1 1974, Articles divers (1974-1977). La personne comme fondement des valeurs européennes (19 septembre 1974)
1 , et sur quelles bases d’unité culturelle édifier son union politique ? La deuxième table ronde, que nous inaugurons, se de
2 n ne le pense : c’est celle du peuple juif devant ses grands prophètes !) Pour tout dire d’un mot : entre la première table
3 rises avec une question simple tout au moins dans son énoncé : quelle société rénovée voulons-nous, nous autres « bons Euro
4 liquement, et puis de déposer nos conclusions sur son bureau, le Conseil de l’Europe a fait un acte qui mérite d’être quali
5 puisqu’elle n’est plus une communauté ? Que vaut son fameux niveau de vie ? Vers quoi nous conduit-elle ? Elle ne le sait
6 vèrement la société matérialiste et qu’il dénonce son anarchie profonde, mais il est anormal qu’il se voie pour autant trai
7 erser des voitures dans la rue, un dictateur dans son palais, mais on ne peut renverser ce qui ne tient pas debout, ce qui
8 nce serait bien pire que vain car ce serait faire son jeu. Cette crise morale affecte l’Occident tout entier, et par lui to
9 nique, quantitative. Elle est née de l’Europe, de ses valeurs et de leurs conflits ; et des guerres aussi, dans lesquelles
10 able ronde : pour sortir de la Crise mondiale, de ses contradictions et de ses impasses, il faut des choix. Il faut savoir
11 de la Crise mondiale, de ses contradictions et de ses impasses, il faut des choix. Il faut savoir ce que l’on est prêt à sa
12 arx : on a relevé que cet auteur semble bannir de son vocabulaire le terme de justice, décidé qu’il est à ne décrire que de
13 persona, terme juridique définissant l’homme par son rôle dans la cité, après avoir désigné le masque porté par un acteur
14 né le masque porté par un acteur et caractérisant son rôle dans l’action. Pour définir les trois fonctions ou relations div
15 vre essentielle de chacun, qui consiste à trouver sa voie et à courir son aventure sans précédent. Car chacun naît de quel
16 hacun, qui consiste à trouver sa voie et à courir son aventure sans précédent. Car chacun naît de quelque chose qui n’a jam
17 pour tous mais chacun pour le joindre doit créer sa propre voie, et frayer son propre sentier. Partant de moi, individu s
18 r le joindre doit créer sa propre voie, et frayer son propre sentier. Partant de moi, individu sans précédent historique ni
19 e activité jamais achevée et qui sans fin cherche sa fin, et qui la reconnaît lorsqu’elle éprouve un sentiment de convenan
20 squ’elle éprouve un sentiment de convenance entre ses démarches et cette fin. Je conçois que l’on puisse n’y pas croire. Qu
21 l’homme, et qui nécessairement entraînerait dans sa perte l’espèce humaine. Car l’homme ne peut rien contre Dieu, tout co
22 leurs, témoignait en faveur de la personne, et en son nom. L’aliénation de l’homme ne saurait désigner que ce qui compromet
23 l’homme ne saurait désigner que ce qui compromet sa possibilité de se mouvoir, librement, à la fois selon le naturel et s
24 ropre, ne pourrait que l’altérer, le détourner de sa vocation — et c’est cela que j’appelle le péché. Le problème de l’ali
25 s complet du terme, c’est-à-dire non seulement de ses émotions ou de ses mouvements d’humeur, de colère ou de peur, mais de
26 c’est-à-dire non seulement de ses émotions ou de ses mouvements d’humeur, de colère ou de peur, mais de ses pensées, de se
27 ouvements d’humeur, de colère ou de peur, mais de ses pensées, de ses désirs, de sa vision, comme de la connaissance spirit
28 ur, de colère ou de peur, mais de ses pensées, de ses désirs, de sa vision, comme de la connaissance spirituelle, c’est cel
29 u de peur, mais de ses pensées, de ses désirs, de sa vision, comme de la connaissance spirituelle, c’est cela la Liberté,
30 e. Une petite phrase de Simone Weil, géniale dans sa simplicité, dit là-dessus tout l’essentiel : « L’orgueil national est
31 vingt siècles d’Europe nous dit qu’il faut aimer son prochain comme soi-même, et cela fonde la communauté ! Non sur un sen
32 lamente 12 heures par jour à la radio. Car aimer son prochain comme soi-même est un commandement de la Bible. Puisque les
33 . J’ai dit que la liberté de la personne implique sa responsabilité, et que la réciproque n’est pas moins vraie. La vocati
34 nt de la structure bipolaire de la personne et de ses exigences antinomiques, mais en réalité inséparables, de liberté et d
35 enu une fois de plus, ici, parler de l’Europe, de son union, et de la création des régions qui rendra seule possible cette
36 ons-nous accéder à notre mode de vie propre, avec ses exigences exaltantes, celles de construire jour après jour notre pers
2 1974, Articles divers (1974-1977). Alexandre Marc et l’invention du personnalisme (1974)
37 [un grand coup de pied] et fiche-moi le camp ! ») Sa famille avait fui en Allemagne. À Fribourg-en-Brisgau, il avait suivi
38 nouveau , et tout d’abord avec Philippe Lamour et sa revue Plans, à laquelle je collabore en 1931. Une seule chose sûre et
39 léments fondamentaux d’une « cause commune » dans sa double opposition aux fascismes montants et au capitalisme en crise.
40 be — fasciné par le surréalisme tout en dénonçant ses faiblesses métaphysiques et politiques1, moralement « libéré » comme
41 retrouve aujourd’hui inchangé dans les données de sa personne morale, et confirmé dans sa carrure morale. Pour l’apparence
42 s données de sa personne morale, et confirmé dans sa carrure morale. Pour l’apparence et le comportement, je l’ai un peu d
43 était banal à l’époque pour peu qu’on surveillât sa mise, mais je le mentionne pour attester ma bonne mémoire ; et que, s
44 s, ou laissait un sourire un peu lointain plisser ses yeux, il n’en donnait pas moins une impression de sérieux profond et
45 e à tant d’expériences traumatisantes subies dans son adolescence — la mort plusieurs fois vue de près, les déracinements r
46 droit et Sciences Po, il nous apportait à la fois ses connaissances, puisées aux sources de la phénoménologie de Husserl ou
47 ne faisaient que la théorie. Il nous communiquait sa passion pour Proudhon, mais aussi pour Lénine, celui de Que faire ? e
48 lutionnaire, pas d’action révolutionnaire » était son slogan préféré. Nous allions bientôt découvrir sa constante préoccupa
49 on slogan préféré. Nous allions bientôt découvrir sa constante préoccupation de la tactique des petits groupes subversifs,
50 la, motivant tout, une recherche de l’homme et de ses fins dernières, qui « passent infiniment l’homme » selon Pascal, rech
51 ssiste et péguyste qu’annoncent, d’entrée de jeu, ses premiers directeurs. La rencontre avec Dandieu a mal tourné, comme on
52 pages 100 à 102 de l’ouvrage intitulé Mounier et sa génération. Dans ses carnets intimes, Mounier se révèle allergique à
53 l’ouvrage intitulé Mounier et sa génération. Dans ses carnets intimes, Mounier se révèle allergique à Dandieu (« Cheveux lo
54 sait bien que Marc et moi, qui faisons partie de sa première équipe de rédacteurs, appartenons avant tout à l’Ordre nouve
55 principales du mouvement personnaliste. Marc aura son bureau à Esprit de 1932 à 1934. Je m’occuperai ensuite, dès 1936, d
56 us haut (conversation avec Maritain). Débordé sur sa gauche par l’ON, « entraîné » comme il l’écrit, et très soucieux de s
57 « fasciste » ?) Quelle qu’ait été l’importance de ses apports à Plans et à Esprit , c’est dans L’Ordre nouveau que Marc
58 Marc allait trouver le climat le plus favorable à son génie d’initiateur. Dandieu leader intellectuel incontesté, Aron le p
59 mait en fait le groupe en tant que tel, moins par ses conceptions tactiques (tirées de Lénine) que par son action personnel
60 conceptions tactiques (tirées de Lénine) que par son action personnelle et quotidienne. « Rien ne vaut le contact d’homme
61 ns avec chacun des membres du groupe que l’ON dut sa cohésion de 1930 la guerre. Car jamais unité ne fut achevée à partir
62 eu formait avec Georges Bataille et Henry Corbin, ses collègues, un trio d’une extrême densité intellectuelle et spirituell
63 ière littéraire, qu’il abandonnera plus tard pour sa fameuse Histoire du christianisme. Il est le seul d’entre nous à touc
64 e. Sous l’impulsion de Marc — et c’est typique de sa tactique et de ses méthodes — dès le premier numéro de L’Ordre nouve
65 n de Marc — et c’est typique de sa tactique et de ses méthodes — dès le premier numéro de L’Ordre nouveau , beaucoup d’art
66 politique à hauteur d’homme », et en 1948 paraît son livre intitulé À hauteur d’homme 7. La poésie sera faite par tous ré
67 t simplement. Mais nous savions qu’une société et ses mesures sont affaire de personnes, donc de coopération et de propriét
68 ie n’est ni petite, ni grande : elle est humaine. Ses limites — si limites il y a — ne peuvent être indéfiniment distendues
69 t de l’économie, dont « la zone planée trouverait sa justification ultime dans le fait de libérer l’homme (création des au
70 nséparablement par la situation de l’homme et par son attitude. Là-dessus, une page (en collaboration avec Claude Chevalle
71 sang n’est pas seulement « lui-même », il « est » sa famille, sa race, sa patrie, son milieu social, son métier, sa nation
72 as seulement « lui-même », il « est » sa famille, sa race, sa patrie, son milieu social, son métier, sa nation… Il est sa
73 ent « lui-même », il « est » sa famille, sa race, sa patrie, son milieu social, son métier, sa nation… Il est sa propre si
74 ême », il « est » sa famille, sa race, sa patrie, son milieu social, son métier, sa nation… Il est sa propre situation. Mai
75 a famille, sa race, sa patrie, son milieu social, son métier, sa nation… Il est sa propre situation. Mais il n’est pas que
76 a race, sa patrie, son milieu social, son métier, sa nation… Il est sa propre situation. Mais il n’est pas que cela. Tel e
77 son milieu social, son métier, sa nation… Il est sa propre situation. Mais il n’est pas que cela. Tel est le paradoxe féc
78 oniste tourne à l’absurde. Si l’homme n’était que sa situation, celle-ci serait à son tour un pur possible, et non une réa
79 homme n’était que sa situation, celle-ci serait à son tour un pur possible, et non une réalité. Une situation n’est réelle,
80 ce que l’homme est en quelque manière extérieur à sa situation, parce qu’il connaît l’avantage immense du recul. C’est pou
81 r de la situation de l’homme sans tenir compte de son attitude. Il n’en est peut-être pas ainsi de l’animal dont la situati
82 de l’homme. (ON 38) Le Plan sans contrainte et son dynamisme « libérateur ». La « perfection » du « plan » réside — rés
83 niste projetée sur le plan de la vie en société. ( Son caractère monstrueux) manifeste la persistance des conflits, refoulés
84 iques que l’on essaie de lui faire prendre pour «  sa patrie » : ils sont beaucoup trop grands… ou trop petits pour lui. Tr
85 tits pour lui. Trop petits si l’on prétend borner son horizon spirituel aux frontières de l’État-nation ; trop grands si l’
86 tonomie de la région doit être développée jusqu’à sa limite extrême : cette limite, c’est l’intérêt suprême de la Révoluti
87 la vocation mondialisante qui fut la sienne dans ses plus hauts moments, et des menaces de colonisation qui pèsent aujourd
88 ut aussi partir d’une conception de l’homme et de sa vocation personnelle, d’une attitude de l’homme qui assume et transfo
89 rs 1926 par la Revue de Genève . 2. Mounier et sa génération, Paris, Le Seuil, 1956, p. 103-104. 3. Ibid., p. 174. 4
90 e sur les positions de l’ON, et Jean Lacroix loue son nouvel ouvrage, Dictature de la liberté. Je donne pour ma part cinq g
91 aternité réelle » de ces groupes… 5. Mounier et sa génération, op. cit., p. 188. 6. Dans le numéro d’ Esprit de févrie
3 1974, Articles divers (1974-1977). Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)
92 bert de Traz, qui mentionne en passant la mort de sa belle-mère, survenue il y a quelques jours. La lettre bleue est de Pi
93 rse ; et cela fait, chacun lit à haute voix, l’un ses questions, et l’autre ses réponses. De cette soirée, je retiens trois
94 lit à haute voix, l’un ses questions, et l’autre ses réponses. De cette soirée, je retiens trois échanges remarquables. Il
95 re européen de la culture, que j’ai appelé, après sa mort prématurée en 1957, « le seul grand poète luthérien de langue fr
96 le entrait dans cette pièce ? » Le partenaire lut sa réponse : « Toutes les lumières s’éteindraient. » Et toutes les lumiè
4 1974, Articles divers (1974-1977). Un modèle pour l’Europe ? (1974)
97 isse est un petit pays qui doit savoir se tenir à sa place. En proposant de grandes idées pour l’avenir du continent, elle
98 te assez forte pour permettre à chacun de vivre à sa façon, mais non pour dominer sur les voisins : voilà le fédéralisme s
99 r les voisins : voilà le fédéralisme suisse, dans sa réalité vécue, du xiiie au xixe siècle. Mais le mot n’est jamais pr
100 une tâche nouvelle se voit attribuée, en vertu de ses dimensions, à la Confédération et non plus aux cantons — conformément
101 le mérite de demeurer classique, tant en vertu de ses motivations que de son succès. Le problème spécifique de la Suisse na
102 lassique, tant en vertu de ses motivations que de son succès. Le problème spécifique de la Suisse naît du fait qu’à l’insta
103 e se considérer comme un État fermé et limité par ses frontières, non seulement quant à l’état civil de ses habitants, mais
104 frontières, non seulement quant à l’état civil de ses habitants, mais aussi quant à l’économie, à l’énergie, à l’éducation
105 cologie. Or, dans la mesure où la Suisse bloque à ses frontières le processus fédéraliste, c’est-à-dire l’attribution des d
106 tion centralisé, et ne diffère des autres que par ses prétentions à représenter un « Sonderfall ». (Or son cas, justement,
107 prétentions à représenter un « Sonderfall ». (Or son cas, justement, ne serait « exceptionnel » que si la Suisse se montra
108 x réflexes stato-nationalistes qui sont communs à ses voisins.) Pour tout dire en une phrase qui rappelle la thèse de Trots
109 et d’autre part faire de notre pays, à l’égard de ses voisins, un État-nation centralisé comme les autres ; simplement plus
110 implement plus petit. Le fédéralisme suisse, dans sa santé primitive — fondé sur les communes et non sur les cantons, sur
111 odèle européen que s’il accepte de ne pas arrêter son processus aux frontières nationales et va même jusqu’à revendiquer so
112 ntières nationales et va même jusqu’à revendiquer son extension à l’échelle continentale. Troisième erreur. Sur quoi le S
113 ule chance de durée de notre fédéralisme est dans son extension à toute l’Europe — de proche en proche. (Et l’on peut espér
114 . C’est là le but dernier du progrès politique et sa mesure la moins trompeuse. 10. Richard Feller, Rektoratsrede, Berne
5 1974, Articles divers (1974-1977). Philosophie du prix littéraire Prince-Pierre-de-Monaco (1974)
115 aris, qui a toujours peine à croire qu’au-delà de ses Portes il existe autre chose que des relais vers les résidences secon
116 ché de Weimar, le Coppet de Madame de Staël et de sa cour, Bayreuth, Salzbourg… Toute la grande culture de l’Europe est né
6 1974, Articles divers (1974-1977). À propos de Théodore Strawinsky [préface] (1974)
117 ue Théodore Strawinsky, lui, fait de la peinture. Ses huiles, pastels, portraits, dessins, fragments ou grandes œuvres mura
118 out comme un écrivain fait des images de mots, où sons et sens deviennent inséparables… Cet art nous parle, et dans une lang
119 uis vingt ans au moins toute une critique propage ses gémissements sur la difficulté, que dis-je, sur l’essentielle impossi
120 itions plutôt, aux yeux de l’artiste pour peu que son regard accorde foi et que sa main d’un geste donne un sens aux propos
121 rtiste pour peu que son regard accorde foi et que sa main d’un geste donne un sens aux propositions de la nature. Et c’est
122 ré, il n’en est pas non plus qui ne tire du sacré sa raison d’être indiscutable, j’entends bien : de n’être pas discuté, d
123 même de Théodore ne sont pas plus indépendants de son respect du sens premier, du référentiel absolu, qui est le sacré dans
124 ier, du référentiel absolu, qui est le sacré dans son action indéfiniment créatrice, que ne le sont l’art et la technique d
125 la meilleure définition des fins qu’entend servir son art. c. Rougemont Denis de, « [Préface] À propos de Théodore Straw
7 1974, Articles divers (1974-1977). Recherche pour un modèle de société européenne (février 1974)
126 s de mon titre. J’emploie le terme de modèle dans son sens scientifique et pas du tout moral. Chercher à composer un modèle
127 uvraient aux Européens : — ou bien l’Europe prend sa retraite et tente de vivre sur son passé culturel ; — ou bien l’Europ
128 l’Europe prend sa retraite et tente de vivre sur son passé culturel ; — ou bien l’Europe s’efforce de s’assurer une positi
129 ujourd’hui se voit contraint de choisir librement son avenir et celui de l’espèce humaine ; et il y est contraint du seul f
130 plus forts, aux plus féconds, aux plus habiles de ses ancêtres. Aujourd’hui, c’est le succès même de l’effort civilisateur
131 emet ou met tout en question. ⁂ Choisir librement son avenir veut dire : élaborer une politique, une conduite de gouverneme
132 s avantages économiques d’un projet, pour établir son coût réel, tantôt de promoteurs qui n’invoquent que les besoins suppo
133 notre modèle de croissance, mais au contraire de ses succès. Et c’est là ce qui doit nous retenir. Je ne vais pas résumer
134 ulement que la crise mondiale — et c’est je crois sa formule la plus simple — est née de la volonté typiquement occidental
135 iard de milliards d’âmes dans mille ans d’ici, et sa densité serait de deux-mille habitants au mètre carré du sol émergé e
136 r un optimum, de définir une politique, d’évaluer ses répercussions… Car le même processus se répète dans tous les autres d
137 ivilisation contemporaine où la croissance a fait ses percées au xxe siècle et menace de devenir exponentielle. La croissa
138 ny J. Wiener, d’un ouvrage célèbre sur L’An 2000. Son système de prévision est le plus simple qu’on ait jamais imaginé : il
139 iné : il repose entièrement sur la technologie et son évolution la plus probable au cours des vingt à trente années qui vie
140 reille méthode, je me contenterai de citer ce que ses auteurs eux-mêmes en disent. À la page 54 de la traduction française
141 e du moral de l’Europe (et de la démocratie et de son prestige). Montée du communisme et de l’Union soviétique. Grande cr
142 s faits déterminants du xxe siècle, de l’aveu de son propre auteur, elle les aurait ratés. Ils étaient en effet, comme il
143 ns quand Dieu rappelle, plutôt que de reconnaître ses responsabilités. Si utiles que puissent être ceux qui calculent nos r
144 rochain, soit parce qu’ils ne veulent pas choisir ses buts, soit parce qu’ils réduisent tout à la technologie. Ni les uns n
145 instant où il aperçut cette « machine de route », sa grande et constante ambition fut d’en construire une semblable pour p
146 ie. À 19 ans, le petit Henry construit et conduit sa première « machine de roule ». (À ce moment, la Grande-Bretagne inter
147 pour les automobiles », écrit-il simplement dans ses mémoires. Il parle même d’une « répugnance pour la machine » dans le
148 ccès, fonde la Société des automobiles Ford. Dans sa première publicité, il écrit que l’auto « peut vous mener n’importe o
149 e atmosphère salubre ». En 1910, Ford introduisit son fameux « Modèle T », robuste, utile et laid, mais bon marché et desti
150 estiné à la masse. Il ne cessera de faire baisser son prix au fur et à mesure de l’accroissement des ventes. (C’est l’idée
151 estées, sur une machine de roule n’obéissant qu’à ses humeurs. L’auto ne répondait alors à aucun besoin du public, bien au
152 Illich a calculé que l’Américain moyen qui roule ses 10 000 km par an, doit consacrer pour payer sa voiture, son essence,
153 e ses 10 000 km par an, doit consacrer pour payer sa voiture, son essence, ses impôts, son garage, etc., tant de journées
154 km par an, doit consacrer pour payer sa voiture, son essence, ses impôts, son garage, etc., tant de journées de travail, q
155 oit consacrer pour payer sa voiture, son essence, ses impôts, son garage, etc., tant de journées de travail, qu’au total se
156 r pour payer sa voiture, son essence, ses impôts, son garage, etc., tant de journées de travail, qu’au total ses 10 000 km
157 e, etc., tant de journées de travail, qu’au total ses 10 000 km lui auront pris environ 1700 heures de son temps, et cela f
158 10 000 km lui auront pris environ 1700 heures de son temps, et cela fait du 6 à l’heure — l’allure d’un piéton. Mais là ne
159 l’ai dit. Et seul peut-être un fou eût pu prévoir son déroulement — ou alors un homme très sensible, qui au premier contact
160 notre histoire ! Herman Kahn vient d’avouer qu’à ses yeux, Hitler était méthodiquement imprévisible. Pourtant d’autres mét
161 u xxe siècle. Dans le même temps, Nietzsche crie son mépris pour le chauvinisme, le « nationalisme de bêtes à cornes », et
162 me pas vu le problème, et ne soupçonnent même pas son importance fondamentale. Mais l’État-nation n’est pas seulement respo
163 d’une très mauvaise gestion de notre terre et de ses ressources. Mais qui était le Gérant responsable ? La réponse est dan
164 ez ce qu’ils en ont fait. Ils ont géré et détruit ses ressources en vue de leur seule puissance et de leur seul prestige ;
165 verain sur toutes choses et gens dans le cadre de ses frontières, l’État-nation tel que nous l’avons fait, nous les Europée
166 t annoncé, sur la recherche que je propose et sur ses directions majeures : nous voyons maintenant ce qu’il s’agit de chang
167 ésente une recherche, je ne saurais anticiper sur ses résultats, ni donc les décrire en détail ; mais vous restez en droit
168 e l’État-nation est bien malade. Et tout d’abord, sa souveraineté prétendue est de plus en plus illusoire. Selon Jean Bodi
169 ndamentale, basique, de l’État-nation réside dans sa définition même, dans sa prétention intenable à imposer les mêmes fro
170 ’État-nation réside dans sa définition même, dans sa prétention intenable à imposer les mêmes frontières et la même admini
171 e extrême diversité, due aux sources multiples de sa culture, et aux valeurs souvent contradictoires qu’elle a héritées de
172 ù il démontre que plus une cité s’agrandit, moins ses citoyens ont de prise sur ses réalités, moins nombreux donc y sont le
173 é s’agrandit, moins ses citoyens ont de prise sur ses réalités, moins nombreux donc y sont les responsables de tout ordre,
174 rer 21 minutes. L’orateur poursuivit en éclairant ses notes d’une torche. 14. Sur ces mots, les lumières se rallument dans
8 1974, Articles divers (1974-1977). L’Europe des régions (juin-juillet 1974)
175 qui s’oppose aux régions et propose contre elles sa « régionalisation » autoritaire. Quant à la simultanéité des deux phé
176 ’avait bien vu le général de Gaulle lorsque, dans son discours de Lyon, il passait en revue les relations que devaient entr
177 peuple se met à rendre les rênes à un autre pour son sort quotidien, pour ce qu’il doit penser, pour ce qu’il doit acheter
178 , militaires, techniques, et à tous les degrés de sa vie. Il se trouve pris dans un réseau de nécessités techniques, écono
179 oussière d’individus, l’État totalitaire va faire son ciment. Cela appelle la tyrannie, l’inconsistance des relations civiq
180 toutes les démesures, comme ferait un corps sans son programme de vie : l’individu humain passerait ainsi de 30 cm à 1,75
181 n’y a plus qu’un homme sur trois qui habite dans sa commune d’origine. Presque tous sont déplacés. Prenez la ville de Gen
182 t avec la poussière des individus que l’État fait son ciment. Cela n’est pas un phénomène nouveau, cela existait à la fin d
183 ment le désir d’être responsable, d’être digne, à ses propres yeux de vivre et valoir quelque chose. C’est beaucoup plus im
184 s mégalopolis. Le désir de devenir responsable de son destin doit amener au désir d’autogestion dans tous les ordres d’acti
185 s. C’est cela le fédéralisme : que chacun fasse à son niveau, ce qu’il est capable de faire et que, pour ce qui dépasse son
186 est capable de faire et que, pour ce qui dépasse son niveau, il s’unisse à d’autres. Qu’il ne se fédère que pour cela, et
187 erre mondiale, a contribué “à mettre l’Europe sur ses rails” en organisant notamment la conférence de La Haye en 1948, d’où
188 re destin. C’est ce qu’il dira prochainement dans son ouvrage intitulé L’Avenir est notre affaire . »
9 1974, Articles divers (1974-1977). Surréalisme : un jeu qui dure depuis 50 ans (7-8 septembre 1974)
189 n’ai jamais fait partie de ce groupe, ni partagé son idéologie, ce qui m’a évité d’être excommunié tôt ou tard. C’était en
190 t trahit quelque chose chez lui. Il a passé toute sa vie à une religion [sic] qui n’aurait pas été le christianisme et don
191 Le surréalisme a cinquante ans, si l’on admet que sa naissance coïncide avec la publication du Manifeste d’André Breton, e
192 s avons demandé à Denis de Rougemont de parler de son séjour à New York pendant la dernière guerre, au cours duquel il renc
10 1975, Articles divers (1974-1977). Notre complexe de culpabilité (1975)
193 du monde, et bien digne d’être approuvé par tous ses citoyens. Mais quand on dit en Suisse (romande surtout) : « Ça, c’est
194 s que le Suisse inquiet met en cause, mais plutôt ses concitoyens. Sont-ils à la hauteur de leurs institutions ? Méritent-i
195 ce versa. C’est alors que Carl Spitteler prononça son fameux discours sur « Notre point de vue suisse », dont voici un pass
196 e de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir de son bien-être pendant que d’autres souffrent. Culpabilité irraisonnée de
197 gique : Le péché des Suisses pourrait bien avoir son expression particulière dans la neutralité suisse. Les Suisses, depui
198 nt pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite maison, et il regarde par sa petite fenêtre, et se réjouit de
199 st assis dans sa petite maison, et il regarde par sa petite fenêtre, et se réjouit de voir les étrangers venir chez lui po
200 sse est un bourgeois qui place au premier rang de ses préoccupations son repos et sa sécurité. Tel pourrait être, à peu prè
201 s qui place au premier rang de ses préoccupations son repos et sa sécurité. Tel pourrait être, à peu près, le péché propre
202 u premier rang de ses préoccupations son repos et sa sécurité. Tel pourrait être, à peu près, le péché propre des Suisses.
203 justement où Barth, vingt ans plus tôt, accusait ses compatriotes d’être « spectateurs de l’Histoire » ! S’il s’avère au c
204 « bien suisse » — à juger d’un problème moins sur son mérite propre (ou contenu) que sur les mérites moraux de ceux qui ont
205 communicables, et qu’il faut assumer dans toutes ses dimensions non seulement morales mais politiques, et non seulement éc
206 nous dit-on ? Rien de tel pour tirer un homme de ses doutes brumeux et de son anxiété qu’un défi bien concret, venant de l
207 l pour tirer un homme de ses doutes brumeux et de son anxiété qu’un défi bien concret, venant de l’extérieur. Et de même qu
208 enser que la Suisse a mieux à faire qu’à cultiver ses inquiétudes locales. Qu’elle prenne conscience de l’avenir qu’elle re
209 rien encore ! Je ne conçois pas d’autre remède à ses névroses de prospérité. C’est dans une modestie trop commode, un peu
210 e modestie trop commode, un peu lâche, que réside sa pire tentation et vraiment son péché virtuel — qui est la peur d’assu
211 u lâche, que réside sa pire tentation et vraiment son péché virtuel — qui est la peur d’assumer sa vocation. 16. Karl Bar
212 ent son péché virtuel — qui est la peur d’assumer sa vocation. 16. Karl Barth : Gottes Gnadenwahl, conférence sur les ra
11 1975, Articles divers (1974-1977). Au-delà de la société industrielle (1975)
213 nt vous de la « société post-industrielle » et de ses valeurs, mon premier mouvement a été de recul devant un sujet qui me
214 l’individu humain, croissance qui, elle, comporte son programme génétique, ses propres lois d’épanouissement, de maturité,
215 ance qui, elle, comporte son programme génétique, ses propres lois d’épanouissement, de maturité, de déclin et de mort, en
216 ne pas consacrer une part exagérée du produit de son travail à payer ses trajets vers son travail, c’est-à-dire à dépenser
217 e part exagérée du produit de son travail à payer ses trajets vers son travail, c’est-à-dire à dépenser pour être payé, ou
218 u produit de son travail à payer ses trajets vers son travail, c’est-à-dire à dépenser pour être payé, ou à payer pour pouv
219 a jamais cessé de fomenter, de susciter en vue de son profit des besoins neufs, artificiels, quitte à s’en prévaloir ensuit
220 omotive routière ». Il a vécu ce jour-là, dit-il, son « chemin de Damas » : « Dès l’instant où je l’aperçus, jusqu’au jour
221 re une bonne machine routière », écrira-t-il dans son autobiographie. En 1892, il construit sa première voiture. « On la co
222 il dans son autobiographie. En 1892, il construit sa première voiture. « On la considérait plutôt comme une peste, écrit-i
223 rait plutôt comme une peste, écrit-il, à cause de son vacarme qui effrayait les chevaux. » Elle restera longtemps unique. C
224 ues. » Deux ans plus tard, Clemenceau écrira dans son journal : « Dangereuse, puante, inconfortable, ridicule assurément, v
225 » (Il sentait juste, mais l’avenir donnera tort à son pronostic.) Le gouvernement anglais interdit le nouveau moyen de tran
226 euvent donner aux ambitions d’un petit campagnard son ignorance du reste du monde, son puritanisme naïf et le soutien de la
227 petit campagnard son ignorance du reste du monde, son puritanisme naïf et le soutien de la morale utilitaire qui règne sans
228 la discipline forcenée qu’il imposera plus tard à ses ouvriers, afin de les détourner du vice, fils des loisirs. En 1899, i
229 ase inouïe, constat vertigineux, aveu du siècle à son tournant ! En quelques décennies, par la publicité et par elle seule
230 dental, et surtout la conscience que l’homme a de ses besoins, en faisant passer au premier rang le plus artificiel et le d
231 au hasard sur les routes de campagne, l’auto voit sa fonction primitive inversée dès qu’on la multiplie par des millions.
232 nt bétonnés — déjà 18 % du territoire hollandais. Ses vapeurs obscurcissent, en plein midi, le ciel de nos grandes villes.
233 sé, et par l’embouteillage crée l’immobilité sous sa forme la plus exaspérante. Tout cela n’empêche nullement le petit-fil
234 ociété nouvelle, en nous d’abord. Et pour décrire ses caractéristiques, il nous suffira donc maintenant d’inverser la plupa
235 ers le souci d’être utile plutôt que redoutable à ses voisins, qu’il s’agisse de personnes ou d’États. La société industrie
236 bêtises » comme aimait à le dire Einstein, citant son ami hollandais le physicien Hendrijk Lorentz ? J’aurais dû vous parle
12 1975, Articles divers (1974-1977). Suisse 1975 (1975)
237 s mêlés de soulagement (elle n’a pas été occupée, son armée et sa résolution morale l’ont protégée) mais aussi de culpabili
238 ulagement (elle n’a pas été occupée, son armée et sa résolution morale l’ont protégée) mais aussi de culpabilité, presque
239 e de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir de son bien-être pendant que d’autres souffrent. » Ainsi parlait le grand po
240 minelle — mais simplement l’unir pour le salut de ses peuples, le maintien de leurs libertés et de leurs coutumes particuli
241 tâche appellent normalement. Ainsi l’Europe prend ses racines dans le terreau de l’authentique fédéralisme suisse. De cette
242 lle du fédéralisme helvétique, ne saurait arrêter ses effets aux frontières historiques de nos cantons confédérés. Si le fé
243 e, celle-ci deviendrait du même coup, aux yeux de ses voisins, un État-nation, comme les autres ; plus grave : elle se verr
244 er à l’intérieur la centralisation autoritaire de ses voisins. Il est donc évident que notre fédéralisme ne peut se mainten
245 stitué en 1848. Si la Suisse veut rester fidèle à sa vocation séculaire, elle se doit donc de devenir, de proche en proche
246 les. Mais cela ne saurait la dispenser de choisir sa politique mondiale, et ce choix se pose entre la solidarité et l’égoï
247 se, en adhérant, ne risquerait-elle pas de perdre son originalité, sa formule politique spécifique, et sans nul doute, les
248 ne risquerait-elle pas de perdre son originalité, sa formule politique spécifique, et sans nul doute, les bénéfices moraux
249 fique, et sans nul doute, les bénéfices moraux de sa neutralité ? En revanche, en persistant dans son abstention, ne manqu
250 e sa neutralité ? En revanche, en persistant dans son abstention, ne manquerait-elle pas de belles occasions de faire enten
251 it-elle pas de belles occasions de faire entendre sa voix en faveur des formules qu’elle illustre de toute son histoire :
252 en faveur des formules qu’elle illustre de toute son histoire : la fédération, les communes, le vrai civisme, le refus du
253 Face aux défis de l’Europe et du monde, c’est sur sa propre raison d’être que la Suisse d’aujourd’hui se voit amenée à s’i
254 t amenée à s’interroger. Et ce n’est qu’au nom de ses buts humains en tant qu’État fédératif qu’elle peut dorénavant justif
255 ’État fédératif qu’elle peut dorénavant justifier ses options. n. Rougemont Denis de, « Suisse 1975 », Encyclopédie de
13 1975, Articles divers (1974-1977). Le Morgarten du xxe siècle (1975)
256 Suisses eux-mêmes commettent de graves erreurs à son sujet. C’est l’École, une fois de plus, qui a répandu ces erreurs. On
257 que sur l’ensemble d’une nation.) Cependant, dans ses structures, la Suisse a toujours été à contre-courant de ce qui se pa
258 t respectueux de la légalité. Tous les moments de son histoire sont en rupture de légalité ! Aujourd’hui, Guillaume Tell au
259 Il faut donc que la Suisse retrouve ce qui était son attitude et sa mentalité originelles, celles qui ont créé les institu
260 e la Suisse retrouve ce qui était son attitude et sa mentalité originelles, celles qui ont créé les institutions de la pre
14 1975, Articles divers (1974-1977). L’amour (1975)
261 vécu dans les autres cultures, se trouve lié dans sa genèse permanente à l’expression, premièrement littéraire et musicale
262 es psychiques peuvent être étudiées au mieux dans ses expressions littéraires et artistiques en général, il nous faudra d’a
263 ulsion que tout être éprouve à un moment donné de son développement, même sans avoir jamais rien lu ni même entendu dire à
264 sans avoir jamais rien lu ni même entendu dire à son sujet. Fonction de l’espèce, fatalité pour l’individu, tropisme, mais
265 assion, forme d’amour liée plus que toute autre à ses expressions littéraires (au « discours amoureux » comme on disait nag
266 t « se déclare ». C’est l’amour qui se prend pour son objet, qui aime sa propre intensité et non pas l’Autre. C’est l’auto-
267 est l’amour qui se prend pour son objet, qui aime sa propre intensité et non pas l’Autre. C’est l’auto-intoxication, favor
268 périence amoureuse » en Occident. Selon Platon et son maître Socrate, Éros est l’agent de tout progrès moral et spirituel,
269 emporain de Plutarque, saint Paul, avait écrit de son côté que le mariage est « un grand mystère (mystérion méga) ». Rencon
270 iles aient été rédigés, ne cesse de dénoncer dans ses épîtres le sacré tant juif que païen (hellénistico-romain surtout), q
271 ’amour (« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… »), et dont toute la loi se résume dans le commandement
272 uiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme » (I Cor. vii, 32). Ainsi donc, exalté d’une part comme image d
273 un principe révolutionnaire — foi contre loi — et sa réalisation sociale, il y a toute l’épaisseur, la lourdeur, l’inertie
274 » ne donne encore que de malingres témoignages de son existence en Europe, parmi lesquels on peut citer les Carmina de l’év
275 déjà citées, des poésies dues à des clercs… Avec ses formes fixes et raffinées et sa doctrine absolument nouvelle, la cort
276 des clercs… Avec ses formes fixes et raffinées et sa doctrine absolument nouvelle, la cortezia (amour à la manière des cou
277 t d’Arbrissel (né vers 1050), rendu populaire par ses diatribes passionnées contre le luxe et la luxure, fonde en 1101 à Fo
278 hilosophe, théologien et le plus grand docteur de son époque, devient le premier héros historique de l’amour-passion, c’est
279 ésir exaspéré par les obstacles de toute nature à sa conservation (liens parentaux, allégeance féodale, mariage, séparatio
280 laquelle l’homme sacrifie tout (Tristan renonce à son rang à la cour, faillit à l’honneur du chevalier et à la fidélité env
281 t assumés. L’amour, dès lors, sera toujours lié à son « aveu », à sa « déclaration ». Le contenu affectif de la passion va
282 ur, dès lors, sera toujours lié à son « aveu », à sa « déclaration ». Le contenu affectif de la passion va trouver mainten
283 ’Europe christianisée, le mythe révélera-t-il par ses structures mêmes le secret du pouvoir immodéré qu’il exerce depuis de
284 mentionnent même pas, n’a jamais cessé d’exercer son empire sur nos sociétés, de la Grèce primitive à l’Occident moderne,
285 me. Robert le Pieux se voit contraint de répudier sa première femme, qu’il aime, parce qu’elle est sa cousine au quatrième
286 sa première femme, qu’il aime, parce qu’elle est sa cousine au quatrième degré et qu’elle a tenu avec lui un enfant sur l
287 ère-père. Tristan naît dans le malheur parental : son père vient de mourir et sa mère, Blanchefleur, ne survit pas à sa nai
288 le malheur parental : son père vient de mourir et sa mère, Blanchefleur, ne survit pas à sa naissance, d’où le nom même du
289 mourir et sa mère, Blanchefleur, ne survit pas à sa naissance, d’où le nom même du héros. Le roi Marc de Cornouailles, fr
290 e du héros. Le roi Marc de Cornouailles, frère de sa mère, prend l’orphelin à sa cour et l’éduque. Or, chez les Celtes, co
291 ornouailles, frère de sa mère, prend l’orphelin à sa cour et l’éduque. Or, chez les Celtes, comme chez bien d’autres peupl
292 e dernier de la « quête » d’Iseut, c’est ainsi de sa future « mère » légale qu’il tombe passionnément amoureux. La condamn
293 fait rien, ce n’est pas seulement par respect de son suzerain (déjà trompé en fait), mais parce qu’à la force des lois et
294 en fait), mais parce qu’à la force des lois et de sa fidélité au roi s’ajoute celle, bien plus contraignante, du dernier t
295 raduisant et de communiquer sans l’expliquer, car son contenu demeure inavouable même s’il est fascinant comme une drogue.
296 sible du grand roman de Proust, il perd peu à peu son allure de somnambule fasciné par le rêve de la « femme impossible ».
297 celui qui affronte la mort d’amour, celui auquel son amour interdit « donne l’audace de négocier avec la mort » (Pétrarque
298 ans, que la passion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure des résistances qu’elle rencontre. Déjà, dans
299 e distingue du simple désir par le raffinement de ses expressions, la culture du sentiment, le respect quasi religieux de l
300 plus dramatique lorsque l’amour courtois trouvera son expression romanesque dans la France du Nord et l’Angleterre celtique
301 ’histoire de l’amour passionné sera donc celle de ses traverses, de ses malheurs, que les lecteurs comme les amants préfère
302 ur passionné sera donc celle de ses traverses, de ses malheurs, que les lecteurs comme les amants préfèrent au bonheur « sa
303 e de nouveaux moyens de s’exprimer et de répandre sa contagion, par le poème d’abord et le roman, puis le théâtre et, enfi
304 rature, elle le perd en sincérité, en virulence ; son drame vécu devient spectacle passionnant, ses péripéties durement sub
305 e ; son drame vécu devient spectacle passionnant, ses péripéties durement subies deviennent intrigue, suspense et plaisir d
306 a houlette dorée de Céladon ornée d’une faveur de sa bergère. Il est peu de romans mieux écrits que L’Astrée. Mais, si le
307 nesque, faut-il incriminer la société du temps et ses coutumes, ou la littérature elle-même, qui ne serait qu’un sous-produ
308 n fait, ce fut assez d’un décret de Boileau, dans son Dialogue sur les héros de roman, pour réduire à l’oubli la féerie rom
309 ce à la vertu, qui conclut en faveur du monde, de sa morale. Cependant, le mythe garde sa virulence dans le théâtre de la
310 du monde, de sa morale. Cependant, le mythe garde sa virulence dans le théâtre de la même époque. Roméo et Juliette est pe
311 lus seulement métaphorique. Elle est appelée dans sa réalité à la fois charnelle et mystique comme l’amour même. Deux géné
312 ations plus tard, le théâtre français introduit à son tour, sous les formes les plus policées, « cette tristesse majestueus
313 n imagine des formes qui vont l’avouer dans toute sa force, à la Cour même, par le théâtre. Andromaque, Bérénice et Phèdre
314 ui est la fille et la sœur des ennemis mortels de son père ». Aricie sera donc pour Hippolyte l’amour que le Père interdit,
315 ’amour incestueux pour la Mère. « Dois-je épouser ses droits contre un père irrité ? » se demande le jeune homme. (La psych
316 amnables, et Racine les condamne, mais il en fait son œuvre ! L’autre moyen qu’il a trouvé pour nous parler voluptueusement
317 pour nous parler voluptueusement de la passion de ses personnages, donc de la sienne, c’est l’argument à toute épreuve du p
318 angaine à Iseut : Vous aimez. On ne peut vaincre sa destinée : Par un charme fatal vous fûtes entraînée. Racine est-il
319 s entraînée. Racine est-il vraiment sincère dans sa préface lorsqu’il écrit : Ce que je puis assurer, c’est que je n’en
320 e à Mozart, c’est Don Juan qui occupe la scène de sa présence insolente, bondissante, mais secrètement anxieuse. Or, Don J
321 nxieuse. Or, Don Juan est l’antithèse de Tristan, son négatif parfait : infidèle par définition, homme des rencontres sans
322 armi toutes les femmes celle qui pourrait retenir son amour, quand Tristan était l’homme d’un seul amour fatal mais dans le
323 onheur, quoi qu’en dise Dona Anna. Casanova, dans ses Mémoires, se vante de n’avoir laissé derrière lui que des femmes émue
324 e aux sévices corporels. Le marquis de Sade écrit ses œuvres en prison : il ne peut donc s’agir que de fantasmes, mais qui
325 rque (Laure de Noves) trouve dans la tradition de sa famille le modèle de l’amour idéal, cette cortezia que, pour se venge
326 le prochain (Sacher-Masoch se choisira lui-même). Ses livres ont la monotonie de l’obsession. Quant à ses valeurs, on ne sa
327 s livres ont la monotonie de l’obsession. Quant à ses valeurs, on ne saurait trop souligner qu’elles sont celles de la nobl
328 de la Régence à la Révolution. Ce serait oublier son plus grand écrivain, Rousseau le gêneur, qui d’ailleurs vient de Genè
329 : La passion de l’amour suprême ne trouve jamais son accomplissement ici-bas ! Mourir ensemble ! voilà le seul accomplisse
330 e ! voilà le seul accomplissement. Novalis, dans son journal intime : Notre engagement n’était pas pris pour ce monde. E
331 riand paraphrasant le Cantique des cantiques dans son invocation célèbre : Levez-vous vite, orages désirés qui devez empor
332 listes. Car l’amour passionné, répétons-le, prend sa source dans cet élan qui par ailleurs fait naître le langage. Et l’in
333 oureux suivent de près la littérature, celle-ci à son tour n’est jamais indépendante de la société et de ses structures de
334 our n’est jamais indépendante de la société et de ses structures de contrainte. Si le romantisme est un retour en force de
335 sexuel, dans les œuvres de Charles Fourier et de ses disciples socialistes et communautaires, puis chez Kierkegaard, c’est
336 itiques les plus radicaux de la bourgeoisie et de son système de valeurs jugées incompatibles soit avec la justice sociale,
337 udelaire, profond révélateur de la sensibilité de son époque, compose dans ses poèmes une érotique secrète et douloureuse,
338 eur de la sensibilité de son époque, compose dans ses poèmes une érotique secrète et douloureuse, en défense contre la civi
339 e évasion psychodramatique vers la passion rêvée, son épanouissement dans la mort, au-delà de la prison des corps, dans l’e
340 e public, par ouï-dire, la certitude soudaine que sa doctrine « expliquait tout », cela tient au fait qu’il expliquait les
341 ystifier, par une réduction impitoyable de toutes ses motivations (mystiques, ethniques ou poétiques) à la seule libido ou
342 responsable, et auquel Freud n’a voulu que donner ses vrais noms. Le Vocabulaire de la psychanalyse de J. Laplanche et J.-B
343 e, placé entre guillemets comme pour s’excuser de son incongruité, est défini comme une attitude envers autrui qui perpétu
344 st ce qu’a fort bien relevé Georges Bataille dans ses ouvrages sur Éros et l’érotisme, si fort en vogue dans l’avant-garde
345 sion » les éléments d’une érotique moderne. Toute son œuvre illustre les liens nécessaires entre érotisme et religion, dési
346 La morale bourgeoise est en pleine décadence. Ses tabous ne tiennent plus. Freud et tous les psychanalystes ont accrédi
15 1975, Articles divers (1974-1977). « Le sort des écrivains emprisonnés constitue un drame et un avertissement » (juin 1975)
347 ui amène quelqu’un dont on lui dit qu’il est fou. Sa première réaction va consister à lui laver le cerveau. Pour ce magist
348 e l’homme et la femme est un élément important de ses mœurs. Or cette façon n’a pas été modifiée par les grands de l’époque
349 ment où on lui dirait ce qu’il doit écrire. C’est sa nature même qui s’y oppose. Il sera donc toujours un opposant, un « a
350 ssi proches du pouvoir. Chacun de ces artistes, à sa manière, était donneur de mesures morales dans lesquelles leurs conte
351 ce que je crois à cette liberté de l’homme liée à sa responsabilité que j’oppose à tous les États-nations l’idée de commun
352 ans une « mesure » où l’homme peut faire entendre sa voix. Pour vous il n’y a pas de nécessité à ce qu’un État moderne soi
353 le de tout y compris de ce qui ne le regarde pas. Son rêve — et ce qui se passe en Union soviétique de façon scandaleuse pr
354 influencer les gens. Partout l’État veut imposer sa norme. Ces défauts sont peut-être moins évidents dans de petits pays,
355 rit au président de la Confédération pour obtenir sa libération. Il m’a fait répondre par le Département de justice et pol
356 turelles — d’écrire à Leonid Brejnev en demandant sa libération. Au premier rang de ceux qui se sont engagés dans ce comba
357 ns de cet engagement sont bien dans la logique de son œuvre et de ses actes. On n’a pas oublié qu’il avait pris publiquemen
358 ment sont bien dans la logique de son œuvre et de ses actes. On n’a pas oublié qu’il avait pris publiquement la défense de
359 ’il avait pris publiquement la défense de l’un de ses anciens étudiants, objecteur de conscience, et on sait que dans une a
360 ent aussi en faveur de cet engagement. C’est dans sa belle et solide maison de Pouilly qu’il nous les a apportées. »
16 1975, Articles divers (1974-1977). « L’État-nation, voilà l’ennemi » (1er juillet 1975)
361 e Rome a prévu le désastre, mais n’a rien dit sur ses fauteurs. Or, le principe de la crise mondiale réside, à l’évidence,
362 crudité gênante. Ou bien l’État-nation maintient ses prétentions au pouvoir exclusif de gestion de la terre — et, dès lors
363 enverser l’État-nation : nous péririons tous dans ses ruines. Au niveau des pouvoirs concrets, je vois très peu à renverser
364 l’obsession de la puissance est l’ultima ratio de ses décisions. Mais d’où tient-il sa puissance actuelle, sinon du vide ci
365 ultima ratio de ses décisions. Mais d’où tient-il sa puissance actuelle, sinon du vide civique créé par l’urbanisation sau
366 s — chacune ayant pour extension le territoire de sa réalité — ne naîtront pas de nos modèles, mais bien de la nécessité d
367 cle vicieux dont il s’agit de sortir. Il faut que ses auteurs commencent. 2) L’État-nation peut faire autant et plus de mal
368 peu dire ! Il est grand temps de le dépouiller de son prestige, d’en dénoncer l’absurdité et d’inciter chacune des grandes
369 chacune des grandes régions du globe à rechercher sa propre voie vers des formes nouvelles de communauté. Pour l’Europe de
370 us et mieux pour le tiers-monde qu’en lui prêtant son « assistance technique », c’est-à-dire des experts en armements, en g
17 1976, Articles divers (1974-1977). Message de M. Denis de Rougemont (1976)
371 éelle et qui, loin d’être marginale par rapport à son œuvre politique, pourrait bien en être la source. Personnellement, je
372 textes Pour l’Europe, réunis par lui à la fin de sa vie, je trouve ces mots qu’on ne saurait souhaiter plus éclairants et
373 uhaiter plus éclairants et qui servent de titre à son deuxième chapitre : L’Europe, avant d’être une alliance militaire ou
374 Schuman n’a jamais eu en réalité à « interrompre sa méditation pour passer à l’action » (comme l’a écrit Jean Monnet) pui
375 Jean Monnet) puisque c’est tout naturellement que sa méditation s’est poursuivie en création et n’a cessé de soutenir son
376 t poursuivie en création et n’a cessé de soutenir son action. Voilà pourquoi cet homme d’État d’allure volontairement mode
18 1976, Articles divers (1974-1977). L’Europe, l’été [préface] (1976)
377 dallées de marbre de Dubrovnik dans l’enceinte de ses remparts, de Lisbonne sur l’Atlantique à Venise sur l’Adriatique, don
378 é vibre et chante, danse ou déploie les fastes de ses opéras dans les plus beaux décors du monde : ceux d’une nature humani
379 Bath, le plus ancien festival connu (il a célébré son centenaire en 1961) et Varsovie, le plus délibérément novateur (on n’
380 rande ou moyenne, n’a-t-elle pas essayé de lancer son festival, de pousser sa petite note séductrice dans la grande rumeur
381 lle pas essayé de lancer son festival, de pousser sa petite note séductrice dans la grande rumeur musicale de nos étés eur
382 tinent ruiné et disloqué essayait de reconstruire ses villes et une économie de paix, on vit aussi renaître dans tous nos p
383 uropéen » ? En fait, chacun tentait de vivre pour son compte. Quelques-uns cherchaient les moyens de sortir de leur isoleme
384 voir. Je lui avais écrit tôt après la lecture de son article sur la coopération dans le domaine musical. Ce jeune chef pre
385 se concerter — terme éminemment musical… Il avait son idée là-dessus. Pour ma part, je venais de fonder le Centre européen
386 iée à l’Europe non seulement historiquement, dans sa genèse, mais encore essentiellement dans sa nature, étant née du comp
387 dans sa genèse, mais encore essentiellement dans sa nature, étant née du complexe physico-spirituel qui a formé l’homme e
388 art, que s’occuper de l’Europe et spécialement de sa culture, suppose que l’on s’occupe de la musique ; et, d’autre part,
389 historiens de prendre note d’un petit fait qui a son importance symbolique : l’Association des festivals européens a précé
390 isqu’elle englobe déjà seize pays d’Europe et que ses plus grands axes joignent Athènes à Édimbourg, Grenade à Helsinki. À
391 ne trouverez l’équivalent de cette formule et de ses surprises, calculées ou non, pas plus que vous ne trouverez l’équival
392 sage, l’esprit d’une cité, l’intérêt collectif de ses habitants, et la tradition culturelle d’une région. Soumise à l’exam
393 Mais n’est-ce pas le fait de toute définition, et son utilité majeure ?) De plus, on a fait observer qu’elle ne tenait pas
394 ects sociaux du phénomène festival considéré dans sa totalité et dans ses conditions matérielles d’existence. 3. C’est en
395 omène festival considéré dans sa totalité et dans ses conditions matérielles d’existence. 3. C’est en effet de la rencontre
396 les nombreuses ressources dont elle dispose pour sa propre saison d’hiver, est tout à fait différent, mais plus rare.) La
397 es Myrtes à l’Alhambra. Ce retour de la musique à son milieu d’origine et d’usage, à la communauté dont elle fut l’expressi
398 dans les esprits chaque fois qu’elle est jouée en son lieu, annonce et préfigure une évolution très profonde de la société
399 ’exprimer un genius loci, non point en produisant ses propres œuvres, son dialecte musical particulier, mais bien par une c
400 loci, non point en produisant ses propres œuvres, son dialecte musical particulier, mais bien par une certaine manière qui
19 1976, Articles divers (1974-1977). Histoire et prospective de l’identité européenne (1976)
401 se, de l’identité de l’Europe et de ce qui motive son étude aujourd’hui. Tout le reste en dépendra, et d’abord mes réponses
402 à l’idée d’une recherche théorique, gratuite dans ses motivations, c’est-à-dire sans souci d’applications immédiates. C’est
403 e manière aussi de faire vivre l’Europe en vivant sa culture, qui est, à mes yeux, sa profonde identité. Cette culture a p
404 Europe en vivant sa culture, qui est, à mes yeux, sa profonde identité. Cette culture a produit — comme déchets, selon Spe
405 s Européens ne la vivent plus, perdent le sens de ses valeurs créatrices. Nos grands journaux non sans Schaden Freude, titr
406 it pas à la transmission d’un savoir, s’il y voit son premier devoir. Il consiste surtout à éveiller dans l’esprit de l’étu
407 citez, c’est-à-dire ramènent tout à l’Europe et à ses intérêts, dont ils font le centre de leur monde. Or à mon sens, c’est
408 oupçonner le caractère spécifiquement européen de sa discipline. Or s’il est naïvement européen, il est fatal qu’il se com
20 1977, Articles divers (1974-1977). Souvenir de 1938 (1977)
409 Je venais d’entendre, à Venise, Honegger diriger son Nocturne et je m’étais dit : Voilà celui pour qui je voudrais écrire
410 ystique, naïf, au bord de l’hérésie, exerçant, de son ermitage dans les Alpes, un empire étendu et profond sur l’esprit de
411 lpes, un empire étendu et profond sur l’esprit de ses compatriotes, s’il a prévenu in extremis la guerre entre les cantons
412 tre les cantons suisses, c’est par l’autorité que sa vie d’ascète donne au message secret qu’il envoie à la Diète, et dont
413 nte au bord du gouffre, cette minute où, retenant son souffle, le peuple attend l’annonce fatidique, et tout d’un coup, à g
414 re par excellence ! Revenir au théâtre grec, avec son chœur ? Ce serait la solution formelle ; encore faudrait-il l’adapter
415 rire Jeanne au bûcher avec Claudel. De quinze ans son cadet, inconnu du grand public, je ne lui apporte rien qu’une command
416 ue, pour aboutir à notre oratorio, puis en 1945 à son exécution au Vatican, lors des fêtes de la canonisation (combien tard
417 s de Flüe : « Honegger a touché là les sommets de son lyrisme. » 30. Note à l’usage des jeunes générations : Denis de Ro
21 1977, Articles divers (1974-1977). Les débuts de la construction européenne (1977)
418 r la Terre sainte, rédigé en 1306. Pierre Dubois, son auteur, est un juriste de Philippe le Bel et d’Édouard d’Angleterre.
419 s 1923, le comte Richard Coudenhove-Kalergi lance son appel à la Paneurope. Coudenhove réussit à convaincre Aristide Briand
420 xister une sorte de lien fédéral ». Briand charge son plus proche collaborateur, Alexis Léger24, de rédiger un mémorandum s
421 eux, l’Union européenne des fédéralistes convoque son premier grand congrès. Cette association des militants européens grou
422 nistres français décidait de « donner à ce projet son concours actif », bientôt suivi par les quatre autres signataires du
423 s La Haye. La construction européenne connaissait son premier succès spectaculaire, et le plus vivement enlevé. Mais dès la
424 nts entre dirigeants du Mouvement européen, ou de ses organisations membres, hommes politiques et intellectuels, hauts fonc
425 de la sorte, après quelques années, à concentrer ses efforts créateurs sur les domaines que les souverainetés politiques s
426 e de Jean Monnet allait se mettre à travailler de son côté dès le début de mai27. En décembre de la même année, à Lausanne,
427 octobre de l’année suivante. Et il se trouva que sa première opération fut de définir la nature de la mission du CERN, ai
428 on du CERN, ainsi que de programmer les étapes de sa réalisation par les États européens, via l’Unesco. Le CERN fut inaugu
429 missaire général au Plan français, Jean Monnet et ses proches collaborateurs, Étienne Hirsch, Pierre Uri et le professeur P
430 a nouveauté, dans l’approche de Jean Monnet et de ses collaborateurs — dont aucun jusqu’alors n’avait participé aux mouveme
431 e union sérieuse qu’est l’État-nation, obsédé par ses droits souverains, d’ailleurs de plus en plus fictifs. Peu d’idées ne
22 1977, Articles divers (1974-1977). Robert Schuman (1886-1963) : l’homme de la frontière (1977)
432 e rend à la chaire » et qu’il « pesait longuement ses arguments comme un vieux pharmacien ses pilules », c’est bien le même
433 onguement ses arguments comme un vieux pharmacien ses pilules », c’est bien le même qui, selon les mêmes auteurs, a accompl
434 it le cours de l’Histoire ». André Philip parle à son propos « des possibilités révolutionnaires du terne », mais Konrad Ad
435 de la frontière ». En 1914, il est allemand selon son passeport. Inapte au service militaire, il ne sera mobilisé qu’au tit
436 , remontant de la mer du Nord jusqu’à Bâle. Toute sa carrière européenne paraît préfigurée dans ces données historiques et
437 sociales et religieuses de la ville où il exerce son métier d’avocat, Metz, Schuman, sur les instances de ses amis catholi
438 ier d’avocat, Metz, Schuman, sur les instances de ses amis catholiques, se laisse porter à la députation dès 1919, par sens
439 amment réélu à la Chambre, il s’y cantonnera dans son rôle de président de la Commission d’Alsace-Lorraine ; mais s’il adhè
440 ptation grâce à Schuman du projet de Jean Monnet, sa mise en place rapide, et l’ampleur de ses suites, s’expliquent seulem
441 Monnet, sa mise en place rapide, et l’ampleur de ses suites, s’expliquent seulement si l’on rapporte l’attitude de Schuman
442 human lors du 9 mai 1950 aux motivations mêmes de sa personne et notamment à l’équation : Moselle / Europe chrétienne = R
443 nt acquise de l’homme de la frontière, autant que ses méditations historiques et ses finalités spirituelles. Elle est insép
444 ntière, autant que ses méditations historiques et ses finalités spirituelles. Elle est inséparable de la personne même de R
445 l est non moins certain qu’en faisant du projet «  son affaire » et en engageant sur lui le sort de sa propre politique euro
446  son affaire » et en engageant sur lui le sort de sa propre politique européenne, Robert Schuman a transformé un texte en
447 ntre le dramaturge et l’acteur qui fait triompher sa pièce, la coopération créatrice entre l’auteur du scénario d’un film
448 créatrice entre l’auteur du scénario d’un film et son cinéaste. Plus précisément, il y aurait lieu d’examiner quatre ou cin
449 Schuman fut réellement l’homme du Plan qui porte son nom, parce que ce plan résultait du problème dans lequel s’était noué
450 an résultait du problème dans lequel s’était noué son drame personnel, et parce que ce plan figurait le dénouement possible
451 Schuman me paraît avoir été déterminée moins par ses souvenirs du passé qui eussent pu au contraire l’aveugler, que par sa
452 é qui eussent pu au contraire l’aveugler, que par sa vision lucide de l’avenir des pays de l’Europe. Il avait beaucoup réf
453 le moyen de commencer se présenta, il sut arrêter sa méditation pour accepter de passer à l’action. Oui, mais placé devan
454 , homme de méditation et de culture, au milieu de ses huit-mille volumes de collectionneur passionné. Et c’est pourquoi il
455 textes Pour l’Europe, réunis par lui à la fin de sa vie, je trouve ces mots qu’on ne saurait souhaiter plus éclairants, e
456 haiter plus éclairants, et qui servent de titre à son deuxième chapitre : L’Europe, avant d’être une alliance militaire ou
457 chuman n’a jamais eu, en réalité, à « interrompre sa méditation pour passer à l’action » puisque c’est tout naturellement
458 à l’action » puisque c’est tout naturellement que sa méditation s’est poursuivie en création et n’a cessé de soutenir son
459 t poursuivie en création et n’a cessé de soutenir son action. Voilà pourquoi cet homme d’État, d’allure volontairement mode
23 1977, Articles divers (1974-1977). Hérétiques de toutes les religions, unissez-vous ! (1977)
460 religieuse qui se réclamait de Kierkegaard et de sa double descendance — « existentielle » et nietzschéenne par Heidegger
461 es orthodoxies partisanes, imposées par l’État et sa police à la nation dans tous ses ordres, mythique, politique, quotidi
462 ées par l’État et sa police à la nation dans tous ses ordres, mythique, politique, quotidien, triomphaient en Russie soviét
463 n au contraire si l’homme se les approprie, comme sa chose et son bien, qu’il posséderait sans l’actualité de cette Parole
464 re si l’homme se les approprie, comme sa chose et son bien, qu’il posséderait sans l’actualité de cette Parole et avant ell
465 d’un événement qui dépend de l’observateur et de sa position hic et nunc ; — Le way of life qui canalise les aspirations,
466 l’orthologie et l’autologie, la première — selon sa mission — ayant provoqué la seconde à éveiller des vocations incompar
467 cela nous vaut une œuvre vaste et passionnée dans sa rigueur, dont la maîtrise technique favorise — ô miracle — l’ouvertur
468 le solution, qui est de longer la rivière jusqu’à sa source, là où les deux pentes se rejoignent — seul moyen de les remon
469 qui commence à mes pas. L’homme de la foi ne suit sa voie qu’en la frayant, « sentier étroit », dit le Bouddha, et l’Évang
24 1977, Articles divers (1974-1977). La nature du pouvoir (9 octobre 1977)
470 rès jolie épigraphe que Jean Cocteau avait mise à son Secret professionnel. C’est un petit dialogue ainsi conçu : « Et les
471 guerre, et trouvant l’« ultima ratio » de toutes ses contraintes dans cette préparation à la guerre — je vous renvoie, là-
472 le souverain lui a fait, une fois pour toutes, de sa souveraineté. Ce n’est donc ni l’anarchie, ni la révolution à la mode
473 bien mise en valeur par Bertrand de Jouvenel dans son livre Du Pouvoir, dont je ne me lasse pas de citer cette phrase : « L
25 1977, Articles divers (1974-1977). La puissance et les choix (mai 1977)
474 serait-on responsable si l’on n’est pas libre de ses actes ? N’allons pas croire pourtant qu’entre le besoin de puissance
475 régions autonomes, grâce à l’appui du Ciel et de ses longs regards sur notre terre. Choisir les unités locales, voire fami
476 entimentaux qui devraient toujours unir l’homme à son environnement. Pour Denis de Rougemont, le pire est encore à venir pu
26 1977, Articles divers (1974-1977). Du passé à l’avenir d’une région (27 juin 1977)
477 st l’Escalade de 1602). Les Bernois, déjà venus à son secours en 1535, ont annexé au passage le Pays de Vaud, naguère encor
478 es, mais restera longtemps à l’écart de la vie de ses voisins francophones : les uns (Vaudois) passés à la Réforme, les aut
479 siècles des liens étroits avec la Franche-Comté ( sa charte de franchises, 1214, était copiée sur celle de Besançon), se t
480 Refuge, s’ouvre au monde mais tend à se fermer à ses proches voisins du Faucigny et du Genevois, certes fort mêlés à sa po
481 s du Faucigny et du Genevois, certes fort mêlés à sa population par mariages ou par immigration, mais sujets catholiques d
482 ’avenir. Elle va constituer en quelques décennies son identité culturelle, spirituelle, et même économique. Certes, les tro
483 nde bien : je ne limite pas « l’esprit romand » à ses expressions littéraires, philosophiques ou théologiques. Il s’agit bi
484 able de penser qu’elle va se figer désormais dans son image du xixe siècle. Elle va changer, cela seul est certain. À la l
485 a changer, cela seul est certain. À la lumière de son histoire, essayons de conjecturer dans quels délais, dans quelles dir
486 sement de relations plus étroites entre Genève et ses voisins gessiens et savoyards. (On sait que la crainte de recevoir tr
487 ue devient pendant ce temps « l’esprit romand » ? Sa dominante protestante — Benjamin Constant, Alexandre Vinet, H.-F. Ami
488 de la Communauté économique de Bruxelles, puis de sa contrepartie, l’AELE, dont la Suisse est le siège comme elle fut la m
489 ulture du pays de Gex. Le Valais tend à resserrer ses liens traditionnels avec le Val d’Aoste. Les problèmes horlogers reno
490 ardes non épurées. Avec l’aéroport de Cointrin et ses nuisances, les menaces de Verbois nucléaire et de Creys-Malville géné
491 dans le royaume de Bourgogne transjurane : c’est sa plus ancienne unité. Sur cette aire, certes plus historique que géogr
27 1977, Articles divers (1974-1977). « Il faut changer de cap » (27 septembre 1977)
492 r de cap, c’est littéralement se convertir, faire sa révolution. Chacun de nous peut opérer pour lui-même cette révolution
28 1977, Articles divers (1974-1977). Au tableau d’honneur de Parents : L’Avenir est notre affaire (octobre 1977)
493 nnier de l’idée européenne, s’adresse à nous dans son dernier livre qui vient de paraître. L’Avenir est notre affaire . Un
494 ien des illusions sur notre monde mais pas encore sa confiance dans les hommes. Tout dans cet écrivain, grand, robuste, au
495 te maison, ancienne ferme retapée, imposante dans sa simplicité, dans laquelle il passe ses vacances, à quelques kilomètre
496 osante dans sa simplicité, dans laquelle il passe ses vacances, à quelques kilomètres de Grasse. En l’an 2000 ni pain, ni
497 2000 ni pain, ni eau, peut-être ! Il parle de son livre d’une voix lente, pèse ses mots comme il jauge le poids des cho
498 ! Il parle de son livre d’une voix lente, pèse ses mots comme il jauge le poids des choses, explique, cite Platon, Arist
499 avons perdu cette mesure : alors, tout au long de son livre, il nous houspille, nous provoque, nous met au pied du mur. Nou
500 monde. Denis de Rougemont n’est pas un prophète. Son livre ne raconte pas une fiction. Il constate. Sévérité du moraliste,
501 faut choisir. » Ce n’est pas un homme à renoncer. Son acharnement à défendre l’Europe, et à travers elle l’homme, le prouve
502 titut d’études européennes. L’Europe fut et reste sa passion parce qu’elle lui apparaît comme l’aboutissement de ce person
503 mmunautaire, fondamental, qui fut la recherche de sa vie. Recherche de la personne, de la vocation d’homme. On la retrouve
504 de la vocation d’homme. On la retrouve dans tous ses livres, dans ses articles, dans toutes ses activités. Le sens de l
505 ’homme. On la retrouve dans tous ses livres, dans ses articles, dans toutes ses activités. Le sens de la communauté huma
506 s tous ses livres, dans ses articles, dans toutes ses activités. Le sens de la communauté humaine doit renaître Et po
507 les occasions ne lui ont pas manqué de renoncer à sa foi dans l’humanité. En 1936, il a vu de près l’Allemagne d’Hitler, a
508 des sociologues, des urbanistes, des physiciens. Son livre en est le résultat. À la fois cri d’alarme et désespérance. L’e
509 si elle renonce à intervenir, alors elle signera sa mort. Or, maintenant que nous avons les moyens de surmonter les défis
510 emière fois dans l’histoire, l’homme peut choisir son avenir, grâce à la technique. Les catastrophes ne tombent plus du cie
511 à l’homme le sentiment de responsabilité et donc sa liberté. Villes trop vastes, trop peuplées, inhumaines. Nous sommes l
512 us les urbanistes avancés, est arrivé à la fin de sa vie à la conclusion que la ville idéale ne doit pas dépasser 50 000 h
513 t toucher. Parlons-lui de l’histoire naturelle de sa région, de ses coutumes, de ses produits, et montrons-lui progressive
514 lons-lui de l’histoire naturelle de sa région, de ses coutumes, de ses produits, et montrons-lui progressivement comment la
515 toire naturelle de sa région, de ses coutumes, de ses produits, et montrons-lui progressivement comment la région dépend d’
516 e s’incliner, non ? … Denis de Rougemont a choisi sa révolution. Pas de grands chambardements, pas de déclarations fracass
29 1977, Articles divers (1974-1977). Denis de Rougemont : le retour d’un hérétique (3 octobre 1977)
517 ou bien notre mode de développement continue sur sa lancée productiviste et c’est la catastrophe à brève échéance. Ou bie
518 premiers à formuler concerne l’État-nation. Avec sa volonté de puissance et son égoïsme sacré, il serait le grand respons
519 ne l’État-nation. Avec sa volonté de puissance et son égoïsme sacré, il serait le grand responsable de l’apocalypse qui se
520 atique. Or personne ne se décide à intervenir car son administration relève de deux souverainetés nationales. Les frontière
521 c’est, pour l’État, le moyen idéal de parvenir à ses fins ; dès que la patrie est en danger, il n’y a plus ni catholiques,
522 nce, le fortifie puisqu’elle lui permet d’imposer sa loi et son autorité sur une population disciplinée. Toutes les instit
523 rtifie puisqu’elle lui permet d’imposer sa loi et son autorité sur une population disciplinée. Toutes les institutions stat
524 nc non pas par une destruction de l’État mais par sa redistribution. Les régions, les collectivités humaines ou profession
525 aindre. L’Europe des marchands ne se fera pas car son principe repose sur une idée empruntée au marxisme vulgaire, et d’ail
526 omie commande tout. Jean Monnet, quels que soient ses mérites, ne raisonnait pas autrement. En gros, cela voulait dire : si
527 , l’antieuropéanisme devient un article de foi de son nouveau credo. Il alla même jusqu’à écrire une préface fort célèbre p
528 péenne. Le dénoncer, comme ça, en se crispant sur son État-nation, ce n’est pas une façon de le conjurer, au contraire… C’e
529 que Gramsci, dans les années 1920, avait intitulé sa revue Ordine nuovo. De plus, personne ne pouvait alors prévoir que Hi
530 que j’ai pu voir de près l’horreur hitlérienne à ses commencements. Bien sûr, en m’offrant ce poste à Francfort, il s’imag
531 riori, rien de commun. Pourtant… Le premier, avec son obstination géniale, impose à notre civilisation un type de transport
532 la création de l’État d’Israël. Or cet État, par son implantation géographique, provoque des conflits incessants avec les
533 . Même si le but est commun, chacun doit inventer son chemin, car, si l’on prend les routes nationales, on arrive toujoursb
534 ment comme une fédération de groupes ayant chacun ses lois propres. Ce type de contrat exclut, par définition, l’uniformisa
535 de Strasbourg, décrivent les effets dévastateurs. Sa passion devient donc une passion subie, au nom, de laquelle il détrui
536 c Philippe le Bel, qui s’est laissé persuader par ses légistes que « le roi de France est empereur en son royaume ». C’est
537 s légistes que « le roi de France est empereur en son royaume ». C’est pour cela que, lorsque de Gaulle est mort, vous avez
538 Il le dit d’ailleurs dès les premières lignes de ses Mémoires : « De tout temps, la France ne fut pour moi qu’une princess
539 çais pour n’adorer que la France. Pensez encore à sa haine des « barons félons » (qui jouent un si grand rôle dans toutes
540 qui risquaient de s’interposer entre lui-même et sa passion ? Tout cela pour dire que l’État-nation accomplit dans l’ordr
541 Bref, depuis quarante ans, Denis de Rougemont, de sa retraite dorée du bord du lac Léman, prêche dans le désert. On pardon
542 out aux prophètes, sauf d’avoir raison… Il fallut son dernier livre, L’Avenir est notre affaire , paru le mois dernier che
543 soixante-dix ans, est tout étonné de reconnaître sa propre voix dans le chœur indigné de tous ses cadets en colère. » On
544 ître sa propre voix dans le chœur indigné de tous ses cadets en colère. » On précise en notes les commentaires de Rougemont
30 1977, Articles divers (1974-1977). Pierre Desgraupes fait le point avec Denis de Rougemont (10 octobre 1977)
545 susceptible de la retenir ou de la détourner dans sa chute, on sait exactement à quel moment elle touchera le sol… En somm
546 auto avec un carburant dont chaque gramme vaudra son pesant de platine… Alors qu’est-ce qu’on va faire ? Eh bien, personne
547 us, qui affirment le contraire. Qui croire ? » Et sa réponse a été : « C’est très simple, il faut croire ceux qui n’ont ri
548 ns exception, pays du rideau de fer compris, voit sa population stagner et même, parfois, décroître. Alors je dis : « Est-
549 s plus facile. Ce qu’ils poursuivent, chacun dans sa sphère — et même parfois inconsciemment — c’est le mythe de la puissa
550 efitte l’a très bien montré dans Le Mal français. Sa thèse m’aide plus qu’elle ne me contrarie ; car il a très bien montré
551 e, l’homme se voit contraint de choisir librement son avenir, du seul fait qu’il en a pour la première fois la liberté, don
552 a, changer de fins. La fin de l’État-nation étant sa propre puissance, c’est en mettant fin à ce mythe de la puissance qu’
553 0 000 habitants, elle tomberait dans la tyrannie. Son gouvernement, alors, ne pourrait plus être l’affaire des citoyens réu
554 ait plus aucune possibilité matérielle de prendre son destin en main. Il y aurait donc, si je vous entends, une taille à ne
555 e, une maladie, de la Confédération, ce n’est pas son fonctionnement normal. Pour donner de l’actualité à ces propos un peu
556 mondial plus tard. Le règne de l’État-nation dans ses dimensions européennes actuelles me paraît terminé ; ce n’est pas une
557 rgent du beurre. Les Américains disent : « Manger son gâteau et l’avoir encore. » Ils veulent tout à la fois. Ils épousent
31 1977, Articles divers (1974-1977). L’Avenir est votre affaire (11 octobre 1977)
558 7)bs bt J’ai rencontré Denis de Rougemont dans sa maison de Pouilly, tout près de la petite église où saint Bernard de
559 es plus hautes valeurs humaines. S’il adopte dans son livre le ton du prophète, c’est que notre espèce se trouve dans une s
560 cela, pourquoi ne démissionne-t-il pas en donnant ses raisons ? Pourquoi reste-t-il au pouvoir, alors qu’il a pris conscien
561 andes idées que Denis de Rougemont développe dans son livre est précisément que l’homme contemporain, piégé par la techniqu
562 technique et ceux qui en vivent, s’est trompé sur ses vrais besoins. « Il n’y a d’impératifs que de la nature » et nous dev
563 i s’articulera aux « conceptions de l’homme et de son rôle sur la terre qui nous animent en vérité ». Un exemple particuliè
564 omobile. Denis de Rougemont rappelle et cite dans son livre un article qu’il écrivit en 1928 déjà et dont le titre à lui se
565 ndre l’automobile « nécessaire » dans l’esprit de ses compatriotes. Quand on lance une nouvelle technique, un nouveau procé
566 e Concorde, « le mensonge qui va plus vite que le son  », comme il dit, ce somptueux gadget de seize milliards dont les cont
567 nis de Rougemont est également un homme d’espoir. Son très beau livre est tout entier animé par la grande et généreuse idée
568 idément un homme étonnant. Il a fêté l’an dernier son soixante-douzième anniversaire, il est un écrivain de notoriété inter
569 sible : celui qui verra l’homme prendre en charge sa propre destinée, projeter et assumer des finalités qui ne seront plus
32 1977, Articles divers (1974-1977). « Je suis un pessimiste actif » (17 octobre 1977)
570 garde le calme suisse (il est né à Neuchâtel) et son livre qui vient de paraître aux éditions Stock a un beau titre : L’A
571 it Charles de Gaulle et qui publiait La France et son armée. Entre L’Amour et l’Occident qui est une méditation sur le my
572 n trouve dans une tribu africaine. Le marié dit à sa femme : « Je te vois », et réciproquement. Cela veut dire : je te voi
33 1977, Articles divers (1974-1977). « L’avenir, c’est notre affaire ! » (18 octobre 1977)
573 s avancées. Il rappelle à chacun que l’avenir est son affaire, et non celle d’une vague fatalité. Il en appelle à la libert
574 public. Nous en avons parlé avec l’écrivain dans sa demeure de Pouilly, en France : « Le pays dont je préfère me plaindre
575 de la contrainte. Assis près de la cheminée, dans sa pièce de travail, Denis de Rougemont forge prudemment ses phrases, co
576 e de travail, Denis de Rougemont forge prudemment ses phrases, comme on se fraie un chemin dans la forêt. Pas de formules t
577 traînent toujours un renforcement de l’État et de sa police. Il s’est chargé très rapidement de confirmer lui-même ce diag
578 ann et introduits par le chapeau suivant : « Dans son dernier livre, le célèbre essayiste qui, depuis plus de quarante ans,
579 tamment que l’actualité a fini par coïncider avec son combat et lance un cri d’alarme. »
34 1977, Articles divers (1974-1977). La fonction et la structure de la ville future (décembre 1977)
580 0 ans d’âge : de Jéricho à Manhattan et Brasilia, son développement a été celui de la civilisation elle-même. Le Paradis ét
581 re : cela limite le nombre des habitants. Quant à son étendue : le rayon de la cité ne devrait pas excéder la portée de la
582 st de savoir si l’on va repartir de l’homme et de ses besoins fondamentaux, ou continuer à partir de la technique et de ses
583 taux, ou continuer à partir de la technique et de ses « impératifs » allégués par les promoteurs et les ministres dont ils
584 ent : 1. Dans les rues de la polis grecque et sur son agora se formait l’opinion, se discutaient les lois. En toutes provin
35 1977, Articles divers (1974-1977). Demain le soleil (20 décembre 1977)
585 ypse sont des mots épouvantails qu’il plante dans ses pages pour qu’ils effraient la peur et l’éloignent. Quand il affirme
586  ? On ne ferait jamais rien si chacun n’avait pas sa petite utopie. Depuis mon plus jeune âge, je crois à une forme de soc
587 divine ce qui nous échappe. Que peut l’homme sur son destin ? Par sa science et son invention technique, il a en main des
588 us échappe. Que peut l’homme sur son destin ? Par sa science et son invention technique, il a en main des moyens tels qu’i
589 e peut l’homme sur son destin ? Par sa science et son invention technique, il a en main des moyens tels qu’il ne peut plus
590 er. Le désastre était inscrit dans les données de son aventure. Si Hitler revient souvent dans la conversation de Denis de
591 Histoire ont dépassé la Deuxième Guerre mondiale, ses ruines, ses massacres ses exterminations. Si j’ai bien compris la dém
592 dépassé la Deuxième Guerre mondiale, ses ruines, ses massacres ses exterminations. Si j’ai bien compris la démonstration q
593 uxième Guerre mondiale, ses ruines, ses massacres ses exterminations. Si j’ai bien compris la démonstration que m’a faite D
594 t que les Américains n’ont pas tellement envie de ses voitures. Par la force de la publicité, il les persuade qu’ils ne pou
595 roit de parler d’un problème qui est le centre de ses préoccupations. Voilà des années qu’il étudie, lit, compare, interrog
596 dieu des Enfers, dieu aveugle. On s’est servi de son nom pour baptiser le plutonium, ce n’est pas par hasard. Selon la myt
597 ogie, Pluton s’enfouit sous la terre au milieu de ses immenses richesses, il s’ennuie tellement dans ses enfers qu’il voudr
598 es immenses richesses, il s’ennuie tellement dans ses enfers qu’il voudrait tuer le plus grand nombre de gens possible pour
599 branchée sur le monde Déjà nous lui préparons ses cavernes, celles où seront enfouis les déchets radioactifs qui auront
600 é l’humanité. Denis de Rougemont est reparti vers sa Suisse paisible. Il a encore à réfléchir et à chercher. Là-bas, proté
601 et à chercher. Là-bas, protégé par le rempart de ses livres, il pourrait se laisser aller à l’égoïsme de l’intellectuel, m
602 laisser aller à l’égoïsme de l’intellectuel, mais sa conscience reste branchée sur le monde. Ses connaissances, son intell
603 , mais sa conscience reste branchée sur le monde. Ses connaissances, son intelligence, lui permettent de voir plus loin que
604 e reste branchée sur le monde. Ses connaissances, son intelligence, lui permettent de voir plus loin que nous, alors il ave
605 plus loin que nous, alors il avertit des dangers. Son cri est d’espoir et non pas de sauve-qui-peut, puisqu’il dit « l’aven
606 e nos lendemains comme le Petit Prince l’était de sa rose, Noël est proche. C’est le temps des enfants. Pour eux, il faut
36 1977, Articles divers (1974-1977). Écologie, régionalisme, fédéralisme : l’avenir selon Denis de Rougemont (30 décembre 1977)
607 industrielle. Déjà la croissance démographique et son corollaire, la croissance urbaine ont ralenti en Europe, après tout d
608 t être qu’un service public, un point c’est tout. Ses propositions développées en 160 pages partent de l’homme (il fut l’un