1
t apporter de la sorte à l’Europe une et diverse.
Ma
première intervention relevait quelque peu de la provocation. Elle ri
2
e vider d’avance un tel colloque de son contenu :
je
niais l’existence de « cultures nationales », pour affirmer l’existen
3
é même. L’affaire pouvait paraître liquidée… Mais
je
ne peux pas m’en tenir là. J’ai réfléchi à ce que vous avez dit ici,
4
re pouvait paraître liquidée… Mais je ne peux pas
m’
en tenir là. J’ai réfléchi à ce que vous avez dit ici, les uns et les
5
ître liquidée… Mais je ne peux pas m’en tenir là.
J’
ai réfléchi à ce que vous avez dit ici, les uns et les autres. J’ai ap
6
ce que vous avez dit ici, les uns et les autres.
J’
ai aperçu de nouvelles manières, non pas d’établir des compromis mais
7
de tourner, à certains égards, l’interdiction que
j’
avais posée au départ, en parlant de l’inexistence, voire de l’impossi
8
’est la première question. Or, il faut dialoguer,
j’
en suis convaincu depuis une cinquantaine d’années que j’écris et que
9
is convaincu depuis une cinquantaine d’années que
j’
écris et que je parle sur des questions européennes. Pourquoi est-ce q
10
puis une cinquantaine d’années que j’écris et que
je
parle sur des questions européennes. Pourquoi est-ce qu’il nous faut
11
oir faire un cercle carré ou c’est vouloir, comme
je
l’ai dit souvent, fonder une amicale des misanthropes. On peut écrire
12
ifficultés et d’où aussi les solutions possibles.
J’
ajoute que, pour moi, faire une fédération de l’Europe, une union réel
13
aussi les solutions possibles. J’ajoute que, pour
moi
, faire une fédération de l’Europe, une union réelle sur la base de la
14
de quelque chose de plus important que l’Europe,
je
veux dire de la Paix. Les divers travaux que j’ai pu entendre ici m’o
15
, je veux dire de la Paix. Les divers travaux que
j’
ai pu entendre ici m’ont permis d’entrevoir comment on pourrait tout d
16
Paix. Les divers travaux que j’ai pu entendre ici
m’
ont permis d’entrevoir comment on pourrait tout de même rendre un cert
17
ertaines circonstances historiques bien définies.
Je
ne retire pas ma condamnation en général de l’expression de culture n
18
ances historiques bien définies. Je ne retire pas
ma
condamnation en général de l’expression de culture nationale : l’Euro
19
re de notre ère par la confluence des sources que
j’
ai énumérées tout à l’heure, alors que les plus anciens États que l’on
20
contemporaines. Voilà un premier cas, sur lequel
je
reviendrai, de pays dont la culture se confond avec l’identité nation
21
siècle pour voir se former les premiers États que
j’
ai appelés États-nations. C’est la France de Philippe le Bel, l’Espagn
22
res nationales » ne soit pas vidée de tout sens ?
Je
vais vous le dire en trois mots. Ces sources de la culture commune de
23
sibles dans le dialogue que nous souhaitons tous.
Je
vous en donnerai ici quelques exemples, portant surtout sur l’usage q
24
édéralisme, sur l’éthique du fédéralisme, devrais-
je
dire. Il y a aussi la Pologne et la Roumanie, qu’il faut citer parmi
25
ie, qu’il faut citer parmi les anciens États. Là,
je
vois de nouveau deux cas inverses très intéressants. La Pologne a pou
26
nçaise qui a fait la France, sans jamais obtenir,
je
crois, le libre consentement des parties annexées. Ça a été fait par
27
tat-nation, faite pour et par l’État-nation. Cela
me
rappelle une phrase souvent répétée par Michel Debré, qu’il a encore
28
la Vienne des trente premières années du siècle.
Je
pense que Vienne était, plus peut-être que Paris, le centre de la civ
29
ttérature, qui s’est développée autour de Vienne,
j’
englobe ici tous ceux qui ont relevé de l’Empire « K. und K. » : Rilke
30
. Il s’agit de cette harmonie dont parlait ce que
j’
oserai appeler le premier slogan européen, cette pensée d’Héraclite qu
31
tralisé par l’autre. Ceci nous amène à l’idée que
je
voulais introduire, celle du dialogue. Du dialogue nécessaire. Les mo
32
. Du dialogue nécessaire. Les moyens du dialogue,
je
crois que je les ai indiqués, c’est cette culture une et diverse qui
33
nécessaire. Les moyens du dialogue, je crois que
je
les ai indiqués, c’est cette culture une et diverse qui permet à tout
34
Dialogue des cultures que nous souhaitons tous ?
Je
ne vais pas vous faire ici un long topo. J’aimerais simplement propos
35
ous ? Je ne vais pas vous faire ici un long topo.
J’
aimerais simplement proposer une ou deux pistes de réflexion. Cela pou
36
Cela pourrait être le sujet d’un autre colloque.
Je
crois que la condition de tout dialogue entre les différentes nations
37
e tout dialogue entre les différentes nations que
j’
ai énumérées, avec toutes leurs diversités, c’est la reconnaissance du
38
ean Monnet le proposait. On n’y est pas arrivé et
je
ne pense pas qu’on y arrivera dans les années qui suivent, parce que
39
l’intendance, ils devaient suivre. Suivre quoi ?
Je
réponds : les finalités les plus hautes de la culture, de l’homme. En
40
contre les nationalismes fauteurs de guerres. Il
me
semble que c’est un terrain sur lequel la responsabilité de la cultur
41
éonien qui a été copié presque par tout le monde.
Je
l’ai dit il y a longtemps, « c’est avec la poussière des individus qu
42
iques et les fusées occidentales ? C’est ce qu’on
m’
a répondu récemment à Paris, lorsque je demandais aux responsables de
43
t ce qu’on m’a répondu récemment à Paris, lorsque
je
demandais aux responsables de la production électrique quel serait l’
44
pourrait arriver à Creys-Malville. On a refusé de
me
répondre en me disant que la probabilité était faible, et qu’il exist
45
r à Creys-Malville. On a refusé de me répondre en
me
disant que la probabilité était faible, et qu’il existait une menace
46
aient pas les Français tirer les premiers. Voilà,
m’
expliquait-on, qui provoquerait une série d’explosions cent fois plus
47
nt majeur de Creys-Malville. Est-ce qu’on pensait
me
rassurer ? Et, comme par hasard, d’une façon générale, on installe to
48
e… Finalement, êtes-vous de gauche ou de droite ?
Je
vais vous répondre par cette formule d’Ortega y Gasset que je trouve
49
répondre par cette formule d’Ortega y Gasset que
je
trouve superbement adaptée à votre question : « Être de gauche ou de
50
été commence quand l’homme se demande : ‘Que puis-
je
faire ?’”. Envers et contre tous les embrigadements et toutes les mod
51
interview que vous avez publiée le 25 mars et que
j’
avais accordée à Richard Labévière, il y a plusieurs mois, se sont gli
52
usieurs mois, se sont glissées deux erreurs qu’il
me
paraît absolument nécessaire de rectifier : 1. Dans la présentation e
53
tation en caractères gras, l’omission de dix mots
me
fait dire exactement le contraire de ce que j’ai dit et souvent écrit
54
ts me fait dire exactement le contraire de ce que
j’
ai dit et souvent écrit. Voici la phrase telle qu’elle doit être lue :
55
l arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-
je
faire ? » » Les dix mots soulignés ont été omis. 2. À l’avant-dernièr
56
urgénérateur de Creys-Malville : il est exact que
j’
ai mentionné le refus de réponse que m’ont opposé les responsables de
57
exact que j’ai mentionné le refus de réponse que
m’
ont opposé les responsables de l’EDF, affirmant que la probabilité d’a
58
iennent compte. Mais ce ne sont pas les mêmes qui
m’
ont opposé le danger « cent fois plus grand » présenté par les fusées
59
ancien haut-commissaire à l’énergie atomique. Il
m’
a paru important de préciser qu’une révélation aussi sensationnelle pr
60
lexe : Denis de Rougemont (écrivain) Ce n’est pas
mon
domaine. Pas d’opinion à ce sujet. i. Rougemont Denis de, « [Répon
61
la volonté de défense de l’Occident. À tout cela,
j’
ai envie de répondre que cette campagne contre les pacifistes est elle
62
ot des grands, des puissants contre les peuples ?
Je
ne dirai jamais cela. Il n’existe pas de complot conscient, cynique.
63
a. Il n’existe pas de complot conscient, cynique.
Je
suis persuadé que les dirigeants de l’URSS et des États-Unis sont con
64
c’est de la folie ! Le groupe de Bellerive — que
j’
ai contribué à fonder et qui comprend des savants atomistes de premier
65
deviennent encore plus grandes, plus puissantes.
Je
ne nie pas qu’il y ait des tentatives de manipulation dont les pacifi
66
tentatives de manipulation dont les pacifistes de
mon
espèce sont conscients et qu’ils dénoncent, mais l’idée que ces manif
67
à de nombreux pays de se procurer la bombe. Cela
me
paraît plus dangereux que le pacifisme. Alors, que faire ? Il n’y a q
68
moyen d’éviter la tempête nucléaire en Europe, à
mon
sens et à celui de mes amis : l’élimination de toutes les armes atomi
69
ête nucléaire en Europe, à mon sens et à celui de
mes
amis : l’élimination de toutes les armes atomiques de notre continent
70
les armes atomiques de notre continent. Et cela,
je
le dis avec toute ma conviction. Je pense que si les Soviétiques étai
71
de notre continent. Et cela, je le dis avec toute
ma
conviction. Je pense que si les Soviétiques étaient jamais tentés d’o
72
ent. Et cela, je le dis avec toute ma conviction.
Je
pense que si les Soviétiques étaient jamais tentés d’occuper l’Europe
73
vaste surface ; la nôtre est dix fois plus dense.
J’
en viens à la Suisse. C’est sans doute le pays le mieux placé pour évi
74
, il faudrait aussi recourir à la défense civile.
J’
ai fait naguère une proposition qui est peut-être moins comique qu’il
75
e constituer une alternative à la défense armée ?
Je
suis persuadé que la non-violence est la seule réponse vraiment humai
76
s lors renoncer à l’armée suisse ? Non, parce que
je
ne pense pas que notre défense militaire puisse être considérée comme
77
devant cette possibilité parfaitement réelle, il
me
semble que seule l’attitude radicalement contraire, la non-violence,
78
lement contraire, la non-violence, soit correcte.
J’
irai jusqu’à avancer ceci : les seuls qui soient sûrs d’avoir raison s
79
ers. Seriez-vous prêt à le dire pour notre pays ?
Je
n’y suis pas encore prêt. Pour vous parler sincèrement, je sens, je s
80
is pas encore prêt. Pour vous parler sincèrement,
je
sens, je sais, je vois ce que serait la seule position absolument ten
81
core prêt. Pour vous parler sincèrement, je sens,
je
sais, je vois ce que serait la seule position absolument tenable — qu
82
. Pour vous parler sincèrement, je sens, je sais,
je
vois ce que serait la seule position absolument tenable — quitte à ce
83
ire désarmons-nous et offrons nos poitrines nues.
Je
crois qu’il y aurait là un moyen de dissuasion formidable. Cependant,
84
devait éclater dans deux mois, ou dans deux ans,
je
me demande si nous aurions le temps de préparer techniquement cette d
85
vait éclater dans deux mois, ou dans deux ans, je
me
demande si nous aurions le temps de préparer techniquement cette défe
86
us voudriez donc qu’on organise la non-violence ?
Je
voudrais que les meilleurs esprits de ce temps se mettent à imaginer
87
ent à imaginer des procédés de résistance au mal.
J’
ai été frappé, depuis longtemps, par ces deux versets des Proverbes (P
88
un compromis, sans nul doute, mais pour le moment
je
ne peux pas aller plus loin. j. Rougemont Denis de, « [Entretien]
89
u 26 avril (n° 911) écrit, à propos du procès que
j’
ai intenté à Dominique Grisoni : Le malentendu était à son comble. Ro
90
laient faire le procès des années 1930. En fait,
j’
attaquais Grisoni sur une phrase parue dans Lu, selon laquelle, lors d
91
Race, de la Terre et de la Nation. Le procès qui
m’
était fait n’était donc pas celui « des années 1930 ». Il portait sur
92
onc pas celui « des années 1930 ». Il portait sur
mon
action personnelle en juin 1940. Juin 1940, c’est « pendant la guerre
93
6 et l’appel du général de Gaulle le matin du 18,
je
publiais en Suisse, où j’étais mobilisé comme officier, un article su
94
Gaulle le matin du 18, je publiais en Suisse, où
j’
étais mobilisé comme officier, un article sur l’entrée de Hitler à Par
95
r, un article sur l’entrée de Hitler à Paris, qui
me
valut, le 20 juin, une condamnation à quinze jours de forteresse, au
96
suite à tous les écrits dans lesquels, dès 1932,
je
n’ai cessé d’attaquer les totalitaires, noirs, rouges ou bruns, et le
97
« fascisme à la française », expression créée par
moi
en 1936 dans la revue personnaliste L’Ordre nouveau . l. Rougemon
98
sponsables — l’un n’allant pas sans l’autre comme
je
le répète depuis un peu plus d’un demi-siècle. 4. Il existe une demi-
99
présents, à des degrés inégaux. La définition que
je
propose est peut-être la plus compréhensive ou englobante : la région
100
ticulièrement des régions ? Ces dernières années,
j’
ai proposé à Ecoropa de s’occuper des régions, d’établir un réseau ent
101
égionaliste. Cette idée n’était pas nouvelle pour
moi
. En effet, lorsque je suis arrivé à Paris en 1931, j’ai fait la conna
102
n’était pas nouvelle pour moi. En effet, lorsque
je
suis arrivé à Paris en 1931, j’ai fait la connaissance d’une trentain
103
En effet, lorsque je suis arrivé à Paris en 1931,
j’
ai fait la connaissance d’une trentaine de jeunes gens de mon âge, ent
104
la connaissance d’une trentaine de jeunes gens de
mon
âge, entre 25 et 30 ans, qui se rencontraient en un petit groupe de d
105
set d’un psaume dit : « Ta parole est une lampe à
mes
pieds, une lumière sur mon sentier. » Cette vocation doit se manifest
106
parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur
mon
sentier. » Cette vocation doit se manifester et elle se manifeste par
107
lève plus de l’horticulture que de la mécanique !
J’
aime beaucoup la définition qui a été donnée par un sénateur américain
108
ce lac est en train d’en crever. Mais cela, c’est
ma
femme qui s’en occupe ! Il me semble, parfois, que cette frontière fr
109
r. Mais cela, c’est ma femme qui s’en occupe ! Il
me
semble, parfois, que cette frontière franco-suisse autour de Genève e
110
type 1901 en France ? C’est pour cette raison que
j’
appelle cela et je suis pour la pluralité des allégeances. Je suis pou
111
e ? C’est pour cette raison que j’appelle cela et
je
suis pour la pluralité des allégeances. Je suis pour des régions « à
112
ela et je suis pour la pluralité des allégeances.
Je
suis pour des régions « à géométrie variable », suivant la fonction q
113
représentation. La pluralité des allégeances est
ma
théorie favorite. Par exemple, je suis né dans le canton de Neuchâtel
114
allégeances est ma théorie favorite. Par exemple,
je
suis né dans le canton de Neuchâtel qui est ma patrie. Je me trouve d
115
e, je suis né dans le canton de Neuchâtel qui est
ma
patrie. Je me trouve donc automatiquement citoyen suisse. Mais j’appa
116
né dans le canton de Neuchâtel qui est ma patrie.
Je
me trouve donc automatiquement citoyen suisse. Mais j’appartiens à la
117
dans le canton de Neuchâtel qui est ma patrie. Je
me
trouve donc automatiquement citoyen suisse. Mais j’appartiens à la Su
118
trouve donc automatiquement citoyen suisse. Mais
j’
appartiens à la Suisse qui parle français et je fais partie de la comm
119
is j’appartiens à la Suisse qui parle français et
je
fais partie de la communauté francophone : la France, une partie de l
120
de l’Afrique et quelques îles de l’Océanie. C’est
ma
communauté en tant qu’écrivain. Je suis protestant et j’appartiens do
121
Océanie. C’est ma communauté en tant qu’écrivain.
Je
suis protestant et j’appartiens donc aussi à une autre communauté qui
122
unauté en tant qu’écrivain. Je suis protestant et
j’
appartiens donc aussi à une autre communauté qui est mondiale et n’a p
123
i est mondiale et n’a pas de frontière délimitée.
J’
appartiens à l’école personnaliste et à diverses associations… Si un f
124
iste et à diverses associations… Si un fou venait
me
dire : tout cela ne peut pas continuer, il faut donner la même fronti
125
ner la même frontière à toutes ces activités, là,
je
crierai « au fou ! » Mais ces fous existent : Staline, Hitler et d’au
126
l’être humain ! C’est impossible… Pour l’Europe,
je
vois donc une fédération de régions, une fédération continentale euro
127
oites de 300 km de long au tire-ligne. Un jour où
j’
en parlais avec un ministre de la Haute-Volta, il me dit : Vous ne co
128
en parlais avec un ministre de la Haute-Volta, il
me
dit : Vous ne connaissez pas le pire. Quand la décolonisation s’est
129
e se base sur une certaine conception de l’homme.
Je
suis pour la région à cause de ma conception personnaliste de l’homme
130
ion de l’homme. Je suis pour la région à cause de
ma
conception personnaliste de l’homme. Mais aussi à cause des conséquen
131
abilités. Malheureusement, cette idée est d’un de
mes
compatriotes, Benjamin Constant. C’est ce qu’il a nommé « le libérali
132
t ce qui conduit tout droit à l’État totalitaire.
J’
ai écrit dans un de mes livres : « C’est avec la poussière des individ
133
droit à l’État totalitaire. J’ai écrit dans un de
mes
livres : « C’est avec la poussière des individus que l’État fera son
134
les États-nations ? Oui, c’est exactement ce que
je
pense. La compétition relève de ce qui n’est pas la vocation. À ce su
135
ntement pour constituer cette Europe des régions.
Je
ne vois l’Europe possible que sur la base des régions. C’est ce que j
136
ossible que sur la base des régions. C’est ce que
j’
avais proposé à Ecoropa : des régions qui se forment spontanément un p
137
ation. La vraie révolution vient d’en bas. Ce qui
me
donne un peu confiance dans le nouveau régime français c’est que les
138
r se relever du centralisme de Monsieur Napoléon.
Moi
, je trouve que trois générations, c’est être très optimiste car, de n
139
relever du centralisme de Monsieur Napoléon. Moi,
je
trouve que trois générations, c’est être très optimiste car, de nos j
140
devienne normale, mais simplement possible. Quand
j’
ai commencé à reparler systématiquement des régions, cela a beaucoup é
141
is qui n’en a aucune idée exacte : Debré a traité
mon
livre de « livre infâme » ! Pour conclure, je vais vous citer une phr
142
té mon livre de « livre infâme » ! Pour conclure,
je
vais vous citer une phrase que j’ai écrite et que j’aime beaucoup : «
143
Pour conclure, je vais vous citer une phrase que
j’
ai écrite et que j’aime beaucoup : « la puissance, c’est le pouvoir qu
144
vais vous citer une phrase que j’ai écrite et que
j’
aime beaucoup : « la puissance, c’est le pouvoir que l’on prend sur au
145
nés les États-nations et les États totalitaires.
Je
ne cesse de répéter que la seule force des États totalitaires, c’est
146
circonstances votre vocation s’est-elle décidée ?
Je
crois qu’il faut remonter, pour distinguer l’appel que signifie toute
147
stinguer l’appel que signifie toute vocation — et
je
suis très attaché à cette notion qui constitue, soit dit en passant,
148
, soit dit en passant, le thème du seul roman que
j’
aie jamais écrit — à mes années de formation, entre 15 et 25 ans. Dès
149
le thème du seul roman que j’aie jamais écrit — à
mes
années de formation, entre 15 et 25 ans. Dès mon adolescence, ce qui
150
mes années de formation, entre 15 et 25 ans. Dès
mon
adolescence, ce qui comptait essentiellement, à mes yeux, c’était la
151
n adolescence, ce qui comptait essentiellement, à
mes
yeux, c’était la littérature. Auparavant, j’avais pensé, curieusement
152
, à mes yeux, c’était la littérature. Auparavant,
j’
avais pensé, curieusement, que je deviendrais un grand chimiste. Je m’
153
ure. Auparavant, j’avais pensé, curieusement, que
je
deviendrais un grand chimiste. Je m’y étais exercé dans un laboratoir
154
rieusement, que je deviendrais un grand chimiste.
Je
m’y étais exercé dans un laboratoire improvisé, chez mes parents, mai
155
usement, que je deviendrais un grand chimiste. Je
m’
y étais exercé dans un laboratoire improvisé, chez mes parents, mais a
156
étais exercé dans un laboratoire improvisé, chez
mes
parents, mais après trois leçons de chimie, au Gymnase de Neuchâtel,
157
trois leçons de chimie, au Gymnase de Neuchâtel,
j’
ai compris que ce n’était pas tout à fait ça… Donc je ne jurais que pa
158
i compris que ce n’était pas tout à fait ça… Donc
je
ne jurais que par la littérature, à commencer par la poésie. Dans les
159
e, à commencer par la poésie. Dans les poèmes que
j’
écrivais alors, j’étais influencé par les symbolistes, et Rimbaud surt
160
la poésie. Dans les poèmes que j’écrivais alors,
j’
étais influencé par les symbolistes, et Rimbaud surtout me fascinait,
161
influencé par les symbolistes, et Rimbaud surtout
me
fascinait, avant que je ne découvre les surréalistes. Mon premier art
162
istes, et Rimbaud surtout me fascinait, avant que
je
ne découvre les surréalistes. Mon premier article, publié à l’âge de
163
inait, avant que je ne découvre les surréalistes.
Mon
premier article, publié à l’âge de 17 ans, dans la Semaine littéraire
164
tait consacré à Montherlant et le football, comme
j’
étais moi-même un adepte entêté de ce sport. Puis je suis entré en let
165
étais moi-même un adepte entêté de ce sport. Puis
je
suis entré en lettres, à l’Université de Neuchâtel qui était, à mon s
166
lettres, à l’Université de Neuchâtel qui était, à
mon
sens, la meilleure du monde, parce que la plus minuscule. On y avait
167
ables ! Une époque bouillonnante Après cela,
j’
ai voyagé. J’ai passé un an à l’Université de Vienne, où l’on ne me vo
168
époque bouillonnante Après cela, j’ai voyagé.
J’
ai passé un an à l’Université de Vienne, où l’on ne me voyait guère à
169
passé un an à l’Université de Vienne, où l’on ne
me
voyait guère à vrai dire, tant ma vie sentimentale était alors tumult
170
nne, où l’on ne me voyait guère à vrai dire, tant
ma
vie sentimentale était alors tumultueuse. Je fis aussi de longs séjou
171
tant ma vie sentimentale était alors tumultueuse.
Je
fis aussi de longs séjours en Hongrie. J’étais complètement envoûté p
172
tueuse. Je fis aussi de longs séjours en Hongrie.
J’
étais complètement envoûté par cette atmosphère passionnelle de l’Euro
173
climat dans Le Paysan du Danube . En même temps,
j’
écrivais des essais tout ce qu’il y a de plus sages. Dans l’un d’entre
174
n d’entre eux, intitulé « Adieu beau désordre… »,
je
blâmais le « désordre cherché » de la littérature à la mode, où le su
175
er les problèmes de la crise naissante. Ce qui ne
m’
empêchait nullement, par ailleurs, de signer des pamphlets d’une extrê
176
e l’instruction publique . Quoi ou il en soit, il
me
semblait important d’en venir à une littérature fondée spirituellemen
177
ement. Après une crise sentimentale très dure qui
me
brisa en quatre morceaux, je gagnai Paris au début des années 1930, o
178
entale très dure qui me brisa en quatre morceaux,
je
gagnai Paris au début des années 1930, où l’on m’offrait de diriger u
179
je gagnai Paris au début des années 1930, où l’on
m’
offrait de diriger une maison d’édition. Dès ce moment-là, j’ai été pl
180
e diriger une maison d’édition. Dès ce moment-là,
j’
ai été plongé dans un bouillonnement d’idées que je n’ai jamais retrou
181
’ai été plongé dans un bouillonnement d’idées que
je
n’ai jamais retrouvé par la suite. D’une part, nous faisions découvri
182
rtir plusieurs revues — dont Esprit , à laquelle
je
collaborai très activement jusqu’à la guerre — et, surtout, les thèse
183
État-nation. Mais ce n’est qu’après la guerre que
je
me suis lancé dans l’action fédéraliste, laquelle m’occupe depuis que
184
t-nation. Mais ce n’est qu’après la guerre que je
me
suis lancé dans l’action fédéraliste, laquelle m’occupe depuis quelqu
185
me suis lancé dans l’action fédéraliste, laquelle
m’
occupe depuis quelque trente-cinq ans. Cela étant, je n’ai jamais cess
186
ccupe depuis quelque trente-cinq ans. Cela étant,
je
n’ai jamais cessé pour autant d’être écrivain. Pour l’instant, j’ai d
187
essé pour autant d’être écrivain. Pour l’instant,
j’
ai douze livres en chantier. À la suite de mon Journal d’une époque ,
188
ant, j’ai douze livres en chantier. À la suite de
mon
Journal d’une époque , devrait bientôt paraître le Journal d’un Euro
189
, portant sur ces trente dernières années. Enfin,
je
travaille toujours à l’ouvrage que je considère comme la clef de voût
190
ées. Enfin, je travaille toujours à l’ouvrage que
je
considère comme la clef de voûte de mon œuvre : une Morale du but où
191
uvrage que je considère comme la clef de voûte de
mon
œuvre : une Morale du but où se concentre l’essentiel de mon éthique
192
une Morale du but où se concentre l’essentiel de
mon
éthique d’homme et d’écrivain. o. Rougemont Denis de, « [Entretie
193
chel Moret (1983)v Qui auriez-vous aimé être ?
Moi
, mais pleinement réalisé. Le principal trait de votre caractère ? L’a
194
alternance admiration-indignation, moteur de tous
mes
écrits. La qualité préférée chez vos semblables ? La capacité d’amiti
195
-vous que l’homme soit capable de progrès moral ?
Je
ne sais. Je le souhaite. C’est le vrai sens de toute vie. Estimez-vou
196
homme soit capable de progrès moral ? Je ne sais.
Je
le souhaite. C’est le vrai sens de toute vie. Estimez-vous que, dans
197
ic au troc. Votre personnage historique préféré ?
Je
dirais Guillaume Tell, s’il était « historique ». Vos musiciens préfé
198
La montée vers la guerre nucléaire soulève en
moi
la même colère immense et sourde, et par moments presque désespérée,
199
et sourde, et par moments presque désespérée, qui
me
tenait dès 1933 devant la montée vers la guerre hitlérienne : aujourd
200
n ne se décide pas à tout changer tout de suite :
je
veux dire à détruire en même temps, des deux côtés, toutes les armes
201
partisans du désarmement nucléaire intégral, dont
je
suis. — Ils ont été traumatisés par la bombe d’Hiroshima. Vous non, s
202
clarée des prochaines conférences de Genève. Vous
me
répondrez que c’est impossible, car cela désorganiserait l’économie m
203
e : « plutôt la fin de l’Humanité que la ruine de
ma
société » ? Ou simplement : « plutôt morts que chômeurs » ? Cet « imp
204
s Soviétiques en seraient à 38 000, il est clair,
me
dit-on, qu’un effort gigantesque doit être demandé aux industries d’a
205
t relève d’un âge mental de joueurs de billes. Si
j’
ai trois billes (ou missiles) et toi six, j’ai raison d’être inquiet.
206
s. Si j’ai trois billes (ou missiles) et toi six,
j’
ai raison d’être inquiet. Mais si j’en ai 30 000 et toi 60 000, nous s
207
) et toi six, j’ai raison d’être inquiet. Mais si
j’
en ai 30 000 et toi 60 000, nous sommes « à égalité » à toutes fins ut
208
hes que vous préparez. Dans la tradition antique,
je
trouve ce dicton latin : Utinam vates falsus sim (Plaise au Ciel
209
: Utinam vates falsus sim (Plaise au Ciel que
je
sois faux prophète) Et dans la tradition biblique, ce soupir déchira
210
chirant du vrai prophète : Seigneur, tu le sais,
je
n’ai pas désiré le jour du malheur ! (Jérémie, 17.16) 1. « Poker
211
La Suisse et quelle Europe ? (1983)r
Mon
intervention dans ce colloque résulte d’un malentendu initial sur son
212
malentendu initial sur son titre. Parce que cela
me
convenait sans doute, j’avais cru comprendre qu’il s’agirait du probl
213
on titre. Parce que cela me convenait sans doute,
j’
avais cru comprendre qu’il s’agirait du problème global de la Suisse e
214
me global de la Suisse et de l’union de l’Europe.
J’
avais dit oui, bien sûr et bravo. Puis j’ai lu l’énoncé exact : La Sui
215
’Europe. J’avais dit oui, bien sûr et bravo. Puis
j’
ai lu l’énoncé exact : La Suisse et la CEE élargie, et j’ai tout de su
216
l’énoncé exact : La Suisse et la CEE élargie, et
j’
ai tout de suite fait savoir aux organisateurs que sur ce thème je n’a
217
te fait savoir aux organisateurs que sur ce thème
je
n’avais pas grand-chose à dire, sinon que son énoncé me paraissait bo
218
vais pas grand-chose à dire, sinon que son énoncé
me
paraissait boiteux. Il invite en effet à mettre en relation, il pose
219
up moins — que l’Europe unie. Les deux titres qui
me
sembleraient corrects et défendables seraient en conséquence : ou bie
220
sse et l’union de l’Europe Sur le premier titre,
j’
aurais tout de suite à observer ceci : que les réalités économiques qu
221
la Suisse, l’autre sur le continent européen. Or,
je
le répète, la Suisse n’est pas réductible à son économie, et prendre
222
La Suisse et l’union européennes Le sujet qui
m’
importe et m’intéresse au sens fort du terme, c’est la Suisse et l’uni
223
l’union européennes Le sujet qui m’importe et
m’
intéresse au sens fort du terme, c’est la Suisse et l’union européenne
224
erme, c’est la Suisse et l’union européenne. Car
je
suis (depuis trente-cinq ans) profondément convaincu de ces trois vér
225
de l’OTAN ou du pacte de Varsovie. Par ailleurs,
je
ne sais qui pourrait nous interdire d’innover dans ce domaine aussi,
226
trictement délimités par le traité de Rome, il ne
me
semble pas que des obstacles de principe s’opposent à une participati
227
r de pouvoirs élargis jusqu’à devenir fédéraux. À
mon
sens, c’est du côté du Conseil de l’Europe que la Suisse devrait dès
228
effort d’imagination, d’invention, d’innovation.
J’
y reviendrai. c) Je passerai sans m’y arrêter sur le modèle de super-É
229
on, d’invention, d’innovation. J’y reviendrai. c)
Je
passerai sans m’y arrêter sur le modèle de super-État européen, dont
230
d’innovation. J’y reviendrai. c) Je passerai sans
m’
y arrêter sur le modèle de super-État européen, dont personne ne veut
231
eneris, d’une innovation politique, pour laquelle
j’
ai proposé le nom d’Europe des régions. 4. État fédéral européen ou
232
quement suisse depuis les débuts du xvie siècle,
je
me bornerai à rappeler quelques évidences : a) La défense locale (gué
233
ment suisse depuis les débuts du xvie siècle, je
me
bornerai à rappeler quelques évidences : a) La défense locale (guéril
234
et l’adjectif « dissuasive » n’y change rien. Il
me
paraît que la Suisse, au lieu de mener un combat en retraite, et d’ac
235
nsi que l’a proposé ici même Mme Bauer-Lagier. On
m’
objecte que « la Suisse ne fait pas le poids », « qu’elle est trop pet
236
ds », « qu’elle est trop petite », etc. Mais dans
ma
longue carrière d’historien des idées, je n’ai jamais observé que la
237
is dans ma longue carrière d’historien des idées,
je
n’ai jamais observé que la justesse et la fécondité d’une seule idée
238
Suisse peut avoir recours au Conseil de l’Europe,
je
veux dire à sa Conférence des pouvoirs locaux et régionaux, qui a déj
239
ions d’Europe — et cela dans les termes mêmes que
j’
avais proposés dès 1972 dans mes articles, conférences et livres. Pour
240
s termes mêmes que j’avais proposés dès 1972 dans
mes
articles, conférences et livres. Pour ce qui est du dépassement de l’
241
ventuelle de la CEE et du CE ? C’est impensable !
me
dit-on de toutes parts. Essayons de voir pourquoi — et de le penser.
242
ion d’un gouvernement non pas « supranational » —
je
n’aime pas ce terme — mais réellement fédéral (ou confédéral, cela n’
243
t né de la rencontre absolument irrationnelle, et
j’
oserais dire antiprovidentielle, du Chaos et d’un fils du Chaos. C’est
244
à entraîner toute sa génération. C’est ainsi que
je
l’ai senti, éprouvé de tout l’être, enregistré au radar de quelque in
245
Francfort en proie au carnaval et à l’angoisse »,
je
parlais du « dernier carnaval de cette bourgeoisie dont je viens d’ad
246
s du « dernier carnaval de cette bourgeoisie dont
je
viens d’admirer les trésors patinés dans la haute demeure familiale d
247
onze mois plus tard exactement. Le 20 mars 1939,
j’
osais déclarer, dans une chronique du Figaro sur l’occupation de Pragu
248
la guerre, cinq mois plus tard. Le 17 juin 1940,
j’
écrivais dans un journal suisse : L’envahisseur avait prophétisé : «
249
: L’envahisseur avait prophétisé : « Le 15 juin
j’
entrerai dans Paris ». Il y entre en effet, mais ce n’est plus Paris.
250
entiment, devant ce qui fait la valeur de la vie…
Je
songe au chef de guerre qui traverse aujourd’hui ces rues les plus ém
251
Enfin, on peut lire dans La Part du diable , que
je
publiai à New York en 1942, trois ans avant la mort du Führer : Hitl
252
folle. « Vous voyez, crie-t-il, il faut bien que
je
fasse la guerre à la Pologne puisqu’on écrit des choses pareilles sur
253
Pologne puisqu’on écrit des choses pareilles sur
moi
. » C. J. Burckhardt lui demande pourquoi il attache tant d’importance
254
ce : « Pourquoi ? gémit le Führer, mais parce que
moi
je ne suis rien, je n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! J
255
« Pourquoi ? gémit le Führer, mais parce que moi
je
ne suis rien, je n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je n
256
it le Führer, mais parce que moi je ne suis rien,
je
n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je ne suis qu’un peti
257
, mais parce que moi je ne suis rien, je n’ai que
mon
prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je ne suis qu’un petit homme du co
258
suis rien, je n’ai que mon prestige vis-à-vis de
mon
peuple ! Je ne suis qu’un petit homme du commun ! Si je perds mon pre
259
e n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple !
Je
ne suis qu’un petit homme du commun ! Si je perds mon prestige, je pe
260
ple ! Je ne suis qu’un petit homme du commun ! Si
je
perds mon prestige, je perds tout ! Vous, monsieur Burckhardt, vous s
261
ne suis qu’un petit homme du commun ! Si je perds
mon
prestige, je perds tout ! Vous, monsieur Burckhardt, vous savez qui v
262
petit homme du commun ! Si je perds mon prestige,
je
perds tout ! Vous, monsieur Burckhardt, vous savez qui vous êtes, vou
263
Vous pourriez vous moquer d’un tel article. Mais
moi
je ne suis qu’un prolétaire ! » Ce prolétaire en uniforme, ce petit h
264
s pourriez vous moquer d’un tel article. Mais moi
je
ne suis qu’un prolétaire ! » Ce prolétaire en uniforme, ce petit homm
265
uvent déchoir dans un corps d’homme et l’occuper.
Je
l’ai entendu prononcer l’un de ses grands discours, et je l’ai vu à l
266
entendu prononcer l’un de ses grands discours, et
je
l’ai vu à la sortie de ce culte, debout dans sa voiture qui longeait
267
. Une seule chaîne de SS le séparait de la foule.
J’
étais au premier rang, à trois mètres de lui, marchant à la hauteur de
268
uteur de la voiture, les mains dans les poches de
mon
pardessus. Un bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon
269
ccasions analogues. Voilà le principal de ce que
je
sais sur Hitler, écrivais-je le lendemain dans mon journal. On peut r
270
principal de ce que je sais sur Hitler, écrivais-
je
le lendemain dans mon journal. On peut réfléchir là-dessus. Réfléchir
271
je sais sur Hitler, écrivais-je le lendemain dans
mon
journal. On peut réfléchir là-dessus. Réfléchir ou même délirer… On n
272
res catastrophes. Le Führer déclarait un jour : «
Je
ne crains pas les Ravaillac, parce que ma mission me protège. » Il fa
273
our : « Je ne crains pas les Ravaillac, parce que
ma
mission me protège. » Il faut croire un homme qui dit cela… D’où lui
274
ne crains pas les Ravaillac, parce que ma mission
me
protège. » Il faut croire un homme qui dit cela… D’où lui vient le po
275
’une puissance qui échappe à nos psychologies… On
me
demande sottement s’il est intelligent. Ne voit-on pas qu’un homme in
276
arrivera au pouvoir grâce à la crise démente que
j’
ai rappelée, anarchie spirituelle, chômage et inflation… Sa parole n’e
277
, renoué. Au sortir du discours de Francfort que
j’
entends et subis en 1936, j’écris ceci : Je me croyais à un meeting d
278
ours de Francfort que j’entends et subis en 1936,
j’
écris ceci : Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifest
279
t que j’entends et subis en 1936, j’écris ceci :
Je
me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique.
280
ue j’entends et subis en 1936, j’écris ceci : Je
me
croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique. Ma
281
, la grande cérémonie sacrale d’une religion dont
je
ne suis pas, et qui m’écrase et me repousse avec bien plus de puissan
282
acrale d’une religion dont je ne suis pas, et qui
m’
écrase et me repousse avec bien plus de puissance, même physique, que
283
religion dont je ne suis pas, et qui m’écrase et
me
repousse avec bien plus de puissance, même physique, que tous ces cor
284
physique, que tous ces corps horriblement tendus.
Je
suis seul et ils sont tous ensemble. Un désastre mondial Dès a
285
ent ? » L’explication de cette énigme réside pour
moi
dans l’évidence que voici : Adolf Hitler, mieux que les communistes e
286
sage que, de sa prison, à la veille de la guerre,
m’
avait fait passer un théologien anonyme dont j’ignore encore s’il étai
287
e, m’avait fait passer un théologien anonyme dont
j’
ignore encore s’il était chrétien ou juif, dévoilait le mystère profon
288
rale de notre temps. Tel fut son vrai Pouvoir, et
j’
écrivais alors : « Seul un prophète peut lui répondre ». Nous l’attend
289
onclusions (1984)ab La première conclusion que
je
tire de ce colloque de trois jours, c’est notre reconnaissance unanim
290
connaissance unanime pour la Fondation Veillon et
je
voudrais l’exprimer à celui des fils de Charles Veillon qui la représ
291
matin. Ce colloque n’a ressemblé à rien de ce que
j’
ai connu jusqu’ici. Vous savez comment il est né : de l’envoi à des ce
292
d’une circulaire exposant certaines des thèses de
mon
livre. Parmi les trois-cents réponses reçues, cent-cinquante ont paru
293
re conventionnel qui ne mord plus sur la réalité.
Je
voudrais donc, en votre nom à tous, féliciter vivement la Fondation V
294
peut-être pourront sortir quelques idées neuves.
Je
pense aussi que vous serez tous d’accord pour remercier la Fondation
295
ssin rhodanien. Lieu à tous égards privilégié, et
je
comprends que l’on ait eu l’idée d’y construire cette espèce de couve
296
ux d’avoir découvert. Cher Monsieur Veillon, puis-
je
vous prier de transmettre à vos frères ce vœu que ratifie ma profonde
297
er de transmettre à vos frères ce vœu que ratifie
ma
profonde gratitude. Je voudrais maintenant vous dire en quelques mots
298
frères ce vœu que ratifie ma profonde gratitude.
Je
voudrais maintenant vous dire en quelques mots la préhistoire de mon
299
nant vous dire en quelques mots la préhistoire de
mon
livre, puisque c’est lui qui est l’occasion de notre colloque. J’avai
300
e c’est lui qui est l’occasion de notre colloque.
J’
avais passé la première année de la guerre mobilisé dans l’armée suiss
301
ilisé dans l’armée suisse, mais dès octobre 1940,
je
fus envoyé en Amérique où j’étais sans doute moins gênant pour notre
302
is dès octobre 1940, je fus envoyé en Amérique où
j’
étais sans doute moins gênant pour notre neutralité, chargé d’une miss
303
ution de l’oratorio Nicolas de Flue à New York.
J’
ai publié là-bas un petit livre sur la Suisse, The Heart of Europe ,
304
petit livre sur la Suisse, The Heart of Europe ,
j’
ai travaillé à l’Office of War Information, section « La voix de l’Amé
305
La voix de l’Amérique parle aux Français », puis
j’
ai écrit encore deux ou trois livres, dont l’un sur le diable , et l’a
306
ur le diable , et l’autre sur la bombe atomique .
Je
suis rentré une première fois en Europe, au printemps de 1946, invité
307
et le traduire en union politique de nos peuples.
Je
suis retourné pour quelques mois aux États-Unis, puis rentré définiti
308
Unis, puis rentré définitivement en août 1947, et
j’
étais à peine installé près de Genève, quand j’ai reçu la visite de de
309
et j’étais à peine installé près de Genève, quand
j’
ai reçu la visite de deux amis, dont Alexandre Marc, que j’avais bien
310
la visite de deux amis, dont Alexandre Marc, que
j’
avais bien connu dans le mouvement personnaliste : ils m’ont jeté bon
311
bien connu dans le mouvement personnaliste : ils
m’
ont jeté bon gré mal gré dans l’action fédéraliste européenne, en m’of
312
mal gré dans l’action fédéraliste européenne, en
m’
offrant de tenir le discours inaugural du premier congrès des fédérali
313
tes européens, qui allait se dérouler à Montreux.
Je
me suis trouvé vraiment catapulté dans cette action. Comme j’étais un
314
européens, qui allait se dérouler à Montreux. Je
me
suis trouvé vraiment catapulté dans cette action. Comme j’étais un pe
315
rouvé vraiment catapulté dans cette action. Comme
j’
étais un peu responsable de la création du concept d’engagement de l’é
316
t encore dans les langes, politiquement parlant),
je
me suis senti « obligé », en quelque sorte. J’ai dit à mes amis : « J
317
ncore dans les langes, politiquement parlant), je
me
suis senti « obligé », en quelque sorte. J’ai dit à mes amis : « Je s
318
), je me suis senti « obligé », en quelque sorte.
J’
ai dit à mes amis : « Je suis prêt à donner deux ans de ma vie à la ca
319
is senti « obligé », en quelque sorte. J’ai dit à
mes
amis : « Je suis prêt à donner deux ans de ma vie à la cause européen
320
ligé », en quelque sorte. J’ai dit à mes amis : «
Je
suis prêt à donner deux ans de ma vie à la cause européenne, et tant
321
à mes amis : « Je suis prêt à donner deux ans de
ma
vie à la cause européenne, et tant pis pour mon œuvre littéraire… » E
322
de ma vie à la cause européenne, et tant pis pour
mon
œuvre littéraire… » Et me voilà : j’y suis encore après trente-trois
323
enne, et tant pis pour mon œuvre littéraire… » Et
me
voilà : j’y suis encore après trente-trois ans. Je dois avouer, cepen
324
nt pis pour mon œuvre littéraire… » Et me voilà :
j’
y suis encore après trente-trois ans. Je dois avouer, cependant, que j
325
e voilà : j’y suis encore après trente-trois ans.
Je
dois avouer, cependant, que je me suis arrangé pour écrire un peu, en
326
trente-trois ans. Je dois avouer, cependant, que
je
me suis arrangé pour écrire un peu, en marge de cette seule activité.
327
ente-trois ans. Je dois avouer, cependant, que je
me
suis arrangé pour écrire un peu, en marge de cette seule activité. De
328
ise, de l’Amérique, de la Suisse, ou seulement de
ma
famille neuchâteloise… Mais cela n’a pas été facile, car à la suite d
329
titutions, dont le Centre européen de la culture.
J’
ai été son directeur-fondateur à partir de 1949. Tout a dû être créé à
330
rarement quand on en vient à voter le budget. Or,
je
vous le disais hier : seul le budget ne ment pas. Quand les discours
331
23 de l’Europe de l’Ouest. Soit dit en passant :
j’
estime abusif que l’on parle aujourd’hui du Parlement européen pour dé
332
mais politiques et culturelles, par exemple. Or,
je
ne vois pas en quoi et pourquoi des gens qui sont d’excellents expert
333
n’est pas seulement une espèce de parenthèse que
je
referme maintenant, mais entre dans mon projet de vous expliquer comm
334
nthèse que je referme maintenant, mais entre dans
mon
projet de vous expliquer comment j’ai été appelé à écrire L’Avenir e
335
s entre dans mon projet de vous expliquer comment
j’
ai été appelé à écrire L’Avenir est notre affaire . Au cours de la d
336
s écologiques, de la préoccupation écologique qui
m’
a tout de suite paru capable de donner un sang nouveau au mouvement fé
337
our thème l’enseignement de l’écologie à l’école.
J’
ai senti qu’il y avait là un deuxième souffle pour les fédéralistes eu
338
enève dès 1962. De cette convergence est née dans
mon
esprit l’idée d’un slogan, offert par la suite aux groupements d’écol
339
gistes français, et qui est en somme un résumé de
mon
livre, c’est : « Écologie – régions – Europe fédérée : même avenir !
340
ogie – régions – Europe fédérée : même avenir ! »
J’
insiste sur même avenir, et non pas même combat comme on dit aujourd’h
341
s avenirs sont organiquement, génétiquement liés.
Je
ne saurais vous donner une juste idée des circonstances dans lesquell
342
une juste idée des circonstances dans lesquelles
mon
livre a pris naissance, sans rappeler une soirée mémorable chez un am
343
À partir de ce soir-là, tout s’est organisé dans
ma
tête vers cette synthèse d’économie, d’éthique et de politique europé
344
éaire : « Écologie – régions – Europe », — et qui
m’
a fait écrire mon livre. Je l’ai commencé en 1973 ; j’en avais écrit l
345
ie – régions – Europe », — et qui m’a fait écrire
mon
livre. Je l’ai commencé en 1973 ; j’en avais écrit les cent premières
346
s – Europe », — et qui m’a fait écrire mon livre.
Je
l’ai commencé en 1973 ; j’en avais écrit les cent premières pages, dé
347
fait écrire mon livre. Je l’ai commencé en 1973 ;
j’
en avais écrit les cent premières pages, décrivant les catastrophes qu
348
e économie en eût été complètement bouleversée —,
je
prenais l’image d’une grosse boule de pierre déposée sur le pont d’un
349
ument tout. C’était ce qui risquait de se passer.
Je
l’ai même dit pendant le tournage d’un film de la télévision français
350
urnage d’un film de la télévision française, chez
moi
, à Ferney, le 22 août 1973. Le film n’a pu passer que six mois plus t
351
du Kippour et la confirmation concrète de ce que
j’
annonçais. J’ai dû réécrire toute cette partie de mon livre, que je n’
352
t la confirmation concrète de ce que j’annonçais.
J’
ai dû réécrire toute cette partie de mon livre, que je n’ai pu achever
353
annonçais. J’ai dû réécrire toute cette partie de
mon
livre, que je n’ai pu achever qu’en cinq ans. Je ne m’en plains pas t
354
dû réécrire toute cette partie de mon livre, que
je
n’ai pu achever qu’en cinq ans. Je ne m’en plains pas trop, parce que
355
mon livre, que je n’ai pu achever qu’en cinq ans.
Je
ne m’en plains pas trop, parce que cela m’a obligé à m’éloigner un pe
356
vre, que je n’ai pu achever qu’en cinq ans. Je ne
m’
en plains pas trop, parce que cela m’a obligé à m’éloigner un peu de l
357
q ans. Je ne m’en plains pas trop, parce que cela
m’
a obligé à m’éloigner un peu de l’actualité et des chiffres qui font l
358
m’en plains pas trop, parce que cela m’a obligé à
m’
éloigner un peu de l’actualité et des chiffres qui font l’actualité. J
359
l’actualité et des chiffres qui font l’actualité.
J’
ai pu faire mon aggiornamento tout au long de l’écriture de ce livre.
360
des chiffres qui font l’actualité. J’ai pu faire
mon
aggiornamento tout au long de l’écriture de ce livre. À cause de ce d
361
ai imposé par les événements, il s’est trouvé que
mon
livre, pour une fois, n’arrivait pas trop tôt ! Pendant ce temps, d’a
362
ations à Creys-Malville, ont alerté l’opinion, et
mon
livre en a bénéficié, parce qu’il a paru deux mois après. L’éditeur m
363
ié, parce qu’il a paru deux mois après. L’éditeur
m’
a dit : « S’il avait paru en juin, peut-être que cela n’aurait pas mar
364
e cela n’aurait pas marché ! » Pour une fois dans
ma
vie, j’ai eu l’impression que j’arrivais au bon moment ! D’où un succ
365
’aurait pas marché ! » Pour une fois dans ma vie,
j’
ai eu l’impression que j’arrivais au bon moment ! D’où un succès, atte
366
ur une fois dans ma vie, j’ai eu l’impression que
j’
arrivais au bon moment ! D’où un succès, attesté entre autres par le p
367
esté entre autres par le présent colloque, auquel
je
n’avais pas été habitué par mes autres livres, trop difficiles ou tro
368
t colloque, auquel je n’avais pas été habitué par
mes
autres livres, trop difficiles ou trop en avance sur l’opinion du tem
369
enant quelques conclusions de ces trois journées,
je
voudrais résumer la démarche qui me semble avoir caractérisé notre co
370
ois journées, je voudrais résumer la démarche qui
me
semble avoir caractérisé notre colloque. Cela s’est centré tout de su
371
aces et qui est la pollution majeure de la terre.
J’
entends la guerre nucléaire. Aujourd’hui, il n’est pas question d’autr
372
ts-nations n’ont de comptes à rendre à personne !
J’
ai demandé à Einstein, le seul jour où je l’ai vu — c’était en 1947 (a
373
rsonne ! J’ai demandé à Einstein, le seul jour où
je
l’ai vu — c’était en 1947 (au moment de notre conversation, l’humanit
374
it de l’humanité en cas de guerre atomique ? » Il
m’
a dit : « Eh bien, d’après mes calculs, environ 20 millions de gens su
375
erre atomique ? » Il m’a dit : « Eh bien, d’après
mes
calculs, environ 20 millions de gens survivraient dans des angles mor
376
al, qui est le domaine des techniques dures comme
je
l’ai dit tout à l’heure. C’est la minéralisation de nos existences pa
377
es cellules, de ce qui part d’en bas, de l’humus.
J’
ai toujours insisté sur cette puissance de la germination, qui peut fi
378
rait détruire avec une bombe. C’est la région qui
me
paraît symboliser cette nouvelle tendance. Ceci a été très bien mis e
379
anité entière. L’union de l’Europe serait donc, à
mon
sens et dans cette perspective, qui n’est pas celle des États, mais d
380
naces de guerre qui pèsent sur l’Europe, surtout,
je
crois, pendant les dix années qui viennent. Je pense qu’ensuite il y
381
t, je crois, pendant les dix années qui viennent.
Je
pense qu’ensuite il y aura une évolution, tant du côté européen que d
382
lité qu’il n’a plus au-dedans ». L’Europe, unie —
j’
insiste — est impossible à concevoir à partir des États-nations ; c’es
383
artir des États-nations ; c’est un cercle carré !
J’
ai appelé, il y a longtemps, la volonté de faire l’Europe à partir des
384
n’est plus une formule viable. Nous n’avons pas,
j’
insiste, à le renverser. Je crois qu’il serait tout à fait illusoire d
385
ble. Nous n’avons pas, j’insiste, à le renverser.
Je
crois qu’il serait tout à fait illusoire de donner comme but à la jeu
386
oir. Là encore, c’est un processus biologique que
je
propose, un processus de germination, de création des régions et des
387
débat qui nous a occupés ces deux derniers jours.
Je
crois que nous avons bien fait de ne pas nous attarder à toutes les d
388
est le seul moyen de forcer l’attention générale.
Je
suis résolument pour la non-violence, sauf dans ce cas-là, à conditio
389
y a donc toute espèce de définitions des régions,
j’
ai donné la mienne qui me paraît la plus englobante : un espace de par
390
définitions des régions, j’ai donné la mienne qui
me
paraît la plus englobante : un espace de participation civique. Cela
391
réalité spécifique. Nous avons été tout de suite,
je
crois, assez profondément d’accord pour reconnaître la nécessité des
392
on de ces « régions à géométrie variable », comme
je
les nomme, sur lesquelles nous avons beaucoup discuté le premier jour
393
eureusement a dû nous quitter hier et dont l’avis
m’
importait beaucoup, car il est l’un des responsables de la planificati
394
oué « l’avocat du diable » avec un brio certain !
Je
constate, après ces deux jours de débats, qu’ils m’ont obligé à me po
395
constate, après ces deux jours de débats, qu’ils
m’
ont obligé à me poser des questions plus précises, plus concrètes sur
396
s ces deux jours de débats, qu’ils m’ont obligé à
me
poser des questions plus précises, plus concrètes sur bien des cas ;
397
ncrètes sur bien des cas ; mais ce qu’il faut que
je
vous avoue c’est que cette notion de régions à géométrie variable, à
398
on, donc, pose une quantité de problèmes auxquels
je
n’ai pas trouvé un système de réponses claires, nettes, et définitive
399
de réponses claires, nettes, et définitives. Mais
j’
ai été encouragé par cette phrase du professeur Norton, que j’ai recop
400
ouragé par cette phrase du professeur Norton, que
j’
ai recopiée pour vous la relire à propos des complexités que pose la r
401
ion qui évoque quelque chose de très profond pour
moi
: c’est que le chemin se fait dans la mesure où l’on y marche. C’est
402
la mesure où l’on y marche. C’est en marchant sur
mon
chemin que je le crée. « Chemin faisant » est une phrase qui va tout
403
on y marche. C’est en marchant sur mon chemin que
je
le crée. « Chemin faisant » est une phrase qui va tout à fait au fond
404
de la chose. Bien d’autres ont été dites ici, qui
m’
ont encouragé. Et quand je pense à vos travaux et à nos discussions, j
405
ont été dites ici, qui m’ont encouragé. Et quand
je
pense à vos travaux et à nos discussions, j’en tire pour ma part troi
406
uand je pense à vos travaux et à nos discussions,
j’
en tire pour ma part trois directions de recherches prolongées — je ne
407
part trois directions de recherches prolongées —
je
ne dis pas encore des réponses — peut-être qu’il ne faut pas tout rés
408
nses — peut-être qu’il ne faut pas tout résoudre…
J’
entrevois des solutions possibles dans trois directions. La première,
409
dans trois directions. La première, c’est ce que
j’
appelle la pluralité des allégeances. J’ai l’habitude, je m’en excuse,
410
st ce que j’appelle la pluralité des allégeances.
J’
ai l’habitude, je m’en excuse, de prendre mon cas personnel pour illus
411
le la pluralité des allégeances. J’ai l’habitude,
je
m’en excuse, de prendre mon cas personnel pour illustrer mon exposé.
412
la pluralité des allégeances. J’ai l’habitude, je
m’
en excuse, de prendre mon cas personnel pour illustrer mon exposé. Je
413
nces. J’ai l’habitude, je m’en excuse, de prendre
mon
cas personnel pour illustrer mon exposé. Je suis né dans l’ancienne p
414
cuse, de prendre mon cas personnel pour illustrer
mon
exposé. Je suis né dans l’ancienne principauté de Neuchâtel, qui n’es
415
ndre mon cas personnel pour illustrer mon exposé.
Je
suis né dans l’ancienne principauté de Neuchâtel, qui n’est devenue c
416
qui n’est devenue canton suisse qu’en 1848. C’est
ma
patrie, c’est là que ma famille s’est développée, que j’ai passé mes
417
suisse qu’en 1848. C’est ma patrie, c’est là que
ma
famille s’est développée, que j’ai passé mes vingt premières années e
418
ie, c’est là que ma famille s’est développée, que
j’
ai passé mes vingt premières années et que j’ai mes racines, comme on
419
à que ma famille s’est développée, que j’ai passé
mes
vingt premières années et que j’ai mes racines, comme on le dit par u
420
que j’ai passé mes vingt premières années et que
j’
ai mes racines, comme on le dit par une métaphore critiquable mais cou
421
j’ai passé mes vingt premières années et que j’ai
mes
racines, comme on le dit par une métaphore critiquable mais courante.
422
ante. En tant que citoyen de cette petite patrie,
j’
appartiens à la Confédération suisse qui me donne ma nationalité, mon
423
atrie, j’appartiens à la Confédération suisse qui
me
donne ma nationalité, mon passeport. Comme écrivain, mon allégeance v
424
appartiens à la Confédération suisse qui me donne
ma
nationalité, mon passeport. Comme écrivain, mon allégeance va à l’ens
425
Confédération suisse qui me donne ma nationalité,
mon
passeport. Comme écrivain, mon allégeance va à l’ensemble de la franc
426
ne ma nationalité, mon passeport. Comme écrivain,
mon
allégeance va à l’ensemble de la francophonie, dont le territoire déb
427
, dont le territoire déborde immensément celui de
mon
canton et de la Suisse, puisqu’il comprend, outre la Romandie, les tr
428
s quarts de la France, une moitié de la Belgique (
je
simplifie), le Val d’Aoste, le Québec, et les élites politiques et cu
429
les mêmes frontières ! Du point de vue religieux,
mon
allégeance va au protestantisme, réalité mondiale et sans frontière.
430
tantisme, réalité mondiale et sans frontière. (Si
j’
étais catholique, ou communiste, ce serait pareil.) De plus, je fais p
431
lique, ou communiste, ce serait pareil.) De plus,
je
fais partie d’une quantité de sociétés, qui m’engagent plus ou moins
432
s, je fais partie d’une quantité de sociétés, qui
m’
engagent plus ou moins et dont les buts sont très différents, les unes
433
nt locales, d’autres nationales ou continentales.
Je
ne me perds pas du tout dans cette diversité. Si on la décrivait d’un
434
ales, d’autres nationales ou continentales. Je ne
me
perds pas du tout dans cette diversité. Si on la décrivait d’une mani
435
vit, comme vous la vivez tous, c’est très facile.
Je
sais parfaitement à quelles sociétés je cotise, lesquelles je préside
436
s facile. Je sais parfaitement à quelles sociétés
je
cotise, lesquelles je préside peut-être, ou celles dont je vais démis
437
aitement à quelles sociétés je cotise, lesquelles
je
préside peut-être, ou celles dont je vais démissionner parce qu’elles
438
, lesquelles je préside peut-être, ou celles dont
je
vais démissionner parce qu’elles ne m’intéressent plus ! Mais alors,
439
elles dont je vais démissionner parce qu’elles ne
m’
intéressent plus ! Mais alors, si maintenant un jacobin, un Robespierr
440
n jacobin, un Robespierre ou un Saint-Just venait
me
dire : « Tout cela, c’est très joli, mais désormais, tu n’auras plus
441
, tu n’auras plus qu’une seule allégeance : c’est
mon
État, et tu vas faire rentrer dans ses frontières toutes tes allégean
442
gieuse, linguistique, idéologique, économique » —
je
crierais au fou ! Vous crieriez tous au fou ! Eh bien, c’est ce que l
443
de nous, quand il va jusqu’au bout de sa logique.
Je
pars donc de cette idée de la pluralité des allégeances, qui ne sont
444
ère direction de recherches. Deuxième direction :
je
pars des communes. Je pense que cela résoudrait beaucoup de difficult
445
rches. Deuxième direction : je pars des communes.
Je
pense que cela résoudrait beaucoup de difficultés, notamment la quest
446
Tout à l’heure, en entendant parler M. Birre, il
m’
est venu une autre idée. Dans la grande discussion sur les régions int
447
ur d’une ville-métropole régionale. Eh bien, cela
me
paraît encore trop tributaire de l’ancienne approche, l’économique d’
448
Il faut fonder des régions sur la réalité. Alors,
je
pense en écoutant M. Birre qu’il y aurait peut-être quelque chose à c
449
à la terre et à la cité normale. Encore une fois,
je
m’en voudrais d’apporter des réponses toutes faites, car elles tomber
450
a terre et à la cité normale. Encore une fois, je
m’
en voudrais d’apporter des réponses toutes faites, car elles tomberaie
451
éponses toutes faites, car elles tomberaient sous
ma
propre critique de l’utopie. Toute fédération, toute organisation féd
452
, ce que la municipalité peut faire, les États — (
je
dirais les régions) — ne doivent pas le faire, et ce que les États —
453
et pour celles-là, il faut des agences mondiales.
Je
rappellerai notamment le problème de la déforestation du monde, c’est
454
Comme nous sommes en train de détruire les deux,
je
ne sais pas très bien comment nos États-nations envisagent de respire
455
limité, mais tout à fait réel dans leur domaine.
Je
voudrais insister, car je crois que cela est important pour tout notr
456
réel dans leur domaine. Je voudrais insister, car
je
crois que cela est important pour tout notre propos, sur l’absence de
457
chose serait détruite au passage : l’État-nation.
Je
voudrais vous rappeler l’importance du mot commune, qui est tellement
458
é vivante : cela revient dans toutes les pages de
mon
livre. Et c’est d’une importance particulière pour nous, Suisses, par
459
e fédération : cela se dit universitas. Voilà qui
m’
a toujours frappé. D’autant plus frappé que l’un des premiers ouvrages
460
ouvrages philosophiques et peut-être le seul qui
m’
ait vraiment fait impression quand j’avais 15 ou 16 ans, a été l’Éthiq
461
le seul qui m’ait vraiment fait impression quand
j’
avais 15 ou 16 ans, a été l’Éthique de Spinoza, où j’ai trouvé ce théo
462
vais 15 ou 16 ans, a été l’Éthique de Spinoza, où
j’
ai trouvé ce théorème : « D’autant plus nous connaissons les choses pa
463
ères, d’autant plus nous connaissons Dieu. » Ceci
me
paraît le nœud de la réalité et de la vérité philosophiques. On n’arr
464
par la pointe du clocher, rejoindre l’universel.
Je
crois que cela, c’est la philosophie qui doit être à la base de tout
465
n. Cela a été en tout cas à la base de ce qu’avec
mes
amis Mounier, Alexandre Marc, Aron et Dandieu, nous avons lancé dans
466
ire, l’un était la condition de l’autre. Qu’on ne
me
dise pas que tout cela est utopique, car au contraire, nous, les régi
467
nous disent volontiers : « Vous savez, vos idées,
je
les trouve très sympathiques, mais enfin, je ne peux pas y croire une
468
ées, je les trouve très sympathiques, mais enfin,
je
ne peux pas y croire une seconde, parce que moi, j’ai les deux pieds
469
n, je ne peux pas y croire une seconde, parce que
moi
, j’ai les deux pieds sur terre ! », je réponds : « Tant pis pour vous
470
ne peux pas y croire une seconde, parce que moi,
j’
ai les deux pieds sur terre ! », je réponds : « Tant pis pour vous, ca
471
parce que moi, j’ai les deux pieds sur terre ! »,
je
réponds : « Tant pis pour vous, car cela vous condamne à l’immobilité
472
aucun pied sur la terre, mais il va très loin !
Je
vais conclure sur l’Europe. Il me paraît significatif que dans ce col
473
va très loin ! Je vais conclure sur l’Europe. Il
me
paraît significatif que dans ce colloque, il se soit trouvé que le pr
474
us avons une culture commune, nous les Européens.
Je
vous rappelle ce que Paul Valéry a écrit là-dessus (et qui devrait êt
475
homogènes. Ce sont ces évidences historiques qui
m’
ont toujours empêché de prendre l’économie comme base de la constructi
476
conomie comme base de la construction européenne.
Je
voudrais que l’on continue à faire une propagande quotidienne contre
477
l’idée de bâtir l’Europe sur l’économie d’abord.
Je
me suis amusé à faire des petites études sur les rythmes de mobilité
478
idée de bâtir l’Europe sur l’économie d’abord. Je
me
suis amusé à faire des petites études sur les rythmes de mobilité des
479
estions économiques, pour n’en prendre que trois.
J’
ai trouvé, et vous pouvez facilement le vérifier, que le rythme de var
480
nos patois. Les mots de patois neuchâtelois, que
je
sais de mon école primaire, je m’amuse à les échanger avec des gens d
481
. Les mots de patois neuchâtelois, que je sais de
mon
école primaire, je m’amuse à les échanger avec des gens du Mouvement
482
neuchâtelois, que je sais de mon école primaire,
je
m’amuse à les échanger avec des gens du Mouvement Région Savoie qui l
483
uchâtelois, que je sais de mon école primaire, je
m’
amuse à les échanger avec des gens du Mouvement Région Savoie qui les
484
égion Savoie qui les reconnaissent immédiatement.
Je
leur dis par exemple « Tu n’as pas peur de t’encoubler ? » Eh bien, i
485
de nos frontières, qui sont à peine centenaires.
J’
ai calculé la moyenne d’âge des frontières de nos trente États de l’Eu
486
oire, au sens symboliquement élargi du terme. On
m’
a demandé hier, si je voyais des conclusions pratiques se dégager de c
487
quement élargi du terme. On m’a demandé hier, si
je
voyais des conclusions pratiques se dégager de ce colloque. Je voudra
488
conclusions pratiques se dégager de ce colloque.
Je
voudrais vous rappeler quelques-unes de celles qui ont été suggérées.
489
ns le papier de M. et Mme Cosma sur la stratégie,
j’
ai salué bien sûr avec une complète approbation, la proposition d’une
490
opagande étant exactement le contraire. Et enfin,
j’
y reviens, il y a l’apport, capital à mon sens, de M. et Mme André Bir
491
Et enfin, j’y reviens, il y a l’apport, capital à
mon
sens, de M. et Mme André Birre, avec ce qu’ils nous ont appris sur l’
492
t dit M. Juillet et beaucoup d’autres parmi vous.
Je
crois que nous sommes tous d’accord là-dessus. Je crois aussi qu’il f
493
Je crois que nous sommes tous d’accord là-dessus.
Je
crois aussi qu’il faudrait élargir les applications de ce principe, e
494
drait élargir les applications de ce principe, et
je
vois là la possibilité non seulement d’un institut mais d’une grande
495
onale et à l’échelle planétaire, et qui devrait à
mon
sens partir d’une conférence mondiale dont les thèmes seraient : l’hu
496
ux douces. Tous objets de dimensions planétaires.
Je
crois de même qu’une conférence écologique mondiale permanente, qui t
497
micalement sur le fait qu’il concorde à 95 % avec
moi
. Si vous ne gardez pas cela à l’esprit, vous aurez l’impression que c
498
lecture de son texte et qu’il n’est d’accord avec
moi
sur à peu près rien ! En réalité, je le connais assez pour pouvoir vo
499
accord avec moi sur à peu près rien ! En réalité,
je
le connais assez pour pouvoir vous rappeler, sans je crois lui faire
500
le connais assez pour pouvoir vous rappeler, sans
je
crois lui faire tort, que tout d’abord, il est italien et qu’il aime
501
rifier la pensée de l’auteur sur quelques points.
Je
dirai pour simplifier que son papier est un exercice de « grève du zè
502
ec une imperturbable intelligence, et que souvent
je
me forme encore à moi-même, et de les pousser à bout, jusqu’à montrer
503
une imperturbable intelligence, et que souvent je
me
forme encore à moi-même, et de les pousser à bout, jusqu’à montrer qu
504
tructif pour tous, mais le sera certainement pour
moi
d’abord. Je vais reprendre quelques-uns de ses points les plus astuci
505
tous, mais le sera certainement pour moi d’abord.
Je
vais reprendre quelques-uns de ses points les plus astucieux et tente
506
points les plus astucieux et tenter de clarifier
ma
pensée, comme il m’y invite. I. Des causes de la nocivité de l’État
507
ucieux et tenter de clarifier ma pensée, comme il
m’
y invite. I. Des causes de la nocivité de l’État Selon R. Strasso
508
l’État Selon R. Strassoldo, les critiques que
je
fais à l’État-nation ne sont pas suffisantes, car c’est tout le systè
509
rtout ! C’est la première démarche de l’utopisme.
Je
réponds : « Commençons par ce qui est à notre portée. » II. Des im
510
tème des régions éliminerait tous les conflits. À
mon
sens, il consiste plutôt à maintenir les conflits dans des dimensions
511
ions. D’ailleurs, certaines phrases de Strassoldo
me
paraissent fort ambiguës. Il laisse entendre quelque part que le pers
512
personnalisme aboutirait à l’exclusion du sacré.
Je
ne vois pour ma part absolument aucun texte personnaliste qui puisse
513
ypothèse de ce genre. La notion même de personne,
je
la définis par une vocation bel et bien transcendante à l’individu. S
514
al, les visées du fédéralisme et du régionalisme,
je
dirais qu’aujourd’hui ce ne peut être que la paix — la lutte pour la
515
ous voulez absolument un mythe, c’est le seul que
je
puisse proposer. V. Des contradictions entre régions « économiques
516
ec un peu d’ironie dans le ton. D’une manière que
je
crois être purement provocante de sa part, il répète cette phrase : «
517
dé de vastes surfaces de panneaux solaires ? Cela
me
rappelle un débat que j’ai eu une fois, tout à fait improvisé, après
518
panneaux solaires ? Cela me rappelle un débat que
j’
ai eu une fois, tout à fait improvisé, après la fin d’un congrès fédér
519
est un phénomène important. Il cite Longo Maï que
j’
ai cité dans mon livre. Il ajoute : « Mais je ne crois pas qu’il y ait
520
e important. Il cite Longo Maï que j’ai cité dans
mon
livre. Il ajoute : « Mais je ne crois pas qu’il y ait là une solution
521
que j’ai cité dans mon livre. Il ajoute : « Mais
je
ne crois pas qu’il y ait là une solution définitive aux problèmes de
522
on des modèles fédératifs suisse et yougoslave
Je
dois dire que je n’ai pas pensé une seconde au modèle yougoslave — si
523
dératifs suisse et yougoslave Je dois dire que
je
n’ai pas pensé une seconde au modèle yougoslave — si même il y en a u
524
yougoslave — si même il y en a un ! — en écrivant
mon
livre. Je me suis inspiré du modèle suisse, mais pour en faire tout à
525
— si même il y en a un ! — en écrivant mon livre.
Je
me suis inspiré du modèle suisse, mais pour en faire tout à fait autr
526
i même il y en a un ! — en écrivant mon livre. Je
me
suis inspiré du modèle suisse, mais pour en faire tout à fait autre c
527
certaines leçons positives ou négatives. Mais que
je
parle de région et de participation civique, il est bien entendu qu’i
528
créations d’une longue histoire. Une remarque qui
me
paraît indispensable quant à ce qui suit. R. Strassoldo dit : « Le vr
529
, les épidémies et les catastrophes naturelles. »
Je
ne vois pas comment des catastrophes naturelles pourraient imposer le
530
urs ambitieux, tels les Habsbourg, mais pas plus.
J’
entends : assez de force pour résister à l’extérieur, pas assez pour u
531
obstacles y relatifs À ce sujet, une note que
je
ne peux qu’approuver : « L’ennemi du fédéralisme n’est pas la technoc
532
’est pas la technocratie, mais la politique. » Il
m’
est arrivé un jour, au cours d’une conversation avec Louis Armand, par
533
s l’électricité », de déclarer à cet ami : « Pour
moi
, le fédéralisme, c’est la philosophie personnaliste plus les ordinate
534
losophie personnaliste plus les ordinateurs. » Il
m’
a répondu : « Ah, celle-là, je vous en veux de l’avoir dite avant moi
535
s ordinateurs. » Il m’a répondu : « Ah, celle-là,
je
vous en veux de l’avoir dite avant moi ! » XI. Des régions à géomé
536
, celle-là, je vous en veux de l’avoir dite avant
moi
! » XI. Des régions à géométrie variable Je pense avoir toujour
537
oi ! » XI. Des régions à géométrie variable
Je
pense avoir toujours dit et décrit le contraire de ce qu’il m’est ici
538
r toujours dit et décrit le contraire de ce qu’il
m’
est ici reproché d’avoir défendu ou attaqué. Je crois que Strassoldo a
539
il m’est ici reproché d’avoir défendu ou attaqué.
Je
crois que Strassoldo a tort d’invoquer la théorie de Konrad Lorenz su
540
arques critiques de M. Stanley Maron appellent de
ma
part les mises au point que voici, très brièvement formulées. 1. La c
541
-il, ne peut être fondée sur une base libertaire.
Je
suis d’accord. « Libertaire » évoque l’idée d’une liberté sans frein,
542
évoque l’idée d’une liberté sans frein, qui pour
moi
n’est pas vraie liberté puisqu’elle se dissocie de toute responsabili
543
puisqu’elle se dissocie de toute responsabilité.
Je
crois que l’homme n’est libre (dans une communauté) qu’à la mesure où
544
s le savent). Sans responsabilité correspondante,
ma
liberté joue à vide, reste donc irréelle. 2. Le kibboutz, selon M. Ma
545
outz serait un retour à la structure patriarcale.
Je
trouve cela parfait pour ceux qui choisissent librement ce mode de vi
546
eux qui choisissent librement ce mode de vie, que
je
ne choisirais pas, pour la raison que la liberté de mouvement me para
547
s pas, pour la raison que la liberté de mouvement
me
paraît aussi nécessaire que ce « droit à l’enracinement » sur lequel
548
sur la terre ». Le seul modèle de communauté qui
me
paraisse inacceptable serait celui qui se voudrait exclusif. Les kibb
549
vail de Jacqueline et Pierre-Arnold Borel, ce que
je
ressens d’abord est un vertige de chiffres. Nous avons chacun 2 paren
550
ntir descendants de tous ces grands noms. Combien
je
voudrais que me soient parvenues, du fond des siècles, des « histoire
551
de tous ces grands noms. Combien je voudrais que
me
soient parvenues, du fond des siècles, des « histoires de famille » s
552
des « histoires de famille » sur celui qui, pour
moi
, est le plus prestigieux des ancêtres attestés : Guillaume de Poitier
553
héritage des gènes ? Hélas, comme le disait un de
mes
oncles : « Plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a
554
Mais si les noms sont vérifiés, les chiffres que
je
viens de citer sont, de toute évidence, « impossibles », bien qu’exac
555
aïeux, tel que le dresse notre généalogiste — et
je
ne saurais trop l’en féliciter — nous propose une seconde conclusion,
556
ement dans le temps mais dans l’espace. Voilà qui
me
renforce dans ma doctrine de l’Europe des régions, et dans ma convict
557
ps mais dans l’espace. Voilà qui me renforce dans
ma
doctrine de l’Europe des régions, et dans ma conviction que les habit
558
dans ma doctrine de l’Europe des régions, et dans
ma
conviction que les habitants de l’Europe, avant d’être sujets d’un de
559
d’« Allemand », avant Bismarck.) Un autre trait
me
frappe dans ce tableau des origines : toutes les provinces natales de
560
ux de toute l’Europe dans leur descendance. Mais
j’
y reviens : apprendre que je descends, à travers le numéro I 33.925, d
561
ur descendance. Mais j’y reviens : apprendre que
je
descends, à travers le numéro I 33.925, de deux empereurs du Saint-Em
562
ance, tout cela paraît merveilleux à l’instant où
je
l’apprends. Mais aussitôt me vient l’idée des espaces infinis de sile
563
lleux à l’instant où je l’apprends. Mais aussitôt
me
vient l’idée des espaces infinis de silence, d’ignorance et de nuit q
564
es infinis de silence, d’ignorance et de nuit qui
me
séparent d’eux au point de me les rendre absolument étrangers. Les an
565
ance et de nuit qui me séparent d’eux au point de
me
les rendre absolument étrangers. Les ancêtres qui comptent, pour moi,
566
lument étrangers. Les ancêtres qui comptent, pour
moi
, sont ceux-là seuls dont mes parents, oncles et tantes nous parlaient
567
s qui comptent, pour moi, sont ceux-là seuls dont
mes
parents, oncles et tantes nous parlaient quand nous étions jeunes. Et
568
nous étions jeunes. Et ceux-là seuls éveillent en
moi
un sentiment de parenté, la reconnaissance de quelque chose d’à la fo
569
normande, Perceval et Lancelot du Lac. Un peu de
mes
grands-parents (jamais connus). Tante Beth et le fameux « œil de tant
570
t le mystère de l’ascendance franc-comtoise, dont
mon
père m’a souvent parlé, au point que j’ai baptisé la maison que nous
571
ère de l’ascendance franc-comtoise, dont mon père
m’
a souvent parlé, au point que j’ai baptisé la maison que nous habitons
572
se, dont mon père m’a souvent parlé, au point que
j’
ai baptisé la maison que nous habitons aujourd’hui « La Chevance », pa
573
ède », c’est-à-dire « dont on est venu à chef ». (
Je
propose une nouvelle recherche à Pierre-Arnold, dans la direction de
574
e à Pierre-Arnold, dans la direction de Besançon.
J’
ai quelques pièces tout à fait inédites à lui montrer.) D’autres récit
575
fait inédites à lui montrer.) D’autres récits de
mes
parents et de mes tantes (voir ici même ceux de Marthe Monvert, sœur
576
ui montrer.) D’autres récits de mes parents et de
mes
tantes (voir ici même ceux de Marthe Monvert, sœur de mon père) évoqu
577
es (voir ici même ceux de Marthe Monvert, sœur de
mon
père) évoquent le Saint-Aubin du dernier siècle, celui de mon arrière
578
oquent le Saint-Aubin du dernier siècle, celui de
mon
arrière-grand-père Denis, de sa première femme normande, de sa second
579
Denis de Rougemont, de tous les intellectuels que
j’
ai interrogés jusqu’ici sur l’idée qu’ils se font de l’Europe, vous êt
580
venu et restez-vous un « Européen militant » ? Il
me
semble que tout m’y a conduit, à commencer par ma naissance. Dès mon
581
un « Européen militant » ? Il me semble que tout
m’
y a conduit, à commencer par ma naissance. Dès mon enfance, j’ai enten
582
me semble que tout m’y a conduit, à commencer par
ma
naissance. Dès mon enfance, j’ai entendu parler chez mes parents des
583
m’y a conduit, à commencer par ma naissance. Dès
mon
enfance, j’ai entendu parler chez mes parents des tantes de Dresde, a
584
t, à commencer par ma naissance. Dès mon enfance,
j’
ai entendu parler chez mes parents des tantes de Dresde, auxquelles no
585
ssance. Dès mon enfance, j’ai entendu parler chez
mes
parents des tantes de Dresde, auxquelles nous fournissions des cigare
586
branches françaises et de la branche anglaise de
ma
famille, de Jean, le professeur de chirurgie de Lyon, d’Édouard, le g
587
inent des rêves, il n’y avait aucune opposition :
je
l’ai écrit dans un petit ouvrage intitulé Suite neuchâteloise , publ
588
ntrée de Neuchâtel dans la Confédération, et dont
je
voudrais vous lire ces quelques lignes : Ce qu’on touche — et ce qu’
589
e la haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si
je
me sens presque partout chez moi dans l’Europe franco-germanique, c’e
590
a haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je
me
sens presque partout chez moi dans l’Europe franco-germanique, c’est
591
croirait-il ? Si je me sens presque partout chez
moi
dans l’Europe franco-germanique, c’est que d’abord je l’ai trouvée da
592
ans l’Europe franco-germanique, c’est que d’abord
je
l’ai trouvée dans ma famille, où tant de traditions se croisent et se
593
ermanique, c’est que d’abord je l’ai trouvée dans
ma
famille, où tant de traditions se croisent et se marient. Pour moi, c
594
ant de traditions se croisent et se marient. Pour
moi
, comme pour tant d’autres Suisses, passer de la petite patrie à la pl
595
patrie à la plus vaste, ce n’est pas infidélité à
ma
race, à mon clos natal. C’est aimer plus loin, dans le même sens. Ma
596
plus vaste, ce n’est pas infidélité à ma race, à
mon
clos natal. C’est aimer plus loin, dans le même sens. Mais la famill
597
ture, beaucoup plus précisément déterminante dans
mon
cas. Dès l’âge de 15 ans, je pense, j’ai découvert Rimbaud, qui était
598
t déterminante dans mon cas. Dès l’âge de 15 ans,
je
pense, j’ai découvert Rimbaud, qui était pour ma génération notre ang
599
ante dans mon cas. Dès l’âge de 15 ans, je pense,
j’
ai découvert Rimbaud, qui était pour ma génération notre ange révolté,
600
je pense, j’ai découvert Rimbaud, qui était pour
ma
génération notre ange révolté, mais aussi Pascal, l’autre sommet de l
601
a, T. S. Eliot… Pendant ces années d’adolescence,
je
ne croyais qu’à la poésie, puis j’ai découvert la théologie avec Karl
602
d’adolescence, je ne croyais qu’à la poésie, puis
j’
ai découvert la théologie avec Karl Barth, dans la lignée « existentie
603
ources de la culture commune des Européens — dont
je
retiens surtout la grecque et l’évangélique — mais il faut leur ajout
604
n somme surtout à ces trois dernières sources que
je
dois d’en être venu à découvrir, dans les années 1930, que l’Europe é
605
e Tristan pour l’Europe. Cette découverte éblouie
m’
a fait écrire en trois mois L’Amour et l’Occident , un titre qui peut
606
titre qui peut servir d’épigraphe non seulement à
mon
œuvre littéraire, mais sans doute aussi à mon action pour l’Occident,
607
t à mon œuvre littéraire, mais sans doute aussi à
mon
action pour l’Occident, pour l’Europe d’abord. Ce livre, très vite tr
608
gleterre, grâce à T. S. Eliot, et aux États-Unis,
m’
a beaucoup aidé à gagner l’intérêt des éditeurs et l’amitié des critiq
609
des critiques américains, pendant les années que
j’
ai passées là-bas, de 1941 à 1947. Vous avez dit et écrit à plusieurs
610
a s’est-il passé ? De deux manières. D’une part,
j’
ai retrouvé à New York beaucoup d’écrivains, d’intellectuels et d’arti
611
p d’écrivains, d’intellectuels et d’artistes, que
je
fréquentais ou aurais pu fréquenter à Paris dans les années 1930, et
612
er à Paris dans les années 1930, et avec lesquels
je
me suis lié, tels Saint-Exupéry, André Breton et Saint-John Perse, ma
613
à Paris dans les années 1930, et avec lesquels je
me
suis lié, tels Saint-Exupéry, André Breton et Saint-John Perse, mais
614
, pour eux foncièrement étranger à tant d’égards,
me
donnait comme une sensation de la différence, de l’identité européenn
615
fédérer nos peuples. Et ce retour s’est fait pour
moi
au printemps de 1946, sous les meilleurs auspices possibles : une inv
616
l’essentiel de nos refus et de nos propositions.
Je
vais essayer de vous les résumer en quelques mots. Nous partions d’un
617
non. Tel était le sujet des premiers chapitres de
mon
premier livre publié à Paris en 1934, et qui s’intitulait Politique
618
de la « Pensée engagée », où il rendit compte de
mon
livre, et dont j’assumais la responsabilité. Tout le reste s’ensuit :
619
agée », où il rendit compte de mon livre, et dont
j’
assumais la responsabilité. Tout le reste s’ensuit : la personne ne se
620
rs congrès de fédéralistes européens. Certains de
mes
interlocuteurs, comme Edgar Morin et Jean-Marie Domenach, ont insisté
621
s et ce n’a jamais été votre position. Pourquoi ?
Je
n’ai jamais, pas un instant, senti les choses de cette manière. Pour
622
instant, senti les choses de cette manière. Pour
moi
, rentrant en Europe après des années de ce que je considérais comme u
623
oi, rentrant en Europe après des années de ce que
je
considérais comme un exil, je n’avais qu’une idée, qui était de fédér
624
es années de ce que je considérais comme un exil,
je
n’avais qu’une idée, qui était de fédérer les Européens pour leur pro
625
és à s’occuper entre eux de leurs affaires. Quand
je
suis rentré une première fois, en 1946, après six ans d’absence, ç’a
626
enève sur « l’Esprit européen ». En plein accord,
je
crois, avec les autres conférenciers, tels que Karl Jaspers, Julien B
627
e marxiste de l’époque, le Hongrois Georg Lukács,
j’
ai soutenu la thèse que le sort de la paix dépendait désormais d’une u
628
de la paix dépendait désormais d’une union — que
je
souhaitais fédérale, c’est-à-dire respectueuse des autonomies — entre
629
autonomies — entre les peuples de l’Europe, dont
j’
opposais les idéaux réels à ceux des Soviétiques d’un côté, des capita
630
an plus tard, à peine rentré pour de bon des USA,
j’
ai accepté d’introduire par un discours le premier congrès des fédéral
631
t se tenir à Montreux au début de septembre 1947.
J’
ai retrouvé là de vieux amis de l’Ordre nouveau, comme Alexandre Marc
632
ès coup, Henri Brugmans, qui présidait l’affaire.
J’
ai parlé de « l’Attitude fédéraliste », et le succès a été tel que je
633
ttitude fédéraliste », et le succès a été tel que
je
me suis vu en quelque sorte catapulté dans un rôle de porte-parole de
634
tude fédéraliste », et le succès a été tel que je
me
suis vu en quelque sorte catapulté dans un rôle de porte-parole de l’
635
édéralisme européen. Pas question une seconde que
je
me dérobe, étant l’auteur du concept d’engagement de l’écrivain et de
636
ralisme européen. Pas question une seconde que je
me
dérobe, étant l’auteur du concept d’engagement de l’écrivain et de la
637
ble ou « libre et engagé » selon les formules que
j’
avais lancées dans les années 1930, et dont on me disait maintenant qu
638
j’avais lancées dans les années 1930, et dont on
me
disait maintenant que c’étaient les mots d’ordre de l’existentialisme
639
les mots d’ordre de l’existentialisme. Une phrase
me
revenait de tous côtés, et c’était « l’engagement, comme dit Sartre…
640
s, et c’était « l’engagement, comme dit Sartre… »
Je
lui ai laissé le mot, et j’ai gardé la chose. J’ai dit à mes amis féd
641
, comme dit Sartre… » Je lui ai laissé le mot, et
j’
ai gardé la chose. J’ai dit à mes amis fédéralistes que j’étais prêt à
642
Je lui ai laissé le mot, et j’ai gardé la chose.
J’
ai dit à mes amis fédéralistes que j’étais prêt à consacrer à leur cam
643
laissé le mot, et j’ai gardé la chose. J’ai dit à
mes
amis fédéralistes que j’étais prêt à consacrer à leur campagne deux a
644
dé la chose. J’ai dit à mes amis fédéralistes que
j’
étais prêt à consacrer à leur campagne deux ans de ma vie, aux dépens
645
tais prêt à consacrer à leur campagne deux ans de
ma
vie, aux dépens de mon œuvre d’écrivain. Et m’y voici encore engagé,
646
à leur campagne deux ans de ma vie, aux dépens de
mon
œuvre d’écrivain. Et m’y voici encore engagé, après trente-cinq ans d
647
de ma vie, aux dépens de mon œuvre d’écrivain. Et
m’
y voici encore engagé, après trente-cinq ans d’activités au service de
648
mai 1948, présidé par Winston Churchill, et dont
j’
ai assumé la partie culturelle présidée à La Haye par Salvador de Mada
649
n de la politique. Dans une série de réunions que
j’
avais convoquées à Paris, à Genève, à Royaumont, à la Chambre des comm
650
opéens », qui devait clôturer le congrès, et dont
j’
avais exigé et obtenu qu’il fût rédigé par moi au nom de ma commission
651
dont j’avais exigé et obtenu qu’il fût rédigé par
moi
au nom de ma commission. J’étais embarqué. Avez-vous été soutenu, dur
652
xigé et obtenu qu’il fût rédigé par moi au nom de
ma
commission. J’étais embarqué. Avez-vous été soutenu, durant ces année
653
qu’il fût rédigé par moi au nom de ma commission.
J’
étais embarqué. Avez-vous été soutenu, durant ces années de création d
654
ltats avez-vous enregistrés ? Après la lecture de
mon
« Message aux Européens », le congrès s’est terminé dans l’enthousias
655
thousiasme et l’espoir. Le principal, pour ce qui
me
concerne, a été la décision de créer un « Centre européen de la cultu
656
du Mouvement européen, né du congrès de La Haye,
j’
ai ouvert à Genève un « Bureau d’études pour un Centre européen de la
657
teurs de l’Union européenne des fédéralistes, qui
m’
avait déjà secondé à La Haye. Ensemble, nous avons préparé une Confére
658
ure, 21 ont été suivies de réalisations, chiffre,
je
crois, jamais atteint par aucun congrès… disons librement constitué.
659
irecteur, soit depuis 1978, comme son président ?
Je
répondrai par une énumération peut-être un peu sèche faute de temps.
660
numération peut-être un peu sèche faute de temps.
Je
mentionnerai d’abord deux idées que j’ai lancées et qui se sont réali
661
de temps. Je mentionnerai d’abord deux idées que
j’
ai lancées et qui se sont réalisées grâce au Centre mais hors de lui.
662
sidée par le prince Bernhard des Pays-Bas, et que
j’
ai instituée et dirigée au siège de notre Centre d’abord, pendant deux
663
’Ouest — il vaut la peine de souligner ce cas que
je
crois unique ; l’Association des instituts d’études européennes, de n
664
œuvre et l’engagement qui se pose dans votre cas.
Je
répondrai d’une manière toute factuelle. Durant les années de mon « e
665
une manière toute factuelle. Durant les années de
mon
« engagement » européen — préparation, direction effective, présidenc
666
sitaire d’études européennes qui en est né, et où
j’
enseigne encore à titre de professeur honoraire, j’ai été amené à publ
667
’enseigne encore à titre de professeur honoraire,
j’
ai été amené à publier une dizaine d’ouvrages sur l’Europe et ses prob
668
e comités et de congrès. Mais dans le même temps,
j’
ai écrit et publié une quinzaine d’ouvrages littéraires et philosophiq
669
téraires et philosophiques, et plusieurs tomes de
mon
Journal d’une époque , que j’espère pouvoir achever avec Journal d’u
670
lusieurs tomes de mon Journal d’une époque , que
j’
espère pouvoir achever avec Journal d’un Européen l’année prochaine. V
671
achés de l’Europe et de sa cause, c’est-à-dire, à
mon
sens, détachés des réalités culturelles fondamentales de notre temps.
672
successives de J.-P. Sartre. Dans le texte qu’il
m’
avait envoyé pour la conférence de Lausanne, Sartre expliquait que la
673
’immédiat après-guerre ? Comme écrivain européen,
je
me sens en effet un peu seul ! Mais d’autres vont venir, et ce ne ser
674
médiat après-guerre ? Comme écrivain européen, je
me
sens en effet un peu seul ! Mais d’autres vont venir, et ce ne sera p
675
tre mais la solution du chômage en tout cas. Vous
m’
interrogiez sur l’intellectuel et l’Europe. Je vous ai donné un exempl
676
ous m’interrogiez sur l’intellectuel et l’Europe.
Je
vous ai donné un exemple concret, le mien. Les mouvements européens a
677
et l’Europe. Je vous ai donné un exemple concret,
le mien
. Les mouvements européens avec lesquels j’ai travaillé dans les année
678
, le mien. Les mouvements européens avec lesquels
j’
ai travaillé dans les années 1950 et 1960 font du surplace, c’est évid
679
e dizaine d’années, une nouvelle génération, dont
je
me sens solidaire, a relancé le combat pour l’avenir. Elle fait sienn
680
izaine d’années, une nouvelle génération, dont je
me
sens solidaire, a relancé le combat pour l’avenir. Elle fait sienne,
681
fait sienne, dans sa majorité, le mot d’ordre que
je
lui ai proposé : Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir. L’E
682
is quelles sont ses chances de succès, allez-vous
me
dire ? À cette question, je réponds depuis que j’agis, et au nom de l
683
de succès, allez-vous me dire ? À cette question,
je
réponds depuis que j’agis, et au nom de l’Europe fédérale fondée sur
684
me dire ? À cette question, je réponds depuis que
j’
agis, et au nom de l’Europe fédérale fondée sur sa culture commune : n
685
ns le monde entier. Moins de bien : car Orwell, à
mon
sens, n’a pas été le vrai prophète que l’on célèbre à l’unisson. Et c
686
Utinam vates falsus sim ! », « Plaise au ciel que
je
sois faux prophète ! », ou comme Jérémie : « Seigneur, tu le sais ! j
687
! », ou comme Jérémie : « Seigneur, tu le sais !
je
n’ai pas désiré le jour du malheur ! » Le vrai prophète veut détourne
688
dre fatales en les décrivant telles. Chez Orwell,
je
sens au contraire comme une abdication latente au fond de l’âme, un m
689
és de l’esprit, seules capables de l’animer. Mais
je
n’en dirai pas moins l’admiration que je porte à la prescience de Geo
690
er. Mais je n’en dirai pas moins l’admiration que
je
porte à la prescience de George Orwell quand il s’agit de nous faire
691
n’a pu connaître en 1948 que les balbutiements :
je
veux parler des armes nucléaires et des télécommunications audiovisue
692
octurnes. Nous sommes manipulés par les Pouvoirs.
Je
tiens à le dire ici : le vrai danger n’est pas là où on le dénonce tr
693
tabli et dont ils sont seuls responsables. Ce qui
me
fait peur, — c’est moins le stockage de données sur mon compte et mêm
694
it peur, — c’est moins le stockage de données sur
mon
compte et même sur mes opinions, que la volonté de « programmer » ces
695
le stockage de données sur mon compte et même sur
mes
opinions, que la volonté de « programmer » ces opinions ; — c’est moi
696
inions ; — c’est moins un B. B. qui sait tout sur
moi
, qu’un B. B. qui entend manipuler ma liberté en m’imposant son angle
697
it tout sur moi, qu’un B. B. qui entend manipuler
ma
liberté en m’imposant son angle de vision ; — c’est moins la transpar
698
i, qu’un B. B. qui entend manipuler ma liberté en
m’
imposant son angle de vision ; — c’est moins la transparence de ma vie
699
ngle de vision ; — c’est moins la transparence de
ma
vie aux yeux des Pouvoirs, que l’opacité de ces Pouvoirs aux yeux du
700
ais la meilleure défense étant l’attaque, dit-on,
j’
oserai donc avancer que je fonde quelque espoir dans l’extrême vulnéra
701
tant l’attaque, dit-on, j’oserai donc avancer que
je
fonde quelque espoir dans l’extrême vulnérabilité du secret des résea
702
Brother les jeunes délinquants de l’électronique.
Je
propose d’en appeler au Petit Frère farceur contre le sinistre Grand
703
ur la bombe atomique , publié d’abord à New York,
j’
avais écrit le Post-scriptum que voici : Un dernier mot, et dire qu
704
criptum que voici : Un dernier mot, et dire que
j’
allais l’oublier ! La Bombe n’est pas dangereuse du tout : c’est un ob
705
aut c’est un contrôle de l’homme. Une correction
me
paraît aujourd’hui nécessaire. La Bombe ne peut avoir aucun emploi bé
706
e, économique autant que politique. Pour ma part,
je
le vois et le veux surtout fait pour favoriser la décentralisation et
707
fonctionnaires — de gérer des régions telles que
je
les souhaitais, c’est-à-dire à « géométrie variable » selon les fonct
708
surer. Comment faire face à pareille complexité ?
Je
dis à Louis Armand : « Pour moi, le fédéralisme, c’est l’autonomie de
709
eille complexité ? Je dis à Louis Armand : « Pour
moi
, le fédéralisme, c’est l’autonomie des régions plus les ordinateurs »
710
gions plus les ordinateurs ». « Ah, celle-là, dit
mon
ami, vous me rendez jaloux de ne pas l’avoir trouvée ! » Je vous fer
711
ordinateurs ». « Ah, celle-là, dit mon ami, vous
me
rendez jaloux de ne pas l’avoir trouvée ! » Je vous ferai grâce, auj
712
s me rendez jaloux de ne pas l’avoir trouvée ! »
Je
vous ferai grâce, aujourd’hui, de la démonstration faite ailleurs, du
713
comme personne à la fois libre et responsable. ⁂
J’
aborderai maintenant l’un des problèmes majeurs d’aujourd’hui : celui
714
de l’emploi et du chômage, pour illustrer ce que
je
considère comme le défi tragique que pose l’informatique à l’ensemble
715
— titre volé plus tard par Hitler, mais passons —
je
publiais un petit article intitulé « Liberté ou chômage ? » Je posais
716
n petit article intitulé « Liberté ou chômage ? »
Je
posais la question suivante : la technologie moderne permet de libére
717
s’appelle pas libération mais bien chômage. Qu’on
m’
explique pourquoi ? Et j’attends, depuis plus de cinquante ans, la rép
718
mais bien chômage. Qu’on m’explique pourquoi ? Et
j’
attends, depuis plus de cinquante ans, la réponse. Aujourd’hui, le pro
719
n. On y répond généralement par des arguments que
je
connais depuis environ vingt-cinq ans, quand on ne parlait encore que
720
e « d’automation » et « d’usines sans ouvriers ».
Je
disais : que ferez-vous des ouvriers « libérés » ? On me répondait :
721
is : que ferez-vous des ouvriers « libérés » ? On
me
répondait : nous allons les recycler dans le tertiaire, car le progrè
722
aires de l’automatisation tirent de ces chiffres.
Je
prendrai la plupart de mes données dans un très long article de Busin
723
tirent de ces chiffres. Je prendrai la plupart de
mes
données dans un très long article de Business Week (New York) paru en
724
e qu’en Europe. L’article de Business Week auquel
je
viens d’emprunter tant de chiffres alarmants, constate avec une sérén
725
r », mais jamais « supprimer » un emploi ! — Mais
je
ne trouve nulle part de chiffres à l’appui de ces déclarations optimi
726
arquée dans la main-d’œuvre qui les fabrique ! On
me
dira peut-être que la qualité du travail dans les industries sera for
727
vail à la chaîne mental ». Tout cela dit, demeure
ma
question centrale, formulée il y a cinquante ans, à propos des résult
728
ntage certain de l’informatisation de l’industrie
me
paraît être de rendre plus urgente encore et dramatique la nécessité
729
et dramatique la nécessité vitale d’une réponse à
ma
question. Nous sommes mis au défi d’inventer une nouvelle conception
730
plusieurs fondations suisses et européennes. ⁂ Il
me
reste à vous présenter, avant de conclure, quelques remarques sur un
731
s de l’informatisation totale du monde de demain.
Je
vais choisir un seul auteur comme étant le plus lyrique de tous sur l
732
e du MIT. Dans ses propos, publiés par L’Express,
je
vous prie de faire la part d’une certaine provocation sournoisement r
733
hilosophie ». Là-dessus, deux remarques suffiront
je
l’espère. Quand Papert prétend que « certaines notions élémentaires d
734
ue ceux génialement décrits par Marcel Proust. Et
je
voudrais enfin opposer à Papert cette phrase si belle d’un des plus g
735
ffectivité, et n’est donc pas humaine. CQFD. ⁂ Et
j’
en conclus sur l’avenir de l’informatique en vous rappelant la questio
736
est la seule qui mérite vraiment nos réflexions.
Je
voudrais qu’on la substitue une fois pour toutes au bavardage de la p
737
e sur la puérilité des réactions du grand public.
Je
voudrais que l’on cesse d’écrire des phrases comme celle-ci : « l’aut
738
écrit dans un poème : « Vous dites : où vas-tu ?
Je
l’ignore et j’y vais. » Répondons-lui : si l’on ne sait où l’on va, m
739
poème : « Vous dites : où vas-tu ? Je l’ignore et
j’
y vais. » Répondons-lui : si l’on ne sait où l’on va, mieux vaut n’y p
740
va, mieux vaut n’y pas aller… dans certains cas…
Je
précise : cessons de nous précipiter vers un avenir dont nous n’avons
741
obsédés que nous sommes par des gains immédiats.
Je
vous ai cité des chiffres effarants sur le chômage que nous prépare l
742
are l’informatisation générale de nos industries.
Je
demande à savoir pourquoi l’on prend ce risque, de dimension sans pré
743
récédent dans toute l’histoire des civilisations.
Je
demande à réfléchir sur les voies et moyens d’une invention de la syn
744
rons à des désastres trop exactement calculables.
Je
renouvelle ma proposition de créer dans chacun de nos pays, mais surt
745
astres trop exactement calculables. Je renouvelle
ma
proposition de créer dans chacun de nos pays, mais surtout à l’échell
746
chir sur les finalités réelles de nos recherches.
Je
ne vois que deux réponses possibles : — ou bien le but est la puissan
747
ité et sans doute de toute vie sur la Terre. 3.
Je
les trouve aux pages 225, 233 et 238 de mon édition française. ad.
748
. 3. Je les trouve aux pages 225, 233 et 238 de
mon
édition française. ad. Rougemont Denis de, « Informatique, société,
749
une trentaine de points noirs sur la carte. Comme
j’
avais l’esprit occupé par la promesse d’une préface pour cette brochur
750
r cette brochure, pendant une fraction de seconde
j’
ai cru qu’il s’agissait de la répartition des centrales nucléaires, et
751
cléaires, et la similitude ou plutôt le contraste
m’
a frappé : les grands monuments symboliques de la civilisation du Moye
752
uvrir les dépenses courantes. Mais aucun de nous,
je
m’en assure, ne serait venu ici pour le seul plaisir de dresser un bi
753
ir les dépenses courantes. Mais aucun de nous, je
m’
en assure, ne serait venu ici pour le seul plaisir de dresser un bilan
754
marques sur ce trajet géographico-historique : il
me
semble avoir curieusement contourné l’Empire romain, et par là même c
755
ple influence d’Athènes, de Rome et de Jérusalem.
Je
regrette que nous n’ayons pas eu l’occasion de souligner assez fortem
756
ui caractérisent notre histoire. (Une autre fois,
j’
espère que nous aurons le temps de mieux définir deux autres apports i
757
l’Europe. Tout au long de ces trois journées, il
me
semble que nous avons fourni un effort unanime et, je crois, réussi,
758
emble que nous avons fourni un effort unanime et,
je
crois, réussi, pour entretenir le dialogue entre ce que les polémique
759
l’Ouest. ⁂ Resserrons-nous maintenant sur ce que
j’
ai appelé la logique interne de tout débat sur le patrimoine culturel
760
des origines et de l’évolution de ce patrimoine.
Je
pense que nous serons tous d’accord pour constater qu’il s’agit là d’
761
t là d’un processus dialectique, dont le principe
m’
apparaît être la coexistence, ou mieux : la co-action des contraires m
762
e des antinomies, dont voici une petite liste que
j’
ai établie pendant que vous parliez, les uns et les autres : — traditi
763
tir l’autonomie de ses membres. ⁂ Tout cela, pour
moi
, se concrétise dans la notion de régions (vous pensez bien que j’alla
764
e dans la notion de régions (vous pensez bien que
j’
allais y revenir) comme condition de toute fédération d’une Europe ouv
765
ute fédération d’une Europe ouverte sur le monde.
J’
ai eu ici la très heureuse surprise de constater que la nécessité mode
766
u Centre. C’est une des leçons réconfortantes que
je
retiendrai de cette rencontre. Mais à la suite de mes interventions s
767
retiendrai de cette rencontre. Mais à la suite de
mes
interventions sur ce thème des régions, je saisis l’occasion de ces c
768
te de mes interventions sur ce thème des régions,
je
saisis l’occasion de ces conclusions pour apporter une importante pré
769
le navet. À l’idée de régions purement ethniques,
j’
oppose donc les régions définies comme des espaces de participation ci
770
re ce que Nietzsche appelait de ses vœux. Laissez-
moi
vous citer de lui deux passages trop peu connus, le premier tiré de P
771
en et le mal, le second des Papiers posthumes. Il
me
semble que ces phrases caractérisent assez bien l’effort qui est fait
772
tuels à la grande tâche de fédérer les Européens.
Je
cite : Grâce aux divisions morbides que la folie des nationalités a
773
nir une. Le second passage prolonge ces phrases,
je
cite : Ce qui m’importe, c’est l’Europe une, et je la vois se prépar
774
d passage prolonge ces phrases, je cite : Ce qui
m’
importe, c’est l’Europe une, et je la vois se préparer lentement d’une
775
cite : Ce qui m’importe, c’est l’Europe une, et
je
la vois se préparer lentement d’une manière hésitante. Chez tous les
776
ieillissant, et il y voit un signe de sénilité. ⁂
Ma
seconde remarque générale va porter sur l’avenir de ce colloque, dont
777
érale va porter sur l’avenir de ce colloque, dont
je
pense qu’il devra se modeler sur l’avenir européen. Cet avenir se fai
778
ette idée de comparaison active, prospective, que
j’
ai proposé depuis plus de vingt ans, avec une certaine obstination, ce
779
vingt ans, avec une certaine obstination, ce que
j’
appelle le Dialogue des cultures. Et pour que cela ne tourne pas à un
780
comparatisme à grande échelle, mais sans action,
je
propose que ce Dialogue des cultures s’instaure autour de quelques-un
781
ême de l’Europe et de sa vocation mondialisante ?
Je
souhaite que notre ami Jacques Freymond trouve dans cette proposition
782
établira les thèmes de nos prochaines rencontres.
Je
terminerai en le remerciant en votre nom à tous pour le très beau col
783
n des plus fructueux et encourageants auxquels il
m’
ait été donné de prendre part au cours de ces dernières années. ac.
784
a consommation d’énergie double tous les dix ans,
je
serais contre, parce qu’elles sont les pièces principales d’un systèm
785
nommée « les non-conformistes des années 1930 »,
je
vais vous apporter moins un « témoignage », bien grand mot, que quelq
786
e spécifique de la « génération des années 1930 »
me
semble avoir été déterminé par la nature particulière de l’affronteme
787
Du Bos, un jeune homme à l’accent nettement russe
me
remit une feuille de papier intitulée Manifeste, au milieu de laquell
788
papier intitulée Manifeste, au milieu de laquelle
je
lus, en lettres majuscules, ces quelques mots : Nous ne sommes ni i
789
mmes personnalistes Ce fut le trait de lumière.
J’
en serai à tout jamais reconnaissant à mon ami Alexandre Marc, le même
790
lumière. J’en serai à tout jamais reconnaissant à
mon
ami Alexandre Marc, le même qui allait me mettre en relations — dans
791
sant à mon ami Alexandre Marc, le même qui allait
me
mettre en relations — dans un groupe de discussion œcuménique qui se
792
munautaire, autogérée, régionaliste, fédéraliste…
Je
le répète : c’était là le seul programme constructif des années 1930.
793
nt total du citoyen à l’appareil d’un Parti-État.
Je
ne voudrais pas affirmer ici un seul instant que nous avions raison s
794
dus à l’intérieur du « mouvement personnaliste ».
Je
voudrais seulement rappeler que telles étaient alors nos motivations,
795
avons vécu notre époque, dans les années 1930. Il
me
semble que nous étions d’à peu près cinquante ans en avance sur l’évo
796
de ce que ce siècle découvre aujourd’hui. Ce que
j’
affirme ici, c’est que nous n’avons pas fini de nous battre pour une s
797
me d’Emmanuel Mounier [témoignage II] (1985)am
Je
vous ai dit hier comment je me rappelais avoir vécu le personnalisme
798
gnage II] (1985)am Je vous ai dit hier comment
je
me rappelais avoir vécu le personnalisme du début d’Esprit. On vient
799
ge II] (1985)am Je vous ai dit hier comment je
me
rappelais avoir vécu le personnalisme du début d’Esprit. On vient de
800
dire comment il avait été perçu. Si les notes que
j’
ai prises pendant qu’il parlait sont exactes, John Hellman voit dans l
801
certains des exemples qu’on vient de nous citer.
Je
voudrais dire en bref — et je vous en demande pardon, mais le calembo
802
ient de nous citer. Je voudrais dire en bref — et
je
vous en demande pardon, mais le calembour me paraît irrésistible — qu
803
— et je vous en demande pardon, mais le calembour
me
paraît irrésistible — que la description de John Hellman est celle d’
804
ous dit que, dans un tract intitulé Le Voltigeur,
j’
aurais réclamé la création en France d’un « fascisme antifasciste ». L
805
st évidente et elle est aussi grave que possible.
J’
ai souvent mis en garde, en effet, contre le danger d’un antifascisme
806
ivre biblique des Proverbes 6 en deux versets que
j’
ai cités dans une réédition récente de La Part du diable . Les voici
807
garde pas comme sage. Inutile de dire qu’en fait
j’
avais choisi l’antifascisme déclaré, mais fondé sur les exigences créa
808
rsonne, non pas sur quelque cliché droite-gauche.
Je
reviens au cas de Nizan, que je citais tout à l’heure, parce qu’il es
809
hé droite-gauche. Je reviens au cas de Nizan, que
je
citais tout à l’heure, parce qu’il est le plus éclairant et le plus p
810
irant et le plus pathétique sans nul doute. Quand
j’
ai publié en 1934 un recueil d’essais et de conférences intitulé Poli
811
dans ce livre ». C’est ainsi que les communistes
m’
avaient sinon « perçu », du moins avaient décidé qu’il fallait me perc
812
« perçu », du moins avaient décidé qu’il fallait
me
percevoir. Cette phrase se trouve préfigurée, presque littéralement,
813
cations » des jeunes groupes révolutionnaires que
j’
avais composé pour le numéro de décembre 1932 de la NRF . C’est Jean
814
décembre 1932 de la NRF . C’est Jean Paulhan qui
m’
avait proposé ce « Cahier », à la suite d’un petit article paru dans u
815
ne revue suisse et intitulé « Cause commune », où
j’
esquissais les possibilités d’entente sur quelques points essentiels e
816
de droite », comme on le disait. Le sommaire que
je
préparai pour la NRF allait de Nizan et Lefebvre pour les communist
817
épendants — qu’on appellera plus tard gauchistes.
Je
me réservai introduction et conclusions. Les douze auteurs sollicités
818
ndants — qu’on appellera plus tard gauchistes. Je
me
réservai introduction et conclusions. Les douze auteurs sollicités ac
819
ties nécessaires à sa collaboration. Il vint chez
moi
, rue Saint-Placide, dans l’appartement que me louait Georges Izard et
820
ez moi, rue Saint-Placide, dans l’appartement que
me
louait Georges Izard et, sitôt entré, me demanda la liste exacte des
821
ment que me louait Georges Izard et, sitôt entré,
me
demanda la liste exacte des auteurs sollicités. Il sortit son agenda
822
e des auteurs sollicités. Il sortit son agenda et
j’
allais lui donner les noms quand il y eut à l’instant précis une panne
823
on, seul éclairé par un réverbère proche, et, là,
je
dictai les douze noms. Je vois encore Nizan, qui louchait fortement,
824
verbère proche, et, là, je dictai les douze noms.
Je
vois encore Nizan, qui louchait fortement, écrire sur son petit carne
825
quante ans. Une semaine après cette visite, Nizan
m’
écrivit qu’il avait remis son papier à Paulhan, et qu’il allait nous e
826
la revue Europe, dirigée par Jean Guéhenno (dont
j’
ai cité tout à l’heure la lettre à Romain Rolland qui nous qualifie de
827
Europe donc publie un article de Paul Nizan, qui
m’
attaque avec une extrême violence : je l’avais trompé, affirme-t-il, e
828
Nizan, qui m’attaque avec une extrême violence :
je
l’avais trompé, affirme-t-il, en lui cachant l’identité des participa
829
ant l’identité des participants non communistes à
mon
enquête. S’il avait su, il n’eût jamais accepté de collaborer. Et il
830
su, il n’eût jamais accepté de collaborer. Et il
me
traite de « sergent recruteur du fascisme français ». Le mensonge éta
831
Le mensonge était énorme, total, totalitaire. Et
je
me suis vu contraint de mesurer, ce jour-là, pour la première fois si
832
mensonge était énorme, total, totalitaire. Et je
me
suis vu contraint de mesurer, ce jour-là, pour la première fois si du
833
aire, peut réduire un esprit honnête, pour lequel
j’
étais prêt à ressentir tout autre chose qu’une sympathie politique : u
834
itique : une amitié humaine directe et spontanée.
Je
voudrais dire à John Hellman, en terminant, qu’il est faux d’écrire a
835
Quelques-uns de
mes
écrivains : anecdotes (1985)an Henri Michaux et les idoles Ru
836
Michaux et les idoles Rue du Four, sortant de
mon
bureau, je longe les voitures alignées au bord du trottoir et devant
837
les idoles Rue du Four, sortant de mon bureau,
je
longe les voitures alignées au bord du trottoir et devant l’une, très
838
nt belle, se tient Michaux, tout à fait immobile.
Je
m’arrête auprès, je me tais. Après quelques moments, Michaux dit lent
839
belle, se tient Michaux, tout à fait immobile. Je
m’
arrête auprès, je me tais. Après quelques moments, Michaux dit lenteme
840
ichaux, tout à fait immobile. Je m’arrête auprès,
je
me tais. Après quelques moments, Michaux dit lentement : « Ici, ce n’
841
aux, tout à fait immobile. Je m’arrête auprès, je
me
tais. Après quelques moments, Michaux dit lentement : « Ici, ce n’est
842
ieur qui relie les étages de la maison Gallimard,
je
rejoins sur le dernier palier — celui qui mène au bureau de la NRF
843
ui mène au bureau de la NRF — Henri Michaux. Il
m’
arrête d’un geste : « Est-ce que vous sentez toujours des battements d
844
ici, avant d’entrer chez Paulhan ? » — « Oh, dis-
je
, vous savez, j’y viens presque tous les jours, j’ai un bureau en bas,
845
trer chez Paulhan ? » — « Oh, dis-je, vous savez,
j’
y viens presque tous les jours, j’ai un bureau en bas, non, vraiment…
846
je, vous savez, j’y viens presque tous les jours,
j’
ai un bureau en bas, non, vraiment… » — « Eh bien, fait-il, le jour où
847
non, vraiment… » — « Eh bien, fait-il, le jour où
je
ne sentirai plus mon cœur battre avant de passer ce seuil, je me fera
848
Eh bien, fait-il, le jour où je ne sentirai plus
mon
cœur battre avant de passer ce seuil, je me ferai honte. » Malices
849
ai plus mon cœur battre avant de passer ce seuil,
je
me ferai honte. » Malices de Jean Paulhan Il est vrai que « le
850
plus mon cœur battre avant de passer ce seuil, je
me
ferai honte. » Malices de Jean Paulhan Il est vrai que « le bu
851
e « le bureau de Paulhan » était un lieu sacré de
ma
mythologie, « lieu propice aux surprises, piège à l’insolite intellec
852
d en physique atomique une chambre à bulles », ai-
je
écrit ailleurs8. J’avais rencontré là plusieurs des demi-dieux de mon
853
ue une chambre à bulles », ai-je écrit ailleurs8.
J’
avais rencontré là plusieurs des demi-dieux de mon adolescence littéra
854
J’avais rencontré là plusieurs des demi-dieux de
mon
adolescence littéraire, de Gide à Fargue et à Malraux. Intimidé cela
855
pertinentes, et sans doute obscures à leurs yeux.
J’
avais fini par m’en accommoder, m’en amuser, en dépit des malices de P
856
ans doute obscures à leurs yeux. J’avais fini par
m’
en accommoder, m’en amuser, en dépit des malices de Paulhan, ou grâce
857
s à leurs yeux. J’avais fini par m’en accommoder,
m’
en amuser, en dépit des malices de Paulhan, ou grâce à elles. Le burea
858
s un rien perfides. Ainsi, un jour de 1932, comme
j’
entre : « Ah tiens ! Rougemont, bonjour ! Je suis content de vous voir
859
comme j’entre : « Ah tiens ! Rougemont, bonjour !
Je
suis content de vous voir. Mais est-ce vrai ce que l’on dit, que c’es
860
le dernier recueil d’essais de Daniel Halévy ? »
Je
le connais assez pour me garder de répondre, et comme je vais pour lu
861
ais de Daniel Halévy ? » Je le connais assez pour
me
garder de répondre, et comme je vais pour lui serrer la main, je vois
862
onnais assez pour me garder de répondre, et comme
je
vais pour lui serrer la main, je vois du coin de l’œil, sur son burea
863
pondre, et comme je vais pour lui serrer la main,
je
vois du coin de l’œil, sur son bureau, le Courrier de Paris, de Danie
864
el Halévy, que viennent de publier les Éditions «
Je
sers », petite maison dont je suis responsable depuis un an. Une autr
865
lier les Éditions « Je sers », petite maison dont
je
suis responsable depuis un an. Une autre fois : « Il vient de m’arriv
866
able depuis un an. Une autre fois : « Il vient de
m’
arriver quelque chose de bien décevant. J’ai essayé de relire Cicéron
867
ient de m’arriver quelque chose de bien décevant.
J’
ai essayé de relire Cicéron dans l’espoir de le trouver surréaliste… E
868
e… Eh bien non ! C’est vraiment très ennuyeux… »
Je
le trouve un jour en conversation avec Artaud et Roger Vitrac, poète
869
and garçon boucher, gentil d’ailleurs. Tandis que
je
les salue : « Ah ! Rougemont, me dit-il, justement nous parlions de C
870
eurs. Tandis que je les salue : « Ah ! Rougemont,
me
dit-il, justement nous parlions de Commerce 9. On m’a dit que la revu
871
dit-il, justement nous parlions de Commerce 9. On
m’
a dit que la revue allait être reprise par vos Éditions “Je sers”… » —
872
ue la revue allait être reprise par vos Éditions “
Je
sers”… » — « C’est vrai, dis-je sans hésiter, mais la revue s’appelle
873
par vos Éditions “Je sers”… » — « C’est vrai, dis-
je
sans hésiter, mais la revue s’appellera désormais Commerce et industr
874
e et industrie. » Nous passâmes à un autre sujet.
J’
en étais arrivé à penser que diriger la NRF était sans doute une tâc
875
s en discussion. Quelques exemples parmi ceux que
j’
ai gardésao : le 12 octobre 1949 Cher ami Merci. Je suis ravi de ces
876
ai gardésao : le 12 octobre 1949 Cher ami Merci.
Je
suis ravi de ces pages. J’attends la circulaire. Bien amicalement Jea
877
e 1949 Cher ami Merci. Je suis ravi de ces pages.
J’
attends la circulaire. Bien amicalement Jean P. (1939) Cher ami, vo
878
o est vraiment admirable10. Nous le citerons (et
je
voudrais bien l’avoir écrit). amicalement J. P. Les N. C. 11 ne son
879
seulement assommants (depuis qq. temps). Ils ont
je
ne sais quoi d’empêché, de contraint. Pourquoi ? Je voudrais bien avo
880
ne sais quoi d’empêché, de contraint. Pourquoi ?
Je
voudrais bien avoir votre avis sur la note jointe. 21.VIII.1949 Mo
881
ir votre avis sur la note jointe. 21.VIII.1949
Mon
cher ami ah j’aurais tout à fait besoin du Saint-John Perse avant le
882
r la note jointe. 21.VIII.1949 Mon cher ami ah
j’
aurais tout à fait besoin du Saint-John Perse avant le 10 septembre. E
883
vant le 10 septembre. Est-ce trop vous demander ?
Je
vous en prie. On vous la donne, votre Europe. Tout de même, j’imagine
884
ie. On vous la donne, votre Europe. Tout de même,
j’
imagine vaguement que vous êtes déçu. Et moi, je serais plus tranquill
885
même, j’imagine vaguement que vous êtes déçu. Et
moi
, je serais plus tranquille si vous étiez à Strasbourg, à la place de
886
, j’imagine vaguement que vous êtes déçu. Et moi,
je
serais plus tranquille si vous étiez à Strasbourg, à la place de ces
887
ons dans ce même bureau, Artaud, Henri Michaux et
moi
, Paulhan propose d’aller dîner ensemble dans un petit restaurant chin
888
clairé, au bout duquel, à une centaine de mètres,
je
vois luire une très grosse lanterne ornée de caractères chinois. Je p
889
très grosse lanterne ornée de caractères chinois.
Je
parlais avec Artaud, Paulhan et Michaux marchant côte à côte à une di
890
inçant des dents : « Lequel… des deux… est-ce que
j’
tue ? » (geste de lancer le poignard). Gagner un peu de temps, pas d’a
891
d’autre solution, le temps d’arriver au bistrot.
Je
dis : « La belle question ! Difficile de répondre… Attendez… Michaux
892
de répondre… Attendez… Michaux est très mince… »
Je
lui prends le bras doucement. Il est haletant, sa bouche écume. « Com
893
ruc par la lame ? » Quelques secondes se passent.
Je
lâche son bras. Nos deux amis sont arrivés dans la lumière de l’entré
894
és à une table, discutant les menus, et contents.
Je
n’ai revu Artaud qu’une seule fois, après mon retour d’Amérique, à l’
895
nts. Je n’ai revu Artaud qu’une seule fois, après
mon
retour d’Amérique, à l’automne de 1946. C’était au Café de Flore. Il
896
sur la banquette à droite du tourniquet d’entrée.
Mes
amis m’ayant quitté, j’ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il m
897
nquette à droite du tourniquet d’entrée. Mes amis
m’
ayant quitté, j’ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend
898
du tourniquet d’entrée. Mes amis m’ayant quitté,
j’
ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend la main. Moment
899
iquet d’entrée. Mes amis m’ayant quitté, j’ai été
m’
asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend la main. Moment de silenc
900
is m’ayant quitté, j’ai été m’asseoir à son côté.
Je
le salue. Il me prend la main. Moment de silence. Puis il dit, devant
901
é, j’ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il
me
prend la main. Moment de silence. Puis il dit, devant lui, sur un ton
902
il dit, devant lui, sur un ton crispé : « Excusez-
moi
… Je ne peux pas vous reconnaître… Je ne veux pas… Je souffre trop ! »
903
t, devant lui, sur un ton crispé : « Excusez-moi…
Je
ne peux pas vous reconnaître… Je ne veux pas… Je souffre trop ! »
904
: « Excusez-moi… Je ne peux pas vous reconnaître…
Je
ne veux pas… Je souffre trop ! » André Breton à New York Notre
905
Je ne peux pas vous reconnaître… Je ne veux pas…
Je
souffre trop ! » André Breton à New York Notre première rencont
906
ice of War Information, où il avait un job, et où
j’
en cherchais un. On nous présente. « Dire que nous avons vécu des anné
907
revoir chaque jour ». C’est ce que nous permettra
mon
engagement un mois plus tard comme « senior script-writer » des émiss
908
peintre Ozenfant. Deux ans d’amitié sans faille.
Je
ne sais combien de soirées merveilleuses avec ses amis peintres et po
909
n de la part d’André. Mais un jour… Il vient vers
moi
l’air sombre et me dit d’entrée de jeu : « Votre dernier livre est un
910
. Mais un jour… Il vient vers moi l’air sombre et
me
dit d’entrée de jeu : « Votre dernier livre est un livre dangereux !
911
: « Votre dernier livre est un livre dangereux !
J’
ai pu le voir, par les réactions d’Elisa ! » (sa nouvelle femme). Il s
912
s allemands. Des propos quelque peu obscurs qu’il
me
tient ensuite, il apparaît que l’approche théologique des auteurs don
913
araît que l’approche théologique des auteurs dont
je
parle est trop engagée — et peut-être engageante dans le cas d’Elisa
914
t français de la 54e Rue, demain soir, 20 heures.
J’
y suis à 20 h 03. Duchamp est là, sur la terrasse, « toujours un peu p
915
r la terrasse, « toujours un peu plus qu’exact »,
me
dit-il, comme pour s’excuser. Aussitôt assis : « Il semble que Breton
916
ier livre. Trop chrétien, sans doute, à ses yeux.
Moi
, vous savez… Je crois que vous croyez ?… Remarquez l’amphibologie du
917
hrétien, sans doute, à ses yeux. Moi, vous savez…
Je
crois que vous croyez ?… Remarquez l’amphibologie du verbe… Mais qu’e
918
mieux du monde entre Duchamp, arbitre désigné, et
moi
. Il ne reviendra pas sur le litige. Je lui ferai même un brin de cond
919
signé, et moi. Il ne reviendra pas sur le litige.
Je
lui ferai même un brin de conduite après le dîner. Deux jours plus ta
920
de conduite après le dîner. Deux jours plus tard,
je
reçois son très beau livre sur Le Surréalisme et la peinture, avec ce
921
re, avec cette dédicace : « À Denis de Rougemont,
mon
ami très cher et très écouté. » Dimanche matin. Sur Madison Avenue d
922
é. » Dimanche matin. Sur Madison Avenue déserte,
je
me hâte vers la « Little Church around the corner », une église angli
923
» Dimanche matin. Sur Madison Avenue déserte, je
me
hâte vers la « Little Church around the corner », une église anglican
924
er », une église anglicane très high church, dont
j’
aime la liturgie. À vingt mètres devant moi, sur le large trottoir, un
925
h, dont j’aime la liturgie. À vingt mètres devant
moi
, sur le large trottoir, un homme seul s’avance, veste en daim, flotta
926
te, visage levé… C’est Breton. Il s’arrête devant
moi
et me dit : « Je pensais à une religion qu’il s’agirait de fonder sur
927
age levé… C’est Breton. Il s’arrête devant moi et
me
dit : « Je pensais à une religion qu’il s’agirait de fonder sur le cu
928
’est Breton. Il s’arrête devant moi et me dit : «
Je
pensais à une religion qu’il s’agirait de fonder sur le culte d’une p
929
une pierre bleue… » Puis il poursuit sa route, et
moi
la mienne. Curieux croisement. Mots de Léon-Paul Fargue Serais-
930
croisement. Mots de Léon-Paul Fargue Serais-
je
le seul dépositaire de la plus belle contrepèterie du siècle ? Je ne
931
itaire de la plus belle contrepèterie du siècle ?
Je
ne l’ai jamais entendu citer par d’autres. Je vais pour sortir de che
932
e ? Je ne l’ai jamais entendu citer par d’autres.
Je
vais pour sortir de chez Gallimard. La lourde porte noire s’ouvre dev
933
z Gallimard. La lourde porte noire s’ouvre devant
moi
, laissant paraître Léon-Paul Fargue. Depuis une semaine, il se plaint
934
es nouveaux commandeurs de la Légion d’honneur. «
J’
ai pas su pleurer dans les ministères. J’ai pas su dire : “C’est pas p
935
nneur. « J’ai pas su pleurer dans les ministères.
J’
ai pas su dire : “C’est pas pour moi, c’est pour ma mère ! La pauvre,
936
es ministères. J’ai pas su dire : “C’est pas pour
moi
, c’est pour ma mère ! La pauvre, elle est morte il y a douze ans…” »
937
’ai pas su dire : “C’est pas pour moi, c’est pour
ma
mère ! La pauvre, elle est morte il y a douze ans…” » Ce matin même,
938
lle est morte il y a douze ans…” » Ce matin même,
j’
ai lu dans un journal qu’il l’avait enfin, sa cravate ! Et le voilà. J
939
al qu’il l’avait enfin, sa cravate ! Et le voilà.
Je
lui dis : « Léon-Paul, je n’ose plus vous serrer la main ! J’ai peur
940
cravate ! Et le voilà. Je lui dis : « Léon-Paul,
je
n’ose plus vous serrer la main ! J’ai peur d’être Don Juan au dernier
941
« Léon-Paul, je n’ose plus vous serrer la main !
J’
ai peur d’être Don Juan au dernier acte… » Il s’arrête. « June homme !
942
an au dernier acte… » Il s’arrête. « June homme !
Moi
, je vais vous en dire une ! Avant, j’avais la roseur de la Légion d’h
943
dernier acte… » Il s’arrête. « June homme ! Moi,
je
vais vous en dire une ! Avant, j’avais la roseur de la Légion d’honnê
944
ne homme ! Moi, je vais vous en dire une ! Avant,
j’
avais la roseur de la Légion d’honnête. À présent, j’ai la candeur de
945
vais la roseur de la Légion d’honnête. À présent,
j’
ai la candeur de la Comment-ça-vat !… » Et il ajoute, après avoir enre
946
-ça-vat !… » Et il ajoute, après avoir enregistré
ma
réaction : « Hein ! Comme contrepèterie, a s’pose là ! Il y a quinze
947
trepèterie, a s’pose là ! Il y a quinze jours que
j’
y travaille… » Au restaurant « Le Catalan », peu après la libération d
948
temps de 1940 : Cher ami N’écrivez pas à Cully.
Je
n’y suis plus et pour cause, et si de la correspondance m’y parvient,
949
is plus et pour cause, et si de la correspondance
m’
y parvient, elle sera probablement exterminée. C’est moi qui vous écri
950
arvient, elle sera probablement exterminée. C’est
moi
qui vous écrirai plutôt dans quelques jours, dès que j’aurai une adre
951
vous écrirai plutôt dans quelques jours, dès que
j’
aurai une adresse. Et vous me direz alors si vous consentez à donner q
952
lques jours, dès que j’aurai une adresse. Et vous
me
direz alors si vous consentez à donner quelques pages à cette jeune r
953
ez à donner quelques pages à cette jeune revue de
mes
amis de Grandson. Croyez à ma vive amitié Ch. A. Cingria Je le revoi
954
tte jeune revue de mes amis de Grandson. Croyez à
ma
vive amitié Ch. A. Cingria Je le revois, quelques jours plus tard, s
955
Grandson. Croyez à ma vive amitié Ch. A. Cingria
Je
le revois, quelques jours plus tard, sur le quai de la gare de Berne,
956
yageurs, et nous allons dîner au Buffet. « Voilà,
me
dit-il dès que nous sommes installés, l’explication de ma dernière le
957
l dès que nous sommes installés, l’explication de
ma
dernière lettre. Comme vous le savez, j’habitais à Cully, chez Budry.
958
ation de ma dernière lettre. Comme vous le savez,
j’
habitais à Cully, chez Budry. Il estimait que j’abusais de son télépho
959
, j’habitais à Cully, chez Budry. Il estimait que
j’
abusais de son téléphone. J’attendais un appel de Paris, dont dépendai
960
udry. Il estimait que j’abusais de son téléphone.
J’
attendais un appel de Paris, dont dépendait ma vie ! (geste de la main
961
ne. J’attendais un appel de Paris, dont dépendait
ma
vie ! (geste de la main droite furieusement agitée devant l’épaule, l
962
ieusement agitée devant l’épaule, le pouce levé).
J’
attendais immobile dans ma chambre, depuis une heure. Le téléphone son
963
épaule, le pouce levé). J’attendais immobile dans
ma
chambre, depuis une heure. Le téléphone sonne enfin dans la pièce à c
964
e. Le téléphone sonne enfin dans la pièce à côté.
Je
me précipite. Mais l’appareil est invisible. Je cherche. Je vois un f
965
Le téléphone sonne enfin dans la pièce à côté. Je
me
précipite. Mais l’appareil est invisible. Je cherche. Je vois un fil
966
. Je me précipite. Mais l’appareil est invisible.
Je
cherche. Je vois un fil sur le parquet, je le suis ! Il aboutit dans
967
ipite. Mais l’appareil est invisible. Je cherche.
Je
vois un fil sur le parquet, je le suis ! Il aboutit dans une valise !
968
sible. Je cherche. Je vois un fil sur le parquet,
je
le suis ! Il aboutit dans une valise ! Fermée à clé ! Le téléphone so
969
à clé ! Le téléphone sonne toujours, là-dedans !
Je
prends la valise, je la secoue, cela décroche l’appareil, moi je peux
970
sonne toujours, là-dedans ! Je prends la valise,
je
la secoue, cela décroche l’appareil, moi je peux parler, je crie ! Ma
971
a valise, je la secoue, cela décroche l’appareil,
moi
je peux parler, je crie ! Mais je n’entends rien de ce que l’autre pe
972
lise, je la secoue, cela décroche l’appareil, moi
je
peux parler, je crie ! Mais je n’entends rien de ce que l’autre peut
973
ue, cela décroche l’appareil, moi je peux parler,
je
crie ! Mais je n’entends rien de ce que l’autre peut dire… J’ai quitt
974
he l’appareil, moi je peux parler, je crie ! Mais
je
n’entends rien de ce que l’autre peut dire… J’ai quitté la maison de
975
is je n’entends rien de ce que l’autre peut dire…
J’
ai quitté la maison de Budry, et j’ai été m’installer de l’autre côté
976
tre peut dire… J’ai quitté la maison de Budry, et
j’
ai été m’installer de l’autre côté de la place, dans un petit hôtel. J
977
dire… J’ai quitté la maison de Budry, et j’ai été
m’
installer de l’autre côté de la place, dans un petit hôtel. J’ai une c
978
de l’autre côté de la place, dans un petit hôtel.
J’
ai une chambre qui donne sur la place. Le matin, je m’installe sur le
979
’ai une chambre qui donne sur la place. Le matin,
je
m’installe sur le balcon. J’attends que Budry sorte de chez lui. Et q
980
une chambre qui donne sur la place. Le matin, je
m’
installe sur le balcon. J’attends que Budry sorte de chez lui. Et quan
981
la place. Le matin, je m’installe sur le balcon.
J’
attends que Budry sorte de chez lui. Et quand je le vois sortir… je le
982
. J’attends que Budry sorte de chez lui. Et quand
je
le vois sortir… je le nargue ! » 8. Journal d’une époque, p. 93.
983
ry sorte de chez lui. Et quand je le vois sortir…
je
le nargue ! » 8. Journal d’une époque, p. 93. 9. C’était de loi
984
Paul Valéry, Léon-Paul Fargue, Valery Larbaud. »
J’
avais entendu dire que la princesse Bassiano venait de décider d’inter
985
939. 11. Les Nouveaux Cahiers , bimensuel dont
j’
étais rédacteur en chef. an. Rougemont Denis de, « Quelques‑uns de m
986
chef. an. Rougemont Denis de, « Quelques‑uns de
mes
écrivains : anecdotes », De l’ordre et de l’aventure : mélanges offer
987
Éloge de Jean Starobinski (1985)ak Quand
mes
collègues jurés du Prix européen de l’essai m’ont demandé de prononce
988
d mes collègues jurés du Prix européen de l’essai
m’
ont demandé de prononcer l’éloge du lauréat que nous venions de choisi
989
r l’éloge du lauréat que nous venions de choisir,
mon
premier mouvement a été de joyeuse acceptation, et puis un scrupule m
990
a été de joyeuse acceptation, et puis un scrupule
m’
est venu, presque un doute : étais-je vraiment l’homme de la circonsta
991
un scrupule m’est venu, presque un doute : étais-
je
vraiment l’homme de la circonstance ? Car il me semblait, tout d’un c
992
s-je vraiment l’homme de la circonstance ? Car il
me
semblait, tout d’un coup, que de tous mes amis, celui que nous allion
993
? Car il me semblait, tout d’un coup, que de tous
mes
amis, celui que nous allions couronner se trouvait être — à tout le m
994
moins par ses vertus, exactement le contraire de
moi
, de ce que je fus dans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je
995
vertus, exactement le contraire de moi, de ce que
je
fus dans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je m’explique par
996
tement le contraire de moi, de ce que je fus dans
ma
jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je m’explique par quelques ex
997
s dans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards.
Je
m’explique par quelques exemples. Jean Starobinski, ou si vous le per
998
ans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je
m’
explique par quelques exemples. Jean Starobinski, ou si vous le permet
999
ar sagesse, au plus beau sens de l’expression, et
moi
contestateur par indignation. Il est prudent et circonspect en tous d
1000
. Il est prudent et circonspect en tous domaines,
je
ne l’ai jamais été, hélas, dans aucun. Il est analytique et méthodiqu
1001
las, dans aucun. Il est analytique et méthodique,
moi
plutôt polémique et passionné. Autant il a su préserver l’irénisme du
1002
he dans ses écrits et son comportement, autant il
m’
est arrivé de céder à la rabies theologica, ou simplement à mes humeur
1003
de céder à la rabies theologica, ou simplement à
mes
humeurs. Il se veut équitable en tout, soucieux de ne pas manquer ni
1004
», comme le dit si joliment Montaigne, alors que
je
n’ai jamais cessé de m’engager pour des causes, et tant pis pour moi.
1005
ment Montaigne, alors que je n’ai jamais cessé de
m’
engager pour des causes, et tant pis pour moi. Ceci encore : il a tout
1006
sé de m’engager pour des causes, et tant pis pour
moi
. Ceci encore : il a tout lu et se souvient de tout, à l’instant où il
1007
se souvient de tout, à l’instant où il le faut ;
moi
j’essaie de masquer des lacunes trop certaines. Enfin, Staro est un p
1008
souvient de tout, à l’instant où il le faut ; moi
j’
essaie de masquer des lacunes trop certaines. Enfin, Staro est un pur
1009
op certaines. Enfin, Staro est un pur citadin, et
je
me sens de plus en plus un campagnard… Les meilleures conditions de c
1010
certaines. Enfin, Staro est un pur citadin, et je
me
sens de plus en plus un campagnard… Les meilleures conditions de comp
1011
rd… Les meilleures conditions de compréhension ne
me
semblaient donc pas réunies, de mon côté. Pourtant, je suis ici ce so
1012
mblaient donc pas réunies, de mon côté. Pourtant,
je
suis ici ce soir, vous m’en voyez heureux, tous scrupules apaisés : Q
1013
de mon côté. Pourtant, je suis ici ce soir, vous
m’
en voyez heureux, tous scrupules apaisés : Que s’est-il donc passé dan
1014
mps ? Deux choses. D’abord, comme chaque fois que
je
me sens dans l’impasse, je me suis dit : voyons un peu plus large. En
1015
? Deux choses. D’abord, comme chaque fois que je
me
sens dans l’impasse, je me suis dit : voyons un peu plus large. Ensui
1016
comme chaque fois que je me sens dans l’impasse,
je
me suis dit : voyons un peu plus large. Ensuite, j’ai lu ce Montaigne
1017
mme chaque fois que je me sens dans l’impasse, je
me
suis dit : voyons un peu plus large. Ensuite, j’ai lu ce Montaigne en
1018
me suis dit : voyons un peu plus large. Ensuite,
j’
ai lu ce Montaigne en mouvement, ce maître livre, dont je vous parlera
1019
ce Montaigne en mouvement, ce maître livre, dont
je
vous parlerai tout à l’heure. Voir plus large, c’est chercher ce qui
1020
ge en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Et puis,
je
nous vois un autre trait commun, non sans relations intimes avec ce l
1021
-médicale dans son cas, théologico-politique dans
le mien
— j’ajouterai un dernier élément de similitude, non le moins signific
1022
dans son cas, théologico-politique dans le mien —
j’
ajouterai un dernier élément de similitude, non le moins significatif
1023
ence de la phrase. D’un texte de Starobinski dont
j’
eus un jour connaissance, je voudrais vous citer, en toute indiscrétio
1024
e de Starobinski dont j’eus un jour connaissance,
je
voudrais vous citer, en toute indiscrétion, ces quelques lignes qui c
1025
, ces quelques lignes qui confessent l’artiste :
J’
aime les matières limpides, je cherche la simplicité. La critique doit
1026
essent l’artiste : J’aime les matières limpides,
je
cherche la simplicité. La critique doit pouvoir être rigoureuse sans
1027
exigences de la science sans offenser la clarté.
J’
ai donc ambitieusement défini ma tâche : conférer à l’essai littéraire
1028
fenser la clarté. J’ai donc ambitieusement défini
ma
tâche : conférer à l’essai littéraire, à la critique, à l’histoire el
1029
t d’ouvrir sa carrière. C’est le dernier paru qui
me
retiendra ce soir. L’essentiel en est annoncé dans le titre. Il ne s
1030
premier temps, Montaigne se prend pour sujet : «
Je
me suis présenté moi-même à moi, pour argument et pour sujet. » Il s’
1031
emier temps, Montaigne se prend pour sujet : « Je
me
suis présenté moi-même à moi, pour argument et pour sujet. » Il s’agi
1032
end pour sujet : « Je me suis présenté moi-même à
moi
, pour argument et pour sujet. » Il s’agit d’un réflexe de défense : i
1033
té en cette fin du xvie siècle ? Il se passe, et
je
cite ici Starobinski : « des luttes de princes pour l’accroissement d
1034
n sincère et véridique de l’être, en tant, dirais-
je
, qu’acceptation de l’incarnation nécessaire des idées, ou en d’autres
1035
premier temps, le refus de tout ce qui n’est pas
moi
; deuxième temps, la prise de conscience du fait que je me connais se
1036
euxième temps, la prise de conscience du fait que
je
me connais seulement dans mes relations avec autrui, avec la société,
1037
ième temps, la prise de conscience du fait que je
me
connais seulement dans mes relations avec autrui, avec la société, av
1038
nscience du fait que je me connais seulement dans
mes
relations avec autrui, avec la société, avec le monde ; et troisième
1039
ue publicité pour des intérêts immédiats. Combien
j’
aimerais vous retracer ici les étapes en chacun de ces domaines, de ce
1040
ce de la mise en tension vivante de l’autre et de
moi
, « sans confusion, sans subordination, sans séparation » — comme le d
1041
du grand concile de Chalcédoine, formule aussi de
mon
éthique et de ma politique fédéraliste. Le bonheur de trouver en Mont
1042
e Chalcédoine, formule aussi de mon éthique et de
ma
politique fédéraliste. Le bonheur de trouver en Montaigne un précurse
1043
personnalisme et de ses prolongements politiques,
je
le dois à ce livre de Staro. Mais il y a plus. Dans les vingt dernièr
1044
t prend la parole en son nom. Ce passage est pour
moi
bien émouvant. Je cite : « L’acte ultime de la critique est de signal
1045
n son nom. Ce passage est pour moi bien émouvant.
Je
cite : « L’acte ultime de la critique est de signaler que le choix po
1046
nce la perversité de nos prévisions sur l’avenir.
Je
cite encore : « Le malaise de notre siècle est dû pour une large part
1047
it à ce jour de Jean Starobinski. Après ce livre,
je
ne serais pas trop surpris de le voir céder — s’en rendant compte à p
1048
’un auteur-prétexte, il nous ferait voir son vrai
moi
. Ce serait, j’en suis sûr, son chef-d’œuvre. ak. Rougemont Denis d
1049
xte, il nous ferait voir son vrai moi. Ce serait,
j’
en suis sûr, son chef-d’œuvre. ak. Rougemont Denis de, « Éloge de J
1050
tie réelle (décembre 1984-janvier 1985)aj Vous
m’
avez demandé ce que signifie pour moi le terme agora. Je vous réponds
1051
85)aj Vous m’avez demandé ce que signifie pour
moi
le terme agora. Je vous réponds d’autant plus volontiers que le conce
1052
demandé ce que signifie pour moi le terme agora.
Je
vous réponds d’autant plus volontiers que le concept d’agora a toujou
1053
d’agora a toujours joué un rôle fondamental dans
ma
théorie du fédéralisme. L’agora figure pour moi l’expression première
1054
ns ma théorie du fédéralisme. L’agora figure pour
moi
l’expression première, physique, architectonique et symbolique de tou
1055
nom. C’est le lieu de rencontre d’une communauté,
j’
entends d’un groupe humain assemblé par des pratiques et des idéaux co
1056
ournaux du lendemain — et vous comprendrez ce que
je
veux dire. C’est l’expérience que j’ai subie à Francfort en 1936, à l
1057
ndrez ce que je veux dire. C’est l’expérience que
j’
ai subie à Francfort en 1936, à l’occasion d’un discours d’Hitler, qui
1058
en 1936, à l’occasion d’un discours d’Hitler, qui
m’
a révélé d’un seul coup, dramatiquement, l’essence horriblement religi
1059
oncièrement antichrétienne du régime totalitaire.
J’
en ai donné une description rigoureusement fidèle dans mon Journal d’
1060
donné une description rigoureusement fidèle dans
mon
Journal d’Allemagne , détruit par les nazis en 1940, mais réédité da
1061
détruit par les nazis en 1940, mais réédité dans
mon
Journal d’une époque en 1968. Ce jour-là, j’ai vécu jusqu’à l’horre
1062
s mon Journal d’une époque en 1968. Ce jour-là,
j’
ai vécu jusqu’à l’horreur sacrée la réalité de l’anti-agora, de la dim
1063
L’homme libre et responsable, formule que Sartre
m’
a empruntée sans jamais songer à me la rendre, vous le savez, c’est ma
1064
ule que Sartre m’a empruntée sans jamais songer à
me
la rendre, vous le savez, c’est ma définition de la personne, par opp
1065
amais songer à me la rendre, vous le savez, c’est
ma
définition de la personne, par opposition à l’individu irresponsable
1066
taire fera son ciment. « Pourquoi voulez-vous que
je
vote ? », me dit tel inconnu avec qui j’échange quelques mots, à la d
1067
n ciment. « Pourquoi voulez-vous que je vote ? »,
me
dit tel inconnu avec qui j’échange quelques mots, à la douane, au bis
1068
vous que je vote ? », me dit tel inconnu avec qui
j’
échange quelques mots, à la douane, au bistrot, dans l’autobus — « de
1069
autobus — « de toute façon, ça n’y changera rien,
ma
voix ne compte pas ». Voilà bien le méfait majeur des trop grandes di
1070
ons de la liberté politique. L’agora reste donc à
mes
yeux le symbole et même la définition du lieu où chacun a le droit de
1071
nsabilité civique. Voilà qui est simple et clair,
je
crois bien. Les vraies difficultés commencent lorsqu’il s’agit d’appl
1072
a d’une municipalité, ici, d’une université. Puis-
je
vous rappeler, à ce propos, que le pacte du « Grütli », déjà cité, un
1073
rées. En revanche, la plupart des grands noms que
j’
ai cités ne seraient guère pensables hors du complexe suisse. Et c’est
1074
ure, écrivait dans sa préface à un petit livre de
moi
sur la Suisse 14 : Pays de gens moyens, oui, et Denis de Rougemont n
1075
nal est sauté. Cas unique, dans l’Europe moderne.
J’
ose y voir le plus grand privilège des Suisses : quelle que soit leur
1076
s formes, du fascisme donc, et aussi du marxisme.
Je
ne me suis pas borné à condamner ; j’ai proposé les principes d’une s
1077
es, du fascisme donc, et aussi du marxisme. Je ne
me
suis pas borné à condamner ; j’ai proposé les principes d’une société
1078
u marxisme. Je ne me suis pas borné à condamner ;
j’
ai proposé les principes d’une société personnaliste à créer. Quant à
1079
ipes d’une société personnaliste à créer. Quant à
mes
« condamnations », elles portaient beaucoup moins sur le marxisme que
1080
rxisme que sur le stalinisme totalitaire. Certes,
je
n’ai jamais été marxiste, mais il y a beaucoup de choses que Marx a d
1081
qui passe encore pour un « fédéraliste », ce que
je
trouve au moins bizarre). Ce qui me frappe c’est que vous faisiez à l
1082
ste », ce que je trouve au moins bizarre). Ce qui
me
frappe c’est que vous faisiez à l’époque déjà ce qu’on n’a vraiment c
1083
« syndicats intercommunaux à vocation multiple » (
j’
aime beaucoup cette expression typique de l’administration française).
1084
des tâches. Nous insistions énormément là-dessus.
J’
y reviens sans cesse dans tous mes écrits politiques. Tout dépend des
1085
ément là-dessus. J’y reviens sans cesse dans tous
mes
écrits politiques. Tout dépend des dimensions des tâches dont on est
1086
xiste déjà dans le couple — c’est une théorie qui
m’
est un peu particulière. Dans le couple, celui qui fait les comptes, q
1087
ssument les activités étatiques nécessaires. D’où
mon
impatience devant cette expression que l’on voit tout le temps reveni
1088
que nietzschéens, certains étaient antichrétiens.
Moi
, c’était tout à fait différent puisque j’étais de tradition protestan
1089
tiens. Moi, c’était tout à fait différent puisque
j’
étais de tradition protestante, fils de pasteur et petit-fils d’un pro
1090
tout comme Nietzsche, d’ailleurs, notez-le ! Mais
j’
en tirais des conclusions opposées aux siennes sur le plan religieux.
1091
sions opposées aux siennes sur le plan religieux.
J’
ai en effet le sentiment que pour vous le personnalisme et ensuite le
1092
urellement dans la tradition protestante.22 Pour
moi
, je redécouvrais le calvinisme, sa théorie, sa politique, son sens du
1093
ement dans la tradition protestante.22 Pour moi,
je
redécouvrais le calvinisme, sa théorie, sa politique, son sens du civ
1094
e, sa théorie, sa politique, son sens du civisme.
J’
avais fait, comme tout un chacun, ma révolte entre 19 et 23 ans. Si on
1095
s du civisme. J’avais fait, comme tout un chacun,
ma
révolte entre 19 et 23 ans. Si on m’avait demandé alors ce que je cro
1096
t un chacun, ma révolte entre 19 et 23 ans. Si on
m’
avait demandé alors ce que je croyais, j’aurais dit que je croyais à n
1097
19 et 23 ans. Si on m’avait demandé alors ce que
je
croyais, j’aurais dit que je croyais à n’importe quoi sauf au protest
1098
s. Si on m’avait demandé alors ce que je croyais,
j’
aurais dit que je croyais à n’importe quoi sauf au protestantisme trad
1099
demandé alors ce que je croyais, j’aurais dit que
je
croyais à n’importe quoi sauf au protestantisme traditionnel que j’en
1100
orte quoi sauf au protestantisme traditionnel que
j’
entendais prêcher le dimanche. C’est alors que j’ai découvert Kierkega
1101
j’entendais prêcher le dimanche. C’est alors que
j’
ai découvert Kierkegaard. J’ai commencé à lire quelques fragments de l
1102
nche. C’est alors que j’ai découvert Kierkegaard.
J’
ai commencé à lire quelques fragments de lui — intitulés Diapsalmata —
1103
Diapsalmata — publiés dans la revue Commerce, que
je
considérais comme la meilleure de l’époque. Elle était dirigée par Pa
1104
gue et Valery Larbaud. Pour le jeune écrivain que
j’
étais, pour qui le sommet de la vie littéraire et intellectuelle du si
1105
était le groupe de la Nouvelle Revue française ,
je
ne pouvais rêver quelque chose de plus exaltant que cette revue. Or c
1106
de plus exaltant que cette revue. Or c’est là que
j’
ai lu pour la première fois le nom de Kierkegaard. À quelle époque est
1107
cela remonte ? Ça remonte aux années 1927 à 1930.
Je
devais donc avoir 21 à 24 ans. Je me suis mis à chercher ce qui était
1108
es 1927 à 1930. Je devais donc avoir 21 à 24 ans.
Je
me suis mis à chercher ce qui était traduit de Kierkegaard en françai
1109
1927 à 1930. Je devais donc avoir 21 à 24 ans. Je
me
suis mis à chercher ce qui était traduit de Kierkegaard en français :
1110
en français : il n’y avait à peu près rien. Mais
j’
ai trouvé une belle anthologie en allemand. Ce fut une lecture enthous
1111
en allemand. Ce fut une lecture enthousiasmante.
Je
suis convaincu que si Nietzsche avait pu lire Kierkegaard, tout aurai
1112
religieuse de la deuxième moitié du xixe siècle.
J’
ai d’ailleurs trouvé une lettre (je donne ce détail en passant parce q
1113
xixe siècle. J’ai d’ailleurs trouvé une lettre (
je
donne ce détail en passant parce qu’il est amusant) de Georg Brandes,
1114
r reçu cette lettre ? Question vraiment tragique.
Je
redécouvrais donc avec Kierkegaard le protestantisme dans ce qu’il av
1115
naire, tandis qu’en revenant à Calvin, peu après,
je
découvrais ce que la Réforme avait apporté de plus constructif du poi
1116
hrétien » et calviniste de sa « responsabilité ».
Je
découvrais du même coup le principe des tensions dynamiques, de la di
1117
illeurs ni kierkegaardiens ni protestants. Enfin,
j’
ai découvert peu après, vers 1930, une théologie qui était nettement i
1118
l Barth, membre actif du parti socialiste (ce que
je
n’ai jamais été), mais enfin cela indiquait une certaine direction, u
1119
a personne remonte à décembre 1934 ?23 Celle que
j’
ai publiée, mais ça résultait déjà de plusieurs années de réflexion ph
1120
de réflexion philosophique et théologique. Ce qui
m’
a beaucoup aidé c’était un article que j’avais lu dans Esprit d’un p
1121
. Ce qui m’a beaucoup aidé c’était un article que
j’
avais lu dans Esprit d’un personnage haut en couleur, qui s’appelait
1122
ommunautaire. C’est une réponse qui ne vaut rien,
je
l’ai largement montré dans Penser avec les mains , mais c’est une ré
1123
te est de dire « non », simplement. Une chose qui
m’
avait aussi beaucoup frappé c’était un petit livre de Thomas Mann qui
1124
pports entre les gens), qui dit simplement « non,
moi
je ne suis tenu par rien », l’égoïste. La personne, au contraire, c’e
1125
ts entre les gens), qui dit simplement « non, moi
je
ne suis tenu par rien », l’égoïste. La personne, au contraire, c’est
1126
ez par foi ? Cela est absolument fondamental pour
moi
. C’est ce que je développerai dans un livre qui doit être, à mon sens
1127
est absolument fondamental pour moi. C’est ce que
je
développerai dans un livre qui doit être, à mon sens, le plus importa
1128
ue je développerai dans un livre qui doit être, à
mon
sens, le plus important de ceux que j’aurai écrits, mais qui n’est pa
1129
t être, à mon sens, le plus important de ceux que
j’
aurai écrits, mais qui n’est pas encore achevé. J’en ai une première v
1130
j’aurai écrits, mais qui n’est pas encore achevé.
J’
en ai une première version écrite en 1945-1946, mais qui n’a jamais ét
1131
é publiée. Elle n’a que 120 pages, et depuis lors
j’
ai accumulé au moins 400 pages de notes. Ça s’intitule La Morale du B
1132
qui a mis en fureur des sociologues français que
j’
avais rencontrés à New York24. Ils trouvaient cela insensé. Ma thèse é
1133
ontrés à New York24. Ils trouvaient cela insensé.
Ma
thèse était que seul le but peut dicter les moyens, qui ne sont que l
1134
n’atteint pas la vérité de la phrase. D’ailleurs,
j’
ai rencontré un philosophe américain nommé Max Lerner, avec qui j’avai
1135
n philosophe américain nommé Max Lerner, avec qui
j’
avais discuté cela, et qui avait mis au point sur ce sujet une questio
1136
nt. On peut passer une vie entière à la deviner !
Je
ne sais pas ma vocation comme je sais comment aller d’ici à Grasse25.
1137
ser une vie entière à la deviner ! Je ne sais pas
ma
vocation comme je sais comment aller d’ici à Grasse25. La manifestati
1138
e à la deviner ! Je ne sais pas ma vocation comme
je
sais comment aller d’ici à Grasse25. La manifestation de la vocation
1139
sous des formes négatives. Il y a des choses qui
me
sont proposées, offertes, par des gens, par des circonstances, qui so
1140
en des égards, et tout d’un coup quelque chose en
moi
dit non, ce n’est pas ta voie, tu ne peux pas aller par là, et cela e
1141
votre pensée de la dimension téléologique ? Oui.
Je
me rappelle un philosophe, un théologien, Paul Tillich, émigré aux Ét
1142
tre pensée de la dimension téléologique ? Oui. Je
me
rappelle un philosophe, un théologien, Paul Tillich, émigré aux États
1143
et ce doit être le même but pour tous les hommes.
Moi
, ça m’allait très bien d’appeler cela Dieu. Il n’y a qu’un Dieu pour
1144
it être le même but pour tous les hommes. Moi, ça
m’
allait très bien d’appeler cela Dieu. Il n’y a qu’un Dieu pour tous le
1145
mmes. Qu’on le connaisse ou non, il est là. Et il
m’
appelle. C’est cet appel qui crée la personne. Alors je dis qu’il faut
1146
elle. C’est cet appel qui crée la personne. Alors
je
dis qu’il faut aller vers l’Absolu, répondre à son appel, aller vers
1147
coup de choses). Chacun doit inventer son chemin.
Je
retrouvais beaucoup de métaphores qui sont déjà dans les psaumes de l
1148
l’Ancien Testament, par exemple cette phrase qui
m’
a toujours frappé : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière
1149
m’a toujours frappé : « Ta parole est une lampe à
mes
pieds, une lumière sur mon sentier », qui exprime d’une manière imagé
1150
parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur
mon
sentier », qui exprime d’une manière imagée exactement ce que je cher
1151
ui exprime d’une manière imagée exactement ce que
je
cherchais à dire. C’est une lumière qui n’éclaire mon sentier que dan
1152
cherchais à dire. C’est une lumière qui n’éclaire
mon
sentier que dans la mesure où j’ai le courage d’avancer, puisqu’elle
1153
e qui n’éclaire mon sentier que dans la mesure où
j’
ai le courage d’avancer, puisqu’elle est comme attachée à mon pied : e
1154
urage d’avancer, puisqu’elle est comme attachée à
mon
pied : elle n’éclaire rien, sauf si j’avance. J’avance par la foi, et
1155
ttachée à mon pied : elle n’éclaire rien, sauf si
j’
avance. J’avance par la foi, et voilà le rôle de la foi : j’ai quelque
1156
mon pied : elle n’éclaire rien, sauf si j’avance.
J’
avance par la foi, et voilà le rôle de la foi : j’ai quelque part une
1157
J’avance par la foi, et voilà le rôle de la foi :
j’
ai quelque part une certitude que mon pied ne va pas tomber dans le vi
1158
e de la foi : j’ai quelque part une certitude que
mon
pied ne va pas tomber dans le vide. Je dois inventer mon sentier. Si
1159
itude que mon pied ne va pas tomber dans le vide.
Je
dois inventer mon sentier. Si je prenais les routes nationales, j’arr
1160
d ne va pas tomber dans le vide. Je dois inventer
mon
sentier. Si je prenais les routes nationales, j’arriverais au mieux à
1161
er dans le vide. Je dois inventer mon sentier. Si
je
prenais les routes nationales, j’arriverais au mieux à la capitale, a
1162
mon sentier. Si je prenais les routes nationales,
j’
arriverais au mieux à la capitale, avec un peu de chance. Donc je rest
1163
mieux à la capitale, avec un peu de chance. Donc
je
resterais dans le même plan. Je n’arriverais pas à moi. Mon chemin, j
1164
u de chance. Donc je resterais dans le même plan.
Je
n’arriverais pas à moi. Mon chemin, je le répète, c’est mon moyen. Là
1165
esterais dans le même plan. Je n’arriverais pas à
moi
. Mon chemin, je le répète, c’est mon moyen. Là j’ai retrouvé des chos
1166
ais dans le même plan. Je n’arriverais pas à moi.
Mon
chemin, je le répète, c’est mon moyen. Là j’ai retrouvé des choses qu
1167
même plan. Je n’arriverais pas à moi. Mon chemin,
je
le répète, c’est mon moyen. Là j’ai retrouvé des choses qui sont dans
1168
verais pas à moi. Mon chemin, je le répète, c’est
mon
moyen. Là j’ai retrouvé des choses qui sont dans Nietzsche, la créati
1169
oi. Mon chemin, je le répète, c’est mon moyen. Là
j’
ai retrouvé des choses qui sont dans Nietzsche, la création de soi en
1170
Il est bon qu’elle agisse, sans ça qu’est-ce qui
me
donnerait le courage d’inventer mon chemin ? Voilà donc la personne e
1171
qu’est-ce qui me donnerait le courage d’inventer
mon
chemin ? Voilà donc la personne et sa vocation, cet appel d’une chose
1172
ppel direct et parfaitement clair. Cette vocation
je
ne peux pas la réaliser dans le vide, je la réalise donc parmi les ho
1173
vocation je ne peux pas la réaliser dans le vide,
je
la réalise donc parmi les hommes, puisqu’elle doit être tout acte. La
1174
en fait une télé-création parce que commandée par
mon
But, non par mon passé, mes gènes, mon milieu… C’est téléologique pou
1175
création parce que commandée par mon But, non par
mon
passé, mes gènes, mon milieu… C’est téléologique pour chacun, qu’il l
1176
rce que commandée par mon But, non par mon passé,
mes
gènes, mon milieu… C’est téléologique pour chacun, qu’il le sache ou
1177
mandée par mon But, non par mon passé, mes gènes,
mon
milieu… C’est téléologique pour chacun, qu’il le sache ou non. Mais i
1178
et en même temps, en plein dans la réalité — pour
moi
— du christianisme. Je n’en connais pas d’autres. Voilà le fond de ma
1179
in dans la réalité — pour moi — du christianisme.
Je
n’en connais pas d’autres. Voilà le fond de ma pensée. Et je vais l’é
1180
e. Je n’en connais pas d’autres. Voilà le fond de
ma
pensée. Et je vais l’écrire tout de suite après avoir achevé le livre
1181
nais pas d’autres. Voilà le fond de ma pensée. Et
je
vais l’écrire tout de suite après avoir achevé le livre auquel je tra
1182
tout de suite après avoir achevé le livre auquel
je
travaille en ce moment, intitulé Journal d’un Européen, qui est la co
1183
é Journal d’un Européen, qui est la conclusion de
mon
« journal non intime », comme je l’ai appelé, parce que je tais presq
1184
a conclusion de mon « journal non intime », comme
je
l’ai appelé, parce que je tais presque tout de ma vie privée, mais dé
1185
nal non intime », comme je l’ai appelé, parce que
je
tais presque tout de ma vie privée, mais décris mes relations avec la
1186
je l’ai appelé, parce que je tais presque tout de
ma
vie privée, mais décris mes relations avec la société, la politique,
1187
e tais presque tout de ma vie privée, mais décris
mes
relations avec la société, la politique, l’action dans la communauté…
1188
l’action dans la communauté… Tout de suite après,
je
me mettrai à La Morale du But , ou plutôt, je reprendrai l’invention
1189
ction dans la communauté… Tout de suite après, je
me
mettrai à La Morale du But , ou plutôt, je reprendrai l’invention de
1190
s, je me mettrai à La Morale du But , ou plutôt,
je
reprendrai l’invention de cet ouvrage qui condensera l’essentiel de m
1191
tion de cet ouvrage qui condensera l’essentiel de
mon
œuvre non seulement politique, mais aussi théologique, métaphysique,
1192
— pourquoi pas — littéraire : car le style, pour
moi
, dit autant (parfois plus) que les démonstrations intellectuelles. Po
1193
es démonstrations intellectuelles. Pour revenir à
ma
remarque précédente, on peut dire que vous faisiez un peu figure de p
1194
e nous disions26, mais peut-être plus claire chez
moi
que ça ne l’est chez d’autres personnalistes, peut-être par une certa
1195
n’était pas dans leurs préoccupations maîtresses.
Moi
je me suis toujours considéré avant tout comme écrivain. La littératu
1196
ait pas dans leurs préoccupations maîtresses. Moi
je
me suis toujours considéré avant tout comme écrivain. La littérature
1197
pas dans leurs préoccupations maîtresses. Moi je
me
suis toujours considéré avant tout comme écrivain. La littérature éta
1198
é avant tout comme écrivain. La littérature était
ma
préoccupation fondamentale. Ce qui m’a fait découvrir Kierkegaard, c’
1199
ature était ma préoccupation fondamentale. Ce qui
m’
a fait découvrir Kierkegaard, c’est la littérature. Et tout ce que j’é
1200
Kierkegaard, c’est la littérature. Et tout ce que
j’
écris — c’est pour moi une question de rigueur — doit avoir une valeur
1201
littérature. Et tout ce que j’écris — c’est pour
moi
une question de rigueur — doit avoir une valeur littéraire à mes yeux
1202
n de rigueur — doit avoir une valeur littéraire à
mes
yeux. Vous disiez que chez vous plus que chez les autres personnalist
1203
préoccupation de formulation et de communication.
J’
ai été amené à discuter ces choses avec des gens qui étaient surtout d
1204
qui étaient surtout des intellectuels. Peu à peu
je
me suis mis à connaître des hommes politiques, mais je ne les ai jama
1205
i étaient surtout des intellectuels. Peu à peu je
me
suis mis à connaître des hommes politiques, mais je ne les ai jamais
1206
suis mis à connaître des hommes politiques, mais
je
ne les ai jamais admirés ou vénérés de la même manière que des écriva
1207
la même manière que des écrivains. Un de ceux qui
m’
a le plus marqué est Paul Valéry, que j’ai à peine rencontré. Il y en
1208
ceux qui m’a le plus marqué est Paul Valéry, que
j’
ai à peine rencontré. Il y en a d’autres que j’ai beaucoup mieux connu
1209
ue j’ai à peine rencontré. Il y en a d’autres que
j’
ai beaucoup mieux connus. Georges Bataille ? Bataille, moins que d’aut
1210
Bataille ? Bataille, moins que d’autres, en fait.
Je
l’ai connu au Collège de sociologie, qu’il avait fondé avec Roger Cai
1211
Bataille. Enfin, nous étions en bons termes, mais
je
l’ai assez peu connu. Et Caillois ? Caillois, lui, c’était un ami, to
1212
t à fait. Vous avez dû échanger beaucoup d’idées.
Je
pense en particulier à la notion de sacré qui revient à plusieurs rep
1213
nt à plusieurs reprises dans vos écrits. Caillois
m’
a beaucoup apporté, surtout pour mon étude des Règles du jeu, ouvrage
1214
rits. Caillois m’a beaucoup apporté, surtout pour
mon
étude des Règles du jeu, ouvrage qui devait introduire La Morale du
1215
troduire La Morale du But , mais pour le moment,
j’
y ai renoncé… Êtes-vous toujours en rapport avec certains écrivains pe
1216
ains écrivains personnalistes ? Il se trouve qu’à
mon
âge — j’aurai 78 ans dans un mois — eh bien, je ne me sens pas du tou
1217
ains personnalistes ? Il se trouve qu’à mon âge —
j’
aurai 78 ans dans un mois — eh bien, je ne me sens pas du tout vieux,
1218
mon âge — j’aurai 78 ans dans un mois — eh bien,
je
ne me sens pas du tout vieux, mais je découvre que je suis un des der
1219
ge — j’aurai 78 ans dans un mois — eh bien, je ne
me
sens pas du tout vieux, mais je découvre que je suis un des derniers
1220
— eh bien, je ne me sens pas du tout vieux, mais
je
découvre que je suis un des derniers survivants de cette génération q
1221
e me sens pas du tout vieux, mais je découvre que
je
suis un des derniers survivants de cette génération qui s’est déclaré
1222
aucoup sont morts depuis, et avec Alexandre Marc,
je
suis à peu près le dernier survivant des personnalistes de la premièr
1223
er Politique de la personne (Paris : Éditions «
Je
sers », 1934), réédité en 1946, mais aujourd’hui épuisé, Penser avec
1224
e reposaient d’eux-mêmes en devenant “patriotes”.
Je
songe à des hommes comme Napoléon, Goethe, Beethoven, Stendhal, Henri
1225
Paulhan et Roger Caillois… Voilà ce qui compte à
mes
yeux, plus que tout, dans ma bibliothèque française. Seul Benjamin Co
1226
ilà ce qui compte à mes yeux, plus que tout, dans
ma
bibliothèque française. Seul Benjamin Constant est meilleur dans Adol
1227
olphe que dans ses écrits politiques. Paul Valéry
me
paraît en revanche plus créateur dans sa prose que dans ses vers. On
1228
plus créateur dans sa prose que dans ses vers. On
m’
opposera sans doute Racine. Mais toute loi souffre exception, comme to
1229
ession française. ⁂ Ceci dit sur un plan général,
j’
en viens à mon cas personnel, pour la première fois en public. On s’ét
1230
ise. ⁂ Ceci dit sur un plan général, j’en viens à
mon
cas personnel, pour la première fois en public. On s’étonne souvent,
1231
n s’étonne souvent, ou l’on juge regrettable, que
je
donne le plus clair de mes journées, depuis plus de trente ans, à l’a
1232
n juge regrettable, que je donne le plus clair de
mes
journées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’est-ce à dire ? A
1233
d’administration, et de présidences de comités :
je
n’ose pas vous dire combien depuis trente ans, plusieurs centaines, j
1234
e combien depuis trente ans, plusieurs centaines,
je
le crains. D’où le propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de
1235
, je le crains. D’où le propos d’André Malraux, à
moi
transmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est un de nos meilleurs
1236
comités »… Combien d’autres ont dit ou écrit que
mes
engagements européens étaient « au détriment de mon œuvre littéraire
1237
s engagements européens étaient « au détriment de
mon
œuvre littéraire ». Je serais perdu pour la littérature… Le prix Schi
1238
étaient « au détriment de mon œuvre littéraire ».
Je
serais perdu pour la littérature… Le prix Schiller que je reçois aujo
1239
s perdu pour la littérature… Le prix Schiller que
je
reçois aujourd’hui, non seulement réfute ces propos, mais me donne l’
1240
ujourd’hui, non seulement réfute ces propos, mais
me
donne l’occasion de m’expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être u
1241
nt réfute ces propos, mais me donne l’occasion de
m’
expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être un devoir. J’oserai donc
1242
ais me donne l’occasion de m’expliquer là-dessus,
m’
en fait même peut-être un devoir. J’oserai donc aborder sans aucune pr
1243
er là-dessus, m’en fait même peut-être un devoir.
J’
oserai donc aborder sans aucune précaution la question que beaucoup se
1244
e précaution la question que beaucoup se posent à
mon
sujet : — Pourquoi s’occupe-t-il tant d’Europe unie, de régions, d’éc
1245
cologie, ou même, horribile dictu, de pacifisme ?
Je
passe donc aux aveux : ils ne seront pas complets, faute de temps, ma
1246
’une part, les défis de l’Histoire auxquels toute
ma
génération eut à faire face, et d’autre part l’évolution intérieure q
1247
intérieure qui fut la mienne dans le même temps,
je
veux dire dans les années 1930 à 1940. Durant cette décennie tout s’e
1248
cette décennie tout s’est joué, à la fois hors de
moi
et en moi. Ce qui m’importe ici, c’est de vous faire entrevoir l’inte
1249
nnie tout s’est joué, à la fois hors de moi et en
moi
. Ce qui m’importe ici, c’est de vous faire entrevoir l’interaction de
1250
est joué, à la fois hors de moi et en moi. Ce qui
m’
importe ici, c’est de vous faire entrevoir l’interaction de ces deux s
1251
r l’interaction de ces deux séries de motifs dans
mon
travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappell
1252
ies de motifs dans mon travail d’écrivain et dans
mon
action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi
1253
’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen.
Je
rappellerai d’abord la nature du défi que ma génération eut à relever
1254
yen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que
ma
génération eut à relever. Arthur Koestler l’a fort bien dit : ce fut
1255
lisme. Un jour, chez des amis, un jeune Russe que
je
venais de connaître, Alexandre Marc, me remit une page de manifeste a
1256
Russe que je venais de connaître, Alexandre Marc,
me
remit une page de manifeste au milieu de laquelle cette phrase me fra
1257
e de manifeste au milieu de laquelle cette phrase
me
frappa, tapée en majuscule : Ni individualistes, ni collectivistes,
1258
sommes personnalistes. Un trait de lumière dans
mon
esprit : cette formule se trouvait répondre aux questions les plus la
1259
t répondre aux questions les plus lancinantes que
me
posaient alors l’époque, les carences de nos démocraties et le défi d
1260
et le défi des totalitaires. Par Alexandre Marc,
j’
entrai en relation avec quelques dizaines de jeunes intellectuels, ave
1261
c à Paris, à la fondation et à la vie desquelles
je
fus étroitement associé dès 1931 jusqu’à la guerre. Car la guerre arr
1262
t dans nos pays et leurs armées parfois ennemies.
Je
fus mobilisé d’abord dans le Jura, puis attaché au service Armée et F
1263
de l’état-major général, à Berne. C’est de là que
j’
envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’
1264
’appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet article
me
valut une condamnation à quinze jours de forteresse « au pain et à l’
1265
re en danger la sécurité de la Suisse », comme on
me
le précisa. En suite de quoi, je me vis gentiment poussé à partir pou
1266
isse », comme on me le précisa. En suite de quoi,
je
me vis gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’une mission
1267
e », comme on me le précisa. En suite de quoi, je
me
vis gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’une mission de
1268
hargé d’une mission de conférences sur la Suisse.
Je
serais moins gênant, et même plus utile là-bas, pensait-on sans doute
1269
là-bas, pensait-on sans doute en haut lieu. Qu’ai-
je
fait durant mes six années américaines ? J’ai écrit quelques livres,
1270
-on sans doute en haut lieu. Qu’ai-je fait durant
mes
six années américaines ? J’ai écrit quelques livres, sur la Suisse, s
1271
Qu’ai-je fait durant mes six années américaines ?
J’
ai écrit quelques livres, sur la Suisse, sur le diable, et sur la bomb
1272
tomique, notamment. Mais surtout, par la force en
mon
cas créatrice d’une constante et poignante nostalgie, en Amérique j’a
1273
une constante et poignante nostalgie, en Amérique
j’
ai découvert l’Europe, et la nécessité vitale de son union, si les All
1274
Alliés gagnaient, la délivraient d’Hitler. Et dès
mon
retour définitif en Suisse, je me suis trouvé, sans savoir trop comme
1275
d’Hitler. Et dès mon retour définitif en Suisse,
je
me suis trouvé, sans savoir trop comment, engagé dans la lutte milita
1276
Hitler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je
me
suis trouvé, sans savoir trop comment, engagé dans la lutte militante
1277
te militante pour la fédération de nos peuples. À
mes
amis fédéralistes, dont beaucoup avaient milité avant la guerre dans
1278
ments personnalistes, puis inspiré la Résistance,
j’
ai dit que j’étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et t
1279
alistes, puis inspiré la Résistance, j’ai dit que
j’
étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis pour
1280
ue j’étais prêt à donner à leur cause deux ans de
ma
vie, et tant pis pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947. J’y suis
1281
à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis pour
mon
œuvre littéraire. C’était en 1947. J’y suis encore, les deux ans sont
1282
t pis pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947.
J’
y suis encore, les deux ans sont devenus trente-cinq ans, et pourtant
1283
eux ans sont devenus trente-cinq ans, et pourtant
je
ne regrette rien, pour les raisons tout intérieures auxquelles il est
1284
sons tout intérieures auxquelles il est temps que
je
vienne. Vers ma vingt-quatrième année, j’avais découvert deux auteurs
1285
eures auxquelles il est temps que je vienne. Vers
ma
vingt-quatrième année, j’avais découvert deux auteurs qui furent déci
1286
mps que je vienne. Vers ma vingt-quatrième année,
j’
avais découvert deux auteurs qui furent décisifs pour ma vie : Kierkeg
1287
s découvert deux auteurs qui furent décisifs pour
ma
vie : Kierkegaard et Karl Barth. À travers eux j’allais redécouvrir u
1288
ma vie : Kierkegaard et Karl Barth. À travers eux
j’
allais redécouvrir une idée de protestantisme totalement différente, j
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une idée de protestantisme totalement différente,
je
le confesse, de celle que je gardais de mon école du dimanche. C’étai
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talement différente, je le confesse, de celle que
je
gardais de mon école du dimanche. C’était l’idée très calvinienne de
1291
rente, je le confesse, de celle que je gardais de
mon
école du dimanche. C’était l’idée très calvinienne de la personne, c’
1292
eur de cette communauté. Voilà pour la doctrine.
J’
ai dit les conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles
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ai dit les conséquences qu’elle a entraînées dans
ma
vie. M’ont-elles « perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non.
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es conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie.
M’
ont-elles « perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non. De mon a
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vie. M’ont-elles « perdu pour la littérature » ?
J’
ose dire que non. De mon action européenne, j’ai tiré huit volumes, c’
1296
du pour la littérature » ? J’ose dire que non. De
mon
action européenne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart de c
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» ? J’ose dire que non. De mon action européenne,
j’
ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart de ce que j’ai publié jusq
1298
iré huit volumes, c’est près d’un quart de ce que
j’
ai publié jusqu’ici. Mais je ne voudrais surtout pas que l’on déduisît
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d’un quart de ce que j’ai publié jusqu’ici. Mais
je
ne voudrais surtout pas que l’on déduisît de mes propos que mon œuvre
1300
s je ne voudrais surtout pas que l’on déduisît de
mes
propos que mon œuvre est issue d’un système ou d’une dialectique rati
1301
s surtout pas que l’on déduisît de mes propos que
mon
œuvre est issue d’un système ou d’une dialectique rationnelle. La coh
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que rationnelle. La cohérence et la continuité de
mes
ouvrages, le parallèle entre l’histoire vécue de l’Europe et l’évolut
1303
re l’histoire vécue de l’Europe et l’évolution de
mes
idées, je ne suis en droit de les déduire qu’après coup, d’une analys
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re vécue de l’Europe et l’évolution de mes idées,
je
ne suis en droit de les déduire qu’après coup, d’une analyse de ce qu
1305
es déduire qu’après coup, d’une analyse de ce que
j’
ai vécu. Mais dans le fait, au jour le jour, tout s’est passé autremen
1306
trement, par hasard. Certains moments décisifs de
ma
vie ont été décidés par des coups d’émotion, et d’autres par des déci
1307
utres par des décisions longuement débattues dont
je
ne pouvais prévoir les conséquences. Comme par exemple cet article —
1308
Hitler à Paris, écrit en une demi-heure après que
mon
ordonnance m’eut annoncé ce qu’on venait d’entendre à la radio. Ces d
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écrit en une demi-heure après que mon ordonnance
m’
eut annoncé ce qu’on venait d’entendre à la radio. Ces deux pages ont
1310
d’entendre à la radio. Ces deux pages ont changé
ma
vie en m’expédiant en Amérique pour plus de six ans. Mais à l’inverse
1311
e à la radio. Ces deux pages ont changé ma vie en
m’
expédiant en Amérique pour plus de six ans. Mais à l’inverse, un texte
1312
n houleuse, à Paris, à Londres, à La Haye, et que
je
lus en conclusion du grand Congrès de l’Europe réuni à La Haye en 194
1313
de Churchill, ce texte de trois pages a décidé de
ma
carrière professionnelle et notamment de l’existence du Centre europé
1314
ux petits écrits sont ceux dont, en les relisant,
je
suis le moins mécontent, d’un point de vue purement littéraire ! ⁂ Ma
1315
t de vue purement littéraire ! ⁂ Mais laissons là
mon
cas et ma littérature, et parlons un moment, pour finir, de cette Eur
1316
rement littéraire ! ⁂ Mais laissons là mon cas et
ma
littérature, et parlons un moment, pour finir, de cette Europe qui me
1317
arlons un moment, pour finir, de cette Europe qui
me
tient au cœur, au corps et à l’âme. Un mot domine sa situation, un pe
1318
nous qui le laissons faire, nous qui le faisons ?
Je
ne suis pas, en rappelant ces faits, victime de quelque sinistrose, m
1319
utôt que par « la note d’espoir » traditionnelle,
je
voudrais terminer par un appel. Changer le monde d’aujourd’hui, c’est
1320
s pulsions, ses désirs inavoués, les plus actifs.
Je
serai content si j’ai pu contribuer par mes écrits et mon action à un
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rs inavoués, les plus actifs. Je serai content si
j’
ai pu contribuer par mes écrits et mon action à une prise de conscienc
1322
ctifs. Je serai content si j’ai pu contribuer par
mes
écrits et mon action à une prise de conscience dont dépend notre aven
1323
i content si j’ai pu contribuer par mes écrits et
mon
action à une prise de conscience dont dépend notre avenir : car il se
1324
« Plaise aux dieux que
je
sois un faux prophète » (automne 1996)ax ay « … Je sens venir des
1325
ois un faux prophète » (automne 1996)ax ay « …
Je
sens venir des catastrophes organisées par nos soins diligents quoiqu
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ire. Pessimiste, optimiste, cela n’a pas de sens.
Je
ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis fai
1327
ptimiste, cela n’a pas de sens. Je ne cesserai de
me
sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chose.
1328
s. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que
je
verrai que je puis faire quelque chose. Quel qu’en soit d’ailleurs, l
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rai de me sentir optimiste tant que je verrai que
je
puis faire quelque chose. Quel qu’en soit d’ailleurs, le succès ! Att
1330
! Attitude qui n’est pas différente de celle que
j’
annonçais dans mon premier article traitant du sujet politique : « Pol
1331
’est pas différente de celle que j’annonçais dans
mon
premier article traitant du sujet politique : « Politique du pessimis
1332
(Encore une expression qu’on a beaucoup reprise…)
Mon
attitude générale n’est pas celle d’un pessimiste et je ne suis pas u
1333
itude générale n’est pas celle d’un pessimiste et
je
ne suis pas un prophète de malheur. J’aime beaucoup cette expression
1334
simiste et je ne suis pas un prophète de malheur.
J’
aime beaucoup cette expression latine « plaise aux dieux que je sois u
1335
up cette expression latine « plaise aux dieux que
je
sois un faux prophète » (utinam vates falsus sim). Je dis à mes conte
1336
ois un faux prophète » (utinam vates falsus sim).
Je
dis à mes contemporains, faites autre chose et vous éviterez les désa
1337
ux prophète » (utinam vates falsus sim). Je dis à
mes
contemporains, faites autre chose et vous éviterez les désastres ! Je
1338
ites autre chose et vous éviterez les désastres !
Je
ne crois pas que notre avenir soit fatal. L’avenir est fait de main d
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arbres. C’est tout juste s’ils ne disent pas : «
je
ne suis pas là ! » Yahvé les trouve et demande à l’homme : « Qu’as-tu
1340
e : « Qu’as-tu fait ? » Adam dit : « Ce n’est pas
moi
, c’est Ève qui m’a forcé ». Ève dit : « Ce n’est pas moi, c’est le se
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? » Adam dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève qui
m’
a forcé ». Ève dit : « Ce n’est pas moi, c’est le serpent qui m’a sédu
1342
est Ève qui m’a forcé ». Ève dit : « Ce n’est pas
moi
, c’est le serpent qui m’a séduite ». Et le serpent, bien sûr, n’est p
1343
ve dit : « Ce n’est pas moi, c’est le serpent qui
m’
a séduite ». Et le serpent, bien sûr, n’est plus là. Il n’est pas vrai
1344
itte à lui couper la tête quand cela se présente.
Je
ne suis pas pessimiste parce que je ne crois pas à ces fatalités. Je
1345
se présente. Je ne suis pas pessimiste parce que
je
ne crois pas à ces fatalités. Je ne suis pas optimiste non plus parce
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imiste parce que je ne crois pas à ces fatalités.
Je
ne suis pas optimiste non plus parce que je ne crois pas avec Roussea
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ités. Je ne suis pas optimiste non plus parce que
je
ne crois pas avec Rousseau que l’homme est bon. Il est bête et méchan
1348
e de grandes bêtises. Vous êtes bête et méchant ?
Je
fais comme tout le monde, je vais dans le sens de mon désir profond.
1349
es bête et méchant ? Je fais comme tout le monde,
je
vais dans le sens de mon désir profond. Il se trouve que c’est le dés
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fais comme tout le monde, je vais dans le sens de
mon
désir profond. Il se trouve que c’est le désir de la liberté, non de
1351
s et des communautés qui vont les employer. De là
mon
idée des régions et de la progressive dissolution des États-nations s
1352
e la vie de la cité. C’est se gouverner soi-même.
J’
aime beaucoup ce slogan irlandais ou gallois « better self-governed th
1353
c’est d’abord un espace de participation civique.
Je
veux dire une communauté assez petite pour que la voix de l’homme pui
1354
e, où chacun peut juger des problèmes à résoudre.
Mon
système fédéraliste est en somme très simple. Il consiste à faire cor
1355
nt et se répondent les trois thèmes principaux de
mon
livre : Écologie, régions, Europe : même avenir. C’est la devise que
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égions, Europe : même avenir. C’est la devise que
j’
ai proposée aux mouvements écologiques français et il semble bien qu’i
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çais et il semble bien qu’ils l’aient adoptée. Si
mon
livre a apporté quelque chose de nouveau au débat des idées politique
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subit, c’est le contraire de l’acte d’amour vrai.
J’
ai montré les conséquences infinies de la passion dans de nombreux dom
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un poète, Wystan Auden. Certains jeunes écrivains
m’
ont confié qu’ils avaient renoncé à écrire tel roman déjà commencé, pa
1360
noncé à écrire tel roman déjà commencé, parce que
m’
ayant lu, ils savaient trop bien ce qu’ils faisaient. Dois-je me le re
1361
ils savaient trop bien ce qu’ils faisaient. Dois-
je
me le reprocher ? Toute prise de conscience n’est-elle pas un progrès
1362
s savaient trop bien ce qu’ils faisaient. Dois-je
me
le reprocher ? Toute prise de conscience n’est-elle pas un progrès ?
1363
rogrès ? Ainsi le cas d’André Gide. Apprenant que
je
cherchais de toute urgence un studio et ne trouvais rien, il m’avait
1364
e toute urgence un studio et ne trouvais rien, il
m’
avait offert à l’improviste d’habiter avec ma femme, pour quelques moi
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, il m’avait offert à l’improviste d’habiter avec
ma
femme, pour quelques mois, un studio communiquant avec sa bibliothèqu
1366
: « tout cela s’est arrangé si soudainement. Cela
me
ferait presque croire à la providence. Mais dites-moi, mon cher Rouge
1367
ferait presque croire à la providence. Mais dites-
moi
, mon cher Rougemont, quand on saura que vous habitez chez moi, qu’est
1368
t presque croire à la providence. Mais dites-moi,
mon
cher Rougemont, quand on saura que vous habitez chez moi, qu’est-ce q
1369
r Rougemont, quand on saura que vous habitez chez
moi
, qu’est-ce qu’on va dire ? » Et il répète à travers ses dents serrées
1370
ses dents serrées : « qu’est-ce qu’on va dire ? »
Je
me garde bien de répondre, je m’amuse trop. Finalement il jette en ri
1371
dents serrées : « qu’est-ce qu’on va dire ? » Je
me
garde bien de répondre, je m’amuse trop. Finalement il jette en riant
1372
e qu’on va dire ? » Je me garde bien de répondre,
je
m’amuse trop. Finalement il jette en riant : « on va dire que c’est u
1373
u’on va dire ? » Je me garde bien de répondre, je
m’
amuse trop. Finalement il jette en riant : « on va dire que c’est un c
1374
ui suivit, il vint entrouvrir la porte capitonnée
me
demandant de passer chez lui pour causer. Il s’annonçait d’un profond
1375
er. Il s’annonçait d’un profond « allô allô ». Il
me
dit un jour ces phrases qui m’émurent profondément : « C’est dans L’
1376
« allô allô ». Il me dit un jour ces phrases qui
m’
émurent profondément : « C’est dans L’Amour et l’Occident et non pas
1377
L’Amour et l’Occident et non pas dans Freud que
j’
ai découvert l’explication de mon cas et les raisons qui m’ont fait co
1378
as dans Freud que j’ai découvert l’explication de
mon
cas et les raisons qui m’ont fait commettre dans ma jeunesse… une ter
1379
uvert l’explication de mon cas et les raisons qui
m’
ont fait commettre dans ma jeunesse… une terrible erreur d’aiguillage.
1380
cas et les raisons qui m’ont fait commettre dans
ma
jeunesse… une terrible erreur d’aiguillage. » Une autre fois, plus dé
1381
utre fois, plus détendu : « Vous allez penser que
je
suis obsédé, mais je ne puis m’empêcher de croire que vos troubadours
1382
du : « Vous allez penser que je suis obsédé, mais
je
ne puis m’empêcher de croire que vos troubadours étaient homosexuels.
1383
allez penser que je suis obsédé, mais je ne puis
m’
empêcher de croire que vos troubadours étaient homosexuels. » Je lui d
1384
croire que vos troubadours étaient homosexuels. »
Je
lui dis qu’en effet, plusieurs semblent l’avoir été que cela n’a rien
1385
ns passifs, mais des joueurs, en pleine activité.
Je
l’ai souvent dit : la décadence d’une société commence quand l’homme
1386
les. En ce qui concerne les centrales nucléaires,
je
me suis exprimé on ne peut plus clairement : même si l’on me démontra
1387
. En ce qui concerne les centrales nucléaires, je
me
suis exprimé on ne peut plus clairement : même si l’on me démontrait
1388
exprimé on ne peut plus clairement : même si l’on
me
démontrait — ce qui est rigoureusement exclu — qu’elles sont inoffens
1389
lles sont inoffensives, rentables et nécessaires,
je
serais contre parce qu’elles impliquent un État de plus en plus centr
1390
plus en plus centralisé et policier. D’ailleurs,
je
doute qu’on continue à en construire et qu’elles fonctionnent. Je lut
1391
ontinue à en construire et qu’elles fonctionnent.
Je
lutte surtout pour qu’on cherche autre chose, qu’on change de cap… Ma
1392
ier à plaider en faveur du CERN ? Oui bien sûr et
je
m’en honore. Le CERN est un laboratoire qui étudie la constitution de
1393
à plaider en faveur du CERN ? Oui bien sûr et je
m’
en honore. Le CERN est un laboratoire qui étudie la constitution de la
1394
sistiblement aux problèmes brûlants de l’énergie,
je
vous dirai ceci : les promoteurs du nucléaire sont suicidaires et le
1395
opeos (qui voit très loin) est le dieu du soleil.
Mon
choix est clair. Celui des États ne l’est pas moins. Êtes-vous un ut
1396
tats ne l’est pas moins. Êtes-vous un utopiste ?
Je
ne le pense pas. L’utopie majeure consiste à croire qu’on peut contin
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consiste à croire qu’on peut continuer comme ça.
Je
me tiens pour un réaliste quand je pose une question comme celle-là.
1398
nsiste à croire qu’on peut continuer comme ça. Je
me
tiens pour un réaliste quand je pose une question comme celle-là. Que
1399
nuer comme ça. Je me tiens pour un réaliste quand
je
pose une question comme celle-là. Que ferez-vous des autoroutes quand
1400
mont Denis de, « [Entretien] Plaise aux dieux que
je
sois un faux prophète », Temps européens, Genève, 1996, p. 34-41. ay