1 1982, Articles divers (1982-1985). L’Europe une et diverse : la contribution des cultures nationales [commentaires] (1982)
1 parce que la condition de survie de l’Europe est dans son union, dans sa fédération, sur la base même de ses différences. S
2 ndition de survie de l’Europe est dans son union, dans sa fédération, sur la base même de ses différences. Si elle n’arrive
3 ommun. Ce langage commun, nous ne le trouvons que dans l’existence d’une culture commune à tous les Européens, culture extra
4 tain sens à l’expression de « culture nationale » dans certaines circonstances historiques bien définies. Je ne retire pas m
5 lle des nations et par leur addition. Mais alors dans quelle mesure peut-on encore parler de différences nationales dans l’
6 e peut-on encore parler de différences nationales dans l’usage, la création, la consommation de la culture, telles que l’exp
7 e monde les connaît. C’est ce que Valéry a résumé dans la formule : Tout ce qui descend d’Athènes, de Rome et de Jérusalem e
8 ent européen. À ces trois sources primitives — et dans Jérusalem, il y a la source hébraïque et le christianisme —, il faut
9 untées à ceux des mouvements de réveil protestant dans le pays de Galles ! Cet héritage est tellement varié qu’il va créer d
10 nt varié qu’il va créer des variantes importantes dans le dosage des éléments. Ce sont ces variantes, que, dans certains cas
11 dosage des éléments. Ce sont ces variantes, que, dans certains cas, on pourrait appeler cultures nationales, interlocuteurs
12 ler cultures nationales, interlocuteurs possibles dans le dialogue que nous souhaitons tous. Je vous en donnerai ici quelque
13 sur l’usage que l’on a fait de la culture commune dans nos différents pays : usage politique, usage d’éléments formateurs de
14 le hongrois, qui est venu comme un corps étranger dans l’Europe. Donc, pour lui, sa culture était sa raison d’être. Mais vou
15 le fédéralisme. La décision de se mettre ensemble dans la mesure où l’on veut rester différents, autonomes. Peut-on parler d
16 d’être un État slave de population, mais romanisé dans sa culture. À l’inverse, la Roumanie est l’exemple d’un État romanisé
17 ichel Debré, qu’il a encore utilisée dernièrement dans Le Monde, et selon laquelle l’école française est faite pour former d
18 nley Hoffmann. La culture française est nationale dans la mesure où elle est politisée, à tel point qu’on a l’impression que
19 ire austro-hongrois, qui s’est continué en partie dans la Vienne de la petite république autrichienne. L’Empire austro-hongr
20 st pas arrivé et je ne pense pas qu’on y arrivera dans les années qui suivent, parce que ce n’est pas la bonne base. Jean Mo
21 l qu’il est enseigné, plus ou moins délibérément, dans toutes nos écoles ? — Aborder les problèmes des droits de l’homme en
2 1982, Articles divers (1982-1985). De la personne à l’Europe des régions (25 mars 1982)
22 e de la « personne ». Quelle est cette personne ? Dans les années 1930, cette idée était commune à des gens de provenances t
23 provenances très diverses et qui se retrouvaient dans les groupes personnalistes. Tous partaient d’une définition de l’homm
24 personne avant lui. Il doit y avancer par la foi, dans la nuit, sans savoir à l’avance si son pied trouvera une terre ferme.
25 libre parce qu’il est responsable et responsable dans la mesure où il est libre. Mais comment passe-t-on de la personne à l
26 tion ? On ne devient pas une personne toute seule dans une caverne. La personne, individu en acte qui réalise sa vocation, e
27 e collectivité et l’État y installe sa géométrie. Dans une communauté, on connaît les gens et la voix d’un homme peut s’y fa
28 se et tuerait tout sur son passage, non seulement dans les quelques heures qui suivraient, mais rendrait la Suisse inhabitab
29 tion vient de la guerre et va vers elle. En 1934, dans un de ses premiers livres, il lance le mot d’ordre de “l’engagement d
30 e le mot d’ordre de “l’engagement de l’écrivain”. Dans le dernier, il nous rappelle que L’Avenir est notre affaire , parce
31 in. » Voir également l’errata de Rougemont publié dans La Suisse du 25 mai 1982.
3 1982, Articles divers (1982-1985). Précisions de M. Denis de Rougemont (25 mai 1982)
32 isions de M. Denis de Rougemont (25 mai 1982)h Dans l’interview que vous avez publiée le 25 mars et que j’avais accordée
33 me paraît absolument nécessaire de rectifier : 1. Dans la présentation en caractères gras, l’omission de dix mots me fait di
4 1982, Articles divers (1982-1985). « Des manifestations pacifistes encore plus grandes ! » (2 juillet 1982)
34 t même pas compte de la contradiction démentielle dans laquelle ils vivent. Leur action réelle est parfaitement définie par
35 guerre nucléaire. Ce qu’il y a de plus inquiétant dans les débats actuels, c’est qu’on sent une impatience, complètement inc
36 et les gouvernements. Eux sont manipulés, jusque dans leur manière de penser. C’est ça le danger et non pas le pacifisme !
37 fistes ? La première réponse, c’est la diffusion, dans le monde entier, d’informations sur la réalité de la situation. Il ex
38 r devant le fait qu’elles apparaissent maintenant dans les pays communistes comme l’Allemagne de l’Est, autant que dans les
39 ommunistes comme l’Allemagne de l’Est, autant que dans les discours du pape. Soyons sérieux. Ce qui est réel, indiscutable,
40 dépenser un peu d’argent pour enseigner le russe dans les écoles. De telle manière que si les « Ivan » pénètrent dans notre
41 s. De telle manière que si les « Ivan » pénètrent dans notre pays, et s’y installent en garnison, nous puissions causer avec
42 l’épouvantable idiotie qui sera peut-être, comme dans le cas des Malouines, à l’origine d’une guerre. La guerre nucléaire,
43 rmidable. Cependant, si un conflit devait éclater dans deux mois, ou dans deux ans, je me demande si nous aurions le temps d
44 , si un conflit devait éclater dans deux mois, ou dans deux ans, je me demande si nous aurions le temps de préparer techniqu
45 vague de pacifisme. Peut-être est-ce l’occasion, dans notre pays, de rouvrir le débat sur la défense nationale. Un débat qu
5 1982, Articles divers (1982-1985). Denis de Rougemont devant l’Histoire (17 juillet 1982)
46 En fait, j’attaquais Grisoni sur une phrase parue dans Lu, selon laquelle, lors de l’avènement de Pétain, le maréchal fut sa
47 7 juin 1940, entre la prise du pouvoir par Pétain dans la nuit du 16 et l’appel du général de Gaulle le matin du 18, je publ
48 se ». Cet article faisait suite à tous les écrits dans lesquels, dès 1932, je n’ai cessé d’attaquer les totalitaires, noirs,
49 la française », expression créée par moi en 1936 dans la revue personnaliste L’Ordre nouveau . l. Rougemont Denis de, «
6 1982, Articles divers (1982-1985). Des régions à la paix pour l’union de l’Europe (juillet-août 1982)
50 on préalable de l’établissement d’une paix solide dans le monde de la fin du xxe siècle. Il faut donc dépasser cette formul
51 , peut-être, de la Suisse), elle consiste en fait dans la mainmise d’un lourd appareil étatique — fonctionnaires, police et
52 uniformisation forcée des cultures et des ethnies dans le carcan de frontières le plus souvent arbitraires ; et enfin, domin
53 rnement fédéral ne doit pas le faire »n, écrivait dans un raccourci génial, le sénateur américain D. Moynihan. C’est dire qu
54 e, Genève, juillet–août 1982, p. 1 et 3. n. Cité dans Denis de Rougemont / Groupe Cadmos, Rapport au peuple européen sur l’
7 1982, Articles divers (1982-1985). La peur d’être libre… (printemps-été 1982)
55 re de la théorie « Personne-Planète », développée dans le livre de Théodore Roszak et qui a inspiré le n° 3 de notre revue.
56 faut le découvrir. Le but est très loin en avant, dans l’infini, l’Absolu, Dieu, comme on veut l’appeler. Chaque homme doit
57 ne est une construction continuelle et une marche dans la nuit. Un verset d’un psaume dit : « Ta parole est une lampe à mes
58 le, cela suppose une agence mondiale. Vous dites, dans votre livre L’Avenir est notre affaire , « la contestation nucléaire
59 est ma théorie favorite. Par exemple, je suis né dans le canton de Neuchâtel qui est ma patrie. Je me trouve donc automatiq
60 tour, peut se fédérer avec d’autres fédérations. Dans votre livre, vous avez résumé trois schémas d’organisation : le schém
61 us est offert par l’Afrique de l’Ouest, notamment dans la région du Sahel. Certains territoires tribaux qui constituaient et
62 nduit tout droit à l’État totalitaire. J’ai écrit dans un de mes livres : « C’est avec la poussière des individus que l’État
63 e de l’État-nation comme notre école l’avait fait dans les années 1930, pendant la poussée du nazisme, du stalinisme… L’État
64 un véritable animateur des affaires quotidiennes dans le carcan des frontières, et trop petit à l’échelle du monde. Vous av
65 confusion entre « patrie » et « État », du moins dans la langue française ? Oui, c’est exact et c’est en français que la co
66 ntinentale, ce qui est vrai à tous points de vue. Dans votre livre, vous disiez qu’il faut aller à la fois vite et lentement
67 vient d’en bas. Ce qui me donne un peu confiance dans le nouveau régime français c’est que les deux hommes qui s’en occupen
68 s pour effacer la résistance formidable qu’il y a dans les esprits français, formés par l’école. C’est le minimum non pas po
69 Rougemont a poursuivi tout au long de son œuvre. Dans L’Avenir est notre affaire (Stock, 1977), il brossait un bilan des
70 n des crises actuelles et en cherchait les causes dans les profondeurs de l’âme européenne. Président de l’association écolo
8 1982, Articles divers (1982-1985). Un écrivain au service de la cité (24 octobre 1982)
71 cité (24 octobre 1982)o p Denis de Rougemont, dans quelles circonstances votre vocation s’est-elle décidée ? Je crois qu
72 eviendrais un grand chimiste. Je m’y étais exercé dans un laboratoire improvisé, chez mes parents, mais après trois leçons d
73 ue par la littérature, à commencer par la poésie. Dans les poèmes que j’écrivais alors, j’étais influencé par les symboliste
74 s. Mon premier article, publié à l’âge de 17 ans, dans la Semaine littéraire de Genève, était consacré à Montherlant et le f
75 ologie et nous faisait participer à ses enquêtes, dans les écoles, sur le mensonge et la vérité chez l’enfant, ou sur la rep
76 de l’Europe centrale, dont on retrouve le climat dans Le Paysan du Danube . En même temps, j’écrivais des essais tout ce q
77 ivais des essais tout ce qu’il y a de plus sages. Dans l’un d’entre eux, intitulé « Adieu beau désordre… », je blâmais le « 
78 ison d’édition. Dès ce moment-là, j’ai été plongé dans un bouillonnement d’idées que je n’ai jamais retrouvé par la suite. D
79 ce n’est qu’après la guerre que je me suis lancé dans l’action fédéraliste, laquelle m’occupe depuis quelque trente-cinq an
80 Rougemont a bien voulu évoquer les circonstances dans lesquelles s’est formé et développé son “grand dessein”, entre passio
81 pparaît comme l’un de nos contemporains capitaux. Dans la tradition des grands moralistes suisses, il est parvenu, en témoin
82 piqué” des paragraphes entiers pour les resservir dans certain brûlot anti-Giscard…), taxé d’utopiste par les uns et basseme
83 nt calomnié par d’autres (tel Bernard-Henri Lévy, dans son Idéologie française, qui l’accuse ignominieusement d’avoir flirté
9 1983, Articles divers (1982-1985). Réponses à des questions de Marcel Proust et de Michel Moret (1983)
84 ’est le vrai sens de toute vie. Estimez-vous que, dans le monde, les libertés individuelles sont en progression ? Personne n
10 1983, Articles divers (1982-1985). Bertrand de Launay, Le Poker nucléaire : comme brebis à l’abattoir [préface] (1983)
85 el, aux mêmes calculs débiles devant le démesuré, dans le même aveuglement systématique des dirigeants de nos États, de nos
86 t aux mêmes enchaînements d’hypothèses aberrantes dans les deux camps désormais en présence. L’équilibre de la terreur, tel
87 nsultés comme étant les vrais fauteurs de guerre, dans la presse à peu près unanime à l’ouest du rideau de fer, de la droite
88 truire, sans scrupules, la sacro-sainte stabilité dans l’erreur des autruches qui nous gouvernent. Trois accusations pèsent
89 de passer avec elle « un compromis dont il tire, dans sa position névrotique, un certain profit2 ». On a reconnu les partis
90 re clandestins. Ils sont seuls à pouvoir le faire dans notre camp, où ils sont seuls aussi à n’être pas manipulés par Washin
91 : supprimer toutes les armes nucléaires, partout, dans les moindres délais. Faire de cet objectif, préalablement accepté de
92 umains étant ce qu’ils sont, les chances d’éviter dans les années qui viennent accidents et malentendus, violations d’engage
93 onduire qu’à des conclusions probablement fausses dans le domaine militaire, et ruineuses à coup sûr dans le domaine économi
94 ans le domaine militaire, et ruineuses à coup sûr dans le domaine économique. Les totaux perdent toute signification à mesur
95 outes fins utiles, étant immergés l’un et l’autre dans l’incommensurable et le non-sens. Que faudra-t-il encore pour que les
96  : comparer n’a plus aucun sens sitôt qu’on entre dans le démesuré ? IV. Vous avez dit : « Catastrophisme » ? Vous ou
97 pour empêcher les catastrophes que vous préparez. Dans la tradition antique, je trouve ce dicton latin : Utinam vates falsu
98 (Plaise au Ciel que je sois faux prophète) Et dans la tradition biblique, ce soupir déchirant du vrai prophète : Seigne
99 éface] Bertrand de Launay, Le Poker nucléaire  », dans Le Poker nucléaire : comme brebis à l’abattoir, Paris, Syros, 1983, p
11 1983, Articles divers (1982-1985). La Suisse et quelle Europe ? (1983)
100 se et quelle Europe ? (1983)r Mon intervention dans ce colloque résulte d’un malentendu initial sur son titre. Parce que
101 subordonnées. Le thème primordial se ramène donc dans tous les cas à celui-ci : 1. Quelle Suisse et quelle union de l’Eur
102 lle union de l’Europe ? Il ne s’agit nullement dans tout cela de « simples questions de mots », mais d’attitudes et de po
103 itions fondamentales. Si l’on n’est pas rigoureux dans l’énoncé du thème, on court des risques importants. On entretient en
104 vue d’harmoniser certains secteurs de l’économie dans la partie ouest du continent. À l’illusion économiste que favorise l’
105 mmission chargée d’appliquer des mesures communes dans le seul secteur économique de neuf pays de l’Europe de l’Ouest sur vi
106 a même façon que nos vingt-trois cantons trouvent dans l’article 5 de la Constitution actuellement en vigueur la garantie de
107 je ne sais qui pourrait nous interdire d’innover dans ce domaine aussi, comme il est si bien vu de le faire dans le domaine
108 omaine aussi, comme il est si bien vu de le faire dans le domaine des sciences physiques, dans celui de la technologie, en b
109 le faire dans le domaine des sciences physiques, dans celui de la technologie, en biologie et même en génétique, mais comme
110 s comme il semble à peu près exclu de le proposer dans le domaine des formes politiques depuis l’avènement de l’État-nation
111 des accords économiques à d’autres pays européens dans les cadres strictement délimités par le traité de Rome, il ne me semb
112 ntérêts de durée nécessairement brève — calculées dans le seul domaine économique. Jean Monnet l’a cru possible. Ce fut à la
113  join Europe » comme disent les Anglais, d’entrer dans le modèle de Bruxelles ou dans celui de Strasbourg sert nos intérêts
114 Anglais, d’entrer dans le modèle de Bruxelles ou dans celui de Strasbourg sert nos intérêts immédiats, nous avons à détermi
115 e, le gouvernement fédéral ne doit pas le faire. Dans le même sens se prononcent aujourd’hui la plupart des sociologues et
116 de la fédération européenne. Sans vouloir entrer dans la discussion très complexe des risques et des avantages de cette pol
117 e poids », « qu’elle est trop petite », etc. Mais dans ma longue carrière d’historien des idées, je n’ai jamais observé que
118 u de la taille de celui qui l’avait conçue. 5. Dans quelle direction chercher ? Les deux obstacles principaux à l’unio
119 ’autre part, les solutions doivent être cherchées dans ce qui permettrait de dépasser simultanément par en haut et par en ba
120 netés nationales, et de ramener les pays de l’Est dans une communauté avec l’Ouest. Pour les contacts avec l’Est, la Suisse
121 iversel d’un Sénat des régions d’Europe — et cela dans les termes mêmes que j’avais proposés dès 1972 dans mes articles, con
122 ns les termes mêmes que j’avais proposés dès 1972 dans mes articles, conférences et livres. Pour ce qui est du dépassement d
123 voir pourquoi — et de le penser. Pour progresser dans la direction d’un gouvernement non pas « supranational » — je n’aime
124 eule fédérée, quand tous les autres s’unifiaient ( dans la première moitié du xixe siècle). Seule neutre, quand les national
125 and les nationalismes belliqueux se constituaient dans toute l’Europe (seconde moitié du xixe siècle). Seule à cultiver ses
126 nion fédérale de nos peuples, dont elle aura été, dans le même temps, la première figuration et la promesse. r. Rougemon
12 1983, Articles divers (1982-1985). Hitler, l’anti-prophète de notre siècle (10 février 1983)
127 n mal habillé, au sourire vulgairement satisfait. Dans leur poignée de main peu croyable se sont noués les destins de notre
128 e. La défaite de 1918 avait précipité l’Allemagne dans un chaos sans précédent ; six millions de chômeurs ; une inflation qu
129 ou capitalistes, ont échoué depuis un demi-siècle dans l’analyse de cette situation initiale. Car l’hitlérisme est né de la
130 re son mystère. Les effets fracassants déclenchés dans le siècle par son apparition sont bien connus : on n’y retrouve pas,
131 te. Et prédit sans erreur, avec pas mal d’avance, dans les étapes de sa carrière. Le dernier carnaval En mars 1932, au
132 res françaises et allemandes, qui s’était tenue «  dans un Francfort en proie au carnaval et à l’angoisse », je parlais du « 
133 oisie dont je viens d’admirer les trésors patinés dans la haute demeure familiale des Goethe ». L’accession d’Hitler au pouv
134 rd exactement. Le 20 mars 1939, j’osais déclarer, dans une chronique du Figaro sur l’occupation de Prague, que nous vivions
135 cinq mois plus tard. Le 17 juin 1940, j’écrivais dans un journal suisse : L’envahisseur avait prophétisé : « Le 15 juin j’
136 isseur avait prophétisé : « Le 15 juin j’entrerai dans Paris ». Il y entre en effet, mais ce n’est plus Paris. Et telle est
137 t des victoires impossibles… Enfin, on peut lire dans La Part du diable , que je publiai à New York en 1942, trois ans avan
138 Führer : Hitler s’est tu. L’aventure a pris fin dans la catastrophe prévue. Et devant le cadavre gisant de l’homme qui fit
139 Le Führer a perdu la guerre des nerfs. » Il entre dans une rage folle. « Vous voyez, crie-t-il, il faut bien que je fasse la
140 à tour enragé et prostré. Rien de plus atterrant, dans toutes ses biographies, que la description donnée par son ministre Sp
141 ne les esprits de second rang qui peuvent déchoir dans un corps d’homme et l’occuper. Je l’ai entendu prononcer l’un de ses
142 rs, et je l’ai vu à la sortie de ce culte, debout dans sa voiture qui longeait très lentement une rue peu large, mal éclairé
143 i, marchant à la hauteur de la voiture, les mains dans les poches de mon pardessus. Un bon tireur l’eût descendu très facile
144 lement. Mais ce bon tireur ne s’est jamais trouvé dans cent occasions analogues. Voilà le principal de ce que je sais sur H
145 que je sais sur Hitler, écrivais-je le lendemain dans mon journal. On peut réfléchir là-dessus. Réfléchir ou même délirer…
146 retour, car le mouvement qu’Hitler sut enflammer dans notre siècle existait en puissance dans l’âme humaine depuis la forma
147 enflammer dans notre siècle existait en puissance dans l’âme humaine depuis la formation de la première société. Hitler n’a
148 t aussitôt abusé de l’élan de confiance déclenché dans les foules, en leur proposant les remèdes les plus grossiers, puis en
149 évidemment charlatanesque. Diagnostic hitlérien : dans l’Europe du xxe siècle, le sens de la communauté est en train de dis
150 n, lucide et froid comme le Serpent de la Genèse. Dans Mein Kampf, dès 1923, il décrit avec une surprenante précision le rév
151 la Misère, soit par la torche de la parole jetée dans les masses. Seule une tempête de passion brûlante peut changer les de
152 orces qui ont produit les plus grands changements dans le monde ont été trouvées non pas dans la connaissance scientifique,
153 hangements dans le monde ont été trouvées non pas dans la connaissance scientifique, mais dans le fanatisme dominant les mas
154 s non pas dans la connaissance scientifique, mais dans le fanatisme dominant les masses, et dans une véritable hystérie qui
155 e, mais dans le fanatisme dominant les masses, et dans une véritable hystérie qui les pousse en avant. Pour provoquer l’hys
156 de deux moyens : « La torche de la parole » jetée dans les masses les trouvera prêtes à s’enflammer si « la cruelle déesse d
157 e le Juge, et la faute. En fondant tout un peuple dans une masse passionnée, il le rend à l’état d’innocence première : pas
158 l’état d’innocence première : pas de responsables dans une masse, donc pas de culpabilité. Ayant ainsi rétabli les liturgies
159 e allemande, réellement nationale, Hitler se voit dans la situation du fondateur de religion, au sens premier du terme : « r
160 oilà le point qu’il faut élucider. Replaçons-nous dans la situation de l’Europe à la veille de sa grande catastrophe. La que
161 es populations entières se laissent séduire ? Que dans tous les pays, pas seulement en Allemagne, des hommes subissent la co
162 ? » L’explication de cette énigme réside pour moi dans l’évidence que voici : Adolf Hitler, mieux que les communistes et les
163 aire de ce terme, sens vital et mortel à la fois. Dans les ruines matérielles et morales d’une société qui avait généralemen
164 D’autres traits y apparaissent : ceux de Moloch, dans la mesure où Moloch est l’idole tribale qui réclame des sacrifices hu
165 » et non chrétien. Mais le désastre était inscrit dans les données de l’aventure hitlérienne. Fondée sur le Malheur, elle al
166 e nation ne peut le rêver, le mimer et l’agir que dans l’hypnose, celle qui naissait des fêtes sacrales organisées par le Fü
167 d’être certain qu’il ait été vaincu ailleurs que dans les ruines de Berlin. Hitler donnait la pire réponse possible, mais u
13 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : conclusions (1984)
168 d’une part quelque chose d’aléatoire, de fortuit dans ce rassemblement, mais d’autre part, une motivation commune qui est p
169 ut-être plus importante que celle que l’on trouve dans beaucoup de colloques réunissant professeurs et experts avec leurs co
170 toujours plus ou moins d’avance. Ici, nous sommes dans un état d’esprit complètement différent. Nous ne nous connaissions pa
171 ative, mais de la manière dont elle l’a réalisée, dans une atmosphère à la fois détendue et attentive, dans un lieu admirabl
172 s une atmosphère à la fois détendue et attentive, dans un lieu admirable, symbolique pour l’Europe : au bout de l’allée, qua
173 ais passé la première année de la guerre mobilisé dans l’armée suisse, mais dès octobre 1940, je fus envoyé en Amérique où j
174 amis, dont Alexandre Marc, que j’avais bien connu dans le mouvement personnaliste : ils m’ont jeté bon gré mal gré dans l’ac
175 nt personnaliste : ils m’ont jeté bon gré mal gré dans l’action fédéraliste européenne, en m’offrant de tenir le discours in
176 à Montreux. Je me suis trouvé vraiment catapulté dans cette action. Comme j’étais un peu responsable de la création du conc
177 crivain, dès 1932-1933 (quand Sartre était encore dans les langes, politiquement parlant), je me suis senti « obligé », en q
178 car les gouvernements s’intéressent à la culture dans les discours, en fin de banquet, mais rarement quand on en vient à vo
179 e qui rassemble 32 instituts d’études européennes dans les universités d’Europe. Une association de journalistes, une associ
180 rieuses, c’était le Marché commun des Six opérant dans un domaine qui semblait assez loin du quotidien, du monde des valeurs
181 qui ne concernait que le seul secteur économique, dans six pays seulement, sur les 23 de l’Europe de l’Ouest. Soit dit en pa
182 parenthèse que je referme maintenant, mais entre dans mon projet de vous expliquer comment j’ai été appelé à écrire L’Aven
183 s à Genève dès 1962. De cette convergence est née dans mon esprit l’idée d’un slogan, offert par la suite aux groupements d’
184 rais vous donner une juste idée des circonstances dans lesquelles mon livre a pris naissance, sans rappeler une soirée mémor
185 a fois la pensée économique et l’opinion publique dans le monde entier. À partir de ce soir-là, tout s’est organisé dans ma
186 tier. À partir de ce soir-là, tout s’est organisé dans ma tête vers cette synthèse d’économie, d’éthique et de politique eur
187 re que cela n’aurait pas marché ! » Pour une fois dans ma vie, j’ai eu l’impression que j’arrivais au bon moment ! D’où un s
188 calculs, environ 20 millions de gens survivraient dans des angles morts, à l’abri des radiations ! » Mais, vous imaginez ce
189 urrir de choses pas trop irradiées, qui vivraient dans la terreur, qui seraient tous plus ou moins fous et condamnés à terme
190 e. L’union de l’Europe serait donc, à mon sens et dans cette perspective, qui n’est pas celle des États, mais des régions, l
191 le. Je suis résolument pour la non-violence, sauf dans ce cas-là, à condition que ce ne soit pas dirigé contre des hommes, m
192 qui se regroupent de différentes manières (comme dans les mathématiques modernes, vous avez des ensembles topologiques en i
193 ès profond pour moi : c’est que le chemin se fait dans la mesure où l’on y marche. C’est en marchant sur mon chemin que je l
194 out résoudre… J’entrevois des solutions possibles dans trois directions. La première, c’est ce que j’appelle la pluralité de
195 s personnel pour illustrer mon exposé. Je suis né dans l’ancienne principauté de Neuchâtel, qui n’est devenue canton suisse
196 ique noire. Impossible de faire rentrer tout cela dans les mêmes frontières ! Du point de vue religieux, mon allégeance va a
197 ales ou continentales. Je ne me perds pas du tout dans cette diversité. Si on la décrivait d’une manière théorique, ce serai
198 égeance : c’est mon État, et tu vas faire rentrer dans ses frontières toutes tes allégeances, civique, religieuse, linguisti
199 nt la question : « Où situer le pouvoir politique dans une région à géométrie variable ? » Si l’on dit que le pouvoir est d’
200 nt parler M. Birre, il m’est venu une autre idée. Dans la grande discussion sur les régions introduite en France par Françoi
201 r relief, et toujours leur humus. Elles sont donc dans l’utopie. Il faut fonder des régions sur la réalité. Alors, je pense
202 qu’il y aurait peut-être quelque chose à chercher dans ce sens ; noyau ferme et territorial de la région qui serait plutôt l
203 ensemble. C’est peut-être une troisième direction dans laquelle nous pourrions aller. Elle ferait passer le centre régional
204 ncipe très simple qui est celui que l’on a appelé dans les écoles sociologiques catholiques de la fin du xixe le « principe
205 ion fédéraliste, cela consiste à faire coïncider, dans chaque cas, les dimensions de la tâche à accomplir et les compétences
206 pouvoir clairement limité, mais tout à fait réel dans leur domaine. Je voudrais insister, car je crois que cela est importa
207 s les jours, la communauté vivante : cela revient dans toutes les pages de mon livre. Et c’est d’une importance particulière
208 de communes. Et savez-vous comment se dit commune dans le latin du pacte de 1291, qui est la base de notre fédération : cela
209 es d’elles-mêmes, ce n’est pas du tout s’enfermer dans son clocher, c’est au contraire, par la pointe du clocher, rejoindre
210 Alexandre Marc, Aron et Dandieu, nous avons lancé dans les années 1930, sous le nom de mouvement personnaliste, et sous le m
211 clure sur l’Europe. Il me paraît significatif que dans ce colloque, il se soit trouvé que le premier rapport, celui de M. He
212 i ont donné à la culture européenne et à l’Europe dans le monde, son dynamisme extraordinaire. Toutes les autres cultures so
213 mobilité des principaux facteurs que l’on évoque dans la construction politique de l’Europe. Il y a les questions ethniques
214 d’oc et à la langue d’oïl. Il en reste des traces dans nos patois. Les mots de patois neuchâtelois, que je sais de mon école
215 Quelque chose de tout cela subsiste, probablement dans l’inconscient collectif. Il y a donc des rythmes millénaires, il y en
216 cations. Mais c’est le seul, les autres ont varié dans des proportions inouïes. La France a été pendant longtemps le petit «
217 cinq ans. Il suffit que vous implantiez une usine dans une région pour changer complètement son potentiel et ses relations é
218 er quelques-unes de celles qui ont été suggérées. Dans le papier de M. Jacques Juillet, il y a une suggestion qui peut être
219 Jacques Chaban-Delmas, deux Français très engagés dans la politique de leur pays. On pourrait imaginer quelque chose de plus
220 rrait imaginer quelque chose de plus fonctionnel… Dans le papier de M. et Mme Cosma sur la stratégie, j’ai salué bien sûr av
221 es, politiques et éducatives prenant force de loi dans tous les pays membres serait peut-être le dernier moyen de redresser
14 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : réponse à Raimondo Strassoldo (1984)
222 faire : réponse à Raimondo Strassoldo (1984)aa Dans la note liminaire de son texte, Raimondo Strassoldo insiste amicaleme
223 uanges et des applaudissements — ce serait mal vu dans une séance comme celle-là ! — mais va se concentrer sur les critiques
224 jours dire cela, seulement on ne réformerait rien dans le monde si l’on disait que l’on ne peut entreprendre une réforme que
225 sens, il consiste plutôt à maintenir les conflits dans des dimensions assez petites pour qu’elles soient maîtrisables et que
226 x choses, à moins qu’on ne les caricature chacune dans son domaine, et une fois de plus, qu’on fasse la grève du zèle des co
227 u nucléaire ? » demande-t-il avec un peu d’ironie dans le ton. D’une manière que je crois être purement provocante de sa par
228 nt 3 départements français ? » De nombreuses voix dans la salle, formée de militants fédéralistes, ont répliqué : « Qu’est-c
229 nomène important. Il cite Longo Maï que j’ai cité dans mon livre. Il ajoute : « Mais je ne crois pas qu’il y ait là une solu
230  : « Nourrir l’humanité va être le grand problème dans la crise terrible dans laquelle nous entrons, les famines, etc. Nous,
231 va être le grand problème dans la crise terrible dans laquelle nous entrons, les famines, etc. Nous, nous nous consacrons à
232 veut absolument pas dire « retour à la nature », dans le sens de Rousseau, dans le sens de Marie-Antoinette, cela n’a aucun
233 « retour à la nature », dans le sens de Rousseau, dans le sens de Marie-Antoinette, cela n’a aucun rapport ! IX. De la gé
234 ès et par la droite française au début du siècle, dans une abondante littérature, elle n’oubliait qu’une chose : c’est que l
235 l caractérisé par sa mobilité, et plus il s’élève dans l’ordre spirituel, plus il se reconnaît « errant et voyageur sur la t
15 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : remarques sur la note de Stanley Maron (1984)
236 responsabilité. Je crois que l’homme n’est libre ( dans une communauté) qu’à la mesure où il est en fait responsable, et vice
237 Le kibboutz, selon M. Maron, trouve sa stabilité dans la famille, opposée à « l’individu ». La famille kibboutzique, nous d
238 choses. Il est un temps pour vivre de ses racines dans le milieu natal, et un temps pour vivre son aventure personnelle et p
16 1984, Articles divers (1982-1985). Les Rougemont de Saint-Aubin [préface] (1984)
239 ue est donnée par les intermariages, si fréquents dans notre pays. Si l’on s’en tient à nos ancêtres du xviiie au xve sièc
240 âtelois sont cousins, d’autant plus qu’on remonte dans le temps. Le tableau des origines géographiques de nos aïeux, tel qu
241 prévue : c’est qu’à chaque génération d’ancêtres, dans bien des familles de ce pays, on trouve autant d’étrangers que de Neu
242 lassés par nations — ce serait, ici, anachronique dans 14 cas sur 16, avant 1871 — mais par leur origine provinciale ou régi
243 lois, de Suisses et d’« étrangers » se retrouvent dans les générations antérieures, encore que le nombre d’« inconnus » augm
244 parmi ceux-là qui viennent de loin, non seulement dans le temps mais dans l’espace. Voilà qui me renforce dans ma doctrine d
245 iennent de loin, non seulement dans le temps mais dans l’espace. Voilà qui me renforce dans ma doctrine de l’Europe des régi
246 e temps mais dans l’espace. Voilà qui me renforce dans ma doctrine de l’Europe des régions, et dans ma conviction que les ha
247 orce dans ma doctrine de l’Europe des régions, et dans ma conviction que les habitants de l’Europe, avant d’être sujets d’un
248 e, sont d’abord d’une région, mais en même temps, dans nos petits pays surtout, sont de la grande famille européenne. (On eû
249 and », avant Bismarck.) Un autre trait me frappe dans ce tableau des origines : toutes les provinces natales des ancêtres d
250 ut, deux ou trois Piémontais et un Toscan, égarés dans nos brumes. Mais un mariage peut tout changer : par Mathilde de Pierr
251 ine… Résumé de notre ascendance : racines solides dans la petite patrie neuchâteloise, mais à travers le couple Henri-Mathil
252 e couple Henri-Mathilde, afflux de toute l’Europe dans leur descendance. Mais j’y reviens : apprendre que je descends, à tr
253 « œil de tante Beth » qui faisait fuir les intrus dans les propriétés de Saint-Aubin. Et le mystère de l’ascendance franc-co
254 e propose une nouvelle recherche à Pierre-Arnold, dans la direction de Besançon. J’ai quelques pièces tout à fait inédites à
255 acqueline Borel, Les Rougemont de Saint-Aubin  », dans Les Rougemont de Saint-Aubin, La Chaux-de-Fonds, P.-A. Borel, 1984, p
17 1984, Articles divers (1982-1985). L’Europe et les intellectuels (1984)
256 la famille, et ce n’était pas un cas exceptionnel dans les familles de notre ancienne Principauté de Neuchâtel, devenue cant
257 s, il n’y avait aucune opposition : je l’ai écrit dans un petit ouvrage intitulé Suite neuchâteloise , publiée en 1948, pou
258 1948, pour le centenaire de l’entrée de Neuchâtel dans la Confédération, et dont je voudrais vous lire ces quelques lignes :
259 irait-il ? Si je me sens presque partout chez moi dans l’Europe franco-germanique, c’est que d’abord je l’ai trouvée dans ma
260 nco-germanique, c’est que d’abord je l’ai trouvée dans ma famille, où tant de traditions se croisent et se marient. Pour moi
261 ma race, à mon clos natal. C’est aimer plus loin, dans le même sens. Mais la famille, c’est générique et général. Après ell
262 ttérature, beaucoup plus précisément déterminante dans mon cas. Dès l’âge de 15 ans, je pense, j’ai découvert Rimbaud, qui é
263 surtout Hölderlin, le plus grand depuis Dante, et dans les mêmes années, Valéry, Unamuno, notre Ramuz, Kierkegaard, Kafka, T
264 puis j’ai découvert la théologie avec Karl Barth, dans la lignée « existentielle » (comme on disait alors) de Kierkegaard et
265 Tout cela, comme vous voyez, très européen, mais dans un sens du terme assez différent de celui que lui donnait Valéry, qua
266 s sources que je dois d’en être venu à découvrir, dans les années 1930, que l’Europe était la vraie patrie de l’amour, en to
267 l’amour qu’est la passion, inconnue ou condamnée dans toutes les autres grandes cultures de l’humanité, à la seule exceptio
268 ue je fréquentais ou aurais pu fréquenter à Paris dans les années 1930, et avec lesquels je me suis lié, tels Saint-Exupéry,
269 t tant d’autres… Le simple fait de les voir vivre dans un milieu, pour eux foncièrement étranger à tant d’égards, me donnait
270 1930, au mouvement personnaliste qui s’exprimait dans les revues Esprit et L’Ordre nouveau  ? Oui, bien sûr. Pour nous,
271 et L’Ordre nouveau  ? Oui, bien sûr. Pour nous, dans ces merveilleuses années 1930, tout était découverte, affirmation, re
272 litique de la personne . En 1935, Mounier lançait dans Esprit une rubrique de la « Pensée engagée », où il rendit compte d
273 e qu’à la mesure de ses prises de responsabilités dans la communauté, cela ne peut se faire pratiquement que dans de petites
274 ommunauté, cela ne peut se faire pratiquement que dans de petites communautés d’abord, les communes. À mesure que les dimens
275 allait donner sa doctrine au fédéralisme européen dans les divers mouvements de Résistance, puis au lendemain de la guerre,
276 ts de Résistance, puis au lendemain de la guerre, dans les premiers congrès de fédéralistes européens. Certains de mes inter
277 leur semblait être un simple pion des Américains dans le jeu de la guerre froide. Ce n’est pas et ce n’a jamais été votre p
278 tel que je me suis vu en quelque sorte catapulté dans un rôle de porte-parole de l’entreprise du fédéralisme européen. Pas
279 t engagé » selon les formules que j’avais lancées dans les années 1930, et dont on me disait maintenant que c’étaient les mo
280 adier, R. Mackay et René Courtin de la politique. Dans une série de réunions que j’avais convoquées à Paris, à Genève, à Roy
281 les plus « engagés » pour notre cause. Il y avait dans la commission ou parmi ceux qui avaient contribué à ses travaux prépa
282 Message aux Européens », le congrès s’est terminé dans l’enthousiasme et l’espoir. Le principal, pour ce qui me concerne, a
283 jectifs et les méthodes de l’action pour l’Europe dans le domaine culturel, au sens le plus large du terme, qui englobait no
284 ie, les médias… La conférence se tint à Lausanne, dans le palais du Tribunal fédéral, et réunit plus de 200 participants, ch
285 ère de faire voir et valoir la réalité européenne dans les leçons d’histoire et de géographie, mais aussi d’économie, d’arts
286 ibilité entre l’œuvre et l’engagement qui se pose dans votre cas. Je répondrai d’une manière toute factuelle. Durant les ann
287 et de présidences de comités et de congrès. Mais dans le même temps, j’ai écrit et publié une quinzaine d’ouvrages littérai
288 d’un Européen l’année prochaine. Vous voyez ici, dans le vif, l’interaction féconde de l’œuvre littéraire et philosophique
289 sia européenne se résume d’une manière exemplaire dans les prises de position successives de J.-P. Sartre. Dans le texte qu’
290 s prises de position successives de J.-P. Sartre. Dans le texte qu’il m’avait envoyé pour la conférence de Lausanne, Sartre
291 Bien, très bien même. Quelques années plus tard, dans une préface au livre de Franz Fanon intitulé Les Damnés de la Terre,
292 ue » sur tout Européen qui se présenterait encore dans le tiers-monde, car « l’Européen n’a pu se faire homme qu’en fabriqua
293 terre, en Allemagne, en Italie et aux États-Unis, dans les années 1960 et 1970, par des gens qui se donnent couramment pour
294 uropéens — c’est bien vu, chez les éditeurs comme dans les revues — étant accaparés par une analyse sociosémiologique des st
295 oins entouré, moins soutenu que ce n’était le cas dans l’immédiat après-guerre ? Comme écrivain européen, je me sens en effe
296 mouvements européens avec lesquels j’ai travaillé dans les années 1950 et 1960 font du surplace, c’est évident. Mais depuis
297 elancé le combat pour l’avenir. Elle fait sienne, dans sa majorité, le mot d’ordre que je lui ai proposé : Écologie, régions
298 reux). Il y a du travail et du jeu pour beaucoup, dans cette aventure. Mais quelles sont ses chances de succès, allez-vous m
18 1984, Articles divers (1982-1985). Informatique, société, sagesse (1984)
299 nos télévisions, radios et colloques par milliers dans le monde entier. Moins de bien : car Orwell, à mon sens, n’a pas été
300 par la proclamation d’un Message aux Européens dans lequel les 800 délégués — parmi eux 16 anciens Premiers ministres, 45
301 la suivront ». Et cette année 1984 précisément, dans quelques mois, les Européens vont élire un Parlement qui sera chargé,
302 erminer l’évolution de nos sociétés occidentales, dans la mesure précise où elles tentent d’organiser les exigences de leur
303 audiovisuelles assurant l’omniprésence du Pouvoir dans nos vies, omniprésence non seulement idéologique, mais sensorielle nu
304 ’à notre inconscient. Voici les phrases capitales dans lesquelles Orwell a prévu ce que nous sommes en train de vivre dans n
305 well a prévu ce que nous sommes en train de vivre dans nos États-nations de l’Occident guère moins que dans les régimes tota
306 s nos États-nations de l’Occident guère moins que dans les régimes totalitaires3, car il faut être deux pour jouer à ce jeu-
307 que la possibilité, non la réalité vécue de la TV dans tous les ménages. Mais c’est cela qui lui a suggéré l’idée maîtresse
308 eures du jour et de la nuit, où que nous allions, dans nos foyers, dans nos bureaux ou ateliers, dans les cafés ou les grand
309 de la nuit, où que nous allions, dans nos foyers, dans nos bureaux ou ateliers, dans les cafés ou les grands magasins, nous
310 s, dans nos foyers, dans nos bureaux ou ateliers, dans les cafés ou les grands magasins, nous sommes environnés, sollicités,
311 llicités, traversés sans le savoir par des ondes ( dans le cas de la télévision), gavés de nouvelles posant les mêmes problèm
312 Et c’est tout cela qui prend la place principale dans nos conversations, discussions politiques, échanges d’arguments et de
313 er n’est pas là où on le dénonce trop facilement, dans le contrôle allégué de nos vies privées par les Pouvoirs, dans cette
314 ôle allégué de nos vies privées par les Pouvoirs, dans cette « mise en fiches » des citoyens dont on accuse l’ordinateur d’ê
315 ailleurs. C’est là que réside le vrai danger, non dans l’ordinateur, qui n’est qu’un instrument permettant de consulter plus
316 sûr, le minimum légal à obtenir — c’est déjà fait dans la plupart des États européens — est d’établir le droit de chacun à c
317 j’oserai donc avancer que je fonde quelque espoir dans l’extrême vulnérabilité du secret des réseaux d’information. Il ne se
318 era rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous
319 de communes, c’est-à-dire de petites communautés dans lesquelles l’homme puisse agir comme personne à la fois libre et resp
320 tion d’emplois ? Il y a cinquante ans à peu près, dans le premier numéro de la revue personnaliste intitulée L’Ordre nouvea
321 l’ouvrier des tâches mécaniques et serviles. Or, dans la mesure où cela réussit, le résultat ne s’appelle pas libération ma
322 és » ? On me répondait : nous allons les recycler dans le tertiaire, car le progrès technique crée au moins autant d’emplois
323 s chiffres. Je prendrai la plupart de mes données dans un très long article de Business Week (New York) paru en 1981 et trad
324 aux États-Unis ». Va-t-on recycler ces ouvriers dans le tertiaire comme les économistes ne cessent de l’affirmer ? Voici l
325 n total dépassant 50 millions d’emplois existants dans le secteur tertiaire, 38 millions risquent d’être affectés à plus ou
326 terme par l’automatisation ». Mêmes observations dans d’autres domaines du tertiaire. Par exemple : « dans les postes améri
327 s d’autres domaines du tertiaire. Par exemple : «  dans les postes américaines, l’automatisation a entraîné une baisse des ef
328 de la préservation de l’emploi un problème majeur dans les négociations syndicales ». (Les récentes grèves dans les P&T
329 s négociations syndicales ». (Les récentes grèves dans les P&T françaises n’avaient pas d’autre motif.) Le rapport Nora
330 prévoyait, sur les effectifs de 600 000 employés dans les banques et les assurances, une réduction de 30 % en 1990. Cependa
331 d’ordinateurs a correspondu à une baisse marquée dans la main-d’œuvre qui les fabrique ! On me dira peut-être que la qualit
332  ! On me dira peut-être que la qualité du travail dans les industries sera fortement améliorée par l’informatisation des pro
333 que en eux un stress dont on a mesuré les effets. Dans le domaine du dessin industriel, par exemple, on s’est aperçu que leu
334 ux besoins d’expression, d’accomplissement de soi dans la totalité de la personne humaine, corps, âme, esprit, — et pas seul
335 à cette fin, dès cette année 1984, non seulement dans notre Centre européen de la culture à Genève, mais en coopération étr
336 iques, autant dire de la toute-puissance, demain. Dans la cohorte des spectateurs inconditionnels de l’informatisation total
337 u Laboratoire d’intelligence artificielle du MIT. Dans ses propos, publiés par L’Express, je vous prie de faire la part d’un
338 répond qu’en effet, « comme l’a fait la religion dans le passé, l’ordinateur est en train d’amorcer une renaissance de la p
339 on : « qui dit quoi ? par quel canal ? à qui ? et dans quelle intention ? » À quoi il serait bon d’ajouter : « au bénéfice d
340 prévoir aujourd’hui l’impact ». Victor Hugo écrit dans un poème : « Vous dites : où vas-tu ? Je l’ignore et j’y vais. » Répo
341 ’on ne sait où l’on va, mieux vaut n’y pas aller… dans certains cas… Je précise : cessons de nous précipiter vers un avenir
342 l’on prend ce risque, de dimension sans précédent dans toute l’histoire des civilisations. Je demande à réfléchir sur les vo
343 alculables. Je renouvelle ma proposition de créer dans chacun de nos pays, mais surtout à l’échelle européenne, des conseils
19 1984, Articles divers (1982-1985). Trois manières de considérer le nucléaire (1984)
344 aurer la possibilité pour des millions de foyers, dans chacun de nos pays européens, de se rendre autonomes, de recréer des
20 1984, Articles divers (1982-1985). Le Patrimoine européen [conclusion] (1984)
345 ps. Si nous nous intéressons au patrimoine, c’est dans le souci d’un héritage à transmettre vivant ; et si nous nous intéres
346 ent lointain, comme le soleil. Tout naturellement dans nos exposés, nous sommes partis de Byzance et de sa fille nordique, l
347 iècle, l’apport slave. Sans oublier de mentionner dans notre siècle, l’influence des arts et des rythmes africains — via les
348 nous avons tenté quelques survols de cette unité dans la pluralité des sources et les antinomies parfois créatrices ; dans
349 es sources et les antinomies parfois créatrices ; dans le domaine littéraire, en nous interrogeant sur ce que l’on peut appe
350 e l’on peut appeler les classiques européens ; et dans le domaine spirituel, en rappelant l’action du pape pour l’union de l
351 ou mieux : la co-action des contraires maintenus dans leurs oppositions, contradictions, antinomies qu’il s’agit de rendre
352 ses membres. ⁂ Tout cela, pour moi, se concrétise dans la notion de régions (vous pensez bien que j’allais y revenir) comme
353 de la vie humaine, et à la formation de l’enfant dans un milieu naturel et humain où l’on dit « qu’il a ses racines ». Mais
354 ’importance des racines — c’est-à-dire du passé — dans une certaine philosophie fortement politisée de la fin du xixe et du
355 nos colloques. Ce que nous avons essayé de faire dans celui-ci, comme dans celui de l’an dernier, c’est peut-être ce que Ni
356 e nous avons essayé de faire dans celui-ci, comme dans celui de l’an dernier, c’est peut-être ce que Nietzsche appelait de s
357 ieux, aux heures de faiblesse, qu’ils retombèrent dans l’étroitesse nationale et devinrent patriotes. Nietzsche ajoute qu’i
358 l’avenir européen. Cet avenir se fait aujourd’hui dans la crise, c’est le mot dominant, crise que l’Europe a fomentée en rép
359 ment sa civilisation industrielle et technicienne dans toutes les cultures les moins faites pour l’accueillir, qu’elle a pro
360 ésarroi peut être exploité contre nous, y compris dans ce que notre culture a créé de meilleur. Ce qui doit dominer nos préo
361 presque insolubles qu’elle est en train de créer dans toutes les sociétés qu’elle touche. Nous avons fait beaucoup pour nou
362 qu’en se comparant à ce qui n’est pas soi. C’est dans cette idée de comparaison active, prospective, que j’ai proposé depui
363 . Comment ces réalités sont-elles vues et vécues dans les grandes cultures qui se partagent notre monde : Inde, Chine, Japo
364 frontant les définitions du travail et du loisir, dans ces grandes cultures, approcher d’une manière toute nouvelle le probl
365 Je souhaite que notre ami Jacques Freymond trouve dans cette proposition matière à examen, et s’en souvienne quand il établi
21 1984, Articles divers (1982-1985). Club-Énergie de l’Est vaudois : avec Denis de Rougemont (19 juin 1984)
366 contradictoires et de moins en moins compatibles dans les faits. Le temps est venu de choisir entre les deux, en connaissan
367 it. Deux volontés se manifestent dès les origines dans l’histoire de l’humanité et s’opposent ou parfois se composent en cha
368 e motivés par un besoin de responsabilité assumée dans la communauté. Comment se sentir libre si l’on n’est responsable de r
369 . Il désigne l’aménagement des relations humaines dans la communauté et l’art de piloter, c’est-à-dire de « gouverner » une
370 . « Très cher » implique l’intervention de l’État dans les investissements majeurs, et un bon en avant du PNB, mesure des dé
371 ibilité, pour des centaines de milliers de foyers dans chacun de nos pays européens, de se rendre indépendants, de se faire
372 ’autosuffisance en cas de nécessité, la confiance dans le prochain. Ce qu’il faut voir, c’est que le but de la société n’est
22 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage I] (1985)
373 ns entre vingt-cinq et trente ans pour la plupart dans les équipes fondatrices du mouvement personnaliste réunies autour d’E
374 , à l’Ouest. Telle était la situation peu tenable dans laquelle l’histoire nous sommait de nous débrouiller. Nous étions con
375 brouiller. Nous étions contre beaucoup de choses, dans cette époque. Contre le capitalisme, contre le productivisme, contre
376 Marc, le même qui allait me mettre en relations — dans un groupe de discussion œcuménique qui se tenait au premier étage d’u
377 e Robert Aron. On nous retrouvera pour la plupart dans le fameux numéro 6 d’ Esprit de mars 1933, intitulé Rupture entre l’
378 plus urgentes encore qu’elles ne pouvaient l’être dans les années 1932 à 1939. Et là-dessus, deux précisions d’actualité. 1.
379 s 1930. Et il l’est encore plus aujourd’hui. Mais dans le cas des régimes totalitaires, dont nous avions tenté très sérieuse
380 éforme : nous demandions leur suppression totale, dans la mesure même où ils étaient totalitaires. 2. On a dit que nous étio
381 Italie, nous voulions le dénoncer et le combattre dans ses causes, partout où nous sentions sa menace déjà présente, comme e
382 ions sa menace déjà présente, comme en incubation dans nos propres États-nations. Le fond de l’affaire n’était donc pas de c
383 droite, catégories très spécialement inopérantes dans le cas des trois dictatures : il faut rappeler ici, tout de même ! qu
384 n seul instant que nous avions raison sur tout et dans toutes nos diverses options, assez diverses selon les groupes et les
385 tivations, qu’ainsi nous avons vécu notre époque, dans les années 1930. Il me semble que nous étions d’à peu près cinquante
23 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage II] (1985)
386 ant qu’il parlait sont exactes, John Hellman voit dans le personnalisme, dans celui d’Esprit notamment, un mouvement de « ch
387 exactes, John Hellman voit dans le personnalisme, dans celui d’Esprit notamment, un mouvement de « chrétiens gauchisants […]
388 Hellman, comment notre mouvement était « perçu » dans les années 1932 à 1940. Mais il ne faudrait tout de même pas confondr
389 alisme que nous avons vécu. Hellman nous dit que, dans un tract intitulé Le Voltigeur, j’aurais réclamé la création en Franc
390 .) Le problème est très vieux. Il est traité déjà dans le livre biblique des Proverbes 6 en deux versets que j’ai cités dans
391 ue des Proverbes 6 en deux versets que j’ai cités dans une réédition récente de La Part du diable . Les voici : Ne réponds
392 positions d’un fascisme français étaient définies dans ce livre ». C’est ainsi que les communistes m’avaient sinon « perçu »
393 rase se trouve préfigurée, presque littéralement, dans une lettre adressée par Jean Guéhenno à Romain Rolland, au sujet d’un
394 ce « Cahier », à la suite d’un petit article paru dans une revue suisse et intitulé « Cause commune », où j’esquissais les p
395 llaboration. Il vint chez moi, rue Saint-Placide, dans l’appartement que me louait Georges Izard et, sitôt entré, me demanda
396 de revendications » paraît le 1er décembre 1932, dans la NRF , et fait pas mal de bruit. Il constitue en quelque sorte l’a
24 1985, Articles divers (1982-1985). Quelques-uns de mes écrivains : anecdotes (1985)
397 des avis de ce jeune homme qui venait de publier dans la revue ses premières « notes », sérieuses, impertinentes, et sans d
398 e de bien décevant. J’ai essayé de relire Cicéron dans l’espoir de le trouver surréaliste… Eh bien non ! C’est vraiment très
399 rmanence. Concision, précision, densité, vivacité dans l’éloge et le blâme on ne peut plus librement alternés, caractérisaie
400 Cruel dilemme d’Artaud Un soir que nous étions dans ce même bureau, Artaud, Henri Michaux et moi, Paulhan propose d’aller
401 ux et moi, Paulhan propose d’aller dîner ensemble dans un petit restaurant chinois, derrière la gare Montparnasse. Nous rem
402 . Tout d’un coup, Artaud s’arrête, prend un objet dans sa poche et en fait jaillir une lame brillante. Le visage convulsé, l
403 nt. Je lâche son bras. Nos deux amis sont arrivés dans la lumière de l’entrée du bistrot. Artaud se calme. Nous voici bientô
404 uter à l’incongruité de l’occasion, elle eut lieu dans les bureaux de l’Office of War Information, où il avait un job, et où
405 n dit ici, speaker étant un nom purement français dans cet usage — seront Breton, Lévi-Strauss et le peintre Ozenfant. Deux
406 parle est trop engagée — et peut-être engageante dans le cas d’Elisa pour avoir été tolérée par ses jeunes amis du groupe s
407 dez-vous est fixé aussitôt pour un dîner à trois, dans un bistrot français de la 54e Rue, demain soir, 20 heures. J’y suis à
408 urs de la Légion d’honneur. « J’ai pas su pleurer dans les ministères. J’ai pas su dire : “C’est pas pour moi, c’est pour ma
409 morte il y a douze ans…” » Ce matin même, j’ai lu dans un journal qu’il l’avait enfin, sa cravate ! Et le voilà. Je lui dis 
410 ent exterminée. C’est moi qui vous écrirai plutôt dans quelques jours, dès que j’aurai une adresse. Et vous me direz alors s
411 lentement, poussant son vélo à la main, louvoyant dans la foule des voyageurs, et nous allons dîner au Buffet. « Voilà, me d
412 nt l’épaule, le pouce levé). J’attendais immobile dans ma chambre, depuis une heure. Le téléphone sonne enfin dans la pièce
413 ambre, depuis une heure. Le téléphone sonne enfin dans la pièce à côté. Je me précipite. Mais l’appareil est invisible. Je c
414 is un fil sur le parquet, je le suis ! Il aboutit dans une valise ! Fermée à clé ! Le téléphone sonne toujours, là-dedans !
415 j’ai été m’installer de l’autre côté de la place, dans un petit hôtel. J’ai une chambre qui donne sur la place. Le matin, je
25 1985, Articles divers (1982-1985). Éloge de Jean Starobinski (1985)
416 exactement le contraire de moi, de ce que je fus dans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je m’explique par quelques
417 vous le permettez, « Staro », comme on l’appelle dans toute l’Europe, est conservateur par sagesse, au plus beau sens de l’
418 t en tous domaines, je ne l’ai jamais été, hélas, dans aucun. Il est analytique et méthodique, moi plutôt polémique et passi
419 Autant il a su préserver l’irénisme du philosophe dans ses écrits et son comportement, autant il m’est arrivé de céder à la
420 tous scrupules apaisés : Que s’est-il donc passé dans l’entretemps ? Deux choses. D’abord, comme chaque fois que je me sens
421 choses. D’abord, comme chaque fois que je me sens dans l’impasse, je me suis dit : voyons un peu plus large. Ensuite, j’ai l
422 ressentons l’époque. Mais il y a plus. Enracinés dans la littérature française, nous avons l’un et l’autre été nourris par
423 tionale mais transdisciplinaire — psycho-médicale dans son cas, théologico-politique dans le mien — j’ajouterai un dernier é
424 sycho-médicale dans son cas, théologico-politique dans le mien — j’ajouterai un dernier élément de similitude, non le moins
425 Belle langue aussi, ductile jusqu’à la virtuosité dans la manière encore classique, mais déjà proche du baroque, dont elle é
426 du complexe d’idées qu’elle crée. C’est peut-être dans la rencontre de l’essayiste avec le phénomène poétique que se traduit
427  ; mais aussi, les textes si purs qui présentent, dans un des grands albums de Skira, ces images du xviiie qu’il a choisies
428 on de la liberté. On n’a pas mieux écrit en prose dans ce pays. Et Jean Starobinski est certainement le critique le plus lit
429 touche à l’héroïsme quand on publie, précisément, dans les revues de linguistique et de psychanalyse ! Mais il est temps d’
430 antithèse traditionnelle de l’être et du paraître dans l’homme. Thème majeur qui implique et appelle deux autres thèmes qu’o
431 ique et appelle deux autres thèmes qu’on retrouve dans tous les livres de Starobinski, qu’il s’agisse de littérature, d’esth
432 me retiendra ce soir. L’essentiel en est annoncé dans le titre. Il ne s’agit nullement de biographie ni de critique proprem
433 e des Essais et la formule de vie de leur auteur. Dans le premier temps, Montaigne se prend pour sujet : « Je me suis présen
434 ’agit d’un réflexe de défense : il se sent menacé dans son identité par les désordres de l’époque. Oyez plutôt, en vous souv
435 end figure de convention universellement reçue ». Dans une telle crise — qui évoque à s’y méprendre celle de nos polémiques
436 des idées, ou en d’autres termes, de l’engagement dans l’actuel. Ce que Starobinski va nous montrer au long des sept illust
437 de conscience du fait que je me connais seulement dans mes relations avec autrui, avec la société, avec le monde ; et troisi
438 , de la réalité existentielle, dirions-nous, mais dans la seule mesure où elles sont maîtrisées, soumises à l’être, à la per
439 de la nécessité de dépasser l’antinomie, non pas dans une synthèse théorique à la Hegel mais dans la reconnaissance de la m
440 n pas dans une synthèse théorique à la Hegel mais dans la reconnaissance de la mise en tension vivante de l’autre et de moi,
441 je le dois à ce livre de Staro. Mais il y a plus. Dans les vingt dernières pages du livre, intitulées : « Après Montaigne »,
442 aine incertain de la décision éthique pour entrer dans celui de l’application infaillible d’un savoir. » Et il dénonce la pe
443 t ni ange ni bête », thème qui revient vingt fois dans les Essais.) Si vous êtes curieux de notre lauréat, lisez son livre s
444 n jour ce livre de raison et de sagesse veloutée, dans lequel nous parlant du monde qu’il vit, et non plus d’un auteur-préte
26 1985, Articles divers (1982-1985). L’agora, condition première de la démocratie réelle (décembre 1984-janvier 1985)
445 ncept d’agora a toujours joué un rôle fondamental dans ma théorie du fédéralisme. L’agora figure pour moi l’expression premi
446 . L’agora est la meilleure définition d’un espace dans lequel des citoyens peuvent échanger leurs vues, dialoguer. Elle est
447 surtout a traité du rôle indispensable de l’agora dans la vie d’une cité, et il a décrit les dispositions architecturales ty
448 n où siègent les magistrats, que l’on nomme curie dans le monde romain et, beaucoup plus tard, le « palazzo communale » ou l
449 ue le pacte de 1291, dit du « Grütli », fut écrit dans un latin assez particulier, celui des greffiers qui rédigeaient alors
450 ouvelle formule des pactes d’autonomie régionale, dans certains cas les Waldstätten, mais le plus souvent urbaine s’est répa
451 tten, mais le plus souvent urbaine s’est répandue dans les Allemagnes et en Angleterre, en Bourgogne et jusqu’en Espagne. Il
452 ctionne ont été formulées par Aristote, notamment dans sa politique. La première règle est celle de la dimension, que nous a
453 alisé ou le dictateur. Mais qui peut lui répondre dans l’assemblée des hommes libres et se faire entendre à l’échelle nation
454 radios d’État. Essayez de vous emparer des micros dans une salle de 40 000 places assises entourée d’un parc immense où s’es
455 en ai donné une description rigoureusement fidèle dans mon Journal d’Allemagne , détruit par les nazis en 1940, mais réédit
456 gne , détruit par les nazis en 1940, mais réédité dans mon Journal d’une époque en 1968. Ce jour-là, j’ai vécu jusqu’à l’h
457 j’échange quelques mots, à la douane, au bistrot, dans l’autobus — « de toute façon, ça n’y changera rien, ma voix ne compte
458 ’État en tant que gage de liberté-responsabilité. Dans ses ouvrages sur Genève et sur les Confédérés, le Contrat social, les
459 ntrat social, les Lettres de la montagne et aussi dans son Gouvernement de la Pologne, il ne cesse de rappeler l’idéal polit
460 e représente pour lui le peuple genevois assemblé dans le « Temple de Saint-Pierre », comme il appelle la cathédrale jouant
461 du civisme et qui permet aux hommes d’être libres dans la mesure même où ils peuvent assumer leur responsabilité civique. Vo
462 moins schématiques que les répliques improvisées dans l’assemblée réelle. Votre journal est donc, dans ce sens, un substitu
463 dans l’assemblée réelle. Votre journal est donc, dans ce sens, un substitut virtuellement très valable à l’agora d’une muni
464 ailleurs par l’essor des nationalismes, culminant dans la création napoléonienne de l’État-nation. aj. Rougemont Denis de,
27 1985, Articles divers (1982-1985). Vocation culturelle de la Suisse en Europe (septembre 1985)
465 Tout comme on peut le dire de l’Europe considérée dans son ensemble, la Suisse est un espace de culture dont le centre est p
466 ne, qui va devenir le cœur du grand style baroque dans l’Europe du Nord. Au xviiie siècle, il semble que de grands coups de
467 tres corps savants d’Europe, n’accepte d’ailleurs dans sa cité qu’une charge mineure de scrutateur du Sénat. C’est de Zurich
468 plus que toute autre circonstance à faire entrer dans la littérature universelle : Herder et Goethe vont découvrir, grâce à
469 li et dont va procéder William Blake) — sont nées dans le cercle du Doyen Bodmer : intensité lumineuse maxima ! Un peu plus
470 l’idéologie qu’adoptera la Révolution française, dans sa première phase libérale tout au moins. Sait-on que la Déclaration
471 e, Harvard et Berkeley autant qu’à la Sorbonne et dans la plupart des universités européennes. Dans le même temps, l’Institu
472 e et dans la plupart des universités européennes. Dans le même temps, l’Institut Rousseau fonde la pédagogie moderne, adopté
473 u fonde la pédagogie moderne, adoptée aujourd’hui dans l’Occident tout entier, comme l’est aussi la pensée de Jean Piaget, l
474 ien, et de C. G. Jung, né Bâlois. On a vu évoquer dans ces pages plusieurs des plus grands noms de l’aventure intellectuelle
475 rice, dont on trouvera difficilement l’équivalent dans une autre région du monde d’étendue à peu près comparable. Lucien Feb
476 bvre, admirable historien de la culture, écrivait dans sa préface à un petit livre de moi sur la Suisse 14 : Pays de gens m
477 maine de Staël. Il s’appelle Jakob Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Et il est vr
478 prits, hors du compartiment natal, iront chercher dans les vertiges de la synthèse et dans les larges vues panoramiques les
479 ront chercher dans les vertiges de la synthèse et dans les larges vues panoramiques les grandes dimensions qui leur manquent
480 très tôt son canton natal de Schwyz, Euler vécut dans les Allemagnes et à la cour de Russie, Jean de Müller à Vienne et à B
481 pas la Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’est au contraire de l’étranger, des grands pays voisins
482 que tel, le stade national est sauté. Cas unique, dans l’Europe moderne. J’ose y voir le plus grand privilège des Suisses :
483 t l’Occident (1939), préconise depuis longtemps, dans ses livres et ses interventions diverses, l’union de l’Europe par le
28 1986, Articles divers (1982-1985). Interview avec Denis de Rougemont (1986)
484 tait. Le retour de Dieu, précisément, se confirme dans la pensée philosophico-politique d’aujourd’hui19. Dans ce contexte, c
485 la pensée philosophico-politique d’aujourd’hui19. Dans ce contexte, ce qui frappe à la lecture de ces écrits des années 1930
486 nes prises de position de l’époque, de les revoir dans le climat intellectuel d’aujourd’hui. Vos écrits des années 1930 sont
487 e choses que Marx a découvertes, qui sont entrées dans le domaine commun, et qui sont désormais acquises par tous les polito
488 chère à Marx. Il y a notamment beaucoup à prendre dans les écrits du jeune Marx, que nous avait révélés Arnaud Dandieu, alor
489 Telle était la devise de Hitler. Devise jacobine dans ses deux premiers termes, et napoléonienne par son troisième. Et c’es
490 commune, jusqu’à l’atelier. Nous voulions recréer dans la société actuelle des cellules aussi petites que possible où le civ
491 ntretenir une école, en France surtout. Mais même dans la France ultra centralisée, modèle de l’État centraliste, il se déve
492 lusieurs communes mettent leurs efforts en commun dans un domaine particulier : les écoles, les égouts, les forêts… Tout tie
493 ions énormément là-dessus. J’y reviens sans cesse dans tous mes écrits politiques. Tout dépend des dimensions des tâches don
494 s étages de la société. Ainsi, l’État existe déjà dans le couple — c’est une théorie qui m’est un peu particulière. Dans le
495 c’est une théorie qui m’est un peu particulière. Dans le couple, celui qui fait les comptes, qui paye les factures, tient l
496 par convention pour qu’un certain nombre de gens dans la commune assument les activités étatiques nécessaires. D’où mon imp
497 iment de commune appartenance (cela commence déjà dans le règne animal). Ils sont du même pays, ils sont de la même langue,
498 léments pris par malheur au plus bas, par exemple dans la race, ce qui ne nous avait jamais effleurés. Parmi les personnalis
499 qui peut être très constructive. C’est d’ailleurs dans Nietzsche que nous avons lu les premiers textes énergiquement favorab
500 rop souvent que l’idée de marché commun se trouve dans Par-delà le bien et le mal, où il est dit que tout va vers l’union de
501 te le fédéralisme s’inscrivent tout naturellement dans la tradition protestante.22 Pour moi, je redécouvrais le calvinisme,
502 ragments de lui — intitulés Diapsalmata — publiés dans la revue Commerce, que je considérais comme la meilleure de l’époque.
503 che avait pu lire Kierkegaard, tout aurait changé dans la pensée philosophico-religieuse de la deuxième moitié du xixe sièc
504 i. Il écrivait souvent à Nietzsche, et il lui dit dans une lettre qu’il y avait deux hommes qu’il devait absolument lire, l’
505 écouvrais donc avec Kierkegaard le protestantisme dans ce qu’il avait de plus radical et révolutionnaire, tandis qu’en reven
506 f du point de vue de la communauté civique. Donc, dans ces années-là, découverte simultanée des pôles contraires de la Réfor
507 a beaucoup aidé c’était un article que j’avais lu dans Esprit d’un personnage haut en couleur, qui s’appelait l’abbé Plaqu
508 avait publié deux ou trois articles sensationnels dans Esprit dans lesquels il montrait comment le mot personne a été conç
509 eux ou trois articles sensationnels dans Esprit dans lesquels il montrait comment le mot personne a été conçu, a été imagi
510 rge. Il y a, par exemple, cette phrase importante dans le droit romain : « Persona est sui juris », la personne est sujet de
511 é atomisée, mais le sujet responsable de son rôle dans la communauté. Vous utilisez le terme de valence dans « Définition de
512 la communauté. Vous utilisez le terme de valence dans « Définition de la personne ». Oui, l’individu n’a plus de valence ci
513 e française. Et c’est de là que nous disions que, dans la démocratie individualiste, il n’y a plus rien pour résister aux te
514 éponse qui ne vaut rien, je l’ai largement montré dans Penser avec les mains , mais c’est une réponse. Et ça explique leur
515 e les gens. Il est sur la scène et il les appelle dans la salle. Il leur ordonne de faire des choses extravagantes, et ils l
516 font devant tout le monde. Mais quelqu’un se lève dans la salle et dit qu’il est scandalisé de voir qu’on prive les hommes d
517 té ». Ça c’est l’individu qui ne se réfère à rien dans la communauté (les rapports entre les gens), qui dit simplement « non
518 . Là, pourtant, il y a une petite difficulté, car dans cette idée de vocation, telle que vous l’entendez, il y a une composa
519 ondamental pour moi. C’est ce que je développerai dans un livre qui doit être, à mon sens, le plus important de ceux que j’a
520 de vue moral c’est : la fin justifie les moyens, dans la mesure où elle crée les moyens qui sont déterminés pour la rejoind
521 it de toute raison raisonnable. D’où l’importance dans votre pensée de la dimension téléologique ? Oui. Je me rappelle un ph
522 vitait de parler de Dieu. Il avait peur de tomber dans le langage pieux et il parlait plutôt de l’Absolu, ce qui l’avait ren
523 rincipe même. En ce sens, vous êtes antimarxiste. Dans ce sens oui : radicalement anticollectiviste. Il n’existe pas deux ho
524 e retrouvais beaucoup de métaphores qui sont déjà dans les psaumes de l’Ancien Testament, par exemple cette phrase qui m’a t
525 . C’est une lumière qui n’éclaire mon sentier que dans la mesure où j’ai le courage d’avancer, puisqu’elle est comme attaché
526 part une certitude que mon pied ne va pas tomber dans le vide. Je dois inventer mon sentier. Si je prenais les routes natio
527 apitale, avec un peu de chance. Donc je resterais dans le même plan. Je n’arriverais pas à moi. Mon chemin, je le répète, c’
528 t mon moyen. Là j’ai retrouvé des choses qui sont dans Nietzsche, la création de soi en vertu d’une fin qui est encore indic
529 clair. Cette vocation je ne peux pas la réaliser dans le vide, je la réalise donc parmi les hommes, puisqu’elle doit être t
530 u’elle doit être tout acte. La personne est prise dans le mouvement même de cette autocréation — « deviens qui tu es ! », di
531 ant soi-même mais devant le Prochain. On s’assume dans ses incertitudes, on les dépasse en action. Vous voyez, nous sommes i
532 téchisme traditionnel, et en même temps, en plein dans la réalité — pour moi — du christianisme. Je n’en connais pas d’autre
533 relations avec la société, la politique, l’action dans la communauté… Tout de suite après, je me mettrai à La Morale du But
534 t une autre chose qui est tout à fait essentielle dans tout ce que nous disions26, mais peut-être plus claire chez moi que ç
535 raire que d’autres n’avaient pas, qui n’était pas dans leurs préoccupations maîtresses. Moi je me suis toujours considéré av
536 notion de sacré qui revient à plusieurs reprises dans vos écrits. Caillois m’a beaucoup apporté, surtout pour mon étude des
537 stes ? Il se trouve qu’à mon âge — j’aurai 78 ans dans un mois — eh bien, je ne me sens pas du tout vieux, mais je découvre
538 régions, notamment — paraissent enfin s’inscrire dans les faits, pour ce qui est, tout au moins, de l’Europe. Le 5 août 198
539 — contient d’ailleurs un important post-scriptum dans lequel l’auteur réfute les critiques portées contre la première éditi
540 ainsi que les nombreux articles de l’auteur parus dans les deux revues personnalistes de l’époque, Esprit et L’Ordre nouv
541 nt de signaler les attaques de Bernard-Henri Lévy dans L’Idéologie française (Paris : Grasset, 1980), où l’imprécision de la
542 e mal dont il est question est intégralement cité dans Vingt-huit siècles d’Europe (Paris : Payot, 1961), p. 302-303. À pro
543 oven, Stendhal, Henri Heine, Schopenhauer ». Cité dans Vingt-huit siècles d’Europe, p. 302. Traduction anglaise : The Idea
544 nt, intitulé « Définition de la personne », parut dans le numéro 27 de la revue Esprit (décembre 1934). 24. Denis de Roug
545 Unis de 1940 à 1946. Alors qu’il était lieutenant dans l’armée suisse, il écrivit un article jugé injurieux par les autorité
546 entrée d’Hitler à Paris (il parut le 17 juin 1940 dans La Gazette de Lausanne ). Cela suscita de vives protestations de la p
547 ts) et deux en anglais. 25. L’interview eut lieu dans les Alpes-Maritimes. 26. Voir en particulier la quatrième partie de
29 1986, Articles divers (1982-1985). L’Europe des consciences (1986)
548 çais, à part Baudelaire et Saint-John Perse. Mais dans Calvin, l’initiateur de la langue des idées en France, et dans Montai
549 l’initiateur de la langue des idées en France, et dans Montaigne, inventeur des Essais précisément ; puis dans le Pascal des
550 ontaigne, inventeur des Essais précisément ; puis dans le Pascal des Pensées, le Descartes du Discours, le Montesquieu des L
551 s… Voilà ce qui compte à mes yeux, plus que tout, dans ma bibliothèque française. Seul Benjamin Constant est meilleur dans A
552 ue française. Seul Benjamin Constant est meilleur dans Adolphe que dans ses écrits politiques. Paul Valéry me paraît en reva
553 l Benjamin Constant est meilleur dans Adolphe que dans ses écrits politiques. Paul Valéry me paraît en revanche plus créateu
554 . Paul Valéry me paraît en revanche plus créateur dans sa prose que dans ses vers. On m’opposera sans doute Racine. Mais tou
555 araît en revanche plus créateur dans sa prose que dans ses vers. On m’opposera sans doute Racine. Mais toute loi souffre exc
556 u’on le jugera. Rendons leur place aux essayistes dans toute littérature digne du nom, et surtout d’expression française. ⁂
557 st un de nos meilleurs écrivains, mais il se perd dans les comités »… Combien d’autres ont dit ou écrit que mes engagements
558 tre part l’évolution intérieure qui fut la mienne dans le même temps, je veux dire dans les années 1930 à 1940. Durant cette
559 ui fut la mienne dans le même temps, je veux dire dans les années 1930 à 1940. Durant cette décennie tout s’est joué, à la f
560 revoir l’interaction de ces deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rap
561 x séries de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du d
562 usait le choix. Nous étions condamnés à inventer, dans un temps ridiculement bref, une troisième voie. Ce fut celle du perso
563 nous sommes personnalistes. Un trait de lumière dans mon esprit : cette formule se trouvait répondre aux questions les plu
564 s aussi d’une manière clandestine, on s’en doute, dans l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Ils allaient lancer des revue
565 ar la guerre arriva, comme prévu, nous dispersant dans nos pays et leurs armées parfois ennemies. Je fus mobilisé d’abord da
566 armées parfois ennemies. Je fus mobilisé d’abord dans le Jura, puis attaché au service Armée et Foyer de l’état-major génér
567 me suis trouvé, sans savoir trop comment, engagé dans la lutte militante pour la fédération de nos peuples. À mes amis fédé
568 tes, dont beaucoup avaient milité avant la guerre dans nos groupements personnalistes, puis inspiré la Résistance, j’ai dit
569 Nous retrouvions l’idéal d’Aristote, qu’il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du même coup, et le modèle de cité id
570 dre en l’appliquant aux citoyens de Genève réunis dans la cathédrale. D’où l’idée, dérivée de Proudhon cette fois-ci, d’une
571 r une puissance nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de l’Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’a
572 re par sa vocation, mais responsable de l’exercer dans la cité, par là même relié à la communauté, et même plus : créateur d
573 e. J’ai dit les conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles « perdu pour la littérature » ? J’ose dire que no
574 rès coup, d’une analyse de ce que j’ai vécu. Mais dans le fait, au jour le jour, tout s’est passé autrement, par hasard. Cer
575 n de la liberté, l’Europe est aujourd’hui menacée dans ses raisons d’être et dans ses possibilités de persévérer en son être
576 st aujourd’hui menacée dans ses raisons d’être et dans ses possibilités de persévérer en son être. La situation politique mo
577 blic — mais des personnes libres et responsables. Dans le monde d’aujourd’hui, tout est fait de main d’homme (sauf les tremb
578 des jacobins ! Déjà le souci écologique s’inscrit dans les constitutions et dans la formation des cabinets ministériels. Bie
579 ci écologique s’inscrit dans les constitutions et dans la formation des cabinets ministériels. Bien plutôt que par « la note
30 1994, Articles divers (1982-1985). Agora (1994)
580 surtout a traité du rôle indispensable de l’agora dans la vie d’une cité, et il a décrit les dispositions architecturales ty
581 n où siègent les magistrats, que l’on nomme curie dans le monde romain et, beaucoup plus tard, le « palazzo comunale » ou l’
582 ue le Pacte de 1291, dit du « Grütli », fut écrit dans un latin assez particulier, celui des greffiers qui rédigeaient alors
583 uvelle formule des pactes d’autonomie — régionale dans certains cas : les Waldstätten, mais le plus souvent urbaine — s’est
584 en, mais le plus souvent urbaine — s’est répandue dans les Allemagnes et en Angleterre, en Bourgogne et jusqu’en Espagne. Il
585 tionne, ont été formulées par Aristote, notamment dans sa Politique. La première règle est celle de la dimension. Il s’agit
586 du civisme et qui permet aux hommes d’être libres dans la mesure même où ils peuvent assumer leur responsabilité civique. Le
31 1994, Articles divers (1982-1985). URSS (1994)
587 ion pyramidale, fédéraliste en apparence, culmine dans un pouvoir absolu et centralisé, résidant à Moscou. La Constitutio
588 l des États en Suisse). L’autorité suprême réside dans le Présidium du Comité central exécutif. La Constitution de 1936
589 ement maintenue tout au long de ses 146 articles. Dans son rapport sur le projet de constitution, Staline exalte d’une part
590 du prolétariat » (art. 1 et 2). « Tout le pouvoir dans l’URSS appartient aux travailleurs en la personne des soviets de dépu
591 is sur la citoyenneté fédérale, à quoi s’ajoutent dans le cas de l’URSS « la sécurité de l’État », l’établissement des plans
592 s et « l’établissement des principes fondamentaux dans le domaine de l’instruction publique », ainsi que la totalité de l’or
593 le, c’est la loi fédérale qui joue ». Ici encore, dans la pratique, et compte tenu du rôle omniprésent du Parti à tous les é
594 e l’URSS, responsable devant le Soviet suprême et dans les intervalles des sessions, devant le Présidium. » Il s’agit en fai
595 atuit à tous les degrés, supérieur compris, donné dans la langue maternelle) ; — droits égaux des femmes et des hommes, avec
596 meetings, liberté des cortèges et démonstrations dans la rue. Ces droits sont assurés par « la mise à la disposition des tr
597 et des autres couches de travailleurs s’unissent dans le Parti communiste de l’URSS, qui est l’avant-garde des travailleurs
598 de l’URSS, qui est l’avant-garde des travailleurs dans leur lutte pour l’affermissement et le développement du régime social
599 t tenir compte de tous les changements intervenus dans notre pays depuis quarante ans ». La principale innovation réside dan
600 s quarante ans ». La principale innovation réside dans l’abandon de toute référence à la « dictature du prolétariat ». L’art
601 peuple tout entier » et non plus seulement, comme dans les précédentes constitutions, « l’État des ouvriers, paysans et sold
602 et le totalitarisme pratiqué s’exprime à nouveau dans l’art. 3 qui introduit « le principe du centralisme démocratique », s
603 onstitutionnom ustrojstve SSSR [Internationalisme dans l’organisation constitutionnelle], Moskva, Juridiceskaja literatura,
32 1996, Articles divers (1982-1985). « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (automne 1996)
604 ns diligents quoique inconscients », écrivez-vous dans L’Avenir est notre affaire . Vous êtes bien l’anti-Pangloss. Pourquo
605 qui n’est pas différente de celle que j’annonçais dans mon premier article traitant du sujet politique : « Politique du pess
606 ponsabilité. Devant tout ce qui arrive de mauvais dans le monde, il dit : « qu’est-ce qu’ils ont encore fait ? » « Ils » ou
607 homme : « où es-tu ? » Adam et Ève se sont cachés dans les arbres. C’est tout juste s’ils ne disent pas : « je ne suis pas l
608 ue l’homme est bon. Il est bête et méchant, c’est dans ses chromosomes. Tout le problème politique est de l’empêcher de fair
609 et méchant ? Je fais comme tout le monde, je vais dans le sens de mon désir profond. Il se trouve que c’est le désir de la l
610 un, le but suprême de tous les hommes. Vous dites dans L’Avenir est notre affaire que deux finalités s’offrent à l’homme d’a
611 es, prendre en main leur destin, ce qui est exclu dans les grands États. Autrement dit, ils peuvent faire de la politique, c
612 agne ou le Pays basque, ou une unité économique ? Dans certains cas, c’est une ethnie, dans d’autres surtout une entité écon
613 économique ? Dans certains cas, c’est une ethnie, dans d’autres surtout une entité économique, mais c’est d’abord un espace
614 us acquitte. Mais on ne peut être responsable que dans une communauté à la taille de l’homme, où chacun peut juger des probl
615 e et de l’intelligentsia d’avant-garde en Europe… Dans L’Amour et l’Occident en 1939, vous avanciez des thèses pour le moi
616 in et que l’obstacle suprême étant la mort, c’est dans la mort que les amants légendaires, Tristan et Iseut, trouveront le c
617 t le sens ultime est que Tristan n’aime pas Iseut dans sa réalité. Ce qu’il aime, c’est aimer, être aimé, être intoxiqué de
618 ai montré les conséquences infinies de la passion dans de nombreux domaines de l’existence des Occidentaux, dans la littérat
619 nombreux domaines de l’existence des Occidentaux, dans la littérature et l’opéra bien sûr, mais aussi dans l’art de la guerr
620 ns la littérature et l’opéra bien sûr, mais aussi dans l’art de la guerre et enfin dans la crise du mariage, qui est en somm
621 sûr, mais aussi dans l’art de la guerre et enfin dans la crise du mariage, qui est en somme la crise de l’amour. D’où l’inf
622 le lendemain matin. Tout de suite, Gide apparaît dans une robe de chambre grise, avec sa belle tête chauve de moine tibétai
623 ces phrases qui m’émurent profondément : « C’est dans L’Amour et l’Occident et non pas dans Freud que j’ai découvert l’ex
624 : « C’est dans L’Amour et l’Occident et non pas dans Freud que j’ai découvert l’explication de mon cas et les raisons qui
625 e mon cas et les raisons qui m’ont fait commettre dans ma jeunesse… une terrible erreur d’aiguillage. » Une autre fois, plus
626 le solaire. Mais les États freinent la recherche dans ce domaine. Tant qu’ils n’auront pas trouvé le moyen d’intercaler un
627 queline Baron l’a rencontré à plusieurs reprises, dans sa maison de Ferney-Voltaire. Ces entretiens dont chaque page fut rel