1 1982, Articles divers (1982-1985). L’Europe une et diverse : la contribution des cultures nationales [commentaires] (1982)
1 je ne peux pas m’en tenir là. J’ai réfléchi à ce que vous avez dit ici, les uns et les autres. J’ai aperçu de nouvelles ma
2 et de tourner, à certains égards, l’interdiction que j’avais posée au départ, en parlant de l’inexistence, voire de l’impo
3 stence, voire de l’impossibilité historique de ce que l’on nomme aujourd’hui nos cultures nationales. Comment introduire un
4 n suis convaincu depuis une cinquantaine d’années que j’écris et que je parle sur des questions européennes. Pourquoi est-c
5 u depuis une cinquantaine d’années que j’écris et que je parle sur des questions européennes. Pourquoi est-ce qu’il nous fa
6 le sur des questions européennes. Pourquoi est-ce qu’ il nous faut à tout prix un dialogue ? C’est parce que la condition de
7 ion sur cet obstacle par excellence à toute union qu’ est l’État-nation d’aujourd’hui. Vouloir fonder l’union de l’Europe su
8 nces, et pour que ce dialogue soit utile, il faut qu’ il y ait un langage commun. Ce langage commun, nous ne le trouvons que
9 ge commun. Ce langage commun, nous ne le trouvons que dans l’existence d’une culture commune à tous les Européens, culture
10 s et d’où aussi les solutions possibles. J’ajoute que , pour moi, faire une fédération de l’Europe, une union réelle sur la
11 n sine qua non de quelque chose de plus important que l’Europe, je veux dire de la Paix. Les divers travaux que j’ai pu ent
12 rope, je veux dire de la Paix. Les divers travaux que j’ai pu entendre ici m’ont permis d’entrevoir comment on pourrait tou
13 énaire de notre ère par la confluence des sources que j’ai énumérées tout à l’heure, alors que les plus anciens États que l
14 tout à l’heure, alors que les plus anciens États que l’on trouve en Europe remontent à l’an 1000, au plus tôt : la Pologne
15 ie siècle pour voir se former les premiers États que j’ai appelés États-nations. C’est la France de Philippe le Bel, l’Esp
16 a création, la consommation de la culture, telles que l’expression de « cultures nationales » ne soit pas vidée de tout sen
17 de notre ère, tout le monde les connaît. C’est ce que Valéry a résumé dans la formule : Tout ce qui descend d’Athènes, de R
18 pays de Galles ! Cet héritage est tellement varié qu’ il va créer des variantes importantes dans le dosage des éléments. Ce
19 ns le dosage des éléments. Ce sont ces variantes, que , dans certains cas, on pourrait appeler cultures nationales, interloc
20 onales, interlocuteurs possibles dans le dialogue que nous souhaitons tous. Je vous en donnerai ici quelques exemples, port
21 ci quelques exemples, portant surtout sur l’usage que l’on a fait de la culture commune dans nos différents pays : usage po
22 unique où culture et identité nationales ne font qu’ un. Cela peut tenir aux origines asiatiques du peuple hongrois, qui es
23 onale pour les Suisses — une culture qui ne porte que sur les principes du fédéralisme, sur l’éthique du fédéralisme, devra
24 -je dire. Il y a aussi la Pologne et la Roumanie, qu’ il faut citer parmi les anciens États. Là, je vois de nouveau deux cas
25 iscutables. L’unification totale ne s’est imposée qu’ au détriment des cultures « nationales », au sens ancien, dont la gran
26 elle une phrase souvent répétée par Michel Debré, qu’ il a encore utilisée dernièrement dans Le Monde, et selon laquelle l’é
27 e culture différente de toutes les autres en ceci qu’ elle est entièrement politisée, comme nous l’a très bien montré hier S
28 dans la mesure où elle est politisée, à tel point qu’ on a l’impression quelquefois, à entendre les discussions entre la gau
29 dre les discussions entre la gauche et la droite, que chacun tient plus au triomphe de son idéologie qu’à la santé de la na
30 ue chacun tient plus au triomphe de son idéologie qu’ à la santé de la nation réelle. À l’inverse, nous avons le cas de l’Es
31 se, nous avons le cas de l’Espagne. Nous avons vu qu’ elle a eu plusieurs monarchies, que la « monarchie espagnole » est mul
32 Nous avons vu qu’elle a eu plusieurs monarchies, que la « monarchie espagnole » est multiple, pluraliste, c’est-à-dire qu’
33 spagnole » est multiple, pluraliste, c’est-à-dire qu’ elle comporte déjà les bases d’un fédéralisme possible, depuis ses ori
34 r la bonne raison, comme on l’a rappelé ce matin, qu’ il réunissait douze nationalités. Qu’aurait-il fallu choisir comme cul
35 lé ce matin, qu’il réunissait douze nationalités. Qu’ aurait-il fallu choisir comme culture nationale à imposer à toutes les
36 e. Aussi, ça n’a pas été fait, et le résultat est que ces douze cultures nationales ont continué, chacune pour elle-même, c
37 e des trente premières années du siècle. Je pense que Vienne était, plus peut-être que Paris, le centre de la civilisation
38 siècle. Je pense que Vienne était, plus peut-être que Paris, le centre de la civilisation et de la culture européennes de c
39 Adler. C’est une chose absolument sensationnelle qu’ une pareille culture qui n’est pas liée à un État, mais au contraire à
40 Romano sur l’Italie, où il nous a fait remarquer que la culture en Italie, quand l’Italie a fait son unité, selon l’idée a
41 lie a fait son unité, selon l’idée alors régnante que toute nation « fait son unité » comme un homme « fait sa puberté », a
42 ité culturelle du pays, alors qu’ils ne faisaient que reproduire une unité, restaurée, certes, mais au sens de Viollet-le-D
43 accent est fortement mis sur le germanisme plutôt que sur l’hellénisme et le romantisme. Le Saint-Empire romain ne fut qu’u
44 e et le romantisme. Le Saint-Empire romain ne fut qu’ un empire de nostalgie reconstitué. Aujourd’hui, vous avez cette même
45 gage commun étant symphonique, ne peut s’exprimer que par des instruments différents. Il s’agit maintenant de les composer
46 opre. Il s’agit de cette harmonie dont parlait ce que j’oserai appeler le premier slogan européen, cette pensée d’Héraclite
47 logan européen, cette pensée d’Héraclite qui veut que « ce qui s’oppose coopère » et que « de la lutte des contraires procè
48 clite qui veut que « ce qui s’oppose coopère » et que « de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie ». Le gén
49 neutralisé par l’autre. Ceci nous amène à l’idée que je voulais introduire, celle du dialogue. Du dialogue nécessaire. Les
50 ogue nécessaire. Les moyens du dialogue, je crois que je les ai indiqués, c’est cette culture une et diverse qui permet à t
51 rrait être le contenu de ce Dialogue des cultures que nous souhaitons tous ? Je ne vais pas vous faire ici un long topo. J’
52 rrait être le sujet d’un autre colloque. Je crois que la condition de tout dialogue entre les différentes nations que j’ai
53 on de tout dialogue entre les différentes nations que j’ai énumérées, avec toutes leurs diversités, c’est la reconnaissance
54 leurs diversités, c’est la reconnaissance du fait qu’ elles ne pourront s’unir que sur une base véritablement commune, la cu
55 econnaissance du fait qu’elles ne pourront s’unir que sur une base véritablement commune, la culture, et non pas sur l’écon
56 dialogue. Nous avons tous vu, depuis trente ans, qu’ on ne peut pas faire l’Europe sur la base de l’économie, comme Jean Mo
57 oposait. On n’y est pas arrivé et je ne pense pas qu’ on y arrivera dans les années qui suivent, parce que ce n’est pas la b
58 e ce n’est pas la bonne base. Jean Monnet a pensé que , si l’on maîtrisait les relations économiques en Europe, la politique
59 t, mais le général de Gaulle lui a bien fait voir que , pour lui, les intérêts économiques étaient secondaires : comme l’int
60 s nationalismes fauteurs de guerres. Il me semble que c’est un terrain sur lequel la responsabilité de la culture est la pl
61 ements. Comment lutter contre le nationalisme tel qu’ il est enseigné, plus ou moins délibérément, dans toutes nos écoles ?
62 es droits de l’homme en référence permanente à ce que nous avons tous en commun, à nos valeurs de base, d’où qu’elles vienn
63 avons tous en commun, à nos valeurs de base, d’où qu’ elles viennent. Voilà simplement quelques pistes. Pourquoi pas un coll
2 1982, Articles divers (1982-1985). De la personne à l’Europe des régions (25 mars 1982)
64 st un chemin unique et sans précédent, un sentier qu’ il doit inventer et qui n’a été foulé par personne avant lui. Il doit
65 s ; ces régions à leur tour se fédèrent. À mesure que les choses à faire deviennent de plus en plus importantes par leurs d
66 s, c’est-à-dire des plus petites unités. C’est ce que le diplomate américain D. Moynihan formulait naguère à propos des USA
67 Moynihan formulait naguère à propos des USA mais qu’ il est facile de transposer en termes européens : Ne confiez jamais à
68 ité ce qui peut être fait par une plus petite. Ce que la famille peut faire, la municipalité ne doit pas le faire. Ce que l
69 t faire, la municipalité ne doit pas le faire. Ce que la municipalité peut faire, les États ne doivent pas le faire. Et ce
70 t faire, les États ne doivent pas le faire. Et ce que les États peuvent faire, le gouvernement fédéral ne doit pas le faire
71 ongtemps, « c’est avec la poussière des individus que les États totalitaires font leur ciment ». Partout où l’individu devi
72 oppement de l’État est devenu tellement démentiel qu’ il ne fonctionne plus. On ne peut pas faire marcher un pays en décidan
73 e la capacité de résistance des personnes. Est-ce que la Suisse est menacée par la centrale française de Creys-Malville ? L
74 soviétiques et les fusées occidentales ? C’est ce qu’ on m’a répondu récemment à Paris, lorsque je demandais aux responsable
75 Malville. On a refusé de me répondre en me disant que la probabilité était faible, et qu’il existait une menace bien plus d
76 en me disant que la probabilité était faible, et qu’ il existait une menace bien plus dangereuse : les fusées des 26 silos
77 une série d’explosions cent fois plus importantes que l’accident majeur de Creys-Malville. Est-ce qu’on pensait me rassurer
78 s que l’accident majeur de Creys-Malville. Est-ce qu’ on pensait me rassurer ? Et, comme par hasard, d’une façon générale, o
79 s. Actuellement, ce qui nous menace est bien pire que le haschisch, incalculablement pire… Finalement, êtes-vous de gauche
80 vous répondre par cette formule d’Ortega y Gasset que je trouve superbement adaptée à votre question : « Être de gauche ou
81 es d’hémiplégie morale. Comme le démontre le fait qu’ aujourd’hui les droites promettent des révolutions et les gauches des
82 déralisme. Depuis cinquante ans, il nous rappelle que l’État-nation vient de la guerre et va vers elle. En 1934, dans un de
83 de l’écrivain”. Dans le dernier, il nous rappelle que L’Avenir est notre affaire , parce que “la décadence d’une société c
84 ’une société commence quand l’homme se demande : ‘ Que puis-je faire ?’”. Envers et contre tous les embrigadements et toutes
3 1982, Articles divers (1982-1985). Précisions de M. Denis de Rougemont (25 mai 1982)
85 s de Rougemont (25 mai 1982)h Dans l’interview que vous avez publiée le 25 mars et que j’avais accordée à Richard Labévi
86 s l’interview que vous avez publiée le 25 mars et que j’avais accordée à Richard Labévière, il y a plusieurs mois, se sont
87 y a plusieurs mois, se sont glissées deux erreurs qu’ il me paraît absolument nécessaire de rectifier : 1. Dans la présentat
88 x mots me fait dire exactement le contraire de ce que j’ai dit et souvent écrit. Voici la phrase telle qu’elle doit être lu
89 j’ai dit et souvent écrit. Voici la phrase telle qu’ elle doit être lue : « La décadence d’une société commence quand l’hom
90 une société commence quand l’homme se demande : «  Que va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-je faire ? » 
91 ue va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : «  Que puis-je faire ? » » Les dix mots soulignés ont été omis. 2. À l’avant
92 ière question concernant la menace pour la Suisse que constitue le surgénérateur de Creys-Malville : il est exact que j’ai
93 le surgénérateur de Creys-Malville : il est exact que j’ai mentionné le refus de réponse que m’ont opposé les responsables
94 est exact que j’ai mentionné le refus de réponse que m’ont opposé les responsables de l’EDF, affirmant que la probabilité
95 m’ont opposé les responsables de l’EDF, affirmant que la probabilité d’accident était trop faible pour qu’ils en tiennent c
96 ergie atomique. Il m’a paru important de préciser qu’ une révélation aussi sensationnelle provient d’une personnalité incont
4 1982, Articles divers (1982-1985). « Vous avez dit Rolling Stones ? » (28 mai 1982)
97 ce prise en trente ans par le rock and roll. Mais que savent des Rolling Stones quelques-unes des personnalités qui font so
5 1982, Articles divers (1982-1985). « Des manifestations pacifistes encore plus grandes ! » (2 juillet 1982)
98 e l’Occident. À tout cela, j’ai envie de répondre que cette campagne contre les pacifistes est elle-même manipulée… Il y a
99 s de complot conscient, cynique. Je suis persuadé que les dirigeants de l’URSS et des États-Unis sont convaincus de défendr
100 défendue par les armes nucléaires, premier moyen que les hommes aient inventé pour anéantir toute l’humanité. Sans parade 
101 pèce de parade possible à la guerre nucléaire. Ce qu’ il y a de plus inquiétant dans les débats actuels, c’est qu’on sent un
102 de plus inquiétant dans les débats actuels, c’est qu’ on sent une impatience, complètement inconsciente mais réelle, des deu
103 ien, c’est de la folie ! Le groupe de Bellerive — que j’ai contribué à fonder et qui comprend des savants atomistes de prem
104 roissante conviction des populations. Il faudrait qu’ elles deviennent encore plus grandes, plus puissantes. Je ne nie pas q
105 core plus grandes, plus puissantes. Je ne nie pas qu’ il y ait des tentatives de manipulation dont les pacifistes de mon esp
106 t les pacifistes de mon espèce sont conscients et qu’ ils dénoncent, mais l’idée que ces manifestations sont uniquement le f
107 sont conscients et qu’ils dénoncent, mais l’idée que ces manifestations sont uniquement le fruit de telles manipulations n
108 ions ne tient pas — en particulier devant le fait qu’ elles apparaissent maintenant dans les pays communistes comme l’Allema
109 ys communistes comme l’Allemagne de l’Est, autant que dans les discours du pape. Soyons sérieux. Ce qui est réel, indiscuta
110 uction d’armements dont il n’est guère imaginable qu’ on se serve jamais, c’est la multiplication des armes nucléaires, nota
111 procurer la bombe. Cela me paraît plus dangereux que le pacifisme. Alors, que faire ? Il n’y a qu’un moyen d’éviter la tem
112 me paraît plus dangereux que le pacifisme. Alors, que faire ? Il n’y a qu’un moyen d’éviter la tempête nucléaire en Europe,
113 eux que le pacifisme. Alors, que faire ? Il n’y a qu’ un moyen d’éviter la tempête nucléaire en Europe, à mon sens et à celu
114 ela, je le dis avec toute ma conviction. Je pense que si les Soviétiques étaient jamais tentés d’occuper l’Europe, ils n’au
115 ui leur interdiraient d’y pénétrer beaucoup mieux que toutes nos armées. Donc ils n’utiliseraient pas l’arme nucléaire les
116 ssement de la population européenne, ne serait-ce que parce qu’une des propriétés des radiations est de détruire les défens
117 ruire les défenses immunitaires de l’organisme et que de terribles épidémies se propageraient ainsi. Quant à l’Union soviét
118 ens conventionnels, grâce à sa géographie et à ce que nous appelions, déjà avant la dernière guerre, la défense en hérisson
119 e une proposition qui est peut-être moins comique qu’ il n’y paraît à première vue : au lieu de dépenser des sommes énormes
120 eigner le russe dans les écoles. De telle manière que si les « Ivan » pénètrent dans notre pays, et s’y installent en garni
121 nous puissions causer avec eux, leur demander ce qu’ ils font là, si loin de chez eux, les démoraliser par l’amitié… Bien d
122 er son propre élan pour le renverser. Pensez-vous que la non-violence puisse constituer une alternative à la défense armée 
123 alternative à la défense armée ? Je suis persuadé que la non-violence est la seule réponse vraiment humaine à la guerre. Fa
124 à l’armée suisse ? Non, parce que je ne pense pas que notre défense militaire puisse être considérée comme un danger par un
125 e comme un danger par un autre pays. Il n’empêche que devant le risque d’une guerre nucléaire, devant cette possibilité par
126 tte possibilité parfaitement réelle, il me semble que seule l’attitude radicalement contraire, la non-violence, soit correc
127 parler sincèrement, je sens, je sais, je vois ce que serait la seule position absolument tenable — quitte à ce qu’on en me
128 a seule position absolument tenable — quitte à ce qu’ on en meure tout de suite, mais autant mourir pour une bonne raison qu
129 e suite, mais autant mourir pour une bonne raison que pour l’épouvantable idiotie qui sera peut-être, comme dans le cas des
130 nucléaire, c’est bien plus fou, si l’on y pense, que de dire désarmons-nous et offrons nos poitrines nues. Je crois qu’il
131 mons-nous et offrons nos poitrines nues. Je crois qu’ il y aurait là un moyen de dissuasion formidable. Cependant, si un con
132 tte défense non violente. Parce qu’il ne faut pas que ce soit une démission. Vous voudriez donc qu’on organise la non-viole
133 pas que ce soit une démission. Vous voudriez donc qu’ on organise la non-violence ? Je voudrais que les meilleurs esprits de
134 donc qu’on organise la non-violence ? Je voudrais que les meilleurs esprits de ce temps se mettent à imaginer des procédés
135 e réponds pas à l’insensé selon sa folie, de peur que tu ne lui ressembles toi-même » et « Réponds à l’insensé selon sa fol
6 1982, Articles divers (1982-1985). Denis de Rougemont devant l’Histoire (17 juillet 1982)
136 ur du 26 avril (n° 911) écrit, à propos du procès que j’ai intenté à Dominique Grisoni : Le malentendu était à son comble.
137 Rougemont et ses amis voulaient — légitimement — qu’ on les lave de tout soupçon quant à leur attitude pendant la guerre. M
7 1982, Articles divers (1982-1985). Des régions à la paix pour l’union de l’Europe (juillet-août 1982)
138 ationale absolue et indivisible. C’est en son nom que , ces jours-ci, deux grands États n’hésitent pas à s’affronter par les
139 ndiale et de l’extinction du genre humain, plutôt que de renoncer à des droits théoriques sur un petit troupeau d’îles dése
140 out. Il se voit incapable d’assurer les fonctions qu’ il s’était arrogées : défense du territoire et des libertés populaires
141 urs présents, à des degrés inégaux. La définition que je propose est peut-être la plus compréhensive ou englobante : la rég
142 es qui correspondent à la dimension des problèmes qu’ elle est le mieux en mesure de gérer. « Ne confiez jamais à une plus g
143 ité ce qui peut être fait par une plus petite. Ce que la famille peut faire, la municipalité ne doit pas le faire. Ce que l
144 t faire, la municipalité ne doit pas le faire. Ce que la municipalité peut faire, les États ne doivent pas le faire. Et ce
145 t faire, les États ne doivent pas le faire. Et ce que les États peuvent faire, le gouvernement fédéral ne doit pas le faire
146 al, le sénateur américain D. Moynihan. C’est dire que la région doit être et demeurer « de dimensions médiocres » comme le
147 seau, ou en tout cas variable selon les fonctions qu’ elle assure. Elle doit être « à la taille de l’homme », de telle maniè
148 être « à la taille de l’homme », de telle manière que chaque citoyen puisse y faire entendre sa voix ; mais aussi, « à la t
8 1982, Articles divers (1982-1985). La peur d’être libre… (printemps-été 1982)
149 omme individu. C’est donc vous, en quelque sorte, que l’on peut considérer comme le père de la théorie « Personne-Planète »
150 st unique pour chacun. On ne sait pas toujours ce que c’est ; il faut le découvrir. Le but est très loin en avant, dans l’i
151 unautaires. Une communauté commence et ne se fait que par les liens interpersonnels. Il n’existe pas de communautés d’indiv
152 auté se distingue par une vocation beaucoup mieux que par des liens économiques. C’est sans doute aussi en ce sens que l’o
153 s économiques. C’est sans doute aussi en ce sens que l’on dit que les liens avec une famille spirituelle sont souvent plus
154 . C’est sans doute aussi en ce sens que l’on dit que les liens avec une famille spirituelle sont souvent plus forts et plu
155 rituelle sont souvent plus forts et plus profonds qu’ avec la famille biologique. La famille spirituelle n’existe qu’entre d
156 mille biologique. La famille spirituelle n’existe qu’ entre des gens spirituels, qui existent comme des personnes, même si c
157 rt comme d’un instrument), ou même par le hasard, qu’ on trouve sa famille spirituelle. Toutefois, pour que la communauté so
158 re », disait Rousseau. Ou, comme disait Aristote, que son nombre ne soit pas si grand que l’on ne puisse plus la réunir sur
159 ait Aristote, que son nombre ne soit pas si grand que l’on ne puisse plus la réunir sur l’agora où chacun doit pouvoir ente
160 e réunissent pour faire ensemble certaines choses qu’ elles ne peuvent pas faire toutes seules. Vous en avez une vision tout
161 ait organique. Cela relève plus de l’horticulture que de la mécanique ! J’aime beaucoup la définition qui a été donnée par
162 : Ne confiez jamais à la plus grande quantité ce que la plus petite peut faire, et mieux ! Jamais à la commune ce que la f
163 ite peut faire, et mieux ! Jamais à la commune ce que la famille peut faire ; jamais à la région ce que la commune peut fai
164 que la famille peut faire ; jamais à la région ce que la commune peut faire, et jamais à l’État ce que la région peut faire
165 que la commune peut faire, et jamais à l’État ce que la région peut faire. Mais, aujourd’hui, certains problèmes sont mon
166 un problème transnational » ! Cela aussi démontre qu’ aujourd’hui, la notion de frontière est une notion aberrante et que le
167 a notion de frontière est une notion aberrante et que le problème de la vie sur Terre est ou bien mondial, ou bien régional
168 issant d’une communauté, n’ont pas d’autre limite que celles des champs cultivés ensemble. Le mot « propriété », par exempl
169 us près », de « propes », « près ». C’est donc ce que l’on peut s’approprier du point de vue des besoins quotidiens. C’est
170 mite quelconque et cela n’a aucun rapport avec ce qu’ est devenue la frontière. La frontière est une chose complètement cond
171 s ; mais elles n’interdisent pas le passage de ce qu’ il faudrait arrêter : les épidémies, les maladies, les pollutions… On
172 côté français travaillent en Suisse, ce qui fait que l’on peut passer quotidiennement huit fois la frontière, et plus si l
173 ma femme qui s’en occupe ! Il me semble, parfois, que cette frontière franco-suisse autour de Genève est aussi absurde que
174 franco-suisse autour de Genève est aussi absurde que la frontière entre Berlin-Ouest et Berlin-Est… C’est le même type d’a
175 tes type 1901 en France ? C’est pour cette raison que j’appelle cela et je suis pour la pluralité des allégeances. Je suis
176 ons « à géométrie variable », suivant la fonction que la région est censée remplir. On peut avoir des régions écologiques q
177 s écologiques qui ne seront pas du tout les mêmes que des régions économiques, bien que leurs rapports puissent être très p
178 xistent : Staline, Hitler et d’autres qui veulent que la même frontière soit donnée à toutes ces dimensions normales de l’ê
179 nt gardé un plus grand sentiment de la communauté qu’ en Europe. Un autre exemple nous est offert par l’Afrique de l’Ouest,
180 se déclencher avec 1789. Paul Valéry disait déjà que toute politique se base sur une certaine conception de l’homme. Je su
181 t avec sa « souveraineté absolue » et c’est ainsi que l’on voit une guerre imbécile comme celle des Malouines, pour un trou
182 ent chère… La vraie raison de cette guerre, c’est que la souveraineté nationale a été atteinte. L’honneur de l’État-nation
183 al. Au contraire, les individualistes s’imaginent qu’ ils seront libres s’ils n’ont pas de responsabilités. Malheureusement,
184 de mes compatriotes, Benjamin Constant. C’est ce qu’ il a nommé « le libéralisme ». Pour lui, la politique devait être fait
185 livres : « C’est avec la poussière des individus que l’État fera son ciment ». Si chacun devient une personne, impossible
186 e d’en faire du ciment ! Alors, il est très clair qu’ à partir de la notion de personne, on peut tout reconstruire. Et faire
187 ntre les États-nations ? Oui, c’est exactement ce que je pense. La compétition relève de ce qui n’est pas la vocation. À ce
188 s aussi, souvent dit ! Les États-nations ne sont que des individus égoïstes qui sont des criminels à l’échelle mondiale, d
189 Ce n’est pas comme la patrie. Ne pensez-vous pas que l’on a « bluffé » les citoyens en introduisant une énorme confusion e
190 française ? Oui, c’est exact et c’est en français que la confusion a été la plus grave entre l’attachement à la patrie et l
191 tous points de vue. Dans votre livre, vous disiez qu’ il faut aller à la fois vite et lentement pour constituer cette Europe
192 Europe des régions. Je ne vois l’Europe possible que sur la base des régions. C’est ce que j’avais proposé à Ecoropa : des
193 pe possible que sur la base des régions. C’est ce que j’avais proposé à Ecoropa : des régions qui se forment spontanément u
194 u confiance dans le nouveau régime français c’est que les deux hommes qui s’en occupent, Defferre et Rocard, sont d’origine
195 Français ! Vous avez dit à un journaliste suisse qu’ il faudrait au moins trois générations à la France pour se relever du
196 centralisme de Monsieur Napoléon. Moi, je trouve que trois générations, c’est être très optimiste car, de nos jours cela f
197 imum requis pour effacer la résistance formidable qu’ il y a dans les esprits français, formés par l’école. C’est le minimum
198  » ! Pour conclure, je vais vous citer une phrase que j’ai écrite et que j’aime beaucoup : « la puissance, c’est le pouvoir
199 je vais vous citer une phrase que j’ai écrite et que j’aime beaucoup : « la puissance, c’est le pouvoir que l’on prend sur
200 ’aime beaucoup : « la puissance, c’est le pouvoir que l’on prend sur autrui ; la liberté, c’est le pouvoir que l’on prend s
201 n prend sur autrui ; la liberté, c’est le pouvoir que l’on prend sur soi-même. » Vous avez aussi parlé de « la peur d’être
202 ie de notre société actuelle. C’est de cette peur que sont nés les États-nations et les États totalitaires. Je ne cesse de
203 et les États totalitaires. Je ne cesse de répéter que la seule force des États totalitaires, c’est la somme de nos faibless
204 de déchiffrement de la personnalité de l’Europe, que Denis de Rougemont a poursuivi tout au long de son œuvre. Dans L’Ave
205 r la sauvegarde écologique du lac Léman. C’est là que Claudine Brelet l’a rencontré pour CoÉvolution. » f.  L’original ind
9 1982, Articles divers (1982-1985). Hommage à l’Alliance culturelle romande pour ses 20 ans (octobre 1982)
206 ent ; notre reconnaissance est d’autant plus vive que leurs lignes nous encouragent à persévérer. En ce temps-là, la Suis
207 n ce temps-là, la Suisse romande n’existait guère que sur les cartes, pas même géographiques mais linguistiques — encore qu
208 as même géographiques mais linguistiques — encore qu’ elle englobât deux cantons mixtes et que le petit dernier ne fût pas e
209 — encore qu’elle englobât deux cantons mixtes et que le petit dernier ne fût pas encore né. De tout cela, notre ami Weber-
210 e né. De tout cela, notre ami Weber-Perret fit ce que l’on peut faire de meilleur : une Alliance, et même une alliance cult
211 sûre et peut-être la plus vraie. Voilà le miracle que nous célébrons en ce beau jour de fête et de reconnaissance. q. Ro
10 1982, Articles divers (1982-1985). Un écrivain au service de la cité (24 octobre 1982)
212 nces votre vocation s’est-elle décidée ? Je crois qu’ il faut remonter, pour distinguer l’appel que signifie toute vocation
213 rois qu’il faut remonter, pour distinguer l’appel que signifie toute vocation — et je suis très attaché à cette notion qui
214 itue, soit dit en passant, le thème du seul roman que j’aie jamais écrit — à mes années de formation, entre 15 et 25 ans. D
215 érature. Auparavant, j’avais pensé, curieusement, que je deviendrais un grand chimiste. Je m’y étais exercé dans un laborat
216 de chimie, au Gymnase de Neuchâtel, j’ai compris que ce n’était pas tout à fait ça… Donc je ne jurais que par la littératu
217 ce n’était pas tout à fait ça… Donc je ne jurais que par la littérature, à commencer par la poésie. Dans les poèmes que j’
218 ature, à commencer par la poésie. Dans les poèmes que j’écrivais alors, j’étais influencé par les symbolistes, et Rimbaud s
219 be . En même temps, j’écrivais des essais tout ce qu’ il y a de plus sages. Dans l’un d’entre eux, intitulé « Adieu beau dés
220 le surréalisme figurait en bonne place, estimant qu’ il était du devoir des écrivains d’affronter les problèmes de la crise
221 à, j’ai été plongé dans un bouillonnement d’idées que je n’ai jamais retrouvé par la suite. D’une part, nous faisions décou
222 rl Barth ou Berdiaev. Et puis, des divers groupes que nous formions alors avec une trentaine de jeunes gens venus de tous l
223 les prérogatives de l’État-nation. Mais ce n’est qu’ après la guerre que je me suis lancé dans l’action fédéraliste, laquel
224 e l’État-nation. Mais ce n’est qu’après la guerre que je me suis lancé dans l’action fédéraliste, laquelle m’occupe depuis
225 années. Enfin, je travaille toujours à l’ouvrage que je considère comme la clef de voûte de mon œuvre : une Morale du but
226 ureux et Lettre ouverte aux Européens — autant que par son action d’initiateur du fédéralisme européen, Denis de Rougemo
227 irement, un antinazi de la première heure), celui qu’ André Malraux considérait comme “l’un des hommes les plus intelligents
228 é aux exhortations stimulantes. Le premier, ainsi qu’ il le rappelle avec une insistance frisant la coquetterie, il fonda le
229 ons d’engagement et d’homme libre et responsable, que Sartre reprit à son compte. Là-dessus, ne voyons pas en lui qu’un int
230 rit à son compte. Là-dessus, ne voyons pas en lui qu’ un intellectuel de haut vol, mais également un styliste de premier ord
11 1983, Articles divers (1982-1985). Réponses à des questions de Marcel Proust et de Michel Moret (1983)
231 ait bien les choses. Croyez-vous, comme Rousseau, que l’homme naît bon et que la société le rend mauvais ? L’homme naît ori
232 yez-vous, comme Rousseau, que l’homme naît bon et que la société le rend mauvais ? L’homme naît orienté par ses gènes et pa
233 èle aux ordres de sa vocation unique. Pensez-vous que l’homme soit capable de progrès moral ? Je ne sais. Je le souhaite. C
234 te. C’est le vrai sens de toute vie. Estimez-vous que , dans le monde, les libertés individuelles sont en progression ? Pers
235 terre et plus précisément en Suisse, pensez-vous que notre justice le condamnerait ? Oui, comme objecteur de conscience («
236 de l’homme ? Sa liberté, c’est-à-dire le pouvoir qu’ il prend non sur autrui mais sur soi-même. La réforme que vous admirez
237 rend non sur autrui mais sur soi-même. La réforme que vous admirez le plus ? La christianisation jamais achevée des Églises
238 S. Eliot et Saint-John Perse. Le don de la nature que vous aimeriez avoir ? Une santé qui puisse résister à pas mal d’excès
12 1983, Articles divers (1982-1985). Bertrand de Launay, Le Poker nucléaire : comme brebis à l’abattoir [préface] (1983)
239 ésence. L’équilibre de la terreur, tel est le nom qu’ ils ont inventé pour la paix. Nous disons que cet équilibre ne saurait
240 nom qu’ils ont inventé pour la paix. Nous disons que cet équilibre ne saurait être maintenu jusqu’au bout que par la destr
241 équilibre ne saurait être maintenu jusqu’au bout que par la destruction totale, réciproque et simultanée des partenaires.
242 proque et simultanée des partenaires. Nous disons que cela ne peut que mal finir si l’on ne se décide pas à tout changer to
243 née des partenaires. Nous disons que cela ne peut que mal finir si l’on ne se décide pas à tout changer tout de suite : je
244 En attendant, il devient chaque jour plus évident qu’ à « l’équilibre de la terreur » correspond et répond en écho, à l’éche
245 elle internationale, le terrorisme déstabilisant. Que voulez-vous, l’exemple vient de haut ! II Cassandre toujours fu
246 toujours fut tenue pour responsable des malheurs qu’ elle annonçait. Ainsi va-t-il de ceux qui tentent encore de prévenir c
247 tent encore de prévenir cette « solution finale » que serait, pour l’humanité tout entière, la guerre nucléaire. Ces « paci
248 dès qu’elle est au pouvoir. Il est donc entendu que ceux qui mettent en garde contre le nucléaire, sous toutes ses formes
249 ont manipulés par Moscou. Cette hypothèse suppose que les « pacifistes », c’est-à-dire ceux qui n’aiment pas l’idée d’une f
250 vise le fameux Better red than dead (plutôt rouge que mort) lancé par Bertrand Russell à l’Université de Berkeley (Californ
251 ar être à la fois rouges et morts. » Il est clair que Moscou ne saurait favoriser les antinucléaires qu’à l’Ouest. Aussi bi
252 ue Moscou ne saurait favoriser les antinucléaires qu’ à l’Ouest. Aussi bien, ces derniers ne s’y sont pas trompés : ils favo
253 ochaines conférences de Genève. Vous me répondrez que c’est impossible, car cela désorganiserait l’économie mondiale et fer
254 evise serait-elle : « plutôt la fin de l’Humanité que la ruine de ma société » ? Ou simplement : « plutôt morts que chômeur
255 de ma société » ? Ou simplement : « plutôt morts que chômeurs » ? Cet « impossible » est pourtant seul possible. Avec des
256 s sur tous les continents et les humains étant ce qu’ ils sont, les chances d’éviter dans les années qui viennent accidents
257 e nucléaire est évitable, et nous faisons tout ce qu’ il faut pour qu’elle arrive. Les calculs imbéciles de « l’overkill 
258 n et soviétique) est absurde, et ne peut conduire qu’ à des conclusions probablement fausses dans le domaine militaire, et r
259 . Les totaux perdent toute signification à mesure qu’ ils grandissent, puisque les premiers tirs peuvent être décisifs. Mett
260 les premiers tirs peuvent être décisifs. Mettons qu’ aujourd’hui, les États-Unis aient de quoi tuer 32 000 fois tous les hu
261 es en seraient à 38 000, il est clair, me dit-on, qu’ un effort gigantesque doit être demandé aux industries d’armes américa
262 et l’autre dans l’incommensurable et le non-sens. Que faudra-t-il encore pour que les Grands comprennent cette évidence ari
263 arithmétique : comparer n’a plus aucun sens sitôt qu’ on entre dans le démesuré ? IV. Vous avez dit : « Catastrophisme »
264 s avez dit : « Catastrophisme » ? Vous oubliez que les prophètes sont là pour empêcher les catastrophes que vous prépare
265 prophètes sont là pour empêcher les catastrophes que vous préparez. Dans la tradition antique, je trouve ce dicton latin :
266 tin : Utinam vates falsus sim (Plaise au Ciel que je sois faux prophète) Et dans la tradition biblique, ce soupir déch
13 1983, Articles divers (1982-1985). La Suisse et quelle Europe ? (1983)
267 a me convenait sans doute, j’avais cru comprendre qu’ il s’agirait du problème global de la Suisse et de l’union de l’Europe
268 j’ai tout de suite fait savoir aux organisateurs que sur ce thème je n’avais pas grand-chose à dire, sinon que son énoncé
269 ce thème je n’avais pas grand-chose à dire, sinon que son énoncé me paraissait boiteux. Il invite en effet à mettre en rela
270 Suisse est autre chose — elle est beaucoup plus — que l’économie suisse ; 2° la Communauté économique européenne — même éla
271 gie — est autre chose — elle est beaucoup moins — que l’Europe unie. Les deux titres qui me sembleraient corrects et défend
272 r titre, j’aurais tout de suite à observer ceci : que les réalités économiques qu’il désigne dépendent — quant à leur évalu
273 te à observer ceci : que les réalités économiques qu’ il désigne dépendent — quant à leur évaluation tout au moins — des déf
274 valuation tout au moins — des définitions variées qu’ on peut donner de la Suisse et de l’Europe unie, et leur sont — ou dev
275 ion des valeurs. Et l’Europe est bien autre chose que ce qu’on nomme ainsi à Bruxelles — où la CEE n’est en fait qu’un ense
276 valeurs. Et l’Europe est bien autre chose que ce qu’ on nomme ainsi à Bruxelles — où la CEE n’est en fait qu’un ensemble d’
277 nomme ainsi à Bruxelles — où la CEE n’est en fait qu’ un ensemble d’accords intergouvernementaux en vue d’harmoniser certain
278 artie ouest du continent. À l’illusion économiste que favorise l’emploi du terme « Suisse » sans qualificatif, répond l’ill
279 atif, répond l’illusion politique : elle explique que l’on puisse nommer « Parlement européen » l’assemblée élue pour la pr
280 x. L’illusion politique consiste surtout à croire qu’ à partir de ces mesures éco­nomiques, et par élargissements successifs
281 ’Europe ne s’unit pas. 2. L’Europe ne peut s’unir que selon la formule d’une fédération (à cause de ses diversités et pour
282 les sauvegarder). 3. Toute formule d’union autre que fédérative est incompatible avec l’identité suisse. La question conc
283 u contraire, en y trouvant la garantie renouvelée que cette identité, de la même façon que nos vingt-trois cantons trouvent
284 e renouvelée que cette identité, de la même façon que nos vingt-trois cantons trouvent dans l’article 5 de la Constitution
285 veraineté ». Parmi les divers types d’Europe unie que l’on peut envisager, deux existent au moins formellement : l’Europe d
286 imités par le traité de Rome, il ne me semble pas que des obstacles de principe s’opposent à une participation suisse, pour
287 que celle-ci s’avérerait profitable tant à la CEE qu’ à l’économie suisse. Mais s’il s’agit d’élargir la Communauté économiq
288 u. Si cet élargissement-là (à des domaines autres qu’ économiques) — souvent revendiqué par les parlementaires de l’Assemblé
289 moins capable de se joindre à la fête, ne fût-ce qu’ en vertu de sa neutralité, mais plus encore, et d’une manière plus str
290 nseil de l’Europe est sans pouvoirs. Il ne réunit que des ministres, en fin de compte, non des peuples par leurs élus. C’es
291 compte, non des peuples par leurs élus. C’est lui qu’ il eût fallu élire au suffrage universel. Et doter de pouvoirs élargis
292 À mon sens, c’est du côté du Conseil de l’Europe que la Suisse devrait dès maintenant produire un effort d’imagination, d’
293 -État européen, dont personne ne veut (il ne sert que de punching-ball pour Michel Debré) et sur le modèle de la Ligue défe
294 nations souveraines, où il n’y aurait de sérieux que les USA d’une part, l’URSS de l’autre. Restent deux possibilités théo
295 té de la guerre. La Suisse ne pourrait participer qu’ à une union qui serait elle-même neutre, c’est-à-dire purement défensi
296 us petites unités, signifie très exactement ceci, que le diplomate américain D. Moynihan formulait naguère à propos des Éta
297 n formulait naguère à propos des États-Unis, mais qu’ il est facile de transposer en termes européens : Ne confiez jamais à
298 ité ce qui peut être fait par une plus petite. Ce que la famille peut faire, la municipalité ne doit pas le faire. Ce que l
299 t faire, la municipalité ne doit pas le faire. Ce que la municipalité peut faire, les États ne doivent pas le faire. Et ce
300 t faire, les États ne doivent pas le faire. Et ce que les États peuvent faire, le gouvernement fédéral ne doit pas le faire
301 relle de leur pays. La Suisse ne pourrait adhérer qu’ à une union de type fédéral, ménageant la pleine autonomie des communa
302 défense « en hérisson ») s’est montrée plus forte que les troupes les mieux armées du monde — au Vietnam. b) À stocks égaux
303 ent nécessairement sur les Européens du seul fait que ceux-ci sont 127 au km2 mais les Soviétiques seulement 11. Or les Rus
304 ment 11. Or les Russes sont cent fois mieux dotés que toute l’Europe en missiles stratégiques et bombes tactiques. c) Les «
305 ales de deux ou trois États européens ne feraient qu’ égratigner la Russie, mais elles dévasteraient les villes de l’Allemag
306 tif « dissuasive » n’y change rien. Il me paraît que la Suisse, au lieu de mener un combat en retraite, et d’accepter l’id
307 mener un combat en retraite, et d’accepter l’idée que , finalement, elle sera contrainte de céder, c’est-à-dire d’adhérer à
308 ans plus tarder des initiatives créatrices, ainsi que l’a proposé ici même Mme Bauer-Lagier. On m’objecte que « la Suisse n
309 a proposé ici même Mme Bauer-Lagier. On m’objecte que « la Suisse ne fait pas le poids », « qu’elle est trop petite », etc.
310 objecte que « la Suisse ne fait pas le poids », «  qu’ elle est trop petite », etc. Mais dans ma longue carrière d’historien
311 ère d’historien des idées, je n’ai jamais observé que la justesse et la fécondité d’une seule idée ait dépendu de la taille
312 Galway, Bordeaux. Les progrès ont été si rapides qu’ à Bordeaux, en 1978, on a discuté sérieusement la possibilité d’électi
313 régions d’Europe — et cela dans les termes mêmes que j’avais proposés dès 1972 dans mes articles, conférences et livres. P
314 é et germe de l’union à venir, la Suisse est plus que jamais nécessaire à l’Europe à condition qu’elle reste suisse, qu’ell
315 plus que jamais nécessaire à l’Europe à condition qu’ elle reste suisse, qu’elle garde son identité de fédération fondée sur
316 aire à l’Europe à condition qu’elle reste suisse, qu’ elle garde son identité de fédération fondée sur l’autonomie des commu
317 pas du tout anormal, et peut-être même bénéfique, qu’ elle soit la dernière à rejoindre une union fédérale de nos peuples, d
14 1983, Articles divers (1982-1985). Hitler, l’anti-prophète de notre siècle (10 février 1983)
318 cédent ; six millions de chômeurs ; une inflation qu’ on disait galopante, et c’était trop peu dire, quand l’État émettait d
319 unesse vagabonde, plus radicale et plus charmante que les hippies de demain… Toutes les théories politiques, marxistes ou c
320 Chaos et d’un fils du Chaos. C’est donc d’Hitler qu’ il faut parler. Individu quelconque et quasi nul en soi, phénomène d’e
321 ne. Il fut ces effets, et rien d’autre. Démontrer qu’ il n’a pas existé serait un jeu : père inconnu, cadavre disparu, témoi
322 ussi à entraîner toute sa génération. C’est ainsi que je l’ai senti, éprouvé de tout l’être, enregistré au radar de quelque
323 e chronique du Figaro sur l’occupation de Prague, que nous vivions « les derniers jours du bon vieux temps européen ». Ce f
324 u monde : il ne les connaîtra jamais. Il ne verra que d’aveugles façades… La confrontation stupéfiante de cet homme et de c
325 nécessaire pour faire comprendre au monde entier qu’ il est des victoires impossibles… Enfin, on peut lire dans La Part du
326 es… Enfin, on peut lire dans La Part du diable , que je publiai à New York en 1942, trois ans avant la mort du Führer : H
327 de l’homme qui fit trembler tout l’univers, voici que nous nous écrions avec une stupéfaction mêlée de honte : « Comme il é
328 t petit ! Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères secrètes. » Petit, aliéné, prolétaire 
329 hrer, mais parce que moi je ne suis rien, je n’ai que mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je ne suis qu’un petit homme d
330 mon prestige vis-à-vis de mon peuple ! Je ne suis qu’ un petit homme du commun ! Si je perds mon prestige, je perds tout ! V
331 vous moquer d’un tel article. Mais moi je ne suis qu’ un prolétaire ! » Ce prolétaire en uniforme, ce petit homme du commun,
332 ue nous paraît aujourd’hui bien plus ressemblante que le film polémique composé après coup par le même Chaplin, Le Dictateu
333 n de plus atterrant, dans toutes ses biographies, que la description donnée par son ministre Speer des soirées de Berchtesg
334 sant et empesé autour d’un Führer silencieux, non qu’ il veuille garder secrets ses grands desseins, mais parce qu’il ne sai
335 é en sa présence par un frisson d’horreur sacrée, qu’ il était le siège d’une « domination », d’un « trône », d’un « génie »
336 nt occasions analogues. Voilà le principal de ce que je sais sur Hitler, écrivais-je le lendemain dans mon journal. On peu
337 qui dit cela… D’où lui vient le pouvoir surhumain qu’ il développe pendant un discours ? Une énergie de cette nature, on sen
338 n sent très bien qu’elle ne saurait se manifester qu’ autant que l’individu ne compte plus, n’est que le support d’une puiss
339 s bien qu’elle ne saurait se manifester qu’autant que l’individu ne compte plus, n’est que le support d’une puissance qui é
340 er qu’autant que l’individu ne compte plus, n’est que le support d’une puissance qui échappe à nos psychologies… On me dema
341 de sottement s’il est intelligent. Ne voit-on pas qu’ un homme intelligent, si cela compte en lui le moins du monde, il ne v
342 nous comme un malheur plus étendu et plus profond que l’histoire n’en connut depuis le Déluge. L’issue fatale de l’aventure
343 as la possibilité de son retour, car le mouvement qu’ Hitler sut enflammer dans notre siècle existait en puissance dans l’âm
344 formation de la première société. Hitler n’a fait que lui prêter figure et nom, à l’occasion de son éruption la plus violen
345 e précision le réveil des puissances souterraines qu’ il se propose d’opérer : Tous les grands mouvements de l’Histoire son
346 tler arrivera au pouvoir grâce à la crise démente que j’ai rappelée, anarchie spirituelle, chômage et inflation… Sa parole
347 le, chômage et inflation… Sa parole n’est d’abord que le ressassement de ces malheurs occidentaux et du superlatif malheur
348 noué, renoué. Au sortir du discours de Francfort que j’entends et subis en 1936, j’écris ceci : Je me croyais à un meetin
349 ue manifestation politique. Mais c’est leur culte qu’ ils célèbrent ! Et c’est une liturgie qui se déroule, la grande cérémo
350 ousse avec bien plus de puissance, même physique, que tous ces corps horriblement tendus. Je suis seul et ils sont tous ens
351 guerre de 1939, la majorité des humains savaient qu’ Hitler était le nom d’un désastre imminent et mondial. Pourtant, on ne
352 l. Pourtant, on ne l’a pas arrêté. Voilà le point qu’ il faut élucider. Replaçons-nous dans la situation de l’Europe à la ve
353 rvateurs était la suivante : « Comment se peut-il que des individus ‟normaux” deviennent subitement nazis ? Que des populat
354 individus ‟normaux” deviennent subitement nazis ? Que des populations entières se laissent séduire ? Que dans tous les pays
355 ue des populations entières se laissent séduire ? Que dans tous les pays, pas seulement en Allemagne, des hommes subissent
356 n de cette énigme réside pour moi dans l’évidence que voici : Adolf Hitler, mieux que les communistes et les fascistes, a s
357 i dans l’évidence que voici : Adolf Hitler, mieux que les communistes et les fascistes, a su répondre à la question central
358 du sang et du sol n’est autre chose, selon nous, qu’ un retour offensif du culte cananéen de Baal. D’autres traits y appara
359 ction, un accroissement de puissance. Ce message que , de sa prison, à la veille de la guerre, m’avait fait passer un théol
360 faiblesse frappante de la critique tant libérale que marxiste, dès qu’elle essaie d’analyser le phénomène nazi, provient d
361 que » — le national-socialisme ne pouvait aboutir qu’ à la guerre, dès lors qu’il ne donnait à la communauté d’autre contenu
362 qu’il ne donnait à la communauté d’autre contenu que la haine commune, d’autre contenant que l’État national, et d’autre e
363 e contenu que la haine commune, d’autre contenant que l’État national, et d’autre espoir que le rêve d’une Puissance recouv
364 contenant que l’État national, et d’autre espoir que le rêve d’une Puissance recouvrée aux dépens de la Liberté, la sienne
365 dépens de la Liberté, la sienne propre non moins que celle des autres. Mais le rêve de Puissance totale n’est qu’un cauche
366 es autres. Mais le rêve de Puissance totale n’est qu’ un cauchemar. Une nation ne peut le rêver, le mimer et l’agir que dans
367 . Une nation ne peut le rêver, le mimer et l’agir que dans l’hypnose, celle qui naissait des fêtes sacrales organisées par
368 et des tambours pendant des nuits entières. C’est que la formule totalitaire est à jamais inapplicable : une idée de fou. I
369 d’une partie sur un tout humain. Il n’y a en fait que la puissance d’un parti sur sa propre nation, systématiquement amputé
370 eu de pire ennemi, et il est loin d’être certain qu’ il ait été vaincu ailleurs que dans les ruines de Berlin. Hitler donna
371 loin d’être certain qu’il ait été vaincu ailleurs que dans les ruines de Berlin. Hitler donnait la pire réponse possible, m
15 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : conclusions (1984)
372  : conclusions (1984)ab La première conclusion que je tire de ce colloque de trois jours, c’est notre reconnaissance una
373 ce matin. Ce colloque n’a ressemblé à rien de ce que j’ai connu jusqu’ici. Vous savez comment il est né : de l’envoi à des
374 eur intérêt en envoyant des textes : ce sont ceux que nous avons discutés ici. Il y a donc eu d’une part quelque chose d’al
375 ivation commune qui est peut-être plus importante que celle que l’on trouve dans beaucoup de colloques réunissant professeu
376 mmune qui est peut-être plus importante que celle que l’on trouve dans beaucoup de colloques réunissant professeurs et expe
377 ant professeurs et experts avec leurs convictions que chacun connaît toujours plus ou moins d’avance. Ici, nous sommes dans
378 e milieux, de forme de vie, nous ne sommes pas ce que l’on appelle en allemand des Kongress Tiere, des « bêtes de congrès »
379 ront sortir quelques idées neuves. Je pense aussi que vous serez tous d’accord pour remercier la Fondation Charles Veillon
380 n. Lieu à tous égards privilégié, et je comprends que l’on ait eu l’idée d’y construire cette espèce de couvent avec son cl
381 spèce de couvent avec son cloître et sa chapelle, que nous sommes si heureux d’avoir découvert. Cher Monsieur Veillon, puis
382 -je vous prier de transmettre à vos frères ce vœu que ratifie ma profonde gratitude. Je voudrais maintenant vous dire en qu
383 la guerre. Tout le monde s’est accordé sur l’idée que le sujet le plus important de l’heure, c’était comment faire revivre
384 reçu la visite de deux amis, dont Alexandre Marc, que j’avais bien connu dans le mouvement personnaliste : ils m’ont jeté b
385 près trente-trois ans. Je dois avouer, cependant, que je me suis arrangé pour écrire un peu, en marge de cette seule activi
386 ite d’une série de grandes manifestations, telles que le Congrès de l’Europe à La Haye en 1948 et la Conférence européenne
387 nt pas. Quand les discours exaltent la culture et que le budget la néglige, c’est le budget qui dit la vérité ! Le Centre e
388 moyen de nourrir une action précise, étant donné qu’ aux yeux de nos gouvernements, les choses sérieuses, c’était le Marché
389 culturelles et spirituelles, et qui ne concernait que le seul secteur économique, dans six pays seulement, sur les 23 de l’
390 de l’Ouest. Soit dit en passant : j’estime abusif que l’on parle aujourd’hui du Parlement européen pour désigner l’assemblé
391 ut être dangereuse, parce qu’elle laisse entendre que cette assemblée, à partir de ses prérogatives très réduites devrait s
392 de l’Ouest. (Seule la Finlande, pour des raisons que chacun sait, n’a pu y entrer.) S’il y avait un vrai Parlement europée
393 serait évidemment à celui du Conseil de l’Europe qu’ on devrait donner des pouvoirs législatifs. Tout ceci n’est pas seulem
394 ceci n’est pas seulement une espèce de parenthèse que je referme maintenant, mais entre dans mon projet de vous expliquer c
395 ’enseignement de l’écologie à l’école. J’ai senti qu’ il y avait là un deuxième souffle pour les fédéralistes européens. Dur
396 at, cela peut se perdre, tandis qu’il est évident que ni l’écologie, ni les régions, ni la fédération européenne n’ont d’av
397 aux comités du Centre, et nous savions à peine ce que signifiait le terme ! Un soir donc en 1970, chez lui, près de Morges,
398 la crise du pétrole. Pour faire sentir le danger que représentaient les 16 milliards de dollars — à l’époque c’était trois
399 s de dollars — à l’époque c’était trois fois plus qu’ aujourd’hui — détenus par les Arabes et qu’ils pouvaient jeter sur le
400 s plus qu’aujourd’hui — détenus par les Arabes et qu’ ils pouvaient jeter sur le marché occidental — de telle manière que to
401 jeter sur le marché occidental — de telle manière que toute notre économie en eût été complètement bouleversée —, je prenai
402 à Ferney, le 22 août 1973. Le film n’a pu passer que six mois plus tard, amputé de moitié, parce que quelques semaines apr
403 erre du Kippour et la confirmation concrète de ce que j’annonçais. J’ai dû réécrire toute cette partie de mon livre, que je
404 J’ai dû réécrire toute cette partie de mon livre, que je n’ai pu achever qu’en cinq ans. Je ne m’en plains pas trop, parce
405 cette partie de mon livre, que je n’ai pu achever qu’ en cinq ans. Je ne m’en plains pas trop, parce que cela m’a obligé à m
406 délai imposé par les événements, il s’est trouvé que mon livre, pour une fois, n’arrivait pas trop tôt ! Pendant ce temps,
407 ur m’a dit : « S’il avait paru en juin, peut-être que cela n’aurait pas marché ! » Pour une fois dans ma vie, j’ai eu l’imp
408 » Pour une fois dans ma vie, j’ai eu l’impression que j’arrivais au bon moment ! D’où un succès, attesté entre autres par l
409 Quand on ne sait plus quoi dire, on nous avertit que  : « Le problème soulevé touche la Défense nationale, nous n’en dirons
410 l’humanité comptait 3,5 milliards d’humains) : «  Que pensez-vous qu’il resterait de l’humanité en cas de guerre atomique ?
411 tait 3,5 milliards d’humains) : « Que pensez-vous qu’ il resterait de l’humanité en cas de guerre atomique ? » Il m’a dit :
412 l’abri des radiations ! » Mais, vous imaginez ce qu’ ils seraient ? De pauvres hères, qui chercheraient à se nourrir de cho
413 de trouver une autre forme de communauté humaine que les États-nations, et de la fonder sur une logique du vivant, et non
414 ation de nos existences par la technique qui fait que nous oublions l’humus, qui est la base de tout, comme vient de nous l
415 parce qu’elle sort de partout, et non d’un centre que l’on pourrait détruire avec une bombe. C’est la région qui me paraît
416 is, pendant les dix années qui viennent. Je pense qu’ ensuite il y aura une évolution, tant du côté européen que du côté rus
417 te il y aura une évolution, tant du côté européen que du côté russe, qui fera que le danger s’éloignera probablement. Mais
418 tant du côté européen que du côté russe, qui fera que le danger s’éloignera probablement. Mais il nous faut travailler vite
419 taque massive au-dehors. Au nom du vieux principe que Hegel avait déduit de la Révolution française, « L’État-national — on
420 etrouver par la guerre au-dehors, la tranquillité qu’ il n’a plus au-dedans ». L’Europe, unie — j’insiste — est impossible à
421 er une amicale des misanthropes : c’est une chose que l’on peut écrire mais que l’on ne peut pas faire, car ou bien ces mis
422 ropes : c’est une chose que l’on peut écrire mais que l’on ne peut pas faire, car ou bien ces misanthropes veulent une amic
423 n’avons pas, j’insiste, à le renverser. Je crois qu’ il serait tout à fait illusoire de donner comme but à la jeunesse de s
424 pouvoir. Là encore, c’est un processus biologique que je propose, un processus de germination, de création des régions et d
425 nous a occupés ces deux derniers jours. Je crois que nous avons bien fait de ne pas nous attarder à toutes les définitions
426 de ne pas nous attarder à toutes les définitions que l’on peut donner de la région : régions ethniques, par exemple, selon
427 la non-violence, sauf dans ce cas-là, à condition que ce ne soit pas dirigé contre des hommes, mais contre des relais du po
428 , mais contre des relais du pouvoir central, tels que les tours de télévision en Bretagne, par exemple. Il y a donc toute e
429 ntraîne pas mal de choses, cela veut dire d’abord que c’est petit, car autrement il n’y a pas de participation possible, qu
430 autrement il n’y a pas de participation possible, qu’ elle soit civique, économique ou politique. Il ne faut donc pas vouloi
431 , du Conseil municipal de Neuchâtel, est persuadé que la région, c’est une bonne chose, mais il se pose des questions auxqu
432 tes sur cette notion de géométrie variable, ainsi que M. Naef, qui malheureusement a dû nous quitter hier et dont l’avis m’
433 in ! Je constate, après ces deux jours de débats, qu’ ils m’ont obligé à me poser des questions plus précises, plus concrète
434 écises, plus concrètes sur bien des cas ; mais ce qu’ il faut que je vous avoue c’est que cette notion de régions à géométri
435 s concrètes sur bien des cas ; mais ce qu’il faut que je vous avoue c’est que cette notion de régions à géométrie variable,
436 cas ; mais ce qu’il faut que je vous avoue c’est que cette notion de régions à géométrie variable, à frontières multiples,
437 encouragé par cette phrase du professeur Norton, que j’ai recopiée pour vous la relire à propos des complexités que pose l
438 piée pour vous la relire à propos des complexités que pose la région à géométrie variable. M. Norton écrit : « We need not
439 ouver, on peut surmonter ces complexités à mesure que l’on avance, donc « chemin faisant ». Chemin faisant est une merveill
440 ue quelque chose de très profond pour moi : c’est que le chemin se fait dans la mesure où l’on y marche. C’est en marchant
441 ù l’on y marche. C’est en marchant sur mon chemin que je le crée. « Chemin faisant » est une phrase qui va tout à fait au f
442 s — je ne dis pas encore des réponses — peut-être qu’ il ne faut pas tout résoudre… J’entrevois des solutions possibles dans
443 bles dans trois directions. La première, c’est ce que j’appelle la pluralité des allégeances. J’ai l’habitude, je m’en excu
444 uté de Neuchâtel, qui n’est devenue canton suisse qu’ en 1848. C’est ma patrie, c’est là que ma famille s’est développée, qu
445 nton suisse qu’en 1848. C’est ma patrie, c’est là que ma famille s’est développée, que j’ai passé mes vingt premières année
446 patrie, c’est là que ma famille s’est développée, que j’ai passé mes vingt premières années et que j’ai mes racines, comme
447 pée, que j’ai passé mes vingt premières années et que j’ai mes racines, comme on le dit par une métaphore critiquable mais
448 c’est très joli, mais désormais, tu n’auras plus qu’ une seule allégeance : c’est mon État, et tu vas faire rentrer dans se
449 u ! Vous crieriez tous au fou ! Eh bien, c’est ce que l’État-nation exige de nous, quand il va jusqu’au bout de sa logique.
450 uxième direction : je pars des communes. Je pense que cela résoudrait beaucoup de difficultés, notamment la question : « Où
451 s une région à géométrie variable ? » Si l’on dit que le pouvoir est d’abord aux communes, on peut très bien imaginer que c
452 d’abord aux communes, on peut très bien imaginer que celles-ci se groupent librement pour exercer une certaine fonction :
453 tions multiples, qui donnent déjà une image de ce que pourrait être cette géométrie variable. De même, plusieurs communes p
454 ire de l’ancienne approche, l’économique d’abord, que nous devons dépasser. Car, comme on l’a dit ce matin, les villes, au
455 la réalité. Alors, je pense en écoutant M. Birre qu’ il y aurait peut-être quelque chose à chercher dans ce sens ; noyau fe
456 tout de même, à la base du fédéralisme et quelle que soit l’infinie complexité de ses réalisations, un principe très simpl
457 alisations, un principe très simple qui est celui que l’on a appelé dans les écoles sociologiques catholiques de la fin du
458 ement la règle de formation du fédéralisme, telle que l’a exprimée le sénateur américain, David Moynihan. Sa formulation s’
459 ité ce qui peut être fait par une plus petite. Ce que la famille peut faire, la municipalité ne doit pas le faire, ce que l
460 t faire, la municipalité ne doit pas le faire, ce que la municipalité peut faire, les États — (je dirais les régions) — ne
461 ais les régions) — ne doivent pas le faire, et ce que les États — (les régions) — peuvent faire, le gouvernement fédéral ne
462 toroutes. On peut aller plus loin, naturellement, que la fédération européenne. Un certain nombre de tâches sont trop grand
463 inquièmes et les forêts un cinquième de l’oxygène que nous respirons. Comme nous sommes en train de détruire les deux, je n
464 imum d’agences fédérales mondiales, qui ne feront que cela, mais qui le feront bien, qui auront un pouvoir clairement limit
465 leur domaine. Je voudrais insister, car je crois que cela est important pour tout notre propos, sur l’absence de contradic
466 les spécificités locales, les différences quelles qu’ elles soient, et la volonté de se fédérer en ensembles toujours plus v
467 aucoup de gens voient là une contradiction. C’est qu’ ils ont l’esprit mal formé par Descartes ! Il n’y a aucune contradicti
468 mot commune, qui est tellement riche. Les choses que l’on a en commun, les choses communes de la vie de tous les jours, la
469 ilà qui m’a toujours frappé. D’autant plus frappé que l’un des premiers ouvrages philosophiques et peut-être le seul qui m’
470 vérité philosophiques. On n’arrive à l’universel que par l’extrême du particulier. Donc, s’occuper des communes, vouloir q
471 articulier. Donc, s’occuper des communes, vouloir qu’ elles soient libres et responsables d’elles-mêmes, ce n’est pas du tou
472 ointe du clocher, rejoindre l’universel. Je crois que cela, c’est la philosophie qui doit être à la base de tout ce que nou
473 la philosophie qui doit être à la base de tout ce que nous imaginons de la région. Cela a été en tout cas à la base de ce q
474 la région. Cela a été en tout cas à la base de ce qu’ avec mes amis Mounier, Alexandre Marc, Aron et Dandieu, nous avons lan
475 au contraire, l’un était la condition de l’autre. Qu’ on ne me dise pas que tout cela est utopique, car au contraire, nous,
476 ait la condition de l’autre. Qu’on ne me dise pas que tout cela est utopique, car au contraire, nous, les régionalistes-éco
477 conclure sur l’Europe. Il me paraît significatif que dans ce colloque, il se soit trouvé que le premier rapport, celui de
478 nificatif que dans ce colloque, il se soit trouvé que le premier rapport, celui de M. Hell, portait sur des choses culturel
479 ’est une donnée de base, l’union, c’est une chose que l’on fait, que l’on bâtit, volontairement — l’unité donc, sur laquell
480 de base, l’union, c’est une chose que l’on fait, que l’on bâtit, volontairement — l’unité donc, sur laquelle nous pouvons
481 commune, nous les Européens. Je vous rappelle ce que Paul Valéry a écrit là-dessus (et qui devrait être complété) : « Est
482 près de nous, et qui ont recouvert le tout. Mais que de contradictions entre ces origines ! Peut-être peut-on dire que ce
483 tions entre ces origines ! Peut-être peut-on dire que ce qui rend la culture européenne tellement créatrice, c’est qu’elle
484 la culture européenne tellement créatrice, c’est qu’ elle est tissée d’antinomies. La foi qui sauve, c’est chrétien, mais l
485 e base de la construction européenne. Je voudrais que l’on continue à faire une propagande quotidienne contre l’idée de bât
486 r les rythmes de mobilité des principaux facteurs que l’on évoque dans la construction politique de l’Europe. Il y a les qu
487 — et les questions économiques, pour n’en prendre que trois. J’ai trouvé, et vous pouvez facilement le vérifier, que le ryt
488 ai trouvé, et vous pouvez facilement le vérifier, que le rythme de variabilité des langues est de l’ordre du millénaire. Pr
489 dans nos patois. Les mots de patois neuchâtelois, que je sais de mon école primaire, je m’amuse à les échanger avec des gen
490 ’importe quoi ! Le chant national des Genevois Cé qu’ è lainô est du pur franco-provençal. Quelque chose de tout cela subsis
491 varié au xxe siècle. Mais on est étonné de voir que ce rythme de mobilité est au maximum centenaire. Donc rythme millénai
492 ême pas de dix ans, plutôt de cinq ans. Il suffit que vous implantiez une usine dans une région pour changer complètement s
493 aser l’Europe, cette immense construction, sur ce qu’ il y a de plus fragile, de plus variable, et qui peut être ruiné : l’é
494 tal à mon sens, de M. et Mme André Birre, avec ce qu’ ils nous ont appris sur l’humus, qui donne vraiment et symboliquement
495 Juillet et beaucoup d’autres parmi vous. Je crois que nous sommes tous d’accord là-dessus. Je crois aussi qu’il faudrait él
496 us sommes tous d’accord là-dessus. Je crois aussi qu’ il faudrait élargir les applications de ce principe, et je vois là la
16 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : réponse à Raimondo Strassoldo (1984)
497 imondo Strassoldo insiste amicalement sur le fait qu’ il concorde à 95 % avec moi. Si vous ne gardez pas cela à l’esprit, vo
498 rdez pas cela à l’esprit, vous aurez l’impression que c’est une proportion inverse qu’évoque la lecture de son texte et qu’
499 rez l’impression que c’est une proportion inverse qu’ évoque la lecture de son texte et qu’il n’est d’accord avec moi sur à
500 tion inverse qu’évoque la lecture de son texte et qu’ il n’est d’accord avec moi sur à peu près rien ! En réalité, je le con
501 voir vous rappeler, sans je crois lui faire tort, que tout d’abord, il est italien et qu’il aime s’amuser ; que son papier,
502 i faire tort, que tout d’abord, il est italien et qu’ il aime s’amuser ; que son papier, comme il le dit, ne pourra pas appo
503 d’abord, il est italien et qu’il aime s’amuser ; que son papier, comme il le dit, ne pourra pas apporter uniquement des lo
504 le-là ! — mais va se concentrer sur les critiques que l’on pourrait faire, de manière, dit-il, à approfondir et clarifier l
505 eur sur quelques points. Je dirai pour simplifier que son papier est un exercice de « grève du zèle » comme les douaniers l
506 ctions qui pourraient venir sur tel ou tel point, qu’ il se forme à lui-même avec une imperturbable intelligence, et que sou
507 lui-même avec une imperturbable intelligence, et que souvent je me forme encore à moi-même, et de les pousser à bout, jusq
508 i-même, et de les pousser à bout, jusqu’à montrer que finalement, rien n’est possible. C’est un jeu qui peut être instructi
509 é de l’État Selon R. Strassoldo, les critiques que je fais à l’État-nation ne sont pas suffisantes, car c’est tout le sy
510 fisantes, car c’est tout le système international qu’ il faudrait réformer en même temps. L’Europe est trop petite pour que
511 ne réformerait rien dans le monde si l’on disait que l’on ne peut entreprendre une réforme que si l’on est sûr qu’elle est
512 disait que l’on ne peut entreprendre une réforme que si l’on est sûr qu’elle est réalisable partout ! C’est la première dé
513 peut entreprendre une réforme que si l’on est sûr qu’ elle est réalisable partout ! C’est la première démarche de l’utopisme
514 etite échelle » des sociétés Il pose au départ que les grands systèmes permettent seuls le haut niveau de vie. C’est sim
515 e, s’il faut absolument trouver une autre formule que celle de l’État-nation, c’est parce que l’État-nation n’est justement
516 tion n’est justement plus capable de maintenir ce qu’ il promettait : ces hauts niveaux de vie, cet emploi général, ce maint
517 cupera d’autre chose ! » Strassoldo le sait mieux que personne, ayant été l’un des promoteurs de cette belle région transfr
518 de et de la petite échelle, il y a deux-cents ans que Rousseau a réfuté le sophisme, qui équivaudrait à exclure la possibil
519 conflits de frontière Personne n’a jamais dit que le système des régions éliminerait tous les conflits. À mon sens, il
520 ssez petites pour qu’elles soient maîtrisables et que les conflits puissent devenir productifs au lieu d’être tout simpleme
521 raînements religieux, qui ont donné les résultats que vous voyez autour de nous, que se sont dressés les personnalistes des
522 onné les résultats que vous voyez autour de nous, que se sont dressés les personnalistes des années 1930, et ensuite les fé
523 rard ! Vous vous doutez bien que ce n’est pas ici que nous trouverons des réponses à ce genre de questions. D’ailleurs, cer
524 nt fort ambiguës. Il laisse entendre quelque part que le personnalisme aboutirait à l’exclusion du sacré. Je ne vois pour m
525 sées du fédéralisme et du régionalisme, je dirais qu’ aujourd’hui ce ne peut être que la paix — la lutte pour la paix — étan
526 nalisme, je dirais qu’aujourd’hui ce ne peut être que la paix — la lutte pour la paix — étant donné l’équation que nous som
527 — la lutte pour la paix — étant donné l’équation que nous sommes bien obligés de faire entre l’État-nation et la guerre. L
528 Si vous voulez absolument un mythe, c’est le seul que je puisse proposer. V. Des contradictions entre régions « économiq
529 ldo voit des contradictions, ou plutôt il imagine que l’on pourrait en voir, entre les régions économiques compétitives et
530 d’incompatibilité entre les deux choses, à moins qu’ on ne les caricature chacune dans son domaine, et une fois de plus, qu
531 re chacune dans son domaine, et une fois de plus, qu’ on fasse la grève du zèle des concepts, qu’on les « absolutise », aprè
532 plus, qu’on fasse la grève du zèle des concepts, qu’ on les « absolutise », après quoi, évidemment, il ne reste plus aucun
533 Il demande, c’est une forme de phrase : « Est-ce que la participation correspond à un besoin réel des citoyens ? » Non ! E
534 l avec un peu d’ironie dans le ton. D’une manière que je crois être purement provocante de sa part, il répète cette phrase 
535 t tout à fait inutiles. Il dit aussi par exemple, que les vastes surfaces de panneaux producteurs d’énergie solaire sont dé
536 de panneaux solaires ? Cela me rappelle un débat que j’ai eu une fois, tout à fait improvisé, après la fin d’un congrès fé
537 tricité de France, qui disait : « Mais savez-vous que les surfaces qu’il faudrait pour créer l’équivalent en énergie solair
538 , qui disait : « Mais savez-vous que les surfaces qu’ il faudrait pour créer l’équivalent en énergie solaire d’une grande ce
539 ormée de militants fédéralistes, ont répliqué : «  Qu’ est-ce que c’est que cette obsession des grandes centrales ? L’intérêt
540 ilitants fédéralistes, ont répliqué : « Qu’est-ce que c’est que cette obsession des grandes centrales ? L’intérêt de l’éner
541 édéralistes, ont répliqué : « Qu’est-ce que c’est que cette obsession des grandes centrales ? L’intérêt de l’énergie solair
542  ? L’intérêt de l’énergie solaire c’est justement qu’ elle nous dispense des grandes centrales et qu’elle peut être dispersé
543 nt qu’elle nous dispense des grandes centrales et qu’ elle peut être dispersée chez tout le monde, même jusqu’aux maisons, j
544 d’essayer d’opposer les deux choses, sans compter que scientifiquement, cela ne « tient pas le coup » une seconde de dire q
545 cela ne « tient pas le coup » une seconde de dire qu’ une vaste centrale solaire couvrirait 3 départements français. Lesquel
546 es de jeunes Strassoldo dit, ce qui est juste, que c’est un phénomène important. Il cite Longo Maï que j’ai cité dans mo
547 e c’est un phénomène important. Il cite Longo Maï que j’ai cité dans mon livre. Il ajoute : « Mais je ne crois pas qu’il y
548 ans mon livre. Il ajoute : « Mais je ne crois pas qu’ il y ait là une solution définitive aux problèmes de l’humanité. » On
549 anité ! » Ensuite, il commet une erreur en disant qu’ une communauté comme celle de Longo Maï est un retour à la nature. C’e
550 s fédératifs suisse et yougoslave Je dois dire que je n’ai pas pensé une seconde au modèle yougoslave — si même il y en
551 rer certaines leçons positives ou négatives. Mais que je parle de région et de participation civique, il est bien entendu q
552 et de participation civique, il est bien entendu qu’ il ne s’agit de rien de comparable aux cantons suisses, qui sont les c
553 des obstacles y relatifs À ce sujet, une note que je ne peux qu’approuver : « L’ennemi du fédéralisme n’est pas la tech
554 y relatifs À ce sujet, une note que je ne peux qu’ approuver : « L’ennemi du fédéralisme n’est pas la technocratie, mais
555 e avoir toujours dit et décrit le contraire de ce qu’ il m’est ici reproché d’avoir défendu ou attaqué. Je crois que Strasso
556 ici reproché d’avoir défendu ou attaqué. Je crois que Strassoldo a tort d’invoquer la théorie de Konrad Lorenz sur le terri
557 , dans une abondante littérature, elle n’oubliait qu’ une chose : c’est que l’homme est un animal et non pas un légume ! Il
558 littérature, elle n’oubliait qu’une chose : c’est que l’homme est un animal et non pas un légume ! Il existe d’ailleurs un
17 1984, Articles divers (1982-1985). Autour de l’Avenir est notre affaire : remarques sur la note de Stanley Maron (1984)
559 ley Maron appellent de ma part les mises au point que voici, très brièvement formulées. 1. La communauté, dit-il, ne peut ê
560 lle se dissocie de toute responsabilité. Je crois que l’homme n’est libre (dans une communauté) qu’à la mesure où il est en
561 ois que l’homme n’est libre (dans une communauté) qu’ à la mesure où il est en fait responsable, et vice versa (tous les jur
562 ur ceux qui choisissent librement ce mode de vie, que je ne choisirais pas, pour la raison que la liberté de mouvement me p
563 de vie, que je ne choisirais pas, pour la raison que la liberté de mouvement me paraît aussi nécessaire que ce « droit à l
564 a liberté de mouvement me paraît aussi nécessaire que ce « droit à l’enracinement » sur lequel Ortega y Gasset a écrit de b
565 m ont de très grandes vertus, mais ne comprennent que 3 % de la population d’Israël, et c’est très bien ainsi. Cependant, i
18 1984, Articles divers (1982-1985). Les Rougemont de Saint-Aubin [préface] (1984)
566 travail de Jacqueline et Pierre-Arnold Borel, ce que je ressens d’abord est un vertige de chiffres. Nous avons chacun 2 pa
567 s’en tient pas là : il nous signale avec sobriété qu’ à la trente-troisième génération, il y aurait 8,5 milliards d’ancêtres
568 , la tradition orale, familiale, qui seule ferait que nous puissions nous sentir descendants de tous ces grands noms. Combi
569 ants de tous ces grands noms. Combien je voudrais que me soient parvenues, du fond des siècles, des « histoires de famille 
570  ! » Mais si les noms sont vérifiés, les chiffres que je viens de citer sont, de toute évidence, « impossibles », bien qu’e
571 e Charlemagne, la Terre entière ne devait compter qu’ une ou deux-centaines de millions d’habitants, et l’Europe, moins de q
572 ’Europe, moins de quinze millions. Or, il est sûr que nos ancêtres furent tous des Européens, non des nègres ni des ni des
573 d’Osterwald et de Pury (plus haut, de Bonstetten) que le nombre théorique des aïeux différents fond comme neige au soleil,
574 tous les Neuchâtelois sont cousins, d’autant plus qu’ on remonte dans le temps. Le tableau des origines géographiques de no
575 leau des origines géographiques de nos aïeux, tel que le dresse notre généalogiste — et je ne saurais trop l’en féliciter —
576 ose une seconde conclusion, plus imprévue : c’est qu’ à chaque génération d’ancêtres, dans bien des familles de ce pays, on
577 familles de ce pays, on trouve autant d’étrangers que de Neuchâtelois et de Suisses additionnés. Prenons l’exemple de la gé
578 trouvent dans les générations antérieures, encore que le nombre d’« inconnus » augmente, surtout parmi ceux-là qui viennent
579 ne de l’Europe des régions, et dans ma conviction que les habitants de l’Europe, avant d’être sujets d’un de nos États-nati
580 it rire un Flamand d’avant Napoléon en lui disant qu’ il serait « Belge » et l’on eût scandalisé un Bavarois ou un Saxon en
581 s leur descendance. Mais j’y reviens : apprendre que je descends, à travers le numéro I 33.925, de deux empereurs du Saint
582 n humour, alliés à un sens politique qui a permis que nous devenions Suisses. L’arrière-grand-mère Philippine du Buat et, p
583 mtoise, dont mon père m’a souvent parlé, au point que j’ai baptisé la maison que nous habitons aujourd’hui « La Chevance »,
584 ouvent parlé, au point que j’ai baptisé la maison que nous habitons aujourd’hui « La Chevance », parce que la devise des vi
19 1984, Articles divers (1982-1985). L’Europe et les intellectuels (1984)
585 Denis de Rougemont, de tous les intellectuels que j’ai interrogés jusqu’ici sur l’idée qu’ils se font de l’Europe, vous
586 lectuels que j’ai interrogés jusqu’ici sur l’idée qu’ ils se font de l’Europe, vous êtes celui qui s’affirme le plus comme «
587 stez-vous un « Européen militant » ? Il me semble que tout m’y a conduit, à commencer par ma naissance. Dès mon enfance, j’
588 t je voudrais vous lire ces quelques lignes : Ce qu’ on touche — et ce qu’on imagine, le pays qui nous tient par les pieds,
589 re ces quelques lignes : Ce qu’on touche — et ce qu’ on imagine, le pays qui nous tient par les pieds, par le cœur, et le r
590 rassemblement des nations invisibles, on nous dit que tout les oppose, qu’il faut choisir l’un contre l’autre, et qu’entre
591 ions invisibles, on nous dit que tout les oppose, qu’ il faut choisir l’un contre l’autre, et qu’entre ces amours il n’est q
592 ppose, qu’il faut choisir l’un contre l’autre, et qu’ entre ces amours il n’est que de la haine. Comment un Suisse le croira
593 n contre l’autre, et qu’entre ces amours il n’est que de la haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me sens presque
594 t chez moi dans l’Europe franco-germanique, c’est que d’abord je l’ai trouvée dans ma famille, où tant de traditions se cro
595 … Pendant ces années d’adolescence, je ne croyais qu’ à la poésie, puis j’ai découvert la théologie avec Karl Barth, dans la
596 is dans un sens du terme assez différent de celui que lui donnait Valéry, quand il affirmait qu’est européen tout ce qui a
597 celui que lui donnait Valéry, quand il affirmait qu’ est européen tout ce qui a été marqué par Athènes, Rome et Jérusalem.
598 st en somme surtout à ces trois dernières sources que je dois d’en être venu à découvrir, dans les années 1930, que l’Europ
599 d’en être venu à découvrir, dans les années 1930, que l’Europe était la vraie patrie de l’amour, en tout cas de cette forme
600 de l’amour, en tout cas de cette forme de l’amour qu’ est la passion, inconnue ou condamnée dans toutes les autres grandes c
601 itié des critiques américains, pendant les années que j’ai passées là-bas, de 1941 à 1947. Vous avez dit et écrit à plusieu
602 1947. Vous avez dit et écrit à plusieurs reprises que c’est en Amérique que vous avez découvert l’Europe. Comment cela s’es
603 écrit à plusieurs reprises que c’est en Amérique que vous avez découvert l’Europe. Comment cela s’est-il passé ? De deux
604 ucoup d’écrivains, d’intellectuels et d’artistes, que je fréquentais ou aurais pu fréquenter à Paris dans les années 1930,
605 Saint-John Perse, mais aussi des philosophes tels que Georges Gurvitch et Jacques Maritain, des peintres comme Marcel Ducha
606 e, et une nostalgie lancinante, révélatrice de ce que nous avions perdu et que nous ne pourrions retrouver un jour que si l
607 nante, révélatrice de ce que nous avions perdu et que nous ne pourrions retrouver un jour que si l’Autre était battu… Une i
608 perdu et que nous ne pourrions retrouver un jour que si l’Autre était battu… Une idée nous orientait tous : si jamais nous
609 uelques mots. Nous partions d’une idée de l’homme que nous appelions la personne, opposée à l’individu sans attaches, comme
610 vain qui prétend parler de son époque est engagé, qu’ il le sache ou non. Tel était le sujet des premiers chapitres de mon p
611 reste s’ensuit : la personne ne se prouvant libre qu’ à la mesure de ses prises de responsabilités dans la communauté, cela
612 la communauté, cela ne peut se faire pratiquement que dans de petites communautés d’abord, les communes. À mesure que les d
613 tites communautés d’abord, les communes. À mesure que les dimensions des tâches sociales s’accroissent, les communautés s’é
614 de leur sympathie européenne, et sur la méfiance qu’ ils ont ressentie après la guerre à l’égard d’une Europe qui leur semb
615 ur moi, rentrant en Europe après des années de ce que je considérais comme un exil, je n’avais qu’une idée, qui était de fé
616 e ce que je considérais comme un exil, je n’avais qu’ une idée, qui était de fédérer les Européens pour leur propre salut et
617 rd, je crois, avec les autres conférenciers, tels que Karl Jaspers, Julien Benda, Georges Bernanos, Stephen Spender et même
618 , le Hongrois Georg Lukács, j’ai soutenu la thèse que le sort de la paix dépendait désormais d’une union — que je souhaitai
619 sort de la paix dépendait désormais d’une union — que je souhaitais fédérale, c’est-à-dire respectueuse des autonomies — en
620  l’Attitude fédéraliste », et le succès a été tel que je me suis vu en quelque sorte catapulté dans un rôle de porte-parole
621 du fédéralisme européen. Pas question une seconde que je me dérobe, étant l’auteur du concept d’engagement de l’écrivain et
622 onsable ou « libre et engagé » selon les formules que j’avais lancées dans les années 1930, et dont on me disait maintenant
623 les années 1930, et dont on me disait maintenant que c’étaient les mots d’ordre de l’existentialisme. Une phrase me revena
624 gardé la chose. J’ai dit à mes amis fédéralistes que j’étais prêt à consacrer à leur campagne deux ans de ma vie, aux dépe
625 urtin de la politique. Dans une série de réunions que j’avais convoquées à Paris, à Genève, à Royaumont, à la Chambre des c
626 non seulement le Rapport culturel, mais bien plus que cela : « Le Message aux Européens », qui devait clôturer le congrès,
627 turer le congrès, et dont j’avais exigé et obtenu qu’ il fût rédigé par moi au nom de ma commission. J’étais embarqué. Avez-
628 ribué à ses travaux préparatoires des hommes tels que Bertrand Russell, Étienne Gilson, Charles Morgan, Carlo Schmidt, pour
629 on, Charles Morgan, Carlo Schmidt, pour ne nommer que quelques seigneurs, mais aussi un archevêque représentant le Vatican,
630 ils nationaux du Mouvement européen. Le même team qu’ à La Haye, c’est-à-dire Madariaga président, Rougemont rapporteur géné
631 on administrateur, d’un projet bien ambitieux, et qu’ on n’imagine pas confié à un écrivain. Qu’avez-vous pu réaliser, ou es
632 eux, et qu’on n’imagine pas confié à un écrivain. Qu’ avez-vous pu réaliser, ou essayé de réaliser pendant les trente-trois
633 u essayé de réaliser pendant les trente-trois ans que vous avez passés à la tête du Centre, soit comme son directeur, soit
634 aute de temps. Je mentionnerai d’abord deux idées que j’ai lancées et qui se sont réalisées grâce au Centre mais hors de lu
635 présidée par le prince Bernhard des Pays-Bas, et que j’ai instituée et dirigée au siège de notre Centre d’abord, pendant d
636 ités politiques, financières, économiques, telles que Robert Schuman, ancien président du Conseil, Marcel van Zeeland, prés
637 de l’Ouest — il vaut la peine de souligner ce cas que je crois unique ; l’Association des instituts d’études européennes, d
638 ssi des pays de l’Est, souvent plus « européens » que nous-mêmes. Mais vous, Denis de Rougemont, comme écrivain, pendant ce
639 s sur l’Europe et ses problèmes spécifiques, tels que L’Europe en jeu , Vingt-huit siècles d’Europe , Lettre ouverte aux
640 et plusieurs tomes de mon Journal d’une époque , que j’espère pouvoir achever avec Journal d’un Européen l’année prochaine
641 beaucoup moins passionnés par le sort de l’Europe que ceux de votre génération et de celle des grands aînés que vous avez c
642 de votre génération et de celle des grands aînés que vous avez cités. Est-ce à vos yeux décourageant ? Il est certain que
643 . Est-ce à vos yeux décourageant ? Il est certain que les écrivains, les philosophes et les sociologues — sinon les scienti
644 sition successives de J.-P. Sartre. Dans le texte qu’ il m’avait envoyé pour la conférence de Lausanne, Sartre expliquait qu
645 pour la conférence de Lausanne, Sartre expliquait que la culture française ne serait sauvée qu’avec la culture européenne e
646 liquait que la culture française ne serait sauvée qu’ avec la culture européenne et par elle, mais que la culture européenne
647 e qu’avec la culture européenne et par elle, mais que la culture européenne ne serait sauvée, à son tour, que par l’union p
648 culture européenne ne serait sauvée, à son tour, que par l’union politique et économique de l’Europe. Bien, très bien même
649 ers-monde, car « l’Européen n’a pu se faire homme qu’ en fabriquant des esclaves et des monstres ». Il va jusqu’à dire que l
650 es esclaves et des monstres ». Il va jusqu’à dire que les Européens n’ont édifié leurs cathédrales (sic) que grâce à l’expl
651 es Européens n’ont édifié leurs cathédrales (sic) que grâce à l’exploitation colonialiste du tiers-monde4 ! Ce cas est au m
652 us devez vous sentir moins entouré, moins soutenu que ce n’était le cas dans l’immédiat après-guerre ? Comme écrivain europ
653 onsommation des mass médias et à rien d’autre. Ce qu’ on prépare avec méthode, c’est la guerre nucléaire — la fin de l’human
654 lle fait sienne, dans sa majorité, le mot d’ordre que je lui ai proposé : Écologie, régions, Europe fédérée : même avenir.
655 urra faire son union, qui est un acte volontaire, que sur la base de l’unité de sa culture commune, qui est une réalité don
656 ous me dire ? À cette question, je réponds depuis que j’agis, et au nom de l’Europe fédérale fondée sur sa culture commune 
20 1984, Articles divers (1982-1985). Informatique, société, sagesse (1984)
657 Orwell, à mon sens, n’a pas été le vrai prophète que l’on célèbre à l’unisson. Et cela pour deux motifs d’ordres très diff
658 pprend en effet, page 223 de l’édition française, qu’ au moment où se déroule l’action de son roman, l’Europe entière a été
659 e par les Amériques. Et il écrit en novembre 1939 que « la guerre qui vient de commencer va marquer l’effondrement du capit
660 n de se réaliser. Orwell écrit son livre en 1948. Que s’est-il passé cette année-là ? Au moment même où, sans le moindre co
661 rts la création d’une fédération européenne ainsi que « les hommes et les gouvernements qui travaillent à cette œuvre de sa
662 onc l’Europe sacrifiée sans combat par Orwell. Et qu’ en est-il du christianisme, de cette « culture chrétienne libérale » q
663 ianisme, de cette « culture chrétienne libérale » qu’ il abandonne elle aussi, et sans plus de regrets apparents ? C’est ell
664 n « Utinam vates falsus sim ! », « Plaise au ciel que je sois faux prophète ! », ou comme Jérémie : « Seigneur, tu le sais 
665 n peuple des voies qui conduisent au désastre. Ce qu’ il prêche, c’est la voie nouvelle du salut, la conversion, qui est le
666 t de la démission de l’esprit, devant des menaces qu’ il contribuerait à rendre fatales en les décrivant telles. Chez Orwell
667 animer. Mais je n’en dirai pas moins l’admiration que je porte à la prescience de George Orwell quand il s’agit de nous fai
668 e liberté. Orwell a pressenti l’avenir effrayant qu’ allaient rendre possible à bref délai deux développements des sciences
669 ogies de pointe, dont il n’a pu connaître en 1948 que les balbutiements : je veux parler des armes nucléaires et des téléco
670 rases capitales dans lesquelles Orwell a prévu ce que nous sommes en train de vivre dans nos États-nations de l’Occident gu
671 dans nos États-nations de l’Occident guère moins que dans les régimes totalitaires3, car il faut être deux pour jouer à ce
672 , dit-il, « leurs effets seraient si dévastateurs qu’ ils rendraient impossibles toutes représailles ». Mais il est entendu
673 e la convention fondamentale de toute l’affaire — qu’ il est « impossible que cette guerre soit jamais décisive ». À cette f
674 ntale de toute l’affaire — qu’il est « impossible que cette guerre soit jamais décisive ». À cette fin, « les forces sont é
675 e, nous en sommes peut-être beaucoup plus proches qu’ on ne le croit. Orwell ne pouvait connaître en 1948 que la possibilité
676 ne le croit. Orwell ne pouvait connaître en 1948 que la possibilité, non la réalité vécue de la TV dans tous les ménages.
677 he, à toutes les heures du jour et de la nuit, où que nous allions, dans nos foyers, dans nos bureaux ou ateliers, dans les
678 du Pouvoir, soit contre lui, mais sur les thèmes qu’ il a choisis. Il y a là, beaucoup plus qu’on ne le croit, une entrepri
679 thèmes qu’il a choisis. Il y a là, beaucoup plus qu’ on ne le croit, une entreprise permanente de « prise du pouvoir sur le
680 l’ordinateur d’être l’agent, alors qu’il n’en est que l’outil. Soyons bien clairs. Le simple fait de mettre en fiches les
681 re en fiches les citoyens pour toutes fins autres que d’état civil, de fisc, d’assurances sociales, ou bien sûr d’actes cri
682 otalitaire d’un gouvernement, si « démocratique » qu’ il se prétende par ailleurs. C’est là que réside le vrai danger, non d
683 atique » qu’il se prétende par ailleurs. C’est là que réside le vrai danger, non dans l’ordinateur, qui n’est qu’un instrum
684 le vrai danger, non dans l’ordinateur, qui n’est qu’ un instrument permettant de consulter plus vite des fichiers plus comp
685 fichiers plus complets et prenant moins de place que les anciens fichiers manuels, mais que les Pouvoirs seuls ont établi
686 s de place que les anciens fichiers manuels, mais que les Pouvoirs seuls ont établi et dont ils sont seuls responsables. Ce
687 données sur mon compte et même sur mes opinions, que la volonté de « programmer » ces opinions ; — c’est moins un B. B. qu
688 s ; — c’est moins un B. B. qui sait tout sur moi, qu’ un B. B. qui entend manipuler ma liberté en m’imposant son angle de vi
689 la transparence de ma vie aux yeux des Pouvoirs, que l’opacité de ces Pouvoirs aux yeux du peuple. Bien sûr, le minimum lé
690 se étant l’attaque, dit-on, j’oserai donc avancer que je fonde quelque espoir dans l’extrême vulnérabilité du secret des ré
691 de semaine sans que les journaux nous apprennent que des gamins de 16 ou 17 ans ont « pénétré » les codes d’une banque, d’
692 r est un outil, on ne peut pas l’accuser des abus que l’homme en fait. Au lendemain d’Hiroshima, en conclusion d’un petit l
693 bord à New York, j’avais écrit le Post-scriptum que voici : Un dernier mot, et dire que j’allais l’oublier ! La Bombe n’
694 st-scriptum que voici : Un dernier mot, et dire que j’allais l’oublier ! La Bombe n’est pas dangereuse du tout : c’est un
695 clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’ on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut c’est un c
696 e. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’ il nous faut c’est un contrôle de l’homme. Une correction me paraît a
697 r qui, lui, peut être employé pour le bien autant que pour le mal. On a beaucoup dit qu’il favoriserait non seulement la su
698 le bien autant que pour le mal. On a beaucoup dit qu’ il favoriserait non seulement la surveillance policière des opinions p
699 surveillance policière des opinions privées, mais qu’ il serait l’outil idéal de la centralisation étatique, économique auta
700 de la centralisation étatique, économique autant que politique. Pour ma part, je le vois et le veux surtout fait pour favo
701 des fonctionnaires — de gérer des régions telles que je les souhaitais, c’est-à-dire à « géométrie variable » selon les fo
702 démonstration faite ailleurs, du secours décisif que les ordinateurs peuvent apporter à la cause du fédéralisme européen,
703 elui de l’emploi et du chômage, pour illustrer ce que je considère comme le défi tragique que pose l’informatique à l’ensem
704 ustrer ce que je considère comme le défi tragique que pose l’informatique à l’ensemble de nos industries : création ou dest
705 at ne s’appelle pas libération mais bien chômage. Qu’ on m’explique pourquoi ? Et j’attends, depuis plus de cinquante ans, l
706 ation. On y répond généralement par des arguments que je connais depuis environ vingt-cinq ans, quand on ne parlait encore
707 nviron vingt-cinq ans, quand on ne parlait encore que « d’automation » et « d’usines sans ouvriers ». Je disais : que ferez
708 tion » et « d’usines sans ouvriers ». Je disais : que ferez-vous des ouvriers « libérés » ? On me répondait : nous allons l
709 progrès technique crée au moins autant d’emplois qu’ il en supprime et ceux qui le nient sont des faibles d’esprit. Or le c
710 ge n’a pas cessé d’augmenter depuis ce temps-là. Qu’ en est-il aujourd’hui de ce problème crucial des progrès indissociable
711 ologie et du chômage ? Essayons de voir un peu ce que nous disent les chiffres et quelles leçons partisans et adversaires d
712 Documentation française. Sur le nombre d’emplois que l’automatisation va supprimer, voici quatre exemples frappants : Un c
713 rer les conséquences de l’automatisation, prévoit que le nombre de ses adhérents va décliner entre 1978 et 1990 de 1 millio
714 du patronat et des syndicats, aux USA plus encore qu’ en Europe. L’article de Business Week auquel je viens d’emprunter tant
715 rmants, constate avec une sérénité inexplicable «  qu’ aux États-Unis, pas plus les économistes que les agences fédérales, le
716 ble « qu’aux États-Unis, pas plus les économistes que les agences fédérales, le patronat ni même la plupart des syndicats,
717 n aux répercussions possibles de l’automatisation que permet de réaliser la microélectronique : tous acceptent comme allant
718 électronique : tous acceptent comme allant de soi que la croissance vigoureuse du secteur des services, compensera, et au-d
719 u service des gouvernements occidentaux, répétant que l’informatique ne manquera pas de créer « au moins autant d’emplois q
720 manquera pas de créer « au moins autant d’emplois qu’ elle en touchera ». — On dit « toucher » ou « affecter », mais jamais
721 ues indications ont paru, au contraire, précisant que depuis dix ans, l’augmentation stupéfiante de la production d’ordinat
722 n-d’œuvre qui les fabrique ! On me dira peut-être que la qualité du travail dans les industries sera fortement améliorée pa
723 oduction. Certes, l’automatisation complète de ce qu’ on appelait hier encore le travail à la chaîne — souvenez-vous du film
724 en échange de la monotone manutention mécanique, que la fascination immobile et tyrannique de processus intellectuels irré
725 ogiques poursuivies en Grande-Bretagne ont montré que beaucoup d’usagers de l’ordinateur se sentent aujourd’hui mis au pas
726 ui mis au pas et contrôlés par la machine, plutôt que l’inverse. Leur interaction continuelle avec l’ordinateur provoque en
727 u dessin industriel, par exemple, on s’est aperçu que leur créativité diminuait de 30 à 40 % pendant la première heure et d
728 éponse. L’informatisation de l’industrie n’a fait que rendre plus urgent et dramatique le problème, toujours renvoyé à des
729 rdinateur : tout y concourt, y compris la crainte qu’ il inspire et les espoirs insensés qu’il éveille : libération des trav
730 la crainte qu’il inspire et les espoirs insensés qu’ il éveille : libération des travailleurs industriels, éducation pour t
731 la psychologie humaine ». Il va jusqu’à suggérer que la machine pourrait avoir quelques rapports avec l’affectivité, puisq
732 la machine peut éprouver des émotions, il répond qu’ il travaille au MIT à réaliser « un inconscient artificiel ». Ce qui n
733 rience en intelligence artificielle nous a montré que de nombreuses notions comme la créativité, l’affectivité, l’intellige
734 es scientifiques ». Et comme on lui fait observer qu’ il remet ainsi en question la nature humaine, il répond qu’en effet, «
735 et ainsi en question la nature humaine, il répond qu’ en effet, « comme l’a fait la religion dans le passé, l’ordinateur est
736 rques suffiront je l’espère. Quand Papert prétend que « certaines notions élémentaires de la psychanalyse » pourraient s’ap
737 s’appliquer à l’ordinateur et prouver de la sorte qu’ il possède une affectivité, il oublie que le mécanisme du refoulement,
738 la sorte qu’il possède une affectivité, il oublie que le mécanisme du refoulement, pourtant fondamental pour Freud, porte s
739 pour Freud, porte sur la mémoire individuelle et que c’est simplement par un abus de langage qu’on peut parler de la « mém
740 le et que c’est simplement par un abus de langage qu’ on peut parler de la « mémoire » d’une machine : il ne s’agit en réali
741 mémoire » d’une machine : il ne s’agit en réalité que d’un stockage de données chiffrées, nullement d’un processus vivant,
742 chiffrées, nullement d’un processus vivant, tels que ceux génialement décrits par Marcel Proust. Et je voudrais enfin oppo
743 eph Welzenbaum : « Il est difficile d’imaginer ce que cela pourrait signifier de dire qu’un ordinateur espère. » Non : la
744 d’imaginer ce que cela pourrait signifier de dire qu’ un ordinateur espère. » Non : la machine n’a pas de mémoire, n’a pas
745 rmatique en vous rappelant la question judicieuse qu’ un des premiers critiques des médias, Raymond Williams, posait à propo
746 e qui mérite vraiment nos réflexions. Je voudrais qu’ on la substitue une fois pour toutes au bavardage de la presse sur la
747 its : car tout cela ne justifie rien et ne relève que du marketing, qui joue sur la puérilité des réactions du grand public
748 rilité des réactions du grand public. Je voudrais que l’on cesse d’écrire des phrases comme celle-ci : « l’automatisation i
749 is le temps d’évaluer les enjeux humains, obsédés que nous sommes par des gains immédiats. Je vous ai cité des chiffres eff
750 ous ai cité des chiffres effarants sur le chômage que nous prépare l’informatisation générale de nos industries. Je demande
751 s finalités réelles de nos recherches. Je ne vois que deux réponses possibles : — ou bien le but est la puissance de l’État
21 1984, Articles divers (1982-1985). Trois manières de considérer le nucléaire (1984)
752 rochure, pendant une fraction de seconde j’ai cru qu’ il s’agissait de la répartition des centrales nucléaires, et la simili
753 liée par sa nature et par ses origines aux armes que prépare l’humanité pour se détruire elle-même, et toute vie avec elle
754 et toute vie avec elle. ⁂ II. Du point de vue qu’ on appelle réaliste aujourd’hui Le problème des centrales nucléaire
22 1984, Articles divers (1982-1985). Le Patrimoine européen [conclusion] (1984)
755 omment les choses allaient se dérouler. Peut-être qu’ il le feignait, peut-être non : ce qui est certain, c’est qu’il peut s
756 ignait, peut-être non : ce qui est certain, c’est qu’ il peut se féliciter des résultats atteints ! Car en laissant les chos
757  ; et si nous nous intéressons à l’histoire, plus que toutes les générations précédentes, c’est pour mieux voir vers quoi n
758 c’est pour mieux voir vers quoi nous allons et ce qu’ il nous faut faire pour éviter le pire, confrontés que nous sommes — m
759 l nous faut faire pour éviter le pire, confrontés que nous sommes — même quand nous l’oublions — à la double possibilité ou
760 possibilité ouverte pour la première fois depuis que l’homme existe, — soit d’une fédération des peuples de la planète, d’
761 humain comme de toute vie terrestre, tant animale que végétale. (Le stock de bombes nucléaires existant et qui représente d
762 la Russie, et même plus à l’est de cette contrée qu’ on nomme aujourd’hui le Liban, pour remonter à travers la Grèce et les
763 e d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Je regrette que nous n’ayons pas eu l’occasion de souligner assez fortement que trois
764 ns pas eu l’occasion de souligner assez fortement que trois influences originelles sont venues recouvrir un continent presq
765 érisent notre histoire. (Une autre fois, j’espère que nous aurons le temps de mieux définir deux autres apports importants
766 e domaine littéraire, en nous interrogeant sur ce que l’on peut appeler les classiques européens ; et dans le domaine spiri
767 Tout au long de ces trois journées, il me semble que nous avons fourni un effort unanime et, je crois, réussi, pour entret
768 ois, réussi, pour entretenir le dialogue entre ce que les polémiques politiques baptisent l’Est totalitaire et l’Ouest plou
769 l’Est totalitaire et l’Ouest ploutocratique, mais que nous préférons nommer ici les différences, voir l’antagonisme entre l
770 ntagonisme entre le centralisme démocratique, tel qu’ il se nomme à l’Est, et les démocraties libérales telles qu’elles se v
771 omme à l’Est, et les démocraties libérales telles qu’ elles se veulent à l’Ouest. ⁂ Resserrons-nous maintenant sur ce que j’
772 nt à l’Ouest. ⁂ Resserrons-nous maintenant sur ce que j’ai appelé la logique interne de tout débat sur le patrimoine cultur
773 patrimoine culturel européen. Nous avons constaté que le patrimoine, au sens de passé dont nous héritons, ne peut être main
774 éritons, ne peut être maintenu, défendu, garanti, que par son renouvellement, sa recréation permanente. Et que le respect d
775 son renouvellement, sa recréation permanente. Et que le respect du passé suppose que l’on fasse tout autre chose que de le
776 on permanente. Et que le respect du passé suppose que l’on fasse tout autre chose que de le transformer en routine. Il s’ag
777 du passé suppose que l’on fasse tout autre chose que de le transformer en routine. Il s’agit de retrouver constamment, par
778 ines et de l’évolution de ce patrimoine. Je pense que nous serons tous d’accord pour constater qu’il s’agit là d’un process
779 ense que nous serons tous d’accord pour constater qu’ il s’agit là d’un processus dialectique, dont le principe m’apparaît ê
780 ans leurs oppositions, contradictions, antinomies qu’ il s’agit de rendre créatrices. « Tenir ensemble les deux bouts de la
781 saire des antinomies, dont voici une petite liste que j’ai établie pendant que vous parliez, les uns et les autres : — trad
782 ’ai eu ici la très heureuse surprise de constater que la nécessité moderne des régions politiques, civiques, économiques, é
783 e parmi les membres de ce colloque, tant de l’Est que de l’Ouest ou du Centre. C’est une des leçons réconfortantes que je r
784 ou du Centre. C’est une des leçons réconfortantes que je retiendrai de cette rencontre. Mais à la suite de mes intervention
785 nt dans un milieu naturel et humain où l’on dit «  qu’ il a ses racines ». Mais en fait l’homme n’est pas un légume, c’est un
786 t de l’imagerie des poètes terriens, qui oublient que parmi les légumes, celui qui a la plus grosse racine de tous, qui est
787 -dire des communautés plus proches de la paroisse que de la tribu, et liées beaucoup moins par leur passé que par leur aven
788 la tribu, et liées beaucoup moins par leur passé que par leur avenir commun. ⁂ Et maintenant deux remarques générales sur
789 nt deux remarques générales sur nos colloques. Ce que nous avons essayé de faire dans celui-ci, comme dans celui de l’an de
790 me dans celui de l’an dernier, c’est peut-être ce que Nietzsche appelait de ses vœux. Laissez-moi vous citer de lui deux pa
791 al, le second des Papiers posthumes. Il me semble que ces phrases caractérisent assez bien l’effort qui est fait aujourd’hu
792 uropéens. Je cite : Grâce aux divisions morbides que la folie des nationalités a mises et met encore entre les peuples de
793 gnes qui prouvent de la manière la plus manifeste que l’Europe veut devenir une. Le second passage prolonge ces phrases, j
794 velle synthèse, l’Européen de l’avenir. Ce ne fut qu’ une fois devenus vieux, aux heures de faiblesse, qu’ils retombèrent da
795 ’une fois devenus vieux, aux heures de faiblesse, qu’ ils retombèrent dans l’étroitesse nationale et devinrent patriotes. N
796 tionale et devinrent patriotes. Nietzsche ajoute qu’ il pense ici à des hommes comme Napoléon, Goethe, Beethoven, Stendhal,
797 porter sur l’avenir de ce colloque, dont je pense qu’ il devra se modeler sur l’avenir européen. Cet avenir se fait aujourd’
798 d’hui dans la crise, c’est le mot dominant, crise que l’Europe a fomentée en répandant imprudemment sa civilisation industr
799 les cultures les moins faites pour l’accueillir, qu’ elle a profondément déstabilisées, et dont le désarroi peut être explo
800 peut être exploité contre nous, y compris dans ce que notre culture a créé de meilleur. Ce qui doit dominer nos préoccupati
801 sinon elle court le risque de n’être bientôt plus qu’ une note en bas de page d’une chronique de ce temps, qu’il n’y aura pl
802 note en bas de page d’une chronique de ce temps, qu’ il n’y aura plus personne pour lire. Nous avons rappelé et défini les
803 e et aux problèmes économiques presque insolubles qu’ elle est en train de créer dans toutes les sociétés qu’elle touche. No
804 le est en train de créer dans toutes les sociétés qu’ elle touche. Nous avons fait beaucoup pour nous connaître mieux, nous
805 t responsables d’inventer les anticorps des virus que nous propageons. Nous avons essayé de mieux nous connaître et nous y
806 ns cette idée de comparaison active, prospective, que j’ai proposé depuis plus de vingt ans, avec une certaine obstination,
807 s de vingt ans, avec une certaine obstination, ce que j’appelle le Dialogue des cultures. Et pour que cela ne tourne pas à
808 me à grande échelle, mais sans action, je propose que ce Dialogue des cultures s’instaure autour de quelques-uns des thèmes
809 Serait-il raisonnable de proposer à ce colloque qu’ il prenne en compte cette approche multiple, contribuant ainsi à l’exe
810 ope et de sa vocation mondialisante ? Je souhaite que notre ami Jacques Freymond trouve dans cette proposition matière à ex
23 1984, Articles divers (1982-1985). Club-Énergie de l’Est vaudois : avec Denis de Rougemont (19 juin 1984)
811 régions, qui entendent tout simplement et autant qu’ ils le peuvent, rester maîtres de leur propre destin. Or, parmi ceux q
812 libre de ses actes ? N’allons pas croire pourtant qu’ entre le besoin de puissance à tout prix et le besoin de liberté à tou
813 eux camps bien tranchés : c’est en chacun de nous que le conflit se poursuit. Les deux pulsions contraires coexistent en no
814 e qui ait quelque saveur sans au moins l’illusion qu’ on l’exerce « librement ». Mais le choix, proprement politique au sens
815 courir. Choisir les centrales nucléaires — quelle que soit leur définition, eau pressurisée ou surgénérateurs — implique, e
816 mensions, incroyablement chères et si dangereuses que nos pays, tout en jurant qu’elles sont inoffensives, ne les bâtissent
817 es et si dangereuses que nos pays, tout en jurant qu’ elles sont inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin que possible d
818 rant qu’elles sont inoffensives, ne les bâtissent qu’ aussi loin que possible de leur capitale. Les adversaires des centrale
819 sont inoffensives, ne les bâtissent qu’aussi loin que possible de leur capitale. Les adversaires des centrales qui les déno
820 esques, trop chères et trop dangereuses, ignorent qu’ ils dénoncent là les raisons mêmes qui font que nos États les adoptent
821 nt qu’ils dénoncent là les raisons mêmes qui font que nos États les adoptent. Car « très grand » suppose, qu’on le veuille
822 s États les adoptent. Car « très grand » suppose, qu’ on le veuille ou non : très centralisé. « Très cher » implique l’inter
823 entretenir une guerre. Il est clair comme le jour que le choix des centrales nucléaires et des usines de retraitement du mé
824 fin de l’histoire humaine. Il est non moins clair que le choix solaire est la condition même de la paix : car il signifie d
825 s de nécessité, la confiance dans le prochain. Ce qu’ il faut voir, c’est que le but de la société n’est pas du tout d’assur
826 iance dans le prochain. Ce qu’il faut voir, c’est que le but de la société n’est pas du tout d’assurer à quelques-uns la re
827 ntables, quand il serait réellement « impératif » que la consommation d’énergie double tous les dix ans, je serais contre,
828 gemont à tous ses membres et sympathisants, texte qu’ il nous a semblé utile de reproduire ici. Par ailleurs, le même Club-É
24 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage I] (1985)
829 e nouveau à partir de 1931. Sur cette génération, que la thèse bien connue de Jean-Louis Loubet del Bayle a nommée « les no
830 apporter moins un « témoignage », bien grand mot, que quelques souvenirs, personnels, bien sûr, mais aussi précis que possi
831 ouvenirs, personnels, bien sûr, mais aussi précis que possible, et qui pourront peut-être servir de mise au point à propos
832 hui. À l’Est, trois dictatures d’un type nouveau, qu’ on commençait à définir par le terme générique d’État totalitaire, c’e
833 est, parce que capitalistes. Tout nous persuadait que de cet affrontement naîtrait nécessairement une guerre totale, guerre
834 naîtrait nécessairement une guerre totale, guerre que notre âge nous condamnerait à faire, mais qui ne serait pas notre gue
835 stler le dira si bien quelques années plus tard — qu’ elle ne serait que la guerre entre un mensonge total — à l’Est — et un
836 ien quelques années plus tard — qu’elle ne serait que la guerre entre un mensonge total — à l’Est — et une demi-vérité, à l
837 ontre toutes les formes d’État totalitaire, quels que fussent leurs prétextes, prolétarien, nationaliste ou raciste, à l’Es
838 de la porte d’Orléans — avec des catholiques tels que Jacques Maritain, Étienne Gilson, le père Congar, mais aussi Mounier
839 ssi Mounier et Georges Izard, des orthodoxes tels que Nicolas Berdiaev et le père Gillet, des protestants tels qu’André Phi
840 Berdiaev et le père Gillet, des protestants tels qu’ André Philip et des agnostiques tels que Robert Aron. On nous retrouve
841 ants tels qu’André Philip et des agnostiques tels que Robert Aron. On nous retrouvera pour la plupart dans le fameux numéro
842 t à refaire une vraie communauté. Ce fut l’ordre que catholiques et protestants, juifs, agnostiques et nietzschéens ensemb
843 après Kierkegaard et Heidegger —, l’époque ne fit que peu d’écho. Nous n’étions guère que ce que l’on appellera plus tard d
844 époque ne fit que peu d’écho. Nous n’étions guère que ce que l’on appellera plus tard des « groupuscules ». Mais nos idées
845 ne fit que peu d’écho. Nous n’étions guère que ce que l’on appellera plus tard des « groupuscules ». Mais nos idées maîtres
846 groupuscules ». Mais nos idées maîtresses, telles que celle de communauté, de régions et de leurs fédérations jusqu’à l’éch
847 ourd’hui plus fécondantes et plus urgentes encore qu’ elles ne pouvaient l’être dans les années 1932 à 1939. Et là-dessus, d
848 -dessus, deux précisions d’actualité. 1. On a dit que nous étions « totalement négatifs ». Et c’est un fait que, face à nos
849 étions « totalement négatifs ». Et c’est un fait que , face à nos « démocraties », nous étions inquiets, agacés, exaspérés
850 la ne signifiait pas centrisme ou neutralisme, ni que tout était faux des deux côtés. C’était un refus de penser qu’une cho
851 t faux des deux côtés. C’était un refus de penser qu’ une chose est bonne ou mauvaise parce qu’on lui colle telle ou telle é
852 ure même où ils étaient totalitaires. 2. On a dit que nous étions « fascinés » par les jeunes fascistes, et que nous faisio
853 étions « fascinés » par les jeunes fascistes, et que nous faisions devant eux — les noirs puis les bruns — un « complexe d
854 ns — un « complexe d’infériorité ». La vérité est que nous étions bien convaincus que les régimes dictatoriaux de l’Est ne
855  ». La vérité est que nous étions bien convaincus que les régimes dictatoriaux de l’Est ne faisaient guère plus, en réalité
856 Est ne faisaient guère plus, en réalité concrète, que prolonger les vices fondamentaux du capitalisme, de l’étatisme centra
857 État-nation » (terme forgé par l’Ordre nouveau et que tout le monde utilise aujourd’hui). Nous étions typiquement des « jeu
858 capacité de résistance de l’Ouest et des libertés qu’ il était censé défendre. (C’est ainsi que nous fûmes tous contre Munic
859 libertés qu’il était censé défendre. (C’est ainsi que nous fûmes tous contre Munich.) Mais il est ridicule de parler à ce p
860 dictatures : il faut rappeler ici, tout de même ! que l’expression d’« État totalitaire » a été introduite par Mussolini, q
861 de l’extrême gauche du parti socialiste italien ; que Hitler venait de créer un mouvement socialiste-national et qu’il ne c
862 nait de créer un mouvement socialiste-national et qu’ il ne cesserait pas de se qualifier lui-même de « prolétaire » ennemi
863 nemi des « ploutocrates » et de la « Reaktion » ; que la dictature militaro-policière de Staline est née du marxisme-lénini
864 taline est née du marxisme-léninisme, plus encore que du tsarisme ; et, enfin, que la guerre, en 1939, a été déclenchée par
865 ninisme, plus encore que du tsarisme ; et, enfin, que la guerre, en 1939, a été déclenchée par le pacte scélérat entre nazi
866 . Je ne voudrais pas affirmer ici un seul instant que nous avions raison sur tout et dans toutes nos diverses options, asse
867 t personnaliste ». Je voudrais seulement rappeler que telles étaient alors nos motivations, qu’ainsi nous avons vécu notre
868 appeler que telles étaient alors nos motivations, qu’ ainsi nous avons vécu notre époque, dans les années 1930. Il me semble
869 notre époque, dans les années 1930. Il me semble que nous étions d’à peu près cinquante ans en avance sur l’évolution de n
870 de notre siècle et les vrais contemporains de ce que ce siècle découvre aujourd’hui. Ce que j’affirme ici, c’est que nous
871 ains de ce que ce siècle découvre aujourd’hui. Ce que j’affirme ici, c’est que nous n’avons pas fini de nous battre pour un
872 découvre aujourd’hui. Ce que j’affirme ici, c’est que nous n’avons pas fini de nous battre pour une société des personnes l
25 1985, Articles divers (1982-1985). Le personnalisme d’Emmanuel Mounier [témoignage II] (1985)
873 ous dire comment il avait été perçu. Si les notes que j’ai prises pendant qu’il parlait sont exactes, John Hellman voit dan
874 ’appuie beaucoup moins sur nos textes de l’époque que sur des ouvrages aussi notoirement dépourvus de compréhension du pers
875 ement dépourvus de compréhension du personnalisme que les livres de Senarclens et de Paxton, seules sources, hélas, du peti
876 délibéré, comme le montrent certains des exemples qu’ on vient de nous citer. Je voudrais dire en bref — et je vous en deman
877 ardon, mais le calembour me paraît irrésistible — que la description de John Hellman est celle d’un certain « perçu-nalisme
878 est celle d’un certain « perçu-nalisme », plutôt que du personnalisme que nous avons vécu. Hellman nous dit que, dans un t
879 in « perçu-nalisme », plutôt que du personnalisme que nous avons vécu. Hellman nous dit que, dans un tract intitulé Le Volt
880 rsonnalisme que nous avons vécu. Hellman nous dit que , dans un tract intitulé Le Voltigeur, j’aurais réclamé la création en
881 r de lecture est évidente et elle est aussi grave que possible. J’ai souvent mis en garde, en effet, contre le danger d’un
882 positions du problème des fascistes et des nazis, qu’ en y ajoutant un peu de discipline (mais c’était heureusement ce qui n
883 , le problème était sérieux. Beaucoup craignaient que résister à Hitler par des moyens de lutte comparables aux siens, ce f
884 le livre biblique des Proverbes 6 en deux versets que j’ai cités dans une réédition récente de La Part du diable . Les voi
885 réponds pas à l’insensé selon sa folie De peur que tu ne lui ressembles toi-même. Réponds à l’insensé selon sa folie A
886 il ne se regarde pas comme sage. Inutile de dire qu’ en fait j’avais choisi l’antifascisme déclaré, mais fondé sur les exig
887 cliché droite-gauche. Je reviens au cas de Nizan, que je citais tout à l’heure, parce qu’il est le plus éclairant et le plu
888 ue de la personne , la Pravda de Moscou a déclaré que « toutes les positions d’un fascisme français étaient définies dans c
889 ais étaient définies dans ce livre ». C’est ainsi que les communistes m’avaient sinon « perçu », du moins avaient décidé qu
890 ’avaient sinon « perçu », du moins avaient décidé qu’ il fallait me percevoir. Cette phrase se trouve préfigurée, presque l
891 endications » des jeunes groupes révolutionnaires que j’avais composé pour le numéro de décembre 1932 de la NRF . C’est Je
892 ires de droite », comme on le disait. Le sommaire que je préparai pour la NRF allait de Nizan et Lefebvre pour les commun
893 r Plans, et Jean Sylveire pour les indépendants — qu’ on appellera plus tard gauchistes. Je me réservai introduction et conc
894 t chez moi, rue Saint-Placide, dans l’appartement que me louait Georges Izard et, sitôt entré, me demanda la liste exacte d
895 i louchait fortement, écrire sur son petit carnet qu’ il tenait de côté, comme cela, à gauche, les douze noms, suivis de l’i
896 . Une semaine après cette visite, Nizan m’écrivit qu’ il avait remis son papier à Paulhan, et qu’il allait nous envoyer des
897 crivit qu’il avait remis son papier à Paulhan, et qu’ il allait nous envoyer des « propositions de lutte commune sur des obj
898 des objectifs précis ». Voilà qui montre au moins que nous nous sommes compris : si opposés que soient les mots d’ordre du
899 u moins que nous nous sommes compris : si opposés que soient les mots d’ordre du PC et les positions personnalistes, il y a
900 lequel j’étais prêt à ressentir tout autre chose qu’ une sympathie politique : une amitié humaine directe et spontanée. Je
901 e. Je voudrais dire à John Hellman, en terminant, qu’ il est faux d’écrire aujourd’hui que Paul Nizan a « perçu » le personn
902 en terminant, qu’il est faux d’écrire aujourd’hui que Paul Nizan a « perçu » le personnalisme comme préparant les voies du
903 ant les voies du fascisme français. La vérité est qu’ en pleine connaissance de cause, par un mensonge délibéré, il nous a d
904 à de justes mesures la notion de « perçu », telle qu’ on a tenté de l’opposer à celle du vécu, — ce vécu dont il nous appart
26 1985, Articles divers (1982-1985). Quelques-uns de mes écrivains : anecdotes (1985)
905 moments, Michaux dit lentement : « Ici, ce n’est qu’ une belle voiture. En Orient, on se tiendrait longtemps devant un tel
906 Henri Michaux. Il m’arrête d’un geste : « Est-ce que vous sentez toujours des battements de cœur, ici, avant d’entrer chez
907 nte. » Malices de Jean Paulhan Il est vrai que « le bureau de Paulhan » était un lieu sacré de ma mythologie, « lieu
908 nsolite intellectuel, quelque peu comparable à ce qu’ on nommera plus tard en physique atomique une chambre à bulles », ai-j
909 ure haute et large à chaque entrée d’un visiteur, qu’ il accueillait avec des gentillesses parfois un rien perfides. Ainsi,
910 Je suis content de vous voir. Mais est-ce vrai ce que l’on dit, que c’est vous qui avez écrit le dernier recueil d’essais d
911 t de vous voir. Mais est-ce vrai ce que l’on dit, que c’est vous qui avez écrit le dernier recueil d’essais de Daniel Halév
912 n bureau, le Courrier de Paris, de Daniel Halévy, que viennent de publier les Éditions « Je sers », petite maison dont je s
913 justement nous parlions de Commerce 9. On m’a dit que la revue allait être reprise par vos Éditions “Je sers”… » — « C’est
914 âmes à un autre sujet. J’en étais arrivé à penser que diriger la NRF était sans doute une tâche si complexe, et à tant d’
915 tâche si complexe, et à tant d’égards périlleuse, que ces petites bouffées de non-sens étaient indispensables à l’hygiène m
916 ujets en discussion. Quelques exemples parmi ceux que j’ai gardésao : le 12 octobre 1949 Cher ami Merci. Je suis ravi de c
917 , votre Europe. Tout de même, j’imagine vaguement que vous êtes déçu. Et moi, je serais plus tranquille si vous étiez à Str
918 inégalable. Cruel dilemme d’Artaud Un soir que nous étions dans ce même bureau, Artaud, Henri Michaux et moi, Paulha
919 n grinçant des dents : « Lequel… des deux… est-ce que j’tue ? » (geste de lancer le poignard). Gagner un peu de temps, pas
920 utant les menus, et contents. Je n’ai revu Artaud qu’ une seule fois, après mon retour d’Amérique, à l’automne de 1946. C’ét
921 et où j’en cherchais un. On nous présente. « Dire que nous avons vécu des années à Paris sans nous rencontrer ! » s’écrie-t
922 « Ce sont de ces conneries… (haussant le ton)… et que l’on expie ! » Il dit ensuite que nous devrions trouver « un moyen pr
923 ant le ton)… et que l’on expie ! » Il dit ensuite que nous devrions trouver « un moyen presque mécanique de nous revoir cha
924 mécanique de nous revoir chaque jour ». C’est ce que nous permettra mon engagement un mois plus tard comme « senior script
925 ). Il s’agit évidemment des Personnes du Drame , que Schiffrin vient de publier, et qui réunit des essais sur Goethe et Ri
926 ntiques allemands. Des propos quelque peu obscurs qu’ il me tient ensuite, il apparaît que l’approche théologique des auteur
927 e peu obscurs qu’il me tient ensuite, il apparaît que l’approche théologique des auteurs dont je parle est trop engagée — e
928 p est là, sur la terrasse, « toujours un peu plus qu’ exact », me dit-il, comme pour s’excuser. Aussitôt assis : « Il semble
929 omme pour s’excuser. Aussitôt assis : « Il semble que Breton soit très gêné par votre dernier livre. Trop chrétien, sans do
930 sans doute, à ses yeux. Moi, vous savez… Je crois que vous croyez ?… Remarquez l’amphibologie du verbe… Mais qu’est-ce que
931 croyez ?… Remarquez l’amphibologie du verbe… Mais qu’ est-ce que cela peut bien lui faire ? Avec ça qu’il n’a pas fait une r
932 Remarquez l’amphibologie du verbe… Mais qu’est-ce que cela peut bien lui faire ? Avec ça qu’il n’a pas fait une religion de
933 qu’est-ce que cela peut bien lui faire ? Avec ça qu’ il n’a pas fait une religion de son surréalisme ! » Ce sera tout. Comm
934 15 arrive Breton, avec un retard calculé. Il voit que tout se passe le mieux du monde entre Duchamp, arbitre désigné, et mo
935 evant moi et me dit : « Je pensais à une religion qu’ il s’agirait de fonder sur le culte d’une pierre bleue… » Puis il pour
936 ze ans…” » Ce matin même, j’ai lu dans un journal qu’ il l’avait enfin, sa cravate ! Et le voilà. Je lui dis : « Léon-Paul,
937 contrepèterie, a s’pose là ! Il y a quinze jours que j’y travaille… » Au restaurant « Le Catalan », peu après la libératio
938 sans date comme d’habitude, mais qui ne peut être que du printemps de 1940 : Cher ami N’écrivez pas à Cully. Je n’y suis
939 avez, j’habitais à Cully, chez Budry. Il estimait que j’abusais de son téléphone. J’attendais un appel de Paris, dont dépen
940 ux parler, je crie ! Mais je n’entends rien de ce que l’autre peut dire… J’ai quitté la maison de Budry, et j’ai été m’inst
941 Le matin, je m’installe sur le balcon. J’attends que Budry sorte de chez lui. Et quand je le vois sortir… je le nargue ! »
942 ul Fargue, Valery Larbaud. » J’avais entendu dire que la princesse Bassiano venait de décider d’interrompre son financement
27 1985, Articles divers (1982-1985). Éloge de Jean Starobinski (1985)
943 sai m’ont demandé de prononcer l’éloge du lauréat que nous venions de choisir, mon premier mouvement a été de joyeuse accep
944 irconstance ? Car il me semblait, tout d’un coup, que de tous mes amis, celui que nous allions couronner se trouvait être —
945 lait, tout d’un coup, que de tous mes amis, celui que nous allions couronner se trouvait être — à tout le moins par ses ver
946 ses vertus, exactement le contraire de moi, de ce que je fus dans ma jeunesse et suis resté à tant d’égards. Je m’explique
947 s manquer ni du devoir social ni à cette « amitié que chacun se doit », comme le dit si joliment Montaigne, alors que je n’
948 vous m’en voyez heureux, tous scrupules apaisés : Que s’est-il donc passé dans l’entretemps ? Deux choses. D’abord, comme c
949 englobe les antinomies apparentes. Le simple fait que nous ayons, à partir d’origines si différentes, choisi Genève pour y
950 choisi Genève pour y vivre et travailler, plutôt que Paris et les États-Unis, qui avaient de quoi nous tenter l’un et l’au
951 es : à cause de lui, c’est du même lieu de Suisse que nous voyons l’Europe, que nous sentons le Monde et ressentons l’époqu
952 du même lieu de Suisse que nous voyons l’Europe, que nous sentons le Monde et ressentons l’époque. Mais il y a plus. Enrac
953 philosophes, de psychologues de langue allemande que d’historiens et de théoriciens des sciences ou du langage en Grande-B
954 éfiance justifiée à l’endroit de l’engagement tel qu’ on le parle, Starobinski n’a jamais négligé le devoir civique : c’en é
955 égligé le devoir civique : c’en était un pour lui que de présider quinze ans durant les Rencontres internationales de Genèv
956 t de similitude, non le moins significatif : quel que soit le sujet à traiter, nous le faisons l’un et l’autre en écrivains
957 t mouvements les plus subtils du complexe d’idées qu’ elle crée. C’est peut-être dans la rencontre de l’essayiste avec le ph
958 ncontre de l’essayiste avec le phénomène poétique que se traduit le mieux son approche du réel et de soi-même : qu’on lise
959 it le mieux son approche du réel et de soi-même : qu’ on lise à cet égard l’importante préface qu’il a donnée aux Noces et à
960 ême : qu’on lise à cet égard l’importante préface qu’ il a donnée aux Noces et à Sueur de sang de Pierre-Jean Jouve ; mais a
961 des grands albums de Skira, ces images du xviiie qu’ il a choisies pour illustrer L’Invention de la liberté. On n’a pas mie
962 jourd’hui, quoi qu’il publie et sur quelque sujet qu’ il ait choisi. C’est ici l’occasion de lui adresser un éloge accessoir
963 lui adresser un éloge accessoire sans doute, mais qu’ il est aujourd’hui l’un des très rares à mériter : il n’a jamais cédé
964 s qui couronne toute une œuvre d’essayiste, celle que notre jury couronne ce soir du Prix européen de l’essai. C’est en eff
965 central, comme il l’indique lui-même, n’est autre que l’antithèse traditionnelle de l’être et du paraître dans l’homme. Thè
966 majeur qui implique et appelle deux autres thèmes qu’ on retrouve dans tous les livres de Starobinski, qu’il s’agisse de lit
967 ’on retrouve dans tous les livres de Starobinski, qu’ il s’agisse de littérature, d’esthétique, ou d’analyse des maladies de
968 rdres de l’époque. Oyez plutôt, en vous souvenant qu’ il s’agit du xvie siècle, et non du nôtre ! « Tournons les yeux parto
969 rtout ; tout croule autour de nous. […] Il semble que les astres mêmes ordonnent que nous avons assez duré… Le plus voisin
970 ous. […] Il semble que les astres mêmes ordonnent que nous avons assez duré… Le plus voisin mal qui nous menace n’est pas a
971 a masse entière… mais sa dissipation »… On dirait qu’ il décrit l’ère atomique ! Que se passe-t-il en réalité en cette fin d
972 pation »… On dirait qu’il décrit l’ère atomique ! Que se passe-t-il en réalité en cette fin du xvie siècle ? Il se passe,
973 antes à la feinte et à la dissimulation… Le monde qu’ accuse Montaigne est un labyrinthe où les faux-semblants ont, pour ain
974 et batelage », nous dit Montaigne. Le monde n’est qu’ un théâtre, tout n’y est que masques ! Montaigne prend alors le parti
975 aigne. Le monde n’est qu’un théâtre, tout n’y est que masques ! Montaigne prend alors le parti de l’être vrai, de son ident
976 mensonge universel. Mais il ne la connaît d’abord que par la force du refus instinctif des mensonges officiels, du « paraît
977 ncère et véridique de l’être, en tant, dirais-je, qu’ acceptation de l’incarnation nécessaire des idées, ou en d’autres term
978 autres termes, de l’engagement dans l’actuel. Ce que Starobinski va nous montrer au long des sept illustrations que consti
979 ki va nous montrer au long des sept illustrations que constituent les sept chapitres de son livre, sur l’amitié, la mort, l
980 autrui, le langage et la chose publique, c’est ce qu’ il nomme la dialectique ternaire de Montaigne : premier temps, le refu
981  ; deuxième temps, la prise de conscience du fait que je me connais seulement dans mes relations avec autrui, avec la socié
982 e moins à des « impératifs du futur » qui ne sont que publicité pour des intérêts immédiats. Combien j’aimerais vous retrac
983  : « L’acte ultime de la critique est de signaler que le choix politico-religieux n’est pas de son ressort, mais qu’il doit
984 politico-religieux n’est pas de son ressort, mais qu’ il doit néanmoins avoir lieu. » Suivent des pages où il dénonce le pro
985 le : « L’illusion, nous dit-il, consiste à croire que l’on a quitté le domaine incertain de la décision éthique pour entrer
986 d’un futur dont le triomphe est de faire oublier qu’ il est exercé à partir du présent par des hommes qui se trouvent encha
987 i se dissimule de la sorte pour nous faire croire qu’ elle nous est extérieure, pour n’avoir pas à s’avouer nôtre… Tout cela
988 plus à l’auteur même de ces analyses. Chacun sait que les portraits peints par Rembrandt ont tous un air de ressemblance, q
989 t plusieurs des Pensées les plus célèbres ne sont que des notes de lecture, des résumés de phrases de Montaigne. (Ainsi, « 
990 à propos de ce qui se passe, qui est pire encore qu’ au xvie siècle — et de nous donner un jour ce livre de raison et de s
991 gesse veloutée, dans lequel nous parlant du monde qu’ il vit, et non plus d’un auteur-prétexte, il nous ferait voir son vrai
28 1985, Articles divers (1982-1985). L’agora, condition première de la démocratie réelle (décembre 1984-janvier 1985)
992 re 1984-janvier 1985)aj Vous m’avez demandé ce que signifie pour moi le terme agora. Je vous réponds d’autant plus volon
993 e agora. Je vous réponds d’autant plus volontiers que le concept d’agora a toujours joué un rôle fondamental dans ma théori
994 à côté le bouleutérion où siègent les magistrats, que l’on nomme curie dans le monde romain et, beaucoup plus tard, le « pa
995 mera la Confédération suisse. On sait aujourd’hui que le pacte de 1291, dit du « Grütli », fut écrit dans un latin assez pa
996 usqu’en Espagne. Il y a donc une longue tradition que l’on peut suivre de la polis grecque avec son agora à la civitas roma
997 . Les règles impératives à respecter si l’on veut que l’agora fonctionne ont été formulées par Aristote, notamment dans sa
998 que. La première règle est celle de la dimension, que nous avons signalée tout à l’heure : il s’agit de trouver un optimum
999 tentor », précise Aristote. On répond aujourd’hui que nous avons des haut-parleurs et que cela change tout. Oui, cela chang
1000 d aujourd’hui que nous avons des haut-parleurs et que cela change tout. Oui, cela change tout pour qui a la haute main sur
1001 se faire entendre à l’échelle nationale, n’ayant que sa voix naturelle ? Il est évident qu’un Mussolini en 1922 ou surtout
1002 e, n’ayant que sa voix naturelle ? Il est évident qu’ un Mussolini en 1922 ou surtout un Hitler dix ans plus tard n’auraient
1003 es journaux du lendemain — et vous comprendrez ce que je veux dire. C’est l’expérience que j’ai subie à Francfort en 1936,
1004 mprendrez ce que je veux dire. C’est l’expérience que j’ai subie à Francfort en 1936, à l’occasion d’un discours d’Hitler,
1005 nsabilités. L’homme libre et responsable, formule que Sartre m’a empruntée sans jamais songer à me la rendre, vous le savez
1006 r opposition à l’individu irresponsable qui n’est qu’ un grain de cette poussière avec laquelle l’État totalitaire fera son
1007 talitaire fera son ciment. « Pourquoi voulez-vous que je vote ? », me dit tel inconnu avec qui j’échange quelques mots, à l
1008 ologne, il ne cesse de rappeler l’idéal politique que représente pour lui le peuple genevois assemblé dans le « Temple de S
1009 opulation ». La liberté, selon lui, n’est assurée que par les petites dimensions, car elles seules permettent au citoyen de
1010 dit en passant : toutes les sottises monumentales qu’ on a pu écrire contre Rousseau comme « précurseur des États totalitair
1011 t d’appliquer ces principes à nos sociétés telles qu’ elles sont devenues : démesurées en fait, qu’on le veuille ou non, par
1012 lles qu’elles sont devenues : démesurées en fait, qu’ on le veuille ou non, par les tâches de plus en plus vastes, lourdes e
1013 l’agora réelle : le temps de la réflexion sur ce qu’ on va dire, sur le vrai sens de ce qu’on veut dire, le temps de l’anal
1014 xion sur ce qu’on va dire, sur le vrai sens de ce qu’ on veut dire, le temps de l’analyse et de la vérification des informat
1015 écrit sont souvent plus réels, moins schématiques que les répliques improvisées dans l’assemblée réelle. Votre journal est
1016 e université. Puis-je vous rappeler, à ce propos, que le pacte du « Grütli », déjà cité, unissait des communes frontières d
1017 mmunes frontières de Schwyz, Uri et Unterwald, et que c’est par le mot « universitates » qu’elles y sont désignées ? 5. L
1018 erwald, et que c’est par le mot « universitates » qu’ elles y sont désignées ? 5. L’historien E. Gagliardi estime que la S
1019 désignées ? 5. L’historien E. Gagliardi estime que la Suisse est le dernier témoin vivant du mouvement des communes ital
29 1985, Articles divers (1982-1985). Vocation culturelle de la Suisse en Europe (septembre 1985)
1020 e), mais dont la première Constitution ne remonte qu’ à 1848. La Suisse est donc le seul État d’Europe intégralement fédéral
1021 t cela tient à sa structure fédéraliste non moins qu’ à la pluralité de ses origines. C’est une culture composite, formée d’
1022 te pas — le fait paradoxal aux yeux des modernes, que non pas en dépit mais à cause même de ces données originelles, la Sui
1023 onstituerait la « culture européenne ». Observons que nos États-nations n’ont en moyenne qu’environ deux-cents ans d’existe
1024 Observons que nos États-nations n’ont en moyenne qu’ environ deux-cents ans d’existence : où était donc la culture avant eu
1025 ns l’Europe du Nord. Au xviiie siècle, il semble que de grands coups de vent européens raniment simultanément tous les foy
1026 vants d’Europe, n’accepte d’ailleurs dans sa cité qu’ une charge mineure de scrutateur du Sénat. C’est de Zurich que l’« Éco
1027 e mineure de scrutateur du Sénat. C’est de Zurich que l’« École suisse » initiée par le doyen Jean-Jacques Bodmer, étendra
1028 ce sur toute la littérature de langue germanique, qu’ elle va dominer sans conteste jusqu’à la fin du siècle, et qu’elle a c
1029 ominer sans conteste jusqu’à la fin du siècle, et qu’ elle a contribué plus que toute autre circonstance à faire entrer dans
1030 u’à la fin du siècle, et qu’elle a contribué plus que toute autre circonstance à faire entrer dans la littérature universel
1031 pédagogie de Pestalozzi et la peinture de Füssli ( que les Anglais écrivent Fuseli et dont va procéder William Blake) — sont
1032 prête Necker à la France, et prépare l’idéologie qu’ adoptera la Révolution française, dans sa première phase libérale tout
1033 sa première phase libérale tout au moins. Sait-on que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fut l’œuvre des tr
1034 eau de Necker où Germaine de Staël tient sa cour, que vont passer d’est en ouest les grands courants européens du romantism
1035 ces humaines » à Yale, Harvard et Berkeley autant qu’ à la Sorbonne et dans la plupart des universités européennes. Dans le
1036 des plus grands noms de l’aventure intellectuelle qu’ est l’Europe — noms de Suisses par naissance ou par choix. Mais on l’a
1037 vétérées. En revanche, la plupart des grands noms que j’ai cités ne seraient guère pensables hors du complexe suisse. Et c’
1038 pensables hors du complexe suisse. Et c’est à eux que la Suisse, en retour, doit une densité de conscience communautaire, m
1039 Barth. Son canton — ou l’Europe. Et il est vrai que nos meilleurs esprits, hors du compartiment natal, iront chercher dan
1040 s sociétés humaines, dont le Contrat social n’est qu’ un fragment : Rousseau. Vue générale du genre humain : Jean de Müller.
1041 Jung. Mais ce n’est pas en grimpant sur nos Alpes que ces hommes s’illustrèrent et apprirent à voir grand, c’est en s’expat
1042 ranger, des grands pays voisins ou de l’Amérique, que leur réputation nous est revenue, comme importée. « Son canton — ou l
1043 voir le plus grand privilège des Suisses : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils la dépassent c’est pour rejoind
1044 mme un tout, mais un certain groupement d’humains que nous appelons une société. » 14. La Confédération helvétique , Édi
30 1986, Articles divers (1982-1985). Interview avec Denis de Rougemont (1986)
1045 s s’en prenait aussi aux démocraties occidentales qu’ il jugeait rongées de l’intérieur par un individualisme délétère et do
1046 paraissent, en France, sur le déclin. On proclame que Marx est mort, alors qu’on aurait pu penser, pour l’avoir tellement e
1047 u penser, pour l’avoir tellement entendu répéter, que Dieu l’était. Le retour de Dieu, précisément, se confirme dans la pen
1048 », elles portaient beaucoup moins sur le marxisme que sur le stalinisme totalitaire. Certes, je n’ai jamais été marxiste, m
1049 mais été marxiste, mais il y a beaucoup de choses que Marx a découvertes, qui sont entrées dans le domaine commun, et qui s
1050 ésormais acquises par tous les politologues, quel que soit leur bord politique. Même si on est d’extrême droite on ne peut
1051 beaucoup à prendre dans les écrits du jeune Marx, que nous avait révélés Arnaud Dandieu, alors qu’ils n’étaient qu’à peine
1052 it révélés Arnaud Dandieu, alors qu’ils n’étaient qu’ à peine connus et pas encore traduits en français : il s’agit des écri
1053 de Proudhon, de son socialisme fédéraliste ainsi que de ses vues européennes (sa condamnation parfaitement lucide de Mazzi
1054 ini, qui passe encore pour un « fédéraliste », ce que je trouve au moins bizarre). Ce qui me frappe c’est que vous faisiez
1055 trouve au moins bizarre). Ce qui me frappe c’est que vous faisiez à l’époque déjà ce qu’on n’a vraiment commencé à faire o
1056 frappe c’est que vous faisiez à l’époque déjà ce qu’ on n’a vraiment commencé à faire ouvertement en France que beaucoup pl
1057 a vraiment commencé à faire ouvertement en France que beaucoup plus tard, au début des années 1970, une critique sévère des
1058 e soviétique. Nous étions parfaitement conscients que le fascisme et le nazisme n’étaient pas des réactions « de droite » c
1059 uvait pas dire plus simplement le contraire de ce que nous voulions, qui était le fédéralisme intégral, poussé jusqu’à la c
1060 ns la société actuelle des cellules aussi petites que possible où le civisme puisse prendre un sens concret, actif, c’est-à
1061 ent, pas seulement lorsqu’il vote, sur des choses qu’ il connaît, qui intéressent directement sa vie, celle de sa famille et
1062 ue de l’administration française). Cela veut dire que plusieurs communes mettent leurs efforts en commun dans un domaine pa
1063 ches dont on est responsable ; c’est d’après cela qu’ on doit organiser la société. D’où votre haine du gigantisme et de l’é
1064 ès important. Mais on s’est souvent trompé sur ce que nous appelions l’État. On a cru que nous voulions le supprimer, et no
1065 trompé sur ce que nous appelions l’État. On a cru que nous voulions le supprimer, et nous voulions seulement préciser et li
1066 ires. D’où mon impatience devant cette expression que l’on voit tout le temps revenir en France : « Il a été un grand servi
1067 communauté est une vérité vivante : les gens tels qu’ ils sont, en chair, en os et en esprit, qui doivent normalement partag
1068 erling. Puisque vous parlez d’individu, précisons qu’ il y a eu mauvaise interprétation du terme. On a pu croire que vous ét
1069 mauvaise interprétation du terme. On a pu croire que vous étiez contre l’individualisme, au sens d’une limitation des libe
1070 cette conception rationaliste, réifiée de l’homme que suppose la coutume française centralisée, et qui est foncièrement in-
1071 isté beaucoup plus sur les éléments de communauté qu’ il présentait, des éléments pris par malheur au plus bas, par exemple
1072 ns, comme on disait à l’époque. Cela voulait dire qu’ ils se réclamaient de la tradition de critique nietzschéenne, d’une cr
1073 rès constructive. C’est d’ailleurs dans Nietzsche que nous avons lu les premiers textes énergiquement favorables à l’union
1074 au-delà des nationalismes. On ignore trop souvent que l’idée de marché commun se trouve dans Par-delà le bien et le mal, où
1075 ve dans Par-delà le bien et le mal, où il est dit que tout va vers l’union de l’Europe, que les meilleurs esprits du temps
1076 il est dit que tout va vers l’union de l’Europe, que les meilleurs esprits du temps l’ont déjà compris. Tout indique, dit
1077 l’ont déjà compris. Tout indique, dit Nietzsche, que nous devons dépasser cette idée stupide de nations fermées, pour alle
1078 ché commun de l’économie européenne et, bien plus que ça, vers une république européenne, qui a toujours été le rêve et l’i
1079 st seulement quand ils deviennent vieux et gâteux qu’ ils deviennent nationalistes21. Parce que nietzschéens, certains étaie
1080 sur le plan religieux. J’ai en effet le sentiment que pour vous le personnalisme et ensuite le fédéralisme s’inscrivent tou
1081 ntre 19 et 23 ans. Si on m’avait demandé alors ce que je croyais, j’aurais dit que je croyais à n’importe quoi sauf au prot
1082 ait demandé alors ce que je croyais, j’aurais dit que je croyais à n’importe quoi sauf au protestantisme traditionnel que j
1083 ’importe quoi sauf au protestantisme traditionnel que j’entendais prêcher le dimanche. C’est alors que j’ai découvert Kierk
1084 lés Diapsalmata — publiés dans la revue Commerce, que je considérais comme la meilleure de l’époque. Elle était dirigée par
1085 Fargue et Valery Larbaud. Pour le jeune écrivain que j’étais, pour qui le sommet de la vie littéraire et intellectuelle du
1086 e ne pouvais rêver quelque chose de plus exaltant que cette revue. Or c’est là que j’ai lu pour la première fois le nom de
1087 ose de plus exaltant que cette revue. Or c’est là que j’ai lu pour la première fois le nom de Kierkegaard. À quelle époque
1088 ois le nom de Kierkegaard. À quelle époque est-ce que cela remonte ? Ça remonte aux années 1927 à 1930. Je devais donc avoi
1089 ut une lecture enthousiasmante. Je suis convaincu que si Nietzsche avait pu lire Kierkegaard, tout aurait changé dans la pe
1090 ouvent à Nietzsche, et il lui dit dans une lettre qu’ il y avait deux hommes qu’il devait absolument lire, l’un était Dostoï
1091 lui dit dans une lettre qu’il y avait deux hommes qu’ il devait absolument lire, l’un était Dostoïevski, l’autre Kierkegaard
1092 ire, l’un était Dostoïevski, l’autre Kierkegaard. Que serait-il arrivé si Nietzsche n’était pas devenu fou juste un mois ap
1093 s donc avec Kierkegaard le protestantisme dans ce qu’ il avait de plus radical et révolutionnaire, tandis qu’en revenant à C
1094 en revenant à Calvin, peu après, je découvrais ce que la Réforme avait apporté de plus constructif du point de vue de la co
1095 Karl Barth, membre actif du parti socialiste (ce que je n’ai jamais été), mais enfin cela indiquait une certaine direction
1096 de la personne remonte à décembre 1934 ?23 Celle que j’ai publiée, mais ça résultait déjà de plusieurs années de réflexion
1097 ique. Ce qui m’a beaucoup aidé c’était un article que j’avais lu dans Esprit d’un personnage haut en couleur, qui s’appel
1098 l n’est pas autonome. Cela indiquait très bien ce que nous cherchions, qui n’était pas l’individu, produit d’une division,
1099 dividu, produit d’une division, comme l’atome, ce que Marx avait appelé la société atomisée, mais le sujet responsable de s
1100 combinaison. Le pire c’était l’individualisme tel qu’ on le définissait en France. Individualisme voulait dire qu’on était c
1101 éfinissait en France. Individualisme voulait dire qu’ on était contre l’État tout en lui demandant de faire tout le travail,
1102 majeur de la démocratie française. Et c’est de là que nous disions que, dans la démocratie individualiste, il n’y a plus ri
1103 cratie française. Et c’est de là que nous disions que , dans la démocratie individualiste, il n’y a plus rien pour résister
1104 onde. Mais quelqu’un se lève dans la salle et dit qu’ il est scandalisé de voir qu’on prive les hommes de leur volonté. Lui,
1105 dans la salle et dit qu’il est scandalisé de voir qu’ on prive les hommes de leur volonté. Lui, on ne l’aura pas ! Il dira n
1106 ster parce qu’il n’avait pas d’autre idée en tête que de dire non, ce qui fait qu’il n’avait plus aucune volonté, ou une vo
1107 d’autre idée en tête que de dire non, ce qui fait qu’ il n’avait plus aucune volonté, ou une volonté purement négative, une
1108 ifficulté, car dans cette idée de vocation, telle que vous l’entendez, il y a une composante difficile à cerner, c’est la f
1109 coup sur l’importance de la foi tout en affirmant que ce n’est pas, que ce ne doit pas être un idéal. Absolument pas. Cela
1110 nce de la foi tout en affirmant que ce n’est pas, que ce ne doit pas être un idéal. Absolument pas. Cela peut prêter à conf
1111 eut prêter à confusion. Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par foi ? Cela est absolument fondamental pour moi. C’e
1112 ela est absolument fondamental pour moi. C’est ce que je développerai dans un livre qui doit être, à mon sens, le plus impo
1113 doit être, à mon sens, le plus important de ceux que j’aurai écrits, mais qui n’est pas encore achevé. J’en ai une premièr
1114 5-1946, mais qui n’a jamais été publiée. Elle n’a que 120 pages, et depuis lors j’ai accumulé au moins 400 pages de notes.
1115 itre qui a mis en fureur des sociologues français que j’avais rencontrés à New York24. Ils trouvaient cela insensé. Ma thès
1116 rk24. Ils trouvaient cela insensé. Ma thèse était que seul le but peut dicter les moyens, qui ne sont que les moyens de le
1117 e seul le but peut dicter les moyens, qui ne sont que les moyens de le rejoindre. C’est lui qui les crée. C’est-à-dire que
1118 e rejoindre. C’est lui qui les crée. C’est-à-dire que la seule phrase valable du point de vue moral c’est : la fin justifie
1119 le monde peut l’accepter, car tout le monde sent qu’ il y a un but absolu (même si l’on ne sait pas exactement le définir),
1120 m’allait très bien d’appeler cela Dieu. Il n’y a qu’ un Dieu pour tous les hommes. Qu’on le connaisse ou non, il est là. Et
1121 a Dieu. Il n’y a qu’un Dieu pour tous les hommes. Qu’ on le connaisse ou non, il est là. Et il m’appelle. C’est cet appel qu
1122 ’est cet appel qui crée la personne. Alors je dis qu’ il faut aller vers l’Absolu, répondre à son appel, aller vers la fin q
1123 », qui exprime d’une manière imagée exactement ce que je cherchais à dire. C’est une lumière qui n’éclaire mon sentier que
1124 dire. C’est une lumière qui n’éclaire mon sentier que dans la mesure où j’ai le courage d’avancer, puisqu’elle est comme at
1125 rôle de la foi : j’ai quelque part une certitude que mon pied ne va pas tomber dans le vide. Je dois inventer mon sentier.
1126 i est encore indicible, mais qui agit. Il est bon qu’ elle agisse, sans ça qu’est-ce qui me donnerait le courage d’inventer
1127 mais qui agit. Il est bon qu’elle agisse, sans ça qu’ est-ce qui me donnerait le courage d’inventer mon chemin ? Voilà donc
1128 faire cela, tu dois refuser). C’est plus fréquent que le contraire, un appel direct et parfaitement clair. Cette vocation j
1129 ènes, mon milieu… C’est téléologique pour chacun, qu’ il le sache ou non. Mais il vaut mieux le savoir, parce qu’alors on de
1130 car le style, pour moi, dit autant (parfois plus) que les démonstrations intellectuelles. Pour revenir à ma remarque précéd
1131 ur revenir à ma remarque précédente, on peut dire que vous faisiez un peu figure de prophète — dès le début des années 1930
1132 ophète — dès le début des années 1930 — en disant que toute révolution matérialiste, fasciste ou communiste, est vouée à l’
1133 hose qui est tout à fait essentielle dans tout ce que nous disions26, mais peut-être plus claire chez moi que ça ne l’est c
1134 us disions26, mais peut-être plus claire chez moi que ça ne l’est chez d’autres personnalistes, peut-être par une certaine
1135 s, peut-être par une certaine ambition littéraire que d’autres n’avaient pas, qui n’était pas dans leurs préoccupations maî
1136 rir Kierkegaard, c’est la littérature. Et tout ce que j’écris — c’est pour moi une question de rigueur — doit avoir une val
1137 oir une valeur littéraire à mes yeux. Vous disiez que chez vous plus que chez les autres personnalistes il y a une préoccup
1138 éraire à mes yeux. Vous disiez que chez vous plus que chez les autres personnalistes il y a une préoccupation… Une préoccup
1139 s ai jamais admirés ou vénérés de la même manière que des écrivains. Un de ceux qui m’a le plus marqué est Paul Valéry, que
1140 n de ceux qui m’a le plus marqué est Paul Valéry, que j’ai à peine rencontré. Il y en a d’autres que j’ai beaucoup mieux co
1141 y, que j’ai à peine rencontré. Il y en a d’autres que j’ai beaucoup mieux connus. Georges Bataille ? Bataille, moins que d’
1142 mieux connus. Georges Bataille ? Bataille, moins que d’autres, en fait. Je l’ai connu au Collège de sociologie, qu’il avai
1143 en fait. Je l’ai connu au Collège de sociologie, qu’ il avait fondé avec Roger Caillois. On y faisait des communications au
1144 certains écrivains personnalistes ? Il se trouve qu’ à mon âge — j’aurai 78 ans dans un mois — eh bien, je ne me sens pas d
1145 je ne me sens pas du tout vieux, mais je découvre que je suis un des derniers survivants de cette génération qui s’est décl
1146 format de poche en 1972 (Collection Idées), ainsi que les nombreux articles de l’auteur parus dans les deux revues personna
1147 on de la plupart des références à Rougemont ainsi que les erreurs d’interprétation sont patentes. 21. Le passage de Par-de
1148 S’ils appartinrent à une patrie, ce ne fut jamais que par les régions superficielles de leur intelligence, ou aux heures de
31 1986, Articles divers (1982-1985). L’Europe des consciences (1986)
1149 ublic et la plupart des critiques semblent penser que la littérature c’est poésie, roman, théâtre, et que création littérai
1150 e la littérature c’est poésie, roman, théâtre, et que création littéraire serait synonyme de fiction. Voilà qui est méconna
1151 er Caillois… Voilà ce qui compte à mes yeux, plus que tout, dans ma bibliothèque française. Seul Benjamin Constant est meil
1152 Seul Benjamin Constant est meilleur dans Adolphe que dans ses écrits politiques. Paul Valéry me paraît en revanche plus cr
1153 me paraît en revanche plus créateur dans sa prose que dans ses vers. On m’opposera sans doute Racine. Mais toute loi souffr
1154 ce n’est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’ on le jugera. Rendons leur place aux essayistes dans toute littérature
1155 c. On s’étonne souvent, ou l’on juge regrettable, que je donne le plus clair de mes journées, depuis plus de trente ans, à
1156 journées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’ est-ce à dire ? Action pour l’Europe fédérée dès 1946, fondation et di
1157 e et d’une dizaine d’autres actions… Avec tout ce que cela nécessite de tâches quotidiennes, d’animation, d’organisation et
1158 les comités »… Combien d’autres ont dit ou écrit que mes engagements européens étaient « au détriment de mon œuvre littéra
1159 erais perdu pour la littérature… Le prix Schiller que je reçois aujourd’hui, non seulement réfute ces propos, mais me donne
1160 i donc aborder sans aucune précaution la question que beaucoup se posent à mon sujet : — Pourquoi s’occupe-t-il tant d’Euro
1161 citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que ma génération eut à relever. Arthur Koestler l’a fort bien dit : ce f
1162 onnalisme. Un jour, chez des amis, un jeune Russe que je venais de connaître, Alexandre Marc, me remit une page de manifest
1163 uvait répondre aux questions les plus lancinantes que me posaient alors l’époque, les carences de nos démocraties et le déf
1164 uelques dizaines de jeunes intellectuels, avec ce que l’on nomme aujourd’hui, d’après une thèse célèbre, « les non-conformi
1165 yer de l’état-major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée
1166 utile là-bas, pensait-on sans doute en haut lieu. Qu’ ai-je fait durant mes six années américaines ? J’ai écrit quelques liv
1167 sonnalistes, puis inspiré la Résistance, j’ai dit que j’étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis po
1168 raisons tout intérieures auxquelles il est temps que je vienne. Vers ma vingt-quatrième année, j’avais découvert deux aute
1169 e totalement différente, je le confesse, de celle que je gardais de mon école du dimanche. C’était l’idée très calvinienne
1170 mmunauté. Paul Valéry nous avait convaincus de ce que « toute politique suppose une certaine idée de l’homme ». Nous en déd
1171 ne certaine idée de l’homme ». Nous en déduisions que le communisme supposait un individu embrigadé, le Komsomol ; que les
1172 me supposait un individu embrigadé, le Komsomol ; que les fascismes, noir ou brun, impliquaient à peu près la même concepti
1173 de la Race substitué à celui de la Classe ; mais qu’ en revanche un type d’homme qui serait à la fois pleinement libre et p
1174 ent, nous observions — nous, les personnalistes — que l’homme n’est responsable qu’au sein d’une communauté où sa voix puis
1175 es personnalistes — que l’homme n’est responsable qu’ au sein d’une communauté où sa voix puisse porter et où n’importe qui
1176 de Stentor. Nous retrouvions l’idéal d’Aristote, qu’ il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du même coup, et le mod
1177 Calvin du même coup, et le modèle de cité idéale que Rousseau devait reprendre en l’appliquant aux citoyens de Genève réun
1178 — voir la Suisse justement — une idée de l’homme que nous appelions la personne, c’est-à-dire un individu à la fois libre
1179 Voilà pour la doctrine. J’ai dit les conséquences qu’ elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles « perdu pour la littérature
1180 -elles « perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non. De mon action européenne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’u
1181 ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart de ce que j’ai publié jusqu’ici. Mais je ne voudrais surtout pas que l’on dédui
1182 publié jusqu’ici. Mais je ne voudrais surtout pas que l’on déduisît de mes propos que mon œuvre est issue d’un système ou d
1183 drais surtout pas que l’on déduisît de mes propos que mon œuvre est issue d’un système ou d’une dialectique rationnelle. La
1184 de mes idées, je ne suis en droit de les déduire qu’ après coup, d’une analyse de ce que j’ai vécu. Mais dans le fait, au j
1185 de les déduire qu’après coup, d’une analyse de ce que j’ai vécu. Mais dans le fait, au jour le jour, tout s’est passé autre
1186 i-heure après que mon ordonnance m’eut annoncé ce qu’ on venait d’entendre à la radio. Ces deux pages ont changé ma vie en m
1187 ssion houleuse, à Paris, à Londres, à La Haye, et que je lus en conclusion du grand Congrès de l’Europe réuni à La Haye en
1188 du Centre européen de la culture. Or il se trouve que ces deux petits écrits sont ceux dont, en les relisant, je suis le mo
1189 de l’Europe, qui a répandu sur toute la Terre ce qu’ elle nomme le Progrès, c’est-à-dire une civilisation technico-industri
1190 s États-nations. Il est devenu parfaitement clair qu’ on ne peut pas fonder l’union de l’Europe sur la base des États qui s’
1191 ments, la plus grosse dépense jamais faite depuis que l’humanité existe et dont le mieux qu’on puisse attendre est qu’elle
1192 ite depuis que l’humanité existe et dont le mieux qu’ on puisse attendre est qu’elle ne serve jamais à rien : nous sommes fo
1193 existe et dont le mieux qu’on puisse attendre est qu’ elle ne serve jamais à rien : nous sommes fous. Pourquoi notre avenir
1194 mes fous. Pourquoi notre avenir vaudrait-il mieux que ce que nous sommes, nous qui le laissons faire, nous qui le faisons ?
1195 s. Pourquoi notre avenir vaudrait-il mieux que ce que nous sommes, nous qui le laissons faire, nous qui le faisons ? Je ne
1196 formation des cabinets ministériels. Bien plutôt que par « la note d’espoir » traditionnelle, je voudrais terminer par un
1197 science dont dépend notre avenir : car il sera ce que nous voulons au fond de nous-mêmes. Ce n’est qu’en chacun de nous qu’
1198 que nous voulons au fond de nous-mêmes. Ce n’est qu’ en chacun de nous qu’il peut être sauvé. Denis de Rougemont 26 octobre
1199 fond de nous-mêmes. Ce n’est qu’en chacun de nous qu’ il peut être sauvé. Denis de Rougemont 26 octobre 1982 ar. Rougemon
1200 sa mémoire, voici le texte inédit de l’allocution qu’ il prononça à Genève en octobre 1982, après qu’on lui eut remis le Gra
32 1994, Articles divers (1982-1985). Agora (1994)
1201 els —, le bouleutérion où siègent les magistrats, que l’on nomme curie dans le monde romain et, beaucoup plus tard, le « pa
1202 dération suisse. À ce propos, on sait aujourd’hui que le Pacte de 1291, dit du « Grütli », fut écrit dans un latin assez pa
1203 usqu’en Espagne. Il y a donc une longue tradition que l’on peut suivre de la polis grecque avec son agora à la civitas roma
1204 Les règles impératives à respecter, si l’on veut que l’agora fonctionne, ont été formulées par Aristote, notamment dans sa
1205 t d’appliquer ces principes à nos sociétés telles qu’ elles sont devenues : démesurées en fait, qu’on le veuille ou non, par
1206 lles qu’elles sont devenues : démesurées en fait, qu’ on le veuille ou non, par les tâches de plus en plus vastes, lourdes e
1207 as se serrer la main à l’arrivée. On sent tout ce qu’ il manquerait d’humainement essentiel à de tels assemblages de reflets
33 1994, Articles divers (1982-1985). URSS (1994)
1208 les propriétaires terriens et les prêtres, ainsi que les membres de la famille impériale. Le vote populaire élit les sovie
1209 e chapitre Ier sur l’Organisation sociale annonce que l’URSS est un État socialiste des ouvriers et des paysans, dont « la
1210 u peuple tout entier. Cependant, l’art. 7 prévoit que « chaque foyer kolkhozien […] a la jouissance personnelle d’un petit
1211 […] sont protégés par la loi. » L’art. 11 déclare que « la vie économique de l’URSS est déterminée et dirigée par le plan d
1212 leurs », dont on verra plus loin (art. 46 et 141) que , pratiquement, ces députés ne peuvent être proposés à l’élection que
1213 ces députés ne peuvent être proposés à l’élection que par le Parti. Le chapitre II sur l’Organisation de l’État définit l’U
1214 la plupart des pouvoirs fédéraux existants, tels que  : relations extérieures, défense, transports et PTT, législation du t
1215 ans le domaine de l’instruction publique », ainsi que la totalité de l’organisation et de la procédure judiciaires. Enfin,
1216 ns-le, peut sembler plus radicalement fédéraliste que tout ce que prévoient les constitutions fédérales existantes. Le chap
1217 sembler plus radicalement fédéraliste que tout ce que prévoient les constitutions fédérales existantes. Le chapitre III déf
1218 ’administration d’État de l’URSS. L’art. 64 porte que « l’organe exécutif et administratif supérieur du pouvoir d’État de l
1219 ’école de l’Église » ; — liberté des cultes ainsi que liberté de propagande antireligieuse ; — liberté de parole, de la pre
1220 les organisations de travailleurs, tant sociales que d’État » (art. 126). Il paraît évident que ce privilège de noyau diri
1221 ciales que d’État » (art. 126). Il paraît évident que ce privilège de noyau dirigeant accordé au Parti relativise, pour dir
1222 e chapitre XI, sur le Système électoral, rappelle que les élections aux soviets des treize degrés existants du Soviet de ha
1223 ecret » (art. 134). Cependant, l’art. 141 précise que « le droit de présenter les candidats est garanti aux organisations s
1224 les organisations de travailleurs, tant sociales que d’État ». La Constitution de 1977 La Constitution de 1977, dite
1225 l une révision de la Constitution « de Staline », qu’ elle modifie sur une centaine de points d’importance très inégale. Les
1226 s de ses adhérents. Il est intéressant de relever qu’ au cours de ces débats, selon la presse soviétique, « certains voulaie
1227 isme », tandis que d’autres n’avaient pas compris que « le socialisme développé n’est pas encore le communisme », et demand
1228 a « dictature du prolétariat ». L’art. 1 proclame que « l’URSS est un État socialiste du peuple tout entier » et non plus s
1229 t soldats ». En même temps, selon la présentation qu’ en donnait la Pravda (26 mai 1977), l’insistance est mise sur « le rôl
1230 signée ». Il est certain — sinon clairement dit — que l’équilibre entre centralisation fédéraliste et autonomie de base est
1231 intérêts de la société et de l’État ». Or le fait que le PC jugera toujours en dernier ressort des vrais intérêts de l’État
1232 es droits et libertés déjà définis en 1936, ainsi que le droit nouveau introduit en 1977 de « faire des suggestions aux org
1233 en répondre ». Pouvait-on déduire de ces articles que les dissidents étaient en liberté, que les camps du goulag étaient vi
1234 s articles que les dissidents étaient en liberté, que les camps du goulag étaient vides, et que l’URSS était une démocratie
1235 iberté, que les camps du goulag étaient vides, et que l’URSS était une démocratie fédéraliste ? Bibliographie Feldbr
34 1996, Articles divers (1982-1985). « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (automne 1996)
1236 « Plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (automne 1996)ax ay « … Je sens venir d
1237 sens. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chose. Quel qu’en soit d’ailleurs
1238 esserai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chose. Quel qu’en soit d’ailleurs, le succès !
1239 e je verrai que je puis faire quelque chose. Quel qu’ en soit d’ailleurs, le succès ! Attitude qui n’est pas différente de c
1240 ccès ! Attitude qui n’est pas différente de celle que j’annonçais dans mon premier article traitant du sujet politique : « 
1241 que du pessimisme actif ». (Encore une expression qu’ on a beaucoup reprise…) Mon attitude générale n’est pas celle d’un pes
1242 aucoup cette expression latine « plaise aux dieux que je sois un faux prophète » (utinam vates falsus sim). Je dis à mes co
1243 et vous éviterez les désastres ! Je ne crois pas que notre avenir soit fatal. L’avenir est fait de main d’homme de nos jou
1244 e qui arrive de mauvais dans le monde, il dit : «  qu’ est-ce qu’ils ont encore fait ? » « Ils » ou l’État ou les lois économ
1245 ve de mauvais dans le monde, il dit : « qu’est-ce qu’ ils ont encore fait ? » « Ils » ou l’État ou les lois économiques, tou
1246 ’État ou les lois économiques, tout nous est bon. Qu’ est-ce qui fait la force de l’État ? C’est la somme des démissions des
1247 là ! » Yahvé les trouve et demande à l’homme : «  Qu’ as-tu fait ? » Adam dit : « Ce n’est pas moi, c’est Ève qui m’a forcé 
1248 plus là. Il n’est pas vrai de dire, aujourd’hui, que les centrales nucléaires « qu’on le veuille ou non » sont nécessaires
1249 dire, aujourd’hui, que les centrales nucléaires «  qu’ on le veuille ou non » sont nécessaires. Les problèmes quelles seraien
1250 les contradictions de nos désirs. Ils ne viennent que de là, que de nous ! Nous n’osons pas avouer nos vrais désirs. Nous l
1251 ictions de nos désirs. Ils ne viennent que de là, que de nous ! Nous n’osons pas avouer nos vrais désirs. Nous les déguison
1252 Nous mentons à nos vrais désirs. Nous disons tous que nous voulons la liberté. En vérité, beaucoup veulent d’abord la puiss
1253 non plus parce que je ne crois pas avec Rousseau que l’homme est bon. Il est bête et méchant, c’est dans ses chromosomes.
1254 s dans le sens de mon désir profond. Il se trouve que c’est le désir de la liberté, non de la puissance. Qu’appelez-vous li
1255 ’est le désir de la liberté, non de la puissance. Qu’ appelez-vous liberté ? Se réaliser soi-même, pouvoir obéir à sa vocati
1256 ommes. Vous dites dans L’Avenir est notre affaire que deux finalités s’offrent à l’homme d’aujourd’hui, la puissance et la
1257 s relations humaines de la cité au lieu de n’être que les spectateurs passifs de débats entre politiciens — un peu comme on
1258 ned than well governed » (mieux vaut se gouverner que d’être bien gouverné)… Votre définition de la région ? Est-ce une eth
1259 de l’homme puisse s’y faire entendre. Vous savez que c’est le plus vieil idéal politique de l’Europe. Aristote voulait que
1260 eil idéal politique de l’Europe. Aristote voulait que la ville ne soit pas plus grande que la portée de la voix d’un homme
1261 tote voulait que la ville ne soit pas plus grande que la portée de la voix d’un homme criant sur l’agora. À Manhattan, vous
1262 personne ne vous entendra. On ne peut être libre que si l’on est responsable et l’inverse est vrai. Devant un tribunal, si
1263 Devant un tribunal, si votre avocat peut prouver que vous n’étiez pas libre quand vous avez commis un délit, on vous acqui
1264 n vous acquitte. Mais on ne peut être responsable que dans une communauté à la taille de l’homme, où chacun peut juger des
1265 ue le plancton, lequel fabrique 4/5e de l’oxygène que nous respirons, est un problème mondial, qui appelle une agence mondi
1266 Les enfants comprennent très bien cela et savent que les douaniers n’arrêtent pas la pollution. Pour l’écologie, nos front
1267 e, régions, Europe : même avenir. C’est la devise que j’ai proposée aux mouvements écologiques français et il semble bien q
1268 pour le moins hardies… Une thèse centrale : c’est que l’amour-passion est l’invention du xiie siècle européen, que la pass
1269 passion est l’invention du xiie siècle européen, que la passion se nourrit d’obstacles et les suscite au besoin et que l’o
1270 e nourrit d’obstacles et les suscite au besoin et que l’obstacle suprême étant la mort, c’est dans la mort que les amants l
1271 bstacle suprême étant la mort, c’est dans la mort que les amants légendaires, Tristan et Iseut, trouveront le couronnement
1272 couronnement de leur passion, la « joie suprême » que chante l’Isolde de Wagner. Tout cela à partir d’analyses rigoureuses
1273 mythe de Tristan et Iseut dont le sens ultime est que Tristan n’aime pas Iseut dans sa réalité. Ce qu’il aime, c’est aimer,
1274 que Tristan n’aime pas Iseut dans sa réalité. Ce qu’ il aime, c’est aimer, être aimé, être intoxiqué de la passion d’amour.
1275 drogue. Or, passion signifie souffrance, c’est ce que l’on subit, c’est le contraire de l’acte d’amour vrai. J’ai montré le
1276 la crise de l’amour. D’où l’influence multiforme que ce livre continue d’exercer depuis près de quarante ans. Pouvez-vous
1277 de quarante ans. Pouvez-vous citer des romanciers que vous avez influencés ? Lawrence Durrell et Michel Tournier et un poèt
1278 tan Auden. Certains jeunes écrivains m’ont confié qu’ ils avaient renoncé à écrire tel roman déjà commencé, parce que m’ayan
1279 , parce que m’ayant lu, ils savaient trop bien ce qu’ ils faisaient. Dois-je me le reprocher ? Toute prise de conscience n’e
1280 un progrès ? Ainsi le cas d’André Gide. Apprenant que je cherchais de toute urgence un studio et ne trouvais rien, il m’ava
1281 ais dites-moi, mon cher Rougemont, quand on saura que vous habitez chez moi, qu’est-ce qu’on va dire ? » Et il répète à tra
1282 gemont, quand on saura que vous habitez chez moi, qu’ est-ce qu’on va dire ? » Et il répète à travers ses dents serrées : « 
1283 and on saura que vous habitez chez moi, qu’est-ce qu’ on va dire ? » Et il répète à travers ses dents serrées : « qu’est-ce
1284  ? » Et il répète à travers ses dents serrées : «  qu’ est-ce qu’on va dire ? » Je me garde bien de répondre, je m’amuse trop
1285 répète à travers ses dents serrées : « qu’est-ce qu’ on va dire ? » Je me garde bien de répondre, je m’amuse trop. Finaleme
1286 trop. Finalement il jette en riant : « on va dire que c’est un complot protestant ! » Chaque matin qui suivit, il vint entr
1287 ans L’Amour et l’Occident et non pas dans Freud que j’ai découvert l’explication de mon cas et les raisons qui m’ont fait
1288 ne autre fois, plus détendu : « Vous allez penser que je suis obsédé, mais je ne puis m’empêcher de croire que vos troubado
1289 suis obsédé, mais je ne puis m’empêcher de croire que vos troubadours étaient homosexuels. » Je lui dis qu’en effet, plusie
1290 vos troubadours étaient homosexuels. » Je lui dis qu’ en effet, plusieurs semblent l’avoir été que cela n’a rien de surprena
1291 i dis qu’en effet, plusieurs semblent l’avoir été que cela n’a rien de surprenant : ils mettaient la femme, la Dame sur un
1292 e maître qui interdit de la posséder. Il ne reste qu’ à la diviniser. Mais on risque par la suite d’assimiler toute femme ai
1293 me démontrait — ce qui est rigoureusement exclu — qu’ elles sont inoffensives, rentables et nécessaires, je serais contre pa
1294 plus centralisé et policier. D’ailleurs, je doute qu’ on continue à en construire et qu’elles fonctionnent. Je lutte surtout
1295 leurs, je doute qu’on continue à en construire et qu’ elles fonctionnent. Je lutte surtout pour qu’on cherche autre chose, q
1296 Je lutte surtout pour qu’on cherche autre chose, qu’ on change de cap… Mais n’avez-vous pas été le premier à plaider en fav
1297 nucléaire sont suicidaires et le savent. L’avenir que nous voulons, c’est le solaire. Mais les États freinent la recherche
1298 États freinent la recherche dans ce domaine. Tant qu’ ils n’auront pas trouvé le moyen d’intercaler un compteur entre le sol
1299 ens, ils nous répéteront — et c’est un mensonge — qu’ il faut vingt ans encore pour que l’énergie solaire soit compétitive.
1300 tats ? Parce que le soleil est à tout le monde et que demain vous pourrez avoir un four solaire sur votre maison qui ne dev
1301 t aveugle comme une taupe et s’ennuyait tellement qu’ il voulait voir mourir les hommes afin de lui tenir compagnie. Zeus qu
1302 urir les hommes afin de lui tenir compagnie. Zeus qu’ Homère appelle parfois Europeos (qui voit très loin) est le dieu du so
1303 le pense pas. L’utopie majeure consiste à croire qu’ on peut continuer comme ça. Je me tiens pour un réaliste quand je pose
1304 aliste quand je pose une question comme celle-là. Que ferez-vous des autoroutes quand l’essence coûtera 50 francs le litre
1305 ougemont Denis de, « [Entretien] Plaise aux dieux que je sois un faux prophète », Temps européens, Genève, 1996, p. 34-41.