1 1952, Arts, articles (1952-1965). Appel à ceux qui osent être différents (22 mai 1952)
1 osent être différents (22 mai 1952)a On attend de l’écrivain contemporain — alternativement ou simultané­ment — qu’il s
2 ent — qu’il soit prêtre et iconoclaste, directeur de cons­cience et mauvaise tête, mage et sceptique, écrivain public et a
3 e, écrivain public et accusateur public, créateur de son propre langage et succès de vente, excentrique et engagé, monstre
4 public, créateur de son propre langage et succès de vente, excentrique et engagé, monstre et vedette. Dans les périodes d
5 et engagé, monstre et vedette. Dans les périodes de crise, la société devrait le fusiller ou le décorer, avouant ainsi qu
6 , au cours du xxe siècle, des moyens formidables de communiquer avec les couches sociales les plus diverses, avec les mas
7 es, avec les masses immenses et formées au hasard d’ auditeurs de radio, de lecteurs de journaux, de spectateurs de films o
8 masses immenses et formées au hasard d’auditeurs de radio, de lecteurs de journaux, de spectateurs de films ou de télévis
9 menses et formées au hasard d’auditeurs de radio, de lecteurs de journaux, de spectateurs de films ou de télévision. Mais
10 rmées au hasard d’auditeurs de radio, de lecteurs de journaux, de spectateurs de films ou de télévision. Mais jamais son l
11 rd d’auditeurs de radio, de lecteurs de journaux, de spectateurs de films ou de télévision. Mais jamais son langage d’arti
12 de radio, de lecteurs de journaux, de spectateurs de films ou de télévision. Mais jamais son langage d’artiste ou de pense
13 lecteurs de journaux, de spectateurs de films ou de télévision. Mais jamais son langage d’artiste ou de penseur n’avait é
14 e films ou de télévision. Mais jamais son langage d’ artiste ou de penseur n’avait été plus éloigné du lieu commun, de ce q
15 télévision. Mais jamais son langage d’artiste ou de penseur n’avait été plus éloigné du lieu commun, de ce que peuvent en
16 penseur n’avait été plus éloigné du lieu commun, de ce que peuvent entendre et comprendre ces masses. Voilà qui constitue
17 e ces masses. Voilà qui constitue pour l’écrivain de notre temps un défi d’une ampleur inconnue jusqu’alors, une possibili
18 constitue pour l’écrivain de notre temps un défi d’ une ampleur inconnue jusqu’alors, une possibilité sans précédent de jo
19 onnue jusqu’alors, une possibilité sans précédent de jouer un rôle public, ou tout au moins, de contribuer dans l’immédiat
20 cédent de jouer un rôle public, ou tout au moins, de contribuer dans l’immédiat à la création d’un climat non seulement in
21 oins, de contribuer dans l’immédiat à la création d’ un climat non seulement intellectuel, mais civique, mais moral, et enf
22 n politique. Devant ce défi, certains sont tentés de fuir, de se dérober et de plaider irresponsable ; mais d’autres sont
23 ue. Devant ce défi, certains sont tentés de fuir, de se dérober et de plaider irresponsable ; mais d’autres sont tentés de
24 i, certains sont tentés de fuir, de se dérober et de plaider irresponsable ; mais d’autres sont tentés de se conformer aux
25 plaider irresponsable ; mais d’autres sont tentés de se conformer aux recettes bien connues de l’efficacité : simplificati
26 tentés de se conformer aux recettes bien connues de l’efficacité : simplifications éhontées, démagogie, ou propagande par
27 isme pur et simple d’autre part, l’une et l’autre de ces démissions présentant l’avantage immédiat de supprimer ce problèm
28 de ces démissions présentant l’avantage immédiat de supprimer ce problème angoissant ? Ou bien pourrons-nous dépasser, su
29 sser, surmonter ces contradictions, par un effort de libre création ? L’écrivain, ferment de liberté Notre place, com
30 effort de libre création ? L’écrivain, ferment de liberté Notre place, comme écrivains, dans la cité, s’est révélée
31 l, fournit la clé. Précisément parce que la place de l’écrivain n’est plus, n’est pas clairement marquée dans la cité, par
32 à cause de cela, l’écrivain représente un élément de jeu entre les rouages, un élément de liberté. Sa vraie fonction dans
33 e un élément de jeu entre les rouages, un élément de liberté. Sa vraie fonction dans la cité serait ainsi de n’en point av
34 erté. Sa vraie fonction dans la cité serait ainsi de n’en point avoir de nécessaire, de n’être point totalement absorbé pa
35 ion dans la cité serait ainsi de n’en point avoir de nécessaire, de n’être point totalement absorbé par le social, de rest
36 é serait ainsi de n’en point avoir de nécessaire, de n’être point totalement absorbé par le social, de rester par définiti
37 de n’être point totalement absorbé par le social, de rester par définition le symbole, le témoin de la liberté, et non seu
38 l, de rester par définition le symbole, le témoin de la liberté, et non seulement de la sienne propre ou de celle de son a
39 ymbole, le témoin de la liberté, et non seulement de la sienne propre ou de celle de son art, mais de la liberté de chacun
40 liberté, et non seulement de la sienne propre ou de celle de son art, mais de la liberté de chacun et de ses conditions p
41 et non seulement de la sienne propre ou de celle de son art, mais de la liberté de chacun et de ses conditions pour tous.
42 de la sienne propre ou de celle de son art, mais de la liberté de chacun et de ses conditions pour tous. Au monde comme n
43 propre ou de celle de son art, mais de la liberté de chacun et de ses conditions pour tous. Au monde comme n’étant pas du
44 celle de son art, mais de la liberté de chacun et de ses conditions pour tous. Au monde comme n’étant pas du monde, dans l
45 rivain, voilà sa liberté, qu’il s’agit maintenant d’ assumer, et de défendre. Car un double péril la menace, l’un intérieur
46 sa liberté, qu’il s’agit maintenant d’assumer, et de défendre. Car un double péril la menace, l’un intérieur, l’autre exté
47 ieur à la cité démocratique. Il y a deux manières de perdre la liberté : la première est de ne pas l’exercer en actes ; la
48 x manières de perdre la liberté : la première est de ne pas l’exercer en actes ; la seconde, d’en supprimer les conditions
49 re est de ne pas l’exercer en actes ; la seconde, d’ en supprimer les conditions. La première est notre tentation la plus i
50 remière est notre tentation la plus intime, celle de la dérobade, orgueilleuse ou modeste, du retrait hors du monde où nou
51 avec la propagande. Mais je crois à la nécessité de certains actes d’engagement personnel de l’écrivain comme tel. Et il
52 e. Mais je crois à la nécessité de certains actes d’ engagement personnel de l’écrivain comme tel. Et il n’est pas question
53 écessité de certains actes d’engagement personnel de l’écrivain comme tel. Et il n’est pas question non plus de réduire la
54 vain comme tel. Et il n’est pas question non plus de réduire la littérature au témoignage social et politique, mais bien d
55 ture au témoignage social et politique, mais bien de prendre conscience de ses implications réelles dans la vie de la cité
56 ial et politique, mais bien de prendre conscience de ses implications réelles dans la vie de la cité. Je comprends très bi
57 onscience de ses implications réelles dans la vie de la cité. Je comprends très bien que plusieurs de nos confrères se réc
58 de la cité. Je comprends très bien que plusieurs de nos confrères se récusent devant toute espèce d’action publique, se c
59 de nos confrères se récusent devant toute espèce d’ action publique, se croient et se sentent impuissants devant les force
60 ue ces forces furent d’abord des idées, sont nées d’ œuvres écrites. Le nationalisme qui nous étrique et qui paralyse encor
61 que et qui paralyse encore le régime des échanges de tout ordre en Europe, le nationalisme fut une création d’écrivains, d
62 ordre en Europe, le nationalisme fut une création d’ écrivains, de poètes, hélas ! et de philosophes. Ceci pour nous ; et,
63 pe, le nationalisme fut une création d’écrivains, de poètes, hélas ! et de philosophes. Ceci pour nous ; et, de l’autre cô
64 t une création d’écrivains, de poètes, hélas ! et de philosophes. Ceci pour nous ; et, de l’autre côté, d’immenses pays et
65 , hélas ! et de philosophes. Ceci pour nous ; et, de l’autre côté, d’immenses pays et des centaines de millions d’hommes s
66 hilosophes. Ceci pour nous ; et, de l’autre côté, d’ immenses pays et des centaines de millions d’hommes subissent aujourd’
67 de l’autre côté, d’immenses pays et des centaines de millions d’hommes subissent aujourd’hui un régime issu de gros ouvrag
68 ôté, d’immenses pays et des centaines de millions d’ hommes subissent aujourd’hui un régime issu de gros ouvrages savants,
69 ons d’hommes subissent aujourd’hui un régime issu de gros ouvrages savants, de petits traités polémiques, de manifestes, d
70 ourd’hui un régime issu de gros ouvrages savants, de petits traités polémiques, de manifestes, d’articles, de discours, d’
71 s ouvrages savants, de petits traités polémiques, de manifestes, d’articles, de discours, d’interminables discussions dans
72 nts, de petits traités polémiques, de manifestes, d’ articles, de discours, d’interminables discussions dans les cafés, rég
73 ts traités polémiques, de manifestes, d’articles, de discours, d’interminables discussions dans les cafés, régime donc fab
74 lémiques, de manifestes, d’articles, de discours, d’ interminables discussions dans les cafés, régime donc fabriqué de tout
75 discussions dans les cafés, régime donc fabriqué de toutes pièces par des intellectuels invétérés. Comment fermer les yeu
76 ts ? Comment nier encore et refuser notre pouvoir de changer le monde, j’entends de préparer, et parfois de créer des cond
77 user notre pouvoir de changer le monde, j’entends de préparer, et parfois de créer des conditions intellectuelles et moral
78 anger le monde, j’entends de préparer, et parfois de créer des conditions intellectuelles et morales qui ménagent soit l’a
79 uelles et morales qui ménagent soit l’acceptation d’ une tyrannie, à force de mensonges tolérés en silence (on nous en abre
80 contraire de former une équipe, modeste et dure, de résistants, dont la seule existence modifie quelque chose, un je ne s
81 forcer à être totalement et uniquement du monde, de leur monde, et à clamer d’une de ces voix mornes et droguées, qu’on n
82 t uniquement du monde, de leur monde, et à clamer d’ une de ces voix mornes et droguées, qu’on ne reconnaît plus pour la si
83 uement du monde, de leur monde, et à clamer d’une de ces voix mornes et droguées, qu’on ne reconnaît plus pour la sienne,
84 u’on ne reconnaît plus pour la sienne, la louange de leur police d’État. Contre ces deux périls, il importe de se rassembl
85 ît plus pour la sienne, la louange de leur police d’ État. Contre ces deux périls, il importe de se rassembler. Non pas du
86 police d’État. Contre ces deux périls, il importe de se rassembler. Non pas du tout, non pas un seul instant dans l’idée q
87 un seul instant dans l’idée qui m’est répugnante de constituer un front commun, sous lequel disparaîtraient tous les visa
88 pas du tout, non pas un seul instant dans l’idée d’ opposer à ces totalitaires de toute couleur des certitudes de propagan
89 instant dans l’idée d’opposer à ces totalitaires de toute couleur des certitudes de propagande, ou je ne sais quelle myst
90 ces totalitaires de toute couleur des certitudes de propagande, ou je ne sais quelle mystique qui serait, au mieux, un pe
91 ux, un peu plus virulente que la leur. Un congrès d’ écrivains, aujourd’hui, ou bien c’est une opération de police d’État,
92 rivains, aujourd’hui, ou bien c’est une opération de police d’État, ou bien c’est un rassemblement d’hommes attachés au dr
93 ujourd’hui, ou bien c’est une opération de police d’ État, ou bien c’est un rassemblement d’hommes attachés au droit fondam
94 de police d’État, ou bien c’est un rassemblement d’ hommes attachés au droit fondamental de différer. Mais c’est pour sauv
95 semblement d’hommes attachés au droit fondamental de différer. Mais c’est pour sauver, précisément, ce droit, que nous som
96 e, non point malgré nos différences, mais à cause d’ elles. Je pressens, je sens une grande force dans ce rassemblement d’h
97 s, je sens une grande force dans ce rassemblement d’ hommes qui préfèrent le droit de poser passionnément quelques question
98 ce rassemblement d’hommes qui préfèrent le droit de poser passionnément quelques questions, au devoir de réciter toutes l
99 poser passionnément quelques questions, au devoir de réciter toutes les réponses ! a. Rougemont Denis de, « Appel à ce
100 iter toutes les réponses ! a. Rougemont Denis de , « Appel à ceux qui osent être différents », Arts, Paris, 22 mai 1952
2 1957, Arts, articles (1952-1965). L’ère des loisirs commence (10 avril 1957)
101 uil des temps où la culture va devenir le sérieux de la vie. (Elle l’a toujours été, mais cela se verra.) Jusqu’ici, c’éta
102 ’ici, c’était le travail qui occupait l’essentiel de nos jours, et dont dépendait notre sort : salaire, nourriture et loge
103 demain — comme elle le peut — permet à la société d’ assurer à très bas prix ces conditions élémentaires, le « temps vide »
104 « temps vide » du loisir1 deviendra le vrai temps de nos existences quotidiennes. La question « Que faire de ma vie ? » ne
105 existences quotidiennes. La question « Que faire de ma vie ? » ne sera plus réprimée par cette réponse, plusieurs fois mi
106 s, selon certains experts, il suffira qu’un tiers de la population (fortement accrue) de la planète donne 4 heures de trav
107 a qu’un tiers de la population (fortement accrue) de la planète donne 4 heures de travail par semaine, pour que tous nos b
108 n (fortement accrue) de la planète donne 4 heures de travail par semaine, pour que tous nos besoins « matériels » soient s
109 et distractions. Je vois bien l’aspect théorique de ces calculs ; qu’ils ne s’appliquent vraiment qu’au type occidental d
110 ls ne s’appliquent vraiment qu’au type occidental de vie ; qu’ils supposent une distribution socialisée des biens produits
111 abondance à très bas prix ; que la mise en valeur de l’Afrique, de l’Asie, des régions polaires offrira de nouvelles « occ
112 ès bas prix ; que la mise en valeur de l’Afrique, de l’Asie, des régions polaires offrira de nouvelles « occasions de trav
113 ’Afrique, de l’Asie, des régions polaires offrira de nouvelles « occasions de travail »2 ; et qu’enfin la guerre atomique
114 régions polaires offrira de nouvelles « occasions de travail »2 ; et qu’enfin la guerre atomique peut tout compromettre da
115 otre avenir : cet avenir qu’il nous faut accepter de dévisager hardiment. On dit : Que feront les masses si vraiment la te
116 sais rien. Savait-on beaucoup mieux, aux environs de 1830, ce qu’allait produire la technique ? Il s’agit cette fois-ci de
117 t produire la technique ? Il s’agit cette fois-ci de mieux voir les problèmes, au lieu de les refouler parce qu’ils donnen
118 e nos libres décisions. (Ce n’est pas l’invention de la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu’un peuple a décidé d’
119 e en soi, mais bien l’usage qu’un peuple a décidé d’ en faire : chars et wagons en Occident, jouets et ornements chez les A
120 orientations, nos vraies options se manifesteront d’ une manière transparente et seront suivis d’effets presque immédiats.
121 eront d’une manière transparente et seront suivis d’ effets presque immédiats. Ce sont ces vœux et ces orientations que l’o
122 es vœux et ces orientations que l’on peut essayer d’ induire de notre état d’esprit actuel. L’exemple des pays nordiques
123 ces orientations que l’on peut essayer d’induire de notre état d’esprit actuel. L’exemple des pays nordiques Libéré
124 t Norvège), condamnées au loisir pendant six mois d’ hiver : elles se tournent vers la culture. Or, il se trouve précisémen
125 tuplé pendant ce siècle les instruments et moyens de culture. On y publie plus de livres que jamais et à vil prix : les bi
126 nstruments et moyens de culture. On y publie plus de livres que jamais et à vil prix : les bibliothèques et les foyers de
127 s et à vil prix : les bibliothèques et les foyers de culture locaux se généralisent ; toute la peinture mondiale peut veni
128 et discussions publiques se tiennent par dizaines de milliers dans nos pays démocratiques ; et l’instruction publique est
129 blique est heureusement doublée par des centaines d’ ouvrages de vulgarisation qui permettent aux Occidentaux, pour la prem
130 heureusement doublée par des centaines d’ouvrages de vulgarisation qui permettent aux Occidentaux, pour la première fois d
131 cidentaux, pour la première fois dans l’Histoire, de prendre une vue d’ensemble de leur propre aventure : sentiment de l’h
132 première fois dans l’Histoire, de prendre une vue d’ ensemble de leur propre aventure : sentiment de l’histoire, découverte
133 is dans l’Histoire, de prendre une vue d’ensemble de leur propre aventure : sentiment de l’histoire, découverte du monde,
134 ue d’ensemble de leur propre aventure : sentiment de l’histoire, découverte du monde, sciences et techniques, politiques,
135 — comme en vue de lendemains qui auront le temps de chanter — les occasions de mieux comprendre nos vies comme aussi de m
136 ns qui auront le temps de chanter — les occasions de mieux comprendre nos vies comme aussi de mécomprendre les chefs-d’œuv
137 ccasions de mieux comprendre nos vies comme aussi de mécomprendre les chefs-d’œuvre. Quant à la qualité, ou créativité, ou
138 à la qualité, ou créativité, ou nocivité relative de cette invasion de la culture, nul ne saurait en préjuger : je dis seu
139 réativité, ou nocivité relative de cette invasion de la culture, nul ne saurait en préjuger : je dis seulement que tout y
140 atrices, des mathématiques pures à la poterie, et de la métaphysique à la sculpture des meubles. C’est ainsi que la techni
141 main aux options religieuses. Et je n’imagine pas de drogue assez puissante pour en détourner le genre humain4. Je sais bi
142 primitives, comme la mystique était un mouvement de dépassement ou de retrait en deçà du dogme formulé ; mais l’une et l’
143 la mystique était un mouvement de dépassement ou de retrait en deçà du dogme formulé ; mais l’une et l’autre s’appuyaient
144  ; mais l’une et l’autre s’appuyaient sur l’objet de leur renoncement et en dépendaient étroitement. L’ascèse de demain po
145 noncement et en dépendaient étroitement. L’ascèse de demain pourra difficilement prendre la forme d’un retour à la nature
146 e de demain pourra difficilement prendre la forme d’ un retour à la nature — au métier à tisser de Gandhi, par exemple — pu
147 orme d’un retour à la nature — au métier à tisser de Gandhi, par exemple — puisque c’est la technique précisément qui nous
148 selon l’expression que Claudel appliquait au cas de Rimbaud — vit simplement sur les reliefs épars du dogme et de la litu
149 vit simplement sur les reliefs épars du dogme et de la liturgie dans la culture dont il est imprégné. Voilà pourquoi la c
150 connaissance des dogmes et des opinions premières de nos religions sera demain la première condition des hérésies et gnose
151 araître : elles ne feraient autrement que répéter de l’ancien qui n’a pas disparu sans raison, ou ressusciter des doctrine
152 d déjà dans un public naguère totalement ignorant de ce genre de réalités certaines curiosités qui ne s’arrêteront pas là.
153 un public naguère totalement ignorant de ce genre de réalités certaines curiosités qui ne s’arrêteront pas là. La télévisi
154 ndividus à des liturgies imprévues. Les religions de « divertissement » — au sens pascalien de ce terme, qui englobe ici l
155 ligions de « divertissement » — au sens pascalien de ce terme, qui englobe ici les grandes parades totalitaires — en bénéf
156 utre part, que la passion pour l’occulte ne cesse de grandir dans nos villes, occupant rapidement le vide de l’âme créé pa
157 ndir dans nos villes, occupant rapidement le vide de l’âme créé par le matérialisme6. Beaucoup d’esprits légers s’imaginen
158 vide de l’âme créé par le matérialisme6. Beaucoup d’ esprits légers s’imaginent l’homme comme une sorte de ballon qui ne de
159 sprits légers s’imaginent l’homme comme une sorte de ballon qui ne demande qu’à « s’élever » dès qu’il est délivré des sou
160 ue ne peut rien faire pour l’Esprit, ni le défaut de « confort » n’a rien pu contre lui. Je dis seulement qu’elle va nous
161 matérielles, les « lois » économiques, les remous de la politique, le cinéma, ou l’Art lui-même. Quant à savoir si cela re
162 a nature finale du Progrès. 1. L’Encyclopédie de 1765 définit le loisir comme « le temps vuide ». Elle suppose donc qu
163 ésistance des syndicats aux techniques créatrices de loisirs (automation) c’est-à-dire de « temps vide » que l’on appelle
164 s créatrices de loisirs (automation) c’est-à-dire de « temps vide » que l’on appelle chômage. On refuse de considérer le l
165  temps vide » que l’on appelle chômage. On refuse de considérer le loisir comme le but même du machinisme. Or il pourra le
166 me. Or il pourra le devenir dès que les bénéfices de l’industrie seront distribués aux ouvriers non seulement sous la form
167 stribués aux ouvriers non seulement sous la forme d’ une diminution des heures de travail, mais sous la forme d’une diminut
168 ulement sous la forme d’une diminution des heures de travail, mais sous la forme d’une diminution du prix de la vie, compe
169 inution des heures de travail, mais sous la forme d’ une diminution du prix de la vie, compensant au moins les heures de sa
170 vail, mais sous la forme d’une diminution du prix de la vie, compensant au moins les heures de salaires perdues. 2. Il y
171 du prix de la vie, compensant au moins les heures de salaires perdues. 2. Il y a plus. Selon J. Fourastié, la somme de tr
172 es. 2. Il y a plus. Selon J. Fourastié, la somme de travail « tertiaire » indispensable au rendement, comme à la répartit
173 ppelé loisir ou travail). 3. Je ne parle pas ici de la télévision, qui nous apporte des pays lointains, sans leur odeur n
174 sans leur odeur ni leur température, sans le goût de leurs vins ni la qualité de leur air : ces « vues » sont donc autant
175 érature, sans le goût de leurs vins ni la qualité de leur air : ces « vues » sont donc autant de fausses-nouvelles-vraisem
176 alité de leur air : ces « vues » sont donc autant de fausses-nouvelles-vraisemblables, les plus dangereuses. 4. Le mépris
177 eligieuses n’aura été qu’un phénomène transitoire de notre civilisation occidentale. (Voir plus haut ce que j’ai dit sur l
178 tsia berlinoise, puis new-yorkaise, et une partie de la parisienne, au xxe siècle, se crurent et furent dans une large me
179 religieuse. Le surréalisme français fut le signal d’ une première révolte contre la conception « rationaliste » du monde. D
180 e contre la conception « rationaliste » du monde. D’ où succès mondial jusqu’à la dernière guerre. André Breton n’a pas ces
181 ’à la dernière guerre. André Breton n’a pas cessé de chercher une vision religieuse du monde et de la vie, bien plus antic
182 ssé de chercher une vision religieuse du monde et de la vie, bien plus antichrétien par cela même qu’un J.-P. Sartre, qui
183 le prolongement des exigences « existentielles » d’ une éthique protestante-libérale — quel que soit par ailleurs son athé
184 cidentale s’est amorcé dès 1919, et n’a pas cessé de s’amplifier. 5. Nos sectes orientalistes me font parfois penser à qu
185 es escaliers, au lieu de prendre l’ascenseur. 6. D’ où le succès sans précédent des livres proposant des recettes de bonhe
186 sans précédent des livres proposant des recettes de bonheur, de télépathie, d’érotisme, de paix de l’âme ou d’exaltation 
187 ent des livres proposant des recettes de bonheur, de télépathie, d’érotisme, de paix de l’âme ou d’exaltation ; demain, de
188 proposant des recettes de bonheur, de télépathie, d’ érotisme, de paix de l’âme ou d’exaltation ; demain, des règles de yog
189 s recettes de bonheur, de télépathie, d’érotisme, de paix de l’âme ou d’exaltation ; demain, des règles de yoga « scientif
190 es de bonheur, de télépathie, d’érotisme, de paix de l’âme ou d’exaltation ; demain, des règles de yoga « scientifique »,
191 r, de télépathie, d’érotisme, de paix de l’âme ou d’ exaltation ; demain, des règles de yoga « scientifique », à l’Occident
192 aix de l’âme ou d’exaltation ; demain, des règles de yoga « scientifique », à l’Occidentale. b. Rougemont Denis de, « L’
193 ntifique », à l’Occidentale. b. Rougemont Denis de , « L’ère des loisirs commence », Arts, Paris, 10 avril 1957, p. 1 et
194 lbin Michel sous le titre L’Aventure occidentale de l’homme . »
3 1960, Arts, articles (1952-1965). Remise en question par l’Afrique et l’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur (21 septembre 1960)
195 ’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur (21 septembre 1960)d e La civilisation née en Europe a
196 grands traits généralement tenus pour des causes de faiblesse : je veux parler d’une inquiétude fondamentale et d’un déso
197 nus pour des causes de faiblesse : je veux parler d’ une inquiétude fondamentale et d’un désordre permanent. Les Chinois et
198 : je veux parler d’une inquiétude fondamentale et d’ un désordre permanent. Les Chinois et les Égyptiens, les Sumériens et
199 n Europe bien plus qu’en Amérique, nous souffrons d’ une espèce d’inquiétude essentielle. Nous ne cessons de parler du « dé
200 plus qu’en Amérique, nous souffrons d’une espèce d’ inquiétude essentielle. Nous ne cessons de parler du « désarroi de l’é
201 espèce d’inquiétude essentielle. Nous ne cessons de parler du « désarroi de l’époque ». Nous avons l’impression de vivre
202 entielle. Nous ne cessons de parler du « désarroi de l’époque ». Nous avons l’impression de vivre dans un chaos sans cesse
203 « désarroi de l’époque ». Nous avons l’impression de vivre dans un chaos sans cesse croissant, dans un maquis de contradic
204 ans un chaos sans cesse croissant, dans un maquis de contradictions morales, intellectuelles et pratiques. D’où viennent c
205 radictions morales, intellectuelles et pratiques. D’ où viennent cette inquiétude fondamentale et ce désordre permanent, qu
206 Je pense même qu’ils remontent aux sources vives de notre civilisation, et qu’ils en sont inséparables. Je les rattache à
207 l’esprit scientifique. Notre inquiétude provient de notre foi, et nos incertitudes sont créées par la nature même de nos
208 t nos incertitudes sont créées par la nature même de nos certitudes. Ce paradoxe s’explique d’une manière assez simple. Pr
209 re même de nos certitudes. Ce paradoxe s’explique d’ une manière assez simple. Prenons l’exemple de l’homme chrétien. Il pe
210 que d’une manière assez simple. Prenons l’exemple de l’homme chrétien. Il peut lire dans les Écritures « qu’il n’y a pas u
211 aint. Il sait que le péché consiste à être séparé de la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il cherche d
212 eurs. Il cherche donc. Il cherche à se rapprocher de la Vérité et de la sainteté. Dans cet effort sans fin ni cesse, il es
213 donc. Il cherche à se rapprocher de la Vérité et de la sainteté. Dans cet effort sans fin ni cesse, il est pourtant soute
214 c un inquiet perpétuel, mais qui sait les raisons de son inquiétude ; il sait qu’elle est normale, et non désespérée, puis
215 -dire par sa certitude. Prenons ensuite l’exemple de l’homme scientifique. Celui-ci lit l’histoire des sciences. Elle lui
216 es l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’ être de la science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effor
217 e après l’autre, et que pourtant la raison d’être de la science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sans
218 t que pourtant la raison d’être de la science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sans fin ni cesse — ici
219 sans fin ni cesse — ici encore — pour s’approcher d’ un but toujours fuyant, il est soutenu par sa confiance en la raison e
220 ison et l’expérience vérifiante. La même exigence de rigueur qui, d’une part, sans relâche, vient remettre en question les
221 l’on croyait acquises, d’autre part, est le gage d’ un progrès vers le vrai. Ainsi donc, du désordre vers un certain ordre
222 veau désordre, vers une nouvelle façon plus large de l’interpréter, la science avance. La passion de la recherche L’O
223 de l’interpréter, la science avance. La passion de la recherche L’Oriental pose la question de savoir si l’Occidental
224 on de la recherche L’Oriental pose la question de savoir si l’Occidental ne préférerait pas la recherche à la pleine po
225 éférerait pas la recherche à la pleine possession de la vérité. On serait tenté de répondre qu’il en est bien ainsi, quand
226 a pleine possession de la vérité. On serait tenté de répondre qu’il en est bien ainsi, quand on entend les intellectuels l
227 ainsi, quand on entend les intellectuels libéraux d’ aujourd’hui adresser aux orthodoxes de toutes observances le reproche,
228 ls libéraux d’aujourd’hui adresser aux orthodoxes de toutes observances le reproche, à leurs yeux rédhibitoire, d’être des
229 servances le reproche, à leurs yeux rédhibitoire, d’ être des hommes « qui ont cessé de chercher » et « qui se croient les
230 x rédhibitoire, d’être des hommes « qui ont cessé de chercher » et « qui se croient les détenteurs de la vérité absolue ».
231 de chercher » et « qui se croient les détenteurs de la vérité absolue ». Il serait peut-être erroné d’en déduire que l’Oc
232 e la vérité absolue ». Il serait peut-être erroné d’ en déduire que l’Occidental nie l’existence d’une vérité en soi : simp
233 oné d’en déduire que l’Occidental nie l’existence d’ une vérité en soi : simplement, il se refuse à croire qu’un homme puis
234 vraiment y accéder (l’Hindou le croit). L’intérêt de l’histoire pour l’Occident, c’est le Progrès. Mais quel Progrès ? C’e
235 ogrès. Mais quel Progrès ? C’est qu’il y ait plus de sens dans nos vies personnelles : plus de joie à avoir ce qu’on a, à
236 it plus de sens dans nos vies personnelles : plus de joie à avoir ce qu’on a, à être ce qu’on est, à faire ce que l’on veu
237 ue l’on veut, à aimer ce que l’on aime, donc plus de liberté. Liberté pour tous, il va de soi, mais cela n’a de sens concr
238 é. Liberté pour tous, il va de soi, mais cela n’a de sens concret que pour chacun. L’unité de mesure, ou mieux : l’organe
239 cela n’a de sens concret que pour chacun. L’unité de mesure, ou mieux : l’organe de sensibilité à la liberté véritable, re
240 ur chacun. L’unité de mesure, ou mieux : l’organe de sensibilité à la liberté véritable, restant le moi distinct, la perso
241 inition par la technique : produire toujours plus de machines. Mais parmi ces machines, il s’en trouve une qui peut causer
242 chines, il s’en trouve une qui peut causer en peu d’ instants la mort certaine de notre civilisation. Définition par la cul
243 ui peut causer en peu d’instants la mort certaine de notre civilisation. Définition par la culture : multiplier et popular
244 la culture : multiplier et populariser les moyens de la créer et de l’assimiler. Mais les plus grands succès quantitatifs
245 ltiplier et populariser les moyens de la créer et de l’assimiler. Mais les plus grands succès quantitatifs allant régulièr
246 à se freiner lui-même, voire à subitement changer de signe pour aller vers l’anti-culture. Définition par la religion : re
247 taurer une commune mesure valable pour l’ensemble d’ une civilisation et garantissant l’harmonie de nos moyens actuels et d
248 ble d’une civilisation et garantissant l’harmonie de nos moyens actuels et de nos buts derniers. Mais toutes les tentative
249 garantissant l’harmonie de nos moyens actuels et de nos buts derniers. Mais toutes les tentatives faites de nos jours pou
250 buts derniers. Mais toutes les tentatives faites de nos jours pour imposer un principe d’harmonie ont causé le maximum de
251 ives faites de nos jours pour imposer un principe d’ harmonie ont causé le maximum de désordre sanglant et aggravé le chaos
252 poser un principe d’harmonie ont causé le maximum de désordre sanglant et aggravé le chaos mondial. Ainsi l’idée de Progrè
253 anglant et aggravé le chaos mondial. Ainsi l’idée de Progrès semble contradictoire dès qu’on tente d’en mesurer les effets
254 de Progrès semble contradictoire dès qu’on tente d’ en mesurer les effets historiques. Il n’en serait pas moins vain d’ima
255 effets historiques. Il n’en serait pas moins vain d’ imaginer qu’on puisse l’éliminer ou l’oublier. Admettons que l’Europe,
256 ur, elle renaîtrait irrésistiblement du sentiment de l’Histoire qu’on ne peut plus effacer, du mouvement de la science qu’
257 Histoire qu’on ne peut plus effacer, du mouvement de la science qu’on ne peut pas achever et, enfin, de la Technique, dont
258 e la science qu’on ne peut pas achever et, enfin, de la Technique, dont l’Asie et l’Afrique ne paraissent nullement dispos
259 user les dons ambigus. Mais l’Europe, responsable de l’idée du Progrès, est responsable aussi de sa rectification. Toutes
260 sable de l’idée du Progrès, est responsable aussi de sa rectification. Toutes les « hérésies du Progrès » sont bel et bien
261 dans les grands espaces humains des Amériques et de l’URSS. Là, comme extraites de leur contexte original, elles n’étaien
262 s des Amériques et de l’URSS. Là, comme extraites de leur contexte original, elles n’étaient plus mises en échec par trop
263 nal, elles n’étaient plus mises en échec par trop de coutumes anciennes ou de limitations posées en partie par des excès c
264 mises en échec par trop de coutumes anciennes ou de limitations posées en partie par des excès contraires. Si l’Europe d’
265 s en partie par des excès contraires. Si l’Europe d’ aujourd’hui s’effraye de constater ce que l’Amérique a fait de certain
266 s contraires. Si l’Europe d’aujourd’hui s’effraye de constater ce que l’Amérique a fait de certaines techniques (taylorism
267 i s’effraye de constater ce que l’Amérique a fait de certaines techniques (taylorisme ou psychanalyse), ce que les Soviets
268 sme ou psychanalyse), ce que les Soviets ont fait de la croyance en l’Histoire, et ce que les peuples de l’Orient proche e
269 la croyance en l’Histoire, et ce que les peuples de l’Orient proche et lointain risquent de faire du nationalisme — j’y v
270 s peuples de l’Orient proche et lointain risquent de faire du nationalisme — j’y vois le signe que l’Europe détient encore
271 vois le signe que l’Europe détient encore le sens d’ un équilibre intime : si ce sens n’était pas blessé, rien ne réagirait
272 é et réagit, c’est qu’il existe. J’essaierai donc d’ en définir la nature et les exigences. L’Occident n’est pas né comme o
273 un sort inaccepté. Il est né comme une aventure, d’ un fait très insolite et peu croyable, survenu au carrefour hasardeux
274 e et peu croyable, survenu au carrefour hasardeux de traditions diverses, parfois incompatibles. Et ce fait initial nous s
275 us semble accidentel, j’entends qu’il serait vain d’ essayer de le déduire d’une certaine situation d’ensemble ou d’un appe
276 accidentel, j’entends qu’il serait vain d’essayer de le déduire d’une certaine situation d’ensemble ou d’un appel monté du
277 entends qu’il serait vain d’essayer de le déduire d’ une certaine situation d’ensemble ou d’un appel monté du monde antique
278 d’essayer de le déduire d’une certaine situation d’ ensemble ou d’un appel monté du monde antique : nul ne peut démontrer
279 le déduire d’une certaine situation d’ensemble ou d’ un appel monté du monde antique : nul ne peut démontrer qu’il soit ven
280 drame, dont on peut contester après coup l’unité d’ action, non le choc. Car il y eut un choc initial, un commencement sou
281 l, un commencement soudain, une grande libération d’ énergie spirituelle et morale, provoquée par l’intégration instantanée
282 t morale, provoquée par l’intégration instantanée de deux réalités radicalement distinctes : le Verbe divin et la chair. P
283 e Verbe divin et la chair. Pour mesurer l’ampleur de cette révolution, il faut imaginer ce qu’était le sacré, ce qu’il est
284 st que rite. Seule la croyance moderne aux « lois de la science » et aux « nécessités techniques » en général peut nous do
285 s techniques » en général peut nous donner l’idée de ce que représente alors l’évidence magico-religieuse, et de ce qu’ent
286 représente alors l’évidence magico-religieuse, et de ce qu’entraîne indiscutablement sa transgression. La faute commise n
287 ansgression. La faute commise ne peut relever ni de l’opinion, ni d’un jury. Elle est plutôt comme une grossière erreur d
288 faute commise ne peut relever ni de l’opinion, ni d’ un jury. Elle est plutôt comme une grossière erreur de calcul, de mont
289 jury. Elle est plutôt comme une grossière erreur de calcul, de montage ou d’aiguillage, c’est-à-dire qu’elle « ne pardonn
290 est plutôt comme une grossière erreur de calcul, de montage ou d’aiguillage, c’est-à-dire qu’elle « ne pardonne pas » : e
291 mme une grossière erreur de calcul, de montage ou d’ aiguillage, c’est-à-dire qu’elle « ne pardonne pas » : elle suspend le
292  ne pardonne pas » : elle suspend le cours normal de la vie, elle exclut le fautif de la réalité, elle appelle à grands cr
293 le cours normal de la vie, elle exclut le fautif de la réalité, elle appelle à grands cris non point sa repentance mais l
294 oint sa repentance mais le châtiment restaurateur de l’ordre. Tel est le cadre antique, traditionnel (au sens oriental de
295 le cadre antique, traditionnel (au sens oriental de ce mot) que le message chrétien va bouleverser. Avec saint Paul, nous
296 saint Paul, nous passons d’un seul coup du règne de la Loi à celui de la Foi, c’est-à-dire du Rite à l’Amour. « Tout est
297 passons d’un seul coup du règne de la Loi à celui de la Foi, c’est-à-dire du Rite à l’Amour. « Tout est permis, mais tout
298 nnelle. Elles impliquent, en effet, que la valeur d’ un acte ne peut être jugée par sa conformité avec les règles du sacré
299 s du sacré ou du social, mais que son sens dépend d’ une attitude intime, d’une libre appréciation de la personne quant à s
300 , mais que son sens dépend d’une attitude intime, d’ une libre appréciation de la personne quant à savoir si l’acte exprime
301 d d’une attitude intime, d’une libre appréciation de la personne quant à savoir si l’acte exprime l’amour, s’il édifie. Po
302 e n’est pas tout l’Occident. Elle prend son point de départ dans le choc décisif duquel nous datons notre histoire. Mais e
303 , et l’ordre impérial des Romains. Utilisant l’un de ces éléments, écartant l’autre, annexant au passage un troisième et s
304 ble, jusqu’à nous, c’est l’« Aventure occidentale de l’homme ». Certes la voie chrétienne n’y est pas seule active, mais e
305 es, les apports étrangers, les progrès, la dérive de notre culture. Dialectique grecque et juridisme romain, catalysés par
306 des sont entrées elles aussi en symbiose, et cela d’ une manière manifeste dès l’époque des conciles œcuméniques. Apport g
307 norant, il sait qu’il n’est pas dieu, ne rêve pas de le devenir, mais se sent d’autant plus décidé à tirer le meilleur par
308 pas dieu, ne rêve pas de le devenir, mais se sent d’ autant plus décidé à tirer le meilleur parti de sa condition. Entrepre
309 nt d’autant plus décidé à tirer le meilleur parti de sa condition. Entreprenant, curieux jusqu’au défi, navigateur, spécul
310 us égards celui qui définit — l’homme du Verbe et de l’épithète, « la mesure de toutes choses », dira Protagoras, « de cel
311 — l’homme du Verbe et de l’épithète, « la mesure de toutes choses », dira Protagoras, « de celles qui sont en supposant q
312  la mesure de toutes choses », dira Protagoras, «  de celles qui sont en supposant qu’elles sont, de celles qui ne sont pas
313 « de celles qui sont en supposant qu’elles sont, de celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge de t
314 ont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge de tout, on le voit, même des dieux. D’où le sens de sa dignité, qui ne
315 pas ». Juge de tout, on le voit, même des dieux. D’ où le sens de sa dignité, qui ne tient à rien qu’à lui-même, au seul f
316 de tout, on le voit, même des dieux. D’où le sens de sa dignité, qui ne tient à rien qu’à lui-même, au seul fait qu’il exi
317 ’à lui-même, au seul fait qu’il existe, distinct. D’ où son orgueil aussi, son astuce égoïste et, finalement, cette anarchi
318 sée » à la brutale mise au pas du Romain. Apport de Rome. — Il se résume dans le terme viril de citoyen. L’homme ne tient
319 pport de Rome. — Il se résume dans le terme viril de citoyen. L’homme ne tient plus sa dignité unique de quelque essence i
320 citoyen. L’homme ne tient plus sa dignité unique de quelque essence indestructible, mais du personnage qu’il revêt dans l
321 s. Ce puritanisme social, cette morale du service de l’État, fera la grandeur de l’Empire et la pauvreté d’âme de ses suje
322 tte morale du service de l’État, fera la grandeur de l’Empire et la pauvreté d’âme de ses sujets. Si la dissociation menaç
323 État, fera la grandeur de l’Empire et la pauvreté d’ âme de ses sujets. Si la dissociation menaçait en permanence la cité g
324 fera la grandeur de l’Empire et la pauvreté d’âme de ses sujets. Si la dissociation menaçait en permanence la cité grecque
325 la sclérose collectiviste qui va causer la chute de Rome. C’est au sein de cette société dont les structures rigides n’en
326 nte, parce que ces disciplines ne sont pas celles de l’âme, que naît et se répand le christianisme. Apport chrétien. — La
327 re tout homme, noble ou esclave, des liens sacrés de la caste ou du clan ; en même temps, elle le met au service du procha
328 sclave y trouve la dignité morale qui était celle de l’individu selon les Grecs, et l’honneur de servir, qui était celui d
329 celle de l’individu selon les Grecs, et l’honneur de servir, qui était celui du citoyen romain. Il devient donc un paradox
330 , dans son équilibre en tension, unit le meilleur de Rome et de la Grèce, elle est aussi menacée, dans le monde du péché,
331 équilibre en tension, unit le meilleur de Rome et de la Grèce, elle est aussi menacée, dans le monde du péché, par un doub
332 e du péché, par un double péril simultané : celui de la fuite vers le salut individuel, et celui de l’abandon au sacré col
333 ui de la fuite vers le salut individuel, et celui de l’abandon au sacré collectif — maladie « grecque » et maladie « romai
334 ctif — maladie « grecque » et maladie « romaine » de la personne. Ainsi, c’est dans la mesure où le christianisme a signif
335 signifié la fin des religions et des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développement de la Science, recherche « i
336 nées de la peur, qu’il a permis le développement de la Science, recherche « impitoyable » de la vérité. Car la vérité, po
337 oppement de la Science, recherche « impitoyable » de la vérité. Car la vérité, pour la foi, ne peut être que celle de Dieu
338 ar la vérité, pour la foi, ne peut être que celle de Dieu, même quand elle semble nuire au groupe, à la tribu, à leurs loi
339 e l’on prend pour l’Ordre et le Bien. L’« eppur » de Galilée me paraît plus « chrétien » que l’indignation de ses juges. S
340 lée me paraît plus « chrétien » que l’indignation de ses juges. Suivons ici l’exégèse magistrale qu’a donnée de la pensée
341 ges. Suivons ici l’exégèse magistrale qu’a donnée de la pensée nietzschéenne Karl Jaspers : Si les Grecs, qui fondèrent l
342 t manqué. Au contraire, le chrétien a été capable de faire avancer cette science, grâce à son christianisme et ensuite con
343 s objectives que celui-ci a pu revêtir. Essayons de mesurer l’envergure du succès de l’Occident dans l’ère moderne. Toynb
344 vêtir. Essayons de mesurer l’envergure du succès de l’Occident dans l’ère moderne. Toynbee nous met en garde contre les i
345 e. Toynbee nous met en garde contre les illusions de ce qu’on pourrait appeler le narcissisme culturel. Mais comment le su
346 culturel. Mais comment le suivre, lorsqu’il tire de l’exemple du monde gréco-romain des raisons de réfuter la croyance qu
347 re de l’exemple du monde gréco-romain des raisons de réfuter la croyance que « nous aurions fait dans le monde, au cours d
348 lques derniers siècles, quelque chose qui n’a pas de précédent ? » Alexandre n’avait conquis qu’un quart des continents al
349 r la totalité — enfin connue, et par elle seule — de la planète : elle a non seulement influencé, colonisé ou vassalisé se
350 colonisé ou vassalisé selon les cas, la totalité de l’Afrique, des deux Amériques et de l’Océanie, et la partie sud de l’
351 , la totalité de l’Afrique, des deux Amériques et de l’Océanie, et la partie sud de l’Asie (à des degrés divers, mais pour
352 deux Amériques et de l’Océanie, et la partie sud de l’Asie (à des degrés divers, mais pour le moins égaux à ceux qu’avaie
353 es Khans mongols), mais encore elle n’a pas cessé de maintenir sur toutes les civilisations différentes de la sienne une s
354 aintenir sur toutes les civilisations différentes de la sienne une supériorité intellectuelle et technique que personne ne
355 ujourd’hui, les peuples affectés par ses méthodes de pensée, de production matérielle ou d’organisation de l’État, se rend
356 les peuples affectés par ses méthodes de pensée, de production matérielle ou d’organisation de l’État, se rendent politiq
357 s méthodes de pensée, de production matérielle ou d’ organisation de l’État, se rendent politiquement indépendants, j’y voi
358 ensée, de production matérielle ou d’organisation de l’État, se rendent politiquement indépendants, j’y vois bien moins le
359 uement indépendants, j’y vois bien moins le signe d’ une révolte contre ses méthodes importées, que la preuve décisive de l
360 re ses méthodes importées, que la preuve décisive de leur succès. Les Grecs et les Romains ne disposaient pas d’une marge
361 ccès. Les Grecs et les Romains ne disposaient pas d’ une marge de supériorité incontestable sur les Hindous et les Chinois.
362 ecs et les Romains ne disposaient pas d’une marge de supériorité incontestable sur les Hindous et les Chinois. Mais où tro
363 e siècle une autre civilisation qui soit en état de surpasser celle qu’a répandue l’Occident ? En même temps qu’il devien
364 fait, que l’Asie s’industrialise, et que le temps de voyages cesse de nous séparer (nous faisons en un jour d’avion un tra
365 s’industrialise, et que le temps de voyages cesse de nous séparer (nous faisons en un jour d’avion un trajet qui prenait d
366 es cesse de nous séparer (nous faisons en un jour d’ avion un trajet qui prenait deux ans du temps de Plan Carpin et de Mar
367 r d’avion un trajet qui prenait deux ans du temps de Plan Carpin et de Marco Polo), il devient urgent de corriger les aber
368 t qui prenait deux ans du temps de Plan Carpin et de Marco Polo), il devient urgent de corriger les aberrations résultante
369 Plan Carpin et de Marco Polo), il devient urgent de corriger les aberrations résultantes de contacts anarchiques dans tou
370 nt urgent de corriger les aberrations résultantes de contacts anarchiques dans tous les ordres. Tout échange est ambivalen
371 Il peut détruire autant que féconder. L’adoption de machines et de certaines croyances, déduites de notre science de la m
372 re autant que féconder. L’adoption de machines et de certaines croyances, déduites de notre science de la matière, peut fa
373 n de machines et de certaines croyances, déduites de notre science de la matière, peut faire dépérir dans d’autres civilis
374 de certaines croyances, déduites de notre science de la matière, peut faire dépérir dans d’autres civilisations le dévelop
375 ns d’autres civilisations le développement normal de leurs sciences spirituelles ou physio-psychologiques. Et cela, au mom
376 et même devenir vitales. L’Aventure s’approchant de la Voie, l’une doit intégrer l’autre (mais au prix de sacrifices dont
377 Jung en Europe, ou un Aurobindo en Inde, a tenté d’ entrevoir la nature. Au stade présent de l’Aventure occidentale, on di
378 , a tenté d’entrevoir la nature. Au stade présent de l’Aventure occidentale, on dirait qu’il n’est plus qu’un seul des rêv
379 t qu’il n’est plus qu’un seul des rêves constants de l’humanité qui ne soit pas théoriquement réalisable : connaître l’au-
380 as théoriquement réalisable : connaître l’au-delà de la mort. Mais presque tous les autres : voler dans la hauteur, nager
381 er dans la hauteur, nager au fond des mers, faire de l’or, rajeunir, voyager dans la lune, lire les pensées, tuer ou guéri
382 métaux, dépassons la vitesse du son, prolongeons de deux à trois fois la durée moyenne de la vie, voyons ce qui se passe
383 prolongeons de deux à trois fois la durée moyenne de la vie, voyons ce qui se passe aux antipodes, parlons avec des invisi
384 té à l’Orient, l’Occident apparaît comme le monde de la preuve, par l’effet matériel : les miracles d’abord (changer l’eau
385 uantes (l’avion vole, la bombe éclate au centième de seconde prévu) ; dans les deux cas, l’effet probant est de nature tan
386 e prévu) ; dans les deux cas, l’effet probant est de nature tangible ou mesurable. Les Orientaux ont multiplié les recette
387 lié les recettes (psychosomatiques, dirions-nous) d’ immortalité sur la terre, même lorsqu’ils enseignaient que la vie n’es
388 devint immortel. Nous cherchons plutôt les moyens de gagner du temps, et les trouvons par la technique. Sur quoi le mandar
389 (Mais lui, s’il devenait immortel ?) Le problème de l’emploi du temps libre se posera donc demain. Par notre fait, dans l
390 ’efficience en un mot, qui ont permis au problème de se poser, sont précisément les qualités et attitudes qui prédisposent
391 re. Au moment même où l’Occident serait en mesure d’ en instituer les conditions pour tous, il se voit appauvri spirituelle
392 besoin… L’âge des miracles Au stade présent de l’Aventure occidentale, dont la science est la pointe extrême en notr
393 ère, qui était pourtant devenue l’objet principal de la science, nous butons contre le mystère que cette science avait cru
394 Le Cosmos tout entier se résout en un voile tissé d’ ondes animant le Vide. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la matière c
395 animant le Vide. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la matière cosmique consistent en hydrogène et en hélium, produit à p
396 hélium, produit à partir de l’hydrogène. Le noyau de l’hydrogène est un proton. Cet ultime substrat de l’univers physique
397 de l’hydrogène est un proton. Cet ultime substrat de l’univers physique est un « nœud d’énergie » qui se produit dans un «
398 time substrat de l’univers physique est un « nœud d’ énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel agissent on
399 ce flottant sur l’océan sans rivages et sans fond de l’immatérielle Énergie. Voici donc retrouvée la Maya des hindous, au
400 oici donc retrouvée la Maya des hindous, au terme d’ un voyage dont l’impulsion première avait pris pour tremplin la très f
401 our tremplin la très ferme croyance en la réalité de la matière ! Mais derrière ce voile, qu’y a-t-il ? Cette question n’a
402 re ce voile, qu’y a-t-il ? Cette question n’a pas de sens, nous dit-on. Dans l’univers d’Einstein (illimité-fini) vous iri
403 tion n’a pas de sens, nous dit-on. Dans l’univers d’ Einstein (illimité-fini) vous iriez aussi loin et longtemps que vous v
404 devant vous, pour revenir au même point. Essayez de penser cela, et vous verrez bientôt que la question d’un au-delà ne s
405 nser cela, et vous verrez bientôt que la question d’ un au-delà ne se pose plus. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lema
406 delà ne se pose plus. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaître et de Gamov, né d’une explosion primitive, et qui rev
407 Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaître et de Gamov, né d’une explosion primitive, et qui reviendra peut-être à son
408 s en expansion de l’abbé Lemaître et de Gamov, né d’ une explosion primitive, et qui reviendra peut-être à son point initia
409 se meut-il ? Il est vrai que la question n’a pas de sens : rien « au monde » ne peut y répondre ; mais aussi, elle dépass
410 de : rien en lui ne peut m’empêcher, ni moi-même, de me la poser. C’est ainsi que notre esprit sans relâche vient buter co
411 Si l’on demande où elle va, qu’on regarde d’abord d’ où elle vient, et comment, jusqu’ici, elle est allée. On verra que la
412 lée. On verra que la question même est spécifique de l’Occident. Toute réponse décisive annoncerait donc la fin de notre c
413 t. Toute réponse décisive annoncerait donc la fin de notre civilisation, son épuisement intime, et toujours préalable à l’
414 tissement par une force étrangère. Je n’ai pas eu d’ autre intention que de mieux définir la question, en cela fidèle à l’O
415 e étrangère. Je n’ai pas eu d’autre intention que de mieux définir la question, en cela fidèle à l’Occident qui m’a formé.
416 i voudrait à tout prix une réponse, et refuserait de la trouver lui-même, dès lors qu’il sait qu’il n’en est point de vrai
417 ui-même, dès lors qu’il sait qu’il n’en est point de vraiment générale et transposable — il quitterait en esprit cette exp
418 destins, mais aussi fomenté les libres vocations de la race blanche, aventureuse moitié du monde. La Quête est notre form
419 tureuse moitié du monde. La Quête est notre forme d’ exister. d. Rougemont Denis de, « Remise en question par l’Afrique
420 est notre forme d’exister. d. Rougemont Denis de , « Remise en question par l’Afrique et l’Asie, la civilisation occide
421 ’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur », Arts, Paris, 21 septembre 1960, p. 1 et 15. e. Cet art
422 bre 1960, p. 1 et 15. e. Cet article fait partie d’ un dossier de la revue Arts intitulé : « Quel est l’avenir de la race
423 1 et 15. e. Cet article fait partie d’un dossier de la revue Arts intitulé : « Quel est l’avenir de la race blanche ? »
424 r de la revue Arts intitulé : « Quel est l’avenir de la race blanche ? »
4 1961, Arts, articles (1952-1965). L’Amour en cause (1er février 1961)
425 n’est vrai qu’en Occident, car on n’observe rien de tel en Inde, en Chine ou en Afrique. Comment nous expliquer ce fait ?
426 t ? Et pourquoi l’érotisme est-il devenu synonyme de perversité non seulement dans le jargon des lois de l’État laïque, ma
427 perversité non seulement dans le jargon des lois de l’État laïque, mais aux yeux des chrétiens exigeants et sincères, dep
428 cles ? Pour comprendre la situation problématique de notre temps, il faut remonter aux origines du christianisme. 1. Le ch
429 hristianisme. 1. Le christianisme est la religion de l’Amour. Religion d’un Dieu que l’Ancien Testament définissait comme
430 hristianisme est la religion de l’Amour. Religion d’ un Dieu que l’Ancien Testament définissait comme l’Être originel, le C
431 Être originel, le Créateur du monde et le sauveur d’ Israël, mais que le Nouveau Testament révèle au cœur de tous les homme
432 aël, mais que le Nouveau Testament révèle au cœur de tous les hommes, et d’une manière radicalement nouvelle : « Dieu est
433 u Testament révèle au cœur de tous les hommes, et d’ une manière radicalement nouvelle : « Dieu est Amour », répète saint J
434  », répète saint Jean. Religion créée par un acte de l’amour « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… »
435 omme toi-même ». Religion qui met au premier rang de toutes les vertus, l’Amour : « Maintenant ces trois choses demeurent 
436 mbale qui retentit ». 2. Parce qu’il est religion de l’Amour, le christianisme implique et pose la réalité de la personne.
437 our, le christianisme implique et pose la réalité de la personne. Les relations qu’il définit entre l’homme et « son » Die
438 lles. Dieu est personnel. La Trinité est composée de trois personnes. Le modèle de toute personne humaine est donné par l’
439 rinité est composée de trois personnes. Le modèle de toute personne humaine est donné par l’incarnation du Christ, fils de
440 maine est donné par l’incarnation du Christ, fils de Dieu, en Jésus, fils de Marie — Jésus Christ étant à la fois « vrai D
441 carnation du Christ, fils de Dieu, en Jésus, fils de Marie — Jésus Christ étant à la fois « vrai Dieu et vrai homme » selo
442 fois « vrai Dieu et vrai homme » selon le Credo. D’ où suit immédiatement que tout homme converti, recréé par l’Amour divi
443 é par l’Amour divin, va devenir, dans l’imitation de Jésus-Christ, vraie vocation et vrai individu, c’est-à-dire, une pers
444 distingue. Car pour aimer, il faut être distinct de l’objet même de l’amour, auquel on voudrait être uni. Et pour que l’h
445 pour aimer, il faut être distinct de l’objet même de l’amour, auquel on voudrait être uni. Et pour que l’homme puisse aime
446 l’homme nouveau, recréé par l’appel qu’il reçoit de l’Amour. Cet appel est sa vocation, la vie nouvelle de sa personne. C
447 Amour. Cet appel est sa vocation, la vie nouvelle de sa personne. Cette vie demeure en partie mystérieuse, étant « cachée
448 ste par des actes, dans l’amour du prochain comme de soi-même. 3. Cette religion de l’Amour total (amour de Dieu, de Soi
449 du prochain comme de soi-même. 3. Cette religion de l’Amour total (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livre
450 -même. 3. Cette religion de l’Amour total (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livre sacré sur l’Amour. Dans
451 . Cette religion de l’Amour total (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livre sacré sur l’Amour. Dans cet ense
452 al (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livre sacré sur l’Amour. Dans cet ensemble infiniment varié de phénom
453 é sur l’Amour. Dans cet ensemble infiniment varié de phénomènes que l’Europe seule a désigné par le seul et même terme d’a
454 ’Europe seule a désigné par le seul et même terme d’ amour, considérons les raies extrêmes du spectre : l’ultraviolet du sp
455 t l’infrarouge du sexuel. Notre mystique, science de l’amour divin, s’est développée très tardivement, dans des formes et
456 es les sociétés constituées. En dépit des traités de quelque Père de l’Église (prohibant telle posture sexuelle parce que
457 ue contraire à la fécondation) et des gros livres de casuistiques des xvie et xviie siècles, la plupart des écrits par d
458 u imaginable — du « Kamasutra », des « tantras », de tant d’autres traités d’érotisme dans les Vedas et les upanishads, re
459 utra », des « tantras », de tant d’autres traités d’ érotisme dans les Vedas et les upanishads, reliant le sexuel au divin 
460 ux façades des grands temples hindous, illustrant de la manière la plus précise les unions des dieux et de leurs femmes, à
461 a manière la plus précise les unions des dieux et de leurs femmes, à des fins didactiques et religieuses. Point de méthode
462 mes, à des fins didactiques et religieuses. Point de méthodes secrètes ni de magie sexuelle, point de physiologie du pèler
463 ues et religieuses. Point de méthodes secrètes ni de magie sexuelle, point de physiologie du pèlerinage mystique, comme ce
464 de méthodes secrètes ni de magie sexuelle, point de physiologie du pèlerinage mystique, comme celle que nous décrivent sa
465 epuis mille ans les traités du hatha yoga. Et pas de traces non plus, dans le christianisme, de ces cérémonies initiatique
466 Et pas de traces non plus, dans le christianisme, de ces cérémonies initiatiques, comme à la plupart des autres religions,
467 endocrine, le christianisme puritain se contente de conseils moraux très sévères et de conseils d’hygiène vagues ou aberr
468 in se contente de conseils moraux très sévères et de conseils d’hygiène vagues ou aberrants. D’un côté, le rite et les sév
469 te de conseils moraux très sévères et de conseils d’ hygiène vagues ou aberrants. D’un côté, le rite et les sévices physiqu
470 res et de conseils d’hygiène vagues ou aberrants. D’ un côté, le rite et les sévices physiques, qui règlent tout ; de l’aut
471 rite et les sévices physiques, qui règlent tout ; de l’autre, les problèmes et les tortures morales… Les Églises chrétienn
472 ut conduire à des révélations. « La chair ne sert de rien » (quant au salut) déclare saint Paul. Et l’on eut bien vite fai
473 t) déclare saint Paul. Et l’on eut bien vite fait de réduire au sexuel le sens de « chair » qui, pour l’Apôtre, désignait
474 n eut bien vite fait de réduire au sexuel le sens de « chair » qui, pour l’Apôtre, désignait le tout de l’homme (corps, âm
475 e « chair » qui, pour l’Apôtre, désignait le tout de l’homme (corps, âme et intellect) dans sa réalité naturelle et déchue
476 dans l’ensemble définissent une éthique cohérente de type personnaliste, et non plus sociale ou sacrée comme dans les autr
477 s autres religions. Il n’en est que plus frappant d’ observer à quel point les motivations spirituelles du mariage diffèren
478 edisent chez saint Paul. Tantôt il pose une sorte d’ analogie mystique entre l’amour des sexes dans le mariage et l’amour d
479 ntre l’amour des sexes dans le mariage et l’amour de Jésus pour l’ensemble des âmes croyantes : « Maris, aimez vos femmes
480 ontinence : « Je pense qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher sa femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que c
481 ais pas un ordre. Car il vaut mieux se marier que de brûler. » Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de l’Apôtre, la chastet
482 ’est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du m
483 marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. » 4. Ainsi donc, exalté d’une part comme l’image d
484  » 4. Ainsi donc, exalté d’une part comme l’image de l’amour divin, mais vilipendé, d’autre part, comme l’ennemi de la vie
485 vin, mais vilipendé, d’autre part, comme l’ennemi de la vie spirituelle, toléré finalement mais dans les seules limites du
486 riche et très sommairement condamné sous les noms de luxure et d’impudicité ou de « prostitution spirituelle », l’amour hu
487 sommairement condamné sous les noms de luxure et d’ impudicité ou de « prostitution spirituelle », l’amour humain devait f
488 ndamné sous les noms de luxure et d’impudicité ou de « prostitution spirituelle », l’amour humain devait fatalement deveni
489 devait fatalement devenir une source intarissable de problèmes, tant pour la société que pour l’individu. Au surplus, lié
490 ividu. Au surplus, lié dès l’origine à la réalité de la personne, l’amour sexuel, sentimental ou spirituel (amour des corp
491 la dialectique du salut, c’est-à-dire du péché et de la grâce, et valorisé à l’extrême. Ceci ne pouvait se produire — et n
492 et ne s’est pas produit — en dehors de la sphère d’ influence du christianisme. C’est pourquoi le phénomène que je nomme é
493 omène que je nomme érotisme, englobant le mariage d’ amour, la passion mystique de Tristan et la licence impie de Don Juan
494 englobant le mariage d’amour, la passion mystique de Tristan et la licence impie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en
495 a passion mystique de Tristan et la licence impie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en deçà du mariage) ne devait déve
496 — qu’à la lumière de ses origines religieuses et de ses fins transnaturelles. Chrétiens traditionnels, moralistes laïques
497 es orthodoxes s’unissent pour déplorer l’invasion de nos vies d’une sexualité « obsédante » : les affiches dans les rues,
498 s s’unissent pour déplorer l’invasion de nos vies d’ une sexualité « obsédante » : les affiches dans les rues, les bureaux,
499 trés et les films, les romans noirs et les albums de nus, les journaux populaires et les bandes dessinées, les chansons à
500 mode, les danses et les strip-teases : il suffit de regarder le décor des journées et des nuits citadines pour vérifier l
501 des nuits citadines pour vérifier l’omniprésence de l’appel au désir sexuel. Ce phénomène mille fois décrit n’en demeure
502 vait des parallèles en d’autres temps, ses moyens d’ expression, eux, sont sans précédent. La culture commercialisée, qui e
503 t quantitatif et plus encore qualitatif des temps de loisir, accroît aussi comme l’avait dit Baudelaire avec plus de préci
504 roît aussi comme l’avait dit Baudelaire avec plus de précision que le proverbe antique sur l’oisiveté mère des vices — les
505 l’oisiveté mère des vices — les chances pratiques de l’érotisme. Déplorer le phénomène est donc vain. Il s’agit de compren
506 e. Déplorer le phénomène est donc vain. Il s’agit de comprendre ses causes, et sur tout ce dont il est signe. Et d’abord,
507 tout ce dont il est signe. Et d’abord, il s’agit de lui donner son vrai nom. C’est l’érotisme qui travaille les sociétés
508 érotisme qui travaille les sociétés occidentales, de l’ouest à l’est, non pas la sexualité proprement dite, instinctive et
509 dite, instinctive et procréatrice. Et les moyens de l’érotisme sont la littérature, les « salles obscures », les arts pla
510 s : milieux par excellence où agissent les mythes de l’âme. C’est donc avec ces mythes, non pas avec l’instinct ou avec « 
511 me. Ce n’est pas l’immoralité plus ou moins grave de ce siècle qui la concerne, mais bien les attitudes (religieuses sans
512 tte immoralité ; enfin, ce sont certaines notions de l’homme, qu’une élite inconnue de la foule élabore à l’abri de toute
513 rtaines notions de l’homme, qu’une élite inconnue de la foule élabore à l’abri de toute sanction sociale car c’est là qu’o
514 u’une élite inconnue de la foule élabore à l’abri de toute sanction sociale car c’est là qu’on peut voir apparaître le sen
515 ai rappelé, et qui n’est guère en soi que l’écume d’ une vague profonde surgie de l’âme collective. Derrière les apparences
516 re en soi que l’écume d’une vague profonde surgie de l’âme collective. Derrière les apparences de la rue, derrière la tolé
517 rgie de l’âme collective. Derrière les apparences de la rue, derrière la tolérance déjà presque sans bornes accordée à ce
518 éritiers débiles et qui assurent que ce n’est pas de leur faute. Mais de quoi la morale victorienne est-elle morte ? Sans
519 qui assurent que ce n’est pas de leur faute. Mais de quoi la morale victorienne est-elle morte ? Sans doute et tout d’abor
520 enne est-elle morte ? Sans doute et tout d’abord, d’ avoir eu peur de l’instinct qu’elle voulait réprimer. Au lieu de justi
521 rte ? Sans doute et tout d’abord, d’avoir eu peur de l’instinct qu’elle voulait réprimer. Au lieu de justifier ses rigueur
522 r les yeux sur la réalité même du sexe : interdit d’ en parler, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom d’impureté.
523 même du sexe : interdit d’en parler, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom d’impureté. C’était vider la morale pu
524 r, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom d’ impureté. C’était vider la morale puritaine de sa vertu, moins religie
525 nom d’impureté. C’était vider la morale puritaine de sa vertu, moins religieuse d’ailleurs que civilisatrice. D’où l’effet
526 u, moins religieuse d’ailleurs que civilisatrice. D’ où l’effet de révélation que produisit l’œuvre de Freud, l’impression
527 gieuse d’ailleurs que civilisatrice. D’où l’effet de révélation que produisit l’œuvre de Freud, l’impression qu’elle « exp
528 D’où l’effet de révélation que produisit l’œuvre de Freud, l’impression qu’elle « expliquait tout », parce qu’elle expliq
529 osait parler. Brochant sur la mauvaise conscience d’ une bourgeoise qui n’avait plus le courage de ses partis pris, la vulg
530 ence d’une bourgeoise qui n’avait plus le courage de ses partis pris, la vulgarisation de la psychanalyse a beaucoup fait
531 s le courage de ses partis pris, la vulgarisation de la psychanalyse a beaucoup fait pour dévaloriser les notions mêmes de
532 beaucoup fait pour dévaloriser les notions mêmes de répression et de censure. Les abus dénoncés par Freud nous ont rendus
533 ur dévaloriser les notions mêmes de répression et de censure. Les abus dénoncés par Freud nous ont rendus méfiants quant à
534 e qui est l’ennemi mais le refoulement générateur de complexes et de névroses. D’où la tolérance que j’ai dite, et qui eff
535 mi mais le refoulement générateur de complexes et de névroses. D’où la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’obse
536 foulement générateur de complexes et de névroses. D’ où la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’observateurs. Ava
537 ù la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’ observateurs. Avant de nous effrayer à notre tour essayons de bien voi
538 urs. Avant de nous effrayer à notre tour essayons de bien voir ce qui se passe quand les censures officielles périclitent.
539 . L’instinct ne dépend pas des modes ni la nature de la culture — du moins pas si directement. Ce qui se trouve libéré c’e
540 i se trouve libéré c’est l’expression, la manière de parler des choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou de les mon
541 est l’expression, la manière de parler des choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce
542 sion, la manière de parler des choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce n’est donc p
543 s choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce n’est donc pas le sexe, mais l’érotisme,
544 t à réinventer », disait Rimbaud. Cette espèce-là de révolution psychique n’a qu’un précédent dans l’histoire de la cultur
545 ion psychique n’a qu’un précédent dans l’histoire de la culture occidentale : il se situe de la manière la plus précise au
546 ’histoire de la culture occidentale : il se situe de la manière la plus précise au xiie siècle. Depuis la fin de l’Empire
547 re la plus précise au xiie siècle. Depuis la fin de l’Empire romain, on n’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traité
548 la fin de l’Empire romain, on n’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traités de mystiques originaux. La vie sexuelle
549 l’Empire romain, on n’avait plus écrit de poèmes d’ amour ni de traités de mystiques originaux. La vie sexuelle semblait r
550 omain, on n’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traités de mystiques originaux. La vie sexuelle semblait réduite à l’
551 ’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traités de mystiques originaux. La vie sexuelle semblait réduite à l’obscure ani
552 animalité. Le mariage ne posait que des problèmes d’ héritages et de consanguinités souvent invraisemblables, justifiant de
553 ariage ne posait que des problèmes d’héritages et de consanguinités souvent invraisemblables, justifiant des divorces caus
554 ublimé, Saint Bernard de Clairvaux et la mystique d’ amour, Héloïse et la passion vécue, Tristan et la passion rêvée, le cu
555 sion vécue, Tristan et la passion rêvée, le culte de la Dame et le culte de la Vierge, les hérésies gnostiques ravivées et
556 la passion rêvée, le culte de la Dame et le culte de la Vierge, les hérésies gnostiques ravivées et le cynisme libertin na
557 in naissant, le célibat des prêtres et les « Lois d’ Amour », bref, le lyrisme, l’érotisme et la mystique déchaînés sur l’E
558 ongleurs et prédicateurs étant les seuls « moyens de diffusion » permettant de toucher les peuples. Cette première grande
559 tant les seuls « moyens de diffusion » permettant de toucher les peuples. Cette première grande révolution de l’Amour, si
560 her les peuples. Cette première grande révolution de l’Amour, si soudaine dans son explosion, fut lente à propager ses eff
561 propager ses effets bouleversants dans les mœurs de la masse inculte et dans les habitudes de pensée. Le travail de décan
562 s mœurs de la masse inculte et dans les habitudes de pensée. Le travail de décantation, d’adaptation psychologique et de r
563 culte et dans les habitudes de pensée. Le travail de décantation, d’adaptation psychologique et de remise en ordre morale
564 s habitudes de pensée. Le travail de décantation, d’ adaptation psychologique et de remise en ordre morale et spirituelle d
565 ail de décantation, d’adaptation psychologique et de remise en ordre morale et spirituelle devait prendre des siècles, et
566 tie celle du xiie siècle, submerge quelques-unes de ses conquêtes, mais surtout la déborde largement. Elle éclate dans un
567 bon marché, le film et la radio ne laissent plus de délais ni d’angles morts. Les effets atteignent nos sens avant que le
568 le film et la radio ne laissent plus de délais ni d’ angles morts. Les effets atteignent nos sens avant que les causes aien
569 nt que les causes aient émergé à nos consciences. D’ où le scandale, et c’est peu dire — d’où l’angoisse et la mauvaise con
570 onsciences. D’où le scandale, et c’est peu dire — d’ où l’angoisse et la mauvaise conscience qui caractérisent à la fois ce
571 illeurs croyant ou non, plus ou moins respectueux de la science et du progrès, donc normal et moyen selon les standards du
572 -le avec les œuvres apparues depuis cinquante ans de Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H.
573 uante ans de Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breto
574 Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Rober
575 es écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d
576 vent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de L
577 et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’ André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durrel,
578 . H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durrel, pour ne citer que
579 de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d’ Henry Miller et de Lawrence Durrel, pour ne citer que très peu de noms
580 ndré Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durrel, pour ne citer que très peu de noms des plus connus ;
581 es plus connus ; sans oublier la fameuse Histoire d’ O, les essais de Georges Bataille et de Pierre Klossowski pour les ini
582 sans oublier la fameuse Histoire d’O, les essais de Georges Bataille et de Pierre Klossowski pour les initiés ; les roman
583 e Histoire d’O, les essais de Georges Bataille et de Pierre Klossowski pour les initiés ; les romans policiers de l’école
584 lossowski pour les initiés ; les romans policiers de l’école « noire » et les films des metteurs en scène suédois, françai
585 , pour le grand public. Que verra dans tout cela, de prime abord, le témoin normal et moyen ? La libido partout à l’œuvre,
586 , la névrose prise pour thème normal, la négation de l’innocence, même enfantine : la pariade primitive, ou, au contraire,
587 homosexualité et l’inceste ; et toutes les formes d’ exhibitionnisme et de raffinement pervers qui attendent encore leur no
588 ceste ; et toutes les formes d’exhibitionnisme et de raffinement pervers qui attendent encore leur nom : bref, la luxure,
589 re chose qu’une immense dépravation, qu’un manque de tenue mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gaul
590 nse dépravation, qu’un manque de tenue mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gauloiserie » ? Et comme
591 on, qu’un manque de tenue mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gauloiserie » ? Et comment pourrait-o
592 e mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gauloiserie » ? Et comment pourrait-on y voir ce « soulèvemen
593  ? Et comment pourrait-on y voir ce « soulèvement de l’âme », ce retour des pouvoirs animiques — étouffés depuis des siècl
594 s, quoique ces derniers aient les motifs inverses d’ être indignés, inquiets ou angoissés. Les deux camps se rendent bien l
595 mps se rendent bien leur mépris, et chacun refuse de tolérer fût-ce un instant, par simple hypothèse de dialogue, les bonn
596 e tolérer fût-ce un instant, par simple hypothèse de dialogue, les bonnes raisons que peut invoquer l’autre. J’entends bie
597 tes puritaines ont su nous imposer dès les débuts de l’Europe, il n’y aurait rien de plus dans notre civilisation que dans
598 de actuel. Il n’y aurait pas non plus le problème de l’érotisme ! Les auteurs érotiques l’oublient très naïvement, tout à
599 ux que celle qu’un Staline et qu’un Mao ont tenté d’ imposer par décrets ? Elle serait strictement adaptée à la production
600 ns souvent. La littérature érotique embrasse plus de réalités psychologiques que la morale bourgeoise ne voulait en connaî
601 dans une certaine mesure, comme le confort dépend de notre psychologie. Une fois reconnues, elles nous posent des problème
602 on ne résoudra plus en les niant. Les découvertes de l’analyse des profondeurs, l’affaiblissement des tabous sexuels, l’ac
603 provoqués, qui la dépassent, mais dont elle tente de formuler et d’illustrer les exigences encore désordonnées. Et je vois
604 la dépassent, mais dont elle tente de formuler et d’ illustrer les exigences encore désordonnées. Et je vois bien que du dé
605 je vois bien que du désordre inévitable résultant d’ une évolution aussi rapide, on ne pourra sortir qu’en avant, et non po
606 ant, et non point par des retours aux disciplines d’ antan. Il s’agit d’expliciter des motifs religieux généralement refoul
607 ar des retours aux disciplines d’antan. Il s’agit d’ expliciter des motifs religieux généralement refoulés ou tout simpleme
608 ut simplement ignorés. Méthode exactement inverse de celle de Freud, mais qui lui est par là même comparable. Entre les si
609 ment ignorés. Méthode exactement inverse de celle de Freud, mais qui lui est par là même comparable. Entre les siècles du
610 comparable. Entre les siècles du corps et celles de l’esprit, entre la biologie et la morale sociale, au-delà des nécessi
611 ogie et la morale sociale, au-delà des nécessités de l’espèce, mais en deçà du bien et du mal. Apprendre à lire en filigra
612 complexités et les intrigues apparemment insanes de l’érotique contemporaine. Je propose une mythanalyse, qui puisse être
613 non seulement aux personnes, mais aux personnages de l’art, et à certaines formules de vie ; l’objet immédiat d’une telle
614 aux personnages de l’art, et à certaines formules de vie ; l’objet immédiat d’une telle méthode étant d’élucider les motif
615 et à certaines formules de vie ; l’objet immédiat d’ une telle méthode étant d’élucider les motifs de nos choix et leurs im
616 vie ; l’objet immédiat d’une telle méthode étant d’ élucider les motifs de nos choix et leurs implications trop souvent in
617 t d’une telle méthode étant d’élucider les motifs de nos choix et leurs implications trop souvent inconsciemment spirituel
618 us connaîtrons mieux les mythes qui nous tentent, d’ où ils viennent et vers quoi leur logique nous conduit, peut-être sero
619 uit, peut-être serons-nous un peu mieux en mesure de courir notre risque personnel, d’assumer notre amour et d’aller vers
620 mieux en mesure de courir notre risque personnel, d’ assumer notre amour et d’aller vers nous-mêmes. Peut-être serons-nous
621 notre risque personnel, d’assumer notre amour et d’ aller vers nous-mêmes. Peut-être serons-nous un peu plus libres. f.
622 ns-nous un peu plus libres. f. Rougemont Denis de , « L’Amour en cause », Arts, Paris, 1–6 février 1961, p. 1 et 4. g.
623 1 et 4. g. Présenté par cette note : « Le succès de notre série “Les idées qui mènent le monde” nous amène, à la demande
624 ées qui mènent le monde” nous amène, à la demande de nombreux lecteurs, à traiter aussi complètement que possible d’un suj
625 cteurs, à traiter aussi complètement que possible d’ un sujet sous ses divers aspects. Denis de Rougemont, auteur de L’Amo
626 us ses divers aspects. Denis de Rougemont, auteur de L’Amour et l’Occident a bien voulu accepter de participer à l’étude
627 de L’Amour et l’Occident a bien voulu accepter de participer à l’étude que nous commençons cette semaine sur l’évolutio
628 ns cette semaine sur l’évolution du mythe moderne de l’amour. Denis de Rougemont se propose de publier prochainement un ou
629 moderne de l’amour. Denis de Rougemont se propose de publier prochainement un ouvrage : Comme toi-même (Albin Michel) qu
630 (Albin Michel) qui présentera une interprétation de l’amour moderne à la lumière des mythes majeurs de l’érotique occiden
631 e l’amour moderne à la lumière des mythes majeurs de l’érotique occidentale : Don Juan et Tristan, en suivant leurs métamo
632 uivant leurs métamorphoses dans la vie et l’œuvre de Kierkegaard, Nietzsche et Gide et dans la création des personnages im
5 1961, Arts, articles (1952-1965). Les quatre amours (9 mai 1961)
633 s le vide, n’étant nous même que furtifs agrégats d’ infimes tourbillons statistiques ; que tout soit vide en vérité de sci
634 llons statistiques ; que tout soit vide en vérité de science, dans les dimensions de l’Univers (millions d’années-lumière
635 it vide en vérité de science, dans les dimensions de l’Univers (millions d’années-lumière dans l’espace, milliards d’année
636 ience, dans les dimensions de l’Univers (millions d’ années-lumière dans l’espace, milliards d’années terrestres dans le te
637 illions d’années-lumière dans l’espace, milliards d’ années terrestres dans le temps), et qu’au fond du réel calculé soit l
638 l calculé soit le Vide — mais que, scintillements d’ une seconde dans l’histoire de ce grain, notre Terre, des civilisation
639 que, scintillements d’une seconde dans l’histoire de ce grain, notre Terre, des civilisations passées nous apparaissent gr
640 grandes et majestueuses, bien plus, qu’au détour d’ un sentier suivi dans la forêt d’avril nous attende une révélation du
641 us, qu’au détour d’un sentier suivi dans la forêt d’ avril nous attende une révélation du bonheur pur : qu’il ait suffi de
642 e une révélation du bonheur pur : qu’il ait suffi de l’inflexion d’une voix pour que cette rencontre, demain, soit soudain
643 n du bonheur pur : qu’il ait suffi de l’inflexion d’ une voix pour que cette rencontre, demain, soit soudain le point de la
644 ue cette rencontre, demain, soit soudain le point de la vie ; qu’il y ait tels moments où nous sommes convaincus que « tou
645 nts où nous sommes convaincus que « tout » dépend d’ une décision à prendre ; qu’un monde coloré, déployé, dense et stable
646 , mais le vide, tout cela dans le vide et composé de vide, compénétré et imprégné de vacuité, ce vertige accompagne en sil
647 e vide et composé de vide, compénétré et imprégné de vacuité, ce vertige accompagne en silence la pensée des hommes d’aujo
648 ertige accompagne en silence la pensée des hommes d’ aujourd’hui et leur action. Le miracle est qu’il y ait des formes ! Qu
649 Le miracle est qu’il y ait des formes ! Qu’il ait de la consistance, des paysages, des visages, une Nature autour de nous,
650 ui fait ma joie et c’est le passage du tourbillon de billions d’agrégats divisibles au désir d’un corps animé, d’une forme
651 oie et c’est le passage du tourbillon de billions d’ agrégats divisibles au désir d’un corps animé, d’une forme libérée pou
652 billon de billions d’agrégats divisibles au désir d’ un corps animé, d’une forme libérée pour un peu de temps de cette tran
653 d’agrégats divisibles au désir d’un corps animé, d’ une forme libérée pour un peu de temps de cette transparence incolore
654 d’un corps animé, d’une forme libérée pour un peu de temps de cette transparence incolore qui est la malédiction originell
655 s animé, d’une forme libérée pour un peu de temps de cette transparence incolore qui est la malédiction originelle, l’enfe
656 vue lointaine et la musique, la souple résistance de la chair, et le désir qui ne s’arrêtera plus dans sa lancée vers un a
657 ne s’arrêtera plus dans sa lancée vers un au-delà de plénitude, vers le Plérôme. Car cette nature qui nous paraît miracule
658 flété sur le Vide, si elle n’est pas une parabole de l’éternel. Ces formes demeurent allusives, ces corps souffrent et meu
659 s nous voulons l’au-delà, et non pas le contraire de nos angoisses et de nos joies, l’au-delà qui transforme et non pas un
660 delà, et non pas le contraire de nos angoisses et de nos joies, l’au-delà qui transforme et non pas un reflet ! Un poète m
661 et non pas un reflet ! Un poète mineur et parfait de ce temps l’a découvert un jour non sans stupeur : « Il y a un autre m
662 il qu’un ? Il y a le monde du Vide, l’autre monde de la science ; il est là, parmi nous et tout autour de nous, ici et mai
663 , et nous ne le voyons pas, quoique étant assurés de sa présence instante. Il n’est pas nous. Mais il y a en nous le Royau
664 a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’est pas de ce monde », et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il est plu
665 us nous-mêmes que nous, parce qu’il est en chacun de ceux qui le reçoivent « le Fils de Dieu », la part céleste, le répond
666 est en chacun de ceux qui le reçoivent « le Fils de Dieu », la part céleste, le répondant de l’Ange qui sera « notre effi
667  le Fils de Dieu », la part céleste, le répondant de l’Ange qui sera « notre effigie » au cercle de feu qu’a vu Dante. Et
668 nt de l’Ange qui sera « notre effigie » au cercle de feu qu’a vu Dante. Et par quelle parabole le représenterons-nous ? « 
669 présenterons-nous ? « Il est semblable à un grain de sénevé, la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre,
670 st semblable à un grain de sénevé, la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre, mais lorsqu’il a été semé,
671 e, mais lorsqu’il a été semé, il monte… et pousse de grandes branches, en sorte que les oiseaux du ciel (les anges) peuven
672 et le temps, qui étendent le Vide aux dimensions de l’univers ; il n’est pas loin d’ici ou d’à présent, du monde des form
673 ensions de l’univers ; il n’est pas loin d’ici ou d’ à présent, du monde des formes, qui est la Nature, la Parabole — mais
674 i-même. Le Royaume du ciel est un point, le point d’ éternité posé dans toi, la semeuse du Plérôme à venir, quand « la figu
675 la semeuse du Plérôme à venir, quand « la figure de ce monde passera », et que l’invisible sera vu. Quand tu le sais, l’a
676 Pourquoi pas rien ? — si la pensée ne trouve pas de réponse, elle se rend au vide et s’annule. Ce qui peut la retenir au
677 etenir au bord du rien, c’est l’intuition directe de l’amour. C’est à cause de l’amour qu’il y a quelque chose, que le vid
678 à tout : au vide cosmique où danse tel brouillard d’ électrons empruntés à droite et à gauche et qui tout d’un coup peut di
679 ctrons empruntés à droite et à gauche et qui tout d’ un coup peut dire moi, peut dire toi quand il voit le moi dans l’autre
680 autre, peut dire : je suis ; mais aussi à ce coin de sentier perdu dans la forêt d’avril, petit monde complexe et fortuit,
681 is aussi à ce coin de sentier perdu dans la forêt d’ avril, petit monde complexe et fortuit, terre et pierres, herbe humide
682 i-je aimé ? Pourquoi pas rien ? Parce que ce coin de sentier m’a fait un signe et fut un signe à cet instant pour moi, exi
683 ue tout signe ou sens manifeste l’amour ; et rien d’ autre n’importe en vérité ; rien d’autre au monde ne m’appelle. J’ai p
684 mour ; et rien d’autre n’importe en vérité ; rien d’ autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter de l’être et du devenir, e
685 ien d’autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter de l’être et du devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai ja
686 pelle. J’ai pu douter de l’être et du devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais douté de l’amour même.
687 utes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais douté de l’amour même. J’ai pu douter jusqu’au vertige de presque toutes les v
688 de l’amour même. J’ai pu douter jusqu’au vertige de presque toutes les vérités de la morale et de la culture occidentale,
689 er jusqu’au vertige de presque toutes les vérités de la morale et de la culture occidentale, avant d’en retrouver quelques
690 ige de presque toutes les vérités de la morale et de la culture occidentale, avant d’en retrouver quelques-unes mieux comp
691 de la morale et de la culture occidentale, avant d’ en retrouver quelques-unes mieux comprises, au retour d’un Orient de l
692 etrouver quelques-unes mieux comprises, au retour d’ un Orient de l’esprit. J’ai douté de la plupart des vérités successive
693 lques-unes mieux comprises, au retour d’un Orient de l’esprit. J’ai douté de la plupart des vérités successivement démontr
694 es, au retour d’un Orient de l’esprit. J’ai douté de la plupart des vérités successivement démontrées par nos sciences ; e
695 ment démontrées par nos sciences ; et je ne cesse de douter de notre image du monde, du vide et des distances inconcevable
696 trées par nos sciences ; et je ne cesse de douter de notre image du monde, du vide et des distances inconcevables calculée
697 lculées à partir de nos formes. (Je pressens trop de raccourcis, et qu’on trouvera !) Mais je crois bien n’avoir jamais do
698 ouvera !) Mais je crois bien n’avoir jamais douté de tout cela, qu’en vertu et au nom de l’Amour. Il est la grâce indubita
699 l’Amour. Il est la grâce indubitable. Je n’ai pas d’ autre foi certaine, d’autre espérance, et je ne vois pas de sens hors
700 ce indubitable. Je n’ai pas d’autre foi certaine, d’ autre espérance, et je ne vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres ra
701 oi certaine, d’autre espérance, et je ne vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de ch
702 d’autre espérance, et je ne vois pas de sens hors d’ elle, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de chercher jusqu’
703 vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de chercher jusqu’au bout ce qu’un jour nous p
704 le, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de chercher jusqu’au bout ce qu’un jour nous pourrons aimer de tout notr
705 r jusqu’au bout ce qu’un jour nous pourrons aimer de tout notre être enfin réalisé dans le Tout enfin contemplé. Quand l’A
706 l’Amour sera tout en tous, lors du renouvellement de toutes les choses. L’amour étant l’initiateur de tout ce qui existe,
707 de toutes les choses. L’amour étant l’initiateur de tout ce qui existe, on appellera néant l’absence d’amour. L’amour div
708 tout ce qui existe, on appellera néant l’absence d’ amour. L’amour divin, venant de Dieu retourne à Dieu, posant en son po
709 ra néant l’absence d’amour. L’amour divin, venant de Dieu retourne à Dieu, posant en son point de réflexion et de résonanc
710 nant de Dieu retourne à Dieu, posant en son point de réflexion et de résonance dans la créature, un moi nouveau qui transc
711 ourne à Dieu, posant en son point de réflexion et de résonance dans la créature, un moi nouveau qui transcende l’ancien pa
712 e totalise et l’ordonne à l’esprit. (Cette action d’ ordonnance, d’orientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est
713 l’ordonne à l’esprit. (Cette action d’ordonnance, d’ orientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est la prière. Pri
714 esprit. (Cette action d’ordonnance, d’orientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est la prière. Prier n’est pas d
715 ion d’ordonnance, d’orientation de soi dans l’axe d’ efficacité majeure, est la prière. Prier n’est pas demander mais s’ori
716 r et à réaliser.) Le mot posé, quelle est la voie de l’amour en l’homme ? L’expérience méditée, — et que j’espère banale (
717 tre états que l’on peut distinguer par leur ordre d’ apparition. Ils se mêleront et combineront dans l’homme achevé. La vi
718 dans l’homme achevé. La vision intuitive, forme de l’amour est l’acte de l’esprit ; et elle est connaissance active en m
719 La vision intuitive, forme de l’amour est l’acte de l’esprit ; et elle est connaissance active en même temps que reconnai
720 utre, la personne. Nul ne peut distinguer le bien d’ autrui s’il n’a su distinguer d’abord son propre bien. Qui s’aime mal,
721 onne unique s’édifie dans l’individu. Cette règle d’ or est la norme morale, par excellence, en tout domaine, bien dans cel
722 par excellence, en tout domaine, bien dans celui de l’érotique que l’éducation, l’amitié et le mariage. L’émotion, ou l’É
723 t le mariage. L’émotion, ou l’Éros, seconde forme de l’amour procède de l’âme. Dans sa genèse, elle correspond, quel que s
724 tion, ou l’Éros, seconde forme de l’amour procède de l’âme. Dans sa genèse, elle correspond, quel que soit l’âge, à l’état
725 e, elle correspond, quel que soit l’âge, à l’état de première adolescence, quand l’amour « point le cœur », oppresse le so
726 oppresse le souffle, brûle en rêve, et reste loin d’ imaginer la possession. Mais s’il précède le désir dit physique, je c
727 e n’apparaît pas sans que l’ait éveillé un regard de l’intuition. Les très jeunes gens l’ignorent encore ; la plupart des
728 gnorent encore ; la plupart des adultes ont cessé de le sentir ; mais un homme qui se connaît bien et les femmes surtout s
729 rtaine perception instantanée du secret singulier de l’autre — et surtout s’il paraît lui-même l’ignorer — est la conditio
730 lui-même l’ignorer — est la condition nécessaire de l’émotion vraiment envahissante. Dans ce domaine de l’âme intermédiai
731 l’émotion vraiment envahissante. Dans ce domaine de l’âme intermédiaire entre le spirituel et le sensuel, les risques d’e
732 ire entre le spirituel et le sensuel, les risques d’ erreur sont plus grands, parce que l’émotion la plus vive peut bien se
733 n se suffire en soi. La sexualité mérite le nom d’ amour Le plaisir sexuel, troisième forme de l’amour est dit physiq
734 om d’amour Le plaisir sexuel, troisième forme de l’amour est dit physique, encore que nous sachions très bien que le s
735 e est lié comme nulle autre fonction à la volonté de l’intellect, à l’âme et à l’imaginaire et qu’en tant qu’il ne serait
736 a sexualité quand vient son temps. Les confusions de notre langage courant semblent parfois assimiler l’amour au sexe, mai
737 assimiler l’amour au sexe, mais elles proviennent d’ une contamination en sens inverse : si la sexualité peut signifier l’a
738 onne à des fins nouvelles qui ne sont plus celles de l’espèce mais de la personne, la sexualité mérite ce nom d’amour que
739 ouvelles qui ne sont plus celles de l’espèce mais de la personne, la sexualité mérite ce nom d’amour que lui donne l’Occid
740 e mais de la personne, la sexualité mérite ce nom d’ amour que lui donne l’Occident moderne — quoi qu’en pense la morale mo
741 ue rationnelle et « scientifique », elle se garde de la déclarer, mais trahit constamment son intime conviction par des ju
742 que la comparaison qui est faite ici entre l’acte de la connaissance religieuse et l’acte de l’union sexuelle, rabaisse le
743 re l’acte de la connaissance religieuse et l’acte de l’union sexuelle, rabaisse le spirituel ou élève l’érotique ? (J’ente
744 l’homme spirituel doit atteindre avec l’ensemble de ses facultés.) La sexualité en elle-même ne me paraît pas indifférent
745 re. Et cependant, dès qu’elle accède à la liberté de l’érotisme (qui transcende la fonction naturelle et vitale) elle devi
746 lle et vitale) elle devient justiciable à la fois de la morale et de l’esprit, comme tout autre élément impliqué dans la s
747 lle devient justiciable à la fois de la morale et de l’esprit, comme tout autre élément impliqué dans la synthèse de la pe
748 omme tout autre élément impliqué dans la synthèse de la personne. L’amour qui meut le soleil et les étoiles L’Énerg
749 es étoiles L’Énergie cosmique, dernière forme de l’amour n’est atteinte que par la pensée, mais à travers le monde des
750 elà des corps à notre échelle, au-delà du domaine de l’individuation, au-delà même de la matière que l’on dit brute, mais
751 -delà du domaine de l’individuation, au-delà même de la matière que l’on dit brute, mais encore tangible et sensible, elle
752 elle découvre, et mesure l’énergie et le mystère de l’attraction universelle. Et il est beau que l’aventure de l’intellec
753 action universelle. Et il est beau que l’aventure de l’intellect, descendant des clartés instantanées de l’esprit intuitif
754 l’intellect, descendant des clartés instantanées de l’esprit intuitif au clair-obscur de l’âme, à l’obscur de la chair, à
755 instantanées de l’esprit intuitif au clair-obscur de l’âme, à l’obscur de la chair, à l’opaque de la matière et au noir ab
756 rit intuitif au clair-obscur de l’âme, à l’obscur de la chair, à l’opaque de la matière et au noir absolu de l’espace élec
757 scur de l’âme, à l’obscur de la chair, à l’opaque de la matière et au noir absolu de l’espace électronique, débouche enfin
758 chair, à l’opaque de la matière et au noir absolu de l’espace électronique, débouche enfin sur des lueurs nouvelles qui so
759 sont peut-être celles qu’entrevoyaient les sages de l’Inde et de la Grèce, et que Dante dit avoir contemplées au prix de
760 re celles qu’entrevoyaient les sages de l’Inde et de la Grèce, et que Dante dit avoir contemplées au prix de sa vue « cons
761 ma volonté étaient mus — comme une roue tournant d’ une manière uniforme — par l’Amour qui meut aussi le soleil et les aut
762 iles. L’extrême : la vue mystique La forme de pensée qui se révèle ici transcende la recherche moderne des secrets
763 e ici transcende la recherche moderne des secrets d’ un champ unifié. Elle implique l’équation plus générale encore qui emb
764 les lois cosmiques, et l’amour créateur. Théorie de l’amour unifiant c’est autant dire de l’amour même. La science nature
765 ur. Théorie de l’amour unifiant c’est autant dire de l’amour même. La science naturelle, guidée par l’intuition d’Einstein
766 ême. La science naturelle, guidée par l’intuition d’ Einstein, conçoit déjà la possibilité d’une explication unitaire des p
767 intuition d’Einstein, conçoit déjà la possibilité d’ une explication unitaire des phénomènes énergétiques et magnétiques, m
768 ulations créatrices. Déjà, les grandes « écoles » de mathématiciens, de physiciens et d’astronomes, reconnaissent qu’elles
769 . Déjà, les grandes « écoles » de mathématiciens, de physiciens et d’astronomes, reconnaissent qu’elles diffèrent essentie
770 es « écoles » de mathématiciens, de physiciens et d’ astronomes, reconnaissent qu’elles diffèrent essentiellement par leurs
771 par leurs options métaphysiques. Ainsi l’extrême de l’amour cognitif, de la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’
772 taphysiques. Ainsi l’extrême de l’amour cognitif, de la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’y soumettre la pensée
773 insi l’extrême de l’amour cognitif, de la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’y soumettre la pensée, poussé jusqu
774 ême de l’amour cognitif, de la passion de savoir, d’ inventer le savoir et d’y soumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier
775 de la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’ y soumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier degré de l’abstraction
776 oumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier degré de l’abstraction et de l’audace logique, semble en voie de rejoindre en
777 poussé jusqu’au dernier degré de l’abstraction et de l’audace logique, semble en voie de rejoindre en perspective l’extrêm
778 bstraction et de l’audace logique, semble en voie de rejoindre en perspective l’extrême de l’amour intuitif : la vue mysti
779 ble en voie de rejoindre en perspective l’extrême de l’amour intuitif : la vue mystique. Les cartes de l’amour Tout
780 l’amour intuitif : la vue mystique. Les cartes de l’amour Tout le monde connaît les cartes à jouer, au moins de vue,
781 out le monde connaît les cartes à jouer, au moins de vue, mais presque personne ne prend la peine ou le plaisir d’en déchi
782 presque personne ne prend la peine ou le plaisir d’ en déchiffrer l’idéogramme. C’est trop sérieux pour les joueurs, et po
783 moment, mais sans jouer, les « couleurs » du jeu de cartes ordinaire, on ne tardera à découvrir qu’elles correspondent tr
784 rait pour trait aux quatre amours que nous venons d’ identifier (et si l’on remonte aux tarots, on verra qu’il ne s’agit pa
785 remonte aux tarots, on verra qu’il ne s’agit pas d’ un hasard ou d’une fantaisie, comme l’ont montré les belles études de
786 rots, on verra qu’il ne s’agit pas d’un hasard ou d’ une fantaisie, comme l’ont montré les belles études de l’indianiste He
787 e fantaisie, comme l’ont montré les belles études de l’indianiste Heinrich Zimmer). On aura reconnu au passage les quatre
788 nnu au passage les quatre fonctions fondamentales de C. G. Jung : pensée, sensation, intuition, sentiments, bien que placé
789 raduisant la logique particulière et l’ontogenèse de l’amour. Ces quatre fonctions coexistent dans la vie de tout homme no
790 mour. Ces quatre fonctions coexistent dans la vie de tout homme normal, mais l’une, en général, est dominante, plus fortem
791 dans l’inconscient la fonction la plus différente d’ elle-même. Les couples d’opposés décrits par Jung : intuition-sensatio
792 ction la plus différente d’elle-même. Les couples d’ opposés décrits par Jung : intuition-sensation (signes noirs du jeu de
793 r Jung : intuition-sensation (signes noirs du jeu de cartes) et sentiment-pensée (signes rouges) se retrouvent. Cœur
794 me. (Seul celui qui a une âme, et le sait, a lieu d’ être masochiste et de s’en réjouir). Goût de la mort à deux. Paranoïa.
795 une âme, et le sait, a lieu d’être masochiste et de s’en réjouir). Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’amo
796 lieu d’être masochiste et de s’en réjouir). Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’amour : « La beauté fait p
797 r). Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’amour : « La beauté fait pleurer les meilleures larmes » — Tristan.
798 mbre 1. Elle suggère : pénétrer, traverser, voler d’ un trait, blesser, tuer, féconder. Correspond à l’Esprit et à l’intuit
799 sme et sadisme, ou à l’inverse, ascétisme et goût de l’autosacrifice vers l’autre : crime, vers soi : suicide. Conception
800 l’autre : crime, vers soi : suicide. Conception de l’amour : un roi de pique dira que « l’Amour n’est pas un sentiment,
801 rs soi : suicide. Conception de l’amour : un roi de pique dira que « l’Amour n’est pas un sentiment, mais la situation to
802 n’est pas un sentiment, mais la situation totale de celui qui aime, orienté vers la vérité. » Preuve de validité de cet a
803 celui qui aime, orienté vers la vérité. » Preuve de validité de cet amour : le regard juste. Trèfle La forme indi
804 ime, orienté vers la vérité. » Preuve de validité de cet amour : le regard juste. Trèfle La forme indique le nombr
805 sation. (« Toute chair est comme l’herbe. » Amour de la chair pour ce qui la transcende et l’anime, car la poussée vient d
806 ui la transcende et l’anime, car la poussée vient d’ en bas, mais l’éclosion et l’épanouissement dépendent de la lumière re
807 as, mais l’éclosion et l’épanouissement dépendent de la lumière reçue, de l’air et de la rosée. Tempérament : sensuel-imp
808 t l’épanouissement dépendent de la lumière reçue, de l’air et de la rosée. Tempérament : sensuel-impulsif-curieux ; préda
809 sement dépendent de la lumière reçue, de l’air et de la rosée. Tempérament : sensuel-impulsif-curieux ; prédateur-exclusi
810 mpulsif-curieux ; prédateur-exclusif-fabricateur ( d’ objets, non de concepts). Déviations typiques : Don Juan. Aberrations
811 x ; prédateur-exclusif-fabricateur (d’objets, non de concepts). Déviations typiques : Don Juan. Aberrations de l’instinct
812 ts). Déviations typiques : Don Juan. Aberrations de l’instinct. Naturisme mystique. (C’est l’utopie magique, quelquefois
813 du trèfle à quatre feuilles : transformer la tige de l’instinct en quatrième feuille). Conception de l’amour : la gourman
814 de l’instinct en quatrième feuille). Conception de l’amour : la gourmandise. « Ce qui est vrai, ce qui est beau, c’est c
815 és, rappelant que ce carré fut d’abord un carreau d’ arbalète, une flèche à quatre pans), contredire et mettre en parallèle
816 u »), abstracteur, classique, impudent, inventif ( de structures et de concepts). Déviations typiques : Schizophrénie. Goû
817 , classique, impudent, inventif (de structures et de concepts). Déviations typiques : Schizophrénie. Goût du viol. Impuis
818 . Goût du viol. Impuissance sexuelle par méfiance de l’âme. (L’Intellectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé de l
819 lectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé de l’âme, ou ne sait qu’en faire et la nie). Conception de l’amour : l’
820 e, ou ne sait qu’en faire et la nie). Conception de l’amour : l’équilibre exigeant l’échange, le maintien de chacun dans
821 our : l’équilibre exigeant l’échange, le maintien de chacun dans ses justes limites. h. Rougemont Denis de, « Les qua
822 dans ses justes limites. h. Rougemont Denis de , « Les quatre amours », Arts, Paris, 9 mai 1961, p. 1, 4 et 5. i. Pr
823 un homme moderne ? Comment l’intelligence nourrie de science peut-elle réagir devant le vide qui lui est révélé lorsqu’ell
824 e qui lui est révélé lorsqu’elle pose le problème de Dieu ? Dans notre série sur “les Religions au xxe siècle”, nous prés
825 e siècle”, nous présentons une remarquable étude de Denis de Rougemont sur les valeurs de l’amour, force de révélation, b
826 uable étude de Denis de Rougemont sur les valeurs de l’amour, force de révélation, base de la vie, de l’art et de la foi.
827 is de Rougemont sur les valeurs de l’amour, force de révélation, base de la vie, de l’art et de la foi. L’auteur publiera
828 les valeurs de l’amour, force de révélation, base de la vie, de l’art et de la foi. L’auteur publiera prochainement sous l
829 de l’amour, force de révélation, base de la vie, de l’art et de la foi. L’auteur publiera prochainement sous le titre de
830 force de révélation, base de la vie, de l’art et de la foi. L’auteur publiera prochainement sous le titre de Comme toi-m
831 oi. L’auteur publiera prochainement sous le titre de Comme toi-même un important ouvrage aux Éditions Albin Michel.
6 1962, Arts, articles (1952-1965). Sartre contre l’Europe (17 janvier 1962)
832 res, milieux universitaires et milieux dirigeants de Washington ; ils découvrent l’Europe unie. À les entendre, on croirai
833 ment alertés. Le Marché commun, c’est la création de Jean Monnet, pensent-ils en simplifiant un peu. Or le Marché commun f
834 agne, après l’avoir traité par le mépris, supplie d’ y entrer. Donc c’est Jean Monnet qui a vu juste. Donc il faut voir l’E
835 uste. Donc il faut voir l’Europe comme il l’a vue d’ avance : première étape d’une organisation mondiale dont elle serait à
836 Europe comme il l’a vue d’avance : première étape d’ une organisation mondiale dont elle serait à la fois le centre d’anima
837 ion mondiale dont elle serait à la fois le centre d’ animation et l’organe d’équilibre. Je reviens en Europe, « notre patri
838 erait à la fois le centre d’animation et l’organe d’ équilibre. Je reviens en Europe, « notre patrie » — comme disait Æneas
839 écrit sur ce sujet ? Je trouve plusieurs dizaines d’ ouvrages publiés en deux mois, dans toutes nos langues, sur l’intégrat
840 mois, dans toutes nos langues, sur l’intégration de l’Europe et sur les relations nouvelles à établir entre une Europe un
841 r entre une Europe unie et le tiers-monde. Pleins d’ idées et de chiffres, d’un optimisme sobre, d’un réalisme constructif.
842 Europe unie et le tiers-monde. Pleins d’idées et de chiffres, d’un optimisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux d
843 et le tiers-monde. Pleins d’idées et de chiffres, d’ un optimisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux d’accroissemen
844 ins d’idées et de chiffres, d’un optimisme sobre, d’ un réalisme constructif. Les taux d’accroissement de la production et
845 imisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux d’ accroissement de la production et de l’exportation battent tous nos re
846 un réalisme constructif. Les taux d’accroissement de la production et de l’exportation battent tous nos records. Sauf en I
847 tif. Les taux d’accroissement de la production et de l’exportation battent tous nos records. Sauf en Italie, le chômage a
848 talie, le chômage a disparu, en dépit des progrès de l’automation. Une confiance nouvelle, née des promesses du Marché com
849 e nouvelle, née des promesses du Marché commun et de ses premiers succès, permet de multiplier les ententes industrielles,
850 u Marché commun et de ses premiers succès, permet de multiplier les ententes industrielles, sans plus tenir compte des fro
851 frontières. L’OCDE annonce une expansion globale de 50 % pour l’ensemble atlantique d’ici dix ans… L’Amérique avait donc
852 ope est « foutue », qu’elle est « en grand danger de crever », qu’elle « agonise », qu’elle a fait « eau de toutes parts »
853 ue nous voici tous « enchaînés, humiliés, malades de peur ». Ce n’est pas un expert, esclave des faits, qui nous dit cela,
854 e, Jean-Paul Sartre ; et sa fureur ne jaillit pas d’ un quelconque examen des évidences, mais de la lecture d’un pamphlet q
855 it pas d’un quelconque examen des évidences, mais de la lecture d’un pamphlet qui l’a mis dans tous ses états. Il le préfa
856 elconque examen des évidences, mais de la lecture d’ un pamphlet qui l’a mis dans tous ses états. Il le préface et il exhor
857 pousse à la révolution ; or la révolution guérit de tous les maux par la violence qu’elle fait subir à leurs fauteurs et
858 leurs fauteurs et qu’elle permet à leurs victimes de libérer. Joignons donc le FLN, les Angolais et autres Balubas qui « m
859 ropéens ». Car, ce faisant, « ils font l’histoire de l’homme », et nous serons ainsi du bon côté. Je n’invente pas : je ci
860 dialectique humanitaire qui nous offre « un moyen de guérir l’Europe » en nous faisant tous passer dans le camp de ses enn
861 Europe » en nous faisant tous passer dans le camp de ses ennemis. Ceux-ci n’auront qu’à nous assassiner « pour devenir hom
862 u pire, ils n’auront plus personne sur qui tirer. D’ où fin des guerres. Ce nouveau plan de paix perpétuelle est fait pour
863 qui tirer. D’où fin des guerres. Ce nouveau plan de paix perpétuelle est fait pour éblouir par sa logique brutale certain
864 par sa logique brutale certaine jeunesse dégoûtée de nos « valeurs » et qui exige grands cris son lavage de cerveau. « Voi
865 s « valeurs » et qui exige grands cris son lavage de cerveau. « Voici des siècles qu’au nom d’une prétendue aventure spiri
866 re spirituelle l’Europe étouffe la quasi-totalité de l’humanité. » Cette phrase résume la thèse de l’auteur du volume, le
867 ité de l’humanité. » Cette phrase résume la thèse de l’auteur du volume, le Martiniquais Frantz Fanon. Sartre la cite et i
868 e la propagande communiste depuis une quarantaine d’ années, mais c’est le contenu de la phrase : tout y est faux. La colon
869 s une quarantaine d’années, mais c’est le contenu de la phrase : tout y est faux. La colonisation par les Blancs n’a pas d
870 mais environ, et en moyenne, quatre-vingts ans — de 1882 à nos jours pour les neuf dixièmes du continent. Cette colonisat
871 la plus importante étant tout simplement un état de fait que l’Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter de la co
872 Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter de la colonisation, comme M. Fanon le répète, la rendit possible, voire
873 endit possible, voire inévitable : je veux parler de l’état d’arriération économique, sociale et politique des régions qui
874 ible, voire inévitable : je veux parler de l’état d’ arriération économique, sociale et politique des régions qui devinrent
875 nnent sous nos yeux leur essor, après des siècles d’ immobilité ou de continuelle décadence. Qu’est-ce que l’Europe a « éto
876 eux leur essor, après des siècles d’immobilité ou de continuelle décadence. Qu’est-ce que l’Europe a « étouffé » dans le t
877 est fort loin de représenter « la quasi-totalité de l’humanité », mais un tiers au plus, durant la période considérée.) L
878 u plus, durant la période considérée.) La culture de l’Inde ? L’Europe l’a sauvée. L’industrie africaine ? Elle l’a fondée
879 ustrie africaine ? Elle l’a fondée. La démocratie de l’Arabie saoudite ou du Yémen ? Le respect de la personne humaine che
880 tie de l’Arabie saoudite ou du Yémen ? Le respect de la personne humaine chez les cannibales ? Vous voulez rire, et vous n
881 non, et J.-P. Sartre derrière lui, ont grand tort de crier aux « siècles d’oppression ». Avant de leur laisser faire l’His
882 rrière lui, ont grand tort de crier aux « siècles d’ oppression ». Avant de leur laisser faire l’Histoire, on leur conseill
883 eur laisser faire l’Histoire, on leur conseillera de l’apprendre. Voyons celle de l’une des nations récemment libérées de
884 on leur conseillera de l’apprendre. Voyons celle de l’une des nations récemment libérées de « l’exploitation » européenne
885 ons celle de l’une des nations récemment libérées de « l’exploitation » européenne : le Dahomey. Les premiers contacts du
886 ent à 1729, lorsque le roi Agadja et son régiment de femmes, ayant battu les Popos aidés par l’Anglais Testefole, s’empare
887 s Popos aidés par l’Anglais Testefole, s’emparent de Ouidah, port de mer. Ils massacrent tout ce qui s’y trouve et institu
888 r l’Anglais Testefole, s’emparent de Ouidah, port de mer. Ils massacrent tout ce qui s’y trouve et instituent une nouvelle
889 l faut lire tout cela dans l’Histoire des peuples de l’Afrique noire que publie Robert Corvenin.) Les successeurs d’Agadja
890 oire que publie Robert Corvenin.) Les successeurs d’ Agadja s’enrichissent par le commerce des esclaves, dont ils se fourni
891 ériodiquement les Popos. En 1884, le dictionnaire de Grégoire décrit ainsi l’état du pays : « Le sol, extrêmement fertile,
892 pays : « Le sol, extrêmement fertile, est couvert de forêts. Malheureusement, l’industrie et l’agriculture sont étouffées
893 uquel le pays est soumis. Le roi, qui est l’objet d’ une espèce d’adoration, se signale par d’horribles sacrifices humains.
894 est soumis. Le roi, qui est l’objet d’une espèce d’ adoration, se signale par d’horribles sacrifices humains. Il a une arm
895 l’objet d’une espèce d’adoration, se signale par d’ horribles sacrifices humains. Il a une armée de femmes. Le Dahomey n’a
896 ar d’horribles sacrifices humains. Il a une armée de femmes. Le Dahomey n’a pas 1 million d’habitants, dont 20 000 à peine
897 une armée de femmes. Le Dahomey n’a pas 1 million d’ habitants, dont 20 000 à peine sont libres. La France y a un établisse
898 a un établissement sur la côte ». La colonisation de cet heureux pays date de 1892. Elle se termine en 1960 par la créatio
899 côte ». La colonisation de cet heureux pays date de 1892. Elle se termine en 1960 par la création d’une république souver
900 de 1892. Elle se termine en 1960 par la création d’ une république souveraine et démocratique de plus de 2 millions d’habi
901 une république souveraine et démocratique de plus de 2 millions d’habitants, dont le président est reçu en grande pompe à
902 souveraine et démocratique de plus de 2 millions d’ habitants, dont le président est reçu en grande pompe à l’Élysée en 19
903 en 1961. Je laisse à MM. Sartre et Fanon le soin de démontrer que cet exemple n’infirme en rien leurs thèses, ou ne compt
904 laisse à démontrer dialectiquement que le royaume de Ghana et l’empire du Mali n’ont pas été détruits par les Arabes almor
905 tard et pendant soixante-dix ans, que les restes de ces États préalablement envahis et soumis par les Touareg et par les
906 n feront rien, car la passion ne s’embarrasse pas de faits et leur passion veut la mort du pécheur, qui est uniquement l’E
907 La vérité, selon les faits et dans la perspective de l’histoire, c’est que le colonialisme, malgré ses crimes, a réveillé
908 s peuples du tiers-monde dans le très bref espace de deux générations. Il leur a présenté des possibilités de développemen
909 générations. Il leur a présenté des possibilités de développement telles qu’ils ont découvert qu’ils étouffaient dans leu
910 rs régimes traditionnels. Au nom de quelques-unes de nos valeurs (telles que l’égalité, la liberté, la dignité, la personn
911 a personne et le droit à l’éducation), mais aussi de nos folies les plus contagieuses, le nationalisme et la fureur idéolo
912 s peuples se sont mis à revendiquer les avantages de notre civilisation et la souveraineté de leurs États. Quant aux natio
913 vantages de notre civilisation et la souveraineté de leurs États. Quant aux nations colonialistes de l’Europe — sept sur v
914 é de leurs États. Quant aux nations colonialistes de l’Europe — sept sur vingt-six à la fin de la guerre — presque ruinées
915 alistes de l’Europe — sept sur vingt-six à la fin de la guerre — presque ruinées à deux reprises par leur délire nationali
916 x reprises par leur délire nationaliste, obligées de refaire leur bilan, cédant à la triple pression d’une opinion mondial
917 e refaire leur bilan, cédant à la triple pression d’ une opinion mondiale formée par leurs principes, d’une classe nouvelle
918 ’une opinion mondiale formée par leurs principes, d’ une classe nouvelle éduquée par leurs soins dans les pays colonisés, e
919 uquée par leurs soins dans les pays colonisés, et de leurs intérêts mieux compris — un peu poussées aussi par les États-Un
920 s aussi par les États-Unis, qui les sauvent alors de la faillite — elles ont, l’une après l’autre, « décroché ». Qu’est-il
921 une après l’autre, « décroché ». Qu’est-il advenu de l’Europe considérée dans son ensemble ? « L’Europe est littéralement
922 écrit Fanon. Ses richesses ne proviendraient que de ses vols, c’est-à-dire de son exploitation du sol africain et du sol
923 s ne proviendraient que de ses vols, c’est-à-dire de son exploitation du sol africain et du sol asiatique : or, métaux, pé
924 role, caoutchouc (le paysan serait-il la création de sa terre et des richesses qu’elle contient ?). Sartre renchérit : c’e
925 tiers-monde, l’Europe aurait donc signé son arrêt de mort économique et de rapide déshumanisation ? Les adversaires du col
926 aurait donc signé son arrêt de mort économique et de rapide déshumanisation ? Les adversaires du colonialisme auraient don
927 nialisme auraient donc été les avocats du suicide de l’Europe ? Mais au nom de quelles valeurs plus chères que leur vie mê
928 e quelles valeurs plus chères que leur vie même ? De leurs valeurs européennes « pourries » ou de quelles autres ? Laisson
929 me ? De leurs valeurs européennes « pourries » ou de quelles autres ? Laissons là ces divagations. Revenons aux faits. Les
930 ent que les nations européennes, à peine libérées de la charge écrasante de leurs colonies, ont commencé à découvrir l’Eur
931 opéennes, à peine libérées de la charge écrasante de leurs colonies, ont commencé à découvrir l’Europe et la nécessité de
932 ont commencé à découvrir l’Europe et la nécessité de son union. Et que, de leur union naissante — le Marché commun n’a que
933 ir l’Europe et la nécessité de son union. Et que, de leur union naissante — le Marché commun n’a que deux ans — a résulté
934 d’ailleurs emprunté à l’Europe. Mais qu’en est-il de Sartre en cette lugubre affaire ? Il nous faut expliquer l’anachronis
935 er ; et ce n’est pas ma faute si cette phrase est de Michel Debré dans son Projet de pacte pour les États-Unis d’Europe, p
936 cette phrase est de Michel Debré dans son Projet de pacte pour les États-Unis d’Europe, publié en 1950 chez Nagel. Sartre
937 , Rousseau, Herder, Fichte, Bentham. À l’encontre de Hegel, qui tenait l’Europe pour « la vraie fin de l’Histoire », et d’
938 de Hegel, qui tenait l’Europe pour « la vraie fin de l’Histoire », et d’Auguste Comte qui voyait en elle « le privilège ef
939 l’Europe pour « la vraie fin de l’Histoire », et d’ Auguste Comte qui voyait en elle « le privilège effectif du principal
940 ontre notre expansion inévitable. Ils n’ont sauvé de la sorte que nos principes, compromis ou trahis par nos pratiques. L’
941 oir. Pourquoi crier encore, sinon pour le plaisir de se vautrer dans son masochisme, ou simplement pour embêter de Gaulle,
942 urtant présidé non sans grandeur à la liquidation d’ un empire colonial ? Nous avons mieux à faire qu’un mea culpa traduisa
943 tionaliste du tiers-monde, devant la crise morale de l’URSS, l’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les pre
944 vant la crise morale de l’URSS, l’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et
945 ’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et d’en tirer les conséquences prat
946 urs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et d’ en tirer les conséquences pratiques, pour le tiers-monde et pour l’Eur
947 urope qui doit l’aider. Nous n’avons pas le droit de frustrer la jeunesse soviétique, et les autres, au moment où elles se
948 conscience, notre rage autopunitive ou l’alliance de nos reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nation
949 lliance de nos reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — p
950 reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’u
951 si de dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’une grande fédération. Ceux qui p
952 te — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’ une grande fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux de l’histoir
953 de fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux de l’histoire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe est finie, qua
954 t dit que l’Europe est finie, quand il s’agissait de la faire. j. Rougemont Denis de, « Sartre contre l’Europe », Arts,
955 il s’agissait de la faire. j. Rougemont Denis de , « Sartre contre l’Europe », Arts, Paris, 17 janvier 1962, p. 1 et 4.
7 1962, Arts, articles (1952-1965). Le miracle européen a créé le monde civilisé (6 juin 1962)
956 créé le monde civilisé (6 juin 1962)k L’avenir de l’Europe est une aventure décisive pour l’humanité tout entière. L’Eu
957 monde qui a fait « le Monde », ayant été le foyer de l’idée de « genre humain », ayant été aussi la condition instrumental
958 a fait « le Monde », ayant été le foyer de l’idée de « genre humain », ayant été aussi la condition instrumentale et néces
959 té aussi la condition instrumentale et nécessaire d’ une véritable histoire universelle, celle où nous sommes bel et bien e
960 e moitié du xxe siècle, en sorte que les chances de l’Europe dans l’avenir se confondent pratiquement, désormais, avec ce
961 e confondent pratiquement, désormais, avec celles de la civilisation née de ses œuvres, qu’elle a propagée sans prudence n
962 nt, désormais, avec celles de la civilisation née de ses œuvres, qu’elle a propagée sans prudence ni plan d’ensemble, dont
963 œuvres, qu’elle a propagée sans prudence ni plan d’ ensemble, dont elle n’est plus propriétaire, mais dont elle garde enco
964 core certains secrets vitaux. Je n’aurai pas trop de quatre leçons pour établir cette thèse centrale, cette définition de
965 ur établir cette thèse centrale, cette définition de l’Europe par sa fonction mondialisante. Car cela revient en somme à d
966 ets, alors qu’on s’est toujours efforcé jusqu’ici de l’expliquer par certaines causes, qui seraient tantôt, selon les aute
967 ais été dominée jusqu’ici par une seule puissance d’ outre-mer. 3. L’Europe a produit une civilisation que le monde entier
968 le en partant des données physiques et naturelles de notre petit continent, comme le veut une pensée héritée d’un xixe si
969 petit continent, comme le veut une pensée héritée d’ un xixe siècle scientiste et dans l’ensemble, sans le savoir, plus ma
970 s pour rendre compte du phénomène dans ce qu’il a de spécifique.) Certes, le découpage profond des côtes, propice à la nav
971 par montagnes et fleuves favorisant la formation de communautés bien distinctes et solidement enracinées, le climat tempé
972 dans le centre du moins, permettant une économie d’ énergies fondamentales, ce sont là des atouts, mais qui sont loin d’in
973 ntales, ce sont là des atouts, mais qui sont loin d’ inscrire, dans notre sol, l’histoire mondiale qui sera la nôtre. On ne
974 ndis qu’en Europe, dit-il, « les passages rapides d’ un extrême à l’autre stimulent les esprits et les arrachent à l’insouc
975 — « semble avoir tout fait pour hâter les progrès de la civilisation ». Plus réaliste, la Géographie universelle, de Mante
976 tion ». Plus réaliste, la Géographie universelle, de Mantelle et Brun, publiée à Paris en 1816, reconnaît que l’Europe his
977 , reconnaît que l’Europe historique n’est pas née de sa géographie. Je me plais à citer sa description de l’Europe, dont V
978 sa géographie. Je me plais à citer sa description de l’Europe, dont Valéry me paraît bien s’être inspiré dans le passage f
979 s’être inspiré dans le passage fameux où il parle de l’Europe comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’un appendic
980 le passage fameux où il parle de l’Europe comme «  d’ une sorte de cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’As
981 ameux où il parle de l’Europe comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’Asie », mais n
982 pe comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’ un appendice occidental de l’Asie », mais n’en serait pas moins « la p
983 cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’Asie », mais n’en serait pas moins « la partie précieuse de l’unive
984 mais n’en serait pas moins « la partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste cor
985 partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste corps ». Voici le passage : En sort
986 vers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’ un vaste corps ». Voici le passage : En sortant des mains de la natur
987 corps ». Voici le passage : En sortant des mains de la nature, notre partie du monde n’avait reçu aucun titre à cette glo
988 aujourd’hui. Petit continent qui possède le moins de richesses territoriales… nous ne sommes riches que d’emprunts. Tel es
989 ichesses territoriales… nous ne sommes riches que d’ emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humain : cette régi
990 ches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humain : cette région que la nature n’avait ornée que de for
991 in : cette région que la nature n’avait ornée que de forêts immenses s’est peuplée de nations puissantes, s’est couverte d
992 ’avait ornée que de forêts immenses s’est peuplée de nations puissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s’est enrich
993 est peuplée de nations puissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s’est enrichie du butin des deux mondes ; cette ét
994 qui ne figure sur le globe que comme un appendice de l’Asie, devenue la métropole du genre humain. Voilà donc l’importanc
995 tropole du genre humain. Voilà donc l’importance de la géographie et du climat minimisée, presque niée. Serait-ce alors à
996 mographie qu’il faudrait aller demander le secret de l’expansion européenne ? Un coup d’œil sur la carte des densités de p
997 opéenne ? Un coup d’œil sur la carte des densités de peuplement de la terre nous fait voir que l’humanité s’est concentrée
998 oup d’œil sur la carte des densités de peuplement de la terre nous fait voir que l’humanité s’est concentrée depuis longte
999 hacune, au xxe siècle, entre 500 et 600 millions d’ habitants (soit ensemble à peu près 60 % de la population du globe sur
1000 llions d’habitants (soit ensemble à peu près 60 % de la population du globe sur 15 % de sa superficie solide). Mais l’Eur
1001 peu près 60 % de la population du globe sur 15 % de sa superficie solide). Mais l’Europe de la Renaissance, celle des gr
1002 nce, celle des grandes découvertes précisément et de l’expansion vers le monde, était bien moins peuplée que la Chine et q
1003 pays les plus prospères et entreprenants. Ainsi, de 1328 à 1700, selon Charles Morazé, la France compte à peu près le mêm
1004 orazé, la France compte à peu près le même nombre d’ habitants, c’est-à-dire six à dix millions. Le grand essor démographiq
1005 six à dix millions. Le grand essor démographique de nos nations ne date que du xixe siècle. Comment se fait-il alors que
1006 ment se fait-il alors que l’Inde, autre péninsule de l’Asie, à peu près comparable en étendue à l’Europe de l’Ouest, mais
1007 r du monde et dominait sur la plupart des nations de l’époque, Inde comprise ? Comment se fait-il que les Chinois, qui éta
1008 il que les Chinois, qui étaient pourtant le tiers de l’humanité vers 1850, et qui en sont encore près du quart aujourd’hui
1009 les démographes — qui prédisent donc le contraire de ce que l’Occident craint !), n’aient guère participé à l’histoire du
1010 ticipé à l’histoire du monde que par leur faculté de se laisser conquérir, et d’absorber leurs conquérants, Huns ou Mongol
1011 que par leur faculté de se laisser conquérir, et d’ absorber leurs conquérants, Huns ou Mongols ? Les causes physiques et
1012 t naturelles ne pouvant rendre compte des destins de l’Europe, faudra-t-il leur chercher des causes spirituelles ? L’Europ
1013 nisme, comme le soutient une très nombreuse école d’ excellents historiens catholiques contemporains ? Cela se discute. Hip
1014 si Hérodote, Platon et Aristote nous parlent déjà d’ une Europe et la contrastent même avec l’Asie, mais cette Europe ne co
1015 naire des chrétiens, durant le premier millénaire de notre ère, obéit à l’ordre du Christ : Allez et évangélisez toutes le
1016 en Afrique du Nord, en Inde du Sud — sur la côte de Malabar — et jusqu’en Extrême-Orient — on compte plus de soixante évê
1017 bar — et jusqu’en Extrême-Orient — on compte plus de soixante évêchés nestoriens dans la Chine du ixe siècle, sous la dyn
1018 n colonialiste, du xviiie au xxe siècle, a été, de toute évidence, plus européenne que chrétienne. Assimiler l’Europe au
1019 par une vérité éternelle, qu’elle n’a pas mérité d’ incarner, sur laquelle elle n’a pas de copyright… Reste le fait que le
1020 pas mérité d’incarner, sur laquelle elle n’a pas de copyright… Reste le fait que le christianisme a très puissamment cont
1021 nt contribué à la synthèse européenne. Notre idée de la science en dérive, comme l’a montré Jaspers, commentant Nietzsche
1022 s principes politiques en dérivent. Or notre idée de la science et nos principes d’égalité, de liberté et de justice ont s
1023 ent. Or notre idée de la science et nos principes d’ égalité, de liberté et de justice ont sans doute été décisifs dans l’a
1024 re idée de la science et nos principes d’égalité, de liberté et de justice ont sans doute été décisifs dans l’aventure mon
1025 science et nos principes d’égalité, de liberté et de justice ont sans doute été décisifs dans l’aventure mondiale de l’Eur
1026 sans doute été décisifs dans l’aventure mondiale de l’Europe. Retenons donc, de cette rapide enquête sur la genèse du phé
1027 s l’aventure mondiale de l’Europe. Retenons donc, de cette rapide enquête sur la genèse du phénomène Europe, le christiani
1028 ligion, venue d’ailleurs, du Proche-Orient et non d’ elle-même ? Existait-il une prédisposition européenne au christianisme
1029 re nous oblige à constater : la fonction mondiale de l’Europe. Décrivons donc maintenant ce phénomène tel qu’il apparaît d
1030 ns les faits. Ce n’est pas le déroulement logique d’ une série de causes naturelles produisant des effets où elles s’épuise
1031 . Ce n’est pas le déroulement logique d’une série de causes naturelles produisant des effets où elles s’épuisent : ce n’es
1032 où elles s’épuisent : ce n’est pas le déroulement d’ un plan, dont nul ne voit qui l’aurait calculé et imposé. Et ce n’est
1033 calculé et imposé. Et ce n’est pas l’incarnation de quelque idée platonicienne, ni la démonstration d’un esprit hégélien
1034 e quelque idée platonicienne, ni la démonstration d’ un esprit hégélien marchant au pas rythmé de la dialectique — thèse, a
1035 ation d’un esprit hégélien marchant au pas rythmé de la dialectique — thèse, antithèse, une, deux, une, deux. C’est au con
1036 e attitude constante devant la vie. L’explication d’ un phénomène par ses causes a dominé notre xixe siècle, mais c’était
1037 hétype, dans son mythe. Or, ce mouvement créateur de l’Europe, je le trouve d’abord et déjà dans la légende originelle de
1038 trouve d’abord et déjà dans la légende originelle de l’Enlèvement d’Europe par Zeus. C’est dans un bond vers l’ouest, la m
1039 t déjà dans la légende originelle de l’Enlèvement d’ Europe par Zeus. C’est dans un bond vers l’ouest, la mer et l’aventure
1040 ue l’Europe légendaire prend son départ. Le mythe de l’enlèvement d’une princesse de Tyr par le grand dieu des Grecs, tran
1041 ndaire prend son départ. Le mythe de l’enlèvement d’ une princesse de Tyr par le grand dieu des Grecs, transformé en taurea
1042 ne nous restent plus que les peintures rupestres de Lascaux et d’Altamira, l’Europe a été lentement repeuplée par des col
1043 nt plus que les peintures rupestres de Lascaux et d’ Altamira, l’Europe a été lentement repeuplée par des colons venus d’un
1044 ntement repeuplée par des colons venus d’une part de l’Asie Mineure le long du Vardar et du Danube, jusqu’en Rhénanie et e
1045 tagne. Elle est née à la civilisation par l’effet d’ apports successifs intellectuels, techniques et religieux, créés en Mé
1046 créés en Mésopotamie, en Égypte et en Phénicie et de là transférés en Crète d’abord — où la princesse Europe engendra une
1047 les Minoens — puis, par la mer Égée en Grèce, et de là, sur les terres du Couchant, que les langues sémitiques nomment Er
1048 ues nomment Ereb, très probable étymologie du nom d’ Europe. Plus tard, sa religion dominante lui viendra du pays le plus p
1049 dra du pays le plus proche de ce rivage phénicien d’ où avait été enlevée l’héroïne éponyme, celle qui donna son nom au con
1050 ent. On sait cela, mais on connaît moins la suite de ce rapt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement d’Europe, à laque
1051 s la suite de ce rapt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement d’Europe, à laquelle j’attache, pour ma part, la plus gr
1052 rapt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement d’ Europe, à laquelle j’attache, pour ma part, la plus grande importance
1053 ande importance symbolique. Europe était la fille d’ Agénor, roi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cinq fils de partir à
1054 oi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cinq fils de partir à la quête de leur sœur enlevée. Chacun fit voile dans une dir
1055 onna l’ordre à ses cinq fils de partir à la quête de leur sœur enlevée. Chacun fit voile dans une direction différente. Et
1056 que d’autres découvraient les rives du continent, de l’Espagne au Caucase. Cadmus enfin, le plus fameux, s’en fut à Rhodes
1057 Rhodes, puis en Thrace ; et comme il désespérait de retrouver sa sœur pour la ramener aux rives maternelles de l’Asie, il
1058 ver sa sœur pour la ramener aux rives maternelles de l’Asie, il alla demander à l’oracle de Delphes : Où est Europe ? « Tu
1059 aternelles de l’Asie, il alla demander à l’oracle de Delphes : Où est Europe ? « Tu ne la trouveras pas, répondit la Pythi
1060 ne vache et pousse-la devant toi sans lui laisser de répit : là où elle tombera d’épuisement, bâtis une ville ! » Ainsi Ca
1061 oi sans lui laisser de répit : là où elle tombera d’ épuisement, bâtis une ville ! » Ainsi Cadmus fonda Thèbes. Fable ambig
1062 outes les choses divines, ménageant notre liberté d’ interprétation et de décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est
1063 ines, ménageant notre liberté d’interprétation et de décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est en poursuivant l’im
1064 en tirer : c’est en poursuivant l’image mythique de l’Europe que les navigateurs phéniciens découvrirent sa réalité géogr
1065 elle était dans son souvenir que Cadmus entreprit de la construire. On voit combien, dès ces temps fabuleux, il semble dif
1066 bien, dès ces temps fabuleux, il semble difficile de savoir « où est l’Europe », si l’on entend seulement la ramener un be
1067 a seconde légende relative à ses origines : celle de Japhet. Selon la Genèse commentée par les Pères de l’Église primitive
1068 , l’Afrique mais aussi l’esclavage, pour le punir d’ avoir surpris son père en pleine ivresse sans songer comme ses frères
1069 ivresse sans songer comme ses frères à le couvrir d’ un manteau ; à Sem, l’Asie et la vie spirituelle ; à Japhet, l’Europe
1070 ; à Japhet, l’Europe et les armes, et la promesse d’ une expansion indéfinie : dilatatio, latitudo, selon la Vulgate et les
1071 c’est le mot-clé. Retraçons maintenant les étapes de cette expansion planétaire. Vues dans le raccourci des siècles, elles
1072 courci des siècles, elles évoquent les mouvements de systole et de diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales de dur
1073 cles, elles évoquent les mouvements de systole et de diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier mo
1074 évoquent les mouvements de systole et de diastole d’ un cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier mouvement : co
1075 diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier mouvement : concentration des valeurs religieuses et c
1076 et culturelles du Proche-Orient dans la péninsule d’ Occident. Nous avons vu que les populations, les religions, les procéd
1077 ligions, les procédés techniques et les rudiments de la science, tout est venu de l’Est vers l’Europe, tout s’est lentemen
1078 , tout s’est lentement concentré dans cette sorte d’ impasse au-delà de laquelle on croyait que le monde finissait. Une pre
1079 ment concentré dans cette sorte d’impasse au-delà de laquelle on croyait que le monde finissait. Une première culture orig
1080 culture originale se constitue en Grèce. L’Empire de Rome la diffuse et la transforme. À l’individualisme qui régnait dans
1081 it dans les cités grecques, il substitue le culte de l’État et des grandes institutions centralisées, et il étend leur aut
1082 rité sur toute l’Europe de l’Ouest. Dans le cadre de cet empire se trouvent inclus des Celtes, des Germains et des Slaves,
1083 aves, des « barbares » toujours plus nombreux, et de traditions très opposées à celles de Rome, mais progressivement intég
1084 nombreux, et de traditions très opposées à celles de Rome, mais progressivement intégrés. Enfin, c’est dans le cadre de l’
1085 gressivement intégrés. Enfin, c’est dans le cadre de l’empire que se répand très rapidement une religion qui, elle aussi,
1086 par la Méditerranée : le christianisme. À la fin de l’Empire, aux débuts du haut Moyen Âge, sous Charlemagne, la péninsul
1087 la péninsule européenne est donc devenue le lieu de rencontre de sept ou huit traditions différentes : orientales et nord
1088 européenne est donc devenue le lieu de rencontre de sept ou huit traditions différentes : orientales et nordiques, contin
1089 stes et magiques. Et c’est l’Église qui va tenter d’ opérer la synthèse improbable de toutes ces forces en conflit latent o
1090 ise qui va tenter d’opérer la synthèse improbable de toutes ces forces en conflit latent ou en guerre ouverte. L’Europe e
1091 erre ouverte. L’Europe et sa culture résulteront de cette fusion jamais achevée, toujours instable, et dont la grande ori
1092 rande originalité — si on la compare aux cultures de l’Asie — est justement d’être un mélange dynamique d’éléments de prov
1093 la compare aux cultures de l’Asie — est justement d’ être un mélange dynamique d’éléments de provenances diverses et de ten
1094 ’Asie — est justement d’être un mélange dynamique d’ éléments de provenances diverses et de tendances contradictoires. Pend
1095 justement d’être un mélange dynamique d’éléments de provenances diverses et de tendances contradictoires. Pendant tout le
1096 e dynamique d’éléments de provenances diverses et de tendances contradictoires. Pendant tout le Moyen Âge et ses luttes me
1097 tation se poursuit en vase clos : dans une espèce de creuset d’alchimiste, où s’opèrent les transmutations les plus imprév
1098 oursuit en vase clos : dans une espèce de creuset d’ alchimiste, où s’opèrent les transmutations les plus imprévues. Vraime
1099 tes vers l’Orient. Les Européens se voient coupés de toutes communications régulières avec les civilisations de l’Inde et
1100 communications régulières avec les civilisations de l’Inde et de la Chine, dont quelques rares voyageurs — Marco Polo, Ru
1101 ns régulières avec les civilisations de l’Inde et de la Chine, dont quelques rares voyageurs — Marco Polo, Rubrukis ou Jea
1102 ades, et ils ont échoué. Comment forcer le verrou de l’islam ? Comment apporter la Bonne Nouvelle aux peuplades païennes d
1103 apporter la Bonne Nouvelle aux peuplades païennes de l’Asie et de l’Afrique ? Comment échapper à ces guerres sans fin, à c
1104 onne Nouvelle aux peuplades païennes de l’Asie et de l’Afrique ? Comment échapper à ces guerres sans fin, à ces querelles
1105 omment réaliser les ambitions impériales héritées de Rome, les rêveries enfiévrées des savants cosmographes, la vocation m
1106 voies terrestres sont barrées. Restent les voies de l’Océan. C’est ici que l’aventure mondiale de l’Europe prend son dépa
1107 ies de l’Océan. C’est ici que l’aventure mondiale de l’Europe prend son départ, au matin de Palos de Moguer, sur les petit
1108 e mondiale de l’Europe prend son départ, au matin de Palos de Moguer, sur les petites caravelles de Colomb. La période des
1109 in de Palos de Moguer, sur les petites caravelles de Colomb. La période des grandes découvertes fut une sorte d’explosion
1110 La période des grandes découvertes fut une sorte d’ explosion du composé Europe, macéré depuis près de mille ans dans les
1111 i pour trouver l’Inde fabuleuse, aux cités pavées d’ or, disait-on, et pour en ramener les trésors avec lesquels son roi co
1112 et délivrer Jérusalem. C’est tout un arrière-plan de foi religieuse, de chances et de malchances géographiques, d’ambition
1113 em. C’est tout un arrière-plan de foi religieuse, de chances et de malchances géographiques, d’ambitions impériales, de sc
1114 un arrière-plan de foi religieuse, de chances et de malchances géographiques, d’ambitions impériales, de science mythique
1115 ieuse, de chances et de malchances géographiques, d’ ambitions impériales, de science mythique et de nostalgie de la quête
1116 malchances géographiques, d’ambitions impériales, de science mythique et de nostalgie de la quête que résume d’un seul cou
1117 s, d’ambitions impériales, de science mythique et de nostalgie de la quête que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire
1118 s impériales, de science mythique et de nostalgie de la quête que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire de cet Ulyss
1119 e que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire de cet Ulysse au cœur chrétien, probablement juif d’origine, et fondateu
1120 de cet Ulysse au cœur chrétien, probablement juif d’ origine, et fondateur d’empire — mais pour d’autres… Tout en lui, et d
1121 rétien, probablement juif d’origine, et fondateur d’ empire — mais pour d’autres… Tout en lui, et d’abord son vrai nom qui
1122 hristophe, porteur du Christ — en vérité, porteur de l’histoire du monde ! — tout en lui me semble illustrer les traits fo
1123 n lui me semble illustrer les traits fondamentaux de notre Europe, légendaire, historique, physique, païenne et chrétienne
1124 a fois : l’homme du mythe, le marin, le chercheur de trésors, le missionnaire et le croisé. Pour qu’apparût l’aventurier f
1125 iévreux qui allait revêtir les titres prestigieux de « vice-roi des Îles qui ont été découvertes dans les Indes » et de « 
1126 Îles qui ont été découvertes dans les Indes » et de « Grand amiral de la mer Océane », il fallait que Jason eût été en Co
1127 découvertes dans les Indes » et de « Grand amiral de la mer Océane », il fallait que Jason eût été en Colchide à la poursu
1128 lait que Jason eût été en Colchide à la poursuite d’ une chimère dorée, que le continent de l’Ouest fût lié plus qu’un autr
1129 a poursuite d’une chimère dorée, que le continent de l’Ouest fût lié plus qu’un autre aux mers, que son sol fût pauvre en
1130 occupât Byzance après Jérusalem, barrant la route de l’Asie, que les rois catholiques eussent besoin d’or non pour eux-mêm
1131 e l’Asie, que les rois catholiques eussent besoin d’ or non pour eux-mêmes mais pour payer une dernière croisade utopique.
1132 nière croisade utopique. Derrière l’audace inouïe de Colomb, nous retrouvons ainsi le jeu complexe, le conflit perpétuel,
1133 u complexe, le conflit perpétuel, souvent fécond, de toutes les forces créatrices de l’Occident : la Grèce, Rome et Jérusa
1134 , souvent fécond, de toutes les forces créatrices de l’Occident : la Grèce, Rome et Jérusalem, la magie celte, l’inquiétud
1135 erte par erreur des Amériques, et ce fut le début de l’expansion séculaire, économique, politique et religieuse, d’un peti
1136 n séculaire, économique, politique et religieuse, d’ un petit cap de l’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de
1137 que et religieuse, d’un petit cap de l’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui
1138 gieuse, d’un petit cap de l’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui allait conq
1139 ’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui allait conquérir, tour à tour, toutes
1140 ur à tour, toutes les autres. L’aventure mondiale de l’Europe se déroule, à partir de Colomb, sur un rythme assez comparab
1141 de Colomb, sur un rythme assez comparable à celui d’ une fusée porteuse de satellite : départ très lent, accélération crois
1142 hme assez comparable à celui d’une fusée porteuse de satellite : départ très lent, accélération croissante, mise à feu d’é
1143 rt très lent, accélération croissante, mise à feu d’ étages successifs, mise en orbite, et après quelques tours de la Terre
1144 ccessifs, mise en orbite, et après quelques tours de la Terre, retombée rapide vers le sol. Mais ce retour du satellite n’
1145 Mais ce retour du satellite n’est pas un échec ! D’ innombrables connaissances ont été récoltées en route, elles font déso
1146 route, elles font désormais partie non seulement de la science, mais de la conscience du genre humain, agrandies et modif
1147 ésormais partie non seulement de la science, mais de la conscience du genre humain, agrandies et modifiées à jamais. Ces é
1148 . Ces étages mis à feu successivement, ces étapes de la conquête de l’espace terrestre par les Européens, c’est d’abord le
1149 s à feu successivement, ces étapes de la conquête de l’espace terrestre par les Européens, c’est d’abord le premier tour d
1150 , accompli par Magellan, puis ce sont la conquête de l’Amérique du Sud, le peuplement de l’Amérique du Nord, la découverte
1151 t la conquête de l’Amérique du Sud, le peuplement de l’Amérique du Nord, la découverte des côtes africaines, la soumission
1152 roche-Orient puis des Indes au xviiie siècle, et de l’Indonésie, la colonisation de l’immense Sibérie par les Russes, l’o
1153 viiie siècle, et de l’Indonésie, la colonisation de l’immense Sibérie par les Russes, l’ouverture de l’Extrême-Orient à l
1154 de l’immense Sibérie par les Russes, l’ouverture de l’Extrême-Orient à la civilisation européenne au milieu du xixe sièc
1155 au milieu du xixe siècle, enfin la colonisation de l’Afrique noire à partir des années 1880 à 1900. Au début de notre xx
1156 e noire à partir des années 1880 à 1900. Au début de notre xxe siècle, on peut dire que l’Europe a placé sur orbite sa ci
1157 placé sur orbite sa civilisation. Mais les étages de la fusée porteuse sont retombés l’un après l’autre : c’était la conqu
1158 r économique ou politique, enfin la colonisation. De siècle en siècle, les continents découverts et régis par l’Europe se
1159 découverts et régis par l’Europe se sont libérés de sa tutelle. L’Amérique du Nord la première, dès la fin du xviiie siè
1160 ud-Est asiatique et le Proche-Orient au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, puis presque toute l’Afrique vers 1960.
1161 ommencé par mettre en relation toutes les parties de la terre qui, avant elle, vivaient dans l’ignorance la plus complète
1162 s unes des autres. Elle avait permis à l’humanité de prendre conscience de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même d
1163 e avait permis à l’humanité de prendre conscience de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même de genre humain — genus
1164 manité de prendre conscience de son unité. L’idée d’ universalité, l’idée même de genre humain — genus humanum — sont des c
1165 de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même de genre humain — genus humanum — sont des créations de l’Europe gréco-r
1166 genre humain — genus humanum — sont des créations de l’Europe gréco-romaine, puis de l’Europe chrétienne, puis de l’Europe
1167 ont des créations de l’Europe gréco-romaine, puis de l’Europe chrétienne, puis de l’Europe technicienne. Dans ce sens, on
1168 gréco-romaine, puis de l’Europe chrétienne, puis de l’Europe technicienne. Dans ce sens, on peut dire que l’Europe « a fa
1169 s’est révolté contre elle au nom même des valeurs de liberté, de justice et d’égalité pour tous les peuples, et de respect
1170 é contre elle au nom même des valeurs de liberté, de justice et d’égalité pour tous les peuples, et de respect pour toutes
1171 au nom même des valeurs de liberté, de justice et d’ égalité pour tous les peuples, et de respect pour toutes les personnes
1172 de justice et d’égalité pour tous les peuples, et de respect pour toutes les personnes, qu’elle avait elle-même formulées
1173 ici réduite à elle-même, ramenée dans les limites de son cap asiatique, et pas plus grande, notons-le bien, qu’elle ne le
1174 u’elle ne le fut au Moyen Âge. Elle reste le cœur d’ un Occident né de ses œuvres, mais où deux grands empires lui disputen
1175 au Moyen Âge. Elle reste le cœur d’un Occident né de ses œuvres, mais où deux grands empires lui disputent la primauté — l
1176 s que l’Afrique, l’Asie et le monde arabe tentent de grouper leurs forces renaissantes contre l’Occident divisé. Serait-ce
1177 santes contre l’Occident divisé. Serait-ce la fin de l’aventure occidentale, qui aurait donc consisté, dans l’ensemble et
1178 ire contre l’Occident ? Il semble qu’un des héros de la plus ancienne poésie grecque symbolise au mieux la passion qui ani
1179 édent : l’Ulysse homérique, le personnage central de l’Odyssée. Son départ pour une sorte de croisade contre Troie, ville
1180 e central de l’Odyssée. Son départ pour une sorte de croisade contre Troie, ville du Proche-Orient, afin de sauver l’honne
1181 he-Orient, afin de sauver l’honneur occidental et de reconquérir Hélène, symbole de la vertu et de la beauté, préfigure l’
1182 neur occidental et de reconquérir Hélène, symbole de la vertu et de la beauté, préfigure l’idéal missionnaire qui sera, qu
1183 et de reconquérir Hélène, symbole de la vertu et de la beauté, préfigure l’idéal missionnaire qui sera, quinze à vingt si
1184 qui sera, quinze à vingt siècles plus tard, celui de l’Église primitive, envoyant ses évangélistes jusqu’en Chine, vers l’
1185 ’ouest, jusqu’en Islande et aux côtes atlantiques de l’Amérique. La victoire militaire des Grecs sur les Troyens préfigure
1186 autres continents. Cela, c’est l’Iliade, « poème de la force » comme l’a bien nommé Simone Weil. Mais ce qu’il y a de plu
1187 ues, c’est la suite, c’est l’aventure personnelle d’ Ulysse : l’Odyssée, cet interminable voyage vers la sagesse originelle
1188 elon le sens latin du mot. Tout se passe, au long de l’épopée, comme si Ulysse, le courageux et le rusé, préférait secrète
1189 ait secrètement le voyage à son but, les épreuves de la route à l’arrivée heureuse, et les risques sans cesse renouvelés a
1190 a, identiquement, la passion des grands créateurs de la culture occidentale. L’Occidental est l’homme qui va toujours plus
1191 à des traditions fixées par les ancêtres, au-delà de lui-même enfin, — à l’aventure ! Transcendant son destin, et même ses
1192 ue son Dieu, sa vérité la plus intime, lui disait de marcher vers l’inconnu. Il trouva le pays que Dieu lui réservait, et
1193 ays que Dieu lui réservait, et ce fut là le terme de son aventure, mais le début d’une autre histoire, dont nous sommes bi
1194 ce fut là le terme de son aventure, mais le début d’ une autre histoire, dont nous sommes bien loin d’être quittes. Christo
1195 d’une autre histoire, dont nous sommes bien loin d’ être quittes. Christophe Colomb, le père des Découvreurs, croyait savo
1196 tint, car les deux grands problèmes qu’il tentait de résoudre : atteindre l’Inde en contournant l’islam et financer la der
1197 r mesuré les conséquences lointaines, indéfinies, de découvertes matérielles qui changeraient la conscience de l’homme, — 
1198 vertes matérielles qui changeraient la conscience de l’homme, — sans que nul pût prévoir comment… Dans cette imprévision,
1199 risque assumé, je vois la parabole la plus exacte de l’aventure occidentale, sur tous les plans. Les savants de l’Occident
1200 ture occidentale, sur tous les plans. Les savants de l’Occident, de Kepler à Einstein, de Léonard — avec son homme volant 
1201 e, sur tous les plans. Les savants de l’Occident, de Kepler à Einstein, de Léonard — avec son homme volant — aux biologist
1202 Les savants de l’Occident, de Kepler à Einstein, de Léonard — avec son homme volant — aux biologistes contemporains — ave
1203 ient avec précision, ils se trompent sur les buts de leurs voyages, ou sur le nom et la nature de leur objet. Et ce qu’ils
1204 buts de leurs voyages, ou sur le nom et la nature de leur objet. Et ce qu’ils trouvent pose de nouveaux problèmes, tous im
1205 nature de leur objet. Et ce qu’ils trouvent pose de nouveaux problèmes, tous imprévus, compromet les anciens équilibres,
1206 ques toujours plus grands. Chercher plus loin, et de la sorte créer autant de risques qu’on résout de problèmes, telle est
1207 . Chercher plus loin, et de la sorte créer autant de risques qu’on résout de problèmes, telle est, je crois, la vraie form
1208 de la sorte créer autant de risques qu’on résout de problèmes, telle est, je crois, la vraie formule du Progrès, dans sa
1209 Et l’on voit qu’elle est ambiguë : qu’il suffise de citer, pour l’illustrer, l’ambiguïté de notre essor technique : nous
1210 l suffise de citer, pour l’illustrer, l’ambiguïté de notre essor technique : nous allons toujours plus vite, mais vers quo
1211 ous augmentons notre puissance, mais qu’en est-il de nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à la jus
1212 notre puissance, mais qu’en est-il de nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à la justice, à la sag
1213 ais qu’en est-il de nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à la justice, à la sagesse ? Préférer la
1214 , à la sagesse ? Préférer la poursuite passionnée de vérités partielles, advienne que pourra, préférer le risque créateur
1215 férer le risque créateur à la méditation prudente d’ une sagesse immuable, c’est tout le génie de l’Occident, et c’est par
1216 dente d’une sagesse immuable, c’est tout le génie de l’Occident, et c’est par là que l’Occident, aventureuse moitié du mon
1217 du monde, s’oppose le plus radicalement au génie de l’Orient métaphysique. k. Rougemont Denis de, « L’aventure de l’Eu
1218 e de l’Orient métaphysique. k. Rougemont Denis de , « L’aventure de l’Europe commence : le miracle européen a créé le mo
1219 aphysique. k. Rougemont Denis de, « L’aventure de l’Europe commence : le miracle européen a créé le monde civilisé », A
8 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe détient les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? (13 juin 1962)
1220 L’Europe détient les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? (13 juin 1962)l Tout
1221 les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? (13 juin 1962)l Tout pronostic relatif à l’Europe7 doit se
1222 ic relatif à l’Europe7 doit se baser sur l’examen de trois facteurs déterminants pour ses chances d’avenir : sa vitalité i
1223 n de trois facteurs déterminants pour ses chances d’ avenir : sa vitalité intrinsèque, sa volonté de vivre, enfin sa foncti
1224 es d’avenir : sa vitalité intrinsèque, sa volonté de vivre, enfin sa fonction dans le monde ou vocation. La situation géo
1225 le monde ou vocation. La situation géoéconomique de notre petit continent, au point présent de l’évolution du monde est p
1226 omique de notre petit continent, au point présent de l’évolution du monde est plus centrale que jamais, si bizarre que pui
1227 seul ! — qui se trouve contenir à la fois le 94 % de l’humanité actuelle et le 98 % de la production totale du monde. De l
1228 la fois le 94 % de l’humanité actuelle et le 98 % de la production totale du monde. De là le nom d’hémisphère privilégié q
1229 elle et le 98 % de la production totale du monde. De là le nom d’hémisphère privilégié que lui ont donné les géographes. L
1230  % de la production totale du monde. De là le nom d’ hémisphère privilégié que lui ont donné les géographes. L’autre moitié
1231 ée, ne contient donc que 6 % des habitants et 2 % de la production du monde, n’étant guère occupée que par les océans, le
1232 r voici le fait qui me frappe : c’est que le pôle de cet hémisphère tombe en Europe, exactement au sud de Nantes. Ainsi, d
1233 cet hémisphère tombe en Europe, exactement au sud de Nantes. Ainsi, d’un point choisi au zénith de Nantes, assez loin de l
1234 be en Europe, exactement au sud de Nantes. Ainsi, d’ un point choisi au zénith de Nantes, assez loin de la Terre pour qu’av
1235 sud de Nantes. Ainsi, d’un point choisi au zénith de Nantes, assez loin de la Terre pour qu’avec l’aide d’un télescope le
1236 antes, assez loin de la Terre pour qu’avec l’aide d’ un télescope le regard embrasse tout l’hémisphère privilégié, on pourr
1237 gié, on pourrait observer pratiquement les 19/20e de l’humanité, tandis que du point de vue correspondant aux antipodes, o
1238 ue correspondant aux antipodes, on ne verrait que de l’eau et des déserts, et seulement sur les bords, des traces de l’œuv
1239 s déserts, et seulement sur les bords, des traces de l’œuvre humaine. Voici donc un fait mesurable qui ne dépend ni de not
1240 ne. Voici donc un fait mesurable qui ne dépend ni de notre orgueil ni de notre humilité d’Européens, un fait aisément véri
1241 it mesurable qui ne dépend ni de notre orgueil ni de notre humilité d’Européens, un fait aisément vérifiable et dont les d
1242 e dépend ni de notre orgueil ni de notre humilité d’ Européens, un fait aisément vérifiable et dont les données objectives
1243 s mappemondes et cartes économiques, en attendant d’ être photographiées par quelque satellite artificiel : L’Europe est b
1244 ométrique, le carrefour naturel des grandes voies de communication maritimes et surtout aériennes qui ont permis au genre
1245 surtout aériennes qui ont permis au genre humain de vérifier son unité concrète, et d’en prendre une conscience utile, op
1246 u genre humain de vérifier son unité concrète, et d’ en prendre une conscience utile, opérative. Au cœur de l’hémisphère pr
1247 prendre une conscience utile, opérative. Au cœur de l’hémisphère privilégié apparaît donc clairement, comme en graphique,
1248 irement, comme en graphique, la fonction mondiale de l’Europe. Et voilà qui est déterminant, pour qui suppute les chances
1249 déterminant, pour qui suppute les chances futures de l’Occident et de l’esprit européen, constater que l’Europe actuelle,
1250 qui suppute les chances futures de l’Occident et de l’esprit européen, constater que l’Europe actuelle, amputée des plain
1251 che, ce plus petit continent est le plus complexe de tous : le plus profondément découpé par les mers et le plus richement
1252 plus richement cloisonné par des plis montagneux de moyenne altitude et des fleuves aisément traversables. En proportion
1253 des fleuves aisément traversables. En proportion de sa surface, n’oublions pas que l’Europe a les plus longues côtes (7 0
1254 les ports les plus nombreux, le plus riche réseau de voies d’eau (fleuves et canaux), la plus grande densité de villes et
1255 les plus nombreux, le plus riche réseau de voies d’ eau (fleuves et canaux), la plus grande densité de villes et de villag
1256 d’eau (fleuves et canaux), la plus grande densité de villes et de villages, et le peuplement le plus égal : c’est le seul
1257 s et canaux), la plus grande densité de villes et de villages, et le peuplement le plus égal : c’est le seul continent qui
1258 us égal : c’est le seul continent qui n’ait point de déserts. Plaines conquises sur la mer, fleuves aux méandres simplifié
1259 ni des campagnes. Regardez à la loupe cette photo d’ une région qui peut être allemande, française, luxembourgeoise, belge
1260 êts et des champs quadrillés — partout les traces de l’homme et du travail humain, et nulle part aussi concentrées. Ancien
1261 art aussi concentrées. Anciens villages et villes d’ Europe, vous n’en trouverez pas deux dont les plans soient superposabl
1262 , c’est par leur complication ou par leur manière d’ être différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra
1263 leur manière d’être différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra de définir l’Europe. Une unité non p
1264 mière formule de l’unité paradoxale qui permettra de définir l’Europe. Une unité non point faite d’uniformité, mais au con
1265 ra de définir l’Europe. Une unité non point faite d’ uniformité, mais au contraire de variété des formes, de complexité des
1266 formité, mais au contraire de variété des formes, de complexité des structures. En Amérique, les villages naissent comme a
1267 rrêtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé d’ en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique
1268 les clairières ou s’égrènent le long de la berge d’ un fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancré
1269 ge d’un fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancrées, bien nettement individuelles et pourtant ri
1270 e résume en un coup d’œil. Car autour de la place d’ un simple village d’Europe vous trouvez l’église et la mairie, souvent
1271 d’œil. Car autour de la place d’un simple village d’ Europe vous trouvez l’église et la mairie, souvent l’école et les café
1272 place, banale et donc typique, un savant débarqué de Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les struct
1273 le et donc typique, un savant débarqué de Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les structures essent
1274 Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’ erreurs les structures essentielles de notre civilisation. Un service
1275 r sans trop d’erreurs les structures essentielles de notre civilisation. Un service religieux, une séance du conseil munic
1276 gieux, une séance du conseil municipal, une heure de classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’un étalage
1277 ipal, une heure de classe, les discussions autour d’ une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de tr
1278 ure de classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelqu
1279 les discussions autour d’une table de bistrot ou d’ un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des sec
1280 ons autour d’une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secrets (pour no
1281 strot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secrets (pour nous trop évidents) du dynamis
1282 ’est-à-dire : la communauté spirituelle, le règne de la loi, le respect général et tacite des institutions, l’éducation pu
1283 n publique, l’échange des opinions individuelles ( de préférence contradictoires et subversives) et l’échange des produits
1284 il — toute une vitalité librement ordonnée, faite de tensions multiples, entrecroisées. Esquissons ce portrait de l’Europe
1285 multiples, entrecroisées. Esquissons ce portrait de l’Europe telle que chacun de nous peut la voir, ce portrait composé n
1286 quissons ce portrait de l’Europe telle que chacun de nous peut la voir, ce portrait composé non point à partir de définiti
1287 rait composé non point à partir de définitions et d’ analyses intellectuelles de principes et de doctrines — dont il serait
1288 rtir de définitions et d’analyses intellectuelles de principes et de doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu
1289 ons et d’analyses intellectuelles de principes et de doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu’elles n’ont guè
1290 et de doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu’elles n’ont guère été mises en pratique et qu’il s’agit d’une
1291 n’ont guère été mises en pratique et qu’il s’agit d’ une Europe idéale, qu’on refuse de reconnaître, qui est celle des autr
1292 et qu’il s’agit d’une Europe idéale, qu’on refuse de reconnaître, qui est celle des autres, de l’autre école ou de l’autre
1293 refuse de reconnaître, qui est celle des autres, de l’autre école ou de l’autre parti — mais à partir des réalités visibl
1294 re, qui est celle des autres, de l’autre école ou de l’autre parti — mais à partir des réalités visibles et tangibles, qui
1295 réalités visibles et tangibles, qui sont le cadre de nos vies. Europe présentée non point par sa philosophie mais bien par
1296 l se peut qu’elle donne quelques idées fécondes à de jeunes sociologues qui la pousseraient plus loin, et qu’elle suggère
1297 plus loin, et qu’elle suggère une méthode inédite d’ un enseignement de notre vie civique, basée sur la photo et sur le fil
1298 lle suggère une méthode inédite d’un enseignement de notre vie civique, basée sur la photo et sur le film, et permettant b
1299 c la réalité des autres continents. Essayons donc de reconstruire l’Europe en partant de la place communale. Nos villes et
1300 Essayons donc de reconstruire l’Europe en partant de la place communale. Nos villes et nos villages ne sont pas nés autour
1301 préalablement dessinées, mais bien plutôt autour d’ une citadelle, d’un Burg, défendant un lieu stratégique ; toutefois, c
1302 ssinées, mais bien plutôt autour d’une citadelle, d’ un Burg, défendant un lieu stratégique ; toutefois, c’est bien la créa
1303 que ; toutefois, c’est bien la création organique de la Place dans les faubourgs — fori burgus, lieux hors du bourg origin
1304 s Européens à la réalité communautaire, fondement de notre civilisation. On sent bien que ce ne sont pas des masses inform
1305 s mesurés par l’usage. Les dictatures ne font que de la géométrie, alignent des façades bureaucratiques autour d’un cercle
1306 trie, alignent des façades bureaucratiques autour d’ un cercle vide ou d’un quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout
1307 açades bureaucratiques autour d’un cercle vide ou d’ un quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout au contraire : la Pl
1308 ur d’un cercle vide ou d’un quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout au contraire : la Place centrale de nos villes
1309 es parades. Tout au contraire : la Place centrale de nos villes et villages est rarement régulière, hors des périodes de r
1310 illages est rarement régulière, hors des périodes de relâchement civique, précisément, c’est-à-dire d’étatisme au cordeau,
1311 de relâchement civique, précisément, c’est-à-dire d’ étatisme au cordeau, de tyrannie. Le square anglais, malgré son nom, r
1312 précisément, c’est-à-dire d’étatisme au cordeau, de tyrannie. Le square anglais, malgré son nom, répugne autant à l’angle
1313 ioria ou le forum romain lui-même, ancêtre commun de nos places, Platze, plazas, praças, piazze, ou Pleins selon le pays.
1314 l se trouve qu’elle l’est en général — c’est bien de là qu’elle tire son sens originel. Les partis qui décident de la comp
1315 e tire son sens originel. Les partis qui décident de la composition des conseils de la cité, se forment tout d’abord sur l
1316 artis qui décident de la composition des conseils de la cité, se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum de la Rome
1317 se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum de la Rome républicaine, puis sur la place des communes médiévales. Il n
1318 ur la place des communes médiévales. Il n’est pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la libre dis
1319 n, sur le libre jeu des partis, et sur la liberté de l’opposition, majorité possible de demain… Or les partis et l’opinion
1320 sur la liberté de l’opposition, majorité possible de demain… Or les partis et l’opinion, et l’opposition notamment, se man
1321 se manifestent par la Presse, dans l’ère moderne de l’Europe ; et la presse, dès le début, fut étroitement liée à cet aut
1322 t étroitement liée à cet autre élément nécessaire de toute place digne du nom : le café. C’est là qu’elle se parle d’abord
1323 rit bien souvent, et se lit. C’est dans les cafés de Hollande que se réunissent les réfugiés qui créeront les fameuses gaz
1324 sées dans l’Europe entière, en dépit des censures de l’absolutisme, et qui préparent le siècle des Lumières et la Révoluti
1325 itoriaux du journal que Daniel Defoe rédige seul, de 1704 à 1713. Et c’est encore dans les cafés que le Spectator d’Addiso
1326 ectator d’Addison, un peu plus tard, a l’ambition de faire pénétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets d’études et
1327 énétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets d’ études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence d
1328 hilosophie, enfin sortie des cabinets d’études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence du kiosque à
1329 a place, la présence du kiosque à journaux, point d’ insertion de la rumeur du monde, entre le café et le marché. Face à l’
1330 présence du kiosque à journaux, point d’insertion de la rumeur du monde, entre le café et le marché. Face à l’hôtel de vil
1331 ée et non plus temple), représentent l’autre pôle de la cité : celui de l’unanimité fondamentale, qui doit transcender les
1332 le), représentent l’autre pôle de la cité : celui de l’unanimité fondamentale, qui doit transcender les partis, les ambiti
1333 grandeur et son drame. Il serait tentant, partant de là, de reconstituer toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire
1334 r et son drame. Il serait tentant, partant de là, de reconstituer toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire de l’i
1335 rtant de là, de reconstituer toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois autonome et engagé
1336 toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois autonome et engagé — engagé, dans la communauté…
1337 la communauté… Mais cette démonstration sortirait de mon sujet. Je signale simplement qu’elle pourrait être faite presque
1338 pourrait être faite presque aussi bien en partant de l’école, autre bâtiment de la place. L’école est issue de l’Église,
1339 aussi bien en partant de l’école, autre bâtiment de la place. L’école est issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la R
1340 e, autre bâtiment de la place. L’école est issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Réforme et des Ordres, à la Renai
1341 ’école est issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Réforme et des Ordres, à la Renaissance. Aujourd’hui, ses institut
1342 nce. Aujourd’hui, ses instituteurs, qui dépendent de la mairie, sont souvent plus sensibles aux débats du café qu’aux obju
1343 sensibles aux débats du café qu’aux objurgations de la chaire. Voici donc une nouvelle tension qui s’institue. Mais la fo
1344 nouvelle tension qui s’institue. Mais la fonction de l’école est demeurée la même : elle doit d’une part communiquer les c
1345 u nom des principes qu’elle enseigne. La fonction de l’école dans la cité se résume donc par les deux termes l’initiation
1346 tion et l’initiative, qui marquent les deux pôles de notre éducation. (L’Orient et les cultures traditionnelles n’ont guèr
1347 aditionnelles n’ont guère connu jusqu’à nos jours d’ autre forme d’éducation qu’initiatique.) Quant au marché, qui occupe l
1348 n’ont guère connu jusqu’à nos jours d’autre forme d’ éducation qu’initiatique.) Quant au marché, qui occupe le centre de la
1349 itiatique.) Quant au marché, qui occupe le centre de la place, lieu de rencontre des produits de la campagne et des besoin
1350 au marché, qui occupe le centre de la place, lieu de rencontre des produits de la campagne et des besoins de la ville, et
1351 entre de la place, lieu de rencontre des produits de la campagne et des besoins de la ville, et en même temps figuration v
1352 contre des produits de la campagne et des besoins de la ville, et en même temps figuration vivante de la loi de l’offre et
1353 de la ville, et en même temps figuration vivante de la loi de l’offre et de la demande, il a fourni la désinence symboliq
1354 le, et en même temps figuration vivante de la loi de l’offre et de la demande, il a fourni la désinence symbolique de tout
1355 temps figuration vivante de la loi de l’offre et de la demande, il a fourni la désinence symbolique de toute l’économie e
1356 e la demande, il a fourni la désinence symbolique de toute l’économie européenne jusqu’à nos jours. (Même après que le por
1357 nos jours. (Même après que le port eut pris plus d’ importance pour le commerce que le marché citadin-rural.) Ici se noue
1358 du consom­mateur, des droits acquis et des règles d’ arbitrage, des initiatives et des coutumes, des conditions locales et
1359 ons elles-mêmes, mais aussi entre la commune (née de leur composition locale) et la région, puis entre la région et la nat
1360 ences — fussent-elles représentées par la révolte d’ un seul, d’un génie ou d’un saint contre toute une cité, au nom de ses
1361 sent-elles représentées par la révolte d’un seul, d’ un génie ou d’un saint contre toute une cité, au nom de ses principes
1362 résentées par la révolte d’un seul, d’un génie ou d’ un saint contre toute une cité, au nom de ses principes indiscutés. Vo
1363 randes civilisations traditionnelles et statiques de l’Asie, et aussi de l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’êtr
1364 traditionnelles et statiques de l’Asie, et aussi de l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’être les régimes totali
1365 et comme veulent l’être les régimes totalitaires de notre temps. Civilisation à base d’antagonismes, de conflits toujours
1366 totalitaires de notre temps. Civilisation à base d’ antagonismes, de conflits toujours renouvelés ; civilisation de discus
1367 notre temps. Civilisation à base d’antagonismes, de conflits toujours renouvelés ; civilisation de discussion et de conte
1368 s, de conflits toujours renouvelés ; civilisation de discussion et de contestation dont la passion maîtresse paraît bien ê
1369 ujours renouvelés ; civilisation de discussion et de contestation dont la passion maîtresse paraît bien être la remise en
1370 s et des relations humaines, du Destin et du sens de vie. Quand l’une des réalités antagonistes — la liberté ou l’autorité
1371 ruire l’autre au nom d’un ordre simplificateur ou d’ une doctrine prétendument totale et unitaire, il en résulte guerres, r
1372 sulte guerres, révolutions, massacres, explosions d’ anarchie suivies de dictatures — une histoire plus intense, violente e
1373 lutions, massacres, explosions d’anarchie suivies de dictatures — une histoire plus intense, violente et polémique que n’e
1374 nte et polémique que n’en relatent les chroniques d’ aucune autre région du monde. Quand les antagonismes se composent en u
1375 alors paraissent les créations les plus typiques de la culture européenne, non seulement dans les arts, mais dans la soci
1376 té. On les dirait formées sur le modèle du chœur, de l’harmonie des sons complémentaires, voire de la dissonance calculée
1377 ur, de l’harmonie des sons complémentaires, voire de la dissonance calculée et dirigée vers une « résolution » future. Ain
1378 et dirigée vers une « résolution » future. Ainsi de la commune, de la fédération, du parlement et du régime bicaméral, de
1379 s une « résolution » future. Ainsi de la commune, de la fédération, du parlement et du régime bicaméral, des syndicats et
1380 améral, des syndicats et des coopératives ; ainsi de l’éducation elle-même et, finalement, de l’idée du progrès. Dans la m
1381  ; ainsi de l’éducation elle-même et, finalement, de l’idée du progrès. Dans la mesure où cet immense complexe de tension
1382 u progrès. Dans la mesure où cet immense complexe de tension n’est pas trop déprimé ou dévasté par les guerres, les dictat
1383 on conçoit qu’il fonctionne alors comme le foyer d’ une expansion énergétique irrésistible. Tel est le secret du dynamisme
1384 t le secret du dynamisme européen et des périodes de diastole planétaire de notre civilisation. Sommes-nous au seuil d’une
1385 e européen et des périodes de diastole planétaire de notre civilisation. Sommes-nous au seuil d’une telle période ? Ou au
1386 taire de notre civilisation. Sommes-nous au seuil d’ une telle période ? Ou au contraire, l’état de santé de l’Europe est-i
1387 uil d’une telle période ? Ou au contraire, l’état de santé de l’Europe est-il aussi mauvais que le proclament une bonne pa
1388 telle période ? Ou au contraire, l’état de santé de l’Europe est-il aussi mauvais que le proclament une bonne partie de n
1389 aussi mauvais que le proclament une bonne partie de nos intellectuels ? Plus sérieusement : la technique triomphante ne v
1390 roducteur moyen russe ou américain ? Les éléments d’ une réponse motivée à cette question — trop souvent et trop facilement
1391 urnis par une auscultation des organes principaux de la cité, c’est-à-dire des institutions traditionnelles que concrétise
1392 l’ère technique ? Les églises d’abord, par ordre d’ ancienneté. La plupart sont aux trois quarts vides dans nos villages,
1393 al quatre ou cinq pour une commune rurale moyenne de 2000 à 3000 habitants. L’église, en Amérique, est restée mieux que ch
1394 mérique, est restée mieux que chez nous le centre de la vie sociale d’un village. Elle y joue un grand rôle politique et c
1395 e mieux que chez nous le centre de la vie sociale d’ un village. Elle y joue un grand rôle politique et civique. Mais c’est
1396 ue. Mais c’est peut-être aux dépens de la rigueur d’ une doctrine et d’une vie spirituelle que l’Europe a mieux su mainteni
1397 t-être aux dépens de la rigueur d’une doctrine et d’ une vie spirituelle que l’Europe a mieux su maintenir face à l’État et
1398 eurs et leurs prêtres s’inspirent de plus en plus de nos théologiens. Prenons ensuite l’école, l’enseignement. On les disa
1399 fiée. Mais, en Amérique, on redécouvre les vertus de la culture générale et des humanités, et d’une pédagogie plus ferme,
1400 ertus de la culture générale et des humanités, et d’ une pédagogie plus ferme, pour ne pas dire autoritaire, si bien que l’
1401 ritaire, si bien que l’Europe redevient le modèle d’ un meilleur équilibre, si relatif soit-il, entre les exigences immédia
1402 i relatif soit-il, entre les exigences immédiates de l’instruction de techniciens et la stratégie à long terme de la forma
1403 , entre les exigences immédiates de l’instruction de techniciens et la stratégie à long terme de la formation des esprits.
1404 ction de techniciens et la stratégie à long terme de la formation des esprits. L’URSS elle-même, qui avait tout sacrifié p
1405 ales et se rapproche, dans cette mesure du moins, de nos formules européennes. Passons à la mairie, symbole de la commune,
1406 ormules européennes. Passons à la mairie, symbole de la commune, qui est le cadre concret du civisme. Elle a survécu, tant
1407 ivisme. Elle a survécu, tant bien que mal, à plus d’ un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique d
1408 a survécu, tant bien que mal, à plus d’un siècle d’ empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemb
1409 t bien que mal, à plus d’un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays.
1410 l, à plus d’un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvait c
1411 et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui est celle des pl
1412 plans à grande échelle, allait lui porter le coup de grâce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé de l’économie tech
1413 râce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé de l’économie technicienne, selon ses meilleurs spécialistes, veulent à
1414 industriels et une répartition plus décentralisée de la production, poussant à la mise en valeur, par l’intermédiaire des
1415 plus centralisées, comme la France, le mouvement de restauration des compétences communales se prononce chaque année plus
1416 tement. Au plan européen, le Conseil des communes d’ Europe, l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus depuis la d
1417 puis la dernière guerre, ne livrent pas un combat d’ arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les pionniers d’un
1418 ntre l’État, mais au contraire sont les pionniers d’ un renouveau de l’autonomie municipale. Quant au marché, qui occupe le
1419 is au contraire sont les pionniers d’un renouveau de l’autonomie municipale. Quant au marché, qui occupe le centre de la p
1420 municipale. Quant au marché, qui occupe le centre de la place, on sait qu’il n’a jamais été plus prospère qu’aujourd’hui,
1421 pays, qu’il s’agisse du Marché commun des Six, ou de l’économie des pays neutres. Quant à la presse, enfin, et au café don
1422 afé dont elle est née, je dirai que la prospérité d’ une presse libre et le prestige des cafés littéraires dans nos grandes
1423 dans nos grandes villes, ces deux faits, inégaux d’ importance mais très typiques de notre Europe, restent des signes peu
1424 ux faits, inégaux d’importance mais très typiques de notre Europe, restent des signes peu trompeurs de la vitalité d’une c
1425 de notre Europe, restent des signes peu trompeurs de la vitalité d’une culture moderne, mêlée à l’existence sociale, capab
1426 , restent des signes peu trompeurs de la vitalité d’ une culture moderne, mêlée à l’existence sociale, capable de critique,
1427 ure moderne, mêlée à l’existence sociale, capable de critique, donc de renouvellement. Or la culture, au sens large du ter
1428 à l’existence sociale, capable de critique, donc de renouvellement. Or la culture, au sens large du terme : l’apport de l
1429 Or la culture, au sens large du terme : l’apport de l’homme à la nature, résume les secrets de l’Europe. L’Europe sans sa
1430 apport de l’homme à la nature, résume les secrets de l’Europe. L’Europe sans sa culture n’est qu’un cap de l’Asie, assez p
1431 ine et une inquiétude religieuses, par des formes de pensée philosophique, et par une vo­lonté d’aventure rationnelle d’où
1432 rmes de pensée philosophique, et par une vo­lonté d’ aventure rationnelle d’où sont issues la science et la technique, et d
1433 hique, et par une vo­lonté d’aventure rationnelle d’ où sont issues la science et la technique, et des arts florissants, et
1434 s florissants, et des institutions, et des formes d’ existence sociale, et une puissance économique sans précédent, c’est c
1435 ’équation la plus célèbre du siècle, qu’est celle d’ Einstein : E = mc2, ou E signifie l’énergie, m la masse, c la vitesse
1436 ou E signifie l’énergie, m la masse, c la vitesse de la lumière. Je la transpose terme à terme en désignant naturellement
1437 ien — on ne sait jamais… — qu’il ne s’agit pas là d’ une démonstration faussement mathématique, mais seulement d’une illust
1438 nstration faussement mathématique, mais seulement d’ une illustration…) C’est grâce à cette densité remarquable d’instituti
1439 tration…) C’est grâce à cette densité remarquable d’ institutions pluralistes en tension, et à cette lutte toujours ouverte
1440 et innovation, que l’Europe s’est montrée capable d’ intégrer un peu mieux que d’autres la technique. Ailleurs, en Amérique
1441 e. En Europe, elle est née dans un contexte serré de principes vénérés et de droits garantis, dans un fouillis de coutumes
1442 ée dans un contexte serré de principes vénérés et de droits garantis, dans un fouillis de coutumes séculaires, artisanales
1443 s vénérés et de droits garantis, dans un fouillis de coutumes séculaires, artisanales et paysannes, de chicanes légales ou
1444 de coutumes séculaires, artisanales et paysannes, de chicanes légales ou fiscales, de fronde populaire et de revendication
1445 es et paysannes, de chicanes légales ou fiscales, de fronde populaire et de revendications, qui l’ont freinée dans son éla
1446 canes légales ou fiscales, de fronde populaire et de revendications, qui l’ont freinée dans son élan et l’ont contrainte p
1447 pas se comporter comme l’éléphant dans le magasin de porcelaine ou le bulldozer dans un verger. Certes, les freins et les
1448 ment créé le décor sale et sans âme des faubourgs de nos capitales, elle a créé le prolétariat, elle a soumis toute une cl
1449 éé le prolétariat, elle a soumis toute une classe d’ hommes à la machine encore très imparfaite, faisant de l’ouvrier, comm
1450 mmes à la machine encore très imparfaite, faisant de l’ouvrier, comme l’a dit Marx, « le complément vivant d’un mécanisme
1451 vrier, comme l’a dit Marx, « le complément vivant d’ un mécanisme mort », et l’obligeant à travailler quinze heures par jou
1452 r, dans des conditions inhumaines du point de vue de l’hygiène autant que de la morale. Cette pre­mière explosion de la te
1453 nhumaines du point de vue de l’hygiène autant que de la morale. Cette pre­mière explosion de la technique a fait beaucoup
1454 utant que de la morale. Cette pre­mière explosion de la technique a fait beaucoup plus de mal à notre espèce que les explo
1455 re explosion de la technique a fait beaucoup plus de mal à notre espèce que les explosions nucléaires qui nous épouvantent
1456 sant son emploi par les lois sociales, en passant de l’époque noire du charbon, de la mine et des fabriques enfumées, à l’
1457 ociales, en passant de l’époque noire du charbon, de la mine et des fabriques enfumées, à l’époque blanche et propre de l’
1458 fabriques enfumées, à l’époque blanche et propre de l’électricité, de l’aviation, et de l’usine transparente entourée de
1459 s, à l’époque blanche et propre de l’électricité, de l’aviation, et de l’usine transparente entourée de verdure, l’Europe
1460 che et propre de l’électricité, de l’aviation, et de l’usine transparente entourée de verdure, l’Europe n’a pas seulement
1461 e l’aviation, et de l’usine transparente entourée de verdure, l’Europe n’a pas seulement rapproché la technique de sa vrai
1462 l’Europe n’a pas seulement rapproché la technique de sa vraie fin, qui est de libérer l’homme du travail servile, elle a p
1463 t rapproché la technique de sa vraie fin, qui est de libérer l’homme du travail servile, elle a pris conscience la premièr
1464 spirituels qu’une technique et une science, nées de ses œuvres, posent désormais à tous les hommes. Elle a formulé, la pr
1465 a première par ses meilleurs esprits, le problème de l’équilibre indispensable entre la tradition et l’innovation, et c’es
1466 et l’innovation, et c’est le problème fondamental de notre temps. Or elle est seule à disposer, pour le résoudre, d’une ex
1467 . Or elle est seule à disposer, pour le résoudre, d’ une expérience séculaire. Si l’on ausculte les organes du patient nomm
1468 métabolisme, il y a toutes les raisons objectives de penser qu’il se portera beaucoup mieux qu’on ne le dit, et que souven
1469 lles tâches mondiales que lui impose la diffusion de sa propre civilisation et de ses propres idéaux ? Saura-t-il, enfin,
1470 impose la diffusion de sa propre civilisation et de ses propres idéaux ? Saura-t-il, enfin, prévenir ces affreux accident
1471 Saura-t-il, enfin, prévenir ces affreux accidents de sa santé mentale et de son existence physique que symbolise, sur la p
1472 enir ces affreux accidents de sa santé mentale et de son existence physique que symbolise, sur la place du village, un mon
1473 qui réintroduit dans le tableau toute l’absurdité de l’Histoire en même temps que la notion d’un sacré national et non chr
1474 surdité de l’Histoire en même temps que la notion d’ un sacré national et non chrétien, dans beaucoup de pays voisins du nô
1475 es ? 7. Voir Arts n° 872. l. Rougemont Denis de , « L’Europe détient les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté
1476 ougemont Denis de, « L’Europe détient les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? », Arts, Paris, 13 juin
1477 les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? », Arts, Paris, 13 juin 1962, p. 2.
9 1962, Arts, articles (1952-1965). Le monde entier irrite l’Europe et la méprise autant qu’il la jalouse ! (20 juin 1962)
1478 res, que l’Europe s’est mise à s’unir. Les dates de la décolonisation successive du Proche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est
1479 de la décolonisation successive du Proche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est asiatique, et de l’Afrique, sont les mêmes dates,
1480 roche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est asiatique, et de l’Afrique, sont les mêmes dates, exactement, que celles de nos premiè
1481 que, sont les mêmes dates, exactement, que celles de nos premières étapes vers l’union 1945 à 1962, et tout porte à prévoi
1482 nnées, l’un par l’indépendance des derniers îlots de colonies subsistants, et l’autre par la mise en place d’institutions
1483 nies subsistants, et l’autre par la mise en place d’ institutions politiques communes. Coïncidence très remarquable, et qui
1484 . Coïncidence très remarquable, et qui mériterait de susciter des études sérieuses. Il y aurait lieu de vérifier d’abord s
1485 e susciter des études sérieuses. Il y aurait lieu de vérifier d’abord s’il existe des liens latéraux de cause à effet entr
1486 e vérifier d’abord s’il existe des liens latéraux de cause à effet entre les deux phénomènes, ou si plutôt, comme je le cr
1487 e je le crois, ils ne résultent pas tous les deux d’ une seule et même évolution dialectique : celle du nationalisme. Dès l
1488 isme. Dès la fin du xviiie siècle, les disciples de Rousseau, puis Herder, Bentham et Fichte avaient dénoncé l’expansion
1489 noncé l’expansion coloniale comme un péché mortel de l’Europe, en ce sens qu’il devait aggraver la dissolution du corps eu
1490 solution du corps européen en nations rivales. Et de fait, la nécessité alléguée par les États colonialistes de s’ouvrir d
1491 la nécessité alléguée par les États colonialistes de s’ouvrir des débouchés outre-mer — un espace vital, dira Hitler — a j
1492 Mais ces mêmes guerres ont déclenché deux séries de réactions de sens contraire : d’une part, elles ont répandu aux quatr
1493 es guerres ont déclenché deux séries de réactions de sens contraire : d’une part, elles ont répandu aux quatre coins de la
1494  : d’une part, elles ont répandu aux quatre coins de la terre l’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, idée au
1495 e la terre l’idée du droit des peuples à disposer d’ eux-mêmes, idée au nom de laquelle les Alliés s’étaient battus, et ava
1496 s s’étaient battus, et avaient conclu les traités de 1919, et ceci devait amener les colonies à réclamer leur émancipation
1497 t fait comprendre aux Européens qu’il était temps de juguler leurs sanglants chauvinismes, et cela devait amener, nous l’a
1498 it amener, nous l’avons vu, le réveil des projets d’ union. Accessoirement, il ne serait pas sans intérêt de souligner que
1499 on. Accessoirement, il ne serait pas sans intérêt de souligner que les défaitistes européens, nationalistes ou marxistes,
1500 puis cinquante ans que l’Europe n’était riche que de l’exploitation des colonies, disaient les uns, de leur pillage, disai
1501 de l’exploitation des colonies, disaient les uns, de leur pillage, disaient les autres, sont en train de recevoir un démen
1502 cevoir un démenti tel que l’histoire en offre peu d’ exemples. Car en effet, s’ils avaient eu raison, le retrait colonial e
1503 raison, le retrait colonial eût signifié l’arrêt de mort de notre économie. Or ce retrait se trouve coïncider non seuleme
1504 le retrait colonial eût signifié l’arrêt de mort de notre économie. Or ce retrait se trouve coïncider non seulement avec
1505 re union, mais avec une prospérité sans précédent de l’ensemble du continent. Jamais notre cap de l’Asie n’avait connu cro
1506 il a renoncé, bon gré, mal gré, à ses possessions d’ outre-mer. Décolonisation, union, prospérité simultanées. Ce premier f
1507 tanées. Ce premier fait, définissant les rapports de l’Europe avec le monde actuel, je me l’explique, en résumé, comme sui
1508 ue, en résumé, comme suit : L’expansion coloniale d’ États rivaux, pour criminelle qu’on veuille la juger, a réveillé en fa
1509 rs régimes traditionnels. Au nom de quelques-unes de nos plus vraies valeurs — la liberté, la dignité de la personne, l’ég
1510 nos plus vraies valeurs — la liberté, la dignité de la personne, l’égalité des peuples et des races — mais aussi de quelq
1511 , l’égalité des peuples et des races — mais aussi de quelques-unes de nos folies les plus contagieuses, comme le nationali
1512 euples et des races — mais aussi de quelques-unes de nos folies les plus contagieuses, comme le nationalisme, ils se sont
1513 isme, ils se sont mis à revendiquer les avantages de notre civilisation et la souveraineté de leurs États, pour la plupart
1514 vantages de notre civilisation et la souveraineté de leurs États, pour la plupart créés par nous. Quant aux nations coloni
1515 t créés par nous. Quant aux nations colonialistes de l’Europe, presque ruinées à deux reprises par le délire nationaliste,
1516 eux reprises par le délire nationaliste, obligées de refaire leur bilan, cédant à la pression d’une opinion mondiale formé
1517 igées de refaire leur bilan, cédant à la pression d’ une opinion mondiale formée par leurs principes, d’une classe nouvelle
1518 ’une opinion mondiale formée par leurs principes, d’ une classe nouvelle éduquée par leurs soins dans les pays colonisés, e
1519 uquée par leurs soins dans les pays colonisés, et de leur intérêt mieux compris — un peu poussées aussi par les États-Unis
1520 aussi par les États-Unis, qui les sauvaient alors de la faillite —, elles ont l’une après l’autre « décroché ». Mais dans
1521 raisons, elles ont compris ce qu’elles refusaient de comprendre depuis près de six-cent-cinquante ans : la nécessité de le
1522 uis près de six-cent-cinquante ans : la nécessité de leur union. Elles ont perdu le monde et retrouvé l’Europe. Mais voici
1523 qui domine notre situation : le retrait politique de l’Europe coïncide avec l’adoption accélérée de notre civilisation par
1524 ue de l’Europe coïncide avec l’adoption accélérée de notre civilisation par le tiers-monde. L’Europe a fait le monde, et
1525 , est tenue pour responsable, à tort ou à raison, d’ autant de méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle so
1526 ue pour responsable, à tort ou à raison, d’autant de méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle soit la seu
1527 able, à tort ou à raison, d’autant de méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle soit la seule qui ait su s
1528 ndre transportable et intégrable hors du contexte de ses origines raciales, politiques et religieuses. Nous savons tous au
1529 s Européens, en désordre, et sans le moindre plan d’ ensemble, du xvie au xixe siècle fondent sur tous les continents des
1530 bitués depuis des siècles aux plus cruels régimes d’ oppression autochtone. C’est tout cela que l’on confond aujourd’hui da
1531 que l’injustice, dans l’immense processus chargé d’ humanité et de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d
1532 ce, dans l’immense processus chargé d’humanité et de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’une aventure
1533 argé d’humanité et de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’une aventure dont le bilan est encore très l
1534 té et de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’une aventure dont le bilan est encore très loin d’être fa
1535 ité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’ une aventure dont le bilan est encore très loin d’être fait. Et rien n
1536 d’une aventure dont le bilan est encore très loin d’ être fait. Et rien ne prouve que ce bilan sera finalement négatif : c’
1537 nt. Nulle autre civilisation n’avait été mondiale de cette manière. Là-dessus, l’historien Toynbee m’arrête : Alexandre le
1538 Cook suffirait aujourd’hui à les mettre à l’abri de ce genre d’illusion. La Terre est connue désormais dans toutes ses di
1539 ait aujourd’hui à les mettre à l’abri de ce genre d’ illusion. La Terre est connue désormais dans toutes ses dimensions phy
1540 dimensions physiques, nous ne pouvons plus faire d’ erreurs de cette taille ; son histoire également est explorée dans tou
1541 s physiques, nous ne pouvons plus faire d’erreurs de cette taille ; son histoire également est explorée dans toutes ses gr
1542 e occidentale ressuscite inlassablement bien plus de traditions oubliées par leurs peuples que nos armées et nos missions
1543 s détruites ou dénaturées. Mais alors, le retrait de l’Europe qu’on nomme décolonisation, ne va-t-il pas entraîner l’effac
1544 ne va-t-il pas entraîner l’effacement progressif de cette « européisation » de la planète ? Il est difficile d’en juger,
1545 ’effacement progressif de cette « européisation » de la planète ? Il est difficile d’en juger, puisque le retrait s’achève
1546  européisation » de la planète ? Il est difficile d’ en juger, puisque le retrait s’achève à peine. Mais tous les signes vé
1547 indiquent une tendance prononcée vers l’expansion de notre culture dans les colonies libérées. Le retrait des Anglais de l
1548 res culturelles françaises, qui disait en janvier de cette année : Au Cambodge, toute la jeunesse parle le français, alor
1549 français, alors que dans la génération des hommes de quarante à cinquante ans, celle de l’époque coloniale, seule l’élite
1550 ion des hommes de quarante à cinquante ans, celle de l’époque coloniale, seule l’élite sait notre langue… On n’apprend plu
1551 rce qu’on y est obligé, mais parce qu’on a besoin de cette langue, qu’elle est devenue un facteur de cohésion nationale, q
1552 n de cette langue, qu’elle est devenue un facteur de cohésion nationale, qu’elle constitue en outre un moyen d’accès aisé
1553 on nationale, qu’elle constitue en outre un moyen d’ accès aisé à la vie internationale… L’intérêt paraît ici, comme ailleu
1554 lent, pour que soit décrétée l’adoption immédiate de mesures politiques et sociales, hygiéniques, urbanistes, techniques,
1555 industrielles, tout simplement copiées sur celles de l’Occident. Bien plus, ces administrateurs ne sont partis qu’en vertu
1556 e sagesse régulatrice. Il en résulte deux séries de conséquences qui risquent d’être aussi fâcheuses pour nous, Européens
1557 résulte deux séries de conséquences qui risquent d’ être aussi fâcheuses pour nous, Européens, que pour les peuples du tie
1558 st rendue assimilable et transportable qu’au prix d’ une périlleuse disjonction entre ses produits de tous ordres et ses va
1559 x d’une périlleuse disjonction entre ses produits de tous ordres et ses valeurs fondamentales. Le monde accepte nos machin
1560 es. Le monde accepte nos machines et quelques-uns de nos slogans, mais non pas l’arrière-plan religieux, philosophique et
1561 leur intégration, bon an mal an, dans le complexe de nos coutumes et de nos équilibres humains. Il faut l’admettre : les v
1562 on an mal an, dans le complexe de nos coutumes et de nos équilibres humains. Il faut l’admettre : les versions simplifiées
1563 ns. Il faut l’admettre : les versions simplifiées de la civilisation occidentale se prêtent mieux à l’exportation que la v
1564 t mieux à l’exportation que la version originale. D’ où l’avantage incontestable des Américains, et surtout des Soviétiques
1565 ins, et surtout des Soviétiques, lorsqu’il s’agit de moderniser — c’est-à-dire d’occidentaliser — d’une manière rapide et
1566 es, lorsqu’il s’agit de moderniser — c’est-à-dire d’ occidentaliser — d’une manière rapide et massive, les colonies récemme
1567 t de moderniser — c’est-à-dire d’occidentaliser — d’ une manière rapide et massive, les colonies récemment libérées. Ces no
1568 des élites européennes pendant les derniers temps de la colonisation et le respect des cultures indigènes n’a jamais arrêt
1569 ôtres. Le tiers-monde les accueille sans méfiance de principe. Il ne dit pas de leurs dons, comme il le dit des nôtres : «
1570 ccueille sans méfiance de principe. Il ne dit pas de leurs dons, comme il le dit des nôtres : « C’est du néo-colonialisme 
1571 le découvrent. Mais aussitôt, ils nous accablent de reproches. Un professeur indien, le Dr Raghavan Iyer, enseignant à Ox
1572 n, le Dr Raghavan Iyer, enseignant à Oxford, lors d’ un tout récent congrès européen, entendait se faire l’écho des ressent
1573 ents du tiers-monde à l’égard de notre culture et de sa diffusion désordonnée. Rappelant que les pays sous-développés imit
1574 ident, ce professeur rendait l’Europe responsable de tous les maux qui en résultent, et de la reviviscence, en Asie et en
1575 responsable de tous les maux qui en résultent, et de la reviviscence, en Asie et en Afrique, de ce qu’il appelait « les co
1576 nt, et de la reviviscence, en Asie et en Afrique, de ce qu’il appelait « les conceptions partielles ou discréditées de l’e
1577 lait « les conceptions partielles ou discréditées de l’esprit européen ». Il en donnait l’impressionnante liste que voici 
1578 ssianique, un libéralisme à la Hayek, l’adoration de la puissance militaire et politique, une bureaucratie qu’on ne pourra
1579 listinisme culturel. C’est une assez bonne liste de nos vices, tels qu’ils se sont manifestés, du moins à partir des débu
1580 se sont manifestés, du moins à partir des débuts de l’ère industrielle. Il serait trop facile de répondre à ceux qui nous
1581 buts de l’ère industrielle. Il serait trop facile de répondre à ceux qui nous tiennent ce langage : pourquoi n’avez-vous p
1582 nes, que nous envoyons outre-mer, mais des agents de nos États et de nos firmes, qui transportent là-bas toutes nos rivali
1583 voyons outre-mer, mais des agents de nos États et de nos firmes, qui transportent là-bas toutes nos rivalités, des assista
1584 chose du milieu où ils vont agir, et moins encore de ce que l’Europe peut signifier dans son ensemble et vue de loin, des
1585 l’Europe peut signifier dans son ensemble et vue de loin, des agitateurs politiques, des commerçants incultes et nos plus
1586 ni pour la nôtre. Telle est la situation concrète de l’Europe dans le monde actuel. Je la résume : la décolonisation, loin
1587 sans précédent ; le monde entier se met à l’école de notre civilisation ; mais il n’en tire pas le meilleur, loin de là, e
1588 aute, car nous n’avons jamais conçu une politique de civilisation répondant à l’ampleur des exigences du siècle et de nos
1589 répondant à l’ampleur des exigences du siècle et de nos responsabilités mondiales. La question qui se pose est dès lors l
1590 ses slogans les plus démagogiques, au seul profit de leurs exploitants ou exploiteurs, plus efficaces ? Va-t-elle être évi
1591 oyens matériels et moraux ? m. Rougemont Denis de , « Le monde entier irrite l’Europe et la méprise autant qu’il la jalo
1592 s, il est vrai, s’opposent encore quand il s’agit d’ en venir à l’union politique. Celle de l’alliance des États, celle de
1593 d il s’agit d’en venir à l’union politique. Celle de l’alliance des États, celle de l’intégration totale, et celle de la f
1594 n politique. Celle de l’alliance des États, celle de l’intégration totale, et celle de la fédération. Mais une raison nouv
1595 es États, celle de l’intégration totale, et celle de la fédération. Mais une raison nouvelle doit forcer leur accord : c’e
1596 accord : c’est la nécessité matérielle et morale de répondre aux appels que le monde nous adresse, par sa faim, par sa pe
1597 sa peur, et même par sa haine. C’est la nécessité de nous porter enfin à la hauteur de notre vocation universelle. »
1598 st la nécessité de nous porter enfin à la hauteur de notre vocation universelle. »
10 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe est un colosse qui s’ignore (encore) (27 juin 1962)
1599 juin 1962)o p Un certain défaitisme européen, de Spengler à Toynbee et de Sorel à Sartre, semble avoir persuadé nos él
1600 ain défaitisme européen, de Spengler à Toynbee et de Sorel à Sartre, semble avoir persuadé nos élites comme nos masses que
1601 ine de Russie le baron Grimm, gazetier littéraire de Paris, à la veille de la révolution : Deux empires se partageront (l
1602 Grimm, gazetier littéraire de Paris, à la veille de la révolution : Deux empires se partageront (le monde) : la Russie d
1603 du côté de l’Orient, et l’Amérique, devenue libre de nos jours, du côté de l’Occident ; et nous autres, peuple du noyau, n
1604 té. En 1847, Sainte-Beuve résume ainsi l’opinion de l’historien Adolphe Thiers : Il n’y a plus que deux peuples. La Russ
1605 l’ascension des deux grands, qui date exactement de la fin de la dernière guerre, et au plan mondial. L’Europe se sentait
1606 on des deux grands, qui date exactement de la fin de la dernière guerre, et au plan mondial. L’Europe se sentait écrasée e
1607 it jeu graphique, très simple. Prenez une feuille de papier quadrillé. Dessinez trois rectangles verticaux posés côte à cô
1608 à côte, ayant chacun pour base dix carrés. Celui de gauche a dix-huit carrés de hauteur, celui de droite vingt-deux carré
1609 ase dix carrés. Celui de gauche a dix-huit carrés de hauteur, celui de droite vingt-deux carrés et celui du milieu quarant
1610 lui de gauche a dix-huit carrés de hauteur, celui de droite vingt-deux carrés et celui du milieu quarante-cinq carrés. Il
1611 deux grands ». Chaque carré représente un million d’ habitants. L’Europe à l’ouest du rideau de fer en compte 335 millions 
1612 million d’habitants. L’Europe à l’ouest du rideau de fer en compte 335 millions ; les sept États européens actuellement so
1613 ette quantité démographique les qualités humaines de l’Européen, qui est encore le meilleur ouvrier, le meilleur philosoph
1614 autre. Mais vous me direz que la puissance réelle de l’Europe n’est pas en proportion de sa population. C’est exact en ce
1615 ssance réelle de l’Europe n’est pas en proportion de sa population. C’est exact en ce sens que, par tête d’habitant, la pr
1616 population. C’est exact en ce sens que, par tête d’ habitant, la production américaine dépasse encore celle de l’Europe. M
1617 nt, la production américaine dépasse encore celle de l’Europe. Mais le rythme d’accroissement est beaucoup plus rapide en
1618 dépasse encore celle de l’Europe. Mais le rythme d’ accroissement est beaucoup plus rapide en Europe qu’aux États-Unis. Et
1619 ’Europe occupe le premier rang pour la production de l’acier, de la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait
1620 pe le premier rang pour la production de l’acier, de la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait — produits d
1621 rang pour la production de l’acier, de la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait — produits de base — les
1622 uille, du ciment, du beurre et du lait — produits de base — les États-Unis tenant le deuxième rang et l’URSS le troisième.
1623 un exemple chiffré, et qui ne me paraît pas dénué de toute signification : production de savants de premier ordre, calculé
1624 aît pas dénué de toute signification : production de savants de premier ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences de
1625 ué de toute signification : production de savants de premier ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences de 1901 — dat
1626 r ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences de 1901 — date la création du prix — à 1961 : Russie et démocratie popul
1627 est que vous ne vous sentez pas encore le citoyen d’ une nation de 335 millions, voire de 430 millions d’habitants (en comp
1628 ne vous sentez pas encore le citoyen d’une nation de 335 millions, voire de 430 millions d’habitants (en comptant les sate
1629 re le citoyen d’une nation de 335 millions, voire de 430 millions d’habitants (en comptant les satellites européens de l’U
1630 une nation de 335 millions, voire de 430 millions d’ habitants (en comptant les satellites européens de l’URSS), mais seule
1631 d’habitants (en comptant les satellites européens de l’URSS), mais seulement le citoyen d’un petit État de 10 ou de 50 mil
1632 s européens de l’URSS), mais seulement le citoyen d’ un petit État de 10 ou de 50 millions qui n’est plus à l’échelle du mo
1633 ’URSS), mais seulement le citoyen d’un petit État de 10 ou de 50 millions qui n’est plus à l’échelle du monde nouveau. C’e
1634 ais seulement le citoyen d’un petit État de 10 ou de 50 millions qui n’est plus à l’échelle du monde nouveau. C’est que l’
1635 qu’il faut pour être encore la première puissance de la Terre, non par ses dimensions, mais par son potentiel démographiqu
1636 hique, économique et culturel. Cependant, le sort d’ une civilisation ne dépend pas seulement de cette espèce-là de chance.
1637 e sort d’une civilisation ne dépend pas seulement de cette espèce-là de chance. Il dépend tout autant de sa vocation nativ
1638 sation ne dépend pas seulement de cette espèce-là de chance. Il dépend tout autant de sa vocation native — j’entends de la
1639 cette espèce-là de chance. Il dépend tout autant de sa vocation native — j’entends de la prise de conscience de cette voc
1640 end tout autant de sa vocation native — j’entends de la prise de conscience de cette vocation assumée par ceux qui en sont
1641 tion native — j’entends de la prise de conscience de cette vocation assumée par ceux qui en sont les responsables — et d’a
1642 x qui en sont les responsables — et d’autre part, de la puissance d’autres cultures ou civilisations qui prétendent à sa s
1643 endrai rien en vous rappelant qu’une bonne partie de l’élite intellectuelle occidentale désespère bruyamment de nos valeur
1644 e intellectuelle occidentale désespère bruyamment de nos valeurs et dénie toute espèce de vocation à l’Occident, tel que l
1645 e bruyamment de nos valeurs et dénie toute espèce de vocation à l’Occident, tel que le représentent l’Europe en train de s
1646 train de s’unir et les États-Unis. Il est courant d’ entendre que l’Occident est en pleine décadence morale, et surtout qu’
1647 leine décadence morale, et surtout qu’il n’a plus d’ idéal à opposer aux valeurs neuves et conquérantes du communisme. À ce
1648 aits, une fois de plus : la prospérité économique de l’Occident et sa vitalité intellectuelle, que rien ne dépasse et n’at
1649 llectuelle, que rien ne dépasse et n’atteint même de loin, ni en Orient, ni en Afrique, indiquent une renaissance et non u
1650  : on nous dit que les valeurs nouvelles capables d’ entraîner le monde et de lui rendre un idéal sont celles que représent
1651 aleurs nouvelles capables d’entraîner le monde et de lui rendre un idéal sont celles que représente le communisme russe. J
1652 sme russe. Je demande à voir — et je ne vois rien de neuf. Qu’est-ce, au total, que le communisme soviétique ? Un mélange
1653 total, que le communisme soviétique ? Un mélange de 50 % de tradition proprement russes et même tsaristes, comme le rôle
1654 que le communisme soviétique ? Un mélange de 50 % de tradition proprement russes et même tsaristes, comme le rôle de la po
1655 roprement russes et même tsaristes, comme le rôle de la police et des fonctionnaires, ou l’habitude de réécrire l’histoire
1656 de la police et des fonctionnaires, ou l’habitude de réécrire l’histoire tous les vingt-cinq ans pour justifier la politiq
1657 n ou du parti au pouvoir ; à quoi s’ajoutent 50 % de marxisme plus ou moins fidèlement appliqué. Or le marxisme n’est tout
1658 t appliqué. Or le marxisme n’est tout de même pas d’ invention russe. Ce n’est pas Popov qui l’a créé, mais c’est Karl Marx
1659 bune. (Ces articles, réunis plus tard, ont fourni de nombreux chapitres de Das Kapital.) Marx est l’un des produits les pl
1660 éunis plus tard, ont fourni de nombreux chapitres de Das Kapital.) Marx est l’un des produits les plus typiques des débats
1661 simplifiées et appauvries d’ailleurs, sous le nom de marxisme dialectique. Qu’en serait-il alors d’un autre successeur, hy
1662 om de marxisme dialectique. Qu’en serait-il alors d’ un autre successeur, hypothétique, reprenant de nos mains débiles ce q
1663 rs d’un autre successeur, hypothétique, reprenant de nos mains débiles ce qu’on appelait jadis « le flambeau de la civilis
1664 ins débiles ce qu’on appelait jadis « le flambeau de la civilisation » ? Là encore, je ne le distingue pas. Je ne vois pas
1665 s. Je ne vois pas une seule culture, indépendante de la nôtre, foncièrement différente de la nôtre, qui serait mieux capab
1666 indépendante de la nôtre, foncièrement différente de la nôtre, qui serait mieux capable que nous d’exercer la fonction pla
1667 te de la nôtre, qui serait mieux capable que nous d’ exercer la fonction planétaire unifiante qui sera désormais, dans l’èr
1668 mais, dans l’ère technique, l’obligation première d’ une civilisation. Un regard sur le globe nous fait voir, au contraire,
1669 une phrase, voici ce que je constate. Le Sud-Est de l’Asie jalouse la Chine et voudrait secrètement l’imiter ; mais la Ch
1670 Amérique — laquelle est, après tout, une création de l’Europe ! Le cycle se referme, nous ramenant à l’Europe. Où trouver,
1671 tion en prétextant notre faiblesse, ou ces crimes d’ un passé récent dont le tiers-monde nous tient pour responsables. Car
1672 r cette faiblesse ne traduit rien qu’une division de nos forces — et nous sommes en bon train de les unir — mais non pas u
1673 ision de nos forces — et nous sommes en bon train de les unir — mais non pas une absence de forces potentielle. Et ces cri
1674 bon train de les unir — mais non pas une absence de forces potentielle. Et ces crimes, qui furent ceux de nos nationalism
1675 orces potentielle. Et ces crimes, qui furent ceux de nos nationalismes, du racisme, et, dans une certaine mesure, du colon
1676 ans une certaine mesure, du colonialisme, exigent de nous bien autre chose qu’un mea culpa rageur et masochiste, tellement
1677 plus facile que l’action. Les vertus et les vices de l’Europe, son passé et son expérience, la rendent doublement responsa
1678 responsable — au sens actif du mot, cette fois — d’ assumer face au monde une vocation dont personne ne saurait la relever
1679 autre régime ne me paraissent posséder les moyens de se charger, si l’Europe s’y dérobe. Cette vocation, ou cette fonction
1680 échanges mondiaux tout d’abord. Pour les échanges de biens matériels cela va de soi, puisque l’Europe les a créés, ces éch
1681 s techniques qu’elle a su inventer sont en mesure de les entretenir. L’Europe reste le cœur de tout système d’échanges mon
1682 mesure de les entretenir. L’Europe reste le cœur de tout système d’échanges mondiaux et cela, non seulement à cause de la
1683 ntretenir. L’Europe reste le cœur de tout système d’ échanges mondiaux et cela, non seulement à cause de la place qu’elle o
1684 ment à cause de la place qu’elle occupe au centre de l’hémisphère privilégié, mais parce que son commerce international re
1685 international représente en valeur plus du double de celui des États-Unis, et près de dix fois celui de l’URSS. La vocatio
1686 e celui des États-Unis, et près de dix fois celui de l’URSS. La vocation mondiale de l’Europe est inscrite dans des faits
1687 de dix fois celui de l’URSS. La vocation mondiale de l’Europe est inscrite dans des faits de ce genre : Nos exportations r
1688 mondiale de l’Europe est inscrite dans des faits de ce genre : Nos exportations représentent à peu près 40 % de notre com
1689 e : Nos exportations représentent à peu près 40 % de notre commerce et nos importations atteignent le même taux, cependant
1690 pendent du reste du monde que pour 5 % au maximum de leur produit national. Le monde est vital pour l’Europe, il ne l’est
1691 d. Tout, et d’abord nos traditions, non seulement de curiosité mais de respect des valeurs spirituelles, même et parfois s
1692 d nos traditions, non seulement de curiosité mais de respect des valeurs spirituelles, même et parfois surtout différentes
1693 aide puissante, mais les initiatives sont venues de l’Europe, et c’est vers elle, naturellement, que je vois se tourner l
1694 pe qu’elles conçoivent la nécessité et les moyens de dialoguer, non seulement avec nous, mais entre elles. Équilibrer les
1695 ibrer les créations humaines est le second aspect de la vocation de l’Europe. Équilibrer technique et tradition, par exemp
1696 ions humaines est le second aspect de la vocation de l’Europe. Équilibrer technique et tradition, par exemple. C’est en Al
1697 s ont obligées lentement à s’intégrer aux rythmes de la vie. Adaptation très lente dans l’ensemble, mais non moins dramati
1698 re les machines à tisser, puis contre les chaînes de production en Amérique et, récemment, contre l’automation à Coventry 
1699 achines, sans se douter qu’elles peuvent détruire de proche en proche ses traditions les plus valables et ses équilibres p
1700 bles et ses équilibres psychiques, par les champs de force invisibles qu’elles transportent, à la manière du cheval de Tro
1701 les qu’elles transportent, à la manière du cheval de Troie. Et cela nous conduit naturellement au troisième verbe typique
1702 conduit naturellement au troisième verbe typique de notre vocation, qui est fédérer. Défendre et illustrer le fédéralisme
1703 t soit responsable à l’égard du tiers-monde comme de lui-même. Car c’est l’Europe qui a répandu dans le monde entier le vi
1704 itiques visiblement indéfendables du point de vue de leurs propres intérêts, mais qu’ils s’imposent pour le prestige. Sous
1705 Sous prétexte de se libérer des dernières traces de notre impérialisme, ils copient puérilement ses tares les plus visibl
1706 es tares les plus visibles. L’Europe se doit donc de produire, d’attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel,
1707 plus visibles. L’Europe se doit donc de produire, d’ attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xi
1708 L’Europe se doit donc de produire, d’attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xixe siècle. Or
1709 produire, d’attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xixe siècle. Or, l’antidote du nationalis
1710 mise en commun des droits « souverains » qu’aucun de nos pays n’est plus en mesure d’exercer à lui seul, dans le monde act
1711 rains » qu’aucun de nos pays n’est plus en mesure d’ exercer à lui seul, dans le monde actuel. La vocation de l’Europe, auj
1712 cer à lui seul, dans le monde actuel. La vocation de l’Europe, aujourd’hui pour demain, c’est donc offrir au monde nouveau
1713 est donc offrir au monde nouveau l’exemple réussi d’ une grande fédération. Dans la coïncidence que j’ai relevée entre la f
1714 Dans la coïncidence que j’ai relevée entre la fin de notre impérialisme colonial, les débuts de notre union fédérale, et l
1715 la fin de notre impérialisme colonial, les débuts de notre union fédérale, et l’essor de notre économie, il y a sans doute
1716 l, les débuts de notre union fédérale, et l’essor de notre économie, il y a sans doute une grande leçon pour le tiers-mond
1717 mais aussi et, peut-être d’abord, pour l’ensemble de l’Occident — Amérique et Russie comprises — pour l’ensemble d’un Occi
1718 — Amérique et Russie comprises — pour l’ensemble d’ un Occident, s’il veut enfin se réconcilier avec lui-même. Nous pourro
1719 ns voir cela, dans cette génération, si l’Europe, d’ où le mal est venu, réussit à s’unir librement, achevant ainsi son ave
1720 rope fédérée, modèle mondial. Le temps n’est plus de douter sans vergogne de nos valeurs occidentales. Au contraire, le te
1721 dial. Le temps n’est plus de douter sans vergogne de nos valeurs occidentales. Au contraire, le temps est venu de les pren
1722 au sérieux. Nous n’avons pas simplement le droit de répondre à l’attente des jeunes nations et de la jeunesse soviétique,
1723 oit de répondre à l’attente des jeunes nations et de la jeunesse soviétique, obscurément tournées vers l’Occident, par un
1724 us sommes pour les autres un espoir, qu’il s’agit de ne pas frustrer. L’avenir de l’Europe est gagé sur de grands faits gé
1725 espoir, qu’il s’agit de ne pas frustrer. L’avenir de l’Europe est gagé sur de grands faits géoéconomiques d’une portée dés
1726 e pas frustrer. L’avenir de l’Europe est gagé sur de grands faits géoéconomiques d’une portée désormais mondiale. Il me pa
1727 urope est gagé sur de grands faits géoéconomiques d’ une portée désormais mondiale. Il me paraît ensuite gagé sur une fonct
1728 onction universelle, qui l’enracine dans le passé de notre culture, dans les données constitutives de l’Occident, et que t
1729 de notre culture, dans les données constitutives de l’Occident, et que tout appelle dans le monde de cette seconde moitié
1730 de l’Occident, et que tout appelle dans le monde de cette seconde moitié du xxe siècle. Les vraies chances de l’Europe n
1731 seconde moitié du xxe siècle. Les vraies chances de l’Europe ne dépendent pas d’une juste prévision de ce que d’autres fe
1732 . Les vraies chances de l’Europe ne dépendent pas d’ une juste prévision de ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’es
1733 e l’Europe ne dépendent pas d’une juste prévision de ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’esprit agissant par nos
1734 vision de ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’esprit agissant par nos mains. Le temps n’est plus pour nous de che
1735 sant par nos mains. Le temps n’est plus pour nous de chercher anxieusement à deviner le cours prochain de notre histoire :
1736 chercher anxieusement à deviner le cours prochain de notre histoire : c’est à la faire que nous sommes appelés.8 8. Ces
1737 paraîtront, en volume, en septembre aux Éditions de la Baconnière et chez Albin Michel. o. Rougemont Denis de, « L’Euro
1738 nnière et chez Albin Michel. o. Rougemont Denis de , « L’Europe est un colosse qui s’ignore (encore) », Arts, Paris, 27 j
1739  », Arts, Paris, 27 juin 1962, p. 2. p. Une note de la rédaction précise : « Une coquille nous a fait écrire que le chiff
1740 « Une coquille nous a fait écrire que le chiffre de la population de l’Europe de l’Ouest était de 355 millions alors qu’i
1741 ous a fait écrire que le chiffre de la population de l’Europe de l’Ouest était de 355 millions alors qu’il est de 335 mill
1742 fre de la population de l’Europe de l’Ouest était de 355 millions alors qu’il est de 335 millions : ce qui fait au total a
1743 de l’Ouest était de 355 millions alors qu’il est de 335 millions : ce qui fait au total avec ses satellites : 430 million
11 1962, Arts, articles (1952-1965). Un refus d’aimer (3 octobre 1962)
1744 Un refus d’ aimer (3 octobre 1962)q r Le prestige généralisé de l’érotisme est
1745 mer (3 octobre 1962)q r Le prestige généralisé de l’érotisme est indubitable dans l’Occident contemporain. Il est attes
1746 attesté par le cinéma, la publicité, et le succès de vente des auteurs qui en parlent. Il est donc en partie mesurable. En
1747 nc en partie mesurable. En revanche, la décadence de l’amour est une hypothèse absolument invérifiable. (Je réitère : de q
1748 hypothèse absolument invérifiable. (Je réitère : de quel amour s’agit-il ? vécu par qui ? rêvé par qui ?) Les enquêtes su
1749 ont concluantes, donnent des indications inverses de celles qu’on tirerait de Sagan. L’érotisme traduit certainement une d
1750 des indications inverses de celles qu’on tirerait de Sagan. L’érotisme traduit certainement une décadence de l’amour idéal
1751 an. L’érotisme traduit certainement une décadence de l’amour idéalisé, tel que le concevaient nos grands-parents, mais rie
1752 ncevaient nos grands-parents, mais rien ne permet de réduire « l’Amour » à ce cliché d’époque. L’érotisme peut traduire un
1753 rien ne permet de réduire « l’Amour » à ce cliché d’ époque. L’érotisme peut traduire un refus d’aimer, ou, au contraire, u
1754 liché d’époque. L’érotisme peut traduire un refus d’ aimer, ou, au contraire, une prise de conscience plus vraie de l’amour
1755 au contraire, une prise de conscience plus vraie de l’amour. Cela s’opère et se décide au secret d’une personne, et donc
1756 e de l’amour. Cela s’opère et se décide au secret d’ une personne, et donc échappe, par nature, à toute espèce de généralis
1757 onne, et donc échappe, par nature, à toute espèce de généralisation ou de statistique. Les attitudes que la majorité de no
1758 , par nature, à toute espèce de généralisation ou de statistique. Les attitudes que la majorité de nos contemporains sont
1759 ou de statistique. Les attitudes que la majorité de nos contemporains sont censés adopter vis-à-vis de l’érotisme m’indif
1760 lque répugnance à y songer. q. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Un refus d’aimer », Arts, Paris, 3 octobre
1761 mont Denis de, « [Réponse à une enquête] Un refus d’ aimer », Arts, Paris, 3 octobre 1962, p. 18. r. Il s’agit d’une répon
1762 Arts, Paris, 3 octobre 1962, p. 18. r. Il s’agit d’ une réponse à une enquête sur l’érotisme, introduite par ces mots : « 
12 1965, Arts, articles (1952-1965). Le déferlement de l’érotisme : pour une nouvelle théologie (5-11 mai 1965)
1763 Le déferlement de l’érotisme : pour une nouvelle théologie (5-11 mai 1965)s t Pour i
1764 ai 1965)s t Pour illustrer l’invasion du monde d’ aujourd’hui par la « sexualité déchaînée », on cite le triomphe en lib
1765 ité déchaînée », on cite le triomphe en librairie de Fanny Hill et Justine en livre de poche aux États-Unis. Il ne faudrai
1766 he en librairie de Fanny Hill et Justine en livre de poche aux États-Unis. Il ne faudrait tout de même pas oublier que ces
1767 st nouveau, c’est leur succès relatif : le siècle de Voltaire les avait négligés ; mais il n’eût pas mieux accueilli les r
1768 ieux accueilli les romans catholiques et les Vies de Jésus dont les tirages dominent notre marché du livre, sans que perso
1769 rché du livre, sans que personne y voie la preuve d’ une sanctification quelconque de notre époque. Reste que l’étalage étu
1770 y voie la preuve d’une sanctification quelconque de notre époque. Reste que l’étalage étudié du nu « suggestif » dans nos
1771 dans nos rues et au cinéma, les scènes obligées «  d’ amour » physique dans les romans de série, noire ou autre, la suppress
1772 nes obligées « d’amour » physique dans les romans de série, noire ou autre, la suppression des « pudeurs de langage », mai
1773 rie, noire ou autre, la suppression des « pudeurs de langage », mais plus que tout cela — qui relève parfois de la mode et
1774 e », mais plus que tout cela — qui relève parfois de la mode et n’engage pas toujours une politique morale — les cours d’é
1775 age pas toujours une politique morale — les cours d’ éducation sexuelle dans les écoles, enfin les grands débats sur la con
1776 es grands débats sur la contraception, l’ensemble de ces traits frappe les auscultateurs de notre époque, au point que cer
1777 l’ensemble de ces traits frappe les auscultateurs de notre époque, au point que certains ont parlé d’une révolution dans l
1778 de notre époque, au point que certains ont parlé d’ une révolution dans les mœurs. C’est beaucoup dire pour un peu plus de
1779 s les mœurs. C’est beaucoup dire pour un peu plus de nudité, mais non pour la contraception discutée au concile du Vatican
1780 , sous l’effet des modes culturelles. Les audaces de nos écrivains, de nos cinéastes ne sont pas les produits de cet insti
1781 modes culturelles. Les audaces de nos écrivains, de nos cinéastes ne sont pas les produits de cet instinct universel et p
1782 ivains, de nos cinéastes ne sont pas les produits de cet instinct universel et primordial : elles y font appel, comme on d
1783 irage des classiques libertins dans quelques pays de l’Occident. En revanche, nos manières de parler des choses du sexe et
1784 ues pays de l’Occident. En revanche, nos manières de parler des choses du sexe et de l’érotisme ont entièrement changé en
1785 che, nos manières de parler des choses du sexe et de l’érotisme ont entièrement changé en un demi-siècle. En 1906, Freud c
1786 s le petit ouvrage qu’il publie sur le traitement de Dora « les rapports sexuels sont franchement discutés ; les fonctions
1787 reculé devant la discussion avec une jeune fille de tels sujets et en un tel langage. Faut-il me justifier aussi de cette
1788 et en un tel langage. Faut-il me justifier aussi de cette accusation ? » Entre de tels scrupules et le battage publicitai
1789 me justifier aussi de cette accusation ? » Entre de tels scrupules et le battage publicitaire fait autour du rapport de K
1790 et le battage publicitaire fait autour du rapport de Kinsey, entre la Porte étroite et Notre-Dame des Fleurs ou Le Silence
1791 te étroite et Notre-Dame des Fleurs ou Le Silence de Bergman, ce qui s’est passé d’important se situe au niveau proprement
1792 eurs ou Le Silence de Bergman, ce qui s’est passé d’ important se situe au niveau proprement culturel qui est celui de l’ét
1793 situe au niveau proprement culturel qui est celui de l’étude et de l’expression des réalités de la « chair », dans leurs a
1794 u proprement culturel qui est celui de l’étude et de l’expression des réalités de la « chair », dans leurs aspects physio-
1795 celui de l’étude et de l’expression des réalités de la « chair », dans leurs aspects physio-psychologiques. Mais cela s’e
1796 s’est produit dans un très grand désordre, créant de fortes inégalités d’information et par suite de jugement parmi les mo
1797 très grand désordre, créant de fortes inégalités d’ information et par suite de jugement parmi les moralistes, eux-mêmes m
1798 s en question, et dans le public cultivé. Je suis de la première génération qui a découvert la psychanalyse à 20 ans, insc
1799 ait à s’orienter. Mais quatre-vingt-dix pour cent de nos plus de 60 ans confondent encore freudisme et pornographie. D’étr
1800 nter. Mais quatre-vingt-dix pour cent de nos plus de 60 ans confondent encore freudisme et pornographie. D’étranges mépris
1801 ans confondent encore freudisme et pornographie. D’ étranges méprises persistent chez des esprits formés par les catégorie
1802 morales du xixe . Ainsi le Sexe demeure synonyme de péché pour Mauriac, et d’amour pour Simone de Beauvoir, si j’en juge
1803 e Sexe demeure synonyme de péché pour Mauriac, et d’ amour pour Simone de Beauvoir, si j’en juge par leurs derniers écrits.
1804 us jeunes, combien savent distinguer la sexualité de l’érotisme et la passion de l’amour vrai ? Cette turbulence de défis
1805 stinguer la sexualité de l’érotisme et la passion de l’amour vrai ? Cette turbulence de défis parfois sadiques, de préjugé
1806 et la passion de l’amour vrai ? Cette turbulence de défis parfois sadiques, de préjugés plus ou moins masochistes, de déc
1807 rai ? Cette turbulence de défis parfois sadiques, de préjugés plus ou moins masochistes, de découvertes excitantes et de p
1808 sadiques, de préjugés plus ou moins masochistes, de découvertes excitantes et de problématiques libérations appelle une m
1809 u moins masochistes, de découvertes excitantes et de problématiques libérations appelle une mise en ordre, et d’abord séma
1810 ’écrivain peut commencer à parler quand il s’agit d’ érotisme, il devient éloquent quand il s’agit de passion (tout le roma
1811 t d’érotisme, il devient éloquent quand il s’agit de passion (tout le romantisme de la Nouvelle Héloïse au milieu du xxe
1812 nt quand il s’agit de passion (tout le romantisme de la Nouvelle Héloïse au milieu du xxe siècle), et tout d’un coup il s
1813 uvelle Héloïse au milieu du xxe siècle), et tout d’ un coup il s’aperçoit que l’amour seul poussait à dire, à chanter, à e
1814 sait à dire, à chanter, à exprimer, et permettait de communiquer, et cela des troubadours jusqu’aux surréalistes. La sexua
1815 sme est le plaisir pris pour fin, non comme moyen de l’acte procréateur. La passion est le désir infini, lié à un individu
1816 Et l’amour est la fin suprême, l’accomplissement de la personne totale. Ne pas refouler l’instinct Si quelque chose
1817 er l’instinct Si quelque chose se « déchaîne » de nos jours, ce ne peut donc pas être l’instinct, et ce n’est pas la pa
1818 ’instinct, et ce n’est pas la passion, on le sait de reste. C’est l’érotisme, c’est-à-dire l’usage non biologique de la se
1819 t l’érotisme, c’est-à-dire l’usage non biologique de la sexualité au service du plaisir, des beaux-arts, et surtout de la
1820 au service du plaisir, des beaux-arts, et surtout de la littérature. Quelles sont les causes de ce phénomène ? En voici tr
1821 urtout de la littérature. Quelles sont les causes de ce phénomène ? En voici trois, prises à dessein dans des domaines abs
1822 lyse quand son succès devint public, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Bien moins peut-être par le prétexte sci
1823 satisfaction — est un des mécanismes fondamentaux de toute culture, et que la culture occidentale en particulier doit beau
1824 leurs lois très subtiles, qui ne sont pas celles de la technique et de ses horaires, mais plutôt celles du rêve et de ses
1825 btiles, qui ne sont pas celles de la technique et de ses horaires, mais plutôt celles du rêve et de ses associations. Disa
1826 et de ses horaires, mais plutôt celles du rêve et de ses associations. Disant la menace de l’ère technologique imminente,
1827 du rêve et de ses associations. Disant la menace de l’ère technologique imminente, l’inconscient occidental fit déferler
1828 tal fit déferler dans les années 1920 « une vague de rêves », selon le titre de l’un des manifestes surréalistes. Freud, l
1829 nnées 1920 « une vague de rêves », selon le titre de l’un des manifestes surréalistes. Freud, lui aussi, était parti du rê
1830 aussi, était parti du rêve pour étudier les ruses de la libido. Et Jung élargissait au monde entier des cultures et des my
1831 e Fourier, qui fut le premier, je crois, à parler d’ une « question sexuelle » durant le premier tiers du xixe . (Il avait
1832 emier tiers du xixe . (Il avait formé le projet «  d’ organiser les libertés amoureuses », et distingué cent-quatorze espèce
1833 amoureuses », et distingué cent-quatorze espèces d’ adultères, dans sa Hiérarchie du cocuage.) 3. Enfin, la perspective d’
1834 Hiérarchie du cocuage.) 3. Enfin, la perspective d’ une densité moyenne de trois hommes au mètre carré dans quelques siècl
1835 .) 3. Enfin, la perspective d’une densité moyenne de trois hommes au mètre carré dans quelques siècles, et en tout cas d’u
1836 mètre carré dans quelques siècles, et en tout cas d’ un doublement de l’humanité (bouches à nourrir et bras à occuper) dès
1837 quelques siècles, et en tout cas d’un doublement de l’humanité (bouches à nourrir et bras à occuper) dès les environs de
1838 hes à nourrir et bras à occuper) dès les environs de l’an 2000, n’est pas sans déclencher des mécanismes psychophysiologiq
1839 ns déclencher des mécanismes psychophysiologiques d’ autorégulation démographique. Question de vie ou de mort pour l’espèce
1840 logiques d’autorégulation démographique. Question de vie ou de mort pour l’espèce, s’il est vrai que trop de vies peuvent
1841 ’autorégulation démographique. Question de vie ou de mort pour l’espèce, s’il est vrai que trop de vies peuvent entraîner
1842 ou de mort pour l’espèce, s’il est vrai que trop de vies peuvent entraîner sa mort. Les freins traditionnels ne fonctionn
1843 famine et la guerre déjà neutralisées ou en voie de l’être, restent les disciplines contraceptives et certains phénomènes
1844 ves et certains phénomènes encore très mal connus de réduction spontanée d’une espèce, que certains biologistes américains
1845 nes encore très mal connus de réduction spontanée d’ une espèce, que certains biologistes américains étudient notamment sur
1846 cains étudient notamment sur les rats, si proches de l’homme à tant d’égards. Or, tout cela joue au bénéfice de l’érotisme
1847 amment sur les rats, si proches de l’homme à tant d’ égards. Or, tout cela joue au bénéfice de l’érotisme, auquel la sexual
1848 e à tant d’égards. Or, tout cela joue au bénéfice de l’érotisme, auquel la sexualité tend à se subordonner, comme la natur
1849 leur rôle physiologique. Mais voilà, l’importance de ce rôle va sans doute diminuer, pour les raisons que j’ai dites, et l
1850 uer, pour les raisons que j’ai dites, et le seuil de l’érotisme va s’abaisser d’autant. Je vois venir le temps du changeme
1851 ai dites, et le seuil de l’érotisme va s’abaisser d’ autant. Je vois venir le temps du changement des problèmes. Où mes aîn
1852 e. Attaqué de toutes parts, bombardé sexuellement de visions, rythmes, littérature, photos, allusions ou contacts, le jeun
1853 re, photos, allusions ou contacts, le jeune homme d’ aujourd’hui ne produit plus son type de femme dans son désir : il le r
1854 eune homme d’aujourd’hui ne produit plus son type de femme dans son désir : il le reçoit de la publicité et il subit un rê
1855 s son type de femme dans son désir : il le reçoit de la publicité et il subit un rêve qui n’est plus le sien. Va-t-il déco
1856 e sien. Va-t-il découvrir l’érotisme par le biais d’ un problème sexuel très nouveau, né de la dégradation des obstacles so
1857 ar le biais d’un problème sexuel très nouveau, né de la dégradation des obstacles sociaux comme des interdits de la morale
1858 adation des obstacles sociaux comme des interdits de la morale ? Va-t-il sombrer dans l’apathie sexuelle, cédant à quelque
1859 er dans l’apathie sexuelle, cédant à quelque ruse de l’espèce, ou parce qu’il n’aura pu choisir entre ceux qui se figurent
1860 igurent encore que le péché originel est « l’acte de chair », ceux qui pensent avec un certain évêque bogomile qu’il n’y a
1861 avec un certain évêque bogomile qu’il n’y a « pas de péché au-dessous du nombril », ou ceux qui croient bonnement avec un
1862 ou ceux qui croient bonnement avec un chansonnier de mes amis « qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien » ? Ou encore —
1863 avec un chansonnier de mes amis « qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien » ? Ou encore — hypothèse optimiste — allons-n
1864 entifique et hygiénique, où le problème numéro un de la jeunesse ne sera plus du tout la sexualité mais par exemple le cho
1865 us du tout la sexualité mais par exemple le choix d’ une vocation, où ces tortures morales seront une bizarrerie du passé c
1866 s que je viens de décrire, la police n’a pas plus de prise que sur les marées. Elle peut nuire à la diffusion commerciale
1867 arées. Elle peut nuire à la diffusion commerciale de la pornographie. Ce dont elle interdit la vue aux moins de 18 ans dan
1868 nographie. Ce dont elle interdit la vue aux moins de 18 ans dans la plupart de nos pays, et à tout le monde en France, les
1869 e en France, les Hindous l’ont sculpté au fronton de leurs temples, pour que nul n’en ignore s’il désire la sagesse. Mais
1870 ais la censure ne saurait empêcher l’instauration d’ un vaste programme de recherches, dans lequel l’Amérique nous précède
1871 rait empêcher l’instauration d’un vaste programme de recherches, dans lequel l’Amérique nous précède depuis une trentaine
1872 quel l’Amérique nous précède depuis une trentaine d’ années. Les aspects littéraires de l’érotisme sont à peu près les seul
1873 s une trentaine d’années. Les aspects littéraires de l’érotisme sont à peu près les seuls qui aient retenu l’attention du
1874 tre jour un psychiatre américain, une « théologie de l’érotisme ». Car l’érotisme dépend, en fin de compte, du religieux a
1875 ins autant que du sexuel. s. Rougemont Denis de , « Pour une nouvelle théologie », Arts, Paris, 5–11 mai 1965, p. 2.
1876  », Arts, Paris, 5–11 mai 1965, p. 2. t. Précédé de la note suivante : « Denis de Rougemont, dont on connaît les remarqua
1877 connaît les remarquables essais sur les problèmes de civilisations, a montré dans L’Amour et l’Occident comment le mythe
1878 tré dans L’Amour et l’Occident comment le mythe de l’amour s’est formé en Europe au Moyen Âge et a distingué dans Comme