939 la terre au milieu de ses immenses richesses, il s’ ennuie tellement dans ses enfers qu’il voudrait tuer le plus grand nom
940 protégé par le rempart de ses livres, il pourrait se laisser aller à l’égoïsme de l’intellectuel, mais sa conscience reste
941 he. C’est le temps des enfants. Pour eux, il faut s’ efforcer de ne pas avoir à écrire FIN, mais À SUIVRE au bas de la long
942 N, mais À SUIVRE au bas de la longue histoire qui s’ écrit depuis des siècles. bz. Rougemont Denis de, « [Entretien] De
38 1977, Articles divers (1974-1977). Écologie, régionalisme, fédéralisme : l’avenir selon Denis de Rougemont (30 décembre 1977)
943 é trop tôt. Mais cet été, l’opinion à laquelle il s’ adresse a été réveillée par Creys-Malville, entre autres. Après avoir
944 magne, ensuite aux États-Unis, Denis de Rougemont s’ est installé dans le pays de Gex, à Ferney d’abord, puis à Saint-Genis
945 on ne détruit pas le tissu social ? Les hommes ne se connaissent plus. Ils effectuent quotidiennement des travaux qui ne l
946 ion. Ils ne sont pas heureux et ils en viennent à se détester. On sait aujourd’hui que les ressources en pétrole seront ép
947 nationales. Mais le tiers-monde continuera-t-il à se laisser exploiter, continuera-t-il à accepter les famines dues aux mo
948 en fin de compte que quatre-vingts ans. Le fossé s’ est accru depuis la décolonisation. ⁂ Ce que Denis de Rougemont a appo
949 ent des hérissons et les arceaux des valets, tous se déplaçant au gré de leur humeur. Ensuite, tout passe à travers les go
950 e utilisée aux fins de défendre les centrales. On se livre à des enquêtes sur la vie des savants, des personnes, de leurs