1 1982, Articles divers (1982-1985). L’Europe une et diverse : la contribution des cultures nationales [commentaires] (1982)
1 tion des cultures nationales [commentaires] (1982) a Un des buts principaux de notre colloque était d’examiner pourquoi
2 re liquidée… Mais je ne peux pas m’en tenir là. J’ ai réfléchi à ce que vous avez dit ici, les uns et les autres. J’ai aper
3 ux pas m’en tenir là. J’ai réfléchi à ce que vous avez dit ici, les uns et les autres. J’ai aperçu de nouvelles manières, no
4 e que vous avez dit ici, les uns et les autres. J’ ai aperçu de nouvelles manières, non pas d’établir des compromis mais au
5 tourner, à certains égards, l’interdiction que j’ avais posée au départ, en parlant de l’inexistence, voire de l’impossibilit
6 aire un cercle carré ou c’est vouloir, comme je l’ ai dit souvent, fonder une amicale des misanthropes. On peut écrire ces
7 je veux dire de la Paix. Les divers travaux que j’ ai pu entendre ici m’ont permis d’entrevoir comment on pourrait tout de
8 ix. Les divers travaux que j’ai pu entendre ici m’ ont permis d’entrevoir comment on pourrait tout de même rendre un certain
9 l de l’expression de culture nationale : l’Europe a existé et elle a été cultivée bien avant l’existence de nos premiers
10 de culture nationale : l’Europe a existé et elle a été cultivée bien avant l’existence de nos premiers États. Il ne faut
11 de notre ère par la confluence des sources que j’ ai énumérées tout à l’heure, alors que les plus anciens États que l’on t
12 ècle pour voir se former les premiers États que j’ ai appelés États-nations. C’est la France de Philippe le Bel, l’Espagne
13 ’Angleterre des petits rois autour de Londres qui ont fusionné. Le premier noyau de la Confédération suisse se forme en 129
14 e, tout le monde les connaît. C’est ce que Valéry a résumé dans la formule : Tout ce qui descend d’Athènes, de Rome et de
15 es exemples, portant surtout sur l’usage que l’on a fait de la culture commune dans nos différents pays : usage politique
16 communautés, ou mainteneurs de communautés. Vous avez le cas de la Hongrie, l’un des tout premiers États formés en Europe.
17 des tout premiers États formés en Europe. Nous l’ avons vu lors des exposés de MM. Boldizsar et Molnar, il y a là un cas uniq
18 lui, sa culture était sa raison d’être. Mais vous avez à l’extrême inverse la Suisse, qui n’a pas de culture nationale, mais
19 is vous avez à l’extrême inverse la Suisse, qui n’ a pas de culture nationale, mais une confédération de plusieurs ethnies
20 s, langues et traditions historiques. La Suisse n’ a pas de culture nationale. Elle a pourtant vécu sans faille, depuis le
21 ues. La Suisse n’a pas de culture nationale. Elle a pourtant vécu sans faille, depuis le xiiie siècle. La culture n’a pa
22 ans faille, depuis le xiiie siècle. La culture n’ a pas été son élément formateur. Ce qui a été son élément formateur, c’
23 culture n’a pas été son élément formateur. Ce qui a été son élément formateur, c’est une sorte de philosophie politique q
24 u deux cas inverses très intéressants. La Pologne a pour particularité unique d’être un État slave de population, mais ro
25 rance qui, contrairement à l’Europe, comme nous l’ a expliqué M. Diez del Corral, a toujours eu une royauté unique, décidé
26 rope, comme nous l’a expliqué M. Diez del Corral, a toujours eu une royauté unique, décidée à tout unifier par la force e
27 nous l’a expliqué M. Diez del Corral, a toujours eu une royauté unique, décidée à tout unifier par la force et par la rus
28 la ruse. C’est vraiment la royauté française qui a fait la France, sans jamais obtenir, je crois, le libre consentement
29 s, le libre consentement des parties annexées. Ça a été fait par la conquête, le non-respect des contrats sacrés (cas de
30 sens ancien, dont la grande culture occitane, qui a été étouffée, et d’autres comme la bretonne, la provençale ou l’allem
31 lois de la « République une et indivisible ». On a beaucoup parlé de culture nationale en France. C’est le seul pays au
32 ne phrase souvent répétée par Michel Debré, qu’il a encore utilisée dernièrement dans Le Monde, et selon laquelle l’école
33 er des citoyens français. C’est tout juste s’il n’ a pas parlé de sujets… Donc, en France, on arrive à une espèce de cultu
34 i qu’elle est entièrement politisée, comme nous l’ a très bien montré hier Stanley Hoffmann. La culture française est nati
35 a mesure où elle est politisée, à tel point qu’on a l’impression quelquefois, à entendre les discussions entre la gauche
36 à la santé de la nation réelle. À l’inverse, nous avons le cas de l’Espagne. Nous avons vu qu’elle a eu plusieurs monarchies,
37 À l’inverse, nous avons le cas de l’Espagne. Nous avons vu qu’elle a eu plusieurs monarchies, que la « monarchie espagnole »
38 avons le cas de l’Espagne. Nous avons vu qu’elle a eu plusieurs monarchies, que la « monarchie espagnole » est multiple,
39 vons le cas de l’Espagne. Nous avons vu qu’elle a eu plusieurs monarchies, que la « monarchie espagnole » est multiple, pl
40 depuis ses origines, depuis le Moyen Âge. Il n’y a jamais eu volonté d’effacer les différences. Et encore plus différen
41 es origines, depuis le Moyen Âge. Il n’y a jamais eu volonté d’effacer les différences. Et encore plus différent du modèl
42 ichienne. L’Empire austro-hongrois ne pouvait pas avoir de culture nationale pour la bonne raison, comme on l’a rappelé ce ma
43 ulture nationale pour la bonne raison, comme on l’ a rappelé ce matin, qu’il réunissait douze nationalités. Qu’aurait-il f
44 ce matin, qu’il réunissait douze nationalités. Qu’ aurait -il fallu choisir comme culture nationale à imposer à toutes les autre
45 utes les autres ? C’était impensable. Aussi, ça n’ a pas été fait, et le résultat est que ces douze cultures nationales on
46 le résultat est que ces douze cultures nationales ont continué, chacune pour elle-même, certaines avec un grand succès même
47 -hongrois. Grâce à ce fédéralisme sous-jacent, on a pu arriver à un développement culturel merveilleux et vraiment très e
48 pée autour de Vienne, j’englobe ici tous ceux qui ont relevé de l’Empire « K. und K. » : Rilke, Kafka, Hugo von Hofmannstha
49 librement les unes avec les autres. Ensuite vous avez eu un très remarquable exposé de M. Romano sur l’Italie, où il nous a
50 ement les unes avec les autres. Ensuite vous avez eu un très remarquable exposé de M. Romano sur l’Italie, où il nous a fa
51 able exposé de M. Romano sur l’Italie, où il nous a fait remarquer que la culture en Italie, quand l’Italie a fait son un
52 emarquer que la culture en Italie, quand l’Italie a fait son unité, selon l’idée alors régnante que toute nation « fait s
53 t son unité » comme un homme « fait sa puberté », a traversé une sérieuse crise de développement. Un certain nombre de gr
54 ment. Un certain nombre de grands hommes italiens ont prétendu reconquérir l’unité culturelle du pays, alors qu’ils ne fais
55 ’Allemagne, le cas n’est pas trop différent. Vous avez une grande culture germanique, on peut le dire, parce que l’accent es
56 mpire de nostalgie reconstitué. Aujourd’hui, vous avez cette même culture qui est le seul lien communautaire entre des gens
57 aire. Les moyens du dialogue, je crois que je les ai indiqués, c’est cette culture une et diverse qui permet à toutes sort
58 tout dialogue entre les différentes nations que j’ ai énumérées, avec toutes leurs diversités, c’est la reconnaissance du f
59 langage commun, condition de tout dialogue. Nous avons tous vu, depuis trente ans, qu’on ne peut pas faire l’Europe sur la b
60 parce que ce n’est pas la bonne base. Jean Monnet a pensé que, si l’on maîtrisait les relations économiques en Europe, la
61 e reste suivraient, mais le général de Gaulle lui a bien fait voir que, pour lui, les intérêts économiques étaient second
62 de l’homme en référence permanente à ce que nous avons tous en commun, à nos valeurs de base, d’où qu’elles viennent. Voilà
63 Pourquoi pas un colloque sur chacune d’elles ? a . Rougemont Denis de, « [Commentaires] L’Europe une et diverse : la c
2 1982, Articles divers (1982-1985). De la personne à l’Europe des régions (25 mars 1982)
64 récédent, un sentier qu’il doit inventer et qui n’ a été foulé par personne avant lui. Il doit y avancer par la foi, dans
65 lisme déchaîné, l’égoïsme et l’absence de civisme ont permis un développement monstrueux des États et pas seulement des Éta
66 excessive à l’imitation de l’État napoléonien qui a été copié presque par tout le monde. Je l’ai dit il y a longtemps, « 
67 n qui a été copié presque par tout le monde. Je l’ ai dit il y a longtemps, « c’est avec la poussière des individus que les
68 ntre le nucléaire civil et le nucléaire militaire a été par ailleurs démontrée. Bien entendu, tout cela sert à faire des
69 ues et les fusées occidentales ? C’est ce qu’on m’ a répondu récemment à Paris, lorsque je demandais aux responsables de l
70 majeur qui pourrait arriver à Creys-Malville. On a refusé de me répondre en me disant que la probabilité était faible, e
3 1982, Articles divers (1982-1985). Précisions de M. Denis de Rougemont (25 mai 1982)
71 emont (25 mai 1982)h Dans l’interview que vous avez publiée le 25 mars et que j’avais accordée à Richard Labévière, il y
72 terview que vous avez publiée le 25 mars et que j’ avais accordée à Richard Labévière, il y a plusieurs mois, se sont glissées
73 me fait dire exactement le contraire de ce que j’ ai dit et souvent écrit. Voici la phrase telle qu’elle doit être lue : «
74 « Que puis-je faire ? » » Les dix mots soulignés ont été omis. 2. À l’avant-dernière question concernant la menace pour la
75 générateur de Creys-Malville : il est exact que j’ ai mentionné le refus de réponse que m’ont opposé les responsables de l’
76 xact que j’ai mentionné le refus de réponse que m’ ont opposé les responsables de l’EDF, affirmant que la probabilité d’acci
77 nnent compte. Mais ce ne sont pas les mêmes qui m’ ont opposé le danger « cent fois plus grand » présenté par les fusées ato
78 x silos du plateau d’Albion sur lequel les Russes ont pointé leurs SS20. Ce danger « cent fois plus grand » a été signalé p
79 té leurs SS20. Ce danger « cent fois plus grand » a été signalé par M. Francis Perrin, de l’Académie des sciences, physic
80 ncien haut-commissaire à l’énergie atomique. Il m’ a paru important de préciser qu’une révélation aussi sensationnelle pro
4 1982, Articles divers (1982-1985). « Vous avez dit Rolling Stones ? » (28 mai 1982)
81 « Vous avez dit Rolling Stones ? » (28 mai 1982)i Sondage-minute, sondage-clin
82 ougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Vous avez dit Rolling Stones ? », L’Hebdo, Lausanne, 28 mai 1982, p. 11.
5 1982, Articles divers (1982-1985). « Des manifestations pacifistes encore plus grandes ! » (2 juillet 1982)
83 volonté de défense de l’Occident. À tout cela, j’ ai envie de répondre que cette campagne contre les pacifistes est elle-m
84 es armes nucléaires, premier moyen que les hommes aient inventé pour anéantir toute l’humanité. Sans parade ? Il n’y a aucune
85 r anéantir toute l’humanité. Sans parade ? Il n’y a aucune espèce de parade possible à la guerre nucléaire. Ce qu’il y a
86 elle, des deux côtés, d’essayer ces armements qui ont coûté à l’humanité en 1981, 600 milliards de dollars. On n’avait enco
87 ’humanité en 1981, 600 milliards de dollars. On n’ avait encore jamais dépensé une somme pareille. L’industrie des armements d
88 ayer et pour ce qui est de l’arsenal atomique, on a trouvé récemment les bombes dites tactiques. Il s’agit de l’idée, qui
89 amp de bataille — par exemple à l’Europe, comme l’ a si aimablement dit le président Reagan. Eh bien, c’est de la folie !
90 ’est de la folie ! Le groupe de Bellerive — que j’ ai contribué à fonder et qui comprend des savants atomistes de premier o
91 comprend des savants atomistes de premier ordre — a publié un manifeste contre l’illusion d’une limitation de l’escalade
92 ereux que le pacifisme. Alors, que faire ? Il n’y a qu’un moyen d’éviter la tempête nucléaire en Europe, à mon sens et à
93 s étaient jamais tentés d’occuper l’Europe, ils n’ auraient pas intérêt à se faire précéder par leurs bombes atomiques, qui leur
94 il faudrait aussi recourir à la défense civile. J’ ai fait naguère une proposition qui est peut-être moins comique qu’il n’
95 es énormes pour acheter des chars modernes et des avions vite démodés, on pourrait dépenser un peu d’argent pour enseigner le
96 usqu’à avancer ceci : les seuls qui soient sûrs d’ avoir raison sont ceux qui disent : désarmons-nous, commençons les premiers
97 eux mois, ou dans deux ans, je me demande si nous aurions le temps de préparer techniquement cette défense non violente. Parce
98 t à imaginer des procédés de résistance au mal. J’ ai été frappé, depuis longtemps, par ces deux versets des Proverbes (Pro
6 1982, Articles divers (1982-1985). Denis de Rougemont devant l’Histoire (17 juillet 1982)
99 26 avril (n° 911) écrit, à propos du procès que j’ ai intenté à Dominique Grisoni : Le malentendu était à son comble. Roug
100 e à tous les écrits dans lesquels, dès 1932, je n’ ai cessé d’attaquer les totalitaires, noirs, rouges ou bruns, et le « fa
7 1982, Articles divers (1982-1985). Des régions à la paix pour l’union de l’Europe (juillet-août 1982)
101 e. Œuvre de longue haleine, direz-vous ? — Il n’y a donc pas une seule minute à perdre. m. Rougemont Denis de, « Des r
8 1982, Articles divers (1982-1985). La peur d’être libre… (printemps-été 1982)
102 é 1982)d e Vous êtes considéré comme celui qui a lancé l’idée du régionalisme. Pourquoi vous occupez-vous plus particu
103 culièrement des régions ? Ces dernières années, j’ ai proposé à Ecoropa de s’occuper des régions, d’établir un réseau entre
104 effet, lorsque je suis arrivé à Paris en 1931, j’ ai fait la connaissance d’une trentaine de jeunes gens de mon âge, entre
105 i dure encore, et L’Ordre nouveau , nom qui nous a été volé par qui vous savez ! Pour nous, il s’agissait de « l’ordre v
106 éveloppée dans le livre de Théodore Roszak et qui a inspiré le n° 3 de notre revue. Mais on ne connaît pas toujours ses p
107 ectivistes. Nous sommes personnalistes. » Mounier a vite parlé de révolution personnaliste et communautaire. Cette révolu
108 g terme car ça ne correspond pas à la vie. Il n’y a pas deux individus qui se ressemblent : Albert Jacquard l’a démontré.
109 individus qui se ressemblent : Albert Jacquard l’ a démontré. La « personne », c’est l’individu qui cherche quelle est sa
110 est unique. Il faut trouver son sentier : il n’y a pas de route nationale ! Il faut donc avoir une certaine foi pour pos
111  : il n’y a pas de route nationale ! Il faut donc avoir une certaine foi pour poser le pied là où nul autre ne s’est avancé.
112 elles ne peuvent pas faire toutes seules. Vous en avez une vision tout à fait organique. Cela relève plus de l’horticulture
113 la mécanique ! J’aime beaucoup la définition qui a été donnée par un sénateur américain qui fut ambassadeur de son pays
114 rts » ! Les régions, naissant d’une communauté, n’ ont pas d’autre limite que celles des champs cultivés ensemble. Le mot « 
115 ne barrière, ou d’une limite quelconque et cela n’ a aucun rapport avec ce qu’est devenue la frontière. La frontière est u
116 re est une chose complètement condamnable. Elle n’ a pas une seule utilité : les frontières empêchent de passer tout ce qu
117 ies, ou des mythes, qui s’affrontent. S’il doit y avoir des « fermetures », ce devrait être comme des membranes entre les cel
118 onction que la région est censée remplir. On peut avoir des régions écologiques qui ne seront pas du tout les mêmes que des r
119 ussi à une autre communauté qui est mondiale et n’ a pas de frontière délimitée. J’appartiens à l’école personnaliste et à
120 vec d’autres fédérations. Dans votre livre, vous avez résumé trois schémas d’organisation : le schéma français, le pire… Vo
121 oriciens politiques : la formule de l’État-nation a conquis le monde en moins de deux siècles… » Les deux autres schémas
122 t beaucoup trop grande. Toutefois, les Américains ont gardé un plus grand sentiment de la communauté qu’en Europe. Un autre
123 i, si elles ne parlent plus la langue originelle, ont du mal à communiquer entre elles parce que la colonisation leur a imp
124 niquer entre elles parce que la colonisation leur a imposé l’anglais ou le français… Oui, toute l’Afrique est mutilée pa
125 s gens qui, revêtus de leurs manches de lustrine, ont pris une carte de l’Afrique et ont tracé des frontières toutes droite
126 s de lustrine, ont pris une carte de l’Afrique et ont tracé des frontières toutes droites de 300 km de long au tire-ligne.
127 s. Au fond, c’est exactement le même réflexe qui a dû se produire sous les jacobins et faire si facilement de la France
128 observer, sous nos yeux, le phénomène vivant qui a dû se déclencher avec 1789. Paul Valéry disait déjà que toute politiq
129 s révolutionnaires, des guerres de Napoléon qui l’ a consolidé et centralisé en vue de la guerre et de la mobilisation. Ce
130 cette guerre, c’est que la souveraineté nationale a été atteinte. L’honneur de l’État-nation a été atteint. Donc, toute l
131 ionale a été atteinte. L’honneur de l’État-nation a été atteint. Donc, toute la structure des États-nations conduit à la
132 ualistes s’imaginent qu’ils seront libres s’ils n’ ont pas de responsabilités. Malheureusement, cette idée est d’un de mes c
133 s compatriotes, Benjamin Constant. C’est ce qu’il a nommé « le libéralisme ». Pour lui, la politique devait être faite pa
134 ce qui conduit tout droit à l’État totalitaire. J’ ai écrit dans un de mes livres : « C’est avec la poussière des individus
135 ue virulente de l’État-nation comme notre école l’ avait fait dans les années 1930, pendant la poussée du nazisme, du stalinis
136 ntières, et trop petit à l’échelle du monde. Vous avez écrit aussi « une région, comme telle, ne sera jamais compétitive ».
137 s « aimés ». C’est complètement différent. Il n’y a pas déterminisme, mais responsabilité. Cette notion d’amour est très
138 ne déclenche pas d’amour pour ses bureaux, vous l’ avez , vous aussi, souvent dit ! Les États-nations ne sont que des individ
139 inels à l’échelle mondiale, des gangsters… Il n’y a pas d’amour là-dedans. Ce n’est pas comme la patrie. Ne pensez-vous p
140 pas comme la patrie. Ne pensez-vous pas que l’on a « bluffé » les citoyens en introduisant une énorme confusion entre « 
141 c’est exact et c’est en français que la confusion a été la plus grave entre l’attachement à la patrie et l’obligation de
142 l’Europe. Ils veulent se mettre ensemble car ils ont l’impression d’une centralité continentale, ce qui est vrai à tous po
143 sible que sur la base des régions. C’est ce que j’ avais proposé à Ecoropa : des régions qui se forment spontanément un peu pa
144 artout. Spontanément, c’est très important. Elles ont envie de se connaître. Elles nomment des délégués pour un congrès ann
145 réunissent comme le font les délégués de ceux qui ont des problèmes professionnels en commun. Aucune réglementation nationa
146 nt de la capitale ne sont jamais lues : on ne les a pas demandées. Peu à peu des liens se créeront, des ministères fédéra
147 card, sont d’origine huguenote et les protestants ont toujours été opposés au centralisme. Cela va paraître énorme aux Fran
148 isme. Cela va paraître énorme aux Français ! Vous avez dit à un journaliste suisse qu’il faudrait au moins trois générations
149 vienne normale, mais simplement possible. Quand j’ ai commencé à reparler systématiquement des régions, cela a beaucoup éne
150 ncé à reparler systématiquement des régions, cela a beaucoup énervé des gens comme Pompidou pour qui c’était le retour à
151 ur complète pour le Français moyen, mais qui n’en a aucune idée exacte : Debré a traité mon livre de « livre infâme » ! P
152 moyen, mais qui n’en a aucune idée exacte : Debré a traité mon livre de « livre infâme » ! Pour conclure, je vais vous ci
153 our conclure, je vais vous citer une phrase que j’ ai écrite et que j’aime beaucoup : « la puissance, c’est le pouvoir que
154 st le pouvoir que l’on prend sur soi-même. » Vous avez aussi parlé de « la peur d’être libre »… C’est la maladie de notre so
155 et introduits par le chapeau suivant : « Beaucoup ont entendu parler de Denis de Rougemont à cause de son célèbre livre L’
156 personnalité de l’Europe, que Denis de Rougemont a poursuivi tout au long de son œuvre. Dans L’Avenir est notre affaire
157 écologique européenne Ecoropa, Denis de Rougemont a toujours milité pour que l’Europe trouve son identité à travers les p
158 ique du lac Léman. C’est là que Claudine Brelet l’ a rencontré pour CoÉvolution. » f.  L’original indiquait « Mark ». g.
9 1982, Articles divers (1982-1985). Hommage à l’Alliance culturelle romande pour ses 20 ans (octobre 1982)
159 À l’occasion de notre 20e anniversaire, nous avons demandé à quelques personnalités de notre pays, connaissant parfois n
10 1982, Articles divers (1982-1985). Un écrivain au service de la cité (24 octobre 1982)
160 soit dit en passant, le thème du seul roman que j’ aie jamais écrit — à mes années de formation, entre 15 et 25 ans. Dès mon
161 à mes yeux, c’était la littérature. Auparavant, j’ avais pensé, curieusement, que je deviendrais un grand chimiste. Je m’y éta
162 rois leçons de chimie, au Gymnase de Neuchâtel, j’ ai compris que ce n’était pas tout à fait ça… Donc je ne jurais que par
163 leure du monde, parce que la plus minuscule. On y avait comme professeurs, des gens comme Max Niedermann, l’un des disciples
164 ouvrions la linguistique nouvelle. En outre, nous avions un autre professeur étonnant, en la personne de Jean Piaget, qui nous
165 les ! Une époque bouillonnante Après cela, j’ ai voyagé. J’ai passé un an à l’Université de Vienne, où l’on ne me voya
166 poque bouillonnante Après cela, j’ai voyagé. J’ ai passé un an à l’Université de Vienne, où l’on ne me voyait guère à vr
167 diriger une maison d’édition. Dès ce moment-là, j’ ai été plongé dans un bouillonnement d’idées que je n’ai jamais retrouvé
168 té plongé dans un bouillonnement d’idées que je n’ ai jamais retrouvé par la suite. D’une part, nous faisions découvrir, en
169 depuis quelque trente-cinq ans. Cela étant, je n’ ai jamais cessé pour autant d’être écrivain. Pour l’instant, j’ai douze
170 sé pour autant d’être écrivain. Pour l’instant, j’ ai douze livres en chantier. À la suite de mon Journal d’une époque , d
171 uvre d’écrivain et de penseur, Denis de Rougemont a bien voulu évoquer les circonstances dans lesquelles s’est formé et d
172 llé, plagié (l’inénarrable Jean-Edern Hallier lui a ainsi “piqué” des paragraphes entiers pour les resservir dans certain
173 ologie française, qui l’accuse ignominieusement d’ avoir flirté avec le fascisme, alors qu’il fut, et ses livres en témoignent
11 1983, Articles divers (1982-1985). Réponses à des questions de Marcel Proust et de Michel Moret (1983)
174 e Marcel Proust et de Michel Moret (1983)v Qui auriez -vous aimé être ? Moi, mais pleinement réalisé. Le principal trait de
175 John Perse. Le don de la nature que vous aimeriez avoir  ? Une santé qui puisse résister à pas mal d’excès. v. Rougemont De
12 1983, Articles divers (1982-1985). Bertrand de Launay, Le Poker nucléaire : comme brebis à l’abattoir [préface] (1983)
176 guerre hitlérienne : aujourd’hui comme alors nous avons droit aux mêmes discours très fermes et aux mêmes arguments sans pris
177 ’assurer nos défenses nationales. Les démocraties ont vaincu, en 1945, à l’aide de la bombe atomique, arme totalitaire par
178 L’équilibre de la terreur, tel est le nom qu’ils ont inventé pour la paix. Nous disons que cet équilibre ne saurait être m
179 d higher.1 Non, messieurs les ministres, vous n’ avez pas le droit de « jouer au poker » la survie de l’humanité. En attend
180 sarmement nucléaire intégral, dont je suis. — Ils ont été traumatisés par la bombe d’Hiroshima. Vous non, sans doute ? Vous
181 bombe d’Hiroshima. Vous non, sans doute ? Vous n’ avez rien senti ? Voilà qui est grave. Névrosé est celui qui réagit d’une
182 sa position névrotique, un certain profit2 ». On a reconnu les partisans du nucléaire en général, et de la dissuasion en
183 de l’Occident. Et en effet, certains d’entre eux ont pris pour devise le fameux Better red than dead (plutôt rouge que mor
184 décisifs. Mettons qu’aujourd’hui, les États-Unis aient de quoi tuer 32 000 fois tous les humains. Mais comme les Soviétiques
185 relève d’un âge mental de joueurs de billes. Si j’ ai trois billes (ou missiles) et toi six, j’ai raison d’être inquiet. Ma
186 Si j’ai trois billes (ou missiles) et toi six, j’ ai raison d’être inquiet. Mais si j’en ai 30 000 et toi 60 000, nous som
187 toi six, j’ai raison d’être inquiet. Mais si j’en ai 30 000 et toi 60 000, nous sommes « à égalité » à toutes fins utiles,
188 prennent cette évidence arithmétique : comparer n’ a plus aucun sens sitôt qu’on entre dans le démesuré ? IV. Vous ave
189 sitôt qu’on entre dans le démesuré ? IV. Vous avez dit : « Catastrophisme » ? Vous oubliez que les prophètes sont là
190 nt du vrai prophète : Seigneur, tu le sais, je n’ ai pas désiré le jour du malheur ! (Jérémie, 17.16) 1. « Poker nuclé
13 1983, Articles divers (1982-1985). La Suisse et quelle Europe ? (1983)
191 titre. Parce que cela me convenait sans doute, j’ avais cru comprendre qu’il s’agirait du problème global de la Suisse et de
192 global de la Suisse et de l’union de l’Europe. J’ avais dit oui, bien sûr et bravo. Puis j’ai lu l’énoncé exact : La Suisse e
193 urope. J’avais dit oui, bien sûr et bravo. Puis j’ ai lu l’énoncé exact : La Suisse et la CEE élargie, et j’ai tout de suit
194 ’énoncé exact : La Suisse et la CEE élargie, et j’ ai tout de suite fait savoir aux organisateurs que sur ce thème je n’ava
195 it savoir aux organisateurs que sur ce thème je n’ avais pas grand-chose à dire, sinon que son énoncé me paraissait boiteux. I
196 e et l’union de l’Europe Sur le premier titre, j’ aurais tout de suite à observer ceci : que les réalités économiques qu’il dé
197 xelles, de Strasbourg ou super-État européent a ) L’Europe de Bruxelles ou la Communauté élargie. S’il s’agit d’un éla
198 es dans le seul domaine économique. Jean Monnet l’ a cru possible. Ce fut à la fois le ressort de son action créatrice, et
199 en fait déjà partie ; l’obstacle de la neutralité a donc été écarté. Mais le Conseil de l’Europe est sans pouvoirs. Il ne
200 , non des peuples par leurs élus. C’est lui qu’il eût fallu élire au suffrage universel. Et doter de pouvoirs élargis jusqu
201 igue défensive des nations souveraines, où il n’y aurait de sérieux que les USA d’une part, l’URSS de l’autre. Restent deux po
202 eris, d’une innovation politique, pour laquelle j’ ai proposé le nom d’Europe des régions. 4. État fédéral européen ou E
203 i de Strasbourg sert nos intérêts immédiats, nous avons à déterminer les conditions posées par l’identité suisse à toute part
204 os refus ou nos retards, attitude défensive, nous avons à formuler les conditions de notre acceptation éventuelle, c’est-à-di
205 e, je me bornerai à rappeler quelques évidences : a ) La défense locale (guérilla, défense « en hérisson ») s’est montrée
206 us tarder des initiatives créatrices, ainsi que l’ a proposé ici même Mme Bauer-Lagier. On m’objecte que « la Suisse ne fa
207 ns ma longue carrière d’historien des idées, je n’ ai jamais observé que la justesse et la fécondité d’une seule idée ait d
208 que la justesse et la fécondité d’une seule idée ait dépendu de la taille de celui qui l’avait conçue. 5. Dans quelle d
209 eule idée ait dépendu de la taille de celui qui l’ avait conçue. 5. Dans quelle direction chercher ? Les deux obstacles
210 ressif des cadres stato-nationaux, la Suisse peut avoir recours au Conseil de l’Europe, je veux dire à sa Conférence des pouv
211 Conférence des pouvoirs locaux et régionaux, qui a déjà organisé quatre rencontres des régions transfrontalières : Stras
212 asbourg, Innsbruck, Galway, Bordeaux. Les progrès ont été si rapides qu’à Bordeaux, en 1978, on a discuté sérieusement la p
213 rès ont été si rapides qu’à Bordeaux, en 1978, on a discuté sérieusement la possibilité d’élections au suffrage universel
214 ns d’Europe — et cela dans les termes mêmes que j’ avais proposés dès 1972 dans mes articles, conférences et livres. Pour ce q
215 — mais réellement fédéral (ou confédéral, cela n’ a aucune importance : la Constitution suisse est intitulée Constitution
216 on fédérale de la Confédération suisse, et cela n’ a jamais fait problème), pourquoi ne pas envisager la multiplication d’
217 ons. 6. Possibilités ? Rêveries ? La Suisse a toujours été, dès les débuts du xiiie siècle, à contre-courant des é
218 courant des évolutions d’ensemble en Europe. On l’ a écrit (notamment l’historien E. Gagliardi) : elle est demeurée jusqu’
219 ndre une union fédérale de nos peuples, dont elle aura été, dans le même temps, la première figuration et la promesse. r.
14 1983, Articles divers (1982-1985). Hitler, l’anti-prophète de notre siècle (10 février 1983)
220 s en novembre font tomber ce nombre à 196, Hitler ayant perdu en quelques mois deux millions de voix, à la suite d’une entent
221 une grève à Berlin. Et Léon Blum écrit : « Hitler a perdu ses dernières chances d’accéder au pouvoir. » S’ensuivent des m
222 s les destins de notre siècle. La défaite de 1918 avait précipité l’Allemagne dans un chaos sans précédent ; six millions de
223 s théories politiques, marxistes ou capitalistes, ont échoué depuis un demi-siècle dans l’analyse de cette situation initia
224 ut ces effets, et rien d’autre. Démontrer qu’il n’ a pas existé serait un jeu : père inconnu, cadavre disparu, témoignages
225 isparu, témoignages contradictoires de ceux qui l’ ont approché ou servi — et ses photos donnent toutes l’impression d’un tr
226 e plus grand théologien contemporain, Karl Barth, a écrit : « Le prophète n’a pas de biographie. Il se lève et tombe avec
227 ntemporain, Karl Barth, a écrit : « Le prophète n’ a pas de biographie. Il se lève et tombe avec sa mission. » Ainsi d’Hit
228 ique, ce quasi-néant d’homme ridicule et tragique a été le prophète du Néant collectif, où il a presque réussi à entraîne
229 gique a été le prophète du Néant collectif, où il a presque réussi à entraîner toute sa génération. C’est ainsi que je l’
230 traîner toute sa génération. C’est ainsi que je l’ ai senti, éprouvé de tout l’être, enregistré au radar de quelque intuiti
231 ’écrivais dans un journal suisse : L’envahisseur avait prophétisé : « Le 15 juin j’entrerai dans Paris ». Il y entre en effe
232 la mort du Führer : Hitler s’est tu. L’aventure a pris fin dans la catastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant de l
233 Courrier de Saint-Étienne intitulée : « Le Führer a perdu la guerre des nerfs. » Il entre dans une rage folle. « Vous voy
234 Führer, mais parce que moi je ne suis rien, je n’ ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je ne suis qu’un petit hom
235 forme, ce petit homme du commun, Charlot soldat l’ avait représenté d’avance, et cette anticipation grotesque nous paraît aujo
236 rtes, Hitler n’était pas le diable. Mais certains ont pensé, pour l’avoir éprouvé en sa présence par un frisson d’horreur s
237 it pas le diable. Mais certains ont pensé, pour l’ avoir éprouvé en sa présence par un frisson d’horreur sacrée, qu’il était l
238 déchoir dans un corps d’homme et l’occuper. Je l’ ai entendu prononcer l’un de ses grands discours, et je l’ai vu à la sor
239 du prononcer l’un de ses grands discours, et je l’ ai vu à la sortie de ce culte, debout dans sa voiture qui longeait très
240 dans les poches de mon pardessus. Un bon tireur l’ eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur ne s’est jamais trouvé d
241 i sensé ni intelligent. Il ne s’appartient pas, n’ a pas de qualités propres, de vices ou de vertus, ni même de compte en
242 ission », Schickelgruber habité par un trône ! On a ri. On a cessé de rire… Le national-socialisme, raciste et adorateur
243 Schickelgruber habité par un trône ! On a ri. On a cessé de rire… Le national-socialisme, raciste et adorateur du sang
244 uis la formation de la première société. Hitler n’ a fait que lui prêter figure et nom, à l’occasion de son éruption la pl
245 ’inconscient Tout s’est passé comme si Hitler, ayant posé le diagnostic exact de notre société occidentale, avait aussitôt
246 le diagnostic exact de notre société occidentale, avait aussitôt abusé de l’élan de confiance déclenché dans les foules, en l
247 ons aux masses, car de tout temps les forces qui ont produit les plus grands changements dans le monde ont été trouvées no
248 produit les plus grands changements dans le monde ont été trouvées non pas dans la connaissance scientifique, mais dans le
249 flammer si « la cruelle déesse de la Misère » les a d’abord conditionnées. Sous toutes ses formes, privées et publiques,
250 rrivera au pouvoir grâce à la crise démente que j’ ai rappelée, anarchie spirituelle, chômage et inflation… Sa parole n’est
251 onsables dans une masse, donc pas de culpabilité. Ayant ainsi rétabli les liturgies civiques, une masse allemande, réellement
252 n désastre imminent et mondial. Pourtant, on ne l’ a pas arrêté. Voilà le point qu’il faut élucider. Replaçons-nous dans l
253 tler, mieux que les communistes et les fascistes, a su répondre à la question centrale du siècle, qui est religieuse au s
254 s ruines matérielles et morales d’une société qui avait généralement perdu la Foi, l’Espérance et l’Amour, il a fondé le cult
255 ralement perdu la Foi, l’Espérance et l’Amour, il a fondé le culte de la masse déifiée, animée par les trois antivertus t
256 ge que, de sa prison, à la veille de la guerre, m’ avait fait passer un théologien anonyme dont j’ignore encore s’il était chr
257 gger — un temps séduit par les mythes du nazisme. Ayant pour force unique l’appel communautaire et par là submergeant tous le
258 s inapplicable : une idée de fou. Il ne saurait y avoir toute-puissance d’une partie sur un tout humain. Il n’y a en fait que
259 puissance d’une partie sur un tout humain. Il n’y a en fait que la puissance d’un parti sur sa propre nation, systématiqu
260 constitutif du national-socialisme. L’Occident n’ a pas eu de pire ennemi, et il est loin d’être certain qu’il ait été va
261 itutif du national-socialisme. L’Occident n’a pas eu de pire ennemi, et il est loin d’être certain qu’il ait été vaincu ai
262 pire ennemi, et il est loin d’être certain qu’il ait été vaincu ailleurs que dans les ruines de Berlin. Hitler donnait la
15 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : conclusions (1984)
263 la représente parmi nous ce matin. Ce colloque n’ a ressemblé à rien de ce que j’ai connu jusqu’ici. Vous savez comment i
264 tin. Ce colloque n’a ressemblé à rien de ce que j’ ai connu jusqu’ici. Vous savez comment il est né : de l’envoi à des cent
265 i les trois-cents réponses reçues, cent-cinquante ont paru intéressantes aux organisateurs. Une trentaine de leurs auteurs
266 aux organisateurs. Une trentaine de leurs auteurs ont prouvé leur intérêt en envoyant des textes : ce sont ceux que nous av
267 êt en envoyant des textes : ce sont ceux que nous avons discutés ici. Il y a donc eu d’une part quelque chose d’aléatoire, de
268 ont ceux que nous avons discutés ici. Il y a donc eu d’une part quelque chose d’aléatoire, de fortuit dans ce rassemblemen
269 à tous, féliciter vivement la Fondation Veillon d’ avoir pris cette initiative qui est une création en son genre, et dont peut
270 de son initiative, mais de la manière dont elle l’ a réalisée, dans une atmosphère à la fois détendue et attentive, dans u
271 tous égards privilégié, et je comprends que l’on ait eu l’idée d’y construire cette espèce de couvent avec son cloître et
272 s égards privilégié, et je comprends que l’on ait eu l’idée d’y construire cette espèce de couvent avec son cloître et sa
273 ître et sa chapelle, que nous sommes si heureux d’ avoir découvert. Cher Monsieur Veillon, puis-je vous prier de transmettre à
274 c’est lui qui est l’occasion de notre colloque. J’ avais passé la première année de la guerre mobilisé dans l’armée suisse, ma
275 ion de l’oratorio Nicolas de Flue à New York. J’ ai publié là-bas un petit livre sur la Suisse, The Heart of Europe , j’
276 tit livre sur la Suisse, The Heart of Europe , j’ ai travaillé à l’Office of War Information, section « La voix de l’Améri
277 a voix de l’Amérique parle aux Français », puis j’ ai écrit encore deux ou trois livres, dont l’un sur le diable , et l’aut
278 par les Rencontres internationales de Genève, qui avaient pris comme sujet « L’Esprit européen ». C’était au lendemain de la gu
279 j’étais à peine installé près de Genève, quand j’ ai reçu la visite de deux amis, dont Alexandre Marc, que j’avais bien co
280 a visite de deux amis, dont Alexandre Marc, que j’ avais bien connu dans le mouvement personnaliste : ils m’ont jeté bon gré m
281 ien connu dans le mouvement personnaliste : ils m’ ont jeté bon gré mal gré dans l’action fédéraliste européenne, en m’offra
282 je me suis senti « obligé », en quelque sorte. J’ ai dit à mes amis : « Je suis prêt à donner deux ans de ma vie à la caus
283 eulement de ma famille neuchâteloise… Mais cela n’ a pas été facile, car à la suite d’une série de grandes manifestations,
284 e européenne de la culture à Lausanne en 1949, il a fallu mettre sur pied un certain nombre d’institutions, dont le Centr
285 tutions, dont le Centre européen de la culture. J’ ai été son directeur-fondateur à partir de 1949. Tout a dû être créé à p
286 té son directeur-fondateur à partir de 1949. Tout a dû être créé à partir de zéro, et avec très peu d’argent, car les gou
287 dit la vérité ! Le Centre européen de la culture a donné naissance au Centre européen de recherches nucléaires, qui s’ap
288 une Campagne d’éducation civique européenne, qui a été reprise récemment par Bruxelles. Nous avons donc fait du militant
289 , qui a été reprise récemment par Bruxelles. Nous avons donc fait du militantisme sous forme créatrice. Mais bientôt les mouv
290 ements fédéralistes se sont mis à décliner. Ils n’ avaient au fond plus grand-chose à se mettre sous la dent. Ils continuaient d
291 Parlement européen pour désigner l’assemblée qui a été élue ce printemps et qui vient de se réunir à Strasbourg. Elle n’
292 la Finlande, pour des raisons que chacun sait, n’ a pu y entrer.) S’il y avait un vrai Parlement européen à élire au suff
293 entre dans mon projet de vous expliquer comment j’ ai été appelé à écrire L’Avenir est notre affaire . Au cours de la der
294 écologiques, de la préoccupation écologique qui m’ a tout de suite paru capable de donner un sang nouveau au mouvement féd
295 par notre Campagne d’éducation civique européenne a pris pour thème l’enseignement de l’écologie à l’école. J’ai senti qu
296 r thème l’enseignement de l’écologie à l’école. J’ ai senti qu’il y avait là un deuxième souffle pour les fédéralistes euro
297 st développée l’idée de région, sur laquelle nous avions tenu de nombreux colloques à Genève dès 1962. De cette convergence es
298 ie, ni les régions, ni la fédération européenne n’ ont d’avenir séparable de celui des deux autres : ces trois avenirs sont
299 idée des circonstances dans lesquelles mon livre a pris naissance, sans rappeler une soirée mémorable chez un ami, Erico
300 ire : « Écologie – régions – Europe », — et qui m’ a fait écrire mon livre. Je l’ai commencé en 1973 ; j’en avais écrit le
301 urope », — et qui m’a fait écrire mon livre. Je l’ ai commencé en 1973 ; j’en avais écrit les cent premières pages, décriva
302 écrire mon livre. Je l’ai commencé en 1973 ; j’en avais écrit les cent premières pages, décrivant les catastrophes qui nous m
303 al — de telle manière que toute notre économie en eût été complètement bouleversée —, je prenais l’image d’une grosse boule
304 tout. C’était ce qui risquait de se passer. Je l’ ai même dit pendant le tournage d’un film de la télévision française, ch
305 e, chez moi, à Ferney, le 22 août 1973. Le film n’ a pu passer que six mois plus tard, amputé de moitié, parce que quelque
306 la confirmation concrète de ce que j’annonçais. J’ ai dû réécrire toute cette partie de mon livre, que je n’ai pu achever q
307 éécrire toute cette partie de mon livre, que je n’ ai pu achever qu’en cinq ans. Je ne m’en plains pas trop, parce que cela
308 ans. Je ne m’en plains pas trop, parce que cela m’ a obligé à m’éloigner un peu de l’actualité et des chiffres qui font l’
309 actualité et des chiffres qui font l’actualité. J’ ai pu faire mon aggiornamento tout au long de l’écriture de ce livre. À
310 ments, comme les manifestations à Creys-Malville, ont alerté l’opinion, et mon livre en a bénéficié, parce qu’il a paru deu
311 s-Malville, ont alerté l’opinion, et mon livre en a bénéficié, parce qu’il a paru deux mois après. L’éditeur m’a dit : « 
312 opinion, et mon livre en a bénéficié, parce qu’il a paru deux mois après. L’éditeur m’a dit : « S’il avait paru en juin,
313 , parce qu’il a paru deux mois après. L’éditeur m’ a dit : « S’il avait paru en juin, peut-être que cela n’aurait pas marc
314 paru deux mois après. L’éditeur m’a dit : « S’il avait paru en juin, peut-être que cela n’aurait pas marché ! » Pour une foi
315 : « S’il avait paru en juin, peut-être que cela n’ aurait pas marché ! » Pour une fois dans ma vie, j’ai eu l’impression que j’
316 urait pas marché ! » Pour une fois dans ma vie, j’ ai eu l’impression que j’arrivais au bon moment ! D’où un succès, attest
317 it pas marché ! » Pour une fois dans ma vie, j’ai eu l’impression que j’arrivais au bon moment ! D’où un succès, attesté e
318 entre autres par le présent colloque, auquel je n’ avais pas été habitué par mes autres livres, trop difficiles ou trop en ava
319 es, je voudrais résumer la démarche qui me semble avoir caractérisé notre colloque. Cela s’est centré tout de suite et tout n
320 elle servir ? Ce sont les États-nations seuls qui auront le droit de peser sur le bouton rouge, personne d’autre, une région n
321 ne pourrait pas le faire. Et les États-nations n’ ont de comptes à rendre à personne ! J’ai demandé à Einstein, le seul jou
322 -nations n’ont de comptes à rendre à personne ! J’ ai demandé à Einstein, le seul jour où je l’ai vu — c’était en 1947 (au
323 e ! J’ai demandé à Einstein, le seul jour où je l’ ai vu — c’était en 1947 (au moment de notre conversation, l’humanité com
324 de l’humanité en cas de guerre atomique ? » Il m’ a dit : « Eh bien, d’après mes calculs, environ 20 millions de gens sur
325 n veut éviter cette guerre, qui serait comme on l’ a dit hier le grand incendie final, la fin de l’histoire, et sinon de l
326 ui est le domaine des techniques dures comme je l’ ai dit tout à l’heure. C’est la minéralisation de nos existences par la
327 cellules, de ce qui part d’en bas, de l’humus. J’ ai toujours insisté sur cette puissance de la germination, qui peut fiss
328 e paraît symboliser cette nouvelle tendance. Ceci a été très bien mis en relief par plusieurs d’entre vous, par plusieurs
329 is aussi par le travail de Jacques Juillet, qui n’ a pu être des nôtres. Il s’agit de l’opposition entre ce qui vient d’en
330 ards, et sur laquelle aussi certains d’entre vous ont insisté à très juste titre. Nécessité de concevoir la planète entière
331 ive au-dehors. Au nom du vieux principe que Hegel avait déduit de la Révolution française, « L’État-national — on ne disait p
332 par la guerre au-dehors, la tranquillité qu’il n’ a plus au-dedans ». L’Europe, unie — j’insiste — est impossible à conce
333 tir des États-nations ; c’est un cercle carré ! J’ ai appelé, il y a longtemps, la volonté de faire l’Europe à partir des É
334 u bien ils restent misanthropes, mais alors ils n’ ont pas l’idée de faire une amicale, ou seulement pour tromper le monde,
335 autre part, n’est plus une formule viable. Nous n’ avons pas, j’insiste, à le renverser. Je crois qu’il serait tout à fait ill
336 n’est pas sûr, les armes de la Révolution de 1917 ont très vite changé de mains. Il nous faut au contraire construire, crée
337 aux. Nous en venons ici au cœur du débat qui nous a occupés ces deux derniers jours. Je crois que nous avons bien fait de
338 ccupés ces deux derniers jours. Je crois que nous avons bien fait de ne pas nous attarder à toutes les définitions que l’on p
339 a donc toute espèce de définitions des régions, j’ ai donné la mienne qui me paraît la plus englobante : un espace de parti
340 ire d’abord que c’est petit, car autrement il n’y a pas de participation possible, qu’elle soit civique, économique ou po
341 ns tenir compte d’aucune réalité spécifique. Nous avons été tout de suite, je crois, assez profondément d’accord pour reconna
342 cessité des régions ; même celui d’entre nous qui a été le plus réservé, M. Knoepfler, du Conseil municipal de Neuchâtel,
343 se, mais il se pose des questions auxquelles il n’ a pas trouvé de réponses quant à la réalisation de ces « régions à géom
344 riable », comme je les nomme, sur lesquelles nous avons beaucoup discuté le premier jour. Plusieurs des travaux présentés ici
345 outelier, entre autres, y sont revenus. M. Norton a apporté des vues très importantes sur cette notion de géométrie varia
346 variable, ainsi que M. Naef, qui malheureusement a dû nous quitter hier et dont l’avis m’importait beaucoup, car il est
347 du gouvernement suisse. Enfin, M. Strassoldo qui a joué « l’avocat du diable » avec un brio certain ! Je constate, après
348 onstate, après ces deux jours de débats, qu’ils m’ ont obligé à me poser des questions plus précises, plus concrètes sur bie
349 ères (comme dans les mathématiques modernes, vous avez des ensembles topologiques en intersections, et il s’agit de voir que
350 onc, pose une quantité de problèmes auxquels je n’ ai pas trouvé un système de réponses claires, nettes, et définitives. Ma
351 réponses claires, nettes, et définitives. Mais j’ ai été encouragé par cette phrase du professeur Norton, que j’ai recopié
352 ragé par cette phrase du professeur Norton, que j’ ai recopiée pour vous la relire à propos des complexités que pose la rég
353 ies in advance, but one can overcome complexities as one proceeds. » Vous avez tous compris : on ne peut pas poser d’avanc
354 can overcome complexities as one proceeds. » Vous avez tous compris : on ne peut pas poser d’avance la réponse à des questio
355 va tout à fait au fond de la chose. Bien d’autres ont été dites ici, qui m’ont encouragé. Et quand je pense à vos travaux e
356 la chose. Bien d’autres ont été dites ici, qui m’ ont encouragé. Et quand je pense à vos travaux et à nos discussions, j’en
357 ce que j’appelle la pluralité des allégeances. J’ ai l’habitude, je m’en excuse, de prendre mon cas personnel pour illustr
358 , c’est là que ma famille s’est développée, que j’ ai passé mes vingt premières années et que j’ai mes racines, comme on le
359 ue j’ai passé mes vingt premières années et que j’ ai mes racines, comme on le dit par une métaphore critiquable mais coura
360  Tout cela, c’est très joli, mais désormais, tu n’ auras plus qu’une seule allégeance : c’est mon État, et tu vas faire rentre
361 ’abord, que nous devons dépasser. Car, comme on l’ a dit ce matin, les villes, au fond, elles sont « nulle part », elles o
362 villes, au fond, elles sont « nulle part », elles ont détruit souvent leur relief, et toujours leur humus. Elles sont donc
363 s, un principe très simple qui est celui que l’on a appelé dans les écoles sociologiques catholiques de la fin du xixe l
364 la règle de formation du fédéralisme, telle que l’ a exprimée le sénateur américain, David Moynihan. Sa formulation s’appl
365 ne feront que cela, mais qui le feront bien, qui auront un pouvoir clairement limité, mais tout à fait réel dans leur domaine
366 de gens voient là une contradiction. C’est qu’ils ont l’esprit mal formé par Descartes ! Il n’y a aucune contradiction entr
367 ils ont l’esprit mal formé par Descartes ! Il n’y a aucune contradiction entre le pouvoir des petites autonomies et le po
368 une, qui est tellement riche. Les choses que l’on a en commun, les choses communes de la vie de tous les jours, la commun
369 s’autogérer malgré les menaces extérieures. Elles ont créé un pouvoir commun de défense qui était réel mais limité à cela,
370 fédération : cela se dit universitas. Voilà qui m’ a toujours frappé. D’autant plus frappé que l’un des premiers ouvrages
371 uvrages philosophiques et peut-être le seul qui m’ ait vraiment fait impression quand j’avais 15 ou 16 ans, a été l’Éthique
372 e seul qui m’ait vraiment fait impression quand j’ avais 15 ou 16 ans, a été l’Éthique de Spinoza, où j’ai trouvé ce théorème 
373 iment fait impression quand j’avais 15 ou 16 ans, a été l’Éthique de Spinoza, où j’ai trouvé ce théorème : « D’autant plu
374 is 15 ou 16 ans, a été l’Éthique de Spinoza, où j’ ai trouvé ce théorème : « D’autant plus nous connaissons les choses part
375 de tout ce que nous imaginons de la région. Cela a été en tout cas à la base de ce qu’avec mes amis Mounier, Alexandre M
376 is Mounier, Alexandre Marc, Aron et Dandieu, nous avons lancé dans les années 1930, sous le nom de mouvement personnaliste, e
377 e peux pas y croire une seconde, parce que moi, j’ ai les deux pieds sur terre ! », je réponds : « Tant pis pour vous, car
378 lité ! » Si un homme veut marcher, il ne peut pas avoir plus d’un pied à la fois sur la terre ! Et s’il fait un grand bond, i
379 s sur la terre ! Et s’il fait un grand bond, il n’ a plus aucun pied sur la terre, mais il va très loin ! Je vais conclur
380 ration européenne, c’est l’unité de culture. Nous avons une culture commune, nous les Européens. Je vous rappelle ce que Paul
381 es Européens. Je vous rappelle ce que Paul Valéry a écrit là-dessus (et qui devrait être complété) : « Est Européen tout
382 it être complété) : « Est Européen tout homme qui a subi profondément les influences de Rome, d’Athènes et de Jérusalem. 
383 ntes à bien des égards, plus près de nous, et qui ont recouvert le tout. Mais que de contradictions entre ces origines ! Pe
384 iennes d’humilité. Or, ce sont ces antinomies qui ont donné à la culture européenne et à l’Europe dans le monde, son dynami
385 omogènes. Ce sont ces évidences historiques qui m’ ont toujours empêché de prendre l’économie comme base de la construction
386 tions économiques, pour n’en prendre que trois. J’ ai trouvé, et vous pouvez facilement le vérifier, que le rythme de varia
387 aint-Étienne en passant au sud de Grenoble : on y a parlé de l’an 900 jusqu’aux débuts du xixe siècle, soit près de mill
388 ent immédiatement. Je leur dis par exemple « Tu n’ as pas peur de t’encoubler ? » Eh bien, ils savent très bien que cela ve
389 tif. Il y a donc des rythmes millénaires, il y en a d’autres comme la mobilité de nos frontières, qui sont à peine centen
390 e nos frontières, qui sont à peine centenaires. J’ ai calculé la moyenne d’âge des frontières de nos trente États de l’Euro
391 s les huit États de l’Est : c’est 89 ans. Il y en a un qui fait beaucoup monter la moyenne à lui seul, c’est le Portugal,
392 ans modifications. Mais c’est le seul, les autres ont varié dans des proportions inouïes. La France a été pendant longtemps
393 ont varié dans des proportions inouïes. La France a été pendant longtemps le petit « pré carré » entre Paris, Bourges, Or
394 ie par annexions et conquêtes jusqu’en 1861. Elle a très peu varié au xxe siècle. Mais on est étonné de voir que ce ryth
395 re, au sens symboliquement élargi du terme. On m’ a demandé hier, si je voyais des conclusions pratiques se dégager de ce
396 oudrais vous rappeler quelques-unes de celles qui ont été suggérées. Dans le papier de M. Jacques Juillet, il y a une sugge
397 qui existe depuis une trentaine d’années, et qui avait au départ pour présidents MM. Gaston Defferre et Jacques Chaban-Delma
398 le papier de M. et Mme Cosma sur la stratégie, j’ ai salué bien sûr avec une complète approbation, la proposition d’une st
399 ns, de M. et Mme André Birre, avec ce qu’ils nous ont appris sur l’humus, qui donne vraiment et symboliquement une base à t
400 uement une base à tout cela. « Partir d’en bas », ont dit M. Juillet et beaucoup d’autres parmi vous. Je crois que nous som
16 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : réponse à Raimondo Strassoldo (1984)
401 moi. Si vous ne gardez pas cela à l’esprit, vous aurez l’impression que c’est une proportion inverse qu’évoque la lecture de
402 que l’on s’arrête à elle seule. Bien entendu, il a parfaitement raison, on peut toujours dire cela, seulement on ne réfo
403 chose ! » Strassoldo le sait mieux que personne, ayant été l’un des promoteurs de cette belle région transfrontalière Carint
404 etite échelle, il y a deux-cents ans que Rousseau a réfuté le sophisme, qui équivaudrait à exclure la possibilité d’exist
405 itabilité des conflits de frontière Personne n’ a jamais dit que le système des régions éliminerait tous les conflits.
406 IV. De la nécessité des fondements sacrés Il a raison : ni le personnalisme, ni les régions, ni même le fédéralisme
407 écisément contre ces entraînements religieux, qui ont donné les résultats que vous voyez autour de nous, que se sont dressé
408 éens, puis les régionalistes aujourd’hui. Nous en avons assez de ces grands entraînements, de ces grands mythes. Ceux qui che
409 , de ces grands mythes. Ceux qui cherchent cela n’ ont rien à trouver à Crêt-Bérard ! Vous vous doutez bien que ce n’est pas
410 eusement un pur et simple jeu de l’esprit. Il n’y a aucune espèce d’incompatibilité entre les deux choses, à moins qu’on
411 ond à une nécessité absolue, sans laquelle il n’y a aucune société possible. On ne va pas demander à chacun s’il a besoin
412 été possible. On ne va pas demander à chacun s’il a besoin de participer. C’est une évidence qui saute aux yeux : s’il n’
413 C’est une évidence qui saute aux yeux : s’il n’y a pas de participation des citoyens, il n’y a pas de société, en tout c
414 l n’y a pas de participation des citoyens, il n’y a pas de société, en tout cas pas démocratique. VII. Du choix électr
415 ais majestueuses » centrales nucléaires. Mais qui a jamais demandé de vastes surfaces de panneaux solaires ? Cela me rapp
416 nneaux solaires ? Cela me rappelle un débat que j’ ai eu une fois, tout à fait improvisé, après la fin d’un congrès fédéral
417 aux solaires ? Cela me rappelle un débat que j’ai eu une fois, tout à fait improvisé, après la fin d’un congrès fédéralist
418 dans la salle, formée de militants fédéralistes, ont répliqué : « Qu’est-ce que c’est que cette obsession des grandes cent
419 t un phénomène important. Il cite Longo Maï que j’ ai cité dans mon livre. Il ajoute : « Mais je ne crois pas qu’il y ait l
420 is les jeunes gens qui font partie de Longo Maï n’ ont parlé de retour à la nature, ils disent simplement : « Nourrir l’huma
421 ousseau, dans le sens de Marie-Antoinette, cela n’ a aucun rapport ! IX. De la généralisation des modèles fédératifs su
422 ifs suisse et yougoslave Je dois dire que je n’ ai pas pensé une seconde au modèle yougoslave — si même il y en a un ! —
423 ne seconde au modèle yougoslave — si même il y en a un ! — en écrivant mon livre. Je me suis inspiré du modèle suisse, ma
424 même les épidémies. Les fédérations existantes n’ ont jamais été formées par des catastrophes, mais par la nécessité de s’u
425 sophie personnaliste plus les ordinateurs. » Il m’ a répondu : « Ah, celle-là, je vous en veux de l’avoir dite avant moi !
426 ’a répondu : « Ah, celle-là, je vous en veux de l’ avoir dite avant moi ! » XI. Des régions à géométrie variable Je pens
427 XI. Des régions à géométrie variable Je pense avoir toujours dit et décrit le contraire de ce qu’il m’est ici reproché d’
428 rit le contraire de ce qu’il m’est ici reproché d’ avoir défendu ou attaqué. Je crois que Strassoldo a tort d’invoquer la théo
429 avoir défendu ou attaqué. Je crois que Strassoldo a tort d’invoquer la théorie de Konrad Lorenz sur le territoire des ani
430 est presque entièrement racine ; c’est celui qui a la plus mauvaise réputation en littérature, c’est le navet. L’homme e
17 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : remarques sur la note de Stanley Maron (1984)
431 oit à l’enracinement » sur lequel Ortega y Gasset a écrit de belles choses. Il est un temps pour vivre de ses racines dan
432 it celui qui se voudrait exclusif. Les kibboutzim ont de très grandes vertus, mais ne comprennent que 3 % de la population
18 1984, Articles divers (1982-1985). Les Rougemont de Saint-Aubin [préface] (1984)
433 ressens d’abord est un vertige de chiffres. Nous avons chacun 2 parents, 4 grands-parents, 8 arrière-grands-parents… À la si
434 ’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de chances de tenir de lui ! » Mais si les noms sont vérifiés, les ch
435 par l’Europe. Comment quinze millions d’Européens eussent -ils pu nous fournir plus de 2 milliards d’ancêtres ? La seule explica
436 mariages entre cousins plus ou moins rapprochés, ayant , par conséquent, les mêmes ancêtres. Première conclusion : tous les N
437 urtout, sont de la grande famille européenne. (On eût fait rire un Flamand d’avant Napoléon en lui disant qu’il serait « Be
438 léon en lui disant qu’il serait « Belge » et l’on eût scandalisé un Bavarois ou un Saxon en le qualifiant simplement d’« Al
439 s » et son humour, alliés à un sens politique qui a permis que nous devenions Suisses. L’arrière-grand-mère Philippine du
440 e de l’ascendance franc-comtoise, dont mon père m’ a souvent parlé, au point que j’ai baptisé la maison que nous habitons
441 , dont mon père m’a souvent parlé, au point que j’ ai baptisé la maison que nous habitons aujourd’hui « La Chevance », parc
442 à Pierre-Arnold, dans la direction de Besançon. J’ ai quelques pièces tout à fait inédites à lui montrer.) D’autres récits
19 1984, Articles divers (1982-1985). L’Europe et les intellectuels (1984)
443 nis de Rougemont, de tous les intellectuels que j’ ai interrogés jusqu’ici sur l’idée qu’ils se font de l’Europe, vous êtes
444 « Européen militant » ? Il me semble que tout m’y a conduit, à commencer par ma naissance. Dès mon enfance, j’ai entendu
445 à commencer par ma naissance. Dès mon enfance, j’ ai entendu parler chez mes parents des tantes de Dresde, auxquelles nous
446 terre des pères et le continent des rêves, il n’y avait aucune opposition : je l’ai écrit dans un petit ouvrage intitulé Sui
447 des rêves, il n’y avait aucune opposition : je l’ ai écrit dans un petit ouvrage intitulé Suite neuchâteloise , publiée e
448 ’Europe franco-germanique, c’est que d’abord je l’ ai trouvée dans ma famille, où tant de traditions se croisent et se mari
449 te dans mon cas. Dès l’âge de 15 ans, je pense, j’ ai découvert Rimbaud, qui était pour ma génération notre ange révolté, m
450 adolescence, je ne croyais qu’à la poésie, puis j’ ai découvert la théologie avec Karl Barth, dans la lignée « existentiell
451 y, quand il affirmait qu’est européen tout ce qui a été marqué par Athènes, Rome et Jérusalem. On cite toujours ces trois
452 ique et la celtique, voire plus tard l’arabe, qui ont été et restent capitales pour la littérature européenne. C’est en som
453 s œuvres japonaises, comme le Roman de Genji, qui a joué au Moyen Âge un rôle un peu analogue à celui du Roman de Tristan
454 Tristan pour l’Europe. Cette découverte éblouie m’ a fait écrire en trois mois L’Amour et l’Occident , un titre qui peut
455 eterre, grâce à T. S. Eliot, et aux États-Unis, m’ a beaucoup aidé à gagner l’intérêt des éditeurs et l’amitié des critiqu
456 es critiques américains, pendant les années que j’ ai passées là-bas, de 1941 à 1947. Vous avez dit et écrit à plusieurs re
457 ées que j’ai passées là-bas, de 1941 à 1947. Vous avez dit et écrit à plusieurs reprises que c’est en Amérique que vous avez
458 plusieurs reprises que c’est en Amérique que vous avez découvert l’Europe. Comment cela s’est-il passé ? De deux manières.
459 s’est-il passé ? De deux manières. D’une part, j’ ai retrouvé à New York beaucoup d’écrivains, d’intellectuels et d’artist
460 ntellectuels et d’artistes, que je fréquentais ou aurais pu fréquenter à Paris dans les années 1930, et avec lesquels je me su
461 nostalgie lancinante, révélatrice de ce que nous avions perdu et que nous ne pourrions retrouver un jour que si l’Autre était
462 rdre nouveau. C’était l’aventure permanente. Nous avions en commun l’essentiel de nos refus et de nos propositions. Je vais es
463 uteurs, comme Edgar Morin et Jean-Marie Domenach, ont insisté sur le caractère récent de leur sympathie européenne, et sur
464 r sympathie européenne, et sur la méfiance qu’ils ont ressentie après la guerre à l’égard d’une Europe qui leur semblait êt
465 le jeu de la guerre froide. Ce n’est pas et ce n’ a jamais été votre position. Pourquoi ? Je n’ai jamais, pas un instant,
466 ce n’a jamais été votre position. Pourquoi ? Je n’ ai jamais, pas un instant, senti les choses de cette manière. Pour moi,
467 nées de ce que je considérais comme un exil, je n’ avais qu’une idée, qui était de fédérer les Européens pour leur propre salu
468 marxiste de l’époque, le Hongrois Georg Lukács, j’ ai soutenu la thèse que le sort de la paix dépendait désormais d’une uni
469 plus tard, à peine rentré pour de bon des USA, j’ ai accepté d’introduire par un discours le premier congrès des fédéralis
470 se tenir à Montreux au début de septembre 1947. J’ ai retrouvé là de vieux amis de l’Ordre nouveau, comme Alexandre Marc et
471 coup, Henri Brugmans, qui présidait l’affaire. J’ ai parlé de « l’Attitude fédéraliste », et le succès a été tel que je me
472 parlé de « l’Attitude fédéraliste », et le succès a été tel que je me suis vu en quelque sorte catapulté dans un rôle de
473 e ou « libre et engagé » selon les formules que j’ avais lancées dans les années 1930, et dont on me disait maintenant que c’é
474 ’était « l’engagement, comme dit Sartre… » Je lui ai laissé le mot, et j’ai gardé la chose. J’ai dit à mes amis fédéralist
475 comme dit Sartre… » Je lui ai laissé le mot, et j’ ai gardé la chose. J’ai dit à mes amis fédéralistes que j’étais prêt à c
476 e lui ai laissé le mot, et j’ai gardé la chose. J’ ai dit à mes amis fédéralistes que j’étais prêt à consacrer à leur campa
477 ai 1948, présidé par Winston Churchill, et dont j’ ai assumé la partie culturelle présidée à La Haye par Salvador de Madari
478 de la politique. Dans une série de réunions que j’ avais convoquées à Paris, à Genève, à Royaumont, à la Chambre des communes,
479 des communes, la commission culturelle du congrès a mis au point non seulement le Rapport culturel, mais bien plus que ce
480 éens », qui devait clôturer le congrès, et dont j’ avais exigé et obtenu qu’il fût rédigé par moi au nom de ma commission. J’é
481 ar moi au nom de ma commission. J’étais embarqué. Avez -vous été soutenu, durant ces années de création du Mouvement européen
482 résidée par Salvador de Madariaga, Ignazio Silone ayant décliné cet honneur — mais il devait être par la suite l’un des intel
483 . Il y avait dans la commission ou parmi ceux qui avaient contribué à ses travaux préparatoires des hommes tels que Bertrand Ru
484 même quelques anciens ministres… Quels résultats avez -vous enregistrés ? Après la lecture de mon « Message aux Européens »,
485 l’espoir. Le principal, pour ce qui me concerne, a été la décision de créer un « Centre européen de la culture », chargé
486 u Mouvement européen, né du congrès de La Haye, j’ ai ouvert à Genève un « Bureau d’études pour un Centre européen de la cu
487 urs de l’Union européenne des fédéralistes, qui m’ avait déjà secondé à La Haye. Ensemble, nous avons préparé une Conférence e
488 ui m’avait déjà secondé à La Haye. Ensemble, nous avons préparé une Conférence européenne de la culture qui devait définir le
489 rapporteur général, et Silva secrétaire général, avait préparé et conduisit la conférence. On entendit dès l’ouverture le pr
490 ns qui furent adoptées à la séance de clôture, 21 ont été suivies de réalisations, chiffre, je crois, jamais atteint par au
491 , et qu’on n’imagine pas confié à un écrivain. Qu’ avez -vous pu réaliser, ou essayé de réaliser pendant les trente-trois ans
492 de réaliser pendant les trente-trois ans que vous avez passés à la tête du Centre, soit comme son directeur, soit depuis 197
493 e temps. Je mentionnerai d’abord deux idées que j’ ai lancées et qui se sont réalisées grâce au Centre mais hors de lui. La
494 ion étroite avec Raoul Dautry, puis Pierre Auger, a été le Centre européen de recherches nucléaires, ou CERN, foyer de re
495 tions de leurs résultats à la vie civile. Le CERN a été un succès exemplaire, retentissant, mais qui s’est réalisé en deh
496 sco puis de treize gouvernements. La seconde idée a été celle d’une fondation, l’actuelle Fondation européenne de la cult
497 dée par le prince Bernhard des Pays-Bas, et que j’ ai instituée et dirigée au siège de notre Centre d’abord, pendant deux a
498 is, Paul Rykens, président de Unilever. Mais nous avons créé et gardé au CEC — présidence, secrétariat, lieu de rencontre — n
499 t enfin des colloques, séminaires et congrès, qui ont rassemblé à la Villa Moynier, siège genevois du CEC, des centaines d’
500 s de Rougemont, comme écrivain, pendant ce temps, avez -vous encore trouvé le moyen d’écrire pour vous ? C’est le problème de
501 nseigne encore à titre de professeur honoraire, j’ ai été amené à publier une dizaine d’ouvrages sur l’Europe et ses problè
502 comités et de congrès. Mais dans le même temps, j’ ai écrit et publié une quinzaine d’ouvrages littéraires et philosophique
503 génération et de celle des grands aînés que vous avez cités. Est-ce à vos yeux décourageant ? Il est certain que les écriva
504 uccessives de J.-P. Sartre. Dans le texte qu’il m’ avait envoyé pour la conférence de Lausanne, Sartre expliquait que la cultu
505 it encore dans le tiers-monde, car « l’Européen n’ a pu se faire homme qu’en fabriquant des esclaves et des monstres ». Il
506 onstres ». Il va jusqu’à dire que les Européens n’ ont édifié leurs cathédrales (sic) que grâce à l’exploitation colonialist
507 terrogiez sur l’intellectuel et l’Europe. Je vous ai donné un exemple concret, le mien. Les mouvements européens avec lesq
508 le mien. Les mouvements européens avec lesquels j’ ai travaillé dans les années 1950 et 1960 font du surplace, c’est éviden
509 e nouvelle génération, dont je me sens solidaire, a relancé le combat pour l’avenir. Elle fait sienne, dans sa majorité,
510 enne, dans sa majorité, le mot d’ordre que je lui ai proposé : Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir. L’Europe n
511 n sûr, mais aussi les Germains et les Celtes, qui ont recouvert le continent (sauf Rome et Delphes, mises à sac par jalousi
512 e note : « Écrivain et philosophe dont les œuvres ont été traduites en 18 langues, Denis de Rougemont a fondé en 1949 à Gen
513 t été traduites en 18 langues, Denis de Rougemont a fondé en 1949 à Genève le Centre européen de la culture. Il en a été
514 à Genève le Centre européen de la culture. Il en a été le directeur de 1949 à 1978 et en reste le président. Il a égalem
515 cteur de 1949 à 1978 et en reste le président. Il a également présidé le Congrès pour la liberté de la culture (1952-1966
516 nir est notre affaire (1977). Cette conversation a été enregistrée chez lui, à Saint-Genis-Pouilly, en juin 1982. »
20 1984, Articles divers (1982-1985). Informatique, société, sagesse (1984)
517 entier. Moins de bien : car Orwell, à mon sens, n’ a pas été le vrai prophète que l’on célèbre à l’unisson. Et cela pour d
518 e déroule l’action de son roman, l’Europe entière a été absorbée par la Russie soviétique et la Grande-Bretagne par les A
519 la grande puissance totalitaire de l’Est et qui l’ a comme frappée de stupeur interdite, par la voix et l’action d’un chré
520 ou comme Jérémie : « Seigneur, tu le sais ! je n’ ai pas désiré le jour du malheur ! » Le vrai prophète veut détourner son
521 veiller en nous le courage de réagir, jamais il n’ a montré les buts d’une action libératrice, ni les finalités de l’espri
522 es exigences de leur vocation de liberté. Orwell a pressenti l’avenir effrayant qu’allaient rendre possible à bref délai
523 ues et de leurs technologies de pointe, dont il n’ a pu connaître en 1948 que les balbutiements : je veux parler des armes
524 oici les phrases capitales dans lesquelles Orwell a prévu ce que nous sommes en train de vivre dans nos États-nations de
525 TV dans tous les ménages. Mais c’est cela qui lui a suggéré l’idée maîtresse du livre : l’omniprésence, à tous les moment
526 u et c’est le côté un peu Tintin de ce roman). En avons -nous conscience ? Sans relâche, à toutes les heures du jour et de la
527 uvoir, soit contre lui, mais sur les thèmes qu’il a choisis. Il y a là, beaucoup plus qu’on ne le croit, une entreprise p
528 ens fichiers manuels, mais que les Pouvoirs seuls ont établi et dont ils sont seuls responsables. Ce qui me fait peur, — c’
529 ux nous apprennent que des gamins de 16 ou 17 ans ont « pénétré » les codes d’une banque, d’une institution médicale, voire
530 la bombe atomique , publié d’abord à New York, j’ avais écrit le Post-scriptum que voici : Un dernier mot, et dire que j’a
531 rriblement dangereux c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe et qui se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe
532 e paraît aujourd’hui nécessaire. La Bombe ne peut avoir aucun emploi bénéfique pour l’homme, ni pour sa liberté. Il n’en va p
533 e employé pour le bien autant que pour le mal. On a beaucoup dit qu’il favoriserait non seulement la surveillance policiè
534 à, dit mon ami, vous me rendez jaloux de ne pas l’ avoir trouvée ! » Je vous ferai grâce, aujourd’hui, de la démonstration fa
535 nient sont des faibles d’esprit. Or le chômage n’ a pas cessé d’augmenter depuis ce temps-là. Qu’en est-il aujourd’hui d
536 e : « le syndicat de l’automobile, un des rares à avoir essayé de mesurer les conséquences de l’automatisation, prévoit que l
537 978 et 1990 de 1 million à 800 000, bien que l’on ait retenu comme hypothèse une croissance de 1,8 % des ventes de voiture
538 : « dans les postes américaines, l’automatisation a entraîné une baisse des effectifs de 10 % depuis 1970, faisant de la
539 Les récentes grèves dans les P&T françaises n’ avaient pas d’autre motif.) Le rapport Nora et Minc, établi en 1978, prévoyai
540 , le patronat ni même la plupart des syndicats, n’ ont prêté la moindre attention aux répercussions possibles de l’automatis
541 ces déclarations optimistes… Quelques indications ont paru, au contraire, précisant que depuis dix ans, l’augmentation stup
542 tation stupéfiante de la production d’ordinateurs a correspondu à une baisse marquée dans la main-d’œuvre qui les fabriqu
543 des psychologiques poursuivies en Grande-Bretagne ont montré que beaucoup d’usagers de l’ordinateur se sentent aujourd’hui
544 ec l’ordinateur provoque en eux un stress dont on a mesuré les effets. Dans le domaine du dessin industriel, par exemple,
545 reau international du travail, saisi du problème, a formulé des mesures de protection contre ce stress. L’économiste angl
546 occidentale : liberté ou chômage ? La question n’ a toujours pas reçu de réponse. L’informatisation de l’industrie n’a fa
547 çu de réponse. L’informatisation de l’industrie n’ a fait que rendre plus urgent et dramatique le problème, toujours renvo
548 ». Il va jusqu’à suggérer que la machine pourrait avoir quelques rapports avec l’affectivité, puisque certaines notions de la
549 otre expérience en intelligence artificielle nous a montré que de nombreuses notions comme la créativité, l’affectivité,
550 nature humaine, il répond qu’en effet, « comme l’ a fait la religion dans le passé, l’ordinateur est en train d’amorcer u
551 re qu’un ordinateur espère. » Non : la machine n’ a pas de mémoire, n’a pas d’espoir non plus, ni d’affectivité, et n’est
552 espère. » Non : la machine n’a pas de mémoire, n’ a pas d’espoir non plus, ni d’affectivité, et n’est donc pas humaine. C
553 ons de nous précipiter vers un avenir dont nous n’ avons pas même pris le temps d’évaluer les enjeux humains, obsédés que nous
554 que nous sommes par des gains immédiats. Je vous ai cité des chiffres effarants sur le chômage que nous prépare l’informa
21 1984, Articles divers (1982-1985). Trois manières de considérer le nucléaire (1984)
555 e trentaine de points noirs sur la carte. Comme j’ avais l’esprit occupé par la promesse d’une préface pour cette brochure, pe
556 cette brochure, pendant une fraction de seconde j’ ai cru qu’il s’agissait de la répartition des centrales nucléaires, et l
557 éaires, et la similitude ou plutôt le contraste m’ a frappé : les grands monuments symboliques de la civilisation du Moyen
558 ments symboliques de la civilisation du Moyen Âge ont été les cathédrales, ceux de notre époque seront les lourdes tours nu
559 es édifiées par la piété des communautés urbaines ont été les sources puissantes de l’énergie spirituelle de l’Occident, ce
22 1984, Articles divers (1982-1985). Le Patrimoine européen [conclusion] (1984)
560 teints ! Car en laissant les choses aller, il les a livrées à une logique qui s’est imposée à nous tous, celle du concept
561 r ce trajet géographico-historique : il me semble avoir curieusement contourné l’Empire romain, et par là même corrigé quelqu
562 , de Rome et de Jérusalem. Je regrette que nous n’ ayons pas eu l’occasion de souligner assez fortement que trois influences o
563 et de Jérusalem. Je regrette que nous n’ayons pas eu l’occasion de souligner assez fortement que trois influences originel
564 otre histoire. (Une autre fois, j’espère que nous aurons le temps de mieux définir deux autres apports importants qui compliqu
565 ales (yoga hindou et bouddhisme zen.) Enfin, nous avons tenté quelques survols de cette unité dans la pluralité des sources e
566 long de ces trois journées, il me semble que nous avons fourni un effort unanime et, je crois, réussi, pour entretenir le dia
567 ’Ouest. ⁂ Resserrons-nous maintenant sur ce que j’ ai appelé la logique interne de tout débat sur le patrimoine culturel eu
568 t débat sur le patrimoine culturel européen. Nous avons constaté que le patrimoine, au sens de passé dont nous héritons, ne p
569 des antinomies, dont voici une petite liste que j’ ai établie pendant que vous parliez, les uns et les autres : — tradition
570 ourage d’affronter les risques ; — l’union solide ayant pour fonction de garantir l’autonomie de ses membres. ⁂ Tout cela, po
571 e fédération d’une Europe ouverte sur le monde. J’ ai eu ici la très heureuse surprise de constater que la nécessité modern
572 édération d’une Europe ouverte sur le monde. J’ai eu ici la très heureuse surprise de constater que la nécessité moderne d
573 usions pour apporter une importante précision. On a coutume, à propos des régions, d’insister sur le nécessaire enracinem
574 s un milieu naturel et humain où l’on dit « qu’il a ses racines ». Mais en fait l’homme n’est pas un légume, c’est un ani
575 acinement mais la mobilité qui le caractérise. On a beaucoup exagéré l’importance des racines — c’est-à-dire du passé — d
576 ns, qui oublient que parmi les légumes, celui qui a la plus grosse racine de tous, qui est même presque tout entier racin
577 e presque tout entier racine, est aussi celui qui a la plus mauvaise réputation en littérature : c’est le navet. À l’idée
578 emarques générales sur nos colloques. Ce que nous avons essayé de faire dans celui-ci, comme dans celui de l’an dernier, c’es
579 divisions morbides que la folie des nationalités a mises et met encore entre les peuples de l’Europe, grâce aux politici
580 t profonds de ce siècle, l’œuvre commune de l’âme a consisté à préparer, à supputer et à anticiper cette nouvelle synthès
581 crise, c’est le mot dominant, crise que l’Europe a fomentée en répandant imprudemment sa civilisation industrielle et te
582 tures les moins faites pour l’accueillir, qu’elle a profondément déstabilisées, et dont le désarroi peut être exploité co
583 contre nous, y compris dans ce que notre culture a créé de meilleur. Ce qui doit dominer nos préoccupations aujourd’hui,
584 as de page d’une chronique de ce temps, qu’il n’y aura plus personne pour lire. Nous avons rappelé et défini les principale
585 ps, qu’il n’y aura plus personne pour lire. Nous avons rappelé et défini les principales diversités, qui constituent notre u
586 éer dans toutes les sociétés qu’elle touche. Nous avons fait beaucoup pour nous connaître mieux, nous les Européens fauteurs
587 les anticorps des virus que nous propageons. Nous avons essayé de mieux nous connaître et nous y sommes arrivés quelquefois,
588 te idée de comparaison active, prospective, que j’ ai proposé depuis plus de vingt ans, avec une certaine obstination, ce q
589 des plus fructueux et encourageants auxquels il m’ ait été donné de prendre part au cours de ces dernières années. ac. Ro
23 1984, Articles divers (1982-1985). Club-Énergie de l’Est vaudois : avec Denis de Rougemont (19 juin 1984)
590 audois : avec Denis de Rougemont (19 juin 1984)ah ai L’ensemble des conflits qui couvent ou se déclarent en cette fin d
591 réelle sans nulle puissance, ni de puissance qui ait quelque saveur sans au moins l’illusion qu’on l’exerce « librement ».
592 st le choix d’une priorité, à laquelle les moyens ont pour devoir de concourir. Choisir les centrales nucléaires — quelle q
593  », L’Est vaudois, Montreux, 19 juin 1984, p. 6. ai . Précédé de cette note : « En vue des votations relatives aux initiat
594 us ses membres et sympathisants, texte qu’il nous a semblé utile de reproduire ici. Par ailleurs, le même Club-Énergie an
24 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage I] (1985)
595 ’Emmanuel Mounier [témoignage I] (1985)al Nous avions entre vingt-cinq et trente ans pour la plupart dans les équipes fonda
596 thèse bien connue de Jean-Louis Loubet del Bayle a nommée « les non-conformistes des années 1930 », je vais vous apporte
597 ue de la « génération des années 1930 » me semble avoir été déterminé par la nature particulière de l’affrontement de l’Est e
598 juifs, agnostiques et nietzschéens ensemble, nous avons choisi de fonder sur la personne, c’est-à-dire sur cet homme à la foi
599 Et là-dessus, deux précisions d’actualité. 1. On a dit que nous étions « totalement négatifs ». Et c’est un fait que, fa
600 s dans le cas des régimes totalitaires, dont nous avions tenté très sérieusement de comprendre les motivations — ce qui nous f
601 la mesure même où ils étaient totalitaires. 2. On a dit que nous étions « fascinés » par les jeunes fascistes, et que nou
602 t atteindre sa pleine stature en Allemagne, après avoir conquis la Russie soviétique et l’Italie, nous voulions le dénoncer e
603 de même ! que l’expression d’« État totalitaire » a été introduite par Mussolini, qui venait de faire sa carrière politiq
604 du tsarisme ; et, enfin, que la guerre, en 1939, a été déclenchée par le pacte scélérat entre nazis et communistes, sous
605 oudrais pas affirmer ici un seul instant que nous avions raison sur tout et dans toutes nos diverses options, assez diverses s
606 lles étaient alors nos motivations, qu’ainsi nous avons vécu notre époque, dans les années 1930. Il me semble que nous étions
607 jourd’hui. Ce que j’affirme ici, c’est que nous n’ avons pas fini de nous battre pour une société des personnes libres et resp
608 ociété des personnes libres et responsables. Nous avons à peine commencé. al. Rougemont Denis de, « Témoignage I : Le pers
25 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage II] (1985)
609 anuel Mounier [témoignage II] (1985)am Je vous ai dit hier comment je me rappelais avoir vécu le personnalisme du début
610 am Je vous ai dit hier comment je me rappelais avoir vécu le personnalisme du début d’Esprit. On vient de nous dire commen
611 début d’Esprit. On vient de nous dire comment il avait été perçu. Si les notes que j’ai prises pendant qu’il parlait sont ex
612 re comment il avait été perçu. Si les notes que j’ ai prises pendant qu’il parlait sont exactes, John Hellman voit dans le
613 les jugements du cardinal Verdier sur Esprit, qui aurait été en tant que Troisième force un curieux centre, à mi-chemin entre
614 u-nalisme », plutôt que du personnalisme que nous avons vécu. Hellman nous dit que, dans un tract intitulé Le Voltigeur, j’au
615 s dit que, dans un tract intitulé Le Voltigeur, j’ aurais réclamé la création en France d’un « fascisme antifasciste ». L’erreu
616 évidente et elle est aussi grave que possible. J’ ai souvent mis en garde, en effet, contre le danger d’un antifascisme sy
617 re biblique des Proverbes 6 en deux versets que j’ ai cités dans une réédition récente de La Part du diable . Les voici :
618 rde pas comme sage. Inutile de dire qu’en fait j’ avais choisi l’antifascisme déclaré, mais fondé sur les exigences créatrice
619 ant et le plus pathétique sans nul doute. Quand j’ ai publié en 1934 un recueil d’essais et de conférences intitulé Politi
620 é Politique de la personne , la Pravda de Moscou a déclaré que « toutes les positions d’un fascisme français étaient déf
621 ans ce livre ». C’est ainsi que les communistes m’ avaient sinon « perçu », du moins avaient décidé qu’il fallait me percevoir.
622 s communistes m’avaient sinon « perçu », du moins avaient décidé qu’il fallait me percevoir. Cette phrase se trouve préfigurée
623 tions » des jeunes groupes révolutionnaires que j’ avais composé pour le numéro de décembre 1932 de la NRF . C’est Jean Paulh
624 cembre 1932 de la NRF . C’est Jean Paulhan qui m’ avait proposé ce « Cahier », à la suite d’un petit article paru dans une re
625 semaine après cette visite, Nizan m’écrivit qu’il avait remis son papier à Paulhan, et qu’il allait nous envoyer des « propos
626 a revue Europe, dirigée par Jean Guéhenno (dont j’ ai cité tout à l’heure la lettre à Romain Rolland qui nous qualifie de f
627 n, qui m’attaque avec une extrême violence : je l’ avais trompé, affirme-t-il, en lui cachant l’identité des participants non
628 participants non communistes à mon enquête. S’il avait su, il n’eût jamais accepté de collaborer. Et il me traite de « serge
629 on communistes à mon enquête. S’il avait su, il n’ eût jamais accepté de collaborer. Et il me traite de « sergent recruteur
630 u’il est faux d’écrire aujourd’hui que Paul Nizan a « perçu » le personnalisme comme préparant les voies du fascisme fran
631 sance de cause, par un mensonge délibéré, il nous a dénoncés comme fascistes sur ordre du Parti. Le totalitaire, c’était
632 ustes mesures la notion de « perçu », telle qu’on a tenté de l’opposer à celle du vécu, — ce vécu dont il nous appartient
26 1985, Articles divers (1982-1985). Quelques-uns de mes écrivains : anecdotes (1985)
633 , vous savez, j’y viens presque tous les jours, j’ ai un bureau en bas, non, vraiment… » — « Eh bien, fait-il, le jour où j
634 tard en physique atomique une chambre à bulles », ai -je écrit ailleurs8. J’avais rencontré là plusieurs des demi-dieux de
635 une chambre à bulles », ai-je écrit ailleurs8. J’ avais rencontré là plusieurs des demi-dieux de mon adolescence littéraire,
636 rtinentes, et sans doute obscures à leurs yeux. J’ avais fini par m’en accommoder, m’en amuser, en dépit des malices de Paulha
637 s est-ce vrai ce que l’on dit, que c’est vous qui avez écrit le dernier recueil d’essais de Daniel Halévy ? » Je le connais
638 nt de m’arriver quelque chose de bien décevant. J’ ai essayé de relire Cicéron dans l’espoir de le trouver surréaliste… Eh
639 t-il, justement nous parlions de Commerce 9. On m’ a dit que la revue allait être reprise par vos Éditions “Je sers”… » —
640 en discussion. Quelques exemples parmi ceux que j’ ai gardésao : le 12 octobre 1949 Cher ami Merci. Je suis ravi de ces pa
641 irable10. Nous le citerons (et je voudrais bien l’ avoir écrit). amicalement J. P. Les N. C. 11 ne sont pas seulement assomm
642 pas seulement assommants (depuis qq. temps). Ils ont je ne sais quoi d’empêché, de contraint. Pourquoi ? Je voudrais bien
643 mpêché, de contraint. Pourquoi ? Je voudrais bien avoir votre avis sur la note jointe. 21.VIII.1949 Mon cher ami ah j’aura
644 la note jointe. 21.VIII.1949 Mon cher ami ah j’ aurais tout à fait besoin du Saint-John Perse avant le 10 septembre. Est-ce
645 une table, discutant les menus, et contents. Je n’ ai revu Artaud qu’une seule fois, après mon retour d’Amérique, à l’autom
646 uette à droite du tourniquet d’entrée. Mes amis m’ ayant quitté, j’ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend la ma
647 u tourniquet d’entrée. Mes amis m’ayant quitté, j’ ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend la main. Moment de
648 les bureaux de l’Office of War Information, où il avait un job, et où j’en cherchais un. On nous présente. « Dire que nous av
649 n cherchais un. On nous présente. « Dire que nous avons vécu des années à Paris sans nous rencontrer ! » s’écrie-t-il, et il
650 « Votre dernier livre est un livre dangereux ! J’ ai pu le voir, par les réactions d’Elisa ! » (sa nouvelle femme). Il s’a
651 et peut-être engageante dans le cas d’Elisa pour avoir été tolérée par ses jeunes amis du groupe surréaliste reformé à New Y
652 l faut bien sauver la face… L’athéisme flamboyant a toujours été l’un des dogmes de la secte surréaliste. Tout d’un coup,
653 ogmes de la secte surréaliste. Tout d’un coup, il a trouvé la solution : « Nous allons demander à Marcel de trancher le d
654 ce que cela peut bien lui faire ? Avec ça qu’il n’ a pas fait une religion de son surréalisme ! » Ce sera tout. Commande d
655 e la plus belle contrepèterie du siècle ? Je ne l’ ai jamais entendu citer par d’autres. Je vais pour sortir de chez Gallim
656 nouveaux commandeurs de la Légion d’honneur. « J’ ai pas su pleurer dans les ministères. J’ai pas su dire : “C’est pas pou
657 eur. « J’ai pas su pleurer dans les ministères. J’ ai pas su dire : “C’est pas pour moi, c’est pour ma mère ! La pauvre, el
658 e est morte il y a douze ans…” » Ce matin même, j’ ai lu dans un journal qu’il l’avait enfin, sa cravate ! Et le voilà. Je
659  » Ce matin même, j’ai lu dans un journal qu’il l’ avait enfin, sa cravate ! Et le voilà. Je lui dis : « Léon-Paul, je n’ose p
660  Léon-Paul, je n’ose plus vous serrer la main ! J’ ai peur d’être Don Juan au dernier acte… » Il s’arrête. « June homme ! M
661 homme ! Moi, je vais vous en dire une ! Avant, j’ avais la roseur de la Légion d’honnête. À présent, j’ai la candeur de la Co
662 is la roseur de la Légion d’honnête. À présent, j’ ai la candeur de la Comment-ça-vat !… » Et il ajoute, après avoir enregi
663 eur de la Comment-ça-vat !… » Et il ajoute, après avoir enregistré ma réaction : « Hein ! Comme contrepèterie, a s’pose là !
664 istré ma réaction : « Hein ! Comme contrepèterie, a s’pose là ! Il y a quinze jours que j’y travaille… » Au restaurant « 
665 t il dit : « Ça ira pour cette fois. Mais la mort a fait un nœud à son mouchoir… » La valise Lettre de Charles-Albe
666 ous écrirai plutôt dans quelques jours, dès que j’ aurai une adresse. Et vous me direz alors si vous consentez à donner quelqu
667 us tard, sur le quai de la gare de Berne, où nous avons pris rendez-vous. Il arrive, lentement, poussant son vélo à la main,
668 je n’entends rien de ce que l’autre peut dire… J’ ai quitté la maison de Budry, et j’ai été m’installer de l’autre côté de
669 e peut dire… J’ai quitté la maison de Budry, et j’ ai été m’installer de l’autre côté de la place, dans un petit hôtel. J’a
670 l’autre côté de la place, dans un petit hôtel. J’ ai une chambre qui donne sur la place. Le matin, je m’installe sur le ba
671 aul Valéry, Léon-Paul Fargue, Valery Larbaud. » J’ avais entendu dire que la princesse Bassiano venait de décider d’interrompr
27 1985, Articles divers (1982-1985). Éloge de Jean Starobinski (1985)
672 mes collègues jurés du Prix européen de l’essai m’ ont demandé de prononcer l’éloge du lauréat que nous venions de choisir,
673 ue nous venions de choisir, mon premier mouvement a été de joyeuse acceptation, et puis un scrupule m’est venu, presque u
674 prudent et circonspect en tous domaines, je ne l’ ai jamais été, hélas, dans aucun. Il est analytique et méthodique, moi p
675 que, moi plutôt polémique et passionné. Autant il a su préserver l’irénisme du philosophe dans ses écrits et son comporte
676 omme le dit si joliment Montaigne, alors que je n’ ai jamais cessé de m’engager pour des causes, et tant pis pour moi. Ceci
677 es causes, et tant pis pour moi. Ceci encore : il a tout lu et se souvient de tout, à l’instant où il le faut ; moi j’ess
678 e suis dit : voyons un peu plus large. Ensuite, j’ ai lu ce Montaigne en mouvement, ce maître livre, dont je vous parlerai
679 es antinomies apparentes. Le simple fait que nous ayons , à partir d’origines si différentes, choisi Genève pour y vivre et tr
680 availler, plutôt que Paris et les États-Unis, qui avaient de quoi nous tenter l’un et l’autre à la fin de la dernière guerre ;
681 us. Enracinés dans la littérature française, nous avons l’un et l’autre été nourris par l’Europe germanique et le monde anglo
682 de l’engagement tel qu’on le parle, Starobinski n’ a jamais négligé le devoir civique : c’en était un pour lui que de prés
683 ce de la phrase. D’un texte de Starobinski dont j’ eus un jour connaissance, je voudrais vous citer, en toute indiscrétion,
684 xigences de la science sans offenser la clarté. J’ ai donc ambitieusement défini ma tâche : conférer à l’essai littéraire,
685 qu’on lise à cet égard l’importante préface qu’il a donnée aux Noces et à Sueur de sang de Pierre-Jean Jouve ; mais aussi
686 ands albums de Skira, ces images du xviiie qu’il a choisies pour illustrer L’Invention de la liberté. On n’a pas mieux é
687 es pour illustrer L’Invention de la liberté. On n’ a pas mieux écrit en prose dans ce pays. Et Jean Starobinski est certai
688 ttéraire de notre temps, dès lors que sa critique a valeur « littéraire » par elle-même. Écrivain comme peu d’autres, ici
689 hui, quoi qu’il publie et sur quelque sujet qu’il ait choisi. C’est ici l’occasion de lui adresser un éloge accessoire sans
690 aujourd’hui l’un des très rares à mériter : il n’ a jamais cédé à la mode jargonnante qui tyrannise nos soi-disant scienc
691 Il semble que les astres mêmes ordonnent que nous avons assez duré… Le plus voisin mal qui nous menace n’est pas altération d
692 Montaigne est un labyrinthe où les faux-semblants ont , pour ainsi dire, cours légal… Le mensonge se cache si peu qu’il pren
693 ensonges officiels, du « paraître ». Pourtant, il a bien vu l’insuffisance d’une attitude de refus pur et simple et de l’
694 illusion, nous dit-il, consiste à croire que l’on a quitté le domaine incertain de la décision éthique pour entrer dans c
695 faire croire qu’elle nous est extérieure, pour n’ avoir pas à s’avouer nôtre… Tout cela prolonge les analyses de Montaigne, e
696 hacun sait que les portraits peints par Rembrandt ont tous un air de ressemblance, qui est le sien. Ainsi va-t-il de Montai
28 1985, Articles divers (1982-1985). L’agora, condition première de la démocratie réelle (décembre 1984-janvier 1985)
697 e réelle (décembre 1984-janvier 1985)aj Vous m’ avez demandé ce que signifie pour moi le terme agora. Je vous réponds d’au
698 s d’autant plus volontiers que le concept d’agora a toujours joué un rôle fondamental dans ma théorie du fédéralisme. L’a
699 ter, par l’action publique. Platon et Aristote en ont beaucoup parlé. Aristote surtout a traité du rôle indispensable de l’
700 Aristote en ont beaucoup parlé. Aristote surtout a traité du rôle indispensable de l’agora dans la vie d’une cité, et il
701 pensable de l’agora dans la vie d’une cité, et il a décrit les dispositions architecturales typiques de la place publique
702 reffiers-là, passant le col ouvert vers 1240, qui ont fourni aux premiers confédérés les instruments nécessaires pour expri
703 s liens jurés, leurs « foederationes »5, puis ils ont poursuivi leur voyage vers le nord, appelés par les villes rhénanes,
704 , plaza, praça, Platz, plein ou même square, on l’ a vu, selon les pays du continent. Les règles impératives à respecter s
705 s à respecter si l’on veut que l’agora fonctionne ont été formulées par Aristote, notamment dans sa politique. La première
706 remière règle est celle de la dimension, que nous avons signalée tout à l’heure : il s’agit de trouver un optimum entre trop
707 précise Aristote. On répond aujourd’hui que nous avons des haut-parleurs et que cela change tout. Oui, cela change tout pour
708 cela change tout. Oui, cela change tout pour qui a la haute main sur les radios et sur la télévision, l’État-nation cent
709 res et se faire entendre à l’échelle nationale, n’ ayant que sa voix naturelle ? Il est évident qu’un Mussolini en 1922 ou sur
710 en 1922 ou surtout un Hitler dix ans plus tard n’ auraient jamais pu prendre ou garder le pouvoir s’ils n’avaient pas disposé —
711 nt jamais pu prendre ou garder le pouvoir s’ils n’ avaient pas disposé — et eux seuls — des haut-parleurs, c’est-à-dire des radi
712 rez ce que je veux dire. C’est l’expérience que j’ ai subie à Francfort en 1936, à l’occasion d’un discours d’Hitler, qui m
713 1936, à l’occasion d’un discours d’Hitler, qui m’ a révélé d’un seul coup, dramatiquement, l’essence horriblement religie
714 rement antichrétienne du régime totalitaire. J’en ai donné une description rigoureusement fidèle dans mon Journal d’Allem
715 mon Journal d’une époque en 1968. Ce jour-là, j’ ai vécu jusqu’à l’horreur sacrée la réalité de l’anti-agora, de la dimen
716 ’homme libre et responsable, formule que Sartre m’ a empruntée sans jamais songer à me la rendre, vous le savez, c’est ma
717 passant : toutes les sottises monumentales qu’on a pu écrire contre Rousseau comme « précurseur des États totalitaires »
718 e symbole et même la définition du lieu où chacun a le droit de s’exprimer, de critiquer, de questionner et de proposer,
29 1985, Articles divers (1982-1985). Vocation culturelle de la Suisse en Europe (septembre 1985)
719 s. II. Elle est aussi le seul pays d’Europe qui n’ a pas de culture nationale — et cela tient à sa structure fédéraliste n
720 le de l’Europe : du Moyen Âge à nos jours, elle n’ a cessé d’illustrer la structure spécifiquement européenne de la format
721 e européenne ». Observons que nos États-nations n’ ont en moyenne qu’environ deux-cents ans d’existence : où était donc la c
722 nne primitive sur laquelle Charles-Albert Cingria a écrit un petit chef-d’œuvre de poétique et d’intuitive érudition. C’é
723 ans conteste jusqu’à la fin du siècle, et qu’elle a contribué plus que toute autre circonstance à faire entrer dans la li
724 i, né Autrichien, et de C. G. Jung, né Bâlois. On a vu évoquer dans ces pages plusieurs des plus grands noms de l’aventur
725 de Suisses par naissance ou par choix. Mais on l’ aura peut-être remarqué : nous n’avons pas produit en Suisse de poètes de
726 choix. Mais on l’aura peut-être remarqué : nous n’ avons pas produit en Suisse de poètes de génie, ni de peintres qui aient fa
727 en Suisse de poètes de génie, ni de peintres qui aient fait époque, ni de compositeurs du plus haut rang. Hölderlin ou Dante
728 libre de tout souci d’obligation « morale » leur eussent été probablement refusés par nos coutumes les plus invétérées. En rev
729 es. En revanche, la plupart des grands noms que j’ ai cités ne seraient guère pensables hors du complexe suisse. Et c’est à
730 Barth, qui, après de longs séjours loin du pays, ont fait le principal de leur carrière en Suisse, ce n’est pas la Suisse
731 ur carrière en Suisse, ce n’est pas la Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’est au contraire de l
732 age évident des petits pays sur les grands. 13. A Study in History, 1947, p. 11. « … l’Unité intelligible d’étude histo
733 ble d’étude historique » n’est ni un État-nation ( a Nation-state) ni l’humanité prise comme un tout, mais un certain grou
30 1986, Articles divers (1982-1985). Interview avec Denis de Rougemont (1986)
734 dent 15, qui fait désormais figure de classique, a sans doute quelque peu occulté les premiers écrits politiques16. Ces
735 sont, aujourd’hui, souvent introuvables, faute d’ avoir été réédités. Rougemont dénonçait, dès le début des années 1930, l’in
736 ndre : tel est le sort des non-conformistes18. On a peut-être trop négligé la dimension téléologique de son système de pe
737 éclin. On proclame que Marx est mort, alors qu’on aurait pu penser, pour l’avoir tellement entendu répéter, que Dieu l’était.
738 rx est mort, alors qu’on aurait pu penser, pour l’ avoir tellement entendu répéter, que Dieu l’était. Le retour de Dieu, préci
739 marxisme. Je ne me suis pas borné à condamner ; j’ ai proposé les principes d’une société personnaliste à créer. Quant à me
740 e que sur le stalinisme totalitaire. Certes, je n’ ai jamais été marxiste, mais il y a beaucoup de choses que Marx a découv
741 marxiste, mais il y a beaucoup de choses que Marx a découvertes, qui sont entrées dans le domaine commun, et qui sont dés
742 à prendre dans les écrits du jeune Marx, que nous avait révélés Arnaud Dandieu, alors qu’ils n’étaient qu’à peine connus et p
743 c’est que vous faisiez à l’époque déjà ce qu’on n’ a vraiment commencé à faire ouvertement en France que beaucoup plus tar
744 expressément socialistes à l’origine. Ensuite il a pu y avoir des conflits entre Hitler, Mussolini et Staline, mais ce n
745 sément socialistes à l’origine. Ensuite il a pu y avoir des conflits entre Hitler, Mussolini et Staline, mais ce n’étaient pa
746 uvent trompé sur ce que nous appelions l’État. On a cru que nous voulions le supprimer, et nous voulions seulement précis
747 respectable, et même indispensable. Mais l’État n’ a aucune autorité en soi. On s’arrange par convention pour qu’un certai
748 l’on voit tout le temps revenir en France : « Il a été un grand serviteur de l’État ». C’est l’État qui est un service ;
749 ont du même pays, ils sont de la même langue, ils ont des liens de parenté, ils ont des traditions communes et des idéaux c
750 la même langue, ils ont des liens de parenté, ils ont des traditions communes et des idéaux communs, ils forment un tissu s
751 dividus isolés, séparés. Ils sont « reliés ». Ils ont des prochains, non plus seulement des « voisins inévitables », comme
752 qu’il y a eu mauvaise interprétation du terme. On a pu croire que vous étiez contre l’individualisme, au sens d’une limit
753 apoléonien et jacobin comme modèle de tout ce qui avait été fortement aggravé par Mussolini : l’État au-dessus de tout. C’est
754 i : l’État au-dessus de tout. C’est Mussolini qui a inventé l’expression d’État totalitaire, considéré comme valeur suprê
755 istoire. L’homme était au service de l’État. Cela a été repris en bonne partie par Hitler, qui a tout de même insisté bea
756 Cela a été repris en bonne partie par Hitler, qui a tout de même insisté beaucoup plus sur les éléments de communauté qu’
757 lus bas, par exemple dans la race, ce qui ne nous avait jamais effleurés. Parmi les personnalistes anglais, allemands, espagn
758 ructive. C’est d’ailleurs dans Nietzsche que nous avons lu les premiers textes énergiquement favorables à l’union de l’Europe
759 de l’Europe, que les meilleurs esprits du temps l’ ont déjà compris. Tout indique, dit Nietzsche, que nous devons dépasser c
760 plus que ça, vers une république européenne, qui a toujours été le rêve et l’idéal des grands esprits : c’est seulement
761 ons opposées aux siennes sur le plan religieux. J’ ai en effet le sentiment que pour vous le personnalisme et ensuite le fé
762 sa théorie, sa politique, son sens du civisme. J’ avais fait, comme tout un chacun, ma révolte entre 19 et 23 ans. Si on m’av
763 un chacun, ma révolte entre 19 et 23 ans. Si on m’ avait demandé alors ce que je croyais, j’aurais dit que je croyais à n’impo
764 Si on m’avait demandé alors ce que je croyais, j’ aurais dit que je croyais à n’importe quoi sauf au protestantisme traditionn
765 ’entendais prêcher le dimanche. C’est alors que j’ ai découvert Kierkegaard. J’ai commencé à lire quelques fragments de lui
766 he. C’est alors que j’ai découvert Kierkegaard. J’ ai commencé à lire quelques fragments de lui — intitulés Diapsalmata — p
767 plus exaltant que cette revue. Or c’est là que j’ ai lu pour la première fois le nom de Kierkegaard. À quelle époque est-c
768 Ça remonte aux années 1927 à 1930. Je devais donc avoir 21 à 24 ans. Je me suis mis à chercher ce qui était traduit de Kierke
769 était traduit de Kierkegaard en français : il n’y avait à peu près rien. Mais j’ai trouvé une belle anthologie en allemand. C
770 n français : il n’y avait à peu près rien. Mais j’ ai trouvé une belle anthologie en allemand. Ce fut une lecture enthousia
771 thousiasmante. Je suis convaincu que si Nietzsche avait pu lire Kierkegaard, tout aurait changé dans la pensée philosophico-r
772 que si Nietzsche avait pu lire Kierkegaard, tout aurait changé dans la pensée philosophico-religieuse de la deuxième moitié d
773 ligieuse de la deuxième moitié du xixe siècle. J’ ai d’ailleurs trouvé une lettre (je donne ce détail en passant parce qu’
774 grand interprète de la philosophie allemande, qui avait beaucoup entendu parler de Kierkegaard, professeur à Copenhague où il
775 ler de Kierkegaard, professeur à Copenhague où il avait été le premier à donner des cours sur lui. Il écrivait souvent à Niet
776 tzsche n’était pas devenu fou juste un mois après avoir reçu cette lettre ? Question vraiment tragique. Je redécouvrais donc
777 avec Kierkegaard le protestantisme dans ce qu’il avait de plus radical et révolutionnaire, tandis qu’en revenant à Calvin, p
778 alvin, peu après, je découvrais ce que la Réforme avait apporté de plus constructif du point de vue de la communauté civique.
779 leurs ni kierkegaardiens ni protestants. Enfin, j’ ai découvert peu après, vers 1930, une théologie qui était nettement ins
780 th, membre actif du parti socialiste (ce que je n’ ai jamais été), mais enfin cela indiquait une certaine direction, une ap
781 personne remonte à décembre 1934 ?23 Celle que j’ ai publiée, mais ça résultait déjà de plusieurs années de réflexion phil
782 réflexion philosophique et théologique. Ce qui m’ a beaucoup aidé c’était un article que j’avais lu dans Esprit d’un pe
783 Ce qui m’a beaucoup aidé c’était un article que j’ avais lu dans Esprit d’un personnage haut en couleur, qui s’appelait l’ab
784 en couleur, qui s’appelait l’abbé Plaquevent. Il avait publié deux ou trois articles sensationnels dans Esprit dans lesque
785 dans lesquels il montrait comment le mot personne a été conçu, a été imaginé, pour désigner les trois êtres de même « sub
786 il montrait comment le mot personne a été conçu, a été imaginé, pour désigner les trois êtres de même « substance », mai
787 Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit. Il n’y avait pas de terme grec qui convenait. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit
788 de l’Église à partir du concile de Nicée, et cela a finalement été résolu cent-vingt-cinq ans plus tard au concile de Cha
789 cinq ans plus tard au concile de Chalcédoine. Ils ont adopté le mot latin persona, qui désignait d’abord le rôle d’un acteu
790 roduit d’une division, comme l’atome, ce que Marx avait appelé la société atomisée, mais le sujet responsable de son rôle dan
791 « Définition de la personne ». Oui, l’individu n’ a plus de valence civique, comme un atome dépourvu de sa puissance de c
792 ns que, dans la démocratie individualiste, il n’y a plus rien pour résister aux tendances totalitaires, parce que les tot
793 autaire. C’est une réponse qui ne vaut rien, je l’ ai largement montré dans Penser avec les mains , mais c’est une réponse
794 est de dire « non », simplement. Une chose qui m’ avait aussi beaucoup frappé c’était un petit livre de Thomas Mann qui s’int
795 on prive les hommes de leur volonté. Lui, on ne l’ aura pas ! Il dira non jusqu’au bout. Mais il est hypnotisé comme les autr
796 e narrateur donne alors l’explication : l’homme n’ a pu résister parce qu’il n’avait pas d’autre idée en tête que de dire
797 plication : l’homme n’a pu résister parce qu’il n’ avait pas d’autre idée en tête que de dire non, ce qui fait qu’il n’avait p
798 idée en tête que de dire non, ce qui fait qu’il n’ avait plus aucune volonté, ou une volonté purement négative, une « nolonté 
799 être, à mon sens, le plus important de ceux que j’ aurai écrits, mais qui n’est pas encore achevé. J’en ai une première versio
800 ai écrits, mais qui n’est pas encore achevé. J’en ai une première version écrite en 1945-1946, mais qui n’a jamais été pub
801 première version écrite en 1945-1946, mais qui n’ a jamais été publiée. Elle n’a que 120 pages, et depuis lors j’ai accum
802 945-1946, mais qui n’a jamais été publiée. Elle n’ a que 120 pages, et depuis lors j’ai accumulé au moins 400 pages de not
803 publiée. Elle n’a que 120 pages, et depuis lors j’ ai accumulé au moins 400 pages de notes. Ça s’intitule La Morale du But
804 otes. Ça s’intitule La Morale du But , titre qui a mis en fureur des sociologues français que j’avais rencontrés à New Y
805 ui a mis en fureur des sociologues français que j’ avais rencontrés à New York24. Ils trouvaient cela insensé. Ma thèse était
806 sont déterminés pour la rejoindre, elle seule. On a toujours triché avec cette phrase. On l’a appliquée à Ravaillac, à qu
807 ule. On a toujours triché avec cette phrase. On l’ a appliquée à Ravaillac, à qui les jésuites avaient demandé de tuer Hen
808 On l’a appliquée à Ravaillac, à qui les jésuites avaient demandé de tuer Henri IV « pour la plus grande gloire de Dieu ». C’ét
809 atteint pas la vérité de la phrase. D’ailleurs, j’ ai rencontré un philosophe américain nommé Max Lerner, avec qui j’avais
810 philosophe américain nommé Max Lerner, avec qui j’ avais discuté cela, et qui avait mis au point sur ce sujet une question d’u
811 Max Lerner, avec qui j’avais discuté cela, et qui avait mis au point sur ce sujet une question d’une miraculeuse simplicité :
812 n what does ? »… Belle question socratique ! Kant avait absolument tort avec l’impératif catégorique, qui appartient au domai
813 dant la guerre, qui évitait de parler de Dieu. Il avait peur de tomber dans le langage pieux et il parlait plutôt de l’Absolu
814 pieux et il parlait plutôt de l’Absolu, ce qui l’ avait rendu très populaire. L’Absolu, tout le monde peut l’accepter, car to
815 ça m’allait très bien d’appeler cela Dieu. Il n’y a qu’un Dieu pour tous les hommes. Qu’on le connaisse ou non, il est là
816 une personne. Chacun est différent de tout ce qui a jamais existé, de tout ce qui existera jamais (oh, un tout petit peu
817 ’Ancien Testament, par exemple cette phrase qui m’ a toujours frappé : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière
818 qui n’éclaire mon sentier que dans la mesure où j’ ai le courage d’avancer, puisqu’elle est comme attachée à mon pied : ell
819 avance par la foi, et voilà le rôle de la foi : j’ ai quelque part une certitude que mon pied ne va pas tomber dans le vide
820 . Mon chemin, je le répète, c’est mon moyen. Là j’ ai retrouvé des choses qui sont dans Nietzsche, la création de soi en ve
821 a pensée. Et je vais l’écrire tout de suite après avoir achevé le livre auquel je travaille en ce moment, intitulé Journal d’
822 clusion de mon « journal non intime », comme je l’ ai appelé, parce que je tais presque tout de ma vie privée, mais décris
823 r une certaine ambition littéraire que d’autres n’ avaient pas, qui n’était pas dans leurs préoccupations maîtresses. Moi je me
824 ure était ma préoccupation fondamentale. Ce qui m’ a fait découvrir Kierkegaard, c’est la littérature. Et tout ce que j’éc
825 s — c’est pour moi une question de rigueur — doit avoir une valeur littéraire à mes yeux. Vous disiez que chez vous plus que
826 éoccupation de formulation et de communication. J’ ai été amené à discuter ces choses avec des gens qui étaient surtout des
827 à connaître des hommes politiques, mais je ne les ai jamais admirés ou vénérés de la même manière que des écrivains. Un de
828 même manière que des écrivains. Un de ceux qui m’ a le plus marqué est Paul Valéry, que j’ai à peine rencontré. Il y en a
829 eux qui m’a le plus marqué est Paul Valéry, que j’ ai à peine rencontré. Il y en a d’autres que j’ai beaucoup mieux connus.
830 Paul Valéry, que j’ai à peine rencontré. Il y en a d’autres que j’ai beaucoup mieux connus. Georges Bataille ? Bataille,
831 j’ai à peine rencontré. Il y en a d’autres que j’ ai beaucoup mieux connus. Georges Bataille ? Bataille, moins que d’autre
832 lle ? Bataille, moins que d’autres, en fait. Je l’ ai connu au Collège de sociologie, qu’il avait fondé avec Roger Caillois
833 it. Je l’ai connu au Collège de sociologie, qu’il avait fondé avec Roger Caillois. On y faisait des communications autour des
834 munications, sur sa demande et celle de Caillois, a porté sur la présentation d’un chapitre de L’Amour et l’Occident, « L
835 mour et l’Occident, « L’amour et la guerre », qui avait entièrement convaincu Bataille. Enfin, nous étions en bons termes, ma
836 lle. Enfin, nous étions en bons termes, mais je l’ ai assez peu connu. Et Caillois ? Caillois, lui, c’était un ami, tout à
837 Caillois, lui, c’était un ami, tout à fait. Vous avez dû échanger beaucoup d’idées. Je pense en particulier à la notion de
838 à plusieurs reprises dans vos écrits. Caillois m’ a beaucoup apporté, surtout pour mon étude des Règles du jeu, ouvrage q
839 uire La Morale du But , mais pour le moment, j’y ai renoncé… Êtes-vous toujours en rapport avec certains écrivains person
840 ns personnalistes ? Il se trouve qu’à mon âge — j’ aurai 78 ans dans un mois — eh bien, je ne me sens pas du tout vieux, mais
841 i s’est déclarée entre 1932 et 1939. Quelques-uns ont été tués, beaucoup sont morts depuis, et avec Alexandre Marc, je suis
842 rt de l’ambassadeur du Reich. Rougemont, accusé d’ avoir mis en danger la sécurité du pays pour « insulte à chef d’État étrang
31 1986, Articles divers (1982-1985). L’Europe des consciences (1986)
843 L’Europe des consciences (1986)ar as Depuis le xixe siècle romantique, le grand public et la plupart d
844 s il se perd dans les comités »… Combien d’autres ont dit ou écrit que mes engagements européens étaient « au détriment de
845 défis de l’Histoire auxquels toute ma génération eut à faire face, et d’autre part l’évolution intérieure qui fut la mienn
846 lerai d’abord la nature du défi que ma génération eut à relever. Arthur Koestler l’a fort bien dit : ce fut l’affrontement
847 ue ma génération eut à relever. Arthur Koestler l’ a fort bien dit : ce fut l’affrontement entre un mensonge total, celui
848 es. La guerre entre eux devenait inévitable. Nous aurions à la faire, vu notre âge, mais ce ne serait pas notre guerre. Entre l
849 le là-bas, pensait-on sans doute en haut lieu. Qu’ ai -je fait durant mes six années américaines ? J’ai écrit quelques livre
850 ’ai-je fait durant mes six années américaines ? J’ ai écrit quelques livres, sur la Suisse, sur le diable, et sur la bombe
851 e constante et poignante nostalgie, en Amérique j’ ai découvert l’Europe, et la nécessité vitale de son union, si les Allié
852 s peuples. À mes amis fédéralistes, dont beaucoup avaient milité avant la guerre dans nos groupements personnalistes, puis insp
853 nts personnalistes, puis inspiré la Résistance, j’ ai dit que j’étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et tan
854 s que je vienne. Vers ma vingt-quatrième année, j’ avais découvert deux auteurs qui furent décisifs pour ma vie : Kierkegaard
855 ue qui le relie à la communauté. Paul Valéry nous avait convaincus de ce que « toute politique suppose une certaine idée de l
856 t tenu pour responsable de ses actes si ceux-ci n’ ont pas été accomplis librement (les juristes connaissent bien cela) et à
857 rter et où n’importe qui puisse lui répondre sans avoir l’organe de Stentor. Nous retrouvions l’idéal d’Aristote, qu’il décri
858 r de cette communauté. Voilà pour la doctrine. J’ ai dit les conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles « 
859 ur la doctrine. J’ai dit les conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles « perdu pour la littérature » ? J
860 conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ ont -elles « perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non. De mon acti
861 ? J’ose dire que non. De mon action européenne, j’ ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart de ce que j’ai publié jusqu’
862 é huit volumes, c’est près d’un quart de ce que j’ ai publié jusqu’ici. Mais je ne voudrais surtout pas que l’on déduisît d
863 déduire qu’après coup, d’une analyse de ce que j’ ai vécu. Mais dans le fait, au jour le jour, tout s’est passé autrement,
864 , par hasard. Certains moments décisifs de ma vie ont été décidés par des coups d’émotion, et d’autres par des décisions lo
865 crit en une demi-heure après que mon ordonnance m’ eut annoncé ce qu’on venait d’entendre à la radio. Ces deux pages ont cha
866 u’on venait d’entendre à la radio. Ces deux pages ont changé ma vie en m’expédiant en Amérique pour plus de six ans. Mais à
867 présidence de Churchill, ce texte de trois pages a décidé de ma carrière professionnelle et notamment de l’existence du
868 iale actuelle est née des œuvres de l’Europe, qui a répandu sur toute la Terre ce qu’elle nomme le Progrès, c’est-à-dire
869 acifistes mais aussi de nationalismes furieux qui ont suscité le Terrorisme universel. Quelles issues possibles à cette cri
870 affirmant la vouloir. L’Europe des nationalismes a été responsable de deux guerres mondialisées. Elle a été aussi l’agen
871 té responsable de deux guerres mondialisées. Elle a été aussi l’agent mondialisant d’une forme de culture technico-scient
872 eux peuples de l’Europe : fait capital, dont nous avons trop peu conscience. Déjà le problème des régions devient le problème
873 inavoués, les plus actifs. Je serai content si j’ ai pu contribuer par mes écrits et mon action à une prise de conscience
874 ences », Entailles, Montpellier, 1986, p. 77-83. as . Présenté par cette note : « « Denis de Rougemont nous a quittés le 6
875 enté par cette note : « « Denis de Rougemont nous a quittés le 6 décembre 1985 ; il avait 79 ans. Pour saluer sa mémoire,
876 Rougemont nous a quittés le 6 décembre 1985 ; il avait 79 ans. Pour saluer sa mémoire, voici le texte inédit de l’allocution
877 rononça à Genève en octobre 1982, après qu’on lui eut remis le Grand Prix de la Fondation Schiller Suisse. »
32 1994, Articles divers (1982-1985). Agora (1994)
878 ter, par l’action publique. Platon et Aristote en ont beaucoup parlé. Aristote surtout a traité du rôle indispensable de l’
879 Aristote en ont beaucoup parlé. Aristote surtout a traité du rôle indispensable de l’agora dans la vie d’une cité, et il
880 pensable de l’agora dans la vie d’une cité, et il a décrit les dispositions architecturales typiques de la place publique
881 reffiers-là, passant le col ouvert vers 1240, qui ont fourni aux premiers confédérés les instruments nécessaires pour expri
882 leurs liens jurés, leurs foederationes, puis ils ont poursuivi leur voyage vers le Nord, appelés par les villes rhénanes,
883 à respecter, si l’on veut que l’agora fonctionne, ont été formulées par Aristote, notamment dans sa Politique. La première
884 e symbole et même la définition du lieu où chacun a le droit de s’exprimer, de répliquer, de critiquer, de questionner et
33 1994, Articles divers (1982-1985). URSS (1994)
885 oixante premières années de son existence, l’URSS a été dotée par les chefs du Parti communiste de quatre constitutions d
886 voir l’analyse des principaux chapitres (il y en a XIII) du texte officiel. Le chapitre Ier sur l’Organisation sociale a
887 oviets [conseils] de députés des travailleurs qui ont grandi et se sont affermis […] grâce à la conquête de la dictature du
888 ’art. 7 prévoit que « chaque foyer kolkhozien […] a la jouissance personnelle d’un petit terrain [attenant à la maison] e
889 cipes directeurs de la révision paraissent être : a ) une volonté de rendre les textes constitutionnels de 1936 mieux comp
890 damentale, 750 000 propositions de rectifications ont été envoyées à la presse, 650 000 meetings d’entreprises ont eu lieu
891 oyées à la presse, 650 000 meetings d’entreprises ont eu lieu réunissant plusieurs dizaines de millions de travailleurs, et
892 es de millions de travailleurs, et quant au PC il a organisé 180 000 meetings de ses adhérents. Il est intéressant de rel
893 « abolir le fédéralisme », tandis que d’autres n’ avaient pas compris que « le socialisme développé n’est pas encore le communi
894 terdite. Les personnes qui s’en rendent coupables ont à en répondre ». Pouvait-on déduire de ces articles que les dissident
34 1996, Articles divers (1982-1985). « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (automne 1996)
895 ’est beaucoup dire. Pessimiste, optimiste, cela n’ a pas de sens. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai
896 pessimisme actif ». (Encore une expression qu’on a beaucoup reprise…) Mon attitude générale n’est pas celle d’un pessimi
897 tombées du ciel. Mais voilà, l’homme aujourd’hui a une curieuse propension à nier sa responsabilité. Devant tout ce qui
898 auvais dans le monde, il dit : « qu’est-ce qu’ils ont encore fait ? » « Ils » ou l’État ou les lois économiques, tout nous
899 t déjà racontée au chapitre III de la Genèse. Ève a mangé la pomme et en a donné à Adam. Yahvé se fâche. Il vient en Eden
900 itre III de la Genèse. Ève a mangé la pomme et en a donné à Adam. Yahvé se fâche. Il vient en Eden, vers le soir, et appe
901  ! » Yahvé les trouve et demande à l’homme : « Qu’ as -tu fait ? » Adam dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève qui m’a forcé ».
902  » Adam dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève qui m’ a forcé ». Ève dit : « Ce n’est pas moi, c’est le serpent qui m’a sédui
903 dit : « Ce n’est pas moi, c’est le serpent qui m’ a séduite ». Et le serpent, bien sûr, n’est plus là. Il n’est pas vrai
904 les seraient censées résoudre, c’est nous qui les avons créés, tout comme le plutonium. C’est nous qui le fabriquons. Tous no
905 ent, la veulent comme garantie de leur sécurité : avoir un État fort, quitte à s’en plaindre sans arrêt, avoir un roi — fût-i
906 un État fort, quitte à s’en plaindre sans arrêt, avoir un roi — fût-il de Gaulle — quitte à lui couper la tête quand cela se
907 ser soi-même, pouvoir obéir à sa vocation. Il n’y a pas deux hommes semblables. Chaque homme doit se réaliser comme lui s
908 s outils mis à notre disposition. Par exemple, on a donné à l’homme d’aujourd’hui l’énergie atomique, la bombe H et les É
909 chelle. Les petits États, les petites communautés ont tous les avantages des grands : il suffit de voir les statistiques de
910 eut prouver que vous n’étiez pas libre quand vous avez commis un délit, on vous acquitte. Mais on ne peut être responsable q
911 ions, Europe : même avenir. C’est la devise que j’ ai proposée aux mouvements écologiques français et il semble bien qu’ils
912 s écologiques français et il semble bien qu’ils l’ aient adoptée. Si mon livre a apporté quelque chose de nouveau au débat des
913 semble bien qu’ils l’aient adoptée. Si mon livre a apporté quelque chose de nouveau au débat des idées politiques du siè
914 bit, c’est le contraire de l’acte d’amour vrai. J’ ai montré les conséquences infinies de la passion dans de nombreux domai
915 te ans. Pouvez-vous citer des romanciers que vous avez influencés ? Lawrence Durrell et Michel Tournier et un poète, Wystan
916 poète, Wystan Auden. Certains jeunes écrivains m’ ont confié qu’ils avaient renoncé à écrire tel roman déjà commencé, parce
917 en. Certains jeunes écrivains m’ont confié qu’ils avaient renoncé à écrire tel roman déjà commencé, parce que m’ayant lu, ils s
918 ncé à écrire tel roman déjà commencé, parce que m’ ayant lu, ils savaient trop bien ce qu’ils faisaient. Dois-je me le reproch
919 toute urgence un studio et ne trouvais rien, il m’ avait offert à l’improviste d’habiter avec ma femme, pour quelques mois, un
920 ’Amour et l’Occident et non pas dans Freud que j’ ai découvert l’explication de mon cas et les raisons qui m’ont fait comm
921 ert l’explication de mon cas et les raisons qui m’ ont fait commettre dans ma jeunesse… une terrible erreur d’aiguillage. »
922 s. » Je lui dis qu’en effet, plusieurs semblent l’ avoir été que cela n’a rien de surprenant : ils mettaient la femme, la Dame
923 effet, plusieurs semblent l’avoir été que cela n’ a rien de surprenant : ils mettaient la femme, la Dame sur un piédestal
924 ssifs, mais des joueurs, en pleine activité. Je l’ ai souvent dit : la décadence d’une société commence quand l’homme se de
925 cherche autre chose, qu’on change de cap… Mais n’ avez -vous pas été le premier à plaider en faveur du CERN ? Oui bien sûr et
926 inent la recherche dans ce domaine. Tant qu’ils n’ auront pas trouvé le moyen d’intercaler un compteur entre le soleil et les c
927 il est à tout le monde et que demain vous pourrez avoir un four solaire sur votre maison qui ne devra rien ni à l’EDF, ni à l
928 mme dit Max Frisch : « il ne suffit pas de ne pas avoir d’idées pour être réaliste ». ax. Rougemont Denis de, « [Entretien
929 décembre 1985, la journaliste Jacqueline Baron l’ a rencontré à plusieurs reprises, dans sa maison de Ferney-Voltaire. Ce
930 e fut relue et corrigée par Denis de Rougemont, n’ ont jamais été publiés. Nous en présentons ici de larges extraits. »