1 1952, Arts, articles (1952-1965). Appel à ceux qui osent être différents (22 mai 1952)
1 Appel à ceux qui osent être différents (22 mai 1952)a On attend de l’écrivain contemporain — a
2 orain — alternativement ou simultané­ment — qu’il soit prêtre et iconoclaste, directeur de cons­cience et mauvaise tête, mag
3 écorer, avouant ainsi qu’elle ne sait plus quelle est sa juste place dans la cité. On lui a donné, au cours du xxe siècle,
4 amais son langage d’artiste ou de penseur n’avait été plus éloigné du lieu commun, de ce que peuvent entendre et comprendre
5 ral, et enfin politique. Devant ce défi, certains sont tentés de fuir, de se dérober et de plaider irresponsable ; mais d’au
6 rober et de plaider irresponsable ; mais d’autres sont tentés de se conformer aux recettes bien connues de l’efficacité : si
7 Notre place, comme écrivains, dans la cité, s’ est révélée problématique. Je reconnais cette situation. Et je l’accepte.
8 n la grande parole évangélique et paulinienne : «  Soyez dans le monde comme n’étant pas du monde. » Et cette formule, me semb
9 ue et paulinienne : « Soyez dans le monde comme n’ étant pas du monde. » Et cette formule, me semble-t-il, fournit la clé. Pré
10 é. Précisément parce que la place de l’écrivain n’ est plus, n’est pas clairement marquée dans la cité, parce qu’il ne sait
11 nt parce que la place de l’écrivain n’est plus, n’ est pas clairement marquée dans la cité, parce qu’il ne sait plus où s’as
12 ce qu’il ne sait plus où s’asseoir, parce qu’il n’ est pas intégré sans question ni contradiction dans la structure sociale,
13 lément de liberté. Sa vraie fonction dans la cité serait ainsi de n’en point avoir de nécessaire, de n’être point totalement a
14 ait ainsi de n’en point avoir de nécessaire, de n’ être point totalement absorbé par le social, de rester par définition le s
15 et de ses conditions pour tous. Au monde comme n’ étant pas du monde, dans la cité, oui, mais comme un problème vivant, comme
16 deux manières de perdre la liberté : la première est de ne pas l’exercer en actes ; la seconde, d’en supprimer les conditi
17 conde, d’en supprimer les conditions. La première est notre tentation la plus intime, celle de la dérobade, orgueilleuse ou
18 euse ou modeste, du retrait hors du monde où nous sommes vivants. Je ne crois pas à une « littérature engagée », selon l’expre
19 gement personnel de l’écrivain comme tel. Et il n’ est pas question non plus de réduire la littérature au témoignage social
20 e monde. Mais je vois d’autre part que ces forces furent d’abord des idées, sont nées d’œuvres écrites. Le nationalisme qui no
21 tre part que ces forces furent d’abord des idées, sont nées d’œuvres écrites. Le nationalisme qui nous étrique et qui paraly
22 échanges de tout ordre en Europe, le nationalisme fut une création d’écrivains, de poètes, hélas ! et de philosophes. Ceci
23 onditions intellectuelles et morales qui ménagent soit l’acceptation d’une tyrannie, à force de mensonges tolérés en silence
24 s en silence (on nous en abreuve ces jours-ci !), soit au contraire de former une équipe, modeste et dure, de résistants, do
25 if pour beaucoup. Renoncer ou nier ce pouvoir, ce serait tout simplement l’abandonner à ceux qui en abuseront demain, qui saur
26 ui en abuseront demain, qui sauront vous forcer à être totalement et uniquement du monde, de leur monde, et à clamer d’une d
27 u tout, non pas un seul instant dans l’idée qui m’ est répugnante de constituer un front commun, sous lequel disparaîtraient
28 de propagande, ou je ne sais quelle mystique qui serait , au mieux, un peu plus virulente que la leur. Un congrès d’écrivains,
29 ’est pour sauver, précisément, ce droit, que nous sommes ensemble, non point malgré nos différences, mais à cause d’elles. Je
30 a. Rougemont Denis de, « Appel à ceux qui osent être différents », Arts, Paris, 22 mai 1952, p. 1 et 13.
2 1957, Arts, articles (1952-1965). L’ère des loisirs commence (10 avril 1957)
31 e des loisirs commence (10 avril 1957)b c Nous sommes au seuil des temps où la culture va devenir le sérieux de la vie. (El
32 devenir le sérieux de la vie. (Elle l’a toujours été , mais cela se verra.) Jusqu’ici, c’était le travail qui occupait l’es
33 diennes. La question « Que faire de ma vie ? » ne sera plus réprimée par cette réponse, plusieurs fois millénaire : « La gag
34 plusieurs fois millénaire : « La gagner ! » Elle sera subitement mise à nu. D’ici vingt ou trente ans, selon certains exper
35 semaine, pour que tous nos besoins « matériels » soient satisfaits (et bien mieux qu’aujourd’hui) : alimentation et transport
36 que peut tout compromettre dans l’œuf. Mais l’œuf est là, portant son germe et notre avenir : cet avenir qu’il nous faut ac
37 évoir, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce n’ est pas l’invention de la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu’un
38 t, jouets et ornements chez les Aztèques.) Ce qui est certain, c’est que le progrès technique va faire un saut sans précéde
39 ns se manifesteront d’une manière transparente et seront suivis d’effets presque immédiats. Ce sont ces vœux et ces orientatio
40 e et seront suivis d’effets presque immédiats. Ce sont ces vœux et ces orientations que l’on peut essayer d’induire de notre
41 la suite. Une expérience un peu plus longue nous est donnée par les populations du cercle arctique (Suède et Norvège), con
42 onférences, causeries et discussions publiques se tiennent par dizaines de milliers dans nos pays démocratiques ; et l’instructi
43 os pays démocratiques ; et l’instruction publique est heureusement doublée par des centaines d’ouvrages de vulgarisation qu
44 que nous ramène à la religion Car la culture n’ est , en fin de compte, qu’un prisme diffracteur du sentiment religieux da
45 ment, en Occident comme en Orient. (En fait, elle est surtout — et devrait être — accession à la vérité, et peu importent l
46 n Orient. (En fait, elle est surtout — et devrait être — accession à la vérité, et peu importent les moyens.) On voit donc m
47 ère technique conduirait aux religions. L’ascèse était en fait une résistance à la technique sous ses formes primitives, com
48 que sous ses formes primitives, comme la mystique était un mouvement de dépassement ou de retrait en deçà du dogme formulé ;
49 u dogme et de la liturgie dans la culture dont il est imprégné. Voilà pourquoi la connaissance des dogmes et des opinions p
50 dogmes et des opinions premières de nos religions sera demain la première condition des hérésies et gnoses qui vont paraître
51 ballon qui ne demande qu’à « s’élever » dès qu’il est délivré des soucis quotidiens. La preuve qu’il n’en est rien, c’est q
52 livré des soucis quotidiens. La preuve qu’il n’en est rien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans les pires con
53 religieuses deviendront plus sérieuses que ne le sont aujourd’hui les questions matérielles, les « lois » économiques, les
54 e temps vuide ». Elle suppose donc que le travail est le vrai temps. Cette hiérarchie des valeurs a dominé jusqu’à nos jour
55 a le devenir dès que les bénéfices de l’industrie seront distribués aux ouvriers non seulement sous la forme d’une diminution
56 s, entraîne et suppose un progrès culturel (qu’il soit appelé loisir ou travail). 3. Je ne parle pas ici de la télévision,
57 urs vins ni la qualité de leur air : ces « vues » sont donc autant de fausses-nouvelles-vraisemblables, les plus dangereuses
58 ris affiché pour les questions religieuses n’aura été qu’un phénomène transitoire de notre civilisation occidentale. (Voir
59 e de la parisienne, au xxe siècle, se crurent et furent dans une large mesure antireligieuse ou areligieuse. Le surréalisme f
60 eligieuse ou areligieuse. Le surréalisme français fut le signal d’une première révolte contre la conception « rationaliste 
61 s » d’une éthique protestante-libérale — quel que soit par ailleurs son athéisme. Le retour aux problèmes religieux dans la
62 lèmes religieux dans la littérature occidentale s’ est amorcé dès 1919, et n’a pas cessé de s’amplifier. 5. Nos sectes orie
3 1960, Arts, articles (1952-1965). Remise en question par l’Afrique et l’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur (21 septembre 1960)
63 urope a dominé le monde pendant des siècles. Elle est encore, à notre époque, celle qu’on imite partout même quand on la co
64 qu’on imite partout même quand on la combat. Elle est donc encore la plus forte. Pourtant, si on la compare à d’autres, pas
65 ’en distingue par deux grands traits généralement tenus pour des causes de faiblesse : je veux parler d’une inquiétude fondam
66 its déplorent depuis des siècles ? Ils ne peuvent être accidentels. Je pense même qu’ils remontent aux sources vives de notr
67 sources vives de notre civilisation, et qu’ils en sont inséparables. Je les rattache à nos plus grandes traditions : le chri
68 iétude provient de notre foi, et nos incertitudes sont créées par la nature même de nos certitudes. Ce paradoxe s’explique d
69 te, pas même un seul » et que pourtant il devrait être saint. Il sait que le péché consiste à être séparé de la Vérité vivan
70 vrait être saint. Il sait que le péché consiste à être séparé de la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il
71 paré de la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il cherche donc. Il cherche à se rapprocher de la Vérité et
72 a sainteté. Dans cet effort sans fin ni cesse, il est pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il est donc un inquiet per
73 est pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il est donc un inquiet perpétuel, mais qui sait les raisons de son inquiétud
74 t les raisons de son inquiétude ; il sait qu’elle est normale, et non désespérée, puisqu’elle est produite par sa foi, c’es
75 ’elle est normale, et non désespérée, puisqu’elle est produite par sa foi, c’est-à-dire par sa certitude. Prenons ensuite l
76 « vérités » qu’établissent les écoles successives sont relatives et provisoires, ont été dépassées l’une après l’autre, et q
77 es successives sont relatives et provisoires, ont été dépassées l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’être de la
78 l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’ être de la science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sa
79 e, et que pourtant la raison d’être de la science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sans fin ni cesse —
80 e — pour s’approcher d’un but toujours fuyant, il est soutenu par sa confiance en la raison et l’expérience vérifiante. La
81 rtitudes que l’on croyait acquises, d’autre part, est le gage d’un progrès vers le vrai. Ainsi donc, du désordre vers un ce
82 recherche à la pleine possession de la vérité. On serait tenté de répondre qu’il en est bien ainsi, quand on entend les intell
83 e la vérité. On serait tenté de répondre qu’il en est bien ainsi, quand on entend les intellectuels libéraux d’aujourd’hui
84 rvances le reproche, à leurs yeux rédhibitoire, d’ être des hommes « qui ont cessé de chercher » et « qui se croient les déte
85 croient les détenteurs de la vérité absolue ». Il serait peut-être erroné d’en déduire que l’Occidental nie l’existence d’une
86 personnelles : plus de joie à avoir ce qu’on a, à être ce qu’on est, à faire ce que l’on veut, à aimer ce que l’on aime, don
87 plus de joie à avoir ce qu’on a, à être ce qu’on est , à faire ce que l’on veut, à aimer ce que l’on aime, donc plus de lib
88 ent à des antinomies flagrantes aussitôt qu’elles sont appliquées. Le progrès défini Définition par la technique : pro
89 ente d’en mesurer les effets historiques. Il n’en serait pas moins vain d’imaginer qu’on puisse l’éliminer ou l’oublier. Admet
90 Mais l’Europe, responsable de l’idée du Progrès, est responsable aussi de sa rectification. Toutes les « hérésies du Progr
91 rectification. Toutes les « hérésies du Progrès » sont bel et bien nées en Europe, encore qu’elles n’aient vraiment déployé
92 omme extraites de leur contexte original, elles n’ étaient plus mises en échec par trop de coutumes anciennes ou de limitations
93 core le sens d’un équilibre intime : si ce sens n’ était pas blessé, rien ne réagirait ; s’il est blessé et réagit, c’est qu’i
94 sens n’était pas blessé, rien ne réagirait ; s’il est blessé et réagit, c’est qu’il existe. J’essaierai donc d’en définir l
95 définir la nature et les exigences. L’Occident n’ est pas né comme on nous dit que naissent les grandes cultures et civilis
96 née et qui compense d’abord un sort inaccepté. Il est né comme une aventure, d’un fait très insolite et peu croyable, surve
97 t initial nous semble accidentel, j’entends qu’il serait vain d’essayer de le déduire d’une certaine situation d’ensemble ou d
98 té du monde antique : nul ne peut démontrer qu’il soit venu « à son heure ». Il porte à l’origine les stigmates du réel, et
99 tes du réel, et non pas les signes du mythe. Il n’ est pas vraisemblable ; il est vrai. On ne l’attendait pas, il est là. Ai
100 signes du mythe. Il n’est pas vraisemblable ; il est vrai. On ne l’attendait pas, il est là. Ainsi naît l’Occident : comme
101 emblable ; il est vrai. On ne l’attendait pas, il est là. Ainsi naît l’Occident : comme un drame, dont on peut contester ap
102 pleur de cette révolution, il faut imaginer ce qu’ était le sacré, ce qu’il est encore en Orient. La morale des Anciens est ba
103 , il faut imaginer ce qu’était le sacré, ce qu’il est encore en Orient. La morale des Anciens est basée sur le rite, et dan
104 qu’il est encore en Orient. La morale des Anciens est basée sur le rite, et dans le monde magique elle n’est que rite. Seul
105 asée sur le rite, et dans le monde magique elle n’ est que rite. Seule la croyance moderne aux « lois de la science » et aux
106 peut relever ni de l’opinion, ni d’un jury. Elle est plutôt comme une grossière erreur de calcul, de montage ou d’aiguilla
107 ce mais le châtiment restaurateur de l’ordre. Tel est le cadre antique, traditionnel (au sens oriental de ce mot) que le me
108 de la Foi, c’est-à-dire du Rite à l’Amour. « Tout est permis, mais tout n’édifie pas », « Rien n’est impur en soi », mais «
109 ut est permis, mais tout n’édifie pas », « Rien n’ est impur en soi », mais « Tout est pur aux purs ». Semblablement, saint
110 e pas », « Rien n’est impur en soi », mais « Tout est pur aux purs ». Semblablement, saint Augustin dira : « Aime Dieu et f
111 iquent, en effet, que la valeur d’un acte ne peut être jugée par sa conformité avec les règles du sacré ou du social, mais q
112 amour, s’il édifie. Pourtant la voie chrétienne n’ est pas tout l’Occident. Elle prend son point de départ dans le choc déci
113 if duquel nous datons notre histoire. Mais elle s’ est engagée dans un monde bien réel, déjà fortement structuré à la fois p
114 ntale de l’homme ». Certes la voie chrétienne n’y est pas seule active, mais elle fut décisive et reste axiale : c’est par
115 ie chrétienne n’y est pas seule active, mais elle fut décisive et reste axiale : c’est par rapport à elle que nous pourrons
116 tiques et sociales élaborées par ces trois mondes sont entrées elles aussi en symbiose, et cela d’une manière manifeste dès
117 le et menacé, mortel et ignorant, il sait qu’il n’ est pas dieu, ne rêve pas de le devenir, mais se sent d’autant plus décid
118 navigateur, spéculateur dans tous les ordres, il est à tous égards celui qui définit — l’homme du Verbe et de l’épithète,
119 toutes choses », dira Protagoras, « de celles qui sont en supposant qu’elles sont, de celles qui ne sont pas en supposant qu
120 goras, « de celles qui sont en supposant qu’elles sont , de celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge
121 sont en supposant qu’elles sont, de celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge de tout, on le voit, mê
122 e celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge de tout, on le voit, même des dieux. D’où le sens de sa d
123 ême des dieux. D’où le sens de sa dignité, qui ne tient à rien qu’à lui-même, au seul fait qu’il existe, distinct. D’où son o
124 résume dans le terme viril de citoyen. L’homme ne tient plus sa dignité unique de quelque essence indestructible, mais du per
125 ne anarchie latente, parce que ces disciplines ne sont pas celles de l’âme, que naît et se répand le christianisme. Apport
126 étienne, l’esclave y trouve la dignité morale qui était celle de l’individu selon les Grecs, et l’honneur de servir, qui étai
127 vidu selon les Grecs, et l’honneur de servir, qui était celui du citoyen romain. Il devient donc un paradoxe vivant : à la fo
128 on, unit le meilleur de Rome et de la Grèce, elle est aussi menacée, dans le monde du péché, par un double péril simultané 
129 de la vérité. Car la vérité, pour la foi, ne peut être que celle de Dieu, même quand elle semble nuire au groupe, à la tribu
130 ires leur ont manqué. Au contraire, le chrétien a été capable de faire avancer cette science, grâce à son christianisme et
131 ors connus. S’il a cru que c’était le monde, il s’ est trompé. Mais cette erreur ne peut être la nôtre. Qu’a fait l’Europe d
132 monde, il s’est trompé. Mais cette erreur ne peut être la nôtre. Qu’a fait l’Europe du xve siècle jusqu’à nos jours ? Elle
133 e monde du xxe siècle une autre civilisation qui soit en état de surpasser celle qu’a répandue l’Occident ? En même temps q
134 ts anarchiques dans tous les ordres. Tout échange est ambivalent. Il peut détruire autant que féconder. L’adoption de machi
135 ence à soupçonner que ces autres sciences peuvent être « vraies » aussi, et même devenir vitales. L’Aventure s’approchant de
136 rer l’autre (mais au prix de sacrifices dont il n’ est pas du tout certain qu’ils seraient féconds), ou bien il faut cherche
137 crifices dont il n’est pas du tout certain qu’ils seraient féconds), ou bien il faut chercher un principe transcendant, dont un
138 sent de l’Aventure occidentale, on dirait qu’il n’ est plus qu’un seul des rêves constants de l’humanité qui ne soit pas thé
139 ’un seul des rêves constants de l’humanité qui ne soit pas théoriquement réalisable : connaître l’au-delà de la mort. Mais p
140 les pensées, tuer ou guérir sans contact… — tout est là, ou peut l’être bientôt. Déjà nous volons, transmutons les métaux,
141 ou guérir sans contact… — tout est là, ou peut l’ être bientôt. Déjà nous volons, transmutons les métaux, dépassons la vites
142 conde prévu) ; dans les deux cas, l’effet probant est de nature tangible ou mesurable. Les Orientaux ont multiplié les rece
143 terre, même lorsqu’ils enseignaient que la vie n’ est qu’illusion. Mais aucun ne devint immortel. Nous cherchons plutôt les
144 n un mot, qui ont permis au problème de se poser, sont précisément les qualités et attitudes qui prédisposent le moins à l’u
145 rer au grand nombre. Au moment même où l’Occident serait en mesure d’en instituer les conditions pour tous, il se voit appauvr
146 techniques et en oublie ses valeurs propres, qui seraient celles dont nous aurions le plus grand besoin… L’âge des miracles
147 résent de l’Aventure occidentale, dont la science est la pointe extrême en notre siècle, notre image du monde s’évanouit. E
148 déjà échappé à nos sens. Dépassée la matière, qui était pourtant devenue l’objet principal de la science, nous butons contre
149 à partir de l’hydrogène. Le noyau de l’hydrogène est un proton. Cet ultime substrat de l’univers physique est un « nœud d’
150 proton. Cet ultime substrat de l’univers physique est un « nœud d’énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel
151 uels archétypes formateurs… Le monde phénoménal n’ est plus qu’une apparence flottant sur l’océan sans rivages et sans fond
152 galaxie. Mais dans quoi tout cela se meut-il ? Il est vrai que la question n’a pas de sens : rien « au monde » ne peut y ré
153 bord d’où elle vient, et comment, jusqu’ici, elle est allée. On verra que la question même est spécifique de l’Occident. To
154 ci, elle est allée. On verra que la question même est spécifique de l’Occident. Toute réponse décisive annoncerait donc la
155 trouver lui-même, dès lors qu’il sait qu’il n’en est point de vraiment générale et transposable — il quitterait en esprit
156 ce blanche, aventureuse moitié du monde. La Quête est notre forme d’exister. d. Rougemont Denis de, « Remise en questio
157 e d’un dossier de la revue Arts intitulé : « Quel est l’avenir de la race blanche ? »
4 1961, Arts, articles (1952-1965). L’Amour en cause (1er février 1961)
158 Amour en cause (1er février 1961)f g Éros, qui était un dieu pour les Anciens, est un problème pour les Modernes. Le dieu
159 )f g Éros, qui était un dieu pour les Anciens, est un problème pour les Modernes. Le dieu était ailé, charmant, et secon
160 ciens, est un problème pour les Modernes. Le dieu était ailé, charmant, et secondaire ; le problème est sérieux, complexe et
161 était ailé, charmant, et secondaire ; le problème est sérieux, complexe et encombrant. Mais cela n’est vrai qu’en Occident,
162 est sérieux, complexe et encombrant. Mais cela n’ est vrai qu’en Occident, car on n’observe rien de tel en Inde, en Chine o
163 t nous expliquer ce fait ? Et pourquoi l’érotisme est -il devenu synonyme de perversité non seulement dans le jargon des loi
164 ux origines du christianisme. 1. Le christianisme est la religion de l’Amour. Religion d’un Dieu que l’Ancien Testament déf
165 n Dieu que l’Ancien Testament définissait comme l’ Être originel, le Créateur du monde et le sauveur d’Israël, mais que le No
166 , et d’une manière radicalement nouvelle : « Dieu est Amour », répète saint Jean. Religion créée par un acte de l’amour « D
167 nné son Fils unique… » Religion dont toute la Loi est résumée par Jésus-Christ lui-même, dans le seul et unique commandemen
168 c’est l’Amour ». Et celui qui n’a pas l’Amour « n’ est qu’une cymbale qui retentit ». 2. Parce qu’il est religion de l’Amour
169 est qu’une cymbale qui retentit ». 2. Parce qu’il est religion de l’Amour, le christianisme implique et pose la réalité de
170 tions qu’il définit entre l’homme et « son » Dieu sont personnelles. Dieu est personnel. La Trinité est composée de trois pe
171 e l’homme et « son » Dieu sont personnelles. Dieu est personnel. La Trinité est composée de trois personnes. Le modèle de t
172 sont personnelles. Dieu est personnel. La Trinité est composée de trois personnes. Le modèle de toute personne humaine est
173 is personnes. Le modèle de toute personne humaine est donné par l’incarnation du Christ, fils de Dieu, en Jésus, fils de Ma
174 s de Dieu, en Jésus, fils de Marie — Jésus Christ étant à la fois « vrai Dieu et vrai homme » selon le Credo. D’où suit imméd
175 par ce qui la distingue. Car pour aimer, il faut être distinct de l’objet même de l’amour, auquel on voudrait être uni. Et
176 ct de l’objet même de l’amour, auquel on voudrait être uni. Et pour que l’homme puisse aimer Dieu et tout d’abord en être ai
177 que l’homme puisse aimer Dieu et tout d’abord en être aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’il soit « tout autre » qu
178 eu et tout d’abord en être aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’il soit « tout autre » que l’homme. Et enfin pour que
179 re aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’il soit « tout autre » que l’homme. Et enfin pour que l’homme puisse s’aimer
180 éé par l’appel qu’il reçoit de l’Amour. Cet appel est sa vocation, la vie nouvelle de sa personne. Cette vie demeure en par
181 ersonne. Cette vie demeure en partie mystérieuse, étant « cachée avec le Christ en Dieu », mais elle se manifeste par des act
182 xuel. Notre mystique, science de l’amour divin, s’ est développée très tardivement, dans des formes et selon des voies presq
183 ux yeux de l’orthodoxie. Notre éthique sexuelle s’ est très longtemps réduite à quelques interdits élémentaires et que l’on
184 u sacrée comme dans les autres religions. Il n’en est que plus frappant d’observer à quel point les motivations spirituelle
185 Tantôt, et plus souvent, il réduit le mariage à n’ être qu’une concession à la nature, une discipline contre l’incontinence :
186 scipline contre l’incontinence : « Je pense qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher sa femme. Toutefois, pour éviter
187 raient seuls à la vie spirituelle : « Celui qui n’ est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, e
188 r, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme
189 ariage le plus strict et consacré — tout le reste étant laissé en friche et très sommairement condamné sous les noms de luxur
190 l’extrême. Ceci ne pouvait se produire — et ne s’ est pas produit — en dehors de la sphère d’influence du christianisme. C’
191 s stupéfiant par sa soudaineté et son ampleur. Il est daté du premier tiers du xxe siècle, et même si on lui trouvait des
192 en d’autres temps, ses moyens d’expression, eux, sont sans précédent. La culture commercialisée, qui est son véhicule princ
193 nt sans précédent. La culture commercialisée, qui est son véhicule principal, le rend sans doute irréversible, et les cultu
194 totalitaires (ou dirigées) normalement puritaines seront bientôt débordées. Au surplus, l’accroissement quantitatif et plus en
195 es pratiques de l’érotisme. Déplorer le phénomène est donc vain. Il s’agit de comprendre ses causes, et sur tout ce dont il
196 de comprendre ses causes, et sur tout ce dont il est signe. Et d’abord, il s’agit de lui donner son vrai nom. C’est l’érot
197 availle les sociétés occidentales, de l’ouest à l’ est , non pas la sexualité proprement dite, instinctive et procréatrice. E
198 tive et procréatrice. Et les moyens de l’érotisme sont la littérature, les « salles obscures », les arts plastiques (dont la
199 x prises et peut entrer en polémique intime. Ce n’ est pas l’immoralité plus ou moins grave de ce siècle qui la concerne, ma
200 voir) qui justifient cette immoralité ; enfin, ce sont certaines notions de l’homme, qu’une élite inconnue de la foule élabo
201 sens réel du phénomène que j’ai rappelé, et qui n’ est guère en soi que l’écume d’une vague profonde surgie de l’âme collect
202 a vigueur, et dont elle n’a guère pu souffrir. Il est vrai qu’une révolution n’éclate jamais qu’après la mort des vrais tyr
203 leurs héritiers débiles et qui assurent que ce n’ est pas de leur faute. Mais de quoi la morale victorienne est-elle morte 
204 de leur faute. Mais de quoi la morale victorienne est -elle morte ? Sans doute et tout d’abord, d’avoir eu peur de l’instinc
205 itaire et laborieuse, dont la plus haute valeur n’ est pas l’union mystique mais la sobriété spirituelle, elle a voulu ferme
206 age des disciplines éducatives élémentaires. Ce n’ est plus la licence qui est l’ennemi mais le refoulement générateur de co
207 atives élémentaires. Ce n’est plus la licence qui est l’ennemi mais le refoulement générateur de complexes et de névroses.
208 passe quand les censures officielles périclitent. Est -il vrai, comme on nous le répète, que « la sensualité envahit tout »
209 à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce n’ est donc pas le sexe, mais l’érotisme, ni la sensualité, mais son aveu pu
210 cience trop longtemps différée. C’est l’amour qui est remis en question — tout l’amour : sexuel ou passionnel, normal ou ab
211 ou aberrant, matrimonial ou spirituel. « L’amour est à réinventer », disait Rimbaud. Cette espèce-là de révolution psychiq
212 élites cultivées — les jongleurs et prédicateurs étant les seuls « moyens de diffusion » permettant de toucher les peuples.
213 ution de l’Amour, si soudaine dans son explosion, fut lente à propager ses effets bouleversants dans les mœurs de la masse
214 e et spirituelle devait prendre des siècles, et n’ est pas terminé. Car la révolution que nous sommes en train de vivre reno
215 et n’est pas terminé. Car la révolution que nous sommes en train de vivre renouvelle en partie celle du xiie siècle, submerg
216 et protégée, et où toute pulsation enregistrable est instantanément propagée. L’imprimé bon marché, le film et la radio ne
217 aire, la passion la plus insolite, exaltées comme étant la vraie pureté ; le sadisme et le masochisme, l’homosexualité et l’i
218 coït dans l’amour ? Il voit ce qui le choque, qui est aussi ce qui le tente. Devant « l’indiscipline des mœurs » et la « po
219 cipline des mœurs » et la « pornographie » qui en serait la cause, il se sent indigné et inquiet. S’il est sérieux, s’il voit
220 ait la cause, il se sent indigné et inquiet. S’il est sérieux, s’il voit plus loin, cela peut aller jusqu’à l’angoisse. Or
221 squ’à l’angoisse. Or ces dispositions se trouvent être les mêmes que celle des acteurs érotiques, quoique ces derniers aient
222 quoique ces derniers aient les motifs inverses d’ être indignés, inquiets ou angoissés. Les deux camps se rendent bien leur
223 ent bien leur mépris, et chacun refuse de tolérer fût -ce un instant, par simple hypothèse de dialogue, les bonnes raisons q
224 rature contemporaine méprise les puritains et les tient pour des fous à la fois ridicules et dangereux. Mais je n’oublie pas
225 qu’un Mao ont tenté d’imposer par décrets ? Elle serait strictement adaptée à la production matérielle, à la production socia
226 ’en tolère. Or, ces réalités, quoi qu’on en juge, sont au moins aussi quotidiennes et obsédantes que les réalités économique
227 xactement inverse de celle de Freud, mais qui lui est par là même comparable. Entre les siècles du corps et celles de l’esp
228 emporaine. Je propose une mythanalyse, qui puisse être appliquée non seulement aux personnes, mais aux personnages de l’art,
229 les de vie ; l’objet immédiat d’une telle méthode étant d’élucider les motifs de nos choix et leurs implications trop souvent
230 et vers quoi leur logique nous conduit, peut-être serons -nous un peu mieux en mesure de courir notre risque personnel, d’assum
231 notre amour et d’aller vers nous-mêmes. Peut-être serons -nous un peu plus libres. f. Rougemont Denis de, « L’Amour en cause
5 1961, Arts, articles (1952-1965). Les quatre amours (9 mai 1961)
232 ue toute la matière du cosmos, rassemblée, puisse tenir dans un dé ; que sur cette petite Terre suspendue dans le vide, nous
233 de, nous marchions sur du vide et vers le vide, n’ étant nous même que furtifs agrégats d’infimes tourbillons statistiques ; q
234 ats d’infimes tourbillons statistiques ; que tout soit vide en vérité de science, dans les dimensions de l’Univers (millions
235 res dans le temps), et qu’au fond du réel calculé soit le Vide — mais que, scintillements d’une seconde dans l’histoire de c
236 xion d’une voix pour que cette rencontre, demain, soit soudain le point de la vie ; qu’il y ait tels moments où nous sommes
237 oint de la vie ; qu’il y ait tels moments où nous sommes convaincus que « tout » dépend d’une décision à prendre ; qu’un monde
238 s hommes d’aujourd’hui et leur action. Le miracle est qu’il y ait des formes ! Qu’il ait de la consistance, des paysages, d
239 aissance à la plénitude des corps, que la lumière soit devenue vision, l’énergie sentiment, la structure mythe, et la gravit
240 n peu de temps de cette transparence incolore qui est la malédiction originelle, l’enfer cosmique. L’incarnation présente e
241 ginelle, l’enfer cosmique. L’incarnation présente est notre grâce. Elle seule crée du même coup la couleur, le toucher, la
242 e. Car cette nature qui nous paraît miraculeuse n’ est encore qu’un mirage reflété sur le Vide, si elle n’est pas une parabo
243 ncore qu’un mirage reflété sur le Vide, si elle n’ est pas une parabole de l’éternel. Ces formes demeurent allusives, ces co
244 rent, ce désir exige un Ailleurs où la possession soit entière. Certes, la science nous donne, dès maintenant, des « ailleu
245 la possibilité : elle les calcule exactement. Que sont -ils pour notre désir ? Ce vide qui baigne tout ? L’antimatière ? D’au
246 ? L’antimatière ? D’autres mondes parallèles, qui seraient le nôtre en creux ? Mais nous voulons l’au-delà, et non pas le contra
247 n sans stupeur : « Il y a un autre monde, mais il est dans celui-là. » Qu’entendait-il ? Qu’avait-il vu ? Quel autre monde 
248 e monde du Vide, l’autre monde de la science ; il est là, parmi nous et tout autour de nous, ici et maintenant, et nous ne
249 et maintenant, et nous ne le voyons pas, quoique étant assurés de sa présence instante. Il n’est pas nous. Mais il y a en no
250 oique étant assurés de sa présence instante. Il n’ est pas nous. Mais il y a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’est pas
251 is il y a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’ est pas de ce monde », et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il
252 me « qui n’est pas de ce monde », et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il est plus nous-mêmes que nous, parce qu’
253 et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il est plus nous-mêmes que nous, parce qu’il est en chacun de ceux qui le re
254 car il est plus nous-mêmes que nous, parce qu’il est en chacun de ceux qui le reçoivent « le Fils de Dieu », la part céles
255 eu », la part céleste, le répondant de l’Ange qui sera « notre effigie » au cercle de feu qu’a vu Dante. Et par quelle parab
256 par quelle parabole le représenterons-nous ? « Il est semblable à un grain de sénevé, la plus petite de toutes les semences
257 sénevé, la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre, mais lorsqu’il a été semé, il monte… et pousse de grand
258 semences qui sont sur la terre, mais lorsqu’il a été semé, il monte… et pousse de grandes branches, en sorte que les oisea
259 les anges) peuvent habiter sous son ombre. » Il n’ est pas dans l’espace et le temps, qui étendent le Vide aux dimensions de
260 endent le Vide aux dimensions de l’univers ; il n’ est pas loin d’ici ou d’à présent, du monde des formes, qui est la Nature
261 in d’ici ou d’à présent, du monde des formes, qui est la Nature, la Parabole — mais ici, maintenant, et en toi-même. Le Roy
262 i, maintenant, et en toi-même. Le Royaume du ciel est un point, le point d’éternité posé dans toi, la semeuse du Plérôme à
263 figure de ce monde passera », et que l’invisible sera vu. Quand tu le sais, l’amour commence, l’amour a déjà commencé, car
264 s. L’amour seul explique tout, et l’être-en-soi n’ est qu’un mot désignant l’inconcevable : ce qui serait sans l’amour, « ce
265 n’est qu’un mot désignant l’inconcevable : ce qui serait sans l’amour, « ce qui est » moins l’amour par qui seul il y a quelqu
266 concevable : ce qui serait sans l’amour, « ce qui est  » moins l’amour par qui seul il y a quelque chose. L’amour seul peut
267 a quelque chose. L’amour seul peut donc dire : je suis . Sans l’amour il n’y aurait pas même le vide. L’amour a créé le vide
268 quand il voit le moi dans l’autre, peut dire : je suis  ; mais aussi à ce coin de sentier perdu dans la forêt d’avril, petit
269 Parce que ce coin de sentier m’a fait un signe et fut un signe à cet instant pour moi, existant dans ma re-connaissance, et
270 ’autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter de l’ être et du devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais do
271 e tout cela, qu’en vertu et au nom de l’Amour. Il est la grâce indubitable. Je n’ai pas d’autre foi certaine, d’autre espér
272 t ce qu’un jour nous pourrons aimer de tout notre être enfin réalisé dans le Tout enfin contemplé. Quand l’Amour sera tout e
273 alisé dans le Tout enfin contemplé. Quand l’Amour sera tout en tous, lors du renouvellement de toutes les choses. L’amour ét
274 s du renouvellement de toutes les choses. L’amour étant l’initiateur de tout ce qui existe, on appellera néant l’absence d’am
275 ientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est la prière. Prier n’est pas demander mais s’orienter, de manière à rec
276 ’axe d’efficacité majeure, est la prière. Prier n’ est pas demander mais s’orienter, de manière à recevoir et à réaliser.) L
277 re à recevoir et à réaliser.) Le mot posé, quelle est la voie de l’amour en l’homme ? L’expérience méditée, — et que j’espè
278 me achevé. La vision intuitive, forme de l’amour est l’acte de l’esprit ; et elle est connaissance active en même temps qu
279 forme de l’amour est l’acte de l’esprit ; et elle est connaissance active en même temps que reconnaissance. Elle naît et se
280 unique s’édifie dans l’individu. Cette règle d’or est la norme morale, par excellence, en tout domaine, bien dans celui de
281 l’âme. Dans sa genèse, elle correspond, quel que soit l’âge, à l’état de première adolescence, quand l’amour « point le cœu
282 tre — et surtout s’il paraît lui-même l’ignorer — est la condition nécessaire de l’émotion vraiment envahissante. Dans ce d
283 le spirituel et le sensuel, les risques d’erreur sont plus grands, parce que l’émotion la plus vive peut bien se suffire en
284 Le plaisir sexuel, troisième forme de l’amour est dit physique, encore que nous sachions très bien que le sexe est lié
285 e, encore que nous sachions très bien que le sexe est lié comme nulle autre fonction à la volonté de l’intellect, à l’âme e
286 à l’âme et à l’imaginaire et qu’en tant qu’il ne serait qu’un instinct animal, il n’aurait rien à voir avec l’amour. Les anim
287 alité peut signifier l’amour, c’est parce qu’elle est , chez l’homme, autre chose que l’instinct, elle s’ordonne à des fins
288 tinct, elle s’ordonne à des fins nouvelles qui ne sont plus celles de l’espèce mais de la personne, la sexualité mérite ce n
289 catholiques, protestants ou laïques. Cette morale tient le sexe pour mauvais en principe. Comme elle sent qu’une telle attitu
290 n principe. Comme elle sent qu’une telle attitude est plus hérétique que chrétienne, ou plus religieuse que rationnelle et
291 shad, 7, 25.) Pensez-vous que la comparaison qui est faite ici entre l’acte de la connaissance religieuse et l’acte de l’u
292 araît pas indifférente pour l’esprit. Mais elle n’ est ni mauvaise ni bonne : en tant que fonction, je la verrais moralement
293 L’Énergie cosmique, dernière forme de l’amour n’ est atteinte que par la pensée, mais à travers le monde des sensations, l
294 et le mystère de l’attraction universelle. Et il est beau que l’aventure de l’intellect, descendant des clartés instantané
295 ique, débouche enfin sur des lueurs nouvelles qui sont peut-être celles qu’entrevoyaient les sages de l’Inde et de la Grèce,
296 e « consumée » mais déjà mon désir et ma volonté étaient mus — comme une roue tournant d’une manière uniforme — par l’Amour qu
297 e pour elle le plus impénétrable des mystères. Il est capital qu’elle l’admette. Ce qui était écarté depuis des siècles, re
298 ystères. Il est capital qu’elle l’admette. Ce qui était écarté depuis des siècles, renvoyé au chapitre des magies puériles, r
299 érieux pour les joueurs, et pour les sérieux ce n’ est qu’un jeu. Pourtant, si l’on regarde un moment, mais sans jouer, les
300 vie de tout homme normal, mais l’une, en général, est dominante, plus fortement actualisée ; par là même, elle potentialise
301 e 2. Elle suggère : palpiter, contracter-dilater, être vulnérable ou blessé, transpercé par une pique (« Une épée te transpe
302 . (Seul celui qui a une âme, et le sait, a lieu d’ être masochiste et de s’en réjouir). Goût de la mort à deux. Paranoïa. Co
303 de l’amour : un roi de pique dira que « l’Amour n’ est pas un sentiment, mais la situation totale de celui qui aime, orienté
304 espond au Corps et à la sensation. (« Toute chair est comme l’herbe. » Amour de la chair pour ce qui la transcende et l’ani
305 Conception de l’amour : la gourmandise. « Ce qui est vrai, ce qui est beau, c’est ce qui m’est bon. » Carreau La f
306 amour : la gourmandise. « Ce qui est vrai, ce qui est beau, c’est ce qui m’est bon. » Carreau La forme indique le n
307  Ce qui est vrai, ce qui est beau, c’est ce qui m’ est bon. » Carreau La forme indique le nombre 4. Elle suggère : d
308 les sens (angles aiguisés, rappelant que ce carré fut d’abord un carreau d’arbalète, une flèche à quatre pans), contredire
309 iance de l’âme. (L’Intellectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé de l’âme, ou ne sait qu’en faire et la nie). Con
310 . (L’Intellectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé de l’âme, ou ne sait qu’en faire et la nie). Conception de l’a
311 p. 1, 4 et 5. i. Présenté par cette note : « Qu’ est -ce que “le Royaume du ciel” pour un Occidental ? Qu’est-ce que la Com
312 que “le Royaume du ciel” pour un Occidental ? Qu’ est -ce que la Communion pour un homme moderne ? Comment l’intelligence no
313 e science peut-elle réagir devant le vide qui lui est révélé lorsqu’elle pose le problème de Dieu ? Dans notre série sur “l
6 1962, Arts, articles (1952-1965). Sartre contre l’Europe (17 janvier 1962)
314 ’Europe unie. À les entendre, on croirait qu’elle est faite. La candidature anglaise au Marché commun les a subitement aler
315 mière étape d’une organisation mondiale dont elle serait à la fois le centre d’animation et l’organe d’équilibre. Je reviens e
316  » — comme disait Æneas Sivius au xve siècle. Qu’ est -ce qu’on y écrit sur ce sujet ? Je trouve plusieurs dizaines d’ouvrag
317 utalement tout le reste. Il proclame que l’Europe est « foutue », qu’elle est « en grand danger de crever », qu’elle « agon
318 Il proclame que l’Europe est « foutue », qu’elle est « en grand danger de crever », qu’elle « agonise », qu’elle a fait « 
319 , qu’elle a fait « eau de toutes parts », qu’elle est « au plus bas », que « c’est la fin » et que nous voici tous « enchaî
320 us « enchaînés, humiliés, malades de peur ». Ce n’ est pas un expert, esclave des faits, qui nous dit cela, mais un éloquent
321 nom du raisonnement suivant : tous les Européens sont complices du colonialisme criminel ; donc cette lecture leur fera hon
322 sant, « ils font l’histoire de l’homme », et nous serons ainsi du bon côté. Je n’invente pas : je cite et je condense cette di
323 des guerres. Ce nouveau plan de paix perpétuelle est fait pour éblouir par sa logique brutale certaine jeunesse dégoûtée d
324 tre la cite et il ajoute, impressionné : « Ce ton est neuf. » Moi, ce qui m’impressionne, ce n’est pas le ton, guère plus n
325 ton est neuf. » Moi, ce qui m’impressionne, ce n’ est pas le ton, guère plus neuf que la propagande communiste depuis une q
326 nées, mais c’est le contenu de la phrase : tout y est faux. La colonisation par les Blancs n’a pas duré « des siècles » en
327 dixièmes du continent. Cette colonisation n’a pas été faite au nom d’une « prétendue aventure spirituelle » — nullement « p
328 pour d’autres raisons plus grossières, et qui ne sont pas toutes honteuses pour nous. La première et la plus importante éta
329 uses pour nous. La première et la plus importante étant tout simplement un état de fait que l’Europe n’avait pas créé, et qui
330 cles d’immobilité ou de continuelle décadence. Qu’ est -ce que l’Europe a « étouffé » dans le tiers-monde colonisé ? (Qui est
331 a « étouffé » dans le tiers-monde colonisé ? (Qui est fort loin de représenter « la quasi-totalité de l’humanité », mais un
332 i l’état du pays : « Le sol, extrêmement fertile, est couvert de forêts. Malheureusement, l’industrie et l’agriculture sont
333 ts. Malheureusement, l’industrie et l’agriculture sont étouffées par l’effrayant despotisme auquel le pays est soumis. Le ro
334 ouffées par l’effrayant despotisme auquel le pays est soumis. Le roi, qui est l’objet d’une espèce d’adoration, se signale
335 despotisme auquel le pays est soumis. Le roi, qui est l’objet d’une espèce d’adoration, se signale par d’horribles sacrific
336 ’a pas 1 million d’habitants, dont 20 000 à peine sont libres. La France y a un établissement sur la côte ». La colonisation
337 plus de 2 millions d’habitants, dont le président est reçu en grande pompe à l’Élysée en 1961. Je laisse à MM. Sartre et Fa
338 le royaume de Ghana et l’empire du Mali n’ont pas été détruits par les Arabes almoravides puis par les sultans marocains, m
339 aits et leur passion veut la mort du pécheur, qui est uniquement l’Européen, comme chacun sait. La vérité, selon les faits
340 onalisme et la fureur idéologique, ces peuples se sont mis à revendiquer les avantages de notre civilisation et la souverain
341 elles ont, l’une après l’autre, « décroché ». Qu’ est -il advenu de l’Europe considérée dans son ensemble ? « L’Europe est l
342 ’Europe considérée dans son ensemble ? « L’Europe est littéralement la création du tiers-monde », écrit Fanon. Ses richesse
343 ique : or, métaux, pétrole, caoutchouc (le paysan serait -il la création de sa terre et des richesses qu’elle contient ?). Sart
344 omme qu’en fabriquant des esclaves » (eh quoi ! n’ était -il pas humain avant le xvie siècle ?) En quittant le tiers-monde, l’
345 n ? Les adversaires du colonialisme auraient donc été les avocats du suicide de l’Europe ? Mais au nom de quelles valeurs p
346 e aussitôt une prospérité stupéfiante. L’Europe n’ est pas « finie », n’en déplaise à nos furieux, mais elle commence à pein
347 isme — d’ailleurs emprunté à l’Europe. Mais qu’en est -il de Sartre en cette lugubre affaire ? Il nous faut expliquer l’anac
348 notre nation », voudrait-on lui répéter ; et ce n’ est pas ma faute si cette phrase est de Michel Debré dans son Projet de p
349 épéter ; et ce n’est pas ma faute si cette phrase est de Michel Debré dans son Projet de pacte pour les États-Unis d’Europe
350 rder, Fichte, Bentham. À l’encontre de Hegel, qui tenait l’Europe pour « la vraie fin de l’Histoire », et d’Auguste Comte qui
351 onde, devant la crise morale de l’URSS, l’heure n’ est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sér
352 s devons offrir au monde et à nos fils, non, ce n’ est pas notre mauvaise conscience, notre rage autopunitive ou l’alliance
353 x qui perdront la face aux yeux de l’histoire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe est finie, quand il s’agissait de la
354 toire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe est finie, quand il s’agissait de la faire. j. Rougemont Denis de, « S
7 1962, Arts, articles (1952-1965). Le miracle européen a créé le monde civilisé (6 juin 1962)
355 e civilisé (6 juin 1962)k L’avenir de l’Europe est une aventure décisive pour l’humanité tout entière. L’Europe est cett
356 e décisive pour l’humanité tout entière. L’Europe est cette partie-là du monde qui a fait « le Monde », ayant été le foyer
357 partie-là du monde qui a fait « le Monde », ayant été le foyer de l’idée de « genre humain », ayant été aussi la condition
358 été le foyer de l’idée de « genre humain », ayant été aussi la condition instrumentale et nécessaire d’une véritable histoi
359 une véritable histoire universelle, celle où nous sommes bel et bien engagés dans cette seconde moitié du xxe siècle, en sort
360 gée sans prudence ni plan d’ensemble, dont elle n’ est plus propriétaire, mais dont elle garde encore certains secrets vitau
361 phénomène européen par ses effets, alors qu’on s’ est toujours efforcé jusqu’ici de l’expliquer par certaines causes, qui s
362 usqu’ici de l’expliquer par certaines causes, qui seraient tantôt, selon les auteurs et selon les modes, géographiques ou climat
363 urope a découvert la terre entière, et personne n’ est jamais venu la découvrir. 2. L’Europe a dominé sur tous les continent
364 tous les continents successivement, et n’a jamais été dominée jusqu’ici par une seule puissance d’outre-mer. 3. L’Europe a
365 pe a produit une civilisation que le monde entier est en train d’imiter, tandis que l’inverse ne s’est jamais produit. Le p
366 est en train d’imiter, tandis que l’inverse ne s’ est jamais produit. Le phénomène unique au monde que dénotent ces constat
367 mettant une économie d’énergies fondamentales, ce sont là des atouts, mais qui sont loin d’inscrire, dans notre sol, l’histo
368 es fondamentales, ce sont là des atouts, mais qui sont loin d’inscrire, dans notre sol, l’histoire mondiale qui sera la nôtr
369 inscrire, dans notre sol, l’histoire mondiale qui sera la nôtre. On ne peut y lire un destin. Chaque géographe en tire d’ail
370 aris en 1816, reconnaît que l’Europe historique n’ est pas née de sa géographie. Je me plais à citer sa description de l’Eur
371 ription de l’Europe, dont Valéry me paraît bien s’ être inspiré dans le passage fameux où il parle de l’Europe comme « d’une
372 d’un appendice occidental de l’Asie », mais n’en serait pas moins « la partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de l
373 sède le moins de richesses territoriales… nous ne sommes riches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humai
374 riales… nous ne sommes riches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humain : cette région que la nature
375 la nature n’avait ornée que de forêts immenses s’ est peuplée de nations puissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s
376 s immenses s’est peuplée de nations puissantes, s’ est couverte de cités magnifiques, s’est enrichie du butin des deux monde
377 uissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s’ est enrichie du butin des deux mondes ; cette étroite presqu’île, qui ne
378 géographie et du climat minimisée, presque niée. Serait -ce alors à la démographie qu’il faudrait aller demander le secret de
379 ement de la terre nous fait voir que l’humanité s’ est concentrée depuis longtemps dans trois régions privilégiées à cet éga
380 e siècle, entre 500 et 600 millions d’habitants ( soit ensemble à peu près 60 % de la population du globe sur 15 % de sa sup
381 rtes précisément et de l’expansion vers le monde, était bien moins peuplée que la Chine et que l’Inde, et ne subissait aucune
382 omprise ? Comment se fait-il que les Chinois, qui étaient pourtant le tiers de l’humanité vers 1850, et qui en sont encore près
383 rtant le tiers de l’humanité vers 1850, et qui en sont encore près du quart aujourd’hui (ils n’en seront sans doute plus que
384 n sont encore près du quart aujourd’hui (ils n’en seront sans doute plus que moins du cinquième en l’an 2000, selon les démogr
385 leur chercher des causes spirituelles ? L’Europe serait -elle, par exemple, une création du christianisme, comme le soutient u
386 ansion colonialiste, du xviiie au xxe siècle, a été , de toute évidence, plus européenne que chrétienne. Assimiler l’Europ
387 prétention universelle du christianisme, et ce n’ est pas définir l’Europe, puisque ce serait la définir par une vérité éte
388 sme, et ce n’est pas définir l’Europe, puisque ce serait la définir par une vérité éternelle, qu’elle n’a pas mérité d’incarne
389 ’égalité, de liberté et de justice ont sans doute été décisifs dans l’aventure mondiale de l’Europe. Retenons donc, de cett
390 isser sans réponse : — Pourquoi l’Europe a-t-elle été la seule ou la première partie du monde qui ait adopté cette religion
391 phénomène tel qu’il apparaît dans les faits. Ce n’ est pas le déroulement logique d’une série de causes naturelles produisan
392 produisant des effets où elles s’épuisent : ce n’ est pas le déroulement d’un plan, dont nul ne voit qui l’aurait calculé e
393 l ne voit qui l’aurait calculé et imposé. Et ce n’ est pas l’incarnation de quelque idée platonicienne, ni la démonstration
394 un phénomène, individuel ou collectif, ne pouvait être bien saisi que dans son mouvement créateur, dans son archétype, dans
395 rmé en taureau, traduit l’Histoire : notre Europe est effectivement venue du Proche-Orient. Après la disparition presque to
396 es rupestres de Lascaux et d’Altamira, l’Europe a été lentement repeuplée par des colons venus d’une part de l’Asie Mineure
397 rance du Nord, peut-être en Grande-Bretagne. Elle est née à la civilisation par l’effet d’apports successifs intellectuels,
398 le plus proche de ce rivage phénicien d’où avait été enlevée l’héroïne éponyme, celle qui donna son nom au continent. On s
399 art, la plus grande importance symbolique. Europe était la fille d’Agénor, roi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cinq fils
400 ne au Caucase. Cadmus enfin, le plus fameux, s’en fut à Rhodes, puis en Thrace ; et comme il désespérait de retrouver sa sœ
401 Asie, il alla demander à l’oracle de Delphes : Où est Europe ? « Tu ne la trouveras pas, répondit la Pythie. Suis plutôt un
402 e ? « Tu ne la trouveras pas, répondit la Pythie. Suis plutôt une vache et pousse-la devant toi sans lui laisser de répit :
403 est aussi en renonçant à la trouver telle qu’elle était dans son souvenir que Cadmus entreprit de la construire. On voit comb
404 emps fabuleux, il semble difficile de savoir « où est l’Europe », si l’on entend seulement la ramener un beau jour toute fa
405 ini, et c’est ce que je nomme Aventure. Mais elle est autre chose encore, si l’on en croit la seconde légende relative à se
406 s techniques et les rudiments de la science, tout est venu de l’Est vers l’Europe, tout s’est lentement concentré dans cett
407 t les rudiments de la science, tout est venu de l’ Est vers l’Europe, tout s’est lentement concentré dans cette sorte d’impa
408 nce, tout est venu de l’Est vers l’Europe, tout s’ est lentement concentré dans cette sorte d’impasse au-delà de laquelle on
409 en Âge, sous Charlemagne, la péninsule européenne est donc devenue le lieu de rencontre de sept ou huit traditions différen
410 alité — si on la compare aux cultures de l’Asie — est justement d’être un mélange dynamique d’éléments de provenances diver
411 compare aux cultures de l’Asie — est justement d’ être un mélange dynamique d’éléments de provenances diverses et de tendanc
412 ansmutations les plus imprévues. Vraiment le four est bien scellé. Car l’islam s’est dressé à l’Est, barrant les routes ver
413 . Vraiment le four est bien scellé. Car l’islam s’ est dressé à l’Est, barrant les routes vers l’Orient. Les Européens se vo
414 our est bien scellé. Car l’islam s’est dressé à l’ Est , barrant les routes vers l’Orient. Les Européens se voient coupés de
415 missionnaire des croyants ? Les voies terrestres sont barrées. Restent les voies de l’Océan. C’est ici que l’aventure mondi
416 les de Colomb. La période des grandes découvertes fut une sorte d’explosion du composé Europe, macéré depuis près de mille
417 ccidental, au surplus rétrécies par les Turcs à l’ est et par les Arabes au sud-ouest. Christophe Colomb n’est pas parti pou
418 ’autres… Tout en lui, et d’abord son vrai nom qui est Colón, et son prénom Christophe, porteur du Christ — en vérité, porte
419 titres prestigieux de « vice-roi des Îles qui ont été découvertes dans les Indes » et de « Grand amiral de la mer Océane »,
420 iral de la mer Océane », il fallait que Jason eût été en Colchide à la poursuite d’une chimère dorée, que le continent de l
421 d’une chimère dorée, que le continent de l’Ouest fût lié plus qu’un autre aux mers, que son sol fût pauvre en métaux, que
422 st fût lié plus qu’un autre aux mers, que son sol fût pauvre en métaux, que l’islam occupât Byzance après Jérusalem, barran
423 fet la découverte par erreur des Amériques, et ce fut le début de l’expansion séculaire, économique, politique et religieus
424 rapide vers le sol. Mais ce retour du satellite n’ est pas un échec ! D’innombrables connaissances ont été récoltées en rout
425 t pas un échec ! D’innombrables connaissances ont été récoltées en route, elles font désormais partie non seulement de la s
426 ier tour du monde, accompli par Magellan, puis ce sont la conquête de l’Amérique du Sud, le peuplement de l’Amérique du Nord
427 ivilisation. Mais les étages de la fusée porteuse sont retombés l’un après l’autre : c’était la conquête militaire, la prise
428 es continents découverts et régis par l’Europe se sont libérés de sa tutelle. L’Amérique du Nord la première, dès la fin du
429 té, l’idée même de genre humain — genus humanum — sont des créations de l’Europe gréco-romaine, puis de l’Europe chrétienne,
430 e monde fait par elle, elle l’a perdu. Le monde s’ est révolté contre elle au nom même des valeurs de liberté, de justice et
431 et pas plus grande, notons-le bien, qu’elle ne le fut au Moyen Âge. Elle reste le cœur d’un Occident né de ses œuvres, mais
432 urs forces renaissantes contre l’Occident divisé. Serait -ce la fin de l’aventure occidentale, qui aurait donc consisté, dans l
433 de la beauté, préfigure l’idéal missionnaire qui sera , quinze à vingt siècles plus tard, celui de l’Église primitive, envoy
434 envoyant ses évangélistes jusqu’en Chine, vers l’ est  ; et vers l’ouest, jusqu’en Islande et aux côtes atlantiques de l’Amé
435 assionnant vagabondage, cette longue errance, qui est aussi une longue « erreur », selon le sens latin du mot. Tout se pass
436 rybdes et les Scyllas des excès contraires, telle est la passion maîtresse d’Ulysse et ce sera, identiquement, la passion d
437 es, telle est la passion maîtresse d’Ulysse et ce sera , identiquement, la passion des grands créateurs de la culture occiden
438 créateurs de la culture occidentale. L’Occidental est l’homme qui va toujours plus loin, au-delà des conditions données par
439 . Il trouva le pays que Dieu lui réservait, et ce fut là le terme de son aventure, mais le début d’une autre histoire, dont
440 re, mais le début d’une autre histoire, dont nous sommes bien loin d’être quittes. Christophe Colomb, le père des Découvreurs,
441 ’une autre histoire, dont nous sommes bien loin d’ être quittes. Christophe Colomb, le père des Découvreurs, croyait savoir o
442 et ce qu’il cherchait : il avait calculé qu’il y serait en trente jours. Mais tous ses calculs étaient faux, il trouva les An
443 l y serait en trente jours. Mais tous ses calculs étaient faux, il trouva les Antilles au lieu de Xipango ; et, finalement, c’e
444 nant l’islam et financer la dernière croisade, ne furent pas résolus par son expédition. Il trouva d’autres terres, d’autres î
445 ciens équilibres, oblige à repenser tout ce qu’on tenait pour acquis, et à chercher toujours plus loin, au prix de risques tou
446 utant de risques qu’on résout de problèmes, telle est , je crois, la vraie formule du Progrès, dans sa définition occidental
447 s sa définition occidentale. Et l’on voit qu’elle est ambiguë : qu’il suffise de citer, pour l’illustrer, l’ambiguïté de no
448 uoi ? Nous augmentons notre puissance, mais qu’en est -il de nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à
8 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe détient les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? (13 juin 1962)
449 ntinent, au point présent de l’évolution du monde est plus centrale que jamais, si bizarre que puisse apparaître l’expressi
450 des habitants et 2 % de la production du monde, n’ étant guère occupée que par les océans, le continent antarctique, la Patago
451 mappemondes et cartes économiques, en attendant d’ être photographiées par quelque satellite artificiel : L’Europe est bel e
452 iées par quelque satellite artificiel : L’Europe est bel et bien le centre du monde humain, le lieu géométrique, le carref
453 e, la fonction mondiale de l’Europe. Et voilà qui est déterminant, pour qui suppute les chances futures de l’Occident et de
454 ue l’Europe actuelle, amputée des plaines russes, tiendrait près de neuf fois dans l’Asie, et six fois dans l’Afrique. En revanch
455 s l’Afrique. En revanche, ce plus petit continent est le plus complexe de tous : le plus profondément découpé par les mers
456 rdez à la loupe cette photo d’une région qui peut être allemande, française, luxembourgeoise, belge ou suisse : vous y disti
457 rope, vous n’en trouverez pas deux dont les plans soient superposables. S’ils se ressemblent, c’est par leur complication ou p
458 c’est par leur complication ou par leur manière d’ être différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra de
459 ong des routes frayées par les pionniers : ils ne sont guère enracinés, ils sont en marche. Ces maisons boisées, espacées, b
460 les pionniers : ils ne sont guère enracinés, ils sont en marche. Ces maisons boisées, espacées, bordant une route, on dirai
461 lectuelles de principes et de doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu’elles n’ont guère été mises en pratique et
462 rait toujours facile de dire qu’elles n’ont guère été mises en pratique et qu’il s’agit d’une Europe idéale, qu’on refuse d
463 e Europe idéale, qu’on refuse de reconnaître, qui est celle des autres, de l’autre école ou de l’autre parti — mais à parti
464 à partir des réalités visibles et tangibles, qui sont le cadre de nos vies. Europe présentée non point par sa philosophie m
465 sophie mais bien par sa morphologie. La tentative est assez nouvelle, et ne nous dissimulons pas ses risques, mais il se pe
466 la place communale. Nos villes et nos villages ne sont pas nés autour de places préalablement dessinées, mais bien plutôt au
467 ent de notre civilisation. On sent bien que ce ne sont pas des masses informes, ni des masses militarisées — la populace ni
468 ire : la Place centrale de nos villes et villages est rarement régulière, hors des périodes de relâchement civique, précisé
469 irie (l’hôtel de ville, le municipio, le Rathaus) soit ou non bâtie sur la place — et il se trouve qu’elle l’est en général
470 on bâtie sur la place — et il se trouve qu’elle l’ est en général — c’est bien de là qu’elle tire son sens originel. Les par
471 , puis sur la place des communes médiévales. Il n’ est pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la li
472 moderne de l’Europe ; et la presse, dès le début, fut étroitement liée à cet autre élément nécessaire de toute place digne
473 ui définit l’Europe, sa grandeur et son drame. Il serait tentant, partant de là, de reconstituer toute la philosophie de la pe
474 mon sujet. Je signale simplement qu’elle pourrait être faite presque aussi bien en partant de l’école, autre bâtiment de la
475 de l’école, autre bâtiment de la place. L’école est issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Réforme et des Ordres, à
476 ui, ses instituteurs, qui dépendent de la mairie, sont souvent plus sensibles aux débats du café qu’aux objurgations de la c
477 nsion qui s’institue. Mais la fonction de l’école est demeurée la même : elle doit d’une part communiquer les connaissances
478 ion entre le particulier sous toutes ses formes — fussent -elles nationales — et l’universel dans toutes ses exigences — fussent
479 ales — et l’universel dans toutes ses exigences — fussent -elles représentées par la révolte d’un seul, d’un génie ou d’un saint
480 te et non pas unitaire dans son principe comme le furent les grandes civilisations traditionnelles et statiques de l’Asie, et
481 de l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’ être les régimes totalitaires de notre temps. Civilisation à base d’antago
482 ontestation dont la passion maîtresse paraît bien être la remise en question permanente des données naturelles et des relati
483 ns la mesure où cet immense complexe de tension n’ est pas trop déprimé ou dévasté par les guerres, les dictatures et les na
484 rts-circuits ; dans la mesure ou se développe, ne fût -ce qu’une part du potentiel accumulé par ces tensions, on conçoit qu’
485 yer d’une expansion énergétique irrésistible. Tel est le secret du dynamisme européen et des périodes de diastole planétair
486 des de diastole planétaire de notre civilisation. Sommes -nous au seuil d’une telle période ? Ou au contraire, l’état de santé
487 de ? Ou au contraire, l’état de santé de l’Europe est -il aussi mauvais que le proclament une bonne partie de nos intellectu
488 ris réactionnaires ou progressistes — pour­raient être fournis par une auscultation des organes principaux de la cité, c’est
489 lises d’abord, par ordre d’ancienneté. La plupart sont aux trois quarts vides dans nos villages, qui n’en possèdent pourtant
490 seule le plus souvent, alors qu’en Amérique elles sont pleines chaque dimanche, et on en trouve en général quatre ou cinq po
491 de 2000 à 3000 habitants. L’église, en Amérique, est restée mieux que chez nous le centre de la vie sociale d’un village.
492 ent le modèle d’un meilleur équilibre, si relatif soit -il, entre les exigences immédiates de l’instruction de techniciens et
493 . Passons à la mairie, symbole de la commune, qui est le cadre concret du civisme. Elle a survécu, tant bien que mal, à plu
494 pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui est celle des plans à grande échelle, allait lui porter le coup de grâce.
495 d’arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les pionniers d’un renouveau de l’autonomie municipale. Quant au marc
496 e le centre de la place, on sait qu’il n’a jamais été plus prospère qu’aujourd’hui, et cela dans tous nos pays, qu’il s’agi
497 s. Quant à la presse, enfin, et au café dont elle est née, je dirai que la prospérité d’une presse libre et le prestige des
498 s secrets de l’Europe. L’Europe sans sa culture n’ est qu’un cap de l’Asie, assez pauvre en richesses naturelles, et moins p
499 , et par une vo­lonté d’aventure rationnelle d’où sont issues la science et la technique, et des arts florissants, et des in
500 rappelle l’équation la plus célèbre du siècle, qu’ est celle d’Einstein : E = mc2, ou E signifie l’énergie, m la masse, c la
501 rte entre tradition et innovation, que l’Europe s’ est montrée capable d’intégrer un peu mieux que d’autres la technique. Ai
502 rieuses, et comme sur table rase. En Europe, elle est née dans un contexte serré de principes vénérés et de droits garantis
503 toujours joué à temps, et la conscience sociale a été lente à s’éveiller dans les élites responsables. La première révoluti
504 ent, la presse n’en parlait pas, et ses effets se sont étalés sur un siècle.) Mais en développant la technique par la scienc
505 ement rapproché la technique de sa vraie fin, qui est de libérer l’homme du travail servile, elle a pris conscience la prem
506 t le problème fondamental de notre temps. Or elle est seule à disposer, pour le résoudre, d’une expérience séculaire. Si l’
9 1962, Arts, articles (1952-1965). Le monde entier irrite l’Europe et la méprise autant qu’il la jalouse ! (20 juin 1962)
507 nos États ont perdu leurs empires, que l’Europe s’ est mise à s’unir. Les dates de la décolonisation successive du Proche-O
508 de l’Inde, du Sud-Est asiatique, et de l’Afrique, sont les mêmes dates, exactement, que celles de nos premières étapes vers
509 d’eux-mêmes, idée au nom de laquelle les Alliés s’ étaient battus, et avaient conclu les traités de 1919, et ceci devait amener
510 s guerres ont fait comprendre aux Européens qu’il était temps de juguler leurs sanglants chauvinismes, et cela devait amener,
511 réveil des projets d’union. Accessoirement, il ne serait pas sans intérêt de souligner que les défaitistes européens, national
512 i soutenaient depuis cinquante ans que l’Europe n’ était riche que de l’exploitation des colonies, disaient les uns, de leur p
513 nt les uns, de leur pillage, disaient les autres, sont en train de recevoir un démenti tel que l’histoire en offre peu d’exe
514 plus contagieuses, comme le nationalisme, ils se sont mis à revendiquer les avantages de notre civilisation et la souverain
515 que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle soit la seule qui ait su se rendre transportable et intégrable hors du con
516 et religieuses. Nous savons tous aussi comment s’ est opérée sa diffusion mondiale dès la Renaissance, et par quels procédé
517 dès la Renaissance, et par quels procédés, qui ne furent pas tous chrétiens. Animés par les ambitions les plus diverses : miss
518 imes et de cupidité, d’une aventure dont le bilan est encore très loin d’être fait. Et rien ne prouve que ce bilan sera fin
519 une aventure dont le bilan est encore très loin d’ être fait. Et rien ne prouve que ce bilan sera finalement négatif : c’est
520 loin d’être fait. Et rien ne prouve que ce bilan sera finalement négatif : c’est en somme celui du Progrès, selon les conce
521 cent l’Occident. Nulle autre civilisation n’avait été mondiale de cette manière. Là-dessus, l’historien Toynbee m’arrête :
522 mettre à l’abri de ce genre d’illusion. La Terre est connue désormais dans toutes ses dimensions physiques, nous ne pouvon
523 ’erreurs de cette taille ; son histoire également est explorée dans toutes ses grandes lignes, et l’archéologie occidentale
524 sif de cette « européisation » de la planète ? Il est difficile d’en juger, puisque le retrait s’achève à peine. Mais tous
525 ibérées. Le retrait des Anglais de l’Inde n’a pas été suivi par le rejet du parlementarisme britannique, aussitôt adopté te
526 t bien plus anglaise, donc plus occidentale que n’ était l’Inde colonisée. Elle a peut-être tort, mais c’est ainsi. En Afrique
527 rend plus le français dans ces pays parce qu’on y est obligé, mais parce qu’on a besoin de cette langue, qu’elle est devenu
528 ais parce qu’on a besoin de cette langue, qu’elle est devenue un facteur de cohésion nationale, qu’elle constitue en outre
529 teurs civils et militaires s’en aillent, pour que soit décrétée l’adoption immédiate de mesures politiques et sociales, hygi
530 ième grand fait : nos idéaux et nos pratiques ont été diffusés en désordre, sans aucun plan, sans nulle sagesse régulatrice
531 ésulte deux séries de conséquences qui risquent d’ être aussi fâcheuses pour nous, Européens, que pour les peuples du tiers-m
532 tiers-monde. Fâcheuses pour nous d’abord. Car il est évident que notre civilisation ne s’est rendue assimilable et transpo
533 d. Car il est évident que notre civilisation ne s’ est rendue assimilable et transportable qu’au prix d’une périlleuse disjo
534 t pas les scrupules et la mauvaise conscience qui étaient le fait des élites européennes pendant les derniers temps de la colon
535 à court terme, il peut sembler que leurs chances soient meilleures que les nôtres. Le tiers-monde les accueille sans méfiance
536 ne assez bonne liste de nos vices, tels qu’ils se sont manifestés, du moins à partir des débuts de l’ère industrielle. Il se
537 ins à partir des débuts de l’ère industrielle. Il serait trop facile de répondre à ceux qui nous tiennent ce langage : pourquo
538 Il serait trop facile de répondre à ceux qui nous tiennent ce langage : pourquoi n’avez-vous pas adopté nos vertus, dont la list
539 n’avez-vous pas adopté nos vertus, dont la liste est aussi facile à faire ? Et pourquoi nous imitez-vous, en général ? Pou
540 et pas du tout nos missionnaires ? Cette réponse serait trop facile, car nous sommes largement responsables des erreurs que c
541 ires ? Cette réponse serait trop facile, car nous sommes largement responsables des erreurs que commet le tiers-monde quand il
542 e commet le tiers-monde quand il nous juge. Ce ne sont pas nos meilleurs représentants, les plus conscients des vraies valeu
543 ct ni pour leurs cultures ni pour la nôtre. Telle est la situation concrète de l’Europe dans le monde actuel. Je la résume 
544 esponsabilités mondiales. La question qui se pose est dès lors la suivante : l’Europe va-t-elle être évincée par ses produi
545 ose est dès lors la suivante : l’Europe va-t-elle être évincée par ses produits les plus vendables, par ses slogans les plus
546 itants ou exploiteurs, plus efficaces ? Va-t-elle être évincée du tiers-monde par ses vices, au détriment de ses valeurs aut
547 rès probablement écrit par Rougemont : « L’Europe est en train de s’unir, pour des raisons à la fois séculaires et modernes
548 la fois séculaires et modernes. Trois écoles, il est vrai, s’opposent encore quand il s’agit d’en venir à l’union politiqu
10 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe est un colosse qui s’ignore (encore) (27 juin 1962)
549 L’Europe est un colosse qui s’ignore (encore) (27 juin 1962)o p Un certain défa
550 persuadé nos élites comme nos masses que l’Europe est une pauvre chose écrasée entre deux colosses. Cette conviction, ou ce
551 ’Occident ; et nous autres, peuple du noyau, nous serons trop dégradés, trop avilis pour savoir autrement que par une vague et
552 une vague et stupide tradition ce que nous avons été . En 1847, Sainte-Beuve résume ainsi l’opinion de l’historien Adolphe
553 tre jeunesse, c’est l’Amérique… L’avenir du monde est là, entre ces deux grands mondes. Et vingt autres, ainsi, y compris
554 sentait écrasée entre deux colosses à venir. Ils sont là. Mesurons leur taille réelle. J’ai inventé un petit jeu graphique,
555 arrés et celui du milieu quarante-cinq carrés. Il est donc à lui seul plus grand que les deux autres additionnés. Question 
556 raphique les qualités humaines de l’Européen, qui est encore le meilleur ouvrier, le meilleur philosophe et le meilleur art
557 ophe et le meilleur artiste — vous avouerez qu’il est au moins curieux que l’Europe se sente écrasée entre deux colosses pl
558 us me direz que la puissance réelle de l’Europe n’ est pas en proportion de sa population. C’est exact en ce sens que, par t
559 celle de l’Europe. Mais le rythme d’accroissement est beaucoup plus rapide en Europe qu’aux États-Unis. Et quant aux chiffr
560 a quantité. Pour la qualité, l’évaluation précise est évidemment plus malaisée. Voici cependant un exemple chiffré, et qui
561 : 142. Mais vous me direz encore : « Ces chiffres sont abstraits ! Je persiste à me sentir écrasé. » C’est vrai. C’est que v
562 yen d’un petit État de 10 ou de 50 millions qui n’ est plus à l’échelle du monde nouveau. C’est que l’Europe unie n’est pas
563 helle du monde nouveau. C’est que l’Europe unie n’ est pas faite et qu’il nous faut donc absolument la faire, pour que notre
564 re conscience. L’Europe a tout ce qu’il faut pour être encore la première puissance de la Terre, non par ses dimensions, mai
565 science de cette vocation assumée par ceux qui en sont les responsables — et d’autre part, de la puissance d’autres cultures
566 l’Europe en train de s’unir et les États-Unis. Il est courant d’entendre que l’Occident est en pleine décadence morale, et
567 ts-Unis. Il est courant d’entendre que l’Occident est en pleine décadence morale, et surtout qu’il n’a plus d’idéal à oppos
568 es d’entraîner le monde et de lui rendre un idéal sont celles que représente le communisme russe. Je demande à voir — et je
569 e demande à voir — et je ne vois rien de neuf. Qu’ est -ce, au total, que le communisme soviétique ? Un mélange de 50 % de tr
570 us ou moins fidèlement appliqué. Or le marxisme n’ est tout de même pas d’invention russe. Ce n’est pas Popov qui l’a créé,
571 me n’est tout de même pas d’invention russe. Ce n’ est pas Popov qui l’a créé, mais c’est Karl Marx. Et qui était Marx ? Un
572 Popov qui l’a créé, mais c’est Karl Marx. Et qui était Marx ? Un juif allemand, dont le père s’était fait protestant, et qui
573 qui était Marx ? Un juif allemand, dont le père s’ était fait protestant, et qui écrivait en Angleterre des articles pour le N
574 ourni de nombreux chapitres de Das Kapital.) Marx est l’un des produits les plus typiques des débats philosophiques, théolo
575 définissent l’esprit européen au xixe siècle. Ce sont donc des valeurs qui nous sont propres que les Russes nous renvoient
576 u xixe siècle. Ce sont donc des valeurs qui nous sont propres que les Russes nous renvoient aujourd’hui, fort simplifiées e
577 leurs, sous le nom de marxisme dialectique. Qu’en serait -il alors d’un autre successeur, hypothétique, reprenant de nos mains
578 a nôtre, foncièrement différente de la nôtre, qui serait mieux capable que nous d’exercer la fonction planétaire unifiante qui
579 us d’exercer la fonction planétaire unifiante qui sera désormais, dans l’ère technique, l’obligation première d’une civilisa
580 ans qu’elle fera mieux que l’Amérique — laquelle est , après tout, une création de l’Europe ! Le cycle se referme, nous ram
581 crimes d’un passé récent dont le tiers-monde nous tient pour responsables. Car cette faiblesse ne traduit rien qu’une divisio
582 duit rien qu’une division de nos forces — et nous sommes en bon train de les unir — mais non pas une absence de forces potenti
583 absence de forces potentielle. Et ces crimes, qui furent ceux de nos nationalismes, du racisme, et, dans une certaine mesure,
584 t que seules les techniques qu’elle a su inventer sont en mesure de les entretenir. L’Europe reste le cœur de tout système d
585 celui de l’URSS. La vocation mondiale de l’Europe est inscrite dans des faits de ce genre : Nos exportations représentent à
586 5 % au maximum de leur produit national. Le monde est vital pour l’Europe, il ne l’est guère pour les États-Unis, bien moin
587 tional. Le monde est vital pour l’Europe, il ne l’ est guère pour les États-Unis, bien moins encore pour la Russie actuelle.
588 et parfois surtout différentes des nôtres : ce n’ est point par hasard que l’Europe a créé l’ethnographie et l’archéologie,
589 apporte une aide puissante, mais les initiatives sont venues de l’Europe, et c’est vers elle, naturellement, que je vois se
590 s entre elles. Équilibrer les créations humaines est le second aspect de la vocation de l’Europe. Équilibrer technique et
591 au troisième verbe typique de notre vocation, qui est fédérer. Défendre et illustrer le fédéralisme, c’est peut-être la plu
592 st peut-être la plus grande tâche dont l’Occident soit responsable à l’égard du tiers-monde comme de lui-même. Car c’est l’E
593 et finalement des dictatures totalitaires qui en sont l’aboutissement logique dans notre siècle, c’est l’attitude et la pra
594 des droits « souverains » qu’aucun de nos pays n’ est plus en mesure d’exercer à lui seul, dans le monde actuel. La vocatio
595 , dans cette génération, si l’Europe, d’où le mal est venu, réussit à s’unir librement, achevant ainsi son aventure : à fai
596 sant. Le nouvel idéal que réclame la jeunesse, il est là, dans l’Europe fédérée, modèle mondial. Le temps n’est plus de dou
597 dans l’Europe fédérée, modèle mondial. Le temps n’ est plus de douter sans vergogne de nos valeurs occidentales. Au contrair
598 nos valeurs occidentales. Au contraire, le temps est venu de les prendre nous-mêmes au sérieux. Nous n’avons pas simplemen
599 t, par un tardif et impuissant mea culpa. Nous ne sommes pas seuls en cause dans cette affaire. Nous sommes pour les autres un
600 ommes pas seuls en cause dans cette affaire. Nous sommes pour les autres un espoir, qu’il s’agit de ne pas frustrer. L’avenir
601 l s’agit de ne pas frustrer. L’avenir de l’Europe est gagé sur de grands faits géoéconomiques d’une portée désormais mondia
602 nt de l’esprit agissant par nos mains. Le temps n’ est plus pour nous de chercher anxieusement à deviner le cours prochain d
603 ain de notre histoire : c’est à la faire que nous sommes appelés.8 8. Ces textes paraîtront, en volume, en septembre aux Éd
604 Albin Michel. o. Rougemont Denis de, « L’Europe est un colosse qui s’ignore (encore) », Arts, Paris, 27 juin 1962, p. 2.
605 e chiffre de la population de l’Europe de l’Ouest était de 355 millions alors qu’il est de 335 millions : ce qui fait au tota
606 rope de l’Ouest était de 355 millions alors qu’il est de 335 millions : ce qui fait au total avec ses satellites : 430 mill
11 1962, Arts, articles (1952-1965). Un refus d’aimer (3 octobre 1962)
607 1962)q r Le prestige généralisé de l’érotisme est indubitable dans l’Occident contemporain. Il est attesté par le ciném
608 est indubitable dans l’Occident contemporain. Il est attesté par le cinéma, la publicité, et le succès de vente des auteur
609 le succès de vente des auteurs qui en parlent. Il est donc en partie mesurable. En revanche, la décadence de l’amour est un
610 e mesurable. En revanche, la décadence de l’amour est une hypothèse absolument invérifiable. (Je réitère : de quel amour s’
611 des sentimentales, dans la faible mesure où elles sont concluantes, donnent des indications inverses de celles qu’on tirerai
612 es attitudes que la majorité de nos contemporains sont censés adopter vis-à-vis de l’érotisme m’indiffèrent, et j’ai même qu
12 1965, Arts, articles (1952-1965). Le déferlement de l’érotisme : pour une nouvelle théologie (5-11 mai 1965)
613 que ces ouvrages datent du xviiie siècle. Ce qui est nouveau, c’est leur succès relatif : le siècle de Voltaire les avait
614 Vatican. Quelque chose a changé ; mais quoi ? Il est peu vraisemblable que l’énergie sexuelle ait varié en intensité depui
615 Les audaces de nos écrivains, de nos cinéastes ne sont pas les produits de cet instinct universel et primordial : elles y fo
616 sur le traitement de Dora « les rapports sexuels sont franchement discutés ; les fonctions et les organes sexuels sont appe
617 t discutés ; les fonctions et les organes sexuels sont appelés par leur nom ». Et il ajoute : « D’après mon exposé, le lecte
618 ame des Fleurs ou Le Silence de Bergman, ce qui s’ est passé d’important se situe au niveau proprement culturel qui est celu
619 ortant se situe au niveau proprement culturel qui est celui de l’étude et de l’expression des réalités de la « chair », dan
620 leurs aspects physio-psychologiques. Mais cela s’ est produit dans un très grand désordre, créant de fortes inégalités d’in
621 es mis en question, et dans le public cultivé. Je suis de la première génération qui a découvert la psychanalyse à 20 ans, i
622 ordonné à l’espèce, à la procréation. L’érotisme est le plaisir pris pour fin, non comme moyen de l’acte procréateur. La p
623 non comme moyen de l’acte procréateur. La passion est le désir infini, lié à un individu. Et l’amour est la fin suprême, l’
624 st le désir infini, lié à un individu. Et l’amour est la fin suprême, l’accomplissement de la personne totale. Ne pas ref
625 se « déchaîne » de nos jours, ce ne peut donc pas être l’instinct, et ce n’est pas la passion, on le sait de reste. C’est l’
626 urs, ce ne peut donc pas être l’instinct, et ce n’ est pas la passion, on le sait de reste. C’est l’érotisme, c’est-à-dire l
627 beaux-arts, et surtout de la littérature. Quelles sont les causes de ce phénomène ? En voici trois, prises à dessein dans de
628 épendants. 1. L’autorisation initiale et décisive fut donnée par la psychanalyse quand son succès devint public, au lendema
629 — non moins que son inverse, l’autosatisfaction — est un des mécanismes fondamentaux de toute culture, et que la culture oc
630 rs érotiques ont leurs lois très subtiles, qui ne sont pas celles de la technique et de ses horaires, mais plutôt celles du
631 trés par le rêve. Nous voilà loin de Fourier, qui fut le premier, je crois, à parler d’une « question sexuelle » durant le
632 bras à occuper) dès les environs de l’an 2000, n’ est pas sans déclencher des mécanismes psychophysiologiques d’autorégulat
633 e. Question de vie ou de mort pour l’espèce, s’il est vrai que trop de vies peuvent entraîner sa mort. Les freins tradition
634 ne et la guerre déjà neutralisées ou en voie de l’ être , restent les disciplines contraceptives et certains phénomènes encore
635 en Occident correspondrait pour l’espèce à ce qu’ est l’âge mûr pour l’individu. « L’érotisme, c’est l’affaire des vieux »,
636 une affaire complexe et lente, quand la sexualité était simple et rapide ; et surtout une affaire gratuite, bonne pour ceux q
637 reçoit de la publicité et il subit un rêve qui n’ est plus le sien. Va-t-il découvrir l’érotisme par le biais d’un problème
638 ceux qui se figurent encore que le péché originel est « l’acte de chair », ceux qui pensent avec un certain évêque bogomile
639 nique, où le problème numéro un de la jeunesse ne sera plus du tout la sexualité mais par exemple le choix d’une vocation, o
640 le choix d’une vocation, où ces tortures morales seront une bizarrerie du passé culturel européen, de même que la faim et la
641 turel européen, de même que la faim et la peur ne sont plus, dans nos pays riches, des problèmes fondamentaux, liés comme te
642 e d’années. Les aspects littéraires de l’érotisme sont à peu près les seuls qui aient retenu l’attention du public français
643 blic français et par suite de la censure. Mais ce sont des études sociologiques et biologiques sur les relations entre l’éro
644 mour et l’Occident comment le mythe de l’amour s’ est formé en Europe au Moyen Âge et a distingué dans Comme toi-même tou