1 1982, Articles divers (1982-1985). L’Europe une et diverse : la contribution des cultures nationales [commentaires] (1982)
1 t, grâce à leur culture, et quelles contributions elles peuvent apporter de la sorte à l’Europe une et diverse. Ma première i
2 ervention relevait quelque peu de la provocation. Elle risquait en effet de vider d’avance un tel colloque de son contenu :
3 interlocuteurs ? C’est la première question. Or, il faut dialoguer, j’en suis convaincu depuis une cinquantaine d’années
4 sur des questions européennes. Pourquoi est-ce qu’ il nous faut à tout prix un dialogue ? C’est parce que la condition de s
5 dération, sur la base même de ses différences. Si elle n’arrive pas à se fédérer, c’est-à-dire à dépasser le tabou des États
6 e tabou des États-nations à souveraineté absolue, elle reste incapable, par définition, de s’unir : on ne base pas une union
7 on peut les dire, on ne peut pas les faire. Donc, il nous faut établir le dialogue sur nos différences, et pour que ce dia
8 différences, et pour que ce dialogue soit utile, il faut qu’il y ait un langage commun. Ce langage commun, nous ne le tro
9 ssion de culture nationale : l’Europe a existé et elle a été cultivée bien avant l’existence de nos premiers États. Il ne fa
10 vée bien avant l’existence de nos premiers États. Il ne faut pas voir la culture européenne comme l’addition de vingt-quat
11 confond avec l’identité nationale. Et plus tard, il faut sauter jusqu’au xiiie siècle pour voir se former les premiers É
12 il y a la source hébraïque et le christianisme —, il faut ajouter les populations préexistantes en Europe, c’est-à-dire le
13 s de Galles ! Cet héritage est tellement varié qu’ il va créer des variantes importantes dans le dosage des éléments. Ce so
14 toriques. La Suisse n’a pas de culture nationale. Elle a pourtant vécu sans faille, depuis le xiiie siècle. La culture n’a
15 dire. Il y a aussi la Pologne et la Roumanie, qu’ il faut citer parmi les anciens États. Là, je vois de nouveau deux cas i
16 e une phrase souvent répétée par Michel Debré, qu’ il a encore utilisée dernièrement dans Le Monde, et selon laquelle l’éco
17 former des citoyens français. C’est tout juste s’ il n’a pas parlé de sujets… Donc, en France, on arrive à une espèce de c
18 ulture différente de toutes les autres en ceci qu’ elle est entièrement politisée, comme nous l’a très bien montré hier Stanl
19 culture française est nationale dans la mesure où elle est politisée, à tel point qu’on a l’impression quelquefois, à entend
20 nous avons le cas de l’Espagne. Nous avons vu qu’ elle a eu plusieurs monarchies, que la « monarchie espagnole » est multipl
21 gnole » est multiple, pluraliste, c’est-à-dire qu’ elle comporte déjà les bases d’un fédéralisme possible, depuis ses origine
22 ssible, depuis ses origines, depuis le Moyen Âge. Il n’y a jamais eu volonté d’effacer les différences. Et encore plus di
23 a bonne raison, comme on l’a rappelé ce matin, qu’ il réunissait douze nationalités. Qu’aurait-il fallu choisir comme cultu
24 n, qu’il réunissait douze nationalités. Qu’aurait- il fallu choisir comme culture nationale à imposer à toutes les autres ?
25 ion et de la culture européennes de ce moment-là. Il suffit de mentionner l’école des logiciens de Wittgenstein, Hilbert,
26 remarquable exposé de M. Romano sur l’Italie, où il nous a fait remarquer que la culture en Italie, quand l’Italie a fait
27 reconquérir l’unité culturelle du pays, alors qu’ ils ne faisaient que reproduire une unité, restaurée, certes, mais au sen
28 rraient être développés, nuancés, complétés, mais ils donnent l’impression tout de suite, quand on pense à l’Europe comme c
29 t s’exprimer que par des instruments différents. Il s’agit maintenant de les composer pour qu’ils ne jouent pas faux, pou
30 ts. Il s’agit maintenant de les composer pour qu’ ils ne jouent pas faux, pour qu’ils ne jouent pas les uns contre les autr
31 composer pour qu’ils ne jouent pas faux, pour qu’ ils ne jouent pas les uns contre les autres, mais ensemble, chacun tenant
32 s, mais ensemble, chacun tenant sa partie propre. Il s’agit de cette harmonie dont parlait ce que j’oserai appeler le prem
33 rs diversités, c’est la reconnaissance du fait qu’ elles ne pourront s’unir que sur une base véritablement commune, la culture
34 omiques étaient secondaires : comme l’intendance, ils devaient suivre. Suivre quoi ? Je réponds : les finalités les plus ha
35 tte contre les nationalismes fauteurs de guerres. Il me semble que c’est un terrain sur lequel la responsabilité de la cul
36 té de la culture est la plus engagée aujourd’hui. Il nous faut une culture pour la paix, donc une culture de dialogue, et
37 nts. Comment lutter contre le nationalisme tel qu’ il est enseigné, plus ou moins délibérément, dans toutes nos écoles ? —
38 ns tous en commun, à nos valeurs de base, d’où qu’ elles viennent. Voilà simplement quelques pistes. Pourquoi pas un colloque
39 es pistes. Pourquoi pas un colloque sur chacune d’ elles  ? a. Rougemont Denis de, « [Commentaires] L’Europe une et diverse 
2 1982, Articles divers (1982-1985). De la personne à l’Europe des régions (25 mars 1982)
40 un chemin unique et sans précédent, un sentier qu’ il doit inventer et qui n’a été foulé par personne avant lui. Il doit y
41 nter et qui n’a été foulé par personne avant lui. Il doit y avancer par la foi, dans la nuit, sans savoir à l’avance si so
42 me à la fois libre et responsable, libre parce qu’ il est responsable et responsable dans la mesure où il est libre. Mais c
43 est responsable et responsable dans la mesure où il est libre. Mais comment passe-t-on de la personne à la fédération ? O
44 onc de résoudre chaque problème au niveau même où il se pose ? Oui, le fédéralisme part d’en bas, c’est-à-dire des plus pe
45 ynihan formulait naguère à propos des USA mais qu’ il est facile de transposer en termes européens : Ne confiez jamais à u
46 ement de l’État est devenu tellement démentiel qu’ il ne fonctionne plus. On ne peut pas faire marcher un pays en décidant
47 endrait la Suisse inhabitable pour des décennies. Il existe pourtant une menace bien plus importante avec les SS20 soviéti
48 me disant que la probabilité était faible, et qu’ il existait une menace bien plus dangereuse : les fusées des 26 silos du
49 liberté et du fédéralisme. Depuis cinquante ans, il nous rappelle que l’État-nation vient de la guerre et va vers elle. E
50 e que l’État-nation vient de la guerre et va vers elle . En 1934, dans un de ses premiers livres, il lance le mot d’ordre de
51 rs elle. En 1934, dans un de ses premiers livres, il lance le mot d’ordre de “l’engagement de l’écrivain”. Dans le dernier
52 de “l’engagement de l’écrivain”. Dans le dernier, il nous rappelle que L’Avenir est notre affaire , parce que “la décaden
3 1982, Articles divers (1982-1985). Précisions de M. Denis de Rougemont (25 mai 1982)
53 plusieurs mois, se sont glissées deux erreurs qu’ il me paraît absolument nécessaire de rectifier : 1. Dans la présentatio
54 ai dit et souvent écrit. Voici la phrase telle qu’ elle doit être lue : « La décadence d’une société commence quand l’homme s
55 té commence quand l’homme se demande : « Que va-t- il arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-je faire ? » » Les di
56 ue constitue le surgénérateur de Creys-Malville : il est exact que j’ai mentionné le refus de réponse que m’ont opposé les
57 probabilité d’accident était trop faible pour qu’ ils en tiennent compte. Mais ce ne sont pas les mêmes qui m’ont opposé le
58 et ancien haut-commissaire à l’énergie atomique. Il m’a paru important de préciser qu’une révélation aussi sensationnelle
4 1982, Articles divers (1982-1985). « Des manifestations pacifistes encore plus grandes ! » (2 juillet 1982)
59 mois ? À en croire certains journaux occidentaux, il s’agit simplement d’une réussite de la propagande et de la manipulati
60 s — serait constitué par les pacifistes, parce qu’ ils érodent la volonté de défense de l’Occident. À tout cela, j’ai envie
61 ues, on dissimule ainsi des réalités économiques. Il existe en fait, sur ce plan-là, une profonde complicité entre les Éta
62 e complicité entre les États-Unis et l’URSS. Faut- il parler d’un complot des grands, des puissants contre les peuples ? Je
63 nts contre les peuples ? Je ne dirai jamais cela. Il n’existe pas de complot conscient, cynique. Je suis persuadé que les
64 ndre leur peuple et leur idée de la civilisation. Ils ne se rendent même pas compte de la contradiction démentielle dans la
65 pte de la contradiction démentielle dans laquelle ils vivent. Leur action réelle est parfaitement définie par leurs intérêt
66 nté pour anéantir toute l’humanité. Sans parade ? Il n’y a aucune espèce de parade possible à la guerre nucléaire. Ce qu’i
67 on a trouvé récemment les bombes dites tactiques. Il s’agit de l’idée, qui a l’air raisonnable au premier abord mais qui e
68 r, d’informations sur la réalité de la situation. Il existe malheureusement [sic] plusieurs institutions capables de nous
69 s pacifistes représentent une force gigantesque : elles témoignent d’une profonde et croissante conviction des populations. I
70 rofonde et croissante conviction des populations. Il faudrait qu’elles deviennent encore plus grandes, plus puissantes. Je
71 ssante conviction des populations. Il faudrait qu’ elles deviennent encore plus grandes, plus puissantes. Je ne nie pas qu’il
72 es pacifistes de mon espèce sont conscients et qu’ ils dénoncent, mais l’idée que ces manifestations sont uniquement le frui
73 s ne tient pas — en particulier devant le fait qu’ elles apparaissent maintenant dans les pays communistes comme l’Allemagne d
74 conomie fondée sur la production d’armements dont il n’est guère imaginable qu’on se serve jamais, c’est la multiplication
75 us dangereux que le pacifisme. Alors, que faire ? Il n’y a qu’un moyen d’éviter la tempête nucléaire en Europe, à mon sens
76 étiques étaient jamais tentés d’occuper l’Europe, ils n’auraient pas intérêt à se faire précéder par leurs bombes atomiques
77 nétrer beaucoup mieux que toutes nos armées. Donc ils n’utiliseraient pas l’arme nucléaire les premiers, sans l’existence d
78 ns les fusées de l’OTAN. Les peuples parviendront- ils à obtenir le retrait des armes atomiques d’Europe ? Ils l’obtiendront
79 obtenir le retrait des armes atomiques d’Europe ? Ils l’obtiendront sûrement, s’ils prennent conscience de l’ampleur du dan
80 tomiques d’Europe ? Ils l’obtiendront sûrement, s’ ils prennent conscience de l’ampleur du danger. On ne peut plus se leurre
81 propageraient ainsi. Quant à l’Union soviétique, elle subirait des pertes très lourdes, mais pas définitives, car sa popula
82 défense, proche de la guérilla, ne suffisait pas, il faudrait aussi recourir à la défense civile. J’ai fait naguère une pr
83 ne proposition qui est peut-être moins comique qu’ il n’y paraît à première vue : au lieu de dépenser des sommes énormes po
84 us puissions causer avec eux, leur demander ce qu’ ils font là, si loin de chez eux, les démoraliser par l’amitié… Bien d’au
85 seule réponse vraiment humaine à la guerre. Faut- il dès lors renoncer à l’armée suisse ? Non, parce que je ne pense pas q
86 tre considérée comme un danger par un autre pays. Il n’empêche que devant le risque d’une guerre nucléaire, devant cette p
87 re, devant cette possibilité parfaitement réelle, il me semble que seule l’attitude radicalement contraire, la non-violenc
88 echniquement cette défense non violente. Parce qu’ il ne faut pas que ce soit une démission. Vous voudriez donc qu’on organ
89 et « Réponds à l’insensé selon sa folie, afin qu’ il ne se regarde pas comme sage ». Alors, il faut répondre à la défense
90 afin qu’il ne se regarde pas comme sage ». Alors, il faut répondre à la défense militaire et en même temps par la non-viol
5 1982, Articles divers (1982-1985). Denis de Rougemont devant l’Histoire (17 juillet 1982)
91 fait n’était donc pas celui « des années 1930 ». Il portait sur mon action personnelle en juin 1940. Juin 1940, c’est « p
6 1982, Articles divers (1982-1985). Des régions à la paix pour l’union de l’Europe (juillet-août 1982)
92 ix solide dans le monde de la fin du xxe siècle. Il faut donc dépasser cette formule, inventée voici près de deux-cents a
93 (à la seule exception, peut-être, de la Suisse), elle consiste en fait dans la mainmise d’un lourd appareil étatique — fonc
94 régionale. 3. L’État-nation est en crise partout. Il se voit incapable d’assurer les fonctions qu’il s’était arrogées : dé
95 . Il se voit incapable d’assurer les fonctions qu’ il s’était arrogées : défense du territoire et des libertés populaires,
96 le répète depuis un peu plus d’un demi-siècle. 4. Il existe une demi-douzaine de définitions de la région : ethnique (Bret
97 t d’une communauté réelle et capable d’autonomie. Elle ne doit pas être un mini-État-nation, ni revendiquer toutes les compé
98 qui correspondent à la dimension des problèmes qu’ elle est le mieux en mesure de gérer. « Ne confiez jamais à une plus grand
99 u, ou en tout cas variable selon les fonctions qu’ elle assure. Elle doit être « à la taille de l’homme », de telle manière q
100 cas variable selon les fonctions qu’elle assure. Elle doit être « à la taille de l’homme », de telle manière que chaque cit
101 e sa population. « Une région ne se délimite pas, elle se reconnaît », écrivait au xixe siècle le géographe français Vidal
102 du monde. Œuvre de longue haleine, direz-vous ? — Il n’y a donc pas une seule minute à perdre. m. Rougemont Denis de, «
7 1982, Articles divers (1982-1985). La peur d’être libre… (printemps-été 1982)
103  » et nous sommes devenus les « personnalistes ». Il en est sorti deux revues : Esprit , qui dure encore, et L’Ordre nou
104 i nous a été volé par qui vous savez ! Pour nous, il s’agissait de « l’ordre véritable » par rapport au désordre établi. U
105  la rupture avec le désordre établi ». Pour nous, il s’agissait aussi d’une vraie « révolution » partant de l’homme consid
106 s à long terme car ça ne correspond pas à la vie. Il n’y a pas deux individus qui se ressemblent : Albert Jacquard l’a dém
107 ur chacun. On ne sait pas toujours ce que c’est ; il faut le découvrir. Le but est très loin en avant, dans l’infini, l’Ab
108 puisque chacun part d’un endroit qui est unique. Il faut trouver son sentier : il n’y a pas de route nationale ! Il faut
109 oit qui est unique. Il faut trouver son sentier : il n’y a pas de route nationale ! Il faut donc avoir une certaine foi po
110 r son sentier : il n’y a pas de route nationale ! Il faut donc avoir une certaine foi pour poser le pied là où nul autre n
111 n sentier. » Cette vocation doit se manifester et elle se manifeste parmi les autres ; c’est cela qui crée des liens communa
112 et ne se fait que par les liens interpersonnels. Il n’existe pas de communautés d’individus. Une communauté se distingue
113 e. Toutefois, pour que la communauté soit réelle, elle ne doit pas être trop grande mais de dimension « médiocre », disait R
114 éunissent pour faire ensemble certaines choses qu’ elles ne peuvent pas faire toutes seules. Vous en avez une vision tout à fa
115 frontière est une chose complètement condamnable. Elle n’a pas une seule utilité : les frontières empêchent de passer tout c
116 ui devrait passer : les hommes, les vivres ; mais elles n’interdisent pas le passage de ce qu’il faudrait arrêter : les épidé
117 mais elles n’interdisent pas le passage de ce qu’ il faudrait arrêter : les épidémies, les maladies, les pollutions… On en
118 ever. Mais cela, c’est ma femme qui s’en occupe ! Il me semble, parfois, que cette frontière franco-suisse autour de Genèv
119 es idéologies, ou des mythes, qui s’affrontent. S’ il doit y avoir des « fermetures », ce devrait être comme des membranes
120 en que leurs rapports puissent être très proches. Il faut distinguer deux choses : la fonction écologique et la fonction c
121 venait me dire : tout cela ne peut pas continuer, il faut donner la même frontière à toutes ces activités, là, je crierai
122 rique n’est plus vraiment une fédération parce qu’ elle est beaucoup trop grande. Toutefois, les Américains ont gardé un plus
123 e pays qui divisent des familles entières qui, si elles ne parlent plus la langue originelle, ont du mal à communiquer entre
124 langue originelle, ont du mal à communiquer entre elles parce que la colonisation leur a imposé l’anglais ou le français… Ou
125 j’en parlais avec un ministre de la Haute-Volta, il me dit : Vous ne connaissez pas le pire. Quand la décolonisation s’e
126 à eux », le symbole de leur libération. Pourtant, elle tranchait pile deux empires traditionnels, trois ou quatre royaumes e
127 , est la cause de toutes les guerres aujourd’hui. Il s’y est ajouté la divinisation de l’État avec sa « souveraineté absol
128 contraire, comme les régions divisent le pouvoir, elles empêchent la création de puissances, de super­puissances. Les régions
129 Au contraire, les individualistes s’imaginent qu’ ils seront libres s’ils n’ont pas de responsabilités. Malheureusement, ce
130 ndividualistes s’imaginent qu’ils seront libres s’ ils n’ont pas de responsabilités. Malheureusement, cette idée est d’un de
131 mes compatriotes, Benjamin Constant. C’est ce qu’ il a nommé « le libéralisme ». Pour lui, la politique devait être faite
132 ersonne, impossible d’en faire du ciment ! Alors, il est très clair qu’à partir de la notion de personne, on peut tout rec
133 de l’individu, sans doute, et pas de la personne. Il se traduit donc aussi directement par un esprit de compétition entre
134 lève de ce qui n’est pas la vocation. À ce sujet, il ne faut pas s’imaginer la vocation comme une force qui vient vers nou
135  », mais « aimés ». C’est complètement différent. Il n’y a pas déterminisme, mais responsabilité. Cette notion d’amour est
136 es criminels à l’échelle mondiale, des gangsters… Il n’y a pas d’amour là-dedans. Ce n’est pas comme la patrie. Ne pensez-
137 eux, France et Allemagne, la maltraitent parce qu’ elle se trouve à leurs confins. En réalité, c’est même le cœur géographiqu
138 ité, c’est même le cœur géographique de l’Europe. Ils veulent se mettre ensemble car ils ont l’impression d’une centralité
139 e de l’Europe. Ils veulent se mettre ensemble car ils ont l’impression d’une centralité continentale, ce qui est vrai à tou
140 s points de vue. Dans votre livre, vous disiez qu’ il faut aller à la fois vite et lentement pour constituer cette Europe d
141 peu partout. Spontanément, c’est très important. Elles ont envie de se connaître. Elles nomment des délégués pour un congrès
142 très important. Elles ont envie de se connaître. Elles nomment des délégués pour un congrès annuel des régions : régions éco
143 ançais ! Vous avez dit à un journaliste suisse qu’ il faudrait au moins trois générations à la France pour se relever du ce
144 Dans L’Avenir est notre affaire (Stock, 1977), il brossait un bilan des crises actuelles et en cherchait les causes dan
145 s petites communautés et les régions. Depuis 1947 il habite une ferme du pays de Gex, avec sa femme qui s’occupe activemen
8 1982, Articles divers (1982-1985). Hommage à l’Alliance culturelle romande pour ses 20 ans (octobre 1982)
146 même géographiques mais linguistiques — encore qu’ elle englobât deux cantons mixtes et que le petit dernier ne fût pas encor
9 1982, Articles divers (1982-1985). Un écrivain au service de la cité (24 octobre 1982)
147 , dans quelles circonstances votre vocation s’est- elle décidée ? Je crois qu’il faut remonter, pour distinguer l’appel que s
148 s votre vocation s’est-elle décidée ? Je crois qu’ il faut remonter, pour distinguer l’appel que signifie toute vocation —
149 dinand de Saussure. Ainsi, cinquante ans avant qu’ elle n’arrive à la Sorbonne, nous découvrions la linguistique nouvelle. En
150 surréalisme figurait en bonne place, estimant qu’ il était du devoir des écrivains d’affronter les problèmes de la crise n
151 Les Méfaits de l’instruction publique . Quoi ou il en soit, il me semblait important d’en venir à une littérature fondée
152 s de l’instruction publique . Quoi ou il en soit, il me semblait important d’en venir à une littérature fondée spirituelle
153 Dans la tradition des grands moralistes suisses, il est parvenu, en témoin clairvoyant de son époque aux intuitions souve
154 usement d’avoir flirté avec le fascisme, alors qu’ il fut, et ses livres en témoignent clairement, un antinazi de la premiè
155 ux exhortations stimulantes. Le premier, ainsi qu’ il le rappelle avec une insistance frisant la coquetterie, il fonda les
156 pelle avec une insistance frisant la coquetterie, il fonda les notions d’engagement et d’homme libre et responsable, que S
10 1983, Articles divers (1982-1985). Réponses à des questions de Marcel Proust et de Michel Moret (1983)
157 cité d’amitié. Croyez-vous au hasard ? Oui, quand il fait bien les choses. Croyez-vous, comme Rousseau, que l’homme naît b
158 l’homme ? Sa liberté, c’est-à-dire le pouvoir qu’ il prend non sur autrui mais sur soi-même. La réforme que vous admirez l
159 historique préféré ? Je dirais Guillaume Tell, s’ il était « historique ». Vos musiciens préférés ? Monteverdi, Bach, Moza
11 1983, Articles divers (1982-1985). Bertrand de Launay, Le Poker nucléaire : comme brebis à l’abattoir [préface] (1983)
160 bombe atomique, arme totalitaire par excellence. Elle les domine depuis lors et les soumet à la même sophistique de dissuas
161 nce. L’équilibre de la terreur, tel est le nom qu’ ils ont inventé pour la paix. Nous disons que cet équilibre ne saurait êt
162 au poker » la survie de l’humanité. En attendant, il devient chaque jour plus évident qu’à « l’équilibre de la terreur » c
163 ujours fut tenue pour responsable des malheurs qu’ elle annonçait. Ainsi va-t-il de ceux qui tentent encore de prévenir cette
164 nsable des malheurs qu’elle annonçait. Ainsi va-t- il de ceux qui tentent encore de prévenir cette « solution finale » que
165 r, de la droite traditionnelle à la gauche dès qu’ elle est au pouvoir. Il est donc entendu que ceux qui mettent en garde co
166 ionnelle à la gauche dès qu’elle est au pouvoir. Il est donc entendu que ceux qui mettent en garde contre le nucléaire, s
167 u désarmement nucléaire intégral, dont je suis. — Ils ont été traumatisés par la bombe d’Hiroshima. Vous non, sans doute ?
168 une manière anormale à la cause de son angoisse : il tente de nier sa réalité, ou de passer avec elle « un compromis dont
169  : il tente de nier sa réalité, ou de passer avec elle « un compromis dont il tire, dans sa position névrotique, un certain
170 alité, ou de passer avec elle « un compromis dont il tire, dans sa position névrotique, un certain profit2 ». On a reconnu
171 n général, et de la dissuasion en particulier. — Ils sont manipulés par Moscou. Cette hypothèse suppose que les « pacifist
172 s finirions par être à la fois rouges et morts. » Il est clair que Moscou ne saurait favoriser les antinucléaires qu’à l’O
173 ussi bien, ces derniers ne s’y sont pas trompés : ils favorisent les mouvements pacifistes en RDA, en Pologne, en URSS même
174 s pacifistes en RDA, en Pologne, en URSS même, où ils sont encore clandestins. Ils sont seuls à pouvoir le faire dans notre
175 ne, en URSS même, où ils sont encore clandestins. Ils sont seuls à pouvoir le faire dans notre camp, où ils sont seuls auss
176 sont seuls à pouvoir le faire dans notre camp, où ils sont seuls aussi à n’être pas manipulés par Washington. — Ils sont ma
177 ls aussi à n’être pas manipulés par Washington. — Ils sont mal informés. Ce livre suffit pour répondre. (La désinformation
178 lus des millions de chômeurs. Votre devise serait- elle  : « plutôt la fin de l’Humanité que la ruine de ma société » ? Ou sim
179 ur tous les continents et les humains étant ce qu’ ils sont, les chances d’éviter dans les années qui viennent accidents et
180 l’Histoire peut encore continuer. Cela suffira-t- il à faire admettre la seule solution raisonnable ? Tendance suicidair
181 ucléaire est évitable, et nous faisons tout ce qu’ il faut pour qu’elle arrive. Les calculs imbéciles de « l’overkill »
182 table, et nous faisons tout ce qu’il faut pour qu’ elle arrive. Les calculs imbéciles de « l’overkill » Vouloir compare
183 es totaux perdent toute signification à mesure qu’ ils grandissent, puisque les premiers tirs peuvent être décisifs. Mettons
184 Mais comme les Soviétiques en seraient à 38 000, il est clair, me dit-on, qu’un effort gigantesque doit être demandé aux
185 ns l’incommensurable et le non-sens. Que faudra-t- il encore pour que les Grands comprennent cette évidence arithmétique :
12 1983, Articles divers (1982-1985). La Suisse et quelle Europe ? (1983)
186 e convenait sans doute, j’avais cru comprendre qu’ il s’agirait du problème global de la Suisse et de l’union de l’Europe.
187 dire, sinon que son énoncé me paraissait boiteux. Il invite en effet à mettre en relation, il pose en face à face deux réa
188 boiteux. Il invite en effet à mettre en relation, il pose en face à face deux réalités non comparables, car : 1° la Suisse
189 comparables, car : 1° la Suisse est autre chose — elle est beaucoup plus — que l’économie suisse ; 2° la Communauté économiq
190 que européenne — même élargie — est autre chose — elle est beaucoup moins — que l’Europe unie. Les deux titres qui me semble
191 à observer ceci : que les réalités économiques qu’ il désigne dépendent — quant à leur évaluation tout au moins — des défin
192 1. Quelle Suisse et quelle union de l’Europe ? Il ne s’agit nullement dans tout cela de « simples questions de mots »,
193 sans qualificatif, répond l’illusion politique : elle explique que l’on puisse nommer « Parlement européen » l’assemblée él
194 ir — à quel type d’Europe unie la Suisse pourrait- elle se joindre ? — et cela non seulement sans y perdre son identité, mais
195 interdire d’innover dans ce domaine aussi, comme il est si bien vu de le faire dans le domaine des sciences physiques, da
196 gie, en biologie et même en génétique, mais comme il semble à peu près exclu de le proposer dans le domaine des formes pol
197 L’Europe de Bruxelles ou la Communauté élargie. S’ il s’agit d’un élargissement des accords économiques à d’autres pays eur
198 dres strictement délimités par le traité de Rome, il ne me semble pas que des obstacles de principe s’opposent à une parti
199 able tant à la CEE qu’à l’économie suisse. Mais s’ il s’agit d’élargir la Communauté économique à d’autres secteurs, jusqu’
200 , le problème change de nature, radicalement. Car il serait dangereux de prétendre fonder et développer l’union sociale, é
201 é. Mais le Conseil de l’Europe est sans pouvoirs. Il ne réunit que des ministres, en fin de compte, non des peuples par le
202 pte, non des peuples par leurs élus. C’est lui qu’ il eût fallu élire au suffrage universel. Et doter de pouvoirs élargis j
203 le de super-État européen, dont personne ne veut ( il ne sert que de punching-ball pour Michel Debré) et sur le modèle de l
204 de la Ligue défensive des nations souveraines, où il n’y aurait de sérieux que les USA d’une part, l’URSS de l’autre. Rest
205 ormulait naguère à propos des États-Unis, mais qu’ il est facile de transposer en termes européens : Ne confiez jamais à u
206 ropéens ne feraient qu’égratigner la Russie, mais elles dévasteraient les villes de l’Allemagne envahie sans faire beaucoup d
207 e, et l’adjectif « dissuasive » n’y change rien. Il me paraît que la Suisse, au lieu de mener un combat en retraite, et d
208 n retraite, et d’accepter l’idée que, finalement, elle sera contrainte de céder, c’est-à-dire d’adhérer à la CEE, doit prend
209 ecte que « la Suisse ne fait pas le poids », « qu’ elle est trop petite », etc. Mais dans ma longue carrière d’historien des
210 l’a écrit (notamment l’historien E. Gagliardi) : elle est demeurée jusqu’en notre siècle le seul témoin du mouvement des co
211 s que jamais nécessaire à l’Europe à condition qu’ elle reste suisse, qu’elle garde son identité de fédération fondée sur l’a
212 e à l’Europe à condition qu’elle reste suisse, qu’ elle garde son identité de fédération fondée sur l’autonomie des communaut
213 se, communes et plus tard cantons. Voilà pourquoi il ne serait pas du tout anormal, et peut-être même bénéfique, qu’elle s
214 du tout anormal, et peut-être même bénéfique, qu’ elle soit la dernière à rejoindre une union fédérale de nos peuples, dont
215 rejoindre une union fédérale de nos peuples, dont elle aura été, dans le même temps, la première figuration et la promesse.
13 1983, Articles divers (1982-1985). Hitler, l’anti-prophète de notre siècle (10 février 1983)
216 aos et d’un fils du Chaos. C’est donc d’Hitler qu’ il faut parler. Individu quelconque et quasi nul en soi, phénomène d’env
217 as, à l’analyse, la moindre trace de sa personne. Il fut ces effets, et rien d’autre. Démontrer qu’il n’a pas existé serai
218 Il fut ces effets, et rien d’autre. Démontrer qu’ il n’a pas existé serait un jeu : père inconnu, cadavre disparu, témoign
219 h, a écrit : « Le prophète n’a pas de biographie. Il se lève et tombe avec sa mission. » Ainsi d’Hitler, l’antiprophète de
220 e, d’un passé mort, d’une catastrophe totale dont il allait devenir l’agent. Avec son insondable vulgarité, sa mégalomanie
221 tragique a été le prophète du Néant collectif, où il a presque réussi à entraîner toute sa génération. C’est ainsi que je
222 rophétisé : « Le 15 juin j’entrerai dans Paris ». Il y entre en effet, mais ce n’est plus Paris. Et telle est sa défaite i
223 jourd’hui ces rues les plus émouvantes du monde : il ne les connaîtra jamais. Il ne verra que d’aveugles façades… La confr
224 émouvantes du monde : il ne les connaîtra jamais. Il ne verra que d’aveugles façades… La confrontation stupéfiante de cet
225 cessaire pour faire comprendre au monde entier qu’ il est des victoires impossibles… Enfin, on peut lire dans La Part du d
226 ns avec une stupéfaction mêlée de honte : « Comme il était petit ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grand
227 faction mêlée de honte : « Comme il était petit ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misère
228 N à Dantzig, est reçu en audience par le Führer : il s’agit d’une ultime tentative pour sauver la paix. Hitler ouvre l’alb
229 tive pour sauver la paix. Hitler ouvre l’album où il fait coller chaque jour les articles parus sur lui à l’étranger. Il d
230 que jour les articles parus sur lui à l’étranger. Il désigne une coupure du Courrier de Saint-Étienne intitulée : « Le Füh
231 ulée : « Le Führer a perdu la guerre des nerfs. » Il entre dans une rage folle. « Vous voyez, crie-t-il, il faut bien que
232 l entre dans une rage folle. « Vous voyez, crie-t- il , il faut bien que je fasse la guerre à la Pologne puisqu’on écrit des
233 tre dans une rage folle. « Vous voyez, crie-t-il, il faut bien que je fasse la guerre à la Pologne puisqu’on écrit des cho
234 sur moi. » C. J. Burckhardt lui demande pourquoi il attache tant d’importance aux propos d’une feuille de province : « Po
235 t et empesé autour d’un Führer silencieux, non qu’ il veuille garder secrets ses grands desseins, mais parce qu’il ne sait
236 garder secrets ses grands desseins, mais parce qu’ il ne sait pas de quoi parler. Ce vide du personnage est essentiel : il
237 uoi parler. Ce vide du personnage est essentiel : il est la condition de sa « mission » satanique. Certes, Hitler n’était
238 n sa présence par un frisson d’horreur sacrée, qu’ il était le siège d’une « domination », d’un « trône », d’un « génie » o
239 les Ravaillac, parce que ma mission me protège. » Il faut croire un homme qui dit cela… D’où lui vient le pouvoir surhumai
240 dit cela… D’où lui vient le pouvoir surhumain qu’ il développe pendant un discours ? Une énergie de cette nature, on sent
241 Une énergie de cette nature, on sent très bien qu’ elle ne saurait se manifester qu’autant que l’individu ne compte plus, n’e
242 ppe à nos psychologies… On me demande sottement s’ il est intelligent. Ne voit-on pas qu’un homme intelligent, si cela comp
243 lligent, si cela compte en lui le moins du monde, il ne vaut rien pour un destin pareil. En ce sens démoniaque du terme, u
244  » n’est ni fou ni bête, ni sensé ni intelligent. Il ne s’appartient pas, n’a pas de qualités propres, de vices ou de vert
245 me de compte en banque, et à peine un état civil. Il est le lieu de passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces
246 nds de langue et de race. Pour recréer ces liens, il faudra faire appel aux forces irrationnelles de l’inconscient. Pour r
247 Serpent de la Genèse. Dans Mein Kampf, dès 1923, il décrit avec une surprenante précision le réveil des puissances souter
248 récision le réveil des puissances souterraines qu’ il se propose d’opérer : Tous les grands mouvements de l’Histoire sont
249 le regard de ces milliers d’yeux » (Mein Kampf), il supprime le Juge, et la faute. En fondant tout un peuple dans une mas
250 fondant tout un peuple dans une masse passionnée, il le rend à l’état d’innocence première : pas de responsables dans une
251 manifestation politique. Mais c’est leur culte qu’ ils célèbrent ! Et c’est une liturgie qui se déroule, la grande cérémonie
252 us ces corps horriblement tendus. Je suis seul et ils sont tous ensemble. Un désastre mondial Dès avant la guerre de
253 Pourtant, on ne l’a pas arrêté. Voilà le point qu’ il faut élucider. Replaçons-nous dans la situation de l’Europe à la veil
254 bservateurs était la suivante : « Comment se peut- il que des individus ‟normaux” deviennent subitement nazis ? Que des pop
255 énéralement perdu la Foi, l’Espérance et l’Amour, il a fondé le culte de la masse déifiée, animée par les trois antivertus
256 sser un théologien anonyme dont j’ignore encore s’ il était chrétien ou juif, dévoilait le mystère profond de l’hitlérisme,
257 mystère profond de l’hitlérisme, en même temps qu’ il annonçait les hautes tours des crématoires d’Auschwitz et l’Holocaust
258 de la critique tant libérale que marxiste, dès qu’ elle essaie d’analyser le phénomène nazi, provient de l’obsession économis
259 de l’aventure hitlérienne. Fondée sur le Malheur, elle allait au Néant. « Das Nichts nichtet (le néant néantit) », venait d’
260 me ne pouvait aboutir qu’à la guerre, dès lors qu’ il ne donnait à la communauté d’autre contenu que la haine commune, d’au
261 aire est à jamais inapplicable : une idée de fou. Il ne saurait y avoir toute-puissance d’une partie sur un tout humain. I
262 toute-puissance d’une partie sur un tout humain. Il n’y a en fait que la puissance d’un parti sur sa propre nation, systé
263 ialisme. L’Occident n’a pas eu de pire ennemi, et il est loin d’être certain qu’il ait été vaincu ailleurs que dans les ru
264 de pire ennemi, et il est loin d’être certain qu’ il ait été vaincu ailleurs que dans les ruines de Berlin. Hitler donnait
14 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : conclusions (1984)
265 e ce que j’ai connu jusqu’ici. Vous savez comment il est né : de l’envoi à des centaines de personnes d’une circulaire exp
266 lement de son initiative, mais de la manière dont elle l’a réalisée, dans une atmosphère à la fois détendue et attentive, da
267 vais bien connu dans le mouvement personnaliste : ils m’ont jeté bon gré mal gré dans l’action fédéraliste européenne, en m
268 ence européenne de la culture à Lausanne en 1949, il a fallu mettre sur pied un certain nombre d’institutions, dont le Cen
269 s mouvements fédéralistes se sont mis à décliner. Ils n’avaient au fond plus grand-chose à se mettre sous la dent. Ils cont
270 u fond plus grand-chose à se mettre sous la dent. Ils continuaient de répéter : « Unissons-nous, unissons-nous ! » Mais ce
271 printemps et qui vient de se réunir à Strasbourg. Elle n’est ni un parlement, ni européenne au sens plein du terme : c’est u
272 as le dire comme cela chaque fois qu’on en parle, il est plus simple de dire : le Parlement européen. Mais c’est une usurp
273 n de terme, et qui peut être dangereuse, parce qu’ elle laisse entendre que cette assemblée, à partir de ses prérogatives trè
274 à la fonction de noyau de l’Europe future, puisqu’ il compte 22 pays de l’Europe de l’Ouest. (Seule la Finlande, pour des r
275 otre affaire . Au cours de la dernière décennie, il s’est passé deux choses : d’une part, la décadence accélérée du mouve
276 ui, car un combat, cela peut se perdre, tandis qu’ il est évident que ni l’écologie, ni les régions, ni la fédération europ
277 lus qu’aujourd’hui — détenus par les Arabes et qu’ ils pouvaient jeter sur le marché occidental — de telle manière que toute
278 une tempête : roulant d’un bastingage à l’autre, elle détruit absolument tout. C’était ce qui risquait de se passer. Je l’a
279 e. À cause de ce délai imposé par les événements, il s’est trouvé que mon livre, pour une fois, n’arrivait pas trop tôt !
280 l’opinion, et mon livre en a bénéficié, parce qu’ il a paru deux mois après. L’éditeur m’a dit : « S’il avait paru en juin
281 l a paru deux mois après. L’éditeur m’a dit : « S’ il avait paru en juin, peut-être que cela n’aurait pas marché ! » Pour u
282 erre. J’entends la guerre nucléaire. Aujourd’hui, il n’est pas question d’autre chose. Tous nos États-nations préparent la
283 États-nations préparent la guerre. Non seulement ils sont nés de la guerre, il y a soixante ans (les traités de « banlieue
284 t-cinquante ans, ou deux-cents ans (1789 !), mais ils sont entretenus par la guerre ; tous leurs rapports avec l’économie s
285 irons pas plus ! » Mais cette guerre, à quoi peut- elle servir ? Ce sont les États-nations seuls qui auront le droit de peser
286 t 3,5 milliards d’humains) : « Que pensez-vous qu’ il resterait de l’humanité en cas de guerre atomique ? » Il m’a dit : « 
287 erait de l’humanité en cas de guerre atomique ? » Il m’a dit : « Eh bien, d’après mes calculs, environ 20 millions de gens
288 abri des radiations ! » Mais, vous imaginez ce qu’ ils seraient ? De pauvres hères, qui chercheraient à se nourrir de choses
289 vient de nous le rappeler M. Birre. À tout cela, il faut opposer d’urgence une logique du vivant, des cellules, de ce qui
290 surer des rochers, qui est irrésistible, parce qu’ elle sort de partout, et non d’un centre que l’on pourrait détruire avec u
291 l de Jacques Juillet, qui n’a pu être des nôtres. Il s’agit de l’opposition entre ce qui vient d’en haut, de l’État, qui d
292 mais des régions, le moyen de restaurer la paix. Elle serait aussi le seul moyen de lutter contre les menaces de guerre qui
293 fera que le danger s’éloignera probablement. Mais il nous faut travailler vite, il nous faut créer vite cette Europe en ta
294 probablement. Mais il nous faut travailler vite, il nous faut créer vite cette Europe en tant que facteur de paix qui emp
295 ouver par la guerre au-dehors, la tranquillité qu’ il n’a plus au-dedans ». L’Europe, unie — j’insiste — est impossible à c
296 ces misanthropes veulent une amicale, mais alors ils ne sont plus misanthropes, ou bien ils restent misanthropes, mais alo
297 mais alors ils ne sont plus misanthropes, ou bien ils restent misanthropes, mais alors ils n’ont pas l’idée de faire une am
298 pes, ou bien ils restent misanthropes, mais alors ils n’ont pas l’idée de faire une amicale, ou seulement pour tromper le m
299 avons pas, j’insiste, à le renverser. Je crois qu’ il serait tout à fait illusoire de donner comme but à la jeunesse de s’e
300 e s’emparer du pouvoir des États-nations parce qu’ elle s’emparerait de très peu de choses : de bureaux, de téléphones, d’uni
301 Révolution de 1917 ont très vite changé de mains. Il nous faut au contraire construire, créer le pouvoir. Là encore, c’est
302 veut dire d’abord que c’est petit, car autrement il n’y a pas de participation possible, qu’elle soit civique, économique
303 rement il n’y a pas de participation possible, qu’ elle soit civique, économique ou politique. Il ne faut donc pas vouloir im
304 e, qu’elle soit civique, économique ou politique. Il ne faut donc pas vouloir imposer un modèle de régions qui serait le m
305 rsuadé que la région, c’est une bonne chose, mais il se pose des questions auxquelles il n’a pas trouvé de réponses quant
306 e chose, mais il se pose des questions auxquelles il n’a pas trouvé de réponses quant à la réalisation de ces « régions à
307 ter hier et dont l’avis m’importait beaucoup, car il est l’un des responsables de la planification et de l’aménagement du
308 ! Je constate, après ces deux jours de débats, qu’ ils m’ont obligé à me poser des questions plus précises, plus concrètes s
309 ses, plus concrètes sur bien des cas ; mais ce qu’ il faut que je vous avoue c’est que cette notion de régions à géométrie
310 z des ensembles topologiques en intersections, et il s’agit de voir quel est le plus dense ensemble d’intersections, qui s
311 je ne dis pas encore des réponses — peut-être qu’ il ne faut pas tout résoudre… J’entrevois des solutions possibles dans t
312 ément celui de mon canton et de la Suisse, puisqu’ il comprend, outre la Romandie, les trois quarts de la France, une moiti
313 tre, ou celles dont je vais démissionner parce qu’ elles ne m’intéressent plus ! Mais alors, si maintenant un jacobin, un Robe
314 , c’est ce que l’État-nation exige de nous, quand il va jusqu’au bout de sa logique. Je pars donc de cette idée de la plur
315 soin des forêts, de transports, de main-d’œuvre. Il existe en France, des syndicats intercommunaux à vocations multiples,
316 on. Tout à l’heure, en entendant parler M. Birre, il m’est venu une autre idée. Dans la grande discussion sur les régions
317 , comme on l’a dit ce matin, les villes, au fond, elles sont « nulle part », elles ont détruit souvent leur relief, et toujou
318 , les villes, au fond, elles sont « nulle part », elles ont détruit souvent leur relief, et toujours leur humus. Elles sont d
319 ruit souvent leur relief, et toujours leur humus. Elles sont donc dans l’utopie. Il faut fonder des régions sur la réalité. A
320 ujours leur humus. Elles sont donc dans l’utopie. Il faut fonder des régions sur la réalité. Alors, je pense en écoutant M
321 ème direction dans laquelle nous pourrions aller. Elle ferait passer le centre régional de la ville, c’est-à-dire de l’indus
322 udrais d’apporter des réponses toutes faites, car elles tomberaient sous ma propre critique de l’utopie. Toute fédération, to
323 fédérative est et doit rester complexe, parce qu’ elle veut coller à la réalité physique, humaine, économique et culturelle.
324 ion s’applique naturellement aux États-Unis, mais elle est très facile à transposer en termes européens, voire suisses. La v
325 par la fédération européenne, et pour celles-là, il faut des agences mondiales. Je rappellerai notamment le problème de l
326 demain. Il y a aussi le problème des eaux douces. Il faut donc un certain minimum d’agences fédérales mondiales, qui ne fe
327 spécificités locales, les différences quelles qu’ elles soient, et la volonté de se fédérer en ensembles toujours plus vastes
328 oup de gens voient là une contradiction. C’est qu’ ils ont l’esprit mal formé par Descartes ! Il n’y a aucune contradiction
329 est qu’ils ont l’esprit mal formé par Descartes ! Il n’y a aucune contradiction entre le pouvoir des petites autonomies et
330 re de s’autogérer malgré les menaces extérieures. Elles ont créé un pouvoir commun de défense qui était réel mais limité à ce
331 ité à cela, et les laissait libres pour le reste. Il s’agissait des communes d’Uri, de Schwyz et de Nidwald. On ne parlait
332 iculier. Donc, s’occuper des communes, vouloir qu’ elles soient libres et responsables d’elles-mêmes, ce n’est pas du tout s’e
333 ion personnaliste et communautaire. Dès le début, il n’était pas question de séparer la personne de la communauté, c’est-à
334 amne à l’immobilité ! » Si un homme veut marcher, il ne peut pas avoir plus d’un pied à la fois sur la terre ! Et s’il fai
335 voir plus d’un pied à la fois sur la terre ! Et s’ il fait un grand bond, il n’a plus aucun pied sur la terre, mais il va t
336 a fois sur la terre ! Et s’il fait un grand bond, il n’a plus aucun pied sur la terre, mais il va très loin ! Je vais con
337 d bond, il n’a plus aucun pied sur la terre, mais il va très loin ! Je vais conclure sur l’Europe. Il me paraît significa
338 il va très loin ! Je vais conclure sur l’Europe. Il me paraît significatif que dans ce colloque, il se soit trouvé que le
339 . Il me paraît significatif que dans ce colloque, il se soit trouvé que le premier rapport, celui de M. Hell, portait sur
340 que de la cité, Écritures judéo-chrétiennes. Mais il faut y ajouter les valeurs germaniques et les valeurs celtiques, qui
341 culture européenne tellement créatrice, c’est qu’ elle est tissée d’antinomies. La foi qui sauve, c’est chrétien, mais la ra
342 à la fois à la langue d’oc et à la langue d’oïl. Il en reste des traces dans nos patois. Les mots de patois neuchâtelois,
343 le « Tu n’as pas peur de t’encoubler ? » Eh bien, ils savent très bien que cela veut dire « trébucher », sur des racines ou
344 t collectif. Il y a donc des rythmes millénaires, il y en a d’autres comme la mobilité de nos frontières, qui sont à peine
345 y compris les huit États de l’Est : c’est 89 ans. Il y en a un qui fait beaucoup monter la moyenne à lui seul, c’est le Po
346 grandie par annexions et conquêtes jusqu’en 1861. Elle a très peu varié au xxe siècle. Mais on est étonné de voir que ce ry
347 ques. Quant au rythme des variations économiques, il n’est même pas de dix ans, plutôt de cinq ans. Il suffit que vous imp
348 il n’est même pas de dix ans, plutôt de cinq ans. Il suffit que vous implantiez une usine dans une région pour changer com
349 son potentiel et ses relations économiques. Donc, il serait faux de baser l’Europe, cette immense construction, sur ce qu’
350 us variable, et qui peut être ruiné : l’économie. Il faut la fonder sur l’humus, l’humus de l’histoire, au sens symbolique
351 à mon sens, de M. et Mme André Birre, avec ce qu’ ils nous ont appris sur l’humus, qui donne vraiment et symboliquement une
352 sommes tous d’accord là-dessus. Je crois aussi qu’ il faudrait élargir les applications de ce principe, et je vois là la po
15 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : réponse à Raimondo Strassoldo (1984)
353 ndo Strassoldo insiste amicalement sur le fait qu’ il concorde à 95 % avec moi. Si vous ne gardez pas cela à l’esprit, vous
354 n inverse qu’évoque la lecture de son texte et qu’ il n’est d’accord avec moi sur à peu près rien ! En réalité, je le conna
355 , sans je crois lui faire tort, que tout d’abord, il est italien et qu’il aime s’amuser ; que son papier, comme il le dit,
356 aire tort, que tout d’abord, il est italien et qu’ il aime s’amuser ; que son papier, comme il le dit, ne pourra pas apport
357 en et qu’il aime s’amuser ; que son papier, comme il le dit, ne pourra pas apporter uniquement des louanges et des applaud
358 ritiques que l’on pourrait faire, de manière, dit- il , à approfondir et clarifier la pensée de l’auteur sur quelques points
359 ons qui pourraient venir sur tel ou tel point, qu’ il se forme à lui-même avec une imperturbable intelligence, et que souve
360 astucieux et tenter de clarifier ma pensée, comme il m’y invite. I. Des causes de la nocivité de l’État Selon R. Stra
361 antes, car c’est tout le système international qu’ il faudrait réformer en même temps. L’Europe est trop petite pour que l’
362 L’Europe est trop petite pour que l’on s’arrête à elle seule. Bien entendu, il a parfaitement raison, on peut toujours dire
363 our que l’on s’arrête à elle seule. Bien entendu, il a parfaitement raison, on peut toujours dire cela, seulement on ne ré
364 t entreprendre une réforme que si l’on est sûr qu’ elle est réalisable partout ! C’est la première démarche de l’utopisme. Je
365 logiques de la « petite échelle » des sociétés Il pose au départ que les grands systèmes permettent seuls le haut nivea
366 er ici le problème des régions. S’il y a crise, s’ il faut absolument trouver une autre formule que celle de l’État-nation,
367 n n’est justement plus capable de maintenir ce qu’ il promettait : ces hauts niveaux de vie, cet emploi général, ce maintie
368 naie, cette défense indépendante du territoire. S’ il était capable de faire tout cela, on lui dirait : « Bon, continue, ce
369 égions éliminerait tous les conflits. À mon sens, il consiste plutôt à maintenir les conflits dans des dimensions assez pe
370 onflits dans des dimensions assez petites pour qu’ elles soient maîtrisables et que les conflits puissent devenir productifs a
371 lieu d’être tout simplement anéantissants, comme ils le sont à l’échelle des grands États-nations. IV. De la nécessité
372 . IV. De la nécessité des fondements sacrés Il a raison : ni le personnalisme, ni les régions, ni même le fédéralism
373 sement des masses immenses, aussi ne le demandent- ils pas, ils s’en gardent bien ! C’est précisément contre ces entraînemen
374 s masses immenses, aussi ne le demandent-ils pas, ils s’en gardent bien ! C’est précisément contre ces entraînements religi
375 hrases de Strassoldo me paraissent fort ambiguës. Il laisse entendre quelque part que le personnalisme aboutirait à l’excl
376 ocation bel et bien transcendante à l’individu. S’ il nous fallait absolument un mythe, s’il fallait définir en un mot l’am
377 ndividu. S’il nous fallait absolument un mythe, s’ il fallait définir en un mot l’ambition, l’idéal, les visées du fédérali
378 on à la guerre. Chaque fois qu’il y a une guerre, il augmente ses prérogatives : on arrive à l’État totalitaire par la gue
379 R. Strassoldo voit des contradictions, ou plutôt il imagine que l’on pourrait en voir, entre les régions économiques comp
380 st heureusement un pur et simple jeu de l’esprit. Il n’y a aucune espèce d’incompatibilité entre les deux choses, à moins
381 qu’on les « absolutise », après quoi, évidemment, il ne reste plus aucun moyen de les articuler. VI. De la participatio
382 n de les articuler. VI. De la participation Il demande, c’est une forme de phrase : « Est-ce que la participation co
383 orrespond à un besoin réel des citoyens ? » Non ! Elle correspond à une nécessité absolue, sans laquelle il n’y a aucune soc
384 correspond à une nécessité absolue, sans laquelle il n’y a aucune société possible. On ne va pas demander à chacun s’il a
385 ociété possible. On ne va pas demander à chacun s’ il a besoin de participer. C’est une évidence qui saute aux yeux : s’il
386 iciper. C’est une évidence qui saute aux yeux : s’ il n’y a pas de participation des citoyens, il n’y a pas de société, en
387 x : s’il n’y a pas de participation des citoyens, il n’y a pas de société, en tout cas pas démocratique. VII. Du choix
388 ique. VII. Du choix électronucléaire « Faut- il être aussi radicalement opposé au nucléaire ? » demande-t-il avec un
389 si radicalement opposé au nucléaire ? » demande-t- il avec un peu d’ironie dans le ton. D’une manière que je crois être pur
390 que je crois être purement provocante de sa part, il répète cette phrase : « Vivre, c’est prendre des risques ! » Il s’agi
391 e phrase : « Vivre, c’est prendre des risques ! » Il s’agit de savoir quels risques on prend. Nous ne prendrions pas le ri
392 s-risques ! » Certains sont tout à fait inutiles. Il dit aussi par exemple, que les vastes surfaces de panneaux producteur
393 ui disait : « Mais savez-vous que les surfaces qu’ il faudrait pour créer l’équivalent en énergie solaire d’une grande cent
394 L’intérêt de l’énergie solaire c’est justement qu’ elle nous dispense des grandes centrales et qu’elle peut être dispersée ch
395 qu’elle nous dispense des grandes centrales et qu’ elle peut être dispersée chez tout le monde, même jusqu’aux maisons, jusqu
396 re couvrirait 3 départements français. Lesquels ? Ils sont très inégaux. VIII. Des communautés écologiques de jeunes
397 qui est juste, que c’est un phénomène important. Il cite Longo Maï que j’ai cité dans mon livre. Il ajoute : « Mais je ne
398 . Il cite Longo Maï que j’ai cité dans mon livre. Il ajoute : « Mais je ne crois pas qu’il y ait là une solution définitiv
399 s à tous les problèmes de l’humanité ! » Ensuite, il commet une erreur en disant qu’une communauté comme celle de Longo Ma
400 e de Longo Maï n’ont parlé de retour à la nature, ils disent simplement : « Nourrir l’humanité va être le grand problème da
401 pensé une seconde au modèle yougoslave — si même il y en a un ! — en écrivant mon livre. Je me suis inspiré du modèle sui
402 e je parle de région et de participation civique, il est bien entendu qu’il ne s’agit de rien de comparable aux cantons su
403 de participation civique, il est bien entendu qu’ il ne s’agit de rien de comparable aux cantons suisses, qui sont les cré
404 e n’est pas la technocratie, mais la politique. » Il m’est arrivé un jour, au cours d’une conversation avec Louis Armand,
405 philosophie personnaliste plus les ordinateurs. » Il m’a répondu : « Ah, celle-là, je vous en veux de l’avoir dite avant m
406 voir toujours dit et décrit le contraire de ce qu’ il m’est ici reproché d’avoir défendu ou attaqué. Je crois que Strassold
407 début du siècle, dans une abondante littérature, elle n’oubliait qu’une chose : c’est que l’homme est un animal et non pas
408 que l’homme est un animal et non pas un légume ! Il existe d’ailleurs un légume qui est presque entièrement racine ; c’es
409 st un animal caractérisé par sa mobilité, et plus il s’élève dans l’ordre spirituel, plus il se reconnaît « errant et voya
410 , et plus il s’élève dans l’ordre spirituel, plus il se reconnaît « errant et voyageur sur la terre ». aa. Rougemont D
16 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : remarques sur la note de Stanley Maron (1984)
411 très brièvement formulées. 1. La communauté, dit- il , ne peut être fondée sur une base libertaire. Je suis d’accord. « Lib
412 rein, qui pour moi n’est pas vraie liberté puisqu’ elle se dissocie de toute responsabilité. Je crois que l’homme n’est libre
413 est libre (dans une communauté) qu’à la mesure où il est en fait responsable, et vice versa (tous les juristes le savent).
414 « l’individu ». La famille kibboutzique, nous dit- il , s’oppose à la mobilité et favorise l’enracinement. Le kibboutz serai
415 lequel Ortega y Gasset a écrit de belles choses. Il est un temps pour vivre de ses racines dans le milieu natal, et un te
416 on d’Israël, et c’est très bien ainsi. Cependant, il faut bien imaginer d’autres modèles de communauté pour le 97 % restan
17 1984, Articles divers (1982-1985). Les Rougemont de Saint-Aubin [préface] (1984)
417 cident. Mais Pierre-Arnold ne s’en tient pas là : il nous signale avec sobriété qu’à la trente-troisième génération, il y
418 tants, et l’Europe, moins de quinze millions. Or, il est sûr que nos ancêtres furent tous des Européens, non des nègres ni
419 rope. Comment quinze millions d’Européens eussent- ils pu nous fournir plus de 2 milliards d’ancêtres ? La seule explication
420 ion qui compte 32 ancêtres d’Henri de Rougemont : elle se compose de 14 Neuchâtelois, de 2 Genevois et de 16 étrangers. Or,
421 rire un Flamand d’avant Napoléon en lui disant qu’ il serait « Belge » et l’on eût scandalisé un Bavarois ou un Saxon en le
18 1984, Articles divers (1982-1985). L’Europe et les intellectuels (1984)
422 tuels que j’ai interrogés jusqu’ici sur l’idée qu’ ils se font de l’Europe, vous êtes celui qui s’affirme le plus comme « Eu
423 devenu et restez-vous un « Européen militant » ? Il me semble que tout m’y a conduit, à commencer par ma naissance. Dès m
424 hilippe le peintre de la Cour de Suède… L’Europe, elle allait de soi comme la famille, et ce n’était pas un cas exceptionnel
425 tre la terre des pères et le continent des rêves, il n’y avait aucune opposition : je l’ai écrit dans un petit ouvrage int
426 s invisibles, on nous dit que tout les oppose, qu’ il faut choisir l’un contre l’autre, et qu’entre ces amours il n’est que
427 oisir l’un contre l’autre, et qu’entre ces amours il n’est que de la haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me se
428 st que de la haine. Comment un Suisse le croirait- il  ? Si je me sens presque partout chez moi dans l’Europe franco-germani
429 ais la famille, c’est générique et général. Après elle , et souvent contre elle, il y a eu la littérature, beaucoup plus préc
430 nérique et général. Après elle, et souvent contre elle , il y a eu la littérature, beaucoup plus précisément déterminante dan
431 différent de celui que lui donnait Valéry, quand il affirmait qu’est européen tout ce qui a été marqué par Athènes, Rome
432 etiens surtout la grecque et l’évangélique — mais il faut leur ajouter deux autres sources : la germanique et la celtique,
433 vous avez découvert l’Europe. Comment cela s’est- il passé ? De deux manières. D’une part, j’ai retrouvé à New York beauc
434 science et votre engagement européen ne remontent- ils pas, avant les États-Unis, aux années 1930, au mouvement personnalist
435 es étant indissociables. La liberté était vide si elle ne comportait pas de responsabilités civiques concrètes, et la respon
436 n qui prétend parler de son époque est engagé, qu’ il le sache ou non. Tel était le sujet des premiers chapitres de mon pre
437 Esprit une rubrique de la « Pensée engagée », où il rendit compte de mon livre, et dont j’assumais la responsabilité. Tou
438 leur sympathie européenne, et sur la méfiance qu’ ils ont ressentie après la guerre à l’égard d’une Europe qui leur semblai
439 er le congrès, et dont j’avais exigé et obtenu qu’ il fût rédigé par moi au nom de ma commission. J’étais embarqué. Avez-vo
440 , Ignazio Silone ayant décliné cet honneur — mais il devait être par la suite l’un des intellectuels les plus « engagés »
441 stivals du continent, de l’Est comme de l’Ouest — il vaut la peine de souligner ce cas que je crois unique ; l’Association
442 vous avez cités. Est-ce à vos yeux décourageant ? Il est certain que les écrivains, les philosophes et les sociologues — s
443 ion successives de J.-P. Sartre. Dans le texte qu’ il m’avait envoyé pour la conférence de Lausanne, Sartre expliquait que
444 erait sauvée qu’avec la culture européenne et par elle , mais que la culture européenne ne serait sauvée, à son tour, que par
445 qu’en fabriquant des esclaves et des monstres ». Il va jusqu’à dire que les Européens n’ont édifié leurs cathédrales (sic
446 ens solidaire, a relancé le combat pour l’avenir. Elle fait sienne, dans sa majorité, le mot d’ordre que je lui ai proposé :
447 n 1949 à Genève le Centre européen de la culture. Il en a été le directeur de 1949 à 1978 et en reste le président. Il a é
448 irecteur de 1949 à 1978 et en reste le président. Il a également présidé le Congrès pour la liberté de la culture (1952-19
19 1984, Articles divers (1982-1985). Informatique, société, sagesse (1984)
449 d’ordres très différents : tout d’abord parce qu’ il s’est trompé quant à deux événements de première importance. Il nous
450 é quant à deux événements de première importance. Il nous apprend en effet, page 223 de l’édition française, qu’au moment
451 tique et la Grande-Bretagne par les Amériques. Et il écrit en novembre 1939 que « la guerre qui vient de commencer va marq
452 aliser. Orwell écrit son livre en 1948. Que s’est- il passé cette année-là ? Au moment même où, sans le moindre commentaire
453 ? Au moment même où, sans le moindre commentaire, il abandonne l’Europe tout entière à Staline, en mai 1948 se tient à La
454 pe sacrifiée sans combat par Orwell. Et qu’en est- il du christianisme, de cette « culture chrétienne libérale » qu’il aban
455 isme, de cette « culture chrétienne libérale » qu’ il abandonne elle aussi, et sans plus de regrets apparents ? C’est elle,
456 e « culture chrétienne libérale » qu’il abandonne elle aussi, et sans plus de regrets apparents ? C’est elle, et c’est elle
457 aussi, et sans plus de regrets apparents ? C’est elle , et c’est elle seule, qui s’est dressée contre la grande puissance to
458 plus de regrets apparents ? C’est elle, et c’est elle seule, qui s’est dressée contre la grande puissance totalitaire de l’
459 euple des voies qui conduisent au désastre. Ce qu’ il prêche, c’est la voie nouvelle du salut, la conversion, qui est le re
460 e la démission de l’esprit, devant des menaces qu’ il contribuerait à rendre fatales en les décrivant telles. Chez Orwell,
461 de l’âme, un masochisme irrépressible. Et jamais il ne tente de réveiller en nous le courage de réagir, jamais il n’a mon
462 de réveiller en nous le courage de réagir, jamais il n’a montré les buts d’une action libératrice, ni les finalités de l’e
463 e je porte à la prescience de George Orwell quand il s’agit de nous faire sentir les forces clandestines qui vont détermin
464 sociétés occidentales, dans la mesure précise où elles tentent d’organiser les exigences de leur vocation de liberté. Orwel
465 hysiques et de leurs technologies de pointe, dont il n’a pu connaître en 1948 que les balbutiements : je veux parler des a
466 ère moins que dans les régimes totalitaires3, car il faut être deux pour jouer à ce jeu-là, celui de l’Équilibre de la ter
467 sée indépendante ». Pour réaliser le premier but, il faut trouver « le moyen de tuer plusieurs centaines de millions de ge
468 sible, en 1984, par l’accumulation, dûment prévue elle aussi par Orwell, de « fusées chargées de bombes atomiques amoncelées
469 s amoncelées à tous les points stratégiques ». Si elles étaient toutes allumées simultanément, dit-il, « leurs effets seraien
470 elles étaient toutes allumées simultanément, dit- il , « leurs effets seraient si dévastateurs qu’ils rendraient impossible
471 it-il, « leurs effets seraient si dévastateurs qu’ ils rendraient impossibles toutes représailles ». Mais il est entendu — c
472 endraient impossibles toutes représailles ». Mais il est entendu — c’est même la convention fondamentale de toute l’affair
473 a convention fondamentale de toute l’affaire — qu’ il est « impossible que cette guerre soit jamais décisive ». À cette fin
474 Pouvoir, soit contre lui, mais sur les thèmes qu’ il a choisis. Il y a là, beaucoup plus qu’on ne le croit, une entreprise
475 t on accuse l’ordinateur d’être l’agent, alors qu’ il n’en est que l’outil. Soyons bien clairs. Le simple fait de mettre e
476 litaire d’un gouvernement, si « démocratique » qu’ il se prétende par ailleurs. C’est là que réside le vrai danger, non dan
477 s, mais que les Pouvoirs seuls ont établi et dont ils sont seuls responsables. Ce qui me fait peur, — c’est moins le stocka
478 ulnérabilité du secret des réseaux d’information. Il ne se passe pas de semaine sans que les journaux nous apprennent que
479 vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse.
480 Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas
481 Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’ il nous faut c’est un contrôle de l’homme. Une correction me paraît auj
482 mploi bénéfique pour l’homme, ni pour sa liberté. Il n’en va pas de même de l’ordinateur qui, lui, peut être employé pour
483 bien autant que pour le mal. On a beaucoup dit qu’ il favoriserait non seulement la surveillance policière des opinions pri
484 veillance policière des opinions privées, mais qu’ il serait l’outil idéal de la centralisation étatique, économique autant
485 ogrès technique crée au moins autant d’emplois qu’ il en supprime et ceux qui le nient sont des faibles d’esprit. Or le chô
486 cessé d’augmenter depuis ce temps-là. Qu’en est- il aujourd’hui de ce problème crucial des progrès indissociables de la t
487 quera pas de créer « au moins autant d’emplois qu’ elle en touchera ». — On dit « toucher » ou « affecter », mais jamais « su
488 ec plusieurs fondations suisses et européennes. ⁂ Il me reste à vous présenter, avant de conclure, quelques remarques sur
489 nateur : tout y concourt, y compris la crainte qu’ il inspire et les espoirs insensés qu’il éveille : libération des travai
490 crainte qu’il inspire et les espoirs insensés qu’ il éveille : libération des travailleurs industriels, éducation pour tou
491 us lyrique de tous sur l’avenir des ordinateurs : il s’agit de Seymour Papert, professeur au Laboratoire d’intelligence ar
492 ormatiques pour étudier la psychologie humaine ». Il va jusqu’à suggérer que la machine pourrait avoir quelques rapports a
493 demande si la machine peut éprouver des émotions, il répond qu’il travaille au MIT à réaliser « un inconscient artificiel 
494 machine peut éprouver des émotions, il répond qu’ il travaille au MIT à réaliser « un inconscient artificiel ». Ce qui ne
495 scientifiques ». Et comme on lui fait observer qu’ il remet ainsi en question la nature humaine, il répond qu’en effet, « c
496 qu’il remet ainsi en question la nature humaine, il répond qu’en effet, « comme l’a fait la religion dans le passé, l’ord
497 ppliquer à l’ordinateur et prouver de la sorte qu’ il possède une affectivité, il oublie que le mécanisme du refoulement, p
498 rouver de la sorte qu’il possède une affectivité, il oublie que le mécanisme du refoulement, pourtant fondamental pour Fre
499 ’on peut parler de la « mémoire » d’une machine : il ne s’agit en réalité que d’un stockage de données chiffrées, nullemen
500 actuels de l’informatique, Joseph Welzenbaum : «  Il est difficile d’imaginer ce que cela pourrait signifier de dire qu’un
501 nal ? à qui ? et dans quelle intention ? » À quoi il serait bon d’ajouter : « au bénéfice de qui ? et pour quel but final 
20 1984, Articles divers (1982-1985). Trois manières de considérer le nucléaire (1984)
502 hure, pendant une fraction de seconde j’ai cru qu’ il s’agissait de la répartition des centrales nucléaires, et la similitu
503 ité pour se détruire elle-même, et toute vie avec elle . ⁂ II. Du point de vue qu’on appelle réaliste aujourd’hui Le pr
504 n’est pas technologique, n’est pas économique, et il est encore moins énergétique, car à ces trois niveaux la cause est en
505 , car à ces trois niveaux la cause est entendue : elle est perdue, comme le font voir les pages qui suivent. ⁂ III. Du po
21 1984, Articles divers (1982-1985). Le Patrimoine européen [conclusion] (1984)
506 ent les choses allaient se dérouler. Peut-être qu’ il le feignait, peut-être non : ce qui est certain, c’est qu’il peut se
507 ait, peut-être non : ce qui est certain, c’est qu’ il peut se féliciter des résultats atteints ! Car en laissant les choses
508 tats atteints ! Car en laissant les choses aller, il les a livrées à une logique qui s’est imposée à nous tous, celle du c
509 st pour mieux voir vers quoi nous allons et ce qu’ il nous faut faire pour éviter le pire, confrontés que nous sommes — mêm
510 remarques sur ce trajet géographico-historique : il me semble avoir curieusement contourné l’Empire romain, et par là mêm
511 de l’Europe. Tout au long de ces trois journées, il me semble que nous avons fourni un effort unanime et, je crois, réuss
512 gonisme entre le centralisme démocratique, tel qu’ il se nomme à l’Est, et les démocraties libérales telles qu’elles se veu
513 e à l’Est, et les démocraties libérales telles qu’ elles se veulent à l’Ouest. ⁂ Resserrons-nous maintenant sur ce que j’ai ap
514 out autre chose que de le transformer en routine. Il s’agit de retrouver constamment, par des voies et moyens qui apparais
515 e que nous serons tous d’accord pour constater qu’ il s’agit là d’un processus dialectique, dont le principe m’apparaît êtr
516 leurs oppositions, contradictions, antinomies qu’ il s’agit de rendre créatrices. « Tenir ensemble les deux bouts de la ch
517 ble les deux bouts de la chaîne », disait Pascal. Il y voyait la condition d’une pensée réaliste, tout englobante. Cela pe
518 dans un milieu naturel et humain où l’on dit « qu’ il a ses racines ». Mais en fait l’homme n’est pas un légume, c’est un a
519 me n’est pas un légume, c’est un animal, et quand il devient adulte, ce n’est plus l’enracinement mais la mobilité qui le
520 bien et le mal, le second des Papiers posthumes. Il me semble que ces phrases caractérisent assez bien l’effort qui est f
521 e fois devenus vieux, aux heures de faiblesse, qu’ ils retombèrent dans l’étroitesse nationale et devinrent patriotes. Niet
522 nale et devinrent patriotes. Nietzsche ajoute qu’ il pense ici à des hommes comme Napoléon, Goethe, Beethoven, Stendhal, S
523 de plus en plus nationalistes en vieillissant, et il y voit un signe de sénilité. ⁂ Ma seconde remarque générale va porter
524 ter sur l’avenir de ce colloque, dont je pense qu’ il devra se modeler sur l’avenir européen. Cet avenir se fait aujourd’hu
525 s cultures les moins faites pour l’accueillir, qu’ elle a profondément déstabilisées, et dont le désarroi peut être exploité
526 Toute pensée désormais doit devenir action, sinon elle court le risque de n’être bientôt plus qu’une note en bas de page d’u
527 te en bas de page d’une chronique de ce temps, qu’ il n’y aura plus personne pour lire. Nous avons rappelé et défini les p
528 t aux problèmes économiques presque insolubles qu’ elle est en train de créer dans toutes les sociétés qu’elle touche. Nous a
529 est en train de créer dans toutes les sociétés qu’ elle touche. Nous avons fait beaucoup pour nous connaître mieux, nous les
530 ail, chômage, loisirs. Comment ces réalités sont- elles vues et vécues dans les grandes cultures qui se partagent notre monde
531 sé par le succès même de nos techniques ? Serait- il raisonnable de proposer à ce colloque qu’il prenne en compte cette ap
532 erait-il raisonnable de proposer à ce colloque qu’ il prenne en compte cette approche multiple, contribuant ainsi à l’exerc
533 osition matière à examen, et s’en souvienne quand il établira les thèmes de nos prochaines rencontres. Je terminerai en le
534 l’un des plus fructueux et encourageants auxquels il m’ait été donné de prendre part au cours de ces dernières années. a
22 1984, Articles divers (1982-1985). Club-Énergie de l’Est vaudois : avec Denis de Rougemont (19 juin 1984)
535 gions, qui entendent tout simplement et autant qu’ ils le peuvent, rester maîtres de leur propre destin. Or, parmi ceux qui
536 nne n’est jamais ni tout l’un ni tout l’autre. Et il n’existe pas non plus de liberté réelle sans nulle puissance, ni de p
537 e plus large du mot, est le choix d’une finalité. Il désigne l’aménagement des relations humaines dans la communauté et l’
538 et si dangereuses que nos pays, tout en jurant qu’ elles sont inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin que possible de leu
539 ues, trop chères et trop dangereuses, ignorent qu’ ils dénoncent là les raisons mêmes qui font que nos États les adoptent. C
540 reintes de déclencher et d’entretenir une guerre. Il est clair comme le jour que le choix des centrales nucléaires et des
541 ue, c’est-à-dire de la fin de l’histoire humaine. Il est non moins clair que le choix solaire est la condition même de la
542 ix solaire est la condition même de la paix : car il signifie du même coup la fin de la centralisation autoritaire et mili
543 e nécessité, la confiance dans le prochain. Ce qu’ il faut voir, c’est que le but de la société n’est pas du tout d’assurer
544 n’est pas technologique, même pas économique, et il est encore moins financier : car à ces trois niveaux, la cause est en
545 car à ces trois niveaux, la cause est entendue : elle est perdue. Quand les centrales nucléaires ne représenteraient aucun
546 ucléaires ne représenteraient aucun danger, quand elles s’avéreraient rentables, quand il serait réellement « impératif » que
547 anger, quand elles s’avéreraient rentables, quand il serait réellement « impératif » que la consommation d’énergie double
548 uble tous les dix ans, je serais contre, parce qu’ elles sont les pièces principales d’un système qui conduit à renforcer l’em
549 risques de guerre. Pluton est maître des Enfers, il est aveugle comme les taupes. Mais le soleil vient du ciel, vient de
550 ont à tous ses membres et sympathisants, texte qu’ il nous a semblé utile de reproduire ici. Par ailleurs, le même Club-Éne
23 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage I] (1985)
551 er le dira si bien quelques années plus tard — qu’ elle ne serait que la guerre entre un mensonge total — à l’Est — et une de
552 mphaient à l’Est, nous refusions tous de choisir. Il nous restait à inventer un ordre humain, et à refaire une vraie commu
553 d’hui plus fécondantes et plus urgentes encore qu’ elles ne pouvaient l’être dans les années 1932 à 1939. Et là-dessus, deux p
554 le seul programme constructif des années 1930. Et il l’est encore plus aujourd’hui. Mais dans le cas des régimes totalitai
555 s leur suppression totale, dans la mesure même où ils étaient totalitaires. 2. On a dit que nous étions « fascinés » par le
556 acité de résistance de l’Ouest et des libertés qu’ il était censé défendre. (C’est ainsi que nous fûmes tous contre Munich.
557 st ainsi que nous fûmes tous contre Munich.) Mais il est ridicule de parler à ce propos de complexe d’infériorité, au sens
558 nt inopérantes dans le cas des trois dictatures : il faut rappeler ici, tout de même ! que l’expression d’« État totalitai
559 t de créer un mouvement socialiste-national et qu’ il ne cesserait pas de se qualifier lui-même de « prolétaire » ennemi de
560 us avons vécu notre époque, dans les années 1930. Il me semble que nous étions d’à peu près cinquante ans en avance sur l’
24 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage II] (1985)
561 du début d’Esprit. On vient de nous dire comment il avait été perçu. Si les notes que j’ai prises pendant qu’il parlait s
562 té perçu. Si les notes que j’ai prises pendant qu’ il parlait sont exactes, John Hellman voit dans le personnalisme, dans c
563 était « perçu » dans les années 1932 à 1940. Mais il ne faudrait tout de même pas confondre le « perçu » et la réalité ! L
564 , mal-vu, mal-senti, et par suite mal-interprété. Il peut être aussi un acte de mauvaise foi délibéré, comme le montrent c
565 tifasciste ». L’erreur de lecture est évidente et elle est aussi grave que possible. J’ai souvent mis en garde, en effet, co
566 propter vitam, etc.) Le problème est très vieux. Il est traité déjà dans le livre biblique des Proverbes 6 en deux verset
567 ême. Réponds à l’insensé selon sa folie Afin qu’ il ne se regarde pas comme sage. Inutile de dire qu’en fait j’avais cho
568 de Nizan, que je citais tout à l’heure, parce qu’ il est le plus éclairant et le plus pathétique sans nul doute. Quand j’a
569 aient sinon « perçu », du moins avaient décidé qu’ il fallait me percevoir. Cette phrase se trouve préfigurée, presque lit
570 nir les garanties nécessaires à sa collaboration. Il vint chez moi, rue Saint-Placide, dans l’appartement que me louait Ge
571 e demanda la liste exacte des auteurs sollicités. Il sortit son agenda et j’allais lui donner les noms quand il y eut à l’
572 y eut à l’instant précis une panne d’électricité. Il nous fallut sortir sur le balcon, seul éclairé par un réverbère proch
573 ouchait fortement, écrire sur son petit carnet qu’ il tenait de côté, comme cela, à gauche, les douze noms, suivis de l’ind
574 ne semaine après cette visite, Nizan m’écrivit qu’ il avait remis son papier à Paulhan, et qu’il allait nous envoyer des « 
575 vit qu’il avait remis son papier à Paulhan, et qu’ il allait nous envoyer des « propositions de lutte commune sur des objec
576 re 1932, dans la NRF , et fait pas mal de bruit. Il constitue en quelque sorte l’acte de naissance d’une nouvelle générat
577 e extrême violence : je l’avais trompé, affirme-t- il , en lui cachant l’identité des participants non communistes à mon enq
578 des participants non communistes à mon enquête. S’ il avait su, il n’eût jamais accepté de collaborer. Et il me traite de «
579 nts non communistes à mon enquête. S’il avait su, il n’eût jamais accepté de collaborer. Et il me traite de « sergent recr
580 ait su, il n’eût jamais accepté de collaborer. Et il me traite de « sergent recruteur du fascisme français ». Le mensonge
581 Je voudrais dire à John Hellman, en terminant, qu’ il est faux d’écrire aujourd’hui que Paul Nizan a « perçu » le personnal
582 connaissance de cause, par un mensonge délibéré, il nous a dénoncés comme fascistes sur ordre du Parti. Le totalitaire, c
583 enté de l’opposer à celle du vécu, — ce vécu dont il nous appartient d’être encore aujourd’hui les témoins au sens le plus
25 1985, Articles divers (1982-1985). Quelques-uns de mes écrivains : anecdotes (1985)
584 i qui mène au bureau de la NRF — Henri Michaux. Il m’arrête d’un geste : « Est-ce que vous sentez toujours des battement
585 bureau en bas, non, vraiment… » — « Eh bien, fait- il , le jour où je ne sentirai plus mon cœur battre avant de passer ce se
586 me ferai honte. » Malices de Jean Paulhan Il est vrai que « le bureau de Paulhan » était un lieu sacré de ma mytho
587 user, en dépit des malices de Paulhan, ou grâce à elles . Le bureau où se composait la Nouvelle Revue française (Gide, Claud
588 euble à tiroirs derrière lequel siégeait Paulhan. Il déployait sa stature haute et large à chaque entrée d’un visiteur, qu
589 haute et large à chaque entrée d’un visiteur, qu’ il accueillait avec des gentillesses parfois un rien perfides. Ainsi, un
590 suis responsable depuis un an. Une autre fois : «  Il vient de m’arriver quelque chose de bien décevant. J’ai essayé de rel
591 andis que je les salue : « Ah ! Rougemont, me dit- il , justement nous parlions de Commerce 9. On m’a dit que la revue allai
592 sont pas seulement assommants (depuis qq. temps). Ils ont je ne sais quoi d’empêché, de contraint. Pourquoi ? Je voudrais b
593 brillante. Le visage convulsé, la bouche tordue, il articule difficilement en grinçant des dents : « Lequel… des deux… es
594 st très mince… » Je lui prends le bras doucement. Il est haletant, sa bouche écume. « Comment allez-vous faire ? Lancer le
595 e, à l’automne de 1946. C’était au Café de Flore. Il était assis seul sur la banquette à droite du tourniquet d’entrée. Me
596 itté, j’ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend la main. Moment de silence. Puis il dit, devant lui, sur un
597 lue. Il me prend la main. Moment de silence. Puis il dit, devant lui, sur un ton crispé : « Excusez-moi… Je ne peux pas vo
598 1, et pour ajouter à l’incongruité de l’occasion, elle eut lieu dans les bureaux de l’Office of War Information, où il avait
599 ns les bureaux de l’Office of War Information, où il avait un job, et où j’en cherchais un. On nous présente. « Dire que n
600 années à Paris sans nous rencontrer ! » s’écrie-t- il , et il ajoute, théâtral : « Ce sont de ces conneries… (haussant le to
601 à Paris sans nous rencontrer ! » s’écrie-t-il, et il ajoute, théâtral : « Ce sont de ces conneries… (haussant le ton)… et
602 nneries… (haussant le ton)… et que l’on expie ! » Il dit ensuite que nous devrions trouver « un moyen presque mécanique de
603 e de vénération de la part d’André. Mais un jour… Il vient vers moi l’air sombre et me dit d’entrée de jeu : « Votre derni
604 ar les réactions d’Elisa ! » (sa nouvelle femme). Il s’agit évidemment des Personnes du Drame , que Schiffrin vient de pu
605 ques allemands. Des propos quelque peu obscurs qu’ il me tient ensuite, il apparaît que l’approche théologique des auteurs
606 ropos quelque peu obscurs qu’il me tient ensuite, il apparaît que l’approche théologique des auteurs dont je parle est tro
607 ent… Son désir de ne pas rompre est évident, mais il faut bien sauver la face… L’athéisme flamboyant a toujours été l’un d
608 s dogmes de la secte surréaliste. Tout d’un coup, il a trouvé la solution : « Nous allons demander à Marcel de trancher le
609 rrasse, « toujours un peu plus qu’exact », me dit- il , comme pour s’excuser. Aussitôt assis : « Il semble que Breton soit t
610 dit-il, comme pour s’excuser. Aussitôt assis : «  Il semble que Breton soit très gêné par votre dernier livre. Trop chréti
611 ’est-ce que cela peut bien lui faire ? Avec ça qu’ il n’a pas fait une religion de son surréalisme ! » Ce sera tout. Comman
612 rs 20 h 15 arrive Breton, avec un retard calculé. Il voit que tout se passe le mieux du monde entre Duchamp, arbitre désig
613 du monde entre Duchamp, arbitre désigné, et moi. Il ne reviendra pas sur le litige. Je lui ferai même un brin de conduite
614 te en daim, flottante, visage levé… C’est Breton. Il s’arrête devant moi et me dit : « Je pensais à une religion qu’il s’a
615 nt moi et me dit : « Je pensais à une religion qu’ il s’agirait de fonder sur le culte d’une pierre bleue… » Puis il poursu
616 de fonder sur le culte d’une pierre bleue… » Puis il poursuit sa route, et moi la mienne. Curieux croisement. Mots de L
617 nt paraître Léon-Paul Fargue. Depuis une semaine, il se plaint chez Paulhan de n’être pas sur la liste des nouveaux comman
618 est pas pour moi, c’est pour ma mère ! La pauvre, elle est morte il y a douze ans…” » Ce matin même, j’ai lu dans un journal
619 ans…” » Ce matin même, j’ai lu dans un journal qu’ il l’avait enfin, sa cravate ! Et le voilà. Je lui dis : « Léon-Paul, je
620 in ! J’ai peur d’être Don Juan au dernier acte… » Il s’arrête. « June homme ! Moi, je vais vous en dire une ! Avant, j’ava
621 ent, j’ai la candeur de la Comment-ça-vat !… » Et il ajoute, après avoir enregistré ma réaction : « Hein ! Comme contrepèt
622 la table. On le relève après quelques minutes et il dit : « Ça ira pour cette fois. Mais la mort a fait un nœud à son mou
623 r cause, et si de la correspondance m’y parvient, elle sera probablement exterminée. C’est moi qui vous écrirai plutôt dans
624 la gare de Berne, où nous avons pris rendez-vous. Il arrive, lentement, poussant son vélo à la main, louvoyant dans la fou
625 , et nous allons dîner au Buffet. « Voilà, me dit- il dès que nous sommes installés, l’explication de ma dernière lettre. C
626 me vous le savez, j’habitais à Cully, chez Budry. Il estimait que j’abusais de son téléphone. J’attendais un appel de Pari
627 rche. Je vois un fil sur le parquet, je le suis ! Il aboutit dans une valise ! Fermée à clé ! Le téléphone sonne toujours,
628 xclusive des revues littéraires de ces années-là. Elle portait sur la page de garde : « Cahiers trimestriels publiés par les
629 it de décider d’interrompre son financement. 10. Il s’agit de la chronique « L’ère des religions » (sur l’hitlérisme), pa
26 1985, Articles divers (1982-1985). Éloge de Jean Starobinski (1985)
630 tais-je vraiment l’homme de la circonstance ? Car il me semblait, tout d’un coup, que de tous mes amis, celui que nous all
631 ’expression, et moi contestateur par indignation. Il est prudent et circonspect en tous domaines, je ne l’ai jamais été, h
632 maines, je ne l’ai jamais été, hélas, dans aucun. Il est analytique et méthodique, moi plutôt polémique et passionné. Auta
633 odique, moi plutôt polémique et passionné. Autant il a su préserver l’irénisme du philosophe dans ses écrits et son compor
634 sophe dans ses écrits et son comportement, autant il m’est arrivé de céder à la rabies theologica, ou simplement à mes hum
635 a rabies theologica, ou simplement à mes humeurs. Il se veut équitable en tout, soucieux de ne pas manquer ni du devoir so
636 r des causes, et tant pis pour moi. Ceci encore : il a tout lu et se souvient de tout, à l’instant où il le faut ; moi j’e
637 a tout lu et se souvient de tout, à l’instant où il le faut ; moi j’essaie de masquer des lacunes trop certaines. Enfin,
638 voyez heureux, tous scrupules apaisés : Que s’est- il donc passé dans l’entretemps ? Deux choses. D’abord, comme chaque foi
639 ngrate, mais sans conteste utile à la cité — dont elle illustre et renouvelle en notre temps la vocation. Enfin, au choix du
640 que doit pouvoir être rigoureuse sans être aride, elle peut satisfaire aux exigences de la science sans offenser la clarté.
641 core classique, mais déjà proche du baroque, dont elle épouse, telle une souple chlamyde, les formes et mouvements les plus
642 ouvements les plus subtils du complexe d’idées qu’ elle crée. C’est peut-être dans la rencontre de l’essayiste avec le phénom
643  : qu’on lise à cet égard l’importante préface qu’ il a donnée aux Noces et à Sueur de sang de Pierre-Jean Jouve ; mais aus
644 grands albums de Skira, ces images du xviiie qu’ il a choisies pour illustrer L’Invention de la liberté. On n’a pas mieux
645 n comme peu d’autres, ici et aujourd’hui, quoi qu’ il publie et sur quelque sujet qu’il ait choisi. C’est ici l’occasion de
646 rd’hui, quoi qu’il publie et sur quelque sujet qu’ il ait choisi. C’est ici l’occasion de lui adresser un éloge accessoire
647 adresser un éloge accessoire sans doute, mais qu’ il est aujourd’hui l’un des très rares à mériter : il n’a jamais cédé à
648 l est aujourd’hui l’un des très rares à mériter : il n’a jamais cédé à la mode jargonnante qui tyrannise nos soi-disant sc
649 revues de linguistique et de psychanalyse ! Mais il est temps d’en venir au grand essai sur l’inventeur des Essais qui co
650 ous invite à l’anticiper… Ce thème central, comme il l’indique lui-même, n’est autre que l’antithèse traditionnelle de l’ê
651 retrouve dans tous les livres de Starobinski, qu’ il s’agisse de littérature, d’esthétique, ou d’analyse des maladies de l
652 soir. L’essentiel en est annoncé dans le titre. Il ne s’agit nullement de biographie ni de critique proprement littérair
653 biographie ni de critique proprement littéraire. Il s’agit du mouvement créateur de la personne d’un écrivain, mouvement
654 té moi-même à moi, pour argument et pour sujet. » Il s’agit d’un réflexe de défense : il se sent menacé dans son identité
655 pour sujet. » Il s’agit d’un réflexe de défense : il se sent menacé dans son identité par les désordres de l’époque. Oyez
656 es de l’époque. Oyez plutôt, en vous souvenant qu’ il s’agit du xvie siècle, et non du nôtre ! « Tournons les yeux partout
657 es yeux partout ; tout croule autour de nous. […] Il semble que les astres mêmes ordonnent que nous avons assez duré… Le p
658 asse entière… mais sa dissipation »… On dirait qu’ il décrit l’ère atomique ! Que se passe-t-il en réalité en cette fin du
659 rait qu’il décrit l’ère atomique ! Que se passe-t- il en réalité en cette fin du xvie siècle ? Il se passe, et je cite ici
660 se-t-il en réalité en cette fin du xvie siècle ? Il se passe, et je cite ici Starobinski : « des luttes de princes pour l
661 dire, cours légal… Le mensonge se cache si peu qu’ il prend figure de convention universellement reçue ». Dans une telle cr
662 cière aux prises avec le mensonge universel. Mais il ne la connaît d’abord que par la force du refus instinctif des menson
663 s mensonges officiels, du « paraître ». Pourtant, il a bien vu l’insuffisance d’une attitude de refus pur et simple et de
664 long des « essais » qui couvrent son expérience, il va redécouvrir la vertu décisive de la « relation à autruy ». Il va r
665 ir la vertu décisive de la « relation à autruy ». Il va redécouvrir les vertus du paraître, en tant que manifestation sinc
666 rui, le langage et la chose publique, c’est ce qu’ il nomme la dialectique ternaire de Montaigne : premier temps, le refus
667 ielle, dirions-nous, mais dans la seule mesure où elles sont maîtrisées, soumises à l’être, à la personne libre et responsabl
668 itico-religieux n’est pas de son ressort, mais qu’ il doit néanmoins avoir lieu. » Suivent des pages où il dénonce le proje
669 doit néanmoins avoir lieu. » Suivent des pages où il dénonce le projet scientiste hérité du xixe siècle : « L’illusion, n
670 e hérité du xixe siècle : « L’illusion, nous dit- il , consiste à croire que l’on a quitté le domaine incertain de la décis
671 ui de l’application infaillible d’un savoir. » Et il dénonce la perversité de nos prévisions sur l’avenir. Je cite encore 
672 un futur dont le triomphe est de faire oublier qu’ il est exercé à partir du présent par des hommes qui se trouvent enchaîn
673 es projets ou du bonheur à réaliser. » Ainsi, dit- il plus loin, « l’impératif de la croissance subordonne la vie actuelle
674 vie actuelle aux calculs de résultats futurs ». Il nous montre par là le « paraître » mensonger d’un avenir-robot qui no
675 e dissimule de la sorte pour nous faire croire qu’ elle nous est extérieure, pour n’avoir pas à s’avouer nôtre… Tout cela pro
676 air de ressemblance, qui est le sien. Ainsi va-t- il de Montaigne copiant les Anciens, de Starobinski interprétant Montaig
677 se veloutée, dans lequel nous parlant du monde qu’ il vit, et non plus d’un auteur-prétexte, il nous ferait voir son vrai m
678 onde qu’il vit, et non plus d’un auteur-prétexte, il nous ferait voir son vrai moi. Ce serait, j’en suis sûr, son chef-d’œ
27 1985, Articles divers (1982-1985). L’agora, condition première de la démocratie réelle (décembre 1984-janvier 1985)
679 ues et des idéaux communs. Pour former un groupe, il ne faut pas être trop ni trop peu. Il y a un optimum à trouver. Trop
680 citoyens peuvent échanger leurs vues, dialoguer. Elle est donc le fondement historique de la démocratie à l’européenne, en
681 ses responsabilités, d’abord en paroles, puis, s’ il convainc, si un groupe le choisit pour le représenter, par l’action p
682 dispensable de l’agora dans la vie d’une cité, et il a décrit les dispositions architecturales typiques de la place publiq
683 leurs liens jurés, leurs « foederationes »5, puis ils ont poursuivi leur voyage vers le nord, appelés par les villes rhénan
684 mension, que nous avons signalée tout à l’heure : il s’agit de trouver un optimum entre trop petit et trop grand. La dimen
685 chelle nationale, n’ayant que sa voix naturelle ? Il est évident qu’un Mussolini en 1922 ou surtout un Hitler dix ans plus
686 auraient jamais pu prendre ou garder le pouvoir s’ ils n’avaient pas disposé — et eux seuls — des haut-parleurs, c’est-à-dir
687 gne et aussi dans son Gouvernement de la Pologne, il ne cesse de rappeler l’idéal politique que représente pour lui le peu
688 ssemblé dans le « Temple de Saint-Pierre », comme il appelle la cathédrale jouant le rôle d’agora. Il ne cesse de désigner
689 il appelle la cathédrale jouant le rôle d’agora. Il ne cesse de désigner comme l’origine de la plupart des maux publics e
690 n’est assurée que par les petites dimensions, car elles seules permettent au citoyen de se faire entendre et de jouer un rôle
691 t aux hommes d’être libres dans la mesure même où ils peuvent assumer leur responsabilité civique. Voilà qui est simple et
692 is bien. Les vraies difficultés commencent lorsqu’ il s’agit d’appliquer ces principes à nos sociétés telles qu’elles sont
693 ’appliquer ces principes à nos sociétés telles qu’ elles sont devenues : démesurées en fait, qu’on le veuille ou non, par les
694 lus en plus vastes, lourdes et dispendieuses dont elles se sont chargées et dont elles abandonnent la responsabilité à l’État
695 dispendieuses dont elles se sont chargées et dont elles abandonnent la responsabilité à l’État, c’est-à-dire aux corps des te
696 régional, proportionné à la taille du groupe dont il veut être le lieu de rencontre. Un substitut écrit aux échanges vocau
697 ald, et que c’est par le mot « universitates » qu’ elles y sont désignées ? 5. L’historien E. Gagliardi estime que la Suisse
28 1985, Articles divers (1982-1985). Vocation culturelle de la Suisse en Europe (septembre 1985)
698 n radicale, par là même peut-être exemplaire : I. Elle est le modèle encore inégalé d’une communauté politique née de la lib
699 développement et ses institutions actuelles. II. Elle est aussi le seul pays d’Europe qui n’a pas de culture nationale — et
700 tiquité », écrit Ramuz. À quoi s’ajoute — si même il n’en résulte pas — le fait paradoxal aux yeux des modernes, que non p
701 ulturelle de l’Europe : du Moyen Âge à nos jours, elle n’a cessé d’illustrer la structure spécifiquement européenne de la fo
702 ce à d’autres foyers proches ou lointains — comme il advint à l’échelle de l’Europe. Dès le haut Moyen Âge et jusqu’au xxe
703 baroque dans l’Europe du Nord. Au xviiie siècle, il semble que de grands coups de vent européens raniment simultanément t
704 sur toute la littérature de langue germanique, qu’ elle va dominer sans conteste jusqu’à la fin du siècle, et qu’elle a contr
705 ner sans conteste jusqu’à la fin du siècle, et qu’ elle a contribué plus que toute autre circonstance à faire entrer dans la
706 rselle : Herder et Goethe vont découvrir, grâce à elle , Homère, Dante et Shakespeare — d’où les traductions de Lessing — tan
707 are — d’où les traductions de Lessing — tandis qu’ elle révélera aux romantiques les Nibelungen, les minnesänger et leurs maî
708 ur époque. Et Genève, oubliée depuis la Réforme ? Elle assiste aux combats homériques entre celui qui signe ses lettres « le
709 gne ses livres : « Rousseau, citoyen de Genève ». Elle fait des sciences physiques et naturelles, invente avec H. B. de Saus
710 ctable selon lui, de l’Europe des États-nations : il annonce la montée au pouvoir des « terribles simplificateurs » et déc
711 la pensée sereine et dominatrice de celui auquel il adressera, déjà en proie à sa démence inguérissable, un ultime appel
712 pas faute de le dire et de le répéter. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton — alors pas de milieu, ils at
713 se dégager de leur canton — alors pas de milieu, ils atteignent l’universel. Au fond de son trou l’homme de Disentis, de G
714 ège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’ il monte sur la montagne… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition d
715 vant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël. Il s’appelle Jakob Burckhardt ou, dans u
716 lle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël. Il s’appelle Jakob Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son
717 omaine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Et il est vrai que nos meilleurs esprits, hors du compartiment natal, iront
718 es : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ ils la dépassent c’est pour rejoindre immédiatement les grands courants c
719 e en quelque sorte ? Non, bien plutôt libres pour elle … 12. Selon le tableau établi par le sociologue belge Léo Moulin (Ca
29 1986, Articles divers (1982-1985). Interview avec Denis de Rougemont (1986)
720 gemont est un écrivain personnaliste et chrétien. Il n’est sans doute pas inutile de le rappeler, car l’immense succès de
721 pagnait, l’erreur des doctrines révolutionnaires. Il rejetait en bloc fascisme et communisme, mais s’en prenait aussi aux
722 ’en prenait aussi aux démocraties occidentales qu’ il jugeait rongées de l’intérieur par un individualisme délétère et dont
723 ividualisme délétère et dont la faiblesse, disait- il , les rendait impuissantes à résister aux tendances totalitaires. Cont
724 totalitaires. Contre cet individualisme négatif, il proclamait l’urgence d’un retour à la « commune mesure »17, par le bi
725 souvent prophétique et indiscutablement actuel20. Il n’était donc pas inopportun de demander à Denis de Rougemont de préci
726 onnaliste à créer. Quant à mes « condamnations », elles portaient beaucoup moins sur le marxisme que sur le stalinisme totali
727 , que nous avait révélés Arnaud Dandieu, alors qu’ ils n’étaient qu’à peine connus et pas encore traduits en français : il s
728 peine connus et pas encore traduits en français : il s’agit des écrits de 1842 à 1844 qui sont souvent admirables, surtout
729 de droite » contre les communistes. Au contraire, ils s’étaient beaucoup inspirés du bolchévisme et ils étaient expressémen
730 ils s’étaient beaucoup inspirés du bolchévisme et ils étaient expressément socialistes à l’origine. Ensuite il a pu y avoir
731 ent expressément socialistes à l’origine. Ensuite il a pu y avoir des conflits entre Hitler, Mussolini et Staline, mais ce
732 mais ce n’étaient pas des conflits fondamentaux. Ils étaient tous pour l’État d’abord, unitaire et centralisé : « Ein Volk
733 e prononcer continuellement, pas seulement lorsqu’ il vote, sur des choses qu’il connaît, qui intéressent directement sa vi
734 , pas seulement lorsqu’il vote, sur des choses qu’ il connaît, qui intéressent directement sa vie, celle de sa famille et,
735 ultra centralisée, modèle de l’État centraliste, il se développe des « syndicats intercommunaux à vocation multiple » (j’
736 que l’on voit tout le temps revenir en France : «  Il a été un grand serviteur de l’État ». C’est l’État qui est un service
737 munauté est une vérité vivante : les gens tels qu’ ils sont, en chair, en os et en esprit, qui doivent normalement partager
738 enance (cela commence déjà dans le règne animal). Ils sont du même pays, ils sont de la même langue, ils ont des liens de p
739 éjà dans le règne animal). Ils sont du même pays, ils sont de la même langue, ils ont des liens de parenté, ils ont des tra
740 ls sont du même pays, ils sont de la même langue, ils ont des liens de parenté, ils ont des traditions communes et des idéa
741 de la même langue, ils ont des liens de parenté, ils ont des traditions communes et des idéaux communs, ils forment un tis
742 nt des traditions communes et des idéaux communs, ils forment un tissu social, donc une communauté. Ils ne sont plus des in
743 ils forment un tissu social, donc une communauté. Ils ne sont plus des individus isolés, séparés. Ils sont « reliés ». Ils
744 . Ils ne sont plus des individus isolés, séparés. Ils sont « reliés ». Ils ont des prochains, non plus seulement des « vois
745 s individus isolés, séparés. Ils sont « reliés ». Ils ont des prochains, non plus seulement des « voisins inévitables », co
746 é beaucoup plus sur les éléments de communauté qu’ il présentait, des éléments pris par malheur au plus bas, par exemple da
747 comme on disait à l’époque. Cela voulait dire qu’ ils se réclamaient de la tradition de critique nietzschéenne, d’une criti
748 mun se trouve dans Par-delà le bien et le mal, où il est dit que tout va vers l’union de l’Europe, que les meilleurs espri
749 ’idéal des grands esprits : c’est seulement quand ils deviennent vieux et gâteux qu’ils deviennent nationalistes21. Parce q
750 seulement quand ils deviennent vieux et gâteux qu’ ils deviennent nationalistes21. Parce que nietzschéens, certains étaient
751 ue je considérais comme la meilleure de l’époque. Elle était dirigée par Paul Valéry, Léon-Paul Fargue et Valery Larbaud. Po
752 ce qui était traduit de Kierkegaard en français : il n’y avait à peu près rien. Mais j’ai trouvé une belle anthologie en a
753 ne lettre (je donne ce détail en passant parce qu’ il est amusant) de Georg Brandes, un philosophe danois, grand interprète
754 parler de Kierkegaard, professeur à Copenhague où il avait été le premier à donner des cours sur lui. Il écrivait souvent
755 avait été le premier à donner des cours sur lui. Il écrivait souvent à Nietzsche, et il lui dit dans une lettre qu’il y a
756 ours sur lui. Il écrivait souvent à Nietzsche, et il lui dit dans une lettre qu’il y avait deux hommes qu’il devait absolu
757 dit dans une lettre qu’il y avait deux hommes qu’ il devait absolument lire, l’un était Dostoïevski, l’autre Kierkegaard.
758 tait Dostoïevski, l’autre Kierkegaard. Que serait- il arrivé si Nietzsche n’était pas devenu fou juste un mois après avoir
759 onc avec Kierkegaard le protestantisme dans ce qu’ il avait de plus radical et révolutionnaire, tandis qu’en revenant à Cal
760 aut en couleur, qui s’appelait l’abbé Plaquevent. Il avait publié deux ou trois articles sensationnels dans Esprit dans
761 rticles sensationnels dans Esprit dans lesquels il montrait comment le mot personne a été conçu, a été imaginé, pour dés
762 Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit. Il n’y avait pas de terme grec qui convenait. Le Père, le Fils et le Sai
763 s et le Saint-Esprit étaient de même nature, mais il fallait les distinguer. Ils étaient un en trois. Comment dire cela ?
764 t de même nature, mais il fallait les distinguer. Ils étaient un en trois. Comment dire cela ? Ce fut le grand problème des
765 ngt-cinq ans plus tard au concile de Chalcédoine. Ils ont adopté le mot latin persona, qui désignait d’abord le rôle d’un a
766 sonne. L’esclave ne peut être une personne puisqu’ il n’est pas autonome. Cela indiquait très bien ce que nous cherchions,
767 s disions que, dans la démocratie individualiste, il n’y a plus rien pour résister aux tendances totalitaires, parce que l
768 prestidigitation. Un magicien hypnotise les gens. Il est sur la scène et il les appelle dans la salle. Il leur ordonne de
769 gicien hypnotise les gens. Il est sur la scène et il les appelle dans la salle. Il leur ordonne de faire des choses extrav
770 est sur la scène et il les appelle dans la salle. Il leur ordonne de faire des choses extravagantes, et ils les font devan
771 eur ordonne de faire des choses extravagantes, et ils les font devant tout le monde. Mais quelqu’un se lève dans la salle e
772 e. Mais quelqu’un se lève dans la salle et dit qu’ il est scandalisé de voir qu’on prive les hommes de leur volonté. Lui, o
773 s hommes de leur volonté. Lui, on ne l’aura pas ! Il dira non jusqu’au bout. Mais il est hypnotisé comme les autres. Le na
774 n ne l’aura pas ! Il dira non jusqu’au bout. Mais il est hypnotisé comme les autres. Le narrateur donne alors l’explicatio
775 l’explication : l’homme n’a pu résister parce qu’ il n’avait pas d’autre idée en tête que de dire non, ce qui fait qu’il n
776 utre idée en tête que de dire non, ce qui fait qu’ il n’avait plus aucune volonté, ou une volonté purement négative, une « 
777 te en 1945-1946, mais qui n’a jamais été publiée. Elle n’a que 120 pages, et depuis lors j’ai accumulé au moins 400 pages de
778 t : la fin justifie les moyens, dans la mesure où elle crée les moyens qui sont déterminés pour la rejoindre, elle seule. On
779 les moyens qui sont déterminés pour la rejoindre, elle seule. On a toujours triché avec cette phrase. On l’a appliquée à Rav
780 plus grande gloire de Dieu ». C’était mentir, car il tuait, en fait, pour la plus grande gloire des Guises. Mais cela n’at
781 pendant la guerre, qui évitait de parler de Dieu. Il avait peur de tomber dans le langage pieux et il parlait plutôt de l’
782 Il avait peur de tomber dans le langage pieux et il parlait plutôt de l’Absolu, ce qui l’avait rendu très populaire. L’Ab
783 . Moi, ça m’allait très bien d’appeler cela Dieu. Il n’y a qu’un Dieu pour tous les hommes. Qu’on le connaisse ou non, il
784 pour tous les hommes. Qu’on le connaisse ou non, il est là. Et il m’appelle. C’est cet appel qui crée la personne. Alors
785 hommes. Qu’on le connaisse ou non, il est là. Et il m’appelle. C’est cet appel qui crée la personne. Alors je dis qu’il f
786 t cet appel qui crée la personne. Alors je dis qu’ il faut aller vers l’Absolu, répondre à son appel, aller vers la fin qui
787 ans ce sens oui : radicalement anticollectiviste. Il n’existe pas deux hommes qui doivent faire le même chemin pour aller
788 ns la mesure où j’ai le courage d’avancer, puisqu’ elle est comme attachée à mon pied : elle n’éclaire rien, sauf si j’avance
789 ncer, puisqu’elle est comme attachée à mon pied : elle n’éclaire rien, sauf si j’avance. J’avance par la foi, et voilà le rô
790 ’une fin qui est encore indicible, mais qui agit. Il est bon qu’elle agisse, sans ça qu’est-ce qui me donnerait le courage
791 st encore indicible, mais qui agit. Il est bon qu’ elle agisse, sans ça qu’est-ce qui me donnerait le courage d’inventer mon
792 vide, je la réalise donc parmi les hommes, puisqu’ elle doit être tout acte. La personne est prise dans le mouvement même de
793 s, mon milieu… C’est téléologique pour chacun, qu’ il le sache ou non. Mais il vaut mieux le savoir, parce qu’alors on devi
794 ologique pour chacun, qu’il le sache ou non. Mais il vaut mieux le savoir, parce qu’alors on devient responsable, non seul
795 uée à l’échec structurellement et systémiquement. Elle ne peut pas réussir, puisque la seule révolution valable serait une r
796 rqué est Paul Valéry, que j’ai à peine rencontré. Il y en a d’autres que j’ai beaucoup mieux connus. Georges Bataille ? Ba
797 fait. Je l’ai connu au Collège de sociologie, qu’ il avait fondé avec Roger Caillois. On y faisait des communications auto
798 rapport avec certains écrivains personnalistes ? Il se trouve qu’à mon âge — j’aurai 78 ans dans un mois — eh bien, je ne
799 istian Jambet, qui se disent métaphysiciens. 20. Il convient pourtant de signaler les attaques de Bernard-Henri Lévy dans
800 21. Le passage de Par-delà le bien et le mal dont il est question est intégralement cité dans Vingt-huit siècles d’Europe
801 des grands esprits du siècle Nietzsche dit : « S’ ils appartinrent à une patrie, ce ne fut jamais que par les régions super
802 ce, ou aux heures de défaillance, ou l’âge venu : ils se reposaient d’eux-mêmes en devenant “patriotes”. Je songe à des hom
803 séjourna aux États-Unis de 1940 à 1946. Alors qu’ il était lieutenant dans l’armée suisse, il écrivit un article jugé inju
804 Alors qu’il était lieutenant dans l’armée suisse, il écrivit un article jugé injurieux par les autorités allemandes sur l’
805 torités allemandes sur l’entrée d’Hitler à Paris ( il parut le 17 juin 1940 dans La Gazette de Lausanne ). Cela suscita de
806 mais on préféra alors l’envoyer aux États-Unis où il travailla pour « La Voix de l’Amérique » en 1942 et 1943, enseigna à
30 1986, Articles divers (1982-1985). L’Europe des consciences (1986)
807 ols : « C’est un de nos meilleurs écrivains, mais il se perd dans les comités »… Combien d’autres ont dit ou écrit que mes
808 oup se posent à mon sujet : — Pourquoi s’occupe-t- il tant d’Europe unie, de régions, d’écologie, ou même, horribile dictu,
809 e dictu, de pacifisme ? Je passe donc aux aveux : ils ne seront pas complets, faute de temps, mais candides. Deux séries de
810 ute, dans l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Ils allaient lancer des revues comme Esprit , L’Ordre nouveau et Hic
811 ien, pour les raisons tout intérieures auxquelles il est temps que je vienne. Vers ma vingt-quatrième année, j’avais décou
812 Stentor. Nous retrouvions l’idéal d’Aristote, qu’ il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du même coup, et le modèl
813 là pour la doctrine. J’ai dit les conséquences qu’ elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles « perdu pour la littérature » ?
814 séquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ont- elles « perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non. De mon action eur
815 l’existence du Centre européen de la culture. Or il se trouve que ces deux petits écrits sont ceux dont, en les relisant,
816 ais aussi de la décolonisation au milieu du xxe , ils courent le risque d’être occupés demain, non seulement militairement,
817 l’Europe, qui a répandu sur toute la Terre ce qu’ elle nomme le Progrès, c’est-à-dire une civilisation technico-industrielle
818 ssons de côté les plus probables, qui sont, comme il est trop facile de l’imaginer, l’aggravation universelle des conflits
819 tériel. Et quelles sont les issues souhaitables ? Il en est une au moins — la seule peut-être — qui dépend de l’Europe et
820 gme de la souveraineté absolue des États-nations. Il est devenu parfaitement clair qu’on ne peut pas fonder l’union de l’E
821 s a été responsable de deux guerres mondialisées. Elle a été aussi l’agent mondialisant d’une forme de culture technico-scie
822 vec le génie propre des cultures non européennes. Il appartient donc à l’Europe de proposer le modèle d’une société respec
823 ste et dont le mieux qu’on puisse attendre est qu’ elle ne serve jamais à rien : nous sommes fous. Pourquoi notre avenir vaud
824 nous sommes fous. Pourquoi notre avenir vaudrait- il mieux que ce que nous sommes, nous qui le laissons faire, nous qui le
825 rise de conscience dont dépend notre avenir : car il sera ce que nous voulons au fond de nous-mêmes. Ce n’est qu’en chacun
826 d de nous-mêmes. Ce n’est qu’en chacun de nous qu’ il peut être sauvé. Denis de Rougemont 26 octobre 1982 ar. Rougemont
827 de Rougemont nous a quittés le 6 décembre 1985 ; il avait 79 ans. Pour saluer sa mémoire, voici le texte inédit de l’allo
828 mémoire, voici le texte inédit de l’allocution qu’ il prononça à Genève en octobre 1982, après qu’on lui eut remis le Grand
31 1994, Articles divers (1982-1985). Agora (1994)
829 citoyens puissent échanger leurs vues, dialoguer. Elle est donc le fondement historique de la démocratie à l’européenne, en
830 ses responsabilités, d’abord en paroles, puis, s’ il convainc, si un groupe le choisit pour le représenter, par l’action p
831 dispensable de l’agora dans la vie d’une cité, et il a décrit les dispositions architecturales typiques de la place publiq
832 imer leurs liens jurés, leurs foederationes, puis ils ont poursuivi leur voyage vers le Nord, appelés par les villes rhénan
833 que. La première règle est celle de la dimension. Il s’agit de trouver un optimum entre trop petit et trop grand. La dimen
834 t aux hommes d’être libres dans la mesure même où ils peuvent assumer leur responsabilité civique. Les vraies difficultés c
835 civique. Les vraies difficultés commencent lorsqu’ il s’agit d’appliquer ces principes à nos sociétés telles qu’elles sont
836 ’appliquer ces principes à nos sociétés telles qu’ elles sont devenues : démesurées en fait, qu’on le veuille ou non, par les
837 lus en plus vastes, lourdes et dispendieuses dont elles se sont chargées et dont elles abandonnent la responsabilité à l’État
838 dispendieuses dont elles se sont chargées et dont elles abandonnent la responsabilité à l’État, c’est-à-dire aux corps des te
839 se serrer la main à l’arrivée. On sent tout ce qu’ il manquerait d’humainement essentiel à de tels assemblages de reflets,
32 1994, Articles divers (1982-1985). URSS (1994)
840 essément prévue « pour une période transitoire ». Elle veut « établir sous forme d’un gouvernement fort, la dictature des tr
841 ». Inversant l’ordre des étapes prévues par Marx, elle donne la primauté à la révolution politique sur l’économique. Elle or
842 mauté à la révolution politique sur l’économique. Elle organise « la République des soviets de députés ouvriers, paysans et
843 résidant à Moscou. La Constitution de 1924 Elle traduit la formation de l’Union des républiques socialistes soviétiqu
844 ialistes soviétiques, ou URSS, proclamée en 1922. Elle définit l’État soviétique comme un régime de « libre fédération de pe
845 es républiques soviétiques qui pourront naître ». Elle est formée au départ de quatre républiques : Russie, Ukraine, Biéloru
846 comprend l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Géorgie). Elle comptera 6 républiques en 1924, 7 en 1929, 12 en 1936 et 15 ensuite.
847 t couramment appelée « Constitution de Staline ». Elle va durer quarante-et-un ans. Elle résulte d’une ambiguïté d’intention
848 n de Staline ». Elle va durer quarante-et-un ans. Elle résulte d’une ambiguïté d’intentions soigneusement maintenue tout au
849 ratique, observé sans réserve », et d’autre part, il dit « considérer comme son mérite de maintenir le régime de dictature
850 le fait voir l’analyse des principaux chapitres ( il y en a XIII) du texte officiel. Le chapitre Ier sur l’Organisation so
851 terrain [attenant à la maison] et sur ce terrain il possède en propre une maison d’habitation, le bétail productif, la vo
852 intervalles des sessions, devant le Présidium. » Il s’agit en fait du Conseil des ministres qui exerce (art. 77) toutes l
853 vailleurs, tant sociales que d’État » (art. 126). Il paraît évident que ce privilège de noyau dirigeant accordé au Parti r
854 e le moins, les autres droits. Quant aux devoirs, ils se ramènent à celui de « service militaire général » qui est une loi
855 ne révision de la Constitution « de Staline », qu’ elle modifie sur une centaine de points d’importance très inégale. Les pri
856 aines de millions de travailleurs, et quant au PC il a organisé 180 000 meetings de ses adhérents. Il est intéressant de r
857 il a organisé 180 000 meetings de ses adhérents. Il est intéressant de relever qu’au cours de ces débats, selon la presse
858 ctionnaire pour la tâche qui leur est assignée ». Il est certain — sinon clairement dit — que l’équilibre entre centralisa
859 mais tout comme les droits garantis aux citoyens, il est soumis à la restriction fondamentale posée par l’art. 39 : « L’ex
33 1996, Articles divers (1982-1985). « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (automne 1996)
860 crises dont tout le monde parle sont notre fait. Elles ne sont pas tombées du ciel. Mais voilà, l’homme aujourd’hui a une cu
861 vant tout ce qui arrive de mauvais dans le monde, il dit : « qu’est-ce qu’ils ont encore fait ? » « Ils » ou l’État ou les
862 de mauvais dans le monde, il dit : « qu’est-ce qu’ ils ont encore fait ? » « Ils » ou l’État ou les lois économiques, tout n
863 il dit : « qu’est-ce qu’ils ont encore fait ? » «  Ils  » ou l’État ou les lois économiques, tout nous est bon. Qu’est-ce qui
864 ns des citoyens. C’est une très vieille histoire. Elle est déjà racontée au chapitre III de la Genèse. Ève a mangé la pomme
865 gé la pomme et en a donné à Adam. Yahvé se fâche. Il vient en Eden, vers le soir, et appelle l’homme : « où es-tu ? » Adam
866 e sont cachés dans les arbres. C’est tout juste s’ ils ne disent pas : « je ne suis pas là ! » Yahvé les trouve et demande à
867 éduite ». Et le serpent, bien sûr, n’est plus là. Il n’est pas vrai de dire, aujourd’hui, que les centrales nucléaires « q
868 ment simplement les contradictions de nos désirs. Ils ne viennent que de là, que de nous ! Nous n’osons pas avouer nos vrai
869 te à s’en plaindre sans arrêt, avoir un roi — fût- il de Gaulle — quitte à lui couper la tête quand cela se présente. Je ne
870 e ne crois pas avec Rousseau que l’homme est bon. Il est bête et méchant, c’est dans ses chromosomes. Tout le problème pol
871 monde, je vais dans le sens de mon désir profond. Il se trouve que c’est le désir de la liberté, non de la puissance. Qu’a
872 e réaliser soi-même, pouvoir obéir à sa vocation. Il n’y a pas deux hommes semblables. Chaque homme doit se réaliser comme
873 ique, la bombe H et les États-nations souverains. Il va pouvoir faire avec cela de gigantesques folies. Un seul moyen de l
874 s communautés ont tous les avantages des grands : il suffit de voir les statistiques des Nations unies. Ils sont les premi
875 uffit de voir les statistiques des Nations unies. Ils sont les premiers pour le revenu par tête, le nombre de téléphones, d
876 ains, d’hôpitaux, d’écoles. Le seul désavantage : ils ne peuvent pas faire de grandes bêtises, donc de grandes guerres. Les
877 erres. Les hommes y sont plus heureux. Et surtout ils peuvent s’occuper de leurs affaires, prendre en main leur destin, ce
878 i est exclu dans les grands États. Autrement dit, ils peuvent faire de la politique, c’est-à-dire aménager eux-mêmes les re
879 Mon système fédéraliste est en somme très simple. Il consiste à faire correspondre la taille des tâches à accomplir avec c
880 i proposée aux mouvements écologiques français et il semble bien qu’ils l’aient adoptée. Si mon livre a apporté quelque ch
881 vements écologiques français et il semble bien qu’ ils l’aient adoptée. Si mon livre a apporté quelque chose de nouveau au d
882 e Tristan n’aime pas Iseut dans sa réalité. Ce qu’ il aime, c’est aimer, être aimé, être intoxiqué de la passion d’amour. L
883 Auden. Certains jeunes écrivains m’ont confié qu’ ils avaient renoncé à écrire tel roman déjà commencé, parce que m’ayant l
884 re tel roman déjà commencé, parce que m’ayant lu, ils savaient trop bien ce qu’ils faisaient. Dois-je me le reprocher ? Tou
885 arce que m’ayant lu, ils savaient trop bien ce qu’ ils faisaient. Dois-je me le reprocher ? Toute prise de conscience n’est-
886 me le reprocher ? Toute prise de conscience n’est- elle pas un progrès ? Ainsi le cas d’André Gide. Apprenant que je cherchai
887 s de toute urgence un studio et ne trouvais rien, il m’avait offert à l’improviste d’habiter avec ma femme, pour quelques
888 tibétain. Au milieu de la pièce pend un trapèze, il s’y appuie des deux mains, se balance en regardant nos valises et dit
889 habitez chez moi, qu’est-ce qu’on va dire ? » Et il répète à travers ses dents serrées : « qu’est-ce qu’on va dire ? » Je
890 rde bien de répondre, je m’amuse trop. Finalement il jette en riant : « on va dire que c’est un complot protestant ! » Cha
891 n complot protestant ! » Chaque matin qui suivit, il vint entrouvrir la porte capitonnée me demandant de passer chez lui p
892 nnée me demandant de passer chez lui pour causer. Il s’annonçait d’un profond « allô allô ». Il me dit un jour ces phrases
893 auser. Il s’annonçait d’un profond « allô allô ». Il me dit un jour ces phrases qui m’émurent profondément : « C’est dans
894 ent l’avoir été que cela n’a rien de surprenant : ils mettaient la femme, la Dame sur un piédestal, ils la voulaient inacce
895 ils mettaient la femme, la Dame sur un piédestal, ils la voulaient inaccessible, intouchable, divine ! Voilà un trait assez
896 e père est le maître qui interdit de la posséder. Il ne reste qu’à la diviniser. Mais on risque par la suite d’assimiler t
897 ormulons nos finalités et jugeons tout à partir d’ elles . En ce qui concerne les centrales nucléaires, je me suis exprimé on n
898 démontrait — ce qui est rigoureusement exclu — qu’ elles sont inoffensives, rentables et nécessaires, je serais contre parce q
899 ntables et nécessaires, je serais contre parce qu’ elles impliquent un État de plus en plus centralisé et policier. D’ailleurs
900 rs, je doute qu’on continue à en construire et qu’ elles fonctionnent. Je lutte surtout pour qu’on cherche autre chose, qu’on
901 ts freinent la recherche dans ce domaine. Tant qu’ ils n’auront pas trouvé le moyen d’intercaler un compteur entre le soleil
902 aler un compteur entre le soleil et les citoyens, ils nous répéteront — et c’est un mensonge — qu’il faut vingt ans encore
903 , ils nous répéteront — et c’est un mensonge — qu’ il faut vingt ans encore pour que l’énergie solaire soit compétitive. Pe
904 veugle comme une taupe et s’ennuyait tellement qu’ il voulait voir mourir les hommes afin de lui tenir compagnie. Zeus qu’H
905 cs le litre d’ici 1990 ? Comme dit Max Frisch : «  il ne suffit pas de ne pas avoir d’idées pour être réaliste ». ax. Ro