1
rnativement ou simultanément — qu’il soit prêtre
et
iconoclaste, directeur de conscience et mauvaise tête, mage et scept
2
t prêtre et iconoclaste, directeur de conscience
et
mauvaise tête, mage et sceptique, écrivain public et accusateur publi
3
, directeur de conscience et mauvaise tête, mage
et
sceptique, écrivain public et accusateur public, créateur de son prop
4
mauvaise tête, mage et sceptique, écrivain public
et
accusateur public, créateur de son propre langage et succès de vente,
5
accusateur public, créateur de son propre langage
et
succès de vente, excentrique et engagé, monstre et vedette. Dans les
6
on propre langage et succès de vente, excentrique
et
engagé, monstre et vedette. Dans les périodes de crise, la société de
7
t succès de vente, excentrique et engagé, monstre
et
vedette. Dans les périodes de crise, la société devrait le fusiller o
8
iales les plus diverses, avec les masses immenses
et
formées au hasard d’auditeurs de radio, de lecteurs de journaux, de s
9
loigné du lieu commun, de ce que peuvent entendre
et
comprendre ces masses. Voilà qui constitue pour l’écrivain de notre t
10
seulement intellectuel, mais civique, mais moral,
et
enfin politique. Devant ce défi, certains sont tentés de fuir, de se
11
défi, certains sont tentés de fuir, de se dérober
et
de plaider irresponsable ; mais d’autres sont tentés de se conformer
12
rence, mais secrètement complices, du retrait pur
et
simple d’une part, ou du conformisme pur et simple d’autre part, l’un
13
t pur et simple d’une part, ou du conformisme pur
et
simple d’autre part, l’une et l’autre de ces démissions présentant l’
14
du conformisme pur et simple d’autre part, l’une
et
l’autre de ces démissions présentant l’avantage immédiat de supprimer
15
élée problématique. Je reconnais cette situation.
Et
je l’accepte. Je lui trouve une certaine analogie avec la situation d
16
dans le monde, selon la grande parole évangélique
et
paulinienne : « Soyez dans le monde comme n’étant pas du monde. » Et
17
Soyez dans le monde comme n’étant pas du monde. »
Et
cette formule, me semble-t-il, fournit la clé. Précisément parce que
18
r définition le symbole, le témoin de la liberté,
et
non seulement de la sienne propre ou de celle de son art, mais de la
19
de celle de son art, mais de la liberté de chacun
et
de ses conditions pour tous. Au monde comme n’étant pas du monde, dan
20
là sa liberté, qu’il s’agit maintenant d’assumer,
et
de défendre. Car un double péril la menace, l’un intérieur, l’autre e
21
s d’engagement personnel de l’écrivain comme tel.
Et
il n’est pas question non plus de réduire la littérature au témoignag
22
us de réduire la littérature au témoignage social
et
politique, mais bien de prendre conscience de ses implications réelle
23
devant toute espèce d’action publique, se croient
et
se sentent impuissants devant les forces brutales et collectives qui
24
se sentent impuissants devant les forces brutales
et
collectives qui mènent le monde. Mais je vois d’autre part que ces fo
25
’œuvres écrites. Le nationalisme qui nous étrique
et
qui paralyse encore le régime des échanges de tout ordre en Europe, l
26
fut une création d’écrivains, de poètes, hélas !
et
de philosophes. Ceci pour nous ; et, de l’autre côté, d’immenses pays
27
ètes, hélas ! et de philosophes. Ceci pour nous ;
et
, de l’autre côté, d’immenses pays et des centaines de millions d’homm
28
pour nous ; et, de l’autre côté, d’immenses pays
et
des centaines de millions d’hommes subissent aujourd’hui un régime is
29
r les yeux devant ces faits ? Comment nier encore
et
refuser notre pouvoir de changer le monde, j’entends de préparer, et
30
uvoir de changer le monde, j’entends de préparer,
et
parfois de créer des conditions intellectuelles et morales qui ménage
31
t parfois de créer des conditions intellectuelles
et
morales qui ménagent soit l’acceptation d’une tyrannie, à force de me
32
, soit au contraire de former une équipe, modeste
et
dure, de résistants, dont la seule existence modifie quelque chose, u
33
demain, qui sauront vous forcer à être totalement
et
uniquement du monde, de leur monde, et à clamer d’une de ces voix mor
34
totalement et uniquement du monde, de leur monde,
et
à clamer d’une de ces voix mornes et droguées, qu’on ne reconnaît plu
35
leur monde, et à clamer d’une de ces voix mornes
et
droguées, qu’on ne reconnaît plus pour la sienne, la louange de leur
36
être différents », Arts, Paris, 22 mai 1952, p. 1
et
13.
37
le travail qui occupait l’essentiel de nos jours,
et
dont dépendait notre sort : salaire, nourriture et logement. Si la te
38
t dont dépendait notre sort : salaire, nourriture
et
logement. Si la technique, demain — comme elle le peut — permet à la
39
tous nos besoins « matériels » soient satisfaits (
et
bien mieux qu’aujourd’hui) : alimentation et transports, habitation,
40
its (et bien mieux qu’aujourd’hui) : alimentation
et
transports, habitation, hygiène, et distractions. Je vois bien l’aspe
41
alimentation et transports, habitation, hygiène,
et
distractions. Je vois bien l’aspect théorique de ces calculs ; qu’ils
42
offrira de nouvelles « occasions de travail »2 ;
et
qu’enfin la guerre atomique peut tout compromettre dans l’œuf. Mais l
43
dans l’œuf. Mais l’œuf est là, portant son germe
et
notre avenir : cet avenir qu’il nous faut accepter de dévisager hardi
44
r nos descendants. Tout peut changer radicalement
et
d’ici peu, bien moins par suite de facteurs matériels que j’aurais ou
45
l’usage qu’un peuple a décidé d’en faire : chars
et
wagons en Occident, jouets et ornements chez les Aztèques.) Ce qui es
46
d’en faire : chars et wagons en Occident, jouets
et
ornements chez les Aztèques.) Ce qui est certain, c’est que le progrè
47
tions se manifesteront d’une manière transparente
et
seront suivis d’effets presque immédiats. Ce sont ces vœux et ces ori
48
ivis d’effets presque immédiats. Ce sont ces vœux
et
ces orientations que l’on peut essayer d’induire de notre état d’espr
49
médiatement vers les voyages, le sport, les jeux,
et
l’érotisme. L’expérience des vacances payées nous l’a fait voir à une
50
née par les populations du cercle arctique (Suède
et
Norvège), condamnées au loisir pendant six mois d’hiver : elles se to
51
plé ou centuplé pendant ce siècle les instruments
et
moyens de culture. On y publie plus de livres que jamais et à vil pri
52
de culture. On y publie plus de livres que jamais
et
à vil prix : les bibliothèques et les foyers de culture locaux se gén
53
vres que jamais et à vil prix : les bibliothèques
et
les foyers de culture locaux se généralisent ; toute la peinture mond
54
ute la musique nous vient à domicile par la radio
et
par le disque ; les conférences, causeries et discussions publiques s
55
dio et par le disque ; les conférences, causeries
et
discussions publiques se tiennent par dizaines de milliers dans nos p
56
izaines de milliers dans nos pays démocratiques ;
et
l’instruction publique est heureusement doublée par des centaines d’o
57
ment de l’histoire, découverte du monde, sciences
et
techniques, politiques, religions3… C’est dire que nous multiplions d
58
je dis seulement que tout y mène pour le meilleur
et
pour le pire. C’est dire que tout nous mène vers une ère religieuse.
59
créatrices, des mathématiques pures à la poterie,
et
de la métaphysique à la sculpture des meubles. C’est ainsi que la tec
60
ce, nous ramènera demain aux options religieuses.
Et
je n’imagine pas de drogue assez puissante pour en détourner le genre
61
ieuse la plus intense a signifié longtemps ascèse
et
renoncement, en Occident comme en Orient. (En fait, elle est surtout
62
ent comme en Orient. (En fait, elle est surtout —
et
devrait être — accession à la vérité, et peu importent les moyens.) O
63
urtout — et devrait être — accession à la vérité,
et
peu importent les moyens.) On voit donc mal, à première vue, comment
64
de retrait en deçà du dogme formulé ; mais l’une
et
l’autre s’appuyaient sur l’objet de leur renoncement et en dépendaien
65
utre s’appuyaient sur l’objet de leur renoncement
et
en dépendaient étroitement. L’ascèse de demain pourra difficilement p
66
nt qui nous permet ce retour en créant du loisir.
Et
quant à la mystique, elle suppose avant tout la connaissance précise
67
d — vit simplement sur les reliefs épars du dogme
et
de la liturgie dans la culture dont il est imprégné. Voilà pourquoi l
68
prégné. Voilà pourquoi la connaissance des dogmes
et
des opinions premières de nos religions sera demain la première condi
69
ns sera demain la première condition des hérésies
et
gnoses qui vont paraître : elles ne feraient autrement que répéter de
70
ctrines dont le style créateur a fait son temps5.
Et
je ne dis pas qu’elles s’en priveront. Mais je vois aussi que la cult
71
évision, la radio, apportant le monde à domicile,
et
les spectacles solennels organisés par l’art ou par le sport préparen
72
és par l’art ou par le sport préparent les masses
et
les individus à des liturgies imprévues. Les religions de « divertiss
73
otalitaires — en bénéficieront très certainement.
Et
l’on sait, d’autre part, que la passion pour l’occulte ne cesse de gr
74
eau, voilà qui nous oblige à reconsidérer le sens
et
la nature finale du Progrès. 1. L’Encyclopédie de 1765 définit le
75
tellectuelles, aux dépens des activités manuelles
et
mécaniques, entraîne et suppose un progrès culturel (qu’il soit appel
76
s des activités manuelles et mécaniques, entraîne
et
suppose un progrès culturel (qu’il soit appelé loisir ou travail). 3
77
) L’intelligentsia berlinoise, puis new-yorkaise,
et
une partie de la parisienne, au xxe siècle, se crurent et furent dan
78
rtie de la parisienne, au xxe siècle, se crurent
et
furent dans une large mesure antireligieuse ou areligieuse. Le surréa
79
cessé de chercher une vision religieuse du monde
et
de la vie, bien plus antichrétien par cela même qu’un J.-P. Sartre, q
80
la littérature occidentale s’est amorcé dès 1919,
et
n’a pas cessé de s’amplifier. 5. Nos sectes orientalistes me font pa
81
sirs commence », Arts, Paris, 10 avril 1957, p. 1
et
5. c. Texte conclu par cette note : « Copyright Denis de Rougemont.
82
Remise en question par l’Afrique
et
l’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur (21
83
se : je veux parler d’une inquiétude fondamentale
et
d’un désordre permanent. Les Chinois et les Égyptiens, les Sumériens
84
damentale et d’un désordre permanent. Les Chinois
et
les Égyptiens, les Sumériens et les Romains, les Aztèques et les Maya
85
nent. Les Chinois et les Égyptiens, les Sumériens
et
les Romains, les Aztèques et les Mayas, avaient créé des ordres stabl
86
tiens, les Sumériens et les Romains, les Aztèques
et
les Mayas, avaient créé des ordres stables. Leurs prêtres et leurs pr
87
s, avaient créé des ordres stables. Leurs prêtres
et
leurs princes avaient réponse à tout. Nous, au contraire, en Occident
88
réponse à tout. Nous, au contraire, en Occident,
et
en Europe bien plus qu’en Amérique, nous souffrons d’une espèce d’inq
89
maquis de contradictions morales, intellectuelles
et
pratiques. D’où viennent cette inquiétude fondamentale et ce désordre
90
ques. D’où viennent cette inquiétude fondamentale
et
ce désordre permanent, que les meilleurs esprits déplorent depuis des
91
emontent aux sources vives de notre civilisation,
et
qu’ils en sont inséparables. Je les rattache à nos plus grandes tradi
92
à nos plus grandes traditions : le christianisme
et
l’esprit scientifique. Notre inquiétude provient de notre foi, et nos
93
ntifique. Notre inquiétude provient de notre foi,
et
nos incertitudes sont créées par la nature même de nos certitudes. Ce
94
es « qu’il n’y a pas un juste, pas même un seul »
et
que pourtant il devrait être saint. Il sait que le péché consiste à ê
95
éché consiste à être séparé de la Vérité vivante,
et
que tous les hommes sont pécheurs. Il cherche donc. Il cherche à se r
96
che donc. Il cherche à se rapprocher de la Vérité
et
de la sainteté. Dans cet effort sans fin ni cesse, il est pourtant so
97
de son inquiétude ; il sait qu’elle est normale,
et
non désespérée, puisqu’elle est produite par sa foi, c’est-à-dire par
98
établissent les écoles successives sont relatives
et
provisoires, ont été dépassées l’une après l’autre, et que pourtant l
99
ovisoires, ont été dépassées l’une après l’autre,
et
que pourtant la raison d’être de la science est de saisir des vérités
100
ant, il est soutenu par sa confiance en la raison
et
l’expérience vérifiante. La même exigence de rigueur qui, d’une part,
101
, d’être des hommes « qui ont cessé de chercher »
et
« qui se croient les détenteurs de la vérité absolue ». Il serait peu
102
ilisation. Définition par la culture : multiplier
et
populariser les moyens de la créer et de l’assimiler. Mais les plus g
103
multiplier et populariser les moyens de la créer
et
de l’assimiler. Mais les plus grands succès quantitatifs allant régul
104
mesure valable pour l’ensemble d’une civilisation
et
garantissant l’harmonie de nos moyens actuels et de nos buts derniers
105
et garantissant l’harmonie de nos moyens actuels
et
de nos buts derniers. Mais toutes les tentatives faites de nos jours
106
armonie ont causé le maximum de désordre sanglant
et
aggravé le chaos mondial. Ainsi l’idée de Progrès semble contradictoi
107
mouvement de la science qu’on ne peut pas achever
et
, enfin, de la Technique, dont l’Asie et l’Afrique ne paraissent nulle
108
s achever et, enfin, de la Technique, dont l’Asie
et
l’Afrique ne paraissent nullement disposées à refuser les dons ambigu
109
tion. Toutes les « hérésies du Progrès » sont bel
et
bien nées en Europe, encore qu’elles n’aient vraiment déployé leurs e
110
que dans les grands espaces humains des Amériques
et
de l’URSS. Là, comme extraites de leur contexte original, elles n’éta
111
es Soviets ont fait de la croyance en l’Histoire,
et
ce que les peuples de l’Orient proche et lointain risquent de faire d
112
istoire, et ce que les peuples de l’Orient proche
et
lointain risquent de faire du nationalisme — j’y vois le signe que l’
113
t pas blessé, rien ne réagirait ; s’il est blessé
et
réagit, c’est qu’il existe. J’essaierai donc d’en définir la nature e
114
l existe. J’essaierai donc d’en définir la nature
et
les exigences. L’Occident n’est pas né comme on nous dit que naissent
115
mme on nous dit que naissent les grandes cultures
et
civilisations, animées par un rêve qui fait leur destinée et qui comp
116
tions, animées par un rêve qui fait leur destinée
et
qui compense d’abord un sort inaccepté. Il est né comme une aventure,
117
st né comme une aventure, d’un fait très insolite
et
peu croyable, survenu au carrefour hasardeux de traditions diverses,
118
ux de traditions diverses, parfois incompatibles.
Et
ce fait initial nous semble accidentel, j’entends qu’il serait vain d
119
re ». Il porte à l’origine les stigmates du réel,
et
non pas les signes du mythe. Il n’est pas vraisemblable ; il est vrai
120
dain, une grande libération d’énergie spirituelle
et
morale, provoquée par l’intégration instantanée de deux réalités radi
121
réalités radicalement distinctes : le Verbe divin
et
la chair. Pour mesurer l’ampleur de cette révolution, il faut imagine
122
ent. La morale des Anciens est basée sur le rite,
et
dans le monde magique elle n’est que rite. Seule la croyance moderne
123
le la croyance moderne aux « lois de la science »
et
aux « nécessités techniques » en général peut nous donner l’idée de c
124
ue représente alors l’évidence magico-religieuse,
et
de ce qu’entraîne indiscutablement sa transgression. La faute commis
125
Semblablement, saint Augustin dira : « Aime Dieu
et
fais ce que tu voudras. » Or, ces phrases invalident, du point de vue
126
que, les traditions religieuses du Proche-Orient,
et
l’ordre impérial des Romains. Utilisant l’un de ces éléments, écartan
127
cartant l’autre, annexant au passage un troisième
et
souvent compromise à ce jeu, elle a tout remis en mouvement. Et ce mo
128
promise à ce jeu, elle a tout remis en mouvement.
Et
ce mouvement dans son ensemble, jusqu’à nous, c’est l’« Aventure occi
129
n’y est pas seule active, mais elle fut décisive
et
reste axiale : c’est par rapport à elle que nous pourrons mesurer nos
130
, la dérive de notre culture. Dialectique grecque
et
juridisme romain, catalysés par l’exigence chrétienne, ont produit le
131
duit le mot décisif. Mais les réalités politiques
et
sociales élaborées par ces trois mondes sont entrées elles aussi en s
132
rois mondes sont entrées elles aussi en symbiose,
et
cela d’une manière manifeste dès l’époque des conciles œcuméniques.
133
se mêlaient sans fin ni formes nettes les vivants
et
les morts, les dieux et les démons. L’individu prend sa mesure, fragi
134
formes nettes les vivants et les morts, les dieux
et
les démons. L’individu prend sa mesure, fragile et menacé, mortel et
135
t les démons. L’individu prend sa mesure, fragile
et
menacé, mortel et ignorant, il sait qu’il n’est pas dieu, ne rêve pas
136
dividu prend sa mesure, fragile et menacé, mortel
et
ignorant, il sait qu’il n’est pas dieu, ne rêve pas de le devenir, ma
137
tous égards celui qui définit — l’homme du Verbe
et
de l’épithète, « la mesure de toutes choses », dira Protagoras, « de
138
tinct. D’où son orgueil aussi, son astuce égoïste
et
, finalement, cette anarchie sceptique qui, lorsque se perdra la révér
139
orsque se perdra la révérence à l’égard des dieux
et
des lois, livrera la cité « atomisée » à la brutale mise au pas du Ro
140
êt dans la cité maintenue par les cadres du Droit
et
des Institutions dûment hiérarchisées. Ce puritanisme social, cette m
141
u service de l’État, fera la grandeur de l’Empire
et
la pauvreté d’âme de ses sujets. Si la dissociation menaçait en perma
142
disciplines ne sont pas celles de l’âme, que naît
et
se répand le christianisme. Apport chrétien. — La conversion — révol
143
le qui était celle de l’individu selon les Grecs,
et
l’honneur de servir, qui était celui du citoyen romain. Il devient do
144
devient donc un paradoxe vivant : à la fois libre
et
responsable, vraiment distinct et vraiment relié, et singularisé par
145
à la fois libre et responsable, vraiment distinct
et
vraiment relié, et singularisé par la même vocation qui lui fait déco
146
responsable, vraiment distinct et vraiment relié,
et
singularisé par la même vocation qui lui fait découvrir dans tout hom
147
on équilibre en tension, unit le meilleur de Rome
et
de la Grèce, elle est aussi menacée, dans le monde du péché, par un d
148
ané : celui de la fuite vers le salut individuel,
et
celui de l’abandon au sacré collectif — maladie « grecque » et maladi
149
’abandon au sacré collectif — maladie « grecque »
et
maladie « romaine » de la personne. Ainsi, c’est dans la mesure où le
150
le christianisme a signifié la fin des religions
et
des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développement de la Sc
151
semble nuire au groupe, à la tribu, à leurs lois
et
coutumes sacrées, que l’on prend pour l’Ordre et le Bien. L’« eppur »
152
et coutumes sacrées, que l’on prend pour l’Ordre
et
le Bien. L’« eppur » de Galilée me paraît plus « chrétien » que l’ind
153
proprement dite, c’est que les mobiles spirituels
et
les impulsions morales nécessaires leur ont manqué. Au contraire, le
154
avancer cette science, grâce à son christianisme
et
ensuite contre son christianisme — du moins contre chacune des formes
155
seulement rayonné sur la totalité — enfin connue,
et
par elle seule — de la planète : elle a non seulement influencé, colo
156
cas, la totalité de l’Afrique, des deux Amériques
et
de l’Océanie, et la partie sud de l’Asie (à des degrés divers, mais p
157
de l’Afrique, des deux Amériques et de l’Océanie,
et
la partie sud de l’Asie (à des degrés divers, mais pour le moins égau
158
avaient atteints dans leurs empires les Diadoques
et
les Khans mongols), mais encore elle n’a pas cessé de maintenir sur t
159
entes de la sienne une supériorité intellectuelle
et
technique que personne ne lui contestait. Si, aujourd’hui, les peuple
160
que la preuve décisive de leur succès. Les Grecs
et
les Romains ne disposaient pas d’une marge de supériorité incontestab
161
arge de supériorité incontestable sur les Hindous
et
les Chinois. Mais où trouver dans le monde du xxe siècle une autre c
162
evient possible, le dialogue apparaît nécessaire.
Et
j’entends bien un vrai dialogue au niveau des religions et des philos
163
nds bien un vrai dialogue au niveau des religions
et
des philosophies, c’est-à-dire au niveau créateur des civilisations e
164
c’est-à-dire au niveau créateur des civilisations
et
des cultures. Dès lors que les échanges se multiplient en fait, que l
165
multiplient en fait, que l’Asie s’industrialise,
et
que le temps de voyages cesse de nous séparer (nous faisons en un jou
166
ajet qui prenait deux ans du temps de Plan Carpin
et
de Marco Polo), il devient urgent de corriger les aberrations résulta
167
ruire autant que féconder. L’adoption de machines
et
de certaines croyances, déduites de notre science de la matière, peut
168
s sciences spirituelles ou physio-psychologiques.
Et
cela, au moment même où l’Occident commence à soupçonner que ces autr
169
es autres sciences peuvent être « vraies » aussi,
et
même devenir vitales. L’Aventure s’approchant de la Voie, l’une doit
170
ons avec des invisibles, tuons à grande distance,
et
dialoguons avec la lune. Confronté à l’Orient, l’Occident apparaît co
171
s cherchons plutôt les moyens de gagner du temps,
et
les trouvons par la technique. Sur quoi le mandarin visitant nos usin
172
demain. Par notre fait, dans la réalité sérieuse
et
quotidienne. Mais voici le paradoxe concret : les qualités techniques
173
oblème de se poser, sont précisément les qualités
et
attitudes qui prédisposent le moins à l’usage fécond du loisir. À l’i
174
verse, les valeurs orientales préparent au loisir
et
le supposent, mais n’ont pu le procurer au grand nombre. Au moment mê
175
, tandis que l’Orient se jette sur nos techniques
et
en oublie ses valeurs propres, qui seraient celles dont nous aurions
176
nt de la matière cosmique consistent en hydrogène
et
en hélium, produit à partir de l’hydrogène. Le noyau de l’hydrogène e
177
u’une apparence flottant sur l’océan sans rivages
et
sans fond de l’immatérielle Énergie. Voici donc retrouvée la Maya des
178
d’Einstein (illimité-fini) vous iriez aussi loin
et
longtemps que vous voulez, droit devant vous, pour revenir au même po
179
ur revenir au même point. Essayez de penser cela,
et
vous verrez bientôt que la question d’un au-delà ne se pose plus. Dan
180
s. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaître
et
de Gamov, né d’une explosion primitive, et qui reviendra peut-être à
181
maître et de Gamov, né d’une explosion primitive,
et
qui reviendra peut-être à son point initial, vous n’irez pas plus loi
182
ù elle va, qu’on regarde d’abord d’où elle vient,
et
comment, jusqu’ici, elle est allée. On verra que la question même est
183
fin de notre civilisation, son épuisement intime,
et
toujours préalable à l’anéantissement par une force étrangère. Je n’a
184
m’a formé. Qui voudrait à tout prix une réponse,
et
refuserait de la trouver lui-même, dès lors qu’il sait qu’il n’en est
185
il sait qu’il n’en est point de vraiment générale
et
transposable — il quitterait en esprit cette expérience humaine qui d
186
mont Denis de, « Remise en question par l’Afrique
et
l’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur », A
187
uccesseur », Arts, Paris, 21 septembre 1960, p. 1
et
15. e. Cet article fait partie d’un dossier de la revue Arts intitul
188
pour les Modernes. Le dieu était ailé, charmant,
et
secondaire ; le problème est sérieux, complexe et encombrant. Mais ce
189
et secondaire ; le problème est sérieux, complexe
et
encombrant. Mais cela n’est vrai qu’en Occident, car on n’observe rie
190
e ou en Afrique. Comment nous expliquer ce fait ?
Et
pourquoi l’érotisme est-il devenu synonyme de perversité non seulemen
191
tat laïque, mais aux yeux des chrétiens exigeants
et
sincères, depuis des siècles ? Pour comprendre la situation problémat
192
ssait comme l’Être originel, le Créateur du monde
et
le sauveur d’Israël, mais que le Nouveau Testament révèle au cœur de
193
veau Testament révèle au cœur de tous les hommes,
et
d’une manière radicalement nouvelle : « Dieu est Amour », répète sain
194
t résumée par Jésus-Christ lui-même, dans le seul
et
unique commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… et ton proch
195
commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu…
et
ton prochain comme toi-même ». Religion qui met au premier rang de to
196
ces trois choses demeurent : la Foi, l’Espérance
et
l’Amour : mais la plus grande des trois, c’est l’Amour ». Et celui qu
197
: mais la plus grande des trois, c’est l’Amour ».
Et
celui qui n’a pas l’Amour « n’est qu’une cymbale qui retentit ». 2. P
198
st religion de l’Amour, le christianisme implique
et
pose la réalité de la personne. Les relations qu’il définit entre l’h
199
rsonne. Les relations qu’il définit entre l’homme
et
« son » Dieu sont personnelles. Dieu est personnel. La Trinité est co
200
Marie — Jésus Christ étant à la fois « vrai Dieu
et
vrai homme » selon le Credo. D’où suit immédiatement que tout homme c
201
dans l’imitation de Jésus-Christ, vraie vocation
et
vrai individu, c’est-à-dire, une personne distincte, mais reliée en m
202
jet même de l’amour, auquel on voudrait être uni.
Et
pour que l’homme puisse aimer Dieu et tout d’abord en être aimé, il f
203
t être uni. Et pour que l’homme puisse aimer Dieu
et
tout d’abord en être aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’il s
204
ord en être aimé, il faut que Dieu soit personnel
et
qu’il soit « tout autre » que l’homme. Et enfin pour que l’homme puis
205
rsonnel et qu’il soit « tout autre » que l’homme.
Et
enfin pour que l’homme puisse s’aimer lui-même, il faut qu’il y ait e
206
qu’il y ait en lui dualité entre l’homme naturel
et
l’homme nouveau, recréé par l’appel qu’il reçoit de l’Amour. Cet appe
207
religion de l’Amour total (amour de Dieu, de Soi
et
du Prochain) n’a pas de livre sacré sur l’Amour. Dans cet ensemble in
208
énomènes que l’Europe seule a désigné par le seul
et
même terme d’amour, considérons les raies extrêmes du spectre : l’ult
209
extrêmes du spectre : l’ultraviolet du spirituel
et
l’infrarouge du sexuel. Notre mystique, science de l’amour divin, s’e
210
’est développée très tardivement, dans des formes
et
selon des voies presque toujours suspectes aux yeux de l’orthodoxie.
211
ngtemps réduite à quelques interdits élémentaires
et
que l’on trouve dans presque toutes les sociétés constituées. En dépi
212
re sexuelle parce que contraire à la fécondation)
et
des gros livres de casuistiques des xvie et xviie siècles, la plupa
213
ion) et des gros livres de casuistiques des xvie
et
xviie siècles, la plupart des écrits par des moines et à l’usage des
214
ie siècles, la plupart des écrits par des moines
et
à l’usage des confesseurs, on ne voit pas un seul équivalent chrétien
215
e tant d’autres traités d’érotisme dans les Vedas
et
les upanishads, reliant le sexuel au divin ; encore moins, des célèbr
216
e la manière la plus précise les unions des dieux
et
de leurs femmes, à des fins didactiques et religieuses. Point de méth
217
dieux et de leurs femmes, à des fins didactiques
et
religieuses. Point de méthodes secrètes ni de magie sexuelle, point d
218
arier depuis mille ans les traités du hatha yoga.
Et
pas de traces non plus, dans le christianisme, de ces cérémonies init
219
atiques, comme à la plupart des autres religions,
et
où l’on sait que les relations entre les sexes jouent un rôle décisif
220
itain se contente de conseils moraux très sévères
et
de conseils d’hygiène vagues ou aberrants. D’un côté, le rite et les
221
d’hygiène vagues ou aberrants. D’un côté, le rite
et
les sévices physiques, qui règlent tout ; de l’autre, les problèmes e
222
ues, qui règlent tout ; de l’autre, les problèmes
et
les tortures morales… Les Églises chrétiennes ont toujours mieux réus
223
urs mieux réussi dans leurs efforts pour réprimer
et
contenir l’instinct sexuel que dans leurs tentatives (rares et périph
224
’instinct sexuel que dans leurs tentatives (rares
et
périphériques, voire hérétiques) pour cultiver et ordonner à des buts
225
et périphériques, voire hérétiques) pour cultiver
et
ordonner à des buts spirituels, l’érotisme même dans les limites du m
226
u’on pût croire que l’Éros divinise sans la grâce
et
peut conduire à des révélations. « La chair ne sert de rien » (quant
227
rt de rien » (quant au salut) déclare saint Paul.
Et
l’on eut bien vite fait de réduire au sexuel le sens de « chair » qui
228
’Apôtre, désignait le tout de l’homme (corps, âme
et
intellect) dans sa réalité naturelle et déchue. En revanche, les Égli
229
orps, âme et intellect) dans sa réalité naturelle
et
déchue. En revanche, les Églises chrétiennes, suivies jusqu’à nos jou
230
e une doctrine du mariage tout à fait spécifique,
et
que la Gnose ignore, significativement. Elle se fonde sur quelques ve
231
t. Elle se fonde sur quelques versets des épîtres
et
des évangiles qui dans l’ensemble définissent une éthique cohérente d
232
sent une éthique cohérente de type personnaliste,
et
non plus sociale ou sacrée comme dans les autres religions. Il n’en e
233
les motivations spirituelles du mariage diffèrent
et
même se contredisent chez saint Paul. Tantôt il pose une sorte d’anal
234
mystique entre l’amour des sexes dans le mariage
et
l’amour de Jésus pour l’ensemble des âmes croyantes : « Maris, aimez
235
os femmes comme Christ a aimé l’Église ». Tantôt,
et
plus souvent, il réduit le mariage à n’être qu’une concession à la na
236
our éviter l’impudicité, que chacun ait sa femme,
et
que chaque femme ait son mari… Je dis cela par condescendance, je n’e
237
te pas moins qu’aux yeux de l’Apôtre, la chasteté
et
le célibat conduiraient seuls à la vie spirituelle : « Celui qui n’es
238
te du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur,
et
celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de pla
239
dans les seules limites du mariage le plus strict
et
consacré — tout le reste étant laissé en friche et très sommairement
240
t consacré — tout le reste étant laissé en friche
et
très sommairement condamné sous les noms de luxure et d’impudicité ou
241
rès sommairement condamné sous les noms de luxure
et
d’impudicité ou de « prostitution spirituelle », l’amour humain devai
242
des esprits selon la tripartition traditionnelle
et
non moins paulinienne que gnostique, soulignons-le) se trouvait lié d
243
à la dialectique du salut, c’est-à-dire du péché
et
de la grâce, et valorisé à l’extrême. Ceci ne pouvait se produire — e
244
e du salut, c’est-à-dire du péché et de la grâce,
et
valorisé à l’extrême. Ceci ne pouvait se produire — et ne s’est pas p
245
lorisé à l’extrême. Ceci ne pouvait se produire —
et
ne s’est pas produit — en dehors de la sphère d’influence du christia
246
e mariage d’amour, la passion mystique de Tristan
et
la licence impie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en deçà du mar
247
an et la licence impie de Don Juan (l’une au-delà
et
l’autre en deçà du mariage) ne devait développer toutes ses complexit
248
és que dans une Europe travaillée par la doctrine
et
la morale chrétiennes, séculairement aux prises avec leurs exigences
249
ns une Europe formée par l’Église ou contre elle,
et
longtemps confondue avec « la chrétienté ». On ne saurait donc interp
250
énomène — dans son évolution au cours des siècles
et
dans sa situation contemporaine — qu’à la lumière de ses origines rel
251
ine — qu’à la lumière de ses origines religieuses
et
de ses fins transnaturelles. Chrétiens traditionnels, moralistes laïq
252
onnels, moralistes laïques rationalistes libéraux
et
communistes orthodoxes s’unissent pour déplorer l’invasion de nos vie
253
affiches dans les rues, les bureaux, les métros,
et
tout au long des autostrades, les magazines illustrés et les films, l
254
au long des autostrades, les magazines illustrés
et
les films, les romans noirs et les albums de nus, les journaux popula
255
agazines illustrés et les films, les romans noirs
et
les albums de nus, les journaux populaires et les bandes dessinées, l
256
irs et les albums de nus, les journaux populaires
et
les bandes dessinées, les chansons à la mode, les danses et les strip
257
des dessinées, les chansons à la mode, les danses
et
les strip-teases : il suffit de regarder le décor des journées et des
258
ses : il suffit de regarder le décor des journées
et
des nuits citadines pour vérifier l’omniprésence de l’appel au désir
259
en demeure pas moins stupéfiant par sa soudaineté
et
son ampleur. Il est daté du premier tiers du xxe siècle, et même si
260
eur. Il est daté du premier tiers du xxe siècle,
et
même si on lui trouvait des parallèles en d’autres temps, ses moyens
261
icule principal, le rend sans doute irréversible,
et
les cultures totalitaires (ou dirigées) normalement puritaines seront
262
ébordées. Au surplus, l’accroissement quantitatif
et
plus encore qualitatif des temps de loisir, accroît aussi comme l’ava
263
st donc vain. Il s’agit de comprendre ses causes,
et
sur tout ce dont il est signe. Et d’abord, il s’agit de lui donner so
264
dre ses causes, et sur tout ce dont il est signe.
Et
d’abord, il s’agit de lui donner son vrai nom. C’est l’érotisme qui t
265
non pas la sexualité proprement dite, instinctive
et
procréatrice. Et les moyens de l’érotisme sont la littérature, les «
266
ité proprement dite, instinctive et procréatrice.
Et
les moyens de l’érotisme sont la littérature, les « salles obscures »
267
ques (dont la photographie), la musique populaire
et
la danse, et même certaines philosophies plus poétiques que systémati
268
photographie), la musique populaire et la danse,
et
même certaines philosophies plus poétiques que systématiques : milieu
269
que la pensée des spirituels se trouve aux prises
et
peut entrer en polémique intime. Ce n’est pas l’immoralité plus ou mo
270
aître le sens réel du phénomène que j’ai rappelé,
et
qui n’est guère en soi que l’écume d’une vague profonde surgie de l’â
271
jeunesse actuelle n’a pas connue dans sa vigueur,
et
dont elle n’a guère pu souffrir. Il est vrai qu’une révolution n’écla
272
des vrais tyrans, contre leurs héritiers débiles
et
qui assurent que ce n’est pas de leur faute. Mais de quoi la morale v
273
la morale victorienne est-elle morte ? Sans doute
et
tout d’abord, d’avoir eu peur de l’instinct qu’elle voulait réprimer.
274
ce sexuelle fait courir à toute société militaire
et
laborieuse, dont la plus haute valeur n’est pas l’union mystique mais
275
interdit d’en parler, sauf du haut de la chaire,
et
sous le seul nom d’impureté. C’était vider la morale puritaine de sa
276
pour dévaloriser les notions mêmes de répression
et
de censure. Les abus dénoncés par Freud nous ont rendus méfiants quan
277
nnemi mais le refoulement générateur de complexes
et
de névroses. D’où la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’o
278
et de névroses. D’où la tolérance que j’ai dite,
et
qui effraye tant d’observateurs. Avant de nous effrayer à notre tour
279
ous le répète, que « la sensualité envahit tout »
et
que la sexualité défoulée « se déchaîne » ? Bien sûr que non. L’insti
280
e mariage ne posait que des problèmes d’héritages
et
de consanguinités souvent invraisemblables, justifiant des divorces c
281
ausés par l’intérêt mais jamais par le sentiment.
Et
, subitement, voici les troubadours et l’invention du désir sublimé, S
282
sentiment. Et, subitement, voici les troubadours
et
l’invention du désir sublimé, Saint Bernard de Clairvaux et la mystiq
283
tion du désir sublimé, Saint Bernard de Clairvaux
et
la mystique d’amour, Héloïse et la passion vécue, Tristan et la passi
284
nard de Clairvaux et la mystique d’amour, Héloïse
et
la passion vécue, Tristan et la passion rêvée, le culte de la Dame et
285
que d’amour, Héloïse et la passion vécue, Tristan
et
la passion rêvée, le culte de la Dame et le culte de la Vierge, les h
286
Tristan et la passion rêvée, le culte de la Dame
et
le culte de la Vierge, les hérésies gnostiques ravivées et le cynisme
287
te de la Vierge, les hérésies gnostiques ravivées
et
le cynisme libertin naissant, le célibat des prêtres et les « Lois d’
288
cynisme libertin naissant, le célibat des prêtres
et
les « Lois d’Amour », bref, le lyrisme, l’érotisme et la mystique déc
289
es « Lois d’Amour », bref, le lyrisme, l’érotisme
et
la mystique déchaînés sur l’Europe entière, et parlant une même langu
290
me et la mystique déchaînés sur l’Europe entière,
et
parlant une même langue nouvelle, rénovant d’un seul coup pour des si
291
novant d’un seul coup pour des siècles la musique
et
la poésie, le roman, la piété et les mœurs. Tout cela se passait dans
292
ècles la musique et la poésie, le roman, la piété
et
les mœurs. Tout cela se passait dans les élites cultivées — les jongl
293
passait dans les élites cultivées — les jongleurs
et
prédicateurs étant les seuls « moyens de diffusion » permettant de to
294
bouleversants dans les mœurs de la masse inculte
et
dans les habitudes de pensée. Le travail de décantation, d’adaptation
295
ravail de décantation, d’adaptation psychologique
et
de remise en ordre morale et spirituelle devait prendre des siècles,
296
tation psychologique et de remise en ordre morale
et
spirituelle devait prendre des siècles, et n’est pas terminé. Car la
297
morale et spirituelle devait prendre des siècles,
et
n’est pas terminé. Car la révolution que nous sommes en train de vivr
298
éclate dans une société beaucoup moins cloisonnée
et
protégée, et où toute pulsation enregistrable est instantanément prop
299
ne société beaucoup moins cloisonnée et protégée,
et
où toute pulsation enregistrable est instantanément propagée. L’impri
300
ntanément propagée. L’imprimé bon marché, le film
et
la radio ne laissent plus de délais ni d’angles morts. Les effets att
301
aient émergé à nos consciences. D’où le scandale,
et
c’est peu dire — d’où l’angoisse et la mauvaise conscience qui caract
302
le scandale, et c’est peu dire — d’où l’angoisse
et
la mauvaise conscience qui caractérisent à la fois ceux qui expriment
303
risent à la fois ceux qui expriment la révolution
et
ceux qui en subissent les effets. Prenez un Européen cultivé — homme
304
t ou non, plus ou moins respectueux de la science
et
du progrès, donc normal et moyen selon les standards du siècle : conf
305
pectueux de la science et du progrès, donc normal
et
moyen selon les standards du siècle : confrontez-le avec les œuvres a
306
les œuvres apparues depuis cinquante ans de Freud
et
des écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence
307
de Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust
et
de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Ro
308
érivent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence
et
de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et d
309
e D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton
et
de Robert Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durrel, pour ne citer
310
d’André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller
et
de Lawrence Durrel, pour ne citer que très peu de noms des plus connu
311
euse Histoire d’O, les essais de Georges Bataille
et
de Pierre Klossowski pour les initiés ; les romans policiers de l’éco
312
itiés ; les romans policiers de l’école « noire »
et
les films des metteurs en scène suédois, français et italiens, pour l
313
les films des metteurs en scène suédois, français
et
italiens, pour le grand public. Que verra dans tout cela, de prime ab
314
dans tout cela, de prime abord, le témoin normal
et
moyen ? La libido partout à l’œuvre, la névrose prise pour thème norm
315
exaltées comme étant la vraie pureté ; le sadisme
et
le masochisme, l’homosexualité et l’inceste ; et toutes les formes d’
316
té ; le sadisme et le masochisme, l’homosexualité
et
l’inceste ; et toutes les formes d’exhibitionnisme et de raffinement
317
et le masochisme, l’homosexualité et l’inceste ;
et
toutes les formes d’exhibitionnisme et de raffinement pervers qui att
318
’inceste ; et toutes les formes d’exhibitionnisme
et
de raffinement pervers qui attendent encore leur nom : bref, la luxur
319
e vraie tendresse mais de « saine gauloiserie » ?
Et
comment pourrait-on y voir ce « soulèvement de l’âme », ce retour des
320
ques — étouffés depuis des siècles entre l’esprit
et
la matière, le physique et le spirituel — dont certains esprits aberr
321
siècles entre l’esprit et la matière, le physique
et
le spirituel — dont certains esprits aberrants osent parler ? Lui dir
322
qui le tente. Devant « l’indiscipline des mœurs »
et
la « pornographie » qui en serait la cause, il se sent indigné et inq
323
phie » qui en serait la cause, il se sent indigné
et
inquiet. S’il est sérieux, s’il voit plus loin, cela peut aller jusqu
324
ssés. Les deux camps se rendent bien leur mépris,
et
chacun refuse de tolérer fût-ce un instant, par simple hypothèse de d
325
a littérature contemporaine méprise les puritains
et
les tient pour des fous à la fois ridicules et dangereux. Mais je n’o
326
ns et les tient pour des fous à la fois ridicules
et
dangereux. Mais je n’oublie pas que sans la discipline sexuelle que l
327
ns celles des nations qu’on dit sous-développées,
et
sans doute moins : il n’y aurait pas le travail, l’effort organisé, n
328
life — comme l’Anglais nomme les faits sexuels —
et
leurs multiples liens avec l’économie la société et la culture. En re
329
leurs multiples liens avec l’économie la société
et
la culture. En revanche, sans l’érotisme et les libertés qu’il suppos
330
ciété et la culture. En revanche, sans l’érotisme
et
les libertés qu’il suppose, notre culture vaudrait-elle mieux que cel
331
lture vaudrait-elle mieux que celle qu’un Staline
et
qu’un Mao ont tenté d’imposer par décrets ? Elle serait strictement a
332
roduction matérielle, à la production socialisée.
Et
cela, nos puritains l’oublient non moins souvent. La littérature érot
333
que la morale bourgeoise ne voulait en connaître,
et
que le puritanisme n’en tolère. Or, ces réalités, quoi qu’on en juge,
334
i qu’on en juge, sont au moins aussi quotidiennes
et
obsédantes que les réalités économiques qui, d’ailleurs, en dépendent
335
nt des tabous sexuels, l’accroissement du confort
et
des loisirs, le birth control, les mass médias, tout agit dans le mêm
336
nt en question l’ensemble des rapports personnels
et
sociaux, éthiques et spirituels qui constituent l’amour, la littératu
337
mble des rapports personnels et sociaux, éthiques
et
spirituels qui constituent l’amour, la littérature érotique réagit à
338
ui la dépassent, mais dont elle tente de formuler
et
d’illustrer les exigences encore désordonnées. Et je vois bien que du
339
et d’illustrer les exigences encore désordonnées.
Et
je vois bien que du désordre inévitable résultant d’une évolution aus
340
on aussi rapide, on ne pourra sortir qu’en avant,
et
non point par des retours aux disciplines d’antan. Il s’agit d’explic
341
ar là même comparable. Entre les siècles du corps
et
celles de l’esprit, entre la biologie et la morale sociale, au-delà d
342
du corps et celles de l’esprit, entre la biologie
et
la morale sociale, au-delà des nécessités de l’espèce, mais en deçà d
343
des nécessités de l’espèce, mais en deçà du bien
et
du mal. Apprendre à lire en filigrane le jeu des mythes, dans les tro
344
le jeu des mythes, dans les troubles complexités
et
les intrigues apparemment insanes de l’érotique contemporaine. Je pro
345
ent aux personnes, mais aux personnages de l’art,
et
à certaines formules de vie ; l’objet immédiat d’une telle méthode ét
346
méthode étant d’élucider les motifs de nos choix
et
leurs implications trop souvent inconsciemment spirituelles autant qu
347
ux les mythes qui nous tentent, d’où ils viennent
et
vers quoi leur logique nous conduit, peut-être serons-nous un peu mie
348
rir notre risque personnel, d’assumer notre amour
et
d’aller vers nous-mêmes. Peut-être serons-nous un peu plus libres.
349
r en cause », Arts, Paris, 1–6 février 1961, p. 1
et
4. g. Présenté par cette note : « Le succès de notre série “Les idée
350
s aspects. Denis de Rougemont, auteur de L’Amour
et
l’Occident a bien voulu accepter de participer à l’étude que nous co
351
thes majeurs de l’érotique occidentale : Don Juan
et
Tristan, en suivant leurs métamorphoses dans la vie et l’œuvre de Kie
352
istan, en suivant leurs métamorphoses dans la vie
et
l’œuvre de Kierkegaard, Nietzsche et Gide et dans la création des per
353
dans la vie et l’œuvre de Kierkegaard, Nietzsche
et
Gide et dans la création des personnages imaginaires des plus grands
354
vie et l’œuvre de Kierkegaard, Nietzsche et Gide
et
dans la création des personnages imaginaires des plus grands romans c
355
uspendue dans le vide, nous marchions sur du vide
et
vers le vide, n’étant nous même que furtifs agrégats d’infimes tourbi
356
ce, milliards d’années terrestres dans le temps),
et
qu’au fond du réel calculé soit le Vide — mais que, scintillements d’
357
s civilisations passées nous apparaissent grandes
et
majestueuses, bien plus, qu’au détour d’un sentier suivi dans la forê
358
on à prendre ; qu’un monde coloré, déployé, dense
et
stable s’étende autour de nous qui allons dans sa durée ; qu’il y ait
359
c tout cela, mais le vide, tout cela dans le vide
et
composé de vide, compénétré et imprégné de vacuité, ce vertige accomp
360
cela dans le vide et composé de vide, compénétré
et
imprégné de vacuité, ce vertige accompagne en silence la pensée des h
361
gne en silence la pensée des hommes d’aujourd’hui
et
leur action. Le miracle est qu’il y ait des formes ! Qu’il ait de la
362
ture autour de nous, qui apparaît désormais grâce
et
don, miraculeuse ; et que la vacuité ait pu donner naissance à la plé
363
ui apparaît désormais grâce et don, miraculeuse ;
et
que la vacuité ait pu donner naissance à la plénitude des corps, que
364
vision, l’énergie sentiment, la structure mythe,
et
la gravitation désir. Ce qui trouble d’abord et enfin scandalise l’es
365
, et la gravitation désir. Ce qui trouble d’abord
et
enfin scandalise l’esprit du mystique oriental, c’est cela justement
366
e oriental, c’est cela justement qui fait ma joie
et
c’est le passage du tourbillon de billions d’agrégats divisibles au d
367
ême coup la couleur, le toucher, la vue lointaine
et
la musique, la souple résistance de la chair, et le désir qui ne s’ar
368
et la musique, la souple résistance de la chair,
et
le désir qui ne s’arrêtera plus dans sa lancée vers un au-delà de plé
369
s formes demeurent allusives, ces corps souffrent
et
meurent, ces sentiments s’égarent, ce désir exige un Ailleurs où la p
370
le nôtre en creux ? Mais nous voulons l’au-delà,
et
non pas le contraire de nos angoisses et de nos joies, l’au-delà qui
371
au-delà, et non pas le contraire de nos angoisses
et
de nos joies, l’au-delà qui transforme et non pas un reflet ! Un poèt
372
goisses et de nos joies, l’au-delà qui transforme
et
non pas un reflet ! Un poète mineur et parfait de ce temps l’a découv
373
transforme et non pas un reflet ! Un poète mineur
et
parfait de ce temps l’a découvert un jour non sans stupeur : « Il y a
374
ntendait-il ? Qu’avait-il vu ? Quel autre monde ?
Et
pourquoi n’y en aurait-il qu’un ? Il y a le monde du Vide, l’autre mo
375
autre monde de la science ; il est là, parmi nous
et
tout autour de nous, ici et maintenant, et nous ne le voyons pas, quo
376
il est là, parmi nous et tout autour de nous, ici
et
maintenant, et nous ne le voyons pas, quoique étant assurés de sa pré
377
i nous et tout autour de nous, ici et maintenant,
et
nous ne le voyons pas, quoique étant assurés de sa présence instante.
378
yaume ! Le Royaume « qui n’est pas de ce monde »,
et
qui pourtant est « au-dedans de nous », car il est plus nous-mêmes qu
379
« notre effigie » au cercle de feu qu’a vu Dante.
Et
par quelle parabole le représenterons-nous ? « Il est semblable à un
380
ur la terre, mais lorsqu’il a été semé, il monte…
et
pousse de grandes branches, en sorte que les oiseaux du ciel (les ang
381
iter sous son ombre. » Il n’est pas dans l’espace
et
le temps, qui étendent le Vide aux dimensions de l’univers ; il n’est
382
st la Nature, la Parabole — mais ici, maintenant,
et
en toi-même. Le Royaume du ciel est un point, le point d’éternité pos
383
à venir, quand « la figure de ce monde passera »,
et
que l’invisible sera vu. Quand tu le sais, l’amour commence, l’amour
384
ée ne trouve pas de réponse, elle se rend au vide
et
s’annule. Ce qui peut la retenir au bord du rien, c’est l’intuition d
385
mour qu’il y a quelque chose, que le vide s’anime
et
se différencie, qu’il y a des forces qui s’attirent et se repoussent,
386
différencie, qu’il y a des forces qui s’attirent
et
se repoussent, donc se composent, qu’il y a par suite forme et mouvem
387
ent, donc se composent, qu’il y a par suite forme
et
mouvement proche et lointain dans l’espace et le temps, monde et pers
388
nt, qu’il y a par suite forme et mouvement proche
et
lointain dans l’espace et le temps, monde et personne, désir, souffra
389
rme et mouvement proche et lointain dans l’espace
et
le temps, monde et personne, désir, souffrance et joie. Et nous pouvo
390
oche et lointain dans l’espace et le temps, monde
et
personne, désir, souffrance et joie. Et nous pouvons aimer ces formes
391
et le temps, monde et personne, désir, souffrance
et
joie. Et nous pouvons aimer ces formes parce que l’amour les a formée
392
ps, monde et personne, désir, souffrance et joie.
Et
nous pouvons aimer ces formes parce que l’amour les a formées : nous
393
les appelait en nous. L’amour seul explique tout,
et
l’être-en-soi n’est qu’un mot désignant l’inconcevable : ce qui serai
394
gie ou désir, selon l’ordre physique ou animique.
Et
cela seul donne un sens à tout : au vide cosmique où danse tel brouil
395
nse tel brouillard d’électrons empruntés à droite
et
à gauche et qui tout d’un coup peut dire moi, peut dire toi quand il
396
illard d’électrons empruntés à droite et à gauche
et
qui tout d’un coup peut dire moi, peut dire toi quand il voit le moi
397
perdu dans la forêt d’avril, petit monde complexe
et
fortuit, terre et pierres, herbe humide, ciel clair entre les branche
398
t d’avril, petit monde complexe et fortuit, terre
et
pierres, herbe humide, ciel clair entre les branches, aubépines, prof
399
aubépines, profondeur des bois, ici, nulle part,
et
pourquoi l’ai-je aimé ? Pourquoi pas rien ? Parce que ce coin de sent
400
? Parce que ce coin de sentier m’a fait un signe
et
fut un signe à cet instant pour moi, existant dans ma re-connaissance
401
stant pour moi, existant dans ma re-connaissance,
et
que tout signe ou sens manifeste l’amour ; et rien d’autre n’importe
402
ce, et que tout signe ou sens manifeste l’amour ;
et
rien d’autre n’importe en vérité ; rien d’autre au monde ne m’appelle
403
e au monde ne m’appelle. J’ai pu douter de l’être
et
du devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais douté
404
’appelle. J’ai pu douter de l’être et du devenir,
et
de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais douté de l’amour mêm
405
ertige de presque toutes les vérités de la morale
et
de la culture occidentale, avant d’en retrouver quelques-unes mieux c
406
ités successivement démontrées par nos sciences ;
et
je ne cesse de douter de notre image du monde, du vide et des distanc
407
cesse de douter de notre image du monde, du vide
et
des distances inconcevables calculées à partir de nos formes. (Je pre
408
r de nos formes. (Je pressens trop de raccourcis,
et
qu’on trouvera !) Mais je crois bien n’avoir jamais douté de tout cel
409
en n’avoir jamais douté de tout cela, qu’en vertu
et
au nom de l’Amour. Il est la grâce indubitable. Je n’ai pas d’autre f
410
n’ai pas d’autre foi certaine, d’autre espérance,
et
je ne vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres raisons de douter, je
411
retourne à Dieu, posant en son point de réflexion
et
de résonance dans la créature, un moi nouveau qui transcende l’ancien
412
u qui transcende l’ancien parce qu’il le totalise
et
l’ordonne à l’esprit. (Cette action d’ordonnance, d’orientation de so
413
s demander mais s’orienter, de manière à recevoir
et
à réaliser.) Le mot posé, quelle est la voie de l’amour en l’homme ?
414
e de l’amour en l’homme ? L’expérience méditée, —
et
que j’espère banale (au sens propre), dans sa forme du moins — me sug
415
guer par leur ordre d’apparition. Ils se mêleront
et
combineront dans l’homme achevé. La vision intuitive, forme de l’amo
416
uitive, forme de l’amour est l’acte de l’esprit ;
et
elle est connaissance active en même temps que reconnaissance. Elle n
417
ctive en même temps que reconnaissance. Elle naît
et
se développe quand je découvre en moi, mais devine aussitôt dans l’au
418
comme l’égoïste, ne peut que mal aimer les autres
et
penser que « l’enfer c’est les autres » : c’est qu’il se croit inacce
419
les autres » : c’est qu’il se croit inacceptable
et
se voudrait (inconsciemment) anéanti. Nul ne voit la personne chez au
420
ans celui de l’érotique que l’éducation, l’amitié
et
le mariage. L’émotion, ou l’Éros, seconde forme de l’amour procède de
421
nt le cœur », oppresse le souffle, brûle en rêve,
et
reste loin d’imaginer la possession. Mais s’il précède le désir dit
422
de le sentir ; mais un homme qui se connaît bien
et
les femmes surtout savent cela : une certaine perception instantanée
423
tion instantanée du secret singulier de l’autre —
et
surtout s’il paraît lui-même l’ignorer — est la condition nécessaire
424
domaine de l’âme intermédiaire entre le spirituel
et
le sensuel, les risques d’erreur sont plus grands, parce que l’émotio
425
tre fonction à la volonté de l’intellect, à l’âme
et
à l’imaginaire et qu’en tant qu’il ne serait qu’un instinct animal, i
426
volonté de l’intellect, à l’âme et à l’imaginaire
et
qu’en tant qu’il ne serait qu’un instinct animal, il n’aurait rien à
427
e climat des milieux bien-pensants dans le peuple
et
la bourgeoisie, catholiques, protestants ou laïques. Cette morale tie
428
ue chrétienne, ou plus religieuse que rationnelle
et
« scientifique », elle se garde de la déclarer, mais trahit constamme
429
nstamment son intime conviction par des jugements
et
des indignations qui ressemblent à s’y méprendre à des réflexes condi
430
on plaisir dans le Soi, devient son propre maître
et
se meut à sa fantaisie parmi les mondes. Mais celui qui pense autreme
431
épendant. Il demeure dans les sphères périssables
et
ne peut en sortir quand il veut. (Chandogya upanishad, 7, 25.) Pense
432
te ici entre l’acte de la connaissance religieuse
et
l’acte de l’union sexuelle, rabaisse le spirituel ou élève l’érotique
433
nt que fonction, je la verrais moralement neutre.
Et
cependant, dès qu’elle accède à la liberté de l’érotisme (qui transce
434
l’érotisme (qui transcende la fonction naturelle
et
vitale) elle devient justiciable à la fois de la morale et de l’espri
435
) elle devient justiciable à la fois de la morale
et
de l’esprit, comme tout autre élément impliqué dans la synthèse de la
436
èse de la personne. L’amour qui meut le soleil
et
les étoiles L’Énergie cosmique, dernière forme de l’amour n’est a
437
matière que l’on dit brute, mais encore tangible
et
sensible, elle découvre, et mesure l’énergie et le mystère de l’attra
438
mais encore tangible et sensible, elle découvre,
et
mesure l’énergie et le mystère de l’attraction universelle. Et il est
439
e et sensible, elle découvre, et mesure l’énergie
et
le mystère de l’attraction universelle. Et il est beau que l’aventure
440
nergie et le mystère de l’attraction universelle.
Et
il est beau que l’aventure de l’intellect, descendant des clartés ins
441
à l’obscur de la chair, à l’opaque de la matière
et
au noir absolu de l’espace électronique, débouche enfin sur des lueur
442
-être celles qu’entrevoyaient les sages de l’Inde
et
de la Grèce, et que Dante dit avoir contemplées au prix de sa vue « c
443
entrevoyaient les sages de l’Inde et de la Grèce,
et
que Dante dit avoir contemplées au prix de sa vue « consumée » mais
444
prix de sa vue « consumée » mais déjà mon désir
et
ma volonté étaient mus — comme une roue tournant d’une manière unifor
445
e uniforme — par l’Amour qui meut aussi le soleil
et
les autres étoiles. L’extrême : la vue mystique La forme de pe
446
la fois le phénomène humain, les lois cosmiques,
et
l’amour créateur. Théorie de l’amour unifiant c’est autant dire de l’
447
explication unitaire des phénomènes énergétiques
et
magnétiques, mais elle met que l’affectif demeure pour elle le plus i
448
andes « écoles » de mathématiciens, de physiciens
et
d’astronomes, reconnaissent qu’elles diffèrent essentiellement par le
449
if, de la passion de savoir, d’inventer le savoir
et
d’y soumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier degré de l’abstracti
450
e, poussé jusqu’au dernier degré de l’abstraction
et
de l’audace logique, semble en voie de rejoindre en perspective l’ext
451
’idéogramme. C’est trop sérieux pour les joueurs,
et
pour les sérieux ce n’est qu’un jeu. Pourtant, si l’on regarde un mom
452
t aux quatre amours que nous venons d’identifier (
et
si l’on remonte aux tarots, on verra qu’il ne s’agit pas d’un hasard
453
on différente, traduisant la logique particulière
et
l’ontogenèse de l’amour. Ces quatre fonctions coexistent dans la vie
454
tuition-sensation (signes noirs du jeu de cartes)
et
sentiment-pensée (signes rouges) se retrouvent. Cœur La forme
455
l’âme », dit Siméon à Marie). Correspond à l’Âme
et
au sentiment (Amour-passion, tendresse. Éros). Tempérament : émotif-
456
typiques : Masochisme. (Seul celui qui a une âme,
et
le sait, a lieu d’être masochiste et de s’en réjouir). Goût de la mor
457
i a une âme, et le sait, a lieu d’être masochiste
et
de s’en réjouir). Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’
458
t, blesser, tuer, féconder. Correspond à l’Esprit
et
à l’intuition (l’Amour spirituel, regard inquiet, spirituel, Agapè).
459
autoritaire. Déviations typiques : impérialisme
et
sadisme, ou à l’inverse, ascétisme et goût de l’autosacrifice vers l’
460
mpérialisme et sadisme, ou à l’inverse, ascétisme
et
goût de l’autosacrifice vers l’autre : crime, vers soi : suicide. Co
461
mensions (esprit, âme, chair) Correspond au Corps
et
à la sensation. (« Toute chair est comme l’herbe. » Amour de la chair
462
be. » Amour de la chair pour ce qui la transcende
et
l’anime, car la poussée vient d’en bas, mais l’éclosion et l’épanouis
463
e, car la poussée vient d’en bas, mais l’éclosion
et
l’épanouissement dépendent de la lumière reçue, de l’air et de la ros
464
uissement dépendent de la lumière reçue, de l’air
et
de la rosée. Tempérament : sensuel-impulsif-curieux ; prédateur-excl
465
d’arbalète, une flèche à quatre pans), contredire
et
mettre en parallèle, opposer pour équilibrer. Correspond à l’intellec
466
eur, classique, impudent, inventif (de structures
et
de concepts). Déviations typiques : Schizophrénie. Goût du viol. Imp
467
ui qui est coupé de l’âme, ou ne sait qu’en faire
et
la nie). Conception de l’amour : l’équilibre exigeant l’échange, le
468
quatre amours », Arts, Paris, 9 mai 1961, p. 1, 4
et
5. i. Présenté par cette note : « Qu’est-ce que “le Royaume du ciel”
469
ur, force de révélation, base de la vie, de l’art
et
de la foi. L’auteur publiera prochainement sous le titre de Comme to
470
bdos, revues, gros livres, milieux universitaires
et
milieux dirigeants de Washington ; ils découvrent l’Europe unie. À le
471
dont elle serait à la fois le centre d’animation
et
l’organe d’équilibre. Je reviens en Europe, « notre patrie » — comme
472
toutes nos langues, sur l’intégration de l’Europe
et
sur les relations nouvelles à établir entre une Europe unie et le tie
473
lations nouvelles à établir entre une Europe unie
et
le tiers-monde. Pleins d’idées et de chiffres, d’un optimisme sobre,
474
une Europe unie et le tiers-monde. Pleins d’idées
et
de chiffres, d’un optimisme sobre, d’un réalisme constructif. Les tau
475
ructif. Les taux d’accroissement de la production
et
de l’exportation battent tous nos records. Sauf en Italie, le chômage
476
ance nouvelle, née des promesses du Marché commun
et
de ses premiers succès, permet de multiplier les ententes industriell
477
qu’elle est « au plus bas », que « c’est la fin »
et
que nous voici tous « enchaînés, humiliés, malades de peur ». Ce n’es
478
a, mais un éloquent moraliste, Jean-Paul Sartre ;
et
sa fureur ne jaillit pas d’un quelconque examen des évidences, mais d
479
et qui l’a mis dans tous ses états. Il le préface
et
il exhorte « les Européens » à le lire, au nom du raisonnement suivan
480
me criminel ; donc cette lecture leur fera honte,
et
la honte pousse à la révolution ; or la révolution guérit de tous les
481
r la violence qu’elle fait subir à leurs fauteurs
et
qu’elle permet à leurs victimes de libérer. Joignons donc le FLN, les
482
es de libérer. Joignons donc le FLN, les Angolais
et
autres Balubas qui « massacrent à vue les Européens ». Car, ce faisan
483
, ce faisant, « ils font l’histoire de l’homme »,
et
nous serons ainsi du bon côté. Je n’invente pas : je cite et je conde
484
ons ainsi du bon côté. Je n’invente pas : je cite
et
je condense cette dialectique humanitaire qui nous offre « un moyen d
485
ale certaine jeunesse dégoûtée de nos « valeurs »
et
qui exige grands cris son lavage de cerveau. « Voici des siècles qu’a
486
ume, le Martiniquais Frantz Fanon. Sartre la cite
et
il ajoute, impressionné : « Ce ton est neuf. » Moi, ce qui m’impressi
487
as duré « des siècles » en Afrique, mais environ,
et
en moyenne, quatre-vingts ans — de 1882 à nos jours pour les neuf dix
488
urs — mais pour d’autres raisons plus grossières,
et
qui ne sont pas toutes honteuses pour nous. La première et la plus im
489
sont pas toutes honteuses pour nous. La première
et
la plus importante étant tout simplement un état de fait que l’Europe
490
nt un état de fait que l’Europe n’avait pas créé,
et
qui, loin de résulter de la colonisation, comme M. Fanon le répète, l
491
arler de l’état d’arriération économique, sociale
et
politique des régions qui devinrent pour un temps colonies, et qui pr
492
des régions qui devinrent pour un temps colonies,
et
qui prennent sous nos yeux leur essor, après des siècles d’immobilité
493
e humaine chez les cannibales ? Vous voulez rire,
et
vous n’y arrivez pas. M. Fanon, et J.-P. Sartre derrière lui, ont gra
494
s voulez rire, et vous n’y arrivez pas. M. Fanon,
et
J.-P. Sartre derrière lui, ont grand tort de crier aux « siècles d’op
495
uropéenne remontent à 1729, lorsque le roi Agadja
et
son régiment de femmes, ayant battu les Popos aidés par l’Anglais Tes
496
ort de mer. Ils massacrent tout ce qui s’y trouve
et
instituent une nouvelle charge dans l’État, celle du Yévogan (« celui
497
ux Yorubas, se rattrapent en imposant les Houédas
et
en battant périodiquement les Popos. En 1884, le dictionnaire de Grég
498
t couvert de forêts. Malheureusement, l’industrie
et
l’agriculture sont étouffées par l’effrayant despotisme auquel le pay
499
1960 par la création d’une république souveraine
et
démocratique de plus de 2 millions d’habitants, dont le président est
500
pompe à l’Élysée en 1961. Je laisse à MM. Sartre
et
Fanon le soin de démontrer que cet exemple n’infirme en rien leurs th
501
démontrer dialectiquement que le royaume de Ghana
et
l’empire du Mali n’ont pas été détruits par les Arabes almoravides pu
502
esquels n’ont occupé, plusieurs siècles plus tard
et
pendant soixante-dix ans, que les restes de ces États préalablement e
503
que les restes de ces États préalablement envahis
et
soumis par les Touareg et par les Peules. Je leur laisse aussi à démo
504
s préalablement envahis et soumis par les Touareg
et
par les Peules. Je leur laisse aussi à démontrer — mais ils auront be
505
coup à faire, décidément — que c’est la violence,
et
elle seule, qui a libéré l’Inde des Anglais, conformément à leur thès
506
rien, car la passion ne s’embarrasse pas de faits
et
leur passion veut la mort du pécheur, qui est uniquement l’Européen,
507
en, comme chacun sait. La vérité, selon les faits
et
dans la perspective de l’histoire, c’est que le colonialisme, malgré
508
ue l’égalité, la liberté, la dignité, la personne
et
le droit à l’éducation), mais aussi de nos folies les plus contagieus
509
nos folies les plus contagieuses, le nationalisme
et
la fureur idéologique, ces peuples se sont mis à revendiquer les avan
510
à revendiquer les avantages de notre civilisation
et
la souveraineté de leurs États. Quant aux nations colonialistes de l’
511
éduquée par leurs soins dans les pays colonisés,
et
de leurs intérêts mieux compris — un peu poussées aussi par les États
512
c’est-à-dire de son exploitation du sol africain
et
du sol asiatique : or, métaux, pétrole, caoutchouc (le paysan serait-
513
houc (le paysan serait-il la création de sa terre
et
des richesses qu’elle contient ?). Sartre renchérit : c’est avec cela
514
pe aurait donc signé son arrêt de mort économique
et
de rapide déshumanisation ? Les adversaires du colonialisme auraient
515
leurs colonies, ont commencé à découvrir l’Europe
et
la nécessité de son union. Et que, de leur union naissante — le March
516
découvrir l’Europe et la nécessité de son union.
Et
que, de leur union naissante — le Marché commun n’a que deux ans — a
517
éplaise à nos furieux, mais elle commence à peine
et
grandit puissamment. C’est tant pis pour Fanon et son marxisme — d’ai
518
et grandit puissamment. C’est tant pis pour Fanon
et
son marxisme — d’ailleurs emprunté à l’Europe. Mais qu’en est-il de S
519
isme. Sartre se meut dans un village intellectuel
et
projette sur l’« Europe » des hargnes provinciales. Quand il écrit Eu
520
s. Quand il écrit Europe, il ne pense que France,
et
quand il pense France, il ne voit que le drame algérien. « Quittons n
521
ux dire notre nation », voudrait-on lui répéter ;
et
ce n’est pas ma faute si cette phrase est de Michel Debré dans son Pr
522
rent condamner le colonialisme à l’état naissant,
et
qui le firent non pas contre l’Europe, mais au nom des valeurs europé
523
ait l’Europe pour « la vraie fin de l’Histoire »,
et
d’Auguste Comte qui voyait en elle « le privilège effectif du princip
524
complexes personnels. Devant la crise économique
et
la fièvre nationaliste du tiers-monde, devant la crise morale de l’UR
525
aleurs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux
et
d’en tirer les conséquences pratiques, pour le tiers-monde et pour l’
526
r les conséquences pratiques, pour le tiers-monde
et
pour l’Europe qui doit l’aider. Nous n’avons pas le droit de frustrer
527
pas le droit de frustrer la jeunesse soviétique,
et
les autres, au moment où elles se tournent obscurément vers nous. Ce
528
ent vers nous. Ce que nous devons offrir au monde
et
à nos fils, non, ce n’est pas notre mauvaise conscience, notre rage a
529
ple réussi de dépassement de l’ère nationaliste —
et
donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’une grande fédération. Ce
530
re l’Europe », Arts, Paris, 17 janvier 1962, p. 1
et
4.
531
ain », ayant été aussi la condition instrumentale
et
nécessaire d’une véritable histoire universelle, celle où nous sommes
532
le histoire universelle, celle où nous sommes bel
et
bien engagés dans cette seconde moitié du xxe siècle, en sorte que l
533
es causes, qui seraient tantôt, selon les auteurs
et
selon les modes, géographiques ou climatiques, économiques ou démogra
534
mples : 1. L’Europe a découvert la terre entière,
et
personne n’est jamais venu la découvrir. 2. L’Europe a dominé sur tou
535
a dominé sur tous les continents successivement,
et
n’a jamais été dominée jusqu’ici par une seule puissance d’outre-mer.
536
ue dénotent ces constatations — tellement simples
et
tellement évidentes que la plupart des historiens me paraissent les a
537
jusqu’ici — ce phénomène européen sans précédent
et
sans parallèle dans l’histoire, nous n’arriverons jamais à le compren
538
e comprendre dans son mouvement, sa signification
et
sa tendance générale en partant des données physiques et naturelles d
539
endance générale en partant des données physiques
et
naturelles de notre petit continent, comme le veut une pensée héritée
540
t une pensée héritée d’un xixe siècle scientiste
et
dans l’ensemble, sans le savoir, plus marxiste que scientifique. (Non
541
gation, le cloisonnement des terres par montagnes
et
fleuves favorisant la formation de communautés bien distinctes et sol
542
isant la formation de communautés bien distinctes
et
solidement enracinées, le climat tempéré, dans le centre du moins, pe
543
ides d’un extrême à l’autre stimulent les esprits
et
les arrachent à l’insouciance ». Mais un autre Grec, Strabon, écrivan
544
réaliste, la Géographie universelle, de Mantelle
et
Brun, publiée à Paris en 1816, reconnaît que l’Europe historique n’es
545
humain. Voilà donc l’importance de la géographie
et
du climat minimisée, presque niée. Serait-ce alors à la démographie q
546
gions privilégiées à cet égard : la Chine, l’Inde
et
l’Europe, lesquelles comptent chacune, au xxe siècle, entre 500 et 6
547
elles comptent chacune, au xxe siècle, entre 500
et
600 millions d’habitants (soit ensemble à peu près 60 % de la populat
548
ssance, celle des grandes découvertes précisément
et
de l’expansion vers le monde, était bien moins peuplée que la Chine e
549
s le monde, était bien moins peuplée que la Chine
et
que l’Inde, et ne subissait aucune pression démographique, même dans
550
it bien moins peuplée que la Chine et que l’Inde,
et
ne subissait aucune pression démographique, même dans ses pays les pl
551
ographique, même dans ses pays les plus prospères
et
entreprenants. Ainsi, de 1328 à 1700, selon Charles Morazé, la France
552
Europe de l’Ouest, mais bien plus riche en hommes
et
en matières premières, n’offre guère aux yeux de l’historien qu’une d
553
e temps même où l’Europe faisait le tour du monde
et
dominait sur la plupart des nations de l’époque, Inde comprise ? Comm
554
taient pourtant le tiers de l’humanité vers 1850,
et
qui en sont encore près du quart aujourd’hui (ils n’en seront sans do
555
nde que par leur faculté de se laisser conquérir,
et
d’absorber leurs conquérants, Huns ou Mongols ? Les causes physiques
556
nquérants, Huns ou Mongols ? Les causes physiques
et
naturelles ne pouvant rendre compte des destins de l’Europe, faudra-t
557
iques contemporains ? Cela se discute. Hippocrate
et
Strabon, nous venons de le voir, mais aussi Hérodote, Platon et Arist
558
us venons de le voir, mais aussi Hérodote, Platon
et
Aristote nous parlent déjà d’une Europe et la contrastent même avec l
559
Platon et Aristote nous parlent déjà d’une Europe
et
la contrastent même avec l’Asie, mais cette Europe ne connaît pas enc
560
e de notre ère, obéit à l’ordre du Christ : Allez
et
évangélisez toutes les nations. Cette injonction envoie ceux qui l’ac
561
i l’acceptent sur les terres les plus lointaines,
et
cela dès le ive siècle en Afrique du Nord, en Inde du Sud — sur la c
562
u Nord, en Inde du Sud — sur la côte de Malabar —
et
jusqu’en Extrême-Orient — on compte plus de soixante évêchés nestorie
563
la Chine du ixe siècle, sous la dynastie Tang —
et
vers l’ouest, en Islande, au Labrador, en Amérique du Nord, peut-être
564
u Nord, peut-être même jusqu’au Yucatan des Mayas
et
jusqu’au Pérou des Incas. Mais c’est une expansion chrétienne et non
565
ou des Incas. Mais c’est une expansion chrétienne
et
non spécifiquement européenne. En revanche l’expansion colonialiste,
566
ort à la prétention universelle du christianisme,
et
ce n’est pas définir l’Europe, puisque ce serait la définir par une v
567
ommentant Nietzsche (ce très lucide antichrétien)
et
nos principes politiques en dérivent. Or notre idée de la science et
568
litiques en dérivent. Or notre idée de la science
et
nos principes d’égalité, de liberté et de justice ont sans doute été
569
la science et nos principes d’égalité, de liberté
et
de justice ont sans doute été décisifs dans l’aventure mondiale de l’
570
ette religion, venue d’ailleurs, du Proche-Orient
et
non d’elle-même ? Existait-il une prédisposition européenne au christ
571
hristianisme ? Ceci nous laisse en plein mystère.
Et
les autres explications du phénomène européen par des données physiqu
572
s du phénomène européen par des données physiques
et
matérielles nous laissent en pleine ambiguïté : ces données ont agi,
573
d’un plan, dont nul ne voit qui l’aurait calculé
et
imposé. Et ce n’est pas l’incarnation de quelque idée platonicienne,
574
dont nul ne voit qui l’aurait calculé et imposé.
Et
ce n’est pas l’incarnation de quelque idée platonicienne, ni la démon
575
vement créateur de l’Europe, je le trouve d’abord
et
déjà dans la légende originelle de l’Enlèvement d’Europe par Zeus. C’
576
par Zeus. C’est dans un bond vers l’ouest, la mer
et
l’aventure que l’Europe légendaire prend son départ. Le mythe de l’en
577
n presque totale « des premiers habitants du bois
et
du rocher » (comme dit Vigny) dont ne nous restent plus que les peint
578
stent plus que les peintures rupestres de Lascaux
et
d’Altamira, l’Europe a été lentement repeuplée par des colons venus d
579
us d’une part de l’Asie Mineure le long du Vardar
et
du Danube, jusqu’en Rhénanie et en France, d’autre part du delta du N
580
le long du Vardar et du Danube, jusqu’en Rhénanie
et
en France, d’autre part du delta du Nil, le long des côtes, remontant
581
et d’apports successifs intellectuels, techniques
et
religieux, créés en Mésopotamie, en Égypte et en Phénicie et de là tr
582
ues et religieux, créés en Mésopotamie, en Égypte
et
en Phénicie et de là transférés en Crète d’abord — où la princesse Eu
583
x, créés en Mésopotamie, en Égypte et en Phénicie
et
de là transférés en Crète d’abord — où la princesse Europe engendra u
584
ie, les Minoens — puis, par la mer Égée en Grèce,
et
de là, sur les terres du Couchant, que les langues sémitiques nomment
585
. Chacun fit voile dans une direction différente.
Et
l’un fonda Carthage, tandis que d’autres découvraient les rives du co
586
plus fameux, s’en fut à Rhodes, puis en Thrace ;
et
comme il désespérait de retrouver sa sœur pour la ramener aux rives m
587
as pas, répondit la Pythie. Suis plutôt une vache
et
pousse-la devant toi sans lui laisser de répit : là où elle tombera d
588
divines, ménageant notre liberté d’interprétation
et
de décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est en poursuivant l
589
end seulement la ramener un beau jour toute faite
et
donnée par l’histoire : car c’est sa quête elle-même qui la crée. Rec
590
faire ! Elle existe dans sa recherche à l’infini,
et
c’est ce que je nomme Aventure. Mais elle est autre chose encore, si
591
e, Noé partagea le monde entre ses fils Sem, Cham
et
Japhet. À Cham, l’Afrique mais aussi l’esclavage, pour le punir d’avo
592
frères à le couvrir d’un manteau ; à Sem, l’Asie
et
la vie spirituelle ; à Japhet, l’Europe et les armes, et la promesse
593
l’Asie et la vie spirituelle ; à Japhet, l’Europe
et
les armes, et la promesse d’une expansion indéfinie : dilatatio, lati
594
ie spirituelle ; à Japhet, l’Europe et les armes,
et
la promesse d’une expansion indéfinie : dilatatio, latitudo, selon la
595
indéfinie : dilatatio, latitudo, selon la Vulgate
et
les Pères. Dilatatio, expansion, c’est le mot-clé. Retraçons maintena
596
siècles, elles évoquent les mouvements de systole
et
de diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier
597
mouvement : concentration des valeurs religieuses
et
culturelles du Proche-Orient dans la péninsule d’Occident. Nous avons
598
pulations, les religions, les procédés techniques
et
les rudiments de la science, tout est venu de l’Est vers l’Europe, to
599
e constitue en Grèce. L’Empire de Rome la diffuse
et
la transforme. À l’individualisme qui régnait dans les cités grecques
600
s cités grecques, il substitue le culte de l’État
et
des grandes institutions centralisées, et il étend leur autorité sur
601
l’État et des grandes institutions centralisées,
et
il étend leur autorité sur toute l’Europe de l’Ouest. Dans le cadre d
602
mpire se trouvent inclus des Celtes, des Germains
et
des Slaves, des « barbares » toujours plus nombreux, et de traditions
603
Slaves, des « barbares » toujours plus nombreux,
et
de traditions très opposées à celles de Rome, mais progressivement in
604
sept ou huit traditions différentes : orientales
et
nordiques, continentales et maritimes, individualistes et communautai
605
férentes : orientales et nordiques, continentales
et
maritimes, individualistes et communautaires, rationalistes et magiqu
606
ques, continentales et maritimes, individualistes
et
communautaires, rationalistes et magiques. Et c’est l’Église qui va t
607
individualistes et communautaires, rationalistes
et
magiques. Et c’est l’Église qui va tenter d’opérer la synthèse improb
608
tes et communautaires, rationalistes et magiques.
Et
c’est l’Église qui va tenter d’opérer la synthèse improbable de toute
609
en conflit latent ou en guerre ouverte. L’Europe
et
sa culture résulteront de cette fusion jamais achevée, toujours insta
610
e cette fusion jamais achevée, toujours instable,
et
dont la grande originalité — si on la compare aux cultures de l’Asie
611
ange dynamique d’éléments de provenances diverses
et
de tendances contradictoires. Pendant tout le Moyen Âge et ses luttes
612
dances contradictoires. Pendant tout le Moyen Âge
et
ses luttes meurtrières, opposant l’Église à l’Empire, l’empereur et l
613
trières, opposant l’Église à l’Empire, l’empereur
et
les rois aux féodaux, les cités aux princes et l’orthodoxie aux hérés
614
ur et les rois aux féodaux, les cités aux princes
et
l’orthodoxie aux hérésies, cette fermentation se poursuit en vase clo
615
tions régulières avec les civilisations de l’Inde
et
de la Chine, dont quelques rares voyageurs — Marco Polo, Rubrukis ou
616
. Ils ont tenté plusieurs sorties, les croisades,
et
ils ont échoué. Comment forcer le verrou de l’islam ? Comment apporte
617
a Bonne Nouvelle aux peuplades païennes de l’Asie
et
de l’Afrique ? Comment échapper à ces guerres sans fin, à ces querell
618
es guerres sans fin, à ces querelles théologiques
et
scolastiques qui se terminent trop souvent sur le bûcher ? Comment ré
619
ental, au surplus rétrécies par les Turcs à l’est
et
par les Arabes au sud-ouest. Christophe Colomb n’est pas parti pour t
620
i pour trouver l’Amérique, car il n’y croyait pas
et
ne pouvait donc la chercher. Il est parti pour trouver l’Inde fabuleu
621
Inde fabuleuse, aux cités pavées d’or, disait-on,
et
pour en ramener les trésors avec lesquels son roi comptait payer l’ul
622
lesquels son roi comptait payer l’ultime croisade
et
délivrer Jérusalem. C’est tout un arrière-plan de foi religieuse, de
623
out un arrière-plan de foi religieuse, de chances
et
de malchances géographiques, d’ambitions impériales, de science mythi
624
ques, d’ambitions impériales, de science mythique
et
de nostalgie de la quête que résume d’un seul coup l’aventure exempla
625
se au cœur chrétien, probablement juif d’origine,
et
fondateur d’empire — mais pour d’autres… Tout en lui, et d’abord son
626
ateur d’empire — mais pour d’autres… Tout en lui,
et
d’abord son vrai nom qui est Colón, et son prénom Christophe, porteur
627
ut en lui, et d’abord son vrai nom qui est Colón,
et
son prénom Christophe, porteur du Christ — en vérité, porteur de l’hi
628
Europe, légendaire, historique, physique, païenne
et
chrétienne à la fois : l’homme du mythe, le marin, le chercheur de tr
629
e marin, le chercheur de trésors, le missionnaire
et
le croisé. Pour qu’apparût l’aventurier fiévreux qui allait revêtir l
630
des Îles qui ont été découvertes dans les Indes »
et
de « Grand amiral de la mer Océane », il fallait que Jason eût été en
631
forces créatrices de l’Occident : la Grèce, Rome
et
Jérusalem, la magie celte, l’inquiétude hébraïque, la science alleman
632
our effet la découverte par erreur des Amériques,
et
ce fut le début de l’expansion séculaire, économique, politique et re
633
t de l’expansion séculaire, économique, politique
et
religieuse, d’un petit cap de l’Asie rongé de mers et de Turcs, qui o
634
eligieuse, d’un petit cap de l’Asie rongé de mers
et
de Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui allait c
635
urcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe
et
qui allait conquérir, tour à tour, toutes les autres. L’aventure mond
636
, mise à feu d’étages successifs, mise en orbite,
et
après quelques tours de la Terre, retombée rapide vers le sol. Mais c
637
mais de la conscience du genre humain, agrandies
et
modifiées à jamais. Ces étages mis à feu successivement, ces étapes d
638
u Proche-Orient puis des Indes au xviiie siècle,
et
de l’Indonésie, la colonisation de l’immense Sibérie par les Russes,
639
n. De siècle en siècle, les continents découverts
et
régis par l’Europe se sont libérés de sa tutelle. L’Amérique du Nord
640
; l’Inde, l’Indonésie, tout le Sud-Est asiatique
et
le Proche-Orient au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, puis pr
641
le au nom même des valeurs de liberté, de justice
et
d’égalité pour tous les peuples, et de respect pour toutes les person
642
é, de justice et d’égalité pour tous les peuples,
et
de respect pour toutes les personnes, qu’elle avait elle-même formulé
643
les personnes, qu’elle avait elle-même formulées
et
diffusés sans en calculer leurs conséquences. La voici réduite à elle
644
e, ramenée dans les limites de son cap asiatique,
et
pas plus grande, notons-le bien, qu’elle ne le fut au Moyen Âge. Elle
645
’autre avec amitié — tandis que l’Afrique, l’Asie
et
le monde arabe tentent de grouper leurs forces renaissantes contre l’
646
entale, qui aurait donc consisté, dans l’ensemble
et
au total, à faire le monde, mais à le faire contre ses auteurs, c’est
647
roche-Orient, afin de sauver l’honneur occidental
et
de reconquérir Hélène, symbole de la vertu et de la beauté, préfigure
648
tal et de reconquérir Hélène, symbole de la vertu
et
de la beauté, préfigure l’idéal missionnaire qui sera, quinze à vingt
649
ant ses évangélistes jusqu’en Chine, vers l’est ;
et
vers l’ouest, jusqu’en Islande et aux côtes atlantiques de l’Amérique
650
e, vers l’est ; et vers l’ouest, jusqu’en Islande
et
aux côtes atlantiques de l’Amérique. La victoire militaire des Grecs
651
et interminable voyage vers la sagesse originelle
et
éternelle, vers le pays natal, Ithaque, ce passionnant vagabondage, c
652
u long de l’épopée, comme si Ulysse, le courageux
et
le rusé, préférait secrètement le voyage à son but, les épreuves de l
653
t, les épreuves de la route à l’arrivée heureuse,
et
les risques sans cesse renouvelés au bonheur calme auprès de Pénélope
654
nnu, en naviguant avec astuce entre les Charybdes
et
les Scyllas des excès contraires, telle est la passion maîtresse d’Ul
655
ntraires, telle est la passion maîtresse d’Ulysse
et
ce sera, identiquement, la passion des grands créateurs de la culture
656
enfin, — à l’aventure ! Transcendant son destin,
et
même ses intérêts, au nom d’une vocation universelle. Abraham, « le p
657
nconnu. Il trouva le pays que Dieu lui réservait,
et
ce fut là le terme de son aventure, mais le début d’une autre histoir
658
ère des Découvreurs, croyait savoir où il allait,
et
ce qu’il cherchait : il avait calculé qu’il y serait en trente jours.
659
faux, il trouva les Antilles au lieu de Xipango ;
et
, finalement, c’est sa foi seule qui le soutint, car les deux grands p
660
ésoudre : atteindre l’Inde en contournant l’islam
et
financer la dernière croisade, ne furent pas résolus par son expéditi
661
uva d’autres terres, d’autres îles, comme Ulysse,
et
qui allaient poser d’autres problèmes, littéralement incalculables. I
662
que — ne font en somme pas autre chose que Colomb
et
qu’Ulysse avant lui : ils partent vers des buts proches ou lointains
663
pent sur les buts de leurs voyages, ou sur le nom
et
la nature de leur objet. Et ce qu’ils trouvent pose de nouveaux probl
664
oyages, ou sur le nom et la nature de leur objet.
Et
ce qu’ils trouvent pose de nouveaux problèmes, tous imprévus, comprom
665
lige à repenser tout ce qu’on tenait pour acquis,
et
à chercher toujours plus loin, au prix de risques toujours plus grand
666
risques toujours plus grands. Chercher plus loin,
et
de la sorte créer autant de risques qu’on résout de problèmes, telle
667
rmule du Progrès, dans sa définition occidentale.
Et
l’on voit qu’elle est ambiguë : qu’il suffise de citer, pour l’illust
668
, mais qu’en est-il de nos moyens de la maîtriser
et
de la faire servir au bonheur, à la justice, à la sagesse ? Préférer
669
esse immuable, c’est tout le génie de l’Occident,
et
c’est par là que l’Occident, aventureuse moitié du monde, s’oppose le
670
on peut tracer sur notre globe, il en existe un —
et
un seul ! — qui se trouve contenir à la fois le 94 % de l’humanité ac
671
contenir à la fois le 94 % de l’humanité actuelle
et
le 98 % de la production totale du monde. De là le nom d’hémisphère p
672
éterminée, ne contient donc que 6 % des habitants
et
2 % de la production du monde, n’étant guère occupée que par les océa
673
es océans, le continent antarctique, la Patagonie
et
l’Australie méridionale. Or voici le fait qui me frappe : c’est que l
674
pondant aux antipodes, on ne verrait que de l’eau
et
des déserts, et seulement sur les bords, des traces de l’œuvre humain
675
podes, on ne verrait que de l’eau et des déserts,
et
seulement sur les bords, des traces de l’œuvre humaine. Voici donc un
676
humilité d’Européens, un fait aisément vérifiable
et
dont les données objectives se lisent sur nos mappemondes et cartes é
677
données objectives se lisent sur nos mappemondes
et
cartes économiques, en attendant d’être photographiées par quelque sa
678
quelque satellite artificiel : L’Europe est bel
et
bien le centre du monde humain, le lieu géométrique, le carrefour nat
679
urel des grandes voies de communication maritimes
et
surtout aériennes qui ont permis au genre humain de vérifier son unit
680
s au genre humain de vérifier son unité concrète,
et
d’en prendre une conscience utile, opérative. Au cœur de l’hémisphère
681
e en graphique, la fonction mondiale de l’Europe.
Et
voilà qui est déterminant, pour qui suppute les chances futures de l’
682
our qui suppute les chances futures de l’Occident
et
de l’esprit européen, constater que l’Europe actuelle, amputée des pl
683
russes, tiendrait près de neuf fois dans l’Asie,
et
six fois dans l’Afrique. En revanche, ce plus petit continent est le
684
tous : le plus profondément découpé par les mers
et
le plus richement cloisonné par des plis montagneux de moyenne altitu
685
sonné par des plis montagneux de moyenne altitude
et
des fleuves aisément traversables. En proportion de sa surface, n’oub
686
eux, le plus riche réseau de voies d’eau (fleuves
et
canaux), la plus grande densité de villes et de villages, et le peupl
687
uves et canaux), la plus grande densité de villes
et
de villages, et le peuplement le plus égal : c’est le seul continent
688
la plus grande densité de villes et de villages,
et
le peuplement le plus égal : c’est le seul continent qui n’ait point
689
ndres simplifiés par des canaux, tunnels routiers
et
ferroviaires, innombrables ponts et chaussées, travail infini des cam
690
nels routiers et ferroviaires, innombrables ponts
et
chaussées, travail infini des campagnes. Regardez à la loupe cette ph
691
ous y distinguez des villages, des petites villes
et
des fermes isolées, des châteaux et des usines, des routes, des voies
692
etites villes et des fermes isolées, des châteaux
et
des usines, des routes, des voies ferrées et des canaux, des forêts e
693
eaux et des usines, des routes, des voies ferrées
et
des canaux, des forêts et des champs quadrillés — partout les traces
694
utes, des voies ferrées et des canaux, des forêts
et
des champs quadrillés — partout les traces de l’homme et du travail h
695
champs quadrillés — partout les traces de l’homme
et
du travail humain, et nulle part aussi concentrées. Anciens villages
696
rtout les traces de l’homme et du travail humain,
et
nulle part aussi concentrées. Anciens villages et villes d’Europe, vo
697
et nulle part aussi concentrées. Anciens villages
et
villes d’Europe, vous n’en trouverez pas deux dont les plans soient s
698
ouverts des pionniers arrêtés un soir, à l’étape,
et
qui auraient décidé d’en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent
699
nautés bien ancrées, bien nettement individuelles
et
pourtant richement reliées et régionalement fédérées. Et voici que to
700
ement individuelles et pourtant richement reliées
et
régionalement fédérées. Et voici que tout se résume en un coup d’œil.
701
tant richement reliées et régionalement fédérées.
Et
voici que tout se résume en un coup d’œil. Car autour de la place d’u
702
’un simple village d’Europe vous trouvez l’église
et
la mairie, souvent l’école et les cafés, et le marché et la circulati
703
us trouvez l’église et la mairie, souvent l’école
et
les cafés, et le marché et la circulation. À partir de cette place, b
704
glise et la mairie, souvent l’école et les cafés,
et
le marché et la circulation. À partir de cette place, banale et donc
705
airie, souvent l’école et les cafés, et le marché
et
la circulation. À partir de cette place, banale et donc typique, un s
706
t la circulation. À partir de cette place, banale
et
donc typique, un savant débarqué de Mars ou de Vénus pourrait reconst
707
irituelle, le règne de la loi, le respect général
et
tacite des institutions, l’éducation publique, l’échange des opinions
708
ions individuelles (de préférence contradictoires
et
subversives) et l’échange des produits du travail — toute une vitalit
709
es (de préférence contradictoires et subversives)
et
l’échange des produits du travail — toute une vitalité librement ordo
710
ortrait composé non point à partir de définitions
et
d’analyses intellectuelles de principes et de doctrines — dont il ser
711
itions et d’analyses intellectuelles de principes
et
de doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu’elles n’ont
712
e dire qu’elles n’ont guère été mises en pratique
et
qu’il s’agit d’une Europe idéale, qu’on refuse de reconnaître, qui es
713
autre parti — mais à partir des réalités visibles
et
tangibles, qui sont le cadre de nos vies. Europe présentée non point
714
sa morphologie. La tentative est assez nouvelle,
et
ne nous dissimulons pas ses risques, mais il se peut qu’elle donne qu
715
jeunes sociologues qui la pousseraient plus loin,
et
qu’elle suggère une méthode inédite d’un enseignement de notre vie ci
716
ignement de notre vie civique, basée sur la photo
et
sur le film, et permettant beaucoup de comparaisons révélatrices avec
717
e vie civique, basée sur la photo et sur le film,
et
permettant beaucoup de comparaisons révélatrices avec la réalité des
718
rope en partant de la place communale. Nos villes
et
nos villages ne sont pas nés autour de places préalablement dessinées
719
ourgs — fori burgus, lieux hors du bourg originel
et
défensif — qui a marqué et manifesté l’accession des Européens à la r
720
hors du bourg originel et défensif — qui a marqué
et
manifesté l’accession des Européens à la réalité communautaire, fonde
721
ut au contraire : la Place centrale de nos villes
et
villages est rarement régulière, hors des périodes de relâchement civ
722
pio, le Rathaus) soit ou non bâtie sur la place —
et
il se trouve qu’elle l’est en général — c’est bien de là qu’elle tire
723
la libre discussion, sur le libre jeu des partis,
et
sur la liberté de l’opposition, majorité possible de demain… Or les p
724
ition, majorité possible de demain… Or les partis
et
l’opinion, et l’opposition notamment, se manifestent par la Presse, d
725
é possible de demain… Or les partis et l’opinion,
et
l’opposition notamment, se manifestent par la Presse, dans l’ère mode
726
t par la Presse, dans l’ère moderne de l’Europe ;
et
la presse, dès le début, fut étroitement liée à cet autre élément néc
727
à qu’elle se parle d’abord, s’écrit bien souvent,
et
se lit. C’est dans les cafés de Hollande que se réunissent les réfugi
728
entière, en dépit des censures de l’absolutisme,
et
qui préparent le siècle des Lumières et la Révolution française. C’es
729
olutisme, et qui préparent le siècle des Lumières
et
la Révolution française. C’est dans les tavernes anglaises que se lis
730
nal que Daniel Defoe rédige seul, de 1704 à 1713.
Et
c’est encore dans les cafés que le Spectator d’Addison, un peu plus t
731
a philosophie, enfin sortie des cabinets d’études
et
de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence du kiosque
732
d’insertion de la rumeur du monde, entre le café
et
le marché. Face à l’hôtel de ville, l’église. Le temple grec sur l’ag
733
e chrétienne ou ecclesia (qui veut dire assemblée
et
non plus temple), représentent l’autre pôle de la cité : celui de l’u
734
e, qui doit transcender les partis, les ambitions
et
les doctrines en vogue. Si l’on en juge seulement par les structures
735
on en juge seulement par les structures sensibles
et
visibles — comme j’entends le faire aujourd’hui — que se passe-t-il d
736
ujourd’hui — que se passe-t-il dans cette église,
et
que l’Orient n’a jamais connu ? Le prêtre parle, entonne, et le peupl
737
ient n’a jamais connu ? Le prêtre parle, entonne,
et
le peuple répond, et le chœur chanté, et dans l’église, manifeste à s
738
? Le prêtre parle, entonne, et le peuple répond,
et
le chœur chanté, et dans l’église, manifeste à son tour la structure
739
entonne, et le peuple répond, et le chœur chanté,
et
dans l’église, manifeste à son tour la structure essentiellement poly
740
on tour la structure essentiellement polyphonique
et
dialectique qui définit l’Europe, sa grandeur et son drame. Il serait
741
et dialectique qui définit l’Europe, sa grandeur
et
son drame. Il serait tentant, partant de là, de reconstituer toute la
742
ne, c’est-à-dire de l’individu à la fois autonome
et
engagé — engagé, dans la communauté… Mais cette démonstration sortira
743
ue de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Réforme
et
des Ordres, à la Renaissance. Aujourd’hui, ses instituteurs, qui dépe
744
d’une part communiquer les connaissances acquises
et
le respect des valeurs communes, et elle doit d’autre part éveiller l
745
nces acquises et le respect des valeurs communes,
et
elle doit d’autre part éveiller le sens critique et le jugement indiv
746
elle doit d’autre part éveiller le sens critique
et
le jugement individuel. Éduquer, c’est e-ducere, conduire dehors. Con
747
mmuns qui ont formé la cité, qui la maintiennent,
et
qu’il faut critiquer pour les garder vivants, mais au nom des princip
748
é se résume donc par les deux termes l’initiation
et
l’initiative, qui marquent les deux pôles de notre éducation. (L’Orie
749
uent les deux pôles de notre éducation. (L’Orient
et
les cultures traditionnelles n’ont guère connu jusqu’à nos jours d’au
750
ce, lieu de rencontre des produits de la campagne
et
des besoins de la ville, et en même temps figuration vivante de la lo
751
oduits de la campagne et des besoins de la ville,
et
en même temps figuration vivante de la loi de l’offre et de la demand
752
ême temps figuration vivante de la loi de l’offre
et
de la demande, il a fourni la désinence symbolique de toute l’économi
753
êts contradictoires mais solidaires du producteur
et
du consommateur, des droits acquis et des règles d’arbitrage, des in
754
producteur et du consommateur, des droits acquis
et
des règles d’arbitrage, des initiatives et des coutumes, des conditio
755
acquis et des règles d’arbitrage, des initiatives
et
des coutumes, des conditions locales et des exigences collectives — e
756
itiatives et des coutumes, des conditions locales
et
des exigences collectives — en perpétuelle tension, lutte et concilia
757
ences collectives — en perpétuelle tension, lutte
et
conciliation, antinomique et pleinement valable. À cela s’ajoutent le
758
uelle tension, lutte et conciliation, antinomique
et
pleinement valable. À cela s’ajoutent les multiples tensions, non seu
759
entre la commune (née de leur composition locale)
et
la région, puis entre la région et la nation, la nation et l’Europe,
760
sition locale) et la région, puis entre la région
et
la nation, la nation et l’Europe, l’Europe et le monde ; tout se rame
761
ion, puis entre la région et la nation, la nation
et
l’Europe, l’Europe et le monde ; tout se ramenant, en somme, à la ten
762
ion et la nation, la nation et l’Europe, l’Europe
et
le monde ; tout se ramenant, en somme, à la tension entre le particul
763
us toutes ses formes — fussent-elles nationales —
et
l’universel dans toutes ses exigences — fussent-elles représentées pa
764
donc définie par ses formes une Europe pluraliste
et
non pas unitaire dans son principe comme le furent les grandes civili
765
furent les grandes civilisations traditionnelles
et
statiques de l’Asie, et aussi de l’Amérique précolombienne, et comme
766
lisations traditionnelles et statiques de l’Asie,
et
aussi de l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’être les régim
767
de l’Asie, et aussi de l’Amérique précolombienne,
et
comme veulent l’être les régimes totalitaires de notre temps. Civilis
768
toujours renouvelés ; civilisation de discussion
et
de contestation dont la passion maîtresse paraît bien être la remise
769
ise en question permanente des données naturelles
et
des relations humaines, du Destin et du sens de vie. Quand l’une des
770
s naturelles et des relations humaines, du Destin
et
du sens de vie. Quand l’une des réalités antagonistes — la liberté ou
771
discipline sociale, etc.— prétend s’imposer seule
et
détruire l’autre au nom d’un ordre simplificateur ou d’une doctrine p
772
plificateur ou d’une doctrine prétendument totale
et
unitaire, il en résulte guerres, révolutions, massacres, explosions d
773
dictatures — une histoire plus intense, violente
et
polémique que n’en relatent les chroniques d’aucune autre région du m
774
la maîtrise, évitant à la fois le lugubre unisson
et
la cacophonie intolérable — alors paraissent les créations les plus t
775
complémentaires, voire de la dissonance calculée
et
dirigée vers une « résolution » future. Ainsi de la commune, de la fé
776
nsi de la commune, de la fédération, du parlement
et
du régime bicaméral, des syndicats et des coopératives ; ainsi de l’é
777
u parlement et du régime bicaméral, des syndicats
et
des coopératives ; ainsi de l’éducation elle-même et, finalement, de
778
des coopératives ; ainsi de l’éducation elle-même
et
, finalement, de l’idée du progrès. Dans la mesure où cet immense comp
779
éprimé ou dévasté par les guerres, les dictatures
et
les nationalismes clos, qui représentent ses courts-circuits ; dans l
780
sistible. Tel est le secret du dynamisme européen
et
des périodes de diastole planétaire de notre civilisation. Sommes-nou
781
s rapidement effacer nos plus fécondes diversités
et
imposer au continent et à ses peuples un visage uniforme et anonyme,
782
plus fécondes diversités et imposer au continent
et
à ses peuples un visage uniforme et anonyme, comparable au portrait-r
783
au continent et à ses peuples un visage uniforme
et
anonyme, comparable au portrait-robot du producteur moyen russe ou am
784
e réponse motivée à cette question — trop souvent
et
trop facilement tranchée au nom de partis pris réactionnaires ou prog
785
u’en Amérique elles sont pleines chaque dimanche,
et
on en trouve en général quatre ou cinq pour une commune rurale moyenn
786
d’un village. Elle y joue un grand rôle politique
et
civique. Mais c’est peut-être aux dépens de la rigueur d’une doctrine
787
peut-être aux dépens de la rigueur d’une doctrine
et
d’une vie spirituelle que l’Europe a mieux su maintenir face à l’État
788
e que l’Europe a mieux su maintenir face à l’État
et
face aux modes du jour. Les Américains le sentent bien, et c’est pour
789
ux modes du jour. Les Américains le sentent bien,
et
c’est pourquoi leurs pasteurs et leurs prêtres s’inspirent de plus en
790
le sentent bien, et c’est pourquoi leurs pasteurs
et
leurs prêtres s’inspirent de plus en plus de nos théologiens. Prenons
791
tard sur l’époque, trop attachées aux traditions,
et
cette critique demeure en partie justifiée. Mais, en Amérique, on red
792
, on redécouvre les vertus de la culture générale
et
des humanités, et d’une pédagogie plus ferme, pour ne pas dire autori
793
s vertus de la culture générale et des humanités,
et
d’une pédagogie plus ferme, pour ne pas dire autoritaire, si bien que
794
gences immédiates de l’instruction de techniciens
et
la stratégie à long terme de la formation des esprits. L’URSS elle-mê
795
ment des techniques, revient aux études générales
et
se rapproche, dans cette mesure du moins, de nos formules européennes
796
mal, à plus d’un siècle d’empiètements de l’État
et
de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvai
797
le coup de grâce. Bien au contraire. Le bon usage
et
la santé de l’économie technicienne, selon ses meilleurs spécialistes
798
, veulent à la fois des regroupements industriels
et
une répartition plus décentralisée de la production, poussant à la mi
799
Conseil des communes d’Europe, l’Union des villes
et
des pouvoirs locaux, apparus depuis la dernière guerre, ne livrent pa
800
u’il n’a jamais été plus prospère qu’aujourd’hui,
et
cela dans tous nos pays, qu’il s’agisse du Marché commun des Six, ou
801
nomie des pays neutres. Quant à la presse, enfin,
et
au café dont elle est née, je dirai que la prospérité d’une presse li
802
ée, je dirai que la prospérité d’une presse libre
et
le prestige des cafés littéraires dans nos grandes villes, ces deux f
803
de l’Asie, assez pauvre en richesses naturelles,
et
moins peuplé, je le répète, que l’Inde ou que la Chine. Mais ce cap e
804
e répète, que l’Inde ou que la Chine. Mais ce cap
et
ses habitants, longuement travaillés, tourmentés, fécondés par une do
805
travaillés, tourmentés, fécondés par une doctrine
et
une inquiétude religieuses, par des formes de pensée philosophique, e
806
igieuses, par des formes de pensée philosophique,
et
par une volonté d’aventure rationnelle d’où sont issues la science e
807
’aventure rationnelle d’où sont issues la science
et
la technique, et des arts florissants, et des institutions, et des fo
808
elle d’où sont issues la science et la technique,
et
des arts florissants, et des institutions, et des formes d’existence
809
science et la technique, et des arts florissants,
et
des institutions, et des formes d’existence sociale, et une puissance
810
ue, et des arts florissants, et des institutions,
et
des formes d’existence sociale, et une puissance économique sans préc
811
institutions, et des formes d’existence sociale,
et
une puissance économique sans précédent, c’est cela l’Europe, c’est c
812
t l’Europe par E, sa petite masse physique par m,
et
sa culture par c. E = mc2 se lit alors comme suit : Europe égal cap d
813
emarquable d’institutions pluralistes en tension,
et
à cette lutte toujours ouverte entre tradition et innovation, que l’E
814
et à cette lutte toujours ouverte entre tradition
et
innovation, que l’Europe s’est montrée capable d’intégrer un peu mieu
815
que d’autres la technique. Ailleurs, en Amérique
et
en Russie, sur des grandes plaines, peu peuplées, voire des déserts,
816
développer ses effets sans résistances sérieuses,
et
comme sur table rase. En Europe, elle est née dans un contexte serré
817
t née dans un contexte serré de principes vénérés
et
de droits garantis, dans un fouillis de coutumes séculaires, artisana
818
s un fouillis de coutumes séculaires, artisanales
et
paysannes, de chicanes légales ou fiscales, de fronde populaire et de
819
chicanes légales ou fiscales, de fronde populaire
et
de revendications, qui l’ont freinée dans son élan et l’ont contraint
820
e revendications, qui l’ont freinée dans son élan
et
l’ont contrainte peu à peu à tenir compte du milieu humain, à ne pas
821
u le bulldozer dans un verger. Certes, les freins
et
les écluses n’ont pas toujours joué à temps, et la conscience sociale
822
s et les écluses n’ont pas toujours joué à temps,
et
la conscience sociale a été lente à s’éveiller dans les élites respon
823
du charbon, n’a pas seulement créé le décor sale
et
sans âme des faubourgs de nos capitales, elle a créé le prolétariat,
824
rx, « le complément vivant d’un mécanisme mort »,
et
l’obligeant à travailler quinze heures par jour, dans des conditions
825
ourd’hui. (Seulement, la presse n’en parlait pas,
et
ses effets se sont étalés sur un siècle.) Mais en développant la tech
826
passant de l’époque noire du charbon, de la mine
et
des fabriques enfumées, à l’époque blanche et propre de l’électricité
827
ine et des fabriques enfumées, à l’époque blanche
et
propre de l’électricité, de l’aviation, et de l’usine transparente en
828
lanche et propre de l’électricité, de l’aviation,
et
de l’usine transparente entourée de verdure, l’Europe n’a pas seuleme
829
pris conscience la première des problèmes sociaux
et
moraux, éducatifs et spirituels qu’une technique et une science, nées
830
emière des problèmes sociaux et moraux, éducatifs
et
spirituels qu’une technique et une science, nées de ses œuvres, posen
831
moraux, éducatifs et spirituels qu’une technique
et
une science, nées de ses œuvres, posent désormais à tous les hommes.
832
e de l’équilibre indispensable entre la tradition
et
l’innovation, et c’est le problème fondamental de notre temps. Or ell
833
indispensable entre la tradition et l’innovation,
et
c’est le problème fondamental de notre temps. Or elle est seule à dis
834
ganes du patient nommé Europe l’un après l’autre,
et
si l’on détermine son métabolisme, il y a toutes les raisons objectiv
835
qu’il se portera beaucoup mieux qu’on ne le dit,
et
que souvent il ne le pense lui-même. Mais veut-il vivre ? Saura-t-il
836
on seulement à ses problèmes — éducatifs, sociaux
et
politiques — mais aussi aux nouvelles tâches mondiales que lui impose
837
lui impose la diffusion de sa propre civilisation
et
de ses propres idéaux ? Saura-t-il, enfin, prévenir ces affreux accid
838
révenir ces affreux accidents de sa santé mentale
et
de son existence physique que symbolise, sur la place du village, un
839
e en même temps que la notion d’un sacré national
et
non chrétien, dans beaucoup de pays voisins du nôtre — le monument au
840
Le monde entier irrite l’Europe
et
la méprise autant qu’il la jalouse ! (20 juin 1962)m n L’appel du
841
je voudrais maintenant mettre en valeur la nature
et
les relations. Premier fait : c’est au cours des quinze années pendan
842
u Proche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est asiatique,
et
de l’Afrique, sont les mêmes dates, exactement, que celles de nos pre
843
de nos premières étapes vers l’union 1945 à 1962,
et
tout porte à prévoir que les deux processus s’achèveront simultanémen
844
dance des derniers îlots de colonies subsistants,
et
l’autre par la mise en place d’institutions politiques communes. Coïn
845
olitiques communes. Coïncidence très remarquable,
et
qui mériterait de susciter des études sérieuses. Il y aurait lieu de
846
s, ils ne résultent pas tous les deux d’une seule
et
même évolution dialectique : celle du nationalisme. Dès la fin du xvi
847
, les disciples de Rousseau, puis Herder, Bentham
et
Fichte avaient dénoncé l’expansion coloniale comme un péché mortel de
848
dissolution du corps européen en nations rivales.
Et
de fait, la nécessité alléguée par les États colonialistes de s’ouvri
849
e au nom de laquelle les Alliés s’étaient battus,
et
avaient conclu les traités de 1919, et ceci devait amener les colonie
850
nt battus, et avaient conclu les traités de 1919,
et
ceci devait amener les colonies à réclamer leur émancipation, voire à
851
it temps de juguler leurs sanglants chauvinismes,
et
cela devait amener, nous l’avons vu, le réveil des projets d’union. A
852
la dignité de la personne, l’égalité des peuples
et
des races — mais aussi de quelques-unes de nos folies les plus contag
853
à revendiquer les avantages de notre civilisation
et
la souveraineté de leurs États, pour la plupart créés par nous. Quant
854
éduquée par leurs soins dans les pays colonisés,
et
de leur intérêt mieux compris — un peu poussées aussi par les États-U
855
ès l’autre « décroché ». Mais dans le même temps,
et
pour les mêmes raisons, elles ont compris ce qu’elles refusaient de c
856
nécessité de leur union. Elles ont perdu le monde
et
retrouvé l’Europe. Mais voici le deuxième grand fait, non moins parad
857
on par le tiers-monde. L’Europe a fait le monde,
et
cela non seulement parce qu’elle a découvert la Terre entière, mais s
858
soit la seule qui ait su se rendre transportable
et
intégrable hors du contexte de ses origines raciales, politiques et r
859
du contexte de ses origines raciales, politiques
et
religieuses. Nous savons tous aussi comment s’est opérée sa diffusion
860
opérée sa diffusion mondiale dès la Renaissance,
et
par quels procédés, qui ne furent pas tous chrétiens. Animés par les
861
plement aventurières, les Européens, en désordre,
et
sans le moindre plan d’ensemble, du xvie au xixe siècle fondent sur
862
iècle fondent sur tous les continents des églises
et
des comptoirs, des cités et des industries, des écoles et des plantat
863
ontinents des églises et des comptoirs, des cités
et
des industries, des écoles et des plantations, des journaux et des pa
864
omptoirs, des cités et des industries, des écoles
et
des plantations, des journaux et des parlements. S’imposant par la fo
865
ries, des écoles et des plantations, des journaux
et
des parlements. S’imposant par la force ou reçus comme des dieux — ai
866
stice, dans l’immense processus chargé d’humanité
et
de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’une aventu
867
anité et de charité héroïque autant que de crimes
et
de cupidité, d’une aventure dont le bilan est encore très loin d’être
868
e dont le bilan est encore très loin d’être fait.
Et
rien ne prouve que ce bilan sera finalement négatif : c’est en somme
869
l’historien Toynbee m’arrête : Alexandre le Grand
et
les empereurs chinois s’imaginaient, eux aussi, qu’ils dominaient le
870
ment est explorée dans toutes ses grandes lignes,
et
l’archéologie occidentale ressuscite inlassablement bien plus de trad
871
ditions oubliées par leurs peuples que nos armées
et
nos missions n’en ont jamais détruites ou dénaturées. Mais alors, le
872
. En Afrique noire, récemment libérée, la culture
et
les langues européennes font des progrès spectaculaires. Je cite le d
873
comme ailleurs, plus efficace que la contrainte.
Et
partout, dans les nations neuves du tiers-monde, il a suffi que nos a
874
-monde, il a suffi que nos administrateurs civils
et
militaires s’en aillent, pour que soit décrétée l’adoption immédiate
875
crétée l’adoption immédiate de mesures politiques
et
sociales, hygiéniques, urbanistes, techniques, industrielles, tout si
876
ndigène. Ces idéaux, on les retourne contre nous,
et
contre nos pratiques trop souvent immorales : c’est qu’ils valaient s
877
laient sans doute mieux que nous ne l’avions cru,
et
mieux que nous : tant pis pour nous, et tant mieux pour nos idéaux !
878
ions cru, et mieux que nous : tant pis pour nous,
et
tant mieux pour nos idéaux ! Je ne les vois, pour ma part, nullement
879
ent tout entier n’ont autant progressé dans l’âme
et
dans les mœurs des peuples hier encore colonisés. Mais voici le trois
880
. Mais voici le troisième grand fait : nos idéaux
et
nos pratiques ont été diffusés en désordre, sans aucun plan, sans nul
881
ue notre civilisation ne s’est rendue assimilable
et
transportable qu’au prix d’une périlleuse disjonction entre ses produ
882
use disjonction entre ses produits de tous ordres
et
ses valeurs fondamentales. Le monde accepte nos machines et quelques-
883
eurs fondamentales. Le monde accepte nos machines
et
quelques-uns de nos slogans, mais non pas l’arrière-plan religieux, p
884
s non pas l’arrière-plan religieux, philosophique
et
culturel qui a permis non seulement les sciences et la technique, mai
885
culturel qui a permis non seulement les sciences
et
la technique, mais aussi leur intégration, bon an mal an, dans le com
886
, bon an mal an, dans le complexe de nos coutumes
et
de nos équilibres humains. Il faut l’admettre : les versions simplifi
887
le. D’où l’avantage incontestable des Américains,
et
surtout des Soviétiques, lorsqu’il s’agit de moderniser — c’est-à-dir
888
st-à-dire d’occidentaliser — d’une manière rapide
et
massive, les colonies récemment libérées. Ces nouveaux venus dans le
889
ons beaucoup plus simples du progrès, tant social
et
moral que purement matériel. Les premiers n’ont pas les scrupules et
890
nt matériel. Les premiers n’ont pas les scrupules
et
la mauvaise conscience qui étaient le fait des élites européennes pen
891
nes pendant les derniers temps de la colonisation
et
le respect des cultures indigènes n’a jamais arrêté les seconds, pas
892
dit des nôtres : « C’est du néo-colonialisme ! »
Et
pourtant, le tiers-monde, en cette affaire, a bien plus à perdre que
893
timents du tiers-monde à l’égard de notre culture
et
de sa diffusion désordonnée. Rappelant que les pays sous-développés i
894
pe responsable de tous les maux qui en résultent,
et
de la reviviscence, en Asie et en Afrique, de ce qu’il appelait « les
895
qui en résultent, et de la reviviscence, en Asie
et
en Afrique, de ce qu’il appelait « les conceptions partielles ou disc
896
litarisme à la Bentham, un collectivisme militant
et
un socialisme messianique, un libéralisme à la Hayek, l’adoration de
897
à la Hayek, l’adoration de la puissance militaire
et
politique, une bureaucratie qu’on ne pourra plus extirper, la multipl
898
t, le culte du cynisme, la concurrence sans frein
et
le philistinisme culturel. C’est une assez bonne liste de nos vices,
899
vertus, dont la liste est aussi facile à faire ?
Et
pourquoi nous imitez-vous, en général ? Pourquoi nous reprochez-vous
900
ral ? Pourquoi nous reprochez-vous notre athéisme
et
plus encore, notre matérialisme, quand c’est notre aide matérielle qu
901
re aide matérielle que vous exigez à grands cris,
et
pas du tout nos missionnaires ? Cette réponse serait trop facile, car
902
envoyons outre-mer, mais des agents de nos États
et
de nos firmes, qui transportent là-bas toutes nos rivalités, des assi
903
avent pas grand-chose du milieu où ils vont agir,
et
moins encore de ce que l’Europe peut signifier dans son ensemble et v
904
ce que l’Europe peut signifier dans son ensemble
et
vue de loin, des agitateurs politiques, des commerçants incultes et n
905
s agitateurs politiques, des commerçants incultes
et
nos plus mauvais films. Nous exportons pêle-mêle nos sous-produits, n
906
tons pêle-mêle nos sous-produits, nos aventuriers
et
nos livres, nos querelles nationales, nos machines et nos dogmes, dan
907
os livres, nos querelles nationales, nos machines
et
nos dogmes, dans l’irresponsabilité la plus totale, sans respect ni p
908
; mais il n’en tire pas le meilleur, loin de là,
et
nous méprise autant qu’il nous jalouse. C’est en fin de compte notre
909
ion répondant à l’ampleur des exigences du siècle
et
de nos responsabilités mondiales. La question qui se pose est dès lor
910
encore réagir ? En a-t-elle les moyens matériels
et
moraux ? m. Rougemont Denis de, « Le monde entier irrite l’Europe
911
emont Denis de, « Le monde entier irrite l’Europe
et
la méprise autant qu’il la jalouse ! », Arts, Paris, 20 juin 1962, p.
912
de s’unir, pour des raisons à la fois séculaires
et
modernes. Trois écoles, il est vrai, s’opposent encore quand il s’agi
913
lliance des États, celle de l’intégration totale,
et
celle de la fédération. Mais une raison nouvelle doit forcer leur acc
914
orcer leur accord : c’est la nécessité matérielle
et
morale de répondre aux appels que le monde nous adresse, par sa faim,
915
le monde nous adresse, par sa faim, par sa peur,
et
même par sa haine. C’est la nécessité de nous porter enfin à la haute
916
ertain défaitisme européen, de Spengler à Toynbee
et
de Sorel à Sartre, semble avoir persuadé nos élites comme nos masses
917
eront (le monde) : la Russie du côté de l’Orient,
et
l’Amérique, devenue libre de nos jours, du côté de l’Occident ; et no
918
venue libre de nos jours, du côté de l’Occident ;
et
nous autres, peuple du noyau, nous serons trop dégradés, trop avilis
919
op avilis pour savoir autrement que par une vague
et
stupide tradition ce que nous avons été. En 1847, Sainte-Beuve résum
920
r du monde est là, entre ces deux grands mondes.
Et
vingt autres, ainsi, y compris Tocqueville, durant tout le xixe sièc
921
date exactement de la fin de la dernière guerre,
et
au plan mondial. L’Europe se sentait écrasée entre deux colosses à ve
922
rés de hauteur, celui de droite vingt-deux carrés
et
celui du milieu quarante-cinq carrés. Il est donc à lui seul plus gra
923
ncore le meilleur ouvrier, le meilleur philosophe
et
le meilleur artiste — vous avouerez qu’il est au moins curieux que l’
924
beaucoup plus rapide en Europe qu’aux États-Unis.
Et
quant aux chiffres absolus, l’Europe occupe le premier rang pour la p
925
de la fonte, de la houille, du ciment, du beurre
et
du lait — produits de base — les États-Unis tenant le deuxième rang e
926
de base — les États-Unis tenant le deuxième rang
et
l’URSS le troisième. Voilà pour la quantité. Pour la qualité, l’évalu
927
lus malaisée. Voici cependant un exemple chiffré,
et
qui ne me paraît pas dénué de toute signification : production de sav
928
1901 — date la création du prix — à 1961 : Russie
et
démocratie populaire : 10 lauréats. États-Unis : 61. Europe de l’Oues
929
nouveau. C’est que l’Europe unie n’est pas faite
et
qu’il nous faut donc absolument la faire, pour que notre capacité glo
930
mais par son potentiel démographique, économique
et
culturel. Cependant, le sort d’une civilisation ne dépend pas seuleme
931
n assumée par ceux qui en sont les responsables —
et
d’autre part, de la puissance d’autres cultures ou civilisations qui
932
e occidentale désespère bruyamment de nos valeurs
et
dénie toute espèce de vocation à l’Occident, tel que le représentent
933
l que le représentent l’Europe en train de s’unir
et
les États-Unis. Il est courant d’entendre que l’Occident est en plein
934
re que l’Occident est en pleine décadence morale,
et
surtout qu’il n’a plus d’idéal à opposer aux valeurs neuves et conqué
935
’il n’a plus d’idéal à opposer aux valeurs neuves
et
conquérantes du communisme. À cela, je vais répondre en renvoyant aux
936
de plus : la prospérité économique de l’Occident
et
sa vitalité intellectuelle, que rien ne dépasse et n’atteint même de
937
t sa vitalité intellectuelle, que rien ne dépasse
et
n’atteint même de loin, ni en Orient, ni en Afrique, indiquent une re
938
Orient, ni en Afrique, indiquent une renaissance
et
non une décadence. Mais il y a plus : on nous dit que les valeurs nou
939
s valeurs nouvelles capables d’entraîner le monde
et
de lui rendre un idéal sont celles que représente le communisme russe
940
présente le communisme russe. Je demande à voir —
et
je ne vois rien de neuf. Qu’est-ce, au total, que le communisme sovié
941
Un mélange de 50 % de tradition proprement russes
et
même tsaristes, comme le rôle de la police et des fonctionnaires, ou
942
ses et même tsaristes, comme le rôle de la police
et
des fonctionnaires, ou l’habitude de réécrire l’histoire tous les vin
943
est pas Popov qui l’a créé, mais c’est Karl Marx.
Et
qui était Marx ? Un juif allemand, dont le père s’était fait protesta
944
f allemand, dont le père s’était fait protestant,
et
qui écrivait en Angleterre des articles pour le New York Herald Tribu
945
typiques des débats philosophiques, théologiques
et
politiques qui définissent l’esprit européen au xixe siècle. Ce sont
946
sses nous renvoient aujourd’hui, fort simplifiées
et
appauvries d’ailleurs, sous le nom de marxisme dialectique. Qu’en ser
947
e constate. Le Sud-Est de l’Asie jalouse la Chine
et
voudrait secrètement l’imiter ; mais la Chine court après la Russie,
948
e, en espérant la battre sur son propre terrain ;
et
la Russie proclame depuis trente ans qu’elle fera mieux que l’Amériqu
949
e ne traduit rien qu’une division de nos forces —
et
nous sommes en bon train de les unir — mais non pas une absence de fo
950
— mais non pas une absence de forces potentielle.
Et
ces crimes, qui furent ceux de nos nationalismes, du racisme, et, dan
951
qui furent ceux de nos nationalismes, du racisme,
et
, dans une certaine mesure, du colonialisme, exigent de nous bien autr
952
t de nous bien autre chose qu’un mea culpa rageur
et
masochiste, tellement plus facile que l’action. Les vertus et les vic
953
e, tellement plus facile que l’action. Les vertus
et
les vices de l’Europe, son passé et son expérience, la rendent double
954
n. Les vertus et les vices de l’Europe, son passé
et
son expérience, la rendent doublement responsable — au sens actif du
955
e ne saurait la relever, dont nulle autre culture
et
nul autre régime ne me paraissent posséder les moyens de se charger,
956
a institués au lendemain des grandes découvertes,
et
que seules les techniques qu’elle a su inventer sont en mesure de les
957
reste le cœur de tout système d’échanges mondiaux
et
cela, non seulement à cause de la place qu’elle occupe au centre de l
958
en valeur plus du double de celui des États-Unis,
et
près de dix fois celui de l’URSS. La vocation mondiale de l’Europe es
959
ns représentent à peu près 40 % de notre commerce
et
nos importations atteignent le même taux, cependant que les États-Uni
960
-Unis, bien moins encore pour la Russie actuelle.
Et
quant aux échanges culturels, voire spirituels, tout désigne l’Europe
961
out désigne l’Europe pour les mettre en mouvement
et
pour les orienter vers un dialogue fécond. Tout, et d’abord nos tradi
962
pour les orienter vers un dialogue fécond. Tout,
et
d’abord nos traditions, non seulement de curiosité mais de respect de
963
té mais de respect des valeurs spirituelles, même
et
parfois surtout différentes des nôtres : ce n’est point par hasard qu
964
int par hasard que l’Europe a créé l’ethnographie
et
l’archéologie, et la science des religions comparées, dont on ne trou
965
l’Europe a créé l’ethnographie et l’archéologie,
et
la science des religions comparées, dont on ne trouve pas une trace a
966
te, mais les initiatives sont venues de l’Europe,
et
c’est vers elle, naturellement, que je vois se tourner les élites du
967
travers l’Europe qu’elles conçoivent la nécessité
et
les moyens de dialoguer, non seulement avec nous, mais entre elles.
968
de la vocation de l’Europe. Équilibrer technique
et
tradition, par exemple. C’est en Allemagne, en Angleterre, en France,
969
’elles ont trouvé des résistances traditionnelles
et
coutumières qui les ont obligées lentement à s’intégrer aux rythmes d
970
ralisme, syndicalisme, planification, orientation
et
formation professionnelle. Adaptation pénible mais féconde, marquée t
971
nible mais féconde, marquée tout au début, à Lyon
et
à Zurich, par les révoltes ouvrières contre les machines à tisser, pu
972
puis contre les chaînes de production en Amérique
et
, récemment, contre l’automation à Coventry : tout cela représente une
973
proche en proche ses traditions les plus valables
et
ses équilibres psychiques, par les champs de force invisibles qu’elle
974
es transportent, à la manière du cheval de Troie.
Et
cela nous conduit naturellement au troisième verbe typique de notre v
975
ique de notre vocation, qui est fédérer. Défendre
et
illustrer le fédéralisme, c’est peut-être la plus grande tâche dont l
976
le a bien failli périr elle-même à deux reprises.
Et
ce mal enfièvre aujourd’hui la plupart des pays du tiers-monde, les p
977
-monde, les pousse aux pires excès du chauvinisme
et
à des mesures économiques ou politiques visiblement indéfendables du
978
es. L’Europe se doit donc de produire, d’attester
et
de diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xixe siècle.
979
nationalisme, du chauvinisme, racial ou partisan,
et
finalement des dictatures totalitaires qui en sont l’aboutissement lo
980
ement logique dans notre siècle, c’est l’attitude
et
la pratique fédéralistes : l’union dans la diversité, l’équilibre viv
981
iversité, l’équilibre vivant des libertés locales
et
des obligations communautaires et la mise en commun des droits « souv
982
ibertés locales et des obligations communautaires
et
la mise en commun des droits « souverains » qu’aucun de nos pays n’es
983
sme colonial, les débuts de notre union fédérale,
et
l’essor de notre économie, il y a sans doute une grande leçon pour le
984
une grande leçon pour le tiers-monde, mais aussi
et
, peut-être d’abord, pour l’ensemble de l’Occident — Amérique et Russi
985
d’abord, pour l’ensemble de l’Occident — Amérique
et
Russie comprises — pour l’ensemble d’un Occident, s’il veut enfin se
986
droit de répondre à l’attente des jeunes nations
et
de la jeunesse soviétique, obscurément tournées vers l’Occident, par
987
scurément tournées vers l’Occident, par un tardif
et
impuissant mea culpa. Nous ne sommes pas seuls en cause dans cette af
988
re, dans les données constitutives de l’Occident,
et
que tout appelle dans le monde de cette seconde moitié du xxe siècle
989
olume, en septembre aux Éditions de la Baconnière
et
chez Albin Michel. o. Rougemont Denis de, « L’Europe est un colosse
990
fait au total avec ses satellites : 430 millions
et
non 450. » Nous rectifions l’article de Rougemont qui porte bien le c
991
rain. Il est attesté par le cinéma, la publicité,
et
le succès de vente des auteurs qui en parlent. Il est donc en partie
992
rêvé par qui ?) Les enquêtes sur « la Jeunesse »
et
ses attitudes sentimentales, dans la faible mesure où elles sont conc
993
de conscience plus vraie de l’amour. Cela s’opère
et
se décide au secret d’une personne, et donc échappe, par nature, à to
994
la s’opère et se décide au secret d’une personne,
et
donc échappe, par nature, à toute espèce de généralisation ou de stat
995
és adopter vis-à-vis de l’érotisme m’indiffèrent,
et
j’ai même quelque répugnance à y songer. q. Rougemont Denis de, «
996
ite par ces mots : « Denis de Rougemont ( L’Amour
et
l’Occident , Comme toi-même ), adopte, vis-à-vis de l’érotisme, une
997
», on cite le triomphe en librairie de Fanny Hill
et
Justine en livre de poche aux États-Unis. Il ne faudrait tout de même
998
n’eût pas mieux accueilli les romans catholiques
et
les Vies de Jésus dont les tirages dominent notre marché du livre, sa
999
’étalage étudié du nu « suggestif » dans nos rues
et
au cinéma, les scènes obligées « d’amour » physique dans les romans d
1000
lus que tout cela — qui relève parfois de la mode
et
n’engage pas toujours une politique morale — les cours d’éducation se
1001
e sont pas les produits de cet instinct universel
et
primordial : elles y font appel, comme on dit, mais restent sans pouv
1002
comme on dit, mais restent sans pouvoir sur lui,
et
il ne va pas « déborder » pour si peu qu’une augmentation du tirage d
1003
vanche, nos manières de parler des choses du sexe
et
de l’érotisme ont entièrement changé en un demi-siècle. En 1906, Freu
1004
sexuels sont franchement discutés ; les fonctions
et
les organes sexuels sont appelés par leur nom ». Et il ajoute : « D’a
1005
les organes sexuels sont appelés par leur nom ».
Et
il ajoute : « D’après mon exposé, le lecteur pudique pourra se convai
1006
la discussion avec une jeune fille de tels sujets
et
en un tel langage. Faut-il me justifier aussi de cette accusation ? »
1007
i de cette accusation ? » Entre de tels scrupules
et
le battage publicitaire fait autour du rapport de Kinsey, entre la Po
1008
tour du rapport de Kinsey, entre la Porte étroite
et
Notre-Dame des Fleurs ou Le Silence de Bergman, ce qui s’est passé d’
1009
veau proprement culturel qui est celui de l’étude
et
de l’expression des réalités de la « chair », dans leurs aspects phys
1010
sordre, créant de fortes inégalités d’information
et
par suite de jugement parmi les moralistes, eux-mêmes mis en question
1011
parmi les moralistes, eux-mêmes mis en question,
et
dans le public cultivé. Je suis de la première génération qui a décou
1012
nalyse à 20 ans, inscrite au programme des études
et
formant une part importante du donné intellectuel dans lequel l’étudi
1013
de nos plus de 60 ans confondent encore freudisme
et
pornographie. D’étranges méprises persistent chez des esprits formés
1014
i le Sexe demeure synonyme de péché pour Mauriac,
et
d’amour pour Simone de Beauvoir, si j’en juge par leurs derniers écri
1015
bien savent distinguer la sexualité de l’érotisme
et
la passion de l’amour vrai ? Cette turbulence de défis parfois sadiqu
1016
s ou moins masochistes, de découvertes excitantes
et
de problématiques libérations appelle une mise en ordre, et d’abord s
1017
lématiques libérations appelle une mise en ordre,
et
d’abord sémantique. Laissant l’étude du sexe au biologiste, l’écrivai
1018
de la Nouvelle Héloïse au milieu du xxe siècle),
et
tout d’un coup il s’aperçoit que l’amour seul poussait à dire, à chan
1019
mour seul poussait à dire, à chanter, à exprimer,
et
permettait de communiquer, et cela des troubadours jusqu’aux surréali
1020
hanter, à exprimer, et permettait de communiquer,
et
cela des troubadours jusqu’aux surréalistes. La sexualité, c’est l’in
1021
a passion est le désir infini, lié à un individu.
Et
l’amour est la fin suprême, l’accomplissement de la personne totale.
1022
e nos jours, ce ne peut donc pas être l’instinct,
et
ce n’est pas la passion, on le sait de reste. C’est l’érotisme, c’est
1023
sexualité au service du plaisir, des beaux-arts,
et
surtout de la littérature. Quelles sont les causes de ce phénomène ?
1024
solument indépendants. 1. L’autorisation initiale
et
décisive fut donnée par la psychanalyse quand son succès devint publi
1025
répandirent la terreur chez les parents cultivés
et
chez les moralistes oublieux du fait que le refoulement — non moins q
1026
un des mécanismes fondamentaux de toute culture,
et
que la culture occidentale en particulier doit beaucoup de son dynami
1027
subtiles, qui ne sont pas celles de la technique
et
de ses horaires, mais plutôt celles du rêve et de ses associations. D
1028
ue et de ses horaires, mais plutôt celles du rêve
et
de ses associations. Disant la menace de l’ère technologique imminent
1029
arti du rêve pour étudier les ruses de la libido.
Et
Jung élargissait au monde entier des cultures et des mythes l’empire
1030
Et Jung élargissait au monde entier des cultures
et
des mythes l’empire des archétypes illustrés par le rêve. Nous voilà
1031
e projet « d’organiser les libertés amoureuses »,
et
distingué cent-quatorze espèces d’adultères, dans sa Hiérarchie du co
1032
rois hommes au mètre carré dans quelques siècles,
et
en tout cas d’un doublement de l’humanité (bouches à nourrir et bras
1033
d’un doublement de l’humanité (bouches à nourrir
et
bras à occuper) dès les environs de l’an 2000, n’est pas sans déclenc
1034
ionnels ne fonctionnent plus. La peste, la famine
et
la guerre déjà neutralisées ou en voie de l’être, restent les discipl
1035
de l’être, restent les disciplines contraceptives
et
certains phénomènes encore très mal connus de réduction spontanée d’u
1036
me la nature à la culture, l’instinct à l’hygiène
et
aux passions, et la procréation à la création ou au plaisir cultivé p
1037
culture, l’instinct à l’hygiène et aux passions,
et
la procréation à la création ou au plaisir cultivé pour lui-même, don
1038
vieux », disent beaucoup de jeunes autour de moi.
Et
, à vrai dire, c’est une affaire complexe et lente, quand la sexualité
1039
moi. Et, à vrai dire, c’est une affaire complexe
et
lente, quand la sexualité était simple et rapide ; et surtout une aff
1040
omplexe et lente, quand la sexualité était simple
et
rapide ; et surtout une affaire gratuite, bonne pour ceux qui ont rem
1041
ente, quand la sexualité était simple et rapide ;
et
surtout une affaire gratuite, bonne pour ceux qui ont rempli leur rôl
1042
doute diminuer, pour les raisons que j’ai dites,
et
le seuil de l’érotisme va s’abaisser d’autant. Je vois venir le temps
1043
mme dans son désir : il le reçoit de la publicité
et
il subit un rêve qui n’est plus le sien. Va-t-il découvrir l’érotisme
1044
allons-nous vers une ère classique, scientifique
et
hygiénique, où le problème numéro un de la jeunesse ne sera plus du t
1045
e du passé culturel européen, de même que la faim
et
la peur ne sont plus, dans nos pays riches, des problèmes fondamentau
1046
aux moins de 18 ans dans la plupart de nos pays,
et
à tout le monde en France, les Hindous l’ont sculpté au fronton de le
1047
s qui aient retenu l’attention du public français
et
par suite de la censure. Mais ce sont des études sociologiques et bio
1048
la censure. Mais ce sont des études sociologiques
et
biologiques sur les relations entre l’érotisme et la démographie qu’i
1049
et biologiques sur les relations entre l’érotisme
et
la démographie qu’il faudrait entreprendre désormais, en même temps q
1050
mais, en même temps que des études psychologiques
et
éthiques, voire, comme le demandait l’autre jour un psychiatre améric
1051
roblèmes de civilisations, a montré dans L’Amour
et
l’Occident comment le mythe de l’amour s’est formé en Europe au Moye
1052
the de l’amour s’est formé en Europe au Moyen Âge
et
a distingué dans Comme toi-même tout ce qui sépare sexualité. »