1 1952, Arts, articles (1952-1965). Appel à ceux qui osent être différents (22 mai 1952)
1 Sa vraie fonction dans la cité serait ainsi de n’ en point avoir de nécessaire, de n’être point totalement absorbé par le
2 la liberté : la première est de ne pas l’exercer en actes ; la seconde, d’en supprimer les conditions. La première est no
3 est de ne pas l’exercer en actes ; la seconde, d’ en supprimer les conditions. La première est notre tentation la plus int
4 alyse encore le régime des échanges de tout ordre en Europe, le nationalisme fut une création d’écrivains, de poètes, héla
5 tion d’une tyrannie, à force de mensonges tolérés en silence (on nous en abreuve ces jours-ci !), soit au contraire de for
6 à force de mensonges tolérés en silence (on nous en abreuve ces jours-ci !), soit au contraire de former une équipe, mode
7 ce serait tout simplement l’abandonner à ceux qui en abuseront demain, qui sauront vous forcer à être totalement et unique
2 1957, Arts, articles (1952-1965). L’ère des loisirs commence (10 avril 1957)
8 nt une distribution socialisée des biens produits en abondance à très bas prix ; que la mise en valeur de l’Afrique, de l’
9 oduits en abondance à très bas prix ; que la mise en valeur de l’Afrique, de l’Asie, des régions polaires offrira de nouve
10 hnique les libère subitement à ce degré-là ? Je n’ en sais rien. Savait-on beaucoup mieux, aux environs de 1830, ce qu’alla
11 en soi, mais bien l’usage qu’un peuple a décidé d’ en faire : chars et wagons en Occident, jouets et ornements chez les Azt
12 u’un peuple a décidé d’en faire : chars et wagons en Occident, jouets et ornements chez les Aztèques.) Ce qui est certain,
13 e de cette invasion de la culture, nul ne saurait en préjuger : je dis seulement que tout y mène pour le meilleur et pour
14 t je n’imagine pas de drogue assez puissante pour en détourner le genre humain4. Je sais bien que la vie religieuse la plu
15 tense a signifié longtemps ascèse et renoncement, en Occident comme en Orient. (En fait, elle est surtout — et devrait êtr
16 ongtemps ascèse et renoncement, en Occident comme en Orient. (En fait, elle est surtout — et devrait être — accession à la
17 èse et renoncement, en Occident comme en Orient. ( En fait, elle est surtout — et devrait être — accession à la vérité, et
18 echnique conduirait aux religions. L’ascèse était en fait une résistance à la technique sous ses formes primitives, comme
19 e s’appuyaient sur l’objet de leur renoncement et en dépendaient étroitement. L’ascèse de demain pourra difficilement pren
20 a technique précisément qui nous permet ce retour en créant du loisir. Et quant à la mystique, elle suppose avant tout la
21 ur a fait son temps5. Et je ne dis pas qu’elles s’ en priveront. Mais je vois aussi que la culture répand déjà dans un publ
22 ui englobe ici les grandes parades totalitaires — en bénéficieront très certainement. Et l’on sait, d’autre part, que la p
23 délivré des soucis quotidiens. La preuve qu’il n’ en est rien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans les pires
24 valeurs a dominé jusqu’à nos jours. Elle explique en partie la résistance des syndicats aux techniques créatrices de loisi
3 1960, Arts, articles (1952-1965). Remise en question par l’Afrique et l’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur (21 septembre 1960)
25 eur (21 septembre 1960)d e La civilisation née en Europe a dominé le monde pendant des siècles. Elle est encore, à notr
26 i on la compare à d’autres, passées, présentes ou en formation, on s’aperçoit qu’elle s’en distingue par deux grands trait
27 résentes ou en formation, on s’aperçoit qu’elle s’ en distingue par deux grands traits généralement tenus pour des causes d
28 inces avaient réponse à tout. Nous, au contraire, en Occident, et en Europe bien plus qu’en Amérique, nous souffrons d’une
29 ponse à tout. Nous, au contraire, en Occident, et en Europe bien plus qu’en Amérique, nous souffrons d’une espèce d’inquié
30 contraire, en Occident, et en Europe bien plus qu’ en Amérique, nous souffrons d’une espèce d’inquiétude essentielle. Nous
31 ux sources vives de notre civilisation, et qu’ils en sont inséparables. Je les rattache à nos plus grandes traditions : le
32 toujours fuyant, il est soutenu par sa confiance en la raison et l’expérience vérifiante. La même exigence de rigueur qui
33 n de la vérité. On serait tenté de répondre qu’il en est bien ainsi, quand on entend les intellectuels libéraux d’aujourd’
34 la vérité absolue ». Il serait peut-être erroné d’ en déduire que l’Occidental nie l’existence d’une vérité en soi : simple
35 s plus de machines. Mais parmi ces machines, il s’ en trouve une qui peut causer en peu d’instants la mort certaine de notr
36 ces machines, il s’en trouve une qui peut causer en peu d’instants la mort certaine de notre civilisation. Définition par
37 e Progrès semble contradictoire dès qu’on tente d’ en mesurer les effets historiques. Il n’en serait pas moins vain d’imagi
38 n tente d’en mesurer les effets historiques. Il n’ en serait pas moins vain d’imaginer qu’on puisse l’éliminer ou l’oublier
39 l’éliminer ou l’oublier. Admettons que l’Europe, en la formant, ait « infecté » le monde entier : le monde ne s’en guérir
40 , ait « infecté » le monde entier : le monde ne s’ en guérira plus. À supposer qu’il la refoule un jour, elle renaîtrait ir
41 les « hérésies du Progrès » sont bel et bien nées en Europe, encore qu’elles n’aient vraiment déployé leurs effets que dan
42 eur contexte original, elles n’étaient plus mises en échec par trop de coutumes anciennes ou de limitations posées en part
43 op de coutumes anciennes ou de limitations posées en partie par des excès contraires. Si l’Europe d’aujourd’hui s’effraye
44 lyse), ce que les Soviets ont fait de la croyance en l’Histoire, et ce que les peuples de l’Orient proche et lointain risq
45 et réagit, c’est qu’il existe. J’essaierai donc d’ en définir la nature et les exigences. L’Occident n’est pas né comme on
46 maginer ce qu’était le sacré, ce qu’il est encore en Orient. La morale des Anciens est basée sur le rite, et dans le monde
47 et souvent compromise à ce jeu, elle a tout remis en mouvement. Et ce mouvement dans son ensemble, jusqu’à nous, c’est l’«
48 ées par ces trois mondes sont entrées elles aussi en symbiose, et cela d’une manière manifeste dès l’époque des conciles œ
49 pport grec. — L’homme se détache du corps magique en lequel se mêlaient sans fin ni formes nettes les vivants et les morts
50 s choses », dira Protagoras, « de celles qui sont en supposant qu’elles sont, de celles qui ne sont pas en supposant qu’el
51 upposant qu’elles sont, de celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge de tout, on le voit, même des
52 Si la personne du chrétien, dans son équilibre en tension, unit le meilleur de Rome et de la Grèce, elle est aussi mena
53 de du xxe siècle une autre civilisation qui soit en état de surpasser celle qu’a répandue l’Occident ? En même temps qu’i
54 ultures. Dès lors que les échanges se multiplient en fait, que l’Asie s’industrialise, et que le temps de voyages cesse de
55 ps de voyages cesse de nous séparer (nous faisons en un jour d’avion un trajet qui prenait deux ans du temps de Plan Carpi
56 cher un principe transcendant, dont un C. G. Jung en Europe, ou un Aurobindo en Inde, a tenté d’entrevoir la nature. Au st
57 nt, dont un C. G. Jung en Europe, ou un Aurobindo en Inde, a tenté d’entrevoir la nature. Au stade présent de l’Aventure o
58 et matériel : les miracles d’abord (changer l’eau en vin, ou guérir un paralytique) puis les expériences concluantes (l’av
59 t nos usines : Quand vous aurez tout le temps, qu’ en ferez-vous ? (Mais lui, s’il devenait immortel ?) Le problème de l’em
60 techniques, l’attitude utilitariste, l’efficience en un mot, qui ont permis au problème de se poser, sont précisément les
61 grand nombre. Au moment même où l’Occident serait en mesure d’en instituer les conditions pour tous, il se voit appauvri s
62 . Au moment même où l’Occident serait en mesure d’ en instituer les conditions pour tous, il se voit appauvri spirituelleme
63 andis que l’Orient se jette sur nos techniques et en oublie ses valeurs propres, qui seraient celles dont nous aurions le
64 ccidentale, dont la science est la pointe extrême en notre siècle, notre image du monde s’évanouit. Elle échappe à notre r
65 pouvoir éliminer. Le Cosmos tout entier se résout en un voile tissé d’ondes animant le Vide. Quatre-vingt-dix-neuf pour ce
66 -neuf pour cent de la matière cosmique consistent en hydrogène et en hélium, produit à partir de l’hydrogène. Le noyau de
67 de la matière cosmique consistent en hydrogène et en hélium, produit à partir de l’hydrogène. Le noyau de l’hydrogène est
68 e avait pris pour tremplin la très ferme croyance en la réalité de la matière ! Mais derrière ce voile, qu’y a-t-il ? Cett
69 tion d’un au-delà ne se pose plus. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaître et de Gamov, né d’une explosion primitiv
70 pondre ; mais aussi, elle dépasse le monde : rien en lui ne peut m’empêcher, ni moi-même, de me la poser. C’est ainsi que
71 autre intention que de mieux définir la question, en cela fidèle à l’Occident qui m’a formé. Qui voudrait à tout prix une
72 la trouver lui-même, dès lors qu’il sait qu’il n’ en est point de vraiment générale et transposable — il quitterait en esp
73 vraiment générale et transposable — il quitterait en esprit cette expérience humaine qui depuis deux-mille ans a forgé les
4 1961, Arts, articles (1952-1965). L’Amour en cause (1er février 1961)
74 L’Amour en cause (1er février 1961)f g Éros, qui était un dieu pour les Ancie
75 , complexe et encombrant. Mais cela n’est vrai qu’ en Occident, car on n’observe rien de tel en Inde, en Chine ou en Afriqu
76 vrai qu’en Occident, car on n’observe rien de tel en Inde, en Chine ou en Afrique. Comment nous expliquer ce fait ? Et pou
77 n Occident, car on n’observe rien de tel en Inde, en Chine ou en Afrique. Comment nous expliquer ce fait ? Et pourquoi l’é
78 car on n’observe rien de tel en Inde, en Chine ou en Afrique. Comment nous expliquer ce fait ? Et pourquoi l’érotisme est-
79 donné par l’incarnation du Christ, fils de Dieu, en Jésus, fils de Marie — Jésus Christ étant à la fois « vrai Dieu et vr
80 our que l’homme puisse aimer Dieu et tout d’abord en être aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’il soit « tout autre
81 omme puisse s’aimer lui-même, il faut qu’il y ait en lui dualité entre l’homme naturel et l’homme nouveau, recréé par l’ap
82 la vie nouvelle de sa personne. Cette vie demeure en partie mystérieuse, étant « cachée avec le Christ en Dieu », mais ell
83 partie mystérieuse, étant « cachée avec le Christ en Dieu », mais elle se manifeste par des actes, dans l’amour du prochai
84 e ou sacrée comme dans les autres religions. Il n’ en est que plus frappant d’observer à quel point les motivations spiritu
85 it son mari… Je dis cela par condescendance, je n’ en fais pas un ordre. Car il vaut mieux se marier que de brûler. » Il n’
86 Car il vaut mieux se marier que de brûler. » Il n’ en reste pas moins qu’aux yeux de l’Apôtre, la chasteté et le célibat co
87 au désir sexuel. Ce phénomène mille fois décrit n’ en demeure pas moins stupéfiant par sa soudaineté et son ampleur. Il est
88 siècle, et même si on lui trouvait des parallèles en d’autres temps, ses moyens d’expression, eux, sont sans précédent. La
89 es spirituels se trouve aux prises et peut entrer en polémique intime. Ce n’est pas l’immoralité plus ou moins grave de ce
90 ulait réprimer. Au lieu de justifier ses rigueurs en décrivant dans sa réalité le danger que la licence sexuelle fait cour
91 les yeux sur la réalité même du sexe : interdit d’ en parler, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom d’impureté. C’
92 antation, d’adaptation psychologique et de remise en ordre morale et spirituelle devait prendre des siècles, et n’est pas
93 tion que nous sommes en train de vivre renouvelle en partie celle du xiie siècle, submerge quelques-unes de ses conquêtes
94 fois ceux qui expriment la révolution et ceux qui en subissent les effets. Prenez un Européen cultivé — homme ou femme — f
95 s depuis cinquante ans de Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt,
96 rs de l’école « noire » et les films des metteurs en scène suédois, français et italiens, pour le grand public. Que verra
97 discipline des mœurs » et la « pornographie » qui en serait la cause, il se sent indigné et inquiet. S’il est sérieux, s’i
98 sychologiques que la morale bourgeoise ne voulait en connaître, et que le puritanisme n’en tolère. Or, ces réalités, quoi
99 ne voulait en connaître, et que le puritanisme n’ en tolère. Or, ces réalités, quoi qu’on en juge, sont au moins aussi quo
100 tanisme n’en tolère. Or, ces réalités, quoi qu’on en juge, sont au moins aussi quotidiennes et obsédantes que les réalités
101 tes que les réalités économiques qui, d’ailleurs, en dépendent dans une certaine mesure, comme le confort dépend de notre
102 nous posent des problèmes qu’on ne résoudra plus en les niant. Les découvertes de l’analyse des profondeurs, l’affaibliss
103 dans le même sens, irréversible. Je vois bien qu’ en remettant en question l’ensemble des rapports personnels et sociaux,
104 sens, irréversible. Je vois bien qu’en remettant en question l’ensemble des rapports personnels et sociaux, éthiques et s
105 ne évolution aussi rapide, on ne pourra sortir qu’ en avant, et non point par des retours aux disciplines d’antan. Il s’agi
106 nous conduit, peut-être serons-nous un peu mieux en mesure de courir notre risque personnel, d’assumer notre amour et d’a
107 plus libres. f. Rougemont Denis de, « L’Amour en cause », Arts, Paris, 1–6 février 1961, p. 1 et 4. g. Présenté par c
108 de l’érotique occidentale : Don Juan et Tristan, en suivant leurs métamorphoses dans la vie et l’œuvre de Kierkegaard, Ni
5 1961, Arts, articles (1952-1965). Les quatre amours (9 mai 1961)
109 tré et imprégné de vacuité, ce vertige accompagne en silence la pensée des hommes d’aujourd’hui et leur action. Le miracle
110 D’autres mondes parallèles, qui seraient le nôtre en creux ? Mais nous voulons l’au-delà, et non pas le contraire de nos a
111 ’avait-il vu ? Quel autre monde ? Et pourquoi n’y en aurait-il qu’un ? Il y a le monde du Vide, l’autre monde de la scienc
112 présence instante. Il n’est pas nous. Mais il y a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’est pas de ce monde », et qui po
113 il est plus nous-mêmes que nous, parce qu’il est en chacun de ceux qui le reçoivent « le Fils de Dieu », la part céleste,
114 la Nature, la Parabole — mais ici, maintenant, et en toi-même. Le Royaume du ciel est un point, le point d’éternité posé d
115 que l’amour les a formées : nous le reconnaissons en elle, comme il les appelait en nous. L’amour seul explique tout, et l
116 s le reconnaissons en elle, comme il les appelait en nous. L’amour seul explique tout, et l’être-en-soi n’est qu’un mot dé
117 y aurait pas même le vide. L’amour a créé le vide en déployant l’attrait, que l’on nomme énergie ou désir, selon l’ordre p
118 e la morale et de la culture occidentale, avant d’ en retrouver quelques-unes mieux comprises, au retour d’un Orient de l’e
119 crois bien n’avoir jamais douté de tout cela, qu’ en vertu et au nom de l’Amour. Il est la grâce indubitable. Je n’ai pas
120 le Tout enfin contemplé. Quand l’Amour sera tout en tous, lors du renouvellement de toutes les choses. L’amour étant l’in
121 our divin, venant de Dieu retourne à Dieu, posant en son point de réflexion et de résonance dans la créature, un moi nouve
122 iser.) Le mot posé, quelle est la voie de l’amour en l’homme ? L’expérience méditée, — et que j’espère banale (au sens pro
123 ance. Elle naît et se développe quand je découvre en moi, mais devine aussitôt dans l’autre, la personne. Nul ne peut dist
124 e règle d’or est la norme morale, par excellence, en tout domaine, bien dans celui de l’érotique que l’éducation, l’amitié
125 our « point le cœur », oppresse le souffle, brûle en rêve, et reste loin d’imaginer la possession. Mais s’il précède le d
126 sexe, mais elles proviennent d’une contamination en sens inverse : si la sexualité peut signifier l’amour, c’est parce qu
127 ’amour que lui donne l’Occident moderne — quoi qu’ en pense la morale moyenne (très rarement codifiée, longuement invétérée
128 laïques. Cette morale tient le sexe pour mauvais en principe. Comme elle sent qu’une telle attitude est plus hérétique qu
129 l demeure dans les sphères périssables et ne peut en sortir quand il veut. (Chandogya upanishad, 7, 25.) Pensez-vous que
130 re avec l’ensemble de ses facultés.) La sexualité en elle-même ne me paraît pas indifférente pour l’esprit. Mais elle n’es
131 é de l’abstraction et de l’audace logique, semble en voie de rejoindre en perspective l’extrême de l’amour intuitif : la v
132 de l’audace logique, semble en voie de rejoindre en perspective l’extrême de l’amour intuitif : la vue mystique. Les c
133 resque personne ne prend la peine ou le plaisir d’ en déchiffrer l’idéogramme. C’est trop sérieux pour les joueurs, et pour
134 âme, et le sait, a lieu d’être masochiste et de s’ en réjouir). Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’amour :
135 atre feuilles : transformer la tige de l’instinct en quatrième feuille). Conception de l’amour : la gourmandise. « Ce qui
136 , une flèche à quatre pans), contredire et mettre en parallèle, opposer pour équilibrer. Correspond à l’intellect, à la pe
137 , est celui qui est coupé de l’âme, ou ne sait qu’ en faire et la nie). Conception de l’amour : l’équilibre exigeant l’éch
6 1962, Arts, articles (1952-1965). Sartre contre l’Europe (17 janvier 1962)
138 un, c’est la création de Jean Monnet, pensent-ils en simplifiant un peu. Or le Marché commun fonctionne, puisque la Grande
139 e d’animation et l’organe d’équilibre. Je reviens en Europe, « notre patrie » — comme disait Æneas Sivius au xve siècle.
140 ? Je trouve plusieurs dizaines d’ouvrages publiés en deux mois, dans toutes nos langues, sur l’intégration de l’Europe et
141 t de l’exportation battent tous nos records. Sauf en Italie, le chômage a disparu, en dépit des progrès de l’automation. U
142 oclame que l’Europe est « foutue », qu’elle est «  en grand danger de crever », qu’elle « agonise », qu’elle a fait « eau d
143 re qui nous offre « un moyen de guérir l’Europe » en nous faisant tous passer dans le camp de ses ennemis. Ceux-ci n’auron
144 ation par les Blancs n’a pas duré « des siècles » en Afrique, mais environ, et en moyenne, quatre-vingts ans — de 1882 à n
145 duré « des siècles » en Afrique, mais environ, et en moyenne, quatre-vingts ans — de 1882 à nos jours pour les neuf dixièm
146 isin, payent un tribut aux Yorubas, se rattrapent en imposant les Houédas et en battant périodiquement les Popos. En 1884,
147 Yorubas, se rattrapent en imposant les Houédas et en battant périodiquement les Popos. En 1884, le dictionnaire de Grégoir
148 s Houédas et en battant périodiquement les Popos. En 1884, le dictionnaire de Grégoire décrit ainsi l’état du pays : « Le
149 de cet heureux pays date de 1892. Elle se termine en 1960 par la création d’une république souveraine et démocratique de p
150 millions d’habitants, dont le président est reçu en grande pompe à l’Élysée en 1961. Je laisse à MM. Sartre et Fanon le s
151 le président est reçu en grande pompe à l’Élysée en 1961. Je laisse à MM. Sartre et Fanon le soin de démontrer que cet ex
152 on le soin de démontrer que cet exemple n’infirme en rien leurs thèses, ou ne compte pas. Je leur laisse à démontrer diale
153 e qui, autrement, ne vaut plus grand-chose. Ils n’ en feront rien, car la passion ne s’embarrasse pas de faits et leur pass
154 D’ailleurs, « l’Européen n’a pu se faire homme qu’ en fabriquant des esclaves » (eh quoi ! n’était-il pas humain avant le x
155  ! n’était-il pas humain avant le xvie siècle ?) En quittant le tiers-monde, l’Europe aurait donc signé son arrêt de mort
156 rité stupéfiante. L’Europe n’est pas « finie », n’ en déplaise à nos furieux, mais elle commence à peine et grandit puissam
157 arxisme — d’ailleurs emprunté à l’Europe. Mais qu’ en est-il de Sartre en cette lugubre affaire ? Il nous faut expliquer l’
158 emprunté à l’Europe. Mais qu’en est-il de Sartre en cette lugubre affaire ? Il nous faut expliquer l’anachronisme. Sartre
159 jet de pacte pour les États-Unis d’Europe, publié en 1950 chez Nagel. Sartre arrive un peu tard avec sa diatribe contre un
160 i le pratiquent encore. Sa préface ne représente, en fait, qu’un appendice pour le moins superflu à la longue tradition de
161 in de l’Histoire », et d’Auguste Comte qui voyait en elle « le privilège effectif du principal développement social », ces
162 s philosophes croyaient servir nos vraies valeurs en nous mettant — vainement d’ailleurs — en garde contre notre expansion
163 valeurs en nous mettant — vainement d’ailleurs — en garde contre notre expansion inévitable. Ils n’ont sauvé de la sorte
164 s, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et d’ en tirer les conséquences pratiques, pour le tiers-monde et pour l’Europ
7 1962, Arts, articles (1952-1965). Le miracle européen a créé le monde civilisé (6 juin 1962)
165 re. On ne peut y lire un destin. Chaque géographe en tire d’ailleurs ce qu’il lui plaît. C’est ainsi qu’Hippocrate, au ve
166 ques vivaient dans un climat trop égal, tandis qu’ en Europe, dit-il, « les passages rapides d’un extrême à l’autre stimule
167 universelle, de Mantelle et Brun, publiée à Paris en 1816, reconnaît que l’Europe historique n’est pas née de sa géographi
168 nt, d’un appendice occidental de l’Asie », mais n’ en serait pas moins « la partie précieuse de l’univers terrestre, la per
169 e cerveau d’un vaste corps ». Voici le passage : En sortant des mains de la nature, notre partie du monde n’avait reçu au
170 autre péninsule de l’Asie, à peu près comparable en étendue à l’Europe de l’Ouest, mais bien plus riche en hommes et en m
171 endue à l’Europe de l’Ouest, mais bien plus riche en hommes et en matières premières, n’offre guère aux yeux de l’historie
172 ope de l’Ouest, mais bien plus riche en hommes et en matières premières, n’offre guère aux yeux de l’historien qu’une déca
173 pourtant le tiers de l’humanité vers 1850, et qui en sont encore près du quart aujourd’hui (ils n’en seront sans doute plu
174 i en sont encore près du quart aujourd’hui (ils n’ en seront sans doute plus que moins du cinquième en l’an 2000, selon les
175 ’en seront sans doute plus que moins du cinquième en l’an 2000, selon les démographes — qui prédisent donc le contraire de
176 s les plus lointaines, et cela dès le ive siècle en Afrique du Nord, en Inde du Sud — sur la côte de Malabar — et jusqu’e
177 s, et cela dès le ive siècle en Afrique du Nord, en Inde du Sud — sur la côte de Malabar — et jusqu’en Extrême-Orient — o
178 n Inde du Sud — sur la côte de Malabar — et jusqu’ en Extrême-Orient — on compte plus de soixante évêchés nestoriens dans l
179 siècle, sous la dynastie Tang — et vers l’ouest, en Islande, au Labrador, en Amérique du Nord, peut-être même jusqu’au Yu
180 Tang — et vers l’ouest, en Islande, au Labrador, en Amérique du Nord, peut-être même jusqu’au Yucatan des Mayas et jusqu’
181 la synthèse européenne. Notre idée de la science en dérive, comme l’a montré Jaspers, commentant Nietzsche (ce très lucid
182 lucide antichrétien) et nos principes politiques en dérivent. Or notre idée de la science et nos principes d’égalité, de
183 se de Tyr par le grand dieu des Grecs, transformé en taureau, traduit l’Histoire : notre Europe est effectivement venue du
184 sie Mineure le long du Vardar et du Danube, jusqu’ en Rhénanie et en France, d’autre part du delta du Nil, le long des côte
185 long du Vardar et du Danube, jusqu’en Rhénanie et en France, d’autre part du delta du Nil, le long des côtes, remontant le
186 Nil, le long des côtes, remontant le Rhône jusqu’ en Suisse, en France du Nord, peut-être en Grande-Bretagne. Elle est née
187 ng des côtes, remontant le Rhône jusqu’en Suisse, en France du Nord, peut-être en Grande-Bretagne. Elle est née à la civil
188 ône jusqu’en Suisse, en France du Nord, peut-être en Grande-Bretagne. Elle est née à la civilisation par l’effet d’apports
189 ifs intellectuels, techniques et religieux, créés en Mésopotamie, en Égypte et en Phénicie et de là transférés en Crète d’
190 s, techniques et religieux, créés en Mésopotamie, en Égypte et en Phénicie et de là transférés en Crète d’abord — où la pr
191 et religieux, créés en Mésopotamie, en Égypte et en Phénicie et de là transférés en Crète d’abord — où la princesse Europ
192 mie, en Égypte et en Phénicie et de là transférés en Crète d’abord — où la princesse Europe engendra une dynastie, les Min
193 une dynastie, les Minoens — puis, par la mer Égée en Grèce, et de là, sur les terres du Couchant, que les langues sémitiqu
194 pagne au Caucase. Cadmus enfin, le plus fameux, s’ en fut à Rhodes, puis en Thrace ; et comme il désespérait de retrouver s
195 us enfin, le plus fameux, s’en fut à Rhodes, puis en Thrace ; et comme il désespérait de retrouver sa sœur pour la ramener
196 rprétation et de décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est en poursuivant l’image mythique de l’Europe que les nav
197 décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est en poursuivant l’image mythique de l’Europe que les navigateurs phénicie
198 vrirent sa réalité géographique. Mais c’est aussi en renonçant à la trouver telle qu’elle était dans son souvenir que Cadm
199 enture. Mais elle est autre chose encore, si l’on en croit la seconde légende relative à ses origines : celle de Japhet. S
200 sait. Une première culture originale se constitue en Grèce. L’Empire de Rome la diffuse et la transforme. À l’individualis
201 pérer la synthèse improbable de toutes ces forces en conflit latent ou en guerre ouverte. L’Europe et sa culture résulter
202 robable de toutes ces forces en conflit latent ou en guerre ouverte. L’Europe et sa culture résulteront de cette fusion j
203 oxie aux hérésies, cette fermentation se poursuit en vase clos : dans une espèce de creuset d’alchimiste, où s’opèrent les
204 uleuse, aux cités pavées d’or, disait-on, et pour en ramener les trésors avec lesquels son roi comptait payer l’ultime cro
205 et fondateur d’empire — mais pour d’autres… Tout en lui, et d’abord son vrai nom qui est Colón, et son prénom Christophe,
206 n vérité, porteur de l’histoire du monde ! — tout en lui me semble illustrer les traits fondamentaux de notre Europe, lége
207 de la mer Océane », il fallait que Jason eût été en Colchide à la poursuite d’une chimère dorée, que le continent de l’Ou
208 plus qu’un autre aux mers, que son sol fût pauvre en métaux, que l’islam occupât Byzance après Jérusalem, barrant la route
209 croissante, mise à feu d’étages successifs, mise en orbite, et après quelques tours de la Terre, retombée rapide vers le
210  ! D’innombrables connaissances ont été récoltées en route, elles font désormais partie non seulement de la science, mais
211 ue ou politique, enfin la colonisation. De siècle en siècle, les continents découverts et régis par l’Europe se sont libér
212 que vers 1960. L’Europe avait commencé par mettre en relation toutes les parties de la terre qui, avant elle, vivaient dan
213 u’elle avait elle-même formulées et diffusés sans en calculer leurs conséquences. La voici réduite à elle-même, ramenée da
214 Église primitive, envoyant ses évangélistes jusqu’ en Chine, vers l’est ; et vers l’ouest, jusqu’en Islande et aux côtes at
215 squ’en Chine, vers l’est ; et vers l’ouest, jusqu’ en Islande et aux côtes atlantiques de l’Amérique. La victoire militaire
216 isibles, aller toujours plus loin dans l’inconnu, en naviguant avec astuce entre les Charybdes et les Scyllas des excès co
217 qu’il cherchait : il avait calculé qu’il y serait en trente jours. Mais tous ses calculs étaient faux, il trouva les Antil
218 èmes qu’il tentait de résoudre : atteindre l’Inde en contournant l’islam et financer la dernière croisade, ne furent pas r
219 mais vers quoi ? Nous gagnons du temps, mais pour en faire quoi ? Nous augmentons notre puissance, mais qu’en est-il de no
220 e quoi ? Nous augmentons notre puissance, mais qu’ en est-il de nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonheur
8 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe détient les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? (13 juin 1962)
221 hémisphères qu’on peut tracer sur notre globe, il en existe un — et un seul ! — qui se trouve contenir à la fois le 94 % d
222 rappe : c’est que le pôle de cet hémisphère tombe en Europe, exactement au sud de Nantes. Ainsi, d’un point choisi au zéni
223 lisent sur nos mappemondes et cartes économiques, en attendant d’être photographiées par quelque satellite artificiel : L
224 genre humain de vérifier son unité concrète, et d’ en prendre une conscience utile, opérative. Au cœur de l’hémisphère priv
225 sphère privilégié apparaît donc clairement, comme en graphique, la fonction mondiale de l’Europe. Et voilà qui est détermi
226 ne altitude et des fleuves aisément traversables. En proportion de sa surface, n’oublions pas que l’Europe a les plus long
227 rées. Anciens villages et villes d’Europe, vous n’ en trouverez pas deux dont les plans soient superposables. S’ils se ress
228 variété des formes, de complexité des structures. En Amérique, les villages naissent comme au hasard, le long des routes f
229 pionniers : ils ne sont guère enracinés, ils sont en marche. Ces maisons boisées, espacées, bordant une route, on dirait l
230 êtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé d’ en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique,
231 à l’étape, et qui auraient décidé d’en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique, les huttes se
232 d’en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique, les huttes se groupent en rond dans les clairièr
233 là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique, les huttes se groupent en rond dans les clairières ou s’égrè
234 nt en essaims. En Afrique, les huttes se groupent en rond dans les clairières ou s’égrènent le long de la berge d’un fleuv
235 gionalement fédérées. Et voici que tout se résume en un coup d’œil. Car autour de la place d’un simple village d’Europe vo
236 urs facile de dire qu’elles n’ont guère été mises en pratique et qu’il s’agit d’une Europe idéale, qu’on refuse de reconna
237 cender les partis, les ambitions et les doctrines en vogue. Si l’on en juge seulement par les structures sensibles et visi
238 les ambitions et les doctrines en vogue. Si l’on en juge seulement par les structures sensibles et visibles — comme j’ent
239 conditions locales et des exigences collectives — en perpétuelle tension, lutte et conciliation, antinomique et pleinement
240 ’une doctrine prétendument totale et unitaire, il en résulte guerres, révolutions, massacres, explosions d’anarchie suivie
241 istoire plus intense, violente et polémique que n’ en relatent les chroniques d’aucune autre région du monde. Quand les ant
242 ion du monde. Quand les antagonismes se composent en une conciliation pratique, gagée par une institution, ou assurée par
243 t aux trois quarts vides dans nos villages, qui n’ en possèdent pourtant qu’une seule le plus souvent, alors qu’en Amérique
244 t pourtant qu’une seule le plus souvent, alors qu’ en Amérique elles sont pleines chaque dimanche, et on en trouve en génér
245 mérique elles sont pleines chaque dimanche, et on en trouve en général quatre ou cinq pour une commune rurale moyenne de 2
246 urale moyenne de 2000 à 3000 habitants. L’église, en Amérique, est restée mieux que chez nous le centre de la vie sociale
247 suite l’école, l’enseignement. On les disait très en retard sur l’époque, trop attachées aux traditions, et cette critique
248 tachées aux traditions, et cette critique demeure en partie justifiée. Mais, en Amérique, on redécouvre les vertus de la c
249 cette critique demeure en partie justifiée. Mais, en Amérique, on redécouvre les vertus de la culture générale et des huma
250 écentralisée de la production, poussant à la mise en valeur, par l’intermédiaire des communes, des régions défavorisées du
251 a culture n’est qu’un cap de l’Asie, assez pauvre en richesses naturelles, et moins peuplé, je le répète, que l’Inde ou qu
252 esse de la lumière. Je la transpose terme à terme en désignant naturellement l’Europe par E, sa petite masse physique par
253 te densité remarquable d’institutions pluralistes en tension, et à cette lutte toujours ouverte entre tradition et innovat
254 un peu mieux que d’autres la technique. Ailleurs, en Amérique et en Russie, sur des grandes plaines, peu peuplées, voire d
255 e d’autres la technique. Ailleurs, en Amérique et en Russie, sur des grandes plaines, peu peuplées, voire des déserts, la
256 s résistances sérieuses, et comme sur table rase. En Europe, elle est née dans un contexte serré de principes vénérés et d
257 épouvantent aujourd’hui. (Seulement, la presse n’ en parlait pas, et ses effets se sont étalés sur un siècle.) Mais en dév
258 et ses effets se sont étalés sur un siècle.) Mais en développant la technique par la science, en humanisant son emploi par
259 Mais en développant la technique par la science, en humanisant son emploi par les lois sociales, en passant de l’époque n
9 1962, Arts, articles (1952-1965). Le monde entier irrite l’Europe et la méprise autant qu’il la jalouse ! (20 juin 1962)
260 s grands faits dont je voudrais maintenant mettre en valeur la nature et les relations. Premier fait : c’est au cours des
261 s de colonies subsistants, et l’autre par la mise en place d’institutions politiques communes. Coïncidence très remarquabl
262 sion coloniale comme un péché mortel de l’Europe, en ce sens qu’il devait aggraver la dissolution du corps européen en nat
263 devait aggraver la dissolution du corps européen en nations rivales. Et de fait, la nécessité alléguée par les États colo
264 n train de recevoir un démenti tel que l’histoire en offre peu d’exemples. Car en effet, s’ils avaient eu raison, le retra
265 l’Europe avec le monde actuel, je me l’explique, en résumé, comme suit : L’expansion coloniale d’États rivaux, pour crimi
266 our criminelle qu’on veuille la juger, a réveillé en fait les peuples du tiers-monde. Ils ont découvert qu’ils étouffaient
267 iques, ou simplement aventurières, les Européens, en désordre, et sans le moindre plan d’ensemble, du xvie au xixe siècl
268 jours sans réserve, emprisonnent ceux qui osent s’ en réclamer contre eux, mais libèrent en même temps des peuples entiers,
269 aujourd’hui dans un seul mot : colonialisme. Je n’ en connais pas de plus injuste, puisqu’il ne veut retenir que l’injustic
270 ar leurs peuples que nos armées et nos missions n’ en ont jamais détruites ou dénaturées. Mais alors, le retrait de l’Europ
271 uropéisation » de la planète ? Il est difficile d’ en juger, puisque le retrait s’achève à peine. Mais tous les signes véri
272 lonisée. Elle a peut-être tort, mais c’est ainsi. En Afrique noire, récemment libérée, la culture et les langues européenn
273 r des affaires culturelles françaises, qui disait en janvier de cette année : Au Cambodge, toute la jeunesse parle le fra
274 fi que nos administrateurs civils et militaires s’ en aillent, pour que soit décrétée l’adoption immédiate de mesures polit
275 it : nos idéaux et nos pratiques ont été diffusés en désordre, sans aucun plan, sans nulle sagesse régulatrice. Il en rés
276 s aucun plan, sans nulle sagesse régulatrice. Il en résulte deux séries de conséquences qui risquent d’être aussi fâcheus
277 arrêté les seconds, pas plus dans leur empire qu’ en Afrique ou en Asie. Donc, à court terme, il peut sembler que leurs ch
278 conds, pas plus dans leur empire qu’en Afrique ou en Asie. Donc, à court terme, il peut sembler que leurs chances soient m
279 néo-colonialisme ! » Et pourtant, le tiers-monde, en cette affaire, a bien plus à perdre que nous. Ses meilleurs esprits l
280 rendait l’Europe responsable de tous les maux qui en résultent, et de la reviviscence, en Asie et en Afrique, de ce qu’il
281 les maux qui en résultent, et de la reviviscence, en Asie et en Afrique, de ce qu’il appelait « les conceptions partielles
282 i en résultent, et de la reviviscence, en Asie et en Afrique, de ce qu’il appelait « les conceptions partielles ou discréd
283 ielles ou discréditées de l’esprit européen ». Il en donnait l’impressionnante liste que voici : L’évangile du progrès ma
284 e met à l’école de notre civilisation ; mais il n’ en tire pas le meilleur, loin de là, et nous méprise autant qu’il nous j
285 leurs authentiques ? Ou peut-elle encore réagir ? En a-t-elle les moyens matériels et moraux ? m. Rougemont Denis de, «
286 il est vrai, s’opposent encore quand il s’agit d’ en venir à l’union politique. Celle de l’alliance des États, celle de l’
10 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe est un colosse qui s’ignore (encore) (27 juin 1962)
287 ague et stupide tradition ce que nous avons été. En 1847, Sainte-Beuve résume ainsi l’opinion de l’historien Adolphe Thie
288 d’habitants. L’Europe à l’ouest du rideau de fer en compte 335 millions ; les sept États européens actuellement soumis à
289 s qu’elle, qui n’atteindraient même pas sa taille en montant l’un sur l’autre. Mais vous me direz que la puissance réelle
290 rez que la puissance réelle de l’Europe n’est pas en proportion de sa population. C’est exact en ce sens que, par tête d’h
291 t pas en proportion de sa population. C’est exact en ce sens que, par tête d’habitant, la production américaine dépasse en
292 e rythme d’accroissement est beaucoup plus rapide en Europe qu’aux États-Unis. Et quant aux chiffres absolus, l’Europe occ
293 production de savants de premier ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences de 1901 — date la création du prix — à 1
294 335 millions, voire de 430 millions d’habitants ( en comptant les satellites européens de l’URSS), mais seulement le citoy
295 conscience de cette vocation assumée par ceux qui en sont les responsables — et d’autre part, de la puissance d’autres cul
296 ndent à sa succession. Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant qu’une bonne partie de l’élite intellectuelle occident
297 quérantes du communisme. À cela, je vais répondre en renvoyant aux faits, une fois de plus : la prospérité économique de l
298 que rien ne dépasse et n’atteint même de loin, ni en Orient, ni en Afrique, indiquent une renaissance et non une décadence
299 passe et n’atteint même de loin, ni en Orient, ni en Afrique, indiquent une renaissance et non une décadence. Mais il y a
300 le père s’était fait protestant, et qui écrivait en Angleterre des articles pour le New York Herald Tribune. (Ces article
301 ailleurs, sous le nom de marxisme dialectique. Qu’ en serait-il alors d’un autre successeur, hypothétique, reprenant de nos
302 ournent vers l’Europe, même quand ils l’injurient en la copiant. Pour le dire en une phrase, voici ce que je constate. Le
303 quand ils l’injurient en la copiant. Pour le dire en une phrase, voici ce que je constate. Le Sud-Est de l’Asie jalouse la
304 t l’imiter ; mais la Chine court après la Russie, en espérant la battre sur son propre terrain ; et la Russie proclame dep
305 uccesseurs ? Je ne vois que des imitateurs un peu en retard qui, bien souvent, caricaturent nos pires défauts. Non, nous n
306 uts. Non, nous n’échapperons pas à notre vocation en prétextant notre faiblesse, ou ces crimes d’un passé récent dont le t
307 en qu’une division de nos forces — et nous sommes en bon train de les unir — mais non pas une absence de forces potentiell
308 seules les techniques qu’elle a su inventer sont en mesure de les entretenir. L’Europe reste le cœur de tout système d’éc
309 s parce que son commerce international représente en valeur plus du double de celui des États-Unis, et près de dix fois ce
310 spirituels, tout désigne l’Europe pour les mettre en mouvement et pour les orienter vers un dialogue fécond. Tout, et d’ab
311 e pas une trace avant elle sur Terre. L’Amérique, en tout cela, apporte une aide puissante, mais les initiatives sont venu
312 librer technique et tradition, par exemple. C’est en Allemagne, en Angleterre, en France, en Suisse que les techniques ind
313 ue et tradition, par exemple. C’est en Allemagne, en Angleterre, en France, en Suisse que les techniques industrielles ont
314 , par exemple. C’est en Allemagne, en Angleterre, en France, en Suisse que les techniques industrielles ont pris le départ
315 le. C’est en Allemagne, en Angleterre, en France, en Suisse que les techniques industrielles ont pris le départ à l’orée d
316 s à tisser, puis contre les chaînes de production en Amérique et, récemment, contre l’automation à Coventry : tout cela re
317 ans se douter qu’elles peuvent détruire de proche en proche ses traditions les plus valables et ses équilibres psychiques,
318 an, et finalement des dictatures totalitaires qui en sont l’aboutissement logique dans notre siècle, c’est l’attitude et l
319 ales et des obligations communautaires et la mise en commun des droits « souverains » qu’aucun de nos pays n’est plus en m
320 ts « souverains » qu’aucun de nos pays n’est plus en mesure d’exercer à lui seul, dans le monde actuel. La vocation de l’E
321 t, achevant ainsi son aventure : à faire le monde en se faisant. Le nouvel idéal que réclame la jeunesse, il est là, dans
322 et impuissant mea culpa. Nous ne sommes pas seuls en cause dans cette affaire. Nous sommes pour les autres un espoir, qu’i
323 ous sommes appelés.8 8. Ces textes paraîtront, en volume, en septembre aux Éditions de la Baconnière et chez Albin Mich
324 appelés.8 8. Ces textes paraîtront, en volume, en septembre aux Éditions de la Baconnière et chez Albin Michel. o. Ro
11 1962, Arts, articles (1952-1965). Un refus d’aimer (3 octobre 1962)
325 publicité, et le succès de vente des auteurs qui en parlent. Il est donc en partie mesurable. En revanche, la décadence d
326 de vente des auteurs qui en parlent. Il est donc en partie mesurable. En revanche, la décadence de l’amour est une hypoth
12 1965, Arts, articles (1952-1965). Le déferlement de l’érotisme : pour une nouvelle théologie (5-11 mai 1965)
327 r la « sexualité déchaînée », on cite le triomphe en librairie de Fanny Hill et Justine en livre de poche aux États-Unis.
328 le triomphe en librairie de Fanny Hill et Justine en livre de poche aux États-Unis. Il ne faudrait tout de même pas oublie
329 eu vraisemblable que l’énergie sexuelle ait varié en intensité depuis deux siècles, sous l’effet des modes culturelles. Le
330 s du sexe et de l’érotisme ont entièrement changé en un demi-siècle. En 1906, Freud croit devoir préciser que dans le peti
331 rotisme ont entièrement changé en un demi-siècle. En 1906, Freud croit devoir préciser que dans le petit ouvrage qu’il pub
332 discussion avec une jeune fille de tels sujets et en un tel langage. Faut-il me justifier aussi de cette accusation ? » En
333 Mauriac, et d’amour pour Simone de Beauvoir, si j’ en juge par leurs derniers écrits. Chez les plus jeunes, combien savent
334 et de problématiques libérations appelle une mise en ordre, et d’abord sémantique. Laissant l’étude du sexe au biologiste,
335 rature. Quelles sont les causes de ce phénomène ? En voici trois, prises à dessein dans des domaines absolument indépendan
336 s hommes au mètre carré dans quelques siècles, et en tout cas d’un doublement de l’humanité (bouches à nourrir et bras à o
337 este, la famine et la guerre déjà neutralisées ou en voie de l’être, restent les disciplines contraceptives et certains ph
338 le. Ce phénomène qui va sans doute se généraliser en Occident correspondrait pour l’espèce à ce qu’est l’âge mûr pour l’in
339 s dans la plupart de nos pays, et à tout le monde en France, les Hindous l’ont sculpté au fronton de leurs temples, pour q
340 ulpté au fronton de leurs temples, pour que nul n’ en ignore s’il désire la sagesse. Mais la censure ne saurait empêcher l’
341 Occident comment le mythe de l’amour s’est formé en Europe au Moyen Âge et a distingué dans Comme toi-même tout ce qui