1 1952, Arts, articles (1952-1965). Appel à ceux qui osent être différents (22 mai 1952)
1 L’écrivain, ferment de liberté Notre place, comme écrivains, dans la cité, s’est révélée problématique. Je reconnais ce
2 vangélique et paulinienne : « Soyez dans le monde comme n’étant pas du monde. » Et cette formule, me semble-t-il, fournit la
3 stion ni contradiction dans la structure sociale, comme ceux qui ont une fonction économique ou politique bien définie, préci
4 e chacun et de ses conditions pour tous. Au monde comme n’étant pas du monde, dans la cité, oui, mais comme un problème vivan
5 mme n’étant pas du monde, dans la cité, oui, mais comme un problème vivant, comme une insatiable question, voilà cet écrivain
6 dans la cité, oui, mais comme un problème vivant, comme une insatiable question, voilà cet écrivain, voilà sa liberté, qu’il
7 rtains actes d’engagement personnel de l’écrivain comme tel. Et il n’est pas question non plus de réduire la littérature au t
2 1957, Arts, articles (1952-1965). L’ère des loisirs commence (10 avril 1957)
8 nourriture et logement. Si la technique, demain — comme elle le peut — permet à la société d’assurer à très bas prix ces cond
9 eligions3… C’est dire que nous multiplions déjà — comme en vue de lendemains qui auront le temps de chanter — les occasions d
10 nter — les occasions de mieux comprendre nos vies comme aussi de mécomprendre les chefs-d’œuvre. Quant à la qualité, ou créat
11 bles. C’est ainsi que la technique, pratiquement, comme la science, nous ramènera demain aux options religieuses. Et je n’ima
12 ifié longtemps ascèse et renoncement, en Occident comme en Orient. (En fait, elle est surtout — et devrait être — accession à
13 stance à la technique sous ses formes primitives, comme la mystique était un mouvement de dépassement ou de retrait en deçà d
14 e6. Beaucoup d’esprits légers s’imaginent l’homme comme une sorte de ballon qui ne demande qu’à « s’élever » dès qu’il est dé
15 . 1. L’Encyclopédie de 1765 définit le loisir comme « le temps vuide ». Elle suppose donc que le travail est le vrai temp
16 ppelle chômage. On refuse de considérer le loisir comme le but même du machinisme. Or il pourra le devenir dès que les bénéfi
17 travail « tertiaire » indispensable au rendement, comme à la répartition des produits, des usines automatisées devrait augmen
3 1960, Arts, articles (1952-1965). Remise en question par l’Afrique et l’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur (21 septembre 1960)
18 s espaces humains des Amériques et de l’URSS. Là, comme extraites de leur contexte original, elles n’étaient plus mises en éc
19 nature et les exigences. L’Occident n’est pas né comme on nous dit que naissent les grandes cultures et civilisations, animé
20 qui compense d’abord un sort inaccepté. Il est né comme une aventure, d’un fait très insolite et peu croyable, survenu au car
21 attendait pas, il est là. Ainsi naît l’Occident : comme un drame, dont on peut contester après coup l’unité d’action, non le
22 er ni de l’opinion, ni d’un jury. Elle est plutôt comme une grossière erreur de calcul, de montage ou d’aiguillage, c’est-à-d
23 a lune. Confronté à l’Orient, l’Occident apparaît comme le monde de la preuve, par l’effet matériel : les miracles d’abord (c
24 du monde s’évanouit. Elle échappe à notre raison, comme elle avait déjà échappé à nos sens. Dépassée la matière, qui était po
4 1961, Arts, articles (1952-1965). L’Amour en cause (1er février 1961)
25 gion d’un Dieu que l’Ancien Testament définissait comme l’Être originel, le Créateur du monde et le sauveur d’Israël, mais qu
26  Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… et ton prochain comme toi-même ». Religion qui met au premier rang de toutes les vertus, l’
27 manifeste par des actes, dans l’amour du prochain comme de soi-même. 3. Cette religion de l’Amour total (amour de Dieu, de S
28 lle, point de physiologie du pèlerinage mystique, comme celle que nous décrivent sans varier depuis mille ans les traités du
29 le christianisme, de ces cérémonies initiatiques, comme à la plupart des autres religions, et où l’on sait que les relations
30 type personnaliste, et non plus sociale ou sacrée comme dans les autres religions. Il n’en est que plus frappant d’observer à
31 le des âmes croyantes : « Maris, aimez vos femmes comme Christ a aimé l’Église ». Tantôt, et plus souvent, il réduit le maria
32 re à sa femme. » 4. Ainsi donc, exalté d’une part comme l’image de l’amour divin, mais vilipendé, d’autre part, comme l’ennem
33 e de l’amour divin, mais vilipendé, d’autre part, comme l’ennemi de la vie spirituelle, toléré finalement mais dans les seule
34 ore qualitatif des temps de loisir, accroît aussi comme l’avait dit Baudelaire avec plus de précision que le proverbe antique
35 es censures officielles périclitent. Est-il vrai, comme on nous le répète, que « la sensualité envahit tout » et que la sexua
36 contraire, la passion la plus insolite, exaltées comme étant la vraie pureté ; le sadisme et le masochisme, l’homosexualité
37 , qui leur cache trop souvent les facts of life — comme l’Anglais nomme les faits sexuels — et leurs multiples liens avec l’é
38 ’ailleurs, en dépendent dans une certaine mesure, comme le confort dépend de notre psychologie. Une fois reconnues, elles nou
39 se propose de publier prochainement un ouvrage : Comme toi-même (Albin Michel) qui présentera une interprétation de l’amour
5 1961, Arts, articles (1952-1965). Les quatre amours (9 mai 1961)
40 ur les a formées : nous le reconnaissons en elle, comme il les appelait en nous. L’amour seul explique tout, et l’être-en-soi
41 stinguer d’abord son propre bien. Qui s’aime mal, comme l’égoïste, ne peut que mal aimer les autres et penser que « l’enfer c
42 e que nous sachions très bien que le sexe est lié comme nulle autre fonction à la volonté de l’intellect, à l’âme et à l’imag
43 te morale tient le sexe pour mauvais en principe. Comme elle sent qu’une telle attitude est plus hérétique que chrétienne, ou
44 usticiable à la fois de la morale et de l’esprit, comme tout autre élément impliqué dans la synthèse de la personne. L’amo
45 mais déjà mon désir et ma volonté étaient mus — comme une roue tournant d’une manière uniforme — par l’Amour qui meut aussi
46 ’il ne s’agit pas d’un hasard ou d’une fantaisie, comme l’ont montré les belles études de l’indianiste Heinrich Zimmer). On a
47 nd au Corps et à la sensation. (« Toute chair est comme l’herbe. » Amour de la chair pour ce qui la transcende et l’anime, ca
48 L’auteur publiera prochainement sous le titre de Comme toi-même un important ouvrage aux Éditions Albin Michel.
6 1962, Arts, articles (1952-1965). Sartre contre l’Europe (17 janvier 1962)
49 Monnet qui a vu juste. Donc il faut voir l’Europe comme il l’a vue d’avance : première étape d’une organisation mondiale dont
50 uilibre. Je reviens en Europe, « notre patrie » — comme disait Æneas Sivius au xve siècle. Qu’est-ce qu’on y écrit sur ce su
51 réé, et qui, loin de résulter de la colonisation, comme M. Fanon le répète, la rendit possible, voire inévitable : je veux pa
52 a mort du pécheur, qui est uniquement l’Européen, comme chacun sait. La vérité, selon les faits et dans la perspective de l’h
7 1962, Arts, articles (1952-1965). Le miracle européen a créé le monde civilisé (6 juin 1962)
53 physiques et naturelles de notre petit continent, comme le veut une pensée héritée d’un xixe siècle scientiste et dans l’ens
54 ré dans le passage fameux où il parle de l’Europe comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’un appendice occidental de
55 troite presqu’île, qui ne figure sur le globe que comme un appendice de l’Asie, devenue la métropole du genre humain. Voilà
56 elle, par exemple, une création du christianisme, comme le soutient une très nombreuse école d’excellents historiens catholiq
57 chrétienne. Assimiler l’Europe au christianisme, comme voulut le faire Novalis dans son célèbre essai intitulé Die Christenh
58 e européenne. Notre idée de la science en dérive, comme l’a montré Jaspers, commentant Nietzsche (ce très lucide antichrétien
59 « des premiers habitants du bois et du rocher » ( comme dit Vigny) dont ne nous restent plus que les peintures rupestres de L
60 us fameux, s’en fut à Rhodes, puis en Thrace ; et comme il désespérait de retrouver sa sœur pour la ramener aux rives materne
61 lle ! » Ainsi Cadmus fonda Thèbes. Fable ambiguë, comme toutes les choses divines, ménageant notre liberté d’interprétation e
62 ir surpris son père en pleine ivresse sans songer comme ses frères à le couvrir d’un manteau ; à Sem, l’Asie et la vie spirit
63 ents. Cela, c’est l’Iliade, « poème de la force » comme l’a bien nommé Simone Weil. Mais ce qu’il y a de plus typiquement occ
64 latin du mot. Tout se passe, au long de l’épopée, comme si Ulysse, le courageux et le rusé, préférait secrètement le voyage à
65 dition. Il trouva d’autres terres, d’autres îles, comme Ulysse, et qui allaient poser d’autres problèmes, littéralement incal
8 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe détient les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? (13 juin 1962)
66 l’hémisphère privilégié apparaît donc clairement, comme en graphique, la fonction mondiale de l’Europe. Et voilà qui est déte
67 es structures. En Amérique, les villages naissent comme au hasard, le long des routes frayées par les pionniers : ils ne sont
68 lement par les structures sensibles et visibles — comme j’entends le faire aujourd’hui — que se passe-t-il dans cette église,
69 pluraliste et non pas unitaire dans son principe comme le furent les grandes civilisations traditionnelles et statiques de l
70 l’Asie, et aussi de l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’être les régimes totalitaires de notre temps. Civilisation
71 r ces tensions, on conçoit qu’il fonctionne alors comme le foyer d’une expansion énergétique irrésistible. Tel est le secret
72 ire. Même dans les nations les plus centralisées, comme la France, le mouvement de restauration des compétences communales se
73 par m, et sa culture par c. E = mc2 se lit alors comme suit : Europe égal cap de l’Asie multiplié par culture intensive (c a
74 elopper ses effets sans résistances sérieuses, et comme sur table rase. En Europe, elle est née dans un contexte serré de pri
75 ir compte du milieu humain, à ne pas se comporter comme l’éléphant dans le magasin de porcelaine ou le bulldozer dans un verg
76 ine encore très imparfaite, faisant de l’ouvrier, comme l’a dit Marx, « le complément vivant d’un mécanisme mort », et l’obli
9 1962, Arts, articles (1952-1965). Le monde entier irrite l’Europe et la méprise autant qu’il la jalouse ! (20 juin 1962)
77 à effet entre les deux phénomènes, ou si plutôt, comme je le crois, ils ne résultent pas tous les deux d’une seule et même é
78 m et Fichte avaient dénoncé l’expansion coloniale comme un péché mortel de l’Europe, en ce sens qu’il devait aggraver la diss
79 vec le monde actuel, je me l’explique, en résumé, comme suit : L’expansion coloniale d’États rivaux, pour criminelle qu’on ve
80 uelques-unes de nos folies les plus contagieuses, comme le nationalisme, ils se sont mis à revendiquer les avantages de notre
81 des parlements. S’imposant par la force ou reçus comme des dieux — ainsi Cortés à Mexico —, voulant sauver des âmes ou explo
82 sé à la vie internationale… L’intérêt paraît ici, comme ailleurs, plus efficace que la contrainte. Et partout, dans les nati
83 éfiance de principe. Il ne dit pas de leurs dons, comme il le dit des nôtres : « C’est du néo-colonialisme ! » Et pourtant, l
10 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe est un colosse qui s’ignore (encore) (27 juin 1962)
84 Sorel à Sartre, semble avoir persuadé nos élites comme nos masses que l’Europe est une pauvre chose écrasée entre deux colos
85 de tradition proprement russes et même tsaristes, comme le rôle de la police et des fonctionnaires, ou l’habitude de réécrire
86 ccident soit responsable à l’égard du tiers-monde comme de lui-même. Car c’est l’Europe qui a répandu dans le monde entier le
11 1962, Arts, articles (1952-1965). Un refus d’aimer (3 octobre 1962)
87 : « Denis de Rougemont ( L’Amour et l’Occident , Comme toi-même ), adopte, vis-à-vis de l’érotisme, une attitude plus nuancé
12 1965, Arts, articles (1952-1965). Le déferlement de l’érotisme : pour une nouvelle théologie (5-11 mai 1965)
88 nct universel et primordial : elles y font appel, comme on dit, mais restent sans pouvoir sur lui, et il ne va pas « déborder
89 ion. L’érotisme est le plaisir pris pour fin, non comme moyen de l’acte procréateur. La passion est le désir infini, lié à un
90 tisme, auquel la sexualité tend à se subordonner, comme la nature à la culture, l’instinct à l’hygiène et aux passions, et la
91 uveau, né de la dégradation des obstacles sociaux comme des interdits de la morale ? Va-t-il sombrer dans l’apathie sexuelle,
92 nos pays riches, des problèmes fondamentaux, liés comme tels à la spiritualité, à la tentation, au péché ? C’est dans ces per
93 que des études psychologiques et éthiques, voire, comme le demandait l’autre jour un psychiatre américain, une « théologie de
94 formé en Europe au Moyen Âge et a distingué dans Comme toi-même tout ce qui sépare sexualité. »