1 1982, Articles divers (1982-1985). L’Europe une et diverse : la contribution des cultures nationales [commentaires] (1982)
1 t apporter de la sorte à l’Europe une et diverse. Ma première intervention relevait quelque peu de la provocation. Elle ri
2 e vider d’avance un tel colloque de son contenu : je niais l’existence de « cultures nationales », pour affirmer l’existen
3 é même. L’affaire pouvait paraître liquidée… Mais je ne peux pas m’en tenir là. J’ai réfléchi à ce que vous avez dit ici,
4 re pouvait paraître liquidée… Mais je ne peux pas m’ en tenir là. J’ai réfléchi à ce que vous avez dit ici, les uns et les
5 ître liquidée… Mais je ne peux pas m’en tenir là. J’ ai réfléchi à ce que vous avez dit ici, les uns et les autres. J’ai ap
6 ce que vous avez dit ici, les uns et les autres. J’ ai aperçu de nouvelles manières, non pas d’établir des compromis mais
7 de tourner, à certains égards, l’interdiction que j’ avais posée au départ, en parlant de l’inexistence, voire de l’impossi
8 ’est la première question. Or, il faut dialoguer, j’ en suis convaincu depuis une cinquantaine d’années que j’écris et que
9 is convaincu depuis une cinquantaine d’années que j’ écris et que je parle sur des questions européennes. Pourquoi est-ce q
10 puis une cinquantaine d’années que j’écris et que je parle sur des questions européennes. Pourquoi est-ce qu’il nous faut
11 oir faire un cercle carré ou c’est vouloir, comme je l’ai dit souvent, fonder une amicale des misanthropes. On peut écrire
12 ifficultés et d’où aussi les solutions possibles. J’ ajoute que, pour moi, faire une fédération de l’Europe, une union réel
13 aussi les solutions possibles. J’ajoute que, pour moi , faire une fédération de l’Europe, une union réelle sur la base de la
14 de quelque chose de plus important que l’Europe, je veux dire de la Paix. Les divers travaux que j’ai pu entendre ici m’o
15 , je veux dire de la Paix. Les divers travaux que j’ ai pu entendre ici m’ont permis d’entrevoir comment on pourrait tout d
16 Paix. Les divers travaux que j’ai pu entendre ici m’ ont permis d’entrevoir comment on pourrait tout de même rendre un cert
17 ertaines circonstances historiques bien définies. Je ne retire pas ma condamnation en général de l’expression de culture n
18 ances historiques bien définies. Je ne retire pas ma condamnation en général de l’expression de culture nationale : l’Euro
19 re de notre ère par la confluence des sources que j’ ai énumérées tout à l’heure, alors que les plus anciens États que l’on
20 contemporaines. Voilà un premier cas, sur lequel je reviendrai, de pays dont la culture se confond avec l’identité nation
21 siècle pour voir se former les premiers États que j’ ai appelés États-nations. C’est la France de Philippe le Bel, l’Espagn
22 res nationales » ne soit pas vidée de tout sens ? Je vais vous le dire en trois mots. Ces sources de la culture commune de
23 sibles dans le dialogue que nous souhaitons tous. Je vous en donnerai ici quelques exemples, portant surtout sur l’usage q
24 édéralisme, sur l’éthique du fédéralisme, devrais- je dire. Il y a aussi la Pologne et la Roumanie, qu’il faut citer parmi
25 ie, qu’il faut citer parmi les anciens États. Là, je vois de nouveau deux cas inverses très intéressants. La Pologne a pou
26 nçaise qui a fait la France, sans jamais obtenir, je crois, le libre consentement des parties annexées. Ça a été fait par
27 tat-nation, faite pour et par l’État-nation. Cela me rappelle une phrase souvent répétée par Michel Debré, qu’il a encore
28 la Vienne des trente premières années du siècle. Je pense que Vienne était, plus peut-être que Paris, le centre de la civ
29 ttérature, qui s’est développée autour de Vienne, j’ englobe ici tous ceux qui ont relevé de l’Empire « K. und K. » : Rilke
30 . Il s’agit de cette harmonie dont parlait ce que j’ oserai appeler le premier slogan européen, cette pensée d’Héraclite qu
31 tralisé par l’autre. Ceci nous amène à l’idée que je voulais introduire, celle du dialogue. Du dialogue nécessaire. Les mo
32 . Du dialogue nécessaire. Les moyens du dialogue, je crois que je les ai indiqués, c’est cette culture une et diverse qui
33 nécessaire. Les moyens du dialogue, je crois que je les ai indiqués, c’est cette culture une et diverse qui permet à tout
34 Dialogue des cultures que nous souhaitons tous ? Je ne vais pas vous faire ici un long topo. J’aimerais simplement propos
35 ous ? Je ne vais pas vous faire ici un long topo. J’ aimerais simplement proposer une ou deux pistes de réflexion. Cela pou
36 Cela pourrait être le sujet d’un autre colloque. Je crois que la condition de tout dialogue entre les différentes nations
37 e tout dialogue entre les différentes nations que j’ ai énumérées, avec toutes leurs diversités, c’est la reconnaissance du
38 ean Monnet le proposait. On n’y est pas arrivé et je ne pense pas qu’on y arrivera dans les années qui suivent, parce que
39 l’intendance, ils devaient suivre. Suivre quoi ? Je réponds : les finalités les plus hautes de la culture, de l’homme. En
40 contre les nationalismes fauteurs de guerres. Il me semble que c’est un terrain sur lequel la responsabilité de la cultur
2 1982, Articles divers (1982-1985). De la personne à l’Europe des régions (25 mars 1982)
41 éonien qui a été copié presque par tout le monde. Je l’ai dit il y a longtemps, « c’est avec la poussière des individus qu
42 iques et les fusées occidentales ? C’est ce qu’on m’ a répondu récemment à Paris, lorsque je demandais aux responsables de
43 t ce qu’on m’a répondu récemment à Paris, lorsque je demandais aux responsables de la production électrique quel serait l’
44 pourrait arriver à Creys-Malville. On a refusé de me répondre en me disant que la probabilité était faible, et qu’il exist
45 r à Creys-Malville. On a refusé de me répondre en me disant que la probabilité était faible, et qu’il existait une menace
46 aient pas les Français tirer les premiers. Voilà, m’ expliquait-on, qui provoquerait une série d’explosions cent fois plus
47 nt majeur de Creys-Malville. Est-ce qu’on pensait me rassurer ? Et, comme par hasard, d’une façon générale, on installe to
48 e… Finalement, êtes-vous de gauche ou de droite ? Je vais vous répondre par cette formule d’Ortega y Gasset que je trouve
49 répondre par cette formule d’Ortega y Gasset que je trouve superbement adaptée à votre question : « Être de gauche ou de
50 été commence quand l’homme se demande : ‘Que puis- je faire ?’”. Envers et contre tous les embrigadements et toutes les mod
3 1982, Articles divers (1982-1985). Précisions de M. Denis de Rougemont (25 mai 1982)
51 interview que vous avez publiée le 25 mars et que j’ avais accordée à Richard Labévière, il y a plusieurs mois, se sont gli
52 usieurs mois, se sont glissées deux erreurs qu’il me paraît absolument nécessaire de rectifier : 1. Dans la présentation e
53 tation en caractères gras, l’omission de dix mots me fait dire exactement le contraire de ce que j’ai dit et souvent écrit
54 ts me fait dire exactement le contraire de ce que j’ ai dit et souvent écrit. Voici la phrase telle qu’elle doit être lue :
55 l arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis- je faire ? » » Les dix mots soulignés ont été omis. 2. À l’avant-dernièr
56 urgénérateur de Creys-Malville : il est exact que j’ ai mentionné le refus de réponse que m’ont opposé les responsables de
57 exact que j’ai mentionné le refus de réponse que m’ ont opposé les responsables de l’EDF, affirmant que la probabilité d’a
58 iennent compte. Mais ce ne sont pas les mêmes qui m’ ont opposé le danger « cent fois plus grand » présenté par les fusées
59 ancien haut-commissaire à l’énergie atomique. Il m’ a paru important de préciser qu’une révélation aussi sensationnelle pr
4 1982, Articles divers (1982-1985). « Vous avez dit Rolling Stones ? » (28 mai 1982)
60 lexe : Denis de Rougemont (écrivain) Ce n’est pas mon domaine. Pas d’opinion à ce sujet. i. Rougemont Denis de, « [Répon
5 1982, Articles divers (1982-1985). « Des manifestations pacifistes encore plus grandes ! » (2 juillet 1982)
61 la volonté de défense de l’Occident. À tout cela, j’ ai envie de répondre que cette campagne contre les pacifistes est elle
62 ot des grands, des puissants contre les peuples ? Je ne dirai jamais cela. Il n’existe pas de complot conscient, cynique.
63 a. Il n’existe pas de complot conscient, cynique. Je suis persuadé que les dirigeants de l’URSS et des États-Unis sont con
64 c’est de la folie ! Le groupe de Bellerive — que j’ ai contribué à fonder et qui comprend des savants atomistes de premier
65 deviennent encore plus grandes, plus puissantes. Je ne nie pas qu’il y ait des tentatives de manipulation dont les pacifi
66 tentatives de manipulation dont les pacifistes de mon espèce sont conscients et qu’ils dénoncent, mais l’idée que ces manif
67 à de nombreux pays de se procurer la bombe. Cela me paraît plus dangereux que le pacifisme. Alors, que faire ? Il n’y a q
68 moyen d’éviter la tempête nucléaire en Europe, à mon sens et à celui de mes amis : l’élimination de toutes les armes atomi
69 ête nucléaire en Europe, à mon sens et à celui de mes amis : l’élimination de toutes les armes atomiques de notre continent
70 les armes atomiques de notre continent. Et cela, je le dis avec toute ma conviction. Je pense que si les Soviétiques étai
71 de notre continent. Et cela, je le dis avec toute ma conviction. Je pense que si les Soviétiques étaient jamais tentés d’o
72 ent. Et cela, je le dis avec toute ma conviction. Je pense que si les Soviétiques étaient jamais tentés d’occuper l’Europe
73 vaste surface ; la nôtre est dix fois plus dense. J’ en viens à la Suisse. C’est sans doute le pays le mieux placé pour évi
74 , il faudrait aussi recourir à la défense civile. J’ ai fait naguère une proposition qui est peut-être moins comique qu’il
75 e constituer une alternative à la défense armée ? Je suis persuadé que la non-violence est la seule réponse vraiment humai
76 s lors renoncer à l’armée suisse ? Non, parce que je ne pense pas que notre défense militaire puisse être considérée comme
77 devant cette possibilité parfaitement réelle, il me semble que seule l’attitude radicalement contraire, la non-violence,
78 lement contraire, la non-violence, soit correcte. J’ irai jusqu’à avancer ceci : les seuls qui soient sûrs d’avoir raison s
79 ers. Seriez-vous prêt à le dire pour notre pays ? Je n’y suis pas encore prêt. Pour vous parler sincèrement, je sens, je s
80 is pas encore prêt. Pour vous parler sincèrement, je sens, je sais, je vois ce que serait la seule position absolument ten
81 core prêt. Pour vous parler sincèrement, je sens, je sais, je vois ce que serait la seule position absolument tenable — qu
82 . Pour vous parler sincèrement, je sens, je sais, je vois ce que serait la seule position absolument tenable — quitte à ce
83 ire désarmons-nous et offrons nos poitrines nues. Je crois qu’il y aurait là un moyen de dissuasion formidable. Cependant,
84 devait éclater dans deux mois, ou dans deux ans, je me demande si nous aurions le temps de préparer techniquement cette d
85 vait éclater dans deux mois, ou dans deux ans, je me demande si nous aurions le temps de préparer techniquement cette défe
86 us voudriez donc qu’on organise la non-violence ? Je voudrais que les meilleurs esprits de ce temps se mettent à imaginer
87 ent à imaginer des procédés de résistance au mal. J’ ai été frappé, depuis longtemps, par ces deux versets des Proverbes (P
88 un compromis, sans nul doute, mais pour le moment je ne peux pas aller plus loin. j. Rougemont Denis de, « [Entretien]
6 1982, Articles divers (1982-1985). Denis de Rougemont devant l’Histoire (17 juillet 1982)
89 u 26 avril (n° 911) écrit, à propos du procès que j’ ai intenté à Dominique Grisoni : Le malentendu était à son comble. Ro
90 laient faire le procès des années 1930. En fait, j’ attaquais Grisoni sur une phrase parue dans Lu, selon laquelle, lors d
91 Race, de la Terre et de la Nation. Le procès qui m’ était fait n’était donc pas celui « des années 1930 ». Il portait sur
92 onc pas celui « des années 1930 ». Il portait sur mon action personnelle en juin 1940. Juin 1940, c’est « pendant la guerre
93 6 et l’appel du général de Gaulle le matin du 18, je publiais en Suisse, où j’étais mobilisé comme officier, un article su
94 Gaulle le matin du 18, je publiais en Suisse, où j’ étais mobilisé comme officier, un article sur l’entrée de Hitler à Par
95 r, un article sur l’entrée de Hitler à Paris, qui me valut, le 20 juin, une condamnation à quinze jours de forteresse, au
96 suite à tous les écrits dans lesquels, dès 1932, je n’ai cessé d’attaquer les totalitaires, noirs, rouges ou bruns, et le
97 « fascisme à la française », expression créée par moi en 1936 dans la revue personnaliste L’Ordre nouveau . l. Rougemon
7 1982, Articles divers (1982-1985). Des régions à la paix pour l’union de l’Europe (juillet-août 1982)
98 sponsables — l’un n’allant pas sans l’autre comme je le répète depuis un peu plus d’un demi-siècle. 4. Il existe une demi-
99 présents, à des degrés inégaux. La définition que je propose est peut-être la plus compréhensive ou englobante : la région
8 1982, Articles divers (1982-1985). La peur d’être libre… (printemps-été 1982)
100 ticulièrement des régions ? Ces dernières années, j’ ai proposé à Ecoropa de s’occuper des régions, d’établir un réseau ent
101 égionaliste. Cette idée n’était pas nouvelle pour moi . En effet, lorsque je suis arrivé à Paris en 1931, j’ai fait la conna
102 n’était pas nouvelle pour moi. En effet, lorsque je suis arrivé à Paris en 1931, j’ai fait la connaissance d’une trentain
103 En effet, lorsque je suis arrivé à Paris en 1931, j’ ai fait la connaissance d’une trentaine de jeunes gens de mon âge, ent
104 la connaissance d’une trentaine de jeunes gens de mon âge, entre 25 et 30 ans, qui se rencontraient en un petit groupe de d
105 set d’un psaume dit : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier. » Cette vocation doit se manifest
106 parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier. » Cette vocation doit se manifester et elle se manifeste par
107 lève plus de l’horticulture que de la mécanique ! J’ aime beaucoup la définition qui a été donnée par un sénateur américain
108 ce lac est en train d’en crever. Mais cela, c’est ma femme qui s’en occupe ! Il me semble, parfois, que cette frontière fr
109 r. Mais cela, c’est ma femme qui s’en occupe ! Il me semble, parfois, que cette frontière franco-suisse autour de Genève e
110 type 1901 en France ? C’est pour cette raison que j’ appelle cela et je suis pour la pluralité des allégeances. Je suis pou
111 e ? C’est pour cette raison que j’appelle cela et je suis pour la pluralité des allégeances. Je suis pour des régions « à
112 ela et je suis pour la pluralité des allégeances. Je suis pour des régions « à géométrie variable », suivant la fonction q
113 représentation. La pluralité des allégeances est ma théorie favorite. Par exemple, je suis né dans le canton de Neuchâtel
114 allégeances est ma théorie favorite. Par exemple, je suis né dans le canton de Neuchâtel qui est ma patrie. Je me trouve d
115 e, je suis né dans le canton de Neuchâtel qui est ma patrie. Je me trouve donc automatiquement citoyen suisse. Mais j’appa
116 né dans le canton de Neuchâtel qui est ma patrie. Je me trouve donc automatiquement citoyen suisse. Mais j’appartiens à la
117 dans le canton de Neuchâtel qui est ma patrie. Je me trouve donc automatiquement citoyen suisse. Mais j’appartiens à la Su
118 trouve donc automatiquement citoyen suisse. Mais j’ appartiens à la Suisse qui parle français et je fais partie de la comm
119 is j’appartiens à la Suisse qui parle français et je fais partie de la communauté francophone : la France, une partie de l
120 de l’Afrique et quelques îles de l’Océanie. C’est ma communauté en tant qu’écrivain. Je suis protestant et j’appartiens do
121 Océanie. C’est ma communauté en tant qu’écrivain. Je suis protestant et j’appartiens donc aussi à une autre communauté qui
122 unauté en tant qu’écrivain. Je suis protestant et j’ appartiens donc aussi à une autre communauté qui est mondiale et n’a p
123 i est mondiale et n’a pas de frontière délimitée. J’ appartiens à l’école personnaliste et à diverses associations… Si un f
124 iste et à diverses associations… Si un fou venait me dire : tout cela ne peut pas continuer, il faut donner la même fronti
125 ner la même frontière à toutes ces activités, là, je crierai « au fou ! » Mais ces fous existent : Staline, Hitler et d’au
126 l’être humain ! C’est impossible… Pour l’Europe, je vois donc une fédération de régions, une fédération continentale euro
127 oites de 300 km de long au tire-ligne. Un jour où j’ en parlais avec un ministre de la Haute-Volta, il me dit : Vous ne co
128 en parlais avec un ministre de la Haute-Volta, il me dit : Vous ne connaissez pas le pire. Quand la décolonisation s’est
129 e se base sur une certaine conception de l’homme. Je suis pour la région à cause de ma conception personnaliste de l’homme
130 ion de l’homme. Je suis pour la région à cause de ma conception personnaliste de l’homme. Mais aussi à cause des conséquen
131 abilités. Malheureusement, cette idée est d’un de mes compatriotes, Benjamin Constant. C’est ce qu’il a nommé « le libérali
132 t ce qui conduit tout droit à l’État totalitaire. J’ ai écrit dans un de mes livres : « C’est avec la poussière des individ
133 droit à l’État totalitaire. J’ai écrit dans un de mes livres : « C’est avec la poussière des individus que l’État fera son
134 les États-nations ? Oui, c’est exactement ce que je pense. La compétition relève de ce qui n’est pas la vocation. À ce su
135 ntement pour constituer cette Europe des régions. Je ne vois l’Europe possible que sur la base des régions. C’est ce que j
136 ossible que sur la base des régions. C’est ce que j’ avais proposé à Ecoropa : des régions qui se forment spontanément un p
137 ation. La vraie révolution vient d’en bas. Ce qui me donne un peu confiance dans le nouveau régime français c’est que les
138 r se relever du centralisme de Monsieur Napoléon. Moi , je trouve que trois générations, c’est être très optimiste car, de n
139 relever du centralisme de Monsieur Napoléon. Moi, je trouve que trois générations, c’est être très optimiste car, de nos j
140 devienne normale, mais simplement possible. Quand j’ ai commencé à reparler systématiquement des régions, cela a beaucoup é
141 is qui n’en a aucune idée exacte : Debré a traité mon livre de « livre infâme » ! Pour conclure, je vais vous citer une phr
142 té mon livre de « livre infâme » ! Pour conclure, je vais vous citer une phrase que j’ai écrite et que j’aime beaucoup : «
143 Pour conclure, je vais vous citer une phrase que j’ ai écrite et que j’aime beaucoup : « la puissance, c’est le pouvoir qu
144 vais vous citer une phrase que j’ai écrite et que j’ aime beaucoup : « la puissance, c’est le pouvoir que l’on prend sur au
145 nés les États-nations et les États totalitaires. Je ne cesse de répéter que la seule force des États totalitaires, c’est
9 1982, Articles divers (1982-1985). Un écrivain au service de la cité (24 octobre 1982)
146 circonstances votre vocation s’est-elle décidée ? Je crois qu’il faut remonter, pour distinguer l’appel que signifie toute
147 stinguer l’appel que signifie toute vocation — et je suis très attaché à cette notion qui constitue, soit dit en passant,
148 , soit dit en passant, le thème du seul roman que j’ aie jamais écrit — à mes années de formation, entre 15 et 25 ans. Dès
149 le thème du seul roman que j’aie jamais écrit — à mes années de formation, entre 15 et 25 ans. Dès mon adolescence, ce qui
150 mes années de formation, entre 15 et 25 ans. Dès mon adolescence, ce qui comptait essentiellement, à mes yeux, c’était la
151 n adolescence, ce qui comptait essentiellement, à mes yeux, c’était la littérature. Auparavant, j’avais pensé, curieusement
152 , à mes yeux, c’était la littérature. Auparavant, j’ avais pensé, curieusement, que je deviendrais un grand chimiste. Je m’
153 ure. Auparavant, j’avais pensé, curieusement, que je deviendrais un grand chimiste. Je m’y étais exercé dans un laboratoir
154 rieusement, que je deviendrais un grand chimiste. Je m’y étais exercé dans un laboratoire improvisé, chez mes parents, mai
155 usement, que je deviendrais un grand chimiste. Je m’ y étais exercé dans un laboratoire improvisé, chez mes parents, mais a
156 étais exercé dans un laboratoire improvisé, chez mes parents, mais après trois leçons de chimie, au Gymnase de Neuchâtel,
157 trois leçons de chimie, au Gymnase de Neuchâtel, j’ ai compris que ce n’était pas tout à fait ça… Donc je ne jurais que pa
158 i compris que ce n’était pas tout à fait ça… Donc je ne jurais que par la littérature, à commencer par la poésie. Dans les
159 e, à commencer par la poésie. Dans les poèmes que j’ écrivais alors, j’étais influencé par les symbolistes, et Rimbaud surt
160 la poésie. Dans les poèmes que j’écrivais alors, j’ étais influencé par les symbolistes, et Rimbaud surtout me fascinait,
161 influencé par les symbolistes, et Rimbaud surtout me fascinait, avant que je ne découvre les surréalistes. Mon premier art
162 istes, et Rimbaud surtout me fascinait, avant que je ne découvre les surréalistes. Mon premier article, publié à l’âge de
163 inait, avant que je ne découvre les surréalistes. Mon premier article, publié à l’âge de 17 ans, dans la Semaine littéraire
164 tait consacré à Montherlant et le football, comme j’ étais moi-même un adepte entêté de ce sport. Puis je suis entré en let
165 étais moi-même un adepte entêté de ce sport. Puis je suis entré en lettres, à l’Université de Neuchâtel qui était, à mon s
166 lettres, à l’Université de Neuchâtel qui était, à mon sens, la meilleure du monde, parce que la plus minuscule. On y avait
167 ables ! Une époque bouillonnante Après cela, j’ ai voyagé. J’ai passé un an à l’Université de Vienne, où l’on ne me vo
168 époque bouillonnante Après cela, j’ai voyagé. J’ ai passé un an à l’Université de Vienne, où l’on ne me voyait guère à
169 passé un an à l’Université de Vienne, où l’on ne me voyait guère à vrai dire, tant ma vie sentimentale était alors tumult
170 nne, où l’on ne me voyait guère à vrai dire, tant ma vie sentimentale était alors tumultueuse. Je fis aussi de longs séjou
171 tant ma vie sentimentale était alors tumultueuse. Je fis aussi de longs séjours en Hongrie. J’étais complètement envoûté p
172 tueuse. Je fis aussi de longs séjours en Hongrie. J’ étais complètement envoûté par cette atmosphère passionnelle de l’Euro
173 climat dans Le Paysan du Danube . En même temps, j’ écrivais des essais tout ce qu’il y a de plus sages. Dans l’un d’entre
174 n d’entre eux, intitulé « Adieu beau désordre… », je blâmais le « désordre cherché » de la littérature à la mode, où le su
175 er les problèmes de la crise naissante. Ce qui ne m’ empêchait nullement, par ailleurs, de signer des pamphlets d’une extrê
176 e l’instruction publique . Quoi ou il en soit, il me semblait important d’en venir à une littérature fondée spirituellemen
177 ement. Après une crise sentimentale très dure qui me brisa en quatre morceaux, je gagnai Paris au début des années 1930, o
178 entale très dure qui me brisa en quatre morceaux, je gagnai Paris au début des années 1930, où l’on m’offrait de diriger u
179 je gagnai Paris au début des années 1930, où l’on m’ offrait de diriger une maison d’édition. Dès ce moment-là, j’ai été pl
180 e diriger une maison d’édition. Dès ce moment-là, j’ ai été plongé dans un bouillonnement d’idées que je n’ai jamais retrou
181 ’ai été plongé dans un bouillonnement d’idées que je n’ai jamais retrouvé par la suite. D’une part, nous faisions découvri
182 rtir plusieurs revues — dont Esprit , à laquelle je collaborai très activement jusqu’à la guerre — et, surtout, les thèse
183 État-nation. Mais ce n’est qu’après la guerre que je me suis lancé dans l’action fédéraliste, laquelle m’occupe depuis que
184 t-nation. Mais ce n’est qu’après la guerre que je me suis lancé dans l’action fédéraliste, laquelle m’occupe depuis quelqu
185 me suis lancé dans l’action fédéraliste, laquelle m’ occupe depuis quelque trente-cinq ans. Cela étant, je n’ai jamais cess
186 ccupe depuis quelque trente-cinq ans. Cela étant, je n’ai jamais cessé pour autant d’être écrivain. Pour l’instant, j’ai d
187 essé pour autant d’être écrivain. Pour l’instant, j’ ai douze livres en chantier. À la suite de mon Journal d’une époque ,
188 ant, j’ai douze livres en chantier. À la suite de mon Journal d’une époque , devrait bientôt paraître le Journal d’un Euro
189 , portant sur ces trente dernières années. Enfin, je travaille toujours à l’ouvrage que je considère comme la clef de voût
190 ées. Enfin, je travaille toujours à l’ouvrage que je considère comme la clef de voûte de mon œuvre : une Morale du but où
191 uvrage que je considère comme la clef de voûte de mon œuvre : une Morale du but où se concentre l’essentiel de mon éthique
192 une Morale du but où se concentre l’essentiel de mon éthique d’homme et d’écrivain. o. Rougemont Denis de, « [Entretie
10 1983, Articles divers (1982-1985). Réponses à des questions de Marcel Proust et de Michel Moret (1983)
193 chel Moret (1983)v Qui auriez-vous aimé être ? Moi , mais pleinement réalisé. Le principal trait de votre caractère ? L’a
194 alternance admiration-indignation, moteur de tous mes écrits. La qualité préférée chez vos semblables ? La capacité d’amiti
195 -vous que l’homme soit capable de progrès moral ? Je ne sais. Je le souhaite. C’est le vrai sens de toute vie. Estimez-vou
196 homme soit capable de progrès moral ? Je ne sais. Je le souhaite. C’est le vrai sens de toute vie. Estimez-vous que, dans
197 ic au troc. Votre personnage historique préféré ? Je dirais Guillaume Tell, s’il était « historique ». Vos musiciens préfé
11 1983, Articles divers (1982-1985). Bertrand de Launay, Le Poker nucléaire : comme brebis à l’abattoir [préface] (1983)
198 La montée vers la guerre nucléaire soulève en moi la même colère immense et sourde, et par moments presque désespérée,
199 et sourde, et par moments presque désespérée, qui me tenait dès 1933 devant la montée vers la guerre hitlérienne : aujourd
200 n ne se décide pas à tout changer tout de suite : je veux dire à détruire en même temps, des deux côtés, toutes les armes
201 partisans du désarmement nucléaire intégral, dont je suis. — Ils ont été traumatisés par la bombe d’Hiroshima. Vous non, s
202 clarée des prochaines conférences de Genève. Vous me répondrez que c’est impossible, car cela désorganiserait l’économie m
203 e : « plutôt la fin de l’Humanité que la ruine de ma société » ? Ou simplement : « plutôt morts que chômeurs » ? Cet « imp
204 s Soviétiques en seraient à 38 000, il est clair, me dit-on, qu’un effort gigantesque doit être demandé aux industries d’a
205 t relève d’un âge mental de joueurs de billes. Si j’ ai trois billes (ou missiles) et toi six, j’ai raison d’être inquiet.
206 s. Si j’ai trois billes (ou missiles) et toi six, j’ ai raison d’être inquiet. Mais si j’en ai 30 000 et toi 60 000, nous s
207 ) et toi six, j’ai raison d’être inquiet. Mais si j’ en ai 30 000 et toi 60 000, nous sommes « à égalité » à toutes fins ut
208 hes que vous préparez. Dans la tradition antique, je trouve ce dicton latin : Utinam vates falsus sim (Plaise au Ciel
209 : Utinam vates falsus sim (Plaise au Ciel que je sois faux prophète) Et dans la tradition biblique, ce soupir déchira
210 chirant du vrai prophète : Seigneur, tu le sais, je n’ai pas désiré le jour du malheur ! (Jérémie, 17.16) 1. « Poker
12 1983, Articles divers (1982-1985). La Suisse et quelle Europe ? (1983)
211 La Suisse et quelle Europe ? (1983)r Mon intervention dans ce colloque résulte d’un malentendu initial sur son
212 malentendu initial sur son titre. Parce que cela me convenait sans doute, j’avais cru comprendre qu’il s’agirait du probl
213 on titre. Parce que cela me convenait sans doute, j’ avais cru comprendre qu’il s’agirait du problème global de la Suisse e
214 me global de la Suisse et de l’union de l’Europe. J’ avais dit oui, bien sûr et bravo. Puis j’ai lu l’énoncé exact : La Sui
215 ’Europe. J’avais dit oui, bien sûr et bravo. Puis j’ ai lu l’énoncé exact : La Suisse et la CEE élargie, et j’ai tout de su
216 l’énoncé exact : La Suisse et la CEE élargie, et j’ ai tout de suite fait savoir aux organisateurs que sur ce thème je n’a
217 te fait savoir aux organisateurs que sur ce thème je n’avais pas grand-chose à dire, sinon que son énoncé me paraissait bo
218 vais pas grand-chose à dire, sinon que son énoncé me paraissait boiteux. Il invite en effet à mettre en relation, il pose
219 up moins — que l’Europe unie. Les deux titres qui me sembleraient corrects et défendables seraient en conséquence : ou bie
220 sse et l’union de l’Europe Sur le premier titre, j’ aurais tout de suite à observer ceci : que les réalités économiques qu
221 la Suisse, l’autre sur le continent européen. Or, je le répète, la Suisse n’est pas réductible à son économie, et prendre
222 La Suisse et l’union européennes Le sujet qui m’ importe et m’intéresse au sens fort du terme, c’est la Suisse et l’uni
223 l’union européennes Le sujet qui m’importe et m’ intéresse au sens fort du terme, c’est la Suisse et l’union européenne
224 erme, c’est la Suisse et l’union européenne. Car je suis (depuis trente-cinq ans) profondément convaincu de ces trois vér
225 de l’OTAN ou du pacte de Varsovie. Par ailleurs, je ne sais qui pourrait nous interdire d’innover dans ce domaine aussi,
226 trictement délimités par le traité de Rome, il ne me semble pas que des obstacles de principe s’opposent à une participati
227 r de pouvoirs élargis jusqu’à devenir fédéraux. À mon sens, c’est du côté du Conseil de l’Europe que la Suisse devrait dès
228 effort d’imagination, d’invention, d’innovation. J’ y reviendrai. c) Je passerai sans m’y arrêter sur le modèle de super-É
229 on, d’invention, d’innovation. J’y reviendrai. c) Je passerai sans m’y arrêter sur le modèle de super-État européen, dont
230 d’innovation. J’y reviendrai. c) Je passerai sans m’ y arrêter sur le modèle de super-État européen, dont personne ne veut
231 eneris, d’une innovation politique, pour laquelle j’ ai proposé le nom d’Europe des régions. 4. État fédéral européen ou
232 quement suisse depuis les débuts du xvie siècle, je me bornerai à rappeler quelques évidences : a) La défense locale (gué
233 ment suisse depuis les débuts du xvie siècle, je me bornerai à rappeler quelques évidences : a) La défense locale (guéril
234 et l’adjectif « dissuasive » n’y change rien. Il me paraît que la Suisse, au lieu de mener un combat en retraite, et d’ac
235 nsi que l’a proposé ici même Mme Bauer-Lagier. On m’ objecte que « la Suisse ne fait pas le poids », « qu’elle est trop pet
236 ds », « qu’elle est trop petite », etc. Mais dans ma longue carrière d’historien des idées, je n’ai jamais observé que la
237 is dans ma longue carrière d’historien des idées, je n’ai jamais observé que la justesse et la fécondité d’une seule idée
238 Suisse peut avoir recours au Conseil de l’Europe, je veux dire à sa Conférence des pouvoirs locaux et régionaux, qui a déj
239 ions d’Europe — et cela dans les termes mêmes que j’ avais proposés dès 1972 dans mes articles, conférences et livres. Pour
240 s termes mêmes que j’avais proposés dès 1972 dans mes articles, conférences et livres. Pour ce qui est du dépassement de l’
241 ventuelle de la CEE et du CE ? C’est impensable ! me dit-on de toutes parts. Essayons de voir pourquoi — et de le penser.
242 ion d’un gouvernement non pas « supranational » — je n’aime pas ce terme — mais réellement fédéral (ou confédéral, cela n’
13 1983, Articles divers (1982-1985). Hitler, l’anti-prophète de notre siècle (10 février 1983)
243 t né de la rencontre absolument irrationnelle, et j’ oserais dire antiprovidentielle, du Chaos et d’un fils du Chaos. C’est
244 à entraîner toute sa génération. C’est ainsi que je l’ai senti, éprouvé de tout l’être, enregistré au radar de quelque in
245 Francfort en proie au carnaval et à l’angoisse », je parlais du « dernier carnaval de cette bourgeoisie dont je viens d’ad
246 s du « dernier carnaval de cette bourgeoisie dont je viens d’admirer les trésors patinés dans la haute demeure familiale d
247 onze mois plus tard exactement. Le 20 mars 1939, j’ osais déclarer, dans une chronique du Figaro sur l’occupation de Pragu
248 la guerre, cinq mois plus tard. Le 17 juin 1940, j’ écrivais dans un journal suisse : L’envahisseur avait prophétisé : « 
249  : L’envahisseur avait prophétisé : « Le 15 juin j’ entrerai dans Paris ». Il y entre en effet, mais ce n’est plus Paris.
250 entiment, devant ce qui fait la valeur de la vie… Je songe au chef de guerre qui traverse aujourd’hui ces rues les plus ém
251 Enfin, on peut lire dans La Part du diable , que je publiai à New York en 1942, trois ans avant la mort du Führer : Hitl
252 folle. « Vous voyez, crie-t-il, il faut bien que je fasse la guerre à la Pologne puisqu’on écrit des choses pareilles sur
253 Pologne puisqu’on écrit des choses pareilles sur moi . » C. J. Burckhardt lui demande pourquoi il attache tant d’importance
254 ce : « Pourquoi ? gémit le Führer, mais parce que moi je ne suis rien, je n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! J
255 « Pourquoi ? gémit le Führer, mais parce que moi je ne suis rien, je n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je n
256 it le Führer, mais parce que moi je ne suis rien, je n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je ne suis qu’un peti
257 , mais parce que moi je ne suis rien, je n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je ne suis qu’un petit homme du co
258 suis rien, je n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je ne suis qu’un petit homme du commun ! Si je perds mon pre
259 e n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je ne suis qu’un petit homme du commun ! Si je perds mon prestige, je pe
260 ple ! Je ne suis qu’un petit homme du commun ! Si je perds mon prestige, je perds tout ! Vous, monsieur Burckhardt, vous s
261 ne suis qu’un petit homme du commun ! Si je perds mon prestige, je perds tout ! Vous, monsieur Burckhardt, vous savez qui v
262 petit homme du commun ! Si je perds mon prestige, je perds tout ! Vous, monsieur Burckhardt, vous savez qui vous êtes, vou
263 Vous pourriez vous moquer d’un tel article. Mais moi je ne suis qu’un prolétaire ! » Ce prolétaire en uniforme, ce petit h
264 s pourriez vous moquer d’un tel article. Mais moi je ne suis qu’un prolétaire ! » Ce prolétaire en uniforme, ce petit homm
265 uvent déchoir dans un corps d’homme et l’occuper. Je l’ai entendu prononcer l’un de ses grands discours, et je l’ai vu à l
266 entendu prononcer l’un de ses grands discours, et je l’ai vu à la sortie de ce culte, debout dans sa voiture qui longeait
267 . Une seule chaîne de SS le séparait de la foule. J’ étais au premier rang, à trois mètres de lui, marchant à la hauteur de
268 uteur de la voiture, les mains dans les poches de mon pardessus. Un bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon
269 ccasions analogues. Voilà le principal de ce que je sais sur Hitler, écrivais-je le lendemain dans mon journal. On peut r
270 principal de ce que je sais sur Hitler, écrivais- je le lendemain dans mon journal. On peut réfléchir là-dessus. Réfléchir
271 je sais sur Hitler, écrivais-je le lendemain dans mon journal. On peut réfléchir là-dessus. Réfléchir ou même délirer… On n
272 res catastrophes. Le Führer déclarait un jour : «  Je ne crains pas les Ravaillac, parce que ma mission me protège. » Il fa
273 our : « Je ne crains pas les Ravaillac, parce que ma mission me protège. » Il faut croire un homme qui dit cela… D’où lui
274 ne crains pas les Ravaillac, parce que ma mission me protège. » Il faut croire un homme qui dit cela… D’où lui vient le po
275 ’une puissance qui échappe à nos psychologies… On me demande sottement s’il est intelligent. Ne voit-on pas qu’un homme in
276 arrivera au pouvoir grâce à la crise démente que j’ ai rappelée, anarchie spirituelle, chômage et inflation… Sa parole n’e
277 , renoué. Au sortir du discours de Francfort que j’ entends et subis en 1936, j’écris ceci : Je me croyais à un meeting d
278 ours de Francfort que j’entends et subis en 1936, j’ écris ceci : Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifest
279 t que j’entends et subis en 1936, j’écris ceci : Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique.
280 ue j’entends et subis en 1936, j’écris ceci : Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique. Ma
281 , la grande cérémonie sacrale d’une religion dont je ne suis pas, et qui m’écrase et me repousse avec bien plus de puissan
282 acrale d’une religion dont je ne suis pas, et qui m’ écrase et me repousse avec bien plus de puissance, même physique, que
283 religion dont je ne suis pas, et qui m’écrase et me repousse avec bien plus de puissance, même physique, que tous ces cor
284 physique, que tous ces corps horriblement tendus. Je suis seul et ils sont tous ensemble. Un désastre mondial Dès a
285 ent ? » L’explication de cette énigme réside pour moi dans l’évidence que voici : Adolf Hitler, mieux que les communistes e
286 sage que, de sa prison, à la veille de la guerre, m’ avait fait passer un théologien anonyme dont j’ignore encore s’il étai
287 e, m’avait fait passer un théologien anonyme dont j’ ignore encore s’il était chrétien ou juif, dévoilait le mystère profon
288 rale de notre temps. Tel fut son vrai Pouvoir, et j’ écrivais alors : « Seul un prophète peut lui répondre ». Nous l’attend
14 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : conclusions (1984)
289 onclusions (1984)ab La première conclusion que je tire de ce colloque de trois jours, c’est notre reconnaissance unanim
290 connaissance unanime pour la Fondation Veillon et je voudrais l’exprimer à celui des fils de Charles Veillon qui la représ
291 matin. Ce colloque n’a ressemblé à rien de ce que j’ ai connu jusqu’ici. Vous savez comment il est né : de l’envoi à des ce
292 d’une circulaire exposant certaines des thèses de mon livre. Parmi les trois-cents réponses reçues, cent-cinquante ont paru
293 re conventionnel qui ne mord plus sur la réalité. Je voudrais donc, en votre nom à tous, féliciter vivement la Fondation V
294 peut-être pourront sortir quelques idées neuves. Je pense aussi que vous serez tous d’accord pour remercier la Fondation
295 ssin rhodanien. Lieu à tous égards privilégié, et je comprends que l’on ait eu l’idée d’y construire cette espèce de couve
296 ux d’avoir découvert. Cher Monsieur Veillon, puis- je vous prier de transmettre à vos frères ce vœu que ratifie ma profonde
297 er de transmettre à vos frères ce vœu que ratifie ma profonde gratitude. Je voudrais maintenant vous dire en quelques mots
298 frères ce vœu que ratifie ma profonde gratitude. Je voudrais maintenant vous dire en quelques mots la préhistoire de mon
299 nant vous dire en quelques mots la préhistoire de mon livre, puisque c’est lui qui est l’occasion de notre colloque. J’avai
300 e c’est lui qui est l’occasion de notre colloque. J’ avais passé la première année de la guerre mobilisé dans l’armée suiss
301 ilisé dans l’armée suisse, mais dès octobre 1940, je fus envoyé en Amérique où j’étais sans doute moins gênant pour notre
302 is dès octobre 1940, je fus envoyé en Amérique où j’ étais sans doute moins gênant pour notre neutralité, chargé d’une miss
303 ution de l’oratorio Nicolas de Flue à New York. J’ ai publié là-bas un petit livre sur la Suisse, The Heart of Europe ,
304 petit livre sur la Suisse, The Heart of Europe , j’ ai travaillé à l’Office of War Information, section « La voix de l’Amé
305  La voix de l’Amérique parle aux Français », puis j’ ai écrit encore deux ou trois livres, dont l’un sur le diable , et l’a
306 ur le diable , et l’autre sur la bombe atomique . Je suis rentré une première fois en Europe, au printemps de 1946, invité
307 et le traduire en union politique de nos peuples. Je suis retourné pour quelques mois aux États-Unis, puis rentré définiti
308 Unis, puis rentré définitivement en août 1947, et j’ étais à peine installé près de Genève, quand j’ai reçu la visite de de
309 et j’étais à peine installé près de Genève, quand j’ ai reçu la visite de deux amis, dont Alexandre Marc, que j’avais bien
310 la visite de deux amis, dont Alexandre Marc, que j’ avais bien connu dans le mouvement personnaliste : ils m’ont jeté bon
311 bien connu dans le mouvement personnaliste : ils m’ ont jeté bon gré mal gré dans l’action fédéraliste européenne, en m’of
312 mal gré dans l’action fédéraliste européenne, en m’ offrant de tenir le discours inaugural du premier congrès des fédérali
313 tes européens, qui allait se dérouler à Montreux. Je me suis trouvé vraiment catapulté dans cette action. Comme j’étais un
314 européens, qui allait se dérouler à Montreux. Je me suis trouvé vraiment catapulté dans cette action. Comme j’étais un pe
315 rouvé vraiment catapulté dans cette action. Comme j’ étais un peu responsable de la création du concept d’engagement de l’é
316 t encore dans les langes, politiquement parlant), je me suis senti « obligé », en quelque sorte. J’ai dit à mes amis : « J
317 ncore dans les langes, politiquement parlant), je me suis senti « obligé », en quelque sorte. J’ai dit à mes amis : « Je s
318 ), je me suis senti « obligé », en quelque sorte. J’ ai dit à mes amis : « Je suis prêt à donner deux ans de ma vie à la ca
319 is senti « obligé », en quelque sorte. J’ai dit à mes amis : « Je suis prêt à donner deux ans de ma vie à la cause européen
320 ligé », en quelque sorte. J’ai dit à mes amis : «  Je suis prêt à donner deux ans de ma vie à la cause européenne, et tant
321 à mes amis : « Je suis prêt à donner deux ans de ma vie à la cause européenne, et tant pis pour mon œuvre littéraire… » E
322 de ma vie à la cause européenne, et tant pis pour mon œuvre littéraire… » Et me voilà : j’y suis encore après trente-trois
323 enne, et tant pis pour mon œuvre littéraire… » Et me voilà : j’y suis encore après trente-trois ans. Je dois avouer, cepen
324 nt pis pour mon œuvre littéraire… » Et me voilà : j’ y suis encore après trente-trois ans. Je dois avouer, cependant, que j
325 e voilà : j’y suis encore après trente-trois ans. Je dois avouer, cependant, que je me suis arrangé pour écrire un peu, en
326 trente-trois ans. Je dois avouer, cependant, que je me suis arrangé pour écrire un peu, en marge de cette seule activité.
327 ente-trois ans. Je dois avouer, cependant, que je me suis arrangé pour écrire un peu, en marge de cette seule activité. De
328 ise, de l’Amérique, de la Suisse, ou seulement de ma famille neuchâteloise… Mais cela n’a pas été facile, car à la suite d
329 titutions, dont le Centre européen de la culture. J’ ai été son directeur-fondateur à partir de 1949. Tout a dû être créé à
330 rarement quand on en vient à voter le budget. Or, je vous le disais hier : seul le budget ne ment pas. Quand les discours
331 23 de l’Europe de l’Ouest. Soit dit en passant : j’ estime abusif que l’on parle aujourd’hui du Parlement européen pour dé
332 mais politiques et culturelles, par exemple. Or, je ne vois pas en quoi et pourquoi des gens qui sont d’excellents expert
333 n’est pas seulement une espèce de parenthèse que je referme maintenant, mais entre dans mon projet de vous expliquer comm
334 nthèse que je referme maintenant, mais entre dans mon projet de vous expliquer comment j’ai été appelé à écrire L’Avenir e
335 s entre dans mon projet de vous expliquer comment j’ ai été appelé à écrire L’Avenir est notre affaire . Au cours de la d
336 s écologiques, de la préoccupation écologique qui m’ a tout de suite paru capable de donner un sang nouveau au mouvement fé
337 our thème l’enseignement de l’écologie à l’école. J’ ai senti qu’il y avait là un deuxième souffle pour les fédéralistes eu
338 enève dès 1962. De cette convergence est née dans mon esprit l’idée d’un slogan, offert par la suite aux groupements d’écol
339 gistes français, et qui est en somme un résumé de mon livre, c’est : « Écologie – régions – Europe fédérée : même avenir ! 
340 ogie – régions – Europe fédérée : même avenir ! » J’ insiste sur même avenir, et non pas même combat comme on dit aujourd’h
341 s avenirs sont organiquement, génétiquement liés. Je ne saurais vous donner une juste idée des circonstances dans lesquell
342 une juste idée des circonstances dans lesquelles mon livre a pris naissance, sans rappeler une soirée mémorable chez un am
343 À partir de ce soir-là, tout s’est organisé dans ma tête vers cette synthèse d’économie, d’éthique et de politique europé
344 éaire : « Écologie – régions – Europe », — et qui m’ a fait écrire mon livre. Je l’ai commencé en 1973 ; j’en avais écrit l
345 ie – régions – Europe », — et qui m’a fait écrire mon livre. Je l’ai commencé en 1973 ; j’en avais écrit les cent premières
346 s – Europe », — et qui m’a fait écrire mon livre. Je l’ai commencé en 1973 ; j’en avais écrit les cent premières pages, dé
347 fait écrire mon livre. Je l’ai commencé en 1973 ; j’ en avais écrit les cent premières pages, décrivant les catastrophes qu
348 e économie en eût été complètement bouleversée —, je prenais l’image d’une grosse boule de pierre déposée sur le pont d’un
349 ument tout. C’était ce qui risquait de se passer. Je l’ai même dit pendant le tournage d’un film de la télévision français
350 urnage d’un film de la télévision française, chez moi , à Ferney, le 22 août 1973. Le film n’a pu passer que six mois plus t
351 du Kippour et la confirmation concrète de ce que j’ annonçais. J’ai dû réécrire toute cette partie de mon livre, que je n’
352 t la confirmation concrète de ce que j’annonçais. J’ ai dû réécrire toute cette partie de mon livre, que je n’ai pu achever
353 annonçais. J’ai dû réécrire toute cette partie de mon livre, que je n’ai pu achever qu’en cinq ans. Je ne m’en plains pas t
354 dû réécrire toute cette partie de mon livre, que je n’ai pu achever qu’en cinq ans. Je ne m’en plains pas trop, parce que
355 mon livre, que je n’ai pu achever qu’en cinq ans. Je ne m’en plains pas trop, parce que cela m’a obligé à m’éloigner un pe
356 vre, que je n’ai pu achever qu’en cinq ans. Je ne m’ en plains pas trop, parce que cela m’a obligé à m’éloigner un peu de l
357 q ans. Je ne m’en plains pas trop, parce que cela m’ a obligé à m’éloigner un peu de l’actualité et des chiffres qui font l
358 m’en plains pas trop, parce que cela m’a obligé à m’ éloigner un peu de l’actualité et des chiffres qui font l’actualité. J
359 l’actualité et des chiffres qui font l’actualité. J’ ai pu faire mon aggiornamento tout au long de l’écriture de ce livre.
360 des chiffres qui font l’actualité. J’ai pu faire mon aggiornamento tout au long de l’écriture de ce livre. À cause de ce d
361 ai imposé par les événements, il s’est trouvé que mon livre, pour une fois, n’arrivait pas trop tôt ! Pendant ce temps, d’a
362 ations à Creys-Malville, ont alerté l’opinion, et mon livre en a bénéficié, parce qu’il a paru deux mois après. L’éditeur m
363 ié, parce qu’il a paru deux mois après. L’éditeur m’ a dit : « S’il avait paru en juin, peut-être que cela n’aurait pas mar
364 e cela n’aurait pas marché ! » Pour une fois dans ma vie, j’ai eu l’impression que j’arrivais au bon moment ! D’où un succ
365 ’aurait pas marché ! » Pour une fois dans ma vie, j’ ai eu l’impression que j’arrivais au bon moment ! D’où un succès, atte
366 ur une fois dans ma vie, j’ai eu l’impression que j’ arrivais au bon moment ! D’où un succès, attesté entre autres par le p
367 esté entre autres par le présent colloque, auquel je n’avais pas été habitué par mes autres livres, trop difficiles ou tro
368 t colloque, auquel je n’avais pas été habitué par mes autres livres, trop difficiles ou trop en avance sur l’opinion du tem
369 enant quelques conclusions de ces trois journées, je voudrais résumer la démarche qui me semble avoir caractérisé notre co
370 ois journées, je voudrais résumer la démarche qui me semble avoir caractérisé notre colloque. Cela s’est centré tout de su
371 aces et qui est la pollution majeure de la terre. J’ entends la guerre nucléaire. Aujourd’hui, il n’est pas question d’autr
372 ts-nations n’ont de comptes à rendre à personne ! J’ ai demandé à Einstein, le seul jour où je l’ai vu — c’était en 1947 (a
373 rsonne ! J’ai demandé à Einstein, le seul jour où je l’ai vu — c’était en 1947 (au moment de notre conversation, l’humanit
374 it de l’humanité en cas de guerre atomique ? » Il m’ a dit : « Eh bien, d’après mes calculs, environ 20 millions de gens su
375 erre atomique ? » Il m’a dit : « Eh bien, d’après mes calculs, environ 20 millions de gens survivraient dans des angles mor
376 al, qui est le domaine des techniques dures comme je l’ai dit tout à l’heure. C’est la minéralisation de nos existences pa
377 es cellules, de ce qui part d’en bas, de l’humus. J’ ai toujours insisté sur cette puissance de la germination, qui peut fi
378 rait détruire avec une bombe. C’est la région qui me paraît symboliser cette nouvelle tendance. Ceci a été très bien mis e
379 anité entière. L’union de l’Europe serait donc, à mon sens et dans cette perspective, qui n’est pas celle des États, mais d
380 naces de guerre qui pèsent sur l’Europe, surtout, je crois, pendant les dix années qui viennent. Je pense qu’ensuite il y
381 t, je crois, pendant les dix années qui viennent. Je pense qu’ensuite il y aura une évolution, tant du côté européen que d
382 lité qu’il n’a plus au-dedans ». L’Europe, unie — j’ insiste — est impossible à concevoir à partir des États-nations ; c’es
383 artir des États-nations ; c’est un cercle carré ! J’ ai appelé, il y a longtemps, la volonté de faire l’Europe à partir des
384 n’est plus une formule viable. Nous n’avons pas, j’ insiste, à le renverser. Je crois qu’il serait tout à fait illusoire d
385 ble. Nous n’avons pas, j’insiste, à le renverser. Je crois qu’il serait tout à fait illusoire de donner comme but à la jeu
386 oir. Là encore, c’est un processus biologique que je propose, un processus de germination, de création des régions et des
387 débat qui nous a occupés ces deux derniers jours. Je crois que nous avons bien fait de ne pas nous attarder à toutes les d
388 est le seul moyen de forcer l’attention générale. Je suis résolument pour la non-violence, sauf dans ce cas-là, à conditio
389 y a donc toute espèce de définitions des régions, j’ ai donné la mienne qui me paraît la plus englobante : un espace de par
390 définitions des régions, j’ai donné la mienne qui me paraît la plus englobante : un espace de participation civique. Cela
391 réalité spécifique. Nous avons été tout de suite, je crois, assez profondément d’accord pour reconnaître la nécessité des
392 on de ces « régions à géométrie variable », comme je les nomme, sur lesquelles nous avons beaucoup discuté le premier jour
393 eureusement a dû nous quitter hier et dont l’avis m’ importait beaucoup, car il est l’un des responsables de la planificati
394 oué « l’avocat du diable » avec un brio certain ! Je constate, après ces deux jours de débats, qu’ils m’ont obligé à me po
395 constate, après ces deux jours de débats, qu’ils m’ ont obligé à me poser des questions plus précises, plus concrètes sur
396 s ces deux jours de débats, qu’ils m’ont obligé à me poser des questions plus précises, plus concrètes sur bien des cas ;
397 ncrètes sur bien des cas ; mais ce qu’il faut que je vous avoue c’est que cette notion de régions à géométrie variable, à
398 on, donc, pose une quantité de problèmes auxquels je n’ai pas trouvé un système de réponses claires, nettes, et définitive
399 de réponses claires, nettes, et définitives. Mais j’ ai été encouragé par cette phrase du professeur Norton, que j’ai recop
400 ouragé par cette phrase du professeur Norton, que j’ ai recopiée pour vous la relire à propos des complexités que pose la r
401 ion qui évoque quelque chose de très profond pour moi  : c’est que le chemin se fait dans la mesure où l’on y marche. C’est
402 la mesure où l’on y marche. C’est en marchant sur mon chemin que je le crée. « Chemin faisant » est une phrase qui va tout
403 on y marche. C’est en marchant sur mon chemin que je le crée. « Chemin faisant » est une phrase qui va tout à fait au fond
404 de la chose. Bien d’autres ont été dites ici, qui m’ ont encouragé. Et quand je pense à vos travaux et à nos discussions, j
405 ont été dites ici, qui m’ont encouragé. Et quand je pense à vos travaux et à nos discussions, j’en tire pour ma part troi
406 uand je pense à vos travaux et à nos discussions, j’ en tire pour ma part trois directions de recherches prolongées — je ne
407 part trois directions de recherches prolongées — je ne dis pas encore des réponses — peut-être qu’il ne faut pas tout rés
408 nses — peut-être qu’il ne faut pas tout résoudre… J’ entrevois des solutions possibles dans trois directions. La première,
409 dans trois directions. La première, c’est ce que j’ appelle la pluralité des allégeances. J’ai l’habitude, je m’en excuse,
410 st ce que j’appelle la pluralité des allégeances. J’ ai l’habitude, je m’en excuse, de prendre mon cas personnel pour illus
411 le la pluralité des allégeances. J’ai l’habitude, je m’en excuse, de prendre mon cas personnel pour illustrer mon exposé.
412 la pluralité des allégeances. J’ai l’habitude, je m’ en excuse, de prendre mon cas personnel pour illustrer mon exposé. Je
413 nces. J’ai l’habitude, je m’en excuse, de prendre mon cas personnel pour illustrer mon exposé. Je suis né dans l’ancienne p
414 cuse, de prendre mon cas personnel pour illustrer mon exposé. Je suis né dans l’ancienne principauté de Neuchâtel, qui n’es
415 ndre mon cas personnel pour illustrer mon exposé. Je suis né dans l’ancienne principauté de Neuchâtel, qui n’est devenue c
416 qui n’est devenue canton suisse qu’en 1848. C’est ma patrie, c’est là que ma famille s’est développée, que j’ai passé mes
417 suisse qu’en 1848. C’est ma patrie, c’est là que ma famille s’est développée, que j’ai passé mes vingt premières années e
418 ie, c’est là que ma famille s’est développée, que j’ ai passé mes vingt premières années et que j’ai mes racines, comme on
419 à que ma famille s’est développée, que j’ai passé mes vingt premières années et que j’ai mes racines, comme on le dit par u
420 que j’ai passé mes vingt premières années et que j’ ai mes racines, comme on le dit par une métaphore critiquable mais cou
421 j’ai passé mes vingt premières années et que j’ai mes racines, comme on le dit par une métaphore critiquable mais courante.
422 ante. En tant que citoyen de cette petite patrie, j’ appartiens à la Confédération suisse qui me donne ma nationalité, mon
423 atrie, j’appartiens à la Confédération suisse qui me donne ma nationalité, mon passeport. Comme écrivain, mon allégeance v
424 appartiens à la Confédération suisse qui me donne ma nationalité, mon passeport. Comme écrivain, mon allégeance va à l’ens
425 Confédération suisse qui me donne ma nationalité, mon passeport. Comme écrivain, mon allégeance va à l’ensemble de la franc
426 ne ma nationalité, mon passeport. Comme écrivain, mon allégeance va à l’ensemble de la francophonie, dont le territoire déb
427 , dont le territoire déborde immensément celui de mon canton et de la Suisse, puisqu’il comprend, outre la Romandie, les tr
428 s quarts de la France, une moitié de la Belgique ( je simplifie), le Val d’Aoste, le Québec, et les élites politiques et cu
429 les mêmes frontières ! Du point de vue religieux, mon allégeance va au protestantisme, réalité mondiale et sans frontière.
430 tantisme, réalité mondiale et sans frontière. (Si j’ étais catholique, ou communiste, ce serait pareil.) De plus, je fais p
431 lique, ou communiste, ce serait pareil.) De plus, je fais partie d’une quantité de sociétés, qui m’engagent plus ou moins
432 s, je fais partie d’une quantité de sociétés, qui m’ engagent plus ou moins et dont les buts sont très différents, les unes
433 nt locales, d’autres nationales ou continentales. Je ne me perds pas du tout dans cette diversité. Si on la décrivait d’un
434 ales, d’autres nationales ou continentales. Je ne me perds pas du tout dans cette diversité. Si on la décrivait d’une mani
435 vit, comme vous la vivez tous, c’est très facile. Je sais parfaitement à quelles sociétés je cotise, lesquelles je préside
436 s facile. Je sais parfaitement à quelles sociétés je cotise, lesquelles je préside peut-être, ou celles dont je vais démis
437 aitement à quelles sociétés je cotise, lesquelles je préside peut-être, ou celles dont je vais démissionner parce qu’elles
438 , lesquelles je préside peut-être, ou celles dont je vais démissionner parce qu’elles ne m’intéressent plus ! Mais alors,
439 elles dont je vais démissionner parce qu’elles ne m’ intéressent plus ! Mais alors, si maintenant un jacobin, un Robespierr
440 n jacobin, un Robespierre ou un Saint-Just venait me dire : « Tout cela, c’est très joli, mais désormais, tu n’auras plus
441 , tu n’auras plus qu’une seule allégeance : c’est mon État, et tu vas faire rentrer dans ses frontières toutes tes allégean
442 gieuse, linguistique, idéologique, économique » — je crierais au fou ! Vous crieriez tous au fou ! Eh bien, c’est ce que l
443 de nous, quand il va jusqu’au bout de sa logique. Je pars donc de cette idée de la pluralité des allégeances, qui ne sont
444 ère direction de recherches. Deuxième direction : je pars des communes. Je pense que cela résoudrait beaucoup de difficult
445 rches. Deuxième direction : je pars des communes. Je pense que cela résoudrait beaucoup de difficultés, notamment la quest
446 Tout à l’heure, en entendant parler M. Birre, il m’ est venu une autre idée. Dans la grande discussion sur les régions int
447 ur d’une ville-métropole régionale. Eh bien, cela me paraît encore trop tributaire de l’ancienne approche, l’économique d’
448 Il faut fonder des régions sur la réalité. Alors, je pense en écoutant M. Birre qu’il y aurait peut-être quelque chose à c
449 à la terre et à la cité normale. Encore une fois, je m’en voudrais d’apporter des réponses toutes faites, car elles tomber
450 a terre et à la cité normale. Encore une fois, je m’ en voudrais d’apporter des réponses toutes faites, car elles tomberaie
451 éponses toutes faites, car elles tomberaient sous ma propre critique de l’utopie. Toute fédération, toute organisation féd
452 , ce que la municipalité peut faire, les États — ( je dirais les régions) — ne doivent pas le faire, et ce que les États —
453 et pour celles-là, il faut des agences mondiales. Je rappellerai notamment le problème de la déforestation du monde, c’est
454 Comme nous sommes en train de détruire les deux, je ne sais pas très bien comment nos États-nations envisagent de respire
455 limité, mais tout à fait réel dans leur domaine. Je voudrais insister, car je crois que cela est important pour tout notr
456 réel dans leur domaine. Je voudrais insister, car je crois que cela est important pour tout notre propos, sur l’absence de
457 chose serait détruite au passage : l’État-nation. Je voudrais vous rappeler l’importance du mot commune, qui est tellement
458 é vivante : cela revient dans toutes les pages de mon livre. Et c’est d’une importance particulière pour nous, Suisses, par
459 e fédération : cela se dit universitas. Voilà qui m’ a toujours frappé. D’autant plus frappé que l’un des premiers ouvrages
460 ouvrages philosophiques et peut-être le seul qui m’ ait vraiment fait impression quand j’avais 15 ou 16 ans, a été l’Éthiq
461 le seul qui m’ait vraiment fait impression quand j’ avais 15 ou 16 ans, a été l’Éthique de Spinoza, où j’ai trouvé ce théo
462 vais 15 ou 16 ans, a été l’Éthique de Spinoza, où j’ ai trouvé ce théorème : « D’autant plus nous connaissons les choses pa
463 ères, d’autant plus nous connaissons Dieu. » Ceci me paraît le nœud de la réalité et de la vérité philosophiques. On n’arr
464 par la pointe du clocher, rejoindre l’universel. Je crois que cela, c’est la philosophie qui doit être à la base de tout
465 n. Cela a été en tout cas à la base de ce qu’avec mes amis Mounier, Alexandre Marc, Aron et Dandieu, nous avons lancé dans
466 ire, l’un était la condition de l’autre. Qu’on ne me dise pas que tout cela est utopique, car au contraire, nous, les régi
467 nous disent volontiers : « Vous savez, vos idées, je les trouve très sympathiques, mais enfin, je ne peux pas y croire une
468 ées, je les trouve très sympathiques, mais enfin, je ne peux pas y croire une seconde, parce que moi, j’ai les deux pieds
469 n, je ne peux pas y croire une seconde, parce que moi , j’ai les deux pieds sur terre ! », je réponds : « Tant pis pour vous
470 ne peux pas y croire une seconde, parce que moi, j’ ai les deux pieds sur terre ! », je réponds : « Tant pis pour vous, ca
471 parce que moi, j’ai les deux pieds sur terre ! », je réponds : « Tant pis pour vous, car cela vous condamne à l’immobilité
472 aucun pied sur la terre, mais il va très loin ! Je vais conclure sur l’Europe. Il me paraît significatif que dans ce col
473 va très loin ! Je vais conclure sur l’Europe. Il me paraît significatif que dans ce colloque, il se soit trouvé que le pr
474 us avons une culture commune, nous les Européens. Je vous rappelle ce que Paul Valéry a écrit là-dessus (et qui devrait êt
475 homogènes. Ce sont ces évidences historiques qui m’ ont toujours empêché de prendre l’économie comme base de la constructi
476 conomie comme base de la construction européenne. Je voudrais que l’on continue à faire une propagande quotidienne contre
477 l’idée de bâtir l’Europe sur l’économie d’abord. Je me suis amusé à faire des petites études sur les rythmes de mobilité
478 idée de bâtir l’Europe sur l’économie d’abord. Je me suis amusé à faire des petites études sur les rythmes de mobilité des
479 estions économiques, pour n’en prendre que trois. J’ ai trouvé, et vous pouvez facilement le vérifier, que le rythme de var
480 nos patois. Les mots de patois neuchâtelois, que je sais de mon école primaire, je m’amuse à les échanger avec des gens d
481 . Les mots de patois neuchâtelois, que je sais de mon école primaire, je m’amuse à les échanger avec des gens du Mouvement
482 neuchâtelois, que je sais de mon école primaire, je m’amuse à les échanger avec des gens du Mouvement Région Savoie qui l
483 uchâtelois, que je sais de mon école primaire, je m’ amuse à les échanger avec des gens du Mouvement Région Savoie qui les
484 égion Savoie qui les reconnaissent immédiatement. Je leur dis par exemple « Tu n’as pas peur de t’encoubler ? » Eh bien, i
485 de nos frontières, qui sont à peine centenaires. J’ ai calculé la moyenne d’âge des frontières de nos trente États de l’Eu
486 oire, au sens symboliquement élargi du terme. On m’ a demandé hier, si je voyais des conclusions pratiques se dégager de c
487 quement élargi du terme. On m’a demandé hier, si je voyais des conclusions pratiques se dégager de ce colloque. Je voudra
488 conclusions pratiques se dégager de ce colloque. Je voudrais vous rappeler quelques-unes de celles qui ont été suggérées.
489 ns le papier de M. et Mme Cosma sur la stratégie, j’ ai salué bien sûr avec une complète approbation, la proposition d’une
490 opagande étant exactement le contraire. Et enfin, j’ y reviens, il y a l’apport, capital à mon sens, de M. et Mme André Bir
491 Et enfin, j’y reviens, il y a l’apport, capital à mon sens, de M. et Mme André Birre, avec ce qu’ils nous ont appris sur l’
492 t dit M. Juillet et beaucoup d’autres parmi vous. Je crois que nous sommes tous d’accord là-dessus. Je crois aussi qu’il f
493 Je crois que nous sommes tous d’accord là-dessus. Je crois aussi qu’il faudrait élargir les applications de ce principe, e
494 drait élargir les applications de ce principe, et je vois là la possibilité non seulement d’un institut mais d’une grande
495 onale et à l’échelle planétaire, et qui devrait à mon sens partir d’une conférence mondiale dont les thèmes seraient : l’hu
496 ux douces. Tous objets de dimensions planétaires. Je crois de même qu’une conférence écologique mondiale permanente, qui t
15 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : réponse à Raimondo Strassoldo (1984)
497 micalement sur le fait qu’il concorde à 95 % avec moi . Si vous ne gardez pas cela à l’esprit, vous aurez l’impression que c
498 lecture de son texte et qu’il n’est d’accord avec moi sur à peu près rien ! En réalité, je le connais assez pour pouvoir vo
499 accord avec moi sur à peu près rien ! En réalité, je le connais assez pour pouvoir vous rappeler, sans je crois lui faire
500 le connais assez pour pouvoir vous rappeler, sans je crois lui faire tort, que tout d’abord, il est italien et qu’il aime
501 rifier la pensée de l’auteur sur quelques points. Je dirai pour simplifier que son papier est un exercice de « grève du zè
502 ec une imperturbable intelligence, et que souvent je me forme encore à moi-même, et de les pousser à bout, jusqu’à montrer
503 une imperturbable intelligence, et que souvent je me forme encore à moi-même, et de les pousser à bout, jusqu’à montrer qu
504 tructif pour tous, mais le sera certainement pour moi d’abord. Je vais reprendre quelques-uns de ses points les plus astuci
505 tous, mais le sera certainement pour moi d’abord. Je vais reprendre quelques-uns de ses points les plus astucieux et tente
506 points les plus astucieux et tenter de clarifier ma pensée, comme il m’y invite. I. Des causes de la nocivité de l’État
507 ucieux et tenter de clarifier ma pensée, comme il m’ y invite. I. Des causes de la nocivité de l’État Selon R. Strasso
508 l’État Selon R. Strassoldo, les critiques que je fais à l’État-nation ne sont pas suffisantes, car c’est tout le systè
509 rtout ! C’est la première démarche de l’utopisme. Je réponds : « Commençons par ce qui est à notre portée. » II. Des im
510 tème des régions éliminerait tous les conflits. À mon sens, il consiste plutôt à maintenir les conflits dans des dimensions
511 ions. D’ailleurs, certaines phrases de Strassoldo me paraissent fort ambiguës. Il laisse entendre quelque part que le pers
512 personnalisme aboutirait à l’exclusion du sacré. Je ne vois pour ma part absolument aucun texte personnaliste qui puisse
513 ypothèse de ce genre. La notion même de personne, je la définis par une vocation bel et bien transcendante à l’individu. S
514 al, les visées du fédéralisme et du régionalisme, je dirais qu’aujourd’hui ce ne peut être que la paix — la lutte pour la
515 ous voulez absolument un mythe, c’est le seul que je puisse proposer. V. Des contradictions entre régions « économiques
516 ec un peu d’ironie dans le ton. D’une manière que je crois être purement provocante de sa part, il répète cette phrase : «
517 dé de vastes surfaces de panneaux solaires ? Cela me rappelle un débat que j’ai eu une fois, tout à fait improvisé, après
518 panneaux solaires ? Cela me rappelle un débat que j’ ai eu une fois, tout à fait improvisé, après la fin d’un congrès fédér
519 est un phénomène important. Il cite Longo Maï que j’ ai cité dans mon livre. Il ajoute : « Mais je ne crois pas qu’il y ait
520 e important. Il cite Longo Maï que j’ai cité dans mon livre. Il ajoute : « Mais je ne crois pas qu’il y ait là une solution
521 que j’ai cité dans mon livre. Il ajoute : « Mais je ne crois pas qu’il y ait là une solution définitive aux problèmes de
522 on des modèles fédératifs suisse et yougoslave Je dois dire que je n’ai pas pensé une seconde au modèle yougoslave — si
523 dératifs suisse et yougoslave Je dois dire que je n’ai pas pensé une seconde au modèle yougoslave — si même il y en a u
524 yougoslave — si même il y en a un ! — en écrivant mon livre. Je me suis inspiré du modèle suisse, mais pour en faire tout à
525 — si même il y en a un ! — en écrivant mon livre. Je me suis inspiré du modèle suisse, mais pour en faire tout à fait autr
526 i même il y en a un ! — en écrivant mon livre. Je me suis inspiré du modèle suisse, mais pour en faire tout à fait autre c
527 certaines leçons positives ou négatives. Mais que je parle de région et de participation civique, il est bien entendu qu’i
528 créations d’une longue histoire. Une remarque qui me paraît indispensable quant à ce qui suit. R. Strassoldo dit : « Le vr
529 , les épidémies et les catastrophes naturelles. » Je ne vois pas comment des catastrophes naturelles pourraient imposer le
530 urs ambitieux, tels les Habsbourg, mais pas plus. J’ entends : assez de force pour résister à l’extérieur, pas assez pour u
531 obstacles y relatifs À ce sujet, une note que je ne peux qu’approuver : « L’ennemi du fédéralisme n’est pas la technoc
532 ’est pas la technocratie, mais la politique. » Il m’ est arrivé un jour, au cours d’une conversation avec Louis Armand, par
533 s l’électricité », de déclarer à cet ami : « Pour moi , le fédéralisme, c’est la philosophie personnaliste plus les ordinate
534 losophie personnaliste plus les ordinateurs. » Il m’ a répondu : « Ah, celle-là, je vous en veux de l’avoir dite avant moi 
535 s ordinateurs. » Il m’a répondu : « Ah, celle-là, je vous en veux de l’avoir dite avant moi ! » XI. Des régions à géomé
536 , celle-là, je vous en veux de l’avoir dite avant moi  ! » XI. Des régions à géométrie variable Je pense avoir toujour
537 oi ! » XI. Des régions à géométrie variable Je pense avoir toujours dit et décrit le contraire de ce qu’il m’est ici
538 r toujours dit et décrit le contraire de ce qu’il m’ est ici reproché d’avoir défendu ou attaqué. Je crois que Strassoldo a
539 il m’est ici reproché d’avoir défendu ou attaqué. Je crois que Strassoldo a tort d’invoquer la théorie de Konrad Lorenz su
16 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : remarques sur la note de Stanley Maron (1984)
540 arques critiques de M. Stanley Maron appellent de ma part les mises au point que voici, très brièvement formulées. 1. La c
541 -il, ne peut être fondée sur une base libertaire. Je suis d’accord. « Libertaire » évoque l’idée d’une liberté sans frein,
542 évoque l’idée d’une liberté sans frein, qui pour moi n’est pas vraie liberté puisqu’elle se dissocie de toute responsabili
543 puisqu’elle se dissocie de toute responsabilité. Je crois que l’homme n’est libre (dans une communauté) qu’à la mesure où
544 s le savent). Sans responsabilité correspondante, ma liberté joue à vide, reste donc irréelle. 2. Le kibboutz, selon M. Ma
545 outz serait un retour à la structure patriarcale. Je trouve cela parfait pour ceux qui choisissent librement ce mode de vi
546 eux qui choisissent librement ce mode de vie, que je ne choisirais pas, pour la raison que la liberté de mouvement me para
547 s pas, pour la raison que la liberté de mouvement me paraît aussi nécessaire que ce « droit à l’enracinement » sur lequel
548 sur la terre ». Le seul modèle de communauté qui me paraisse inacceptable serait celui qui se voudrait exclusif. Les kibb
17 1984, Articles divers (1982-1985). Les Rougemont de Saint-Aubin [préface] (1984)
549 vail de Jacqueline et Pierre-Arnold Borel, ce que je ressens d’abord est un vertige de chiffres. Nous avons chacun 2 paren
550 ntir descendants de tous ces grands noms. Combien je voudrais que me soient parvenues, du fond des siècles, des « histoire
551 de tous ces grands noms. Combien je voudrais que me soient parvenues, du fond des siècles, des « histoires de famille » s
552 des « histoires de famille » sur celui qui, pour moi , est le plus prestigieux des ancêtres attestés : Guillaume de Poitier
553 héritage des gènes ? Hélas, comme le disait un de mes oncles : « Plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a
554 Mais si les noms sont vérifiés, les chiffres que je viens de citer sont, de toute évidence, « impossibles », bien qu’exac
555 aïeux, tel que le dresse notre généalogiste — et je ne saurais trop l’en féliciter — nous propose une seconde conclusion,
556 ement dans le temps mais dans l’espace. Voilà qui me renforce dans ma doctrine de l’Europe des régions, et dans ma convict
557 ps mais dans l’espace. Voilà qui me renforce dans ma doctrine de l’Europe des régions, et dans ma conviction que les habit
558 dans ma doctrine de l’Europe des régions, et dans ma conviction que les habitants de l’Europe, avant d’être sujets d’un de
559 d’« Allemand », avant Bismarck.) Un autre trait me frappe dans ce tableau des origines : toutes les provinces natales de
560 ux de toute l’Europe dans leur descendance. Mais j’ y reviens : apprendre que je descends, à travers le numéro I 33.925, d
561 ur descendance. Mais j’y reviens : apprendre que je descends, à travers le numéro I 33.925, de deux empereurs du Saint-Em
562 ance, tout cela paraît merveilleux à l’instant où je l’apprends. Mais aussitôt me vient l’idée des espaces infinis de sile
563 lleux à l’instant où je l’apprends. Mais aussitôt me vient l’idée des espaces infinis de silence, d’ignorance et de nuit q
564 es infinis de silence, d’ignorance et de nuit qui me séparent d’eux au point de me les rendre absolument étrangers. Les an
565 ance et de nuit qui me séparent d’eux au point de me les rendre absolument étrangers. Les ancêtres qui comptent, pour moi,
566 lument étrangers. Les ancêtres qui comptent, pour moi , sont ceux-là seuls dont mes parents, oncles et tantes nous parlaient
567 s qui comptent, pour moi, sont ceux-là seuls dont mes parents, oncles et tantes nous parlaient quand nous étions jeunes. Et
568 nous étions jeunes. Et ceux-là seuls éveillent en moi un sentiment de parenté, la reconnaissance de quelque chose d’à la fo
569 normande, Perceval et Lancelot du Lac. Un peu de mes grands-parents (jamais connus). Tante Beth et le fameux « œil de tant
570 t le mystère de l’ascendance franc-comtoise, dont mon père m’a souvent parlé, au point que j’ai baptisé la maison que nous
571 ère de l’ascendance franc-comtoise, dont mon père m’ a souvent parlé, au point que j’ai baptisé la maison que nous habitons
572 se, dont mon père m’a souvent parlé, au point que j’ ai baptisé la maison que nous habitons aujourd’hui « La Chevance », pa
573 ède », c’est-à-dire « dont on est venu à chef ». ( Je propose une nouvelle recherche à Pierre-Arnold, dans la direction de
574 e à Pierre-Arnold, dans la direction de Besançon. J’ ai quelques pièces tout à fait inédites à lui montrer.) D’autres récit
575 fait inédites à lui montrer.) D’autres récits de mes parents et de mes tantes (voir ici même ceux de Marthe Monvert, sœur
576 ui montrer.) D’autres récits de mes parents et de mes tantes (voir ici même ceux de Marthe Monvert, sœur de mon père) évoqu
577 es (voir ici même ceux de Marthe Monvert, sœur de mon père) évoquent le Saint-Aubin du dernier siècle, celui de mon arrière
578 oquent le Saint-Aubin du dernier siècle, celui de mon arrière-grand-père Denis, de sa première femme normande, de sa second
18 1984, Articles divers (1982-1985). L’Europe et les intellectuels (1984)
579 Denis de Rougemont, de tous les intellectuels que j’ ai interrogés jusqu’ici sur l’idée qu’ils se font de l’Europe, vous êt
580 venu et restez-vous un « Européen militant » ? Il me semble que tout m’y a conduit, à commencer par ma naissance. Dès mon
581 un « Européen militant » ? Il me semble que tout m’ y a conduit, à commencer par ma naissance. Dès mon enfance, j’ai enten
582 me semble que tout m’y a conduit, à commencer par ma naissance. Dès mon enfance, j’ai entendu parler chez mes parents des
583 m’y a conduit, à commencer par ma naissance. Dès mon enfance, j’ai entendu parler chez mes parents des tantes de Dresde, a
584 t, à commencer par ma naissance. Dès mon enfance, j’ ai entendu parler chez mes parents des tantes de Dresde, auxquelles no
585 ssance. Dès mon enfance, j’ai entendu parler chez mes parents des tantes de Dresde, auxquelles nous fournissions des cigare
586 branches françaises et de la branche anglaise de ma famille, de Jean, le professeur de chirurgie de Lyon, d’Édouard, le g
587 inent des rêves, il n’y avait aucune opposition : je l’ai écrit dans un petit ouvrage intitulé Suite neuchâteloise , publ
588 ntrée de Neuchâtel dans la Confédération, et dont je voudrais vous lire ces quelques lignes : Ce qu’on touche — et ce qu’
589 e la haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me sens presque partout chez moi dans l’Europe franco-germanique, c’e
590 a haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me sens presque partout chez moi dans l’Europe franco-germanique, c’est
591 croirait-il ? Si je me sens presque partout chez moi dans l’Europe franco-germanique, c’est que d’abord je l’ai trouvée da
592 ans l’Europe franco-germanique, c’est que d’abord je l’ai trouvée dans ma famille, où tant de traditions se croisent et se
593 ermanique, c’est que d’abord je l’ai trouvée dans ma famille, où tant de traditions se croisent et se marient. Pour moi, c
594 ant de traditions se croisent et se marient. Pour moi , comme pour tant d’autres Suisses, passer de la petite patrie à la pl
595 patrie à la plus vaste, ce n’est pas infidélité à ma race, à mon clos natal. C’est aimer plus loin, dans le même sens. Ma
596 plus vaste, ce n’est pas infidélité à ma race, à mon clos natal. C’est aimer plus loin, dans le même sens. Mais la famill
597 ture, beaucoup plus précisément déterminante dans mon cas. Dès l’âge de 15 ans, je pense, j’ai découvert Rimbaud, qui était
598 t déterminante dans mon cas. Dès l’âge de 15 ans, je pense, j’ai découvert Rimbaud, qui était pour ma génération notre ang
599 ante dans mon cas. Dès l’âge de 15 ans, je pense, j’ ai découvert Rimbaud, qui était pour ma génération notre ange révolté,
600 je pense, j’ai découvert Rimbaud, qui était pour ma génération notre ange révolté, mais aussi Pascal, l’autre sommet de l
601 a, T. S. Eliot… Pendant ces années d’adolescence, je ne croyais qu’à la poésie, puis j’ai découvert la théologie avec Karl
602 d’adolescence, je ne croyais qu’à la poésie, puis j’ ai découvert la théologie avec Karl Barth, dans la lignée « existentie
603 ources de la culture commune des Européens — dont je retiens surtout la grecque et l’évangélique — mais il faut leur ajout
604 n somme surtout à ces trois dernières sources que je dois d’en être venu à découvrir, dans les années 1930, que l’Europe é
605 e Tristan pour l’Europe. Cette découverte éblouie m’ a fait écrire en trois mois L’Amour et l’Occident , un titre qui peut
606 titre qui peut servir d’épigraphe non seulement à mon œuvre littéraire, mais sans doute aussi à mon action pour l’Occident,
607 t à mon œuvre littéraire, mais sans doute aussi à mon action pour l’Occident, pour l’Europe d’abord. Ce livre, très vite tr
608 gleterre, grâce à T. S. Eliot, et aux États-Unis, m’ a beaucoup aidé à gagner l’intérêt des éditeurs et l’amitié des critiq
609 des critiques américains, pendant les années que j’ ai passées là-bas, de 1941 à 1947. Vous avez dit et écrit à plusieurs
610 a s’est-il passé ? De deux manières. D’une part, j’ ai retrouvé à New York beaucoup d’écrivains, d’intellectuels et d’arti
611 p d’écrivains, d’intellectuels et d’artistes, que je fréquentais ou aurais pu fréquenter à Paris dans les années 1930, et
612 er à Paris dans les années 1930, et avec lesquels je me suis lié, tels Saint-Exupéry, André Breton et Saint-John Perse, ma
613 à Paris dans les années 1930, et avec lesquels je me suis lié, tels Saint-Exupéry, André Breton et Saint-John Perse, mais
614 , pour eux foncièrement étranger à tant d’égards, me donnait comme une sensation de la différence, de l’identité européenn
615 fédérer nos peuples. Et ce retour s’est fait pour moi au printemps de 1946, sous les meilleurs auspices possibles : une inv
616 l’essentiel de nos refus et de nos propositions. Je vais essayer de vous les résumer en quelques mots. Nous partions d’un
617 non. Tel était le sujet des premiers chapitres de mon premier livre publié à Paris en 1934, et qui s’intitulait Politique
618 de la « Pensée engagée », où il rendit compte de mon livre, et dont j’assumais la responsabilité. Tout le reste s’ensuit :
619 agée », où il rendit compte de mon livre, et dont j’ assumais la responsabilité. Tout le reste s’ensuit : la personne ne se
620 rs congrès de fédéralistes européens. Certains de mes interlocuteurs, comme Edgar Morin et Jean-Marie Domenach, ont insisté
621 s et ce n’a jamais été votre position. Pourquoi ? Je n’ai jamais, pas un instant, senti les choses de cette manière. Pour
622 instant, senti les choses de cette manière. Pour moi , rentrant en Europe après des années de ce que je considérais comme u
623 oi, rentrant en Europe après des années de ce que je considérais comme un exil, je n’avais qu’une idée, qui était de fédér
624 es années de ce que je considérais comme un exil, je n’avais qu’une idée, qui était de fédérer les Européens pour leur pro
625 és à s’occuper entre eux de leurs affaires. Quand je suis rentré une première fois, en 1946, après six ans d’absence, ç’a
626 enève sur « l’Esprit européen ». En plein accord, je crois, avec les autres conférenciers, tels que Karl Jaspers, Julien B
627 e marxiste de l’époque, le Hongrois Georg Lukács, j’ ai soutenu la thèse que le sort de la paix dépendait désormais d’une u
628 de la paix dépendait désormais d’une union — que je souhaitais fédérale, c’est-à-dire respectueuse des autonomies — entre
629 autonomies — entre les peuples de l’Europe, dont j’ opposais les idéaux réels à ceux des Soviétiques d’un côté, des capita
630 an plus tard, à peine rentré pour de bon des USA, j’ ai accepté d’introduire par un discours le premier congrès des fédéral
631 t se tenir à Montreux au début de septembre 1947. J’ ai retrouvé là de vieux amis de l’Ordre nouveau, comme Alexandre Marc
632 ès coup, Henri Brugmans, qui présidait l’affaire. J’ ai parlé de « l’Attitude fédéraliste », et le succès a été tel que je
633 ttitude fédéraliste », et le succès a été tel que je me suis vu en quelque sorte catapulté dans un rôle de porte-parole de
634 tude fédéraliste », et le succès a été tel que je me suis vu en quelque sorte catapulté dans un rôle de porte-parole de l’
635 édéralisme européen. Pas question une seconde que je me dérobe, étant l’auteur du concept d’engagement de l’écrivain et de
636 ralisme européen. Pas question une seconde que je me dérobe, étant l’auteur du concept d’engagement de l’écrivain et de la
637 ble ou « libre et engagé » selon les formules que j’ avais lancées dans les années 1930, et dont on me disait maintenant qu
638 j’avais lancées dans les années 1930, et dont on me disait maintenant que c’étaient les mots d’ordre de l’existentialisme
639 les mots d’ordre de l’existentialisme. Une phrase me revenait de tous côtés, et c’était « l’engagement, comme dit Sartre… 
640 s, et c’était « l’engagement, comme dit Sartre… » Je lui ai laissé le mot, et j’ai gardé la chose. J’ai dit à mes amis féd
641 , comme dit Sartre… » Je lui ai laissé le mot, et j’ ai gardé la chose. J’ai dit à mes amis fédéralistes que j’étais prêt à
642 Je lui ai laissé le mot, et j’ai gardé la chose. J’ ai dit à mes amis fédéralistes que j’étais prêt à consacrer à leur cam
643 laissé le mot, et j’ai gardé la chose. J’ai dit à mes amis fédéralistes que j’étais prêt à consacrer à leur campagne deux a
644 dé la chose. J’ai dit à mes amis fédéralistes que j’ étais prêt à consacrer à leur campagne deux ans de ma vie, aux dépens
645 tais prêt à consacrer à leur campagne deux ans de ma vie, aux dépens de mon œuvre d’écrivain. Et m’y voici encore engagé,
646 à leur campagne deux ans de ma vie, aux dépens de mon œuvre d’écrivain. Et m’y voici encore engagé, après trente-cinq ans d
647 de ma vie, aux dépens de mon œuvre d’écrivain. Et m’ y voici encore engagé, après trente-cinq ans d’activités au service de
648 mai 1948, présidé par Winston Churchill, et dont j’ ai assumé la partie culturelle présidée à La Haye par Salvador de Mada
649 n de la politique. Dans une série de réunions que j’ avais convoquées à Paris, à Genève, à Royaumont, à la Chambre des comm
650 opéens », qui devait clôturer le congrès, et dont j’ avais exigé et obtenu qu’il fût rédigé par moi au nom de ma commission
651 dont j’avais exigé et obtenu qu’il fût rédigé par moi au nom de ma commission. J’étais embarqué. Avez-vous été soutenu, dur
652 xigé et obtenu qu’il fût rédigé par moi au nom de ma commission. J’étais embarqué. Avez-vous été soutenu, durant ces année
653 qu’il fût rédigé par moi au nom de ma commission. J’ étais embarqué. Avez-vous été soutenu, durant ces années de création d
654 ltats avez-vous enregistrés ? Après la lecture de mon « Message aux Européens », le congrès s’est terminé dans l’enthousias
655 thousiasme et l’espoir. Le principal, pour ce qui me concerne, a été la décision de créer un « Centre européen de la cultu
656 du Mouvement européen, né du congrès de La Haye, j’ ai ouvert à Genève un « Bureau d’études pour un Centre européen de la
657 teurs de l’Union européenne des fédéralistes, qui m’ avait déjà secondé à La Haye. Ensemble, nous avons préparé une Confére
658 ure, 21 ont été suivies de réalisations, chiffre, je crois, jamais atteint par aucun congrès… disons librement constitué.
659 irecteur, soit depuis 1978, comme son président ? Je répondrai par une énumération peut-être un peu sèche faute de temps.
660 numération peut-être un peu sèche faute de temps. Je mentionnerai d’abord deux idées que j’ai lancées et qui se sont réali
661 de temps. Je mentionnerai d’abord deux idées que j’ ai lancées et qui se sont réalisées grâce au Centre mais hors de lui.
662 sidée par le prince Bernhard des Pays-Bas, et que j’ ai instituée et dirigée au siège de notre Centre d’abord, pendant deux
663 ’Ouest — il vaut la peine de souligner ce cas que je crois unique ; l’Association des instituts d’études européennes, de n
664 œuvre et l’engagement qui se pose dans votre cas. Je répondrai d’une manière toute factuelle. Durant les années de mon « e
665 une manière toute factuelle. Durant les années de mon « engagement » européen — préparation, direction effective, présidenc
666 sitaire d’études européennes qui en est né, et où j’ enseigne encore à titre de professeur honoraire, j’ai été amené à publ
667 ’enseigne encore à titre de professeur honoraire, j’ ai été amené à publier une dizaine d’ouvrages sur l’Europe et ses prob
668 e comités et de congrès. Mais dans le même temps, j’ ai écrit et publié une quinzaine d’ouvrages littéraires et philosophiq
669 téraires et philosophiques, et plusieurs tomes de mon Journal d’une époque , que j’espère pouvoir achever avec Journal d’u
670 lusieurs tomes de mon Journal d’une époque , que j’ espère pouvoir achever avec Journal d’un Européen l’année prochaine. V
671 achés de l’Europe et de sa cause, c’est-à-dire, à mon sens, détachés des réalités culturelles fondamentales de notre temps.
672 successives de J.-P. Sartre. Dans le texte qu’il m’ avait envoyé pour la conférence de Lausanne, Sartre expliquait que la
673 ’immédiat après-guerre ? Comme écrivain européen, je me sens en effet un peu seul ! Mais d’autres vont venir, et ce ne ser
674 médiat après-guerre ? Comme écrivain européen, je me sens en effet un peu seul ! Mais d’autres vont venir, et ce ne sera p
675 tre mais la solution du chômage en tout cas. Vous m’ interrogiez sur l’intellectuel et l’Europe. Je vous ai donné un exempl
676 ous m’interrogiez sur l’intellectuel et l’Europe. Je vous ai donné un exemple concret, le mien. Les mouvements européens a
677 et l’Europe. Je vous ai donné un exemple concret, le mien . Les mouvements européens avec lesquels j’ai travaillé dans les année
678 , le mien. Les mouvements européens avec lesquels j’ ai travaillé dans les années 1950 et 1960 font du surplace, c’est évid
679 e dizaine d’années, une nouvelle génération, dont je me sens solidaire, a relancé le combat pour l’avenir. Elle fait sienn
680 izaine d’années, une nouvelle génération, dont je me sens solidaire, a relancé le combat pour l’avenir. Elle fait sienne,
681 fait sienne, dans sa majorité, le mot d’ordre que je lui ai proposé : Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir. L’E
682 is quelles sont ses chances de succès, allez-vous me dire ? À cette question, je réponds depuis que j’agis, et au nom de l
683 de succès, allez-vous me dire ? À cette question, je réponds depuis que j’agis, et au nom de l’Europe fédérale fondée sur
684 me dire ? À cette question, je réponds depuis que j’ agis, et au nom de l’Europe fédérale fondée sur sa culture commune : n
19 1984, Articles divers (1982-1985). Informatique, société, sagesse (1984)
685 ns le monde entier. Moins de bien : car Orwell, à mon sens, n’a pas été le vrai prophète que l’on célèbre à l’unisson. Et c
686 Utinam vates falsus sim ! », « Plaise au ciel que je sois faux prophète ! », ou comme Jérémie : « Seigneur, tu le sais ! j
687  ! », ou comme Jérémie : « Seigneur, tu le sais ! je n’ai pas désiré le jour du malheur ! » Le vrai prophète veut détourne
688 dre fatales en les décrivant telles. Chez Orwell, je sens au contraire comme une abdication latente au fond de l’âme, un m
689 és de l’esprit, seules capables de l’animer. Mais je n’en dirai pas moins l’admiration que je porte à la prescience de Geo
690 er. Mais je n’en dirai pas moins l’admiration que je porte à la prescience de George Orwell quand il s’agit de nous faire
691 n’a pu connaître en 1948 que les balbutiements : je veux parler des armes nucléaires et des télécommunications audiovisue
692 octurnes. Nous sommes manipulés par les Pouvoirs. Je tiens à le dire ici : le vrai danger n’est pas là où on le dénonce tr
693 tabli et dont ils sont seuls responsables. Ce qui me fait peur, — c’est moins le stockage de données sur mon compte et mêm
694 it peur, — c’est moins le stockage de données sur mon compte et même sur mes opinions, que la volonté de « programmer » ces
695 le stockage de données sur mon compte et même sur mes opinions, que la volonté de « programmer » ces opinions ; — c’est moi
696 inions ; — c’est moins un B. B. qui sait tout sur moi , qu’un B. B. qui entend manipuler ma liberté en m’imposant son angle
697 it tout sur moi, qu’un B. B. qui entend manipuler ma liberté en m’imposant son angle de vision ; — c’est moins la transpar
698 i, qu’un B. B. qui entend manipuler ma liberté en m’ imposant son angle de vision ; — c’est moins la transparence de ma vie
699 ngle de vision ; — c’est moins la transparence de ma vie aux yeux des Pouvoirs, que l’opacité de ces Pouvoirs aux yeux du
700 ais la meilleure défense étant l’attaque, dit-on, j’ oserai donc avancer que je fonde quelque espoir dans l’extrême vulnéra
701 tant l’attaque, dit-on, j’oserai donc avancer que je fonde quelque espoir dans l’extrême vulnérabilité du secret des résea
702 Brother les jeunes délinquants de l’électronique. Je propose d’en appeler au Petit Frère farceur contre le sinistre Grand
703 ur la bombe atomique , publié d’abord à New York, j’ avais écrit le Post-scriptum que voici : Un dernier mot, et dire qu
704 criptum que voici : Un dernier mot, et dire que j’ allais l’oublier ! La Bombe n’est pas dangereuse du tout : c’est un ob
705 aut c’est un contrôle de l’homme. Une correction me paraît aujourd’hui nécessaire. La Bombe ne peut avoir aucun emploi bé
706 e, économique autant que politique. Pour ma part, je le vois et le veux surtout fait pour favoriser la décentralisation et
707 fonctionnaires — de gérer des régions telles que je les souhaitais, c’est-à-dire à « géométrie variable » selon les fonct
708 surer. Comment faire face à pareille complexité ? Je dis à Louis Armand : « Pour moi, le fédéralisme, c’est l’autonomie de
709 eille complexité ? Je dis à Louis Armand : « Pour moi , le fédéralisme, c’est l’autonomie des régions plus les ordinateurs »
710 gions plus les ordinateurs ». « Ah, celle-là, dit mon ami, vous me rendez jaloux de ne pas l’avoir trouvée ! » Je vous fer
711 ordinateurs ». « Ah, celle-là, dit mon ami, vous me rendez jaloux de ne pas l’avoir trouvée ! » Je vous ferai grâce, auj
712 s me rendez jaloux de ne pas l’avoir trouvée ! » Je vous ferai grâce, aujourd’hui, de la démonstration faite ailleurs, du
713 comme personne à la fois libre et responsable. ⁂ J’ aborderai maintenant l’un des problèmes majeurs d’aujourd’hui : celui
714 de l’emploi et du chômage, pour illustrer ce que je considère comme le défi tragique que pose l’informatique à l’ensemble
715 — titre volé plus tard par Hitler, mais passons — je publiais un petit article intitulé « Liberté ou chômage ? » Je posais
716 n petit article intitulé « Liberté ou chômage ? » Je posais la question suivante : la technologie moderne permet de libére
717 s’appelle pas libération mais bien chômage. Qu’on m’ explique pourquoi ? Et j’attends, depuis plus de cinquante ans, la rép
718 mais bien chômage. Qu’on m’explique pourquoi ? Et j’ attends, depuis plus de cinquante ans, la réponse. Aujourd’hui, le pro
719 n. On y répond généralement par des arguments que je connais depuis environ vingt-cinq ans, quand on ne parlait encore que
720 e « d’automation » et « d’usines sans ouvriers ». Je disais : que ferez-vous des ouvriers « libérés » ? On me répondait :
721 is : que ferez-vous des ouvriers « libérés » ? On me répondait : nous allons les recycler dans le tertiaire, car le progrè
722 aires de l’automatisation tirent de ces chiffres. Je prendrai la plupart de mes données dans un très long article de Busin
723 tirent de ces chiffres. Je prendrai la plupart de mes données dans un très long article de Business Week (New York) paru en
724 e qu’en Europe. L’article de Business Week auquel je viens d’emprunter tant de chiffres alarmants, constate avec une sérén
725 r », mais jamais « supprimer » un emploi ! — Mais je ne trouve nulle part de chiffres à l’appui de ces déclarations optimi
726 arquée dans la main-d’œuvre qui les fabrique ! On me dira peut-être que la qualité du travail dans les industries sera for
727 vail à la chaîne mental ». Tout cela dit, demeure ma question centrale, formulée il y a cinquante ans, à propos des résult
728 ntage certain de l’informatisation de l’industrie me paraît être de rendre plus urgente encore et dramatique la nécessité
729 et dramatique la nécessité vitale d’une réponse à ma question. Nous sommes mis au défi d’inventer une nouvelle conception
730 plusieurs fondations suisses et européennes. ⁂ Il me reste à vous présenter, avant de conclure, quelques remarques sur un
731 s de l’informatisation totale du monde de demain. Je vais choisir un seul auteur comme étant le plus lyrique de tous sur l
732 e du MIT. Dans ses propos, publiés par L’Express, je vous prie de faire la part d’une certaine provocation sournoisement r
733 hilosophie ». Là-dessus, deux remarques suffiront je l’espère. Quand Papert prétend que « certaines notions élémentaires d
734 ue ceux génialement décrits par Marcel Proust. Et je voudrais enfin opposer à Papert cette phrase si belle d’un des plus g
735 ffectivité, et n’est donc pas humaine. CQFD. ⁂ Et j’ en conclus sur l’avenir de l’informatique en vous rappelant la questio
736 est la seule qui mérite vraiment nos réflexions. Je voudrais qu’on la substitue une fois pour toutes au bavardage de la p
737 e sur la puérilité des réactions du grand public. Je voudrais que l’on cesse d’écrire des phrases comme celle-ci : « l’aut
738 écrit dans un poème : « Vous dites : où vas-tu ? Je l’ignore et j’y vais. » Répondons-lui : si l’on ne sait où l’on va, m
739 poème : « Vous dites : où vas-tu ? Je l’ignore et j’ y vais. » Répondons-lui : si l’on ne sait où l’on va, mieux vaut n’y p
740 va, mieux vaut n’y pas aller… dans certains cas… Je précise : cessons de nous précipiter vers un avenir dont nous n’avons
741 obsédés que nous sommes par des gains immédiats. Je vous ai cité des chiffres effarants sur le chômage que nous prépare l
742 are l’informatisation générale de nos industries. Je demande à savoir pourquoi l’on prend ce risque, de dimension sans pré
743 récédent dans toute l’histoire des civilisations. Je demande à réfléchir sur les voies et moyens d’une invention de la syn
744 rons à des désastres trop exactement calculables. Je renouvelle ma proposition de créer dans chacun de nos pays, mais surt
745 astres trop exactement calculables. Je renouvelle ma proposition de créer dans chacun de nos pays, mais surtout à l’échell
746 chir sur les finalités réelles de nos recherches. Je ne vois que deux réponses possibles : — ou bien le but est la puissan
747 ité et sans doute de toute vie sur la Terre. 3. Je les trouve aux pages 225, 233 et 238 de mon édition française. ad.
748 . 3. Je les trouve aux pages 225, 233 et 238 de mon édition française. ad. Rougemont Denis de, « Informatique, société,
20 1984, Articles divers (1982-1985). Trois manières de considérer le nucléaire (1984)
749 une trentaine de points noirs sur la carte. Comme j’ avais l’esprit occupé par la promesse d’une préface pour cette brochur
750 r cette brochure, pendant une fraction de seconde j’ ai cru qu’il s’agissait de la répartition des centrales nucléaires, et
751 cléaires, et la similitude ou plutôt le contraste m’ a frappé : les grands monuments symboliques de la civilisation du Moye
21 1984, Articles divers (1982-1985). Le Patrimoine européen [conclusion] (1984)
752 uvrir les dépenses courantes. Mais aucun de nous, je m’en assure, ne serait venu ici pour le seul plaisir de dresser un bi
753 ir les dépenses courantes. Mais aucun de nous, je m’ en assure, ne serait venu ici pour le seul plaisir de dresser un bilan
754 marques sur ce trajet géographico-historique : il me semble avoir curieusement contourné l’Empire romain, et par là même c
755 ple influence d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Je regrette que nous n’ayons pas eu l’occasion de souligner assez fortem
756 ui caractérisent notre histoire. (Une autre fois, j’ espère que nous aurons le temps de mieux définir deux autres apports i
757 l’Europe. Tout au long de ces trois journées, il me semble que nous avons fourni un effort unanime et, je crois, réussi,
758 emble que nous avons fourni un effort unanime et, je crois, réussi, pour entretenir le dialogue entre ce que les polémique
759 l’Ouest. ⁂ Resserrons-nous maintenant sur ce que j’ ai appelé la logique interne de tout débat sur le patrimoine culturel
760 des origines et de l’évolution de ce patrimoine. Je pense que nous serons tous d’accord pour constater qu’il s’agit là d’
761 t là d’un processus dialectique, dont le principe m’ apparaît être la coexistence, ou mieux : la co-action des contraires m
762 e des antinomies, dont voici une petite liste que j’ ai établie pendant que vous parliez, les uns et les autres : — traditi
763 tir l’autonomie de ses membres. ⁂ Tout cela, pour moi , se concrétise dans la notion de régions (vous pensez bien que j’alla
764 e dans la notion de régions (vous pensez bien que j’ allais y revenir) comme condition de toute fédération d’une Europe ouv
765 ute fédération d’une Europe ouverte sur le monde. J’ ai eu ici la très heureuse surprise de constater que la nécessité mode
766 u Centre. C’est une des leçons réconfortantes que je retiendrai de cette rencontre. Mais à la suite de mes interventions s
767 retiendrai de cette rencontre. Mais à la suite de mes interventions sur ce thème des régions, je saisis l’occasion de ces c
768 te de mes interventions sur ce thème des régions, je saisis l’occasion de ces conclusions pour apporter une importante pré
769 le navet. À l’idée de régions purement ethniques, j’ oppose donc les régions définies comme des espaces de participation ci
770 re ce que Nietzsche appelait de ses vœux. Laissez- moi vous citer de lui deux passages trop peu connus, le premier tiré de P
771 en et le mal, le second des Papiers posthumes. Il me semble que ces phrases caractérisent assez bien l’effort qui est fait
772 tuels à la grande tâche de fédérer les Européens. Je cite : Grâce aux divisions morbides que la folie des nationalités a
773 nir une. Le second passage prolonge ces phrases, je cite : Ce qui m’importe, c’est l’Europe une, et je la vois se prépar
774 d passage prolonge ces phrases, je cite : Ce qui m’ importe, c’est l’Europe une, et je la vois se préparer lentement d’une
775 cite : Ce qui m’importe, c’est l’Europe une, et je la vois se préparer lentement d’une manière hésitante. Chez tous les
776 ieillissant, et il y voit un signe de sénilité. ⁂ Ma seconde remarque générale va porter sur l’avenir de ce colloque, dont
777 érale va porter sur l’avenir de ce colloque, dont je pense qu’il devra se modeler sur l’avenir européen. Cet avenir se fai
778 ette idée de comparaison active, prospective, que j’ ai proposé depuis plus de vingt ans, avec une certaine obstination, ce
779 vingt ans, avec une certaine obstination, ce que j’ appelle le Dialogue des cultures. Et pour que cela ne tourne pas à un
780 comparatisme à grande échelle, mais sans action, je propose que ce Dialogue des cultures s’instaure autour de quelques-un
781 ême de l’Europe et de sa vocation mondialisante ? Je souhaite que notre ami Jacques Freymond trouve dans cette proposition
782 établira les thèmes de nos prochaines rencontres. Je terminerai en le remerciant en votre nom à tous pour le très beau col
783 n des plus fructueux et encourageants auxquels il m’ ait été donné de prendre part au cours de ces dernières années. ac.
22 1984, Articles divers (1982-1985). Club-Énergie de l’Est vaudois : avec Denis de Rougemont (19 juin 1984)
784 a consommation d’énergie double tous les dix ans, je serais contre, parce qu’elles sont les pièces principales d’un systèm
23 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage I] (1985)
785 nommée « les non-conformistes des années 1930 », je vais vous apporter moins un « témoignage », bien grand mot, que quelq
786 e spécifique de la « génération des années 1930 » me semble avoir été déterminé par la nature particulière de l’affronteme
787 Du Bos, un jeune homme à l’accent nettement russe me remit une feuille de papier intitulée Manifeste, au milieu de laquell
788 papier intitulée Manifeste, au milieu de laquelle je lus, en lettres majuscules, ces quelques mots : Nous ne sommes ni i
789 mmes personnalistes Ce fut le trait de lumière. J’ en serai à tout jamais reconnaissant à mon ami Alexandre Marc, le même
790 lumière. J’en serai à tout jamais reconnaissant à mon ami Alexandre Marc, le même qui allait me mettre en relations — dans
791 sant à mon ami Alexandre Marc, le même qui allait me mettre en relations — dans un groupe de discussion œcuménique qui se
792 munautaire, autogérée, régionaliste, fédéraliste… Je le répète : c’était là le seul programme constructif des années 1930.
793 nt total du citoyen à l’appareil d’un Parti-État. Je ne voudrais pas affirmer ici un seul instant que nous avions raison s
794 dus à l’intérieur du « mouvement personnaliste ». Je voudrais seulement rappeler que telles étaient alors nos motivations,
795 avons vécu notre époque, dans les années 1930. Il me semble que nous étions d’à peu près cinquante ans en avance sur l’évo
796 de ce que ce siècle découvre aujourd’hui. Ce que j’ affirme ici, c’est que nous n’avons pas fini de nous battre pour une s
24 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage II] (1985)
797 me d’Emmanuel Mounier [témoignage II] (1985)am Je vous ai dit hier comment je me rappelais avoir vécu le personnalisme
798 gnage II] (1985)am Je vous ai dit hier comment je me rappelais avoir vécu le personnalisme du début d’Esprit. On vient
799 ge II] (1985)am Je vous ai dit hier comment je me rappelais avoir vécu le personnalisme du début d’Esprit. On vient de
800 dire comment il avait été perçu. Si les notes que j’ ai prises pendant qu’il parlait sont exactes, John Hellman voit dans l
801 certains des exemples qu’on vient de nous citer. Je voudrais dire en bref — et je vous en demande pardon, mais le calembo
802 ient de nous citer. Je voudrais dire en bref — et je vous en demande pardon, mais le calembour me paraît irrésistible — qu
803 — et je vous en demande pardon, mais le calembour me paraît irrésistible — que la description de John Hellman est celle d’
804 ous dit que, dans un tract intitulé Le Voltigeur, j’ aurais réclamé la création en France d’un « fascisme antifasciste ». L
805 st évidente et elle est aussi grave que possible. J’ ai souvent mis en garde, en effet, contre le danger d’un antifascisme
806 ivre biblique des Proverbes 6 en deux versets que j’ ai cités dans une réédition récente de La Part du diable . Les voici 
807 garde pas comme sage. Inutile de dire qu’en fait j’ avais choisi l’antifascisme déclaré, mais fondé sur les exigences créa
808 rsonne, non pas sur quelque cliché droite-gauche. Je reviens au cas de Nizan, que je citais tout à l’heure, parce qu’il es
809 hé droite-gauche. Je reviens au cas de Nizan, que je citais tout à l’heure, parce qu’il est le plus éclairant et le plus p
810 irant et le plus pathétique sans nul doute. Quand j’ ai publié en 1934 un recueil d’essais et de conférences intitulé Poli
811 dans ce livre ». C’est ainsi que les communistes m’ avaient sinon « perçu », du moins avaient décidé qu’il fallait me perc
812 « perçu », du moins avaient décidé qu’il fallait me percevoir. Cette phrase se trouve préfigurée, presque littéralement,
813 cations » des jeunes groupes révolutionnaires que j’ avais composé pour le numéro de décembre 1932 de la NRF . C’est Jean
814 décembre 1932 de la NRF . C’est Jean Paulhan qui m’ avait proposé ce « Cahier », à la suite d’un petit article paru dans u
815 ne revue suisse et intitulé « Cause commune », où j’ esquissais les possibilités d’entente sur quelques points essentiels e
816 de droite », comme on le disait. Le sommaire que je préparai pour la NRF allait de Nizan et Lefebvre pour les communist
817 épendants — qu’on appellera plus tard gauchistes. Je me réservai introduction et conclusions. Les douze auteurs sollicités
818 ndants — qu’on appellera plus tard gauchistes. Je me réservai introduction et conclusions. Les douze auteurs sollicités ac
819 ties nécessaires à sa collaboration. Il vint chez moi , rue Saint-Placide, dans l’appartement que me louait Georges Izard et
820 ez moi, rue Saint-Placide, dans l’appartement que me louait Georges Izard et, sitôt entré, me demanda la liste exacte des
821 ment que me louait Georges Izard et, sitôt entré, me demanda la liste exacte des auteurs sollicités. Il sortit son agenda
822 e des auteurs sollicités. Il sortit son agenda et j’ allais lui donner les noms quand il y eut à l’instant précis une panne
823 on, seul éclairé par un réverbère proche, et, là, je dictai les douze noms. Je vois encore Nizan, qui louchait fortement,
824 verbère proche, et, là, je dictai les douze noms. Je vois encore Nizan, qui louchait fortement, écrire sur son petit carne
825 quante ans. Une semaine après cette visite, Nizan m’ écrivit qu’il avait remis son papier à Paulhan, et qu’il allait nous e
826 la revue Europe, dirigée par Jean Guéhenno (dont j’ ai cité tout à l’heure la lettre à Romain Rolland qui nous qualifie de
827 Europe donc publie un article de Paul Nizan, qui m’ attaque avec une extrême violence : je l’avais trompé, affirme-t-il, e
828 Nizan, qui m’attaque avec une extrême violence : je l’avais trompé, affirme-t-il, en lui cachant l’identité des participa
829 ant l’identité des participants non communistes à mon enquête. S’il avait su, il n’eût jamais accepté de collaborer. Et il
830 su, il n’eût jamais accepté de collaborer. Et il me traite de « sergent recruteur du fascisme français ». Le mensonge éta
831 Le mensonge était énorme, total, totalitaire. Et je me suis vu contraint de mesurer, ce jour-là, pour la première fois si
832 mensonge était énorme, total, totalitaire. Et je me suis vu contraint de mesurer, ce jour-là, pour la première fois si du
833 aire, peut réduire un esprit honnête, pour lequel j’ étais prêt à ressentir tout autre chose qu’une sympathie politique : u
834 itique : une amitié humaine directe et spontanée. Je voudrais dire à John Hellman, en terminant, qu’il est faux d’écrire a
25 1985, Articles divers (1982-1985). Quelques-uns de mes écrivains : anecdotes (1985)
835 Quelques-uns de mes écrivains : anecdotes (1985)an Henri Michaux et les idoles Ru
836 Michaux et les idoles Rue du Four, sortant de mon bureau, je longe les voitures alignées au bord du trottoir et devant
837 les idoles Rue du Four, sortant de mon bureau, je longe les voitures alignées au bord du trottoir et devant l’une, très
838 nt belle, se tient Michaux, tout à fait immobile. Je m’arrête auprès, je me tais. Après quelques moments, Michaux dit lent
839 belle, se tient Michaux, tout à fait immobile. Je m’ arrête auprès, je me tais. Après quelques moments, Michaux dit lenteme
840 ichaux, tout à fait immobile. Je m’arrête auprès, je me tais. Après quelques moments, Michaux dit lentement : « Ici, ce n’
841 aux, tout à fait immobile. Je m’arrête auprès, je me tais. Après quelques moments, Michaux dit lentement : « Ici, ce n’est
842 ieur qui relie les étages de la maison Gallimard, je rejoins sur le dernier palier — celui qui mène au bureau de la NRF
843 ui mène au bureau de la NRF — Henri Michaux. Il m’ arrête d’un geste : « Est-ce que vous sentez toujours des battements d
844 ici, avant d’entrer chez Paulhan ? » — « Oh, dis- je , vous savez, j’y viens presque tous les jours, j’ai un bureau en bas,
845 trer chez Paulhan ? » — « Oh, dis-je, vous savez, j’ y viens presque tous les jours, j’ai un bureau en bas, non, vraiment… 
846 je, vous savez, j’y viens presque tous les jours, j’ ai un bureau en bas, non, vraiment… » — « Eh bien, fait-il, le jour où
847 non, vraiment… » — « Eh bien, fait-il, le jour où je ne sentirai plus mon cœur battre avant de passer ce seuil, je me fera
848  Eh bien, fait-il, le jour où je ne sentirai plus mon cœur battre avant de passer ce seuil, je me ferai honte. » Malices
849 ai plus mon cœur battre avant de passer ce seuil, je me ferai honte. » Malices de Jean Paulhan Il est vrai que « le
850 plus mon cœur battre avant de passer ce seuil, je me ferai honte. » Malices de Jean Paulhan Il est vrai que « le bu
851 e « le bureau de Paulhan » était un lieu sacré de ma mythologie, « lieu propice aux surprises, piège à l’insolite intellec
852 d en physique atomique une chambre à bulles », ai- je écrit ailleurs8. J’avais rencontré là plusieurs des demi-dieux de mon
853 ue une chambre à bulles », ai-je écrit ailleurs8. J’ avais rencontré là plusieurs des demi-dieux de mon adolescence littéra
854 J’avais rencontré là plusieurs des demi-dieux de mon adolescence littéraire, de Gide à Fargue et à Malraux. Intimidé cela
855 pertinentes, et sans doute obscures à leurs yeux. J’ avais fini par m’en accommoder, m’en amuser, en dépit des malices de P
856 ans doute obscures à leurs yeux. J’avais fini par m’ en accommoder, m’en amuser, en dépit des malices de Paulhan, ou grâce
857 s à leurs yeux. J’avais fini par m’en accommoder, m’ en amuser, en dépit des malices de Paulhan, ou grâce à elles. Le burea
858 s un rien perfides. Ainsi, un jour de 1932, comme j’ entre : « Ah tiens ! Rougemont, bonjour ! Je suis content de vous voir
859 comme j’entre : « Ah tiens ! Rougemont, bonjour ! Je suis content de vous voir. Mais est-ce vrai ce que l’on dit, que c’es
860 le dernier recueil d’essais de Daniel Halévy ? » Je le connais assez pour me garder de répondre, et comme je vais pour lu
861 ais de Daniel Halévy ? » Je le connais assez pour me garder de répondre, et comme je vais pour lui serrer la main, je vois
862 onnais assez pour me garder de répondre, et comme je vais pour lui serrer la main, je vois du coin de l’œil, sur son burea
863 pondre, et comme je vais pour lui serrer la main, je vois du coin de l’œil, sur son bureau, le Courrier de Paris, de Danie
864 el Halévy, que viennent de publier les Éditions «  Je sers », petite maison dont je suis responsable depuis un an. Une autr
865 lier les Éditions « Je sers », petite maison dont je suis responsable depuis un an. Une autre fois : « Il vient de m’arriv
866 able depuis un an. Une autre fois : « Il vient de m’ arriver quelque chose de bien décevant. J’ai essayé de relire Cicéron
867 ient de m’arriver quelque chose de bien décevant. J’ ai essayé de relire Cicéron dans l’espoir de le trouver surréaliste… E
868 e… Eh bien non ! C’est vraiment très ennuyeux… » Je le trouve un jour en conversation avec Artaud et Roger Vitrac, poète
869 and garçon boucher, gentil d’ailleurs. Tandis que je les salue : « Ah ! Rougemont, me dit-il, justement nous parlions de C
870 eurs. Tandis que je les salue : « Ah ! Rougemont, me dit-il, justement nous parlions de Commerce 9. On m’a dit que la revu
871 dit-il, justement nous parlions de Commerce 9. On m’ a dit que la revue allait être reprise par vos Éditions “Je sers”… » —
872 ue la revue allait être reprise par vos Éditions “ Je sers”… » — « C’est vrai, dis-je sans hésiter, mais la revue s’appelle
873 par vos Éditions “Je sers”… » — « C’est vrai, dis- je sans hésiter, mais la revue s’appellera désormais Commerce et industr
874 e et industrie. » Nous passâmes à un autre sujet. J’ en étais arrivé à penser que diriger la NRF était sans doute une tâc
875 s en discussion. Quelques exemples parmi ceux que j’ ai gardésao : le 12 octobre 1949 Cher ami Merci. Je suis ravi de ces
876 ai gardésao : le 12 octobre 1949 Cher ami Merci. Je suis ravi de ces pages. J’attends la circulaire. Bien amicalement Jea
877 e 1949 Cher ami Merci. Je suis ravi de ces pages. J’ attends la circulaire. Bien amicalement Jean P. (1939) Cher ami, vo
878 o est vraiment admirable10. Nous le citerons (et je voudrais bien l’avoir écrit). amicalement J. P. Les N. C. 11 ne son
879 seulement assommants (depuis qq. temps). Ils ont je ne sais quoi d’empêché, de contraint. Pourquoi ? Je voudrais bien avo
880 ne sais quoi d’empêché, de contraint. Pourquoi ? Je voudrais bien avoir votre avis sur la note jointe. 21.VIII.1949 Mo
881 ir votre avis sur la note jointe. 21.VIII.1949 Mon cher ami ah j’aurais tout à fait besoin du Saint-John Perse avant le
882 r la note jointe. 21.VIII.1949 Mon cher ami ah j’ aurais tout à fait besoin du Saint-John Perse avant le 10 septembre. E
883 vant le 10 septembre. Est-ce trop vous demander ? Je vous en prie. On vous la donne, votre Europe. Tout de même, j’imagine
884 ie. On vous la donne, votre Europe. Tout de même, j’ imagine vaguement que vous êtes déçu. Et moi, je serais plus tranquill
885 même, j’imagine vaguement que vous êtes déçu. Et moi , je serais plus tranquille si vous étiez à Strasbourg, à la place de
886 , j’imagine vaguement que vous êtes déçu. Et moi, je serais plus tranquille si vous étiez à Strasbourg, à la place de ces
887 ons dans ce même bureau, Artaud, Henri Michaux et moi , Paulhan propose d’aller dîner ensemble dans un petit restaurant chin
888 clairé, au bout duquel, à une centaine de mètres, je vois luire une très grosse lanterne ornée de caractères chinois. Je p
889 très grosse lanterne ornée de caractères chinois. Je parlais avec Artaud, Paulhan et Michaux marchant côte à côte à une di
890 inçant des dents : « Lequel… des deux… est-ce que j’ tue ? » (geste de lancer le poignard). Gagner un peu de temps, pas d’a
891 d’autre solution, le temps d’arriver au bistrot. Je dis : « La belle question ! Difficile de répondre… Attendez… Michaux
892 de répondre… Attendez… Michaux est très mince… » Je lui prends le bras doucement. Il est haletant, sa bouche écume. « Com
893 ruc par la lame ? » Quelques secondes se passent. Je lâche son bras. Nos deux amis sont arrivés dans la lumière de l’entré
894 és à une table, discutant les menus, et contents. Je n’ai revu Artaud qu’une seule fois, après mon retour d’Amérique, à l’
895 nts. Je n’ai revu Artaud qu’une seule fois, après mon retour d’Amérique, à l’automne de 1946. C’était au Café de Flore. Il
896 sur la banquette à droite du tourniquet d’entrée. Mes amis m’ayant quitté, j’ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il m
897 nquette à droite du tourniquet d’entrée. Mes amis m’ ayant quitté, j’ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend
898 du tourniquet d’entrée. Mes amis m’ayant quitté, j’ ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend la main. Moment
899 iquet d’entrée. Mes amis m’ayant quitté, j’ai été m’ asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend la main. Moment de silenc
900 is m’ayant quitté, j’ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend la main. Moment de silence. Puis il dit, devant
901 é, j’ai été m’asseoir à son côté. Je le salue. Il me prend la main. Moment de silence. Puis il dit, devant lui, sur un ton
902 il dit, devant lui, sur un ton crispé : « Excusez- moi … Je ne peux pas vous reconnaître… Je ne veux pas… Je souffre trop ! »
903 t, devant lui, sur un ton crispé : « Excusez-moi… Je ne peux pas vous reconnaître… Je ne veux pas… Je souffre trop ! »
904 : « Excusez-moi… Je ne peux pas vous reconnaître… Je ne veux pas… Je souffre trop ! » André Breton à New York Notre
905 Je ne peux pas vous reconnaître… Je ne veux pas… Je souffre trop ! » André Breton à New York Notre première rencont
906 ice of War Information, où il avait un job, et où j’ en cherchais un. On nous présente. « Dire que nous avons vécu des anné
907 revoir chaque jour ». C’est ce que nous permettra mon engagement un mois plus tard comme « senior script-writer » des émiss
908 peintre Ozenfant. Deux ans d’amitié sans faille. Je ne sais combien de soirées merveilleuses avec ses amis peintres et po
909 n de la part d’André. Mais un jour… Il vient vers moi l’air sombre et me dit d’entrée de jeu : « Votre dernier livre est un
910 . Mais un jour… Il vient vers moi l’air sombre et me dit d’entrée de jeu : « Votre dernier livre est un livre dangereux !
911  : « Votre dernier livre est un livre dangereux ! J’ ai pu le voir, par les réactions d’Elisa ! » (sa nouvelle femme). Il s
912 s allemands. Des propos quelque peu obscurs qu’il me tient ensuite, il apparaît que l’approche théologique des auteurs don
913 araît que l’approche théologique des auteurs dont je parle est trop engagée — et peut-être engageante dans le cas d’Elisa
914 t français de la 54e Rue, demain soir, 20 heures. J’ y suis à 20 h 03. Duchamp est là, sur la terrasse, « toujours un peu p
915 r la terrasse, « toujours un peu plus qu’exact », me dit-il, comme pour s’excuser. Aussitôt assis : « Il semble que Breton
916 ier livre. Trop chrétien, sans doute, à ses yeux. Moi , vous savez… Je crois que vous croyez ?… Remarquez l’amphibologie du
917 hrétien, sans doute, à ses yeux. Moi, vous savez… Je crois que vous croyez ?… Remarquez l’amphibologie du verbe… Mais qu’e
918 mieux du monde entre Duchamp, arbitre désigné, et moi . Il ne reviendra pas sur le litige. Je lui ferai même un brin de cond
919 signé, et moi. Il ne reviendra pas sur le litige. Je lui ferai même un brin de conduite après le dîner. Deux jours plus ta
920 de conduite après le dîner. Deux jours plus tard, je reçois son très beau livre sur Le Surréalisme et la peinture, avec ce
921 re, avec cette dédicace : « À Denis de Rougemont, mon ami très cher et très écouté. » Dimanche matin. Sur Madison Avenue d
922 é. » Dimanche matin. Sur Madison Avenue déserte, je me hâte vers la « Little Church around the corner », une église angli
923 » Dimanche matin. Sur Madison Avenue déserte, je me hâte vers la « Little Church around the corner », une église anglican
924 er », une église anglicane très high church, dont j’ aime la liturgie. À vingt mètres devant moi, sur le large trottoir, un
925 h, dont j’aime la liturgie. À vingt mètres devant moi , sur le large trottoir, un homme seul s’avance, veste en daim, flotta
926 te, visage levé… C’est Breton. Il s’arrête devant moi et me dit : « Je pensais à une religion qu’il s’agirait de fonder sur
927 age levé… C’est Breton. Il s’arrête devant moi et me dit : « Je pensais à une religion qu’il s’agirait de fonder sur le cu
928 ’est Breton. Il s’arrête devant moi et me dit : «  Je pensais à une religion qu’il s’agirait de fonder sur le culte d’une p
929 une pierre bleue… » Puis il poursuit sa route, et moi la mienne. Curieux croisement. Mots de Léon-Paul Fargue Serais-
930 croisement. Mots de Léon-Paul Fargue Serais- je le seul dépositaire de la plus belle contrepèterie du siècle ? Je ne
931 itaire de la plus belle contrepèterie du siècle ? Je ne l’ai jamais entendu citer par d’autres. Je vais pour sortir de che
932 e ? Je ne l’ai jamais entendu citer par d’autres. Je vais pour sortir de chez Gallimard. La lourde porte noire s’ouvre dev
933 z Gallimard. La lourde porte noire s’ouvre devant moi , laissant paraître Léon-Paul Fargue. Depuis une semaine, il se plaint
934 es nouveaux commandeurs de la Légion d’honneur. «  J’ ai pas su pleurer dans les ministères. J’ai pas su dire : “C’est pas p
935 nneur. « J’ai pas su pleurer dans les ministères. J’ ai pas su dire : “C’est pas pour moi, c’est pour ma mère ! La pauvre,
936 es ministères. J’ai pas su dire : “C’est pas pour moi , c’est pour ma mère ! La pauvre, elle est morte il y a douze ans…” »
937 ’ai pas su dire : “C’est pas pour moi, c’est pour ma mère ! La pauvre, elle est morte il y a douze ans…” » Ce matin même,
938 lle est morte il y a douze ans…” » Ce matin même, j’ ai lu dans un journal qu’il l’avait enfin, sa cravate ! Et le voilà. J
939 al qu’il l’avait enfin, sa cravate ! Et le voilà. Je lui dis : « Léon-Paul, je n’ose plus vous serrer la main ! J’ai peur
940 cravate ! Et le voilà. Je lui dis : « Léon-Paul, je n’ose plus vous serrer la main ! J’ai peur d’être Don Juan au dernier
941 « Léon-Paul, je n’ose plus vous serrer la main ! J’ ai peur d’être Don Juan au dernier acte… » Il s’arrête. « June homme !
942 an au dernier acte… » Il s’arrête. « June homme ! Moi , je vais vous en dire une ! Avant, j’avais la roseur de la Légion d’h
943 dernier acte… » Il s’arrête. « June homme ! Moi, je vais vous en dire une ! Avant, j’avais la roseur de la Légion d’honnê
944 ne homme ! Moi, je vais vous en dire une ! Avant, j’ avais la roseur de la Légion d’honnête. À présent, j’ai la candeur de
945 vais la roseur de la Légion d’honnête. À présent, j’ ai la candeur de la Comment-ça-vat !… » Et il ajoute, après avoir enre
946 -ça-vat !… » Et il ajoute, après avoir enregistré ma réaction : « Hein ! Comme contrepèterie, a s’pose là ! Il y a quinze
947 trepèterie, a s’pose là ! Il y a quinze jours que j’ y travaille… » Au restaurant « Le Catalan », peu après la libération d
948 temps de 1940 : Cher ami N’écrivez pas à Cully. Je n’y suis plus et pour cause, et si de la correspondance m’y parvient,
949 is plus et pour cause, et si de la correspondance m’ y parvient, elle sera probablement exterminée. C’est moi qui vous écri
950 arvient, elle sera probablement exterminée. C’est moi qui vous écrirai plutôt dans quelques jours, dès que j’aurai une adre
951 vous écrirai plutôt dans quelques jours, dès que j’ aurai une adresse. Et vous me direz alors si vous consentez à donner q
952 lques jours, dès que j’aurai une adresse. Et vous me direz alors si vous consentez à donner quelques pages à cette jeune r
953 ez à donner quelques pages à cette jeune revue de mes amis de Grandson. Croyez à ma vive amitié Ch. A. Cingria Je le revoi
954 tte jeune revue de mes amis de Grandson. Croyez à ma vive amitié Ch. A. Cingria Je le revois, quelques jours plus tard, s
955 Grandson. Croyez à ma vive amitié Ch. A. Cingria Je le revois, quelques jours plus tard, sur le quai de la gare de Berne,
956 yageurs, et nous allons dîner au Buffet. « Voilà, me dit-il dès que nous sommes installés, l’explication de ma dernière le
957 l dès que nous sommes installés, l’explication de ma dernière lettre. Comme vous le savez, j’habitais à Cully, chez Budry.
958 ation de ma dernière lettre. Comme vous le savez, j’ habitais à Cully, chez Budry. Il estimait que j’abusais de son télépho
959 , j’habitais à Cully, chez Budry. Il estimait que j’ abusais de son téléphone. J’attendais un appel de Paris, dont dépendai
960 udry. Il estimait que j’abusais de son téléphone. J’ attendais un appel de Paris, dont dépendait ma vie ! (geste de la main
961 ne. J’attendais un appel de Paris, dont dépendait ma vie ! (geste de la main droite furieusement agitée devant l’épaule, l
962 ieusement agitée devant l’épaule, le pouce levé). J’ attendais immobile dans ma chambre, depuis une heure. Le téléphone son
963 épaule, le pouce levé). J’attendais immobile dans ma chambre, depuis une heure. Le téléphone sonne enfin dans la pièce à c
964 e. Le téléphone sonne enfin dans la pièce à côté. Je me précipite. Mais l’appareil est invisible. Je cherche. Je vois un f
965 Le téléphone sonne enfin dans la pièce à côté. Je me précipite. Mais l’appareil est invisible. Je cherche. Je vois un fil
966 . Je me précipite. Mais l’appareil est invisible. Je cherche. Je vois un fil sur le parquet, je le suis ! Il aboutit dans
967 ipite. Mais l’appareil est invisible. Je cherche. Je vois un fil sur le parquet, je le suis ! Il aboutit dans une valise !
968 sible. Je cherche. Je vois un fil sur le parquet, je le suis ! Il aboutit dans une valise ! Fermée à clé ! Le téléphone so
969 à clé ! Le téléphone sonne toujours, là-dedans ! Je prends la valise, je la secoue, cela décroche l’appareil, moi je peux
970 sonne toujours, là-dedans ! Je prends la valise, je la secoue, cela décroche l’appareil, moi je peux parler, je crie ! Ma
971 a valise, je la secoue, cela décroche l’appareil, moi je peux parler, je crie ! Mais je n’entends rien de ce que l’autre pe
972 lise, je la secoue, cela décroche l’appareil, moi je peux parler, je crie ! Mais je n’entends rien de ce que l’autre peut
973 ue, cela décroche l’appareil, moi je peux parler, je crie ! Mais je n’entends rien de ce que l’autre peut dire… J’ai quitt
974 he l’appareil, moi je peux parler, je crie ! Mais je n’entends rien de ce que l’autre peut dire… J’ai quitté la maison de
975 is je n’entends rien de ce que l’autre peut dire… J’ ai quitté la maison de Budry, et j’ai été m’installer de l’autre côté
976 tre peut dire… J’ai quitté la maison de Budry, et j’ ai été m’installer de l’autre côté de la place, dans un petit hôtel. J
977 dire… J’ai quitté la maison de Budry, et j’ai été m’ installer de l’autre côté de la place, dans un petit hôtel. J’ai une c
978 de l’autre côté de la place, dans un petit hôtel. J’ ai une chambre qui donne sur la place. Le matin, je m’installe sur le
979 ’ai une chambre qui donne sur la place. Le matin, je m’installe sur le balcon. J’attends que Budry sorte de chez lui. Et q
980 une chambre qui donne sur la place. Le matin, je m’ installe sur le balcon. J’attends que Budry sorte de chez lui. Et quan
981 la place. Le matin, je m’installe sur le balcon. J’ attends que Budry sorte de chez lui. Et quand je le vois sortir… je le
982 . J’attends que Budry sorte de chez lui. Et quand je le vois sortir… je le nargue ! » 8. Journal d’une époque, p. 93.
983 ry sorte de chez lui. Et quand je le vois sortir… je le nargue ! » 8. Journal d’une époque, p. 93. 9. C’était de loi
984 Paul Valéry, Léon-Paul Fargue, Valery Larbaud. » J’ avais entendu dire que la princesse Bassiano venait de décider d’inter
985 939. 11. Les Nouveaux Cahiers , bimensuel dont j’ étais rédacteur en chef. an. Rougemont Denis de, « Quelques‑uns de m
986 chef. an. Rougemont Denis de, « Quelques‑uns de mes écrivains : anecdotes », De l’ordre et de l’aventure : mélanges offer
26 1985, Articles divers (1982-1985). Éloge de Jean Starobinski (1985)
987 Éloge de Jean Starobinski (1985)ak Quand mes collègues jurés du Prix européen de l’essai m’ont demandé de prononce
988 d mes collègues jurés du Prix européen de l’essai m’ ont demandé de prononcer l’éloge du lauréat que nous venions de choisi
989 r l’éloge du lauréat que nous venions de choisir, mon premier mouvement a été de joyeuse acceptation, et puis un scrupule m
990 a été de joyeuse acceptation, et puis un scrupule m’ est venu, presque un doute : étais-je vraiment l’homme de la circonsta
991 un scrupule m’est venu, presque un doute : étais- je vraiment l’homme de la circonstance ? Car il me semblait, tout d’un c
992 s-je vraiment l’homme de la circonstance ? Car il me semblait, tout d’un coup, que de tous mes amis, celui que nous allion
993 ? Car il me semblait, tout d’un coup, que de tous mes amis, celui que nous allions couronner se trouvait être — à tout le m
994 moins par ses vertus, exactement le contraire de moi , de ce que je fus dans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je
995 vertus, exactement le contraire de moi, de ce que je fus dans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je m’explique par
996 tement le contraire de moi, de ce que je fus dans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je m’explique par quelques ex
997 s dans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je m’explique par quelques exemples. Jean Starobinski, ou si vous le per
998 ans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je m’ explique par quelques exemples. Jean Starobinski, ou si vous le permet
999 ar sagesse, au plus beau sens de l’expression, et moi contestateur par indignation. Il est prudent et circonspect en tous d
1000 . Il est prudent et circonspect en tous domaines, je ne l’ai jamais été, hélas, dans aucun. Il est analytique et méthodiqu
1001 las, dans aucun. Il est analytique et méthodique, moi plutôt polémique et passionné. Autant il a su préserver l’irénisme du
1002 he dans ses écrits et son comportement, autant il m’ est arrivé de céder à la rabies theologica, ou simplement à mes humeur
1003 de céder à la rabies theologica, ou simplement à mes humeurs. Il se veut équitable en tout, soucieux de ne pas manquer ni
1004  », comme le dit si joliment Montaigne, alors que je n’ai jamais cessé de m’engager pour des causes, et tant pis pour moi.
1005 ment Montaigne, alors que je n’ai jamais cessé de m’ engager pour des causes, et tant pis pour moi. Ceci encore : il a tout
1006 sé de m’engager pour des causes, et tant pis pour moi . Ceci encore : il a tout lu et se souvient de tout, à l’instant où il
1007 se souvient de tout, à l’instant où il le faut ; moi j’essaie de masquer des lacunes trop certaines. Enfin, Staro est un p
1008 souvient de tout, à l’instant où il le faut ; moi j’ essaie de masquer des lacunes trop certaines. Enfin, Staro est un pur
1009 op certaines. Enfin, Staro est un pur citadin, et je me sens de plus en plus un campagnard… Les meilleures conditions de c
1010 certaines. Enfin, Staro est un pur citadin, et je me sens de plus en plus un campagnard… Les meilleures conditions de comp
1011 rd… Les meilleures conditions de compréhension ne me semblaient donc pas réunies, de mon côté. Pourtant, je suis ici ce so
1012 mblaient donc pas réunies, de mon côté. Pourtant, je suis ici ce soir, vous m’en voyez heureux, tous scrupules apaisés : Q
1013 de mon côté. Pourtant, je suis ici ce soir, vous m’ en voyez heureux, tous scrupules apaisés : Que s’est-il donc passé dan
1014 mps ? Deux choses. D’abord, comme chaque fois que je me sens dans l’impasse, je me suis dit : voyons un peu plus large. En
1015  ? Deux choses. D’abord, comme chaque fois que je me sens dans l’impasse, je me suis dit : voyons un peu plus large. Ensui
1016 comme chaque fois que je me sens dans l’impasse, je me suis dit : voyons un peu plus large. Ensuite, j’ai lu ce Montaigne
1017 mme chaque fois que je me sens dans l’impasse, je me suis dit : voyons un peu plus large. Ensuite, j’ai lu ce Montaigne en
1018 me suis dit : voyons un peu plus large. Ensuite, j’ ai lu ce Montaigne en mouvement, ce maître livre, dont je vous parlera
1019 ce Montaigne en mouvement, ce maître livre, dont je vous parlerai tout à l’heure. Voir plus large, c’est chercher ce qui
1020 ge en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Et puis, je nous vois un autre trait commun, non sans relations intimes avec ce l
1021 -médicale dans son cas, théologico-politique dans le mien — j’ajouterai un dernier élément de similitude, non le moins signific
1022 dans son cas, théologico-politique dans le mien — j’ ajouterai un dernier élément de similitude, non le moins significatif 
1023 ence de la phrase. D’un texte de Starobinski dont j’ eus un jour connaissance, je voudrais vous citer, en toute indiscrétio
1024 e de Starobinski dont j’eus un jour connaissance, je voudrais vous citer, en toute indiscrétion, ces quelques lignes qui c
1025 , ces quelques lignes qui confessent l’artiste : J’ aime les matières limpides, je cherche la simplicité. La critique doit
1026 essent l’artiste : J’aime les matières limpides, je cherche la simplicité. La critique doit pouvoir être rigoureuse sans
1027 exigences de la science sans offenser la clarté. J’ ai donc ambitieusement défini ma tâche : conférer à l’essai littéraire
1028 fenser la clarté. J’ai donc ambitieusement défini ma tâche : conférer à l’essai littéraire, à la critique, à l’histoire el
1029 t d’ouvrir sa carrière. C’est le dernier paru qui me retiendra ce soir. L’essentiel en est annoncé dans le titre. Il ne s
1030 premier temps, Montaigne se prend pour sujet : «  Je me suis présenté moi-même à moi, pour argument et pour sujet. » Il s’
1031 emier temps, Montaigne se prend pour sujet : « Je me suis présenté moi-même à moi, pour argument et pour sujet. » Il s’agi
1032 end pour sujet : « Je me suis présenté moi-même à moi , pour argument et pour sujet. » Il s’agit d’un réflexe de défense : i
1033 té en cette fin du xvie siècle ? Il se passe, et je cite ici Starobinski : « des luttes de princes pour l’accroissement d
1034 n sincère et véridique de l’être, en tant, dirais- je , qu’acceptation de l’incarnation nécessaire des idées, ou en d’autres
1035 premier temps, le refus de tout ce qui n’est pas moi  ; deuxième temps, la prise de conscience du fait que je me connais se
1036 euxième temps, la prise de conscience du fait que je me connais seulement dans mes relations avec autrui, avec la société,
1037 ième temps, la prise de conscience du fait que je me connais seulement dans mes relations avec autrui, avec la société, av
1038 nscience du fait que je me connais seulement dans mes relations avec autrui, avec la société, avec le monde ; et troisième
1039 ue publicité pour des intérêts immédiats. Combien j’ aimerais vous retracer ici les étapes en chacun de ces domaines, de ce
1040 ce de la mise en tension vivante de l’autre et de moi , « sans confusion, sans subordination, sans séparation » — comme le d
1041 du grand concile de Chalcédoine, formule aussi de mon éthique et de ma politique fédéraliste. Le bonheur de trouver en Mont
1042 e Chalcédoine, formule aussi de mon éthique et de ma politique fédéraliste. Le bonheur de trouver en Montaigne un précurse
1043 personnalisme et de ses prolongements politiques, je le dois à ce livre de Staro. Mais il y a plus. Dans les vingt dernièr
1044 t prend la parole en son nom. Ce passage est pour moi bien émouvant. Je cite : « L’acte ultime de la critique est de signal
1045 n son nom. Ce passage est pour moi bien émouvant. Je cite : « L’acte ultime de la critique est de signaler que le choix po
1046 nce la perversité de nos prévisions sur l’avenir. Je cite encore : « Le malaise de notre siècle est dû pour une large part
1047 it à ce jour de Jean Starobinski. Après ce livre, je ne serais pas trop surpris de le voir céder — s’en rendant compte à p
1048 ’un auteur-prétexte, il nous ferait voir son vrai moi . Ce serait, j’en suis sûr, son chef-d’œuvre. ak. Rougemont Denis d
1049 xte, il nous ferait voir son vrai moi. Ce serait, j’ en suis sûr, son chef-d’œuvre. ak. Rougemont Denis de, « Éloge de J
27 1985, Articles divers (1982-1985). L’agora, condition première de la démocratie réelle (décembre 1984-janvier 1985)
1050 tie réelle (décembre 1984-janvier 1985)aj Vous m’ avez demandé ce que signifie pour moi le terme agora. Je vous réponds
1051 85)aj Vous m’avez demandé ce que signifie pour moi le terme agora. Je vous réponds d’autant plus volontiers que le conce
1052 demandé ce que signifie pour moi le terme agora. Je vous réponds d’autant plus volontiers que le concept d’agora a toujou
1053 d’agora a toujours joué un rôle fondamental dans ma théorie du fédéralisme. L’agora figure pour moi l’expression première
1054 ns ma théorie du fédéralisme. L’agora figure pour moi l’expression première, physique, architectonique et symbolique de tou
1055 nom. C’est le lieu de rencontre d’une communauté, j’ entends d’un groupe humain assemblé par des pratiques et des idéaux co
1056 ournaux du lendemain — et vous comprendrez ce que je veux dire. C’est l’expérience que j’ai subie à Francfort en 1936, à l
1057 ndrez ce que je veux dire. C’est l’expérience que j’ ai subie à Francfort en 1936, à l’occasion d’un discours d’Hitler, qui
1058 en 1936, à l’occasion d’un discours d’Hitler, qui m’ a révélé d’un seul coup, dramatiquement, l’essence horriblement religi
1059 oncièrement antichrétienne du régime totalitaire. J’ en ai donné une description rigoureusement fidèle dans mon Journal d’
1060 donné une description rigoureusement fidèle dans mon Journal d’Allemagne , détruit par les nazis en 1940, mais réédité da
1061 détruit par les nazis en 1940, mais réédité dans mon Journal d’une époque en 1968. Ce jour-là, j’ai vécu jusqu’à l’horre
1062 s mon Journal d’une époque en 1968. Ce jour-là, j’ ai vécu jusqu’à l’horreur sacrée la réalité de l’anti-agora, de la dim
1063 L’homme libre et responsable, formule que Sartre m’ a empruntée sans jamais songer à me la rendre, vous le savez, c’est ma
1064 ule que Sartre m’a empruntée sans jamais songer à me la rendre, vous le savez, c’est ma définition de la personne, par opp
1065 amais songer à me la rendre, vous le savez, c’est ma définition de la personne, par opposition à l’individu irresponsable
1066 taire fera son ciment. « Pourquoi voulez-vous que je vote ? », me dit tel inconnu avec qui j’échange quelques mots, à la d
1067 n ciment. « Pourquoi voulez-vous que je vote ? », me dit tel inconnu avec qui j’échange quelques mots, à la douane, au bis
1068 vous que je vote ? », me dit tel inconnu avec qui j’ échange quelques mots, à la douane, au bistrot, dans l’autobus — « de
1069 autobus — « de toute façon, ça n’y changera rien, ma voix ne compte pas ». Voilà bien le méfait majeur des trop grandes di
1070 ons de la liberté politique. L’agora reste donc à mes yeux le symbole et même la définition du lieu où chacun a le droit de
1071 nsabilité civique. Voilà qui est simple et clair, je crois bien. Les vraies difficultés commencent lorsqu’il s’agit d’appl
1072 a d’une municipalité, ici, d’une université. Puis- je vous rappeler, à ce propos, que le pacte du « Grütli », déjà cité, un
28 1985, Articles divers (1982-1985). Vocation culturelle de la Suisse en Europe (septembre 1985)
1073 rées. En revanche, la plupart des grands noms que j’ ai cités ne seraient guère pensables hors du complexe suisse. Et c’est
1074 ure, écrivait dans sa préface à un petit livre de moi sur la Suisse 14 : Pays de gens moyens, oui, et Denis de Rougemont n
1075 nal est sauté. Cas unique, dans l’Europe moderne. J’ ose y voir le plus grand privilège des Suisses : quelle que soit leur
29 1986, Articles divers (1982-1985). Interview avec Denis de Rougemont (1986)
1076 s formes, du fascisme donc, et aussi du marxisme. Je ne me suis pas borné à condamner ; j’ai proposé les principes d’une s
1077 es, du fascisme donc, et aussi du marxisme. Je ne me suis pas borné à condamner ; j’ai proposé les principes d’une société
1078 u marxisme. Je ne me suis pas borné à condamner ; j’ ai proposé les principes d’une société personnaliste à créer. Quant à
1079 ipes d’une société personnaliste à créer. Quant à mes « condamnations », elles portaient beaucoup moins sur le marxisme que
1080 rxisme que sur le stalinisme totalitaire. Certes, je n’ai jamais été marxiste, mais il y a beaucoup de choses que Marx a d
1081 qui passe encore pour un « fédéraliste », ce que je trouve au moins bizarre). Ce qui me frappe c’est que vous faisiez à l
1082 ste », ce que je trouve au moins bizarre). Ce qui me frappe c’est que vous faisiez à l’époque déjà ce qu’on n’a vraiment c
1083 « syndicats intercommunaux à vocation multiple » ( j’ aime beaucoup cette expression typique de l’administration française).
1084 des tâches. Nous insistions énormément là-dessus. J’ y reviens sans cesse dans tous mes écrits politiques. Tout dépend des
1085 ément là-dessus. J’y reviens sans cesse dans tous mes écrits politiques. Tout dépend des dimensions des tâches dont on est
1086 xiste déjà dans le couple — c’est une théorie qui m’ est un peu particulière. Dans le couple, celui qui fait les comptes, q
1087 ssument les activités étatiques nécessaires. D’où mon impatience devant cette expression que l’on voit tout le temps reveni
1088 que nietzschéens, certains étaient antichrétiens. Moi , c’était tout à fait différent puisque j’étais de tradition protestan
1089 tiens. Moi, c’était tout à fait différent puisque j’ étais de tradition protestante, fils de pasteur et petit-fils d’un pro
1090 tout comme Nietzsche, d’ailleurs, notez-le ! Mais j’ en tirais des conclusions opposées aux siennes sur le plan religieux.
1091 sions opposées aux siennes sur le plan religieux. J’ ai en effet le sentiment que pour vous le personnalisme et ensuite le
1092 urellement dans la tradition protestante.22 Pour moi , je redécouvrais le calvinisme, sa théorie, sa politique, son sens du
1093 ement dans la tradition protestante.22 Pour moi, je redécouvrais le calvinisme, sa théorie, sa politique, son sens du civ
1094 e, sa théorie, sa politique, son sens du civisme. J’ avais fait, comme tout un chacun, ma révolte entre 19 et 23 ans. Si on
1095 s du civisme. J’avais fait, comme tout un chacun, ma révolte entre 19 et 23 ans. Si on m’avait demandé alors ce que je cro
1096 t un chacun, ma révolte entre 19 et 23 ans. Si on m’ avait demandé alors ce que je croyais, j’aurais dit que je croyais à n
1097 19 et 23 ans. Si on m’avait demandé alors ce que je croyais, j’aurais dit que je croyais à n’importe quoi sauf au protest
1098 s. Si on m’avait demandé alors ce que je croyais, j’ aurais dit que je croyais à n’importe quoi sauf au protestantisme trad
1099 demandé alors ce que je croyais, j’aurais dit que je croyais à n’importe quoi sauf au protestantisme traditionnel que j’en
1100 orte quoi sauf au protestantisme traditionnel que j’ entendais prêcher le dimanche. C’est alors que j’ai découvert Kierkega
1101 j’entendais prêcher le dimanche. C’est alors que j’ ai découvert Kierkegaard. J’ai commencé à lire quelques fragments de l
1102 nche. C’est alors que j’ai découvert Kierkegaard. J’ ai commencé à lire quelques fragments de lui — intitulés Diapsalmata —
1103 Diapsalmata — publiés dans la revue Commerce, que je considérais comme la meilleure de l’époque. Elle était dirigée par Pa
1104 gue et Valery Larbaud. Pour le jeune écrivain que j’ étais, pour qui le sommet de la vie littéraire et intellectuelle du si
1105 était le groupe de la Nouvelle Revue française , je ne pouvais rêver quelque chose de plus exaltant que cette revue. Or c
1106 de plus exaltant que cette revue. Or c’est là que j’ ai lu pour la première fois le nom de Kierkegaard. À quelle époque est
1107 cela remonte ? Ça remonte aux années 1927 à 1930. Je devais donc avoir 21 à 24 ans. Je me suis mis à chercher ce qui était
1108 es 1927 à 1930. Je devais donc avoir 21 à 24 ans. Je me suis mis à chercher ce qui était traduit de Kierkegaard en françai
1109 1927 à 1930. Je devais donc avoir 21 à 24 ans. Je me suis mis à chercher ce qui était traduit de Kierkegaard en français :
1110 en français : il n’y avait à peu près rien. Mais j’ ai trouvé une belle anthologie en allemand. Ce fut une lecture enthous
1111 en allemand. Ce fut une lecture enthousiasmante. Je suis convaincu que si Nietzsche avait pu lire Kierkegaard, tout aurai
1112 religieuse de la deuxième moitié du xixe siècle. J’ ai d’ailleurs trouvé une lettre (je donne ce détail en passant parce q
1113 xixe siècle. J’ai d’ailleurs trouvé une lettre ( je donne ce détail en passant parce qu’il est amusant) de Georg Brandes,
1114 r reçu cette lettre ? Question vraiment tragique. Je redécouvrais donc avec Kierkegaard le protestantisme dans ce qu’il av
1115 naire, tandis qu’en revenant à Calvin, peu après, je découvrais ce que la Réforme avait apporté de plus constructif du poi
1116 hrétien » et calviniste de sa « responsabilité ». Je découvrais du même coup le principe des tensions dynamiques, de la di
1117 illeurs ni kierkegaardiens ni protestants. Enfin, j’ ai découvert peu après, vers 1930, une théologie qui était nettement i
1118 l Barth, membre actif du parti socialiste (ce que je n’ai jamais été), mais enfin cela indiquait une certaine direction, u
1119 a personne remonte à décembre 1934 ?23 Celle que j’ ai publiée, mais ça résultait déjà de plusieurs années de réflexion ph
1120 de réflexion philosophique et théologique. Ce qui m’ a beaucoup aidé c’était un article que j’avais lu dans Esprit d’un p
1121 . Ce qui m’a beaucoup aidé c’était un article que j’ avais lu dans Esprit d’un personnage haut en couleur, qui s’appelait
1122 ommunautaire. C’est une réponse qui ne vaut rien, je l’ai largement montré dans Penser avec les mains , mais c’est une ré
1123 te est de dire « non », simplement. Une chose qui m’ avait aussi beaucoup frappé c’était un petit livre de Thomas Mann qui
1124 pports entre les gens), qui dit simplement « non, moi je ne suis tenu par rien », l’égoïste. La personne, au contraire, c’e
1125 ts entre les gens), qui dit simplement « non, moi je ne suis tenu par rien », l’égoïste. La personne, au contraire, c’est
1126 ez par foi ? Cela est absolument fondamental pour moi . C’est ce que je développerai dans un livre qui doit être, à mon sens
1127 est absolument fondamental pour moi. C’est ce que je développerai dans un livre qui doit être, à mon sens, le plus importa
1128 ue je développerai dans un livre qui doit être, à mon sens, le plus important de ceux que j’aurai écrits, mais qui n’est pa
1129 t être, à mon sens, le plus important de ceux que j’ aurai écrits, mais qui n’est pas encore achevé. J’en ai une première v
1130 j’aurai écrits, mais qui n’est pas encore achevé. J’ en ai une première version écrite en 1945-1946, mais qui n’a jamais ét
1131 é publiée. Elle n’a que 120 pages, et depuis lors j’ ai accumulé au moins 400 pages de notes. Ça s’intitule La Morale du B
1132 qui a mis en fureur des sociologues français que j’ avais rencontrés à New York24. Ils trouvaient cela insensé. Ma thèse é
1133 ontrés à New York24. Ils trouvaient cela insensé. Ma thèse était que seul le but peut dicter les moyens, qui ne sont que l
1134 n’atteint pas la vérité de la phrase. D’ailleurs, j’ ai rencontré un philosophe américain nommé Max Lerner, avec qui j’avai
1135 n philosophe américain nommé Max Lerner, avec qui j’ avais discuté cela, et qui avait mis au point sur ce sujet une questio
1136 nt. On peut passer une vie entière à la deviner ! Je ne sais pas ma vocation comme je sais comment aller d’ici à Grasse25.
1137 ser une vie entière à la deviner ! Je ne sais pas ma vocation comme je sais comment aller d’ici à Grasse25. La manifestati
1138 e à la deviner ! Je ne sais pas ma vocation comme je sais comment aller d’ici à Grasse25. La manifestation de la vocation
1139 sous des formes négatives. Il y a des choses qui me sont proposées, offertes, par des gens, par des circonstances, qui so
1140 en des égards, et tout d’un coup quelque chose en moi dit non, ce n’est pas ta voie, tu ne peux pas aller par là, et cela e
1141 votre pensée de la dimension téléologique ? Oui. Je me rappelle un philosophe, un théologien, Paul Tillich, émigré aux Ét
1142 tre pensée de la dimension téléologique ? Oui. Je me rappelle un philosophe, un théologien, Paul Tillich, émigré aux États
1143 et ce doit être le même but pour tous les hommes. Moi , ça m’allait très bien d’appeler cela Dieu. Il n’y a qu’un Dieu pour
1144 it être le même but pour tous les hommes. Moi, ça m’ allait très bien d’appeler cela Dieu. Il n’y a qu’un Dieu pour tous le
1145 mmes. Qu’on le connaisse ou non, il est là. Et il m’ appelle. C’est cet appel qui crée la personne. Alors je dis qu’il faut
1146 elle. C’est cet appel qui crée la personne. Alors je dis qu’il faut aller vers l’Absolu, répondre à son appel, aller vers
1147 coup de choses). Chacun doit inventer son chemin. Je retrouvais beaucoup de métaphores qui sont déjà dans les psaumes de l
1148 l’Ancien Testament, par exemple cette phrase qui m’ a toujours frappé : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière
1149 m’a toujours frappé : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier », qui exprime d’une manière imagé
1150 parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier », qui exprime d’une manière imagée exactement ce que je cher
1151 ui exprime d’une manière imagée exactement ce que je cherchais à dire. C’est une lumière qui n’éclaire mon sentier que dan
1152 cherchais à dire. C’est une lumière qui n’éclaire mon sentier que dans la mesure où j’ai le courage d’avancer, puisqu’elle
1153 e qui n’éclaire mon sentier que dans la mesure où j’ ai le courage d’avancer, puisqu’elle est comme attachée à mon pied : e
1154 urage d’avancer, puisqu’elle est comme attachée à mon pied : elle n’éclaire rien, sauf si j’avance. J’avance par la foi, et
1155 ttachée à mon pied : elle n’éclaire rien, sauf si j’ avance. J’avance par la foi, et voilà le rôle de la foi : j’ai quelque
1156 mon pied : elle n’éclaire rien, sauf si j’avance. J’ avance par la foi, et voilà le rôle de la foi : j’ai quelque part une
1157 J’avance par la foi, et voilà le rôle de la foi : j’ ai quelque part une certitude que mon pied ne va pas tomber dans le vi
1158 e de la foi : j’ai quelque part une certitude que mon pied ne va pas tomber dans le vide. Je dois inventer mon sentier. Si
1159 itude que mon pied ne va pas tomber dans le vide. Je dois inventer mon sentier. Si je prenais les routes nationales, j’arr
1160 d ne va pas tomber dans le vide. Je dois inventer mon sentier. Si je prenais les routes nationales, j’arriverais au mieux à
1161 er dans le vide. Je dois inventer mon sentier. Si je prenais les routes nationales, j’arriverais au mieux à la capitale, a
1162 mon sentier. Si je prenais les routes nationales, j’ arriverais au mieux à la capitale, avec un peu de chance. Donc je rest
1163 mieux à la capitale, avec un peu de chance. Donc je resterais dans le même plan. Je n’arriverais pas à moi. Mon chemin, j
1164 u de chance. Donc je resterais dans le même plan. Je n’arriverais pas à moi. Mon chemin, je le répète, c’est mon moyen. Là
1165 esterais dans le même plan. Je n’arriverais pas à moi . Mon chemin, je le répète, c’est mon moyen. Là j’ai retrouvé des chos
1166 ais dans le même plan. Je n’arriverais pas à moi. Mon chemin, je le répète, c’est mon moyen. Là j’ai retrouvé des choses qu
1167 même plan. Je n’arriverais pas à moi. Mon chemin, je le répète, c’est mon moyen. Là j’ai retrouvé des choses qui sont dans
1168 verais pas à moi. Mon chemin, je le répète, c’est mon moyen. Là j’ai retrouvé des choses qui sont dans Nietzsche, la créati
1169 oi. Mon chemin, je le répète, c’est mon moyen. Là j’ ai retrouvé des choses qui sont dans Nietzsche, la création de soi en
1170 Il est bon qu’elle agisse, sans ça qu’est-ce qui me donnerait le courage d’inventer mon chemin ? Voilà donc la personne e
1171 qu’est-ce qui me donnerait le courage d’inventer mon chemin ? Voilà donc la personne et sa vocation, cet appel d’une chose
1172 ppel direct et parfaitement clair. Cette vocation je ne peux pas la réaliser dans le vide, je la réalise donc parmi les ho
1173 vocation je ne peux pas la réaliser dans le vide, je la réalise donc parmi les hommes, puisqu’elle doit être tout acte. La
1174 en fait une télé-création parce que commandée par mon But, non par mon passé, mes gènes, mon milieu… C’est téléologique pou
1175 création parce que commandée par mon But, non par mon passé, mes gènes, mon milieu… C’est téléologique pour chacun, qu’il l
1176 rce que commandée par mon But, non par mon passé, mes gènes, mon milieu… C’est téléologique pour chacun, qu’il le sache ou
1177 mandée par mon But, non par mon passé, mes gènes, mon milieu… C’est téléologique pour chacun, qu’il le sache ou non. Mais i
1178 et en même temps, en plein dans la réalité — pour moi — du christianisme. Je n’en connais pas d’autres. Voilà le fond de ma
1179 in dans la réalité — pour moi — du christianisme. Je n’en connais pas d’autres. Voilà le fond de ma pensée. Et je vais l’é
1180 e. Je n’en connais pas d’autres. Voilà le fond de ma pensée. Et je vais l’écrire tout de suite après avoir achevé le livre
1181 nais pas d’autres. Voilà le fond de ma pensée. Et je vais l’écrire tout de suite après avoir achevé le livre auquel je tra
1182 tout de suite après avoir achevé le livre auquel je travaille en ce moment, intitulé Journal d’un Européen, qui est la co
1183 é Journal d’un Européen, qui est la conclusion de mon « journal non intime », comme je l’ai appelé, parce que je tais presq
1184 a conclusion de mon « journal non intime », comme je l’ai appelé, parce que je tais presque tout de ma vie privée, mais dé
1185 nal non intime », comme je l’ai appelé, parce que je tais presque tout de ma vie privée, mais décris mes relations avec la
1186 je l’ai appelé, parce que je tais presque tout de ma vie privée, mais décris mes relations avec la société, la politique,
1187 e tais presque tout de ma vie privée, mais décris mes relations avec la société, la politique, l’action dans la communauté…
1188 l’action dans la communauté… Tout de suite après, je me mettrai à La Morale du But , ou plutôt, je reprendrai l’invention
1189 ction dans la communauté… Tout de suite après, je me mettrai à La Morale du But , ou plutôt, je reprendrai l’invention de
1190 s, je me mettrai à La Morale du But , ou plutôt, je reprendrai l’invention de cet ouvrage qui condensera l’essentiel de m
1191 tion de cet ouvrage qui condensera l’essentiel de mon œuvre non seulement politique, mais aussi théologique, métaphysique,
1192 — pourquoi pas — littéraire : car le style, pour moi , dit autant (parfois plus) que les démonstrations intellectuelles. Po
1193 es démonstrations intellectuelles. Pour revenir à ma remarque précédente, on peut dire que vous faisiez un peu figure de p
1194 e nous disions26, mais peut-être plus claire chez moi que ça ne l’est chez d’autres personnalistes, peut-être par une certa
1195 n’était pas dans leurs préoccupations maîtresses. Moi je me suis toujours considéré avant tout comme écrivain. La littératu
1196 ait pas dans leurs préoccupations maîtresses. Moi je me suis toujours considéré avant tout comme écrivain. La littérature
1197 pas dans leurs préoccupations maîtresses. Moi je me suis toujours considéré avant tout comme écrivain. La littérature éta
1198 é avant tout comme écrivain. La littérature était ma préoccupation fondamentale. Ce qui m’a fait découvrir Kierkegaard, c’
1199 ature était ma préoccupation fondamentale. Ce qui m’ a fait découvrir Kierkegaard, c’est la littérature. Et tout ce que j’é
1200 Kierkegaard, c’est la littérature. Et tout ce que j’ écris — c’est pour moi une question de rigueur — doit avoir une valeur
1201 littérature. Et tout ce que j’écris — c’est pour moi une question de rigueur — doit avoir une valeur littéraire à mes yeux
1202 n de rigueur — doit avoir une valeur littéraire à mes yeux. Vous disiez que chez vous plus que chez les autres personnalist
1203 préoccupation de formulation et de communication. J’ ai été amené à discuter ces choses avec des gens qui étaient surtout d
1204 qui étaient surtout des intellectuels. Peu à peu je me suis mis à connaître des hommes politiques, mais je ne les ai jama
1205 i étaient surtout des intellectuels. Peu à peu je me suis mis à connaître des hommes politiques, mais je ne les ai jamais
1206 suis mis à connaître des hommes politiques, mais je ne les ai jamais admirés ou vénérés de la même manière que des écriva
1207 la même manière que des écrivains. Un de ceux qui m’ a le plus marqué est Paul Valéry, que j’ai à peine rencontré. Il y en
1208 ceux qui m’a le plus marqué est Paul Valéry, que j’ ai à peine rencontré. Il y en a d’autres que j’ai beaucoup mieux connu
1209 ue j’ai à peine rencontré. Il y en a d’autres que j’ ai beaucoup mieux connus. Georges Bataille ? Bataille, moins que d’aut
1210 Bataille ? Bataille, moins que d’autres, en fait. Je l’ai connu au Collège de sociologie, qu’il avait fondé avec Roger Cai
1211 Bataille. Enfin, nous étions en bons termes, mais je l’ai assez peu connu. Et Caillois ? Caillois, lui, c’était un ami, to
1212 t à fait. Vous avez dû échanger beaucoup d’idées. Je pense en particulier à la notion de sacré qui revient à plusieurs rep
1213 nt à plusieurs reprises dans vos écrits. Caillois m’ a beaucoup apporté, surtout pour mon étude des Règles du jeu, ouvrage
1214 rits. Caillois m’a beaucoup apporté, surtout pour mon étude des Règles du jeu, ouvrage qui devait introduire La Morale du
1215 troduire La Morale du But , mais pour le moment, j’ y ai renoncé… Êtes-vous toujours en rapport avec certains écrivains pe
1216 ains écrivains personnalistes ? Il se trouve qu’à mon âge — j’aurai 78 ans dans un mois — eh bien, je ne me sens pas du tou
1217 ains personnalistes ? Il se trouve qu’à mon âge — j’ aurai 78 ans dans un mois — eh bien, je ne me sens pas du tout vieux,
1218 mon âge — j’aurai 78 ans dans un mois — eh bien, je ne me sens pas du tout vieux, mais je découvre que je suis un des der
1219 ge — j’aurai 78 ans dans un mois — eh bien, je ne me sens pas du tout vieux, mais je découvre que je suis un des derniers
1220 — eh bien, je ne me sens pas du tout vieux, mais je découvre que je suis un des derniers survivants de cette génération q
1221 e me sens pas du tout vieux, mais je découvre que je suis un des derniers survivants de cette génération qui s’est déclaré
1222 aucoup sont morts depuis, et avec Alexandre Marc, je suis à peu près le dernier survivant des personnalistes de la premièr
1223 er Politique de la personne (Paris : Éditions «  Je sers », 1934), réédité en 1946, mais aujourd’hui épuisé, Penser avec
1224 e reposaient d’eux-mêmes en devenant “patriotes”. Je songe à des hommes comme Napoléon, Goethe, Beethoven, Stendhal, Henri
30 1986, Articles divers (1982-1985). L’Europe des consciences (1986)
1225 Paulhan et Roger Caillois… Voilà ce qui compte à mes yeux, plus que tout, dans ma bibliothèque française. Seul Benjamin Co
1226 ilà ce qui compte à mes yeux, plus que tout, dans ma bibliothèque française. Seul Benjamin Constant est meilleur dans Adol
1227 olphe que dans ses écrits politiques. Paul Valéry me paraît en revanche plus créateur dans sa prose que dans ses vers. On
1228 plus créateur dans sa prose que dans ses vers. On m’ opposera sans doute Racine. Mais toute loi souffre exception, comme to
1229 ession française. ⁂ Ceci dit sur un plan général, j’ en viens à mon cas personnel, pour la première fois en public. On s’ét
1230 ise. ⁂ Ceci dit sur un plan général, j’en viens à mon cas personnel, pour la première fois en public. On s’étonne souvent,
1231 n s’étonne souvent, ou l’on juge regrettable, que je donne le plus clair de mes journées, depuis plus de trente ans, à l’a
1232 n juge regrettable, que je donne le plus clair de mes journées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’est-ce à dire ? A
1233 d’administration, et de présidences de comités : je n’ose pas vous dire combien depuis trente ans, plusieurs centaines, j
1234 e combien depuis trente ans, plusieurs centaines, je le crains. D’où le propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de
1235 , je le crains. D’où le propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est un de nos meilleurs
1236 comités »… Combien d’autres ont dit ou écrit que mes engagements européens étaient « au détriment de mon œuvre littéraire 
1237 s engagements européens étaient « au détriment de mon œuvre littéraire ». Je serais perdu pour la littérature… Le prix Schi
1238 étaient « au détriment de mon œuvre littéraire ». Je serais perdu pour la littérature… Le prix Schiller que je reçois aujo
1239 s perdu pour la littérature… Le prix Schiller que je reçois aujourd’hui, non seulement réfute ces propos, mais me donne l’
1240 ujourd’hui, non seulement réfute ces propos, mais me donne l’occasion de m’expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être u
1241 nt réfute ces propos, mais me donne l’occasion de m’ expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être un devoir. J’oserai donc
1242 ais me donne l’occasion de m’expliquer là-dessus, m’ en fait même peut-être un devoir. J’oserai donc aborder sans aucune pr
1243 er là-dessus, m’en fait même peut-être un devoir. J’ oserai donc aborder sans aucune précaution la question que beaucoup se
1244 e précaution la question que beaucoup se posent à mon sujet : — Pourquoi s’occupe-t-il tant d’Europe unie, de régions, d’éc
1245 cologie, ou même, horribile dictu, de pacifisme ? Je passe donc aux aveux : ils ne seront pas complets, faute de temps, ma
1246 ’une part, les défis de l’Histoire auxquels toute ma génération eut à faire face, et d’autre part l’évolution intérieure q
1247 intérieure qui fut la mienne dans le même temps, je veux dire dans les années 1930 à 1940. Durant cette décennie tout s’e
1248 cette décennie tout s’est joué, à la fois hors de moi et en moi. Ce qui m’importe ici, c’est de vous faire entrevoir l’inte
1249 nnie tout s’est joué, à la fois hors de moi et en moi . Ce qui m’importe ici, c’est de vous faire entrevoir l’interaction de
1250 est joué, à la fois hors de moi et en moi. Ce qui m’ importe ici, c’est de vous faire entrevoir l’interaction de ces deux s
1251 r l’interaction de ces deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappell
1252 ies de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi
1253 ’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que ma génération eut à relever
1254 yen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que ma génération eut à relever. Arthur Koestler l’a fort bien dit : ce fut
1255 lisme. Un jour, chez des amis, un jeune Russe que je venais de connaître, Alexandre Marc, me remit une page de manifeste a
1256 Russe que je venais de connaître, Alexandre Marc, me remit une page de manifeste au milieu de laquelle cette phrase me fra
1257 e de manifeste au milieu de laquelle cette phrase me frappa, tapée en majuscule : Ni individualistes, ni collectivistes,
1258 sommes personnalistes. Un trait de lumière dans mon esprit : cette formule se trouvait répondre aux questions les plus la
1259 t répondre aux questions les plus lancinantes que me posaient alors l’époque, les carences de nos démocraties et le défi d
1260 et le défi des totalitaires. Par Alexandre Marc, j’ entrai en relation avec quelques dizaines de jeunes intellectuels, ave
1261 c à Paris, à la fondation et à la vie desquelles je fus étroitement associé dès 1931 jusqu’à la guerre. Car la guerre arr
1262 t dans nos pays et leurs armées parfois ennemies. Je fus mobilisé d’abord dans le Jura, puis attaché au service Armée et F
1263 de l’état-major général, à Berne. C’est de là que j’ envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’
1264 ’appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet article me valut une condamnation à quinze jours de forteresse « au pain et à l’
1265 re en danger la sécurité de la Suisse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je me vis gentiment poussé à partir pou
1266 isse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je me vis gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’une mission
1267 e », comme on me le précisa. En suite de quoi, je me vis gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’une mission de
1268 hargé d’une mission de conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et même plus utile là-bas, pensait-on sans doute
1269 là-bas, pensait-on sans doute en haut lieu. Qu’ai- je fait durant mes six années américaines ? J’ai écrit quelques livres,
1270 -on sans doute en haut lieu. Qu’ai-je fait durant mes six années américaines ? J’ai écrit quelques livres, sur la Suisse, s
1271 Qu’ai-je fait durant mes six années américaines ? J’ ai écrit quelques livres, sur la Suisse, sur le diable, et sur la bomb
1272 tomique, notamment. Mais surtout, par la force en mon cas créatrice d’une constante et poignante nostalgie, en Amérique j’a
1273 une constante et poignante nostalgie, en Amérique j’ ai découvert l’Europe, et la nécessité vitale de son union, si les All
1274 Alliés gagnaient, la délivraient d’Hitler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je me suis trouvé, sans savoir trop comme
1275 d’Hitler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je me suis trouvé, sans savoir trop comment, engagé dans la lutte milita
1276 Hitler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je me suis trouvé, sans savoir trop comment, engagé dans la lutte militante
1277 te militante pour la fédération de nos peuples. À mes amis fédéralistes, dont beaucoup avaient milité avant la guerre dans
1278 ments personnalistes, puis inspiré la Résistance, j’ ai dit que j’étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et t
1279 alistes, puis inspiré la Résistance, j’ai dit que j’ étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis pour
1280 ue j’étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947. J’y suis
1281 à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947. J’y suis encore, les deux ans sont
1282 t pis pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947. J’ y suis encore, les deux ans sont devenus trente-cinq ans, et pourtant
1283 eux ans sont devenus trente-cinq ans, et pourtant je ne regrette rien, pour les raisons tout intérieures auxquelles il est
1284 sons tout intérieures auxquelles il est temps que je vienne. Vers ma vingt-quatrième année, j’avais découvert deux auteurs
1285 eures auxquelles il est temps que je vienne. Vers ma vingt-quatrième année, j’avais découvert deux auteurs qui furent déci
1286 mps que je vienne. Vers ma vingt-quatrième année, j’ avais découvert deux auteurs qui furent décisifs pour ma vie : Kierkeg
1287 s découvert deux auteurs qui furent décisifs pour ma vie : Kierkegaard et Karl Barth. À travers eux j’allais redécouvrir u
1288 ma vie : Kierkegaard et Karl Barth. À travers eux j’ allais redécouvrir une idée de protestantisme totalement différente, j
1289 une idée de protestantisme totalement différente, je le confesse, de celle que je gardais de mon école du dimanche. C’étai
1290 talement différente, je le confesse, de celle que je gardais de mon école du dimanche. C’était l’idée très calvinienne de
1291 rente, je le confesse, de celle que je gardais de mon école du dimanche. C’était l’idée très calvinienne de la personne, c’
1292 eur de cette communauté. Voilà pour la doctrine. J’ ai dit les conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles
1293 ai dit les conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles « perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non.
1294 es conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ ont-elles « perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non. De mon a
1295 vie. M’ont-elles « perdu pour la littérature » ? J’ ose dire que non. De mon action européenne, j’ai tiré huit volumes, c’
1296 du pour la littérature » ? J’ose dire que non. De mon action européenne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart de c
1297 » ? J’ose dire que non. De mon action européenne, j’ ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart de ce que j’ai publié jusq
1298 iré huit volumes, c’est près d’un quart de ce que j’ ai publié jusqu’ici. Mais je ne voudrais surtout pas que l’on déduisît
1299 d’un quart de ce que j’ai publié jusqu’ici. Mais je ne voudrais surtout pas que l’on déduisît de mes propos que mon œuvre
1300 s je ne voudrais surtout pas que l’on déduisît de mes propos que mon œuvre est issue d’un système ou d’une dialectique rati
1301 s surtout pas que l’on déduisît de mes propos que mon œuvre est issue d’un système ou d’une dialectique rationnelle. La coh
1302 que rationnelle. La cohérence et la continuité de mes ouvrages, le parallèle entre l’histoire vécue de l’Europe et l’évolut
1303 re l’histoire vécue de l’Europe et l’évolution de mes idées, je ne suis en droit de les déduire qu’après coup, d’une analys
1304 re vécue de l’Europe et l’évolution de mes idées, je ne suis en droit de les déduire qu’après coup, d’une analyse de ce qu
1305 es déduire qu’après coup, d’une analyse de ce que j’ ai vécu. Mais dans le fait, au jour le jour, tout s’est passé autremen
1306 trement, par hasard. Certains moments décisifs de ma vie ont été décidés par des coups d’émotion, et d’autres par des déci
1307 utres par des décisions longuement débattues dont je ne pouvais prévoir les conséquences. Comme par exemple cet article —
1308 Hitler à Paris, écrit en une demi-heure après que mon ordonnance m’eut annoncé ce qu’on venait d’entendre à la radio. Ces d
1309 écrit en une demi-heure après que mon ordonnance m’ eut annoncé ce qu’on venait d’entendre à la radio. Ces deux pages ont
1310 d’entendre à la radio. Ces deux pages ont changé ma vie en m’expédiant en Amérique pour plus de six ans. Mais à l’inverse
1311 e à la radio. Ces deux pages ont changé ma vie en m’ expédiant en Amérique pour plus de six ans. Mais à l’inverse, un texte
1312 n houleuse, à Paris, à Londres, à La Haye, et que je lus en conclusion du grand Congrès de l’Europe réuni à La Haye en 194
1313 de Churchill, ce texte de trois pages a décidé de ma carrière professionnelle et notamment de l’existence du Centre europé
1314 ux petits écrits sont ceux dont, en les relisant, je suis le moins mécontent, d’un point de vue purement littéraire ! ⁂ Ma
1315 t de vue purement littéraire ! ⁂ Mais laissons là mon cas et ma littérature, et parlons un moment, pour finir, de cette Eur
1316 rement littéraire ! ⁂ Mais laissons là mon cas et ma littérature, et parlons un moment, pour finir, de cette Europe qui me
1317 arlons un moment, pour finir, de cette Europe qui me tient au cœur, au corps et à l’âme. Un mot domine sa situation, un pe
1318 nous qui le laissons faire, nous qui le faisons ? Je ne suis pas, en rappelant ces faits, victime de quelque sinistrose, m
1319 utôt que par « la note d’espoir » traditionnelle, je voudrais terminer par un appel. Changer le monde d’aujourd’hui, c’est
1320 s pulsions, ses désirs inavoués, les plus actifs. Je serai content si j’ai pu contribuer par mes écrits et mon action à un
1321 rs inavoués, les plus actifs. Je serai content si j’ ai pu contribuer par mes écrits et mon action à une prise de conscienc
1322 ctifs. Je serai content si j’ai pu contribuer par mes écrits et mon action à une prise de conscience dont dépend notre aven
1323 i content si j’ai pu contribuer par mes écrits et mon action à une prise de conscience dont dépend notre avenir : car il se
31 1996, Articles divers (1982-1985). « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (automne 1996)
1324 « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (automne 1996)ax ay « … Je sens venir des
1325 ois un faux prophète » (automne 1996)ax ay « … Je sens venir des catastrophes organisées par nos soins diligents quoiqu
1326 ire. Pessimiste, optimiste, cela n’a pas de sens. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis fai
1327 ptimiste, cela n’a pas de sens. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chose.
1328 s. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chose. Quel qu’en soit d’ailleurs, l
1329 rai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chose. Quel qu’en soit d’ailleurs, le succès ! Att
1330  ! Attitude qui n’est pas différente de celle que j’ annonçais dans mon premier article traitant du sujet politique : « Pol
1331 ’est pas différente de celle que j’annonçais dans mon premier article traitant du sujet politique : « Politique du pessimis
1332 (Encore une expression qu’on a beaucoup reprise…) Mon attitude générale n’est pas celle d’un pessimiste et je ne suis pas u
1333 itude générale n’est pas celle d’un pessimiste et je ne suis pas un prophète de malheur. J’aime beaucoup cette expression
1334 simiste et je ne suis pas un prophète de malheur. J’ aime beaucoup cette expression latine « plaise aux dieux que je sois u
1335 up cette expression latine « plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (utinam vates falsus sim). Je dis à mes conte
1336 ois un faux prophète » (utinam vates falsus sim). Je dis à mes contemporains, faites autre chose et vous éviterez les désa
1337 ux prophète » (utinam vates falsus sim). Je dis à mes contemporains, faites autre chose et vous éviterez les désastres ! Je
1338 ites autre chose et vous éviterez les désastres ! Je ne crois pas que notre avenir soit fatal. L’avenir est fait de main d
1339 arbres. C’est tout juste s’ils ne disent pas : «  je ne suis pas là ! » Yahvé les trouve et demande à l’homme : « Qu’as-tu
1340 e : « Qu’as-tu fait ? » Adam dit : « Ce n’est pas moi , c’est Ève qui m’a forcé ». Ève dit : « Ce n’est pas moi, c’est le se
1341  ? » Adam dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève qui m’ a forcé ». Ève dit : « Ce n’est pas moi, c’est le serpent qui m’a sédu
1342 est Ève qui m’a forcé ». Ève dit : « Ce n’est pas moi , c’est le serpent qui m’a séduite ». Et le serpent, bien sûr, n’est p
1343 ve dit : « Ce n’est pas moi, c’est le serpent qui m’ a séduite ». Et le serpent, bien sûr, n’est plus là. Il n’est pas vrai
1344 itte à lui couper la tête quand cela se présente. Je ne suis pas pessimiste parce que je ne crois pas à ces fatalités. Je
1345 se présente. Je ne suis pas pessimiste parce que je ne crois pas à ces fatalités. Je ne suis pas optimiste non plus parce
1346 imiste parce que je ne crois pas à ces fatalités. Je ne suis pas optimiste non plus parce que je ne crois pas avec Roussea
1347 ités. Je ne suis pas optimiste non plus parce que je ne crois pas avec Rousseau que l’homme est bon. Il est bête et méchan
1348 e de grandes bêtises. Vous êtes bête et méchant ? Je fais comme tout le monde, je vais dans le sens de mon désir profond.
1349 es bête et méchant ? Je fais comme tout le monde, je vais dans le sens de mon désir profond. Il se trouve que c’est le dés
1350 fais comme tout le monde, je vais dans le sens de mon désir profond. Il se trouve que c’est le désir de la liberté, non de
1351 s et des communautés qui vont les employer. De là mon idée des régions et de la progressive dissolution des États-nations s
1352 e la vie de la cité. C’est se gouverner soi-même. J’ aime beaucoup ce slogan irlandais ou gallois « better self-governed th
1353 c’est d’abord un espace de participation civique. Je veux dire une communauté assez petite pour que la voix de l’homme pui
1354 e, où chacun peut juger des problèmes à résoudre. Mon système fédéraliste est en somme très simple. Il consiste à faire cor
1355 nt et se répondent les trois thèmes principaux de mon livre : Écologie, régions, Europe : même avenir. C’est la devise que
1356 égions, Europe : même avenir. C’est la devise que j’ ai proposée aux mouvements écologiques français et il semble bien qu’i
1357 çais et il semble bien qu’ils l’aient adoptée. Si mon livre a apporté quelque chose de nouveau au débat des idées politique
1358 subit, c’est le contraire de l’acte d’amour vrai. J’ ai montré les conséquences infinies de la passion dans de nombreux dom
1359 un poète, Wystan Auden. Certains jeunes écrivains m’ ont confié qu’ils avaient renoncé à écrire tel roman déjà commencé, pa
1360 noncé à écrire tel roman déjà commencé, parce que m’ ayant lu, ils savaient trop bien ce qu’ils faisaient. Dois-je me le re
1361 ils savaient trop bien ce qu’ils faisaient. Dois- je me le reprocher ? Toute prise de conscience n’est-elle pas un progrès
1362 s savaient trop bien ce qu’ils faisaient. Dois-je me le reprocher ? Toute prise de conscience n’est-elle pas un progrès ?
1363 rogrès ? Ainsi le cas d’André Gide. Apprenant que je cherchais de toute urgence un studio et ne trouvais rien, il m’avait
1364 e toute urgence un studio et ne trouvais rien, il m’ avait offert à l’improviste d’habiter avec ma femme, pour quelques moi
1365 , il m’avait offert à l’improviste d’habiter avec ma femme, pour quelques mois, un studio communiquant avec sa bibliothèqu
1366 : « tout cela s’est arrangé si soudainement. Cela me ferait presque croire à la providence. Mais dites-moi, mon cher Rouge
1367 ferait presque croire à la providence. Mais dites- moi , mon cher Rougemont, quand on saura que vous habitez chez moi, qu’est
1368 t presque croire à la providence. Mais dites-moi, mon cher Rougemont, quand on saura que vous habitez chez moi, qu’est-ce q
1369 r Rougemont, quand on saura que vous habitez chez moi , qu’est-ce qu’on va dire ? » Et il répète à travers ses dents serrées
1370 ses dents serrées : « qu’est-ce qu’on va dire ? » Je me garde bien de répondre, je m’amuse trop. Finalement il jette en ri
1371 dents serrées : « qu’est-ce qu’on va dire ? » Je me garde bien de répondre, je m’amuse trop. Finalement il jette en riant
1372 e qu’on va dire ? » Je me garde bien de répondre, je m’amuse trop. Finalement il jette en riant : « on va dire que c’est u
1373 u’on va dire ? » Je me garde bien de répondre, je m’ amuse trop. Finalement il jette en riant : « on va dire que c’est un c
1374 ui suivit, il vint entrouvrir la porte capitonnée me demandant de passer chez lui pour causer. Il s’annonçait d’un profond
1375 er. Il s’annonçait d’un profond « allô allô ». Il me dit un jour ces phrases qui m’émurent profondément : « C’est dans L’
1376 « allô allô ». Il me dit un jour ces phrases qui m’ émurent profondément : « C’est dans L’Amour et l’Occident et non pas
1377 L’Amour et l’Occident et non pas dans Freud que j’ ai découvert l’explication de mon cas et les raisons qui m’ont fait co
1378 as dans Freud que j’ai découvert l’explication de mon cas et les raisons qui m’ont fait commettre dans ma jeunesse… une ter
1379 uvert l’explication de mon cas et les raisons qui m’ ont fait commettre dans ma jeunesse… une terrible erreur d’aiguillage.
1380 cas et les raisons qui m’ont fait commettre dans ma jeunesse… une terrible erreur d’aiguillage. » Une autre fois, plus dé
1381 utre fois, plus détendu : « Vous allez penser que je suis obsédé, mais je ne puis m’empêcher de croire que vos troubadours
1382 du : « Vous allez penser que je suis obsédé, mais je ne puis m’empêcher de croire que vos troubadours étaient homosexuels.
1383 allez penser que je suis obsédé, mais je ne puis m’ empêcher de croire que vos troubadours étaient homosexuels. » Je lui d
1384 croire que vos troubadours étaient homosexuels. » Je lui dis qu’en effet, plusieurs semblent l’avoir été que cela n’a rien
1385 ns passifs, mais des joueurs, en pleine activité. Je l’ai souvent dit : la décadence d’une société commence quand l’homme
1386 les. En ce qui concerne les centrales nucléaires, je me suis exprimé on ne peut plus clairement : même si l’on me démontra
1387 . En ce qui concerne les centrales nucléaires, je me suis exprimé on ne peut plus clairement : même si l’on me démontrait
1388 exprimé on ne peut plus clairement : même si l’on me démontrait — ce qui est rigoureusement exclu — qu’elles sont inoffens
1389 lles sont inoffensives, rentables et nécessaires, je serais contre parce qu’elles impliquent un État de plus en plus centr
1390 plus en plus centralisé et policier. D’ailleurs, je doute qu’on continue à en construire et qu’elles fonctionnent. Je lut
1391 ontinue à en construire et qu’elles fonctionnent. Je lutte surtout pour qu’on cherche autre chose, qu’on change de cap… Ma
1392 ier à plaider en faveur du CERN ? Oui bien sûr et je m’en honore. Le CERN est un laboratoire qui étudie la constitution de
1393 à plaider en faveur du CERN ? Oui bien sûr et je m’ en honore. Le CERN est un laboratoire qui étudie la constitution de la
1394 sistiblement aux problèmes brûlants de l’énergie, je vous dirai ceci : les promoteurs du nucléaire sont suicidaires et le
1395 opeos (qui voit très loin) est le dieu du soleil. Mon choix est clair. Celui des États ne l’est pas moins. Êtes-vous un ut
1396 tats ne l’est pas moins. Êtes-vous un utopiste ? Je ne le pense pas. L’utopie majeure consiste à croire qu’on peut contin
1397 consiste à croire qu’on peut continuer comme ça. Je me tiens pour un réaliste quand je pose une question comme celle-là.
1398 nsiste à croire qu’on peut continuer comme ça. Je me tiens pour un réaliste quand je pose une question comme celle-là. Que
1399 nuer comme ça. Je me tiens pour un réaliste quand je pose une question comme celle-là. Que ferez-vous des autoroutes quand
1400 mont Denis de, « [Entretien] Plaise aux dieux que je sois un faux prophète », Temps européens, Genève, 1996, p. 34-41. ay