1 La personne comme fondement des valeurs européennes (19 septembre 1974)k La première table ronde,

2 , c’est moins encore par le sujet — héritage dans un cas, promesse dans l’autre — que par le climat qui les baigne. La pre

3 se disposaient à faire porter principalement sur une construction économique, dont on croyait qu’elle devait entraîner néc

4 n croyait qu’elle devait entraîner nécessairement des effets politiques (mais c’est l’inverse qui s’est produit). Celle d’a

5 hui veut affronter les premières manifestations d’ une crise mondiale que tous les augures nous annoncent, et voici le parad

6 refusons de les croire, donc d’agir à l’encontre des destins qu’ils ont calculés, alors le pire deviendra sûr. Ils nous su

7 f devant ses grands prophètes !) Pour tout dire d’ un mot : entre la première table ronde et celle d’aujourd’hui, expliquan

8 du club de Rome. Mais ceci dit pour désigner par un symbole la nature des changements survenus dans notre approche du phé

9 s ceci dit pour désigner par un symbole la nature des changements survenus dans notre approche du phénomène européen, recon

10 mitée. La crise mondiale, et la carence politique des Européens s’originent l’une et l’autre dans nos attitudes devant la n

11 itudes devant la nature et l’État, dans l’échelle des valeurs, réglant nos choix concrets, dans les finalités dont ces vale

12 ns. De la première table ronde sont nés, nous dit un document récent émanant du Conseil de l’Europe, « la Convention de co

13 le née de nos œuvres, à nous Européens inventeurs des machines, du DDT et de la bombe atomique, nous avons à trouver commen

14 ues et génétiques auxquels conduit nécessairement une société de Production massive, de Publicité manipulatrice, de Pouvoir

15 it monétaire, un cinquième P, le Plutonium mortel des centrales à fission, venant fermer avec une logique infernale (le nom

16 ortel des centrales à fission, venant fermer avec une logique infernale (le nom l’indique et ce n’est pas un hasard) ce « P

17 gique infernale (le nom l’indique et ce n’est pas un hasard) ce « Pentagone de la Puissance » ou mieux : de l’obsession de

18 rez, je l’espère, dans le débat — aux prises avec une question simple tout au moins dans son énoncé : quelle société rénové

19 ons sur son bureau, le Conseil de l’Europe a fait un acte qui mérite d’être qualifié de politique, au sens du terme le plu

20 u’il désigne comme au temps d’Aristote la gestion des rapports humains dans la cité. Que le Conseil en soit remercié par le

21 ssé, toujours ambiguës, comme on le sait, que sur une espérance active, sur cette « substance des choses espérées » que la

22 e sur une espérance active, sur cette « substance des choses espérées » que la foi seule, par instants, peut saisir et peut

23 ? Et en vue de quelles fins faut-il créer l’union des gens de l’Europe, tels qu’ils sont, ou tels qu’ils peuvent devenir, d

24 qu’ils sont, ou tels qu’ils peuvent devenir, dans une société rénovée ? Selon quelle hiérarchie de valeurs ? Gagée sur quoi

25 simplement provocantes. Nous sommes confrontés à une crise, à des scandales, que tous ressentent, à des désastres calculab

26 rovocantes. Nous sommes confrontés à une crise, à des scandales, que tous ressentent, à des désastres calculables. Nous pen

27 ne crise, à des scandales, que tous ressentent, à des désastres calculables. Nous pensons à partir de là. Et l’on ne peut p

28 e, en général, n’est peut-être que le feed-back d’ une surprise ou d’une blessure, d’une agression subie ou d’un défi. « On

29 st peut-être que le feed-back d’une surprise ou d’ une blessure, d’une agression subie ou d’un défi. « On pense comme on se

30 le feed-back d’une surprise ou d’une blessure, d’ une agression subie ou d’un défi. « On pense comme on se heurte », disait

31 ise ou d’une blessure, d’une agression subie ou d’ un défi. « On pense comme on se heurte », disait Paul Valéry. C’est le s

32 prestige national, qu’il s’agisse de l’épuisement des ressources terrestres non renouvelables, ou de la surpopulation du ti

33 on qui, dans la signalisation routière, annoncent un passage dangereux, quand ce ne sont pas déjà les disques rouge et bla

34 itulerais pour ma part Rapport sur la dégradation des relations humaines et la dissolution des liens communautaires. On y d

35 radation des relations humaines et la dissolution des liens communautaires. On y décrirait le désert surpeuplé de nos ville

36 rpeuplé de nos villes hantées par l’immense foule des solitaires ; l’alignement des esprits, des jugements, des curiosités

37 par l’immense foule des solitaires ; l’alignement des esprits, des jugements, des curiosités mêmes par l’école, la presse e

38 foule des solitaires ; l’alignement des esprits, des jugements, des curiosités mêmes par l’école, la presse et la radio al

39 taires ; l’alignement des esprits, des jugements, des curiosités mêmes par l’école, la presse et la radio alignées, aliénés

40 On décrirait l’abaissement du niveau intellectuel des masses et de la qualité artisanale — la jeunesse qui ne lit plus que

41 lité artisanale — la jeunesse qui ne lit plus que des onomatopées en bulles ; la manipulation des désirs, des besoins et de

42 s que des onomatopées en bulles ; la manipulation des désirs, des besoins et des fantasmes par la Publicité et la Télévisio

43 omatopées en bulles ; la manipulation des désirs, des besoins et des fantasmes par la Publicité et la Télévision ; les rava

44 lles ; la manipulation des désirs, des besoins et des fantasmes par la Publicité et la Télévision ; les ravages de la divis

45 ages de la division du travail qui est en réalité une division de l’homme, comme l’avait annoncé Kropotkine ; la montée uni

46 la délinquance, la démocratisation du terrorisme, des prises d’otages, du chantage à la bombe, naguère privilèges des seuls

47 tages, du chantage à la bombe, naguère privilèges des seuls États ; la montée parallèle d’une sorte d’anorexie civique, d’u

48 rivilèges des seuls États ; la montée parallèle d’ une sorte d’anorexie civique, d’un fatalisme qui devrait inquiéter bien p

49 ontée parallèle d’une sorte d’anorexie civique, d’ un fatalisme qui devrait inquiéter bien plus encore que les prévisions d

50 ucoup plus inquiétant que les vues apocalyptiques des écologistes, quelque chose qui est là déjà, bel et bien là, et qui es

51 bel et bien là, et qui est la Question du siècle, une question pure, béante, qui se posait du temps de ma jeunesse à quelqu

52 ens de ma vie dans cette société qui n’en est pas une , puisqu’elle n’est plus une communauté ? Que vaut son fameux niveau d

53 iété qui n’en est pas une, puisqu’elle n’est plus une communauté ? Que vaut son fameux niveau de vie ? Vers quoi nous condu

54 que cela nous laisse béants sur le néant, laisse des millions de jeunes — et d’autres ! — dans l’angoisse et l’irresponsab

55 e et l’irresponsabilité forcée, livrés au vertige des idéologies sans points d’appui, dans le sentiment que la cité, démesu

56 évader dans la drogue, dans la révolution verbale des minorités vociférantes, ou dans l’imbécillité civique des majorités s

57 rités vociférantes, ou dans l’imbécillité civique des majorités silencieuses. Il est normal que le jeune Européen d’aujourd

58  : il serait anormal qu’on ne lui réponde que par des coups de matraque. Il est normal qu’il juge très sévèrement la sociét

59 é de « fauteur de désordre ». Car le plus profond des désordres, c’est celui qui est au cœur d’une société dont le seul pri

60 fond des désordres, c’est celui qui est au cœur d’ une société dont le seul principe absolu est le profit, calculé en monnai

61 la renverser, cette société, et ils se trompent d’ une manière pathétique, parce qu’on peut renverser des voitures dans la r

62 ne manière pathétique, parce qu’on peut renverser des voitures dans la rue, un dictateur dans son palais, mais on ne peut r

63 ce qu’on peut renverser des voitures dans la rue, un dictateur dans son palais, mais on ne peut renverser ce qui ne tient

64 ’Europe, de ses valeurs et de leurs conflits ; et des guerres aussi, dans lesquelles nous avons entraîné toute la planète.

65 de ses contradictions et de ses impasses, il faut des choix. Il faut savoir ce que l’on est prêt à sacrifier et quelles son

66 ntrent en jeu, dans le concret, les valeurs, dont une mode de naguère avait tenté de décréter l’inexistence. Qu’est-ce qu’

67 it tenté de décréter l’inexistence. Qu’est-ce qu’ une valeur, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’est pas une entité phi

68 r, dans le contexte de notre Crise ? Ce n’est pas une entité philosophique. C’est ce qui nous permet de choisir, ordonne no

69 ion que quelque chose a été faussé dans l’échelle des priorités, que la justice, la santé, la liberté, la qualité de la vie

70 s’il y a conflit de valeurs, c’est qu’il y a donc des valeurs ! Et qui décident ou plutôt nous permettent de décider. Nous

71 permettent de décider. Nous ne prenons conscience des valeurs que lésées. Mais alors, nous n’en doutons plus. Voulons-nous

72 nous le répètent les producteurs (ce qui suppose une production multipliée par 16 384 en un peu moins d’un siècle, utopie

73 i suppose une production multipliée par 16 384 en un peu moins d’un siècle, utopie pure) et cela grâce aux 24 000 centrale

74 roduction multipliée par 16 384 en un peu moins d’ un siècle, utopie pure) et cela grâce aux 24 000 centrales nucléaires né

75 i simples. Mais ils se ramènent dans l’ensemble à un dilemme fondamental entre l’impératif catégorique, qui est moral, et

76 oral, et les impératifs technocratiques, qui sont des questions de gros sous, quand ce n’est pas de puissance militaire. Or

77 rme de justice, décidé qu’il est à ne décrire que des enchaînements nécessaires et qui échappent à toute considération mora

78 tiel absolu, c’est la personne. Or la personne a une histoire, comme bien d’autres structures que l’on croirait intemporel

79 e notion de la personne s’est constituée au cours des grands conciles œcuméniques de Nicée en 325, à Chalcédoine en 451, ép

80 de l’Empire romain et tente de formuler à l’aide des catégories de la pensée grecque une révélation venue de la Judée. Le

81 uler à l’aide des catégories de la pensée grecque une révélation venue de la Judée. Le problème majeur des conciles est cel

82 révélation venue de la Judée. Le problème majeur des conciles est celui de la Trinité : comment définir et distinguer en u

83 de la Trinité : comment définir et distinguer en un seul Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, c’est-à-dire les troi

84 sans sacrifier ni l’unité divine ni la diversité des fonctions ? Les Grecs avaient constitué la notion d’identité individu

85 la cité, après avoir désigné le masque porté par un acteur et caractérisant son rôle dans l’action. Pour définir les troi

86 é le premier modèle permettant de penser ensemble des réalités antinomiques, qui s’excluent en logique mais coexistent en f

87 odoxie chrétienne, c’est-à-dire la coexistence en une Personne de deux natures antinomiques, sans confusion, sans séparatio

88 onfusion, sans séparation, sans réduction de l’un des termes ni subordination de l’un à l’autre, le dogme de l’incarnation

89 qui anime les œuvres de Goethe, de William Blake, des philosophes du romantisme allemand, de Kierkegaard ou de Proudhon, et

90 xistence en perpétuelle interaction de l’union et des petites communautés, de l’unité globale et des autonomies locales — c

91 et des petites communautés, de l’unité globale et des autonomies locales — cette pensée en tension qui est vraiment l’idée

92 omme, étant fait à l’image de Dieu, est lui aussi une personne ; puis par Boèce, philosophe non chrétien, qui traduit en te

93 ent l’homme » comme dit Pascal : le transcendant. Une nature investie par une vocation, une notion de l’homme qui implique

94 Pascal : le transcendant. Une nature investie par une vocation, une notion de l’homme qui implique la transcendance de l’ho

95 anscendant. Une nature investie par une vocation, une notion de l’homme qui implique la transcendance de l’homme par rappor

96 à cette formule. Elle est devenue autre chose qu’ un modèle, qu’une structure. Aux notions grecques d’individu, d’autonomi

97 le. Elle est devenue autre chose qu’un modèle, qu’ une structure. Aux notions grecques d’individu, d’autonomie, et d’homme m

98 , qu’est-ce donc que la personne ? Il semble qu’à une telle question je ne pourrais répondre que pour moi, et pourtant j’os

99 ils. Chacun de nous est donc le point de départ d’ un chemin particulier vers le But qui l’appelle, qu’il le nomme Dieu, ou

100 dont Saint-Paul dit qu’elle est « ferme assurance des choses qu’on ne voit pas ». Le chemin qui se crée sous les pas qui le

101 qu’on marche vers lui, pas autrement. Il s’agit d’ une activité jamais achevée et qui sans fin cherche sa fin, et qui la rec

102 e sa fin, et qui la reconnaît lorsqu’elle éprouve un sentiment de convenance entre ses démarches et cette fin. Je conçois

103 e identité, de toute personne. Or, ce n’est là qu’ une métaphore. Ce qui peut provoquer la mort de l’homme, c’est la mort d’

104 eut provoquer la mort de l’homme, c’est la mort d’ une nature tuée par l’homme, et qui nécessairement entraînerait dans sa p

105 personne, je n’y suis pas », c’est qu’on prépare un mauvais coup, ou qu’on tente d’échapper à certaines responsabilités e

106 cienne ? Ceux qui prétendent que l’homme n’est qu’ une illusion, que le sujet n’existe pas, même dans le discours, que le la

107 arle à travers nous, — comment peuvent-ils signer des manifestes contre l’aliénation… de quoi ? Contre l’exploitation de l’

108 omme, disent-ils. Mais ce serait l’exploitation d’ une illusion par une inexistence, à les en croire ? Comment peuvent-ils s

109 Mais ce serait l’exploitation d’une illusion par une inexistence, à les en croire ? Comment peuvent-ils signer, tout simpl

110 anche, dénonçant en termes hégéliens l’aliénation des travailleurs, témoignait en faveur de la personne, et en son nom. L’a

111 s le mot — c’est-à-dire le manipuler, lui imposer un comportement qui même très bénéfique, très bien payé, ne lui serait p

112 r sur autrui, il est fatal que l’État s’en empare un jour ou l’autre. Car l’État réclame en effet la totalité des allégean

113 l’autre. Car l’État réclame en effet la totalité des allégeances, et ne peut tolérer que des pouvoirs collectifs soient dé

114 totalité des allégeances, et ne peut tolérer que des pouvoirs collectifs soient détenus par des particuliers : qu’on se ra

115 er que des pouvoirs collectifs soient détenus par des particuliers : qu’on se rappelle la lutte des rois contre les féodaux

116 par des particuliers : qu’on se rappelle la lutte des rois contre les féodaux, des États modernes contre les pouvoirs locau

117 se rappelle la lutte des rois contre les féodaux, des États modernes contre les pouvoirs locaux, et de l’école primaire con

118 ais, par l’État, par la mode ou la publicité, par un laboratoire manipulant les gènes et capable de provoquer des changeme

119 oire manipulant les gènes et capable de provoquer des changements de personnalité « à la demande », c’est-à-dire selon les

120 Ouest capitaliste, mais de nous tous, habitants d’ une cité en ruines morales, même « rénovées plastique »l. La richesse, à

121 que »l. La richesse, à ce banc d’essai, se révèle une fausse valeur : elle procure le pouvoir sur autrui, non sur soi-même

122 e fausse valeur, évalué à ce test de la personne. Une petite phrase de Simone Weil, géniale dans sa simplicité, dit là-dess

123 se révèlent à leur tour valeurs fausses et même d’ un ridicule moliéresque. Elles ne sont, trop évidemment, que les alibis,

124 , que les alibis, soit de la volonté de puissance des États et de leurs grandes agences techniques, soit du profit privé de

125 grandes agences techniques, soit du profit privé des sociétés, soit encore, en dernière analyse, de notre propre choix mat

126 liste. Lequel trahit peut-être, en fin de compte, un désir inavoué, tout inconscient, de substituer dans le cadre de notre

127 e de l’antivaleur, s’il n’est que l’accroissement des pouvoirs matériels, qui conduisent à la guerre, aux crises économique

128 la guerre, aux crises économiques, au gaspillage des ressources terrestres ; s’il n’est pas un progrès spirituel, une aven

129 illage des ressources terrestres ; s’il n’est pas un progrès spirituel, une aventure de la liberté, un accroissement du po

130 terrestres ; s’il n’est pas un progrès spirituel, une aventure de la liberté, un accroissement du pouvoir sur soi-même, mai

131 un progrès spirituel, une aventure de la liberté, un accroissement du pouvoir sur soi-même, mais seulement la croissance i

132 ssance dont on a remarqué que le rythme est celui des cellules cancéreuses. En revanche, l’amour est une valeur fondamental

133 es cellules cancéreuses. En revanche, l’amour est une valeur fondamentale, qui ne saurait être niée ou contestée que par de

134 le, qui ne saurait être niée ou contestée que par des infirmes de l’âme ou des débiles du spirituel, tous gens de pouvoir f

135 iée ou contestée que par des infirmes de l’âme ou des débiles du spirituel, tous gens de pouvoir faible ou nul sur soi-même

136 e soi-même, et cela fonde la communauté ! Non sur un sentiment, mais sur un acte ! Sur l’amour qui agit, l’amour qui aide,

137 de la communauté ! Non sur un sentiment, mais sur un acte ! Sur l’amour qui agit, l’amour qui aide, et non pas sur cette c

138 radio. Car aimer son prochain comme soi-même est un commandement de la Bible. Puisque les sentiments ne se commandent pas

139 e cela nous est commandé, ne saurait donc être qu’ un acte : le prochain est celui que je puis aider en fait. Mais la notio

140 ndant dans la personne, si bien qu’il peut relier des hommes de toute la terre, la vie communautaire concrète est proximist

141 peut-être se réaliser. Pas de liberté réelle pour un irresponsable : or il faut bien reconnaître que la cité moderne tend

142 tre que la cité moderne tend à faire de nous tous des irresponsables, et que les dimensions mêmes de nos États-nations et d

143 civisme. Participation et civisme ne reprendront un sens concret que dans les petites unités, municipales et régionales,

144 dit souvent mon scepticisme à l’égard de l’Europe des États, que j’ai nommée une « amicale des misanthropes » — quelque cho

145 à l’égard de l’Europe des États, que j’ai nommée une « amicale des misanthropes » — quelque chose qu’on peut dire mais non

146 l’Europe des États, que j’ai nommée une « amicale des misanthropes » — quelque chose qu’on peut dire mais non pas faire. L’

147 e sauraient être unis par l’imposition uniforme d’ un même corpus de lois et de règlements de police, mais au contraire, c’

148 soin de les transvaluer, nous avons vu se dégager une morale de la vocation, et nous voyons maintenant se constituer les él

149 us voyons maintenant se constituer les éléments d’ une politique communautaire. Morale et politique, soulignons-le, qui se d

150 rler de l’Europe, de son union, et de la création des régions qui rendra seule possible cette union. Tout le problème polit

151 moraux, cela signifie : voulons-nous à tout prix un certain niveau de vie, avec les disciplines sociales uniformes et dép

152 e construire jour après jour notre personne comme une œuvre d’art ? En termes d’organisation pratique et politique, cela si

153 tion pratique et politique, cela signifie : créer des régions et les fédérer, avec tout ce que cela implique d’autogestion

154 les étages, d’aventure personnelle à courir dans une communauté retrouvée. Voilà le but. L’atteindrons-nous ? J’ai toujour

155 Rougemont Denis de, « La personne comme fondement des valeurs européennes », Actes de la deuxième table ronde du Conseil de

156 nne) telle que je l’ai publiée dans le Journal d’ une époque, p. 93 et 94 : Chez Charles Du Bos à Versailles, j’avais renc

157 ez Charles Du Bos à Versailles, j’avais rencontré un personnage d’aspect massif, courtois et souriant, dont l’accent russe

158 ueur doctrinale et révolutionnaire ». Il me remit un manifeste de deux pages dont cette phrase me frappa, tapée en majuscu

159 oteau, pendant les journées d’Octobre. (Pris dans une rafle, des tracts plein les poches, on le pousse dans une file de pri

160 ant les journées d’Octobre. (Pris dans une rafle, des tracts plein les poches, on le pousse dans une file de prisonniers ve

161 e, des tracts plein les poches, on le pousse dans une file de prisonniers vers le lieu de l’exécution. Un officier de polic

162 file de prisonniers vers le lieu de l’exécution. Un officier de police inspecte la colonne : « Quel âge as-tu, toi ? » —

163 L’officier le considère avec curiosité et tout d’ un coup : « Tu as de la chance, c’est l’âge de mon fils ! Tiens, voilà t

164 e mon fils ! Tiens, voilà tout ce que tu mérites [ un grand coup de pied] et fiche-moi le camp ! ») Sa famille avait fui en

165 il devenait catholique, et signait Alexandre Marc des articles d’un ton violent qui paraissaient dans la revue Plans, où il

166 holique, et signait Alexandre Marc des articles d’ un ton violent qui paraissaient dans la revue Plans, où il m’introduisit

167 — le nom même du personnalisme et les rudiments d’ une doctrine que ma récente découverte de la théologie barthienne me prép

168 ologie barthienne me préparait à accueillir comme une expression adéquate de mes certitudes naissantes. Et c’est aussi par

169 i allait inspirer le groupe de L’Ordre nouveau . Une pléiade de petits foyers se met à scintiller sur le tableau de bord d

170 yers se met à scintiller sur le tableau de bord d’ une génération qui démarre. On voit que le faible élément d’incertitude

171 sa revue Plans, à laquelle je collabore en 1931. Une seule chose sûre et certaine dans tout cela : c’est Alexandre Marc qu

172 pes naissants et leurs animateurs, et cela durant une période que je puis facilement délimiter par deux repères personnels.

173 munistes comme Henri Lefebvre et Paul Nizan, et d’ un représentant de la Jeune droite, Thierry Maulnier. Ce « front commun 

174 mmun » ne durera pas au-delà de ma « présentation des jeunes groupes révolutionnaires ». Il n’importe : une génération s’es

175 jeunes groupes révolutionnaires ». Il n’importe : une génération s’est déclarée, et quels que soient les conflits qui l’ani

176 iment, elle a reconnu les éléments fondamentaux d’ une « cause commune » dans sa double opposition aux fascismes montants et

177 ture en soi, de les dépasser ou transcender par «  un acte de présence à la misère du siècle, une présence enfin qui soit u

178 par « un acte de présence à la misère du siècle, une présence enfin qui soit un acte », ainsi que je l’écrirai un an plus

179 la misère du siècle, une présence enfin qui soit un acte », ainsi que je l’écrirai un an plus tard — et c’est, je crois,

180 enfin qui soit un acte », ainsi que je l’écrirai un an plus tard — et c’est, je crois, la première expression de l’engage

181 e départ et le champ de notre dialogue. Sortant d’ un bain de romantisme allemand, lu et vécu, à Vienne, à Budapest, au lac

182 ujourd’hui, mais sentant la nécessité de me faire une morale personnelle, dont j’allais chercher le modèle dans la biograph

183 al et de Rimbaud, tout me portait à déboucher sur une action, fût-elle spirituelle d’abord, au-delà de la littérature. Alex

184 se romande, qui me traitaient de communiste, et à des manifestations de rue en faveur de Sacco et Vanzetti.) Mon premier ar

185 eoise ou stalinienne d’ailleurs, j’inclinais vers un anarchisme fort dépourvu de prolongements concrets… Les formules du

186 ale. Pour l’apparence et le comportement, je l’ai un peu décrit plus haut. J’ajouterai à ces quelques traits : qu’il porta

187 ces quelques traits : qu’il portait à Versailles des guêtres blanches, ce qui était banal à l’époque pour peu qu’on survei

188 it haut et fort, par éclats brusques, ou laissait un sourire un peu lointain plisser ses yeux, il n’en donnait pas moins u

189 fort, par éclats brusques, ou laissait un sourire un peu lointain plisser ses yeux, il n’en donnait pas moins une impressi

190 ntain plisser ses yeux, il n’en donnait pas moins une impression de sérieux profond et de maturité sans âge, due sans doute

191 ux-fuyants, transmuées en lucidité et nourrissant une volonté aussi tenace que dénuée d’illusions romantiques. Au demeurant

192 que dénuée d’illusions romantiques. Au demeurant, des mieux armé pour les luttes politiques et intellectuelles où notre gén

193 ’Université allemande avant de terminer en France des études de droit et Sciences Po, il nous apportait à la fois ses conna

194 , mais aussi pour Lénine, celui de Que faire ? et des « minorités agissantes ». « Sans théorie révolutionnaire, pas d’actio

195 couvrir sa constante préoccupation de la tactique des petits groupes subversifs, alternant la rigueur doctrinale dans les «

196 rrière tout cela, avant tout cela, motivant tout, une recherche de l’homme et de ses fins dernières, qui « passent infinime

197 ment à la tactique léniniste — par la formation d’ un petit groupe à fortes tensions intérieures, qui se nomma le Club du M

198 eusement, par Nathan Soederblom, primat de Suède. Un secrétariat modeste, à Genève, s’efforçait d’entretenir un dialogue «

199 ariat modeste, à Genève, s’efforçait d’entretenir un dialogue « préalable » au niveau des gouvernements ecclésiastiques, e

200 d’entretenir un dialogue « préalable » au niveau des gouvernements ecclésiastiques, et la masse des fidèles ignorait tout.

201 au des gouvernements ecclésiastiques, et la masse des fidèles ignorait tout. Le groupe de discussion réuni par Marc se plac

202 ssion réuni par Marc se place d’entrée de jeu sur un tout autre plan : celui des croyants, non des hiérarchies, des person

203 ce d’entrée de jeu sur un tout autre plan : celui des croyants, non des hiérarchies, des personnes, non des institutions, d

204 sur un tout autre plan : celui des croyants, non des hiérarchies, des personnes, non des institutions, des réalités spirit

205 e plan : celui des croyants, non des hiérarchies, des personnes, non des institutions, des réalités spirituelles vécues, no

206 croyants, non des hiérarchies, des personnes, non des institutions, des réalités spirituelles vécues, non des formulations

207 hiérarchies, des personnes, non des institutions, des réalités spirituelles vécues, non des formulations diplomatiques. Au

208 stitutions, des réalités spirituelles vécues, non des formulations diplomatiques. Au surplus, l’entreprise est par nature p

209 t de chercher sinon l’union, du moins les voies d’ une convergence, non point dans les compromis dogmatiques ni dans une tol

210 non point dans les compromis dogmatiques ni dans une tolérance émue, mais à partir des divergences les plus strictement fo

211 atiques ni dans une tolérance émue, mais à partir des divergences les plus strictement formulées. Or c’est cela, justement,

212 lub du Moulin-Vert (qui se réunissait au-dessus d’ un café de la rue du même nom) comportait une section de discussions rel

213 essus d’un café de la rue du même nom) comportait une section de discussions religieuses et une section de recherches polit

214 portait une section de discussions religieuses et une section de recherches politiques. Je n’ai souvenir que de la première

215 Je n’ai souvenir que de la première. Nous étions une trentaine dans une salle nue qui me rappelait mes salles d’écoles pri

216 ue de la première. Nous étions une trentaine dans une salle nue qui me rappelait mes salles d’écoles primaires. Il y avait

217 lait mes salles d’écoles primaires. Il y avait là des orthodoxes, Nicolas Berdiaev et le Père Boulgakov, le Père Gillet (an

218 ntre Kowalewski, qui deviendra plus tard évêque ; des protestants comme les pasteurs Pierre Maury, Westphal, Dominicé, et R

219 l, Dominicé, et Roland de Pury, encore étudiant ; une ou deux fois, W. Visser ’t Hooft, secrétaire général du « Conseil œcu

220 t que c’est par l’action de la base, non plus par des négociations au sommet que le mouvement progresse désormais ; que de

221 ouer le dialogue et de s’entendre que les tenants des libéralismes, des modernismes et des laxismes de toute espèce. (Cela

222 t de s’entendre que les tenants des libéralismes, des modernismes et des laxismes de toute espèce. (Cela devait changer, bi

223 les tenants des libéralismes, des modernismes et des laxismes de toute espèce. (Cela devait changer, bien entendu, vingt a

224 pour hérésie…) ⁂ Il est probable que Mounier vint un beau soir au Club du Moulin-Vert ; il est certain que nous nous somme

225 32 où il tentait, avec Philippe Lamour, de fonder une internationale des jeunesses en rupture de partis, rupture de chauvin

226 vec Philippe Lamour, de fonder une internationale des jeunesses en rupture de partis, rupture de chauvinismes, rupture de m

227 us tard l’Orchestre rouge et mourra sous la hache des nazis.) La rencontre d’Arnaud Dandieu et de Mounier, également provoq

228 numéro d’ Esprit vient de paraître. Il contient des articles de Marc et de moi. C’est dire que depuis plusieurs mois, nou

229 est l’enfant de Mounier. Quel que soit le nombre des articles que Marc, Dandieu, Aron, Dupuis, Prévost ou moi avons pu lui

230 tzschéisme antichrétien qui anime alors plusieurs des dirigeants de l’Ordre nouveau. Sur ces bases mouvantes, et malgré ces

231 urs déclarées, on vient de le voir — va s’engager une collaboration durable : de 1932 à 1940, nonobstant plusieurs brouille

232 et ne cesserai d’y collaborer jusqu’à la guerre. Une page du carnet intime tenu par Mounier fin 1932 me paraît bien révéla

233 u par Mounier fin 1932 me paraît bien révélatrice des causes du conflit tour à tour déclaré ou latent qui ne cessa d’oppose

234 aucoup déplu, non seulement par l’allure sommaire des articles venant de L’Ordre nouveau , mais aussi parce que l’idée de

235 laboration (il est bien vrai que nous nous sommes un peu laissé entraîner).2 Quels sont ces articles « venant de l’ON »

236 Jean-Pierre Cartier (c’était moi) sur le procès d’ un objecteur de conscience, et deux chroniques : « Le fédéralisme révolu

237 utionnaire », par R. Dupuis et A. Marc, et « Vers un ordre nouveau », par A. Marc. À coup sûr, ces trois textes sont les p

238 a révolution. » Au numéro 4, Alexandre Marc donne une importante étude sur « Le prolétariat », où l’on peut lire que « la d

239 ire que « la distribution planée sera assurée par un service social obligatoire. Par la participation de chacun aux nécess

240 sormais en tête de chaque article fourni par l’un des membres de l’ON. Elles confirment que l’apport du groupe, d’abord rep

241 q reprises l’intervention de Marc a seule prévenu une rupture, décidée de part ou d’autre, sur une question de doctrine ou

242 venu une rupture, décidée de part ou d’autre, sur une question de doctrine ou sur une saute d’humeur. Et je fus certes le p

243 t ou d’autre, sur une question de doctrine ou sur une saute d’humeur. Et je fus certes le premier à l’appuyer, comme je fus

244 s grèves (où l’ON prend parti pour l’occupation des usines, niant, contre Léon Blum, leur « illégalité ») et du Précis Or

245 e nouveau … Le mouvement s’oriente nettement vers un fascisme antiouvrier et une technocratie petite-bourgeois (sic) que n

246 oriente nettement vers un fascisme antiouvrier et une technocratie petite-bourgeois (sic) que nous ne pouvons admettre.3

247 pas sans tristesse que je transcris ces phrases d’ une injustice proprement aberrante4. À distance, j’en viens à penser que

248 e Mounier sur l’ON ne saurait s’expliquer que par une réaction de surcompensation à la première, que j’ai citée plus haut (

249 ’inquiète (il a pu craindre, en 1936 précisément, une condamnation d’Esprit en Cour de Rome), quand il écrit à Berdiaev, qu

250 rit est la seule revue « dirigée et rédigée pour une importante part par des catholiques » face aux « trois autres grandes

251 « dirigée et rédigée pour une importante part par des catholiques » face aux « trois autres grandes revues qui sont de dire

252 doute aux longs entretiens quotidiens avec chacun des membres du groupe que l’ON dut sa cohésion de 1930 la guerre. Car jam

253 uerre. Car jamais unité ne fut achevée à partir d’ une plus radicale diversité. Nous étions huit à diriger L’Ordre nouveau

254 s qui ait lu tout Marx et tout Proudhon. Auteur d’ une étude profondément originale sur la métaphore chez Marcel Proust, il

255 , il poursuivait avec le docteur Eugène Minkowski des recherches psycholinguistiques qu’on eût appelées plus tard structura

256 signer avec Robert Aron La Révolution nécessaire, un des rares livres de ce siècle qui renouvelle la pensée politique6. Bi

257 ner avec Robert Aron La Révolution nécessaire, un des rares livres de ce siècle qui renouvelle la pensée politique6. Biblio

258 Georges Bataille et Henry Corbin, ses collègues, un trio d’une extrême densité intellectuelle et spirituelle. Robert Aron

259 ataille et Henry Corbin, ses collègues, un trio d’ une extrême densité intellectuelle et spirituelle. Robert Aron avait trav

260 deux personnalités complémentaires fera la force des trois volumes qu’ils écrivent ensemble de 1932 à 1933. Daniel-Rops, p

261 à 1933. Daniel-Rops, professeur agrégé, commence une carrière littéraire, qu’il abandonnera plus tard pour sa fameuse Hist

262 culer.) Claude Chevalley, mathématicien, est l’un des fondateurs du célèbre groupe « Bourbaki » ; il suit de près les trava

263 n-Français du groupe, je dirige les collections d’ une petite maison d’édition protestante, dont je suis censé vivre, tout e

264 igieux, qui est capital, en dépit de ce que pense un vain peuple d’intellectuels parisiens, voici l’état du groupe ON en 1

265 que, en 1933. La résultante de ces diversités est une neutralité religieuse totale pour l’ensemble du groupe ON, tandis que

266 s, il est intéressant de savoir que nous formions un groupe étonnamment compact, à tel point qu’on ne sait pas quel fut l’

267 eaucoup d’articles sont signés de deux noms, ou d’ un nom et d’un pseudonyme, en sorte que la propriété d’une idée, d’un co

268 ticles sont signés de deux noms, ou d’un nom et d’ un pseudonyme, en sorte que la propriété d’une idée, d’un concept ou d’u

269 m et d’un pseudonyme, en sorte que la propriété d’ une idée, d’un concept ou d’un slogan ne fasse l’objet d’aucune contestat

270 eudonyme, en sorte que la propriété d’une idée, d’ un concept ou d’un slogan ne fasse l’objet d’aucune contestation stérile

271 te que la propriété d’une idée, d’un concept ou d’ un slogan ne fasse l’objet d’aucune contestation stérile. Toute notre do

272 tre, mais russe assurément. Je donnerai l’exemple des titres. En avril 1936, paraît la brochure ON intitulée Mission ou d

273 . En novembre, Alexandre Marc met en épigraphe à un article de L’ON cette phrase de moi : « Une politique à hauteur d’h

274 he à un article de L’ON cette phrase de moi : «  Une politique à hauteur d’homme », et en 1948 paraît son livre intitulé À

275 t, ou se moquait simplement. Mais nous savions qu’ une société et ses mesures sont affaire de personnes, donc de coopération

276 le faire depuis quelques jours — ce qui me reste des numéros de L’Ordre nouveau , de 1933 à 1938, et de la collection d’

277 ormulés et souvent développés en premier lieu par un homme : Alexandre Marc. Anticipant sur la postérité pour honorer Marc

278 e du Droit, est probablement le thème fondamental des écrits d’Alexandre Marc. La revue de L’ON se refusera systématiquemen

279 N se refusera systématiquement à écrire état avec une majuscule : manière concrète de rappeler au lecteur que l’État n’est

280 affectivité, la nation représente au contraire «  une communauté de culture », une réalité spirituelle, élective et non nat

281 sente au contraire « une communauté de culture », une réalité spirituelle, élective et non native. Elle est le fait de « pe

282 su trouver en elles-mêmes la force de se libérer des particularismes locaux et sentimentaux ». C’est à l’échelle de la c

283 e pas seulement les rapports entre les citoyens d’ un même pays : elle transforme aussi les différences nationales spécifiq

284 nales économiques ou belliqueuses. Il n’existe qu’ une forme de « rapprochement » véritable et effectif entre états-nations,

285 c, durant toutes les années de lutte pour imposer une vision personnaliste de la société, est celle-ci : la source du droit

286 n’est pas l’état, mais la Personne. (Notez le jeu des majuscules.) Partant d’une analyse critique et sympathique de Maurice

287 ersonne. (Notez le jeu des majuscules.) Partant d’ une analyse critique et sympathique de Maurice Hauriou et de G. Gurvitch,

288 tch, Marc conclut avec Léon Duguit « qu’il existe une règle de droit antérieure et supérieure à l’état, et qui s’impose à l

289 s numéros 20, 22-23, 29 et 31 de L’ON apportent une contribution inégalée non seulement à la doctrine personnaliste, mais

290 fie-t-il pas surtout dans la mesure où il fournit un tremplin d’où s’élanceront les conquêtes et les créations spirituelle

291 ultime dans le fait de libérer l’homme (création des automatismes, économie de l’énergie, accumulation des richesses…) et

292 automatismes, économie de l’énergie, accumulation des richesses…) et de la rendre ainsi disponible en vue d’autres combats

293 e apparaît comme l’expression la plus conséquente des erreurs contemporaines : c’est leur commun dénominateur. L’URSS du ca

294 e… Le possédant est celui qui marque, que ce soit un objet, une terre, ou le cœur d’un être. Ni l’état, ni même la commune

295 édant est celui qui marque, que ce soit un objet, une terre, ou le cœur d’un être. Ni l’état, ni même la commune ne pourron

296 ue, que ce soit un objet, une terre, ou le cœur d’ un être. Ni l’état, ni même la commune ne pourront rien posséder en tant

297 ation de l’homme et par son attitude. Là-dessus, une page (en collaboration avec Claude Chevalley) où l’on trouvera déjà l

298 uère que l’adjectif) : Tout homme est placé dans une certaine situation : c’est ce que les idéalistes sont toujours tentés

299 it pur n’existent que dans l’imagination déréglée des libéraux ; un être de chair et de sang n’est pas seulement « lui-même

300 nt que dans l’imagination déréglée des libéraux ; un être de chair et de sang n’est pas seulement « lui-même », il « est »

301 tait que sa situation, celle-ci serait à son tour un pur possible, et non une réalité. Une situation n’est réelle, en effe

302 elle-ci serait à son tour un pur possible, et non une réalité. Une situation n’est réelle, en effet, que dans la mesure où

303 t à son tour un pur possible, et non une réalité. Une situation n’est réelle, en effet, que dans la mesure où elle est une,

304 réelle, en effet, que dans la mesure où elle est une , c’est-à-dire dans la mesure où la diversité des éléments (dont seul

305 une, c’est-à-dire dans la mesure où la diversité des éléments (dont seul un abus de langage permet de parler comme s’ils é

306 la mesure où la diversité des éléments (dont seul un abus de langage permet de parler comme s’ils étaient préexistants) se

307 ils étaient préexistants) se rattache à l’unité d’ une perspective. Or, cette perspective n’existe que parce que l’homme est

308 ont la situation ne peut être que la résultante d’ un concours de circonstances extrinsèques (que l’animal ne peut que subi

309 peut que subir), ou bien encore que le résultat d’ une élimination purement utilitaire de la diversité (en liaison avec les

310 limination de la contrainte, conçue non pas comme une garantie de l’exécution du « plan », mais comme la forme même de la v

311 la forme même de la vie économique, c’est dire qu’ une véritable économie « planée » exclut à priori l’étatisme. Pour que ce

312 e cette élimination de la contrainte soit non pas un « vœu », mais une réalité dynamique et progressive, il faut qu’un éve

313 on de la contrainte soit non pas un « vœu », mais une réalité dynamique et progressive, il faut qu’un éventuel « plan » éco

314 une réalité dynamique et progressive, il faut qu’ un éventuel « plan » économique fasse appel aux ressorts humains de l’éc

315 cette admirable citation : Toute force suppose une direction ; à qui la direction du pouvoir social ? À tout le monde, c

316 on caractère monstrueux) manifeste la persistance des conflits, refoulés mais non supprimés. (ON 38) L’État-nation, trop

317 ford et de… moi-même. Marc nous a tous précédés d’ une trentaine d’années sur ce point.) Régions. C’est la patrie concrèt

318 nt l’élan révolutionnaire, la région doit jouir d’ une indépendance absolue… Tous les mouvements régionalistes qui n’adhèren

319 Frontières. Dans l’article intitulé « La folie des frontières », qu’il publie le 15 juin 1934, sous le nom de Michel Gla

320 ation avec Cl. Chevalley, Marc donne l’esquisse d’ une recherche future sur les frontières différenciées selon leurs fonctio

321 reprendre aujourd’hui en relation avec ma théorie des régions fonctionnelles. Les deux passages que je vais citer (non sans

322 tique la plus actuelle : Il semble probable — et une « théorie » ultérieure devra tenir compte de ce point — que les limit

323 de ce point — que les limites territoriales, dans une société Ordre nouveau, signifieront une « possibilité » offerte à tou

324 les, dans une société Ordre nouveau, signifieront une « possibilité » offerte à tout le monde… Offerte, non imposée. Il fau

325 tive de notre communalisme intégral… L’existence des frontières se justifie, tout d’abord, par le fait que, grâce à leur s

326 d’abord, par le fait que, grâce à leur stabilité, un minimum d’ordre matériel peut être assuré régulièrement (fonction adm

327 tre assuré régulièrement (fonction administrative des frontières ; limites des communes…) ; elle se justifie ensuite en dél

328 (fonction administrative des frontières ; limites des communes…) ; elle se justifie ensuite en délimitant une base stable e

329 mmunes…) ; elle se justifie ensuite en délimitant une base stable et solide aux édifices superposés, d’essence spirituelle

330 erposés, d’essence spirituelle (fonction complexe des frontières ; limites des « patries » et des « nations »…) ; mais elle

331 uelle (fonction complexe des frontières ; limites des « patries » et des « nations »…) ; mais elle se justifie surtout dans

332 plexe des frontières ; limites des « patries » et des « nations »…) ; mais elle se justifie surtout dans la mesure où les f

333 surtout dans la mesure où les frontières forment un tremplin d’où s’élanceront les conquêtes et les créations spirituelle

334 es nouvelles (fonction proprement révolutionnaire des frontières ; limites de la fédération Ordre nouveau). ( L’ON 12)

335 er l’État-nation. Enfin, voici en quelques lignes un condensé de ce qui sera, dans les années septante, le programme des f

336 qui sera, dans les années septante, le programme des fédéralistes européens : La révolution [sous-entendu : personnaliste

337 ation révolutionnaire de l’autre, issue de l’élan des personnes considérées comme supérieures à tout. (Cahier de revendicat

338 alisme intégral, expression politique de « l’élan des personnes considérées comme supérieures à tout ». On peut concevoir l

339 qui fut la sienne dans ses plus hauts moments, et des menaces de colonisation qui pèsent aujourd’hui sur nos peuples, à l’O

340 ’Ouest comme à l’Est. Mais on peut aussi partir d’ une conception de l’homme et de sa vocation personnelle, d’une attitude d

341 ption de l’homme et de sa vocation personnelle, d’ une attitude de l’homme qui assume et transforme en création le conflit p

342 conflit qui l’incite à créer de proche en proche des relations sociales et des communautés, des cités, puis leurs fédérati

343 éer de proche en proche des relations sociales et des communautés, des cités, puis leurs fédérations : et c’est en route ve

344 proche des relations sociales et des communautés, des cités, puis leurs fédérations : et c’est en route vers l’universel qu

345 l’Europe apparaît inévitablement, non point comme une fin en soi, mais comme un moment dialectique — à vrai dire décisif du

346 ement, non point comme une fin en soi, mais comme un moment dialectique — à vrai dire décisif du « dynamisme libérateur de

347 u texte capital cité plus haut9, qui concluait qu’ une situation n’a de sens humain qu’en fonction de l’attitude de l’homme.

348 de l’homme. Je conclus pour ma part que s’il y a un avenir, et qu’il demeure ou redevienne européen, la pensée d’Alexandr

349 reste, Robert Aron vient de publier dans Esprit un important article sur les positions de l’ON, et Jean Lacroix loue son

350 ques à Esprit en 1936. Tant de tolérance envers des « fascistes antiouvriers » dépasse la mesure. Mais en juillet 1939, M

351 mesure. Mais en juillet 1939, Mounier définissait une « jeune gauche » formée d’ Esprit , de la Troisième Force et de L’Or

352 J. Lacroix écrit de ce livre : « C’est décidément un maître ouvrage, à placer sur le même rayon que le Capital de Marx et

353 Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées (1974)m Deux téléphones Octo

354 re 1930 Je viens de passer ma licence. On m’offre un poste de professeur en Chine, mais c’est à Paris que se passe « la vr

355 c’est à Paris que se passe « la vraie vie » pour un écrivain. L’ennui, c’est que je n’y connais personne qui touche de pr

356 à la vie littéraire et à l’édition. Seul espoir : un miracle, autrement dit une chance que rien ne permet de prévoir. Cet

357 ’édition. Seul espoir : un miracle, autrement dit une chance que rien ne permet de prévoir. Cet après-midi-là, j’ai flâné d

358 librairie Delachaux, « tour de ville », et tout d’ un coup, vers cinq heures, la certitude qu’il faut rentrer chez moi dare

359  Dépêche-toi, téléphone de Paris ! » On m’offrait un job de directeur littéraire d’une maison d’éditions protestantes en f

360 ! » On m’offrait un job de directeur littéraire d’ une maison d’éditions protestantes en formation. La décision pouvait être

361 e lendemain, mais serais-je candidat ? Il fallait une réponse immédiate… Trois mois plus tard je commençais mon métier d’éd

362 t à mes hôtes que je dois rentrer à New York pour une affaire pressante. En vérité j’ignorais quelle affaire, mais je senta

363 e, j’ouvre ma porte : le téléphone sonnait. C’est un ami suisse qui vient de quitter l’Office of War Information, pour pre

364 quitter l’Office of War Information, pour prendre un poste à la légation suisse de Washington. La place à l’OWI sera décla

365 ces. J’y suis allé le lendemain à neuf heures, et une demi-heure plus tard, je me mettais à ce travail, nouveau pour moi :

366 e mettais à ce travail, nouveau pour moi : écrire des textes d’information et des commentaires politiques destinés à la Fra

367 eau pour moi : écrire des textes d’information et des commentaires politiques destinés à la France, diffusés par ondes cour

368  shows » de quinze pages chacun, lus au micro par des équipes d’announcers comme on dit en anglais — speaker n’étant employ

369 quipe, Pierre Baudet, Claude Lévi-Strauss et l’un des fils Pitoëff, la seconde. Et de là datent quelques-unes des rencontre

370 itoëff, la seconde. Et de là datent quelques-unes des rencontres qui ont le mieux fécondé mon aventure personnelle, vécue b

371 t produit à plusieurs reprises dans ma vie : voir des lettres en route vers moi, celles que m’apportera demain matin cet « 

372 en donnerai deux exemples tirés de mon Journal d’ une époque . Calw en Wurtemberg, 30 juin 1929 Hier soir sur la route des

373 n Wurtemberg, 30 juin 1929 Hier soir sur la route des collines, pendant une promenade d’après dîner avec mes hôtes, nous pa

374 1929 Hier soir sur la route des collines, pendant une promenade d’après dîner avec mes hôtes, nous parlions de prémonitions

375 oir le lendemain. Le soir montait autour de nous, des fenêtres s’allumaient à nos pieds dans le bourg, et le père Reinecke

376 assiette de petit déjeuner, demain matin, il y a une grande enveloppe jaune, une enveloppe bleu clair, et une plus petite

377 demain matin, il y a une grande enveloppe jaune, une enveloppe bleu clair, et une plus petite enveloppe blanche bordée de

378 nde enveloppe jaune, une enveloppe bleu clair, et une plus petite enveloppe blanche bordée de noir. » (Sentiment de certitu

379 ment de certitude tranquille, ces objets vus dans une lumière sobre et mate.) Telle a donc été ma « vision » : formats et c

380 te perception soudaine, ce regard par mégarde sur un petit fait indifférent en soi, et qui n’est pas encore « arrivé » dan

381 t timbrées d’hier, deux à Genève dans la matinée, une à Neuchâtel à sept heures du soir. Celle qui est bordée de noir est d

382 eures du soir. Celle qui est bordée de noir est d’ un ami ainé, Robert de Traz, qui mentionne en passant la mort de sa bell

383 écrive. Quant à l’enveloppe jaune, elle contenait un journal où l’on revient sur mon pamphlet de l’hiver dernier 15. New Y

384 ormat, le facteur devrait le savoir ! » Je voyais une mince enveloppe grise pliée en V derrière la porte sans jour de la bo

385 ui, c’est cela, l’enveloppe grise est là, pliée. ( Une facture de blanchisseur !) Il me semble que la chose ne m’était plus

386 e. « Tiens, voilà le diable ! » Le mercredi des Cendres de 1942, dans un studio du Village, à New York, je décide de

387 able ! » Le mercredi des Cendres de 1942, dans un studio du Village, à New York, je décide de me mettre à écrire La Pa

388 téléphone entre mon fauteuil et ma table, devant un bloc de papier blanc. Pendant trois jours et nuits de travail, j’ai é

389 et nuits de travail, j’ai écrit cinquante pages, un quart du livre. Je n’ai pas adressé un mot à âme qui vive (mangé dans

390 nte pages, un quart du livre. Je n’ai pas adressé un mot à âme qui vive (mangé dans des cafétérias où il suffit de désigne

391 ’ai pas adressé un mot à âme qui vive (mangé dans des cafétérias où il suffit de désigner du doigt le plat qu’on veut), et

392 qu’on veut), et ce soir je décide de « sortir » : des amis m’ont invité « après le dîner ». Je sors. Je vais marcher, me di

393 me dis-je, mais j’ai faim. J’entre au hasard dans un petit restaurant, au bas de Madison Avenue. La salle étroite et profo

394 rvir encore ? Au fond de la salle, deux hommes et une femme attablés causent et boivent. L’un des hommes m’ayant remarqué s

395 es et une femme attablés causent et boivent. L’un des hommes m’ayant remarqué s’écrie : « Tiens, voilà le diable ! » Les au

396 re 1906, à quatre heures vingt du matin, il y eut une panne de quartier, en sorte que je ne « vis le jour » qu’à la lueur d

397 n sorte que je ne « vis le jour » qu’à la lueur d’ une lampe à pétrole hâtivement allumée et que tenait mon père. Soixante-s

398 instituts universitaires réunis ce jour-là, celui des hautes études internationales et celui des études européennes. Je déc

399 celui des hautes études internationales et celui des études européennes. Je décrivais la crise du monde occidental, en pro

400 idental, en progression rapide et calculable vers une apocalypse à court terme, et je constatais que « nous arrivons au poi

401 nt où le moteur de la croissance commence à avoir des ratés ». Sur ce dernier mot, très exactement, les lumières s’éteignir

402 lle — et dans tout le canton de Genève. Croyant à un effet de régie théâtrale, l’auditoire applaudit. Cependant, la panne

403 laudit. Cependant, la panne devait durer vingt et une minutes, durant lesquelles je poursuivis ma conférence sans micro, en

404 a conférence sans micro, en éclairant mes notes d’ une torche. Et comme j’en venais à cette phrase : « En vérité, à y regard

405 s seulement celui qui a marqué ma naissance, mais une soirée où nous fûmes « visités » dans notre maison de Ferney, le 29 j

406 rand poète luthérien de langue française ». L’une des questions était : « Qu’arriverait-il si Jean-Paul devenait pape ? » E

407 « Qu’est-ce que la mystique ? » Réponse : « C’est un petit jardin fermé qui s’ouvrira à Pâques. » (On sait que le hortus c

408 ra à Pâques. » (On sait que le hortus clausus est un symbole fondamental du mysticisme, flamand et rhénan notamment.) Mais

409 utes les lumières s’éteignirent. 15. Il s’agit des Méfaits de l’instruction publique , petit ouvrage publié à tirage li

410 rs 1929. m. Rougemont Denis de, « Quelques-unes des choses curieuses qui me sont arrivées », Gymnase cantonal de Neuchâte

411 Un modèle pour l’Europe ? (1974)b Les Gaulois n’avaient peur de rien

412 puisqu’elle les a si bien gardés jusqu’à ce jour, des utopies de type jacobin, bolchéviste, anarchiste, fasciste ou nazi. M

413 nos journaux : « Restons modestes ! La Suisse est un petit pays qui doit savoir se tenir à sa place. En proposant de grand

414 n’y a pas la moindre proportion de la justesse d’ une idée à la taille de celui qui l’énonce ; et que l’importance ou la gr

415 i l’énonce ; et que l’importance ou la grandeur d’ une vocation communautaire n’est pas fonction du territoire occupé par le

416 le porteur. Les Suisses sont les dépositaires d’ une grande idée, dont je crains qu’ils la comprennent mal, toujours plus

417 plus mal, après l’avoir si bien pratiquée pendant des siècles. Cette idée est leur histoire même. Bien avant d’être leur « 

418 re groupes autonomes à seule fin d’assurer à tous une défense tout juste assez forte pour permettre à chacun de vivre à sa

419 uxième quart du xixe siècle. C’est à croire, dit un historien10, que les Suisses se gardent soigneusement d’en faire un c

420 e les Suisses se gardent soigneusement d’en faire un concept, un système, c’est-à-dire une recette exportable. C’est le se

421 s se gardent soigneusement d’en faire un concept, un système, c’est-à-dire une recette exportable. C’est le secret de leur

422 t d’en faire un concept, un système, c’est-à-dire une recette exportable. C’est le secret de leur réussite. Il faut donc le

423 r jalousement. Et il ne doit à aucun prix devenir un isme, transportable, imitable au-delà de leurs frontières. Sagesse pa

424 ter malheur ! Mais à trop bien cacher le secret d’ un peuple, on expose le peuple à oublier le secret. D’où les malentendus

425 isme. Première erreur. Ramener le fédéralisme à une alliance entre États souverains, nos cantons ; et ramener du même cou

426 a vie fédérale à la lutte pour « l’indépendance » des cantons contre les « empiètements » du pouvoir fédéral. (Être fédéral

427 moins fidèle à l’esprit et à la genèse historique des institutions dont la Suisse est issue. Il est faux de répéter, comme

428 tandis que dix-neuf autres « cantons », au cours des siècles, seraient « entrés » successivement dans le pacte de 1291. De

429 ans le pacte et celui-ci n’a pas été conclu entre des « cantons », inexistants au xiiie siècle, mais entre trois communes

430 s dans le texte original) qui n’étaient nullement des États et ne se prétendaient nullement souveraines, mais voulaient res

431 e pays (comme Vaud, Argovie), de cités s’annexant des pays (comme Berne), de ligues régionales (comme les Grisons) et de pr

432 n 1848. La formule créatrice de la Suisse a été : des communes à la fédération, et non pas : des États souverains à une all

433 été : des communes à la fédération, et non pas : des États souverains à une alliance confédérale. (Le terme de canton comm

434 a fédération, et non pas : des États souverains à une alliance confédérale. (Le terme de canton comme État souverain est re

435 re histoire fédérale se ramène en fin de compte à une loi des plus simples : les communautés de tous ordres qui ont peu à p

436 ire fédérale se ramène en fin de compte à une loi des plus simples : les communautés de tous ordres qui ont peu à peu formé

437 otéger leur autonomie et de s’unir pour affronter des tâches excédant les forces de chacune d’elles isolément. Solution opt

438 région, fédération) correspondant aux dimensions des tâches à accomplir. (Les chemins vicinaux à la commune, les routes au

439 au niveau cantonal de la distribution fédéraliste des pouvoirs de décision. Blocage qui explique seul, sans la justifier, l

440 qui explique seul, sans la justifier, la plainte des politiciens et politologues qui annoncent régulièrement « la fin du f

441 nt régulièrement « la fin du fédéralisme » dès qu’ une tâche nouvelle se voit attribuée, en vertu de ses dimensions, à la Co

442 isme vivant ! Deuxième erreur. Mais s’il existe des tâches qui débordent la capacité communale et appellent le canton, pu

443 ste veut alors que ces tâches soient attribuées à des communautés de niveau supérieur, continentales le plus souvent, parfo

444 pécifique de la Suisse naît du fait qu’à l’instar des nations qui l’entourent, elle est de plus en plus tentée de se consid

445 est de plus en plus tentée de se considérer comme un État fermé et limité par ses frontières, non seulement quant à l’état

446 processus fédéraliste, c’est-à-dire l’attribution des décisions aux communautés dont la taille correspond aux dimensions de

447 munautés dont la taille correspond aux dimensions des tâches, elle se comporte à l’égard des pays voisins exactement comme

448 porte à l’égard des pays voisins exactement comme un État-nation centralisé, et ne diffère des autres que par ses prétenti

449 nt comme un État-nation centralisé, et ne diffère des autres que par ses prétentions à représenter un « Sonderfall ». (Or s

450 des autres que par ses prétentions à représenter un « Sonderfall ». (Or son cas, justement, ne serait « exceptionnel » qu

451 ui sont communs à ses voisins.) Pour tout dire en une phrase qui rappelle la thèse de Trotski contre Staline, le fédéralism

452 se de Trotski contre Staline, le fédéralisme dans un seul pays est impraticable. Bloquer le processus fédéraliste aux fron

453 rt faire de notre pays, à l’égard de ses voisins, un État-nation centralisé comme les autres ; simplement plus petit. Le f

454 ondé sur les communes et non sur les cantons, sur des régions et non sur des États —, ne pourra devenir modèle européen que

455 t non sur les cantons, sur des régions et non sur des États —, ne pourra devenir modèle européen que s’il accepte de ne pas

456 Soyons modestes ! » Nous nous trouvons ici devant une confusion morale, typiquement suisse, je le crains, au demeurant des

457 e, typiquement suisse, je le crains, au demeurant des plus respectables. Elle consiste à juger d’une situation politique ou

458 nt des plus respectables. Elle consiste à juger d’ une situation politique ou économique en termes de morale courante, j’ent

459 rgeoise ou d’orgueil. Or il s’agit ici de choisir une politique, il s’agit donc de rigueur : penser juste devient plus impo

460 conceptions prétendument fédéralistes. Et ceci d’ une double manière. D’abord en renonçant à la fiction récente des cantons

461 anière. D’abord en renonçant à la fiction récente des cantons comme États souverains, seuls sujets juridiques de la fédérat

462 dont les dimensions correspondent aux dimensions des tâches à entreprendre. Sur ces deux points, nous n’aurions à offrir à

463 B) Nous avons à offrir et proposer à l’ensemble des peuples de l’Europe, non pas comme on le croit généralement le modèle

464 s comme on le croit généralement le modèle 1848 d’ une Confédération d’États « souverains »11 mais le modèle (beaucoup moins

465 rains »11 mais le modèle (beaucoup moins connu) d’ un exécutif indépendant des États nationaux : notre Conseil fédéral. Il

466 (beaucoup moins connu) d’un exécutif indépendant des États nationaux : notre Conseil fédéral. Il est certain que la formul

467 main. Les réalités économiques exigent d’une part des espaces beaucoup plus vastes que ceux de nos vingt-huit États europée

468 nos vingt-huit États européens12 et d’autre part des aménagements régionaux qui ne tiennent aucun compte des frontières po

469 énagements régionaux qui ne tiennent aucun compte des frontières politiques. Il en va de même pour les réalités écologiques

470 éalités de la vie publique présentent aujourd’hui des aspects continentaux et régionaux qu’il est devenu pratiquement impos

471 s cordons douaniers. Comment, dès lors, concevoir un exécutif européen qui ne s’appuie pas sur le relai stato-national, ma

472 ’harmoniser les intérêts particuliers à l’échelle des régions ? La solution la plus raisonnable et la plus rapidement réali

473 e paraît préfigurée par ces agences européennes d’ un type nouveau que sont dans le domaine économique la CEE, et dans le d

474 le domaine de la recherche scientifique le CERN. Des agences de formule comparable devront sans doute être créées, dans le

475 tion continentale dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’environnement, des universités, des ressources natur

476 de l’énergie, des transports, de l’environnement, des universités, des ressources naturelles, de la monnaie, de la défense,

477 transports, de l’environnement, des universités, des ressources naturelles, de la monnaie, de la défense, et des relations

478 rces naturelles, de la monnaie, de la défense, et des relations de l’Europe avec les autres continents. Ces agences s’occup

479 c les autres continents. Ces agences s’occuperont des problèmes réels qui se manifestent au niveau des régions : elles pour

480 des problèmes réels qui se manifestent au niveau des régions : elles pourront notamment mener à bien les recherches les pl

481 ntreprendre pour leur compte. Elles constitueront des banques de données accessibles à tous, à l’inverse du système actuel

482 accessibles à tous, à l’inverse du système actuel des secrets d’État, qui met la science au service des gouvernements et de

483 des secrets d’État, qui met la science au service des gouvernements et des états-majors. Elles seront responsables non pas

484 ui met la science au service des gouvernements et des états-majors. Elles seront responsables non pas devant les États nati

485 s non pas devant les États nationaux, mais devant un parlement élu par tout le peuple européen. Enfin, pour assurer la coh

486 uple européen. Enfin, pour assurer la cohérence d’ une politique européenne, l’établissement des priorités qui l’expriment e

487 rence d’une politique européenne, l’établissement des priorités qui l’expriment et la juste répartition des ressources comm

488 priorités qui l’expriment et la juste répartition des ressources communes, les responsables des agences européennes se réun

489 rtition des ressources communes, les responsables des agences européennes se réuniront régulièrement en un conseil exécutif

490 agences européennes se réuniront régulièrement en un conseil exécutif européen. Cette idée d’un gouvernement européen n’es

491 ent en un conseil exécutif européen. Cette idée d’ un gouvernement européen n’est pas seulement, je le répète, la plus rati

492 s de la prochaine décennie : déjà, sur la dizaine des agences à prévoir, deux sont à l’œuvre, et la nécessité d’en créer d’

493 e mieux éprouvé que cet exemple unique au monde d’ un exécutif collégial, conçu et ordonné dans le seul souci d’administrer

494 pris, mais non l’URSS. b. Rougemont Denis de, «  Un modèle pour l’Europe ? », Liberté pour détruire, Berne, Nouvelle Soci

495 u’au-delà de ses Portes il existe autre chose que des relais vers les résidences secondaires. Il y fallait un petit État go

496 ais vers les résidences secondaires. Il y fallait un petit État gouverné par un grand ami des Lettres, — et ce fut le Prin

497 ondaires. Il y fallait un petit État gouverné par un grand ami des Lettres, — et ce fut le Prince Rainier III de Monaco. ⁂

498 y fallait un petit État gouverné par un grand ami des Lettres, — et ce fut le Prince Rainier III de Monaco. ⁂ Je ne me lass

499 de liste pour le revenu par habitant, la qualité des services, la densité des automobiles, des téléphones, des hôpitaux, d

500 par habitant, la qualité des services, la densité des automobiles, des téléphones, des hôpitaux, des écoles, et des brevets

501 qualité des services, la densité des automobiles, des téléphones, des hôpitaux, des écoles, et des brevets d’invention. Il

502 ices, la densité des automobiles, des téléphones, des hôpitaux, des écoles, et des brevets d’invention. Il n’est en somme q

503 té des automobiles, des téléphones, des hôpitaux, des écoles, et des brevets d’invention. Il n’est en somme qu’un privilège

504 les, des téléphones, des hôpitaux, des écoles, et des brevets d’invention. Il n’est en somme qu’un privilège qu’il doive cé

505 et des brevets d’invention. Il n’est en somme qu’ un privilège qu’il doive céder au grand État, c’est celui de pouvoir fai

506 Tolède, Oxford, le Paris de la Sorbonne qui était une commune libre ; la Nuremberg de Dürer ; les villes libres de la Hanse

507 a musique et Mantegna la peinture, et la Florence des Médicis ; Bruges, Bâle, Amsterdam, mais aussi Ferrare et Urbino ; plu

508 ensions territoriales ni à la puissance politique des grands États-nations modernes. En revanche la langue, qui est l’âme d

509 naît pas les frontières politiques nées du hasard des guerres et des traités : la langue française moins que toute autre, p

510 ontières politiques nées du hasard des guerres et des traités : la langue française moins que toute autre, puisqu’au-delà d

511 e française moins que toute autre, puisqu’au-delà des trois-quarts de la France actuelle elle couvre une moitié de la Belgi

512 es trois-quarts de la France actuelle elle couvre une moitié de la Belgique, un quart de la Suisse, plusieurs vallées du Pi

513 e actuelle elle couvre une moitié de la Belgique, un quart de la Suisse, plusieurs vallées du Piémont, les Antilles et tou

514 t, les Antilles et tout le Québec. Les frontières des quelque vingt-huit États-nations qui divisent l’Europe ont en moyenne

515 Europe ont en moyenne, quant à leur tracé actuel, un peu moins de cent ans d’âge, tandis que le rythme de variation des do

516 cent ans d’âge, tandis que le rythme de variation des domaines linguistiques est millénaire ! Voilà qui fait sentir à quel

517 it sentir à quel point la culture et la politique des États vivent dans des mondes sans commune mesure. Mais si la politiqu

518 la culture et la politique des États vivent dans des mondes sans commune mesure. Mais si la politique, l’économie, les lan

519 effacer dans nos têtes, et ce sont les frontières des genres, inventions de pédants écolâtres qui sévissent parmi nous depu

520 d’hui couramment, et pas seulement dans le public des best-sellers, mais chez les plus sophistiqués, qu’au sens américain d

521 e est création, que les jeux du roman sans sujet, des poèmes « éclatés » et du théâtre aléatoire témoignent seuls d’un géni

522 atés » et du théâtre aléatoire témoignent seuls d’ un génie inventif, tout le reste étant non-fiction, c’est-à-dire non-lit

523 it au seul Temple de Gnide, et non pas à L’Esprit des lois, d’être qualifié d’écrivain, Rousseau au seul Devin de village,

524 , une fois prise la très saine habitude du survol des frontières prétendues éternelles, quoiqu’elles changent tous les cent

525 a-t-il pas démontré qu’il se riait de la tyrannie des genres, en couronnant, premier d’une série (je l’espère) l’auteur de

526 la tyrannie des genres, en couronnant, premier d’ une série (je l’espère) l’auteur de ces lignes ? d. Rougemont Denis de

527 and les gens de plume (ou mieux, de mots) parlent des gens de pinceau (ou mieux, de formes), il serait décent qu’au lieu d’

528 e : celui qui aime ! — ce qu’ils éprouvent devant une œuvre. La peinture de Théodore Strawinsky n’exige pas pour être vue e

529 aisir à voir la médiation, entre elle et l’œil, d’ une théorie et d’un jargon. Il n’est donc pas facile d’en parler — et voi

530 édiation, entre elle et l’œil, d’une théorie et d’ un jargon. Il n’est donc pas facile d’en parler — et voilà qui est deven

531 tôt rare aujourd’hui, où tant d’artistes exposent des produits ou objets comportant si peu de peinture qu’il devient impéri

532 ient impérieux de suppléer à cette sécheresse par un surabondant arrosage verbal, et de tirer des significations ambitieus

533 e par un surabondant arrosage verbal, et de tirer des significations ambitieusement métaphysiques de cette absence de signi

534 ysique. Croyez bien que je n’exagère pas : lors d’ une Biennale de Venise, on a donné le grand prix de peinture à l’auteur d

535 cet abstrait se voit déjà dépassé par du concret des moins élaborés : cage à oiseau, volailles vivantes mais en cage, et d

536 oiseau, volailles vivantes mais en cage, et dans une galerie allemande, un artiste s’est borné à s’exposer lui-même. Tout

537 ntes mais en cage, et dans une galerie allemande, un artiste s’est borné à s’exposer lui-même. Tout cela peut inquiéter ou

538 dessins, fragments ou grandes œuvres murales sont des produits de la main maniant le pinceau, la craie, selon les exigences

539 roule en toute vie d’artiste et qui saisit au vol des surprises de lumière, compose des expressions de la nature, tout comm

540 i saisit au vol des surprises de lumière, compose des expressions de la nature, tout comme un écrivain fait des images de m

541 compose des expressions de la nature, tout comme un écrivain fait des images de mots, où sons et sens deviennent insépara

542 essions de la nature, tout comme un écrivain fait des images de mots, où sons et sens deviennent inséparables… Cet art nous

543 iennent inséparables… Cet art nous parle, et dans une langue du cœur avec laquelle vos propres émotions vont pouvoir dialog

544 bombe H qui, paraît-il, ne permet plus de peindre un beau paysage ni les yeux à leur place dans un visage. Depuis vingt an

545 dre un beau paysage ni les yeux à leur place dans un visage. Depuis vingt ans au moins toute une critique propage ses gémi

546 e dans un visage. Depuis vingt ans au moins toute une critique propage ses gémissements sur la difficulté, que dis-je, sur

547 e tout Occidental sensible peut comprendre, celui des paysages, signes du sentiment, et celui des visages, chiffres de l’âm

548 celui des paysages, signes du sentiment, et celui des visages, chiffres de l’âme. Paysages et visages n’existent à vrai dir

549 il humain auquel ils n’apparaissent qu’en vertu d’ une opération mal explicable, presque magique, si l’on songe que le cosmo

550 d’électrons infinitésimaux plus éloignés les uns des autres que les étoiles ne le sont de la terre, et que c’est sur ce vi

551 inent, se colorent, se modèlent comme par miracle des formes lumineuses, des figures désirables, des paysages qui se compos

552 modèlent comme par miracle des formes lumineuses, des figures désirables, des paysages qui se composent, des visages qui no

553 le des formes lumineuses, des figures désirables, des paysages qui se composent, des visages qui nous regardent — apparence

554 igures désirables, des paysages qui se composent, des visages qui nous regardent — apparences ou mirages aux yeux de la sci

555 r peu que son regard accorde foi et que sa main d’ un geste donne un sens aux propositions de la nature. Et c’est pourquoi,

556 egard accorde foi et que sa main d’un geste donne un sens aux propositions de la nature. Et c’est pourquoi, parmi les œuvr

557 trawinsky, celles que je préfère sont par exemple une certaine toute petite nature morte aux trois cerises, ou cette très h

558 e et l’autre, manifeste ce caractère d’apparition des apparences — composant la structure des objets ou des corps par les i

559 pparition des apparences — composant la structure des objets ou des corps par les indications les plus concises, révélant l

560 apparences — composant la structure des objets ou des corps par les indications les plus concises, révélant leur essence et

561 je sens s’éveiller dans ma main, ma main à plume, une envie de pinceau ! — l’envie de participer à ce travail qui est, chez

562 oi qu’en écrive André Malraux, car s’il n’est pas un art au monde qui ne soit issu du sacré, il n’en est pas non plus qui

563 nt du même esprit. « On ne risque rien à affirmer une parenté », écrit excellemment le fils, à propos des parentés du père

564 e d’Igor Stravinsky. Sur ce livre, nous possédons une lettre émouvante du père : « Ton merveilleux livre m’est cher infinim

565 lignes à Venise. Et c’est ici que j’ai vécu l’un des plus hauts moments de la culture européenne. Après la création mondia

566 e IIe concile œcuménique de Nicée, c’est le culte des images. Une figuration transposée, éloignée de tout réalisme (mais le

567 e œcuménique de Nicée, c’est le culte des images. Une figuration transposée, éloignée de tout réalisme (mais le danger aujo

568 anger aujourd’hui n’est pas là) doit fournir dans un style à la fois monumental et décoratif, l’image indispensable à la p

569 iècle, je prendrai référence du mot figuration en des sens opposés que lui donnent trois préfixes. Je dirai que le travail

570 consisté à disposer avec plus ou moins d’agrément une figuration anecdotique comme le voulait l’académisme ; pas davantage

571 er ou disloquer le langage même par juste crainte des clichés comme eurent à le faire les non-figuratifs, des cubistes aux

572 ichés comme eurent à le faire les non-figuratifs, des cubistes aux abstraits lyriques ; et encore moins à perpétrer sur le

573 et encore moins à perpétrer sur le visage humain une défiguration systématique, délibérément délirante, comme Picasso nagu

574 ou aujourd’hui Bacon ; mais bien à contribuer par une main maîtrisée, docile à toute invite de l’Esprit, au grand-œuvre d’u

575 cile à toute invite de l’Esprit, au grand-œuvre d’ une transfiguration des apparences de ce monde — cette transfiguration qu

576 de l’Esprit, au grand-œuvre d’une transfiguration des apparences de ce monde — cette transfiguration qui se trouve être le

577 ennep — en même temps que la meilleure définition des fins qu’entend servir son art. c. Rougemont Denis de, « [Préface]

578 Recherche pour un modèle de société européenne (février 1974)g h Précisons tout d’ab

579 tifique et pas du tout moral. Chercher à composer un modèle européen ne signifie pas pour moi donner l’Europe en exemple a

580 emple au reste du monde, mais simplement chercher des structures sociales, économiques et politiques, adaptées aux réalités

581 lités européennes. En second lieu, la recherche d’ un modèle, signifie bien évidemment que les modèles anciens — ou le modè

582 er mieux. Et en troisième lieu, si l’on recherche un modèle européen, c’est que l’on ne pense pas pouvoir s’accommoder de

583 ains, ou russes, ou chinois. Cela ne signifie pas un instant qu’on tienne l’Europe pour supérieure — ou inférieure — à tel

584 qu’on la constate différente, et qu’elle appelle des solutions spécifiques. Ces solutions spécifiques, par la suite, seron

585 turel ; — ou bien l’Europe s’efforce de s’assurer une position morale dominante, en se transformant en communauté modèle. V

586 ité qui serait en somme : la réponse particulière des Européens au défi de la crise de civilisation désormais déclarée à l’

587 et avant tout, de s’occuper ; non plus seulement des moyens politiques, économiques ou culturels d’unir l’Europe ; et non

588 culturels d’unir l’Europe ; et non plus seulement des moyens de développer le tiers-monde ; et non plus seulement des moyen

589 développer le tiers-monde ; et non plus seulement des moyens d’aménager les relations entre nations. ⁂ Je pars d’une consta

590 aménager les relations entre nations. ⁂ Je pars d’ une constatation fondamentale que j’essaierai de formuler en une seule ph

591 ation fondamentale que j’essaierai de formuler en une seule phrase, que voici : Pour la première fois dans l’histoire, l’ho

592 rs, depuis le singe, ou depuis le jardin mythique des origines, l’homme n’avait fait que répondre tant bien que mal aux div

593 avenir, et par là nous met en demeure de formuler une politique de l’homme et de l’humanité. J’insiste : ce succès même se

594 manité. J’insiste : ce succès même se traduit par une crise qui remet ou met tout en question. ⁂ Choisir librement son aven

595 Choisir librement son avenir veut dire : élaborer une politique, une conduite de gouvernement, ou de gérance de la cité, en

596 nt son avenir veut dire : élaborer une politique, une conduite de gouvernement, ou de gérance de la cité, en vue et au nom

597 chain, à l’an 2000, au xxie siècle. Qui croire ? Des futurologues distingués vous assurent que les réserves existantes ou

598 ou d’ici trente ans, voire d’ici vingt ans. Mais un économiste des plus sérieux, Raymond Barre, leur répond — et je le ci

599 te ans, voire d’ici vingt ans. Mais un économiste des plus sérieux, Raymond Barre, leur répond — et je le cite — que ces ré

600 étrole commencera à diminuer dans dix ans, et que des mesures de rationnement devront être décrétées dans huit ans. Même je

601 s d’années… Comment, dans ces conditions, arrêter une politique du pétrole ? ou du cuivre ? Ce n’est pas tout. Une troisièm

602 e de prévision a cours dans notre société : celle des experts au service des grandes sociétés et des gouvernements. Ces exp

603 dans notre société : celle des experts au service des grandes sociétés et des gouvernements. Ces experts nous répètent, par

604 le des experts au service des grandes sociétés et des gouvernements. Ces experts nous répètent, par exemple, que la consomm

605 mment ils le savent, ils répondent qu’il s’agit d’ un fait scientifiquement établi par des calculs irréfutables. Mais cela

606 u’il s’agit d’un fait scientifiquement établi par des calculs irréfutables. Mais cela ne peut pas être vrai, pour les deux

607 ment exclu de la multiplier par 16 384 en moins d’ un siècle, car c’est le chiffre qu’on obtient au bout de quatre-vingt-di

608 bout de quatre-vingt-dix-huit ans en multipliant une quantité quelconque par deux tous les sept ans. 2) Si nous décidons d

609 ie ? En multipliant autour de nous et devant nous des « fatalités » alléguées et de soi-disant « impératifs techniques », o

610 pératifs techniques », on nous empêche d’élaborer une politique responsable, et d’agir sur nos gouvernants pour qu’ils l’ap

611 pour qu’ils l’appliquent. De fait, les détenteurs des moyens de décision politiques et économiques s’inspirent tantôt des p

612 sion politiques et économiques s’inspirent tantôt des pessimistes tantôt des optimistes, c’est-à-dire des futurologues indé

613 omiques s’inspirent tantôt des pessimistes tantôt des optimistes, c’est-à-dire des futurologues indépendants qui s’efforcen

614 s pessimistes tantôt des optimistes, c’est-à-dire des futurologues indépendants qui s’efforcent de prendre en compte les da

615 es humains autant que les avantages économiques d’ un projet, pour établir son coût réel, tantôt de promoteurs qui n’invoqu

616 teurs irresponsables, quand il s’agit de formuler une politique. Or nous voyons que dans leur majorité, les futurologues ca

617 ue dans leur majorité, les futurologues calculent un avenir de catastrophes, que ce soit à moyen ou à long terme. Ils nous

618 soit à moyen ou à long terme. Ils nous annoncent des désastres en chaîne, des catastrophes en système, ou en boucles, qui

619 erme. Ils nous annoncent des désastres en chaîne, des catastrophes en système, ou en boucles, qui doivent presque nécessair

620 i doivent presque nécessairement résulter non pas des échecs de notre modèle de croissance, mais au contraire de ses succès

621 iquement occidentale de croissance illimitée dans un monde dont nous avions oublié qu’il est irrévocablement limité. C’es

622 iards en 2171 soit 1400 habitants au km2 (densité des grandes villes actuelles, étendue à toutes les terres émergées), 3 ha

623 ontinuait à croître à ce rythme, elle dépasserait un milliard de milliards d’âmes dans mille ans d’ici, et sa densité sera

624 é du sol émergé et immergé ! Mais on peut avancer des chiffres encore plus saugrenus. Dans quelques milliards d’années, tou

625 ’années, tout l’univers visible ne serait plus qu’ une sphère d’êtres humains, dont le diamètre s’allongerait à la vitesse d

626 dra bien que la croissance démographique s’arrête un jour. La croissance démographique ne peut pas être illimitée. Il fau

627 mitée. Il faudra bien que quelque chose l’arrête, un jour ou l’autre. Si l’on ne veut pas que ce soit une catastrophe, il

628 jour ou l’autre. Si l’on ne veut pas que ce soit une catastrophe, il faudra bien que ce soit une libre décision des hommes

629 soit une catastrophe, il faudra bien que ce soit une libre décision des hommes et des femmes. Mais où s’arrêter ? quand ?

630 he, il faudra bien que ce soit une libre décision des hommes et des femmes. Mais où s’arrêter ? quand ? et comment ? Il s’a

631 bien que ce soit une libre décision des hommes et des femmes. Mais où s’arrêter ? quand ? et comment ? Il s’agit de détermi

632 er ? quand ? et comment ? Il s’agit de déterminer un optimum, de définir une politique, d’évaluer ses répercussions… Car l

633  ? Il s’agit de déterminer un optimum, de définir une politique, d’évaluer ses répercussions… Car le même processus se répè

634 hnique. Mais toutes les deux vont rencontrer dans un temps calculable leur limite. Déjà, leur succès même commence à produ

635 t l’autre la croissance de la pollution, de l’air des villes, de l’eau des lacs et des océans, de la végétation et du monde

636 ce de la pollution, de l’air des villes, de l’eau des lacs et des océans, de la végétation et du monde animal, de l’aliment

637 lution, de l’air des villes, de l’eau des lacs et des océans, de la végétation et du monde animal, de l’alimentation et du

638 tions entraîneront à plus ou moins brève échéance des maladies et malformations physiques et psychiques nouvelles, des épid

639 malformations physiques et psychiques nouvelles, des épidémies sans précédent, des famines continentales, et finalement de

640 ychiques nouvelles, des épidémies sans précédent, des famines continentales, et finalement des effondrements massifs de la

641 écédent, des famines continentales, et finalement des effondrements massifs de la population. Parallèlement, la croissance

642 la production industrielle entraîne l’épuisement des ressources terrestres c’est-à-dire de l’eau potable, du pétrole, des

643 estres c’est-à-dire de l’eau potable, du pétrole, des métaux non ferreux sans lesquels le fer ne pourra plus devenir acier,

644 nt où le moteur de la croissance commence à avoir des ratés*13 très inquiétants… Tout cela, je le répète, est assez exactem

645 se à court terme — vingt-sept ans, cinquante ans, un siècle au mieux — selon les auteurs, est calculée par de nombreux fut

646 liées inexorablement aux succès de la croissance des villes, des mégalopoles infinies où 80 % de l’humanité va vivre, ou p

647 rablement aux succès de la croissance des villes, des mégalopoles infinies où 80 % de l’humanité va vivre, ou plutôt s’enta

648 isée. Tout cela doit nous faire redouter, au-delà des pires prévisions de nos futurologues, ce qu’un vieux mythe des Indien

649 à des pires prévisions de nos futurologues, ce qu’ un vieux mythe des Indiens Navahos représente comme l’Ère de l’Accroisse

650 visions de nos futurologues, ce qu’un vieux mythe des Indiens Navahos représente comme l’Ère de l’Accroissement des Monstre

651 Navahos représente comme l’Ère de l’Accroissement des Monstres. Que faire des prévisions du club de Rome — tellement moins

652 l’Ère de l’Accroissement des Monstres. Que faire des prévisions du club de Rome — tellement moins effrayantes que celles d

653 hn par exemple, qui n’hésite pas à nous promettre un revenu de 20 000 dollars par tête pour une population mondiale de vin

654 omettre un revenu de 20 000 dollars par tête pour une population mondiale de vingt milliards d’habitants vers 2050. Mais là

655 ogique, de fausses nouvelles délibérées, en vue d’ une action précise sur l’opinion mondiale. Herman Kahn est l’auteur, avec

656 rman Kahn est l’auteur, avec Anthony J. Wiener, d’ un ouvrage célèbre sur L’An 2000. Son système de prévision est le plus s

657 ologie et son évolution la plus probable au cours des vingt à trente années qui viennent. Il s’agit donc de supputer les in

658 ront. Sans vouloir entreprendre ici la critique d’ une pareille méthode, je me contenterai de citer ce que ses auteurs eux-m

659 la traduction française de L’An 2000, ils donnent un bref tableau (n° IV) de ce que leur méthode n’eût pas permis de prévo

660 rouve : Première Guerre mondiale. Destruction d’ une partie de l’Europe. Les États-Unis deviennent la première puissance m

661 on soviétique. Grande crise économique. Poussée des idéologies fascistes et établissement de diverses dictatures. Voilà

662 ils se trouvent et parfois se veulent, d’indiquer des remèdes politiques aux maux qu’ils ont calculés, et de se référer à d

663 aux maux qu’ils ont calculés, et de se référer à des finalités humaines ou divines qui pourraient seules permettre de récu

664 ture totalement imprévisible de l’auto mériterait une très ample monographie. Je suis parfois tenté d’écrire cette épopée,

665 fous, qui aurait pour titre : L’Autodestruction d’ une civilisation. Je ne puis ici qu’en résumer l’intrigue. Tout commence

666 er l’intrigue. Tout commence en 1875 (il y a donc un peu moins de cent ans), au fin fond du Middle West, à huit miles de D

667 Middle West, à huit miles de Detroit, le jour où un garçon de 12 ans et demi, Henry Ford, fils d’un paysan, rencontre une

668 ù un garçon de 12 ans et demi, Henry Ford, fils d’ un paysan, rencontre une « locomotive routière », c’est-à-dire une machi

669 et demi, Henry Ford, fils d’un paysan, rencontre une « locomotive routière », c’est-à-dire une machine agricole à moteur.

670 ncontre une « locomotive routière », c’est-à-dire une machine agricole à moteur. « Ce fut mon chemin de Damas », écrit-il c

671 grande et constante ambition fut d’en construire une semblable pour partir au hasard sur les routes de campagne, loin des

672 partir au hasard sur les routes de campagne, loin des voies ferrées, symboles de la tyrannie. À 19 ans, le petit Henry cons

673 r à la « science militaire ».) À 24 ans, il fonde une fabrique. Il vend très peu : « Il n’y avait pas de demande pour les a

674 -il simplement dans ses mémoires. Il parle même d’ une « répugnance pour la machine » dans le public. Puis l’idée d’aller vi

675 tion de jouer au plus rapide. En 1903, Ford gagne une course de vitesse, et encouragé par ce succès, fonde la Société des a

676 sse, et encouragé par ce succès, fonde la Société des automobiles Ford. Dans sa première publicité, il écrit que l’auto « p

677 et vous rafraîchir les poumons grâce à ce tonique des toniques : une atmosphère salubre ». En 1910, Ford introduisit son fa

678 hir les poumons grâce à ce tonique des toniques : une atmosphère salubre ». En 1910, Ford introduisit son fameux « Modèle T

679 er son prix au fur et à mesure de l’accroissement des ventes. (C’est l’idée de la VW sous Hitler !) En 1908 il vend 10 000

680 ’industrie automobile domine l’évolution mondiale des industries. Or elle est née, cette industrie n° 1, du fantasme d’un a

681 elle est née, cette industrie n° 1, du fantasme d’ un adolescent fugueur, fasciné par l’idée de partir au hasard dans la ca

682 l’idée de partir au hasard dans la campagne, loin des villes détestées, sur une machine de roule n’obéissant qu’à ses humeu

683 dans la campagne, loin des villes détestées, sur une machine de roule n’obéissant qu’à ses humeurs. L’auto ne répondait al

684 , comme Henry Ford l’a noté. Aujourd’hui, moins d’ un siècle plus tard, c’est une nécessité primordiale pour l’homme occide

685 . Aujourd’hui, moins d’un siècle plus tard, c’est une nécessité primordiale pour l’homme occidental. Elle devait servir les

686 évéler la campagne et la solitude, elle les tue d’ une manière irréversible. Car pour elle, on bétonne les campagnes (18 % d

687 st autant d’humus perdu en quelques semaines pour des centaines de milliers d’années. Elle devait libérer l’homme, elle l’a

688 n temps, et cela fait du 6 à l’heure — l’allure d’ un piéton. Mais là ne s’arrêtent pas les bouleversements et les méfaits

689 es places en parkings, et en chassant les piétons des rues ; car c’était sur les places et dans les rues que se formait tra

690 ormait traditionnellement l’opinion, — de l’agora des cités grecques en passant par le forum des Romains et par les commune

691 ’agora des cités grecques en passant par le forum des Romains et par les communes médiévales, jusqu’à nos jours. Enfin, la

692 ire mondiale est due principalement, m’expliquent des banquiers, aux milliards de dollars — 16 environ — détenus par quatre

693 sources de pétrole, qui dépendent de la politique des Arabes, laquelle est déterminée par l’existence d’Israël, qui a été r

694 lie de cet Hitler, que Herman Kahn n’a pas prévu. Une histoire de fous, je vous l’ai dit. Et seul peut-être un fou eût pu p

695 oire de fous, je vous l’ai dit. Et seul peut-être un fou eût pu prévoir son déroulement — ou alors un homme très sensible,

696 un fou eût pu prévoir son déroulement — ou alors un homme très sensible, qui au premier contact avec la première auto, eû

697 n prévu. Dès 1885, J. Burckhardt annonce le temps des « terribles simplificateurs » et décrit d’une manière saisissante ce

698 mps des « terribles simplificateurs » et décrit d’ une manière saisissante ce que sera la vie des ouvriers dans les pays tot

699 crit d’une manière saisissante ce que sera la vie des ouvriers dans les pays totalitaires du xxe siècle. Dans le même temp

700 de ces maîtres, entre les deux guerres mondiales, des groupes de jeunes gens en colère, les « personnalistes des années 193

701 es de jeunes gens en colère, les « personnalistes des années 1930 », à Paris, à Londres, en Allemagne, en Italie, et en Sui

702 t constitués depuis cent-cinquante ans aux dépens des communautés réelles qu’ils ont enfermées dans leurs frontières, mises

703 Les personnalistes annoncent d’ailleurs le succès des grands dictateurs, succès qui leur paraît inévitable — pour un temps

704 tateurs, succès qui leur paraît inévitable — pour un temps —, du seul fait que les dictateurs proclament qu’ils apportent

705 it que les dictateurs proclament qu’ils apportent une réponse au grand appel qui monte de leur peuple vers une communauté n

706 onse au grand appel qui monte de leur peuple vers une communauté nouvelle. Cette réponse est mauvaise, voire atroce, mais c

707 te réponse est mauvaise, voire atroce, mais c’est une réponse tout de même, alors que nos démocraties bourgeoises n’ont mêm

708 n n’est pas seulement responsable de la décadence des liens communautaires, donc du civisme et de la morale sociale. Je le

709 res écologiques, urbanisation sauvage, gaspillage des ressources naturelles. Car cette crise, de toute évidence, résulte d’

710 es. Car cette crise, de toute évidence, résulte d’ une très mauvaise gestion de notre terre et de ses ressources. Mais qui é

711 la base et dans le cadre, d’ailleurs occidental, des seules frontières nationales, et pour leurs seuls intérêts, fussent-i

712 te mauvaise gestion de la terre, nous tenons donc un responsable incontesté, l’État-nation souverain sur toutes choses et

713 faut aller : celle qui nous permettra de refaire une communauté, des communautés, au-delà de l’État-nation, et en deçà. Co

714 lle qui nous permettra de refaire une communauté, des communautés, au-delà de l’État-nation, et en deçà. Comme il convient

715 , et en deçà. Comme il convient quand on présente une recherche, je ne saurais anticiper sur ses résultats, ni donc les déc

716 départ obligé de cette enquête. Elle pose en soi un problème très sérieux, voire formidable. Nous avons été formés par qu

717 ranlable ? À supposer qu’on y arrive, créerait-on un chaos ? Une anarchie ? C’est ce que me disent ceux qui se croient « r

718 À supposer qu’on y arrive, créerait-on un chaos ? Une anarchie ? C’est ce que me disent ceux qui se croient « réalistes ».

719 quelque emphase que le xxe siècle est le siècle des nations, que la nation est la réalité par excellence du xxe siècle.

720 la pollution aussi, l’État totalitaire aussi sont des « réalités » typiques du siècle. Ce n’est pas une raison pour les acc

721 des « réalités » typiques du siècle. Ce n’est pas une raison pour les accepter, moins encore pour les glorifier. En vérité,

722 ande-Bretagne ont dû stopper leurs opérations sur un froncement de sourcil du président des USA et un grognement de Moscou

723 rations sur un froncement de sourcil du président des USA et un grognement de Moscou. La souveraineté de nos nations europé

724 un froncement de sourcil du président des USA et un grognement de Moscou. La souveraineté de nos nations européennes ne r

725 té ni tempête, ni virus, ni pollution de l’air ou des eaux. La faiblesse fondamentale, basique, de l’État-nation réside dan

726 les mêmes frontières et la même administration à des réalités radicalement hétérogènes, telles que langue et sous-sol, éco

727 ue et sous-sol, économie et histoire. Il faudrait un miracle pour que ces réalités coïncident dans l’espace, correspondent

728 d pour animer réellement les régions, pour offrir une structure de participation civique. Il faut donc le dépasser par en h

729 ations ou cultures, l’Europe est caractérisée par une extrême diversité, due aux sources multiples de sa culture, et aux va

730 le a héritées de la Grèce, de Rome, de Jérusalem, des Celtes, des Germains, plus tard des Arabes au Sud et des Slaves à l’E

731 s de la Grèce, de Rome, de Jérusalem, des Celtes, des Germains, plus tard des Arabes au Sud et des Slaves à l’Est. Impossib

732 de Jérusalem, des Celtes, des Germains, plus tard des Arabes au Sud et des Slaves à l’Est. Impossible donc de concevoir une

733 tes, des Germains, plus tard des Arabes au Sud et des Slaves à l’Est. Impossible donc de concevoir une union européenne sur

734 des Slaves à l’Est. Impossible donc de concevoir une union européenne sur un modèle stato-national, unifié et centralisé,

735 ssible donc de concevoir une union européenne sur un modèle stato-national, unifié et centralisé, ni en tant que ligue d’É

736 rifier l’un de leurs termes, c’est la fédération. Une simple confédération fondée sur des États souverains serait contradic

737 a fédération. Une simple confédération fondée sur des États souverains serait contradictoire dans les termes, impraticable.

738 c’est là leur hypocrisie. Je l’appelle l’amicale des misanthropes. Cela peut se dire, non se faire. La seule forme d’union

739 é les réalités spécifiquement européennes, serait une fédération fondée sur des régions, plus petites que nos États actuels

740 ent européennes, serait une fédération fondée sur des régions, plus petites que nos États actuels, et la plupart du temps c

741 téressant aussi pour le reste du monde en quête d’ un nouvel équilibre : le contenu régional de la société européenne de de

742 is et cherche à repérer, à définir, ne seront pas des mini-États-nations qui reproduiraient en pire les prétentions absurde

743 i reproduiraient en pire les prétentions absurdes des grandes : souveraineté illimitée et frontières identiques imposées à

744 modèle que nous recherchons prévoit par hypothèse des régions fonctionnelles, c’est-à-dire définies par des fonctions soit

745 régions fonctionnelles, c’est-à-dire définies par des fonctions soit économiques, soit culturelles et éducatives, soit écol

746 superposées. Mais justement : complexité est l’un des mots-clés du modèle recherché, l’un des mots-clés de l’Europe aussi.

747 est l’un des mots-clés du modèle recherché, l’un des mots-clés de l’Europe aussi. L’anti-Europe, c’est celle des « terribl

748 lés de l’Europe aussi. L’anti-Europe, c’est celle des « terribles simplificateurs » dont parlait J. Burckhardt, celle des d

749 mplificateurs » dont parlait J. Burckhardt, celle des dictatures totalitaires du xxe siècle. L’Europe créatrice a toujours

750 ples et, plus encore, aux vocations personnelles. Un autre mot-clé de notre modèle, c’est l’adjectif petit. La motivation

751 a plus profonde du modèle régional étant d’offrir une structure de participation civique à la personne, elle implique la va

752 ique à la personne, elle implique la valorisation des petites communautés. Là seulement l’homme peut être vraiment libre, c

753 ntrat social, au chapitre où il démontre que plus une cité s’agrandit, moins ses citoyens ont de prise sur ses réalités, mo

754 responsables de tout ordre, à tel point que dans un grand pays, il n’y a plus que quelques ministres tout puissants, et d

755 us que quelques ministres tout puissants, et dans un très grand pays, un seul chef ou dictateur. Participation des personn

756 stres tout puissants, et dans un très grand pays, un seul chef ou dictateur. Participation des personnes à des communautés

757 nd pays, un seul chef ou dictateur. Participation des personnes à des communautés de toute espèce, aussi nombreuses et vari

758 chef ou dictateur. Participation des personnes à des communautés de toute espèce, aussi nombreuses et variées que possible

759 ssi nombreuses et variées que possible, pluralité des allégeances, liberté garantie par l’exercice de responsabilités concr

760 lement la dernière chance de l’Europe, mais l’une des plus belles chances de l’homme en général. 13. À l’instant même où

761 es. L’orateur poursuivit en éclairant ses notes d’ une torche. 14. Sur ces mots, les lumières se rallument dans tout le can

762 canton. g. Rougemont Denis de, « Recherche pour un modèle de société européenne », Documents pour l’enseignement, Genève

763 74, le 26 octobre 1973 à l’Institut universitaire des hautes études internationales à Genève. »

764 L’Europe des régions (juin-juillet 1974)e f Le mal stato-national Il sembl

765 de vos thèmes principaux traversent actuellement une crise aiguë ; à savoir la notion de régionalisation et la constructio

766 e purement fortuite ? Je ne pense pas qu’il y ait une crise de la notion de région, mais au contraire une montée puissante

767 e crise de la notion de région, mais au contraire une montée puissante de l’idée de région. Ce qui est en crise c’est l’Éta

768 nalisation » autoritaire. Quant à la simultanéité des deux phénomènes, elle n’est aucunement fortuite ; à mesure que les fr

769 bruyant aussi, parce qu’il se traduit souvent par des explosions de plastic — l’aspect ethnique et linguistique de régions

770 ne, Suisse et France, etc. Toutes ces régions ont des problèmes communs, les mêmes des deux côtés de la frontière, qui ne p

771 ces régions ont des problèmes communs, les mêmes des deux côtés de la frontière, qui ne peuvent être résolus d’un seul côt

772 és de la frontière, qui ne peuvent être résolus d’ un seul côté. Le Marché commun en 1960-1961 a commencé à étudier la ques

773 ncé à étudier la question régionale ; il a dressé une carte provisoire des Six ; et cela donnait par exemple pour la France

774 tion régionale ; il a dressé une carte provisoire des Six ; et cela donnait par exemple pour la France, 9 grandes régions.

775 ues et les Catalans qui sont, eux, à la fois dans des régions ethniques et transfrontalières. Ils ne sont nullement séparés

776 les Pyrénées. On nous a raconté que le Rhin était une frontière naturelle entre les Français et les Allemands. Admettons ce

777 ettons cela ; mais alors pourquoi le Rhône est-il un lien naturel entre la Provence et les gens qui habitent du côté du Ce

778 e « faire l’Europe » comme on disait, d’arriver à une union fédérale, ou d’un autre type. Je me suis aperçu très vite qu’o

779 e on disait, d’arriver à une union fédérale, ou d’ un autre type. Je me suis aperçu très vite qu’on ne pourrait pas y arri

780 imitée, qui s’opposerait toujours à la création d’ une Europe unie. D’autre part, dans la faible mesure où l’on est arrivé à

781 ns la faible mesure où l’on est arrivé à abaisser un peu les frontières, on s’aperçoit que les régions resurgissent, soit

782 égions nouvelles, ou créées par l’économie et par des réalités qui ne tiennent pas compte des frontières. À mesure que les

783 ie et par des réalités qui ne tiennent pas compte des frontières. À mesure que les frontières se dévalorisent entre nos Éta

784 s sérieuses, et les régions qui sont définies par un certain nombre de facteurs à la fois ethniques, économiques, de trans

785 gue commune. Pourquoi dites-vous que le phénomène des régions ethniques est peut-être le moins sérieux ? Attention, j’ai di

786 le moins sérieux ? Attention, j’ai dit cela dans un sens politique uniquement. Parce que l’on ne peut pas faire une régio

787 ique uniquement. Parce que l’on ne peut pas faire une région sur une seule fonction : cela ne mènerait pas loin. On ne peut

788 . Parce que l’on ne peut pas faire une région sur une seule fonction : cela ne mènerait pas loin. On ne peut pas bâtir des

789 : cela ne mènerait pas loin. On ne peut pas bâtir des régions sur un seul facteur qui serait la langue par exemple : les Br

790 it pas loin. On ne peut pas bâtir des régions sur un seul facteur qui serait la langue par exemple : les Bretons réclament

791 ait la langue par exemple : les Bretons réclament une région Bretagne, mais ils sont obligés de constater que le Breton n’e

792 s de constater que le Breton n’est parlé que dans une partie du pays, le reste c’est le gallo qui va jusqu’à Rennes et jusq

793 pour le dire en termes rapides) à vouloir imposer une même frontière à des réalités qui n’ont rien à voir ensemble, comme l

794 s rapides) à vouloir imposer une même frontière à des réalités qui n’ont rien à voir ensemble, comme la langue, l’économie,

795 -nation napoléonien : imposer la même frontière à des phénomènes complètement hétérogènes, hétéroclites. J’ai très peur que

796 ent hétérogènes, hétéroclites. J’ai très peur que des gens qui voudraient ressusciter les anciennes provinces essaient de l

797 e les faire rentrer dans ce « lit de Procuste » d’ une frontière commune qui serait un mini-État-nation. Ce qu’il nous faut

798 de Procuste » d’une frontière commune qui serait un mini-État-nation. Ce qu’il nous faut éviter à tout prix. Je pense que

799 tions serait aggraver le mal « stato-national » d’ une manière absolument insupportable. J’écarte donc cette idée de créer d

800 insupportable. J’écarte donc cette idée de créer des États sur la seule base des langues. D’autre part, j’ai dit tout à l’

801 c cette idée de créer des États sur la seule base des langues. D’autre part, j’ai dit tout à l’heure que la définition d’un

802 part, j’ai dit tout à l’heure que la définition d’ une région aujourd’hui est beaucoup plus complexe. Qu’elle peut être écon

803 nomique aussi bien qu’ethnique, qu’elle peut être une question de tradition, ou de développement nouveau, d’ouverture sur l

804 , donc par-dessus les frontières. Il y a là toute une problématique nouvelle qui est loin d’être passéiste, qui est progres

805 ’être passéiste, qui est progressiste, futuriste. Une remarque sur laquelle je voudrais insister : les frontières de nos Ét

806 défendables aujourd’hui. Bidault les a appelées «  des cicatrices de l’histoire », ce qui était assez joli. Le professeur An

807 ncel, de la Sorbonne, dit : « ce sont le résultat des viols répétés de la géographie par l’histoire ». Aujourd’hui, si l’on

808 ’histoire ». Aujourd’hui, si l’on parle tellement des régions en Europe, c’est à cause du formidable remue-ménage provoqué

809 pter les résurgences spontanées, d’une part celle des régions, d’autre part celle de l’Europe. C’est absolument lié. Est-il

810 t lié. Est-il possible de construire l’Europe par une association des différents États ? L’Europe des États-nations, c’est

811 ssible de construire l’Europe par une association des différents États ? L’Europe des États-nations, c’est un cercle carré,

812 r une association des différents États ? L’Europe des États-nations, c’est un cercle carré, c’est une impossibilité, c’est

813 férents États ? L’Europe des États-nations, c’est un cercle carré, c’est une impossibilité, c’est ce que j’ai appelé souve

814 e des États-nations, c’est un cercle carré, c’est une impossibilité, c’est ce que j’ai appelé souvent « une amicale des mis

815 impossibilité, c’est ce que j’ai appelé souvent «  une amicale des misanthropes » : c’est une chose que l’on peut dire, mais

816 é, c’est ce que j’ai appelé souvent « une amicale des misanthropes » : c’est une chose que l’on peut dire, mais que l’on ne

817 souvent « une amicale des misanthropes » : c’est une chose que l’on peut dire, mais que l’on ne peut pas faire. Si vous fa

818 , mais que l’on ne peut pas faire. Si vous faites une « amicale », vous cessez d’être « misanthropes » ; mais si vous reste

819 s si vous restez misanthropes, vous ne faites pas une amicale. Or depuis 25 ans, les ministres de nos États-nations prétend

820 l’Europe. Dans ces conditions nous sommes devant un dilemme parfaitement clair : ou bien on fait l’Europe et il faut aban

821 on fait l’Europe et il faut abandonner la formule des États-nations à souveraineté illimitée et se tourner vers les régions

822 qui est envahie par les Américains qui rachètent des dizaines d’entreprises tous les jours. Les chiffres sont absolument é

823 omper là-dessus. Je pense que la colonisation est une très mauvaise chose. Je ne pense pas que les Américains et les Russes

824 pense pas que les Américains et les Russes soient des gens pires que nous, je pense que la colonisation est pire que tout.

825 ense que la colonisation est pire que tout. Quand un peuple se met à rendre les rênes à un autre pour son sort quotidien,

826 tout. Quand un peuple se met à rendre les rênes à un autre pour son sort quotidien, pour ce qu’il doit penser, pour ce qu’

827 , alors il est perdu. C’est la décadence totale d’ un peuple ; c’est ce que l’on a vu dans tous les pays colonisés. Donc le

828 : c’est la formule de l’État-nation qui prétend à une souveraineté absolue, quoique perdue depuis longtemps en réalité. Com

829 s États-nations, ni qu’on puisse faire l’Europe d’ une manière violente ou révolutionnaire. Je pense qu’on peut renverser de

830 ou révolutionnaire. Je pense qu’on peut renverser des voitures dans la rue, qu’on peut renverser un dictateur, un système p

831 er des voitures dans la rue, qu’on peut renverser un dictateur, un système parfaitement cohérent et très simpliste de gouv

832 s dans la rue, qu’on peut renverser un dictateur, un système parfaitement cohérent et très simpliste de gouvernement ; mai

833 at. Mais alors, que faut-il faire ? Il faut créer une autre Europe, parallèle, une Europe des réalités. À mon sens l’Europe

834 aire ? Il faut créer une autre Europe, parallèle, une Europe des réalités. À mon sens l’Europe des États-nations est une Eu

835 aut créer une autre Europe, parallèle, une Europe des réalités. À mon sens l’Europe des États-nations est une Europe des my

836 èle, une Europe des réalités. À mon sens l’Europe des États-nations est une Europe des mythes, puisqu’elle repose sur le my

837 alités. À mon sens l’Europe des États-nations est une Europe des mythes, puisqu’elle repose sur le mythe de la souveraineté

838 on sens l’Europe des États-nations est une Europe des mythes, puisqu’elle repose sur le mythe de la souveraineté nationale,

839 stoppées à 1h de leur victoire, à 1h du Caire par un froncement de sourcils de Monsieur Eisenhower et par un grognement de

840 ncement de sourcils de Monsieur Eisenhower et par un grognement de l’ours russe. Eh bien, il a été démontré ce jour-là que

841 ur-là que la souveraineté nationale absolue était un mythe. Moi je demande simplement que nous fassions une Europe sur la

842 ythe. Moi je demande simplement que nous fassions une Europe sur la base des réalités, et pas des mythes. Que nous ne perdi

843 mplement que nous fassions une Europe sur la base des réalités, et pas des mythes. Que nous ne perdions pas de temps et d’é

844 sions une Europe sur la base des réalités, et pas des mythes. Que nous ne perdions pas de temps et d’énergie à renverser de

845 ne perdions pas de temps et d’énergie à renverser des choses qui n’existent plus, qui sont des symboles, des mythes d’un pa

846 enverser des choses qui n’existent plus, qui sont des symboles, des mythes d’un passé révolu et que nous commencions à édif

847 hoses qui n’existent plus, qui sont des symboles, des mythes d’un passé révolu et que nous commencions à édifier l’Europe s

848 xistent plus, qui sont des symboles, des mythes d’ un passé révolu et que nous commencions à édifier l’Europe sur les régio

849 é active et quotidienne. Et c’est là le sentiment des jeunes, de même que ce sont les jeunes qui sont responsables de la mo

850 e libéral Quoi qu’on pense de la mise en place des nouvelles institutions régionales en France, il va falloir les faire

851 onctionner et peut-être les faire évoluer… Il y a une expression frappante que vous venez d’employer, c’est celle de « mise

852 enez d’employer, c’est celle de « mise en place » des organismes régionaux. À mon sens, elle symbolise, certainement pas da

853 rtainement pas dans votre esprit, mais dans celui des gens qui l’ont mise en circulation, l’erreur fondamentale de ce que l

854 les bureaux indépendamment de toute consultation des gens sur place. Ça, je crois que c’est incontestable. À mon sens, il

855 t le contraire et on sera bien obligé de le faire un jour ou l’autre. Il aurait fallu une étude des besoins d’une populati

856 é de le faire un jour ou l’autre. Il aurait fallu une étude des besoins d’une population, de la conscience actuelle ou virt

857 ire un jour ou l’autre. Il aurait fallu une étude des besoins d’une population, de la conscience actuelle ou virtuelle qu’e

858 l’autre. Il aurait fallu une étude des besoins d’ une population, de la conscience actuelle ou virtuelle qu’elle a d’une ré

859 e la conscience actuelle ou virtuelle qu’elle a d’ une région. Des possibilités de solutions qui pourraient être données sur

860 nce actuelle ou virtuelle qu’elle a d’une région. Des possibilités de solutions qui pourraient être données sur une base au

861 ités de solutions qui pourraient être données sur une base autonome, autogérée, et à partir de là, voir comment on pourrait

862 nt on pourrait organiser ces régions, car il faut un minimum d’organisation administrative, quitte (je vais y revenir tout

863 y revenir tout à l’heure) à ce que l’on organise des régions différemment suivant des fonctions, suivant la nature du prob

864 ue l’on organise des régions différemment suivant des fonctions, suivant la nature du problème à résoudre. Il faut chercher

865 faut chercher partout, comme à tâtons, le relief des problèmes, les voir se soulever, se définir, et il faut se décider d’

866 il faut se décider d’après ça, et non pas prendre une carte et quelques barèmes, quelques statistiques, quelques courbes po

867 rché commun. Avons-nous intérêt en France à faire des régions assez vastes de « taille européenne » ? De taille européenne 

868 aille européenne » ? De taille européenne ? C’est une expression sans aucune signification. On dit « tiens, c’est intéressa

869 tout le monde parle de l’Europe, on va donc faire des régions de taille européenne ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Quand je

870 e ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Quand je pousse un peu les gens qui défendent ce point de vue, ils finissent par me dire

871 nt de vue, ils finissent par me dire « il faut qu’ une région en France soit compétitive avec un Land allemand ». Alors je l

872 aut qu’une région en France soit compétitive avec un Land allemand ». Alors je leur dis : « avec quel Land ? » Par exemple

873 , ou avec le Land de Hamburg qui n’a guère plus d’ un et demi-million d’habitants et 740 km2 ? Mais en France, comment, en

874 nt de ce qui existe, pouvons-nous créer et animer des régions ? Je pense qu’il faut être bien conscient des finalités qu’on

875 régions ? Je pense qu’il faut être bien conscient des finalités qu’on donne à la création des régions. Pourquoi veut-on fai

876 conscient des finalités qu’on donne à la création des régions. Pourquoi veut-on faire des régions ? J’ai dit l’avantage des

877 à la création des régions. Pourquoi veut-on faire des régions ? J’ai dit l’avantage des petites communautés, mais personne

878 i veut-on faire des régions ? J’ai dit l’avantage des petites communautés, mais personne n’a jamais voulu faire une région

879 communautés, mais personne n’a jamais voulu faire une région pour faire une chose petite. C’est là un commentaire qu’on peu

880 onne n’a jamais voulu faire une région pour faire une chose petite. C’est là un commentaire qu’on peut faire sur la réalité

881 une région pour faire une chose petite. C’est là un commentaire qu’on peut faire sur la réalité, et non une finalité. Ce

882 mmentaire qu’on peut faire sur la réalité, et non une finalité. Ce n’est pas cela qui meut les gens, qui les motive : faire

883 as cela qui meut les gens, qui les motive : faire une chose petite ! Ce qui les motive, c’est deux choses : la prospérité,

884 gion, les gouvernements français n’ont su dire qu’ une chose — ce qu’elle ne devait pas être : ni une atteinte à l’unité nat

885 qu’une chose — ce qu’elle ne devait pas être : ni une atteinte à l’unité nationale, ni une communauté autonome, ni une pier

886 as être : ni une atteinte à l’unité nationale, ni une communauté autonome, ni une pierre d’attente de l’Europe fédérale. Qu

887 l’unité nationale, ni une communauté autonome, ni une pierre d’attente de l’Europe fédérale. Quand diront-ils ce qu’elle do

888 ls, c’est surtout qu’ils laissent le citoyen dans un vide civique, dans un « no man’s land » où il se sent totalement impu

889 ls laissent le citoyen dans un vide civique, dans un « no man’s land » où il se sent totalement impuissant sur tous les mé

890 tous les degrés de sa vie. Il se trouve pris dans un réseau de nécessités techniques, économiques, avec ordinateur à l’app

891 ciment. Cela appelle la tyrannie, l’inconsistance des relations civiques. Je pense que cela mène aussi à la criminalité, la

892 vénile, à toutes sortes de troubles mentaux, et à un grand désespoir qui pousse les jeunes gens à se jeter dans les minori

893 , ou dans cette « majorité silencieuse », qui est une sorte d’imbécilité civique, de désertion. Discours ou indifférence qu

894 des l’un que l’autre. Contre cela il faut recréer des communautés, et voilà le principal motif de faire des régions. Je dis

895 communautés, et voilà le principal motif de faire des régions. Je dis que les États-nations sont trop petits à l’échelle in

896 temps. C’est là aussi l’idée de Napoléon : c’est une idée militaire, mais cela revient à écraser toutes les communautés lo

897 is il s’y oppose. Il a supprimé tous les pouvoirs des communes. Les communes devraient-elles reprendre le pouvoir ? Je ne s

898 voir ». Et c’est là que je me sépare radicalement des marxistes. Ils croient qu’une fois leur Parti au pouvoir, c’est-à-dir

899 hui. Voilà le drame. Nous avons à créer à recréer des pouvoirs réels, d’abord à l’échelle locale. Ne perdons plus notre tem

900 lus notre temps et nos énergies à nous attaquer à un Pouvoir mythique. Prendre en main notre destinée, voilà le mot de tou

901 multinationales Nous allons aborder maintenant une autre « internationale » qui semble remettre en cause les États-natio

902 semble remettre en cause les États-nations, celle des sociétés multinationales. En effet, si l’État-nation n’était pas en c

903 est à la fois trop petit et trop grand qu’il y a des sociétés multinationales. Les États-nations ont n’importe quelles dim

904 tions ont n’importe quelles dimensions, au hasard des traités et des guerres : les armées se sont arrêtées par hasard là. I

905 orte quelles dimensions, au hasard des traités et des guerres : les armées se sont arrêtées par hasard là. Il n’y a aucune

906 ’y a aucune espèce de raison que ça coïncide avec un espace économique raisonnable. Donc il est fatal que le développement

907 ent même de l’industrie et du commerce conduise à des sociétés qui ne tiennent plus compte des frontières. Dès qu’on pronon

908 nduise à des sociétés qui ne tiennent plus compte des frontières. Dès qu’on prononce ce terme de sociétés « multinationales

909 iétés « multinationales » on provoque aujourd’hui des jugements stéréotypés qui ne vont pas du tout dans la réalité de la c

910 ue le Marché commun réussit à faire sinon à créer un espace pour les multinationales ? » Et alors la question est réglée à

911 érentes, et qui envahissent certains pays ou tout un continent. Ayant pour but le profit et le pouvoir, elles se dirigent

912 iriger leur politique. Ou bien, si la politique d’ un État à un moment donné paraît contraire à leurs intérêts, [elles] le

913 r politique. Ou bien, si la politique d’un État à un moment donné paraît contraire à leurs intérêts, [elles] le renversent

914 revient au même. Disons qu’il n’y a pas seulement des sociétés américaines mais aussi beaucoup de sociétés multinationales

915 et ça embarrasse beaucoup de gens. Mais il existe des sociétés qui ont un tout autre mode de développement, qui s’adaptent

916 coup de gens. Mais il existe des sociétés qui ont un tout autre mode de développement, qui s’adaptent au pays dans lequel

917 et multinationale à caractère de développement ? Une multinationale qui travaille par exemple dans le lait, l’alimentation

918 paraît entre les deux ; Unilever n’est pas liée à des histoires militaires comme ITT. Il n’y a pas seulement des histoires

919 ires militaires comme ITT. Il n’y a pas seulement des histoires militaires… Aussi, je vous demande de bien vouloir vous pro

920 nde de bien vouloir vous prononcer sur la liberté des gouvernants, je pense plus particulièrement à un cas récent : la Belg

921 des gouvernants, je pense plus particulièrement à un cas récent : la Belgique face aux pétroliers. La liberté des gouverna

922 ent : la Belgique face aux pétroliers. La liberté des gouvernants est d’autant plus faible que le territoire est plus exigu

923 qu’ils ne la font à Paris. Précisément, vis-à-vis des multinationales du type que j’appellerai colonisateur, il s’agit de t

924 e j’appellerai colonisateur, il s’agit de trouver un pouvoir qui pourrait les freiner, les forcer à s’intégrer ou à respec

925 s freiner, les forcer à s’intégrer ou à respecter des communautés humaines qu’elles bafouent ouvertement aujourd’hui. Il y

926 ourd’hui. Il y en aurait deux : le premier serait un pouvoir continental qui serait bien supérieur à celui des États-natio

927 oir continental qui serait bien supérieur à celui des États-nations, et l’autre serait le pouvoir des régions parce que les

928 i des États-nations, et l’autre serait le pouvoir des régions parce que les régions seraient nécessairement consultées et p

929 sairement consultées et pourraient dire : « voilà une chose qui ne cadre absolument pas avec nos coutumes, qui est destruct

930 e notre population, par exemple en l’appâtant par des salaires trop forts pour des gens qui ne sont pas doués pour le genre

931 le en l’appâtant par des salaires trop forts pour des gens qui ne sont pas doués pour le genre de travail offert ». À trava

932 travailler en faveur des régions, on pointe vers une même résultante qui est l’autogestion. L’autogestion à tous les degré

933 possibles du terme. Notez cependant que le danger des multinationales qui fascine actuellement l’attention de la presse, de

934 ui fascine actuellement l’attention de la presse, des partis, de l’opinion publique, n’est pas tellement différent du dange

935 publique, n’est pas tellement différent du danger des sociétés nationales jouant sur les différentes régions. Vous avez des

936 les jouant sur les différentes régions. Vous avez des sociétés nationales, en France ou en Allemagne, ou en Italie, qui se

937 u Rhin, en Savoie ou dans le Nord, etc. Vous avez des phénomènes de colonisation intérieure qui sont exactement comparables

938 ations », au sens antique du mot, à l’intérieur d’ un pays, alors qu’elles subsistent à l’extérieur comme frontières étatiq

939 ne contre lequel il faut se défendre, c’est celui des trop grandes sociétés, mal adaptées aux régions dans lesquelles elles

940 s sociétés qui ne rencontrent jamais le barrage d’ un pouvoir régional quelconque, d’une autonomie régionale. Je n’insiste

941 is le barrage d’un pouvoir régional quelconque, d’ une autonomie régionale. Je n’insiste pas tellement sur le mot « pouvoir

942 le mot « pouvoir régional », qui évoquerait trop une délégation du pouvoir central dans une région, mais sur l’autonomie,

943 erait trop une délégation du pouvoir central dans une région, mais sur l’autonomie, l’autodétermination, l’autogestion régi

944 Alors cela signifie-t-il qu’il faille trouver un nouveau mode de croissance économique ? Vous faite allusion au célèbr

945 on quand j’en ai eu connaissance, sous la forme d’ un texte de 20 pages dactylographiées du professeur Forrester, du MIT, i

946 rester, du MIT, il y a trois ans de cela. C’était un rapport confidentiel adressé au Congrès américain, qui donnait l’esse

947 sur le club de Rome signé par les Meadows. Tout d’ un coup, ça m’a révélé une chose à laquelle je n’avais jamais pensé : à

948 né par les Meadows. Tout d’un coup, ça m’a révélé une chose à laquelle je n’avais jamais pensé : à savoir qu’il y a deux se

949 petit enfant deviendra grand, ce qui commence par un germe invisible s’épanouira un jour en arbre, en éléphant ou en corps

950 e qui commence par un germe invisible s’épanouira un jour en arbre, en éléphant ou en corps humain. Tout cela est bel et b

951 ique, industrielle, technologique… Mais c’est par une erreur fondamentale qu’ont commise en premier lieu les gestionnaires

952 oréglée : c’est la même loi de la vie qui fait qu’ une plante ou un corps animal grandit, s’épanouit, se stabilise autour d’

953 t la même loi de la vie qui fait qu’une plante ou un corps animal grandit, s’épanouit, se stabilise autour d’un optimum, p

954 animal grandit, s’épanouit, se stabilise autour d’ un optimum, puis lentement se modifie, régresse et meurt, donnant naissa

955 à de nouvelles croissances également régulées par un programme qui est dans les chaînes de chromosomes et dans les gènes.

956 et dans les gènes. La croissance vivante comporte un ralentissement de la croissance, une maturation, un arrêt, la mort de

957 ante comporte un ralentissement de la croissance, une maturation, un arrêt, la mort de l’individu et le retour à la terre.

958 ralentissement de la croissance, une maturation, un arrêt, la mort de l’individu et le retour à la terre. Rien de pareil

959 ment, mécaniquement, tant qu’elle ne bute pas sur un obstacle extérieur ; elle n’a rien en elle-même qui la règle. Elle pe

960 nstruosités, à toutes les démesures, comme ferait un corps sans son programme de vie : l’individu humain passerait ainsi d

961 de 30 cm à 1,75 m en vingt ans, puis atteindrait une hauteur de 2000 m vers 40 ans, à la seule condition qu’il puisse se n

962 ’il puisse se nourrir assez et ne se heurte pas à des obstacles insurmontables. Eh bien, nous vivons depuis l’ère industrie

963 h bien, nous vivons depuis l’ère industrielle sur des absurdités de ce genre ; nous ne nous sommes absolument pas rendu com

964 ’elles parviendraient d’ici à la fin du siècle, à des altitudes irrespirables, où tout être humain disparaîtrait, où les re

965 es ressources de la terre seraient épuisées, dans un temps extrêmement bref. L’impact du rapport du club de Rome a été abs

966 ent les critiques qu’on puisse faire sur le choix des paramètres, je n’ai jamais vu un avertissement aussi brutal, aussi ju

967 re sur le choix des paramètres, je n’ai jamais vu un avertissement aussi brutal, aussi justement pensé et conçu, et qui ai

968 al, aussi justement pensé et conçu, et qui ait eu un impact comparable sur une société humaine. J’ai eu de vives discussio

969 et conçu, et qui ait eu un impact comparable sur une société humaine. J’ai eu de vives discussions à Bruxelles il y a quel

970 ’entendais répéter partout : « il nous faut faire des centrales nucléaires ; c’est un impératif technique et économique, pa

971 nous faut faire des centrales nucléaires ; c’est un impératif technique et économique, parce que la consommation d’électr

972  double tous les sept ans ». Voilà donc le type d’ une croissance illimitée. À quoi je répondais : « avez-vous jamais fait l

973 s : « avez-vous jamais fait le calcul à quoi mène une croissance qui double tous les sept ans ? Savez-vous par combien il f

974 de la terre en énergie. Il faudra bien s’arrêter un jour, alors, autant y penser tout de suite. Il me paraît essentiel po

975 roissance du revenu par tête d’habitant n’est pas une mesure humaine qui puisse diriger une politique, il faut absolument a

976 t n’est pas une mesure humaine qui puisse diriger une politique, il faut absolument abandonner ça, et nous nous apercevons

977 iste après la crise du pétrole, parce que je vois des gens conscients de la nécessité d’exploiter toutes les formes d’énerg

978 ie géothermique et l’énergie hydraulique, énergie des fleuves, des petits lacs… Tout cela était complètement négligé et mép

979 ue et l’énergie hydraulique, énergie des fleuves, des petits lacs… Tout cela était complètement négligé et méprisé par les

980 ètement négligé et méprisé par les auteurs depuis une dizaine d’années. Ils disaient tous avec mépris : « c’est de l’intérê

981 est de l’intérêt régional. Ça évite les monopoles des États, monopoles qui visent uniquement la puissance, non pas le bien

982 i visent uniquement la puissance, non pas le bien des gens ni le bien de la région, finalement. Je crois que si l’on veut p

983 n, finalement. Je crois que si l’on veut passer à une croissance autoréglée — qui est la croissance normale, biologique — c

984 oissance normale, biologique — c’est par le moyen des petites unités régionales qu’on y arrivera le mieux. La région et

985 Pourtant on s’aperçoit qu’actuellement, et depuis un certain nombre d’années, le seul pouvoir mobilisateur en France, c’es

986 puis les mass-médias raisonnent ainsi. Est-ce qu’ une expression régionale spontanée pourrait en sortir ? On voit mal comme

987 xact de dire que les gens ne sont motivés que par des questions de « fric » ou de pouvoir d’achat. Naturellement ils y atta

988 de pouvoir d’achat. Naturellement ils y attachent une grande importance parce qu’ils croient à la publicité. On leur dit à

989 gagner de l’argent pour se l’acheter. Il suffit d’ un changement dans l’information des gens pour amener un changement dans

990 ter. Il suffit d’un changement dans l’information des gens pour amener un changement dans la mentalité. C’est l’essentiel,

991 hangement dans l’information des gens pour amener un changement dans la mentalité. C’est l’essentiel, tout tient à cela. E

992 e l’histoire du siècle est dominée par l’angoisse des hommes devant l’absence de communautés. Devant l’absence de possibili

993 l’absence de possibilités d’intervenir et d’avoir une efficacité. Est-ce que l’angoisse communautaire est un effet de la co

994 ficacité. Est-ce que l’angoisse communautaire est un effet de la concentration urbaine et de l’exode rural ? Cela va ensem

995 . Mais les villes n’existent plus guère : ce sont des faubourgs, des banlieues. Des agglomérations qui n’ont plus de centre

996 es n’existent plus guère : ce sont des faubourgs, des banlieues. Des agglomérations qui n’ont plus de centre, qui n’ont plu

997 lus guère : ce sont des faubourgs, des banlieues. Des agglomérations qui n’ont plus de centre, qui n’ont plus de rues où le

998 e rencontrer, depuis que les places sont devenues des parkings, et que les rues sont envahies par le flot de la circulation

999 rues sont envahies par le flot de la circulation des voitures. On a détruit les bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire

1000 s se rencontraient, où ils formaient spontanément des groupes, où l’on pouvait parler à un inconnu, où l’on pouvait tenir u

1001 pontanément des groupes, où l’on pouvait parler à un inconnu, où l’on pouvait tenir un meeting public. Cette place n’exist

1002 ouvait parler à un inconnu, où l’on pouvait tenir un meeting public. Cette place n’existant plus, les villes n’ayant plus

1003 drainé les campagnards sans les restructurer dans un nouvel ensemble social, vous avez cet état de dissociation, de destru

1004 nconsciente chez l’homme, chez la grande majorité des hommes, mais qui fait qu’aussitôt que quelqu’un prétend leur apporter

1005 t qu’aussitôt que quelqu’un prétend leur apporter une réponse, ils marchent. Ils ont marché pour Hitler, sans autre raison

1006 adence, et ils se sentaient ensemble. Ils avaient une raison de vivre pendant ce temps. Cela vous ne pouvez le faire que da

1007 t ce temps. Cela vous ne pouvez le faire que dans un état de société très morbide, où les gens n’ont plus de raison de viv

1008 p de Mussolini, il ne faut pas essayer de recréer une communauté par en haut, par un seul parti, une seule idéologie, beauc

1009 ssayer de recréer une communauté par en haut, par un seul parti, une seule idéologie, beaucoup trop simple et s’imposant c

1010 er une communauté par en haut, par un seul parti, une seule idéologie, beaucoup trop simple et s’imposant comme un cadre de

1011 éologie, beaucoup trop simple et s’imposant comme un cadre de l’extérieur sur les gens. Il faut faire le contraire, c’est-

1012 sortir la communauté du sol comme on fait pousser un arbre, au lieu de planter, comme le fait l’EDF, des poteaux en ciment

1013 n arbre, au lieu de planter, comme le fait l’EDF, des poteaux en ciment préfabriqués — de préférence devant une maison et e

1014 aux en ciment préfabriqués — de préférence devant une maison et en coupant un ou deux arbres… Et les racines, pour vous, c’

1015 s — de préférence devant une maison et en coupant un ou deux arbres… Et les racines, pour vous, c’est la commune ? Il faut

1016 ar plus petit que la commune. Ce que l’on appelle des « communes » par exemple en Amérique ; des colonies, n’importe quoi,

1017 ppelle des « communes » par exemple en Amérique ; des colonies, n’importe quoi, des associations, des paroisses, tout ce qu

1018 emple en Amérique ; des colonies, n’importe quoi, des associations, des paroisses, tout ce qui peut rassembler des hommes a

1019 ; des colonies, n’importe quoi, des associations, des paroisses, tout ce qui peut rassembler des hommes autour d’une idée e

1020 tions, des paroisses, tout ce qui peut rassembler des hommes autour d’une idée et d’une chose qui ait une valeur affective,

1021 , tout ce qui peut rassembler des hommes autour d’ une idée et d’une chose qui ait une valeur affective, une valeur concrète

1022 peut rassembler des hommes autour d’une idée et d’ une chose qui ait une valeur affective, une valeur concrète et quotidienn

1023 s hommes autour d’une idée et d’une chose qui ait une valeur affective, une valeur concrète et quotidienne. C’est cela qui

1024 idée et d’une chose qui ait une valeur affective, une valeur concrète et quotidienne. C’est cela qui est important, partir

1025 eur ville… En Suisse, qui donne toujours l’idée d’ une grande stabilité, vue de l’extérieur, en Suisse il n’y a plus qu’un h

1026 é, vue de l’extérieur, en Suisse il n’y a plus qu’ un homme sur trois qui habite dans sa commune d’origine. Presque tous so

1027 nt déplacés. Prenez la ville de Genève, vous avez une minorité de Genevois, je crois 27 %, et 44 % de Confédérés, c’est-à-d

1028 e de Suisses d’autres cantons, et les autres sont des étrangers. Donc, il n’y a plus qu’une minorité de Genevois. Chose étr

1029 autres sont des étrangers. Donc, il n’y a plus qu’ une minorité de Genevois. Chose étrange, les mœurs politiques sont restée

1030 à 80 % chez eux dans certains cantons, au bout d’ une génération votent à 20 à 25 % comme les Genevois l’ont toujours fait

1031 nevois l’ont toujours fait depuis 1830. Ceci pour des raisons tout à fait mystérieuses, dont il faudrait que les sociologue

1032 , dont il faudrait que les sociologues s’occupent un jour pour voir comment se transmet ce genre de réflexe. Si « le génie

1033 du lieu » agit ainsi, c’est que l’on peut prendre des racines, et même si l’on change de lieu. L’important c’est d’en avoir

1034 de mobilité. Si on le force à être enraciné comme un paysan lié à la terre, c’est un grand malheur. Et s’il est purement n

1035 re enraciné comme un paysan lié à la terre, c’est un grand malheur. Et s’il est purement nomade, aussi. Mon idée de l’homm

1036 plet, la personne, c’est l’homme en tension entre des aspirations contradictoires. Il a besoin de se sentir chez lui quelqu

1037 la région, reposant sur la commune, reposant sur des groupes de quartiers, renforcés par des associations, si j’ai bien co

1038 osant sur des groupes de quartiers, renforcés par des associations, si j’ai bien compris votre pensée, est possible dans un

1039 j’ai bien compris votre pensée, est possible dans un monde sans racines paysannes ? Nous sommes dans une société à dominan

1040 n monde sans racines paysannes ? Nous sommes dans une société à dominante urbaine, caractérisée par l’« atomisation » qui c

1041 ujours à la tyrannie. Car c’est avec la poussière des individus que l’État fait son ciment. Cela n’est pas un phénomène nou

1042 ividus que l’État fait son ciment. Cela n’est pas un phénomène nouveau, cela existait à la fin du monde hellénistique quan

1043 e sentiment communal — montrent la grande sagesse des Grecs : à Milet, ils avaient décidé que, lorsque la population approc

1044 nt décidé que, lorsque la population approcherait des 100 000 habitants, une partie émigrerait (10 000 personnes, qui allai

1045 la population approcherait des 100 000 habitants, une partie émigrerait (10 000 personnes, qui allaient faire une colonie a

1046 émigrerait (10 000 personnes, qui allaient faire une colonie ailleurs, laquelle colonie bien sûr resterait en relation ave

1047 outes ces normes ont été délaissées, et on a bâti des villes énormes, comme Antioche où il y avait 25 km de rues éclairées

1048 armes. Et ces villes naturellement n’étaient plus des communes. Il n’y avait plus l’agora sur laquelle les gens pouvaient s

1049 de la communauté, celle-ci était alors gérée par un nombre décroissant de gens, finalement par un seul tyran. Cela, c’est

1050 par un nombre décroissant de gens, finalement par un seul tyran. Cela, c’est une loi que Jean-Jacques Rousseau avait très

1051 e gens, finalement par un seul tyran. Cela, c’est une loi que Jean-Jacques Rousseau avait très bien définie dans Le Contrat

1052 e magistrats, moins il y a de responsables. Quand un État est tout petit, comme Genève au temps de Jean-Jacques, alors il

1053 mme Genève au temps de Jean-Jacques, alors il y a une quantité immense de magistrats parce que presque tous les citoyens li

1054 antique. Donc, la participation est maximale dans une communauté minimale, et inversement… Aujourd’hui, nous nous trouvons

1055 plus grave, les villes sont plus grandes, il y a des moyens d’action beaucoup plus dangereux à manier. Mais je pense, en a

1056 reux à manier. Mais je pense, en accord avec bien des urbanistes, américains surtout, et anglais également, qu’il faut abso

1057 n ne peut pas détruire les énormes villes. Il y a une ville aux États-Unis qui va de Boston à Washington. On ne peut pas la

1058 ait la fortune nécessaire, mais on peut y recréer des quartiers, des communes, au prix de certaines destructions. On peut r

1059 nécessaire, mais on peut y recréer des quartiers, des communes, au prix de certaines destructions. On peut recréer des plac

1060 u prix de certaines destructions. On peut recréer des places qui ne soient pas des parkings, on peut interdire les rues aux

1061 ons. On peut recréer des places qui ne soient pas des parkings, on peut interdire les rues aux voitures, cela demande une r

1062 eut interdire les rues aux voitures, cela demande une renaissance de l’esprit communal, de l’esprit d’association et de la

1063 isme dans tout cela ? Eh bien, je pense que c’est une place absolument essentielle parce que tout tient à la forme et aux d

1064 it la ville communale au Moyen Âge c’est autour d’ une grande place, où il y a l’église, les auberges, l’hôtel de ville et l

1065 spondait à la révolution communaliste, à l’esprit des communes. Les villes du xixe siècle sont des villes en étoile avec d

1066 rit des communes. Les villes du xixe siècle sont des villes en étoile avec de très larges avenues qui servent au défilé de

1067 avec de très larges avenues qui servent au défilé des troupes, elles peuvent aussi être balayées par les tirs des soldats d

1068 s, elles peuvent aussi être balayées par les tirs des soldats de la garde en cas de révolution. Ainsi, au premier coup d’œi

1069 ive très bien à repérer, d’après l’architecture d’ une ville, quel est le système politique qu’elle représente. Dans le dév

1070 , c’est-à-dire que l’on est en train de fabriquer des petits soldats, des sujets bien alignés, qui n’ont plus aucune espèce

1071 ’on est en train de fabriquer des petits soldats, des sujets bien alignés, qui n’ont plus aucune espèce de résistance, qui

1072 rmé en numéro. Cela ne correspond peut-être pas à un régime politique déterminé. Cela correspond à une manière de juger la

1073 un régime politique déterminé. Cela correspond à une manière de juger la vie où l’homme est une pure et simple carte d’ide

1074 pond à une manière de juger la vie où l’homme est une pure et simple carte d’identité, un producteur-consommateur docile, e

1075 l’homme est une pure et simple carte d’identité, un producteur-consommateur docile, et qui n’existe pour l’État que sous

1076 , et qui n’existe pour l’État que sous la forme d’ un dossier électronique. Quel type d’urbanisme pourrions-nous inventer c

1077 ions-nous inventer collectivement ? Il faut faire des villes petites, et très nombreuses. Mais une chose très curieuse, c’e

1078 aire des villes petites, et très nombreuses. Mais une chose très curieuse, c’est que les architectes les plus avancés aujou

1079 me chiffre qu’Aristote et Platon pour l’optimum d’ une ville. C’est 50 000 habitants. Dès que vous dépassez ces limites, vou

1080 ous dépassez ces limites, vous tombez dans la loi des rendements décroissants. Cela me semble exact, mais je me pose cepend

1081 . Cela me semble exact, mais je me pose cependant une question : 50 000 habitants, cela doit faire à peu près 15 000 employ

1082 t aux besoins de l’économie industrielle qui, par une intégration très poussée et une concentration de moyens et d’hommes,

1083 strielle qui, par une intégration très poussée et une concentration de moyens et d’hommes, doit exécuter un certain nombre

1084 oncentration de moyens et d’hommes, doit exécuter un certain nombre de tâches (produits et services). On peut presque dire

1085 s très complexes. Vous dites que l’économie exige une certaine concentration et conduit à faire des grandes villes. Je mets

1086 ige une certaine concentration et conduit à faire des grandes villes. Je mets cela en question. L’économie n’a rien à exige

1087 e n’a rien à exiger, l’économie est là au service des hommes. Si on vous dit que les dimensions optimums d’une ville exigen

1088 mes. Si on vous dit que les dimensions optimums d’ une ville exigent une économie décentralisée, l’économie doit se décentra

1089 t que les dimensions optimums d’une ville exigent une économie décentralisée, l’économie doit se décentraliser. Si l’on con

1090 ’à présent, il se pourrait bien que l’on arrive à des désastres, qui sont calculables d’ores et déjà. « L’avenir est not

1091 comprendre quelque chose. Ce n’est pas l’affaire des ordinateurs, ce n’est pas l’affaire des impératifs X et Y, c’est leur

1092 l’affaire des ordinateurs, ce n’est pas l’affaire des impératifs X et Y, c’est leur affaire. Souvent les gens n’aiment pas

1093 de leur sort, surtout quand on les cache derrière des fatalités comme Adam se cachait derrière un buisson… Mais, il y a d’a

1094 ière des fatalités comme Adam se cachait derrière un buisson… Mais, il y a d’autres motivations, chez nous, qu’il faudrait

1095 r quelque chose. C’est beaucoup plus important qu’ une augmentation de 2 % du salaire. Quant à l’autogestion je la prends da

1096 salaire. Quant à l’autogestion je la prends dans un sens absolument global, général : responsabilités. C’est le mot qui e

1097 la commune. J’appelle « politique » l’aménagement des rapports humains, dans une communauté donnée, l’équilibre entre la hi

1098 itique » l’aménagement des rapports humains, dans une communauté donnée, l’équilibre entre la hiérarchie des besoins… c’est

1099 ommunauté donnée, l’équilibre entre la hiérarchie des besoins… c’est cela la politique véritable, ce n’est pas de savoir si

1100 ropres, etc.). L’autogestion de l’entreprise pose des problèmes bien particuliers suivant les entreprises : ce n’est pas le

1101 ce n’est pas le même problème, suivant la nature des entreprises. Il y a beaucoup d’expériences qui ont été faites, allant

1102 mule yougoslave… Je pense surtout à l’autogestion des groupes et des petites communes et ensuite à l’autogestion des région

1103 … Je pense surtout à l’autogestion des groupes et des petites communes et ensuite à l’autogestion des régions. La formule d

1104 t des petites communes et ensuite à l’autogestion des régions. La formule des fédérations est extrêmement simple : elle con

1105 t ensuite à l’autogestion des régions. La formule des fédérations est extrêmement simple : elle consiste à faire coïncider

1106 ons avec celles de la communauté. Il faut trouver une adéquation de la dimension des tâches et de la dimension des communau

1107 é. Il faut trouver une adéquation de la dimension des tâches et de la dimension des communautés qui sont amenées à prendre

1108 ion de la dimension des tâches et de la dimension des communautés qui sont amenées à prendre des décisions. C’est cela le f

1109 ension des communautés qui sont amenées à prendre des décisions. C’est cela le fédéralisme : que chacun fasse à son niveau,

1110 e se fédère que pour cela, et non pour constituer une puissance telle que l’État-nation, une puissance qui sert à faire n’i

1111 constituer une puissance telle que l’État-nation, une puissance qui sert à faire n’importe quoi, surtout la guerre. Qu’il s

1112 rte quoi, surtout la guerre. Qu’il se fédère pour des fonctions bien définies. Mais alors là, sans réserve, en solidarité.

1113 e. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’Europe des régions », Sud-Est industriel et commercial, Grenoble, juin–juillet 1

1114 t apparu indispensable de donner la parole à l’un des “pères de l’Europe“, Denis de Rougemont. Avec Churchill, Robert Schum

1115 tion européenne. Écrivain, Denis de Rougemont est un excellent observateur de l’Europe et de l’Occident. L’Europe, il doit

1116  : la prospective. Ce philosophe et historien est un futurologue passionné d’écologie, il croit qu’aucune fatalité ne pèse

1117 Surréalisme : un jeu qui dure depuis 50 ans (7-8 septembre 1974)i j En août 1940, D

1118 s de Rougemont part pour les États-Unis, chargé d’ une mission de conférences par le Secrétariat des Suisses à l’étranger. C

1119 é d’une mission de conférences par le Secrétariat des Suisses à l’étranger. Comment avez-vous rencontré André Breton ? Je l

1120 auss et André Breton. Entre Breton et moi, ce fut une sorte de coup de foudre d’amitié. Nous avons décidé de nous rencontre

1121 , André Breton, le peintre suisse Kurt Seligmann ( un très grand peintre et un maître de magie), le cinéaste Buñuel, Marcel

1122 e suisse Kurt Seligmann (un très grand peintre et un maître de magie), le cinéaste Buñuel, Marcel Duchamp. C’était donc un

1123 le cinéaste Buñuel, Marcel Duchamp. C’était donc une sorte de groupe ? Le surréalisme a toujours été, à Paris, une affaire

1124 groupe ? Le surréalisme a toujours été, à Paris, une affaire de groupe, dont Breton était le « pape », mais au-dessus du p

1125 unié tôt ou tard. C’était entre nous, à New York, une simple affaire d’amitié, d’affinité élective. Plusieurs ravissantes j

1126 de voulait que l’on fît quelques accrocs ou, avec des cigarettes, quelques trous artistement disposés. Les allures un peu f

1127 quelques trous artistement disposés. Les allures un peu folles étaient admises, jamais la drogue. Breton ne l’eût pas tol

1128 Breton ne l’eût pas toléré. Il régnait parmi nous une certaine tenue et une grande liberté de ton. Nous faisions des jeux q

1129 léré. Il régnait parmi nous une certaine tenue et une grande liberté de ton. Nous faisions des jeux que Breton prenait très

1130 tenue et une grande liberté de ton. Nous faisions des jeux que Breton prenait très au sérieux. Pour lui, le jeu était une s

1131 n prenait très au sérieux. Pour lui, le jeu était une sorte d’expérimentation du psychisme, de la surréalité, de ce qui dép

1132 rationnelle. Quelles sortes de jeux ? Il y avait des jeux écrits, comme celui des questions et des réponses, que je préfér

1133 de jeux ? Il y avait des jeux écrits, comme celui des questions et des réponses, que je préférais. Il se jouait par paires.

1134 ait des jeux écrits, comme celui des questions et des réponses, que je préférais. Il se jouait par paires. L’un écrivait tr

1135 oix les résultats. C’était prodigieux. J’ai gardé un certain nombre de ces petits papiers, où je retrouve souvent l’écritu

1136 orsque je repris ce jeu dans ma maison de Ferney. Un soir, la personne qui jouait avec moi avait écrit : « Qu’arriverait-i

1137 gie Cela vous est-il arrivé depuis ? Oui, dans des circonstances assez différentes. Je donnais la leçon inaugurale de l’

1138 e de l’année 1973-1974 à l’Institut universitaire des hautes études internationales, en octobre dernier, juste avant la pre

1139 nt que le système techno-industriel montrait déjà des ratés, et voilà que sur le mot « raté » toutes les lumières se sont é

1140 e Genève). Naturellement, les auditeurs ont cru à une mise en scène, d’autant plus que j’ai continué à parler, suivant mes

1141 continué à parler, suivant mes notes à la lueur d’ une torche électrique. Après vingt minutes, au moment où je lis dans mes

1142 ue j’ai écrit à New York. Il se demandait comment un homme qui croit en Dieu pouvait avoir des relations avec la magie. Ca

1143 comment un homme qui croit en Dieu pouvait avoir des relations avec la magie. Car c’est un fait qu’au cours de nos jeux su

1144 vait avoir des relations avec la magie. Car c’est un fait qu’au cours de nos jeux surréalistes d’intuition, de divination,

1145 la parapsychologie. Mais il était le contraire d’ un médium. Au fond, c’était un dogmatique subversif, et un rationaliste

1146 était le contraire d’un médium. Au fond, c’était un dogmatique subversif, et un rationaliste malgré lui. Les insultes

1147 ium. Au fond, c’était un dogmatique subversif, et un rationaliste malgré lui. Les insultes de Breton Un soir, on ava

1148 onaliste malgré lui. Les insultes de Breton Un soir, on avait décidé que l’on me banderait les yeux et que l’on me m

1149 ue l’on me mettrait dans la main, successivement, un objet appartenant à chacune des femmes présentes. Chaque fois, j’ai d

1150 n, successivement, un objet appartenant à chacune des femmes présentes. Chaque fois, j’ai deviné à qui était l’objet. Breto

1151 ixé » par ce genre de choses. Vous vous souveniez des femmes à qui appartenaient ces objets ? Absolument pas. On me plaçait

1152 ar exemple celui qui consiste à qualifier chacune des personnes présentes, sans réfléchir, immédiatement, par deux adjectif

1153 eur, l’autre péjoratif. Il a donné lieu parfois à des scènes terribles, quand Breton n’était pas d’accord. Un jour, par exe

1154 nes terribles, quand Breton n’était pas d’accord. Un jour, par exemple, nous avions décidé de faire un banquet consacré au

1155 Un jour, par exemple, nous avions décidé de faire un banquet consacré au nombre 21 — nombre sacré, il y a toute une littér

1156 onsacré au nombre 21 — nombre sacré, il y a toute une littérature là-dessus — qui avait joué un certain rôle dans ma vie. N

1157 toute une littérature là-dessus — qui avait joué un certain rôle dans ma vie. Nous avions lancé 21 invitations à dîner da

1158 ie. Nous avions lancé 21 invitations à dîner dans un restaurant portugais, près des docks de New York. Vers dix heures du

1159 ations à dîner dans un restaurant portugais, près des docks de New York. Vers dix heures du soir, je suis monté sur un esca

1160 York. Vers dix heures du soir, je suis monté sur un escabeau pour lire le chapitre consacré au nombre 21 par l’occultiste

1161 u xixe siècle Éliphas Levi, que Breton vénérait. Un jeune philosophe grec fut désigné, que Breton avait baptisé « le nouv

1162 arriva devant Claude Lévi-Strauss, il lui adressa un adjectif louangeur que j’ai oublié, puis il le traita de « calomniate

1163 Freud » parce que Lévi-Strauss venait de publier un article sur l’ethnographe Malinowski, qui critiquait Freud. Fureur ju

1164 avait été sacrifiée sur l’autel du nombre 21… Une religion nouvelle Les surréalistes ont célébré les villes modernes

1165 ouvait vide, artificiel, sans âme. Je me rappelle un dimanche matin, à Madison Avenue. La rue était déserte, tout le monde

1166 tre les gratte-ciel. Il s’arrêta et me dit, après un silence : « Et pourquoi ne ferait-on pas une religion dédiée au culte

1167 après un silence : « Et pourquoi ne ferait-on pas une religion dédiée au culte d’une pierre bleue ? » Et puis il est repart

1168 i ne ferait-on pas une religion dédiée au culte d’ une pierre bleue ? » Et puis il est reparti. L’incident trahit quelque ch

1169 quelque chose chez lui. Il a passé toute sa vie à une religion [sic] qui n’aurait pas été le christianisme et dont il aurai

1170 it pas été le christianisme et dont il aurait été un des grands prêtres. Un jour, nous parlions des sectes cathares, avec

1171 pas été le christianisme et dont il aurait été un des grands prêtres. Un jour, nous parlions des sectes cathares, avec un a

1172 isme et dont il aurait été un des grands prêtres. Un jour, nous parlions des sectes cathares, avec un ami. Il écoutait d’u

1173 été un des grands prêtres. Un jour, nous parlions des sectes cathares, avec un ami. Il écoutait d’une oreille, et brusqueme

1174 Un jour, nous parlions des sectes cathares, avec un ami. Il écoutait d’une oreille, et brusquement il s’est tourné vers n

1175 s des sectes cathares, avec un ami. Il écoutait d’ une oreille, et brusquement il s’est tourné vers nous : « Voilà, dit-il,

1176 ment il s’est tourné vers nous : « Voilà, dit-il, une Église où j’aurais pu être évêque ! » i. Rougemont Denis de, « [E

1177 Rougemont Denis de, « [Entretien] Surréalisme : un jeu qui dure depuis cinquante ans », 24 Heures, Lausanne, 7–8 septemb

1178 tra André Breton, Marcel Duchamp et leurs amis. D’ une conversation enregistrée qui s’est poursuivie une soirée entière, nou

1179 une conversation enregistrée qui s’est poursuivie une soirée entière, nous avons extrait les passages qui se rapportent à l

1180 ns extrait les passages qui se rapportent à l’une des activités du groupe : le jeu. Concernant celui du “cadavre exquis”, p

1181 omplexe de culpabilité (1975)p Au premier rang des peuples qui se disent heureux, selon les sondages d’opinion, les Suis

1182 mportement paradoxal (mais qui est en somme celui des riches et de l’Occident en général), il m’a semblé que l’inquiétude s

1183 re rang ?) Inquiétude du patriote : dans le monde des technocrates, des grands marchés, des grands ensembles politiques en

1184 ude du patriote : dans le monde des technocrates, des grands marchés, des grands ensembles politiques en formation, est-ce

1185 ns le monde des technocrates, des grands marchés, des grands ensembles politiques en formation, est-ce que nos libertés, et

1186 Suisse elle-même, en tant qu’État, gardent encore un sens et pourront subsister ? Inquiétude spirituelle et morale enfin :

1187 ons d’être ? L’autocritique est devenue, au cours des dernières décennies, l’une des tendances les plus typiques de l’espri

1188 devenue, au cours des dernières décennies, l’une des tendances les plus typiques de l’esprit suisse en tant qu’il s’exprim

1189 théâtre, l’enquête sociologique et les éditoriaux des grands journaux romands. Depuis 1962, date de la demande d’associatio

1190 insi et qu’ils ont tort. Au bout du compte, c’est une propension à l’anxiété, voire à l’autodénigrement, plutôt qu’à la van

1191 sance, qui frappe l’observateur de ce pays. Quand un homme d’État français dit d’une œuvre, d’un produit, d’une doctrine :

1192 de ce pays. Quand un homme d’État français dit d’ une œuvre, d’un produit, d’une doctrine : « Voilà qui est bien français !

1193 Quand un homme d’État français dit d’une œuvre, d’ un produit, d’une doctrine : « Voilà qui est bien français ! » on entend

1194 d’État français dit d’une œuvre, d’un produit, d’ une doctrine : « Voilà qui est bien français ! » on entend : Voilà qui es

1195 cifiques du « malaise suisse » ont sans nul doute une tout autre origine que la traditionnelle rouspétance latine, si bien

1196 uspétance latine, si bien formulée par le titre d’ un ouvrage d’Alain : Le Citoyen contre les Pouvoirs. Ce ne sont pas les

1197 èges ? Ne sont-ils pas en train de s’enliser dans un épais matérialisme, et dans un égoïsme qui dément leurs grands idéaux

1198 de s’enliser dans un épais matérialisme, et dans un égoïsme qui dément leurs grands idéaux officiels ? Cette réaction fon

1199 croyance ne se distinguent de leurs ainés que par une virulence particulière sur le chapitre des indignations morales qu’il

1200 ue par une virulence particulière sur le chapitre des indignations morales qu’ils opposent au moralisme « embourgeoisé » et

1201 nt au moralisme « embourgeoisé » et « hypocrite » des « soi-disant chrétiens ». Toutefois, ces motivations spirituelles ou

1202 pulaires si elles ne se trouvaient coïncider avec un sentiment diffus, presque inconscient, qui tourmente la Suisse du xxe

1203 nscient, qui tourmente la Suisse du xxe siècle : une sorte de complexe de culpabilité. Il s’est noué pendant la Première G

1204 che qu’ils devinaient chez le voisin français par des outrances verbales contre l’Allemand, ou vice versa. C’est alors que

1205 urs sur « Notre point de vue suisse », dont voici un passage très significatif : Par notre modestie, nous témoignons aux

1206 uoi ? » Quiconque s’est jamais trouvé au chevet d’ un malade sait ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui

1207 é au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir de son bien-être p

1208 e-deux-guerres, en 1936, Karl Barth interrogé par des étudiants hongrois sur l’attitude du croyant dans la vie politique, a

1209 les tournures du langage théologique : Le péché des Suisses pourrait bien avoir son expression particulière dans la neutr

1210 liberté et de leur sagesse. Ce sont, par nature, des pharisiens de la politique, qui remercient Dieu de ce qu’ils ne sont

1211 ue œuvre de secours, d’adopter en temps de guerre un enfant allemand, un enfant français, et de devenir ainsi, par-dessus

1212 d’adopter en temps de guerre un enfant allemand, un enfant français, et de devenir ainsi, par-dessus le marché, un bienfa

1213 nçais, et de devenir ainsi, par-dessus le marché, un bienfaiteur de l’humanité. Il ne connaît et n’aime aucun problème ext

1214 politique suisse vit de compromis. Le Suisse est un bourgeois qui place au premier rang de ses préoccupations son repos e

1215 é. Tel pourrait être, à peu près, le péché propre des Suisses. C’est dans la conscience nationale que le jugement de Dieu q

1216 gard de notre patrie), mais ce devoir est celui d’ un accusé et d’un coupable. Helveticus sum, homo sum, peccator sum 16.

1217 atrie), mais ce devoir est celui d’un accusé et d’ un coupable. Helveticus sum, homo sum, peccator sum 16. Péché et culpab

1218 sum, peccator sum 16. Péché et culpabilité sont des concepts théologiques17 dont je ne vois pas qu’ils trouvent dans le c

1219 qu’ils trouvent dans le cas du « malaise suisse » une application pertinente. La neutralité ne pourrait être péché que chez

1220 e pourrait être péché que chez ceux qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle est une mesure politique — expédient ren

1221 ui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle est une mesure politique — expédient rendu nécessaire par l’absence de pouvoi

1222 it discuter —, mais la traiter de péché n’est pas une solution et empêche même d’en trouver une, car si elle est un péché,

1223 est pas une solution et empêche même d’en trouver une , car si elle est un péché, il faut le révoquer, ou si elle nous fait

1224 et empêche même d’en trouver une, car si elle est un péché, il faut le révoquer, ou si elle nous fait tomber dans le péché

1225 ire que la neutralité peut se justifier dans bien des cas, on en prendra trop facilement prétexte pour nier que Barth ait r

1226 r en tant que vertu générale. Essayons de prendre une vue globale, et objective au moins par l’intention, de la manière don

1227 cités au cours de cet ouvrage me semblent révéler une tendance générale — et pour le coup, « bien suisse » — à juger d’un p

1228 le — et pour le coup, « bien suisse » — à juger d’ un problème moins sur son mérite propre (ou contenu) que sur les mérites

1229 ui venait admirer notre libre Helvétie et qui est un peu déconcerté… Eh bien, lisez nos quotidiens : on y parle à longueur

1230 manque de main-d’œuvre, de la pollution de l’air, des eaux et des paysages, de la laideur des petites maisons neuves, qui p

1231 in-d’œuvre, de la pollution de l’air, des eaux et des paysages, de la laideur des petites maisons neuves, qui poussent part

1232 de l’air, des eaux et des paysages, de la laideur des petites maisons neuves, qui poussent partout sans le moindre plan, ou

1233 de vivre, de l’insuffisante éducation de base et des impasses de l’enseignement supérieur, du vieux duel de la commune et

1234 x duel de la commune et de l’État, de la montée d’ un « matérialisme jouisseur, calculateur, éludant le problème du sens de

1235 teur, éludant le problème du sens de la vie »18 d’ une existence amortie comme une dette, d’un bonheur à tempérament, et de

1236 sens de la vie »18 d’une existence amortie comme une dette, d’un bonheur à tempérament, et de l’esprit de nivellement univ

1237 ie »18 d’une existence amortie comme une dette, d’ un bonheur à tempérament, et de l’esprit de nivellement universel, père

1238 petits États fédérés. — Oui, disent les Suisses d’ un air soucieux, mais rien ne prouve que ça va durer. Le Marché commun n

1239 est compromis, et ce qu’il en reste freine l’élan des entreprises. Est-ce qu’il y aura une place pour nous dans le monde qu

1240 reine l’élan des entreprises. Est-ce qu’il y aura une place pour nous dans le monde qui vient ? Satiriques, vengeurs ou nav

1241 énoncent, tant qu’ils n’ouvriront pas les voies d’ un dépassement de nos petitesses. « Besoin de grandeur », gémit Ramuz, c

1242 ur moyen de les libérer. Il faudrait leur montrer des horizons plus vastes, qui soient les leurs. Mieux vaudrait donc, me s

1243 à la hauteur de leur régime fédéraliste, dont pas un seul de leurs censeurs n’a jamais suggéré qu’ils l’échangent contre u

1244 eurs n’a jamais suggéré qu’ils l’échangent contre un régime totalement différent, communiste ou fasciste, dictatorial, pré

1245 ntiel ou monarchique. La vraie chance de grandeur des Suisses, je ne la vois pas ailleurs que dans les raisons d’être de le

1246 spirituelles. Fédéralisme, seul régime possible d’ un avenir humain de l’Europe ! Il est menacé, nous dit-on ? Rien de tel

1247 est menacé, nous dit-on ? Rien de tel pour tirer un homme de ses doutes brumeux et de son anxiété qu’un défi bien concret

1248 homme de ses doutes brumeux et de son anxiété qu’ un défi bien concret, venant de l’extérieur. Et de même que l’Europe a m

1249 sme de certains écrivains auxquels leur ignorance des conditions réelles du progrès permet seule de se dire progressistes,

1250 ne conscience de l’avenir qu’elle représente pour une Europe qui n’en sait rien encore ! Je ne conçois pas d’autre remède à

1251 e remède à ses névroses de prospérité. C’est dans une modestie trop commode, un peu lâche, que réside sa pire tentation et

1252 prospérité. C’est dans une modestie trop commode, un peu lâche, que réside sa pire tentation et vraiment son péché virtuel

1253 uteur). Helveticus sum… : Je suis suisse, je suis un être humain, je suis un pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité est a

1254 : Je suis suisse, je suis un être humain, je suis un pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité est aussi un état ou une cond

1255 pécheur. 17. Nuançons : la culpabilité est aussi un état ou une conduite psychologiques. L’Évangile parle de remords, de

1256 7. Nuançons : la culpabilité est aussi un état ou une conduite psychologiques. L’Évangile parle de remords, de repentir, de

1257 masochisme. 18. Phrase extraite du commentaire d’ une enquête sociologique sur les examens que passent les recrues, dans le

1258 eurs, mon premier mouvement a été de recul devant un sujet qui me paraissait appeler la compétence de l’économiste que je

1259 miste que je ne suis pas. Mais je dois vous faire un aveu : si j’ai finalement accepté de vous parler de la société post-i

1260 a société post-industrielle, c’est que j’ai vu là une occasion inespérée d’essayer de comprendre moi-même ce que cette expr

1261 veut-on dire ? Je vois d’abord ce qui est exclu : une société dans laquelle il n’y aurait plus d’industrie, qui arrêterait

1262 ait toute recherche technologique, pour revenir à un stade primitif de lampes à huile ou de coutume des cavernes. On ne ve

1263 un stade primitif de lampes à huile ou de coutume des cavernes. On ne veut pas dire non plus, je crois, qu’une société post

1264 ernes. On ne veut pas dire non plus, je crois, qu’ une société post-industrielle serait celle où les besoins et les désirs d

1265 ni à fermer les usines, ni à décréter la semaine des cinq dimanches plus le week-end, la société post-industrielle ne peut

1266 trielle ne peut signifier concrètement que ceci : un changement de cap, un changement de finalités, une nouvelle hiérarchi

1267 ier concrètement que ceci : un changement de cap, un changement de finalités, une nouvelle hiérarchie des valeurs, par rap

1268 un changement de cap, un changement de finalités, une nouvelle hiérarchie des valeurs, par rapport à celle qui a caractéris

1269 changement de finalités, une nouvelle hiérarchie des valeurs, par rapport à celle qui a caractérisé la société industriell

1270 à Los Angeles et Vladivostok, jusqu’à Tokyo même. Une société post-industrielle sera donc une société qui adopte et promeut

1271 kyo même. Une société post-industrielle sera donc une société qui adopte et promeut des valeurs tout à fait différentes de

1272 ielle sera donc une société qui adopte et promeut des valeurs tout à fait différentes de celles qu’impliquait et imposait l

1273 ans nos esprits. Il suppose en effet, avant tout, une prise de conscience non seulement du fait de la crise dont tout le mo

1274 u fait de la crise dont tout le monde parle, mais des causes de cette crise en nous, dans nos mentalités, nos attitudes et

1275 vie. II La société industrielle reposait sur un certain nombre de « principes », qui allaient de soi, n’étaient pas d

1276 ce système de valeurs était la croissance ; mais une croissance indéfinie, sans autre mesure que numérique, une croissance

1277 sance indéfinie, sans autre mesure que numérique, une croissance qui n’avait donc rien de commun, sauf le nom, avec la croi

1278 sance vivante au sens authentique du terme, celle des plantes, des animaux et de l’individu humain, croissance qui, elle, c

1279 au sens authentique du terme, celle des plantes, des animaux et de l’individu humain, croissance qui, elle, comporte son p

1280 l’homme. Le passage de la société industrielle à une société post-industrielle, je crois qu’on pourrait le résumer aussi p

1281 ussi par le contraste entre les attitudes de deux des plus grands patrons d’aujourd’hui. En 1973, Henry Ford II déclarait a

1282 ujourd’hui. En 1973, Henry Ford II déclarait avec une belle sobriété : « Nous sommes là pour produire des automobiles, non

1283 e belle sobriété : « Nous sommes là pour produire des automobiles, non pas pour assurer le bonheur du genre humain. » La se

1284 heur du genre humain. » La semaine dernière, dans une interview sur la crise, Giovanni Agnelli a répondu : « L’important, c

1285 r sous le nom de loisirs, la diminution du nombre des heures par jour, des jours par semaine, et des années d’activité minu

1286 irs, la diminution du nombre des heures par jour, des jours par semaine, et des années d’activité minutées à l’usine ou au

1287 re des heures par jour, des jours par semaine, et des années d’activité minutées à l’usine ou au bureau ? C’est la position

1288 ’usine ou au bureau ? C’est la position simpliste des syndicats : elle relève encore beaucoup trop de la mentalité industri

1289 s analyser ni la nature du travail, ni le contenu des loisirs. L’homme industriel en principe travaille trop, parce qu’il f

1290 nne, dans le temps plein, la plénitude manifestée des facultés créatrices de chacun. J’ajouterai que la société post-indust

1291 aussi permettre à tout homme de ne pas consacrer une part exagérée du produit de son travail à payer ses trajets vers son

1292 er pour être payé, ou à payer pour pouvoir gagner une vie qu’il n’aura même plus le temps de vivre ! IV Le nœud du pr

1293 ntement décisif, se situe donc dans la définition des besoins humains. La société industrielle, quoi qu’on en dise, n’est

1294 quoi qu’on en dise, n’est pas née pour satisfaire des besoins réels de l’homme, mais bien pour les utiliser, et puis pour l

1295 ssé de fomenter, de susciter en vue de son profit des besoins neufs, artificiels, quitte à s’en prévaloir ensuite, une fois

1296 uée. Le meilleur exemple que l’on puisse donner d’ un tel processus, c’est de toute évidence celui de l’automobile. À l’aut

1297 À l’automne de 1875, il y a cent ans exactement, un petit paysan de 12 ans nommé Henry Ford, croise à huit miles de Detro

1298 croise à huit miles de Detroit ce qu’il appelle «  une locomotive routière ». Il a vécu ce jour-là, dit-il, son « chemin de

1299 grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière », écrira-t-il dans son autobiographie. En 189

1300 remière voiture. « On la considérait plutôt comme une peste, écrit-il, à cause de son vacarme qui effrayait les chevaux. »

1301 lquefois été donné à de curieux véhicules mus par un moteur à explosion… Cette invention, aujourd’hui oubliée, n’a connu q

1302 i oubliée, n’a connu qu’échecs et désapprobations des autorités scientifiques. » Deux ans plus tard, Clemenceau écrira dans

1303 te l’assurance que peuvent donner aux ambitions d’ un petit campagnard son ignorance du reste du monde, son puritanisme naï

1304 s-Unis depuis l’époque de Benjamin Franklin. Sous une écorce rude, il cache une stupéfiante insensibilité. Ce qui ne l’empê

1305 Benjamin Franklin. Sous une écorce rude, il cache une stupéfiante insensibilité. Ce qui ne l’empêche pas du tout de désirer

1306 ses ouvriers, afin de les détourner du vice, fils des loisirs. En 1899, il fonde une première entreprise de construction d’

1307 vait pas de demande pour les automobiles… et même une répugnance du public… » Phrase inouïe, constat vertigineux, aveu du s

1308 cela. C’est dire qu’il va changer la nature même des besoins de l’homme occidental, et surtout la conscience que l’homme a

1309 dix-huit-mille voitures, mais dix ans plus tard, un million. Quand il meurt en 1947, la General Motors et la Ford Company

1310 our laquelle il n’y avait pas de demande, et même une certaine répugnance au début de ce siècle, est devenue le besoin numé

1311 début de ce siècle, est devenue le besoin numéro un de la plupart des Occidentaux. Mais ce n’est pas encore le plus curie

1312 ion primitive inversée dès qu’on la multiplie par des millions. Elle mène à l’usine, au bureau, plus souvent que vers les v

1313 humiliante de quelques émirs de droit divin, avec des conséquences poli­tiques qui relèvent du carambolage non calculé et p

1314 du quatre ou cinq à l’heure, qui est la vitesse d’ un piéton peu pressé, et par l’embouteillage crée l’immobilité sous sa f

1315 Les trains reviennent à la mode, mais ce n’est qu’ une passade. Ce pays a développé une manière de vivre particulière à caus

1316 mais ce n’est qu’une passade. Ce pays a développé une manière de vivre particulière à cause de l’automobile, et vous ne pou

1317 , et vous ne pouvez plus changer cela en poussant un bouton. » L’aventure de l’Auto est bouclée. Le besoin qui n’existait

1318 V Vous me pardonnerez, je l’espère, de m’être un peu étendu sur le chapitre sans doute le plus illustratif de la socié

1319 ratif de la société industrielle. C’est parce que des valeurs nouvelles existent et agissent en nous déjà, que les valeurs

1320 à mes yeux, l’indicateur très certain du déclin d’ une certaine société, autour de nous, et de la proche émergence d’une soc

1321 iété, autour de nous, et de la proche émergence d’ une société nouvelle, en nous d’abord. Et pour décrire ses caractéristiqu

1322 cela, s’il faut choisir. Car le profit n’est pas un principe de mesure pour l’homme, ni pour la cité. Il n’est qu’un chif

1323 mesure pour l’homme, ni pour la cité. Il n’est qu’ un chiffre. Il ne relève pas du vivant, il n’est pas autorégulé, et par

1324 ent de régulation, comme la personne. Il est donc un principe de démesure systématique, destructeur de l’humain autant que

1325 é industrielle veut augmenter sans cesse l’empire des besoins, parce que c’est le besoin qui soumet l’homme aux forces maté

1326 rend donc de plus en plus nécessiteux, dépendants des besoins matériels qu’elle multiplie par la publicité. La société nouv

1327 mite », comme disent les Américains. Il nous faut un nouveau marketing, qui analyse les besoins réels, et non les possibil

1328 exponentiel. Le marketing a introduit de la sorte un élément de perversion des désirs : et voilà bien la pire aliénation !

1329 a introduit de la sorte un élément de perversion des désirs : et voilà bien la pire aliénation ! Il nous faut retrouver de

1330 bien la pire aliénation ! Il nous faut retrouver des mesures, gagées sur l’homme, traduisant les données constitutives de

1331 et d’inverser totalement le sens de la fonction d’ un phénomène. Exemples : si vous multipliez par dix les dimensions de vo

1332 e haut ; pour les gravir, il vous faudra l’aide d’ une échelle, et c’est précisément ce que l’escalier avait pour seule fonc

1333 se zéro. De même, la proli­fération exponentielle des armements paralyse en pratique les mieux armés, comme on l’a bien vu

1334 cepticisme et à la délinquance. Cette dégradation des relations humaines, née des grandes villes, devrait à mon sens faire

1335 ce. Cette dégradation des relations humaines, née des grandes villes, devrait à mon sens faire l’objet d’un nouveau rapport

1336 randes villes, devrait à mon sens faire l’objet d’ un nouveau rapport dramatique au club de Rome. Contre le gigantisme, un

1337 dramatique au club de Rome. Contre le gigantisme, un grand industriel anglais, E. M. Schumacher, lançait il y a deux ou tr

1338 M. Schumacher, lançait il y a deux ou trois ans, un slogan qui est en train de faire fortune : Small is beautiful. Non qu

1339 l. Non que la petitesse soit bonne en soi : c’est une question de proportions. Mais il est clair que nos trop grands États

1340 . Si l’on ne peut pas réduire la masse critique d’ une bombe H, ne faut-il pas réduire la taille de ceux qui seraient tentés

1341 vital de substituer aux États-nations souverains des pléiades de régions ou de très petits États « incapables de faire de

1342 les centrales nucléaires, ces idoles maléfiques d’ une société de gaspillage à bout de souffle… Mais je m’arrête, je n’en fi

1343 névitable : « Votre modèle post-industriel a-t-il des chances de se réaliser ? » J’ai coutume de répondre à cette question

1344 avenir, mais pour le faire. Et que la décadence d’ une société commence quand on pose la question : « Que va-t-il arriver ? 

1345 e Guerre mondiale Seule rescapée avec la Suède des deux grandes guerres du xxe siècle européen, la Suisse entre dans l’

1346 uropéen, la Suisse entre dans l’après-guerre avec des sentiments mêlés de soulagement (elle n’a pas été occupée, son armée

1347 honte, parce qu’elle seule est intacte au cœur d’ un continent physiquement meurtri, économiquement disloqué, et surtout m

1348 oralement diminué. Au lendemain de la Libération, un Suisse rencontrant un Français, un Allemand ou un Italien, éprouve un

1349 lendemain de la Libération, un Suisse rencontrant un Français, un Allemand ou un Italien, éprouve une sorte d’embarras, co

1350 la Libération, un Suisse rencontrant un Français, un Allemand ou un Italien, éprouve une sorte d’embarras, comme un besoin

1351 un Suisse rencontrant un Français, un Allemand ou un Italien, éprouve une sorte d’embarras, comme un besoin de s’excuser.

1352 t un Français, un Allemand ou un Italien, éprouve une sorte d’embarras, comme un besoin de s’excuser. « S’excuser de quoi ?

1353 u un Italien, éprouve une sorte d’embarras, comme un besoin de s’excuser. « S’excuser de quoi ? Quiconque s’est jamais tro

1354 quoi ? Quiconque s’est jamais trouvé au chevet d’ un malade sait ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui

1355 é au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homme de cœur a besoin qu’on lui pardonne de jouir de son bien-être p

1356 désormais au monde entier. Et cela se traduit par un refus d’adhérer à l’ONU, alors simple instrument de la politique des

1357 à l’ONU, alors simple instrument de la politique des puissances victorieuses, en attendant de devenir le champ clos de leu

1358 clos de leur rivalité ; mais aussi par la reprise des relations diplomatiques avec l’URSS, puis avec la Chine de Mao — déma

1359 ns technique du terme) de l’avenir européen. Lors des premières Rencontres internationales de Genève, au début de septembre

1360 , ou bien l’Europe deviendra le champ de bataille des grandes forces voisines (la Russie et l’Amérique), ou bien elle se fé

1361 la Suisse officielle et la majorité « réaliste » des Suisses répondent qu’une certaine humilité convient seule à ce petit

1362 la majorité « réaliste » des Suisses répondent qu’ une certaine humilité convient seule à ce petit pays, et qu’il serait par

1363 parfaitement illusoire et utopique d’imaginer que des solutions suisses puissent être un seul instant prises au sérieux par

1364 ’imaginer que des solutions suisses puissent être un seul instant prises au sérieux par les « puissances » de l’époque. Et

1365 ’époque. Et pourtant il est clair que la vérité d’ une idée ne dépend pas de la taille de celui qui la formule, et que les «

1366 mesurables, comme le revenu par tête, la densité des téléphones, des autos et des réfrigérateurs, mais aussi quant à la qu

1367 me le revenu par tête, la densité des téléphones, des autos et des réfrigérateurs, mais aussi quant à la qualité de la vie,

1368 par tête, la densité des téléphones, des autos et des réfrigérateurs, mais aussi quant à la qualité de la vie, au civisme,

1369 (C’est tout cela que les « grands pays » perdent un peu plus, et sans retour, à chacune de leurs « grandes » guerres, mêm

1370 fiée : si elle diffère substantiellement de celle des « puissances » d’hier, ce n’est plus par les dimensions, mais par le

1371 sonnantes qui font la richesse du pays. Mais dans un temps de crise comme celui qui s’est instauré dès l’automne de 1973,

1372 é dès l’automne de 1973, la neutralité, qui était une forme de sagesse apaisante, devient une source de controverses consta

1373 qui était une forme de sagesse apaisante, devient une source de controverses constamment irritantes, soit que l’État l’invo

1374 ire. L’université leur réplique qu’il s’agit là d’ un calcul faux, parce qu’à trop courte vue, la qualité de la recherche s

1375 ur atout de notre industrie. On s’agite au niveau des cantons, où l’on dénonce « l’emprise croissante de Berne », particuli

1376 e de la population. Mais en même temps on demande des subsides fédéraux pour les tomates, la vigne, l’horlogerie, l’industr

1377 e séparer les problèmes intérieurs du fédéralisme des problèmes extérieurs de la neutralité et de la coopération. La Sui

1378 fédéralisme, celui qui a fait la Suisse à partir des communes médiévales, forestières, agricoles ou urbaines. Le fédéralis

1379 . Le fédéralisme n’est rien d’autre, en effet, qu’ une manière de se mettre ensemble pour faire ce dont aucun ne serait capa

1380 faire ce dont aucun ne serait capable seul. C’est une méthode de répartition des pouvoirs de décision, selon les dimensions

1381 it capable seul. C’est une méthode de répartition des pouvoirs de décision, selon les dimensions des tâches à accomplir d’u

1382 on des pouvoirs de décision, selon les dimensions des tâches à accomplir d’une part, et selon la taille des groupes sociaux

1383 tâches à accomplir d’une part, et selon la taille des groupes sociaux et politiques qui peuvent s’en charger, d’autre part.

1384 t tout naturellement, et selon la même logique, d’ un pouvoir continental qu’il reste à créer mais que la nature des choses

1385 ontinental qu’il reste à créer mais que la nature des choses et les dimensions mêmes de la tâche appellent normalement. Ain

1386 onnel résultent certaines conséquences politiques des plus nouvelles et virtuellement novatrices, quant aux relations entre

1387 ue le tabou de la neutralité constituaient depuis un siècle l’article principal du catéchisme de notre politique étrangère

1388 ne — de la Suisse, de 1945 à 1975, s’explique par une oscillation perpétuelle entre une conception négative, invoquant le t

1389 s’explique par une oscillation perpétuelle entre une conception négative, invoquant le tabou, et une conception active, in

1390 e une conception négative, invoquant le tabou, et une conception active, invoquant la solidarité. La neutralité-tabou entra

1391 tière du Conseil de l’Europe. En 1972, elle signe des accords de coopération limitée mais réelle avec la CEE. Mais des lien

1392 coopération limitée mais réelle avec la CEE. Mais des liens plus concrets se tissent chaque jour entre la Suisse et l’Europ

1393 e et l’Europe. Le simple fait de l’agrandissement des tâches économiques, sociales, scientifiques, écologiques, etc. que le

1394 cle imposent à nos États, entraîne nécessairement des dépassements de la « souveraineté nationale » telle que le siècle der

1395 isme authentique consiste à accorder la dimension des tâches à celle des communautés capables de les gérer, il devient évid

1396 nsiste à accorder la dimension des tâches à celle des communautés capables de les gérer, il devient évident que les Suisses

1397 e actuel. Autrement dit, et pour paraphraser l’un des slogans célèbres de la révolution soviétique, « le fédéralisme dans u

1398 e la révolution soviétique, « le fédéralisme dans un seul pays est utopique ». Car si, dans les domaines indiqués plus hau

1399 eviendrait du même coup, aux yeux de ses voisins, un État-nation, comme les autres ; plus grave : elle se verrait bientôt

1400 condition de s’étendre, quand il le faut, au-delà des limites de l’État fédéral institué en 1848. Si la Suisse veut rester

1401 ition de l’énergie, de la lutte contre la famine, des mesures contre la pollution des océans, ou du maintien à tout prix de

1402 contre la famine, des mesures contre la pollution des océans, ou du maintien à tout prix de la paix. De tout cela, la Suiss

1403 ut cela, la Suisse ne peut se désintéresser, pour des raisons à la fois morales et utilitaires. Certes, la Suisse a bien le

1404 e choix se pose entre la solidarité et l’égoïsme. Un égoïsme fermé sur soi-même, dans nos frontières, comme le rêvent, sem

1405 rait réussir qu’au prix de sacrifices matériels d’ un héroïsme peu probable, et au surplus sans vraie grandeur. Tout égoïsm

1406 mé, suppose en revanche, et pratiquement, l’union des peuples de l’Europe ; parce que cette union politique serait seule ca

1407 La Suisse devrait être l’exemple et le moteur d’ une fédéralisation de l’Europe, ai-je écrit, il y a plus de dix ans, dans

1408 plus de dix ans, dans La Suisse ou l’histoire d’ un peuple heureux . Aujourd’hui, il me semble que ce « modèle » (au sens

1409 éunion de 25 petits États souverains, le modèle d’ une fédération des 27 États souverains du continent, mais je vois dans le

1410 tits États souverains, le modèle d’une fédération des 27 États souverains du continent, mais je vois dans le Conseil fédéra

1411 mais je vois dans le Conseil fédéral le modèle d’ un gouvernement fédéral européen. La principale qualité du gouvernement

1412 seillers fédéraux ne sont pas du tout l’émanation des cantons, mais qu’ils sont désignés en fonction de leurs compétences p

1413 leurs compétences particulières pour s’occuper d’ un secteur de la vie publique. S’ils devaient représenter les cantons, i

1414 ation de trois cantons. Leurs chefs auraient fait un beau pacte en latin, l’écrivant de la main gauche, probablement, puis

1415 s le ciel sur la prairie du Grütli. Tout cela est une fable qu’il n’est même pas intéressant de réfuter. En réalité, les ch

1416 nt. Le fédéralisme suisse s’est formé sur la base des communes d’Uri, de Nidwald et de Schwyz. On ne parlait pas de cantons

1417 nd, universitas en latin, c’est-à-dire l’ensemble des gens et des biens d’une vallée). Elles se sont alliées entre elles, n

1418 tas en latin, c’est-à-dire l’ensemble des gens et des biens d’une vallée). Elles se sont alliées entre elles, non pas pour

1419 , c’est-à-dire l’ensemble des gens et des biens d’ une vallée). Elles se sont alliées entre elles, non pas pour créer une pu

1420 s se sont alliées entre elles, non pas pour créer une puissance, mais pour pouvoir rester chacune autonome. Seules, elles n

1421 le-même, leur autonomie et leur différence. L’une des choses qui sont le plus clairement soulignées, dans le pacte du Grütl

1422 ns le pacte du Grütli, c’est la volonté d’exercer une justice « indigène » : nous ne voulons pas de juges étrangers dans no

1423 le fédéralisme suisse a changé, sous l’influence des États voisins, qui étaient tous en train de s’unifier. Certains achev

1424 tait celui de la centralisation et de la création des grands États-nations. (J’appelle État-nation la mainmise d’un apparei

1425 ats-nations. (J’appelle État-nation la mainmise d’ un appareil étatique sur l’ensemble d’une nation.) Cependant, dans ses s

1426 mainmise d’un appareil étatique sur l’ensemble d’ une nation.) Cependant, dans ses structures, la Suisse a toujours été à c

1427 ns le reste de l’Europe. Elle est née de l’esprit des communes, au moment où ce grand mouvement libertaire, au nord de l’It

1428 ys qui ait traversé à peu près indemne la période des grands États-nations. Les Suisses d’aujourd’hui ne le comprennent mal

1429 e ceux qui se disent fédéralistes sont en réalité des nationalistes cantonaux. Se fondant sur ce qu’ils tiennent pour les e

1430 elles de la gauche et de la droite. Or, je trouve des nationalistes et des centralistes cantonaux à gauche comme à droite.

1431 de la droite. Or, je trouve des nationalistes et des centralistes cantonaux à gauche comme à droite. Il y a aussi des part

1432 s cantonaux à gauche comme à droite. Il y a aussi des partisans de l’autonomie à la base, cette autonomie des communes qui

1433 rtisans de l’autonomie à la base, cette autonomie des communes qui devient, à l’échelle européenne, l’autonomie des régions

1434 qui devient, à l’échelle européenne, l’autonomie des régions, dans les partis de gauche autant que dans les partis de droi

1435 auche autant que dans les partis de droite. C’est une question d’attitude, de mentalité, et non pas de choix politique trad

1436 litique traditionnel, parce que cela correspond à des réalités du xxe siècle et non du xixe . Il me semble qu’aujourd’hui,

1437 n’a pas très bien marché — le mouvement créateur des communes primitives autour du Gothard. Certes, entre le xiiie et le

1438 tes, entre le xiiie et le xxe siècle, la nature des problèmes a changé. Cependant, malgré les apparences, on retrouve tou

1439 , continentales ou mondiales. Je vois par exemple un parallèle frappant entre la situation de nos trois communes primitive

1440 tuation de nos trois communes primitives et celle des communes qui essaient aujourd’hui de se défendre contre l’implantatio

1441 ient en tirer de grandes richesses en y percevant des péages. C’est pour empêcher cette mainmise « étatique » avant la lett

1442 lettre que les Suisses se sont ligués. On observe un phénomène comparable aujourd’hui, autour du coude du Rhin, dans la ré

1443 e Kaiseraugst retrouvent le réflexe qui fut celui des Uranais, des Nidwaldiens et des Schwyzois : se mettre ensemble. À Kai

1444 retrouvent le réflexe qui fut celui des Uranais, des Nidwaldiens et des Schwyzois : se mettre ensemble. À Kaiseraugst, il

1445 exe qui fut celui des Uranais, des Nidwaldiens et des Schwyzois : se mettre ensemble. À Kaiseraugst, il y avait parmi les o

1446 le. À Kaiseraugst, il y avait parmi les occupants des délégations importantes de Français d’Alsace et d’Allemands du pays d

1447 de Bade. Qu’on ne vienne pas attribuer le mérite des manifestations de Kaiseraugst aux « trublions gauchistes ». Leurs gro

1448 us qu’après coup s’adjoindre à la grande majorité des hommes et des femmes qui s’étaient installés sur le camp. Ils tentaie

1449 up s’adjoindre à la grande majorité des hommes et des femmes qui s’étaient installés sur le camp. Ils tentaient d’exploiter

1450 installés sur le camp. Ils tentaient d’exploiter une situation qu’ils n’avaient pas créée, et qui ne va pas exactement dan

1451 tement dans leur sens, car je ne vois pas comment des maoïstes ou des trotskystes pourraient être des fédéralistes : ils on

1452 sens, car je ne vois pas comment des maoïstes ou des trotskystes pourraient être des fédéralistes : ils ont de tout autres

1453 t des maoïstes ou des trotskystes pourraient être des fédéralistes : ils ont de tout autres vues. Mais qu’importe ! L’essen

1454 tres vues. Mais qu’importe ! L’essentiel, qui est une chose historique, c’est la réaction de défense des habitants de la ré

1455 ne chose historique, c’est la réaction de défense des habitants de la région de Bâle. C’est le réflexe d’autogestion, qui s

1456 olonté de se défendre sur place, fût-ce au prix d’ une illégalité. On a beaucoup dit, dans la presse — de gauche comme de dr

1457 ratie ». Je ne sais pas si les gens qui ont écrit des choses pareilles connaissent la légende de Guillaume Tell. Qu’ils la

1458 aiseraugst. Cela m’a d’ailleurs amené à dire dans un message aux dix mille personnes qui sont allées manifester à Kaiserau

1459 qui sont allées manifester à Kaiseraugst, lors d’ un fameux dimanche sous la pluie : « Vous êtes hors de la légalité, c’es

1460 vie » qu’à la liberté ? Dans ce cas, autant faire des centrales nucléaires, quitte à se voir réduits à l’uniformité d’abord

1461 , le niveau zéro, qui est la mort… Mais pour moi, une Suisse qui ferait ce choix-là ne serait plus elle-même. Elle deviendr

1462 me. Elle deviendrait semblable à n’importe lequel des États-nations actuels, dont l’idéal est le nivellement universel, par

1463 versel, parce qu’il est plus facile d’administrer un pays où toutes choses sont parfaitement égales et identiques, où tout

1464 riner les gens. Je ne me fais pas d’illusions : d’ une manière générale, les hommes font toujours toutes les bêtises qu’ils

1465 as de raison de penser qu’ils vont changer tout d’ un coup, dans les quelques années qui viennent, et que par exemple ils r

1466 ires. Si les gens ne sont pas capables d’entendre un discours raisonnable, comme celui que je tiens ici, sur quoi compter

1467 ui que je tiens ici, sur quoi compter alors ? Sur un certain nombre de désastres et de catastrophes qui se préparent. Des

1468 de désastres et de catastrophes qui se préparent. Des tragédies. Les Suisses n’aiment pas du tout ce mot. Les Suisses s’ima

1469 t ce mot. Les Suisses s’imaginent, surtout depuis une centaine d’années, que le dernier mot de la vie, c’est le confort, et

1470 s les sens du mot histoire. Il n’y aurait plus qu’ une espèce de raison moyenne qui dominerait, dans l’ennui total et fédéra

1471 idemment pas se passer comme ça. Nous allons vers des tragédies. Les Suisses n’y sont pas très bien préparés par leur forme

1472 sur lesquels il ne valait pas la peine de lancer une bombe atomique. Ou alors, s’ils avaient commencé là-bas avec leurs bo

1473 soldats américains. Nous avons ce même avantage d’ une décentralisation extrêmement poussée, donc d’une vulnérabilité minima

1474 ’une décentralisation extrêmement poussée, donc d’ une vulnérabilité minimale, qui sera la meilleure sécurité dans le monde

1475 mière confédération. Elle n’y sera pas amenée par des discours, mais par la force des choses. Par la pédagogie des catastro

1476 ra pas amenée par des discours, mais par la force des choses. Par la pédagogie des catastrophes qu’elle n’aura pas pu évite

1477 s, mais par la force des choses. Par la pédagogie des catastrophes qu’elle n’aura pas pu éviter, car elles seront mondiales

1478 nous faudra ensuite repérer les grandes étapes d’ une évolution historique qui s’est stratifiée dans la psyché occidentale,

1479 écrivons. Cinq niveaux À la base — au regard des modernes —, l’instinct sexuel, c’est-à-dire une pulsion que tout être

1480 d des modernes —, l’instinct sexuel, c’est-à-dire une pulsion que tout être éprouve à un moment donné de son développement,

1481 c’est-à-dire une pulsion que tout être éprouve à un moment donné de son développement, même sans avoir jamais rien lu ni

1482 a sexualité. C’est donc au sens littéral du terme une perversion, le détournement d’un instinct qui était générique et géné

1483 ttéral du terme une perversion, le détournement d’ un instinct qui était générique et génésique, au profit d’un plaisir ind

1484 nct qui était générique et génésique, au profit d’ un plaisir individuel et stérile. Ainsi défini comme la transformation d

1485 niversel. Toutes les religions connues comportent une érotique, le plus souvent codifiée dans des livres sacrés ou des idol

1486 rtent une érotique, le plus souvent codifiée dans des livres sacrés ou des idoles — à la seule exception du christianisme (

1487 e plus souvent codifiée dans des livres sacrés ou des idoles — à la seule exception du christianisme (dont on peut nier d’a

1488 tianisme (dont on peut nier d’ailleurs qu’il soit une « religion » au sens sociologique du terme). Il n’en va pas de même d

1489 n exaltation nostalgique ou jubilante, comparée à un feu qui couve en secret et qui soudain éclate, flambe et « se déclare

1490 n’est donc pas le mélange, mais la composition en un produit nouveau et de propriétés spécifiques, d’une jouissance désiré

1491 n produit nouveau et de propriétés spécifiques, d’ une jouissance désirée ou perdue et d’une souffrance délicieusement entre

1492 cifiques, d’une jouissance désirée ou perdue et d’ une souffrance délicieusement entretenue, qui, à l’extrême, seront extase

1493 ur-là n’est pas disert ni exalté mais réaliste, d’ une manière qui ne prête guère à la littérature. Au dernier stade de « su

1494 de la Grèce antique est le seul qui exerce encore une influence permanente et vérifiable sur l’expression des « variétés de

1495 fluence permanente et vérifiable sur l’expression des « variétés de l’expérience amoureuse » en Occident. Selon Platon et s

1496 iquer au mariage, dont la seule fin est de donner des enfants à l’État. Certes, l’amour vrai « tend à l’enfantement dans la

1497 Grèce). Il semble que Platon agit sur nous comme une information héréditaire. Personne ne saurait dire jusqu’à quelles co

1498 nscients, ou naïfs, tous ceux qui, de la cortezia des troubadours au romantisme allemand, puis à la poésie populaire des ro

1499 u romantisme allemand, puis à la poésie populaire des romans et des chansons, parlent d’« âme sœur », de « fusion des âmes 

1500 llemand, puis à la poésie populaire des romans et des chansons, parlent d’« âme sœur », de « fusion des âmes », d’« extase

1501 des chansons, parlent d’« âme sœur », de « fusion des âmes », d’« extase amoureuse », où les amants croient « ne plus faire

1502 reuse », où les amants croient « ne plus faire qu’ un  », tous ceux qui qualifient l’être aimé de « ma moitié » (variante :

1503 loge du mariage d’amour : « L’union physique avec une épouse est source d’amitié, comme une participation en commun à de gr

1504 ysique avec une épouse est source d’amitié, comme une participation en commun à de grands mystères (hiéron mégalôn). » Or u

1505 ommun à de grands mystères (hiéron mégalôn). » Or un contemporain de Plutarque, saint Paul, avait écrit de son côté que le

1506 aul, avait écrit de son côté que le mariage est «  un grand mystère (mystérion méga) ». Rencontre d’autant plus surprenante

1507 égorie de la Loi et auquel il oppose la « liberté des enfants de Dieu ». La révolution paulinienne consiste dans la proclam

1508 tile » (Épître aux Romains) relative à l’ensemble des interdits et des tabous, au premier rang desquels figurait comme touj

1509 x Romains) relative à l’ensemble des interdits et des tabous, au premier rang desquels figurait comme toujours et dans tout

1510 s les religions, sauf celle du Christ, le système des tabous sexuels. L’Évangile n’apporte aucun code, aucun système d’inte

1511 ode, aucun système d’interdictions rituelles, pas une recette de fécondité ni de plaisir ; il admet simplement les rites ju

1512 concision notamment). La vie sexuelle n’y joue qu’ un rôle quelconque, à peu près invisible et sans drame. (Paroles de Jésu

1513 près invisible et sans drame. (Paroles de Jésus à une prostituée ou à la femme de cinq maris : paix et pardon à cause de l’

1514 aix et pardon à cause de l’amour.) S’agirait-il d’ un refoulement ? Non, car la tentation correspondante n’est pas sensible

1515 : la volupté ou la luxure ne figure pas au nombre des tentations majeures que Satan fait subir au Christ dans le désert. Le

1516 eligion de l’Amour (« Dieu est Amour »), créé par un acte d’amour (« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils uniq

1517 ’Occident christianisé. Contre l’opinion générale des Grecs autant que de l’Inde et de la Chine, saint Paul fait de l’amour

1518 l’amour matrimonial, sexuel, social et personnel, une forme d’existence spirituelle : « Maris, aimez vos femmes comme le Ch

1519 Celui qui n’est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des c

1520 re au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme » (I Cor. vii, 32).

1521 lui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme » (I Cor. vii, 32). Ainsi donc, exalté d’

1522 le ») —, l’amour humain devait fatalement devenir une source intarissable de problèmes, tant pour la société que pour l’ind

1523 , l’amour sexuel, sentimental et spirituel (amour des corps, des âmes ou des esprits, selon la tripartition paulinienne et

1524 exuel, sentimental et spirituel (amour des corps, des âmes ou des esprits, selon la tripartition paulinienne et gnostique,

1525 mental et spirituel (amour des corps, des âmes ou des esprits, selon la tripartition paulinienne et gnostique, soulignons-l

1526 uence du christianisme. Mais, entre la position d’ un principe révolutionnaire — foi contre loi — et sa réalisation sociale

1527 isseur, la lourdeur, l’inertie psychobiologique d’ une société. Au cours du premier millénaire de la christianisation du Pro

1528 e, ni même psychologique. Le mariage était certes un sacrement, mais il liait deux patrimoines et deux familles — des clan

1529 mais il liait deux patrimoines et deux familles — des clans, des rangs et des procréateurs, non des personnes. Du ixe au x

1530 it deux patrimoines et deux familles — des clans, des rangs et des procréateurs, non des personnes. Du ixe au xiie siècle

1531 moines et deux familles — des clans, des rangs et des procréateurs, non des personnes. Du ixe au xiie siècle, l’amour ant

1532 s — des clans, des rangs et des procréateurs, non des personnes. Du ixe au xiie siècle, l’amour antique s’est éclipsé, et

1533 avait fondé à Poitiers. Ce clerc fait à la femme une place capitale qui annonce déjà la conception de la « courtoisie », m

1534 conception de la « courtoisie », mais il s’agit d’ une femme idéalisée, objet d’une adoration mystique qui se confond bientô

1535  », mais il s’agit d’une femme idéalisée, objet d’ une adoration mystique qui se confond bientôt avec celle vouée à la Saint

1536 t la boutade de Charles Seignobos : « L’amour est une invention du xiie siècle. » Amour, qui désigne pour nous le sentimen

1537 et la passion, n’a pris ce sens qu’avec la poésie des troubadours. Cette poésie apparaît subitement dans le sud de la Franc

1538 doc) et va se répandre sur tout le continent avec une surprenante rapidité. Elle ne ressemble à rien de ce qu’avaient connu

1539 ianisé, à part les rares exceptions, déjà citées, des poésies dues à des clercs… Avec ses formes fixes et raffinées et sa d

1540 rares exceptions, déjà citées, des poésies dues à des clercs… Avec ses formes fixes et raffinées et sa doctrine absolument

1541 nières de sentir, et nos mœurs, et nos arts, pour des siècles ? Ne serait-elle pas au contraire le signe d’une révolution p

1542 cles ? Ne serait-elle pas au contraire le signe d’ une révolution plus générale qui s’opérait à cette époque dans la psyché

1543 a psyché occidentale ? Dès la fin du xie siècle, des mouvements religieux hétérodoxes prolifèrent en Italie, en Allemagne

1544 et le sud de la France : tous opposent à l’Église un spiritualisme épuré, tous condamnent le mariage — que le pape Grégoir

1545 ché au-dessous du nombril ! », déclare l’évêque d’ une de ces sectes dualistes. Et Joachim de Flore annonce que l’Esprit-Sai

1546 -Saint, dont l’ère va commencer, s’incarnera dans une Femme. La plus puissante de ces hérésies sera le catharisme, venu de

1547 e et du comté de Toulouse, puis chez les artisans des villes du Midi. Le catharisme prêche l’abstention des relations charn

1548 villes du Midi. Le catharisme prêche l’abstention des relations charnelles procréatrices. Mais la plupart des simples « cro

1549 pèce, de l’héritage et de la brutalité masculine. Un prédicateur itinérant, Robert d’Arbrissel (né vers 1050), rendu popul

1550 le luxe et la luxure, fonde en 1101 à Fontevrault un couvent de femmes, bientôt célèbre parce que les plus grandes dames d

1551 ion, c’est-à-dire de l’amour traversé, en butte à des obstacles toujours plus tragiques, et s’exaltant du tourment qui en r

1552 giques, et s’exaltant du tourment qui en résulte. Une forme toute nouvelle de poésie chantée naît dans le Poitou et le Limo

1553 me duc d’Aquitaine (1070-1127). Il sera suivi par des dizaines puis des centaines de poètes qui se nomment « troubadours »

1554 (1070-1127). Il sera suivi par des dizaines puis des centaines de poètes qui se nomment « troubadours » (c’est-à-dire trou

1555 cortezia — puisqu’elle est chantée dans les cours des seigneurs du Midi — exalte la Femme, jusqu’alors négligée et méprisée

1556 mour vainqueur, respectueux de la femme, mais non des liens sociaux. À la « Dame des pensées » de la cortezia, l’Église rép

1557 la femme, mais non des liens sociaux. À la « Dame des pensées » de la cortezia, l’Église répond par les titres de « Notre D

1558 gina Coeli désormais donnés à la Vierge. En 1140, des moines instituent le culte de l’Immaculée Conception de Notre-Dame. L

1559 ce générique en conscience individuelle. À partir des troubadours et des trouvères du xiie siècle, l’amour est cela qui se

1560 science individuelle. À partir des troubadours et des trouvères du xiie siècle, l’amour est cela qui se « déclare » par de

1561 siècle, l’amour est cela qui se « déclare » par des mots. On peut soutenir que l’histoire de l’Éros en Occident, des trou

1562 ut soutenir que l’histoire de l’Éros en Occident, des troubadours à notre siècle, se confond avec celle des expressions du

1563 troubadours à notre siècle, se confond avec celle des expressions du désir, du sentiment et de la passion, non seulement da

1564 man de Tristan et Iseut. Plusieurs allusions dans des poésies de troubadours datant du milieu du xiie siècle montrent que

1565 xiie siècle montrent que la légende était connue des troubadours dans le temps même où la première version (en langue roma

1566 sensibilisé la psyché occidentale. En lui donnant un langage nouveau, elle a permis à des sentiments nouveaux d’accéder à

1567 n lui donnant un langage nouveau, elle a permis à des sentiments nouveaux d’accéder à la conscience, d’être reconnus et ass

1568 spensable condition formelle de la constitution d’ un mythe exemplaire et communicable, socialisé dans la mesure même où il

1569 le secret du pouvoir immodéré qu’il exerce depuis des siècles sur l’affectivité occidentale ? Le dernier tabou, le plus

1570 dans le monde christianisé du fait de l’absence d’ un code sacré et d’un système d’interdits comme on en trouve dans les au

1571 tianisé du fait de l’absence d’un code sacré et d’ un système d’interdits comme on en trouve dans les autres religions. Un

1572 its comme on en trouve dans les autres religions. Un seul tabou, d’ailleurs universel (sauf exception comme chez les phara

1573 ’inceste. Tous les autres étant évacués, il prend une importance majeure et régit des domaines psychosociaux toujours plus

1574 évacués, il prend une importance majeure et régit des domaines psychosociaux toujours plus larges. Ainsi, le divorce, assim

1575 médiévale, devient obligation sacrée, pour peu qu’ une parenté soit découverte, fût-ce au septième degré, entre mari et femm

1576 ine au quatrième degré et qu’elle a tenu avec lui un enfant sur les fonts baptismaux. La terreur de l’inceste, dès les pre

1577 e nourricier » et véritable éducateur, en vertu d’ une institution dite fosterage. Tristan est donc, en droit, le « fils » d

1578 s ramène d’Irlande. Tristan, qui est le plus fort des chevaliers et qui a conquis Iseut par valeur et prouesse, serait en d

1579 n (déjà trompé en fait), mais parce qu’à la force des lois et de sa fidélité au roi s’ajoute celle, bien plus contraignante

1580 omme le plus « efficace » pour enflammer le désir des amants et le porter au degré de la passion mortelle. Dès lors, la str

1581 a structure du roman sera simplement l’alternance des revoirs (de plus en plus périlleux) et des séparations (parfois voulu

1582 rnance des revoirs (de plus en plus périlleux) et des séparations (parfois voulues) qu’exige et que régit la dialectique du

1583 à la catastrophe finale, où la réunion définitive des amants s’opère au prix de leur séparation suprême dans la mort, obsta

1584 demeure inavouable même s’il est fascinant comme une drogue. Et n’est-ce pas d’une intoxication — le « vin herbé » servi p

1585 est fascinant comme une drogue. Et n’est-ce pas d’ une intoxication — le « vin herbé » servi par une « erreur » sans laquell

1586 s d’une intoxication — le « vin herbé » servi par une « erreur » sans laquelle point de roman — que naît l’amour-passion, l

1587 i qui fera dire à l’ermite recevant la confession des deux amants : « Amor par force vos demeine » ? Et, depuis lors, tous

1588 angulaire, d’origine œdipienne, et à l’alternance des obstacles secrètement suscités puis surmontés, sauf le dernier… Et l’

1589 l’histoire du roman européen, qui semble celle d’ une longue dégradation du mythe, peut être aussi celle d’une lente intéri