1 1952, Arts, articles (1952-1965). Appel à ceux qui osent être différents (22 mai 1952)
1 uste place dans la cité. On lui a donné, au cours du xxe siècle, des moyens formidables de communiquer avec les couches s
2 d’artiste ou de penseur n’avait été plus éloigné du lieu commun, de ce que peuvent entendre et comprendre ces masses. Voi
3 rgentes en apparence, mais secrètement complices, du retrait pur et simple d’une part, ou du conformisme pur et simple d’a
4 omplices, du retrait pur et simple d’une part, ou du conformisme pur et simple d’autre part, l’une et l’autre de ces démis
5 ui trouve une certaine analogie avec la situation du chrétien dans le monde, selon la grande parole évangélique et paulini
6 inienne : « Soyez dans le monde comme n’étant pas du monde. » Et cette formule, me semble-t-il, fournit la clé. Précisémen
7 conditions pour tous. Au monde comme n’étant pas du monde, dans la cité, oui, mais comme un problème vivant, comme une in
8 e, celle de la dérobade, orgueilleuse ou modeste, du retrait hors du monde où nous sommes vivants. Je ne crois pas à une «
9 érobade, orgueilleuse ou modeste, du retrait hors du monde où nous sommes vivants. Je ne crois pas à une « littérature eng
10 uront vous forcer à être totalement et uniquement du monde, de leur monde, et à clamer d’une de ces voix mornes et droguée
11 deux périls, il importe de se rassembler. Non pas du tout, non pas un seul instant dans l’idée qui m’est répugnante de con
12 raîtraient tous les visages particuliers. Non pas du tout, non pas un seul instant dans l’idée d’opposer à ces totalitaire
2 1957, Arts, articles (1952-1965). L’ère des loisirs commence (10 avril 1957)
13 ix ces conditions élémentaires, le « temps vide » du loisir1 deviendra le vrai temps de nos existences quotidiennes. La qu
14 actuel. L’exemple des pays nordiques Libéré du labeur matériel, l’Occident se tourne immédiatement vers les voyages,
15 u plus longue nous est donnée par les populations du cercle arctique (Suède et Norvège), condamnées au loisir pendant six
16 re aventure : sentiment de l’histoire, découverte du monde, sciences et techniques, politiques, religions3… C’est dire que
17 n’est, en fin de compte, qu’un prisme diffracteur du sentiment religieux dans nos activités dites créatrices, des mathémat
18 un mouvement de dépassement ou de retrait en deçà du dogme formulé ; mais l’une et l’autre s’appuyaient sur l’objet de leu
19 e précisément qui nous permet ce retour en créant du loisir. Et quant à la mystique, elle suppose avant tout la connaissan
20 , elle suppose avant tout la connaissance précise du dogme. Le « mystique à l’état sauvage » — selon l’expression que Clau
21 de Rimbaud — vit simplement sur les reliefs épars du dogme et de la liturgie dans la culture dont il est imprégné. Voilà p
22 oblige à reconsidérer le sens et la nature finale du Progrès. 1. L’Encyclopédie de 1765 définit le loisir comme « le t
23 refuse de considérer le loisir comme le but même du machinisme. Or il pourra le devenir dès que les bénéfices de l’indust
24 s de travail, mais sous la forme d’une diminution du prix de la vie, compensant au moins les heures de salaires perdues.
25 or elle peut à peine doubler (Cf. Le Grand Espoir du xxe siècle, p. 201-210). Cependant, l’augmentation « tertiaire », do
26 ère révolte contre la conception « rationaliste » du monde. D’où succès mondial jusqu’à la dernière guerre. André Breton n
27 n n’a pas cessé de chercher une vision religieuse du monde et de la vie, bien plus antichrétien par cela même qu’un J.-P.
3 1960, Arts, articles (1952-1965). Remise en question par l’Afrique et l’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur (21 septembre 1960)
28 inquiétude essentielle. Nous ne cessons de parler du « désarroi de l’époque ». Nous avons l’impression de vivre dans un ch
29 st le gage d’un progrès vers le vrai. Ainsi donc, du désordre vers un certain ordre, puis un nouveau désordre, vers une no
30 ct, la personne. Toutes les définitions concrètes du Progrès ont un caractère commun : elles aboutissent à des antinomies
31 refoule un jour, elle renaîtrait irrésistiblement du sentiment de l’Histoire qu’on ne peut plus effacer, du mouvement de l
32 ntiment de l’Histoire qu’on ne peut plus effacer, du mouvement de la science qu’on ne peut pas achever et, enfin, de la Te
33 ons ambigus. Mais l’Europe, responsable de l’idée du Progrès, est responsable aussi de sa rectification. Toutes les « héré
34 aussi de sa rectification. Toutes les « hérésies du Progrès » sont bel et bien nées en Europe, encore qu’elles n’aient vr
35 de l’Orient proche et lointain risquent de faire du nationalisme — j’y vois le signe que l’Europe détient encore le sens
36 certaine situation d’ensemble ou d’un appel monté du monde antique : nul ne peut démontrer qu’il soit venu « à son heure »
37 à son heure ». Il porte à l’origine les stigmates du réel, et non pas les signes du mythe. Il n’est pas vraisemblable ; il
38 gine les stigmates du réel, et non pas les signes du mythe. Il n’est pas vraisemblable ; il est vrai. On ne l’attendait pa
39 ser. Avec saint Paul, nous passons d’un seul coup du règne de la Loi à celui de la Foi, c’est-à-dire du Rite à l’Amour. « 
40 u règne de la Loi à celui de la Foi, c’est-à-dire du Rite à l’Amour. « Tout est permis, mais tout n’édifie pas », « Rien n
41 ce que tu voudras. » Or, ces phrases invalident, du point de vue spirituel, toute morale codifiée, rituelle ou rationnell
42 peut être jugée par sa conformité avec les règles du sacré ou du social, mais que son sens dépend d’une attitude intime, d
43 gée par sa conformité avec les règles du sacré ou du social, mais que son sens dépend d’une attitude intime, d’une libre a
44 par la pensée grecque, les traditions religieuses du Proche-Orient, et l’ordre impérial des Romains. Utilisant l’un de ces
45 s œcuméniques. Apport grec. — L’homme se détache du corps magique en lequel se mêlaient sans fin ni formes nettes les viv
46 il est à tous égards celui qui définit — l’homme du Verbe et de l’épithète, « la mesure de toutes choses », dira Protagor
47 era la cité « atomisée » à la brutale mise au pas du Romain. Apport de Rome. — Il se résume dans le terme viril de citoye
48 té unique de quelque essence indestructible, mais du personnage qu’il revêt dans la cité maintenue par les cadres du Droit
49 qu’il revêt dans la cité maintenue par les cadres du Droit et des Institutions dûment hiérarchisées. Ce puritanisme social
50 iérarchisées. Ce puritanisme social, cette morale du service de l’État, fera la grandeur de l’Empire et la pauvreté d’âme
51 noble ou esclave, des liens sacrés de la caste ou du clan ; en même temps, elle le met au service du prochain. Entrant dan
52 u du clan ; en même temps, elle le met au service du prochain. Entrant dans une communauté chrétienne, l’esclave y trouve
53 es Grecs, et l’honneur de servir, qui était celui du citoyen romain. Il devient donc un paradoxe vivant : à la fois libre
54 ain. Le narcissisme culturel Si la personne du chrétien, dans son équilibre en tension, unit le meilleur de Rome et
55 e la Grèce, elle est aussi menacée, dans le monde du péché, par un double péril simultané : celui de la fuite vers le salu
56 ristianisme et ensuite contre son christianisme — du moins contre chacune des formes objectives que celui-ci a pu revêtir.
57 ci a pu revêtir. Essayons de mesurer l’envergure du succès de l’Occident dans l’ère moderne. Toynbee nous met en garde co
58 is comment le suivre, lorsqu’il tire de l’exemple du monde gréco-romain des raisons de réfuter la croyance que « nous auri
59 erreur ne peut être la nôtre. Qu’a fait l’Europe du xve siècle jusqu’à nos jours ? Elle a non seulement rayonné sur la t
60 ous et les Chinois. Mais où trouver dans le monde du xxe siècle une autre civilisation qui soit en état de surpasser cell
61 en un jour d’avion un trajet qui prenait deux ans du temps de Plan Carpin et de Marco Polo), il devient urgent de corriger
62 tre (mais au prix de sacrifices dont il n’est pas du tout certain qu’ils seraient féconds), ou bien il faut chercher un pr
63 ons, transmutons les métaux, dépassons la vitesse du son, prolongeons de deux à trois fois la durée moyenne de la vie, voy
64 ortel. Nous cherchons plutôt les moyens de gagner du temps, et les trouvons par la technique. Sur quoi le mandarin visitan
65 s’il devenait immortel ?) Le problème de l’emploi du temps libre se posera donc demain. Par notre fait, dans la réalité sé
66 itudes qui prédisposent le moins à l’usage fécond du loisir. À l’inverse, les valeurs orientales préparent au loisir et le
67 st la pointe extrême en notre siècle, notre image du monde s’évanouit. Elle échappe à notre raison, comme elle avait déjà
68 vocations de la race blanche, aventureuse moitié du monde. La Quête est notre forme d’exister. d. Rougemont Denis de,
4 1961, Arts, articles (1952-1965). L’Amour en cause (1er février 1961)
69 que de notre temps, il faut remonter aux origines du christianisme. 1. Le christianisme est la religion de l’Amour. Religi
70 nt définissait comme l’Être originel, le Créateur du monde et le sauveur d’Israël, mais que le Nouveau Testament révèle au
71 oute personne humaine est donné par l’incarnation du Christ, fils de Dieu, en Jésus, fils de Marie — Jésus Christ étant à
72 ais elle se manifeste par des actes, dans l’amour du prochain comme de soi-même. 3. Cette religion de l’Amour total (amou
73 ligion de l’Amour total (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livre sacré sur l’Amour. Dans cet ensemble infin
74 ême terme d’amour, considérons les raies extrêmes du spectre : l’ultraviolet du spirituel et l’infrarouge du sexuel. Notre
75 ons les raies extrêmes du spectre : l’ultraviolet du spirituel et l’infrarouge du sexuel. Notre mystique, science de l’amo
76 ctre : l’ultraviolet du spirituel et l’infrarouge du sexuel. Notre mystique, science de l’amour divin, s’est développée tr
77 ul équivalent chrétien — existant ou imaginable — du « Kamasutra », des « tantras », de tant d’autres traités d’érotisme d
78 crètes ni de magie sexuelle, point de physiologie du pèlerinage mystique, comme celle que nous décrivent sans varier depui
79 écrivent sans varier depuis mille ans les traités du hatha yoga. Et pas de traces non plus, dans le christianisme, de ces
80 buts spirituels, l’érotisme même dans les limites du mariage. C’est que les théologiens redoutaient avant tout qu’on pût c
81 s la première génération apostolique une doctrine du mariage tout à fait spécifique, et que la Gnose ignore, significative
82 bserver à quel point les motivations spirituelles du mariage diffèrent et même se contredisent chez saint Paul. Tantôt il
83 rituelle : « Celui qui n’est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’
84 eur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. » 4. Ainsi donc, exalté d’une
85 e, toléré finalement mais dans les seules limites du mariage le plus strict et consacré — tout le reste étant laissé en fr
86 nne que gnostique, soulignons-le) se trouvait lié du même coup à la dialectique du salut, c’est-à-dire du péché et de la g
87 le) se trouvait lié du même coup à la dialectique du salut, c’est-à-dire du péché et de la grâce, et valorisé à l’extrême.
88 même coup à la dialectique du salut, c’est-à-dire du péché et de la grâce, et valorisé à l’extrême. Ceci ne pouvait se pro
89 pas produit — en dehors de la sphère d’influence du christianisme. C’est pourquoi le phénomène que je nomme érotisme, eng
90 pie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en deçà du mariage) ne devait développer toutes ses complexités que dans une Eur
91 ant par sa soudaineté et son ampleur. Il est daté du premier tiers du xxe siècle, et même si on lui trouvait des parallèl
92 neté et son ampleur. Il est daté du premier tiers du xxe siècle, et même si on lui trouvait des parallèles en d’autres te
93 c’est là qu’on peut voir apparaître le sens réel du phénomène que j’ai rappelé, et qui n’est guère en soi que l’écume d’u
94 elle a voulu fermer les yeux sur la réalité même du sexe : interdit d’en parler, sauf du haut de la chaire, et sous le se
95 réalité même du sexe : interdit d’en parler, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom d’impureté. C’était vider la m
96 dépend pas des modes ni la nature de la culture — du moins pas si directement. Ce qui se trouve libéré c’est l’expression,
97 subitement, voici les troubadours et l’invention du désir sublimé, Saint Bernard de Clairvaux et la mystique d’amour, Hél
98 mmes en train de vivre renouvelle en partie celle du xiie siècle, submerge quelques-unes de ses conquêtes, mais surtout l
99 u non, plus ou moins respectueux de la science et du progrès, donc normal et moyen selon les standards du siècle : confron
100 progrès, donc normal et moyen selon les standards du siècle : confrontez-le avec les œuvres apparues depuis cinquante ans
101 faiblissement des tabous sexuels, l’accroissement du confort et des loisirs, le birth control, les mass médias, tout agit
102 xigences encore désordonnées. Et je vois bien que du désordre inévitable résultant d’une évolution aussi rapide, on ne pou
103 lui est par là même comparable. Entre les siècles du corps et celles de l’esprit, entre la biologie et la morale sociale,
104 au-delà des nécessités de l’espèce, mais en deçà du bien et du mal. Apprendre à lire en filigrane le jeu des mythes, dans
105 s nécessités de l’espèce, mais en deçà du bien et du mal. Apprendre à lire en filigrane le jeu des mythes, dans les troubl
106 que nous commençons cette semaine sur l’évolution du mythe moderne de l’amour. Denis de Rougemont se propose de publier pr
5 1961, Arts, articles (1952-1965). Les quatre amours (9 mai 1961)
107 re amours (9 mai 1961)h i Que toute la matière du cosmos, rassemblée, puisse tenir dans un dé ; que sur cette petite Te
108 Terre suspendue dans le vide, nous marchions sur du vide et vers le vide, n’étant nous même que furtifs agrégats d’infime
109 d’années terrestres dans le temps), et qu’au fond du réel calculé soit le Vide — mais que, scintillements d’une seconde da
110 dans la forêt d’avril nous attende une révélation du bonheur pur : qu’il ait suffi de l’inflexion d’une voix pour que cett
111 qui trouble d’abord et enfin scandalise l’esprit du mystique oriental, c’est cela justement qui fait ma joie et c’est le
112 la justement qui fait ma joie et c’est le passage du tourbillon de billions d’agrégats divisibles au désir d’un corps anim
113 rnation présente est notre grâce. Elle seule crée du même coup la couleur, le toucher, la vue lointaine et la musique, la
114 pourquoi n’y en aurait-il qu’un ? Il y a le monde du Vide, l’autre monde de la science ; il est là, parmi nous et tout aut
115 sse de grandes branches, en sorte que les oiseaux du ciel (les anges) peuvent habiter sous son ombre. » Il n’est pas dans
116 univers ; il n’est pas loin d’ici ou d’à présent, du monde des formes, qui est la Nature, la Parabole — mais ici, maintena
117 mais ici, maintenant, et en toi-même. Le Royaume du ciel est un point, le point d’éternité posé dans toi, la semeuse du P
118 nt, le point d’éternité posé dans toi, la semeuse du Plérôme à venir, quand « la figure de ce monde passera », et que l’in
119 u monde ne m’appelle. J’ai pu douter de l’être et du devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais douté de
120 ciences ; et je ne cesse de douter de notre image du monde, du vide et des distances inconcevables calculées à partir de n
121 et je ne cesse de douter de notre image du monde, du vide et des distances inconcevables calculées à partir de nos formes.
122 contemplé. Quand l’Amour sera tout en tous, lors du renouvellement de toutes les choses. L’amour étant l’initiateur de to
123 e j’espère banale (au sens propre), dans sa forme du moins — me suggère quatre états que l’on peut distinguer par leur ord
124 savent cela : une certaine perception instantanée du secret singulier de l’autre — et surtout s’il paraît lui-même l’ignor
125 orsque au-delà des corps à notre échelle, au-delà du domaine de l’individuation, au-delà même de la matière que l’on dit b
126 arde un moment, mais sans jouer, les « couleurs » du jeu de cartes ordinaire, on ne tardera à découvrir qu’elles correspon
127 rits par Jung : intuition-sensation (signes noirs du jeu de cartes) et sentiment-pensée (signes rouges) se retrouvent.
128 e. (C’est l’utopie magique, quelquefois réalisée, du trèfle à quatre feuilles : transformer la tige de l’instinct en quatr
129 epts). Déviations typiques : Schizophrénie. Goût du viol. Impuissance sexuelle par méfiance de l’âme. (L’Intellectuel, au
130 enté par cette note : « Qu’est-ce que “le Royaume du ciel” pour un Occidental ? Qu’est-ce que la Communion pour un homme m
6 1962, Arts, articles (1952-1965). Sartre contre l’Europe (17 janvier 1962)
131 passer deux mois aux États-Unis. On n’y parle que du miracle européen. Journaux, hebdos, revues, gros livres, milieux univ
132 mation. Une confiance nouvelle, née des promesses du Marché commun et de ses premiers succès, permet de multiplier les ent
133 ement suivant : tous les Européens sont complices du colonialisme criminel ; donc cette lecture leur fera honte, et la hon
134 ont l’histoire de l’homme », et nous serons ainsi du bon côté. Je n’invente pas : je cite et je condense cette dialectique
135 anité. » Cette phrase résume la thèse de l’auteur du volume, le Martiniquais Frantz Fanon. Sartre la cite et il ajoute, im
136 ans — de 1882 à nos jours pour les neuf dixièmes du continent. Cette colonisation n’a pas été faite au nom d’une « préten
137 l’a fondée. La démocratie de l’Arabie saoudite ou du Yémen ? Le respect de la personne humaine chez les cannibales ? Vous
138  » européenne : le Dahomey. Les premiers contacts du Dahomey avec la civilisation européenne remontent à 1729, lorsque le
139 instituent une nouvelle charge dans l’État, celle du Yévogan (« celui qui s’occupe des Blancs »), titre que l’on a traduit
140 , le dictionnaire de Grégoire décrit ainsi l’état du pays : « Le sol, extrêmement fertile, est couvert de forêts. Malheure
141 alectiquement que le royaume de Ghana et l’empire du Mali n’ont pas été détruits par les Arabes almoravides puis par les s
142 arrasse pas de faits et leur passion veut la mort du pécheur, qui est uniquement l’Européen, comme chacun sait. La vérité,
143 alisme, malgré ses crimes, a réveillé les peuples du tiers-monde dans le très bref espace de deux générations. Il leur a p
144 semble ? « L’Europe est littéralement la création du tiers-monde », écrit Fanon. Ses richesses ne proviendraient que de se
145 que de ses vols, c’est-à-dire de son exploitation du sol africain et du sol asiatique : or, métaux, pétrole, caoutchouc (l
146 est-à-dire de son exploitation du sol africain et du sol asiatique : or, métaux, pétrole, caoutchouc (le paysan serait-il
147 ue et de rapide déshumanisation ? Les adversaires du colonialisme auraient donc été les avocats du suicide de l’Europe ? M
148 res du colonialisme auraient donc été les avocats du suicide de l’Europe ? Mais au nom de quelles valeurs plus chères que
149 Comte qui voyait en elle « le privilège effectif du principal développement social », ces philosophes croyaient servir no
150 ant la crise économique et la fièvre nationaliste du tiers-monde, devant la crise morale de l’URSS, l’heure n’est pas de c
7 1962, Arts, articles (1952-1965). Le miracle européen a créé le monde civilisé (6 juin 1962)
151 manité tout entière. L’Europe est cette partie-là du monde qui a fait « le Monde », ayant été le foyer de l’idée de « genr
152 mes bel et bien engagés dans cette seconde moitié du xxe siècle, en sorte que les chances de l’Europe dans l’avenir se co
153 le phénomène européen se signale, dans l’histoire du monde, par quelques traits absolument originaux dont je donne tout de
154 rouve simplement insuffisantes pour rendre compte du phénomène dans ce qu’il a de spécifique.) Certes, le découpage profon
155 ent enracinées, le climat tempéré, dans le centre du moins, permettant une économie d’énergies fondamentales, ce sont là d
156 ù il parle de l’Europe comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’Asie », mais n’en ser
157 En sortant des mains de la nature, notre partie du monde n’avait reçu aucun titre à cette glorieuse prééminence qui la d
158 est couverte de cités magnifiques, s’est enrichie du butin des deux mondes ; cette étroite presqu’île, qui ne figure sur l
159 omme un appendice de l’Asie, devenue la métropole du genre humain. Voilà donc l’importance de la géographie et du climat
160 ain. Voilà donc l’importance de la géographie et du climat minimisée, presque niée. Serait-ce alors à la démographie qu’i
161 s (soit ensemble à peu près 60 % de la population du globe sur 15 % de sa superficie solide). Mais l’Europe de la Renaiss
162 nd essor démographique de nos nations ne date que du xixe siècle. Comment se fait-il alors que l’Inde, autre péninsule de
163 e, dans le temps même où l’Europe faisait le tour du monde et dominait sur la plupart des nations de l’époque, Inde compri
164 l’humanité vers 1850, et qui en sont encore près du quart aujourd’hui (ils n’en seront sans doute plus que moins du cinqu
165 rd’hui (ils n’en seront sans doute plus que moins du cinquième en l’an 2000, selon les démographes — qui prédisent donc le
166 t craint !), n’aient guère participé à l’histoire du monde que par leur faculté de se laisser conquérir, et d’absorber leu
167 ? L’Europe serait-elle, par exemple, une création du christianisme, comme le soutient une très nombreuse école d’excellent
168 premier millénaire de notre ère, obéit à l’ordre du Christ : Allez et évangélisez toutes les nations. Cette injonction en
169 plus de soixante évêchés nestoriens dans la Chine du ixe siècle, sous la dynastie Tang — et vers l’ouest, en Islande, au
170 européenne. En revanche l’expansion colonialiste, du xviiie au xxe siècle, a été, de toute évidence, plus européenne que
171 opa, c’est faire tort à la prétention universelle du christianisme, et ce n’est pas définir l’Europe, puisque ce serait la
172 enons donc, de cette rapide enquête sur la genèse du phénomène Europe, le christianisme. Mais non sans nous poser cette qu
173 urope a-t-elle été la seule ou la première partie du monde qui ait adopté cette religion, venue d’ailleurs, du Proche-Orie
174 qui ait adopté cette religion, venue d’ailleurs, du Proche-Orient et non d’elle-même ? Existait-il une prédisposition eur
175 isse en plein mystère. Et les autres explications du phénomène européen par des données physiques et matérielles nous lais
176 s aucune n’apparaît suffisante pour rendre compte du phénomène global que l’histoire nous oblige à constater : la fonction
177 ècle, mais c’était aux dépens de la compréhension du phénomène lui-même, qu’on voyait mal. Le xxe siècle a découvert qu’u
178 l’Histoire : notre Europe est effectivement venue du Proche-Orient. Après la disparition presque totale « des premiers hab
179 sparition presque totale « des premiers habitants du bois et du rocher » (comme dit Vigny) dont ne nous restent plus que l
180 resque totale « des premiers habitants du bois et du rocher » (comme dit Vigny) dont ne nous restent plus que les peinture
181 d’une part de l’Asie Mineure le long du Vardar et du Danube, jusqu’en Rhénanie et en France, d’autre part du delta du Nil,
182 ube, jusqu’en Rhénanie et en France, d’autre part du delta du Nil, le long des côtes, remontant le Rhône jusqu’en Suisse,
183 u’en Rhénanie et en France, d’autre part du delta du Nil, le long des côtes, remontant le Rhône jusqu’en Suisse, en France
184 ar la mer Égée en Grèce, et de là, sur les terres du Couchant, que les langues sémitiques nomment Ereb, très probable étym
185 sémitiques nomment Ereb, très probable étymologie du nom d’Europe. Plus tard, sa religion dominante lui viendra du pays le
186 ope. Plus tard, sa religion dominante lui viendra du pays le plus proche de ce rivage phénicien d’où avait été enlevée l’h
187 naît moins la suite de ce rapt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement d’Europe, à laquelle j’attache, pour ma part, l
188 thage, tandis que d’autres découvraient les rives du continent, de l’Espagne au Caucase. Cadmus enfin, le plus fameux, s’e
189 centration des valeurs religieuses et culturelles du Proche-Orient dans la péninsule d’Occident. Nous avons vu que les pop
190 ès rapidement une religion qui, elle aussi, vient du Proche-Orient par la Méditerranée : le christianisme. À la fin de l’E
191 e christianisme. À la fin de l’Empire, aux débuts du haut Moyen Âge, sous Charlemagne, la péninsule européenne est donc de
192 des grandes découvertes fut une sorte d’explosion du composé Europe, macéré depuis près de mille ans dans les limites du c
193 macéré depuis près de mille ans dans les limites du cap occidental, au surplus rétrécies par les Turcs à l’est et par les
194 qui est Colón, et son prénom Christophe, porteur du Christ — en vérité, porteur de l’histoire du monde ! — tout en lui me
195 teur du Christ — en vérité, porteur de l’histoire du monde ! — tout en lui me semble illustrer les traits fondamentaux de
196 ysique, païenne et chrétienne à la fois : l’homme du mythe, le marin, le chercheur de trésors, le missionnaire et le crois
197 s et de Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui allait conquérir, tour à tour, toutes les autres. L’aven
198 erre, retombée rapide vers le sol. Mais ce retour du satellite n’est pas un échec ! D’innombrables connaissances ont été r
199 on seulement de la science, mais de la conscience du genre humain, agrandies et modifiées à jamais. Ces étages mis à feu s
200 par les Européens, c’est d’abord le premier tour du monde, accompli par Magellan, puis ce sont la conquête de l’Amérique
201 la découverte des côtes africaines, la soumission du Proche-Orient puis des Indes au xviiie siècle, et de l’Indonésie, la
202 l’autre : c’était la conquête militaire, la prise du pouvoir économique ou politique, enfin la colonisation. De siècle en
203 telle. L’Amérique du Nord la première, dès la fin du xviiie siècle ; l’Amérique latine pendant la première moitié du xixe
204 le ; l’Amérique latine pendant la première moitié du xixe siècle ; l’Inde, l’Indonésie, tout le Sud-Est asiatique et le P
205 rt pour une sorte de croisade contre Troie, ville du Proche-Orient, afin de sauver l’honneur occidental et de reconquérir
206 aussi une longue « erreur », selon le sens latin du mot. Tout se passe, au long de l’épopée, comme si Ulysse, le courageu
207 problèmes, telle est, je crois, la vraie formule du Progrès, dans sa définition occidentale. Et l’on voit qu’elle est amb
208 toujours plus vite, mais vers quoi ? Nous gagnons du temps, mais pour en faire quoi ? Nous augmentons notre puissance, mai
209 t c’est par là que l’Occident, aventureuse moitié du monde, s’oppose le plus radicalement au génie de l’Orient métaphysiqu
8 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe détient les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? (13 juin 1962)
210 petit continent, au point présent de l’évolution du monde est plus centrale que jamais, si bizarre que puisse apparaître
211 anité actuelle et le 98 % de la production totale du monde. De là le nom d’hémisphère privilégié que lui ont donné les géo
212 que lui ont donné les géographes. L’autre moitié du globe, ainsi déterminée, ne contient donc que 6 % des habitants et 2 
213 onc que 6 % des habitants et 2 % de la production du monde, n’étant guère occupée que par les océans, le continent antarct
214 pratiquement les 19/20e de l’humanité, tandis que du point de vue correspondant aux antipodes, on ne verrait que de l’eau
215 artificiel : L’Europe est bel et bien le centre du monde humain, le lieu géométrique, le carrefour naturel des grandes v
216 mps quadrillés — partout les traces de l’homme et du travail humain, et nulle part aussi concentrées. Anciens villages et
217 re civilisation. Un service religieux, une séance du conseil municipal, une heure de classe, les discussions autour d’une
218 uelques-uns des secrets (pour nous trop évidents) du dynamisme européen. C’est-à-dire : la communauté spirituelle, le règn
219 ctoires et subversives) et l’échange des produits du travail — toute une vitalité librement ordonnée, faite de tensions mu
220 lace dans les faubourgs — fori burgus, lieux hors du bourg originel et défensif — qui a marqué et manifesté l’accession de
221 iazze, ou Pleins selon le pays. Quant à l’ancêtre du forum lui-même, c’est l’agora des Grecs, où naquit le civisme occiden
222 les. Il n’est pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la libre discussion, sur le libre jeu des pa
223 cet autre élément nécessaire de toute place digne du nom : le café. C’est là qu’elle se parle d’abord, s’écrit bien souven
224 glaises que se lisent à haute voix les éditoriaux du journal que Daniel Defoe rédige seul, de 1704 à 1713. Et c’est encore
225 e. N’oublions donc pas, sur la place, la présence du kiosque à journaux, point d’insertion de la rumeur du monde, entre le
226 iosque à journaux, point d’insertion de la rumeur du monde, entre le café et le marché. Face à l’hôtel de ville, l’église.
227 la mairie, sont souvent plus sensibles aux débats du café qu’aux objurgations de la chaire. Voici donc une nouvelle tensio
228 erré des intérêts contradictoires mais solidaires du producteur et du consom­mateur, des droits acquis et des règles d’arb
229 contradictoires mais solidaires du producteur et du consom­mateur, des droits acquis et des règles d’arbitrage, des initi
230 des données naturelles et des relations humaines, du Destin et du sens de vie. Quand l’une des réalités antagonistes — la
231 aturelles et des relations humaines, du Destin et du sens de vie. Quand l’une des réalités antagonistes — la liberté ou l’
232 ’en relatent les chroniques d’aucune autre région du monde. Quand les antagonismes se composent en une conciliation pratiq
233 s la société. On les dirait formées sur le modèle du chœur, de l’harmonie des sons complémentaires, voire de la dissonance
234  » future. Ainsi de la commune, de la fédération, du parlement et du régime bicaméral, des syndicats et des coopératives ;
235 de la commune, de la fédération, du parlement et du régime bicaméral, des syndicats et des coopératives ; ainsi de l’éduc
236 e l’éducation elle-même et, finalement, de l’idée du progrès. Dans la mesure où cet immense complexe de tension n’est pas
237 la mesure ou se développe, ne fût-ce qu’une part du potentiel accumulé par ces tensions, on conçoit qu’il fonctionne alor
238 nsion énergétique irrésistible. Tel est le secret du dynamisme européen et des périodes de diastole planétaire de notre ci
239 uniforme et anonyme, comparable au portrait-robot du producteur moyen russe ou américain ? Les éléments d’une réponse moti
240 ieux su maintenir face à l’État et face aux modes du jour. Les Américains le sentent bien, et c’est pourquoi leurs pasteur
241 udes générales et se rapproche, dans cette mesure du moins, de nos formules européennes. Passons à la mairie, symbole de l
242 , symbole de la commune, qui est le cadre concret du civisme. Elle a survécu, tant bien que mal, à plus d’un siècle d’empi
243 ermédiaire des communes, des régions défavorisées du territoire. Même dans les nations les plus centralisées, comme la Fra
244 d’hui, et cela dans tous nos pays, qu’il s’agisse du Marché commun des Six, ou de l’économie des pays neutres. Quant à la
245 c de renouvellement. Or la culture, au sens large du terme : l’apport de l’homme à la nature, résume les secrets de l’Euro
246 ion simple me rappelle l’équation la plus célèbre du siècle, qu’est celle d’Einstein : E = mc2, ou E signifie l’énergie, m
247 élan et l’ont contrainte peu à peu à tenir compte du milieu humain, à ne pas se comporter comme l’éléphant dans le magasin
248 lution industrielle, celle qui tirait son énergie du charbon, n’a pas seulement créé le décor sale et sans âme des faubour
249 e heures par jour, dans des conditions inhumaines du point de vue de l’hygiène autant que de la morale. Cette pre­mière ex
250 r les lois sociales, en passant de l’époque noire du charbon, de la mine et des fabriques enfumées, à l’époque blanche et
251 nique de sa vraie fin, qui est de libérer l’homme du travail servile, elle a pris conscience la première des problèmes soc
252 xpérience séculaire. Si l’on ausculte les organes du patient nommé Europe l’un après l’autre, et si l’on détermine son mét
253 on existence physique que symbolise, sur la place du village, un monument qui réintroduit dans le tableau toute l’absurdit
254 al et non chrétien, dans beaucoup de pays voisins du nôtre — le monument aux morts des dernières guerres ? 7. Voir Arts
9 1962, Arts, articles (1952-1965). Le monde entier irrite l’Europe et la méprise autant qu’il la jalouse ! (20 juin 1962)
255 t qu’il la jalouse ! (20 juin 1962)m n L’appel du monde, provoqué par nos œuvres, atteint l’Europe dans une situation q
256 ’unir. Les dates de la décolonisation successive du Proche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est asiatique, et de l’Afrique, sont
257 onisation successive du Proche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est asiatique, et de l’Afrique, sont les mêmes dates, exactement,
258 d’une seule et même évolution dialectique : celle du nationalisme. Dès la fin du xviiie siècle, les disciples de Rousseau
259 n dialectique : celle du nationalisme. Dès la fin du xviiie siècle, les disciples de Rousseau, puis Herder, Bentham et Fi
260 , en ce sens qu’il devait aggraver la dissolution du corps européen en nations rivales. Et de fait, la nécessité alléguée
261 s ont répandu aux quatre coins de la terre l’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, idée au nom de laquelle les
262 , voire à découvrir pour leur compte les ivresses du nationalisme ; d’autre part, ces mêmes guerres ont fait comprendre au
263 avec une prospérité sans précédent de l’ensemble du continent. Jamais notre cap de l’Asie n’avait connu croissance économ
264 veuille la juger, a réveillé en fait les peuples du tiers-monde. Ils ont découvert qu’ils étouffaient dans leurs régimes
265 ait su se rendre transportable et intégrable hors du contexte de ses origines raciales, politiques et religieuses. Nous sa
266 en désordre, et sans le moindre plan d’ensemble, du xvie au xixe siècle fondent sur tous les continents des églises et
267 an sera finalement négatif : c’est en somme celui du Progrès, selon les conceptions occidentales, adoptées même par ceux q
268 Anglais de l’Inde n’a pas été suivi par le rejet du parlementarisme britannique, aussitôt adopté tel quel, mais bien par
269 contrainte. Et partout, dans les nations neuves du tiers-monde, il a suffi que nos administrateurs civils et militaires
270 heuses pour nous, Européens, que pour les peuples du tiers-monde. Fâcheuses pour nous d’abord. Car il est évident que notr
271 tiers-monde ont des notions beaucoup plus simples du progrès, tant social et moral que purement matériel. Les premiers n’o
272 leurs dons, comme il le dit des nôtres : « C’est du néo-colonialisme ! » Et pourtant, le tiers-monde, en cette affaire, a
273 péen, entendait se faire l’écho des ressentiments du tiers-monde à l’égard de notre culture et de sa diffusion désordonnée
274 t l’impressionnante liste que voici : L’évangile du progrès matériel automatique, un nationalisme agressif, voire une hai
275 ouveaux, une consommation stupéfiante, la passion du bizarre, des prétentions à l’exclusivité dans le domaine religieux, u
276 tisme idéologique, un athéisme arrogant, le culte du cynisme, la concurrence sans frein et le philistinisme culturel. C’e
277 ste de nos vices, tels qu’ils se sont manifestés, du moins à partir des débuts de l’ère industrielle. Il serait trop facil
278 matérielle que vous exigez à grands cris, et pas du tout nos missionnaires ? Cette réponse serait trop facile, car nous s
279 sistants techniques qui ne savent pas grand-chose du milieu où ils vont agir, et moins encore de ce que l’Europe peut sign
280 civilisation répondant à l’ampleur des exigences du siècle et de nos responsabilités mondiales. La question qui se pose e
281 loiteurs, plus efficaces ? Va-t-elle être évincée du tiers-monde par ses vices, au détriment de ses valeurs authentiques ?
282 ! », Arts, Paris, 20 juin 1962, p. 2. n. Précédé du chapeau suivant, très probablement écrit par Rougemont : « L’Europe e
10 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe est un colosse qui s’ignore (encore) (27 juin 1962)
283 s, du côté de l’Occident ; et nous autres, peuple du noyau, nous serons trop dégradés, trop avilis pour savoir autrement q
284 sse. L’autre jeunesse, c’est l’Amérique… L’avenir du monde est là, entre ces deux grands mondes. Et vingt autres, ainsi,
285 uteur, celui de droite vingt-deux carrés et celui du milieu quarante-cinq carrés. Il est donc à lui seul plus grand que le
286 additionnés. Question : Que signifie ce rectangle du milieu ? Réponse : C’est l’Europe entre les « deux grands ». Chaque c
287 ésente un million d’habitants. L’Europe à l’ouest du rideau de fer en compte 335 millions ; les sept États européens actue
288 roduction de l’acier, de la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait — produits de base — les États-Unis tena
289 e l’acier, de la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait — produits de base — les États-Unis tenant le deuxi
290 la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait — produits de base — les États-Unis tenant le deuxième rang et l
291 obel pour les sciences de 1901 — date la création du prix — à 1961 : Russie et démocratie populaire : 10 lauréats. États-U
292 e 10 ou de 50 millions qui n’est plus à l’échelle du monde nouveau. C’est que l’Europe unie n’est pas faite et qu’il nous
293 déal à opposer aux valeurs neuves et conquérantes du communisme. À cela, je vais répondre en renvoyant aux faits, une fois
294 us les vingt-cinq ans pour justifier la politique du souverain ou du parti au pouvoir ; à quoi s’ajoutent 50 % de marxisme
295 q ans pour justifier la politique du souverain ou du parti au pouvoir ; à quoi s’ajoutent 50 % de marxisme plus ou moins f
296 ces crimes, qui furent ceux de nos nationalismes, du racisme, et, dans une certaine mesure, du colonialisme, exigent de no
297 lismes, du racisme, et, dans une certaine mesure, du colonialisme, exigent de nous bien autre chose qu’un mea culpa rageur
298 la rendent doublement responsable — au sens actif du mot, cette fois — d’assumer face au monde une vocation dont personne
299 commerce international représente en valeur plus du double de celui des États-Unis, et près de dix fois celui de l’URSS.
300 ependant que les États-Unis ne dépendent du reste du monde que pour 5 % au maximum de leur produit national. Le monde est
301 naturellement, que je vois se tourner les élites du tiers-monde : c’est à travers l’Europe qu’elles conçoivent la nécessi
302 hniques industrielles ont pris le départ à l’orée du xixe siècle : c’est aussi là qu’elles ont trouvé des résistances tra
303 urope qui a répandu dans le monde entier le virus du nationalisme, dont elle a bien failli périr elle-même à deux reprises
304 t ce mal enfièvre aujourd’hui la plupart des pays du tiers-monde, les pousse aux pires excès du chauvinisme et à des mesur
305 s pays du tiers-monde, les pousse aux pires excès du chauvinisme et à des mesures économiques ou politiques visiblement in
306 onomiques ou politiques visiblement indéfendables du point de vue de leurs propres intérêts, mais qu’ils s’imposent pour l
307 diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xixe siècle. Or, l’antidote du nationalisme, du chauvinisme, racial
308 us mortel, hérité du xixe siècle. Or, l’antidote du nationalisme, du chauvinisme, racial ou partisan, et finalement des d
309 du xixe siècle. Or, l’antidote du nationalisme, du chauvinisme, racial ou partisan, et finalement des dictatures totalit
310 out appelle dans le monde de cette seconde moitié du xxe siècle. Les vraies chances de l’Europe ne dépendent pas d’une ju
11 1965, Arts, articles (1952-1965). Le déferlement de l’érotisme : pour une nouvelle théologie (5-11 mai 1965)
311 e (5-11 mai 1965)s t Pour illustrer l’invasion du monde d’aujourd’hui par la « sexualité déchaînée », on cite le triomp
312 tout de même pas oublier que ces ouvrages datent du xviiie siècle. Ce qui est nouveau, c’est leur succès relatif : le si
313 s de Jésus dont les tirages dominent notre marché du livre, sans que personne y voie la preuve d’une sanctification quelco
314 onque de notre époque. Reste que l’étalage étudié du nu « suggestif » dans nos rues et au cinéma, les scènes obligées « d’
315 ais non pour la contraception discutée au concile du Vatican. Quelque chose a changé ; mais quoi ? Il est peu vraisemblabl
316 pas « déborder » pour si peu qu’une augmentation du tirage des classiques libertins dans quelques pays de l’Occident. En
317 t. En revanche, nos manières de parler des choses du sexe et de l’érotisme ont entièrement changé en un demi-siècle. En 19
318 scrupules et le battage publicitaire fait autour du rapport de Kinsey, entre la Porte étroite et Notre-Dame des Fleurs ou
319 ogramme des études et formant une part importante du donné intellectuel dans lequel l’étudiant avait à s’orienter. Mais qu
320 hez des esprits formés par les catégories morales du xixe . Ainsi le Sexe demeure synonyme de péché pour Mauriac, et d’amo
321 en ordre, et d’abord sémantique. Laissant l’étude du sexe au biologiste, l’écrivain peut commencer à parler quand il s’agi
322 l’usage non biologique de la sexualité au service du plaisir, des beaux-arts, et surtout de la littérature. Quelles sont l
323 auteurs érotiques, que par le grand malentendu né du mot « refoulement », mal compris. Les éducateurs se persuadèrent que
324 parents cultivés et chez les moralistes oublieux du fait que le refoulement — non moins que son inverse, l’autosatisfacti
325 technique et de ses horaires, mais plutôt celles du rêve et de ses associations. Disant la menace de l’ère technologique
326 estes surréalistes. Freud, lui aussi, était parti du rêve pour étudier les ruses de la libido. Et Jung élargissait au mond
327 une « question sexuelle » durant le premier tiers du xixe . (Il avait formé le projet « d’organiser les libertés amoureuse
328 -quatorze espèces d’adultères, dans sa Hiérarchie du cocuage.) 3. Enfin, la perspective d’une densité moyenne de trois hom
329 me va s’abaisser d’autant. Je vois venir le temps du changement des problèmes. Où mes aînés redoutaient la tentation, c’es
330 t l’échec qui fait peur à mes cadets ; où l’excès du désir, c’est son insuffisance ; où l’obsession sexuelle (janséniste,
331 ue bogomile qu’il n’y a « pas de péché au-dessous du nombril », ou ceux qui croient bonnement avec un chansonnier de mes a
332 r de mes amis « qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien » ? Ou encore — hypothèse optimiste — allons-nous vers une ère c
333 le problème numéro un de la jeunesse ne sera plus du tout la sexualité mais par exemple le choix d’une vocation, où ces to
334 on, où ces tortures morales seront une bizarrerie du passé culturel européen, de même que la faim et la peur ne sont plus,
335 à peu près les seuls qui aient retenu l’attention du public français et par suite de la censure. Mais ce sont des études s
336 tisme ». Car l’érotisme dépend, en fin de compte, du religieux au moins autant que du sexuel. s. Rougemont Denis de,
337 n fin de compte, du religieux au moins autant que du sexuel. s. Rougemont Denis de, « Pour une nouvelle théologie »,