1
L’Europe une
et
diverse : la contribution des cultures nationales [commentaires] (198
2
i certaines nations durent, grâce à leur culture,
et
quelles contributions elles peuvent apporter de la sorte à l’Europe u
3
elles peuvent apporter de la sorte à l’Europe une
et
diverse. Ma première intervention relevait quelque peu de la provocat
4
uropéens, aux sources exceptionnellement diverses
et
caractérisée par cette diversité même. L’affaire pouvait paraître liq
5
J’ai réfléchi à ce que vous avez dit ici, les uns
et
les autres. J’ai aperçu de nouvelles manières, non pas d’établir des
6
mpromis mais au contraire de préciser les choses,
et
de tourner, à certains égards, l’interdiction que j’avais posée au dé
7
incu depuis une cinquantaine d’années que j’écris
et
que je parle sur des questions européennes. Pourquoi est-ce qu’il nou
8
ous faut établir le dialogue sur nos différences,
et
pour que ce dialogue soit utile, il faut qu’il y ait un langage commu
9
ment variée par ses sources, d’où les difficultés
et
d’où aussi les solutions possibles. J’ajoute que, pour moi, faire une
10
pression de culture nationale : l’Europe a existé
et
elle a été cultivée bien avant l’existence de nos premiers États. Il
11
rmée en Europe jusque vers l’an 1300 de notre ère
et
qui, ensuite, s’est beaucoup enrichie. Mais enfin, l’essentiel s’est
12
e remontent à l’an 1000, au plus tôt : la Pologne
et
la Hongrie. L’instauration de la couronne de saint Étienne vers l’an
13
n de la couronne de saint Étienne vers l’an 1000,
et
la formation de la Pologne sont à peu près contemporaines. Voilà un p
14
la culture se confond avec l’identité nationale.
Et
plus tard, il faut sauter jusqu’au xiiie siècle pour voir se former
15
e Philippe le Bel, l’Espagne des rois de Castille
et
d’Aragon, l’Angleterre des petits rois autour de Londres qui ont fusi
16
Ensuite, vient la formation des États scandinaves
et
, au xixe seulement, étape suivante, la formation de la Belgique et d
17
ment, étape suivante, la formation de la Belgique
et
de la Hollande comme États, de l’Allemagne et de l’Italie, puis au xx
18
que et de la Hollande comme États, de l’Allemagne
et
de l’Italie, puis au xxe siècle, de la Tchécoslovaquie, de la Yougos
19
it constituée en même temps que celle des nations
et
par leur addition. Mais alors dans quelle mesure peut-on encore parl
20
formule : Tout ce qui descend d’Athènes, de Rome
et
de Jérusalem est authentiquement européen. À ces trois sources primit
21
uement européen. À ces trois sources primitives —
et
dans Jérusalem, il y a la source hébraïque et le christianisme —, il
22
s — et dans Jérusalem, il y a la source hébraïque
et
le christianisme —, il faut ajouter les populations préexistantes en
23
Celtes sur presque tout l’ensemble du continent,
et
les Germains qui viennent à la rencontre des Celtes, se mélangent ave
24
à la rencontre des Celtes, se mélangent avec eux
et
finissent par recouvrir aussi une bonne partie de l’Europe. Voilà nos
25
ont s’ajouter, au Moyen Âge, l’apport des Arabes,
et
, à partir du xixe siècle, celui des Slaves de Russie, et on pourrait
26
rtir du xixe siècle, celui des Slaves de Russie,
et
on pourrait mentionner encore, au début du xxe siècle, l’influence d
27
Nous l’avons vu lors des exposés de MM. Boldizsar
et
Molnar, il y a là un cas unique où culture et identité nationales ne
28
sar et Molnar, il y a là un cas unique où culture
et
identité nationales ne font qu’un. Cela peut tenir aux origines asiat
29
s une confédération de plusieurs ethnies, langues
et
traditions historiques. La Suisse n’a pas de culture nationale. Elle
30
ralisme, devrais-je dire. Il y a aussi la Pologne
et
la Roumanie, qu’il faut citer parmi les anciens États. Là, je vois de
31
est l’exemple d’un État romanisé devenu orthodoxe
et
dont la culture résulte de cette conjonction rare, sinon unique. Ensu
32
yauté unique, décidée à tout unifier par la force
et
par la ruse. C’est vraiment la royauté française qui a fait la France
33
t la grande culture occitane, qui a été étouffée,
et
d’autres comme la bretonne, la provençale ou l’allemande de l’Alsace
34
retonne, la provençale ou l’allemande de l’Alsace
et
de la Lorraine, pratiquement interdites par les lois de la « Républiq
35
nt interdites par les lois de la « République une
et
indivisible ». On a beaucoup parlé de culture nationale en France. C’
36
nale. C’est une culture d’État-nation, faite pour
et
par l’État-nation. Cela me rappelle une phrase souvent répétée par Mi
37
’il a encore utilisée dernièrement dans Le Monde,
et
selon laquelle l’école française est faite pour former des citoyens f
38
efois, à entendre les discussions entre la gauche
et
la droite, que chacun tient plus au triomphe de son idéologie qu’à la
39
y a jamais eu volonté d’effacer les différences.
Et
encore plus différent du modèle français, il y a l’Empire austro-hong
40
? C’était impensable. Aussi, ça n’a pas été fait,
et
le résultat est que ces douze cultures nationales ont continué, chacu
41
u arriver à un développement culturel merveilleux
et
vraiment très européen, qui est le développement de la Vienne des tre
42
peut-être que Paris, le centre de la civilisation
et
de la culture européennes de ce moment-là. Il suffit de mentionner l’
43
école de la musique dodécaphonique avec Schönberg
et
Berg ; la littérature, qui s’est développée autour de Vienne, j’englo
44
in last but not least, la psychanalyse avec Freud
et
Adler. C’est une chose absolument sensationnelle qu’une pareille cult
45
is au contraire à une pluralité de nations vivant
et
coopérant librement les unes avec les autres. Ensuite vous avez eu un
46
mis sur le germanisme plutôt que sur l’hellénisme
et
le romantisme. Le Saint-Empire romain ne fut qu’un empire de nostalgi
47
nts : les deux Allemagnes, la Suisse, l’Autriche,
et
d’autres parties de pays qui sont de culture germanique. C’est donc s
48
éraclite qui veut que « ce qui s’oppose coopère »
et
que « de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie ». Le
49
s que je les ai indiqués, c’est cette culture une
et
diverse qui permet à toutes sortes d’interlocuteurs de représenter te
50
e sur une base véritablement commune, la culture,
et
non pas sur l’économie, ni sur la politique. C’est cela seul qui perm
51
e Jean Monnet le proposait. On n’y est pas arrivé
et
je ne pense pas qu’on y arrivera dans les années qui suivent, parce q
52
les relations économiques en Europe, la politique
et
le reste suivraient, mais le général de Gaulle lui a bien fait voir q
53
lture pour la paix, donc une culture de dialogue,
et
non pas d’affrontements. Comment lutter contre le nationalisme tel qu
54
Rougemont Denis de, « [Commentaires] L’Europe une
et
diverse : la contribution des cultures nationales », L’Europe une et
55
tribution des cultures nationales », L’Europe une
et
diverse, Genève, Centre d’études pratique de la négociation internati
56
t commune à des gens de provenances très diverses
et
qui se retrouvaient dans les groupes personnalistes. Tous partaient d
57
omme personne. La personne est appelée par un but
et
marche vers ce but en inventant son chemin. C’est un chemin unique et
58
t en inventant son chemin. C’est un chemin unique
et
sans précédent, un sentier qu’il doit inventer et qui n’a été foulé p
59
et sans précédent, un sentier qu’il doit inventer
et
qui n’a été foulé par personne avant lui. Il doit y avancer par la fo
60
’expression permanente d’un homme à la fois libre
et
responsable, libre parce qu’il est responsable et responsable dans la
61
et responsable, libre parce qu’il est responsable
et
responsable dans la mesure où il est libre. Mais comment passe-t-on d
62
ne communauté trop vaste devient une collectivité
et
l’État y installe sa géométrie. Dans une communauté, on connaît les g
63
ométrie. Dans une communauté, on connaît les gens
et
la voix d’un homme peut s’y faire entendre. Aussi ces communautés doi
64
ur accomplir les tâches qui dépassent leur taille
et
créer des régions ; ces régions à leur tour se fédèrent. À mesure que
65
de plus en plus importantes par leurs dimensions
et
leur coût la fédération grandit allant jusqu’au continent. Tout cela
66
édération de régions, à la fédération européenne,
et
même pour certains objets trop vastes comme la protection des océans,
67
té peut faire, les États ne doivent pas le faire.
Et
ce que les États peuvent faire, le gouvernement fédéral ne doit pas l
68
? Parce que l’individualisme déchaîné, l’égoïsme
et
l’absence de civisme ont permis un développement monstrueux des États
69
ont permis un développement monstrueux des États
et
pas seulement des États totalitaires. Tous nos États sont victimes d’
70
ionne toujours, c’est la relation entre la guerre
et
les États et aussi entre le nucléaire et la guerre. Cela constitue un
71
s, c’est la relation entre la guerre et les États
et
aussi entre le nucléaire et la guerre. Cela constitue un circuit où t
72
a guerre et les États et aussi entre le nucléaire
et
la guerre. Cela constitue un circuit où tout se tient. Par exemple au
73
u plutonium. La relation entre le nucléaire civil
et
le nucléaire militaire a été par ailleurs démontrée. Bien entendu, to
74
. Bien entendu, tout cela sert à faire des bombes
et
tant pis si c’est dangereux, on mettra la police pour surveiller… Ce
75
ctions qui confortent l’escalade de l’État-nation
et
qui rendent donc plus nécessaire la capacité de résistance des person
76
immense aérosol balaierait tout le plateau suisse
et
tuerait tout sur son passage, non seulement dans les quelques heures
77
ce bien plus importante avec les SS20 soviétiques
et
les fusées occidentales ? C’est ce qu’on m’a répondu récemment à Pari
78
dre en me disant que la probabilité était faible,
et
qu’il existait une menace bien plus dangereuse : les fusées des 26 si
79
reys-Malville. Est-ce qu’on pensait me rassurer ?
Et
, comme par hasard, d’une façon générale, on installe toujours ces cho
80
ent plutôt les autres qui trinquent. Si la France
et
l’Italie installaient à nos frontières de grands établissements où co
81
ujourd’hui les droites promettent des révolutions
et
les gauches des tyrannies… b. Rougemont Denis de, « [Entretien] De
82
. 13. c. Propos recueillis par Richard Labévière
et
introduits par le chapeau suivant : « Denis de Rougemont nous parle d
83
ougemont nous parle de la personne, de la liberté
et
du fédéralisme. Depuis cinquante ans, il nous rappelle que l’État-nat
84
ous rappelle que l’État-nation vient de la guerre
et
va vers elle. En 1934, dans un de ses premiers livres, il lance le mo
85
homme se demande : ‘Que puis-je faire ?’”. Envers
et
contre tous les embrigadements et toutes les modes, de la personne à
86
ire ?’”. Envers et contre tous les embrigadements
et
toutes les modes, de la personne à l’Europe des régions, cet esprit f
87
Dans l’interview que vous avez publiée le 25 mars
et
que j’avais accordée à Richard Labévière, il y a plusieurs mois, se s
88
t dire exactement le contraire de ce que j’ai dit
et
souvent écrit. Voici la phrase telle qu’elle doit être lue : « La déc
89
in, de l’Académie des sciences, physicien renommé
et
ancien haut-commissaire à l’énergie atomique. Il m’a paru important d
90
tionnelle provient d’une personnalité incontestée
et
entièrement indépendante. h. Rougemont Denis de, « Précisions de M
91
s’agit simplement d’une réussite de la propagande
et
de la manipulation soviétiques. Le plus grand danger pour la paix du
92
-là, une profonde complicité entre les États-Unis
et
l’URSS. Faut-il parler d’un complot des grands, des puissants contre
93
ue. Je suis persuadé que les dirigeants de l’URSS
et
des États-Unis sont convaincus de défendre leur peuple et leur idée d
94
tats-Unis sont convaincus de défendre leur peuple
et
leur idée de la civilisation. Ils ne se rendent même pas compte de la
95
e la production. On est donc tenté de les essayer
et
pour ce qui est de l’arsenal atomique, on a trouvé récemment les bomb
96
groupe de Bellerive — que j’ai contribué à fonder
et
qui comprend des savants atomistes de premier ordre — a publié un man
97
ession formidable qui agit sur l’opinion publique
et
également sur les députés et les gouvernements. Eux sont manipulés, j
98
r l’opinion publique et également sur les députés
et
les gouvernements. Eux sont manipulés, jusque dans leur manière de pe
99
e dans leur manière de penser. C’est ça le danger
et
non pas le pacifisme ! Quelle peut être la réponse des pacifistes ? L
100
e nous fournir des données sérieuses à cet égard.
Et
les manifestations pacifistes représentent une force gigantesque : el
101
rce gigantesque : elles témoignent d’une profonde
et
croissante conviction des populations. Il faudrait qu’elles deviennen
102
dont les pacifistes de mon espèce sont conscients
et
qu’ils dénoncent, mais l’idée que ces manifestations sont uniquement
103
éviter la tempête nucléaire en Europe, à mon sens
et
à celui de mes amis : l’élimination de toutes les armes atomiques de
104
de toutes les armes atomiques de notre continent.
Et
cela, je le dis avec toute ma conviction. Je pense que si les Soviéti
105
, sans l’existence des forces de frappe française
et
britannique, et sans les fusées de l’OTAN. Les peuples parviendront-i
106
ce des forces de frappe française et britannique,
et
sans les fusées de l’OTAN. Les peuples parviendront-ils à obtenir le
107
détruire les défenses immunitaires de l’organisme
et
que de terribles épidémies se propageraient ainsi. Quant à l’Union so
108
des moyens conventionnels, grâce à sa géographie
et
à ce que nous appelions, déjà avant la dernière guerre, la défense en
109
eau, une défense répandue sur tout le territoire.
Et
si cette défense, proche de la guérilla, ne suffisait pas, il faudrai
110
es sommes énormes pour acheter des chars modernes
et
des avions vite démodés, on pourrait dépenser un peu d’argent pour en
111
re que si les « Ivan » pénètrent dans notre pays,
et
s’y installent en garnison, nous puissions causer avec eux, leur dema
112
consiste à ne pas être là où nous attend l’autre
et
à utiliser son propre élan pour le renverser. Pensez-vous que la non-
113
fou, si l’on y pense, que de dire désarmons-nous
et
offrons nos poitrines nues. Je crois qu’il y aurait là un moyen de di
114
olie, de peur que tu ne lui ressembles toi-même »
et
« Réponds à l’insensé selon sa folie, afin qu’il ne se regarde pas co
115
». Alors, il faut répondre à la défense militaire
et
en même temps par la non-violence. C’est un compromis, sans nul doute
116
, p. 27. k. Propos recueillis par Michel Bavarel
et
introduits par le chapeau suivant : « À des titres divers, l’écrivain
117
d’histoire contemporaine à l’Université de Genève
et
François Chaudet s’intéressent aux questions soulevées par l’actuelle
118
ni : Le malentendu était à son comble. Rougemont
et
ses amis voulaient — légitimement — qu’on les lave de tout soupçon qu
119
uant à leur attitude pendant la guerre. Mais Lévy
et
les siens voulaient faire le procès des années 1930. En fait, j’atta
120
uriféraires de la droite, les Drieu, de Rougemont
et
autres Doriot et Darquier de Pellepoix » au nom de la Race, de la Ter
121
droite, les Drieu, de Rougemont et autres Doriot
et
Darquier de Pellepoix » au nom de la Race, de la Terre et de la Natio
122
ier de Pellepoix » au nom de la Race, de la Terre
et
de la Nation. Le procès qui m’était fait n’était donc pas celui « des
123
la prise du pouvoir par Pétain dans la nuit du 16
et
l’appel du général de Gaulle le matin du 18, je publiais en Suisse, o
124
ttaquer les totalitaires, noirs, rouges ou bruns,
et
le « fascisme à la française », expression créée par moi en 1936 dans
125
formule de l’État-nation intégralement centralisé
et
de souveraineté absolue pose aujourd’hui l’obstacle majeur à toute es
126
s, réalisée par Napoléon à la faveur de la guerre
et
en vue de la guerre. Copiée depuis lors par tous les pays du monde (à
127
lourd appareil étatique — fonctionnaires, police
et
armée — sur toutes les composantes de la vie d’une nation : centralis
128
a vie d’une nation : centralisation de l’économie
et
des structures politiques mais aussi de l’éducation ; uniformisation
129
l’éducation ; uniformisation forcée des cultures
et
des ethnies dans le carcan de frontières le plus souvent arbitraires
130
arcan de frontières le plus souvent arbitraires ;
et
enfin, dominant et unifiant le tout, le dogme de la sacro-sainte souv
131
le plus souvent arbitraires ; et enfin, dominant
et
unifiant le tout, le dogme de la sacro-sainte souveraineté nationale
132
de la sacro-sainte souveraineté nationale absolue
et
indivisible. C’est en son nom que, ces jours-ci, deux grands États n’
133
her les réactions en chaîne d’une guerre mondiale
et
de l’extinction du genre humain, plutôt que de renoncer à des droits
134
. 2. Mais dépasser l’État-nation, né de la guerre
et
fauteur de guerres, signifie ici et maintenant le déclenchement simul
135
de la guerre et fauteur de guerres, signifie ici
et
maintenant le déclenchement simultané de deux dynamismes contraires q
136
ns qu’il s’était arrogées : défense du territoire
et
des libertés populaires, garantie de la monnaie, paix sociale, sécuri
137
me meurtrier de la souveraineté nationale absolue
et
indivisible, est le premier devoir de tous les citoyens qui se veulen
138
devoir de tous les citoyens qui se veulent libres
et
responsables — l’un n’allant pas sans l’autre comme je le répète depu
139
ve ou englobante : la région doit être avant tout
et
après tout, un espace de participation civique, favorisant la formati
140
de participation civique, favorisant la formation
et
le développement d’une communauté réelle et capable d’autonomie. Elle
141
ation et le développement d’une communauté réelle
et
capable d’autonomie. Elle ne doit pas être un mini-État-nation, ni re
142
té peut faire, les États ne doivent pas le faire.
Et
ce que les États peuvent faire, le gouvernement fédéral ne doit pas l
143
n D. Moynihan. C’est dire que la région doit être
et
demeurer « de dimensions médiocres » comme le voulait Rousseau, ou en
144
français Vidal de la Blache. Reconnaître, animer
et
promouvoir les régions constitutives de l’Europe des réalités, les fé
145
e », L’Humaniste, Genève, juillet–août 1982, p. 1
et
3. n. Cité dans Denis de Rougemont / Groupe Cadmos, Rapport au peupl
146
les différentes associations à vocation régionale
et
régionaliste. Cette idée n’était pas nouvelle pour moi. En effet, lor
147
une trentaine de jeunes gens de mon âge, entre 25
et
30 ans, qui se rencontraient en un petit groupe de discussion œcuméni
148
it là des protestants, des catholiques, des juifs
et
même des agnostiques et, entre autres : le socialiste [sic] Marcf, Em
149
es catholiques, des juifs et même des agnostiques
et
, entre autres : le socialiste [sic] Marcf, Emmanuel Mounier, Nicolas
150
Ce groupe travaillait sur l’idée de « personne »
et
nous sommes devenus les « personnalistes ». Il en est sorti deux revu
151
st sorti deux revues : Esprit , qui dure encore,
et
L’Ordre nouveau , nom qui nous a été volé par qui vous savez ! Pour
152
on » partant de l’homme considéré comme personne,
et
non pas comme individu. C’est donc vous, en quelque sorte, que l’on p
153
te », développée dans le livre de Théodore Roszak
et
qui a inspiré le n° 3 de notre revue. Mais on ne connaît pas toujours
154
Mounier a vite parlé de révolution personnaliste
et
communautaire. Cette révolution devait se faire à partir du bas, en d
155
aire à partir du bas, en développant la personne,
et
non pas sur les ordres de quelques individus. Ceci d’ailleurs ne marc
156
e de la personne est une construction continuelle
et
une marche dans la nuit. Un verset d’un psaume dit : « Ta parole est
157
mon sentier. » Cette vocation doit se manifester
et
elle se manifeste parmi les autres ; c’est cela qui crée des liens co
158
des liens communautaires. Une communauté commence
et
ne se fait que par les liens interpersonnels. Il n’existe pas de comm
159
c une famille spirituelle sont souvent plus forts
et
plus profonds qu’avec la famille biologique. La famille spirituelle n
160
grande quantité ce que la plus petite peut faire,
et
mieux ! Jamais à la commune ce que la famille peut faire ; jamais à l
161
jamais à la région ce que la commune peut faire,
et
jamais à l’État ce que la région peut faire. Mais, aujourd’hui, cert
162
, la notion de frontière est une notion aberrante
et
que le problème de la vie sur Terre est ou bien mondial, ou bien régi
163
cation d’une barrière, ou d’une limite quelconque
et
cela n’a aucun rapport avec ce qu’est devenue la frontière. La fronti
164
ut passer quotidiennement huit fois la frontière,
et
plus si l’on oublie quelque chose chez soi ! Ici, autour de Genève, l
165
n du Léman est une région naturelle entre le Jura
et
les Alpes. Cette région est découpée en trois cantons suisses, deux d
166
trois cantons suisses, deux départements français
et
, surtout, entre la Suisse et la France. Avec des cordons de douane al
167
épartements français et, surtout, entre la Suisse
et
la France. Avec des cordons de douane alors que c’est le même pays d’
168
e même lac avec les mêmes problèmes de pollution.
Et
ce lac est en train d’en crever. Mais cela, c’est ma femme qui s’en o
169
aussi absurde que la frontière entre Berlin-Ouest
et
Berlin-Est… C’est le même type d’absurdité ! Les frontières sont les
170
être comparer votre description de l’unité-région
et
de ses limites à une personne faisant partie de plusieurs association
171
ance ? C’est pour cette raison que j’appelle cela
et
je suis pour la pluralité des allégeances. Je suis pour des régions «
172
t distinguer deux choses : la fonction écologique
et
la fonction civique. Certaines régions sont dictées par la géographie
173
Mais j’appartiens à la Suisse qui parle français
et
je fais partie de la communauté francophone : la France, une partie d
174
a Belgique, de la Suisse, du Canada, de l’Afrique
et
quelques îles de l’Océanie. C’est ma communauté en tant qu’écrivain.
175
ommunauté en tant qu’écrivain. Je suis protestant
et
j’appartiens donc aussi à une autre communauté qui est mondiale et n’
176
onc aussi à une autre communauté qui est mondiale
et
n’a pas de frontière délimitée. J’appartiens à l’école personnaliste
177
e délimitée. J’appartiens à l’école personnaliste
et
à diverses associations… Si un fou venait me dire : tout cela ne peut
178
fou ! » Mais ces fous existent : Staline, Hitler
et
d’autres qui veulent que la même frontière soit donnée à toutes ces d
179
schémas sont celui de la Confédération helvétique
et
celui de la fédération des États-Unis. Vous démontrez très bien la di
180
’autre. Oui, par l’intérieur pour devenir Suisse,
et
par l’extérieur pour devenir Américain. Mais l’Amérique n’est plus vr
181
l. Certains territoires tribaux qui constituaient
et
constituent toujours ethniquement et culturellement une vaste unité,
182
onstituaient et constituent toujours ethniquement
et
culturellement une vaste unité, sont aujourd’hui morcelés entre trois
183
ches de lustrine, ont pris une carte de l’Afrique
et
ont tracé des frontières toutes droites de 300 km de long au tire-lig
184
x empires traditionnels, trois ou quatre royaumes
et
beaucoup de tribus. Au fond, c’est exactement le même réflexe qui a
185
me réflexe qui a dû se produire sous les jacobins
et
faire si facilement de la France un État-nation de citoyens-soldats.
186
naires, des guerres de Napoléon qui l’a consolidé
et
centralisé en vue de la guerre et de la mobilisation. Cette formule d
187
i l’a consolidé et centralisé en vue de la guerre
et
de la mobilisation. Cette formule de l’État-nation jacobin, napoléoni
188
sation de l’État avec sa « souveraineté absolue »
et
c’est ainsi que l’on voit une guerre imbécile comme celle des Malouin
189
d’îles désertes… Avec beaucoup de pétrole dessous
et
quelques milliers de tonnes de crevettes autour ! L’exploitation du p
190
la notion de personne, on peut tout reconstruire.
Et
faire une critique virulente de l’État-nation comme notre école l’ava
191
aires quotidiennes dans le carcan des frontières,
et
trop petit à l’échelle du monde. Vous avez écrit aussi « une région,
192
de compétition relève de l’individu, sans doute,
et
pas de la personne. Il se traduit donc aussi directement par un espri
193
r la vocation comme une force qui vient vers nous
et
qui nous commande. Nous ne sommes pas « aimantés », mais « aimés ». C
194
ntroduisant une énorme confusion entre « patrie »
et
« État », du moins dans la langue française ? Oui, c’est exact et c’e
195
moins dans la langue française ? Oui, c’est exact
et
c’est en français que la confusion a été la plus grave entre l’attach
196
été la plus grave entre l’attachement à la patrie
et
l’obligation de servir l’État-nation. L’école personnaliste est const
197
encadre de force, qui vous vient de l’extérieur.
Et
qui peut vous conduire à vous exiler. Les régions doivent se faire à
198
séparée en trois États-nations dont deux, France
et
Allemagne, la maltraitent parce qu’elle se trouve à leurs confins. En
199
ivre, vous disiez qu’il faut aller à la fois vite
et
lentement pour constituer cette Europe des régions. Je ne vois l’Euro
200
t empêcher ces rencontres. Pour discuter ensemble
et
choisir ensemble telle ou telle agence spécialisée. Rien n’empêchera
201
t que les deux hommes qui s’en occupent, Defferre
et
Rocard, sont d’origine huguenote et les protestants ont toujours été
202
ent, Defferre et Rocard, sont d’origine huguenote
et
les protestants ont toujours été opposés au centralisme. Cela va para
203
pidou pour qui c’était le retour à la féodalité ;
et
cela représentait donc l’horreur complète pour le Français moyen, mai
204
re, je vais vous citer une phrase que j’ai écrite
et
que j’aime beaucoup : « la puissance, c’est le pouvoir que l’on prend
205
’est de cette peur que sont nés les États-nations
et
les États totalitaires. Je ne cesse de répéter que la seule force des
206
31-35. e. Propos recueillis par Claudine Brelet
et
introduits par le chapeau suivant : « Beaucoup ont entendu parler de
207
e Rougemont à cause de son célèbre livre L’Amour
et
l’Occident , écrit en 1939 et plusieurs fois réédité. Mais cette réfl
208
èbre livre L’Amour et l’Occident , écrit en 1939
et
plusieurs fois réédité. Mais cette réflexion sur les mythes de l’amou
209
1977), il brossait un bilan des crises actuelles
et
en cherchait les causes dans les profondeurs de l’âme européenne. Pré
210
ve son identité à travers les petites communautés
et
les régions. Depuis 1947 il habite une ferme du pays de Gex, avec sa
211
ues — encore qu’elle englobât deux cantons mixtes
et
que le petit dernier ne fût pas encore né. De tout cela, notre ami We
212
e que l’on peut faire de meilleur : une Alliance,
et
même une alliance culturelle, la plus sûre et peut-être la plus vraie
213
ce, et même une alliance culturelle, la plus sûre
et
peut-être la plus vraie. Voilà le miracle que nous célébrons en ce be
214
iracle que nous célébrons en ce beau jour de fête
et
de reconnaissance. q. Rougemont Denis de, « Hommage à l’Alliance c
215
distinguer l’appel que signifie toute vocation —
et
je suis très attaché à cette notion qui constitue, soit dit en passan
216
amais écrit — à mes années de formation, entre 15
et
25 ans. Dès mon adolescence, ce qui comptait essentiellement, à mes y
217
ais alors, j’étais influencé par les symbolistes,
et
Rimbaud surtout me fascinait, avant que je ne découvre les surréalist
218
ittéraire de Genève, était consacré à Montherlant
et
le football, comme j’étais moi-même un adepte entêté de ce sport. Pui
219
Piaget, qui nous donnait des cours de psychologie
et
nous faisait participer à ses enquêtes, dans les écoles, sur le menso
220
à ses enquêtes, dans les écoles, sur le mensonge
et
la vérité chez l’enfant, ou sur la représentation du monde de l’enfan
221
rature fondée spirituellement, intellectuellement
et
politiquement. Après une crise sentimentale très dure qui me brisa en
222
époque, tels Kierkegaard, Karl Barth ou Berdiaev.
Et
puis, des divers groupes que nous formions alors avec une trentaine d
223
je collaborai très activement jusqu’à la guerre —
et
, surtout, les thèses du personnalisme et du fédéralisme. De fait, nou
224
guerre — et, surtout, les thèses du personnalisme
et
du fédéralisme. De fait, nous n’étions ni individualistes, ni collect
225
ationalismes, du nazisme, du fascisme mussolinien
et
du stalinisme, par l’exigence d’une fédération européenne dépassant l
226
ù se concentre l’essentiel de mon éthique d’homme
et
d’écrivain. o. Rougemont Denis de, « [Entretien] Un écrivain au s
227
obre 1982, p. 6. p. Entretien précédé du chapeau
et
de la notes suivantes : « À la veille de recevoir la haute distinctio
228
ve) couronnant, après celles de Ramuz, Dürrenmatt
et
Frisch, son œuvre d’écrivain et de penseur, Denis de Rougemont a bien
229
Ramuz, Dürrenmatt et Frisch, son œuvre d’écrivain
et
de penseur, Denis de Rougemont a bien voulu évoquer les circonstances
230
uer les circonstances dans lesquelles s’est formé
et
développé son “grand dessein”, entre passion et discernement lucide,
231
é et développé son “grand dessein”, entre passion
et
discernement lucide, romantisme et classicisme, fidélité au passé et
232
entre passion et discernement lucide, romantisme
et
classicisme, fidélité au passé et vue prospective. Par son œuvre d’éc
233
ide, romantisme et classicisme, fidélité au passé
et
vue prospective. Par son œuvre d’écrivain — une trentaine d’ouvrages
234
san du Danube , Penser avec les mains , L’Amour
et
l’Occident , Journal d’un intellectuel au chômage , La Suisse ou l’
235
e , La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux
et
Lettre ouverte aux Européens — autant que par son action d’initiate
236
rûlot anti-Giscard…), taxé d’utopiste par les uns
et
bassement calomnié par d’autres (tel Bernard-Henri Lévy, dans son Idé
237
d’avoir flirté avec le fascisme, alors qu’il fut,
et
ses livres en témoignent clairement, un antinazi de la première heure
238
la coquetterie, il fonda les notions d’engagement
et
d’homme libre et responsable, que Sartre reprit à son compte. Là-dess
239
l fonda les notions d’engagement et d’homme libre
et
responsable, que Sartre reprit à son compte. Là-dessus, ne voyons pas
240
vol, mais également un styliste de premier ordre
et
un poète dont un des premiers livres, réédité ces jours en collection
241
poche, signale assez la double nature de passion
et
de réflexif, d’artiste anarchique et de constructeur. »
242
e de passion et de réflexif, d’artiste anarchique
et
de constructeur. »
243
Réponses à des questions de Marcel Proust
et
de Michel Moret (1983)v Qui auriez-vous aimé être ? Moi, mais plei
244
Croyez-vous, comme Rousseau, que l’homme naît bon
et
que la société le rend mauvais ? L’homme naît orienté par ses gènes e
245
rend mauvais ? L’homme naît orienté par ses gènes
et
par son milieu. La société est le résultat global des réussites et de
246
. La société est le résultat global des réussites
et
des échecs de ses efforts pour se rendre meilleur, ou plus puissant,
247
à cette question. Si le Christ revenait sur terre
et
plus précisément en Suisse, pensez-vous que notre justice le condamne
248
jamais achevée des Églises chrétiennes, de Luther
et
Calvin à Vatican II : même combat ! La réforme qui vous causerait le
249
aisir ? Celle des concepts occidentaux de travail
et
de loisir, finalement le passage du fric au troc. Votre personnage hi
250
Vos musiciens préférés ? Monteverdi, Bach, Mozart
et
Arthur Honegger. Vos écrivains préférés ? Isaïe mais aussi Eschyle, B
251
vains préférés ? Isaïe mais aussi Eschyle, Béroul
et
Bernard de Ventadour. Pascal mais aussi Voltaire. Goethe mais aussi H
252
ry, Rilke, Léon-Paul Fargue, Claudel, T. S. Eliot
et
Saint-John Perse. Le don de la nature que vous aimeriez avoir ? Une s
253
e nucléaire soulève en moi la même colère immense
et
sourde, et par moments presque désespérée, qui me tenait dès 1933 dev
254
soulève en moi la même colère immense et sourde,
et
par moments presque désespérée, qui me tenait dès 1933 devant la mont
255
s nous avons droit aux mêmes discours très fermes
et
aux mêmes arguments sans prise sur les vertiges de l’irrationnel, aux
256
tique des dirigeants de nos États, de nos médias,
et
des stratèges de l’internationale (Est-Ouest) des armements, chargée
257
taire par excellence. Elle les domine depuis lors
et
les soumet à la même sophistique de dissuasion et aux mêmes enchaînem
258
et les soumet à la même sophistique de dissuasion
et
aux mêmes enchaînements d’hypothèses aberrantes dans les deux camps d
259
au bout que par la destruction totale, réciproque
et
simultanée des partenaires. Nous disons que cela ne peut que mal fini
260
ent qu’à « l’équilibre de la terreur » correspond
et
répond en écho, à l’échelle internationale, le terrorisme déstabilisa
261
cléaire. Ces « pacifistes » sont montrés du doigt
et
insultés comme étant les vrais fauteurs de guerre, dans la presse à p
262
a reconnu les partisans du nucléaire en général,
et
de la dissuasion en particulier. — Ils sont manipulés par Moscou. Ce
263
re ceux qui n’aiment pas l’idée d’une fin brutale
et
prochaine de l’humanité, sont nécessairement partisans d’une guerre «
264
Moscou à la faveur d’une démission de l’Occident.
Et
en effet, certains d’entre eux ont pris pour devise le fameux Better
265
uivions, nous finirions par être à la fois rouges
et
morts. » Il est clair que Moscou ne saurait favoriser les antinucléai
266
e. (La désinformation systématique par les médias
et
par certains experts payés pour ça, est le scandale majeur du xxe si
267
le.) III. Progrès des armements — Moyen Âge
et
Renaissance : duel à l’épée, arrêt au premier sang. — xviiie -xxe si
268
re de cet objectif, préalablement accepté de part
et
d’autre, l’objet unique et la finalité expressément déclarée des proc
269
lement accepté de part et d’autre, l’objet unique
et
la finalité expressément déclarée des prochaines conférences de Genèv
270
ble, car cela désorganiserait l’économie mondiale
et
ferait au surplus des millions de chômeurs. Votre devise serait-elle
271
lliers d’armes nucléaires sur tous les continents
et
les humains étant ce qu’ils sont, les chances d’éviter dans les année
272
s d’éviter dans les années qui viennent accidents
et
malentendus, violations d’engagements, attaques surprises, coups de f
273
siècle Notre mort individuelle est inévitable,
et
pourtant nous faisons tout pour l’éviter. La guerre nucléaire est évi
274
pour l’éviter. La guerre nucléaire est évitable,
et
nous faisons tout ce qu’il faut pour qu’elle arrive. Les calculs i
275
oir comparer les « mégatonnages » (nombre d’armes
et
puissance explosive totale des arsenaux nucléaires américain et sovié
276
xplosive totale des arsenaux nucléaires américain
et
soviétique) est absurde, et ne peut conduire qu’à des conclusions pro
277
nucléaires américain et soviétique) est absurde,
et
ne peut conduire qu’à des conclusions probablement fausses dans le do
278
s probablement fausses dans le domaine militaire,
et
ruineuses à coup sûr dans le domaine économique. Les totaux perdent t
279
urs de billes. Si j’ai trois billes (ou missiles)
et
toi six, j’ai raison d’être inquiet. Mais si j’en ai 30 000 et toi 60
280
’ai raison d’être inquiet. Mais si j’en ai 30 000
et
toi 60 000, nous sommes « à égalité » à toutes fins utiles, étant imm
281
alité » à toutes fins utiles, étant immergés l’un
et
l’autre dans l’incommensurable et le non-sens. Que faudra-t-il encore
282
t immergés l’un et l’autre dans l’incommensurable
et
le non-sens. Que faudra-t-il encore pour que les Grands comprennent c
283
im (Plaise au Ciel que je sois faux prophète)
Et
dans la tradition biblique, ce soupir déchirant du vrai prophète : S
284
enjeux ne cessent de monter. » 2. Jean Laplanche
et
Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1
285
La Suisse
et
quelle Europe ? (1983)r Mon intervention dans ce colloque résulte
286
e qu’il s’agirait du problème global de la Suisse
et
de l’union de l’Europe. J’avais dit oui, bien sûr et bravo. Puis j’ai
287
de l’union de l’Europe. J’avais dit oui, bien sûr
et
bravo. Puis j’ai lu l’énoncé exact : La Suisse et la CEE élargie, et
288
et bravo. Puis j’ai lu l’énoncé exact : La Suisse
et
la CEE élargie, et j’ai tout de suite fait savoir aux organisateurs q
289
lu l’énoncé exact : La Suisse et la CEE élargie,
et
j’ai tout de suite fait savoir aux organisateurs que sur ce thème je
290
nie. Les deux titres qui me sembleraient corrects
et
défendables seraient en conséquence : ou bien L’économie suisse et la
291
raient en conséquence : ou bien L’économie suisse
et
la CEE élargie ou bien La Suisse et l’union de l’Europe Sur le prem
292
nomie suisse et la CEE élargie ou bien La Suisse
et
l’union de l’Europe Sur le premier titre, j’aurais tout de suite à o
293
éfinitions variées qu’on peut donner de la Suisse
et
de l’Europe unie, et leur sont — ou devraient leur être — subordonnée
294
’on peut donner de la Suisse et de l’Europe unie,
et
leur sont — ou devraient leur être — subordonnées. Le thème primordia
295
dans tous les cas à celui-ci : 1. Quelle Suisse
et
quelle union de l’Europe ? Il ne s’agit nullement dans tout cela d
296
e « simples questions de mots », mais d’attitudes
et
de positions fondamentales. Si l’on n’est pas rigoureux dans l’énoncé
297
, celle qui consiste à prendre pour « la Suisse »
et
pour « l’Europe » deux groupes de phénomènes industriels, commerciaux
298
ux groupes de phénomènes industriels, commerciaux
et
monétaires qui se manifestent l’un sur le territoire de la Suisse, l’
299
e, la Suisse n’est pas réductible à son économie,
et
prendre l’une pour l’autre n’est pas une simple façon de parler pour
300
ur le tout) mais une grave confusion des valeurs.
Et
l’Europe est bien autre chose que ce qu’on nomme ainsi à Bruxelles —
301
à croire qu’à partir de ces mesures économiques,
et
par élargissements successifs à d’autres pays mais aussi à d’autres s
302
édération continentale. Voyons cela de plus près,
et
de plus loin à la fois. 2. La Suisse et l’union européennes Le
303
près, et de plus loin à la fois. 2. La Suisse
et
l’union européennes Le sujet qui m’importe et m’intéresse au sens
304
et l’union européennes Le sujet qui m’importe
et
m’intéresse au sens fort du terme, c’est la Suisse et l’union europée
305
’intéresse au sens fort du terme, c’est la Suisse
et
l’union européenne. Car je suis (depuis trente-cinq ans) profondémen
306
rmule d’une fédération (à cause de ses diversités
et
pour les sauvegarder). 3. Toute formule d’union autre que fédérative
307
urope unie la Suisse pourrait-elle se joindre ? —
et
cela non seulement sans y perdre son identité, mais au contraire, en
308
urope de Bruxelles ou Communauté (à 9, 10 ou 12),
et
l’Europe de Strasbourg ou Conseil de l’Europe (à 21). Trois autres so
309
siques, dans celui de la technologie, en biologie
et
même en génétique, mais comme il semble à peu près exclu de le propos
310
ment. Car il serait dangereux de prétendre fonder
et
développer l’union sociale, écologique, culturelle et politique des p
311
évelopper l’union sociale, écologique, culturelle
et
politique des peuples du continent sur la base du traité de Rome, c’e
312
fut à la fois le ressort de son action créatrice,
et
son illusion majeure, bientôt dénoncée comme telle par les décisions
313
sur le développement culturel, social, politique
et
nécessairement militaire des vingt-deux pays du continent, et sur les
314
ement militaire des vingt-deux pays du continent,
et
sur les conditions de leur réunion future avec les sept pays de l’Est
315
e qu’en vertu de sa neutralité, mais plus encore,
et
d’une manière plus structurelle, en vertu de sa formule fédéraliste.
316
lui qu’il eût fallu élire au suffrage universel.
Et
doter de pouvoirs élargis jusqu’à devenir fédéraux. À mon sens, c’est
317
l ne sert que de punching-ball pour Michel Debré)
et
sur le modèle de la Ligue défensive des nations souveraines, où il n’
318
, c’est-à-dire à prendre l’initiative, à proposer
et
très probablement à innover. Les principales conditions de participat
319
social ou économique, refus de préparer la guerre
et
de coopérer aux combinaisons industrielles et militaires qui implique
320
rre et de coopérer aux combinaisons industrielles
et
militaires qui impliquent et acceptent donc, voire appellent la possi
321
aisons industrielles et militaires qui impliquent
et
acceptent donc, voire appellent la possibilité de la guerre. La Suiss
322
respondent aux dimensions des tâches à accomplir,
et
ceci en partant non de l’État central qui voudrait « déconcentrer » s
323
té peut faire, les États ne doivent pas le faire.
Et
ce que les États peuvent faire, le gouvernement fédéral ne doit pas l
324
prononcent aujourd’hui la plupart des sociologues
et
politologues européens, et nombre d’hommes politiques responsables au
325
lupart des sociologues et politologues européens,
et
nombre d’hommes politiques responsables aux USA ; la décentralisation
326
a décentralisation du gouvernement, de l’économie
et
des activités culturelles, leur paraît la condition même d’une renais
327
dition même d’une renaissance civique, économique
et
culturelle de leur pays. La Suisse ne pourrait adhérer qu’à une union
328
trer dans la discussion très complexe des risques
et
des avantages de cette politique typiquement suisse depuis les débuts
329
dotés que toute l’Europe en missiles stratégiques
et
bombes tactiques. c) Les « forces de frappe » nationales de deux ou t
330
atomique est par définition offensive, menaçante,
et
l’adjectif « dissuasive » n’y change rien. Il me paraît que la Suiss
331
a Suisse, au lieu de mener un combat en retraite,
et
d’accepter l’idée que, finalement, elle sera contrainte de céder, c’e
332
des idées, je n’ai jamais observé que la justesse
et
la fécondité d’une seule idée ait dépendu de la taille de celui qui l
333
permettrait de dépasser simultanément par en haut
et
par en bas les souverainetés nationales, et de ramener les pays de l’
334
haut et par en bas les souverainetés nationales,
et
de ramener les pays de l’Est dans une communauté avec l’Ouest. Pour l
335
je veux dire à sa Conférence des pouvoirs locaux
et
régionaux, qui a déjà organisé quatre rencontres des régions transfro
336
frage universel d’un Sénat des régions d’Europe —
et
cela dans les termes mêmes que j’avais proposés dès 1972 dans mes art
337
proposés dès 1972 dans mes articles, conférences
et
livres. Pour ce qui est du dépassement de l’économisme de Bruxelles,
338
est du dépassement de l’économisme de Bruxelles,
et
de faire face au problème proprement politique de l’union européenne,
339
uter les effets d’une fusion éventuelle de la CEE
et
du CE ? C’est impensable ! me dit-on de toutes parts. Essayons de voi
340
t-on de toutes parts. Essayons de voir pourquoi —
et
de le penser. Pour progresser dans la direction d’un gouvernement non
341
Constitution fédérale de la Confédération suisse,
et
cela n’a jamais fait problème), pourquoi ne pas envisager la multipli
342
ence économique (conforme à sa vocation première)
et
le Conseil de l’Europe l’agence culturelle. On pourrait aboutir de la
343
rès réels, sur le mode du Conseil fédéral suisse,
et
recevant ses grandes directives politiques de l’Assemblée de Strasbou
344
irectives politiques de l’Assemblée de Strasbourg
et
du Sénat des régions. 6. Possibilités ? Rêveries ? La Suisse a
345
siècle). À la fois survivance de l’antique unité
et
germe de l’union à venir, la Suisse est plus que jamais nécessaire à
346
sur l’autonomie des communautés de base, communes
et
plus tard cantons. Voilà pourquoi il ne serait pas du tout anormal, e
347
Voilà pourquoi il ne serait pas du tout anormal,
et
peut-être même bénéfique, qu’elle soit la dernière à rejoindre une un
348
a été, dans le même temps, la première figuration
et
la promesse. r. Rougemont Denis de, « La Suisse et quelle Europe
349
promesse. r. Rougemont Denis de, « La Suisse
et
quelle Europe ? », La Suisse et la Communauté européenne élargie, Gen
350
s de, « La Suisse et quelle Europe ? », La Suisse
et
la Communauté européenne élargie, Genève, IUED, 1983, p. 57-63. s. T
351
ec les communistes le temps d’une grève à Berlin.
Et
Léon Blum écrit : « Hitler a perdu ses dernières chances d’accéder au
352
pouvoir. » S’ensuivent des marchandages cyniques
et
des renversements d’alliances entre banquiers, industriels, conservat
353
ls, conservateurs, centre catholique, communistes
et
sociaux-démocrates, chacun tentant de jouer les nazis contre son riva
354
ier l’ancien caporal Adolf Hitler, né Autrichien,
et
qui vient d’être naturalisé. Ce jour-là, devant le vieil aristocrate
355
stocrate prussien surchargé de décorations, raide
et
condescendant, s’incline un chef plébéien mal habillé, au sourire vul
356
chômeurs ; une inflation qu’on disait galopante,
et
c’était trop peu dire, quand l’État émettait des billets de 100 milli
357
quand l’État émettait des billets de 100 millions
et
d’un milliard de marks ; l’humiliation nationale du traité de Versail
358
a révolte d’une jeunesse vagabonde, plus radicale
et
plus charmante que les hippies de demain… Toutes les théories politiq
359
est né de la rencontre absolument irrationnelle,
et
j’oserais dire antiprovidentielle, du Chaos et d’un fils du Chaos. C’
360
e, et j’oserais dire antiprovidentielle, du Chaos
et
d’un fils du Chaos. C’est donc d’Hitler qu’il faut parler. Individu q
361
c d’Hitler qu’il faut parler. Individu quelconque
et
quasi nul en soi, phénomène d’envergure mondiale, tel fut l’homme, te
362
moindre trace de sa personne. Il fut ces effets,
et
rien d’autre. Démontrer qu’il n’a pas existé serait un jeu : père inc
363
radictoires de ceux qui l’ont approché ou servi —
et
ses photos donnent toutes l’impression d’un truquage. La catastrophe
364
: « Le prophète n’a pas de biographie. Il se lève
et
tombe avec sa mission. » Ainsi d’Hitler, l’antiprophète de notre temp
365
nt. Avec son insondable vulgarité, sa mégalomanie
et
son magnétisme psychologique, ce quasi-néant d’homme ridicule et trag
366
me psychologique, ce quasi-néant d’homme ridicule
et
tragique a été le prophète du Néant collectif, où il a presque réussi
367
stré au radar de quelque intuition subconsciente.
Et
prédit sans erreur, avec pas mal d’avance, dans les étapes de sa carr
368
ncontre des jeunesses révolutionnaires françaises
et
allemandes, qui s’était tenue « dans un Francfort en proie au carnava
369
it tenue « dans un Francfort en proie au carnaval
et
à l’angoisse », je parlais du « dernier carnaval de cette bourgeoisie
370
». Il y entre en effet, mais ce n’est plus Paris.
Et
telle est sa défaite irrémédiable devant l’esprit, devant le sentimen
371
açades… La confrontation stupéfiante de cet homme
et
de cette ville était peut-être nécessaire pour faire comprendre au mo
372
L’aventure a pris fin dans la catastrophe prévue.
Et
devant le cadavre gisant de l’homme qui fit trembler tout l’univers,
373
re : ces mots reviennent sans cesse à son propos,
et
le plus souvent dits par lui. En juin 1939, au plus fort de la crise
374
mmun, Charlot soldat l’avait représenté d’avance,
et
cette anticipation grotesque nous paraît aujourd’hui bien plus ressem
375
éclassé, qui veut sa revanche, tour à tour enragé
et
prostré. Rien de plus atterrant, dans toutes ses biographies, que la
376
es soirées de Berchtesgaden, de leur ennui pesant
et
empesé autour d’un Führer silencieux, non qu’il veuille garder secret
377
nd rang qui peuvent déchoir dans un corps d’homme
et
l’occuper. Je l’ai entendu prononcer l’un de ses grands discours, et
378
ai entendu prononcer l’un de ses grands discours,
et
je l’ai vu à la sortie de ce culte, debout dans sa voiture qui longea
379
lirer… On ne tire pas sur un homme qui n’est rien
et
qui est tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve d
380
vices ou de vertus, ni même de compte en banque,
et
à peine un état civil. Il est le lieu de passage des forces de l’Hist
381
e ces forces qui déjà sont dressées devant vous ;
et
après cela, vous pouvez le supprimer sans rien détruire de ce qui s’e
382
a cessé de rire… Le national-socialisme, raciste
et
adorateur du sang et de la guerre, s’est présenté à nous comme un mal
383
national-socialisme, raciste et adorateur du sang
et
de la guerre, s’est présenté à nous comme un malheur plus étendu et p
384
’est présenté à nous comme un malheur plus étendu
et
plus profond que l’histoire n’en connut depuis le Déluge. L’issue fat
385
de l’aventure n’affecte pas sa portée symbolique
et
n’exclut pas la possibilité de son retour, car le mouvement qu’Hitler
386
re société. Hitler n’a fait que lui prêter figure
et
nom, à l’occasion de son éruption la plus violente jusqu’ici. Le G
387
alisme bourgeois ou marxiste, capitalisme anonyme
et
nomade, mélange de races, universalisme judéo-chrétien, qui détruisen
388
déo-chrétien, qui détruisent les liens organiques
et
naturels, donc germaniques, même entre les Allemands de langue et de
389
c germaniques, même entre les Allemands de langue
et
de race. Pour recréer ces liens, il faudra faire appel aux forces irr
390
en même temps conscient de son opération, lucide
et
froid comme le Serpent de la Genèse. Dans Mein Kampf, dès 1923, il dé
391
stoire sont des éruptions volcaniques de passions
et
de sensations spirituelles provoquées soit par la cruelle déesse de l
392
ique, mais dans le fanatisme dominant les masses,
et
dans une véritable hystérie qui les pousse en avant. Pour provoquer
393
rd conditionnées. Sous toutes ses formes, privées
et
publiques, c’est le Malheur qui va donc devenir la matière première d
394
va donc devenir la matière première de son œuvre
et
le gage de sa parole. De fait, Hitler arrivera au pouvoir grâce à la
395
que j’ai rappelée, anarchie spirituelle, chômage
et
inflation… Sa parole n’est d’abord que le ressassement de ces malheur
396
d que le ressassement de ces malheurs occidentaux
et
du superlatif malheur allemand — confession des péchés… d’autrui, att
397
terrorisant le peuple allemand qui vivait désarmé
et
humilié sous le regard de ces milliers d’yeux » (Mein Kampf), il supp
398
liers d’yeux » (Mein Kampf), il supprime le Juge,
et
la faute. En fondant tout un peuple dans une masse passionnée, il le
399
Au sortir du discours de Francfort que j’entends
et
subis en 1936, j’écris ceci : Je me croyais à un meeting de masses,
400
litique. Mais c’est leur culte qu’ils célèbrent !
Et
c’est une liturgie qui se déroule, la grande cérémonie sacrale d’une
401
monie sacrale d’une religion dont je ne suis pas,
et
qui m’écrase et me repousse avec bien plus de puissance, même physiqu
402
une religion dont je ne suis pas, et qui m’écrase
et
me repousse avec bien plus de puissance, même physique, que tous ces
403
tous ces corps horriblement tendus. Je suis seul
et
ils sont tous ensemble. Un désastre mondial Dès avant la guerr
404
ent qu’Hitler était le nom d’un désastre imminent
et
mondial. Pourtant, on ne l’a pas arrêté. Voilà le point qu’il faut él
405
e voici : Adolf Hitler, mieux que les communistes
et
les fascistes, a su répondre à la question centrale du siècle, qui es
406
ieuse au sens élémentaire de ce terme, sens vital
et
mortel à la fois. Dans les ruines matérielles et morales d’une sociét
407
et mortel à la fois. Dans les ruines matérielles
et
morales d’une société qui avait généralement perdu la Foi, l’Espéranc
408
qui avait généralement perdu la Foi, l’Espérance
et
l’Amour, il a fondé le culte de la masse déifiée, animée par les troi
409
ntivertus théologales de la Puissance, de la Race
et
de la Haine. L’idolâtrie du sang et du sol n’est autre chose, selon
410
, de la Race et de la Haine. L’idolâtrie du sang
et
du sol n’est autre chose, selon nous, qu’un retour offensif du culte
411
’idole tribale qui réclame des sacrifices humains
et
donne en échange, comme bénédiction, un accroissement de puissance.
412
çait les hautes tours des crématoires d’Auschwitz
et
l’Holocauste. La faiblesse frappante de la critique tant libérale que
413
sociologique du terme, disons : au sens « païen »
et
non chrétien. Mais le désastre était inscrit dans les données de l’av
414
me. Ayant pour force unique l’appel communautaire
et
par là submergeant tous les mouvements fondés sur le matérialisme — c
415
e commune, d’autre contenant que l’État national,
et
d’autre espoir que le rêve d’une Puissance recouvrée aux dépens de la
416
cauchemar. Une nation ne peut le rêver, le mimer
et
l’agir que dans l’hypnose, celle qui naissait des fêtes sacrales orga
417
sacrales organisées par le Führer au rythme lent
et
envoûtant des défilés et des tambours pendant des nuits entières. C’e
418
le Führer au rythme lent et envoûtant des défilés
et
des tambours pendant des nuits entières. C’est que la formule totalit
419
qui pourrait résister à la mise au pas étatique,
et
par là promise à sa perte. Choisir la nation autarcique et la Race co
420
promise à sa perte. Choisir la nation autarcique
et
la Race contre l’humanité en général, l’universel, mais aussi contre
421
socialisme. L’Occident n’a pas eu de pire ennemi,
et
il est loin d’être certain qu’il ait été vaincu ailleurs que dans les
422
entrale de notre temps. Tel fut son vrai Pouvoir,
et
j’écrivais alors : « Seul un prophète peut lui répondre ». Nous l’att
423
reconnaissance unanime pour la Fondation Veillon
et
je voudrais l’exprimer à celui des fils de Charles Veillon qui la rep
424
dans beaucoup de colloques réunissant professeurs
et
experts avec leurs convictions que chacun connaît toujours plus ou mo
425
tte initiative qui est une création en son genre,
et
dont peut-être pourront sortir quelques idées neuves. Je pense aussi
426
réalisée, dans une atmosphère à la fois détendue
et
attentive, dans un lieu admirable, symbolique pour l’Europe : au bout
427
bassin rhodanien. Lieu à tous égards privilégié,
et
je comprends que l’on ait eu l’idée d’y construire cette espèce de co
428
nstruire cette espèce de couvent avec son cloître
et
sa chapelle, que nous sommes si heureux d’avoir découvert. Cher Monsi
429
chargé d’une mission de conférences sur la Suisse
et
d’un projet d’exécution de l’oratorio Nicolas de Flue à New York. J
430
e deux ou trois livres, dont l’un sur le diable ,
et
l’autre sur la bombe atomique . Je suis rentré une première fois en E
431
Karl Jaspers, des Français comme Georges Bernanos
et
Julien Benda, des Italiens, des Anglais, un grand philosophe marxiste
432
, c’était comment faire revivre l’esprit européen
et
le traduire en union politique de nos peuples. Je suis retourné pour
433
ts-Unis, puis rentré définitivement en août 1947,
et
j’étais à peine installé près de Genève, quand j’ai reçu la visite de
434
donner deux ans de ma vie à la cause européenne,
et
tant pis pour mon œuvre littéraire… » Et me voilà : j’y suis encore a
435
opéenne, et tant pis pour mon œuvre littéraire… »
Et
me voilà : j’y suis encore après trente-trois ans. Je dois avouer, ce
436
lles que le Congrès de l’Europe à La Haye en 1948
et
la Conférence européenne de la culture à Lausanne en 1949, il a fallu
437
ir de 1949. Tout a dû être créé à partir de zéro,
et
avec très peu d’argent, car les gouvernements s’intéressent à la cult
438
ment pas. Quand les discours exaltent la culture
et
que le budget la néglige, c’est le budget qui dit la vérité ! Le Cent
439
hes nucléaires, qui s’appelle aujourd’hui le CERN
et
qui dépend de 12 gouvernements européens ; puis à la Fondation europé
440
ociation d’historiens, une Communauté des guildes
et
clubs du livre, finalement une Campagne d’éducation civique européenn
441
onde des valeurs morales, politiques, culturelles
et
spirituelles, et qui ne concernait que le seul secteur économique, da
442
morales, politiques, culturelles et spirituelles,
et
qui ne concernait que le seul secteur économique, dans six pays seule
443
désigner l’assemblée qui a été élue ce printemps
et
qui vient de se réunir à Strasbourg. Elle n’est ni un parlement, ni e
444
ent européen. Mais c’est une usurpation de terme,
et
qui peut être dangereuse, parce qu’elle laisse entendre que cette ass
445
rales, non seulement économiques, mais politiques
et
culturelles, par exemple. Or, je ne vois pas en quoi et pourquoi des
446
turelles, par exemple. Or, je ne vois pas en quoi
et
pourquoi des gens qui sont d’excellents experts économiques seraient
447
la suite aux groupements d’écologistes français,
et
qui est en somme un résumé de mon livre, c’est : « Écologie – régions
448
érée : même avenir ! » J’insiste sur même avenir,
et
non pas même combat comme on dit aujourd’hui, car un combat, cela peu
449
i nous parlait d’écologie, aux comités du Centre,
et
nous savions à peine ce que signifiait le terme ! Un soir donc en 197
450
ressources naturelles, investissements, pollution
et
qualité de la vie, et de prévoir les effets globaux des variations de
451
investissements, pollution et qualité de la vie,
et
de prévoir les effets globaux des variations de l’un ou de l’autre de
452
utre de ces paramètres au cours de la fin du xxe
et
du début du xxie siècle. De ce premier travail de Forrester devait s
453
lait révolutionner à la fois la pensée économique
et
l’opinion publique dans le monde entier. À partir de ce soir-là, tout
454
ma tête vers cette synthèse d’économie, d’éthique
et
de politique européenne, à résultante culturelle, devenue après quelq
455
du nucléaire : « Écologie – régions – Europe », —
et
qui m’a fait écrire mon livre. Je l’ai commencé en 1973 ; j’en avais
456
fois plus qu’aujourd’hui — détenus par les Arabes
et
qu’ils pouvaient jeter sur le marché occidental — de telle manière qu
457
près le tournage est arrivée la guerre du Kippour
et
la confirmation concrète de ce que j’annonçais. J’ai dû réécrire tout
458
ela m’a obligé à m’éloigner un peu de l’actualité
et
des chiffres qui font l’actualité. J’ai pu faire mon aggiornamento to
459
estations à Creys-Malville, ont alerté l’opinion,
et
mon livre en a bénéficié, parce qu’il a paru deux mois après. L’édite
460
é notre colloque. Cela s’est centré tout de suite
et
tout naturellement sur le problème des régions. Pourquoi ? Partons de
461
artons de la guerre qui résume toutes les menaces
et
qui est la pollution majeure de la terre. J’entends la guerre nucléai
462
ima ratio de toutes les mesures de centralisation
et
de mainmise de l’État sur l’économie. Quand on ne sait plus quoi dire
463
nne d’autre, une région ne pourrait pas le faire.
Et
les États-nations n’ont de comptes à rendre à personne ! J’ai demandé
464
la terreur, qui seraient tous plus ou moins fous
et
condamnés à terme. Le seul moyen si l’on veut éviter cette guerre, qu
465
er le grand incendie final, la fin de l’histoire,
et
sinon de la terre et de l’univers, du moins de l’humanité civilisée,
466
final, la fin de l’histoire, et sinon de la terre
et
de l’univers, du moins de l’humanité civilisée, ce serait de trouver
467
orme de communauté humaine que les États-nations,
et
de la fonder sur une logique du vivant, et non pas du minéral, qui es
468
tions, et de la fonder sur une logique du vivant,
et
non pas du minéral, qui est le domaine des techniques dures comme je
469
est irrésistible, parce qu’elle sort de partout,
et
non d’un centre que l’on pourrait détruire avec une bombe. C’est la r
470
qui descend vers les départements, les districts,
et
qui n’arrivera jamais ni au niveau de l’Europe, ni au niveau des sols
471
ni au niveau de l’Europe, ni au niveau des sols ;
et
puis ce qui vient d’en bas, du sol, de l’humus, et qui monte vers les
472
t puis ce qui vient d’en bas, du sol, de l’humus,
et
qui monte vers les communes, les communautés, les régions et l’Europe
473
e vers les communes, les communautés, les régions
et
l’Europe comme dernier palier, avant une fédération mondiale, requise
474
fédération mondiale, requise à beaucoup d’égards,
et
sur laquelle aussi certains d’entre vous ont insisté à très juste tit
475
ière. L’union de l’Europe serait donc, à mon sens
et
dans cette perspective, qui n’est pas celle des États, mais des régio
476
processus de germination, de création des régions
et
des pouvoirs locaux. Nous en venons ici au cœur du débat qui nous a o
477
iques, par exemple, selon les Basques, les Corses
et
les Bretons qui se rappellent au monde par des explosions, quand on r
478
Naef, qui malheureusement a dû nous quitter hier
et
dont l’avis m’importait beaucoup, car il est l’un des responsables de
479
il est l’un des responsables de la planification
et
de l’aménagement du territoire en Suisse, en tant que chercheur à l’É
480
que chercheur à l’École polytechnique de Zurich,
et
donc à ce titre plus ou moins lié au plan du gouvernement suisse. Enf
481
itoires différents, variables selon les fonctions
et
qui se regroupent de différentes manières (comme dans les mathématiqu
482
avez des ensembles topologiques en intersections,
et
il s’agit de voir quel est le plus dense ensemble d’intersections, qu
483
as trouvé un système de réponses claires, nettes,
et
définitives. Mais j’ai été encouragé par cette phrase du professeur N
484
d’autres ont été dites ici, qui m’ont encouragé.
Et
quand je pense à vos travaux et à nos discussions, j’en tire pour ma
485
m’ont encouragé. Et quand je pense à vos travaux
et
à nos discussions, j’en tire pour ma part trois directions de recherc
486
loppée, que j’ai passé mes vingt premières années
et
que j’ai mes racines, comme on le dit par une métaphore critiquable m
487
erritoire déborde immensément celui de mon canton
et
de la Suisse, puisqu’il comprend, outre la Romandie, les trois quarts
488
lgique (je simplifie), le Val d’Aoste, le Québec,
et
les élites politiques et culturelles de nombreux pays du Maghreb et d
489
Val d’Aoste, le Québec, et les élites politiques
et
culturelles de nombreux pays du Maghreb et de l’Afrique noire. Imposs
490
tiques et culturelles de nombreux pays du Maghreb
et
de l’Afrique noire. Impossible de faire rentrer tout cela dans les mê
491
allégeance va au protestantisme, réalité mondiale
et
sans frontière. (Si j’étais catholique, ou communiste, ce serait pare
492
uantité de sociétés, qui m’engagent plus ou moins
et
dont les buts sont très différents, les unes en Amérique, les autres
493
as plus qu’une seule allégeance : c’est mon État,
et
tu vas faire rentrer dans ses frontières toutes tes allégeances, civi
494
le part », elles ont détruit souvent leur relief,
et
toujours leur humus. Elles sont donc dans l’utopie. Il faut fonder de
495
elque chose à chercher dans ce sens ; noyau ferme
et
territorial de la région qui serait plutôt l’écorégion définie par un
496
t-à-dire de l’industrie prolongée du xixe siècle
et
destructrice du sol, vers un retour à la terre et à la cité normale.
497
et destructrice du sol, vers un retour à la terre
et
à la cité normale. Encore une fois, je m’en voudrais d’apporter des r
498
ute fédération, toute organisation fédérative est
et
doit rester complexe, parce qu’elle veut coller à la réalité physique
499
coller à la réalité physique, humaine, économique
et
culturelle. Mais il y a tout de même, à la base du fédéralisme et que
500
ais il y a tout de même, à la base du fédéralisme
et
quelle que soit l’infinie complexité de ses réalisations, un principe
501
je dirais les régions) — ne doivent pas le faire,
et
ce que les États — (les régions) — peuvent faire, le gouvernement féd
502
oit pas le faire. C’est un miracle de simplicité
et
cela résout des milliers de cas extrêmement complexes. Autrement dit,
503
haque cas, les dimensions de la tâche à accomplir
et
les compétences des communautés. À la commune, les chemins vicinaux,
504
s pour être réglées par la fédération européenne,
et
pour celles-là, il faut des agences mondiales. Je rappellerai notamme
505
du désert qui est si grave au Brésil, en Afrique
et
au Canada. Le problème de la destruction de l’humus : régional d’abor
506
isque les océans produisent les quatre cinquièmes
et
les forêts un cinquième de l’oxygène que nous respirons. Comme nous s
507
locales, les différences quelles qu’elles soient,
et
la volonté de se fédérer en ensembles toujours plus vastes. Beaucoup
508
radiction entre le pouvoir des petites autonomies
et
le pouvoir des grandes fédérations : c’est un seul et même mouvement
509
e pouvoir des grandes fédérations : c’est un seul
et
même mouvement qui crée les deux. Une seule chose serait détruite au
510
cela revient dans toutes les pages de mon livre.
Et
c’est d’une importance particulière pour nous, Suisses, parce que la
511
mun de défense qui était réel mais limité à cela,
et
les laissait libres pour le reste. Il s’agissait des communes d’Uri,
512
este. Il s’agissait des communes d’Uri, de Schwyz
et
de Nidwald. On ne parlait pas de « cantons » au Moyen Âge, mais de co
513
as de « cantons » au Moyen Âge, mais de communes.
Et
savez-vous comment se dit commune dans le latin du pacte de 1291, qui
514
ppé que l’un des premiers ouvrages philosophiques
et
peut-être le seul qui m’ait vraiment fait impression quand j’avais 15
515
sons Dieu. » Ceci me paraît le nœud de la réalité
et
de la vérité philosophiques. On n’arrive à l’universel que par l’extr
516
uper des communes, vouloir qu’elles soient libres
et
responsables d’elles-mêmes, ce n’est pas du tout s’enfermer dans son
517
ce qu’avec mes amis Mounier, Alexandre Marc, Aron
et
Dandieu, nous avons lancé dans les années 1930, sous le nom de mouvem
518
ées 1930, sous le nom de mouvement personnaliste,
et
sous le motto de Révolution personnaliste et communautaire. Dès le dé
519
ste, et sous le motto de Révolution personnaliste
et
communautaire. Dès le début, il n’était pas question de séparer la pe
520
pas avoir plus d’un pied à la fois sur la terre !
Et
s’il fait un grand bond, il n’a plus aucun pied sur la terre, mais il
521
us rappelle ce que Paul Valéry a écrit là-dessus (
et
qui devrait être complété) : « Est Européen tout homme qui a subi pro
522
bi profondément les influences de Rome, d’Athènes
et
de Jérusalem. » Ce qui voulait dire : institutions de l’Empire romain
523
s. Mais il faut y ajouter les valeurs germaniques
et
les valeurs celtiques, qui sont aussi importantes à bien des égards,
524
importantes à bien des égards, plus près de nous,
et
qui ont recouvert le tout. Mais que de contradictions entre ces origi
525
hrétiens à Rome. Les libertés locales, c’est grec
et
c’est germanique, mais ce n’est pas romain. L’aventure, la quête spir
526
antinomies qui ont donné à la culture européenne
et
à l’Europe dans le monde, son dynamisme extraordinaire. Toutes les au
527
les autres cultures sont beaucoup plus uniformes
et
homogènes. Ce sont ces évidences historiques qui m’ont toujours empêc
528
les questions politiques — comme les frontières —
et
les questions économiques, pour n’en prendre que trois. J’ai trouvé,
529
miques, pour n’en prendre que trois. J’ai trouvé,
et
vous pouvez facilement le vérifier, que le rythme de variabilité des
530
. Prenons le triangle dont le sommet est Belfort,
et
dont la base va du Val d’Aoste à Saint-Étienne en passant au sud de G
531
nte, quoiqu’apparentée à la fois à la langue d’oc
et
à la langue d’oïl. Il en reste des traces dans nos patois. Les mots d
532
urges, Orléans, puis s’est agrandie par annexions
et
conquêtes jusqu’en 1861. Elle a très peu varié au xxe siècle. Mais o
533
ne région pour changer complètement son potentiel
et
ses relations économiques. Donc, il serait faux de baser l’Europe, ce
534
r ce qu’il y a de plus fragile, de plus variable,
et
qui peut être ruiné : l’économie. Il faut la fonder sur l’humus, l’hu
535
’Europe qui existe depuis une trentaine d’années,
et
qui avait au départ pour présidents MM. Gaston Defferre et Jacques Ch
536
ait au départ pour présidents MM. Gaston Defferre
et
Jacques Chaban-Delmas, deux Français très engagés dans la politique d
537
e chose de plus fonctionnel… Dans le papier de M.
et
Mme Cosma sur la stratégie, j’ai salué bien sûr avec une complète app
538
pas de dépenses gigantesques comme la propagande
et
les armements : c’est une propagation d’informations réelles, la prop
539
les, la propagande étant exactement le contraire.
Et
enfin, j’y reviens, il y a l’apport, capital à mon sens, de M. et Mme
540
viens, il y a l’apport, capital à mon sens, de M.
et
Mme André Birre, avec ce qu’ils nous ont appris sur l’humus, qui donn
541
s nous ont appris sur l’humus, qui donne vraiment
et
symboliquement une base à tout cela. « Partir d’en bas », ont dit M.
542
out cela. « Partir d’en bas », ont dit M. Juillet
et
beaucoup d’autres parmi vous. Je crois que nous sommes tous d’accord
543
faudrait élargir les applications de ce principe,
et
je vois là la possibilité non seulement d’un institut mais d’une gran
544
action qui serait à la fois à l’échelle régionale
et
à l’échelle planétaire, et qui devrait à mon sens partir d’une confér
545
à l’échelle régionale et à l’échelle planétaire,
et
qui devrait à mon sens partir d’une conférence mondiale dont les thèm
546
es objets des conclusions économiques, politiques
et
éducatives prenant force de loi dans tous les pays membres serait peu
547
portion inverse qu’évoque la lecture de son texte
et
qu’il n’est d’accord avec moi sur à peu près rien ! En réalité, je le
548
lui faire tort, que tout d’abord, il est italien
et
qu’il aime s’amuser ; que son papier, comme il le dit, ne pourra pas
549
t, ne pourra pas apporter uniquement des louanges
et
des applaudissements — ce serait mal vu dans une séance comme celle-l
550
pourrait faire, de manière, dit-il, à approfondir
et
clarifier la pensée de l’auteur sur quelques points. Je dirai pour si
551
e à lui-même avec une imperturbable intelligence,
et
que souvent je me forme encore à moi-même, et de les pousser à bout,
552
ce, et que souvent je me forme encore à moi-même,
et
de les pousser à bout, jusqu’à montrer que finalement, rien n’est pos
553
dre quelques-uns de ses points les plus astucieux
et
tenter de clarifier ma pensée, comme il m’y invite. I. Des causes d
554
la, on lui dirait : « Bon, continue, cela va bien
et
nous, on s’occupera d’autre chose ! » Strassoldo le sait mieux que pe
555
se jouir en même temps des avantages de la grande
et
de la petite échelle, il y a deux-cents ans que Rousseau a réfuté le
556
s assez petites pour qu’elles soient maîtrisables
et
que les conflits puissent devenir productifs au lieu d’être tout simp
557
sont dressés les personnalistes des années 1930,
et
ensuite les fédéralistes européens, puis les régionalistes aujourd’hu
558
e de personne, je la définis par une vocation bel
et
bien transcendante à l’individu. S’il nous fallait absolument un myth
559
ot l’ambition, l’idéal, les visées du fédéralisme
et
du régionalisme, je dirais qu’aujourd’hui ce ne peut être que la paix
560
sommes bien obligés de faire entre l’État-nation
et
la guerre. L’État-nation est né de la guerre et se justifie entièreme
561
n et la guerre. L’État-nation est né de la guerre
et
se justifie entièrement par la préparation à la guerre. Chaque fois q
562
ctions entre régions « économiques-compétitives »
et
régions « communautaires-participatives » R. Strassoldo voit des c
563
voir, entre les régions économiques compétitives
et
les régions communautaires participatives. Ceci est heureusement un p
564
ires participatives. Ceci est heureusement un pur
et
simple jeu de l’esprit. Il n’y a aucune espèce d’incompatibilité entr
565
qu’on ne les caricature chacune dans son domaine,
et
une fois de plus, qu’on fasse la grève du zèle des concepts, qu’on le
566
ement qu’elle nous dispense des grandes centrales
et
qu’elle peut être dispersée chez tout le monde, même jusqu’aux maison
567
e la généralisation des modèles fédératifs suisse
et
yougoslave Je dois dire que je n’ai pas pensé une seconde au modèl
568
sitives ou négatives. Mais que je parle de région
et
de participation civique, il est bien entendu qu’il ne s’agit de rien
569
r à cette échelle ? Seules la faim, les épidémies
et
les catastrophes naturelles. » Je ne vois pas comment des catastrophe
570
usser, sans pour autant devenir un corps uniforme
et
homogène. La fédération suisse s’est formée en vue de constituer la f
571
force nécessaire pour faire face aux pays voisins
et
aux seigneurs ambitieux, tels les Habsbourg, mais pas plus. J’entends
572
ut juste suffisante pour préserver les autonomies
et
leur diversité. X. De la « cybernétisation » du processus politiqu
573
De la « cybernétisation » du processus politique
et
des obstacles y relatifs À ce sujet, une note que je ne peux qu’ap
574
géométrie variable Je pense avoir toujours dit
et
décrit le contraire de ce qu’il m’est ici reproché d’avoir défendu ou
575
e de Konrad Lorenz sur le territoire des animaux,
et
de l’étendre aux hommes. Les vues de Lorenz sur les animaux sont cont
576
ent territorial, local, prônée par Maurice Barrès
et
par la droite française au début du siècle, dans une abondante littér
577
it qu’une chose : c’est que l’homme est un animal
et
non pas un légume ! Il existe d’ailleurs un légume qui est presque en
578
’homme est un animal caractérisé par sa mobilité,
et
plus il s’élève dans l’ordre spirituel, plus il se reconnaît « errant
579
l’ordre spirituel, plus il se reconnaît « errant
et
voyageur sur la terre ». aa. Rougemont Denis de, « Autour de L’Av
580
té) qu’à la mesure où il est en fait responsable,
et
vice versa (tous les juristes le savent). Sans responsabilité corresp
581
kibboutzique, nous dit-il, s’oppose à la mobilité
et
favorise l’enracinement. Le kibboutz serait un retour à la structure
582
s pour vivre de ses racines dans le milieu natal,
et
un temps pour vivre son aventure personnelle et pérégrine, celle du «
583
, et un temps pour vivre son aventure personnelle
et
pérégrine, celle du « voyageur sur la terre ». Le seul modèle de comm
584
ne comprennent que 3 % de la population d’Israël,
et
c’est très bien ainsi. Cependant, il faut bien imaginer d’autres modè
585
1984)ag Devant l’immense travail de Jacqueline
et
Pierre-Arnold Borel, ce que je ressens d’abord est un vertige de chif
586
; à la vingtième, plus d’un million ; à la trente
et
unième, on dépasse le milliard. Cela nous mène de fils en père, en pe
587
ques lueurs furtives percent cette nuit des temps
et
son croissant anonymat : trois empereurs du Saint-Empire romain de na
588
qu’une ou deux-centaines de millions d’habitants,
et
l’Europe, moins de quinze millions. Or, il est sûr que nos ancêtres f
589
uve tant de Chambrier, de Montmollin, d’Osterwald
et
de Pury (plus haut, de Bonstetten) que le nombre théorique des aïeux
590
nos aïeux, tel que le dresse notre généalogiste —
et
je ne saurais trop l’en féliciter — nous propose une seconde conclusi
591
on trouve autant d’étrangers que de Neuchâtelois
et
de Suisses additionnés. Prenons l’exemple de la génération qui compte
592
elle se compose de 14 Neuchâtelois, de 2 Genevois
et
de 16 étrangers. Or, ces étrangers ne sauraient être classés par nati
593
leur origine provinciale ou régionale. Jacqueline
et
Pierre-Arnold les décrivent justement comme Normands, Flamands, Namur
594
Les mêmes proportions de Neuchâtelois, de Suisses
et
d’« étrangers » se retrouvent dans les générations antérieures, encor
595
enforce dans ma doctrine de l’Europe des régions,
et
dans ma conviction que les habitants de l’Europe, avant d’être sujets
596
ant Napoléon en lui disant qu’il serait « Belge »
et
l’on eût scandalisé un Bavarois ou un Saxon en le qualifiant simpleme
597
Normandie, la Flandre, le Hainaut, les Allemagnes
et
la Scandinavie. C’est à peine si l’on trouve, en remontant très haut,
598
en remontant très haut, deux ou trois Piémontais
et
un Toscan, égarés dans nos brumes. Mais un mariage peut tout changer
599
ar Mathilde de Pierre, femme d’Henri de Rougemont
et
fille de Marie-Henriette de Pourtalès-Guibert, nous voilà rattachés à
600
s Luxembourg, des Habsbourg, des Souabe-Babenberg
et
des comtes de Zollern fondateurs de la maison de Hohenzollern ; et, p
601
Zollern fondateurs de la maison de Hohenzollern ;
et
, par d’autres, des ducs de Normandie, des ducs de Lorraine, de Louis
602
is le Pieux, des Plantagenêts, des rois d’Écosse,
et
même de la fée Mélusine, des Lusignan et de Savoie, de Béranger II ro
603
’Écosse, et même de la fée Mélusine, des Lusignan
et
de Savoie, de Béranger II roi d’Italie et d’Andronic empereur de Byza
604
usignan et de Savoie, de Béranger II roi d’Italie
et
d’Andronic empereur de Byzance, tout cela paraît merveilleux à l’inst
605
’idée des espaces infinis de silence, d’ignorance
et
de nuit qui me séparent d’eux au point de me les rendre absolument ét
606
moi, sont ceux-là seuls dont mes parents, oncles
et
tantes nous parlaient quand nous étions jeunes. Et ceux-là seuls évei
607
t tantes nous parlaient quand nous étions jeunes.
Et
ceux-là seuls éveillent en moi un sentiment de parenté, la reconnaiss
608
econnaissance de quelque chose d’à la fois intime
et
ancien. « Le Procureur » au premier rang, ses humeurs « gringes » et
609
cureur » au premier rang, ses humeurs « gringes »
et
son humour, alliés à un sens politique qui a permis que nous devenion
610
Suisses. L’arrière-grand-mère Philippine du Buat
et
, par sa lignée, les légendes de la forêt normande, Perceval et Lancel
611
gnée, les légendes de la forêt normande, Perceval
et
Lancelot du Lac. Un peu de mes grands-parents (jamais connus). Tante
612
de mes grands-parents (jamais connus). Tante Beth
et
le fameux « œil de tante Beth » qui faisait fuir les intrus dans les
613
ir les intrus dans les propriétés de Saint-Aubin.
Et
le mystère de l’ascendance franc-comtoise, dont mon père m’a souvent
614
qui signifie, selon Littré, à la fois « chance »
et
« bien que l’on possède », c’est-à-dire « dont on est venu à chef ».
615
es à lui montrer.) D’autres récits de mes parents
et
de mes tantes (voir ici même ceux de Marthe Monvert, sœur de mon père
616
ère femme normande, de sa seconde femme anglaise,
et
des voisins et cousins Wesdehlen, dont les alliances le reliaient à l
617
nde, de sa seconde femme anglaise, et des voisins
et
cousins Wesdehlen, dont les alliances le reliaient à la Bretagne, à l
618
nt à la Bretagne, à la Prusse-Orientale, à Vienne
et
à Turin. … Toute l’Europe était là, et c’était la famille… Denis de
619
, à Vienne et à Turin. … Toute l’Europe était là,
et
c’était la famille… Denis de Rougemont « La Chevance » 01630 Saint-G
620
83 ag. Rougemont Denis de, Borel Pierre-Arnold
et
Borel Jacqueline, « [Préface] Pierre Arnold et Jacqueline Borel, Les
621
ld et Borel Jacqueline, « [Préface] Pierre Arnold
et
Jacqueline Borel, Les Rougemont de Saint-Aubin », dans Les Rougemont
622
L’Europe
et
les intellectuels (1984)ae af Denis de Rougemont, de tous les inte
623
s celui qui s’affirme le plus comme « Européen »,
et
cela depuis vos premiers écrits. Comment et pourquoi êtes-vous devenu
624
en », et cela depuis vos premiers écrits. Comment
et
pourquoi êtes-vous devenu et restez-vous un « Européen militant » ? I
625
iers écrits. Comment et pourquoi êtes-vous devenu
et
restez-vous un « Européen militant » ? Il me semble que tout m’y a co
626
’une tante de Bavière, familière de notre maison,
et
de son frère le général, des oncles et cousins plus éloignés de Breta
627
re maison, et de son frère le général, des oncles
et
cousins plus éloignés de Bretagne, de Prusse, d’Autriche, d’Italie. E
628
nés de Bretagne, de Prusse, d’Autriche, d’Italie.
Et
aussi des deux branches françaises et de la branche anglaise de ma fa
629
, d’Italie. Et aussi des deux branches françaises
et
de la branche anglaise de ma famille, de Jean, le professeur de chiru
630
rgie de Lyon, d’Édouard, le graphologue de Paris,
et
aussi d’Arthur, l’un des directeurs du Lloyd de Londres, de Frank le
631
e… L’Europe, elle allait de soi comme la famille,
et
ce n’était pas un cas exceptionnel dans les familles de notre ancienn
632
uisse en 1848 seulement. Entre la terre des pères
et
le continent des rêves, il n’y avait aucune opposition : je l’ai écri
633
e de l’entrée de Neuchâtel dans la Confédération,
et
dont je voudrais vous lire ces quelques lignes : Ce qu’on touche — e
634
ous lire ces quelques lignes : Ce qu’on touche —
et
ce qu’on imagine, le pays qui nous tient par les pieds, par le cœur,
635
e pays qui nous tient par les pieds, par le cœur,
et
le rassemblement des nations invisibles, on nous dit que tout les opp
636
s oppose, qu’il faut choisir l’un contre l’autre,
et
qu’entre ces amours il n’est que de la haine. Comment un Suisse le cr
637
ans ma famille, où tant de traditions se croisent
et
se marient. Pour moi, comme pour tant d’autres Suisses, passer de la
638
s le même sens. Mais la famille, c’est générique
et
général. Après elle, et souvent contre elle, il y a eu la littérature
639
famille, c’est générique et général. Après elle,
et
souvent contre elle, il y a eu la littérature, beaucoup plus précisém
640
nçaise. Puis les poètes allemands. Rilke d’abord,
et
surtout Hölderlin, le plus grand depuis Dante, et dans les mêmes anné
641
et surtout Hölderlin, le plus grand depuis Dante,
et
dans les mêmes années, Valéry, Unamuno, notre Ramuz, Kierkegaard, Kaf
642
entielle » (comme on disait alors) de Kierkegaard
et
tout près de nous, de Heidegger. Tout cela, comme vous voyez, très eu
643
ropéen tout ce qui a été marqué par Athènes, Rome
et
Jérusalem. On cite toujours ces trois premières sources de la culture
644
es Européens — dont je retiens surtout la grecque
et
l’évangélique — mais il faut leur ajouter deux autres sources : la ge
645
leur ajouter deux autres sources : la germanique
et
la celtique, voire plus tard l’arabe, qui ont été et restent capitale
646
la celtique, voire plus tard l’arabe, qui ont été
et
restent capitales pour la littérature européenne. C’est en somme surt
647
te éblouie m’a fait écrire en trois mois L’Amour
et
l’Occident , un titre qui peut servir d’épigraphe non seulement à mon
648
our l’Europe d’abord. Ce livre, très vite traduit
et
publié en Angleterre, grâce à T. S. Eliot, et aux États-Unis, m’a bea
649
uit et publié en Angleterre, grâce à T. S. Eliot,
et
aux États-Unis, m’a beaucoup aidé à gagner l’intérêt des éditeurs et
650
m’a beaucoup aidé à gagner l’intérêt des éditeurs
et
l’amitié des critiques américains, pendant les années que j’ai passée
651
’ai passées là-bas, de 1941 à 1947. Vous avez dit
et
écrit à plusieurs reprises que c’est en Amérique que vous avez découv
652
à New York beaucoup d’écrivains, d’intellectuels
et
d’artistes, que je fréquentais ou aurais pu fréquenter à Paris dans l
653
urais pu fréquenter à Paris dans les années 1930,
et
avec lesquels je me suis lié, tels Saint-Exupéry, André Breton et Sai
654
je me suis lié, tels Saint-Exupéry, André Breton
et
Saint-John Perse, mais aussi des philosophes tels que Georges Gurvitc
655
s aussi des philosophes tels que Georges Gurvitch
et
Jacques Maritain, des peintres comme Marcel Duchamp et Max Ernst, l’é
656
cques Maritain, des peintres comme Marcel Duchamp
et
Max Ernst, l’éditeur Kurt Wolff, le grand poète Wystan Auden, les com
657
urs Bohuslav Martinů, Arthur Lourié, Edgar Varèse
et
tant d’autres… Le simple fait de les voir vivre dans un milieu, pour
658
ation de la différence, de l’identité européenne,
et
une nostalgie lancinante, révélatrice de ce que nous avions perdu et
659
ncinante, révélatrice de ce que nous avions perdu
et
que nous ne pourrions retrouver un jour que si l’Autre était battu… U
660
le premier devoir serait de fédérer nos peuples.
Et
ce retour s’est fait pour moi au printemps de 1946, sous les meilleur
661
diat après-guerre. Mais votre prise de conscience
et
votre engagement européen ne remontent-ils pas, avant les États-Unis,
662
nnaliste qui s’exprimait dans les revues Esprit
et
L’Ordre nouveau ? Oui, bien sûr. Pour nous, dans ces merveilleuses
663
e. Nous avions en commun l’essentiel de nos refus
et
de nos propositions. Je vais essayer de vous les résumer en quelques
664
us définissions la personne comme à la fois libre
et
responsable, les deux termes étant indissociables. La liberté était v
665
ortait pas de responsabilités civiques concrètes,
et
la responsabilité était nulle si les actes n’étaient pas librement ac
666
tres de mon premier livre publié à Paris en 1934,
et
qui s’intitulait Politique de la personne . En 1935, Mounier lançait
667
nsée engagée », où il rendit compte de mon livre,
et
dont j’assumais la responsabilité. Tout le reste s’ensuit : la person
668
édérations de régions, fédérations continentales…
Et
nous arrivions à l’Europe, « terre des hommes » et « patrie de la per
669
t nous arrivions à l’Europe, « terre des hommes »
et
« patrie de la personne ». Il y avait là tous les mots-clés de ce qui
670
Certains de mes interlocuteurs, comme Edgar Morin
et
Jean-Marie Domenach, ont insisté sur le caractère récent de leur symp
671
le caractère récent de leur sympathie européenne,
et
sur la méfiance qu’ils ont ressentie après la guerre à l’égard d’une
672
ins dans le jeu de la guerre froide. Ce n’est pas
et
ce n’a jamais été votre position. Pourquoi ? Je n’ai jamais, pas un i
673
t de fédérer les Européens pour leur propre salut
et
pour celui de la paix. Tout se passait entre Européens, issus de la R
674
ançaise, belge, hollandaise, mais aussi allemande
et
italienne, et décidés à s’occuper entre eux de leurs affaires. Quand
675
, hollandaise, mais aussi allemande et italienne,
et
décidés à s’occuper entre eux de leurs affaires. Quand je suis rentré
676
, Julien Benda, Georges Bernanos, Stephen Spender
et
même le grand philosophe marxiste de l’époque, le Hongrois Georg Luká
677
eux amis de l’Ordre nouveau, comme Alexandre Marc
et
Robert Aron, et connu un de nos disciples après coup, Henri Brugmans,
678
dre nouveau, comme Alexandre Marc et Robert Aron,
et
connu un de nos disciples après coup, Henri Brugmans, qui présidait l
679
ffaire. J’ai parlé de « l’Attitude fédéraliste »,
et
le succès a été tel que je me suis vu en quelque sorte catapulté dans
680
nt l’auteur du concept d’engagement de l’écrivain
et
de la définition de l’homme à la fois libre et responsable ou « libre
681
in et de la définition de l’homme à la fois libre
et
responsable ou « libre et engagé » selon les formules que j’avais lan
682
l’homme à la fois libre et responsable ou « libre
et
engagé » selon les formules que j’avais lancées dans les années 1930,
683
ormules que j’avais lancées dans les années 1930,
et
dont on me disait maintenant que c’étaient les mots d’ordre de l’exis
684
entialisme. Une phrase me revenait de tous côtés,
et
c’était « l’engagement, comme dit Sartre… » Je lui ai laissé le mot,
685
ent, comme dit Sartre… » Je lui ai laissé le mot,
et
j’ai gardé la chose. J’ai dit à mes amis fédéralistes que j’étais prê
686
ns de ma vie, aux dépens de mon œuvre d’écrivain.
Et
m’y voici encore engagé, après trente-cinq ans d’activités au service
687
Haye, en mai 1948, présidé par Winston Churchill,
et
dont j’ai assumé la partie culturelle présidée à La Haye par Salvador
688
Haye par Salvador de Madariaga, Paul van Zeeland
et
Lord Layton se chargeant de l’économique, Paul Ramadier, R. Mackay et
689
argeant de l’économique, Paul Ramadier, R. Mackay
et
René Courtin de la politique. Dans une série de réunions que j’avais
690
aux Européens », qui devait clôturer le congrès,
et
dont j’avais exigé et obtenu qu’il fût rédigé par moi au nom de ma co
691
devait clôturer le congrès, et dont j’avais exigé
et
obtenu qu’il fût rédigé par moi au nom de ma commission. J’étais emba
692
ssembla au début de mai 1948 quelque 800 délégués
et
200 journalistes, la commission culturelle était présidée par Salvado
693
des chefs syndicalistes, beaucoup d’enseignants,
et
même quelques anciens ministres… Quels résultats avez-vous enregistré
694
s », le congrès s’est terminé dans l’enthousiasme
et
l’espoir. Le principal, pour ce qui me concerne, a été la décision de
695
opéen de la culture », chargé d’initier, d’animer
et
de réaliser des entreprises culturelles susceptibles de contribuer à
696
ne de la culture qui devait définir les objectifs
et
les méthodes de l’action pour l’Europe dans le domaine culturel, au s
697
du terme, qui englobait non seulement les lettres
et
les arts, mais les sciences pures, les sciences humaines, la pédagogi
698
t à Lausanne, dans le palais du Tribunal fédéral,
et
réunit plus de 200 participants, choisis par les conseils nationaux d
699
adariaga président, Rougemont rapporteur général,
et
Silva secrétaire général, avait préparé et conduisit la conférence. O
700
néral, et Silva secrétaire général, avait préparé
et
conduisit la conférence. On entendit dès l’ouverture le président de
701
e la Confédération suisse, puis Paul-Henri Spaak,
et
au cours des quatre journées et soirées de travaux, les interventions
702
Paul-Henri Spaak, et au cours des quatre journées
et
soirées de travaux, les interventions de Carlo Schmid, d’Alberto Mora
703
pour l’occasion par Gabriel Marcel, Wystan Auden,
et
même Jean-Paul Sartre. Sur les 23 résolutions qui furent adoptées à l
704
Genève, sous les auspices du Mouvement européen,
et
salué par un message très chaleureux de Churchill. Vous voilà devenu
705
sinon administrateur, d’un projet bien ambitieux,
et
qu’on n’imagine pas confié à un écrivain. Qu’avez-vous pu réaliser, o
706
mentionnerai d’abord deux idées que j’ai lancées
et
qui se sont réalisées grâce au Centre mais hors de lui. La première,
707
echerches sur la constitution du noyau de l’atome
et
les possibles applications de leurs résultats à la vie civile. Le CER
708
mps présidée par le prince Bernhard des Pays-Bas,
et
que j’ai instituée et dirigée au siège de notre Centre d’abord, penda
709
ince Bernhard des Pays-Bas, et que j’ai instituée
et
dirigée au siège de notre Centre d’abord, pendant deux ans, grâce à l
710
abord, pendant deux ans, grâce à l’appui constant
et
efficace de personnalités politiques, financières, économiques, telle
711
kens, président de Unilever. Mais nous avons créé
et
gardé au CEC — présidence, secrétariat, lieu de rencontre — nombre d’
712
du degré secondaire sur la manière de faire voir
et
valoir la réalité européenne dans les leçons d’histoire et de géograp
713
la réalité européenne dans les leçons d’histoire
et
de géographie, mais aussi d’économie, d’arts et de langues ; un Dialo
714
e et de géographie, mais aussi d’économie, d’arts
et
de langues ; un Dialogue des cultures, entre l’Europe et le monde ara
715
angues ; un Dialogue des cultures, entre l’Europe
et
le monde arabe, l’Afrique noire, l’Inde, la Chine, le Japon, l’Amériq
716
Cadmos , collection de volumes à La Baconnière ;
et
enfin des colloques, séminaires et congrès, qui ont rassemblé à la Vi
717
a Baconnière ; et enfin des colloques, séminaires
et
congrès, qui ont rassemblé à la Villa Moynier, siège genevois du CEC,
718
est le problème de la compatibilité entre l’œuvre
et
l’engagement qui se pose dans votre cas. Je répondrai d’une manière t
719
universitaire d’études européennes qui en est né,
et
où j’enseigne encore à titre de professeur honoraire, j’ai été amené
720
ené à publier une dizaine d’ouvrages sur l’Europe
et
ses problèmes spécifiques, tels que L’Europe en jeu , Vingt-huit si
721
euple européen sur l’état de l’union européenne .
Et
des centaines d’articles, d’essais, de brochures, de préfaces, de con
722
essais, de brochures, de préfaces, de conférences
et
de présidences de comités et de congrès. Mais dans le même temps, j’a
723
aces, de conférences et de présidences de comités
et
de congrès. Mais dans le même temps, j’ai écrit et publié une quinzai
724
t de congrès. Mais dans le même temps, j’ai écrit
et
publié une quinzaine d’ouvrages littéraires et philosophiques, et plu
725
it et publié une quinzaine d’ouvrages littéraires
et
philosophiques, et plusieurs tomes de mon Journal d’une époque , que
726
inzaine d’ouvrages littéraires et philosophiques,
et
plusieurs tomes de mon Journal d’une époque , que j’espère pouvoir a
727
vif, l’interaction féconde de l’œuvre littéraire
et
philosophique et des énergies mobilisées par l’action européenne sous
728
on féconde de l’œuvre littéraire et philosophique
et
des énergies mobilisées par l’action européenne sous toutes ses forme
729
le sort de l’Europe que ceux de votre génération
et
de celle des grands aînés que vous avez cités. Est-ce à vos yeux déco
730
Il est certain que les écrivains, les philosophes
et
les sociologues — sinon les scientifiques — se sont généralement déta
731
iques — se sont généralement détachés de l’Europe
et
de sa cause, c’est-à-dire, à mon sens, détachés des réalités culturel
732
se ne serait sauvée qu’avec la culture européenne
et
par elle, mais que la culture européenne ne serait sauvée, à son tour
733
ait sauvée, à son tour, que par l’union politique
et
économique de l’Europe. Bien, très bien même. Quelques années plus ta
734
a pu se faire homme qu’en fabriquant des esclaves
et
des monstres ». Il va jusqu’à dire que les Européens n’ont édifié leu
735
mais aussi en Angleterre, en Allemagne, en Italie
et
aux États-Unis, dans les années 1960 et 1970, par des gens qui se don
736
en Italie et aux États-Unis, dans les années 1960
et
1970, par des gens qui se donnent couramment pour antieuropéens — c’e
737
en effet un peu seul ! Mais d’autres vont venir,
et
ce ne sera pas long. Si toutefois, on leur laisse le temps de se mani
738
ro-industriel qui gouverne le monde d’aujourd’hui
et
tolère très bien les accords clandestins d’échanges technologiques en
739
s clandestins d’échanges technologiques entre Est
et
Ouest, tout en « amusant (ou affolant) le tapis » avec un psychodrame
740
crates, destiné à la consommation des mass médias
et
à rien d’autre. Ce qu’on prépare avec méthode, c’est la guerre nucléa
741
n tout cas. Vous m’interrogiez sur l’intellectuel
et
l’Europe. Je vous ai donné un exemple concret, le mien. Les mouvement
742
avec lesquels j’ai travaillé dans les années 1950
et
1960 font du surplace, c’est évident. Mais depuis une dizaine d’année
743
ome, Jérusalem, bien sûr, mais aussi les Germains
et
les Celtes, qui ont recouvert le continent (sauf Rome et Delphes, mis
744
Celtes, qui ont recouvert le continent (sauf Rome
et
Delphes, mises à sac par jalousie ou dépit amoureux). Il y a du trava
745
ar jalousie ou dépit amoureux). Il y a du travail
et
du jeu pour beaucoup, dans cette aventure. Mais quelles sont ses chan
746
? À cette question, je réponds depuis que j’agis,
et
au nom de l’Europe fédérale fondée sur sa culture commune : nous ne s
747
ae. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’Europe
et
les intellectuels », L’Europe et les intellectuels : enquête internat
748
retien] L’Europe et les intellectuels », L’Europe
et
les intellectuels : enquête internationale, Paris, Gallimard, 1984, p
749
8-250. af. Propos recueillis par Alison Browning
et
introduits par cette note : « Écrivain et philosophe dont les œuvres
750
rowning et introduits par cette note : « Écrivain
et
philosophe dont les œuvres ont été traduites en 18 langues, Denis de
751
culture. Il en a été le directeur de 1949 à 1978
et
en reste le président. Il a également présidé le Congrès pour la libe
752
lesquels Penser avec les mains (1936), L’Amour
et
l’Occident (1939), La Part du diable (1942), Vingt-huit siècles d
753
d’Europe (1961), Journal d’une époque (1968),
et
L’Avenir est notre affaire (1977). Cette conversation a été enregis
754
eu d’Orwell, pour en dire à la fois moins de bien
et
un tout autre bien que nos télévisions, radios et colloques par milli
755
et un tout autre bien que nos télévisions, radios
et
colloques par milliers dans le monde entier. Moins de bien : car Orwe
756
té le vrai prophète que l’on célèbre à l’unisson.
Et
cela pour deux motifs d’ordres très différents : tout d’abord parce q
757
e entière a été absorbée par la Russie soviétique
et
la Grande-Bretagne par les Amériques. Et il écrit en novembre 1939 qu
758
viétique et la Grande-Bretagne par les Amériques.
Et
il écrit en novembre 1939 que « la guerre qui vient de commencer va m
759
va marquer l’effondrement du capitalisme libéral
et
de la culture chrétienne ». Or rien de tel ne s’est produit et c’est
760
ure chrétienne ». Or rien de tel ne s’est produit
et
c’est même le contraire qui est en train de se réaliser. Orwell écrit
761
ence de Churchill, le premier Congrès de l’Europe
et
ce congrès se termine par la proclamation d’un Message aux Européens
762
de grands intellectuels, des chefs syndicalistes
et
des représentants des Églises — prennent l’engagement solennel d’appu
763
’une fédération européenne ainsi que « les hommes
et
les gouvernements qui travaillent à cette œuvre de salut public, supr
764
œuvre de salut public, suprême chance de la paix
et
gage d’un grand avenir, pour cette génération et celles qui la suivro
765
et gage d’un grand avenir, pour cette génération
et
celles qui la suivront ». Et cette année 1984 précisément, dans quel
766
ur cette génération et celles qui la suivront ».
Et
cette année 1984 précisément, dans quelques mois, les Européens vont
767
à donc l’Europe sacrifiée sans combat par Orwell.
Et
qu’en est-il du christianisme, de cette « culture chrétienne libérale
768
chrétienne libérale » qu’il abandonne elle aussi,
et
sans plus de regrets apparents ? C’est elle, et c’est elle seule, qui
769
, et sans plus de regrets apparents ? C’est elle,
et
c’est elle seule, qui s’est dressée contre la grande puissance totali
770
e contre la grande puissance totalitaire de l’Est
et
qui l’a comme frappée de stupeur interdite, par la voix et l’action d
771
a comme frappée de stupeur interdite, par la voix
et
l’action d’un chrétien à la fois libertaire et solidaire, Lech Walesa
772
ix et l’action d’un chrétien à la fois libertaire
et
solidaire, Lech Walesa. Mais il y a plus. Le vrai prophète n’est pas
773
hète n’est pas celui qui annonce les catastrophes
et
s’en tient là. C’est au contraire celui qui dit, selon l’adage latin
774
la conversion, qui est le retournement de l’être
et
le renversement vers la sagesse. Et rien en lui n’acquiesce aux tenta
775
ent de l’être et le renversement vers la sagesse.
Et
rien en lui n’acquiesce aux tentations de l’abîme et de la démission
776
rien en lui n’acquiesce aux tentations de l’abîme
et
de la démission de l’esprit, devant des menaces qu’il contribuerait à
777
te au fond de l’âme, un masochisme irrépressible.
Et
jamais il ne tente de réveiller en nous le courage de réagir, jamais
778
délai deux développements des sciences physiques
et
de leurs technologies de pointe, dont il n’a pu connaître en 1948 que
779
lbutiements : je veux parler des armes nucléaires
et
des télécommunications audiovisuelles assurant l’omniprésence du Pouv
780
non seulement idéologique, mais sensorielle nuit
et
jour, envahissant jusqu’à notre inconscient. Voici les phrases capita
781
l, sont de conquérir toute la surface de la Terre
et
d’éteindre une fois pour toutes la possibilité d’une pensée indépenda
782
ette fin, « les forces sont également partagées »
et
leur équilibre perpétuellement rajusté : cela doit permettre aux troi
783
e, à tous les moments de notre vie, de la volonté
et
de l’image du Pouvoir (symbolisé par le portrait de Big Brother le mo
784
olisé par le portrait de Big Brother le moustachu
et
c’est le côté un peu Tintin de ce roman). En avons-nous conscience ?
785
ience ? Sans relâche, à toutes les heures du jour
et
de la nuit, où que nous allions, dans nos foyers, dans nos bureaux ou
786
lèmes, proposant les mêmes choix, mais imposant —
et
c’est ce qui compte en fin de compte — les mêmes angles de vision. Et
787
te en fin de compte — les mêmes angles de vision.
Et
c’est tout cela qui prend la place principale dans nos conversations,
788
ons, discussions politiques, échanges d’arguments
et
de clichés, tous suggérés par les médias, TV, radios, agences de pres
789
ise du pouvoir sur les esprits », sur les espoirs
et
sur les craintes des citoyens, c’est-à-dire sur leurs imaginations, s
790
de consulter plus vite des fichiers plus complets
et
prenant moins de place que les anciens fichiers manuels, mais que les
791
s manuels, mais que les Pouvoirs seuls ont établi
et
dont ils sont seuls responsables. Ce qui me fait peur, — c’est moins
792
c’est moins le stockage de données sur mon compte
et
même sur mes opinions, que la volonté de « programmer » ces opinions
793
e chacun à consulter les fiches qui le concernent
et
à les corriger en cas de besoin. Mais la meilleure défense étant l’at
794
odification qui en annulerait très vite la valeur
et
par voie de conséquence l’usage. Un journal américain baptisait l’aut
795
t le Post-scriptum que voici : Un dernier mot,
et
dire que j’allais l’oublier ! La Bombe n’est pas dangereuse du tout :
796
reux c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe
et
qui se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe est une absurdit
797
ue autant que politique. Pour ma part, je le vois
et
le veux surtout fait pour favoriser la décentralisation et la régiona
798
x surtout fait pour favoriser la décentralisation
et
la régionalisation des pouvoirs de gestion publique. Un jour, avec Lo
799
base de toute fédération imaginable de l’Europe.
Et
nous déplorions la difficulté — surhumaine aux yeux des fonctionnaire
800
lisme européen, considéré comme l’union spontanée
et
limitée à des fonctions jalousement définies, de régions constituées
801
’homme puisse agir comme personne à la fois libre
et
responsable. ⁂ J’aborderai maintenant l’un des problèmes majeurs d’au
802
oblèmes majeurs d’aujourd’hui : celui de l’emploi
et
du chômage, pour illustrer ce que je considère comme le défi tragique
803
permet de libérer l’ouvrier des tâches mécaniques
et
serviles. Or, dans la mesure où cela réussit, le résultat ne s’appell
804
on mais bien chômage. Qu’on m’explique pourquoi ?
Et
j’attends, depuis plus de cinquante ans, la réponse. Aujourd’hui, le
805
, quand on ne parlait encore que « d’automation »
et
« d’usines sans ouvriers ». Je disais : que ferez-vous des ouvriers «
806
crée au moins autant d’emplois qu’il en supprime
et
ceux qui le nient sont des faibles d’esprit. Or le chômage n’a pas ce
807
cial des progrès indissociables de la technologie
et
du chômage ? Essayons de voir un peu ce que nous disent les chiffres
808
ns de voir un peu ce que nous disent les chiffres
et
quelles leçons partisans et adversaires de l’automatisation tirent de
809
s disent les chiffres et quelles leçons partisans
et
adversaires de l’automatisation tirent de ces chiffres. Je prendrai l
810
article de Business Week (New York) paru en 1981
et
traduit la même année par la Documentation française. Sur le nombre d
811
être touchés par l’automatisation de l’industrie
et
des services. Les conséquences les plus marquantes se feront pour la
812
le nombre de ses adhérents va décliner entre 1978
et
1990 de 1 million à 800 000, bien que l’on ait retenu comme hypothèse
813
ses n’avaient pas d’autre motif.) Le rapport Nora
et
Minc, établi en 1978, prévoyait, sur les effectifs de 600 000 employé
814
es effectifs de 600 000 employés dans les banques
et
les assurances, une réduction de 30 % en 1990. Cependant que deux aut
815
rtaient ce chiffre à 31 % pour la Grande-Bretagne
et
à 40 % pour la République fédérale d’Allemagne. Ce qui inquiète le pl
816
e plus en tout cela, c’est l’attitude du patronat
et
des syndicats, aux USA plus encore qu’en Europe. L’article de Busines
817
e vigoureuse du secteur des services, compensera,
et
au-delà, les disparitions d’emplois ». Et les citations abondent d’éc
818
ensera, et au-delà, les disparitions d’emplois ».
Et
les citations abondent d’économistes au service des gouvernements occ
819
anutention mécanique, que la fascination immobile
et
tyrannique de processus intellectuels irrémédiablement logiques. Plus
820
de l’ordinateur se sentent aujourd’hui mis au pas
et
contrôlés par la machine, plutôt que l’inverse. Leur interaction cont
821
diminuait de 30 à 40 % pendant la première heure
et
de 80 % durant la deuxième. Le Bureau international du travail, saisi
822
site pas à parler des relations entre l’opérateur
et
l’ordinateur comme d’un « travail à la chaîne mental ». Tout cela dit
823
on de l’industrie n’a fait que rendre plus urgent
et
dramatique le problème, toujours renvoyé à des lendemains qui ronronn
824
trie me paraît être de rendre plus urgente encore
et
dramatique la nécessité vitale d’une réponse à ma question. Nous somm
825
ité de la personne humaine, corps, âme, esprit, —
et
pas seulement matérialité et intellect. Des études vont être entrepr
826
orps, âme, esprit, — et pas seulement matérialité
et
intellect. Des études vont être entreprises à cette fin, dès cette a
827
ération étroite avec plusieurs fondations suisses
et
européennes. ⁂ Il me reste à vous présenter, avant de conclure, quelq
828
xcitant : celui de l’intelligence des ordinateurs
et
de leurs facultés quasi humaines de mémorisation, d’adaptation, d’app
829
ntelligence artificielle, de machines qui pensent
et
qui peuvent inventer ; mais aussi de machines diaboliques qui nous es
830
ut y concourt, y compris la crainte qu’il inspire
et
les espoirs insensés qu’il éveille : libération des travailleurs indu
831
leurs industriels, éducation pour tous à domicile
et
nos enfants et petits-enfants initiés sans douleur aux mystères des m
832
ls, éducation pour tous à domicile et nos enfants
et
petits-enfants initiés sans douleur aux mystères des mathématiques, a
833
la psychologie, la linguistique, l’épistémologie
et
l’informatique. Les chercheurs se servent des modèles informatiques p
834
lligence, ne sont pas des termes scientifiques ».
Et
comme on lui fait observer qu’il remet ainsi en question la nature hu
835
chanalyse » pourraient s’appliquer à l’ordinateur
et
prouver de la sorte qu’il possède une affectivité, il oublie que le m
836
tal pour Freud, porte sur la mémoire individuelle
et
que c’est simplement par un abus de langage qu’on peut parler de la «
837
s que ceux génialement décrits par Marcel Proust.
Et
je voudrais enfin opposer à Papert cette phrase si belle d’un des plu
838
ire, n’a pas d’espoir non plus, ni d’affectivité,
et
n’est donc pas humaine. CQFD. ⁂ Et j’en conclus sur l’avenir de l’inf
839
d’affectivité, et n’est donc pas humaine. CQFD. ⁂
Et
j’en conclus sur l’avenir de l’informatique en vous rappelant la ques
840
ation : « qui dit quoi ? par quel canal ? à qui ?
et
dans quelle intention ? » À quoi il serait bon d’ajouter : « au bénéf
841
il serait bon d’ajouter : « au bénéfice de qui ?
et
pour quel but final ? » Cette question des Finalités de l’informatiqu
842
pas rater » « les retards à combler à tout prix »
et
les « investissements énormes » déjà faits : car tout cela ne justifi
843
mes » déjà faits : car tout cela ne justifie rien
et
ne relève que du marketing, qui joue sur la puérilité des réactions d
844
un poème : « Vous dites : où vas-tu ? Je l’ignore
et
j’y vais. » Répondons-lui : si l’on ne sait où l’on va, mieux vaut n’
845
vilisations. Je demande à réfléchir sur les voies
et
moyens d’une invention de la synthèse travail-loisir, sans laquelle n
846
des théologiens, des philosophes, des sociologues
et
des poètes, chargés de la tâche fondamentale de réfléchir sur les fin
847
les : — ou bien le but est la puissance de l’État
et
des pouvoirs économiques et militaires ; c’est donc la Guerre ; — ou
848
a puissance de l’État et des pouvoirs économiques
et
militaires ; c’est donc la Guerre ; — ou bien le but est la liberté d
849
but est la liberté des personnes à la fois libres
et
responsables : et cela peut être la Paix. Ce dilemme domine notre siè
850
des personnes à la fois libres et responsables :
et
cela peut être la Paix. Ce dilemme domine notre siècle, commande l’av
851
notre siècle, commande l’avenir de notre humanité
et
sans doute de toute vie sur la Terre. 3. Je les trouve aux pages 22
852
r la Terre. 3. Je les trouve aux pages 225, 233
et
238 de mon édition française. ad. Rougemont Denis de, « Informatiqu
853
« Informatique, société, sagesse », Informatique
et
société, Genève, Université de Genève, 1984, p. 13-26.
854
I. Du point de vue de la civilisation en général
et
de la spiritualité en particulier Au début d’une très belle émissi
855
ssait de la répartition des centrales nucléaires,
et
la similitude ou plutôt le contraste m’a frappé : les grands monument
856
s donnaient naissance aux technologies mécaniques
et
agricoles du monde occidental. Mais de nos centrales nucléaires, nour
857
s, rayonne une forme d’énergie liée par sa nature
et
par ses origines aux armes que prépare l’humanité pour se détruire el
858
ue prépare l’humanité pour se détruire elle-même,
et
toute vie avec elle. ⁂ II. Du point de vue qu’on appelle réaliste
859
es n’est pas technologique, n’est pas économique,
et
il est encore moins énergétique, car à ces trois niveaux la cause est
860
es suisses Le choix des centrales nucléaires —
et
des usines de retraitement de leurs déchets — augmente chaque jour le
861
ire humaine. Le choix des énergies renouvelables,
et
notamment de l’énergie solaire, signifierait en revanche le renonceme
862
he le renoncement à la centralisation autoritaire
et
l’avènement des régions autonomes, grâce à l’appui du Ciel et de ses
863
nt des régions autonomes, grâce à l’appui du Ciel
et
de ses longs regards sur notre Terre. Choisir les unités locales, voi
864
passé, un objet d’études pour les universitaires
et
une espèce de capital garanti pour couvrir les dépenses courantes. Ma
865
ans le souci d’un héritage à transmettre vivant ;
et
si nous nous intéressons à l’histoire, plus que toutes les génération
866
ntes, c’est pour mieux voir vers quoi nous allons
et
ce qu’il nous faut faire pour éviter le pire, confrontés que nous som
867
végétale. (Le stock de bombes nucléaires existant
et
qui représente déjà quatre tonnes d’équivalent TNT par tête d’habitan
868
ment.) Tel étant l’arrière-plan général de crise
et
donc d’urgence (pour dire le moins) de toute étude contemporaine sur
869
st constitué du même mouvement à travers le temps
et
qui va des origines mystiques au drame actuel, des rivages où se situ
870
es dieux grecs, jusqu’aux rivages de l’Atlantique
et
au-delà, et c’est le mouvement qui va du Proche-Orient vers l’Occiden
871
cs, jusqu’aux rivages de l’Atlantique et au-delà,
et
c’est le mouvement qui va du Proche-Orient vers l’Occident lointain,
872
t dans nos exposés, nous sommes partis de Byzance
et
de sa fille nordique, la Russie, et même plus à l’est de cette contré
873
is de Byzance et de sa fille nordique, la Russie,
et
même plus à l’est de cette contrée qu’on nomme aujourd’hui le Liban,
874
rd’hui le Liban, pour remonter à travers la Grèce
et
les Balkans, par la Roumanie, la Hongrie, la Vienne au crépuscule de
875
monarchie, jusqu’à rejoindre l’Europe de l’Ouest
et
ses problèmes actuels de dépassement des frontières étatiques et d’ac
876
s actuels de dépassement des frontières étatiques
et
d’action pour une union culturelle qui transcende les actuelles front
877
ble avoir curieusement contourné l’Empire romain,
et
par là même corrigé quelque peu la trop célèbre définition donnée par
878
ait née de la triple influence d’Athènes, de Rome
et
de Jérusalem. Je regrette que nous n’ayons pas eu l’occasion de souli
879
inent presque entièrement peuplé par les Germains
et
par les Celtes, — de là deux nouvelles sources de notre culture commu
880
ées, qui expliquait à la fois le dynamisme unique
et
les violences qui caractérisent notre histoire. (Une autre fois, j’es
881
onde arabe pendant le Moyen Âge, essentiellement,
et
beaucoup plus tard, à partir de la seconde moitié du xixe siècle, l’
882
entionner dans notre siècle, l’influence des arts
et
des rythmes africains — via les deux Amériques — et l’influence des p
883
des rythmes africains — via les deux Amériques —
et
l’influence des philosophies extrême-orientales (yoga hindou et boudd
884
des philosophies extrême-orientales (yoga hindou
et
bouddhisme zen.) Enfin, nous avons tenté quelques survols de cette un
885
vols de cette unité dans la pluralité des sources
et
les antinomies parfois créatrices ; dans le domaine littéraire, en no
886
que l’on peut appeler les classiques européens ;
et
dans le domaine spirituel, en rappelant l’action du pape pour l’union
887
me semble que nous avons fourni un effort unanime
et
, je crois, réussi, pour entretenir le dialogue entre ce que les polém
888
polémiques politiques baptisent l’Est totalitaire
et
l’Ouest ploutocratique, mais que nous préférons nommer ici les différ
889
ralisme démocratique, tel qu’il se nomme à l’Est,
et
les démocraties libérales telles qu’elles se veulent à l’Ouest. ⁂ Res
890
par son renouvellement, sa recréation permanente.
Et
que le respect du passé suppose que l’on fasse tout autre chose que d
891
Il s’agit de retrouver constamment, par des voies
et
moyens qui apparaissent « révolutionnaires », l’esprit animateur des
892
volutionnaires », l’esprit animateur des origines
et
de l’évolution de ce patrimoine. Je pense que nous serons tous d’acco
893
ignifier pour nous : assumer le conflit permanent
et
nécessaire des antinomies, dont voici une petite liste que j’ai établ
894
ue j’ai établie pendant que vous parliez, les uns
et
les autres : — tradition sans cesse ranimée par innovation ; — conser
895
s appartiennent au sens propre à la vie végétale.
Et
certes, cela correspond aux débuts de la vie humaine, et à la formati
896
es, cela correspond aux débuts de la vie humaine,
et
à la formation de l’enfant dans un milieu naturel et humain où l’on d
897
à la formation de l’enfant dans un milieu naturel
et
humain où l’on dit « qu’il a ses racines ». Mais en fait l’homme n’es
898
ait l’homme n’est pas un légume, c’est un animal,
et
quand il devient adulte, ce n’est plus l’enracinement mais la mobilit
899
hilosophie fortement politisée de la fin du xixe
et
du début du xxe siècle : rappelez-vous les ouvrages de Maurice Barrè
900
le : rappelez-vous les ouvrages de Maurice Barrès
et
son titre célèbre : La Terre et les Morts, si dangereusement évocateu
901
de Maurice Barrès et son titre célèbre : La Terre
et
les Morts, si dangereusement évocateur du Blut und Boden des nazis… M
902
utés plus proches de la paroisse que de la tribu,
et
liées beaucoup moins par leur passé que par leur avenir commun. ⁂ Et
903
oins par leur passé que par leur avenir commun. ⁂
Et
maintenant deux remarques générales sur nos colloques. Ce que nous av
904
p peu connus, le premier tiré de Par-delà le bien
et
le mal, le second des Papiers posthumes. Il me semble que ces phrases
905
ns morbides que la folie des nationalités a mises
et
met encore entre les peuples de l’Europe, grâce aux politiciens à la
906
e l’Europe, grâce aux politiciens à la vue courte
et
aux mains promptes qui règnent aujourd’hui à l’aide du patriotisme sa
907
ent une simple politique d’entracte, on méconnaît
et
on déforme mensongèrement les signes qui prouvent de la manière la pl
908
je cite : Ce qui m’importe, c’est l’Europe une,
et
je la vois se préparer lentement d’une manière hésitante. Chez tous l
909
manière hésitante. Chez tous les esprits étendus
et
profonds de ce siècle, l’œuvre commune de l’âme a consisté à préparer
910
ommune de l’âme a consisté à préparer, à supputer
et
à anticiper cette nouvelle synthèse, l’Européen de l’avenir. Ce ne fu
911
e, qu’ils retombèrent dans l’étroitesse nationale
et
devinrent patriotes. Nietzsche ajoute qu’il pense ici à des hommes c
912
us de plus en plus nationalistes en vieillissant,
et
il y voit un signe de sénilité. ⁂ Ma seconde remarque générale va por
913
pandant imprudemment sa civilisation industrielle
et
technicienne dans toutes les cultures les moins faites pour l’accueil
914
accueillir, qu’elle a profondément déstabilisées,
et
dont le désarroi peut être exploité contre nous, y compris dans ce qu
915
aura plus personne pour lire. Nous avons rappelé
et
défini les principales diversités, qui constituent notre unité vivant
916
les valeurs éthiques, les philosophies, les arts
et
les sciences, jusqu’à la technique et aux problèmes économiques presq
917
s, les arts et les sciences, jusqu’à la technique
et
aux problèmes économiques presque insolubles qu’elle est en train de
918
iales ou de mondialisation de nos propres crises,
et
responsables d’inventer les anticorps des virus que nous propageons.
919
ageons. Nous avons essayé de mieux nous connaître
et
nous y sommes arrivés quelquefois, en cernant mieux les variétés géog
920
fois, en cernant mieux les variétés géographiques
et
historiques du patrimoine européen. Mais on ne se connaît bien qu’en
921
ation, ce que j’appelle le Dialogue des cultures.
Et
pour que cela ne tourne pas à un vaste exercice académique de compara
922
r de quelques-uns des thèmes les plus dramatiques
et
urgents de cette fin de siècle, par exemple le thème caractérisé par
923
e, loisirs. Comment ces réalités sont-elles vues
et
vécues dans les grandes cultures qui se partagent notre monde : Inde,
924
s-nous, en confrontant les définitions du travail
et
du loisir, dans ces grandes cultures, approcher d’une manière toute n
925
uant ainsi à l’exercice du génie même de l’Europe
et
de sa vocation mondialisante ? Je souhaite que notre ami Jacques Frey
926
d trouve dans cette proposition matière à examen,
et
s’en souvienne quand il établira les thèmes de nos prochaines rencont
927
que qui se clôt ce matin, l’un des plus fructueux
et
encourageants auxquels il m’ait été donné de prendre part au cours de
928
imoine européen », Le Patrimoine européen : unité
et
singularité. Actes du colloque organisé au Centre d’études pratiques
929
osition entre deux formes d’énergie, le nucléaire
et
le solaire. Car chacune de ces deux solutions implique et détermine d
930
laire. Car chacune de ces deux solutions implique
et
détermine de proche en proche des systèmes de causes et d’effets en i
931
ermine de proche en proche des systèmes de causes
et
d’effets en interdépendance inéluctable, et qui tendent à composer de
932
auses et d’effets en interdépendance inéluctable,
et
qui tendent à composer deux modèles de société théoriquement contradi
933
modèles de société théoriquement contradictoires
et
de moins en moins compatibles dans les faits. Le temps est venu de ch
934
nt dès les origines dans l’histoire de l’humanité
et
s’opposent ou parfois se composent en chacun de nous : la puissance e
935
ois se composent en chacun de nous : la puissance
et
la liberté. La puissance sur autrui et la liberté personnelle. La pui
936
puissance et la liberté. La puissance sur autrui
et
la liberté personnelle. La puissance collective de la tribu, du clan,
937
lan, de la cité, du roi, puis de l’État moderne ;
et
la liberté des citoyens, des groupes, des communes, des régions, qui
938
munes, des régions, qui entendent tout simplement
et
autant qu’ils le peuvent, rester maîtres de leur propre destin. Or, p
939
sentir libre si l’on n’est responsable de rien ?
Et
comment serait-on responsable si l’on n’est pas libre de ses actes ?
940
rtant qu’entre le besoin de puissance à tout prix
et
le besoin de liberté à tous risques, l’humanité se divise en deux cam
941
rsonne n’est jamais ni tout l’un ni tout l’autre.
Et
il n’existe pas non plus de liberté réelle sans nulle puissance, ni d
942
agement des relations humaines dans la communauté
et
l’art de piloter, c’est-à-dire de « gouverner » une communauté — loca
943
ressurisée ou surgénérateurs — implique, entraîne
et
détermine des constructions énormes par leurs dimensions, incroyablem
944
ormes par leurs dimensions, incroyablement chères
et
si dangereuses que nos pays, tout en jurant qu’elles sont inoffensive
945
qui les dénoncent comme gigantesques, trop chères
et
trop dangereuses, ignorent qu’ils dénoncent là les raisons mêmes qui
946
ntion de l’État dans les investissements majeurs,
et
un bon en avant du PNB, mesure des dépenses nationales. Enfin « très
947
a fois un contrôle policier pour le moins décuplé
et
la suprématie d’un personnel spécialisé jusqu’à l’infaillibilité (ind
948
ialisé jusqu’à l’infaillibilité (indémontrable !)
et
ceci pendant les cent-mille ans, au minimum, requis par la surveillan
949
l’inverse, le choix de l’énergie solaire implique
et
favorise la formation de groupes, de communes, de régions à la fois a
950
e régions à la fois autonomes par volonté civique
et
incapables par leurs dimensions restreintes de déclencher et d’entret
951
es par leurs dimensions restreintes de déclencher
et
d’entretenir une guerre. Il est clair comme le jour que le choix des
952
mme le jour que le choix des centrales nucléaires
et
des usines de retraitement du métal infernal qui permet de faire des
953
même coup la fin de la centralisation autoritaire
et
militaire et l’avènement des régions autonomes, grâce à l’appui du ci
954
fin de la centralisation autoritaire et militaire
et
l’avènement des régions autonomes, grâce à l’appui du ciel et de ses
955
nt des régions autonomes, grâce à l’appui du ciel
et
de ses longs regards sur notre terre. Choisir les unités locales, voi
956
it E. M. Schumacher, parce que small permet seul,
et
très vite pour des questions de dimensions, l’autonomie, l’autosuffis
957
res n’est pas technologique, même pas économique,
et
il est encore moins financier : car à ces trois niveaux, la cause est
958
un texte de Denis de Rougemont à tous ses membres
et
sympathisants, texte qu’il nous a semblé utile de reproduire ici. Par
959
b-Énergie annonce une grande séance d’information
et
de travail pour le lundi 25 juin prochain, à 20 h, à l’hôtel Touring-
960
gnage I] (1985)al Nous avions entre vingt-cinq
et
trente ans pour la plupart dans les équipes fondatrices du mouvement
961
u mouvement personnaliste réunies autour d’Esprit
et
de l’Ordre nouveau à partir de 1931. Sur cette génération, que la thè
962
onnels, bien sûr, mais aussi précis que possible,
et
qui pourront peut-être servir de mise au point à propos de certaines
963
la nature particulière de l’affrontement de l’Est
et
de l’Ouest en Europe, affrontement si mal compris aujourd’hui. À l’Es
964
craties parlementaires, altérées de nationalisme,
et
centralisatrices, à dominance capitaliste. Et, entre les deux, une zo
965
me, et centralisatrices, à dominance capitaliste.
Et
, entre les deux, une zone d’États intermédiaires, la Pologne du colon
966
slovaquie de Beneš, la Hongrie de l’amiral Horthy
et
les trois royaumes orthodoxes de Roumanie, de Yougoslavie et de Grèce
967
s royaumes orthodoxes de Roumanie, de Yougoslavie
et
de Grèce, qui n’étaient plus guère des démocraties, mais qui se récla
968
que la guerre entre un mensonge total — à l’Est —
et
une demi-vérité, à l’Ouest. Telle était la situation peu tenable dans
969
le productivisme, contre la politique des partis
et
des trusts à l’Ouest. Mais aussi contre toutes les formes d’État tota
970
tienne Gilson, le père Congar, mais aussi Mounier
et
Georges Izard, des orthodoxes tels que Nicolas Berdiaev et le père Gi
971
s Izard, des orthodoxes tels que Nicolas Berdiaev
et
le père Gillet, des protestants tels qu’André Philip et des agnostiqu
972
père Gillet, des protestants tels qu’André Philip
et
des agnostiques tels que Robert Aron. On nous retrouvera pour la plup
973
ars 1933, intitulé Rupture entre l’ordre chrétien
et
le désordre établi. Entre le désordre des démocraties de l’Ouest et
974
li. Entre le désordre des démocraties de l’Ouest
et
le faux ordre des totalitaires de l’Est ; entre la dissolution indivi
975
ividualiste de toute communauté vivante à l’Ouest
et
les ersatz de communauté totalitaire qui triomphaient à l’Est, nous r
976
isir. Il nous restait à inventer un ordre humain,
et
à refaire une vraie communauté. Ce fut l’ordre que catholiques et pr
977
vraie communauté. Ce fut l’ordre que catholiques
et
protestants, juifs, agnostiques et nietzschéens ensemble, nous avons
978
ue catholiques et protestants, juifs, agnostiques
et
nietzschéens ensemble, nous avons choisi de fonder sur la personne, c
979
e, c’est-à-dire sur cet homme à la fois « libre »
et
« responsable » — personnel et communautaire —, les deux termes se ga
980
la fois « libre » et « responsable » — personnel
et
communautaire —, les deux termes se garantissant réciproquement, qui
981
l — comme on le disait alors, d’après Kierkegaard
et
Heidegger —, l’époque ne fit que peu d’écho. Nous n’étions guère que
982
esses, telles que celle de communauté, de régions
et
de leurs fédérations jusqu’à l’échelle d’une fédération européenne —
983
idées sont devenues aujourd’hui plus fécondantes
et
plus urgentes encore qu’elles ne pouvaient l’être dans les années 193
984
ne pouvaient l’être dans les années 1932 à 1939.
Et
là-dessus, deux précisions d’actualité. 1. On a dit que nous étions «
985
On a dit que nous étions « totalement négatifs ».
Et
c’est un fait que, face à nos « démocraties », nous étions inquiets,
986
, nous étions inquiets, agacés, exaspérés parfois
et
finalement déçus. Mais quand nous répétions « Ni gauche ni droite » c
987
s concrets, c’est-à-dire les problèmes de l’homme
et
non pas des états-majors de partis ou d’États ; les problèmes du trav
988
s de partis ou d’États ; les problèmes du travail
et
du chômage, de la centralisation étatique en vue de la guerre et de l
989
de la centralisation étatique en vue de la guerre
et
de l’État totalitaire dénoncé comme étant l’« état de guerre en perma
990
là le seul programme constructif des années 1930.
Et
il l’est encore plus aujourd’hui. Mais dans le cas des régimes totali
991
ous étions « fascinés » par les jeunes fascistes,
et
que nous faisions devant eux — les noirs puis les bruns — un « comple
992
alisme, de l’étatisme centralisé, du nationalisme
et
de la mystique de l’« État-nation » (terme forgé par l’Ordre nouveau
993
’« État-nation » (terme forgé par l’Ordre nouveau
et
que tout le monde utilise aujourd’hui). Nous étions typiquement des «
994
us paraissait de nature à compromettre la volonté
et
la capacité de résistance de l’Ouest et des libertés qu’il était cens
995
a volonté et la capacité de résistance de l’Ouest
et
des libertés qu’il était censé défendre. (C’est ainsi que nous fûmes
996
n pleine prise de conscience du péril totalitaire
et
de ses causes. Pour mieux combattre le mal qui allait atteindre sa pl
997
lemagne, après avoir conquis la Russie soviétique
et
l’Italie, nous voulions le dénoncer et le combattre dans ses causes,
998
soviétique et l’Italie, nous voulions le dénoncer
et
le combattre dans ses causes, partout où nous sentions sa menace déjà
999
faire n’était donc pas de choisir entre la gauche
et
la droite, catégories très spécialement inopérantes dans le cas des t
1000
venait de créer un mouvement socialiste-national
et
qu’il ne cesserait pas de se qualifier lui-même de « prolétaire » enn
1001
ême de « prolétaire » ennemi des « ploutocrates »
et
de la « Reaktion » ; que la dictature militaro-policière de Staline e
1002
marxisme-léninisme, plus encore que du tsarisme ;
et
, enfin, que la guerre, en 1939, a été déclenchée par le pacte scéléra
1003
été déclenchée par le pacte scélérat entre nazis
et
communistes, sous les acclamations d’Aragon. La seule question sérieu
1004
érieuse était de choisir non pas entre une gauche
et
une droite mal discernables et, en fait, complices, mais entre une so
1005
s entre une gauche et une droite mal discernables
et
, en fait, complices, mais entre une société fondée sur la personne, s
1006
rtés — garanties par ses seules responsabilités —
et
une anti-société d’asservissement total du citoyen à l’appareil d’un
1007
i un seul instant que nous avions raison sur tout
et
dans toutes nos diverses options, assez diverses selon les groupes et
1008
iverses options, assez diverses selon les groupes
et
les individus à l’intérieur du « mouvement personnaliste ». Je voudra
1009
nte ans en avance sur l’évolution de notre siècle
et
les vrais contemporains de ce que ce siècle découvre aujourd’hui. Ce
1010
nous battre pour une société des personnes libres
et
responsables. Nous avons à peine commencé. al. Rougemont Denis de,
1011
nier », Le Personnalisme d’Emmanuel Mounier, hier
et
demain. Pour un cinquantenaire, Paris, Le Seuil, 1985, p. 35-39.
1012
ion du personnalisme que les livres de Senarclens
et
de Paxton, seules sources, hélas, du petit Bernard-Henri Lévy et de s
1013
eules sources, hélas, du petit Bernard-Henri Lévy
et
de son équipe. Hellman cite aussi les jugements du cardinal Verdier s
1014
un curieux centre, à mi-chemin entre le fascisme
et
l’extrême gauche, tandis que Paul Nizan y voyait uniquement l’annonce
1015
faudrait tout de même pas confondre le « perçu »
et
la réalité ! Le perçu peut être tout simplement du mal-compris, mal-v
1016
out simplement du mal-compris, mal-vu, mal-senti,
et
par suite mal-interprété. Il peut être aussi un acte de mauvaise foi
1017
n vient de nous citer. Je voudrais dire en bref —
et
je vous en demande pardon, mais le calembour me paraît irrésistible —
1018
antifasciste ». L’erreur de lecture est évidente
et
elle est aussi grave que possible. J’ai souvent mis en garde, en effe
1019
itement, pour mieux le contrer, les comportements
et
les positions du problème des fascistes et des nazis, qu’en y ajoutan
1020
ements et les positions du problème des fascistes
et
des nazis, qu’en y ajoutant un peu de discipline (mais c’était heureu
1021
de perdre, pour survivre, les raisons de vivre. (
Et
propter vitam, etc.) Le problème est très vieux. Il est traité déjà d
1022
tout à l’heure, parce qu’il est le plus éclairant
et
le plus pathétique sans nul doute. Quand j’ai publié en 1934 un recue
1023
te. Quand j’ai publié en 1934 un recueil d’essais
et
de conférences intitulé Politique de la personne , la Pravda de Mosc
1024
ite d’un petit article paru dans une revue suisse
et
intitulé « Cause commune », où j’esquissais les possibilités d’entent
1025
jeunes intellectuels communistes, personnalistes,
et
« révolutionnaires de droite », comme on le disait. Le sommaire que j
1026
ire que je préparai pour la NRF allait de Nizan
et
Lefebvre pour les communistes, jusqu’à Thierry Maulnier, en passant p
1027
jusqu’à Thierry Maulnier, en passant par Mounier
et
Izard pour Esprit, Robert Aron, Arnaud Dandieu et Claude Chevalley po
1028
et Izard pour Esprit, Robert Aron, Arnaud Dandieu
et
Claude Chevalley pour l’Ordre nouveau, Alexandre Marc et René Dupuis
1029
de Chevalley pour l’Ordre nouveau, Alexandre Marc
et
René Dupuis pour un groupe baptisé Combat, Philippe Lamour pour Plans
1030
roupe baptisé Combat, Philippe Lamour pour Plans,
et
Jean Sylveire pour les indépendants — qu’on appellera plus tard gauch
1031
plus tard gauchistes. Je me réservai introduction
et
conclusions. Les douze auteurs sollicités acceptèrent aussitôt. Un se
1032
e, dans l’appartement que me louait Georges Izard
et
, sitôt entré, me demanda la liste exacte des auteurs sollicités. Il s
1033
acte des auteurs sollicités. Il sortit son agenda
et
j’allais lui donner les noms quand il y eut à l’instant précis une pa
1034
le balcon, seul éclairé par un réverbère proche,
et
, là, je dictai les douze noms. Je vois encore Nizan, qui louchait for
1035
m’écrivit qu’il avait remis son papier à Paulhan,
et
qu’il allait nous envoyer des « propositions de lutte commune sur des
1036
is : si opposés que soient les mots d’ordre du PC
et
les positions personnalistes, il y avait peut-être moyen de lutter en
1037
quelques points concrets : contre le capitalisme
et
contre le fascisme, par exemple, et ce n’est pas exactement rien !… L
1038
e capitalisme et contre le fascisme, par exemple,
et
ce n’est pas exactement rien !… Le « Cahier de revendications » paraî
1039
ons » paraît le 1er décembre 1932, dans la NRF ,
et
fait pas mal de bruit. Il constitue en quelque sorte l’acte de naissa
1040
avait su, il n’eût jamais accepté de collaborer.
Et
il me traite de « sergent recruteur du fascisme français ». Le menson
1041
». Le mensonge était énorme, total, totalitaire.
Et
je me suis vu contraint de mesurer, ce jour-là, pour la première fois
1042
sympathie politique : une amitié humaine directe
et
spontanée. Je voudrais dire à John Hellman, en terminant, qu’il est f
1043
ns au sens le plus actif du terme. 6. Pr. 26, 4
et
5. 7. Association des écrivains et artistes révolutionnaires, dépend
1044
6. Pr. 26, 4 et 5. 7. Association des écrivains
et
artistes révolutionnaires, dépendant du PCF. am. Rougemont Denis de
1045
nier », Le Personnalisme d’Emmanuel Mounier, hier
et
demain. Pour un cinquantenaire, Paris, Le Seuil, 1985, p. 130‑133.
1046
écrivains : anecdotes (1985)an Henri Michaux
et
les idoles Rue du Four, sortant de mon bureau, je longe les voitur
1047
e longe les voitures alignées au bord du trottoir
et
devant l’une, très longue et vraiment belle, se tient Michaux, tout à
1048
au bord du trottoir et devant l’une, très longue
et
vraiment belle, se tient Michaux, tout à fait immobile. Je m’arrête a
1049
x de mon adolescence littéraire, de Gide à Fargue
et
à Malraux. Intimidé cela va sans dire, et c’est banal, mais bientôt d
1050
Fargue et à Malraux. Intimidé cela va sans dire,
et
c’est banal, mais bientôt davantage surpris de les voir si curieux de
1051
es premières « notes », sérieuses, impertinentes,
et
sans doute obscures à leurs yeux. J’avais fini par m’en accommoder, m
1052
te table où Germaine Paulhan tapait à la machine,
et
un gros meuble à tiroirs derrière lequel siégeait Paulhan. Il déploya
1053
l siégeait Paulhan. Il déployait sa stature haute
et
large à chaque entrée d’un visiteur, qu’il accueillait avec des genti
1054
» Je le connais assez pour me garder de répondre,
et
comme je vais pour lui serrer la main, je vois du coin de l’œil, sur
1055
Je le trouve un jour en conversation avec Artaud
et
Roger Vitrac, poète surréaliste qui avait l’air d’un grand garçon bou
1056
ter, mais la revue s’appellera désormais Commerce
et
industrie. » Nous passâmes à un autre sujet. J’en étais arrivé à pens
1057
la NRF était sans doute une tâche si complexe,
et
à tant d’égards périlleuse, que ces petites bouffées de non-sens étai
1058
cision, précision, densité, vivacité dans l’éloge
et
le blâme on ne peut plus librement alternés, caractérisaient ses bill
1059
garo est vraiment admirable10. Nous le citerons (
et
je voudrais bien l’avoir écrit). amicalement J. P. Les N. C. 11 ne
1060
de même, j’imagine vaguement que vous êtes déçu.
Et
moi, je serais plus tranquille si vous étiez à Strasbourg, à la place
1061
étions dans ce même bureau, Artaud, Henri Michaux
et
moi, Paulhan propose d’aller dîner ensemble dans un petit restaurant
1062
ons à pied la rue de Rennes, contournons la gare,
et
longeons un terrain de démolition mal éclairé, au bout duquel, à une
1063
ractères chinois. Je parlais avec Artaud, Paulhan
et
Michaux marchant côte à côte à une dizaine de mètres devant nous. Tou
1064
up, Artaud s’arrête, prend un objet dans sa poche
et
en fait jaillir une lame brillante. Le visage convulsé, la bouche tor
1065
uatre installés à une table, discutant les menus,
et
contents. Je n’ai revu Artaud qu’une seule fois, après mon retour d’A
1066
mière rencontre se produisit à New York, en 1941,
et
pour ajouter à l’incongruité de l’occasion, elle eut lieu dans les bu
1067
l’Office of War Information, où il avait un job,
et
où j’en cherchais un. On nous présente. « Dire que nous avons vécu de
1068
es à Paris sans nous rencontrer ! » s’écrie-t-il,
et
il ajoute, théâtral : « Ce sont de ces conneries… (haussant le ton)…
1069
: « Ce sont de ces conneries… (haussant le ton)…
et
que l’on expie ! » Il dit ensuite que nous devrions trouver « un moye
1070
çais dans cet usage — seront Breton, Lévi-Strauss
et
le peintre Ozenfant. Deux ans d’amitié sans faille. Je ne sais combi
1071
n de soirées merveilleuses avec ses amis peintres
et
poètes surréalistes « réfugiés » aux États-Unis, Max Ernst, Yves Tang
1072
Yves Tanguy, Matta, Aimé Césaire, Charles Duits,
et
surtout Marcel Duchamp, objet d’une sorte de vénération de la part d’
1073
dré. Mais un jour… Il vient vers moi l’air sombre
et
me dit d’entrée de jeu : « Votre dernier livre est un livre dangereux
1074
sonnes du Drame , que Schiffrin vient de publier,
et
qui réunit des essais sur Goethe et Rimbaud, Kierkegaard, Luther, Cla
1075
t de publier, et qui réunit des essais sur Goethe
et
Rimbaud, Kierkegaard, Luther, Claudel, Ramuz et les romantiques allem
1076
e et Rimbaud, Kierkegaard, Luther, Claudel, Ramuz
et
les romantiques allemands. Des propos quelque peu obscurs qu’il me ti
1077
ique des auteurs dont je parle est trop engagée —
et
peut-être engageante dans le cas d’Elisa pour avoir été tolérée par s
1078
le mieux du monde entre Duchamp, arbitre désigné,
et
moi. Il ne reviendra pas sur le litige. Je lui ferai même un brin de
1079
je reçois son très beau livre sur Le Surréalisme
et
la peinture, avec cette dédicace : « À Denis de Rougemont, mon ami tr
1080
icace : « À Denis de Rougemont, mon ami très cher
et
très écouté. » Dimanche matin. Sur Madison Avenue déserte, je me hât
1081
visage levé… C’est Breton. Il s’arrête devant moi
et
me dit : « Je pensais à une religion qu’il s’agirait de fonder sur le
1082
d’une pierre bleue… » Puis il poursuit sa route,
et
moi la mienne. Curieux croisement. Mots de Léon-Paul Fargue Ser
1083
dans un journal qu’il l’avait enfin, sa cravate !
Et
le voilà. Je lui dis : « Léon-Paul, je n’ose plus vous serrer la main
1084
résent, j’ai la candeur de la Comment-ça-vat !… »
Et
il ajoute, après avoir enregistré ma réaction : « Hein ! Comme contre
1085
tion de Paris, Léon-Paul est frappé d’une syncope
et
tombe sous la table. On le relève après quelques minutes et il dit :
1086
ous la table. On le relève après quelques minutes
et
il dit : « Ça ira pour cette fois. Mais la mort a fait un nœud à son
1087
Cher ami N’écrivez pas à Cully. Je n’y suis plus
et
pour cause, et si de la correspondance m’y parvient, elle sera probab
1088
ivez pas à Cully. Je n’y suis plus et pour cause,
et
si de la correspondance m’y parvient, elle sera probablement extermin
1089
dans quelques jours, dès que j’aurai une adresse.
Et
vous me direz alors si vous consentez à donner quelques pages à cette
1090
à la main, louvoyant dans la foule des voyageurs,
et
nous allons dîner au Buffet. « Voilà, me dit-il dès que nous sommes i
1091
’autre peut dire… J’ai quitté la maison de Budry,
et
j’ai été m’installer de l’autre côté de la place, dans un petit hôtel
1092
le balcon. J’attends que Budry sorte de chez lui.
Et
quand je le vois sortir… je le nargue ! » 8. Journal d’une époqu
1093
époque, p. 93. 9. C’était de loin la plus belle
et
la plus exclusive des revues littéraires de ces années-là. Elle porta
1094
es‑uns de mes écrivains : anecdotes », De l’ordre
et
de l’aventure : mélanges offerts à Pierre‑Olivier Walzer, Neuchâtel,
1095
n premier mouvement a été de joyeuse acceptation,
et
puis un scrupule m’est venu, presque un doute : étais-je vraiment l’h
1096
ntraire de moi, de ce que je fus dans ma jeunesse
et
suis resté à tant d’égards. Je m’explique par quelques exemples. Jean
1097
r par sagesse, au plus beau sens de l’expression,
et
moi contestateur par indignation. Il est prudent et circonspect en to
1098
moi contestateur par indignation. Il est prudent
et
circonspect en tous domaines, je ne l’ai jamais été, hélas, dans aucu
1099
jamais été, hélas, dans aucun. Il est analytique
et
méthodique, moi plutôt polémique et passionné. Autant il a su préserv
1100
st analytique et méthodique, moi plutôt polémique
et
passionné. Autant il a su préserver l’irénisme du philosophe dans ses
1101
réserver l’irénisme du philosophe dans ses écrits
et
son comportement, autant il m’est arrivé de céder à la rabies theolog
1102
e n’ai jamais cessé de m’engager pour des causes,
et
tant pis pour moi. Ceci encore : il a tout lu et se souvient de tout,
1103
et tant pis pour moi. Ceci encore : il a tout lu
et
se souvient de tout, à l’instant où il le faut ; moi j’essaie de masq
1104
trop certaines. Enfin, Staro est un pur citadin,
et
je me sens de plus en plus un campagnard… Les meilleures conditions d
1105
igines si différentes, choisi Genève pour y vivre
et
travailler, plutôt que Paris et les États-Unis, qui avaient de quoi n
1106
nève pour y vivre et travailler, plutôt que Paris
et
les États-Unis, qui avaient de quoi nous tenter l’un et l’autre à la
1107
États-Unis, qui avaient de quoi nous tenter l’un
et
l’autre à la fin de la dernière guerre ; ce choix apparemment fortuit
1108
s secrètement délibéré s’est révélé plein de sens
et
de conséquences : à cause de lui, c’est du même lieu de Suisse que no
1109
e nous voyons l’Europe, que nous sentons le Monde
et
ressentons l’époque. Mais il y a plus. Enracinés dans la littérature
1110
és dans la littérature française, nous avons l’un
et
l’autre été nourris par l’Europe germanique et le monde anglo-saxon a
1111
un et l’autre été nourris par l’Europe germanique
et
le monde anglo-saxon avec ses prolongements américains. Voyez plutôt
1112
psychologues de langue allemande que d’historiens
et
de théoriciens des sciences ou du langage en Grande-Bretagne et aux É
1113
ens des sciences ou du langage en Grande-Bretagne
et
aux États-Unis. Et puis, je nous vois un autre trait commun, non sans
1114
du langage en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
Et
puis, je nous vois un autre trait commun, non sans relations intimes
1115
non sans relations intimes avec ce lieu genevois
et
cette formule européenne : le sens de ce qui est dû à la cité. En dép
1116
ans conteste utile à la cité — dont elle illustre
et
renouvelle en notre temps la vocation. Enfin, au choix du lieu de Sui
1117
choix du lieu de Suisse le plus ouvert à l’Europe
et
au Monde, à l’exercice d’une culture non seulement plurinationale mai
1118
que soit le sujet à traiter, nous le faisons l’un
et
l’autre en écrivains d’abord, qui se trouvent partager les mêmes admi
1119
d, qui se trouvent partager les mêmes admirations
et
les mêmes amitiés littéraires, mais avant tout le même souci du style
1120
mais avant tout le même souci du style, du nombre
et
de la cadence de la phrase. D’un texte de Starobinski dont j’eus un j
1121
que, à l’histoire elle-même, le caractère musical
et
la plénitude d’une création indépendante. Belle ambition, soutenue a
1122
ne œuvre imposante par la diversité de ses sujets
et
l’unité de sa visée. Belle langue aussi, ductile jusqu’à la virtuosit
1123
lle épouse, telle une souple chlamyde, les formes
et
mouvements les plus subtils du complexe d’idées qu’elle crée. C’est p
1124
ique que se traduit le mieux son approche du réel
et
de soi-même : qu’on lise à cet égard l’importante préface qu’il a don
1125
ard l’importante préface qu’il a donnée aux Noces
et
à Sueur de sang de Pierre-Jean Jouve ; mais aussi, les textes si purs
1126
té. On n’a pas mieux écrit en prose dans ce pays.
Et
Jean Starobinski est certainement le critique le plus littéraire de n
1127
» par elle-même. Écrivain comme peu d’autres, ici
et
aujourd’hui, quoi qu’il publie et sur quelque sujet qu’il ait choisi.
1128
u d’autres, ici et aujourd’hui, quoi qu’il publie
et
sur quelque sujet qu’il ait choisi. C’est ici l’occasion de lui adres
1129
lie, précisément, dans les revues de linguistique
et
de psychanalyse ! Mais il est temps d’en venir au grand essai sur l’
1130
st autre que l’antithèse traditionnelle de l’être
et
du paraître dans l’homme. Thème majeur qui implique et appelle deux a
1131
paraître dans l’homme. Thème majeur qui implique
et
appelle deux autres thèmes qu’on retrouve dans tous les livres de Sta
1132
lyse des maladies de l’âme : le thème des masques
et
celui du regard — L’Œil vivant est l’un de ses titres. Au thème majeu
1133
on œuvre : Jean-Jacques Rousseau, la transparence
et
l’obstacle, paru en 1971, et Montaigne en mouvement qui vient d’ouvri
1134
eau, la transparence et l’obstacle, paru en 1971,
et
Montaigne en mouvement qui vient d’ouvrir sa carrière. C’est le derni
1135
de la personne d’un écrivain, mouvement qui crée
et
qui explique à la fois la substance des Essais et la formule de vie d
1136
et qui explique à la fois la substance des Essais
et
la formule de vie de leur auteur. Dans le premier temps, Montaigne se
1137
Je me suis présenté moi-même à moi, pour argument
et
pour sujet. » Il s’agit d’un réflexe de défense : il se sent menacé d
1138
, en vous souvenant qu’il s’agit du xvie siècle,
et
non du nôtre ! « Tournons les yeux partout ; tout croule autour de no
1139
alité en cette fin du xvie siècle ? Il se passe,
et
je cite ici Starobinski : « des luttes de princes pour l’accroissemen
1140
sont autant d’incitations pressantes à la feinte
et
à la dissimulation… Le monde qu’accuse Montaigne est un labyrinthe où
1141
éprendre celle de nos polémiques sur le nucléaire
et
de nos guerres religieuses entre capitalisme et communisme, démocrati
1142
e et de nos guerres religieuses entre capitalisme
et
communisme, démocratie et totalitarisme, les mêmes effets de mensonge
1143
euses entre capitalisme et communisme, démocratie
et
totalitarisme, les mêmes effets de mensonge universel se manifestent
1144
nge universel se manifestent : « tout est piperie
et
batelage », nous dit Montaigne. Le monde n’est qu’un théâtre, tout n’
1145
ien vu l’insuffisance d’une attitude de refus pur
et
simple et de l’impossible repliement sur l’être en soi. Tout au long
1146
nsuffisance d’une attitude de refus pur et simple
et
de l’impossible repliement sur l’être en soi. Tout au long des « essa
1147
us du paraître, en tant que manifestation sincère
et
véridique de l’être, en tant, dirais-je, qu’acceptation de l’incarnat
1148
corps, l’amour, la relation à autrui, le langage
et
la chose publique, c’est ce qu’il nomme la dialectique ternaire de Mo
1149
ons avec autrui, avec la société, avec le monde ;
et
troisième temps, l’acceptation critique du « paraître », des apparenc
1150
aîtrisées, soumises à l’être, à la personne libre
et
responsable, et non pas au mensonge officiel impersonnel et encore mo
1151
ses à l’être, à la personne libre et responsable,
et
non pas au mensonge officiel impersonnel et encore moins à des « impé
1152
able, et non pas au mensonge officiel impersonnel
et
encore moins à des « impératifs du futur » qui ne sont que publicité
1153
aissance de la mise en tension vivante de l’autre
et
de moi, « sans confusion, sans subordination, sans séparation » — com
1154
cile de Chalcédoine, formule aussi de mon éthique
et
de ma politique fédéraliste. Le bonheur de trouver en Montaigne un pr
1155
ouver en Montaigne un précurseur du personnalisme
et
de ses prolongements politiques, je le dois à ce livre de Staro. Mais
1156
aigne », Starobinski baisse le masque du critique
et
prend la parole en son nom. Ce passage est pour moi bien émouvant. Je
1157
celui de l’application infaillible d’un savoir. »
Et
il dénonce la perversité de nos prévisions sur l’avenir. Je cite enco
1158
re… Tout cela prolonge les analyses de Montaigne,
et
ressemble de plus en plus à l’auteur même de ces analyses. Chacun sai
1159
Anciens, de Starobinski interprétant Montaigne, —
et
de moi-même sans doute disant cela, pour pasticher Pascal dont plusie
1160
e passe, qui est pire encore qu’au xvie siècle —
et
de nous donner un jour ce livre de raison et de sagesse veloutée, dan
1161
le — et de nous donner un jour ce livre de raison
et
de sagesse veloutée, dans lequel nous parlant du monde qu’il vit, et
1162
tée, dans lequel nous parlant du monde qu’il vit,
et
non plus d’un auteur-prétexte, il nous ferait voir son vrai moi. Ce s
1163
l’expression première, physique, architectonique
et
symbolique de toute démocratie digne du nom. C’est le lieu de rencont
1164
nds d’un groupe humain assemblé par des pratiques
et
des idéaux communs. Pour former un groupe, il ne faut pas être trop n
1165
our le représenter, par l’action publique. Platon
et
Aristote en ont beaucoup parlé. Aristote surtout a traité du rôle ind
1166
indispensable de l’agora dans la vie d’une cité,
et
il a décrit les dispositions architecturales typiques de la place pub
1167
trouve en Grèce un temple ou au moins des autels
et
leur feu perpétuel, symboles du sacré, « foyer » par excellence de la
1168
sacré, « foyer » par excellence de la communauté,
et
à côté le bouleutérion où siègent les magistrats, que l’on nomme curi
1169
strats, que l’on nomme curie dans le monde romain
et
, beaucoup plus tard, le « palazzo communale » ou l’« hôtel de ville »
1170
lace — piazza ou campo — des communes italiennes.
Et
la formule traversera les Alpes par le col du Gothard, en y laissant
1171
ui des greffiers qui rédigeaient alors les pactes
et
statuts de liberté des communes italiennes, garantis par le Saint-Emp
1172
elés par les villes rhénanes, jusqu’aux Pays-Bas.
Et
de là, la nouvelle formule des pactes d’autonomie régionale, dans cer
1173
ouvent urbaine s’est répandue dans les Allemagnes
et
en Angleterre, en Bourgogne et jusqu’en Espagne. Il y a donc une long
1174
ans les Allemagnes et en Angleterre, en Bourgogne
et
jusqu’en Espagne. Il y a donc une longue tradition que l’on peut suiv
1175
il s’agit de trouver un optimum entre trop petit
et
trop grand. La dimension d’une polis — ville ou État — ne doit pas dé
1176
dirions : aux électeurs) de se réunir sur l’agora
et
de pouvoir entendre la voix d’un homme « qui ne serait pas nécessaire
1177
pond aujourd’hui que nous avons des haut-parleurs
et
que cela change tout. Oui, cela change tout pour qui a la haute main
1178
ange tout pour qui a la haute main sur les radios
et
sur la télévision, l’État-nation centralisé ou le dictateur. Mais qui
1179
t lui répondre dans l’assemblée des hommes libres
et
se faire entendre à l’échelle nationale, n’ayant que sa voix naturell
1180
u garder le pouvoir s’ils n’avaient pas disposé —
et
eux seuls — des haut-parleurs, c’est-à-dire des radios d’État. Essaye
1181
000 personnes — selon les journaux du lendemain —
et
vous comprendrez ce que je veux dire. C’est l’expérience que j’ai sub
1182
dramatiquement, l’essence horriblement religieuse
et
foncièrement antichrétienne du régime totalitaire. J’en ai donné une
1183
ire, qui permet à l’homme de s’exprimer librement
et
donc de prendre publiquement ses responsabilités. L’homme libre et re
1184
e publiquement ses responsabilités. L’homme libre
et
responsable, formule que Sartre m’a empruntée sans jamais songer à me
1185
erté-responsabilité. Dans ses ouvrages sur Genève
et
sur les Confédérés, le Contrat social, les Lettres de la montagne et
1186
és, le Contrat social, les Lettres de la montagne
et
aussi dans son Gouvernement de la Pologne, il ne cesse de rappeler l’
1187
seules permettent au citoyen de se faire entendre
et
de jouer un rôle actif, donc d’exercer des responsabilités civiques.
1188
ie fondamentale sur les petites dimensions, gages
et
conditions de la liberté politique. L’agora reste donc à mes yeux le
1189
litique. L’agora reste donc à mes yeux le symbole
et
même la définition du lieu où chacun a le droit de s’exprimer, de cri
1190
droit de s’exprimer, de critiquer, de questionner
et
de proposer, ce qui est l’exercice du civisme et qui permet aux homme
1191
et de proposer, ce qui est l’exercice du civisme
et
qui permet aux hommes d’être libres dans la mesure même où ils peuven
1192
leur responsabilité civique. Voilà qui est simple
et
clair, je crois bien. Les vraies difficultés commencent lorsqu’il s’a
1193
n, par les tâches de plus en plus vastes, lourdes
et
dispendieuses dont elles se sont chargées et dont elles abandonnent l
1194
rdes et dispendieuses dont elles se sont chargées
et
dont elles abandonnent la responsabilité à l’État, c’est-à-dire aux c
1195
t-à-dire aux corps des technocrates, bureaucrates
et
employés qui le constituent en fait. Ici se pose la question de créer
1196
es de kilomètres qui pourraient cependant se voir
et
se parler… Mais non pas se serrer la main à l’arrivée. On sent tout c
1197
meilleur substitut serait sans doute le journal,
et
surtout le journal local, professionnel, municipal ou régional, propo
1198
sens de ce qu’on veut dire, le temps de l’analyse
et
de la vérification des informations reçues. Si bien que les échanges
1199
, unissait des communes frontières de Schwyz, Uri
et
Unterwald, et que c’est par le mot « universitates » qu’elles y sont
1200
communes frontières de Schwyz, Uri et Unterwald,
et
que c’est par le mot « universitates » qu’elles y sont désignées ?
1201
sociale, Genève, décembre 1984–janvier 1985, p. 1
et
3.
1202
nts très variés de communes, de vallées, de cités
et
, plus tard, de cantons, en un système de Ligues ou de Confédération (
1203
e par ses origines historiques, son développement
et
ses institutions actuelles. II. Elle est aussi le seul pays d’Europe
1204
pays d’Europe qui n’a pas de culture nationale —
et
cela tient à sa structure fédéraliste non moins qu’à la pluralité de
1205
ports alémaniques, romantsch, ladins, italophones
et
franco-provençaux (aussi dits burgondiens) pour la langue ; celtiques
1206
ussi dits burgondiens) pour la langue ; celtiques
et
germaniques pour les mythes et les traditions populaires ; gréco-lati
1207
langue ; celtiques et germaniques pour les mythes
et
les traditions populaires ; gréco-latins au Moyen Âge à travers l’Égl
1208
es ; gréco-latins au Moyen Âge à travers l’Église
et
ses clercs ; plus tard encore, à la Renaissance, apports bibliques :
1209
ices de lecture, à l’intensité de la vie musicale
et
artistique, à la quantité des inventions techniques, au nombre des un
1210
inventions techniques, au nombre des universités
et
à celui des prix Nobel de sciences par million d’habitants12. Quelle
1211
grands courants transrégionaux puis continentaux
et
au-delà. Tout comme on peut le dire de l’Europe considérée dans son e
1212
t un espace de culture dont le centre est partout
et
la circonférence nulle part — surtout pas aux frontières étatiques !
1213
se des valeurs « nationales » ni de centre unique
et
prestigieux qui attire tous les regards et toutes les ambitions. La v
1214
unique et prestigieux qui attire tous les regards
et
toutes les ambitions. La vie de la culture ne dépend pas d’un centre,
1215
nt à l’échelle de l’Europe. Dès le haut Moyen Âge
et
jusqu’au xxe siècle, des cités de la Toscane et de l’Ombrie à celles
1216
et jusqu’au xxe siècle, des cités de la Toscane
et
de l’Ombrie à celles des Flandres et du Rhin, de Bologne à Oxford, de
1217
e la Toscane et de l’Ombrie à celles des Flandres
et
du Rhin, de Bologne à Oxford, de Tolède à Bruges, de Montpellier à He
1218
. Plus tard, Venise, Genève, Iéna, Weimar… Vienne
et
Paris : ces dernières villes vont redevenir au xxe siècle les deux f
1219
les deux foyers de l’ellipse Europe pour les arts
et
les sciences humaines. On imagine un joli jeu électronique à partir d
1220
s de cet ordre traduites en dialogues de couleurs
et
en intensités lumineuses… La Suisse serait sans doute l’un des lieux
1221
serait sans doute l’un des lieux les plus colorés
et
scintillants du tableau général de l’Europe. On y verrait s’allumer,
1222
Cingria a écrit un petit chef-d’œuvre de poétique
et
d’intuitive érudition. C’était bien avant les Ligues suisses, Guillau
1223
ait bien avant les Ligues suisses, Guillaume Tell
et
le Serment du Grütli. Du point de vue de la culture attestée comme te
1224
rte intensité lumineuse — attirera bientôt Érasme
et
Paracelse, puis Holbein et les peintres de l’École rhénane, de Grünew
1225
ttirera bientôt Érasme et Paracelse, puis Holbein
et
les peintres de l’École rhénane, de Grünewald à Urs Graf, enfin les g
1226
igure de Nicolas Manuel Deutsch, peintre de génie
et
poète épique et satirique, mais aussi homme d’État et Banneret (chef
1227
Manuel Deutsch, peintre de génie et poète épique
et
satirique, mais aussi homme d’État et Banneret (chef des troupes), et
1228
oète épique et satirique, mais aussi homme d’État
et
Banneret (chef des troupes), et pour couronner le tout réformateur de
1229
ussi homme d’État et Banneret (chef des troupes),
et
pour couronner le tout réformateur de Berne ; Zurich avec les réforma
1230
r de Berne ; Zurich avec les réformateurs Zwingli
et
Bullinger auxquels se joignent le Saint-Gallois Vadian et le poète al
1231
nger auxquels se joignent le Saint-Gallois Vadian
et
le poète allemand Ulrich von Hutten, rayonne sur toute la Suisse além
1232
on Hutten, rayonne sur toute la Suisse alémanique
et
les Allemagnes ; Genève enfin, avec Calvin et Théodore de Bèze, devie
1233
que et les Allemagnes ; Genève enfin, avec Calvin
et
Théodore de Bèze, devient en peu d’années l’un des pôles de l’Europe,
1234
e l’Europe, rayonnant sur la France, l’Angleterre
et
l’Écosse, les Pays-Bas, la Rhénanie, la Pologne et la Hongrie… Du côt
1235
t l’Écosse, les Pays-Bas, la Rhénanie, la Pologne
et
la Hongrie… Du côté catholique, c’est l’abbaye d’Einsiedeln, fleuron
1236
ns raniment simultanément tous les foyers anciens
et
en allument de nouveaux. Berne s’illustre aux yeux de l’Europe par le
1237
de Haller : cet anatomiste, chirurgien, botaniste
et
poète national, président de l’Académie des sciences de Göttingen et
1238
président de l’Académie des sciences de Göttingen
et
membre de vingt autres corps savants d’Europe, n’accepte d’ailleurs d
1239
a dominer sans conteste jusqu’à la fin du siècle,
et
qu’elle a contribué plus que toute autre circonstance à faire entrer
1240
e entrer dans la littérature universelle : Herder
et
Goethe vont découvrir, grâce à elle, Homère, Dante et Shakespeare — d
1241
oethe vont découvrir, grâce à elle, Homère, Dante
et
Shakespeare — d’où les traductions de Lessing — tandis qu’elle révéle
1242
a aux romantiques les Nibelungen, les minnesänger
et
leurs maîtres les troubadours du Midi. Les célèbres Idylles de Salomo
1243
e mystique de Lavater, la pédagogie de Pestalozzi
et
la peinture de Füssli (que les Anglais écrivent Fuseli et dont va pro
1244
inture de Füssli (que les Anglais écrivent Fuseli
et
dont va procéder William Blake) — sont nées dans le cercle du Doyen B
1245
ers sans doute imprévus des traditions humanistes
et
piétistes — legs jamais contesté par nul d’entre eux — une pléiade de
1246
athématiciens rivalisent de génie : Léonard Euler
et
les huit Bernouilli vont faire de leur ville la capitale (incontestée
1247
ntestée) des « sciences exactes » de leur époque.
Et
Genève, oubliée depuis la Réforme ? Elle assiste aux combats homériqu
1248
elui qui signe ses lettres « le Suisse Voltaire »
et
celui qui signe ses livres : « Rousseau, citoyen de Genève ». Elle fa
1249
yen de Genève ». Elle fait des sciences physiques
et
naturelles, invente avec H. B. de Saussure l’alpinisme, développe des
1250
développe des banques, prête Necker à la France,
et
prépare l’idéologie qu’adoptera la Révolution française, dans sa prem
1251
Sait-on que la Déclaration des droits de l’homme
et
du citoyen fut l’œuvre des trois secrétaires genevois de Mirabeau, Ét
1252
genevois de Mirabeau, Étienne Dumont, du Roveray
et
Reybaud ? Mais au tournant du xixe siècle, c’est par la fameuse Trou
1253
ouest les grands courants européens du romantisme
et
du libéralisme économique et politique, et ceci par l’intermédiaire d
1254
opéens du romantisme et du libéralisme économique
et
politique, et ceci par l’intermédiaire d’un Italien devenu Genevois,
1255
ntisme et du libéralisme économique et politique,
et
ceci par l’intermédiaire d’un Italien devenu Genevois, Sismondi ; d’u
1256
eviendra plus tard Français : Benjamin Constant ;
et
d’un des frères von Schlegel, August, l’un des fondateurs du romantis
1257
des fondateurs du romantisme allemand. Fin xixe
et
début du xxe : les foyers de Bâle, puis de Genève et de Zurich se ra
1258
ébut du xxe : les foyers de Bâle, puis de Genève
et
de Zurich se rallument brièvement : à Bâle, Bachofen inaugure par son
1259
ntée au pouvoir des « terribles simplificateurs »
et
décrit d’une manière encore inégalée le processus de l’avènement des
1260
estera jusqu’au bout marqué par la pensée sereine
et
dominatrice de celui auquel il adressera, déjà en proie à sa démence
1261
urd’hui les « sciences humaines » à Yale, Harvard
et
Berkeley autant qu’à la Sorbonne et dans la plupart des universités e
1262
Yale, Harvard et Berkeley autant qu’à la Sorbonne
et
dans la plupart des universités européennes. Dans le même temps, l’In
1263
Piaget, l’un des premiers disciples de l’Institut
et
son plus grand continuateur. Quant à Zurich, son nom restera lié aux
1264
définies vers l’aventure des sciences de l’atome,
et
la psychanalyse de l’inconscient collectif : tout cela par les apport
1265
instein, né Allemand, de W. Pauli, né Autrichien,
et
de C. G. Jung, né Bâlois. On a vu évoquer dans ces pages plusieurs de
1266
e démesure, un grand théâtre, un sens de la pompe
et
du style libre de tout souci d’obligation « morale » leur eussent été
1267
seraient guère pensables hors du complexe suisse.
Et
c’est à eux que la Suisse, en retour, doit une densité de conscience
1268
moi sur la Suisse 14 : Pays de gens moyens, oui,
et
Denis de Rougemont ne se fait pas faute de le dire et de le répéter.
1269
enis de Rougemont ne se fait pas faute de le dire
et
de le répéter. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton
1270
ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur.
Et
plus d’obstacles devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques.
1271
e domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe.
Et
il est vrai que nos meilleurs esprits, hors du compartiment natal, ir
1272
, iront chercher dans les vertiges de la synthèse
et
dans les larges vues panoramiques les grandes dimensions qui leur man
1273
nquent en Suisse. Synthèse des sciences médicales
et
d’une écologie européenne avant la lettre : Paracelse. Théorie généra
1274
mpant sur nos Alpes que ces hommes s’illustrèrent
et
apprirent à voir grand, c’est en s’expatriant pour se réaliser au sei
1275
natal de Schwyz, Euler vécut dans les Allemagnes
et
à la cour de Russie, Jean de Müller à Vienne et à Berlin, Jean-Jacque
1276
s et à la cour de Russie, Jean de Müller à Vienne
et
à Berlin, Jean-Jacques, Madame de Staël et Constant à Paris. Quant à
1277
Vienne et à Berlin, Jean-Jacques, Madame de Staël
et
Constant à Paris. Quant à un Jung, à un Ramuz, à un Barth, qui, après
1278
en Suisse, ce n’est pas la Suisse qui a découvert
et
propagé leur nom dans le monde ; c’est au contraire de l’étranger, de
1279
13, Allemagne 0,71, USA 0,41, France 0,40, Russie
et
URSS 0,03. On notera l’avantage évident des petits pays sur les grand
1280
culture, à Genève. Essayiste célèbre de L’Amour
et
l’Occident (1939), préconise depuis longtemps, dans ses livres et se
1281
939), préconise depuis longtemps, dans ses livres
et
ses interventions diverses, l’union de l’Europe par le fédéralisme et
1282
diverses, l’union de l’Europe par le fédéralisme
et
la culture. »
1283
Denis de Rougemont est un écrivain personnaliste
et
chrétien. Il n’est sans doute pas inutile de le rappeler, car l’immen
1284
de le rappeler, car l’immense succès de L’Amour
et
l’Occident 15, qui fait désormais figure de classique, a sans doute
1285
es révolutionnaires. Il rejetait en bloc fascisme
et
communisme, mais s’en prenait aussi aux démocraties occidentales qu’i
1286
ées de l’intérieur par un individualisme délétère
et
dont la faiblesse, disait-il, les rendait impuissantes à résister aux
1287
unauté. Rougemont condamnait enfin le centralisme
et
l’étatisme, ces deux fondements du totalitarisme. Ces idées lui valur
1288
lui valurent, à l’époque, des attaques de gauche
et
de droite, ce qui ne saurait surprendre : tel est le sort des non-con
1289
es 1930, c’est leur caractère souvent prophétique
et
indiscutablement actuel20. Il n’était donc pas inopportun de demander
1290
tarisme sous toutes ses formes, du fascisme donc,
et
aussi du marxisme. Je ne me suis pas borné à condamner ; j’ai proposé
1291
uvertes, qui sont entrées dans le domaine commun,
et
qui sont désormais acquises par tous les politologues, quel que soit
1292
eut pas nier l’existence de la lutte des classes,
et
même si l’on se sent socialiste, on ne peut passer sous silence la do
1293
Dandieu, alors qu’ils n’étaient qu’à peine connus
et
pas encore traduits en français : il s’agit des écrits de 1842 à 1844
1294
970, une critique sévère des régimes totalitaires
et
en particulier du régime soviétique. Nous étions parfaitement conscie
1295
us étions parfaitement conscients que le fascisme
et
le nazisme n’étaient pas des réactions « de droite » contre les commu
1296
e, ils s’étaient beaucoup inspirés du bolchévisme
et
ils étaient expressément socialistes à l’origine. Ensuite il a pu y a
1297
a pu y avoir des conflits entre Hitler, Mussolini
et
Staline, mais ce n’étaient pas des conflits fondamentaux. Ils étaient
1298
x. Ils étaient tous pour l’État d’abord, unitaire
et
centralisé : « Ein Volk, ein Reich, ein Führer » (un peuple, un empir
1299
r. Devise jacobine dans ses deux premiers termes,
et
napoléonienne par son troisième. Et c’est cela qui est tout à fait co
1300
miers termes, et napoléonienne par son troisième.
Et
c’est cela qui est tout à fait contraire à votre mouvement de pensée.
1301
téressent directement sa vie, celle de sa famille
et
, de proche en proche, de sa commune, de sa région. Naturellement, une
1302
aniser la société. D’où votre haine du gigantisme
et
de l’étatisme ? Cela c’est très important. Mais on s’est souvent trom
1303
l’État. On a cru que nous voulions le supprimer,
et
nous voulions seulement préciser et limiter ses fonctions. Nous n’éti
1304
le supprimer, et nous voulions seulement préciser
et
limiter ses fonctions. Nous n’étions pas du tout des anarchistes. Nou
1305
fonction étatique » est parfaitement respectable,
et
même indispensable. Mais l’État n’a aucune autorité en soi. On s’arra
1306
rvice ; on n’est pas serviteur de l’État. On peut
et
on doit être serviteur de la communauté, ce qui est tout à fait diffé
1307
ante : les gens tels qu’ils sont, en chair, en os
et
en esprit, qui doivent normalement partager un sentiment de commune a
1308
liens de parenté, ils ont des traditions communes
et
des idéaux communs, ils forment un tissu social, donc une communauté.
1309
mme que suppose la coutume française centralisée,
et
qui est foncièrement in-civique. Nous dénoncions le système napoléoni
1310
n-civique. Nous dénoncions le système napoléonien
et
jacobin comme modèle de tout ce qui avait été fortement aggravé par M
1311
de marché commun se trouve dans Par-delà le bien
et
le mal, où il est dit que tout va vers l’union de l’Europe, que les m
1312
er vers un marché commun de l’économie européenne
et
, bien plus que ça, vers une république européenne, qui a toujours été
1313
république européenne, qui a toujours été le rêve
et
l’idéal des grands esprits : c’est seulement quand ils deviennent vie
1314
rits : c’est seulement quand ils deviennent vieux
et
gâteux qu’ils deviennent nationalistes21. Parce que nietzschéens, cer
1315
j’étais de tradition protestante, fils de pasteur
et
petit-fils d’un professeur de théologie, tout comme Nietzsche, d’aill
1316
effet le sentiment que pour vous le personnalisme
et
ensuite le fédéralisme s’inscrivent tout naturellement dans la tradit
1317
s fait, comme tout un chacun, ma révolte entre 19
et
23 ans. Si on m’avait demandé alors ce que je croyais, j’aurais dit q
1318
e était dirigée par Paul Valéry, Léon-Paul Fargue
et
Valery Larbaud. Pour le jeune écrivain que j’étais, pour qui le somme
1319
j’étais, pour qui le sommet de la vie littéraire
et
intellectuelle du siècle était le groupe de la Nouvelle Revue frança
1320
s cours sur lui. Il écrivait souvent à Nietzsche,
et
il lui dit dans une lettre qu’il y avait deux hommes qu’il devait abs
1321
rotestantisme dans ce qu’il avait de plus radical
et
révolutionnaire, tandis qu’en revenant à Calvin, peu après, je découv
1322
rmation luthérienne de la « liberté du chrétien »
et
calviniste de sa « responsabilité ». Je découvrais du même coup le pr
1323
logie qui était nettement inspirée de Kierkegaard
et
qui était en même temps sociale, c’était celle de Karl Barth, membre
1324
nne, comme nous nous sommes mis à dire très vite,
et
aussi à la communauté. Votre première définition de la personne remo
1325
jà de plusieurs années de réflexion philosophique
et
théologique. Ce qui m’a beaucoup aidé c’était un article que j’avais
1326
pas de terme grec qui convenait. Le Père, le Fils
et
le Saint-Esprit étaient de même nature, mais il fallait les distingue
1327
s pères de l’Église à partir du concile de Nicée,
et
cela a finalement été résolu cent-vingt-cinq ans plus tard au concile
1328
encore le vice majeur de la démocratie française.
Et
c’est de là que nous disions que, dans la démocratie individualiste,
1329
Penser avec les mains , mais c’est une réponse.
Et
ça explique leur triomphe passager. La faiblesse congénitale d’une dé
1330
n petit livre de Thomas Mann qui s’intitule Mario
et
le magicien, où l’on décrit une séance de prestidigitation. Un magici
1331
magicien hypnotise les gens. Il est sur la scène
et
il les appelle dans la salle. Il leur ordonne de faire des choses ext
1332
l leur ordonne de faire des choses extravagantes,
et
ils les font devant tout le monde. Mais quelqu’un se lève dans la sal
1333
ut le monde. Mais quelqu’un se lève dans la salle
et
dit qu’il est scandalisé de voir qu’on prive les hommes de leur volon
1334
i n’a jamais été publiée. Elle n’a que 120 pages,
et
depuis lors j’ai accumulé au moins 400 pages de notes. Ça s’intitule
1335
nommé Max Lerner, avec qui j’avais discuté cela,
et
qui avait mis au point sur ce sujet une question d’une miraculeuse si
1336
constances, qui sont tentantes à bien des égards,
et
tout d’un coup quelque chose en moi dit non, ce n’est pas ta voie, tu
1337
e n’est pas ta voie, tu ne peux pas aller par là,
et
cela en dépit de toute raison raisonnable. D’où l’importance dans vot
1338
eu. Il avait peur de tomber dans le langage pieux
et
il parlait plutôt de l’Absolu, ce qui l’avait rendu très populaire. L
1339
(même si l’on ne sait pas exactement le définir),
et
ce doit être le même but pour tous les hommes. Moi, ça m’allait très
1340
les hommes. Qu’on le connaisse ou non, il est là.
Et
il m’appelle. C’est cet appel qui crée la personne. Alors je dis qu’i
1341
aire rien, sauf si j’avance. J’avance par la foi,
et
voilà le rôle de la foi : j’ai quelque part une certitude que mon pie
1342
ge d’inventer mon chemin ? Voilà donc la personne
et
sa vocation, cet appel d’une chose obscure qui s’exprime par des moye
1343
i s’exprime par des moyens très souvent détournés
et
négatifs (tu n’es pas fait pour faire cela, tu dois refuser). C’est p
1344
t plus fréquent que le contraire, un appel direct
et
parfaitement clair. Cette vocation je ne peux pas la réaliser dans le
1345
sommes ici assez loin du catéchisme traditionnel,
et
en même temps, en plein dans la réalité — pour moi — du christianisme
1346
connais pas d’autres. Voilà le fond de ma pensée.
Et
je vais l’écrire tout de suite après avoir achevé le livre auquel je
1347
politique, mais aussi théologique, métaphysique,
et
— pourquoi pas — littéraire : car le style, pour moi, dit autant (par
1348
te, est vouée à l’échec. Cela est très important,
et
on le redit maintenant, depuis plusieurs années. Votre prise de posit
1349
romantique, est vouée à l’échec structurellement
et
systémiquement. Elle ne peut pas réussir, puisque la seule révolution
1350
fait découvrir Kierkegaard, c’est la littérature.
Et
tout ce que j’écris — c’est pour moi une question de rigueur — doit a
1351
e préoccupation… Une préoccupation de formulation
et
de communication. J’ai été amené à discuter ces choses avec des gens
1352
tions autour desquelles se passait la discussion,
et
une de ces communications, sur sa demande et celle de Caillois, a por
1353
ion, et une de ces communications, sur sa demande
et
celle de Caillois, a porté sur la présentation d’un chapitre de L’Amo
1354
orté sur la présentation d’un chapitre de L’Amour
et
l’Occident, « L’amour et la guerre », qui avait entièrement convaincu
1355
d’un chapitre de L’Amour et l’Occident, « L’amour
et
la guerre », qui avait entièrement convaincu Bataille. Enfin, nous ét
1356
ons en bons termes, mais je l’ai assez peu connu.
Et
Caillois ? Caillois, lui, c’était un ami, tout à fait. Vous avez dû é
1357
de cette génération qui s’est déclarée entre 1932
et
1939. Quelques-uns ont été tués, beaucoup sont morts depuis, et avec
1358
ues-uns ont été tués, beaucoup sont morts depuis,
et
avec Alexandre Marc, je suis à peu près le dernier survivant des pers
1359
moment surtout où nos idées — sur le fédéralisme
et
les régions, notamment — paraissent enfin s’inscrire dans les faits,
1360
1984 15. Lors de sa parution, en 1939, L’Amour
et
l’Occident provoqua de nombreuses réactions qui ne furent pas toujou
1361
e, traduit en 14 langues, ne cesse d’être réédité
et
discuté, quarante-cinq ans après sa première édition. 16. En particu
1362
deux revues personnalistes de l’époque, Esprit
et
L’Ordre nouveau . 17. Voir le chapitre IX de Penser avec les mains
1363
an-Marie Benoist (Paris : Gallimard, 1970) — Dieu
et
l’Absolu sont revenus en force avec Maurice Clavel, par exemple, ou m
1364
Maurice Clavel, par exemple, ou même Guy Lardreau
et
Christian Jambet, qui se disent métaphysiciens. 20. Il convient pour
1365
ont patentes. 21. Le passage de Par-delà le bien
et
le mal dont il est question est intégralement cité dans Vingt-huit s
1366
travailla pour « La Voix de l’Amérique » en 1942
et
1943, enseigna à l’École libre des hautes études (New School for Soci
1367
tudes (New School for Social Research, New York),
et
publia 4 volumes en français (tous traduits) et deux en anglais. 25.
1368
, et publia 4 volumes en français (tous traduits)
et
deux en anglais. 25. L’interview eut lieu dans les Alpes-Maritimes.
1369
epuis le xixe siècle romantique, le grand public
et
la plupart des critiques semblent penser que la littérature c’est poé
1370
que la littérature c’est poésie, roman, théâtre,
et
que création littéraire serait synonyme de fiction. Voilà qui est méc
1371
la floraison de son vocabulaire, la grande allure
et
les éclats du style, ne se voient guère chez les romanciers, à part S
1372
même chez les poètes français, à part Baudelaire
et
Saint-John Perse. Mais dans Calvin, l’initiateur de la langue des idé
1373
n, l’initiateur de la langue des idées en France,
et
dans Montaigne, inventeur des Essais précisément ; puis dans le Pasca
1374
ttres persanes, le Voltaire des écrits polémiques
et
pas du tout des tragédies en vers, le Rousseau des Rêveries et des Co
1375
t des tragédies en vers, le Rousseau des Rêveries
et
des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe, le Vict
1376
e-tombe, le Victor Hugo des discours sur l’Europe
et
pour la paix, le Rimbaud d’Une saison en enfer, et tout près de nous,
1377
t pour la paix, le Rimbaud d’Une saison en enfer,
et
tout près de nous, le Valéry de Variété et de Tel quel, l’André Breto
1378
enfer, et tout près de nous, le Valéry de Variété
et
de Tel quel, l’André Breton des Manifestes surréalistes, le Saint-Exu
1379
e Saint-Exupéry de Terre des hommes, Jean Paulhan
et
Roger Caillois… Voilà ce qui compte à mes yeux, plus que tout, dans m
1380
x essayistes dans toute littérature digne du nom,
et
surtout d’expression française. ⁂ Ceci dit sur un plan général, j’en
1381
Action pour l’Europe fédérée dès 1946, fondation
et
direction effective pendant trente ans du Centre européen de la cultu
1382
s européennes, de la Campagne d’éducation civique
et
d’une dizaine d’autres actions… Avec tout ce que cela nécessite de tâ
1383
tâches quotidiennes, d’animation, d’organisation
et
d’administration, et de présidences de comités : je n’ose pas vous di
1384
d’animation, d’organisation et d’administration,
et
de présidences de comités : je n’ose pas vous dire combien depuis tre
1385
re auxquels toute ma génération eut à faire face,
et
d’autre part l’évolution intérieure qui fut la mienne dans le même te
1386
e décennie tout s’est joué, à la fois hors de moi
et
en moi. Ce qui m’importe ici, c’est de vous faire entrevoir l’interac
1387
deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain
et
dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature
1388
un mensonge total, celui des dictatures à l’Est,
et
une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nations démocratiques. La
1389
pas notre guerre. Entre les régimes totalitaires
et
les régimes dits libéraux, adultérés par le centralisme étatique et p
1390
s libéraux, adultérés par le centralisme étatique
et
par la soumission de l’homme à ses machines, tout en nous refusait le
1391
t alors l’époque, les carences de nos démocraties
et
le défi des totalitaires. Par Alexandre Marc, j’entrai en relation av
1392
és à d’autres groupes anglais, belges, hollandais
et
suisses, mais aussi d’une manière clandestine, on s’en doute, dans l’
1393
landestine, on s’en doute, dans l’Allemagne nazie
et
l’Italie fasciste. Ils allaient lancer des revues comme Esprit , L’
1394
ncer des revues comme Esprit , L’Ordre nouveau
et
Hic et Nunc à Paris, à la fondation et à la vie desquelles je fus é
1395
nouveau et Hic et Nunc à Paris, à la fondation
et
à la vie desquelles je fus étroitement associé dès 1931 jusqu’à la gu
1396
rriva, comme prévu, nous dispersant dans nos pays
et
leurs armées parfois ennemies. Je fus mobilisé d’abord dans le Jura,
1397
abord dans le Jura, puis attaché au service Armée
et
Foyer de l’état-major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le
1398
juin, lendemain de l’arrivée au pouvoir de Pétain
et
veille de l’appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet article me valut
1399
ndamnation à quinze jours de forteresse « au pain
et
à l’eau, sans visites ni courrier », pour « insultes à chef d’État ét
1400
onférences sur la Suisse. Je serais moins gênant,
et
même plus utile là-bas, pensait-on sans doute en haut lieu. Qu’ai-je
1401
it quelques livres, sur la Suisse, sur le diable,
et
sur la bombe atomique, notamment. Mais surtout, par la force en mon c
1402
par la force en mon cas créatrice d’une constante
et
poignante nostalgie, en Amérique j’ai découvert l’Europe, et la néces
1403
e nostalgie, en Amérique j’ai découvert l’Europe,
et
la nécessité vitale de son union, si les Alliés gagnaient, la délivra
1404
si les Alliés gagnaient, la délivraient d’Hitler.
Et
dès mon retour définitif en Suisse, je me suis trouvé, sans savoir tr
1405
is prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie,
et
tant pis pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947. J’y suis encore,
1406
ncore, les deux ans sont devenus trente-cinq ans,
et
pourtant je ne regrette rien, pour les raisons tout intérieures auxqu
1407
urs qui furent décisifs pour ma vie : Kierkegaard
et
Karl Barth. À travers eux j’allais redécouvrir une idée de protestant
1408
ype d’homme qui serait à la fois pleinement libre
et
pleinement responsable de ses actes, chacun de ces termes conditionna
1409
is librement (les juristes connaissent bien cela)
et
à l’inverse, personne n’est vraiment libre de ses décisions si celles
1410
au sein d’une communauté où sa voix puisse porter
et
où n’importe qui puisse lui répondre sans avoir l’organe de Stentor.
1411
ans sa Politique, l’idéal de Calvin du même coup,
et
le modèle de cité idéale que Rousseau devait reprendre en l’appliquan
1412
compétence ; ces régions à leur tour se fédérant,
et
ainsi de suite jusqu’au niveau continental d’une fédération de l’Euro
1413
ersonne, c’est-à-dire un individu à la fois libre
et
engagé ; distingué de tout autre par sa vocation, mais responsable de
1414
dans la cité, par là même relié à la communauté,
et
même plus : créateur de cette communauté. Voilà pour la doctrine. J’
1415
me ou d’une dialectique rationnelle. La cohérence
et
la continuité de mes ouvrages, le parallèle entre l’histoire vécue de
1416
, le parallèle entre l’histoire vécue de l’Europe
et
l’évolution de mes idées, je ne suis en droit de les déduire qu’après
1417
e ma vie ont été décidés par des coups d’émotion,
et
d’autres par des décisions longuement débattues dont je ne pouvais pr
1418
mmission houleuse, à Paris, à Londres, à La Haye,
et
que je lus en conclusion du grand Congrès de l’Europe réuni à La Haye
1419
ois pages a décidé de ma carrière professionnelle
et
notamment de l’existence du Centre européen de la culture. Or il se t
1420
purement littéraire ! ⁂ Mais laissons là mon cas
et
ma littérature, et parlons un moment, pour finir, de cette Europe qui
1421
e ! ⁂ Mais laissons là mon cas et ma littérature,
et
parlons un moment, pour finir, de cette Europe qui me tient au cœur,
1422
r, de cette Europe qui me tient au cœur, au corps
et
à l’âme. Un mot domine sa situation, un petit mot méchant comme une m
1423
naire de l’histoire universelle, pour le meilleur
et
pour le pire, ce complexe de dynamismes contradictoires, d’impérialis
1424
ismes contradictoires, d’impérialismes collectifs
et
de passion de la liberté, l’Europe est aujourd’hui menacée dans ses r
1425
e est aujourd’hui menacée dans ses raisons d’être
et
dans ses possibilités de persévérer en son être. La situation politiq
1426
non seulement militairement, mais économiquement
et
moralement — ou détruits à jamais comme en passant, par une troisième
1427
erre nucléaire : fin de l’Histoire ; ou la survie
et
la domination d’un des Grands à la faveur d’une dégradation morale et
1428
n des Grands à la faveur d’une dégradation morale
et
matérielle sans précédent de l’humanité « unifiée » au plus bas nivea
1429
e l’humanité « unifiée » au plus bas niveau moral
et
matériel. Et quelles sont les issues souhaitables ? Il en est une au
1430
« unifiée » au plus bas niveau moral et matériel.
Et
quelles sont les issues souhaitables ? Il en est une au moins — la se
1431
ins — la seule peut-être — qui dépend de l’Europe
et
de son union réalisée à temps : la fédération de nos peuples. À cette
1432
ne société respectueuse des valeurs culturelles ;
et
d’abord, plus spécifiquement, des valeurs de communauté vivante, qui
1433
simple service public — mais des personnes libres
et
responsables. Dans le monde d’aujourd’hui, tout est fait de main d’ho
1434
de terre, jusqu’ici). Non seulement les machines
et
les gratte-ciel mais les paysages, les autoroutes qui arrosent de plo
1435
s paysages, les autoroutes qui arrosent de plomb,
et
la destruction des forêts, productrices de notre oxygène, à 40 % déjà
1436
déjà détruites sur toute la Terre, sans retour ;
et
le très mince film de pétrole qui recouvre les océans, qui diminue le
1437
recouvre les océans, qui diminue leur évaporation
et
produit des sécheresses continentales ; et les 600 milliards de dolla
1438
ration et produit des sécheresses continentales ;
et
les 600 milliards de dollars dépensés l’an dernier pour les armements
1439
dépense jamais faite depuis que l’humanité existe
et
dont le mieux qu’on puisse attendre est qu’elle ne serve jamais à rie
1440
ent : la Belgique, la Grande-Bretagne, l’Espagne,
et
même la France des jacobins ! Déjà le souci écologique s’inscrit dans
1441
souci écologique s’inscrit dans les constitutions
et
dans la formation des cabinets ministériels. Bien plutôt que par « la
1442
erai content si j’ai pu contribuer par mes écrits
et
mon action à une prise de conscience dont dépend notre avenir : car i
1443
our le représenter, par l’action publique. Platon
et
Aristote en ont beaucoup parlé. Aristote surtout a traité du rôle ind
1444
indispensable de l’agora dans la vie d’une cité,
et
il a décrit les dispositions architecturales typiques de la place pub
1445
strats, que l’on nomme curie dans le monde romain
et
, beaucoup plus tard, le « palazzo comunale » ou l’« hôtel de ville »
1446
, le « palazzo comunale » ou l’« hôtel de ville »
et
les cafés. Au Moyen Âge, l’agora deviendra la place — piazza ou campo
1447
lace — piazza ou campo — des communes italiennes.
Et
la formule traversera les Alpes par le col du Gothard, en y laissant
1448
ui des greffiers qui rédigeaient alors les pactes
et
statuts de liberté des communes italiennes, garantis par le Saint-Emp
1449
elés par les villes rhénanes, jusqu’aux Pays-Bas.
Et
de là, la nouvelle formule des pactes d’autonomie — régionale dans ce
1450
vent urbaine — s’est répandue dans les Allemagnes
et
en Angleterre, en Bourgogne et jusqu’en Espagne. Il y a donc une long
1451
ans les Allemagnes et en Angleterre, en Bourgogne
et
jusqu’en Espagne. Il y a donc une longue tradition que l’on peut suiv
1452
Il s’agit de trouver un optimum entre trop petit
et
trop grand. La dimension d’une polis — ville ou État — ne doit pas dé
1453
dirions : aux électeurs) de se réunir sur l’agora
et
de pouvoir entendre la voix d’un homme « qui ne serait pas nécessaire
1454
, précise Aristote. L’agora reste donc le symbole
et
même la définition du lieu où chacun a le droit de s’exprimer, de rép
1455
rimer, de répliquer, de critiquer, de questionner
et
de proposer, ce qui est l’exercice du civisme et qui permet aux homme
1456
et de proposer, ce qui est l’exercice du civisme
et
qui permet aux hommes d’être libres dans la mesure même où ils peuven
1457
n, par les tâches de plus en plus vastes, lourdes
et
dispendieuses dont elles se sont chargées et dont elles abandonnent l
1458
rdes et dispendieuses dont elles se sont chargées
et
dont elles abandonnent la responsabilité à l’État, c’est-à-dire aux c
1459
t-à-dire aux corps des technocrates, bureaucrates
et
employés qui le constituent en fait. Ici se pose la question de créer
1460
es de kilomètres qui pourraient cependant se voir
et
se parler… Mais non pas se serrer la main à l’arrivée. On sent tout c
1461
nt fort, la dictature des travailleurs des villes
et
des campagnes ». Inversant l’ordre des étapes prévues par Marx, elle
1462
publique des soviets de députés ouvriers, paysans
et
soldats », et prive du droit de vote les commerçants, les bourgeois,
1463
oviets de députés ouvriers, paysans et soldats »,
et
prive du droit de vote les commerçants, les bourgeois, les propriétai
1464
rçants, les bourgeois, les propriétaires terriens
et
les prêtres, ainsi que les membres de la famille impériale. Le vote p
1465
iste en apparence, culmine dans un pouvoir absolu
et
centralisé, résidant à Moscou. La Constitution de 1924 Elle tra
1466
quatre républiques : Russie, Ukraine, Biélorussie
et
Fédération transcaucasienne (qui comprend l’Azerbaïdjan, l’Arménie et
1467
aucasienne (qui comprend l’Azerbaïdjan, l’Arménie
et
la Géorgie). Elle comptera 6 républiques en 1924, 7 en 1929, 12 en 19
1468
tera 6 républiques en 1924, 7 en 1929, 12 en 1936
et
15 ensuite. Le Comité central exécutif devient le Parlement bicaméral
1469
al de l’Union, constitué par le Soviet de l’Union
et
le Soviet des nationalités (sur le modèle du Congrès et du Sénat aux
1470
Soviet des nationalités (sur le modèle du Congrès
et
du Sénat aux USA, ou du Conseil national et du Conseil des États en S
1471
ngrès et du Sénat aux USA, ou du Conseil national
et
du Conseil des États en Suisse). L’autorité suprême réside dans le Pr
1472
e l’Union des républiques socialistes soviétiques
et
couramment appelée « Constitution de Staline ». Elle va durer quarant
1473
éminemment démocratique, observé sans réserve »,
et
d’autre part, il dit « considérer comme son mérite de maintenir le ré
1474
enir le régime de dictature de la classe ouvrière
et
la primauté du parti communiste ». Or, ceci annule cela, avec une vig
1475
ce que l’URSS est un État socialiste des ouvriers
et
des paysans, dont « la base politique est constituée par les soviets
1476
seils] de députés des travailleurs qui ont grandi
et
se sont affermis […] grâce à la conquête de la dictature du prolétari
1477
conquête de la dictature du prolétariat » (art. 1
et
2). « Tout le pouvoir dans l’URSS appartient aux travailleurs en la p
1478
onnelle d’un petit terrain [attenant à la maison]
et
sur ce terrain il possède en propre une maison d’habitation, le bétai
1479
on d’habitation, le bétail productif, la volaille
et
le menu matériel agricole ». Selon l’art. 10, « le droit à la proprié
1480
« le droit à la propriété personnelle des revenus
et
de l’épargne, […] de l’économie domestique auxiliaire, des objets de
1481
estique auxiliaire, des objets de ménage, d’usage
et
de commodité personnels, de même que le droit d’héritage […] sont pro
1482
que « la vie économique de l’URSS est déterminée
et
dirigée par le plan d’État » en vue d’affermir l’indépendance de l’UR
1483
État » en vue d’affermir l’indépendance de l’URSS
et
de renforcer sa capacité de défense. Résumons : tout est « la proprié
1484
travailleurs », dont on verra plus loin (art. 46
et
141) que, pratiquement, ces députés ne peuvent être proposés à l’élec
1485
e des derniers tsars, à quoi s’ajouteront en 1940
et
1941 les provinces occupées puis annexées par l’URSS : les trois État
1486
les trois États baltes (indépendants depuis 1918)
et
la Moldavie, prise à la Roumanie. Les art. 22 à 29 détaillent les sub
1487
atives en territoires, régions, régions autonomes
et
républiques socialistes autonomes. On peut voir là l’un des aspects l
1488
que : relations extérieures, défense, transports
et
PTT, législation du travail, lois sur la citoyenneté fédérale, à quoi
1489
e l’État », l’établissement des plans économiques
et
« l’établissement des principes fondamentaux dans le domaine de l’ins
1490
blique », ainsi que la totalité de l’organisation
et
de la procédure judiciaires. Enfin, deux articles de ce chapitre méri
1491
divergence entre la loi d’une république fédérée
et
la loi fédérale, c’est la loi fédérale qui joue ». Ici encore, dans l
1492
édérale qui joue ». Ici encore, dans la pratique,
et
compte tenu du rôle omniprésent du Parti à tous les échelons de l’org
1493
nt du Parti à tous les échelons de l’organisation
et
du mode d’élection des pouvoirs locaux, régionaux, républicains, fédé
1494
pouvoirs locaux, régionaux, républicains, fédérés
et
fédéraux, l’art. 20 annule sans recours toute portée réelle de l’art.
1495
e tous les droits attribués à l’Union » (art. 14)
et
qui « ne sont pas de la compétence des organes du pouvoir de l’URSS d
1496
du Conseil des commissaires du peuple de l’URSS,
et
des Commissariats du peuple de l’URSS ». Ce tout-puissant « Soviet su
1497
e compose de deux chambres : le Soviet de l’Union
et
le Soviet des nationalités. Ce qui correspond exactement au système b
1498
nd exactement au système bicaméral des États-Unis
et
de la Suisse, notamment. Mais voici qui est nouveau : à l’art. 48 app
1499
ar république fédérée, le secrétaire du Présidium
et
24 membres du Présidium. » Selon l’art. 49, ce Présidium convoque les
1500
SS, édicte des décrets, dissout le Soviet suprême
et
fixe de nouvelles élections, procède aux consultations populaires, an
1501
aux consultations populaires, annule les arrêtés
et
décisions du Conseil des commissaires du peuple, décerne les décorati
1502
les décorations, exerce le droit de grâce, nomme
et
relève le haut-commandement des forces armées, ordonne la mobilisatio
1503
mobilisation générale, ratifie les traités, nomme
et
rappelle les représentants diplomatiques. Ce qui revient à donner to
1504
e l’URSS. L’art. 64 porte que « l’organe exécutif
et
administratif supérieur du pouvoir d’État de l’URSS est le Conseil de
1505
e de l’URSS, responsable devant le Soviet suprême
et
dans les intervalles des sessions, devant le Présidium. » Il s’agit e
1506
s « Commissaires du peuple fédéraux, républicains
et
fédéraux-républicains-autonomes » (chap. VI et VII). Les Organes loca
1507
ns et fédéraux-républicains-autonomes » (chap. VI
et
VII). Les Organes locaux du pouvoir d’État (chapitre VIII) reflètent
1508
reflètent les structures des républiques fédérées
et
des républiques autonomes, aux échelons des « régions, régions autono
1509
Passons sur le chap. IX, concernant les tribunaux
et
le parquet, qui ne contient rien d’original, si ce n’est le droit de
1510
iciaire de tous les organes judiciaires de l’URSS
et
des républiques fédérées » donné à la Cour suprême de l’URSS. Plus or
1511
original est le chapitre X qui traite des Droits
et
devoirs fondamentaux des citoyens. Les citoyens de l’URSS bénéficient
1512
des citoyens. Les citoyens de l’URSS bénéficient
et
sont assurés par l’État des droits suivants (art. 118 à 126) : — droi
1513
des forces productives de la société soviétique »
et
par « la liquidation du chômage ») ; — droit au repos (assuré par la
1514
la langue maternelle) ; — droits égaux des femmes
et
des hommes, avec protection par l’État des intérêts de la mère et de
1515
vec protection par l’État des intérêts de la mère
et
de l’enfant droits égaux sans distinction de nationalité et de race ;
1516
fant droits égaux sans distinction de nationalité
et
de race ; — liberté de conscience, c’est-à-dire « Église séparée de l
1517
science, c’est-à-dire « Église séparée de l’État,
et
l’école de l’Église » ; — liberté des cultes ainsi que liberté de pro
1518
; — liberté de parole, de la presse, des réunions
et
meetings, liberté des cortèges et démonstrations dans la rue. Ces dro
1519
e, des réunions et meetings, liberté des cortèges
et
démonstrations dans la rue. Ces droits sont assurés par « la mise à l
1520
es publics, des rues, des moyens de communication
et
autres conditions matérielles nécessaires à la réalisation de ces dro
1521
ion de ces droits. L’inviolabilité de la personne
et
l’inviolabilité du domicile et de la correspondance sont « garanties
1522
ité de la personne et l’inviolabilité du domicile
et
de la correspondance sont « garanties aux citoyens de l’URSS » et « p
1523
ondance sont « garanties aux citoyens de l’URSS »
et
« protégées par la loi ». Le droit d’association (syndicats, coopérat
1524
itoyens, « alors que les citoyens les plus actifs
et
les plus conscients de la classe ouvrière et des autres couches de tr
1525
tifs et les plus conscients de la classe ouvrière
et
des autres couches de travailleurs s’unissent dans le Parti communist
1526
ravailleurs dans leur lutte pour l’affermissement
et
le développement du régime socialiste, et qui représente le noyau dir
1527
ssement et le développement du régime socialiste,
et
qui représente le noyau dirigeant de toutes les organisations de trav
1528
ont par les électeurs au suffrage universel, égal
et
direct, au scrutin secret » (art. 134). Cependant, l’art. 141 précise
1529
candidats est garanti aux organisations sociales
et
aux associations de travailleurs : aux organisations du Parti communi
1530
organisations du Parti communiste, aux syndicats
et
coopératives, aux organisations de la jeunesse, aux sociétés culturel
1531
essément la primauté de fait du Parti communiste,
et
de subordonner l’État fédératif au Parti centralisé, dès qu’on en vie
1532
t plusieurs dizaines de millions de travailleurs,
et
quant au PC il a organisé 180 000 meetings de ses adhérents. Il est i
1533
viétique, « certains voulaient aller trop vite »,
et
par exemple « abolir le fédéralisme », tandis que d’autres n’avaient
1534
lisme développé n’est pas encore le communisme »,
et
demandaient « des salaires égaux pour tous ». Le nouveau texte, publi
1535
SS est un État socialiste du peuple tout entier »
et
non plus seulement, comme dans les précédentes constitutions, « l’Éta
1536
tes constitutions, « l’État des ouvriers, paysans
et
soldats ». En même temps, selon la présentation qu’en donnait la Prav
1537
7), l’insistance est mise sur « le rôle essentiel
et
dirigeant du PC ». La contradiction fondamentale entre le fédéralisme
1538
diction fondamentale entre le fédéralisme allégué
et
le totalitarisme pratiqué s’exprime à nouveau dans l’art. 3 qui intro
1539
u pouvoir d’État, de la base au sommet, sont élus
et
doivent rendre compte de leur activité au peuple. Les décisions des o
1540
cratique allie la direction unique à l’initiative
et
à l’activité créatrice locale, à la responsabilité de chaque organe d
1541
cale, à la responsabilité de chaque organe d’État
et
de chaque fonctionnaire pour la tâche qui leur est assignée ». Il est
1542
que l’équilibre entre centralisation fédéraliste
et
autonomie de base est désormais rompu au profit des « organes supérie
1543
6 : « le Parti communiste est la force qui dirige
et
oriente la société soviétique, c’est l’élément central de son système
1544
ale posée par l’art. 39 : « L’exercice des droits
et
libertés ne doit pas porter atteinte aux intérêts de la société et de
1545
it pas porter atteinte aux intérêts de la société
et
de l’État ». Or le fait que le PC jugera toujours en dernier ressort
1546
at, suffit à vider de toute substance cet article
et
tous ceux qui réaffirment les droits et libertés déjà définis en 1936
1547
t article et tous ceux qui réaffirment les droits
et
libertés déjà définis en 1936, ainsi que le droit nouveau introduit e
1548
d’État concernant l’amélioration de leur activité
et
d’en critiquer les insuffisances » (art. 49) ou de « faire des recomm
1549
n liberté, que les camps du goulag étaient vides,
et
que l’URSS était une démocratie fédéraliste ? Bibliographie Fe
1550
the Union Republics, Alphen a-den Rijn, Sijtholf
&
Nordhoff, 1979. Hazard John, « Socialism and Federation », Ann Arbor
1551
ew Association, 1984, p. 1182-1194. Kiricenko M.
et
al., Internacionalizm v konstitutionnom ustrojstve SSSR [Internationa
1552
attitude générale n’est pas celle d’un pessimiste
et
je ne suis pas un prophète de malheur. J’aime beaucoup cette expressi
1553
). Je dis à mes contemporains, faites autre chose
et
vous éviterez les désastres ! Je ne crois pas que notre avenir soit f
1554
tremblements de terre ne dépendent pas de nous —
et
déjà 3/5 des hommes habitent les villes, c’est-à-dire des milieux int
1555
u chapitre III de la Genèse. Ève a mangé la pomme
et
en a donné à Adam. Yahvé se fâche. Il vient en Eden, vers le soir, et
1556
. Yahvé se fâche. Il vient en Eden, vers le soir,
et
appelle l’homme : « où es-tu ? » Adam et Ève se sont cachés dans les
1557
le soir, et appelle l’homme : « où es-tu ? » Adam
et
Ève se sont cachés dans les arbres. C’est tout juste s’ils ne disent
1558
nt pas : « je ne suis pas là ! » Yahvé les trouve
et
demande à l’homme : « Qu’as-tu fait ? » Adam dit : « Ce n’est pas moi
1559
’est pas moi, c’est le serpent qui m’a séduite ».
Et
le serpent, bien sûr, n’est plus là. Il n’est pas vrai de dire, aujou
1560
as avec Rousseau que l’homme est bon. Il est bête
et
méchant, c’est dans ses chromosomes. Tout le problème politique est d
1561
êcher de faire de grandes bêtises. Vous êtes bête
et
méchant ? Je fais comme tout le monde, je vais dans le sens de mon dé
1562
s s’offrent à l’homme d’aujourd’hui, la puissance
et
la liberté. Comment voulez-vous empêcher ceux qui veulent la puissanc
1563
la liberté ? Il y a là un problème de dimensions
et
de choix des outils mis à notre disposition. Par exemple, on a donné
1564
omme d’aujourd’hui l’énergie atomique, la bombe H
et
les États-nations souverains. Il va pouvoir faire avec cela de gigant
1565
les prévenir : diminuer les dimensions des outils
et
des communautés qui vont les employer. De là mon idée des régions et
1566
qui vont les employer. De là mon idée des régions
et
de la progressive dissolution des États-nations souverains, tous nés
1567
s États-nations souverains, tous nés de la guerre
et
préparant la guerre à toujours plus grande échelle. Les petits États,
1568
grandes guerres. Les hommes y sont plus heureux.
Et
surtout ils peuvent s’occuper de leurs affaires, prendre en main leur
1569
On ne peut être libre que si l’on est responsable
et
l’inverse est vrai. Devant un tribunal, si votre avocat peut prouver
1570
le sauvetage du lac Léman, pollué par les Suisses
et
les Français est un problème régional, transfrontalier. Le sauvetage
1571
cinq pays, est un problème européen, continental.
Et
le sauvetage des océans pollués par le pétrole qui tue le plancton, l
1572
mondiale. Les enfants comprennent très bien cela
et
savent que les douaniers n’arrêtent pas la pollution. Pour l’écologie
1573
implement pas. Vous voyez ici comment s’appellent
et
se répondent les trois thèmes principaux de mon livre : Écologie, rég
1574
j’ai proposée aux mouvements écologiques français
et
il semble bien qu’ils l’aient adoptée. Si mon livre a apporté quelque
1575
rois thèmes les plus mobilisateurs de la jeunesse
et
de l’intelligentsia d’avant-garde en Europe… Dans L’Amour et l’Occid
1576
lligentsia d’avant-garde en Europe… Dans L’Amour
et
l’Occident en 1939, vous avanciez des thèses pour le moins hardies…
1577
e européen, que la passion se nourrit d’obstacles
et
les suscite au besoin et que l’obstacle suprême étant la mort, c’est
1578
n se nourrit d’obstacles et les suscite au besoin
et
que l’obstacle suprême étant la mort, c’est dans la mort que les aman
1579
dans la mort que les amants légendaires, Tristan
et
Iseut, trouveront le couronnement de leur passion, la « joie suprême
1580
es de l’amour courtois chanté par les troubadours
et
du grand mythe de Tristan et Iseut dont le sens ultime est que Trista
1581
par les troubadours et du grand mythe de Tristan
et
Iseut dont le sens ultime est que Tristan n’aime pas Iseut dans sa ré
1582
l’existence des Occidentaux, dans la littérature
et
l’opéra bien sûr, mais aussi dans l’art de la guerre et enfin dans la
1583
péra bien sûr, mais aussi dans l’art de la guerre
et
enfin dans la crise du mariage, qui est en somme la crise de l’amour.
1584
ciers que vous avez influencés ? Lawrence Durrell
et
Michel Tournier et un poète, Wystan Auden. Certains jeunes écrivains
1585
influencés ? Lawrence Durrell et Michel Tournier
et
un poète, Wystan Auden. Certains jeunes écrivains m’ont confié qu’ils
1586
enant que je cherchais de toute urgence un studio
et
ne trouvais rien, il m’avait offert à l’improviste d’habiter avec ma
1587
s deux mains, se balance en regardant nos valises
et
dit : « tout cela s’est arrangé si soudainement. Cela me ferait presq
1588
ous habitez chez moi, qu’est-ce qu’on va dire ? »
Et
il répète à travers ses dents serrées : « qu’est-ce qu’on va dire ? »
1589
ui m’émurent profondément : « C’est dans L’Amour
et
l’Occident et non pas dans Freud que j’ai découvert l’explication de
1590
ofondément : « C’est dans L’Amour et l’Occident
et
non pas dans Freud que j’ai découvert l’explication de mon cas et les
1591
Freud que j’ai découvert l’explication de mon cas
et
les raisons qui m’ont fait commettre dans ma jeunesse… une terrible e
1592
emande ce qui va arriver. Formulons nos finalités
et
jugeons tout à partir d’elles. En ce qui concerne les centrales nuclé
1593
ent exclu — qu’elles sont inoffensives, rentables
et
nécessaires, je serais contre parce qu’elles impliquent un État de pl
1594
les impliquent un État de plus en plus centralisé
et
policier. D’ailleurs, je doute qu’on continue à en construire et qu’e
1595
ailleurs, je doute qu’on continue à en construire
et
qu’elles fonctionnent. Je lutte surtout pour qu’on cherche autre chos
1596
remier à plaider en faveur du CERN ? Oui bien sûr
et
je m’en honore. Le CERN est un laboratoire qui étudie la constitution
1597
ci : les promoteurs du nucléaire sont suicidaires
et
le savent. L’avenir que nous voulons, c’est le solaire. Mais les État
1598
le moyen d’intercaler un compteur entre le soleil
et
les citoyens, ils nous répéteront — et c’est un mensonge — qu’il faut
1599
le soleil et les citoyens, ils nous répéteront —
et
c’est un mensonge — qu’il faut vingt ans encore pour que l’énergie so
1600
s États ? Parce que le soleil est à tout le monde
et
que demain vous pourrez avoir un four solaire sur votre maison qui ne
1601
a là de quoi encourager les autonomies régionales
et
locales, la redistribution des pouvoirs de l’État central, le fédéral
1602
er, gigantesque, exige la protection de la police
et
de l’armée. C’est en quelque sorte Pluton, Dieu des enfers et de la r
1603
e. C’est en quelque sorte Pluton, Dieu des enfers
et
de la richesse contre Zeus. Pluton était aveugle comme une taupe et s
1604
contre Zeus. Pluton était aveugle comme une taupe
et
s’ennuyait tellement qu’il voulait voir mourir les hommes afin de lui
1605
4-41. ay. Propos recueillis par Jacqueline Baron
et
présentés par cette note : « Peu avant la mort de Denis de Rougemont,
1606
ltaire. Ces entretiens dont chaque page fut relue
et
corrigée par Denis de Rougemont, n’ont jamais été publiés. Nous en pr