1 1982, Articles divers (1982-1985). L’Europe une et diverse : la contribution des cultures nationales [commentaires] (1982)
1 982)a Un des buts principaux de notre colloque était d’examiner pourquoi certaines nations durent, grâce à leur culture, e
2 uvait paraître liquidée… Mais je ne peux pas m’en tenir là. J’ai réfléchi à ce que vous avez dit ici, les uns et les autres.
3 la première question. Or, il faut dialoguer, j’en suis convaincu depuis une cinquantaine d’années que j’écris et que je parl
4 je parle sur des questions européennes. Pourquoi est -ce qu’il nous faut à tout prix un dialogue ? C’est parce que la condi
5 ’est parce que la condition de survie de l’Europe est dans son union, dans sa fédération, sur la base même de ses différenc
6 sur cet obstacle par excellence à toute union qu’ est l’État-nation d’aujourd’hui. Vouloir fonder l’union de l’Europe sur s
7 ogue sur nos différences, et pour que ce dialogue soit utile, il faut qu’il y ait un langage commun. Ce langage commun, nous
8 elle sur la base de la seule unité existante, qui est l’unité de culture, c’est une condition sine qua non de quelque chose
9 e culture nationale : l’Europe a existé et elle a été cultivée bien avant l’existence de nos premiers États. Il ne faut pas
10 tre cultures nationales. Il y a une culture qui s’ est formée en Europe jusque vers l’an 1300 de notre ère et qui, ensuite,
11 ue vers l’an 1300 de notre ère et qui, ensuite, s’ est beaucoup enrichie. Mais enfin, l’essentiel s’est formé durant le prem
12 ’est beaucoup enrichie. Mais enfin, l’essentiel s’ est formé durant le premier millénaire de notre ère par la confluence des
13 nne vers l’an 1000, et la formation de la Pologne sont à peu près contemporaines. Voilà un premier cas, sur lequel je revien
14 c extrêmement loin de l’idée d’une culture qui se serait constituée en même temps que celle des nations et par leur addition.
15 es que l’expression de « cultures nationales » ne soit pas vidée de tout sens ? Je vais vous le dire en trois mots. Ces sour
16 ce qui descend d’Athènes, de Rome et de Jérusalem est authentiquement européen. À ces trois sources primitives — et dans Jé
17 ravers les cantiques des Noirs, dont les mélodies sont d’ailleurs empruntées à ceux des mouvements de réveil protestant dans
18 protestant dans le pays de Galles ! Cet héritage est tellement varié qu’il va créer des variantes importantes dans le dosa
19 antes importantes dans le dosage des éléments. Ce sont ces variantes, que, dans certains cas, on pourrait appeler cultures n
20 e et identité nationales ne font qu’un. Cela peut tenir aux origines asiatiques du peuple hongrois, qui est venu comme un cor
21 r aux origines asiatiques du peuple hongrois, qui est venu comme un corps étranger dans l’Europe. Donc, pour lui, sa cultur
22 tranger dans l’Europe. Donc, pour lui, sa culture était sa raison d’être. Mais vous avez à l’extrême inverse la Suisse, qui n
23 ope. Donc, pour lui, sa culture était sa raison d’ être . Mais vous avez à l’extrême inverse la Suisse, qui n’a pas de culture
24 ille, depuis le xiiie siècle. La culture n’a pas été son élément formateur. Ce qui a été son élément formateur, c’est une
25 lture n’a pas été son élément formateur. Ce qui a été son élément formateur, c’est une sorte de philosophie politique qui e
26 eur, c’est une sorte de philosophie politique qui est le fédéralisme. La décision de se mettre ensemble dans la mesure où l
27 essants. La Pologne a pour particularité unique d’ être un État slave de population, mais romanisé dans sa culture. À l’inver
28 omanisé dans sa culture. À l’inverse, la Roumanie est l’exemple d’un État romanisé devenu orthodoxe et dont la culture résu
29 le libre consentement des parties annexées. Ça a été fait par la conquête, le non-respect des contrats sacrés (cas de la B
30 s ou moins discutables. L’unification totale ne s’ est imposée qu’au détriment des cultures « nationales », au sens ancien,
31 ns ancien, dont la grande culture occitane, qui a été étouffée, et d’autres comme la bretonne, la provençale ou l’allemande
32 C’est le seul pays au monde où la culture puisse être appelée non pas nationale mais stato-nationale. C’est une culture d’É
33 ans Le Monde, et selon laquelle l’école française est faite pour former des citoyens français. C’est tout juste s’il n’a pa
34 e différente de toutes les autres en ceci qu’elle est entièrement politisée, comme nous l’a très bien montré hier Stanley H
35 ontré hier Stanley Hoffmann. La culture française est nationale dans la mesure où elle est politisée, à tel point qu’on a l
36 re française est nationale dans la mesure où elle est politisée, à tel point qu’on a l’impression quelquefois, à entendre l
37 cussions entre la gauche et la droite, que chacun tient plus au triomphe de son idéologie qu’à la santé de la nation réelle.
38 sieurs monarchies, que la « monarchie espagnole » est multiple, pluraliste, c’est-à-dire qu’elle comporte déjà les bases d’
39 français, il y a l’Empire austro-hongrois, qui s’ est continué en partie dans la Vienne de la petite république autrichienn
40 es autres ? C’était impensable. Aussi, ça n’a pas été fait, et le résultat est que ces douze cultures nationales ont contin
41 sable. Aussi, ça n’a pas été fait, et le résultat est que ces douze cultures nationales ont continué, chacune pour elle-mêm
42 lturel merveilleux et vraiment très européen, qui est le développement de la Vienne des trente premières années du siècle.
43 e premières années du siècle. Je pense que Vienne était , plus peut-être que Paris, le centre de la civilisation et de la cult
44 ue avec Schönberg et Berg ; la littérature, qui s’ est développée autour de Vienne, j’englobe ici tous ceux qui ont relevé d
45 ment sensationnelle qu’une pareille culture qui n’ est pas liée à un État, mais au contraire à une pluralité de nations viva
46 ens de Viollet-le-Duc. Pour l’Allemagne, le cas n’ est pas trop différent. Vous avez une grande culture germanique, on peut
47 e germanique, on peut le dire, parce que l’accent est fortement mis sur le germanisme plutôt que sur l’hellénisme et le rom
48 nisme et le romantisme. Le Saint-Empire romain ne fut qu’un empire de nostalgie reconstitué. Aujourd’hui, vous avez cette m
49 ué. Aujourd’hui, vous avez cette même culture qui est le seul lien communautaire entre des gens de quatre ou cinq États dif
50 isse, l’Autriche, et d’autres parties de pays qui sont de culture germanique. C’est donc simplement un ferment communautaire
51 t communautaire. Ces quelques exemples pourraient être développés, nuancés, complétés, mais ils donnent l’impression tout de
52 éritage culturel européen, mais ce langage commun étant symphonique, ne peut s’exprimer que par des instruments différents.
53 urope va procéder de cette phrase d’Héraclite qui est aussi la devise du fédéralisme : la composition, l’accord des contrai
54 urt-circuit, c’est-à-dire sans que l’un des pôles soit neutralisé par l’autre. Ceci nous amène à l’idée que je voulais intro
55 mmun, qui permet un langage commun. Quel pourrait être le contenu de ce Dialogue des cultures que nous souhaitons tous ? Je
56 er une ou deux pistes de réflexion. Cela pourrait être le sujet d’un autre colloque. Je crois que la condition de tout dialo
57 ’économie, comme Jean Monnet le proposait. On n’y est pas arrivé et je ne pense pas qu’on y arrivera dans les années qui su
58 ivera dans les années qui suivent, parce que ce n’ est pas la bonne base. Jean Monnet a pensé que, si l’on maîtrisait les re
59 fait voir que, pour lui, les intérêts économiques étaient secondaires : comme l’intendance, ils devaient suivre. Suivre quoi ?
60 errain sur lequel la responsabilité de la culture est la plus engagée aujourd’hui. Il nous faut une culture pour la paix, d
61 . Comment lutter contre le nationalisme tel qu’il est enseigné, plus ou moins délibérément, dans toutes nos écoles ? — Abo
2 1982, Articles divers (1982-1985). De la personne à l’Europe des régions (25 mars 1982)
62 es régions (25 mars 1982)b c Toute votre œuvre est sous-tendue par l’idée de la « personne ». Quelle est cette personne 
63 sous-tendue par l’idée de la « personne ». Quelle est cette personne ? Dans les années 1930, cette idée était commune à des
64 cette personne ? Dans les années 1930, cette idée était commune à des gens de provenances très diverses et qui se retrouvaien
65 comme individu, mais comme personne. La personne est appelée par un but et marche vers ce but en inventant son chemin. C’e
66 cédent, un sentier qu’il doit inventer et qui n’a été foulé par personne avant lui. Il doit y avancer par la foi, dans la n
67 si son pied trouvera une terre ferme. La personne est l’expression permanente d’un homme à la fois libre et responsable, li
68 à la fois libre et responsable, libre parce qu’il est responsable et responsable dans la mesure où il est libre. Mais comme
69 t responsable et responsable dans la mesure où il est libre. Mais comment passe-t-on de la personne à la fédération ? On ne
70 n grandit allant jusqu’au continent. Tout cela se tient . De la personne, on passe à la communauté, de la communauté à la régi
71 han formulait naguère à propos des USA mais qu’il est facile de transposer en termes européens : Ne confiez jamais à une p
72 onfiez jamais à une plus grande unité ce qui peut être fait par une plus petite. Ce que la famille peut faire, la municipali
73 seulement des États totalitaires. Tous nos États sont victimes d’une centralisation excessive à l’imitation de l’État napol
74 cessive à l’imitation de l’État napoléonien qui a été copié presque par tout le monde. Je l’ai dit il y a longtemps, « c’es
75 at recule. Aujourd’hui le développement de l’État est devenu tellement démentiel qu’il ne fonctionne plus. On ne peut pas f
76 t la guerre. Cela constitue un circuit où tout se tient . Par exemple aux portes de la Suisse, une centrale comme celle de Cre
77 uisse, une centrale comme celle de Creys-Malville est destinée à produire du plutonium. La relation entre le nucléaire civi
78 re le nucléaire civil et le nucléaire militaire a été par ailleurs démontrée. Bien entendu, tout cela sert à faire des bomb
79 angereux, on mettra la police pour surveiller… Ce sont ces multiples interactions qui confortent l’escalade de l’État-nation
80 cessaire la capacité de résistance des personnes. Est -ce que la Suisse est menacée par la centrale française de Creys-Malvi
81 de résistance des personnes. Est-ce que la Suisse est menacée par la centrale française de Creys-Malville ? L’accident maje
82 alville ? L’accident majeur de Creys-Malville qui est décrit comme la fonte du cœur du réacteur provoquée par l’interruptio
83 aux responsables de la production électrique quel serait l’accident majeur qui pourrait arriver à Creys-Malville. On a refusé
84 sé de me répondre en me disant que la probabilité était faible, et qu’il existait une menace bien plus dangereuse : les fusée
85 : les fusées des 26 silos du plateau d’Albion qui sont pointées vers Moscou. Disposant de SS20 orientés sur ces silos, en ca
86 ortantes que l’accident majeur de Creys-Malville. Est -ce qu’on pensait me rassurer ? Et, comme par hasard, d’une façon géné
87 x frontières, de sorte que, s’il y a un pépin, ce soient plutôt les autres qui trinquent. Si la France et l’Italie installaien
88 s protesterions. Actuellement, ce qui nous menace est bien pire que le haschisch, incalculablement pire… Finalement, êtes-v
89 le haschisch, incalculablement pire… Finalement, êtes -vous de gauche ou de droite ? Je vais vous répondre par cette formule
90 e trouve superbement adaptée à votre question : «  Être de gauche ou de droite, c’est choisir une des innombrables manières q
91 s innombrables manières qui s’offrent à l’homme d’ être un imbécile. » Toutes deux en effet sont des formes d’hémiplégie mora
92 ’homme d’être un imbécile. » Toutes deux en effet sont des formes d’hémiplégie morale. Comme le démontre le fait qu’aujourd’
93 . Dans le dernier, il nous rappelle que L’Avenir est notre affaire , parce que “la décadence d’une société commence quand
3 1982, Articles divers (1982-1985). Précisions de M. Denis de Rougemont (25 mai 1982)
94 ée à Richard Labévière, il y a plusieurs mois, se sont glissées deux erreurs qu’il me paraît absolument nécessaire de rectif
95 souvent écrit. Voici la phrase telle qu’elle doit être lue : « La décadence d’une société commence quand l’homme se demande 
96 ue puis-je faire ? » » Les dix mots soulignés ont été omis. 2. À l’avant-dernière question concernant la menace pour la Sui
97 constitue le surgénérateur de Creys-Malville : il est exact que j’ai mentionné le refus de réponse que m’ont opposé les res
98 de l’EDF, affirmant que la probabilité d’accident était trop faible pour qu’ils en tiennent compte. Mais ce ne sont pas les m
99 faible pour qu’ils en tiennent compte. Mais ce ne sont pas les mêmes qui m’ont opposé le danger « cent fois plus grand » pré
100 leurs SS20. Ce danger « cent fois plus grand » a été signalé par M. Francis Perrin, de l’Académie des sciences, physicien
4 1982, Articles divers (1982-1985). « Vous avez dit Rolling Stones ? » (28 mai 1982)
101 ce… Perplexe : Denis de Rougemont (écrivain) Ce n’ est pas mon domaine. Pas d’opinion à ce sujet. i. Rougemont Denis de,
5 1982, Articles divers (1982-1985). « Des manifestations pacifistes encore plus grandes ! » (2 juillet 1982)
102 paix du monde — le seul danger, disent les uns — serait constitué par les pacifistes, parce qu’ils érodent la volonté de défe
103 répondre que cette campagne contre les pacifistes est elle-même manipulée… Il y a beaucoup plus sérieux : si l’on se disput
104 Il n’existe pas de complot conscient, cynique. Je suis persuadé que les dirigeants de l’URSS et des États-Unis sont convainc
105 dé que les dirigeants de l’URSS et des États-Unis sont convaincus de défendre leur peuple et leur idée de la civilisation. I
106 elle dans laquelle ils vivent. Leur action réelle est parfaitement définie par leurs intérêts économiques mais quand on pas
107 on ne comprend pas comment la paix mondiale peut être défendue par les armes nucléaires, premier moyen que les hommes aient
108 ents devient le centre de toute la production. On est donc tenté de les essayer et pour ce qui est de l’arsenal atomique, o
109 . On est donc tenté de les essayer et pour ce qui est de l’arsenal atomique, on a trouvé récemment les bombes dites tactiqu
110 qui a l’air raisonnable au premier abord mais qui est monstrueuse en réalité, de limiter les échanges nucléaires au champ d
111 res eux-mêmes. Les seuls qui répandent cette idée sont probablement les gens qui produisent ces armes. Il y a donc une press
112 alement sur les députés et les gouvernements. Eux sont manipulés, jusque dans leur manière de penser. C’est ça le danger et
113 a le danger et non pas le pacifisme ! Quelle peut être la réponse des pacifistes ? La première réponse, c’est la diffusion,
114 de manipulation dont les pacifistes de mon espèce sont conscients et qu’ils dénoncent, mais l’idée que ces manifestations so
115 ils dénoncent, mais l’idée que ces manifestations sont uniquement le fruit de telles manipulations ne tient pas — en particu
116 nt uniquement le fruit de telles manipulations ne tient pas — en particulier devant le fait qu’elles apparaissent maintenant
117 e de l’Est, autant que dans les discours du pape. Soyons sérieux. Ce qui est réel, indiscutable, c’est une économie fondée sur
118 dans les discours du pape. Soyons sérieux. Ce qui est réel, indiscutable, c’est une économie fondée sur la production d’arm
119 ie fondée sur la production d’armements dont il n’ est guère imaginable qu’on se serve jamais, c’est la multiplication des a
120 te ma conviction. Je pense que si les Soviétiques étaient jamais tentés d’occuper l’Europe, ils n’auraient pas intérêt à se fai
121 eurrer sur les effets d’une guerre nucléaire : ce serait l’anéantissement de la population européenne, ne serait-ce que parce
122 l’anéantissement de la population européenne, ne serait -ce que parce qu’une des propriétés des radiations est de détruire les
123 ce que parce qu’une des propriétés des radiations est de détruire les défenses immunitaires de l’organisme et que de terrib
124 lourdes, mais pas définitives, car sa population est dispersée sur une vaste surface ; la nôtre est dix fois plus dense. J
125 on est dispersée sur une vaste surface ; la nôtre est dix fois plus dense. J’en viens à la Suisse. C’est sans doute le pays
126 nse civile. J’ai fait naguère une proposition qui est peut-être moins comique qu’il n’y paraît à première vue : au lieu de
127 y paraît à première vue : au lieu de dépenser des sommes énormes pour acheter des chars modernes et des avions vite démodés, o
128 iser par l’amitié… Bien d’autres procédés peuvent être imaginés. Une défense civile ainsi conçue pourrait déstabiliser l’adv
129 re, comme au judo où tout l’art consiste à ne pas être là où nous attend l’autre et à utiliser son propre élan pour le renve
130 onstituer une alternative à la défense armée ? Je suis persuadé que la non-violence est la seule réponse vraiment humaine à
131 ense armée ? Je suis persuadé que la non-violence est la seule réponse vraiment humaine à la guerre. Faut-il dès lors renon
132 e ne pense pas que notre défense militaire puisse être considérée comme un danger par un autre pays. Il n’empêche que devant
133 attitude radicalement contraire, la non-violence, soit correcte. J’irai jusqu’à avancer ceci : les seuls qui soient sûrs d’a
134 ecte. J’irai jusqu’à avancer ceci : les seuls qui soient sûrs d’avoir raison sont ceux qui disent : désarmons-nous, commençons
135 r ceci : les seuls qui soient sûrs d’avoir raison sont ceux qui disent : désarmons-nous, commençons les premiers. Seriez-vou
136 disent : désarmons-nous, commençons les premiers. Seriez -vous prêt à le dire pour notre pays ? Je n’y suis pas encore prêt. Po
137 riez-vous prêt à le dire pour notre pays ? Je n’y suis pas encore prêt. Pour vous parler sincèrement, je sens, je sais, je v
138 ler sincèrement, je sens, je sais, je vois ce que serait la seule position absolument tenable — quitte à ce qu’on en meure tou
139 bonne raison que pour l’épouvantable idiotie qui sera peut-être, comme dans le cas des Malouines, à l’origine d’une guerre.
140 ense non violente. Parce qu’il ne faut pas que ce soit une démission. Vous voudriez donc qu’on organise la non-violence ? Je
141 imaginer des procédés de résistance au mal. J’ai été frappé, depuis longtemps, par ces deux versets des Proverbes (Prov. 2
142 vées par l’actuelle vague de pacifisme. Peut-être est -ce l’occasion, dans notre pays, de rouvrir le débat sur la défense na
6 1982, Articles divers (1982-1985). Denis de Rougemont devant l’Histoire (17 juillet 1982)
143 j’ai intenté à Dominique Grisoni : Le malentendu était à son comble. Rougemont et ses amis voulaient — légitimement — qu’on
144 uelle, lors de l’avènement de Pétain, le maréchal fut salué par les discours « des sombres thuriféraires de la droite, les
145 ace, de la Terre et de la Nation. Le procès qui m’ était fait n’était donc pas celui « des années 1930 ». Il portait sur mon a
146 rre et de la Nation. Le procès qui m’était fait n’ était donc pas celui « des années 1930 ». Il portait sur mon action personn
147 aulle le matin du 18, je publiais en Suisse, où j’ étais mobilisé comme officier, un article sur l’entrée de Hitler à Paris, q
7 1982, Articles divers (1982-1985). Des régions à la paix pour l’union de l’Europe (juillet-août 1982)
148 autonomes à l’échelle régionale. 3. L’État-nation est en crise partout. Il se voit incapable d’assurer les fonctions qu’il
149 se voit incapable d’assurer les fonctions qu’il s’ était arrogées : défense du territoire et des libertés populaires, garantie
150 ons souverains, c’est vouloir un cercle carré. Ce serait tenter de fonder une amicale des misanthropes, projet radicalement co
151 la souveraineté nationale absolue et indivisible, est le premier devoir de tous les citoyens qui se veulent libres et respo
152 is), historique (Écosse, Catalogne, etc.). Toutes sont valables. Seuls varient les caractères prioritaires, mais tous les au
153 les caractères prioritaires, mais tous les autres sont toujours présents, à des degrés inégaux. La définition que je propose
154 des degrés inégaux. La définition que je propose est peut-être la plus compréhensive ou englobante : la région doit être a
155 plus compréhensive ou englobante : la région doit être avant tout et après tout, un espace de participation civique, favoris
156 é réelle et capable d’autonomie. Elle ne doit pas être un mini-État-nation, ni revendiquer toutes les compétences étatiques,
157 orrespondent à la dimension des problèmes qu’elle est le mieux en mesure de gérer. « Ne confiez jamais à une plus grande un
158 onfiez jamais à une plus grande unité ce qui peut être fait par une plus petite. Ce que la famille peut faire, la municipali
159 ricain D. Moynihan. C’est dire que la région doit être et demeurer « de dimensions médiocres » comme le voulait Rousseau, ou
160 ble selon les fonctions qu’elle assure. Elle doit être « à la taille de l’homme », de telle manière que chaque citoyen puiss
161 ais aussi, « à la taille de ses problèmes » — qui sont « à géométrie variable » comme on vient de le voir, jamais délimités
162 constituer un sénat des régions d’Europe, telles sont les étapes obligées de l’avènement d’une fédération continentale : c’
8 1982, Articles divers (1982-1985). La peur d’être libre… (printemps-été 1982)
163 La peur d’ être libre… (printemps-été 1982)d e Vous êtes considéré comme celui qui
164 eur d’être libre… (printemps-été 1982)d e Vous êtes considéré comme celui qui a lancé l’idée du régionalisme. Pourquoi vo
165 vocation régionale et régionaliste. Cette idée n’ était pas nouvelle pour moi. En effet, lorsque je suis arrivé à Paris en 19
166 était pas nouvelle pour moi. En effet, lorsque je suis arrivé à Paris en 1931, j’ai fait la connaissance d’une trentaine de
167 pe travaillait sur l’idée de « personne » et nous sommes devenus les « personnalistes ». Il en est sorti deux revues : Esprit
168 nous sommes devenus les « personnalistes ». Il en est sorti deux revues : Esprit , qui dure encore, et L’Ordre nouveau ,
169 dure encore, et L’Ordre nouveau , nom qui nous a été volé par qui vous savez ! Pour nous, il s’agissait de « l’ordre vérit
170 rapport au désordre établi. Un numéro d’ Esprit fut d’ailleurs consacré au thème de « la rupture avec le désordre établi 
171 on ne connaît pas toujours ses parents !… Quelle était la théorie de l’école personnaliste ? Le manifeste de notre groupe te
172 cole personnaliste ? Le manifeste de notre groupe tenait en trois lignes : « Nous ne sommes ni individualistes, ni collectivis
173 e notre groupe tenait en trois lignes : « Nous ne sommes ni individualistes, ni collectivistes. Nous sommes personnalistes. »
174 ommes ni individualistes, ni collectivistes. Nous sommes personnalistes. » Mounier a vite parlé de révolution personnaliste et
175 « personne », c’est l’individu qui cherche quelle est sa vocation. Vocation veut dire « appel ». Cet appel est unique pour
176 vocation. Vocation veut dire « appel ». Cet appel est unique pour chacun. On ne sait pas toujours ce que c’est ; il faut le
177 jours ce que c’est ; il faut le découvrir. Le but est très loin en avant, dans l’infini, l’Absolu, Dieu, comme on veut l’ap
178 r son chemin puisque chacun part d’un endroit qui est unique. Il faut trouver son sentier : il n’y a pas de route nationale
179 taine foi pour poser le pied là où nul autre ne s’ est avancé. La vie de la personne est une construction continuelle et une
180 nul autre ne s’est avancé. La vie de la personne est une construction continuelle et une marche dans la nuit. Un verset d’
181 la nuit. Un verset d’un psaume dit : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier. » Cette vocation
182 on dit que les liens avec une famille spirituelle sont souvent plus forts et plus profonds qu’avec la famille biologique. La
183 qui existent comme des personnes, même si cela n’ est pas clair. C’est souvent par les symboles, les mythes, les archétypes
184 le spirituelle. Toutefois, pour que la communauté soit réelle, elle ne doit pas être trop grande mais de dimension « médiocr
185 r que la communauté soit réelle, elle ne doit pas être trop grande mais de dimension « médiocre », disait Rousseau. Ou, comm
186 eau. Ou, comme disait Aristote, que son nombre ne soit pas si grand que l’on ne puisse plus la réunir sur l’agora où chacun
187 . De ce type de communauté naît la région. Quelle est votre définition de la région ? Tout d’abord, c’est une grappe de com
188 a mécanique ! J’aime beaucoup la définition qui a été donnée par un sénateur américain qui fut ambassadeur de son pays aupr
189 on qui a été donnée par un sénateur américain qui fut ambassadeur de son pays auprès des Nations unies : Ne confiez jamais
190 eut faire. Mais, aujourd’hui, certains problèmes sont mondiaux : pour sauver les océans, par exemple, cela suppose une agen
191 mondiale. Vous dites, dans votre livre L’Avenir est notre affaire , « la contestation nucléaire devient un problème trans
192 i démontre qu’aujourd’hui, la notion de frontière est une notion aberrante et que le problème de la vie sur Terre est ou bi
193 aberrante et que le problème de la vie sur Terre est ou bien mondial, ou bien régional. C’est la vision des « Verts » ! Le
194 e quelconque et cela n’a aucun rapport avec ce qu’ est devenue la frontière. La frontière est une chose complètement condamn
195 avec ce qu’est devenue la frontière. La frontière est une chose complètement condamnable. Elle n’a pas une seule utilité :
196 se chez soi ! Ici, autour de Genève, la frontière est remarquablement absurde. Le bassin du Léman est une région naturelle
197 e est remarquablement absurde. Le bassin du Léman est une région naturelle entre le Jura et les Alpes. Cette région est déc
198 aturelle entre le Jura et les Alpes. Cette région est découpée en trois cantons suisses, deux départements français et, sur
199 avec les mêmes problèmes de pollution. Et ce lac est en train d’en crever. Mais cela, c’est ma femme qui s’en occupe ! Il
200 ue cette frontière franco-suisse autour de Genève est aussi absurde que la frontière entre Berlin-Ouest et Berlin-Est… C’es
201 C’est le même type d’absurdité ! Les frontières sont les signes physiques de réalités qui sont des idéologies, ou des myth
202 tières sont les signes physiques de réalités qui sont des idéologies, ou des mythes, qui s’affrontent. S’il doit y avoir de
203 S’il doit y avoir des « fermetures », ce devrait être comme des membranes entre les cellules qui laissent passer tout ce qu
204 C’est pour cette raison que j’appelle cela et je suis pour la pluralité des allégeances. Je suis pour des régions « à géomé
205 et je suis pour la pluralité des allégeances. Je suis pour des régions « à géométrie variable », suivant la fonction que la
206 rie variable », suivant la fonction que la région est censée remplir. On peut avoir des régions écologiques qui ne seront p
207 lir. On peut avoir des régions écologiques qui ne seront pas du tout les mêmes que des régions économiques, bien que leurs rap
208 ons économiques, bien que leurs rapports puissent être très proches. Il faut distinguer deux choses : la fonction écologique
209 logique et la fonction civique. Certaines régions sont dictées par la géographie : le bassin genevois ; d’autres par la trad
210 utes sortes de manières, librement, — la question étant uniquement celle de leur représentation. La pluralité des allégeances
211 leur représentation. La pluralité des allégeances est ma théorie favorite. Par exemple, je suis né dans le canton de Neuchâ
212 égeances est ma théorie favorite. Par exemple, je suis né dans le canton de Neuchâtel qui est ma patrie. Je me trouve donc a
213 emple, je suis né dans le canton de Neuchâtel qui est ma patrie. Je me trouve donc automatiquement citoyen suisse. Mais j’a
214 anie. C’est ma communauté en tant qu’écrivain. Je suis protestant et j’appartiens donc aussi à une autre communauté qui est
215 ’appartiens donc aussi à une autre communauté qui est mondiale et n’a pas de frontière délimitée. J’appartiens à l’école pe
216 ler et d’autres qui veulent que la même frontière soit donnée à toutes ces dimensions normales de l’être humain ! C’est impo
217 soit donnée à toutes ces dimensions normales de l’ être humain ! C’est impossible… Pour l’Europe, je vois donc une fédération
218 moins de deux siècles… » Les deux autres schémas sont celui de la Confédération helvétique et celui de la fédération des Ét
219 térieur pour devenir Américain. Mais l’Amérique n’ est plus vraiment une fédération parce qu’elle est beaucoup trop grande.
220 n’est plus vraiment une fédération parce qu’elle est beaucoup trop grande. Toutefois, les Américains ont gardé un plus gra
221 la communauté qu’en Europe. Un autre exemple nous est offert par l’Afrique de l’Ouest, notamment dans la région du Sahel. C
222 s ethniquement et culturellement une vaste unité, sont aujourd’hui morcelés entre trois ou quatre pays qui divisent des fami
223 é l’anglais ou le français… Oui, toute l’Afrique est mutilée par des gens qui, revêtus de leurs manches de lustrine, ont p
224 connaissez pas le pire. Quand la décolonisation s’ est faite, nos jeunes gens étaient prêts à se faire tuer pour cette front
225 nd la décolonisation s’est faite, nos jeunes gens étaient prêts à se faire tuer pour cette frontière devenue leur « frontière à
226 e base sur une certaine conception de l’homme. Je suis pour la région à cause de ma conception personnaliste de l’homme. Mai
227 ause des conséquences de l’État-nation actuel qui est né des guerres révolutionnaires, des guerres de Napoléon qui l’a cons
228 te formule de l’État-nation jacobin, napoléonien, est la cause de toutes les guerres aujourd’hui. Il s’y est ajouté la divi
229 a cause de toutes les guerres aujourd’hui. Il s’y est ajouté la divinisation de l’État avec sa « souveraineté absolue » et
230 s de crevettes autour ! L’exploitation du pétrole serait fabuleusement chère… La vraie raison de cette guerre, c’est que la so
231 tte guerre, c’est que la souveraineté nationale a été atteinte. L’honneur de l’État-nation a été atteint. Donc, toute la st
232 nale a été atteinte. L’honneur de l’État-nation a été atteint. Donc, toute la structure des États-nations conduit à la guer
233 contraire, les individualistes s’imaginent qu’ils seront libres s’ils n’ont pas de responsabilités. Malheureusement, cette idé
234 s de responsabilités. Malheureusement, cette idée est d’un de mes compatriotes, Benjamin Constant. C’est ce qu’il a nommé «
235 « le libéralisme ». Pour lui, la politique devait être faite par des gens payés pour cela, comme des domestiques. Malheureus
236 onne, impossible d’en faire du ciment ! Alors, il est très clair qu’à partir de la notion de personne, on peut tout reconst
237 poussée du nazisme, du stalinisme… L’État-nation est beaucoup trop grand pour être un véritable animateur des affaires quo
238 nisme… L’État-nation est beaucoup trop grand pour être un véritable animateur des affaires quotidiennes dans le carcan des f
239 us avez écrit aussi « une région, comme telle, ne sera jamais compétitive ». L’esprit de compétition relève de l’individu, s
240 e que je pense. La compétition relève de ce qui n’ est pas la vocation. À ce sujet, il ne faut pas s’imaginer la vocation co
241 qui vient vers nous et qui nous commande. Nous ne sommes pas « aimantés », mais « aimés ». C’est complètement différent. Il n’
242 inisme, mais responsabilité. Cette notion d’amour est très importante ; c’est l’amour qui unit les personnes. L’État-nation
243 , vous aussi, souvent dit ! Les États-nations ne sont que des individus égoïstes qui sont des criminels à l’échelle mondial
244 ts-nations ne sont que des individus égoïstes qui sont des criminels à l’échelle mondiale, des gangsters… Il n’y a pas d’amo
245 s gangsters… Il n’y a pas d’amour là-dedans. Ce n’ est pas comme la patrie. Ne pensez-vous pas que l’on a « bluffé » les cit
246 est exact et c’est en français que la confusion a été la plus grave entre l’attachement à la patrie et l’obligation de serv
247 on de servir l’État-nation. L’école personnaliste est constamment revenue sur cela. La patrie, c’est quelque chose qui vous
248 s frontières. La région de Bâle-Wurtemberg-Alsace est un exemple d’entité régionale séparée en trois États-nations dont deu
249 ’impression d’une centralité continentale, ce qui est vrai à tous points de vue. Dans votre livre, vous disiez qu’il faut a
250 ue les circulaires qui viennent de la capitale ne sont jamais lues : on ne les a pas demandées. Peu à peu des liens se créer
251 eux hommes qui s’en occupent, Defferre et Rocard, sont d’origine huguenote et les protestants ont toujours été opposés au ce
252 origine huguenote et les protestants ont toujours été opposés au centralisme. Cela va paraître énorme aux Français ! Vous a
253 léon. Moi, je trouve que trois générations, c’est être très optimiste car, de nos jours cela fait 20 ans x 3 = 60 ans. C’est
254 soi-même. » Vous avez aussi parlé de « la peur d’ être libre »… C’est la maladie de notre société actuelle. C’est de cette p
255 e notre société actuelle. C’est de cette peur que sont nés les États-nations et les États totalitaires. Je ne cesse de répét
256 d. Rougemont Denis de, « [Entretien] La peur d’ être libre… », CoÉvolution, Paris, p. 31-35. e. Propos recueillis par Cla
257 é. Mais cette réflexion sur les mythes de l’amour était aussi un essai de déchiffrement de la personnalité de l’Europe, que D
258 ursuivi tout au long de son œuvre. Dans L’Avenir est notre affaire (Stock, 1977), il brossait un bilan des crises actuell
9 1982, Articles divers (1982-1985). Hommage à l’Alliance culturelle romande pour ses 20 ans (octobre 1982)
259 remercions chaleureusement ; notre reconnaissance est d’autant plus vive que leurs lignes nous encouragent à persévérer.
260 ât deux cantons mixtes et que le petit dernier ne fût pas encore né. De tout cela, notre ami Weber-Perret fit ce que l’on p
10 1982, Articles divers (1982-1985). Un écrivain au service de la cité (24 octobre 1982)
261 mont, dans quelles circonstances votre vocation s’ est -elle décidée ? Je crois qu’il faut remonter, pour distinguer l’appel
262 nguer l’appel que signifie toute vocation — et je suis très attaché à cette notion qui constitue, soit dit en passant, le th
263 e suis très attaché à cette notion qui constitue, soit dit en passant, le thème du seul roman que j’aie jamais écrit — à mes
264 ent, que je deviendrais un grand chimiste. Je m’y étais exercé dans un laboratoire improvisé, chez mes parents, mais après tr
265 e, au Gymnase de Neuchâtel, j’ai compris que ce n’ était pas tout à fait ça… Donc je ne jurais que par la littérature, à comme
266 a poésie. Dans les poèmes que j’écrivais alors, j’ étais influencé par les symbolistes, et Rimbaud surtout me fascinait, avant
267 de 17 ans, dans la Semaine littéraire de Genève, était consacré à Montherlant et le football, comme j’étais moi-même un adep
268 it consacré à Montherlant et le football, comme j’ étais moi-même un adepte entêté de ce sport. Puis je suis entré en lettres,
269 is moi-même un adepte entêté de ce sport. Puis je suis entré en lettres, à l’Université de Neuchâtel qui était, à mon sens,
270 entré en lettres, à l’Université de Neuchâtel qui était , à mon sens, la meilleure du monde, parce que la plus minuscule. On y
271 oyait guère à vrai dire, tant ma vie sentimentale était alors tumultueuse. Je fis aussi de longs séjours en Hongrie. J’étais
272 euse. Je fis aussi de longs séjours en Hongrie. J’ étais complètement envoûté par cette atmosphère passionnelle de l’Europe ce
273 rréalisme figurait en bonne place, estimant qu’il était du devoir des écrivains d’affronter les problèmes de la crise naissan
274 Méfaits de l’instruction publique . Quoi ou il en soit , il me semblait important d’en venir à une littérature fondée spiritu
275 iger une maison d’édition. Dès ce moment-là, j’ai été plongé dans un bouillonnement d’idées que je n’ai jamais retrouvé par
276 personnalisme et du fédéralisme. De fait, nous n’ étions ni individualistes, ni collectivistes, mais personnalistes. En outre,
277 sant les prérogatives de l’État-nation. Mais ce n’ est qu’après la guerre que je me suis lancé dans l’action fédéraliste, la
278 ation. Mais ce n’est qu’après la guerre que je me suis lancé dans l’action fédéraliste, laquelle m’occupe depuis quelque tre
279 lle m’occupe depuis quelque trente-cinq ans. Cela étant , je n’ai jamais cessé pour autant d’être écrivain. Pour l’instant, j’
280 s. Cela étant, je n’ai jamais cessé pour autant d’ être écrivain. Pour l’instant, j’ai douze livres en chantier. À la suite d
281 voulu évoquer les circonstances dans lesquelles s’ est formé et développé son “grand dessein”, entre passion et discernement
282 ns la tradition des grands moralistes suisses, il est parvenu, en témoin clairvoyant de son époque aux intuitions souvent p
283 ment d’avoir flirté avec le fascisme, alors qu’il fut , et ses livres en témoignent clairement, un antinazi de la première h
11 1983, Articles divers (1982-1985). Réponses à des questions de Marcel Proust et de Michel Moret (1983)
284 t de Michel Moret (1983)v Qui auriez-vous aimé être  ? Moi, mais pleinement réalisé. Le principal trait de votre caractère
285 ienté par ses gènes et par son milieu. La société est le résultat global des réussites et des échecs de ses efforts pour se
286 es de sa vocation unique. Pensez-vous que l’homme soit capable de progrès moral ? Je ne sais. Je le souhaite. C’est le vrai
287 us que, dans le monde, les libertés individuelles sont en progression ? Personne ne dispose des moyens de répondre à cette q
288 storique préféré ? Je dirais Guillaume Tell, s’il était « historique ». Vos musiciens préférés ? Monteverdi, Bach, Mozart et
12 1983, Articles divers (1982-1985). Bertrand de Launay, Le Poker nucléaire : comme brebis à l’abattoir [préface] (1983)
289 sourde, et par moments presque désespérée, qui me tenait dès 1933 devant la montée vers la guerre hitlérienne : aujourd’hui co
290 rmais en présence. L’équilibre de la terreur, tel est le nom qu’ils ont inventé pour la paix. Nous disons que cet équilibre
291 la paix. Nous disons que cet équilibre ne saurait être maintenu jusqu’au bout que par la destruction totale, réciproque et s
292 encore de prévenir cette « solution finale » que serait , pour l’humanité tout entière, la guerre nucléaire. Ces « pacifistes 
293 entière, la guerre nucléaire. Ces « pacifistes » sont montrés du doigt et insultés comme étant les vrais fauteurs de guerre
294 ifistes » sont montrés du doigt et insultés comme étant les vrais fauteurs de guerre, dans la presse à peu près unanime à l’o
295 la droite traditionnelle à la gauche dès qu’elle est au pouvoir. Il est donc entendu que ceux qui mettent en garde contre
296 nelle à la gauche dès qu’elle est au pouvoir. Il est donc entendu que ceux qui mettent en garde contre le nucléaire, sous
297 le nucléaire, sous toutes ses formes du système, sont de sinistres névrosés, acharnés à détruire, sans scrupules, la sacro-
298 tisans du désarmement nucléaire intégral, dont je suis . — Ils ont été traumatisés par la bombe d’Hiroshima. Vous non, sans d
299 ement nucléaire intégral, dont je suis. — Ils ont été traumatisés par la bombe d’Hiroshima. Vous non, sans doute ? Vous n’a
300 , sans doute ? Vous n’avez rien senti ? Voilà qui est grave. Névrosé est celui qui réagit d’une manière anormale à la cause
301 n’avez rien senti ? Voilà qui est grave. Névrosé est celui qui réagit d’une manière anormale à la cause de son angoisse :
302 néral, et de la dissuasion en particulier. — Ils sont manipulés par Moscou. Cette hypothèse suppose que les « pacifistes »,
303 dée d’une fin brutale et prochaine de l’humanité, sont nécessairement partisans d’une guerre « gagnée » par Moscou à la fave
304 tôt : « Si nous vous suivions, nous finirions par être à la fois rouges et morts. » Il est clair que Moscou ne saurait favor
305 inirions par être à la fois rouges et morts. » Il est clair que Moscou ne saurait favoriser les antinucléaires qu’à l’Ouest
306 res qu’à l’Ouest. Aussi bien, ces derniers ne s’y sont pas trompés : ils favorisent les mouvements pacifistes en RDA, en Pol
307 cifistes en RDA, en Pologne, en URSS même, où ils sont encore clandestins. Ils sont seuls à pouvoir le faire dans notre camp
308 en URSS même, où ils sont encore clandestins. Ils sont seuls à pouvoir le faire dans notre camp, où ils sont seuls aussi à n
309 seuls à pouvoir le faire dans notre camp, où ils sont seuls aussi à n’être pas manipulés par Washington. — Ils sont mal inf
310 aire dans notre camp, où ils sont seuls aussi à n’ être pas manipulés par Washington. — Ils sont mal informés. Ce livre suffi
311 ussi à n’être pas manipulés par Washington. — Ils sont mal informés. Ce livre suffit pour répondre. (La désinformation systé
312 les médias et par certains experts payés pour ça, est le scandale majeur du xxe siècle.) III. Progrès des armements
313 au surplus des millions de chômeurs. Votre devise serait -elle : « plutôt la fin de l’Humanité que la ruine de ma société » ? O
314  plutôt morts que chômeurs » ? Cet « impossible » est pourtant seul possible. Avec des dizaines de milliers d’armes nucléai
315 nucléaires sur tous les continents et les humains étant ce qu’ils sont, les chances d’éviter dans les années qui viennent acc
316 ous les continents et les humains étant ce qu’ils sont , les chances d’éviter dans les années qui viennent accidents et malen
317 humain au xxe siècle Notre mort individuelle est inévitable, et pourtant nous faisons tout pour l’éviter. La guerre nu
318 s faisons tout pour l’éviter. La guerre nucléaire est évitable, et nous faisons tout ce qu’il faut pour qu’elle arrive.
319 des arsenaux nucléaires américain et soviétique) est absurde, et ne peut conduire qu’à des conclusions probablement fausse
320 ls grandissent, puisque les premiers tirs peuvent être décisifs. Mettons qu’aujourd’hui, les États-Unis aient de quoi tuer 3
321 s tous les humains. Mais comme les Soviétiques en seraient à 38 000, il est clair, me dit-on, qu’un effort gigantesque doit être
322 is comme les Soviétiques en seraient à 38 000, il est clair, me dit-on, qu’un effort gigantesque doit être demandé aux indu
323 t clair, me dit-on, qu’un effort gigantesque doit être demandé aux industries d’armes américaines to stop the gap, pour comb
324 is billes (ou missiles) et toi six, j’ai raison d’ être inquiet. Mais si j’en ai 30 000 et toi 60 000, nous sommes « à égalit
325 quiet. Mais si j’en ai 30 000 et toi 60 000, nous sommes « à égalité » à toutes fins utiles, étant immergés l’un et l’autre da
326 , nous sommes « à égalité » à toutes fins utiles, étant immergés l’un et l’autre dans l’incommensurable et le non-sens. Que f
327 astrophisme » ? Vous oubliez que les prophètes sont là pour empêcher les catastrophes que vous préparez. Dans la traditio
328 Utinam vates falsus sim (Plaise au Ciel que je sois faux prophète) Et dans la tradition biblique, ce soupir déchirant du
13 1983, Articles divers (1982-1985). La Suisse et quelle Europe ? (1983)
329 deux réalités non comparables, car : 1° la Suisse est autre chose — elle est beaucoup plus — que l’économie suisse ; 2° la
330 rables, car : 1° la Suisse est autre chose — elle est beaucoup plus — que l’économie suisse ; 2° la Communauté économique e
331 Communauté économique européenne — même élargie — est autre chose — elle est beaucoup moins — que l’Europe unie. Les deux t
332 uropéenne — même élargie — est autre chose — elle est beaucoup moins — que l’Europe unie. Les deux titres qui me sembleraie
333 itres qui me sembleraient corrects et défendables seraient en conséquence : ou bien L’économie suisse et la CEE élargie ou bien
334 donner de la Suisse et de l’Europe unie, et leur sont — ou devraient leur être — subordonnées. Le thème primordial se ramèn
335 e l’Europe unie, et leur sont — ou devraient leur être — subordonnées. Le thème primordial se ramène donc dans tous les cas
336 ttitudes et de positions fondamentales. Si l’on n’ est pas rigoureux dans l’énoncé du thème, on court des risques importants
337 continent européen. Or, je le répète, la Suisse n’ est pas réductible à son économie, et prendre l’une pour l’autre n’est pa
338 e à son économie, et prendre l’une pour l’autre n’ est pas une simple façon de parler pour aller vite, une métonymie, dit-on
339 mais une grave confusion des valeurs. Et l’Europe est bien autre chose que ce qu’on nomme ainsi à Bruxelles — où la CEE n’e
340 ue ce qu’on nomme ainsi à Bruxelles — où la CEE n’ est en fait qu’un ensemble d’accords intergouvernementaux en vue d’harmon
341 e, c’est la Suisse et l’union européenne. Car je suis (depuis trente-cinq ans) profondément convaincu de ces trois vérités 
342 r). 3. Toute formule d’union autre que fédérative est incompatible avec l’identité suisse. La question concrète est donc c
343 ble avec l’identité suisse. La question concrète est donc celle de savoir — à quel type d’Europe unie la Suisse pourrait-e
344 bourg ou Conseil de l’Europe (à 21). Trois autres sont faciles à imaginer, sinon à réaliser : un super-État européen, sur le
345 terdire d’innover dans ce domaine aussi, comme il est si bien vu de le faire dans le domaine des sciences physiques, dans c
346 e problème change de nature, radicalement. Car il serait dangereux de prétendre fonder et développer l’union sociale, écologiq
347 aine économique. Jean Monnet l’a cru possible. Ce fut à la fois le ressort de son action créatrice, et son illusion majeure
348 ns de leur réunion future avec les sept pays de l’ Est actuellement satellisés par Moscou. Si cet élargissement-là (à des do
349 oins en moins capable de se joindre à la fête, ne fût -ce qu’en vertu de sa neutralité, mais plus encore, et d’une manière p
350 fédéraliste. b) Le cas de l’Europe de Strasbourg est plus simple. D’une part, la CE réunit vingt-et-un pays sur vingt-deux
351 déjà partie ; l’obstacle de la neutralité a donc été écarté. Mais le Conseil de l’Europe est sans pouvoirs. Il ne réunit q
352 té a donc été écarté. Mais le Conseil de l’Europe est sans pouvoirs. Il ne réunit que des ministres, en fin de compte, non
353 pation active de la Suisse à une union européenne sont faciles à formuler. Ce sont les trois suivantes : 1° la neutralité co
354 une union européenne sont faciles à formuler. Ce sont les trois suivantes : 1° la neutralité conçue comme refus de recourir
355 Suisse ne pourrait participer qu’à une union qui serait elle-même neutre, c’est-à-dire purement défensive. 2° Le fédéralisme
356 ulait naguère à propos des États-Unis, mais qu’il est facile de transposer en termes européens : Ne confiez jamais à une p
357 onfiez jamais à une plus grande unité ce qui peut être fait par une plus petite. Ce que la famille peut faire, la municipali
358 ense locale (guérilla, défense « en hérisson ») s’ est montrée plus forte que les troupes les mieux armées du monde — au Vie
359 rement sur les Européens du seul fait que ceux-ci sont 127 au km2 mais les Soviétiques seulement 11. Or les Russes sont cent
360 mais les Soviétiques seulement 11. Or les Russes sont cent fois mieux dotés que toute l’Europe en missiles stratégiques et
361 ucoup de mal aux envahisseurs. d) L’arme atomique est par définition offensive, menaçante, et l’adjectif « dissuasive » n’y
362 raite, et d’accepter l’idée que, finalement, elle sera contrainte de céder, c’est-à-dire d’adhérer à la CEE, doit prendre sa
363 que « la Suisse ne fait pas le poids », « qu’elle est trop petite », etc. Mais dans ma longue carrière d’historien des idée
364 tacles principaux à l’union des peuples européens étant la souveraineté nationale absolue d’une part, la division de l’Europe
365 rideau de fer d’autre part, les solutions doivent être cherchées dans ce qui permettrait de dépasser simultanément par en ha
366 erainetés nationales, et de ramener les pays de l’ Est dans une communauté avec l’Ouest. Pour les contacts avec l’Est, la Su
367 communauté avec l’Ouest. Pour les contacts avec l’ Est , la Suisse dispose désormais des accords d’Helsinki, seuls à rassembl
368 l’exception des trois États baltes). Pour ce qui est du dépassement progressif des cadres stato-nationaux, la Suisse peut
369 urg, Innsbruck, Galway, Bordeaux. Les progrès ont été si rapides qu’à Bordeaux, en 1978, on a discuté sérieusement la possi
370 mes articles, conférences et livres. Pour ce qui est du dépassement de l’économisme de Bruxelles, et de faire face au prob
371 la n’a aucune importance : la Constitution suisse est intitulée Constitution fédérale de la Confédération suisse, et cela n
372 Possibilités ? Rêveries ? La Suisse a toujours été , dès les débuts du xiiie siècle, à contre-courant des évolutions d’e
373 écrit (notamment l’historien E. Gagliardi) : elle est demeurée jusqu’en notre siècle le seul témoin du mouvement des commun
374 ique unité et germe de l’union à venir, la Suisse est plus que jamais nécessaire à l’Europe à condition qu’elle reste suiss
375 mmunes et plus tard cantons. Voilà pourquoi il ne serait pas du tout anormal, et peut-être même bénéfique, qu’elle soit la der
376 out anormal, et peut-être même bénéfique, qu’elle soit la dernière à rejoindre une union fédérale de nos peuples, dont elle
377 une union fédérale de nos peuples, dont elle aura été , dans le même temps, la première figuration et la promesse. r. Ro
14 1983, Articles divers (1982-1985). Hitler, l’anti-prophète de notre siècle (10 février 1983)
378 rier 1983)x Le maréchal von Hindenburg vient d’ être réélu président de la République, en avril 1932, contre l’agitateur H
379 poral Adolf Hitler, né Autrichien, et qui vient d’ être naturalisé. Ce jour-là, devant le vieil aristocrate prussien surcharg
380 isfait. Dans leur poignée de main peu croyable se sont noués les destins de notre siècle. La défaite de 1918 avait précipité
381 yse de cette situation initiale. Car l’hitlérisme est né de la rencontre absolument irrationnelle, et j’oserais dire antipr
382 i nul en soi, phénomène d’envergure mondiale, tel fut l’homme, tel demeure son mystère. Les effets fracassants déclenchés d
383 ants déclenchés dans le siècle par son apparition sont bien connus : on n’y retrouve pas, à l’analyse, la moindre trace de s
384 à l’analyse, la moindre trace de sa personne. Il fut ces effets, et rien d’autre. Démontrer qu’il n’a pas existé serait un
385 , et rien d’autre. Démontrer qu’il n’a pas existé serait un jeu : père inconnu, cadavre disparu, témoignages contradictoires d
386 ue, ce quasi-néant d’homme ridicule et tragique a été le prophète du Néant collectif, où il a presque réussi à entraîner to
387 C’est ainsi que je l’ai senti, éprouvé de tout l’ être , enregistré au radar de quelque intuition subconsciente. Et prédit sa
388 derniers jours du bon vieux temps européen ». Ce fut la guerre, cinq mois plus tard. Le 17 juin 1940, j’écrivais dans un j
389 erai dans Paris ». Il y entre en effet, mais ce n’ est plus Paris. Et telle est sa défaite irrémédiable devant l’esprit, dev
390 ntre en effet, mais ce n’est plus Paris. Et telle est sa défaite irrémédiable devant l’esprit, devant le sentiment, devant
391 tation stupéfiante de cet homme et de cette ville était peut-être nécessaire pour faire comprendre au monde entier qu’il est
392 saire pour faire comprendre au monde entier qu’il est des victoires impossibles… Enfin, on peut lire dans La Part du diabl
393 42, trois ans avant la mort du Führer : Hitler s’ est tu. L’aventure a pris fin dans la catastrophe prévue. Et devant le ca
394 avec une stupéfaction mêlée de honte : « Comme il était petit ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de
395 on mêlée de honte : « Comme il était petit ! Il n’ était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères secrèt
396 Burckhardt, haut-commissaire de la SDN à Dantzig, est reçu en audience par le Führer : il s’agit d’une ultime tentative pou
397 rquoi ? gémit le Führer, mais parce que moi je ne suis rien, je n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je ne suis q
398 que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je ne suis qu’un petit homme du commun ! Si je perds mon prestige, je perds tout
399  ! Vous, monsieur Burckhardt, vous savez qui vous êtes , vous êtes de la grande famille Burckhardt de Bâle. Vous pourriez vou
400 nsieur Burckhardt, vous savez qui vous êtes, vous êtes de la grande famille Burckhardt de Bâle. Vous pourriez vous moquer d’
401 riez vous moquer d’un tel article. Mais moi je ne suis qu’un prolétaire ! » Ce prolétaire en uniforme, ce petit homme du com
402 ne sait pas de quoi parler. Ce vide du personnage est essentiel : il est la condition de sa « mission » satanique. Certes,
403 parler. Ce vide du personnage est essentiel : il est la condition de sa « mission » satanique. Certes, Hitler n’était pas
404 ion de sa « mission » satanique. Certes, Hitler n’ était pas le diable. Mais certains ont pensé, pour l’avoir éprouvé en sa pr
405 a présence par un frisson d’horreur sacrée, qu’il était le siège d’une « domination », d’un « trône », d’un « génie » ou d’un
406 Une seule chaîne de SS le séparait de la foule. J’ étais au premier rang, à trois mètres de lui, marchant à la hauteur de la v
407 descendu très facilement. Mais ce bon tireur ne s’ est jamais trouvé dans cent occasions analogues. Voilà le principal de c
408 u même délirer… On ne tire pas sur un homme qui n’ est rien et qui est tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui est l
409 On ne tire pas sur un homme qui n’est rien et qui est tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve de soixan
410 t tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve de soixante millions d’hommes. On tire sur un tyran, ou sur u
411 n, ou sur un roi, mais les fondateurs de religion sont réservés à d’autres catastrophes. Le Führer déclarait un jour : « Je
412 fester qu’autant que l’individu ne compte plus, n’ est que le support d’une puissance qui échappe à nos psychologies… On me
413 à nos psychologies… On me demande sottement s’il est intelligent. Ne voit-on pas qu’un homme intelligent, si cela compte e
414 l. En ce sens démoniaque du terme, un « génie » n’ est ni fou ni bête, ni sensé ni intelligent. Il ne s’appartient pas, n’a
415 de compte en banque, et à peine un état civil. Il est le lieu de passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces for
416 l’Histoire, le catalyseur de ces forces qui déjà sont dressées devant vous ; et après cela, vous pouvez le supprimer sans r
417 ouvez le supprimer sans rien détruire de ce qui s’ est fait par lui. Un homme quelconque, transfiguré par sa ténébreuse « m
418 , raciste et adorateur du sang et de la guerre, s’ est présenté à nous comme un malheur plus étendu et plus profond que l’hi
419 jusqu’ici. Le Guide de l’inconscient Tout s’ est passé comme si Hitler, ayant posé le diagnostic exact de notre sociét
420 l’Europe du xxe siècle, le sens de la communauté est en train de disparaître, mais le besoin « d’être ensemble » demeure v
421 é est en train de disparaître, mais le besoin « d’ être ensemble » demeure vital. La communauté est détruite par toutes les f
422 « d’être ensemble » demeure vital. La communauté est détruite par toutes les forces de dissociation — rationalisme bourgeo
423 t le Führer, le Guide de l’inconscient du peuple, est en même temps conscient de son opération, lucide et froid comme le Se
424 pérer : Tous les grands mouvements de l’Histoire sont des éruptions volcaniques de passions et de sensations spirituelles p
425 passions et de sensations spirituelles provoquées soit par la cruelle déesse de la Misère, soit par la torche de la parole j
426 ovoquées soit par la cruelle déesse de la Misère, soit par la torche de la parole jetée dans les masses. Seule une tempête d
427 uit les plus grands changements dans le monde ont été trouvées non pas dans la connaissance scientifique, mais dans le fana
428 ie spirituelle, chômage et inflation… Sa parole n’ est d’abord que le ressassement de ces malheurs occidentaux et du superla
429 rande cérémonie sacrale d’une religion dont je ne suis pas, et qui m’écrase et me repousse avec bien plus de puissance, même
430 sique, que tous ces corps horriblement tendus. Je suis seul et ils sont tous ensemble. Un désastre mondial Dès avant
431 es corps horriblement tendus. Je suis seul et ils sont tous ensemble. Un désastre mondial Dès avant la guerre de 1939
432 1939, la majorité des humains savaient qu’Hitler était le nom d’un désastre imminent et mondial. Pourtant, on ne l’a pas arr
433 t alors à l’inquiétude de trop rares observateurs était la suivante : « Comment se peut-il que des individus ‟normaux” devien
434 su répondre à la question centrale du siècle, qui est religieuse au sens élémentaire de ce terme, sens vital et mortel à la
435 et de la Haine. L’idolâtrie du sang et du sol n’ est autre chose, selon nous, qu’un retour offensif du culte cananéen de B
436 issent : ceux de Moloch, dans la mesure où Moloch est l’idole tribale qui réclame des sacrifices humains et donne en échang
437 r un théologien anonyme dont j’ignore encore s’il était chrétien ou juif, dévoilait le mystère profond de l’hitlérisme, en mê
438 sens « païen » et non chrétien. Mais le désastre était inscrit dans les données de l’aventure hitlérienne. Fondée sur le Mal
439 le des autres. Mais le rêve de Puissance totale n’ est qu’un cauchemar. Une nation ne peut le rêver, le mimer et l’agir que
440 nuits entières. C’est que la formule totalitaire est à jamais inapplicable : une idée de fou. Il ne saurait y avoir toute-
441 re chaque homme en particulier, le personnel, tel fut le péché constitutif du national-socialisme. L’Occident n’a pas eu de
442 isme. L’Occident n’a pas eu de pire ennemi, et il est loin d’être certain qu’il ait été vaincu ailleurs que dans les ruines
443 ident n’a pas eu de pire ennemi, et il est loin d’ être certain qu’il ait été vaincu ailleurs que dans les ruines de Berlin.
444 e ennemi, et il est loin d’être certain qu’il ait été vaincu ailleurs que dans les ruines de Berlin. Hitler donnait la pire
445 ponse, à la question centrale de notre temps. Tel fut son vrai Pouvoir, et j’écrivais alors : « Seul un prophète peut lui r
15 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : conclusions (1984)
446 Autour de l’Avenir est notre affaire : conclusions (1984)ab La première conclusion que je
447 e que j’ai connu jusqu’ici. Vous savez comment il est né : de l’envoi à des centaines de personnes d’une circulaire exposan
448 t prouvé leur intérêt en envoyant des textes : ce sont ceux que nous avons discutés ici. Il y a donc eu d’une part quelque c
449 nt, mais d’autre part, une motivation commune qui est peut-être plus importante que celle que l’on trouve dans beaucoup de
450 onnaît toujours plus ou moins d’avance. Ici, nous sommes dans un état d’esprit complètement différent. Nous ne nous connaissio
451 outes sortes de milieux, de forme de vie, nous ne sommes pas ce que l’on appelle en allemand des Kongress Tiere, des « bêtes d
452 ndation Veillon d’avoir pris cette initiative qui est une création en son genre, et dont peut-être pourront sortir quelques
453 ir quelques idées neuves. Je pense aussi que vous serez tous d’accord pour remercier la Fondation Charles Veillon non seuleme
454 couvent avec son cloître et sa chapelle, que nous sommes si heureux d’avoir découvert. Cher Monsieur Veillon, puis-je vous pri
455 a préhistoire de mon livre, puisque c’est lui qui est l’occasion de notre colloque. J’avais passé la première année de la g
456 sé dans l’armée suisse, mais dès octobre 1940, je fus envoyé en Amérique où j’étais sans doute moins gênant pour notre neut
457 dès octobre 1940, je fus envoyé en Amérique où j’ étais sans doute moins gênant pour notre neutralité, chargé d’une mission d
458 le diable , et l’autre sur la bombe atomique . Je suis rentré une première fois en Europe, au printemps de 1946, invité par
459 storique, si tôt après la guerre. Tout le monde s’ est accordé sur l’idée que le sujet le plus important de l’heure, c’était
460 le traduire en union politique de nos peuples. Je suis retourné pour quelques mois aux États-Unis, puis rentré définitivemen
461 is, puis rentré définitivement en août 1947, et j’ étais à peine installé près de Genève, quand j’ai reçu la visite de deux am
462 l’action fédéraliste européenne, en m’offrant de tenir le discours inaugural du premier congrès des fédéralistes européens,
463 ropéens, qui allait se dérouler à Montreux. Je me suis trouvé vraiment catapulté dans cette action. Comme j’étais un peu res
464 uvé vraiment catapulté dans cette action. Comme j’ étais un peu responsable de la création du concept d’engagement de l’écriva
465 gement de l’écrivain, dès 1932-1933 (quand Sartre était encore dans les langes, politiquement parlant), je me suis senti « ob
466 re dans les langes, politiquement parlant), je me suis senti « obligé », en quelque sorte. J’ai dit à mes amis : « Je suis p
467 é », en quelque sorte. J’ai dit à mes amis : « Je suis prêt à donner deux ans de ma vie à la cause européenne, et tant pis p
468 is pour mon œuvre littéraire… » Et me voilà : j’y suis encore après trente-trois ans. Je dois avouer, cependant, que je me s
469 e-trois ans. Je dois avouer, cependant, que je me suis arrangé pour écrire un peu, en marge de cette seule activité. De 1947
470 nt de ma famille neuchâteloise… Mais cela n’a pas été facile, car à la suite d’une série de grandes manifestations, telles
471 ions, dont le Centre européen de la culture. J’ai été son directeur-fondateur à partir de 1949. Tout a dû être créé à parti
472 n directeur-fondateur à partir de 1949. Tout a dû être créé à partir de zéro, et avec très peu d’argent, car les gouvernemen
473 puis à la Fondation européenne de la culture, qui est aujourd’hui à Amsterdam ; puis à une dizaine d’associations européenn
474 ne Campagne d’éducation civique européenne, qui a été reprise récemment par Bruxelles. Nous avons donc fait du militantisme
475 rice. Mais bientôt les mouvements fédéralistes se sont mis à décliner. Ils n’avaient au fond plus grand-chose à se mettre so
476 er : « Unissons-nous, unissons-nous ! » Mais ce n’ était pas le moyen de nourrir une action précise, étant donné qu’aux yeux d
477 était pas le moyen de nourrir une action précise, étant donné qu’aux yeux de nos gouvernements, les choses sérieuses, c’était
478 ays seulement, sur les 23 de l’Europe de l’Ouest. Soit dit en passant : j’estime abusif que l’on parle aujourd’hui du Parlem
479 arlement européen pour désigner l’assemblée qui a été élue ce printemps et qui vient de se réunir à Strasbourg. Elle n’est
480 ps et qui vient de se réunir à Strasbourg. Elle n’ est ni un parlement, ni européenne au sens plein du terme : c’est une ass
481 le dire comme cela chaque fois qu’on en parle, il est plus simple de dire : le Parlement européen. Mais c’est une usurpatio
482 . Mais c’est une usurpation de terme, et qui peut être dangereuse, parce qu’elle laisse entendre que cette assemblée, à part
483 , je ne vois pas en quoi et pourquoi des gens qui sont d’excellents experts économiques seraient chargés du développement cu
484 es gens qui sont d’excellents experts économiques seraient chargés du développement culturel de l’Europe. Cela n’est pas leur af
485 gés du développement culturel de l’Europe. Cela n’ est pas leur affaire. Le Conseil de l’Europe, à Strasbourg, serait de bea
486 ur affaire. Le Conseil de l’Europe, à Strasbourg, serait de beaucoup un meilleur candidat à la fonction de noyau de l’Europe f
487 lement européen à élire au suffrage universel, ce serait évidemment à celui du Conseil de l’Europe qu’on devrait donner des po
488 rait donner des pouvoirs législatifs. Tout ceci n’ est pas seulement une espèce de parenthèse que je referme maintenant, mai
489 re dans mon projet de vous expliquer comment j’ai été appelé à écrire L’Avenir est notre affaire . Au cours de la dernièr
490 liquer comment j’ai été appelé à écrire L’Avenir est notre affaire . Au cours de la dernière décennie, il s’est passé deu
491 affaire . Au cours de la dernière décennie, il s’ est passé deux choses : d’une part, la décadence accélérée du mouvement f
492 éralistes européens. Durant cette même décennie s’ est développée l’idée de région, sur laquelle nous avions tenu de nombreu
493 loppée l’idée de région, sur laquelle nous avions tenu de nombreux colloques à Genève dès 1962. De cette convergence est née
494 colloques à Genève dès 1962. De cette convergence est née dans mon esprit l’idée d’un slogan, offert par la suite aux group
495 te aux groupements d’écologistes français, et qui est en somme un résumé de mon livre, c’est : « Écologie – régions – Europ
496 car un combat, cela peut se perdre, tandis qu’il est évident que ni l’écologie, ni les régions, ni la fédération européenn
497 able de celui des deux autres : ces trois avenirs sont organiquement, génétiquement liés. Je ne saurais vous donner une just
498 s le monde entier. À partir de ce soir-là, tout s’ est organisé dans ma tête vers cette synthèse d’économie, d’éthique et de
499 de telle manière que toute notre économie en eût été complètement bouleversée —, je prenais l’image d’une grosse boule de
500 ié, parce que quelques semaines après le tournage est arrivée la guerre du Kippour et la confirmation concrète de ce que j’
501 cause de ce délai imposé par les événements, il s’ est trouvé que mon livre, pour une fois, n’arrivait pas trop tôt ! Pendan
502 es par le présent colloque, auquel je n’avais pas été habitué par mes autres livres, trop difficiles ou trop en avance sur
503 e semble avoir caractérisé notre colloque. Cela s’ est centré tout de suite et tout naturellement sur le problème des région
504 de la guerre qui résume toutes les menaces et qui est la pollution majeure de la terre. J’entends la guerre nucléaire. Aujo
505 J’entends la guerre nucléaire. Aujourd’hui, il n’ est pas question d’autre chose. Tous nos États-nations préparent la guerr
506 ts-nations préparent la guerre. Non seulement ils sont nés de la guerre, il y a soixante ans (les traités de « banlieue », V
507 nquante ans, ou deux-cents ans (1789 !), mais ils sont entretenus par la guerre ; tous leurs rapports avec l’économie sont r
508 r la guerre ; tous leurs rapports avec l’économie sont réglés par la préparation à la guerre, ultima ratio de toutes les mes
509 » Mais cette guerre, à quoi peut-elle servir ? Ce sont les États-nations seuls qui auront le droit de peser sur le bouton ro
510 des radiations ! » Mais, vous imaginez ce qu’ils seraient  ? De pauvres hères, qui chercheraient à se nourrir de choses pas trop
511 rop irradiées, qui vivraient dans la terreur, qui seraient tous plus ou moins fous et condamnés à terme. Le seul moyen si l’on v
512 seul moyen si l’on veut éviter cette guerre, qui serait comme on l’a dit hier le grand incendie final, la fin de l’histoire,
513 e l’univers, du moins de l’humanité civilisée, ce serait de trouver une autre forme de communauté humaine que les États-nation
514 une logique du vivant, et non pas du minéral, qui est le domaine des techniques dures comme je l’ai dit tout à l’heure. C’e
515 technique qui fait que nous oublions l’humus, qui est la base de tout, comme vient de nous le rappeler M. Birre. À tout cel
516 a germination, qui peut fissurer des rochers, qui est irrésistible, parce qu’elle sort de partout, et non d’un centre que l
517 paraît symboliser cette nouvelle tendance. Ceci a été très bien mis en relief par plusieurs d’entre vous, par plusieurs des
518 ssi par le travail de Jacques Juillet, qui n’a pu être des nôtres. Il s’agit de l’opposition entre ce qui vient d’en haut, d
519 entière, l’humanité entière. L’union de l’Europe serait donc, à mon sens et dans cette perspective, qui n’est pas celle des É
520 donc, à mon sens et dans cette perspective, qui n’ est pas celle des États, mais des régions, le moyen de restaurer la paix.
521 des régions, le moyen de restaurer la paix. Elle serait aussi le seul moyen de lutter contre les menaces de guerre qui pèsent
522 ’a plus au-dedans ». L’Europe, unie — j’insiste — est impossible à concevoir à partir des États-nations ; c’est un cercle c
523 santhropes veulent une amicale, mais alors ils ne sont plus misanthropes, ou bien ils restent misanthropes, mais alors ils n
524 icale, ou seulement pour tromper le monde, ce qui est le cas actuellement. L’État-nation, d’autre part, n’est plus une form
525 cas actuellement. L’État-nation, d’autre part, n’ est plus une formule viable. Nous n’avons pas, j’insiste, à le renverser.
526 ns pas, j’insiste, à le renverser. Je crois qu’il serait tout à fait illusoire de donner comme but à la jeunesse de s’emparer
527 léphones, d’uniformes, d’armes peut-être — cela n’ est pas sûr, les armes de la Révolution de 1917 ont très vite changé de m
528 le seul moyen de forcer l’attention générale. Je suis résolument pour la non-violence, sauf dans ce cas-là, à condition que
529 lence, sauf dans ce cas-là, à condition que ce ne soit pas dirigé contre des hommes, mais contre des relais du pouvoir centr
530 t il n’y a pas de participation possible, qu’elle soit civique, économique ou politique. Il ne faut donc pas vouloir imposer
531 donc pas vouloir imposer un modèle de régions qui serait le même partout : cela reviendrait à un modèle réduit d’État-nation,
532 ir compte d’aucune réalité spécifique. Nous avons été tout de suite, je crois, assez profondément d’accord pour reconnaître
533 ssité des régions ; même celui d’entre nous qui a été le plus réservé, M. Knoepfler, du Conseil municipal de Neuchâtel, est
534 M. Knoepfler, du Conseil municipal de Neuchâtel, est persuadé que la région, c’est une bonne chose, mais il se pose des qu
535 entés ici, celui de M. Coutelier, entre autres, y sont revenus. M. Norton a apporté des vues très importantes sur cette noti
536 hier et dont l’avis m’importait beaucoup, car il est l’un des responsables de la planification et de l’aménagement du terr
537 iques en intersections, et il s’agit de voir quel est le plus dense ensemble d’intersections, qui serait le nœud de la régi
538 l est le plus dense ensemble d’intersections, qui serait le nœud de la région), cette notion, donc, pose une quantité de probl
539 ponses claires, nettes, et définitives. Mais j’ai été encouragé par cette phrase du professeur Norton, que j’ai recopiée po
540 n avance, donc « chemin faisant ». Chemin faisant est une merveilleuse expression qui évoque quelque chose de très profond
541 sur mon chemin que je le crée. « Chemin faisant » est une phrase qui va tout à fait au fond de la chose. Bien d’autres ont
542 out à fait au fond de la chose. Bien d’autres ont été dites ici, qui m’ont encouragé. Et quand je pense à vos travaux et à
543 e mon cas personnel pour illustrer mon exposé. Je suis né dans l’ancienne principauté de Neuchâtel, qui n’est devenue canton
544 é dans l’ancienne principauté de Neuchâtel, qui n’ est devenue canton suisse qu’en 1848. C’est ma patrie, c’est là que ma fa
545 1848. C’est ma patrie, c’est là que ma famille s’ est développée, que j’ai passé mes vingt premières années et que j’ai mes
546 ntisme, réalité mondiale et sans frontière. (Si j’ étais catholique, ou communiste, ce serait pareil.) De plus, je fais partie
547 ntière. (Si j’étais catholique, ou communiste, ce serait pareil.) De plus, je fais partie d’une quantité de sociétés, qui m’en
548 és, qui m’engagent plus ou moins et dont les buts sont très différents, les unes en Amérique, les autres en Europe, en Franc
549 é. Si on la décrivait d’une manière théorique, ce serait horriblement compliqué, mais quand on le vit, comme vous la vivez tou
550 ette idée de la pluralité des allégeances, qui ne sont pas contradictoires en fait : première direction de recherches. Deuxi
551 géométrie variable ? » Si l’on dit que le pouvoir est d’abord aux communes, on peut très bien imaginer que celles-ci se gro
552 es, qui donnent déjà une image de ce que pourrait être cette géométrie variable. De même, plusieurs communes pourraient form
553 out à l’heure, en entendant parler M. Birre, il m’ est venu une autre idée. Dans la grande discussion sur les régions introd
554 e on l’a dit ce matin, les villes, au fond, elles sont « nulle part », elles ont détruit souvent leur relief, et toujours le
555 ouvent leur relief, et toujours leur humus. Elles sont donc dans l’utopie. Il faut fonder des régions sur la réalité. Alors,
556 ens ; noyau ferme et territorial de la région qui serait plutôt l’écorégion définie par un certain humus ou une certaine varié
557 . Toute fédération, toute organisation fédérative est et doit rester complexe, parce qu’elle veut coller à la réalité physi
558 t de même, à la base du fédéralisme et quelle que soit l’infinie complexité de ses réalisations, un principe très simple qui
559 de ses réalisations, un principe très simple qui est celui que l’on a appelé dans les écoles sociologiques catholiques de
560 ’applique naturellement aux États-Unis, mais elle est très facile à transposer en termes européens, voire suisses. La voici
561 onfiez jamais à une plus grande unité ce qui peut être fait par une plus petite. Ce que la famille peut faire, la municipali
562 édération européenne. Un certain nombre de tâches sont trop grandes pour être réglées par la fédération européenne, et pour
563 n certain nombre de tâches sont trop grandes pour être réglées par la fédération européenne, et pour celles-là, il faut des
564 monde, c’est-à-dire de la création du désert qui est si grave au Brésil, en Afrique et au Canada. Le problème de la destru
565 uième de l’oxygène que nous respirons. Comme nous sommes en train de détruire les deux, je ne sais pas très bien comment nos É
566 aine. Je voudrais insister, car je crois que cela est important pour tout notre propos, sur l’absence de contradictions ent
567 ficités locales, les différences quelles qu’elles soient , et la volonté de se fédérer en ensembles toujours plus vastes. Beauc
568 même mouvement qui crée les deux. Une seule chose serait détruite au passage : l’État-nation. Je voudrais vous rappeler l’impo
569 is vous rappeler l’importance du mot commune, qui est tellement riche. Les choses que l’on a en commun, les choses communes
570 ticulière pour nous, Suisses, parce que la Suisse est née d’un pacte conclu au xiiie siècle entre trois « communes foresti
571 . Elles ont créé un pouvoir commun de défense qui était réel mais limité à cela, et les laissait libres pour le reste. Il s’a
572 e dit commune dans le latin du pacte de 1291, qui est la base de notre fédération : cela se dit universitas. Voilà qui m’a
573 ent fait impression quand j’avais 15 ou 16 ans, a été l’Éthique de Spinoza, où j’ai trouvé ce théorème : « D’autant plus no
574 r. Donc, s’occuper des communes, vouloir qu’elles soient libres et responsables d’elles-mêmes, ce n’est pas du tout s’enfermer
575 soient libres et responsables d’elles-mêmes, ce n’ est pas du tout s’enfermer dans son clocher, c’est au contraire, par la p
576 Je crois que cela, c’est la philosophie qui doit être à la base de tout ce que nous imaginons de la région. Cela a été en t
577 e tout ce que nous imaginons de la région. Cela a été en tout cas à la base de ce qu’avec mes amis Mounier, Alexandre Marc,
578 ersonnaliste et communautaire. Dès le début, il n’ était pas question de séparer la personne de la communauté, c’est-à-dire, l
579 e particulier de l’universel ; au contraire, l’un était la condition de l’autre. Qu’on ne me dise pas que tout cela est utopi
580 on de l’autre. Qu’on ne me dise pas que tout cela est utopique, car au contraire, nous, les régionalistes-écologistes, nous
581 traire, nous, les régionalistes-écologistes, nous sommes peut-être les seuls réalistes d’aujourd’hui. À ceux qui nous disent v
582 e paraît significatif que dans ce colloque, il se soit trouvé que le premier rapport, celui de M. Hell, portait sur des chos
583 que Paul Valéry a écrit là-dessus (et qui devrait être complété) : « Est Européen tout homme qui a subi profondément les inf
584 crit là-dessus (et qui devrait être complété) : «  Est Européen tout homme qui a subi profondément les influences de Rome, d
585 valeurs germaniques et les valeurs celtiques, qui sont aussi importantes à bien des égards, plus près de nous, et qui ont re
586 ure européenne tellement créatrice, c’est qu’elle est tissée d’antinomies. La foi qui sauve, c’est chrétien, mais la raison
587 ocales, c’est grec et c’est germanique, mais ce n’ est pas romain. L’aventure, la quête spirituelle, c’est celtique. Les val
588 disent les valeurs chrétiennes d’humilité. Or, ce sont ces antinomies qui ont donné à la culture européenne et à l’Europe da
589 amisme extraordinaire. Toutes les autres cultures sont beaucoup plus uniformes et homogènes. Ce sont ces évidences historiqu
590 res sont beaucoup plus uniformes et homogènes. Ce sont ces évidences historiques qui m’ont toujours empêché de prendre l’éco
591 e de bâtir l’Europe sur l’économie d’abord. Je me suis amusé à faire des petites études sur les rythmes de mobilité des prin
592 érifier, que le rythme de variabilité des langues est de l’ordre du millénaire. Prenons le triangle dont le sommet est Belf
593 du millénaire. Prenons le triangle dont le sommet est Belfort, et dont la base va du Val d’Aoste à Saint-Étienne en passant
594 rlé de l’an 900 jusqu’aux débuts du xixe siècle, soit près de mille ans, le franco-provençal, qui est une langue différente
595 soit près de mille ans, le franco-provençal, qui est une langue différente, quoiqu’apparentée à la fois à la langue d’oc e
596 oi ! Le chant national des Genevois Cé qu’è lainô est du pur franco-provençal. Quelque chose de tout cela subsiste, probabl
597 d’autres comme la mobilité de nos frontières, qui sont à peine centenaires. J’ai calculé la moyenne d’âge des frontières de
598 t varié dans des proportions inouïes. La France a été pendant longtemps le petit « pré carré » entre Paris, Bourges, Orléan
599 pré carré » entre Paris, Bourges, Orléans, puis s’ est agrandie par annexions et conquêtes jusqu’en 1861. Elle a très peu va
600 61. Elle a très peu varié au xxe siècle. Mais on est étonné de voir que ce rythme de mobilité est au maximum centenaire. D
601 s on est étonné de voir que ce rythme de mobilité est au maximum centenaire. Donc rythme millénaire des langues, rythme à p
602 Quant au rythme des variations économiques, il n’ est même pas de dix ans, plutôt de cinq ans. Il suffit que vous implantie
603 potentiel et ses relations économiques. Donc, il serait faux de baser l’Europe, cette immense construction, sur ce qu’il y a
604 a de plus fragile, de plus variable, et qui peut être ruiné : l’économie. Il faut la fonder sur l’humus, l’humus de l’histo
605 ais vous rappeler quelques-unes de celles qui ont été suggérées. Dans le papier de M. Jacques Juillet, il y a une suggestio
606 . Jacques Juillet, il y a une suggestion qui peut être très importante : celle d’une union européenne des maires. Certes, il
607 sociation à association. C’est la seule chose qui soit à notre portée, qui n’entraîne pas de dépenses gigantesques comme la
608 propagation d’informations réelles, la propagande étant exactement le contraire. Et enfin, j’y reviens, il y a l’apport, capi
609 t beaucoup d’autres parmi vous. Je crois que nous sommes tous d’accord là-dessus. Je crois aussi qu’il faudrait élargir les ap
610 lement d’un institut mais d’une grande action qui serait à la fois à l’échelle régionale et à l’échelle planétaire, et qui dev
611 partir d’une conférence mondiale dont les thèmes seraient  : l’humus, la protection des océans, le plancton, les forêts, l’air,
612 s prenant force de loi dans tous les pays membres serait peut-être le dernier moyen de redresser le cours des choses. ab. R
613 . ab. Rougemont Denis de, « Autour de L’Avenir est notre affaire III : Conclusions », Autour de L’Avenir est notre affai
614 e affaire III : Conclusions », Autour de L’Avenir est notre affaire. Entretiens de Crêt-Bérard, Lausanne, Fondation Charles
16 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : réponse à Raimondo Strassoldo (1984)
615 Autour de l’Avenir est notre affaire : réponse à Raimondo Strassoldo (1984)aa Dans la not
616 erse qu’évoque la lecture de son texte et qu’il n’ est d’accord avec moi sur à peu près rien ! En réalité, je le connais ass
617 ans je crois lui faire tort, que tout d’abord, il est italien et qu’il aime s’amuser ; que son papier, comme il le dit, ne
618 quement des louanges et des applaudissements — ce serait mal vu dans une séance comme celle-là ! — mais va se concentrer sur l
619 s points. Je dirai pour simplifier que son papier est un exercice de « grève du zèle » comme les douaniers le font de temps
620 C’est un exercice comparable auquel Strassoldo s’ est livré. Sa formule générale, c’est de présenter les objections qui pou
621 er à bout, jusqu’à montrer que finalement, rien n’ est possible. C’est un jeu qui peut être instructif pour tous, mais le se
622 ement, rien n’est possible. C’est un jeu qui peut être instructif pour tous, mais le sera certainement pour moi d’abord. Je
623 n jeu qui peut être instructif pour tous, mais le sera certainement pour moi d’abord. Je vais reprendre quelques-uns de ses
624 ldo, les critiques que je fais à l’État-nation ne sont pas suffisantes, car c’est tout le système international qu’il faudra
625 l qu’il faudrait réformer en même temps. L’Europe est trop petite pour que l’on s’arrête à elle seule. Bien entendu, il a p
626 l’on ne peut entreprendre une réforme que si l’on est sûr qu’elle est réalisable partout ! C’est la première démarche de l’
627 reprendre une réforme que si l’on est sûr qu’elle est réalisable partout ! C’est la première démarche de l’utopisme. Je rép
628 l’utopisme. Je réponds : « Commençons par ce qui est à notre portée. » II. Des implications logiques de la « petite éch
629 tence de la crise actuelle, sans laquelle nous ne serions pas amenés à discuter ici le problème des régions. S’il y a crise, s’
630 de l’État-nation, c’est parce que l’État-nation n’ est justement plus capable de maintenir ce qu’il promettait : ces hauts n
631 e, cette défense indépendante du territoire. S’il était capable de faire tout cela, on lui dirait : « Bon, continue, cela va
632  ! » Strassoldo le sait mieux que personne, ayant été l’un des promoteurs de cette belle région transfrontalière Carinthie-
633 t l’un, la Yougoslavie, fait partie des pays de l’ Est , ce qui est un grand succès pour notre mouvement. Quant à « exclure »
634 ougoslavie, fait partie des pays de l’Est, ce qui est un grand succès pour notre mouvement. Quant à « exclure » la possibil
635 s dans des dimensions assez petites pour qu’elles soient maîtrisables et que les conflits puissent devenir productifs au lieu
636 es conflits puissent devenir productifs au lieu d’ être tout simplement anéantissants, comme ils le sont à l’échelle des gran
637 ’être tout simplement anéantissants, comme ils le sont à l’échelle des grands États-nations. IV. De la nécessité des fond
638 s résultats que vous voyez autour de nous, que se sont dressés les personnalistes des années 1930, et ensuite les fédéralist
639 er à Crêt-Bérard ! Vous vous doutez bien que ce n’ est pas ici que nous trouverons des réponses à ce genre de questions. D’a
640 régionalisme, je dirais qu’aujourd’hui ce ne peut être que la paix — la lutte pour la paix — étant donné l’équation que nous
641 e peut être que la paix — la lutte pour la paix — étant donné l’équation que nous sommes bien obligés de faire entre l’État-n
642 te pour la paix — étant donné l’équation que nous sommes bien obligés de faire entre l’État-nation et la guerre. L’État-nation
643 e entre l’État-nation et la guerre. L’État-nation est né de la guerre et se justifie entièrement par la préparation à la gu
644 e à l’État totalitaire par la guerre totale, ceci est tout à fait clair. Si quelque chose s’oppose à ce mythe, c’est la vol
645 les, finalement, en une fédération mondiale. Quel est le but général de tout cela ? C’est la paix. Si vous voulez absolumen
646 t les régions communautaires participatives. Ceci est heureusement un pur et simple jeu de l’esprit. Il n’y a aucune espèce
647 tion Il demande, c’est une forme de phrase : «  Est -ce que la participation correspond à un besoin réel des citoyens ? »
648 e. VII. Du choix électronucléaire « Faut-il être aussi radicalement opposé au nucléaire ? » demande-t-il avec un peu d
649 d’ironie dans le ton. D’une manière que je crois être purement provocante de sa part, il répète cette phrase : « Vivre, c’e
650 ut, vivre, c’est-prendre-des-risques ! » Certains sont tout à fait inutiles. Il dit aussi par exemple, que les vastes surfac
651 urfaces de panneaux producteurs d’énergie solaire sont désavantageuses par rapport aux « démoniaques mais majestueuses » cen
652 ée de militants fédéralistes, ont répliqué : « Qu’ est -ce que c’est que cette obsession des grandes centrales ? L’intérêt de
653 us dispense des grandes centrales et qu’elle peut être dispersée chez tout le monde, même jusqu’aux maisons, jusqu’aux indiv
654 ses, sans compter que scientifiquement, cela ne «  tient pas le coup » une seconde de dire qu’une vaste centrale solaire couvr
655 ouvrirait 3 départements français. Lesquels ? Ils sont très inégaux. VIII. Des communautés écologiques de jeunes Stras
656 s écologiques de jeunes Strassoldo dit, ce qui est juste, que c’est un phénomène important. Il cite Longo Maï que j’ai c
657 disant qu’une communauté comme celle de Longo Maï est un retour à la nature. C’est un profond malentendu. Jamais les jeunes
658 , ils disent simplement : « Nourrir l’humanité va être le grand problème dans la crise terrible dans laquelle nous entrons,
659 ême il y en a un ! — en écrivant mon livre. Je me suis inspiré du modèle suisse, mais pour en faire tout à fait autre chose,
660 e parle de région et de participation civique, il est bien entendu qu’il ne s’agit de rien de comparable aux cantons suisse
661 it de rien de comparable aux cantons suisses, qui sont les créations d’une longue histoire. Une remarque qui me paraît indis
662 trassoldo dit : « Le vrai problème du fédéralisme est au niveau mondial ; quelles forces externes pourront l’imposer à cett
663 pidémies. Les fédérations existantes n’ont jamais été formées par des catastrophes, mais par la nécessité de s’unir pour ré
664 orps uniforme et homogène. La fédération suisse s’ est formée en vue de constituer la force nécessaire pour faire face aux p
665 e peux qu’approuver : « L’ennemi du fédéralisme n’ est pas la technocratie, mais la politique. » Il m’est arrivé un jour, au
666 st pas la technocratie, mais la politique. » Il m’ est arrivé un jour, au cours d’une conversation avec Louis Armand, paraph
667 toujours dit et décrit le contraire de ce qu’il m’ est ici reproché d’avoir défendu ou attaqué. Je crois que Strassoldo a to
668 re aux hommes. Les vues de Lorenz sur les animaux sont contestées par d’autres récents travaux d’anthropologues. Quant à la
669 elle n’oubliait qu’une chose : c’est que l’homme est un animal et non pas un légume ! Il existe d’ailleurs un légume qui e
670 as un légume ! Il existe d’ailleurs un légume qui est presque entièrement racine ; c’est celui qui a la plus mauvaise réput
671 éputation en littérature, c’est le navet. L’homme est un animal caractérisé par sa mobilité, et plus il s’élève dans l’ordr
672 aa. Rougemont Denis de, « Autour de L’Avenir est notre affaire II : Réponse à Raimondo Strassoldo », Autour de l’Aveni
673 ponse à Raimondo Strassoldo », Autour de l’Avenir est notre affaire. Entretiens de Crêt-Bérard, Lausanne, Fondation Charles
17 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : remarques sur la note de Stanley Maron (1984)
674 Autour de l’Avenir est notre affaire : remarques sur la note de Stanley Maron (1984)z Les
675 ment formulées. 1. La communauté, dit-il, ne peut être fondée sur une base libertaire. Je suis d’accord. « Libertaire » évoq
676 , ne peut être fondée sur une base libertaire. Je suis d’accord. « Libertaire » évoque l’idée d’une liberté sans frein, qui
677 e l’idée d’une liberté sans frein, qui pour moi n’ est pas vraie liberté puisqu’elle se dissocie de toute responsabilité. Je
678 e de toute responsabilité. Je crois que l’homme n’ est libre (dans une communauté) qu’à la mesure où il est en fait responsa
679 libre (dans une communauté) qu’à la mesure où il est en fait responsable, et vice versa (tous les juristes le savent). San
680 mobilité et favorise l’enracinement. Le kibboutz serait un retour à la structure patriarcale. Je trouve cela parfait pour ceu
681 quel Ortega y Gasset a écrit de belles choses. Il est un temps pour vivre de ses racines dans le milieu natal, et un temps
682 modèle de communauté qui me paraisse inacceptable serait celui qui se voudrait exclusif. Les kibboutzim ont de très grandes ve
683 t. z. Rougemont Denis de, « Autour de L’Avenir est notre affaire I : Remarques sur la note de Stanley Maron », Autour de
684 ur la note de Stanley Maron », Autour de l’Avenir est notre affaire. Entretiens de Crêt-Bérard, Lausanne, Fondation Charles
18 1984, Articles divers (1982-1985). Les Rougemont de Saint-Aubin [préface] (1984)
685 et Pierre-Arnold Borel, ce que je ressens d’abord est un vertige de chiffres. Nous avons chacun 2 parents, 4 grands-parents
686 r empereur d’Occident. Mais Pierre-Arnold ne s’en tient pas là : il nous signale avec sobriété qu’à la trente-troisième génér
687 hâtel, une Élisabeth de Hongrie qui par malheur n’ est pas la sainte, mais seulement l’épouse d’un grand-duc de Pologne. Voi
688 ent l’épouse d’un grand-duc de Pologne. Voilà qui est pittoresque à souhait, pourtant l’essentiel manque : les liens vivant
689 tous ces grands noms. Combien je voudrais que me soient parvenues, du fond des siècles, des « histoires de famille » sur celu
690 « histoires de famille » sur celui qui, pour moi, est le plus prestigieux des ancêtres attestés : Guillaume de Poitiers, ne
691 mes oncles : « Plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de chances de tenir de lui ! » Mais si les noms s
692 se réclame est éloigné, moins on a de chances de tenir de lui ! » Mais si les noms sont vérifiés, les chiffres que je viens
693 a de chances de tenir de lui ! » Mais si les noms sont vérifiés, les chiffres que je viens de citer sont, de toute évidence,
694 sont vérifiés, les chiffres que je viens de citer sont , de toute évidence, « impossibles », bien qu’exactement calculés : à
695 ts, et l’Europe, moins de quinze millions. Or, il est sûr que nos ancêtres furent tous des Européens, non des nègres ni des
696 quinze millions. Or, il est sûr que nos ancêtres furent tous des Européens, non des nègres ni des ni des Hindous, encore moin
697 e explication de cette impossibilité arithmétique est donnée par les intermariages, si fréquents dans notre pays. Si l’on s
698 iages, si fréquents dans notre pays. Si l’on s’en tient à nos ancêtres du xviiie au xve siècle, on y trouve tant de Chambri
699 tres. Première conclusion : tous les Neuchâtelois sont cousins, d’autant plus qu’on remonte dans le temps. Le tableau des o
700 t de 16 étrangers. Or, ces étrangers ne sauraient être classés par nations — ce serait, ici, anachronique dans 14 cas sur 16
701 angers ne sauraient être classés par nations — ce serait , ici, anachronique dans 14 cas sur 16, avant 1871 — mais par leur ori
702 conviction que les habitants de l’Europe, avant d’ être sujets d’un de nos États-nations du xxe siècle, sont d’abord d’une r
703 sujets d’un de nos États-nations du xxe siècle, sont d’abord d’une région, mais en même temps, dans nos petits pays surtou
704 mais en même temps, dans nos petits pays surtout, sont de la grande famille européenne. (On eût fait rire un Flamand d’avant
705 e un Flamand d’avant Napoléon en lui disant qu’il serait « Belge » et l’on eût scandalisé un Bavarois ou un Saxon en le qualif
706 toutes les provinces natales des ancêtres d’Henri sont nordiques, de la Bretagne à la Pologne en passant par la Normandie, l
707 t étrangers. Les ancêtres qui comptent, pour moi, sont ceux-là seuls dont mes parents, oncles et tantes nous parlaient quand
708 rents, oncles et tantes nous parlaient quand nous étions jeunes. Et ceux-là seuls éveillent en moi un sentiment de parenté, la
709 ires de Besançon, les Rougemont de Franche-Comté, était « Chevance de Rougemont » qui signifie, selon Littré, à la fois « cha
710 « bien que l’on possède », c’est-à-dire « dont on est venu à chef ». (Je propose une nouvelle recherche à Pierre-Arnold, da
711 -Orientale, à Vienne et à Turin. … Toute l’Europe était là, et c’était la famille… Denis de Rougemont « La Chevance » 01630
19 1984, Articles divers (1982-1985). L’Europe et les intellectuels (1984)
712 u’ici sur l’idée qu’ils se font de l’Europe, vous êtes celui qui s’affirme le plus comme « Européen », et cela depuis vos pr
713 a depuis vos premiers écrits. Comment et pourquoi êtes -vous devenu et restez-vous un « Européen militant » ? Il me semble qu
714 ope, elle allait de soi comme la famille, et ce n’ était pas un cas exceptionnel dans les familles de notre ancienne Principau
715 on touche — et ce qu’on imagine, le pays qui nous tient par les pieds, par le cœur, et le rassemblement des nations invisible
716 l’un contre l’autre, et qu’entre ces amours il n’ est que de la haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me sens pre
717 passer de la petite patrie à la plus vaste, ce n’ est pas infidélité à ma race, à mon clos natal. C’est aimer plus loin, da
718 de 15 ans, je pense, j’ai découvert Rimbaud, qui était pour ma génération notre ange révolté, mais aussi Pascal, l’autre som
719 lui que lui donnait Valéry, quand il affirmait qu’ est européen tout ce qui a été marqué par Athènes, Rome et Jérusalem. On
720 quand il affirmait qu’est européen tout ce qui a été marqué par Athènes, Rome et Jérusalem. On cite toujours ces trois pre
721 et la celtique, voire plus tard l’arabe, qui ont été et restent capitales pour la littérature européenne. C’est en somme s
722 ut à ces trois dernières sources que je dois d’en être venu à découvrir, dans les années 1930, que l’Europe était la vraie p
723 u à découvrir, dans les années 1930, que l’Europe était la vraie patrie de l’amour, en tout cas de cette forme de l’amour qu’
724 l’amour, en tout cas de cette forme de l’amour qu’ est la passion, inconnue ou condamnée dans toutes les autres grandes cult
725 que vous avez découvert l’Europe. Comment cela s’ est -il passé ? De deux manières. D’une part, j’ai retrouvé à New York be
726 aris dans les années 1930, et avec lesquels je me suis lié, tels Saint-Exupéry, André Breton et Saint-John Perse, mais aussi
727 ous ne pourrions retrouver un jour que si l’Autre était battu… Une idée nous orientait tous : si jamais nous pouvions retourn
728 s pouvions retourner en Europe, le premier devoir serait de fédérer nos peuples. Et ce retour s’est fait pour moi au printemps
729 oir serait de fédérer nos peuples. Et ce retour s’ est fait pour moi au printemps de 1946, sous les meilleurs auspices possi
730 ent, le point de départ choisi pour cette enquête était l’immédiat après-guerre. Mais votre prise de conscience et votre enga
731 ur nous, dans ces merveilleuses années 1930, tout était découverte, affirmation, refus tranchés, révolution posée contre le d
732 e à la fois libre et responsable, les deux termes étant indissociables. La liberté était vide si elle ne comportait pas de re
733 les deux termes étant indissociables. La liberté était vide si elle ne comportait pas de responsabilités civiques concrètes,
734 abilités civiques concrètes, et la responsabilité était nulle si les actes n’étaient pas librement accomplis. Par l’exercice
735 , et la responsabilité était nulle si les actes n’ étaient pas librement accomplis. Par l’exercice même de sa liberté-responsabi
736 e. Tout écrivain qui prétend parler de son époque est engagé, qu’il le sache ou non. Tel était le sujet des premiers chapit
737 son époque est engagé, qu’il le sache ou non. Tel était le sujet des premiers chapitres de mon premier livre publié à Paris e
738 a guerre à l’égard d’une Europe qui leur semblait être un simple pion des Américains dans le jeu de la guerre froide. Ce n’e
739 Américains dans le jeu de la guerre froide. Ce n’ est pas et ce n’a jamais été votre position. Pourquoi ? Je n’ai jamais, p
740 e la guerre froide. Ce n’est pas et ce n’a jamais été votre position. Pourquoi ? Je n’ai jamais, pas un instant, senti les
741 dérais comme un exil, je n’avais qu’une idée, qui était de fédérer les Européens pour leur propre salut et pour celui de la p
742 à s’occuper entre eux de leurs affaires. Quand je suis rentré une première fois, en 1946, après six ans d’absence, ç’a été p
743 mière fois, en 1946, après six ans d’absence, ç’a été pour prendre la parole aux Rencontres internationales de Genève sur «
744 congrès des fédéralistes européens, qui allait se tenir à Montreux au début de septembre 1947. J’ai retrouvé là de vieux amis
745 rlé de « l’Attitude fédéraliste », et le succès a été tel que je me suis vu en quelque sorte catapulté dans un rôle de port
746 e fédéraliste », et le succès a été tel que je me suis vu en quelque sorte catapulté dans un rôle de porte-parole de l’entre
747 opéen. Pas question une seconde que je me dérobe, étant l’auteur du concept d’engagement de l’écrivain et de la définition de
748 la chose. J’ai dit à mes amis fédéralistes que j’ étais prêt à consacrer à leur campagne deux ans de ma vie, aux dépens de mo
749 le congrès, et dont j’avais exigé et obtenu qu’il fût rédigé par moi au nom de ma commission. J’étais embarqué. Avez-vous é
750 ’il fût rédigé par moi au nom de ma commission. J’ étais embarqué. Avez-vous été soutenu, durant ces années de création du Mou
751 nom de ma commission. J’étais embarqué. Avez-vous été soutenu, durant ces années de création du Mouvement européen, par des
752 ués et 200 journalistes, la commission culturelle était présidée par Salvador de Madariaga, Ignazio Silone ayant décliné cet
753 Silone ayant décliné cet honneur — mais il devait être par la suite l’un des intellectuels les plus « engagés » pour notre c
754 re de mon « Message aux Européens », le congrès s’ est terminé dans l’enthousiasme et l’espoir. Le principal, pour ce qui me
755 ’espoir. Le principal, pour ce qui me concerne, a été la décision de créer un « Centre européen de la culture », chargé d’i
756 aines, la pédagogie, les médias… La conférence se tint à Lausanne, dans le palais du Tribunal fédéral, et réunit plus de 200
757 même Jean-Paul Sartre. Sur les 23 résolutions qui furent adoptées à la séance de clôture, 21 ont été suivies de réalisations,
758 ui furent adoptées à la séance de clôture, 21 ont été suivies de réalisations, chiffre, je crois, jamais atteint par aucun
759 congrès… disons librement constitué. Le Centre va être inauguré au début d’octobre 1950, à Genève, sous les auspices du Mouv
760 ois ans que vous avez passés à la tête du Centre, soit comme son directeur, soit depuis 1978, comme son président ? Je répon
761 és à la tête du Centre, soit comme son directeur, soit depuis 1978, comme son président ? Je répondrai par une énumération p
762 rai d’abord deux idées que j’ai lancées et qui se sont réalisées grâce au Centre mais hors de lui. La première, en collabora
763 n étroite avec Raoul Dautry, puis Pierre Auger, a été le Centre européen de recherches nucléaires, ou CERN, foyer de recher
764 ons de leurs résultats à la vie civile. Le CERN a été un succès exemplaire, retentissant, mais qui s’est réalisé en dehors
765 té un succès exemplaire, retentissant, mais qui s’ est réalisé en dehors de notre tout petit Centre d’idées, grâce à l’appui
766 o puis de treize gouvernements. La seconde idée a été celle d’une fondation, l’actuelle Fondation européenne de la culture,
767 ui les 42 principaux festivals du continent, de l’ Est comme de l’Ouest — il vaut la peine de souligner ce cas que je crois
768 rope de l’Ouest, mais parfois aussi des pays de l’ Est , souvent plus « européens » que nous-mêmes. Mais vous, Denis de Rouge
769 nstitut universitaire d’études européennes qui en est né, et où j’enseigne encore à titre de professeur honoraire, j’ai été
770 igne encore à titre de professeur honoraire, j’ai été amené à publier une dizaine d’ouvrages sur l’Europe et ses problèmes
771 et de celle des grands aînés que vous avez cités. Est -ce à vos yeux décourageant ? Il est certain que les écrivains, les ph
772 s avez cités. Est-ce à vos yeux décourageant ? Il est certain que les écrivains, les philosophes et les sociologues — sinon
773 et les sociologues — sinon les scientifiques — se sont généralement détachés de l’Europe et de sa cause, c’est-à-dire, à mon
774 ne, Sartre expliquait que la culture française ne serait sauvée qu’avec la culture européenne et par elle, mais que la culture
775 ne et par elle, mais que la culture européenne ne serait sauvée, à son tour, que par l’union politique et économique de l’Euro
776 xploitation colonialiste du tiers-monde4 ! Ce cas est au moins pittoresque. Mais le reste l’est beaucoup moins. La scène in
777 Ce cas est au moins pittoresque. Mais le reste l’ est beaucoup moins. La scène intellectuelle est occupée en France, mais a
778 ste l’est beaucoup moins. La scène intellectuelle est occupée en France, mais aussi en Angleterre, en Allemagne, en Italie
779 ien vu, chez les éditeurs comme dans les revues — étant accaparés par une analyse sociosémiologique des structures du discour
780 vous sentir moins entouré, moins soutenu que ce n’ était le cas dans l’immédiat après-guerre ? Comme écrivain européen, je me
781 un peu seul ! Mais d’autres vont venir, et ce ne sera pas long. Si toutefois, on leur laisse le temps de se manifester. Qui
782 cords clandestins d’échanges technologiques entre Est et Ouest, tout en « amusant (ou affolant) le tapis » avec un psychodr
783 e avenir. L’Europe ne pourra faire son union, qui est un acte volontaire, que sur la base de l’unité de sa culture commune,
784 sur la base de l’unité de sa culture commune, qui est une réalité donnée depuis des millénaires. Fonder l’union de l’Europe
785 pour beaucoup, dans cette aventure. Mais quelles sont ses chances de succès, allez-vous me dire ? À cette question, je répo
786 fédérale fondée sur sa culture commune : nous ne sommes pas là pour deviner l’avenir mais pour le faire. 4. F. Fanon, Les
787 te : « Écrivain et philosophe dont les œuvres ont été traduites en 18 langues, Denis de Rougemont a fondé en 1949 à Genève
788 Genève le Centre européen de la culture. Il en a été le directeur de 1949 à 1978 et en reste le président. Il a également
789 961), Journal d’une époque (1968), et L’Avenir est notre affaire (1977). Cette conversation a été enregistrée chez lui,
790 r est notre affaire (1977). Cette conversation a été enregistrée chez lui, à Saint-Genis-Pouilly, en juin 1982. »
20 1984, Articles divers (1982-1985). Informatique, société, sagesse (1984)
791 . Moins de bien : car Orwell, à mon sens, n’a pas été le vrai prophète que l’on célèbre à l’unisson. Et cela pour deux moti
792 dres très différents : tout d’abord parce qu’il s’ est trompé quant à deux événements de première importance. Il nous appren
793 déroule l’action de son roman, l’Europe entière a été absorbée par la Russie soviétique et la Grande-Bretagne par les Améri
794 t de la culture chrétienne ». Or rien de tel ne s’ est produit et c’est même le contraire qui est en train de se réaliser. O
795 l ne s’est produit et c’est même le contraire qui est en train de se réaliser. Orwell écrit son livre en 1948. Que s’est-il
796 e réaliser. Orwell écrit son livre en 1948. Que s’ est -il passé cette année-là ? Au moment même où, sans le moindre commenta
797 e l’Europe tout entière à Staline, en mai 1948 se tient à La Haye, sous la présidence de Churchill, le premier Congrès de l’E
798 s mois, les Européens vont élire un Parlement qui sera chargé, n’en doutons pas, de rédiger la première Constitution fédéral
799 Europe sacrifiée sans combat par Orwell. Et qu’en est -il du christianisme, de cette « culture chrétienne libérale » qu’il a
800 pparents ? C’est elle, et c’est elle seule, qui s’ est dressée contre la grande puissance totalitaire de l’Est et qui l’a co
801 essée contre la grande puissance totalitaire de l’ Est et qui l’a comme frappée de stupeur interdite, par la voix et l’actio
802 Lech Walesa. Mais il y a plus. Le vrai prophète n’ est pas celui qui annonce les catastrophes et s’en tient là. C’est au con
803 st pas celui qui annonce les catastrophes et s’en tient là. C’est au contraire celui qui dit, selon l’adage latin « Utinam va
804 nam vates falsus sim ! », « Plaise au ciel que je sois faux prophète ! », ou comme Jérémie : « Seigneur, tu le sais ! je n’a
805 est la voie nouvelle du salut, la conversion, qui est le retournement de l’être et le renversement vers la sagesse. Et rien
806 alut, la conversion, qui est le retournement de l’ être et le renversement vers la sagesse. Et rien en lui n’acquiesce aux te
807 itales dans lesquelles Orwell a prévu ce que nous sommes en train de vivre dans nos États-nations de l’Occident guère moins qu
808 s que dans les régimes totalitaires3, car il faut être deux pour jouer à ce jeu-là, celui de l’Équilibre de la terreur, gara
809 ure-t-on. « Les deux buts du Parti, écrit Orwell, sont de conquérir toute la surface de la Terre et d’éteindre une fois pour
810 illions de gens en quelques secondes ». Voilà qui est devenu possible, en 1984, par l’accumulation, dûment prévue elle auss
811 celées à tous les points stratégiques ». Si elles étaient toutes allumées simultanément, dit-il, « leurs effets seraient si dév
812 es allumées simultanément, dit-il, « leurs effets seraient si dévastateurs qu’ils rendraient impossibles toutes représailles ».
813 raient impossibles toutes représailles ». Mais il est entendu — c’est même la convention fondamentale de toute l’affaire —
814 onvention fondamentale de toute l’affaire — qu’il est « impossible que cette guerre soit jamais décisive ». À cette fin, « 
815 affaire — qu’il est « impossible que cette guerre soit jamais décisive ». À cette fin, « les forces sont également partagées
816 soit jamais décisive ». À cette fin, « les forces sont également partagées » et leur équilibre perpétuellement rajusté : cel
817 e premier grand But atteint. Quant au second, qui est de rendre impossible non seulement l’expression mais le besoin même d
818 n mais le besoin même d’une pensée libre, nous en sommes peut-être beaucoup plus proches qu’on ne le croit. Orwell ne pouvait
819 iers, dans les cafés ou les grands magasins, nous sommes environnés, sollicités, traversés sans le savoir par des ondes (dans
820 e ministres ou de leaders partisans, tous parlant soit au nom du Pouvoir, soit contre lui, mais sur les thèmes qu’il a chois
821 s partisans, tous parlant soit au nom du Pouvoir, soit contre lui, mais sur les thèmes qu’il a choisis. Il y a là, beaucoup
822 smes, sur leurs rêves éveillés ou nocturnes. Nous sommes manipulés par les Pouvoirs. Je tiens à le dire ici : le vrai danger n
823 urnes. Nous sommes manipulés par les Pouvoirs. Je tiens à le dire ici : le vrai danger n’est pas là où on le dénonce trop fac
824 uvoirs. Je tiens à le dire ici : le vrai danger n’ est pas là où on le dénonce trop facilement, dans le contrôle allégué de
825 ches » des citoyens dont on accuse l’ordinateur d’ être l’agent, alors qu’il n’en est que l’outil. Soyons bien clairs. Le si
826 use l’ordinateur d’être l’agent, alors qu’il n’en est que l’outil. Soyons bien clairs. Le simple fait de mettre en fiches
827 ’être l’agent, alors qu’il n’en est que l’outil. Soyons bien clairs. Le simple fait de mettre en fiches les citoyens pour tou
828 side le vrai danger, non dans l’ordinateur, qui n’ est qu’un instrument permettant de consulter plus vite des fichiers plus
829 ais que les Pouvoirs seuls ont établi et dont ils sont seuls responsables. Ce qui me fait peur, — c’est moins le stockage de
830 t déjà fait dans la plupart des États européens — est d’établir le droit de chacun à consulter les fiches qui le concernent
831 riger en cas de besoin. Mais la meilleure défense étant l’attaque, dit-on, j’oserai donc avancer que je fonde quelque espoir
832 Frère farceur contre le sinistre Grand Frère. ⁂ Soyons sérieux. L’ordinateur est un outil, on ne peut pas l’accuser des abus
833 stre Grand Frère. ⁂ Soyons sérieux. L’ordinateur est un outil, on ne peut pas l’accuser des abus que l’homme en fait. Au l
834 mot, et dire que j’allais l’oublier ! La Bombe n’ est pas dangereuse du tout : c’est un objet. Ce qui est horriblement dang
835 t pas dangereuse du tout : c’est un objet. Ce qui est horriblement dangereux c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe e
836 se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe est une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’est comme si
837 anquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires
838 ’en va pas de même de l’ordinateur qui, lui, peut être employé pour le bien autant que pour le mal. On a beaucoup dit qu’il
839 llance policière des opinions privées, mais qu’il serait l’outil idéal de la centralisation étatique, économique autant que po
840 nquante ans, la réponse. Aujourd’hui, le problème est posé à nouveau en termes d’informatisation. On y répond généralement
841 d’emplois qu’il en supprime et ceux qui le nient sont des faibles d’esprit. Or le chômage n’a pas cessé d’augmenter depuis
842 pas cessé d’augmenter depuis ce temps-là. Qu’en est -il aujourd’hui de ce problème crucial des progrès indissociables de l
843 ions des experts, quelque 45 millions d’emplois — soit 45 % du total, car la population active américaine est de l’ordre de
844 5 % du total, car la population active américaine est de l’ordre de 100 millions — pourraient être touchés par l’automatisa
845 caine est de l’ordre de 100 millions — pourraient être touchés par l’automatisation de l’industrie et des services. Les cons
846 dans le secteur tertiaire, 38 millions risquent d’ être affectés à plus ou moins long terme par l’automatisation ». Mêmes ob
847 tre que la qualité du travail dans les industries sera fortement améliorée par l’informatisation des processus de production
848 ais libérer l’homme de l’esclavage des machines n’ est rien encore si on ne lui offre en échange de la monotone manutention
849 e domaine du dessin industriel, par exemple, on s’ est aperçu que leur créativité diminuait de 30 à 40 % pendant la première
850 ain de l’informatisation de l’industrie me paraît être de rendre plus urgente encore et dramatique la nécessité vitale d’une
851 écessité vitale d’une réponse à ma question. Nous sommes mis au défi d’inventer une nouvelle conception du travail qui ne soit
852 nventer une nouvelle conception du travail qui ne soit plus nécessairement liée à un emploi salarié — qui ne soit plus le co
853 nécessairement liée à un emploi salarié — qui ne soit plus le contraire du loisir créateur, mais qui puisse enfin satisfair
854 lement matérialité et intellect. Des études vont être entreprises à cette fin, dès cette année 1984, non seulement dans not
855 e de demain. Je vais choisir un seul auteur comme étant le plus lyrique de tous sur l’avenir des ordinateurs : il s’agit de S
856 e les propos les plus irresponsables en apparence sont souvent les plus révélateurs d’une personne. Interrogé sur l’intelli
857 puisque certaines notions de la psychanalyse lui sont applicables. Quand on lui demande si la machine peut éprouver des émo
858 la créativité, l’affectivité, l’intelligence, ne sont pas des termes scientifiques ». Et comme on lui fait observer qu’il r
859 l’a fait la religion dans le passé, l’ordinateur est en train d’amorcer une renaissance de la philosophie ». Là-dessus, de
860 tuels de l’informatique, Joseph Welzenbaum : « Il est difficile d’imaginer ce que cela pourrait signifier de dire qu’un ord
861 n’a pas d’espoir non plus, ni d’affectivité, et n’ est donc pas humaine. CQFD. ⁂ Et j’en conclus sur l’avenir de l’informati
862  ? à qui ? et dans quelle intention ? » À quoi il serait bon d’ajouter : « au bénéfice de qui ? et pour quel but final ? » Cet
863  » Cette question des Finalités de l’informatique est la seule qui mérite vraiment nos réflexions. Je voudrais qu’on la sub
864 ps d’évaluer les enjeux humains, obsédés que nous sommes par des gains immédiats. Je vous ai cité des chiffres effarants sur l
865 is que deux réponses possibles : — ou bien le but est la puissance de l’État et des pouvoirs économiques et militaires ; c’
866 itaires ; c’est donc la Guerre ; — ou bien le but est la liberté des personnes à la fois libres et responsables : et cela p
867 s à la fois libres et responsables : et cela peut être la Paix. Ce dilemme domine notre siècle, commande l’avenir de notre h
21 1984, Articles divers (1982-1985). Trois manières de considérer le nucléaire (1984)
868 s symboliques de la civilisation du Moyen Âge ont été les cathédrales, ceux de notre époque seront les lourdes tours nucléa
869 Âge ont été les cathédrales, ceux de notre époque seront les lourdes tours nucléaires. Les cathédrales édifiées par la piété d
870 difiées par la piété des communautés urbaines ont été les sources puissantes de l’énergie spirituelle de l’Occident, cepend
871 urd’hui Le problème des centrales nucléaires n’ est pas technologique, n’est pas économique, et il est encore moins énerg
872 s centrales nucléaires n’est pas technologique, n’ est pas économique, et il est encore moins énergétique, car à ces trois n
873 st pas technologique, n’est pas économique, et il est encore moins énergétique, car à ces trois niveaux la cause est entend
874 ins énergétique, car à ces trois niveaux la cause est entendue : elle est perdue, comme le font voir les pages qui suivent.
875 à ces trois niveaux la cause est entendue : elle est perdue, comme le font voir les pages qui suivent. ⁂ III. Du point
876 locales, voire familiales, d’énergie solaire, ce serait restaurer la possibilité pour des millions de foyers, dans chacun de
22 1984, Articles divers (1982-1985). Le Patrimoine européen [conclusion] (1984)
877 ut-être qu’il le feignait, peut-être non : ce qui est certain, c’est qu’il peut se féliciter des résultats atteints ! Car e
878 hoses aller, il les a livrées à une logique qui s’ est imposée à nous tous, celle du concept même de patrimoine culturel eur
879 courantes. Mais aucun de nous, je m’en assure, ne serait venu ici pour le seul plaisir de dresser un bilan ou pour célébrer le
880 ut faire pour éviter le pire, confrontés que nous sommes — même quand nous l’oublions — à la double possibilité ouverte pour l
881 our la première fois depuis que l’homme existe, —  soit d’une fédération des peuples de la planète, d’abord par continents, p
882 itant du globe, y suffirait très largement.) Tel étant l’arrière-plan général de crise et donc d’urgence (pour dire le moins
883 notre objet spécifique. Le patrimoine européen s’ est constitué du même mouvement à travers le temps et qui va des origines
884 de sa fille nordique, la Russie, et même plus à l’ est de cette contrée qu’on nomme aujourd’hui le Liban, pour remonter à tr
885 Valéry d’une Europe purement méditerranéenne, qui serait née de la triple influence d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Je reg
886 assez fortement que trois influences originelles sont venues recouvrir un continent presque entièrement peuplé par les Germ
887 ntre ce que les polémiques politiques baptisent l’ Est totalitaire et l’Ouest ploutocratique, mais que nous préférons nommer
888 centralisme démocratique, tel qu’il se nomme à l’ Est , et les démocraties libérales telles qu’elles se veulent à l’Ouest. ⁂
889 ine, au sens de passé dont nous héritons, ne peut être maintenu, défendu, garanti, que par son renouvellement, sa recréation
890 e l’évolution de ce patrimoine. Je pense que nous serons tous d’accord pour constater qu’il s’agit là d’un processus dialectiq
891 rocessus dialectique, dont le principe m’apparaît être la coexistence, ou mieux : la co-action des contraires maintenus dans
892 , antinomies qu’il s’agit de rendre créatrices. «  Tenir ensemble les deux bouts de la chaîne », disait Pascal. Il y voyait la
893 ouvée parmi les membres de ce colloque, tant de l’ Est que de l’Ouest ou du Centre. C’est une des leçons réconfortantes que
894 t « qu’il a ses racines ». Mais en fait l’homme n’ est pas un légume, c’est un animal, et quand il devient adulte, ce n’est
895 c’est un animal, et quand il devient adulte, ce n’ est plus l’enracinement mais la mobilité qui le caractérise. On a beaucou
896 ateur du Blut und Boden des nazis… Mais l’homme n’ est pas un légume, c’est un animal, en dépit de l’imagerie des poètes ter
897 s, celui qui a la plus grosse racine de tous, qui est même presque tout entier racine, est aussi celui qui a la plus mauvai
898 de tous, qui est même presque tout entier racine, est aussi celui qui a la plus mauvaise réputation en littérature : c’est
899 ces phrases caractérisent assez bien l’effort qui est fait aujourd’hui pour faire coopérer les intellectuels à la grande tâ
900 oupçonner à quel point leur politique de désunion est fatalement une simple politique d’entracte, on méconnaît et on déform
901 nouvelle synthèse, l’Européen de l’avenir. Ce ne fut qu’une fois devenus vieux, aux heures de faiblesse, qu’ils retombèren
902 n, Goethe, Beethoven, Stendhal, Schopenhauer, qui sont devenus de plus en plus nationalistes en vieillissant, et il y voit u
903 fondément déstabilisées, et dont le désarroi peut être exploité contre nous, y compris dans ce que notre culture a créé de m
904 t devenir action, sinon elle court le risque de n’ être bientôt plus qu’une note en bas de page d’une chronique de ce temps,
905 problèmes économiques presque insolubles qu’elle est en train de créer dans toutes les sociétés qu’elle touche. Nous avons
906 us avons essayé de mieux nous connaître et nous y sommes arrivés quelquefois, en cernant mieux les variétés géographiques et h
907 ne se connaît bien qu’en se comparant à ce qui n’ est pas soi. C’est dans cette idée de comparaison active, prospective, qu
908 Travail, chômage, loisirs. Comment ces réalités sont -elles vues et vécues dans les grandes cultures qui se partagent notre
909 ondialisé par le succès même de nos techniques ? Serait -il raisonnable de proposer à ce colloque qu’il prenne en compte cette
910 plus fructueux et encourageants auxquels il m’ait été donné de prendre part au cours de ces dernières années. ac. Rougem
23 1984, Articles divers (1982-1985). Club-Énergie de l’Est vaudois : avec Denis de Rougemont (19 juin 1984)
911 ins en moins compatibles dans les faits. Le temps est venu de choisir entre les deux, en connaissance de cause, bien sûr, m
912 t pour la puissance, une minorité très restreinte est motivée par la volonté d’exercer le pouvoir sur autrui, d’être des ch
913 par la volonté d’exercer le pouvoir sur autrui, d’ être des chefs ; la plupart cède tout simplement au besoin de sécurité, c’
914 urs droits à l’État, au parti ou au chef qui s’en est emparé. Quant à ceux qui optent pour la liberté, certains pensent y ê
915 ux qui optent pour la liberté, certains pensent y être conduits par quelque individualisme égoïste ou sont au contraire moti
916 re conduits par quelque individualisme égoïste ou sont au contraire motivés par un besoin de responsabilité assumée dans la
917 la communauté. Comment se sentir libre si l’on n’ est responsable de rien ? Et comment serait-on responsable si l’on n’est
918 re si l’on n’est responsable de rien ? Et comment serait -on responsable si l’on n’est pas libre de ses actes ? N’allons pas cr
919 rien ? Et comment serait-on responsable si l’on n’ est pas libre de ses actes ? N’allons pas croire pourtant qu’entre le bes
920 ulsions contraires coexistent en nous. Personne n’ est jamais ni tout l’un ni tout l’autre. Et il n’existe pas non plus de l
921 roprement politique au sens le plus large du mot, est le choix d’une finalité. Il désigne l’aménagement des relations humai
922 e libre discussion. Le choix proprement politique est le choix d’une priorité, à laquelle les moyens ont pour devoir de con
923 ir. Choisir les centrales nucléaires — quelle que soit leur définition, eau pressurisée ou surgénérateurs — implique, entraî
924 dangereuses que nos pays, tout en jurant qu’elles sont inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin que possible de leur cap
925 ntes de déclencher et d’entretenir une guerre. Il est clair comme le jour que le choix des centrales nucléaires et des usin
926 c’est-à-dire de la fin de l’histoire humaine. Il est non moins clair que le choix solaire est la condition même de la paix
927 aine. Il est non moins clair que le choix solaire est la condition même de la paix : car il signifie du même coup la fin de
928 qu’il faut voir, c’est que le but de la société n’ est pas du tout d’assurer à quelques-uns la rentabilité de leur entrepris
929 personne. Le problème des centrales nucléaires n’ est pas technologique, même pas économique, et il est encore moins financ
930 est pas technologique, même pas économique, et il est encore moins financier : car à ces trois niveaux, la cause est entend
931 ins financier : car à ces trois niveaux, la cause est entendue : elle est perdue. Quand les centrales nucléaires ne représe
932 à ces trois niveaux, la cause est entendue : elle est perdue. Quand les centrales nucléaires ne représenteraient aucun dang
933 er, quand elles s’avéreraient rentables, quand il serait réellement « impératif » que la consommation d’énergie double tous le
934 onsommation d’énergie double tous les dix ans, je serais contre, parce qu’elles sont les pièces principales d’un système qui c
935 ous les dix ans, je serais contre, parce qu’elles sont les pièces principales d’un système qui conduit à renforcer l’emprise
936 tions, c’est-à-dire les risques de guerre. Pluton est maître des Enfers, il est aveugle comme les taupes. Mais le soleil vi
937 sques de guerre. Pluton est maître des Enfers, il est aveugle comme les taupes. Mais le soleil vient du ciel, vient de Zeus
938 e de l’Est vaudois : avec Denis de Rougemont », L’ Est vaudois, Montreux, 19 juin 1984, p. 6. ai. Précédé de cette note : «
24 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage I] (1985)
939 la « génération des années 1930 » me semble avoir été déterminé par la nature particulière de l’affrontement de l’Est et de
940 par la nature particulière de l’affrontement de l’ Est et de l’Ouest en Europe, affrontement si mal compris aujourd’hui. À l
941 ope, affrontement si mal compris aujourd’hui. À l’ Est , trois dictatures d’un type nouveau, qu’on commençait à définir par l
942 es de Roumanie, de Yougoslavie et de Grèce, qui n’ étaient plus guère des démocraties, mais qui se réclamaient encore de l’Ouest
943 notre âge nous condamnerait à faire, mais qui ne serait pas notre guerre, car nous sentions déjà — comme Koestler le dira si
944 ra si bien quelques années plus tard — qu’elle ne serait que la guerre entre un mensonge total — à l’Est — et une demi-vérité,
945 erait que la guerre entre un mensonge total — à l’ Est — et une demi-vérité, à l’Ouest. Telle était la situation peu tenable
946 — à l’Est — et une demi-vérité, à l’Ouest. Telle était la situation peu tenable dans laquelle l’histoire nous sommait de nou
947 l’histoire nous sommait de nous débrouiller. Nous étions contre beaucoup de choses, dans cette époque. Contre le capitalisme,
948 e toutes les formes d’État totalitaire, quels que fussent leurs prétextes, prolétarien, nationaliste ou raciste, à l’Est. Mais
949 textes, prolétarien, nationaliste ou raciste, à l’ Est . Mais alors, nous étions pour quoi ? Un jour, ce devait être en 1931,
950 ationaliste ou raciste, à l’Est. Mais alors, nous étions pour quoi ? Un jour, ce devait être en 1931, chez le critique Charles
951 alors, nous étions pour quoi ? Un jour, ce devait être en 1931, chez le critique Charles Du Bos, un jeune homme à l’accent n
952 lettres majuscules, ces quelques mots : Nous ne sommes ni individualistes ni collectivistes, nous sommes personnalistes Ce
953 sommes ni individualistes ni collectivistes, nous sommes personnalistes Ce fut le trait de lumière. J’en serai à tout jamais
954 i collectivistes, nous sommes personnalistes Ce fut le trait de lumière. J’en serai à tout jamais reconnaissant à mon ami
955 personnalistes Ce fut le trait de lumière. J’en serai à tout jamais reconnaissant à mon ami Alexandre Marc, le même qui all
956 — dans un groupe de discussion œcuménique qui se tenait au premier étage d’un café, rue du Moulin-Vert, proche de la porte d’
957 de l’Ouest et le faux ordre des totalitaires de l’ Est  ; entre la dissolution individualiste de toute communauté vivante à l
958 tz de communauté totalitaire qui triomphaient à l’ Est , nous refusions tous de choisir. Il nous restait à inventer un ordre
959 re humain, et à refaire une vraie communauté. Ce fut l’ordre que catholiques et protestants, juifs, agnostiques et nietzsc
960 idegger —, l’époque ne fit que peu d’écho. Nous n’ étions guère que ce que l’on appellera plus tard des « groupuscules ». Mais
961 esclavage le prolétariat industriel —, ces idées sont devenues aujourd’hui plus fécondantes et plus urgentes encore qu’elle
962 s et plus urgentes encore qu’elles ne pouvaient l’ être dans les années 1932 à 1939. Et là-dessus, deux précisions d’actualit
963 deux précisions d’actualité. 1. On a dit que nous étions « totalement négatifs ». Et c’est un fait que, face à nos « démocrati
964 est un fait que, face à nos « démocraties », nous étions inquiets, agacés, exaspérés parfois et finalement déçus. Mais quand n
965 nifiait pas centrisme ou neutralisme, ni que tout était faux des deux côtés. C’était un refus de penser qu’une chose est bonn
966 ux côtés. C’était un refus de penser qu’une chose est bonne ou mauvaise parce qu’on lui colle telle ou telle étiquette. Nou
967 la guerre et de l’État totalitaire dénoncé comme étant l’« état de guerre en permanence » — phrase illustrée tout récemment
968 ul programme constructif des années 1930. Et il l’ est encore plus aujourd’hui. Mais dans le cas des régimes totalitaires, d
969 ement de comprendre les motivations — ce qui nous fut stupidement reproché —, nous ne proposions aucune réforme : nous dema
970 ur suppression totale, dans la mesure même où ils étaient totalitaires. 2. On a dit que nous étions « fascinés » par les jeunes
971 où ils étaient totalitaires. 2. On a dit que nous étions « fascinés » par les jeunes fascistes, et que nous faisions devant eu
972 bruns — un « complexe d’infériorité ». La vérité est que nous étions bien convaincus que les régimes dictatoriaux de l’Est
973  complexe d’infériorité ». La vérité est que nous étions bien convaincus que les régimes dictatoriaux de l’Est ne faisaient gu
974 bien convaincus que les régimes dictatoriaux de l’ Est ne faisaient guère plus, en réalité concrète, que prolonger les vices
975 u et que tout le monde utilise aujourd’hui). Nous étions typiquement des « jeunes gens en colère » — en colère contre tout ce
976 té de résistance de l’Ouest et des libertés qu’il était censé défendre. (C’est ainsi que nous fûmes tous contre Munich.) Mais
977 qu’il était censé défendre. (C’est ainsi que nous fûmes tous contre Munich.) Mais il est ridicule de parler à ce propos de co
978 ainsi que nous fûmes tous contre Munich.) Mais il est ridicule de parler à ce propos de complexe d’infériorité, au sens jou
979 sciente, fascination qui n’ose pas s’avouer. Nous étions au contraire en pleine prise de conscience du péril totalitaire et de
980 nos propres États-nations. Le fond de l’affaire n’ était donc pas de choisir entre la gauche et la droite, catégories très spé
981 même ! que l’expression d’« État totalitaire » a été introduite par Mussolini, qui venait de faire sa carrière politique c
982  ; que la dictature militaro-policière de Staline est née du marxisme-léninisme, plus encore que du tsarisme ; et, enfin, q
983 u tsarisme ; et, enfin, que la guerre, en 1939, a été déclenchée par le pacte scélérat entre nazis et communistes, sous les
984 acclamations d’Aragon. La seule question sérieuse était de choisir non pas entre une gauche et une droite mal discernables et
985 iste ». Je voudrais seulement rappeler que telles étaient alors nos motivations, qu’ainsi nous avons vécu notre époque, dans le
986 oque, dans les années 1930. Il me semble que nous étions d’à peu près cinquante ans en avance sur l’évolution de notre siècle
25 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage II] (1985)
987 d’Esprit. On vient de nous dire comment il avait été perçu. Si les notes que j’ai prises pendant qu’il parlait sont exacte
988 i les notes que j’ai prises pendant qu’il parlait sont exactes, John Hellman voit dans le personnalisme, dans celui d’Esprit
989 gauchisants […] dont les liens avec le fascisme n’ étaient pas tellement définis ». Cette opinion s’appuie beaucoup moins sur no
990 ements du cardinal Verdier sur Esprit, qui aurait été en tant que Troisième force un curieux centre, à mi-chemin entre le f
991 onc, à en croire Hellman, comment notre mouvement était « perçu » dans les années 1932 à 1940. Mais il ne faudrait tout de mê
992 fondre le « perçu » et la réalité ! Le perçu peut être tout simplement du mal-compris, mal-vu, mal-senti, et par suite mal-i
993 , mal-senti, et par suite mal-interprété. Il peut être aussi un acte de mauvaise foi délibéré, comme le montrent certains de
994 irrésistible — que la description de John Hellman est celle d’un certain « perçu-nalisme », plutôt que du personnalisme que
995 un « fascisme antifasciste ». L’erreur de lecture est évidente et elle est aussi grave que possible. J’ai souvent mis en ga
996 ciste ». L’erreur de lecture est évidente et elle est aussi grave que possible. J’ai souvent mis en garde, en effet, contre
997 d’avance, c’est tout de même un peu différent, n’ est -ce pas ? Au reste, le problème était sérieux. Beaucoup craignaient qu
998 u différent, n’est-ce pas ? Au reste, le problème était sérieux. Beaucoup craignaient que résister à Hitler par des moyens de
999 par des moyens de lutte comparables aux siens, ce fût courir le risque de perdre, pour survivre, les raisons de vivre. (Et
1000 ns de vivre. (Et propter vitam, etc.) Le problème est très vieux. Il est traité déjà dans le livre biblique des Proverbes 6
1001 opter vitam, etc.) Le problème est très vieux. Il est traité déjà dans le livre biblique des Proverbes 6 en deux versets qu
1002 Nizan, que je citais tout à l’heure, parce qu’il est le plus éclairant et le plus pathétique sans nul doute. Quand j’ai pu
1003 que « toutes les positions d’un fascisme français étaient définies dans ce livre ». C’est ainsi que les communistes m’avaient s
1004 hait fortement, écrire sur son petit carnet qu’il tenait de côté, comme cela, à gauche, les douze noms, suivis de l’indication
1005 précis ». Voilà qui montre au moins que nous nous sommes compris : si opposés que soient les mots d’ordre du PC et les positio
1006 ins que nous nous sommes compris : si opposés que soient les mots d’ordre du PC et les positions personnalistes, il y avait pe
1007 lisme et contre le fascisme, par exemple, et ce n’ est pas exactement rien !… Le « Cahier de revendications » paraît le 1er
1008 ans inlassablement réitérés des communistes. C’en est trop pour le PCF. Le 15 janvier 1933, la revue Europe, dirigée par Je
1009 ent recruteur du fascisme français ». Le mensonge était énorme, total, totalitaire. Et je me suis vu contraint de mesurer, ce
1010 nsonge était énorme, total, totalitaire. Et je me suis vu contraint de mesurer, ce jour-là, pour la première fois si duremen
1011 re, peut réduire un esprit honnête, pour lequel j’ étais prêt à ressentir tout autre chose qu’une sympathie politique : une am
1012 voudrais dire à John Hellman, en terminant, qu’il est faux d’écrire aujourd’hui que Paul Nizan a « perçu » le personnalisme
1013 éparant les voies du fascisme français. La vérité est qu’en pleine connaissance de cause, par un mensonge délibéré, il nous
1014 elle du vécu, — ce vécu dont il nous appartient d’ être encore aujourd’hui les témoins au sens le plus actif du terme. 6. P
26 1985, Articles divers (1982-1985). Quelques-uns de mes écrivains : anecdotes (1985)
1015 t devant l’une, très longue et vraiment belle, se tient Michaux, tout à fait immobile. Je m’arrête auprès, je me tais. Après
1016 ques moments, Michaux dit lentement : « Ici, ce n’ est qu’une belle voiture. En Orient, on se tiendrait longtemps devant un
1017 , ce n’est qu’une belle voiture. En Orient, on se tiendrait longtemps devant un tel objet… Pour l’adorer. » Tout en haut de l’es
1018 NRF — Henri Michaux. Il m’arrête d’un geste : «  Est -ce que vous sentez toujours des battements de cœur, ici, avant d’entr
1019 ferai honte. » Malices de Jean Paulhan Il est vrai que « le bureau de Paulhan » était un lieu sacré de ma mythologi
1020 lhan Il est vrai que « le bureau de Paulhan » était un lieu sacré de ma mythologie, « lieu propice aux surprises, piège à
1021 Gide, Claudel, Valéry, Proust, Saint-John Perse…) était assez petit, de plafond bas, occupé par trois chaises, une petite tab
1022 des. Ainsi, un jour de 1932, comme j’entre : « Ah tiens  ! Rougemont, bonjour ! Je suis content de vous voir. Mais est-ce vrai
1023 me j’entre : « Ah tiens ! Rougemont, bonjour ! Je suis content de vous voir. Mais est-ce vrai ce que l’on dit, que c’est vou
1024 ont, bonjour ! Je suis content de vous voir. Mais est -ce vrai ce que l’on dit, que c’est vous qui avez écrit le dernier rec
1025 r les Éditions « Je sers », petite maison dont je suis responsable depuis un an. Une autre fois : « Il vient de m’arriver qu
1026 ons de Commerce 9. On m’a dit que la revue allait être reprise par vos Éditions “Je sers”… » — « C’est vrai, dis-je sans hés
1027 industrie. » Nous passâmes à un autre sujet. J’en étais arrivé à penser que diriger la NRF était sans doute une tâche si co
1028 . J’en étais arrivé à penser que diriger la NRF était sans doute une tâche si complexe, et à tant d’égards périlleuse, que
1029 périlleuse, que ces petites bouffées de non-sens étaient indispensables à l’hygiène mentale de notre ami. Cet humour bref étai
1030 à l’hygiène mentale de notre ami. Cet humour bref était peut-être aussi une manière de couper court aux confidences, plaintes
1031 gardésao : le 12 octobre 1949 Cher ami Merci. Je suis ravi de ces pages. J’attends la circulaire. Bien amicalement Jean P.
1032 n P. (1939) Cher ami, votre article du Figaro est vraiment admirable10. Nous le citerons (et je voudrais bien l’avoir é
1033 avoir écrit). amicalement J. P. Les N. C. 11 ne sont pas seulement assommants (depuis qq. temps). Ils ont je ne sais quoi
1034 besoin du Saint-John Perse avant le 10 septembre. Est -ce trop vous demander ? Je vous en prie. On vous la donne, votre Euro
1035 urope. Tout de même, j’imagine vaguement que vous êtes déçu. Et moi, je serais plus tranquille si vous étiez à Strasbourg, à
1036 ’imagine vaguement que vous êtes déçu. Et moi, je serais plus tranquille si vous étiez à Strasbourg, à la place de ces 87 parl
1037 s déçu. Et moi, je serais plus tranquille si vous étiez à Strasbourg, à la place de ces 87 parlementaires. affectueusement à
1038 llets. Diriger une revue avec génie, c’est cela : être partout présent, toujours à temps, maintenir tout son monde en alerte
1039 le. Cruel dilemme d’Artaud Un soir que nous étions dans ce même bureau, Artaud, Henri Michaux et moi, Paulhan propose d’
1040 ement en grinçant des dents : « Lequel… des deux… est -ce que j’tue ? » (geste de lancer le poignard). Gagner un peu de temp
1041 estion ! Difficile de répondre… Attendez… Michaux est très mince… » Je lui prends le bras doucement. Il est haletant, sa bo
1042 très mince… » Je lui prends le bras doucement. Il est haletant, sa bouche écume. « Comment allez-vous faire ? Lancer le tru
1043 ndes se passent. Je lâche son bras. Nos deux amis sont arrivés dans la lumière de l’entrée du bistrot. Artaud se calme. Nous
1044 à l’automne de 1946. C’était au Café de Flore. Il était assis seul sur la banquette à droite du tourniquet d’entrée. Mes amis
1045 ourniquet d’entrée. Mes amis m’ayant quitté, j’ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend la main. Moment de sil
1046 r ! » s’écrie-t-il, et il ajoute, théâtral : « Ce sont de ces conneries… (haussant le ton)… et que l’on expie ! » Il dit ens
1047 les trois announcers — comme on dit ici, speaker étant un nom purement français dans cet usage — seront Breton, Lévi-Strauss
1048 r étant un nom purement français dans cet usage — seront Breton, Lévi-Strauss et le peintre Ozenfant. Deux ans d’amitié sans
1049 et me dit d’entrée de jeu : « Votre dernier livre est un livre dangereux ! J’ai pu le voir, par les réactions d’Elisa ! » (
1050 llemands. Des propos quelque peu obscurs qu’il me tient ensuite, il apparaît que l’approche théologique des auteurs dont je p
1051 l’approche théologique des auteurs dont je parle est trop engagée — et peut-être engageante dans le cas d’Elisa pour avoir
1052 ut-être engageante dans le cas d’Elisa pour avoir été tolérée par ses jeunes amis du groupe surréaliste reformé à New York.
1053 arlons, difficilement… Son désir de ne pas rompre est évident, mais il faut bien sauver la face… L’athéisme flamboyant a to
1054 sauver la face… L’athéisme flamboyant a toujours été l’un des dogmes de la secte surréaliste. Tout d’un coup, il a trouvé
1055 à Marcel de trancher le différend. » Rendez-vous est fixé aussitôt pour un dîner à trois, dans un bistrot français de la 5
1056 ançais de la 54e Rue, demain soir, 20 heures. J’y suis à 20 h 03. Duchamp est là, sur la terrasse, « toujours un peu plus qu
1057 main soir, 20 heures. J’y suis à 20 h 03. Duchamp est là, sur la terrasse, « toujours un peu plus qu’exact », me dit-il, co
1058 ’excuser. Aussitôt assis : « Il semble que Breton soit très gêné par votre dernier livre. Trop chrétien, sans doute, à ses y
1059 yez ?… Remarquez l’amphibologie du verbe… Mais qu’ est -ce que cela peut bien lui faire ? Avec ça qu’il n’a pas fait une reli
1060 a pas fait une religion de son surréalisme ! » Ce sera tout. Commande des menus. Propos légers. Vers 20 h 15 arrive Breton,
1061 urieux croisement. Mots de Léon-Paul Fargue Serais -je le seul dépositaire de la plus belle contrepèterie du siècle ? Je
1062 epuis une semaine, il se plaint chez Paulhan de n’ être pas sur la liste des nouveaux commandeurs de la Légion d’honneur. « J
1063 as pour moi, c’est pour ma mère ! La pauvre, elle est morte il y a douze ans…” » Ce matin même, j’ai lu dans un journal qu’
1064 , je n’ose plus vous serrer la main ! J’ai peur d’ être Don Juan au dernier acte… » Il s’arrête. « June homme ! Moi, je vais
1065 an », peu après la libération de Paris, Léon-Paul est frappé d’une syncope et tombe sous la table. On le relève après quelq
1066 ria, sans date comme d’habitude, mais qui ne peut être que du printemps de 1940 : Cher ami N’écrivez pas à Cully. Je n’y s
1067 e 1940 : Cher ami N’écrivez pas à Cully. Je n’y suis plus et pour cause, et si de la correspondance m’y parvient, elle ser
1068 se, et si de la correspondance m’y parvient, elle sera probablement exterminée. C’est moi qui vous écrirai plutôt dans quelq
1069 dîner au Buffet. « Voilà, me dit-il dès que nous sommes installés, l’explication de ma dernière lettre. Comme vous le savez,
1070 la pièce à côté. Je me précipite. Mais l’appareil est invisible. Je cherche. Je vois un fil sur le parquet, je le suis ! Il
1071 Je cherche. Je vois un fil sur le parquet, je le suis  ! Il aboutit dans une valise ! Fermée à clé ! Le téléphone sonne touj
1072 eut dire… J’ai quitté la maison de Budry, et j’ai été m’installer de l’autre côté de la place, dans un petit hôtel. J’ai un
1073 9. 11. Les Nouveaux Cahiers , bimensuel dont j’ étais rédacteur en chef. an. Rougemont Denis de, « Quelques‑uns de mes éc
1074 ’intégrale de la correspondance Paulhan-Rougemont est en ligne sur notre site.
27 1985, Articles divers (1982-1985). Éloge de Jean Starobinski (1985)
1075 nous venions de choisir, mon premier mouvement a été de joyeuse acceptation, et puis un scrupule m’est venu, presque un do
1076 été de joyeuse acceptation, et puis un scrupule m’ est venu, presque un doute : étais-je vraiment l’homme de la circonstance
1077 t puis un scrupule m’est venu, presque un doute : étais -je vraiment l’homme de la circonstance ? Car il me semblait, tout d’u
1078 mis, celui que nous allions couronner se trouvait être — à tout le moins par ses vertus, exactement le contraire de moi, de
1079 tus, exactement le contraire de moi, de ce que je fus dans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je m’explique par que
1080 aire de moi, de ce que je fus dans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je m’explique par quelques exemples. Jean Star
1081  Staro », comme on l’appelle dans toute l’Europe, est conservateur par sagesse, au plus beau sens de l’expression, et moi c
1082 pression, et moi contestateur par indignation. Il est prudent et circonspect en tous domaines, je ne l’ai jamais été, hélas
1083 t circonspect en tous domaines, je ne l’ai jamais été , hélas, dans aucun. Il est analytique et méthodique, moi plutôt polém
1084 nes, je ne l’ai jamais été, hélas, dans aucun. Il est analytique et méthodique, moi plutôt polémique et passionné. Autant i
1085 dans ses écrits et son comportement, autant il m’ est arrivé de céder à la rabies theologica, ou simplement à mes humeurs.
1086 masquer des lacunes trop certaines. Enfin, Staro est un pur citadin, et je me sens de plus en plus un campagnard… Les meil
1087 aient donc pas réunies, de mon côté. Pourtant, je suis ici ce soir, vous m’en voyez heureux, tous scrupules apaisés : Que s’
1088 ’en voyez heureux, tous scrupules apaisés : Que s’ est -il donc passé dans l’entretemps ? Deux choses. D’abord, comme chaque
1089 chaque fois que je me sens dans l’impasse, je me suis dit : voyons un peu plus large. Ensuite, j’ai lu ce Montaigne en mouv
1090 x apparemment fortuit mais secrètement délibéré s’ est révélé plein de sens et de conséquences : à cause de lui, c’est du mê
1091 littérature française, nous avons l’un et l’autre été nourris par l’Europe germanique et le monde anglo-saxon avec ses prol
1092 s et cette formule européenne : le sens de ce qui est dû à la cité. En dépit de sa méfiance justifiée à l’endroit de l’enga
1093 inski n’a jamais négligé le devoir civique : c’en était un pour lui que de présider quinze ans durant les Rencontres internat
1094 similitude, non le moins significatif : quel que soit le sujet à traiter, nous le faisons l’un et l’autre en écrivains d’ab
1095 e cherche la simplicité. La critique doit pouvoir être rigoureuse sans être aride, elle peut satisfaire aux exigences de la
1096 té. La critique doit pouvoir être rigoureuse sans être aride, elle peut satisfaire aux exigences de la science sans offenser
1097 écrit en prose dans ce pays. Et Jean Starobinski est certainement le critique le plus littéraire de notre temps, dès lors
1098 resser un éloge accessoire sans doute, mais qu’il est aujourd’hui l’un des très rares à mériter : il n’a jamais cédé à la m
1099 ues de linguistique et de psychanalyse ! Mais il est temps d’en venir au grand essai sur l’inventeur des Essais qui couron
1100 Ce thème central, comme il l’indique lui-même, n’ est autre que l’antithèse traditionnelle de l’être et du paraître dans l’
1101 , n’est autre que l’antithèse traditionnelle de l’ être et du paraître dans l’homme. Thème majeur qui implique et appelle deu
1102 ème des masques et celui du regard — L’Œil vivant est l’un de ses titres. Au thème majeur sont consacrés les deux temps for
1103 il vivant est l’un de ses titres. Au thème majeur sont consacrés les deux temps forts jusqu’ici, de son œuvre : Jean-Jacques
1104 er paru qui me retiendra ce soir. L’essentiel en est annoncé dans le titre. Il ne s’agit nullement de biographie ni de cri
1105 er temps, Montaigne se prend pour sujet : « Je me suis présenté moi-même à moi, pour argument et pour sujet. » Il s’agit d’u
1106 assez duré… Le plus voisin mal qui nous menace n’ est pas altération de la masse entière… mais sa dissipation »… On dirait
1107 out répandue, le danger couru à tout instant ; ce sont autant d’incitations pressantes à la feinte et à la dissimulation… Le
1108 à la dissimulation… Le monde qu’accuse Montaigne est un labyrinthe où les faux-semblants ont, pour ainsi dire, cours légal
1109 ets de mensonge universel se manifestent : « tout est piperie et batelage », nous dit Montaigne. Le monde n’est qu’un théât
1110 rie et batelage », nous dit Montaigne. Le monde n’ est qu’un théâtre, tout n’y est que masques ! Montaigne prend alors le pa
1111 Montaigne. Le monde n’est qu’un théâtre, tout n’y est que masques ! Montaigne prend alors le parti de l’être vrai, de son i
1112 que masques ! Montaigne prend alors le parti de l’ être vrai, de son identité foncière aux prises avec le mensonge universel.
1113 pur et simple et de l’impossible repliement sur l’ être en soi. Tout au long des « essais » qui couvrent son expérience, il v
1114 tant que manifestation sincère et véridique de l’ être , en tant, dirais-je, qu’acceptation de l’incarnation nécessaire des i
1115 taigne : premier temps, le refus de tout ce qui n’ est pas moi ; deuxième temps, la prise de conscience du fait que je me co
1116 dirions-nous, mais dans la seule mesure où elles sont maîtrisées, soumises à l’être, à la personne libre et responsable, et
1117 ule mesure où elles sont maîtrisées, soumises à l’ être , à la personne libre et responsable, et non pas au mensonge officiel
1118 encore moins à des « impératifs du futur » qui ne sont que publicité pour des intérêts immédiats. Combien j’aimerais vous re
1119 ritique et prend la parole en son nom. Ce passage est pour moi bien émouvant. Je cite : « L’acte ultime de la critique est
1120 mouvant. Je cite : « L’acte ultime de la critique est de signaler que le choix politico-religieux n’est pas de son ressort,
1121 est de signaler que le choix politico-religieux n’ est pas de son ressort, mais qu’il doit néanmoins avoir lieu. » Suivent d
1122 ir. Je cite encore : « Le malaise de notre siècle est dû pour une large part au poids excessif des impératifs d’avenir, au
1123 u pouvoir dictatorial d’un futur dont le triomphe est de faire oublier qu’il est exercé à partir du présent par des hommes
1124 futur dont le triomphe est de faire oublier qu’il est exercé à partir du présent par des hommes qui se trouvent enchaînés à
1125 e de la sorte pour nous faire croire qu’elle nous est extérieure, pour n’avoir pas à s’avouer nôtre… Tout cela prolonge les
1126 ar Rembrandt ont tous un air de ressemblance, qui est le sien. Ainsi va-t-il de Montaigne copiant les Anciens, de Starobins
1127 l dont plusieurs des Pensées les plus célèbres ne sont que des notes de lecture, des résumés de phrases de Montaigne. (Ainsi
1128 umés de phrases de Montaigne. (Ainsi, « l’homme n’ est ni ange ni bête », thème qui revient vingt fois dans les Essais.) Si
1129 qui revient vingt fois dans les Essais.) Si vous êtes curieux de notre lauréat, lisez son livre sur Montaigne : c’est le me
1130 e jour de Jean Starobinski. Après ce livre, je ne serais pas trop surpris de le voir céder — s’en rendant compte à peine — à l
1131 indre à son tour à propos de ce qui se passe, qui est pire encore qu’au xvie siècle — et de nous donner un jour ce livre d
1132 ur-prétexte, il nous ferait voir son vrai moi. Ce serait , j’en suis sûr, son chef-d’œuvre. ak. Rougemont Denis de, « Éloge
1133 il nous ferait voir son vrai moi. Ce serait, j’en suis sûr, son chef-d’œuvre. ak. Rougemont Denis de, « Éloge de Jean Sta
28 1985, Articles divers (1982-1985). L’agora, condition première de la démocratie réelle (décembre 1984-janvier 1985)
1134 ux communs. Pour former un groupe, il ne faut pas être trop ni trop peu. Il y a un optimum à trouver. Trop peu ce serait une
1135 rop peu. Il y a un optimum à trouver. Trop peu ce serait une famille ou un complot. Trop nombreux, c’est le brouhaha. La foule
1136 foule étouffe toute possibilité d’échange qui ne soit pas de hurlements ou de coups. L’agora est la meilleure définition d’
1137 ui ne soit pas de hurlements ou de coups. L’agora est la meilleure définition d’un espace dans lequel des citoyens peuvent
1138 yens peuvent échanger leurs vues, dialoguer. Elle est donc le fondement historique de la démocratie à l’européenne, en tant
1139 blique qui lui paraissaient nécessaires pour qu’y soient représentées les composantes fondamentales d’une communauté civique.
1140 ourd’hui que le pacte de 1291, dit du « Grütli », fut écrit dans un latin assez particulier, celui des greffiers qui rédige
1141 unes italiennes, garantis par le Saint-Empire. Ce sont ces greffiers-là, passant le col ouvert vers 1240, qui ont fourni aux
1142 s les Waldstätten, mais le plus souvent urbaine s’ est répandue dans les Allemagnes et en Angleterre, en Bourgogne et jusqu’
1143 respecter si l’on veut que l’agora fonctionne ont été formulées par Aristote, notamment dans sa politique. La première règl
1144 e, notamment dans sa politique. La première règle est celle de la dimension, que nous avons signalée tout à l’heure : il s’
1145 t de pouvoir entendre la voix d’un homme « qui ne serait pas nécessairement Stentor », précise Aristote. On répond aujourd’hui
1146 lle nationale, n’ayant que sa voix naturelle ? Il est évident qu’un Mussolini en 1922 ou surtout un Hitler dix ans plus tar
1147 00 places assises entourée d’un parc immense où s’ est massée une foule de 100 000 personnes — selon les journaux du lendema
1148 , par opposition à l’individu irresponsable qui n’ est qu’un grain de cette poussière avec laquelle l’État totalitaire fera
1149 re de leur population ». La liberté, selon lui, n’ est assurée que par les petites dimensions, car elles seules permettent a
1150 tif, donc d’exercer des responsabilités civiques. Soit dit en passant : toutes les sottises monumentales qu’on a pu écrire c
1151 critiquer, de questionner et de proposer, ce qui est l’exercice du civisme et qui permet aux hommes d’être libres dans la
1152 l’exercice du civisme et qui permet aux hommes d’ être libres dans la mesure même où ils peuvent assumer leur responsabilité
1153 nt assumer leur responsabilité civique. Voilà qui est simple et clair, je crois bien. Les vraies difficultés commencent lor
1154 quer ces principes à nos sociétés telles qu’elles sont devenues : démesurées en fait, qu’on le veuille ou non, par les tâche
1155 us vastes, lourdes et dispendieuses dont elles se sont chargées et dont elles abandonnent la responsabilité à l’État, c’est-
1156 mblées d’hommes en contact. Un meilleur substitut serait sans doute le journal, et surtout le journal local, professionnel, mu
1157 , proportionné à la taille du groupe dont il veut être le lieu de rencontre. Un substitut écrit aux échanges vocaux sur une
1158 ations reçues. Si bien que les échanges par écrit sont souvent plus réels, moins schématiques que les répliques improvisées
1159 mprovisées dans l’assemblée réelle. Votre journal est donc, dans ce sens, un substitut virtuellement très valable à l’agora
1160 que c’est par le mot « universitates » qu’elles y sont désignées ? 5. L’historien E. Gagliardi estime que la Suisse est le
1161 5. L’historien E. Gagliardi estime que la Suisse est le dernier témoin vivant du mouvement des communes italiennes, qui fu
1162 vivant du mouvement des communes italiennes, qui fut écrasé partout ailleurs par l’essor des nationalismes, culminant dans
29 1985, Articles divers (1982-1985). Vocation culturelle de la Suisse en Europe (septembre 1985)
1163 e 1985)ap aq À deux titres au moins, la Suisse tient en Europe un rôle d’exception radicale, par là même peut-être exempla
1164 icale, par là même peut-être exemplaire : I. Elle est le modèle encore inégalé d’une communauté politique née de la libre a
1165 ière Constitution ne remonte qu’à 1848. La Suisse est donc le seul État d’Europe intégralement fédéraliste de par ses origi
1166 loppement et ses institutions actuelles. II. Elle est aussi le seul pays d’Europe qui n’a pas de culture nationale — et cel
1167 Europe qui n’a pas de culture nationale — et cela tient à sa structure fédéraliste non moins qu’à la pluralité de ses origine
1168 à la Renaissance, apports bibliques : « La Bible est notre Antiquité », écrit Ramuz. À quoi s’ajoute — si même il n’en rés
1169 cause même de ces données originelles, la Suisse est devenue le pays le plus cultivé du continent, si l’on en juge aux ind
1170 bel de sciences par million d’habitants12. Quelle est alors cette culture si vivante, si créatrice, qui pourtant n’est pas
1171 culture si vivante, si créatrice, qui pourtant n’ est pas nationale ? Une seule réponse demeure possible : c’est la culture
1172 s multiples à l’échelle continentale, la Suisse l’ est aussi des formules d’évolution de la création culturelle de l’Europe 
1173 l’Europe considérée dans son ensemble, la Suisse est un espace de culture dont le centre est partout et la circonférence n
1174 la Suisse est un espace de culture dont le centre est partout et la circonférence nulle part — surtout pas aux frontières é
1175 oyenne qu’environ deux-cents ans d’existence : où était donc la culture avant eux ? En Suisse, point de ville capitale, donc
1176 e couleurs et en intensités lumineuses… La Suisse serait sans doute l’un des lieux les plus colorés et scintillants du tableau
1177 ivent Fuseli et dont va procéder William Blake) — sont nées dans le cercle du Doyen Bodmer : intensité lumineuse maxima ! Un
1178 a Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fut l’œuvre des trois secrétaires genevois de Mirabeau, Étienne Dumont, d
1179 du nom du château de Necker où Germaine de Staël tient sa cour, que vont passer d’est en ouest les grands courants européens
1180 ermaine de Staël tient sa cour, que vont passer d’ est en ouest les grands courants européens du romantisme et du libéralism
1181 aujourd’hui dans l’Occident tout entier, comme l’ est aussi la pensée de Jean Piaget, l’un des premiers disciples de l’Inst
1182 plus grands noms de l’aventure intellectuelle qu’ est l’Europe — noms de Suisses par naissance ou par choix. Mais on l’aura
1183 , Mozart ou Rubens, Shakespeare ou Dostoïevski ne seraient guère pensables en tant que Suisses. Une certaine démesure, un grand
1184 e tout souci d’obligation « morale » leur eussent été probablement refusés par nos coutumes les plus invétérées. En revanch
1185 che, la plupart des grands noms que j’ai cités ne seraient guère pensables hors du complexe suisse. Et c’est à eux que la Suisse
1186 ine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Et il est vrai que nos meilleurs esprits, hors du compartiment natal, iront che
1187 e des sociétés humaines, dont le Contrat social n’ est qu’un fragment : Rousseau. Vue générale du genre humain : Jean de Mül
1188 e l’inconscient collectif : C. G. Jung. Mais ce n’ est pas en grimpant sur nos Alpes que ces hommes s’illustrèrent et apprir
1189 ait le principal de leur carrière en Suisse, ce n’ est pas la Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’e
1190 oisins ou de l’Amérique, que leur réputation nous est revenue, comme importée. « Son canton — ou l’Europe », c’est la formu
1191 mme de culture en tant que tel, le stade national est sauté. Cas unique, dans l’Europe moderne. J’ose y voir le plus grand
1192 le plus grand privilège des Suisses : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils la dépassent c’est pour rejoindre im
1193 . « … l’Unité intelligible d’étude historique » n’ est ni un État-nation (a Nation-state) ni l’humanité prise comme un tout,
30 1986, Articles divers (1982-1985). Interview avec Denis de Rougemont (1986)
1194 is de Rougemont (1986)at au Denis de Rougemont est un écrivain personnaliste et chrétien. Il n’est sans doute pas inutil
1195 t est un écrivain personnaliste et chrétien. Il n’ est sans doute pas inutile de le rappeler, car l’immense succès de L’Amo
1196 té les premiers écrits politiques16. Ces derniers sont , aujourd’hui, souvent introuvables, faute d’avoir été réédités. Rouge
1197 aujourd’hui, souvent introuvables, faute d’avoir été réédités. Rougemont dénonçait, dès le début des années 1930, l’inviab
1198 et de droite, ce qui ne saurait surprendre : tel est le sort des non-conformistes18. On a peut-être trop négligé la dimens
1199 ion téléologique de son système de pensée, qui en est pourtant la composante fondamentale. Un demi-siècle plus tard, les gr
1200 t, en France, sur le déclin. On proclame que Marx est mort, alors qu’on aurait pu penser, pour l’avoir tellement entendu ré
1201 our l’avoir tellement entendu répéter, que Dieu l’ était . Le retour de Dieu, précisément, se confirme dans la pensée philosoph
1202 nt prophétique et indiscutablement actuel20. Il n’ était donc pas inopportun de demander à Denis de Rougemont de préciser cert
1203 lectuel d’aujourd’hui. Vos écrits des années 1930 sont une condamnation sans équivoque possible du totalitarisme sous toutes
1204 du fascisme donc, et aussi du marxisme. Je ne me suis pas borné à condamner ; j’ai proposé les principes d’une société pers
1205 le stalinisme totalitaire. Certes, je n’ai jamais été marxiste, mais il y a beaucoup de choses que Marx a découvertes, qui
1206 a beaucoup de choses que Marx a découvertes, qui sont entrées dans le domaine commun, et qui sont désormais acquises par to
1207 , qui sont entrées dans le domaine commun, et qui sont désormais acquises par tous les politologues, quel que soit leur bord
1208 mais acquises par tous les politologues, quel que soit leur bord politique. Même si on est d’extrême droite on ne peut pas n
1209 es, quel que soit leur bord politique. Même si on est d’extrême droite on ne peut pas nier l’existence de la lutte des clas
1210 nous avait révélés Arnaud Dandieu, alors qu’ils n’ étaient qu’à peine connus et pas encore traduits en français : il s’agit des
1211 rançais : il s’agit des écrits de 1842 à 1844 qui sont souvent admirables, surtout ceux d’avant sa brouille avec Proudhon. M
1212 c Proudhon. Mais au-delà des écrits de 1844, nous étions entièrement du côté de Proudhon, de son socialisme fédéraliste ainsi
1213 ires et en particulier du régime soviétique. Nous étions parfaitement conscients que le fascisme et le nazisme n’étaient pas d
1214 tement conscients que le fascisme et le nazisme n’ étaient pas des réactions « de droite » contre les communistes. Au contraire,
1215 ite » contre les communistes. Au contraire, ils s’ étaient beaucoup inspirés du bolchévisme et ils étaient expressément socialis
1216 s’étaient beaucoup inspirés du bolchévisme et ils étaient expressément socialistes à l’origine. Ensuite il a pu y avoir des con
1217 its entre Hitler, Mussolini et Staline, mais ce n’ étaient pas des conflits fondamentaux. Ils étaient tous pour l’État d’abord,
1218 s ce n’étaient pas des conflits fondamentaux. Ils étaient tous pour l’État d’abord, unitaire et centralisé : « Ein Volk, ein Re
1219 n Führer » (un peuple, un empire, un chef). Telle était la devise de Hitler. Devise jacobine dans ses deux premiers termes, e
1220 apoléonienne par son troisième. Et c’est cela qui est tout à fait contraire à votre mouvement de pensée. Tout à fait l’inve
1221 plement le contraire de ce que nous voulions, qui était le fédéralisme intégral, poussé jusqu’à la commune, jusqu’à l’atelier
1222 n sens concret, actif, c’est-à-dire où le citoyen soit appelé à se prononcer continuellement, pas seulement lorsqu’il vote,
1223 l y a beaucoup trop de communes, par exemple, qui sont trop petites pour entretenir une école, en France surtout. Mais même
1224 culier : les écoles, les égouts, les forêts… Tout tient uniquement aux dimensions des tâches. Nous insistions énormément là-d
1225 es. Tout dépend des dimensions des tâches dont on est responsable ; c’est d’après cela qu’on doit organiser la société. D’o
1226 l’étatisme ? Cela c’est très important. Mais on s’ est souvent trompé sur ce que nous appelions l’État. On a cru que nous vo
1227 ulement préciser et limiter ses fonctions. Nous n’ étions pas du tout des anarchistes. Nous considérions l’État comme une fonct
1228 ste déjà dans le couple — c’est une théorie qui m’ est un peu particulière. Dans le couple, celui qui fait les comptes, qui
1229 elui qui fait les comptes, qui paye les factures, tient le rôle de l’État. La « fonction étatique » est parfaitement respecta
1230 tient le rôle de l’État. La « fonction étatique » est parfaitement respectable, et même indispensable. Mais l’État n’a aucu
1231 ’on voit tout le temps revenir en France : « Il a été un grand serviteur de l’État ». C’est l’État qui est un service ; on
1232 un grand serviteur de l’État ». C’est l’État qui est un service ; on n’est pas serviteur de l’État. On peut et on doit êtr
1233 l’État ». C’est l’État qui est un service ; on n’ est pas serviteur de l’État. On peut et on doit être serviteur de la comm
1234 n’est pas serviteur de l’État. On peut et on doit être serviteur de la communauté, ce qui est tout à fait différent. Ce term
1235 t on doit être serviteur de la communauté, ce qui est tout à fait différent. Ce terme de « communauté » est chez vous un te
1236 tout à fait différent. Ce terme de « communauté » est chez vous un terme clé. La communauté, c’est une réalité. L’État est
1237 rme clé. La communauté, c’est une réalité. L’État est une mesure, une fonction convenue. La communauté est une vérité vivan
1238 une mesure, une fonction convenue. La communauté est une vérité vivante : les gens tels qu’ils sont, en chair, en os et en
1239 uté est une vérité vivante : les gens tels qu’ils sont , en chair, en os et en esprit, qui doivent normalement partager un se
1240 ce (cela commence déjà dans le règne animal). Ils sont du même pays, ils sont de la même langue, ils ont des liens de parent
1241 dans le règne animal). Ils sont du même pays, ils sont de la même langue, ils ont des liens de parenté, ils ont des traditio
1242 ment un tissu social, donc une communauté. Ils ne sont plus des individus isolés, séparés. Ils sont « reliés ». Ils ont des
1243 s ne sont plus des individus isolés, séparés. Ils sont « reliés ». Ils ont des prochains, non plus seulement des « voisins i
1244 interprétation du terme. On a pu croire que vous étiez contre l’individualisme, au sens d’une limitation des libertés indivi
1245 semblait une manière plutôt abstraite d’isoler un être , d’en faire un simple exemplaire de l’espèce, interchangeable, un num
1246 ire de l’espèce, interchangeable, un numéro. Nous étions contre cette conception rationaliste, réifiée de l’homme que suppose
1247 suppose la coutume française centralisée, et qui est foncièrement in-civique. Nous dénoncions le système napoléonien et ja
1248 nien et jacobin comme modèle de tout ce qui avait été fortement aggravé par Mussolini : l’État au-dessus de tout. C’est Mus
1249 yeux l’achèvement suprême de l’Histoire. L’homme était au service de l’État. Cela a été repris en bonne partie par Hitler, q
1250 toire. L’homme était au service de l’État. Cela a été repris en bonne partie par Hitler, qui a tout de même insisté beaucou
1251 s renier leur croyance. Il y avait aussi ceux qui étaient nietzschéens, comme on disait à l’époque. Cela voulait dire qu’ils se
1252 schéenne, d’une critique « au marteau », qui peut être très constructive. C’est d’ailleurs dans Nietzsche que nous avons lu
1253 se trouve dans Par-delà le bien et le mal, où il est dit que tout va vers l’union de l’Europe, que les meilleurs esprits d
1254 a, vers une république européenne, qui a toujours été le rêve et l’idéal des grands esprits : c’est seulement quand ils dev
1255 nationalistes21. Parce que nietzschéens, certains étaient antichrétiens. Moi, c’était tout à fait différent puisque j’étais de
1256 ens. Moi, c’était tout à fait différent puisque j’ étais de tradition protestante, fils de pasteur et petit-fils d’un professe
1257 considérais comme la meilleure de l’époque. Elle était dirigée par Paul Valéry, Léon-Paul Fargue et Valery Larbaud. Pour le
1258 e et Valery Larbaud. Pour le jeune écrivain que j’ étais , pour qui le sommet de la vie littéraire et intellectuelle du siècle
1259 de la vie littéraire et intellectuelle du siècle était le groupe de la Nouvelle Revue française , je ne pouvais rêver quelq
1260 mière fois le nom de Kierkegaard. À quelle époque est -ce que cela remonte ? Ça remonte aux années 1927 à 1930. Je devais do
1261 7 à 1930. Je devais donc avoir 21 à 24 ans. Je me suis mis à chercher ce qui était traduit de Kierkegaard en français : il n
1262 oir 21 à 24 ans. Je me suis mis à chercher ce qui était traduit de Kierkegaard en français : il n’y avait à peu près rien. Ma
1263 j’ai trouvé une belle anthologie en allemand. Ce fut une lecture enthousiasmante. Je suis convaincu que si Nietzsche avait
1264 allemand. Ce fut une lecture enthousiasmante. Je suis convaincu que si Nietzsche avait pu lire Kierkegaard, tout aurait cha
1265 lettre (je donne ce détail en passant parce qu’il est amusant) de Georg Brandes, un philosophe danois, grand interprète de
1266 Kierkegaard, professeur à Copenhague où il avait été le premier à donner des cours sur lui. Il écrivait souvent à Nietzsch
1267 it deux hommes qu’il devait absolument lire, l’un était Dostoïevski, l’autre Kierkegaard. Que serait-il arrivé si Nietzsche n
1268 l’un était Dostoïevski, l’autre Kierkegaard. Que serait -il arrivé si Nietzsche n’était pas devenu fou juste un mois après avo
1269 Kierkegaard. Que serait-il arrivé si Nietzsche n’ était pas devenu fou juste un mois après avoir reçu cette lettre ? Question
1270 te une génération d’intellectuels européens qui n’ étaient par ailleurs ni kierkegaardiens ni protestants. Enfin, j’ai découvert
1271 découvert peu après, vers 1930, une théologie qui était nettement inspirée de Kierkegaard et qui était en même temps sociale,
1272 ui était nettement inspirée de Kierkegaard et qui était en même temps sociale, c’était celle de Karl Barth, membre actif du p
1273 actif du parti socialiste (ce que je n’ai jamais été ), mais enfin cela indiquait une certaine direction, une application d
1274 i aux masses, mais à la personne, comme nous nous sommes mis à dire très vite, et aussi à la communauté. Votre première défin
1275 ns lesquels il montrait comment le mot personne a été conçu, a été imaginé, pour désigner les trois êtres de même « substan
1276 l montrait comment le mot personne a été conçu, a été imaginé, pour désigner les trois êtres de même « substance », mais de
1277 été conçu, a été imaginé, pour désigner les trois êtres de même « substance », mais de fonctions différentes, formant la trin
1278 ui convenait. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit étaient de même nature, mais il fallait les distinguer. Ils étaient un en tro
1279 même nature, mais il fallait les distinguer. Ils étaient un en trois. Comment dire cela ? Ce fut le grand problème des pères d
1280 . Ils étaient un en trois. Comment dire cela ? Ce fut le grand problème des pères de l’Église à partir du concile de Nicée,
1281 partir du concile de Nicée, et cela a finalement été résolu cent-vingt-cinq ans plus tard au concile de Chalcédoine. Ils o
1282 eur. Le masque ! Oui, le masque. Mais le même mot était devenu un terme juridique beaucoup plus large. Il y a, par exemple, c
1283 hrase importante dans le droit romain : « Persona est sui juris », la personne est sujet de son droit, mais « Servus non es
1284 t romain : « Persona est sui juris », la personne est sujet de son droit, mais « Servus non est persona », l’esclave n’est
1285 ersonne est sujet de son droit, mais « Servus non est persona », l’esclave n’est pas une personne. L’esclave ne peut être u
1286 oit, mais « Servus non est persona », l’esclave n’ est pas une personne. L’esclave ne peut être une personne puisqu’il n’est
1287 esclave n’est pas une personne. L’esclave ne peut être une personne puisqu’il n’est pas autonome. Cela indiquait très bien c
1288 . L’esclave ne peut être une personne puisqu’il n’ est pas autonome. Cela indiquait très bien ce que nous cherchions, qui n’
1289 indiquait très bien ce que nous cherchions, qui n’ était pas l’individu, produit d’une division, comme l’atome, ce que Marx av
1290 sait en France. Individualisme voulait dire qu’on était contre l’État tout en lui demandant de faire tout le travail, « chacu
1291 lesse congénitale d’une démocratie individualiste est de dire « non », simplement. Une chose qui m’avait aussi beaucoup fra
1292 stidigitation. Un magicien hypnotise les gens. Il est sur la scène et il les appelle dans la salle. Il leur ordonne de fair
1293 Mais quelqu’un se lève dans la salle et dit qu’il est scandalisé de voir qu’on prive les hommes de leur volonté. Lui, on ne
1294 e l’aura pas ! Il dira non jusqu’au bout. Mais il est hypnotisé comme les autres. Le narrateur donne alors l’explication :
1295 re les gens), qui dit simplement « non, moi je ne suis tenu par rien », l’égoïste. La personne, au contraire, c’est l’être e
1296 s gens), qui dit simplement « non, moi je ne suis tenu par rien », l’égoïste. La personne, au contraire, c’est l’être en rel
1297  », l’égoïste. La personne, au contraire, c’est l’ être en relation, qui est non seulement assuré de sa vocation, de son unic
1298 onne, au contraire, c’est l’être en relation, qui est non seulement assuré de sa vocation, de son unicité, mais par cette v
1299 ion, de son unicité, mais par cette vocation même est mis en relation avec la société, créateur de la relation sociale. Là,
1300 l’importance de la foi tout en affirmant que ce n’ est pas, que ce ne doit pas être un idéal. Absolument pas. Cela peut prêt
1301 en affirmant que ce n’est pas, que ce ne doit pas être un idéal. Absolument pas. Cela peut prêter à confusion. Pourriez-vous
1302 vous préciser ce que vous entendez par foi ? Cela est absolument fondamental pour moi. C’est ce que je développerai dans un
1303 est ce que je développerai dans un livre qui doit être , à mon sens, le plus important de ceux que j’aurai écrits, mais qui n
1304 important de ceux que j’aurai écrits, mais qui n’ est pas encore achevé. J’en ai une première version écrite en 1945-1946,
1305 version écrite en 1945-1946, mais qui n’a jamais été publiée. Elle n’a que 120 pages, et depuis lors j’ai accumulé au moin
1306 New York24. Ils trouvaient cela insensé. Ma thèse était que seul le but peut dicter les moyens, qui ne sont que les moyens de
1307 it que seul le but peut dicter les moyens, qui ne sont que les moyens de le rejoindre. C’est lui qui les crée. C’est-à-dire
1308 oyens, dans la mesure où elle crée les moyens qui sont déterminés pour la rejoindre, elle seule. On a toujours triché avec c
1309 nt au domaine des moyens. Toute la morale de Kant est une morale des moyens. Eh bien non, c’est la fin qui importe. Mais la
1310 us des formes négatives. Il y a des choses qui me sont proposées, offertes, par des gens, par des circonstances, qui sont te
1311 ffertes, par des gens, par des circonstances, qui sont tentantes à bien des égards, et tout d’un coup quelque chose en moi d
1312 tout d’un coup quelque chose en moi dit non, ce n’ est pas ta voie, tu ne peux pas aller par là, et cela en dépit de toute r
1313 on ne sait pas exactement le définir), et ce doit être le même but pour tous les hommes. Moi, ça m’allait très bien d’appele
1314 ur tous les hommes. Qu’on le connaisse ou non, il est là. Et il m’appelle. C’est cet appel qui crée la personne. Alors je d
1315 la rejoindre. C’est la raison pour laquelle vous êtes aussi opposé à l’idée de révolution matérialiste. Dès vos premiers éc
1316 us en attaquez le principe même. En ce sens, vous êtes antimarxiste. Dans ce sens oui : radicalement anticollectiviste. Il n
1317 e le même chemin pour aller vers le même but, qui est l’Absolu, puisque chacun part d’un endroit qui est sans précédent, po
1318 st l’Absolu, puisque chacun part d’un endroit qui est sans précédent, pour devenir une personne. Chacun est différent de to
1319 sans précédent, pour devenir une personne. Chacun est différent de tout ce qui a jamais existé, de tout ce qui existera jam
1320 chemin. Je retrouvais beaucoup de métaphores qui sont déjà dans les psaumes de l’Ancien Testament, par exemple cette phrase
1321 ette phrase qui m’a toujours frappé : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier », qui exprime d’u
1322 mesure où j’ai le courage d’avancer, puisqu’elle est comme attachée à mon pied : elle n’éclaire rien, sauf si j’avance. J’
1323 c’est mon moyen. Là j’ai retrouvé des choses qui sont dans Nietzsche, la création de soi en vertu d’une fin qui est encore
1324 tzsche, la création de soi en vertu d’une fin qui est encore indicible, mais qui agit. Il est bon qu’elle agisse, sans ça q
1325 e fin qui est encore indicible, mais qui agit. Il est bon qu’elle agisse, sans ça qu’est-ce qui me donnerait le courage d’i
1326 s qui agit. Il est bon qu’elle agisse, sans ça qu’ est -ce qui me donnerait le courage d’inventer mon chemin ? Voilà donc la
1327 s moyens très souvent détournés et négatifs (tu n’ es pas fait pour faire cela, tu dois refuser). C’est plus fréquent que l
1328 a réalise donc parmi les hommes, puisqu’elle doit être tout acte. La personne est prise dans le mouvement même de cette auto
1329 mes, puisqu’elle doit être tout acte. La personne est prise dans le mouvement même de cette autocréation — « deviens qui tu
1330 ent même de cette autocréation — « deviens qui tu es  ! », disait Goethe — qui est en fait une télé-création parce que comm
1331 on — « deviens qui tu es ! », disait Goethe — qui est en fait une télé-création parce que commandée par mon But, non par mo
1332 tudes, on les dépasse en action. Vous voyez, nous sommes ici assez loin du catéchisme traditionnel, et en même temps, en plein
1333 en ce moment, intitulé Journal d’un Européen, qui est la conclusion de mon « journal non intime », comme je l’ai appelé, pa
1334 révolution matérialiste, fasciste ou communiste, est vouée à l’échec. Cela est très important, et on le redit maintenant,
1335 fasciste ou communiste, est vouée à l’échec. Cela est très important, et on le redit maintenant, depuis plusieurs années. V
1336 ieurs années. Votre prise de position de l’époque est donc très actuelle. Oui, la révolution au sens marxiste comme au sens
1337 lution au sens marxiste comme au sens romantique, est vouée à l’échec structurellement et systémiquement. Elle ne peut pas
1338 pas réussir, puisque la seule révolution valable serait une révolution qui augmenterait la liberté, donc la responsabilité de
1339 esponsabilité des gens. C’est une autre chose qui est tout à fait essentielle dans tout ce que nous disions26, mais peut-êt
1340 , mais peut-être plus claire chez moi que ça ne l’ est chez d’autres personnalistes, peut-être par une certaine ambition lit
1341 tion littéraire que d’autres n’avaient pas, qui n’ était pas dans leurs préoccupations maîtresses. Moi je me suis toujours con
1342 s dans leurs préoccupations maîtresses. Moi je me suis toujours considéré avant tout comme écrivain. La littérature était ma
1343 nsidéré avant tout comme écrivain. La littérature était ma préoccupation fondamentale. Ce qui m’a fait découvrir Kierkegaard,
1344 cupation de formulation et de communication. J’ai été amené à discuter ces choses avec des gens qui étaient surtout des int
1345 été amené à discuter ces choses avec des gens qui étaient surtout des intellectuels. Peu à peu je me suis mis à connaître des h
1346 taient surtout des intellectuels. Peu à peu je me suis mis à connaître des hommes politiques, mais je ne les ai jamais admir
1347 des écrivains. Un de ceux qui m’a le plus marqué est Paul Valéry, que j’ai à peine rencontré. Il y en a d’autres que j’ai
1348 avait entièrement convaincu Bataille. Enfin, nous étions en bons termes, mais je l’ai assez peu connu. Et Caillois ? Caillois,
1349 ale du But , mais pour le moment, j’y ai renoncé… Êtes -vous toujours en rapport avec certains écrivains personnalistes ? Il
1350 e sens pas du tout vieux, mais je découvre que je suis un des derniers survivants de cette génération qui s’est déclarée ent
1351 des derniers survivants de cette génération qui s’ est déclarée entre 1932 et 1939. Quelques-uns ont été tués, beaucoup sont
1352 est déclarée entre 1932 et 1939. Quelques-uns ont été tués, beaucoup sont morts depuis, et avec Alexandre Marc, je suis à p
1353 1932 et 1939. Quelques-uns ont été tués, beaucoup sont morts depuis, et avec Alexandre Marc, je suis à peu près le dernier s
1354 oup sont morts depuis, et avec Alexandre Marc, je suis à peu près le dernier survivant des personnalistes de la première gén
1355 sent enfin s’inscrire dans les faits, pour ce qui est , tout au moins, de l’Europe. Le 5 août 1984 15. Lors de sa parution
1356 Occident provoqua de nombreuses réactions qui ne furent pas toujours favorables. L’édition dite « définitive » (Paris : Plon,
1357 ion. L’ouvrage, traduit en 14 langues, ne cesse d’ être réédité et discuté, quarante-cinq ans après sa première édition. 16.
1358 s années 1930 (Paris : Seuil, 1969). 19. Si Marx est mort — titre de Jean-Marie Benoist (Paris : Gallimard, 1970) — Dieu e
1359 oist (Paris : Gallimard, 1970) — Dieu et l’Absolu sont revenus en force avec Maurice Clavel, par exemple, ou même Guy Lardre
1360 Rougemont ainsi que les erreurs d’interprétation sont patentes. 21. Le passage de Par-delà le bien et le mal dont il est q
1361 Le passage de Par-delà le bien et le mal dont il est question est intégralement cité dans Vingt-huit siècles d’Europe (Pa
1362 e Par-delà le bien et le mal dont il est question est intégralement cité dans Vingt-huit siècles d’Europe (Paris : Payot,
1363 he dit : « S’ils appartinrent à une patrie, ce ne fut jamais que par les régions superficielles de leur intelligence, ou au
1364 journa aux États-Unis de 1940 à 1946. Alors qu’il était lieutenant dans l’armée suisse, il écrivit un article jugé injurieux
1365 du pays pour « insulte à chef d’État étranger », fut condamné à 15 jours de forteresse. La peine lui fut épargnée, mais on
1366 t condamné à 15 jours de forteresse. La peine lui fut épargnée, mais on préféra alors l’envoyer aux États-Unis où il travai
31 1986, Articles divers (1982-1985). L’Europe des consciences (1986)
1367 oésie, roman, théâtre, et que création littéraire serait synonyme de fiction. Voilà qui est méconnaître à tout le moins l’hist
1368 littéraire serait synonyme de fiction. Voilà qui est méconnaître à tout le moins l’histoire de la littérature française. L
1369 ma bibliothèque française. Seul Benjamin Constant est meilleur dans Adolphe que dans ses écrits politiques. Paul Valéry me
1370 ’un écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’ est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’on le jugera. Rendons leur
1371 urnées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’ est -ce à dire ? Action pour l’Europe fédérée dès 1946, fondation et direc
1372 es ont dit ou écrit que mes engagements européens étaient « au détriment de mon œuvre littéraire ». Je serais perdu pour la lit
1373 ient « au détriment de mon œuvre littéraire ». Je serais perdu pour la littérature… Le prix Schiller que je reçois aujourd’hui
1374 , de pacifisme ? Je passe donc aux aveux : ils ne seront pas complets, faute de temps, mais candides. Deux séries de motifs po
1375 , mais candides. Deux séries de motifs pourraient être évoquées ici : d’une part, les défis de l’Histoire auxquels toute ma
1376 face, et d’autre part l’évolution intérieure qui fut la mienne dans le même temps, je veux dire dans les années 1930 à 194
1377 années 1930 à 1940. Durant cette décennie tout s’ est joué, à la fois hors de moi et en moi. Ce qui m’importe ici, c’est de
1378 à relever. Arthur Koestler l’a fort bien dit : ce fut l’affrontement entre un mensonge total, celui des dictatures à l’Est,
1379 entre un mensonge total, celui des dictatures à l’ Est , et une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nations démocratiques.
1380 Nous aurions à la faire, vu notre âge, mais ce ne serait pas notre guerre. Entre les régimes totalitaires et les régimes dits
1381 es machines, tout en nous refusait le choix. Nous étions condamnés à inventer, dans un temps ridiculement bref, une troisième
1382 n temps ridiculement bref, une troisième voie. Ce fut celle du personnalisme. Un jour, chez des amis, un jeune Russe que je
1383 le : Ni individualistes, ni collectivistes, nous sommes personnalistes. Un trait de lumière dans mon esprit : cette formule
1384 à Paris, à la fondation et à la vie desquelles je fus étroitement associé dès 1931 jusqu’à la guerre. Car la guerre arriva,
1385 ans nos pays et leurs armées parfois ennemies. Je fus mobilisé d’abord dans le Jura, puis attaché au service Armée et Foyer
1386 gé d’une mission de conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et même plus utile là-bas, pensait-on sans doute en hau
1387 ler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je me suis trouvé, sans savoir trop comment, engagé dans la lutte militante pour
1388 istes, puis inspiré la Résistance, j’ai dit que j’ étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis pour mon œ
1389 s pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947. J’y suis encore, les deux ans sont devenus trente-cinq ans, et pourtant je ne
1390 e. C’était en 1947. J’y suis encore, les deux ans sont devenus trente-cinq ans, et pourtant je ne regrette rien, pour les ra
1391 , pour les raisons tout intérieures auxquelles il est temps que je vienne. Vers ma vingt-quatrième année, j’avais découvert
1392 atrième année, j’avais découvert deux auteurs qui furent décisifs pour ma vie : Kierkegaard et Karl Barth. À travers eux j’all
1393 Classe ; mais qu’en revanche un type d’homme qui serait à la fois pleinement libre et pleinement responsable de ses actes, ch
1394 hacun de ces termes conditionnant l’autre : nul n’ est tenu pour responsable de ses actes si ceux-ci n’ont pas été accomplis
1395 n de ces termes conditionnant l’autre : nul n’est tenu pour responsable de ses actes si ceux-ci n’ont pas été accomplis libr
1396 our responsable de ses actes si ceux-ci n’ont pas été accomplis librement (les juristes connaissent bien cela) et à l’inver
1397 connaissent bien cela) et à l’inverse, personne n’ est vraiment libre de ses décisions si celles-ci ne peuvent entraîner auc
1398 rvions — nous, les personnalistes — que l’homme n’ est responsable qu’au sein d’une communauté où sa voix puisse porter et o
1399 l d’une fédération de l’Europe. L’idée générale n’ étant pas de créer une puissance nouvelle — un « troisième Grand » dans le
1400 pas que l’on déduisît de mes propos que mon œuvre est issue d’un système ou d’une dialectique rationnelle. La cohérence et
1401 ue de l’Europe et l’évolution de mes idées, je ne suis en droit de les déduire qu’après coup, d’une analyse de ce que j’ai v
1402 vécu. Mais dans le fait, au jour le jour, tout s’ est passé autrement, par hasard. Certains moments décisifs de ma vie ont
1403 r hasard. Certains moments décisifs de ma vie ont été décidés par des coups d’émotion, et d’autres par des décisions longue
1404 lture. Or il se trouve que ces deux petits écrits sont ceux dont, en les relisant, je suis le moins mécontent, d’un point de
1405 petits écrits sont ceux dont, en les relisant, je suis le moins mécontent, d’un point de vue purement littéraire ! ⁂ Mais la
1406 ons un moment, pour finir, de cette Europe qui me tient au cœur, au corps et à l’âme. Un mot domine sa situation, un petit mo
1407 collectifs et de passion de la liberté, l’Europe est aujourd’hui menacée dans ses raisons d’être et dans ses possibilités
1408 Europe est aujourd’hui menacée dans ses raisons d’ être et dans ses possibilités de persévérer en son être. La situation poli
1409 tre et dans ses possibilités de persévérer en son être . La situation politique mondiale est en train de faire des Européens,
1410 érer en son être. La situation politique mondiale est en train de faire des Européens, jadis maîtres des trois-quarts des t
1411 sation au milieu du xxe , ils courent le risque d’ être occupés demain, non seulement militairement, mais économiquement et m
1412 troisième guerre mondiale qui, cette fois-ci, ne serait pas déclenchée par eux. La crise mondiale actuelle est née des œuvres
1413 as déclenchée par eux. La crise mondiale actuelle est née des œuvres de l’Europe, qui a répandu sur toute la Terre ce qu’el
1414 crise ? Laissons de côté les plus probables, qui sont , comme il est trop facile de l’imaginer, l’aggravation universelle de
1415 ns de côté les plus probables, qui sont, comme il est trop facile de l’imaginer, l’aggravation universelle des conflits int
1416 au plus bas niveau moral et matériel. Et quelles sont les issues souhaitables ? Il en est une au moins — la seule peut-être
1417 . Et quelles sont les issues souhaitables ? Il en est une au moins — la seule peut-être — qui dépend de l’Europe et de son
1418 de la souveraineté absolue des États-nations. Il est devenu parfaitement clair qu’on ne peut pas fonder l’union de l’Europ
1419 ffirmant la vouloir. L’Europe des nationalismes a été responsable de deux guerres mondialisées. Elle a été aussi l’agent mo
1420 responsable de deux guerres mondialisées. Elle a été aussi l’agent mondialisant d’une forme de culture technico-scientifiq
1421 t responsables. Dans le monde d’aujourd’hui, tout est fait de main d’homme (sauf les tremblements de terre, jusqu’ici). Non
1422 ité existe et dont le mieux qu’on puisse attendre est qu’elle ne serve jamais à rien : nous sommes fous. Pourquoi notre ave
1423 ttendre est qu’elle ne serve jamais à rien : nous sommes fous. Pourquoi notre avenir vaudrait-il mieux que ce que nous sommes,
1424 oi notre avenir vaudrait-il mieux que ce que nous sommes , nous qui le laissons faire, nous qui le faisons ? Je ne suis pas, en
1425 ui le laissons faire, nous qui le faisons ? Je ne suis pas, en rappelant ces faits, victime de quelque sinistrose, mais tout
1426 mplement réaliste. Plusieurs signes, d’ailleurs, sont de nature à réveiller un peu d’espoir : notre action de fédéralistes,
1427 péens, marque chaque année des progrès. La guerre est devenue impensable entre deux peuples de l’Europe : fait capital, don
1428 ulsions, ses désirs inavoués, les plus actifs. Je serai content si j’ai pu contribuer par mes écrits et mon action à une pris
1429 e de conscience dont dépend notre avenir : car il sera ce que nous voulons au fond de nous-mêmes. Ce n’est qu’en chacun de n
1430 a ce que nous voulons au fond de nous-mêmes. Ce n’ est qu’en chacun de nous qu’il peut être sauvé. Denis de Rougemont 26 oct
1431 s-mêmes. Ce n’est qu’en chacun de nous qu’il peut être sauvé. Denis de Rougemont 26 octobre 1982 ar. Rougemont Denis de,
32 1994, Articles divers (1982-1985). Agora (1994)
1432 Agora (1994)av L’agora est la meilleure définition d’un espace où des citoyens puissent échanger
1433 ens puissent échanger leurs vues, dialoguer. Elle est donc le fondement historique de la démocratie à l’européenne, en tant
1434 blique qui lui paraissaient nécessaires pour qu’y soient représentées les composantes d’une communauté civique, de l’espace ou
1435 . Les bâtiments constants qui délimitent la place sont , chez les Grecs, le temple — ou au moins l’enceinte des autels —, le
1436 ourd’hui que le Pacte de 1291, dit du « Grütli », fut écrit dans un latin assez particulier, celui des greffiers qui rédige
1437 unes italiennes, garantis par le Saint-Empire. Ce sont ces greffiers-là, passant le col ouvert vers 1240, qui ont fourni aux
1438 les Waldstätten, mais le plus souvent urbaine — s’ est répandue dans les Allemagnes et en Angleterre, en Bourgogne et jusqu’
1439 specter, si l’on veut que l’agora fonctionne, ont été formulées par Aristote, notamment dans sa Politique. La première règl
1440 e, notamment dans sa Politique. La première règle est celle de la dimension. Il s’agit de trouver un optimum entre trop pet
1441 t de pouvoir entendre la voix d’un homme « qui ne serait pas nécessairement Stentor », précise Aristote. L’agora reste donc le
1442 critiquer, de questionner et de proposer, ce qui est l’exercice du civisme et qui permet aux hommes d’être libres dans la
1443 l’exercice du civisme et qui permet aux hommes d’ être libres dans la mesure même où ils peuvent assumer leur responsabilité
1444 quer ces principes à nos sociétés telles qu’elles sont devenues : démesurées en fait, qu’on le veuille ou non, par les tâche
1445 us vastes, lourdes et dispendieuses dont elles se sont chargées et dont elles abandonnent la responsabilité à l’État, c’est-
33 1994, Articles divers (1982-1985). URSS (1994)
1446 xante premières années de son existence, l’URSS a été dotée par les chefs du Parti communiste de quatre constitutions diffé
1447 publiques soviétiques qui pourront naître ». Elle est formée au départ de quatre républiques : Russie, Ukraine, Biélorussie
1448 entrée en vigueur au moment de la mort de Lénine, sera remplacée plus tard par la Constitution de 1936, intitulée Loi fondam
1449 Ier sur l’Organisation sociale annonce que l’URSS est un État socialiste des ouvriers et des paysans, dont « la base politi
1450 ouvriers et des paysans, dont « la base politique est constituée par les soviets [conseils] de députés des travailleurs qui
1451 de députés des travailleurs qui ont grandi et se sont affermis […] grâce à la conquête de la dictature du prolétariat » (ar
1452 é personnels, de même que le droit d’héritage […] sont protégés par la loi. » L’art. 11 déclare que « la vie économique de l
1453 art. 11 déclare que « la vie économique de l’URSS est déterminée et dirigée par le plan d’État » en vue d’affermir l’indépe
1454 renforcer sa capacité de défense. Résumons : tout est « la propriété de l’État, c’est-à-dire le bien du peuple tout entier 
1455 et 141) que, pratiquement, ces députés ne peuvent être proposés à l’élection que par le Parti. Le chapitre II sur l’Organisa
1456 s précisément fédéralistes de cette constitution. Sont du ressort de l’Union, selon l’art. 14, les compétences caractéristiq
1457 i joue ». Ici encore, dans la pratique, et compte tenu du rôle omniprésent du Parti à tous les échelons de l’organisation et
1458 roits attribués à l’Union » (art. 14) et qui « ne sont pas de la compétence des organes du pouvoir de l’URSS dépendant du So
1459 s-Unis et de la Suisse, notamment. Mais voici qui est nouveau : à l’art. 48 apparaît le Présidium du Soviet suprême de l’UR
1460 ministratif supérieur du pouvoir d’État de l’URSS est le Conseil des commissaires du peuple de l’URSS, responsable devant l
1461 (Défense, Affaires étrangères, etc.), les autres étant du ressort des « Commissaires du peuple fédéraux, républicains et féd
1462 parquet, qui ne contient rien d’original, si ce n’ est le droit de « contrôle de l’activité judiciaire de tous les organes j
1463 donné à la Cour suprême de l’URSS. Plus original est le chapitre X qui traite des Droits et devoirs fondamentaux des citoy
1464 s citoyens. Les citoyens de l’URSS bénéficient et sont assurés par l’État des droits suivants (art. 118 à 126) : — droit au
1465 réduction du travail à 7 h par jour) ; — droit d’ être assurés (vieillesse, maladie, perte de capacité de travail) ; — droit
1466 ortèges et démonstrations dans la rue. Ces droits sont assurés par « la mise à la disposition des travailleurs » des imprime
1467 inviolabilité du domicile et de la correspondance sont « garanties aux citoyens de l’URSS » et « protégées par la loi ». Le
1468 (syndicats, coopératives, sports, culture, etc.) est également assuré aux citoyens, « alors que les citoyens les plus acti
1469 ’unissent dans le Parti communiste de l’URSS, qui est l’avant-garde des travailleurs dans leur lutte pour l’affermissement
1470 nent à celui de « service militaire général » qui est une loi mais aussi « un devoir d’honneur pour les citoyens de l’URSS 
1471 ’honneur pour les citoyens de l’URSS ». Le trahir serait « le pire forfait », aux yeux de la loi. Le chapitre XI, sur le Systè
1472 précise que « le droit de présenter les candidats est garanti aux organisations sociales et aux associations de travailleur
1473 La Constitution de 1977, dite « de Brejnev », est pour l’essentiel une révision de la Constitution « de Staline », qu’e
1474 es principes directeurs de la révision paraissent être  : a) une volonté de rendre les textes constitutionnels de 1936 mieux
1475 ntale, 750 000 propositions de rectifications ont été envoyées à la presse, 650 000 meetings d’entreprises ont eu lieu réun
1476 a organisé 180 000 meetings de ses adhérents. Il est intéressant de relever qu’au cours de ces débats, selon la presse sov
1477 aient pas compris que « le socialisme développé n’ est pas encore le communisme », et demandaient « des salaires égaux pour
1478 , publié le 4 juin 1977 par la presse soviétique, est annoncé comme « devant tenir compte de tous les changements intervenu
1479 du prolétariat ». L’art. 1 proclame que « l’URSS est un État socialiste du peuple tout entier » et non plus seulement, com
1480 ’en donnait la Pravda (26 mai 1977), l’insistance est mise sur « le rôle essentiel et dirigeant du PC ». La contradiction f
1481 organes du pouvoir d’État, de la base au sommet, sont élus et doivent rendre compte de leur activité au peuple. Les décisio
1482 é au peuple. Les décisions des organes supérieurs sont obligatoires pour les organes inférieurs. Le centralisme démocratique
1483 et de chaque fonctionnaire pour la tâche qui leur est assignée ». Il est certain — sinon clairement dit — que l’équilibre e
1484 onnaire pour la tâche qui leur est assignée ». Il est certain — sinon clairement dit — que l’équilibre entre centralisation
1485 e centralisation fédéraliste et autonomie de base est désormais rompu au profit des « organes supérieurs de l’État », comme
1486 omme le confirme l’art. 6 : « le Parti communiste est la force qui dirige et oriente la société soviétique, c’est l’élément
1487 Certes, le droit de « quitter librement l’Union » est maintenu pour chaque république fédérée, mais tout comme les droits g
1488 s tout comme les droits garantis aux citoyens, il est soumis à la restriction fondamentale posée par l’art. 39 : « L’exerci
1489 laquelle « toute poursuite pour fait de critique est interdite. Les personnes qui s’en rendent coupables ont à en répondre
1490 ait-on déduire de ces articles que les dissidents étaient en liberté, que les camps du goulag étaient vides, et que l’URSS étai
1491 dents étaient en liberté, que les camps du goulag étaient vides, et que l’URSS était une démocratie fédéraliste ? Bibliograp
1492 les camps du goulag étaient vides, et que l’URSS était une démocratie fédéraliste ? Bibliographie Feldbrugge F. J. M.
34 1996, Articles divers (1982-1985). « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (automne 1996)
1493 « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (automne 1996)ax ay « … Je sens venir des catas
1494 oique inconscients », écrivez-vous dans L’Avenir est notre affaire . Vous êtes bien l’anti-Pangloss. Pourquoi cet éternel
1495 ivez-vous dans L’Avenir est notre affaire . Vous êtes bien l’anti-Pangloss. Pourquoi cet éternel pessimisme ? Éternel c’est
1496 errai que je puis faire quelque chose. Quel qu’en soit d’ailleurs, le succès ! Attitude qui n’est pas différente de celle qu
1497 qu’en soit d’ailleurs, le succès ! Attitude qui n’ est pas différente de celle que j’annonçais dans mon premier article trai
1498 u’on a beaucoup reprise…) Mon attitude générale n’ est pas celle d’un pessimiste et je ne suis pas un prophète de malheur. J
1499 générale n’est pas celle d’un pessimiste et je ne suis pas un prophète de malheur. J’aime beaucoup cette expression latine «
1500 cette expression latine « plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (utinam vates falsus sim). Je dis à mes contempora
1501 les désastres ! Je ne crois pas que notre avenir soit fatal. L’avenir est fait de main d’homme de nos jours. Regardez ce qu
1502 e crois pas que notre avenir soit fatal. L’avenir est fait de main d’homme de nos jours. Regardez ce qui nous entoure : tou
1503 de nos jours. Regardez ce qui nous entoure : tout est fait de main d’homme, maison, route, paysage — seuls les tremblements
1504 artificiels. Les crises dont tout le monde parle sont notre fait. Elles ne sont pas tombées du ciel. Mais voilà, l’homme au
1505 ont tout le monde parle sont notre fait. Elles ne sont pas tombées du ciel. Mais voilà, l’homme aujourd’hui a une curieuse p
1506 ui arrive de mauvais dans le monde, il dit : « qu’ est -ce qu’ils ont encore fait ? » « Ils » ou l’État ou les lois économiqu
1507 ls » ou l’État ou les lois économiques, tout nous est bon. Qu’est-ce qui fait la force de l’État ? C’est la somme des démis
1508 at ou les lois économiques, tout nous est bon. Qu’ est -ce qui fait la force de l’État ? C’est la somme des démissions des ci
1509 s citoyens. C’est une très vieille histoire. Elle est déjà racontée au chapitre III de la Genèse. Ève a mangé la pomme et e
1510 en Eden, vers le soir, et appelle l’homme : « où es -tu ? » Adam et Ève se sont cachés dans les arbres. C’est tout juste s
1511 t appelle l’homme : « où es-tu ? » Adam et Ève se sont cachés dans les arbres. C’est tout juste s’ils ne disent pas : « je n
1512 s. C’est tout juste s’ils ne disent pas : « je ne suis pas là ! » Yahvé les trouve et demande à l’homme : « Qu’as-tu fait ? 
1513 à l’homme : « Qu’as-tu fait ? » Adam dit : « Ce n’ est pas moi, c’est Ève qui m’a forcé ». Ève dit : « Ce n’est pas moi, c’e
1514 moi, c’est Ève qui m’a forcé ». Ève dit : « Ce n’ est pas moi, c’est le serpent qui m’a séduite ». Et le serpent, bien sûr,
1515 ent qui m’a séduite ». Et le serpent, bien sûr, n’ est plus là. Il n’est pas vrai de dire, aujourd’hui, que les centrales nu
1516 e ». Et le serpent, bien sûr, n’est plus là. Il n’ est pas vrai de dire, aujourd’hui, que les centrales nucléaires « qu’on l
1517 centrales nucléaires « qu’on le veuille ou non » sont nécessaires. Les problèmes quelles seraient censées résoudre, c’est n
1518 ou non » sont nécessaires. Les problèmes quelles seraient censées résoudre, c’est nous qui les avons créés, tout comme le pluto
1519 quitte à s’en plaindre sans arrêt, avoir un roi — fût -il de Gaulle — quitte à lui couper la tête quand cela se présente. Je
1520 lui couper la tête quand cela se présente. Je ne suis pas pessimiste parce que je ne crois pas à ces fatalités. Je ne suis
1521 parce que je ne crois pas à ces fatalités. Je ne suis pas optimiste non plus parce que je ne crois pas avec Rousseau que l’
1522 rce que je ne crois pas avec Rousseau que l’homme est bon. Il est bête et méchant, c’est dans ses chromosomes. Tout le prob
1523 e crois pas avec Rousseau que l’homme est bon. Il est bête et méchant, c’est dans ses chromosomes. Tout le problème politiq
1524 dans ses chromosomes. Tout le problème politique est de l’empêcher de faire de grandes bêtises. Vous êtes bête et méchant 
1525 t de l’empêcher de faire de grandes bêtises. Vous êtes bête et méchant ? Je fais comme tout le monde, je vais dans le sens d
1526 se réaliser comme lui seul peut le faire. Chacun est un cas sans précédent. Chacun doit donc inventer son chemin vers Dieu
1527 rême de tous les hommes. Vous dites dans L’Avenir est notre affaire que deux finalités s’offrent à l’homme d’aujourd’hui, l
1528 t de voir les statistiques des Nations unies. Ils sont les premiers pour le revenu par tête, le nombre de téléphones, de sal
1529 es bêtises, donc de grandes guerres. Les hommes y sont plus heureux. Et surtout ils peuvent s’occuper de leurs affaires, pre
1530 urs affaires, prendre en main leur destin, ce qui est exclu dans les grands États. Autrement dit, ils peuvent faire de la p
1531 es les relations humaines de la cité au lieu de n’ être que les spectateurs passifs de débats entre politiciens — un peu comm
1532 ifs de débats entre politiciens — un peu comme on est sportif parce qu’on regarde un match à la TV. Être un citoyen, c’est
1533 est sportif parce qu’on regarde un match à la TV. Être un citoyen, c’est être responsable de la vie de la cité. C’est se gou
1534 regarde un match à la TV. Être un citoyen, c’est être responsable de la vie de la cité. C’est se gouverner soi-même. J’aime
1535 an well governed » (mieux vaut se gouverner que d’ être bien gouverné)… Votre définition de la région ? Est-ce une ethnie ou
1536 e bien gouverné)… Votre définition de la région ? Est -ce une ethnie ou une langue comme la Bretagne ou le Pays basque, ou u
1537 que de l’Europe. Aristote voulait que la ville ne soit pas plus grande que la portée de la voix d’un homme criant sur l’agor
1538 ours crier, personne ne vous entendra. On ne peut être libre que si l’on est responsable et l’inverse est vrai. Devant un tr
1539 vous entendra. On ne peut être libre que si l’on est responsable et l’inverse est vrai. Devant un tribunal, si votre avoca
1540 re libre que si l’on est responsable et l’inverse est vrai. Devant un tribunal, si votre avocat peut prouver que vous n’éti
1541 tribunal, si votre avocat peut prouver que vous n’ étiez pas libre quand vous avez commis un délit, on vous acquitte. Mais on
1542 ommis un délit, on vous acquitte. Mais on ne peut être responsable que dans une communauté à la taille de l’homme, où chacun
1543 des problèmes à résoudre. Mon système fédéraliste est en somme très simple. Il consiste à faire correspondre la taille des
1544 lac Léman, pollué par les Suisses et les Français est un problème régional, transfrontalier. Le sauvetage du Rhin, poubelle
1545 belle de l’Europe, pollué par au moins cinq pays, est un problème européen, continental. Et le sauvetage des océans pollués
1546 el fabrique 4/5e de l’oxygène que nous respirons, est un problème mondial, qui appelle une agence mondiale. Les enfants com
1547 ution. Pour l’écologie, nos frontières nationales sont absurdes, n’existent simplement pas. Vous voyez ici comment s’appelle
1548 s… Une thèse centrale : c’est que l’amour-passion est l’invention du xiie siècle européen, que la passion se nourrit d’obs
1549 t les suscite au besoin et que l’obstacle suprême étant la mort, c’est dans la mort que les amants légendaires, Tristan et Is
1550 and mythe de Tristan et Iseut dont le sens ultime est que Tristan n’aime pas Iseut dans sa réalité. Ce qu’il aime, c’est ai
1551 seut dans sa réalité. Ce qu’il aime, c’est aimer, être aimé, être intoxiqué de la passion d’amour. Le fameux philtre est vra
1552 a réalité. Ce qu’il aime, c’est aimer, être aimé, être intoxiqué de la passion d’amour. Le fameux philtre est vraiment une d
1553 ntoxiqué de la passion d’amour. Le fameux philtre est vraiment une drogue. Or, passion signifie souffrance, c’est ce que l’
1554 la guerre et enfin dans la crise du mariage, qui est en somme la crise de l’amour. D’où l’influence multiforme que ce livr
1555 -je me le reprocher ? Toute prise de conscience n’ est -elle pas un progrès ? Ainsi le cas d’André Gide. Apprenant que je che
1556 e en regardant nos valises et dit : « tout cela s’ est arrangé si soudainement. Cela me ferait presque croire à la providenc
1557 ont, quand on saura que vous habitez chez moi, qu’ est -ce qu’on va dire ? » Et il répète à travers ses dents serrées : « qu’
1558 » Et il répète à travers ses dents serrées : « qu’ est -ce qu’on va dire ? » Je me garde bien de répondre, je m’amuse trop. F
1559 e fois, plus détendu : « Vous allez penser que je suis obsédé, mais je ne puis m’empêcher de croire que vos troubadours étai
1560 ne puis m’empêcher de croire que vos troubadours étaient homosexuels. » Je lui dis qu’en effet, plusieurs semblent l’avoir été
1561 e lui dis qu’en effet, plusieurs semblent l’avoir été que cela n’a rien de surprenant : ils mettaient la femme, la Dame sur
1562 ez homosexuel. Le fils aime sa mère, mais le père est le maître qui interdit de la posséder. Il ne reste qu’à la diviniser.
1563 éaire ? Attention à ce genre de question. Nous ne sommes pas là pour prévoir l’avenir, mais pour le faire. Nous ne sommes pas
1564 our prévoir l’avenir, mais pour le faire. Nous ne sommes pas des parieurs, qui assistons passifs, mais des joueurs, en pleine
1565 n ce qui concerne les centrales nucléaires, je me suis exprimé on ne peut plus clairement : même si l’on me démontrait — ce
1566 clairement : même si l’on me démontrait — ce qui est rigoureusement exclu — qu’elles sont inoffensives, rentables et néces
1567 rait — ce qui est rigoureusement exclu — qu’elles sont inoffensives, rentables et nécessaires, je serais contre parce qu’ell
1568 s sont inoffensives, rentables et nécessaires, je serais contre parce qu’elles impliquent un État de plus en plus centralisé e
1569 chose, qu’on change de cap… Mais n’avez-vous pas été le premier à plaider en faveur du CERN ? Oui bien sûr et je m’en hono
1570 du CERN ? Oui bien sûr et je m’en honore. Le CERN est un laboratoire qui étudie la constitution de la matière, ce n’est pas
1571 re qui étudie la constitution de la matière, ce n’ est pas une usine à bombes atomiques. Mais puisque vous revenez irrésisti
1572 je vous dirai ceci : les promoteurs du nucléaire sont suicidaires et le savent. L’avenir que nous voulons, c’est le solaire
1573 faut vingt ans encore pour que l’énergie solaire soit compétitive. Pendant ce temps, l’énergie nucléaire devient de plus en
1574 cette résistance des États ? Parce que le soleil est à tout le monde et que demain vous pourrez avoir un four solaire sur
1575 des enfers et de la richesse contre Zeus. Pluton était aveugle comme une taupe et s’ennuyait tellement qu’il voulait voir mo
1576 qu’il voulait voir mourir les hommes afin de lui tenir compagnie. Zeus qu’Homère appelle parfois Europeos (qui voit très loi
1577 ère appelle parfois Europeos (qui voit très loin) est le dieu du soleil. Mon choix est clair. Celui des États ne l’est pas
1578 voit très loin) est le dieu du soleil. Mon choix est clair. Celui des États ne l’est pas moins. Êtes-vous un utopiste ? J
1579 soleil. Mon choix est clair. Celui des États ne l’ est pas moins. Êtes-vous un utopiste ? Je ne le pense pas. L’utopie maje
1580 x est clair. Celui des États ne l’est pas moins. Êtes -vous un utopiste ? Je ne le pense pas. L’utopie majeure consiste à cr
1581 ste à croire qu’on peut continuer comme ça. Je me tiens pour un réaliste quand je pose une question comme celle-là. Que ferez
1582 : « il ne suffit pas de ne pas avoir d’idées pour être réaliste ». ax. Rougemont Denis de, « [Entretien] Plaise aux dieux
1583 t Denis de, « [Entretien] Plaise aux dieux que je sois un faux prophète », Temps européens, Genève, 1996, p. 34-41. ay. Pro
1584 Ferney-Voltaire. Ces entretiens dont chaque page fut relue et corrigée par Denis de Rougemont, n’ont jamais été publiés. N
1585 et corrigée par Denis de Rougemont, n’ont jamais été publiés. Nous en présentons ici de larges extraits. »