1
osent être différents (22 mai 1952)a On attend
de
l’écrivain contemporain — alternativement ou simultanément — qu’il s
2
ent — qu’il soit prêtre et iconoclaste, directeur
de
conscience et mauvaise tête, mage et sceptique, écrivain public et a
3
e, écrivain public et accusateur public, créateur
de
son propre langage et succès de vente, excentrique et engagé, monstre
4
public, créateur de son propre langage et succès
de
vente, excentrique et engagé, monstre et vedette. Dans les périodes d
5
et engagé, monstre et vedette. Dans les périodes
de
crise, la société devrait le fusiller ou le décorer, avouant ainsi qu
6
, au cours du xxe siècle, des moyens formidables
de
communiquer avec les couches sociales les plus diverses, avec les mas
7
es, avec les masses immenses et formées au hasard
d’
auditeurs de radio, de lecteurs de journaux, de spectateurs de films o
8
masses immenses et formées au hasard d’auditeurs
de
radio, de lecteurs de journaux, de spectateurs de films ou de télévis
9
menses et formées au hasard d’auditeurs de radio,
de
lecteurs de journaux, de spectateurs de films ou de télévision. Mais
10
rmées au hasard d’auditeurs de radio, de lecteurs
de
journaux, de spectateurs de films ou de télévision. Mais jamais son l
11
rd d’auditeurs de radio, de lecteurs de journaux,
de
spectateurs de films ou de télévision. Mais jamais son langage d’arti
12
de radio, de lecteurs de journaux, de spectateurs
de
films ou de télévision. Mais jamais son langage d’artiste ou de pense
13
lecteurs de journaux, de spectateurs de films ou
de
télévision. Mais jamais son langage d’artiste ou de penseur n’avait é
14
e films ou de télévision. Mais jamais son langage
d’
artiste ou de penseur n’avait été plus éloigné du lieu commun, de ce q
15
télévision. Mais jamais son langage d’artiste ou
de
penseur n’avait été plus éloigné du lieu commun, de ce que peuvent en
16
penseur n’avait été plus éloigné du lieu commun,
de
ce que peuvent entendre et comprendre ces masses. Voilà qui constitue
17
e ces masses. Voilà qui constitue pour l’écrivain
de
notre temps un défi d’une ampleur inconnue jusqu’alors, une possibili
18
constitue pour l’écrivain de notre temps un défi
d’
une ampleur inconnue jusqu’alors, une possibilité sans précédent de jo
19
onnue jusqu’alors, une possibilité sans précédent
de
jouer un rôle public, ou tout au moins, de contribuer dans l’immédiat
20
cédent de jouer un rôle public, ou tout au moins,
de
contribuer dans l’immédiat à la création d’un climat non seulement in
21
oins, de contribuer dans l’immédiat à la création
d’
un climat non seulement intellectuel, mais civique, mais moral, et enf
22
n politique. Devant ce défi, certains sont tentés
de
fuir, de se dérober et de plaider irresponsable ; mais d’autres sont
23
ue. Devant ce défi, certains sont tentés de fuir,
de
se dérober et de plaider irresponsable ; mais d’autres sont tentés de
24
i, certains sont tentés de fuir, de se dérober et
de
plaider irresponsable ; mais d’autres sont tentés de se conformer aux
25
plaider irresponsable ; mais d’autres sont tentés
de
se conformer aux recettes bien connues de l’efficacité : simplificati
26
tentés de se conformer aux recettes bien connues
de
l’efficacité : simplifications éhontées, démagogie, ou propagande par
27
isme pur et simple d’autre part, l’une et l’autre
de
ces démissions présentant l’avantage immédiat de supprimer ce problèm
28
de ces démissions présentant l’avantage immédiat
de
supprimer ce problème angoissant ? Ou bien pourrons-nous dépasser, su
29
sser, surmonter ces contradictions, par un effort
de
libre création ? L’écrivain, ferment de liberté Notre place, com
30
effort de libre création ? L’écrivain, ferment
de
liberté Notre place, comme écrivains, dans la cité, s’est révélée
31
l, fournit la clé. Précisément parce que la place
de
l’écrivain n’est plus, n’est pas clairement marquée dans la cité, par
32
à cause de cela, l’écrivain représente un élément
de
jeu entre les rouages, un élément de liberté. Sa vraie fonction dans
33
e un élément de jeu entre les rouages, un élément
de
liberté. Sa vraie fonction dans la cité serait ainsi de n’en point av
34
erté. Sa vraie fonction dans la cité serait ainsi
de
n’en point avoir de nécessaire, de n’être point totalement absorbé pa
35
ion dans la cité serait ainsi de n’en point avoir
de
nécessaire, de n’être point totalement absorbé par le social, de rest
36
é serait ainsi de n’en point avoir de nécessaire,
de
n’être point totalement absorbé par le social, de rester par définiti
37
de n’être point totalement absorbé par le social,
de
rester par définition le symbole, le témoin de la liberté, et non seu
38
l, de rester par définition le symbole, le témoin
de
la liberté, et non seulement de la sienne propre ou de celle de son a
39
ymbole, le témoin de la liberté, et non seulement
de
la sienne propre ou de celle de son art, mais de la liberté de chacun
40
liberté, et non seulement de la sienne propre ou
de
celle de son art, mais de la liberté de chacun et de ses conditions p
41
et non seulement de la sienne propre ou de celle
de
son art, mais de la liberté de chacun et de ses conditions pour tous.
42
de la sienne propre ou de celle de son art, mais
de
la liberté de chacun et de ses conditions pour tous. Au monde comme n
43
propre ou de celle de son art, mais de la liberté
de
chacun et de ses conditions pour tous. Au monde comme n’étant pas du
44
celle de son art, mais de la liberté de chacun et
de
ses conditions pour tous. Au monde comme n’étant pas du monde, dans l
45
rivain, voilà sa liberté, qu’il s’agit maintenant
d’
assumer, et de défendre. Car un double péril la menace, l’un intérieur
46
sa liberté, qu’il s’agit maintenant d’assumer, et
de
défendre. Car un double péril la menace, l’un intérieur, l’autre exté
47
ieur à la cité démocratique. Il y a deux manières
de
perdre la liberté : la première est de ne pas l’exercer en actes ; la
48
x manières de perdre la liberté : la première est
de
ne pas l’exercer en actes ; la seconde, d’en supprimer les conditions
49
re est de ne pas l’exercer en actes ; la seconde,
d’
en supprimer les conditions. La première est notre tentation la plus i
50
remière est notre tentation la plus intime, celle
de
la dérobade, orgueilleuse ou modeste, du retrait hors du monde où nou
51
avec la propagande. Mais je crois à la nécessité
de
certains actes d’engagement personnel de l’écrivain comme tel. Et il
52
e. Mais je crois à la nécessité de certains actes
d’
engagement personnel de l’écrivain comme tel. Et il n’est pas question
53
écessité de certains actes d’engagement personnel
de
l’écrivain comme tel. Et il n’est pas question non plus de réduire la
54
vain comme tel. Et il n’est pas question non plus
de
réduire la littérature au témoignage social et politique, mais bien d
55
ture au témoignage social et politique, mais bien
de
prendre conscience de ses implications réelles dans la vie de la cité
56
ial et politique, mais bien de prendre conscience
de
ses implications réelles dans la vie de la cité. Je comprends très bi
57
re conscience de ses implications réelles dans la
vie
de la cité. Je comprends très bien que plusieurs de nos confrères se
58
onscience de ses implications réelles dans la vie
de
la cité. Je comprends très bien que plusieurs de nos confrères se réc
59
de la cité. Je comprends très bien que plusieurs
de
nos confrères se récusent devant toute espèce d’action publique, se c
60
de nos confrères se récusent devant toute espèce
d’
action publique, se croient et se sentent impuissants devant les force
61
ue ces forces furent d’abord des idées, sont nées
d’
œuvres écrites. Le nationalisme qui nous étrique et qui paralyse encor
62
que et qui paralyse encore le régime des échanges
de
tout ordre en Europe, le nationalisme fut une création d’écrivains, d
63
ordre en Europe, le nationalisme fut une création
d’
écrivains, de poètes, hélas ! et de philosophes. Ceci pour nous ; et,
64
pe, le nationalisme fut une création d’écrivains,
de
poètes, hélas ! et de philosophes. Ceci pour nous ; et, de l’autre cô
65
t une création d’écrivains, de poètes, hélas ! et
de
philosophes. Ceci pour nous ; et, de l’autre côté, d’immenses pays et
66
, hélas ! et de philosophes. Ceci pour nous ; et,
de
l’autre côté, d’immenses pays et des centaines de millions d’hommes s
67
hilosophes. Ceci pour nous ; et, de l’autre côté,
d’
immenses pays et des centaines de millions d’hommes subissent aujourd’
68
de l’autre côté, d’immenses pays et des centaines
de
millions d’hommes subissent aujourd’hui un régime issu de gros ouvrag
69
ôté, d’immenses pays et des centaines de millions
d’
hommes subissent aujourd’hui un régime issu de gros ouvrages savants,
70
ons d’hommes subissent aujourd’hui un régime issu
de
gros ouvrages savants, de petits traités polémiques, de manifestes, d
71
ourd’hui un régime issu de gros ouvrages savants,
de
petits traités polémiques, de manifestes, d’articles, de discours, d’
72
s ouvrages savants, de petits traités polémiques,
de
manifestes, d’articles, de discours, d’interminables discussions dans
73
nts, de petits traités polémiques, de manifestes,
d’
articles, de discours, d’interminables discussions dans les cafés, rég
74
ts traités polémiques, de manifestes, d’articles,
de
discours, d’interminables discussions dans les cafés, régime donc fab
75
lémiques, de manifestes, d’articles, de discours,
d’
interminables discussions dans les cafés, régime donc fabriqué de tout
76
discussions dans les cafés, régime donc fabriqué
de
toutes pièces par des intellectuels invétérés. Comment fermer les yeu
77
ts ? Comment nier encore et refuser notre pouvoir
de
changer le monde, j’entends de préparer, et parfois de créer des cond
78
user notre pouvoir de changer le monde, j’entends
de
préparer, et parfois de créer des conditions intellectuelles et moral
79
anger le monde, j’entends de préparer, et parfois
de
créer des conditions intellectuelles et morales qui ménagent soit l’a
80
uelles et morales qui ménagent soit l’acceptation
d’
une tyrannie, à force de mensonges tolérés en silence (on nous en abre
81
contraire de former une équipe, modeste et dure,
de
résistants, dont la seule existence modifie quelque chose, un je ne s
82
forcer à être totalement et uniquement du monde,
de
leur monde, et à clamer d’une de ces voix mornes et droguées, qu’on n
83
t uniquement du monde, de leur monde, et à clamer
d’
une de ces voix mornes et droguées, qu’on ne reconnaît plus pour la si
84
uement du monde, de leur monde, et à clamer d’une
de
ces voix mornes et droguées, qu’on ne reconnaît plus pour la sienne,
85
u’on ne reconnaît plus pour la sienne, la louange
de
leur police d’État. Contre ces deux périls, il importe de se rassembl
86
ît plus pour la sienne, la louange de leur police
d’
État. Contre ces deux périls, il importe de se rassembler. Non pas du
87
police d’État. Contre ces deux périls, il importe
de
se rassembler. Non pas du tout, non pas un seul instant dans l’idée q
88
un seul instant dans l’idée qui m’est répugnante
de
constituer un front commun, sous lequel disparaîtraient tous les visa
89
pas du tout, non pas un seul instant dans l’idée
d’
opposer à ces totalitaires de toute couleur des certitudes de propagan
90
instant dans l’idée d’opposer à ces totalitaires
de
toute couleur des certitudes de propagande, ou je ne sais quelle myst
91
ces totalitaires de toute couleur des certitudes
de
propagande, ou je ne sais quelle mystique qui serait, au mieux, un pe
92
ux, un peu plus virulente que la leur. Un congrès
d’
écrivains, aujourd’hui, ou bien c’est une opération de police d’État,
93
rivains, aujourd’hui, ou bien c’est une opération
de
police d’État, ou bien c’est un rassemblement d’hommes attachés au dr
94
ujourd’hui, ou bien c’est une opération de police
d’
État, ou bien c’est un rassemblement d’hommes attachés au droit fondam
95
de police d’État, ou bien c’est un rassemblement
d’
hommes attachés au droit fondamental de différer. Mais c’est pour sauv
96
semblement d’hommes attachés au droit fondamental
de
différer. Mais c’est pour sauver, précisément, ce droit, que nous som
97
e, non point malgré nos différences, mais à cause
d’
elles. Je pressens, je sens une grande force dans ce rassemblement d’h
98
s, je sens une grande force dans ce rassemblement
d’
hommes qui préfèrent le droit de poser passionnément quelques question
99
ce rassemblement d’hommes qui préfèrent le droit
de
poser passionnément quelques questions, au devoir de réciter toutes l
100
poser passionnément quelques questions, au devoir
de
réciter toutes les réponses ! a. Rougemont Denis de, « Appel à ce
101
iter toutes les réponses ! a. Rougemont Denis
de
, « Appel à ceux qui osent être différents », Arts, Paris, 22 mai 1952
102
uil des temps où la culture va devenir le sérieux
de
la vie. (Elle l’a toujours été, mais cela se verra.) Jusqu’ici, c’éta
103
s temps où la culture va devenir le sérieux de la
vie
. (Elle l’a toujours été, mais cela se verra.) Jusqu’ici, c’était le t
104
’ici, c’était le travail qui occupait l’essentiel
de
nos jours, et dont dépendait notre sort : salaire, nourriture et loge
105
demain — comme elle le peut — permet à la société
d’
assurer à très bas prix ces conditions élémentaires, le « temps vide »
106
« temps vide » du loisir1 deviendra le vrai temps
de
nos existences quotidiennes. La question « Que faire de ma vie ? » ne
107
existences quotidiennes. La question « Que faire
de
ma vie ? » ne sera plus réprimée par cette réponse, plusieurs fois mi
108
ences quotidiennes. La question « Que faire de ma
vie
? » ne sera plus réprimée par cette réponse, plusieurs fois millénair
109
s, selon certains experts, il suffira qu’un tiers
de
la population (fortement accrue) de la planète donne 4 heures de trav
110
a qu’un tiers de la population (fortement accrue)
de
la planète donne 4 heures de travail par semaine, pour que tous nos b
111
n (fortement accrue) de la planète donne 4 heures
de
travail par semaine, pour que tous nos besoins « matériels » soient s
112
et distractions. Je vois bien l’aspect théorique
de
ces calculs ; qu’ils ne s’appliquent vraiment qu’au type occidental d
113
ls ne s’appliquent vraiment qu’au type occidental
de
vie ; qu’ils supposent une distribution socialisée des biens produits
114
ne s’appliquent vraiment qu’au type occidental de
vie
; qu’ils supposent une distribution socialisée des biens produits en
115
abondance à très bas prix ; que la mise en valeur
de
l’Afrique, de l’Asie, des régions polaires offrira de nouvelles « occ
116
ès bas prix ; que la mise en valeur de l’Afrique,
de
l’Asie, des régions polaires offrira de nouvelles « occasions de trav
117
’Afrique, de l’Asie, des régions polaires offrira
de
nouvelles « occasions de travail »2 ; et qu’enfin la guerre atomique
118
régions polaires offrira de nouvelles « occasions
de
travail »2 ; et qu’enfin la guerre atomique peut tout compromettre da
119
otre avenir : cet avenir qu’il nous faut accepter
de
dévisager hardiment. On dit : Que feront les masses si vraiment la te
120
sais rien. Savait-on beaucoup mieux, aux environs
de
1830, ce qu’allait produire la technique ? Il s’agit cette fois-ci de
121
t produire la technique ? Il s’agit cette fois-ci
de
mieux voir les problèmes, au lieu de les refouler parce qu’ils donnen
122
e nos libres décisions. (Ce n’est pas l’invention
de
la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu’un peuple a décidé d’
123
e en soi, mais bien l’usage qu’un peuple a décidé
d’
en faire : chars et wagons en Occident, jouets et ornements chez les A
124
orientations, nos vraies options se manifesteront
d’
une manière transparente et seront suivis d’effets presque immédiats.
125
eront d’une manière transparente et seront suivis
d’
effets presque immédiats. Ce sont ces vœux et ces orientations que l’o
126
es vœux et ces orientations que l’on peut essayer
d’
induire de notre état d’esprit actuel. L’exemple des pays nordiques
127
ces orientations que l’on peut essayer d’induire
de
notre état d’esprit actuel. L’exemple des pays nordiques Libéré
128
t Norvège), condamnées au loisir pendant six mois
d’
hiver : elles se tournent vers la culture. Or, il se trouve précisémen
129
tuplé pendant ce siècle les instruments et moyens
de
culture. On y publie plus de livres que jamais et à vil prix : les bi
130
nstruments et moyens de culture. On y publie plus
de
livres que jamais et à vil prix : les bibliothèques et les foyers de
131
s et à vil prix : les bibliothèques et les foyers
de
culture locaux se généralisent ; toute la peinture mondiale peut veni
132
et discussions publiques se tiennent par dizaines
de
milliers dans nos pays démocratiques ; et l’instruction publique est
133
blique est heureusement doublée par des centaines
d’
ouvrages de vulgarisation qui permettent aux Occidentaux, pour la prem
134
heureusement doublée par des centaines d’ouvrages
de
vulgarisation qui permettent aux Occidentaux, pour la première fois d
135
cidentaux, pour la première fois dans l’Histoire,
de
prendre une vue d’ensemble de leur propre aventure : sentiment de l’h
136
première fois dans l’Histoire, de prendre une vue
d’
ensemble de leur propre aventure : sentiment de l’histoire, découverte
137
is dans l’Histoire, de prendre une vue d’ensemble
de
leur propre aventure : sentiment de l’histoire, découverte du monde,
138
ue d’ensemble de leur propre aventure : sentiment
de
l’histoire, découverte du monde, sciences et techniques, politiques,
139
— comme en vue de lendemains qui auront le temps
de
chanter — les occasions de mieux comprendre nos vies comme aussi de m
140
ns qui auront le temps de chanter — les occasions
de
mieux comprendre nos vies comme aussi de mécomprendre les chefs-d’œuv
141
e chanter — les occasions de mieux comprendre nos
vies
comme aussi de mécomprendre les chefs-d’œuvre. Quant à la qualité, ou
142
ccasions de mieux comprendre nos vies comme aussi
de
mécomprendre les chefs-d’œuvre. Quant à la qualité, ou créativité, ou
143
à la qualité, ou créativité, ou nocivité relative
de
cette invasion de la culture, nul ne saurait en préjuger : je dis seu
144
réativité, ou nocivité relative de cette invasion
de
la culture, nul ne saurait en préjuger : je dis seulement que tout y
145
atrices, des mathématiques pures à la poterie, et
de
la métaphysique à la sculpture des meubles. C’est ainsi que la techni
146
main aux options religieuses. Et je n’imagine pas
de
drogue assez puissante pour en détourner le genre humain4. Je sais bi
147
n détourner le genre humain4. Je sais bien que la
vie
religieuse la plus intense a signifié longtemps ascèse et renoncement
148
primitives, comme la mystique était un mouvement
de
dépassement ou de retrait en deçà du dogme formulé ; mais l’une et l’
149
la mystique était un mouvement de dépassement ou
de
retrait en deçà du dogme formulé ; mais l’une et l’autre s’appuyaient
150
; mais l’une et l’autre s’appuyaient sur l’objet
de
leur renoncement et en dépendaient étroitement. L’ascèse de demain po
151
noncement et en dépendaient étroitement. L’ascèse
de
demain pourra difficilement prendre la forme d’un retour à la nature
152
e de demain pourra difficilement prendre la forme
d’
un retour à la nature — au métier à tisser de Gandhi, par exemple — pu
153
orme d’un retour à la nature — au métier à tisser
de
Gandhi, par exemple — puisque c’est la technique précisément qui nous
154
selon l’expression que Claudel appliquait au cas
de
Rimbaud — vit simplement sur les reliefs épars du dogme et de la litu
155
vit simplement sur les reliefs épars du dogme et
de
la liturgie dans la culture dont il est imprégné. Voilà pourquoi la c
156
connaissance des dogmes et des opinions premières
de
nos religions sera demain la première condition des hérésies et gnose
157
araître : elles ne feraient autrement que répéter
de
l’ancien qui n’a pas disparu sans raison, ou ressusciter des doctrine
158
d déjà dans un public naguère totalement ignorant
de
ce genre de réalités certaines curiosités qui ne s’arrêteront pas là.
159
un public naguère totalement ignorant de ce genre
de
réalités certaines curiosités qui ne s’arrêteront pas là. La télévisi
160
ndividus à des liturgies imprévues. Les religions
de
« divertissement » — au sens pascalien de ce terme, qui englobe ici l
161
ligions de « divertissement » — au sens pascalien
de
ce terme, qui englobe ici les grandes parades totalitaires — en bénéf
162
utre part, que la passion pour l’occulte ne cesse
de
grandir dans nos villes, occupant rapidement le vide de l’âme créé pa
163
ndir dans nos villes, occupant rapidement le vide
de
l’âme créé par le matérialisme6. Beaucoup d’esprits légers s’imaginen
164
vide de l’âme créé par le matérialisme6. Beaucoup
d’
esprits légers s’imaginent l’homme comme une sorte de ballon qui ne de
165
sprits légers s’imaginent l’homme comme une sorte
de
ballon qui ne demande qu’à « s’élever » dès qu’il est délivré des sou
166
ue ne peut rien faire pour l’Esprit, ni le défaut
de
« confort » n’a rien pu contre lui. Je dis seulement qu’elle va nous
167
matérielles, les « lois » économiques, les remous
de
la politique, le cinéma, ou l’Art lui-même. Quant à savoir si cela re
168
a nature finale du Progrès. 1. L’Encyclopédie
de
1765 définit le loisir comme « le temps vuide ». Elle suppose donc qu
169
ésistance des syndicats aux techniques créatrices
de
loisirs (automation) c’est-à-dire de « temps vide » que l’on appelle
170
s créatrices de loisirs (automation) c’est-à-dire
de
« temps vide » que l’on appelle chômage. On refuse de considérer le l
171
temps vide » que l’on appelle chômage. On refuse
de
considérer le loisir comme le but même du machinisme. Or il pourra le
172
me. Or il pourra le devenir dès que les bénéfices
de
l’industrie seront distribués aux ouvriers non seulement sous la form
173
stribués aux ouvriers non seulement sous la forme
d’
une diminution des heures de travail, mais sous la forme d’une diminut
174
ulement sous la forme d’une diminution des heures
de
travail, mais sous la forme d’une diminution du prix de la vie, compe
175
inution des heures de travail, mais sous la forme
d’
une diminution du prix de la vie, compensant au moins les heures de sa
176
vail, mais sous la forme d’une diminution du prix
de
la vie, compensant au moins les heures de salaires perdues. 2. Il y
177
mais sous la forme d’une diminution du prix de la
vie
, compensant au moins les heures de salaires perdues. 2. Il y a plus.
178
du prix de la vie, compensant au moins les heures
de
salaires perdues. 2. Il y a plus. Selon J. Fourastié, la somme de tr
179
es. 2. Il y a plus. Selon J. Fourastié, la somme
de
travail « tertiaire » indispensable au rendement, comme à la répartit
180
ppelé loisir ou travail). 3. Je ne parle pas ici
de
la télévision, qui nous apporte des pays lointains, sans leur odeur n
181
sans leur odeur ni leur température, sans le goût
de
leurs vins ni la qualité de leur air : ces « vues » sont donc autant
182
érature, sans le goût de leurs vins ni la qualité
de
leur air : ces « vues » sont donc autant de fausses-nouvelles-vraisem
183
alité de leur air : ces « vues » sont donc autant
de
fausses-nouvelles-vraisemblables, les plus dangereuses. 4. Le mépris
184
eligieuses n’aura été qu’un phénomène transitoire
de
notre civilisation occidentale. (Voir plus haut ce que j’ai dit sur l
185
tsia berlinoise, puis new-yorkaise, et une partie
de
la parisienne, au xxe siècle, se crurent et furent dans une large me
186
religieuse. Le surréalisme français fut le signal
d’
une première révolte contre la conception « rationaliste » du monde. D
187
e contre la conception « rationaliste » du monde.
D’
où succès mondial jusqu’à la dernière guerre. André Breton n’a pas ces
188
’à la dernière guerre. André Breton n’a pas cessé
de
chercher une vision religieuse du monde et de la vie, bien plus antic
189
ssé de chercher une vision religieuse du monde et
de
la vie, bien plus antichrétien par cela même qu’un J.-P. Sartre, qui
190
chercher une vision religieuse du monde et de la
vie
, bien plus antichrétien par cela même qu’un J.-P. Sartre, qui se plac
191
le prolongement des exigences « existentielles »
d’
une éthique protestante-libérale — quel que soit par ailleurs son athé
192
cidentale s’est amorcé dès 1919, et n’a pas cessé
de
s’amplifier. 5. Nos sectes orientalistes me font parfois penser à qu
193
es escaliers, au lieu de prendre l’ascenseur. 6.
D’
où le succès sans précédent des livres proposant des recettes de bonhe
194
sans précédent des livres proposant des recettes
de
bonheur, de télépathie, d’érotisme, de paix de l’âme ou d’exaltation
195
ent des livres proposant des recettes de bonheur,
de
télépathie, d’érotisme, de paix de l’âme ou d’exaltation ; demain, de
196
proposant des recettes de bonheur, de télépathie,
d’
érotisme, de paix de l’âme ou d’exaltation ; demain, des règles de yog
197
s recettes de bonheur, de télépathie, d’érotisme,
de
paix de l’âme ou d’exaltation ; demain, des règles de yoga « scientif
198
es de bonheur, de télépathie, d’érotisme, de paix
de
l’âme ou d’exaltation ; demain, des règles de yoga « scientifique »,
199
r, de télépathie, d’érotisme, de paix de l’âme ou
d’
exaltation ; demain, des règles de yoga « scientifique », à l’Occident
200
aix de l’âme ou d’exaltation ; demain, des règles
de
yoga « scientifique », à l’Occidentale. b. Rougemont Denis de, « L’
201
ntifique », à l’Occidentale. b. Rougemont Denis
de
, « L’ère des loisirs commence », Arts, Paris, 10 avril 1957, p. 1 et
202
lbin Michel sous le titre L’Aventure occidentale
de
l’homme . »
203
’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore
de
successeur (21 septembre 1960)d e La civilisation née en Europe a
204
grands traits généralement tenus pour des causes
de
faiblesse : je veux parler d’une inquiétude fondamentale et d’un déso
205
nus pour des causes de faiblesse : je veux parler
d’
une inquiétude fondamentale et d’un désordre permanent. Les Chinois et
206
: je veux parler d’une inquiétude fondamentale et
d’
un désordre permanent. Les Chinois et les Égyptiens, les Sumériens et
207
n Europe bien plus qu’en Amérique, nous souffrons
d’
une espèce d’inquiétude essentielle. Nous ne cessons de parler du « dé
208
plus qu’en Amérique, nous souffrons d’une espèce
d’
inquiétude essentielle. Nous ne cessons de parler du « désarroi de l’é
209
espèce d’inquiétude essentielle. Nous ne cessons
de
parler du « désarroi de l’époque ». Nous avons l’impression de vivre
210
entielle. Nous ne cessons de parler du « désarroi
de
l’époque ». Nous avons l’impression de vivre dans un chaos sans cesse
211
« désarroi de l’époque ». Nous avons l’impression
de
vivre dans un chaos sans cesse croissant, dans un maquis de contradic
212
ans un chaos sans cesse croissant, dans un maquis
de
contradictions morales, intellectuelles et pratiques. D’où viennent c
213
radictions morales, intellectuelles et pratiques.
D’
où viennent cette inquiétude fondamentale et ce désordre permanent, qu
214
Je pense même qu’ils remontent aux sources vives
de
notre civilisation, et qu’ils en sont inséparables. Je les rattache à
215
l’esprit scientifique. Notre inquiétude provient
de
notre foi, et nos incertitudes sont créées par la nature même de nos
216
t nos incertitudes sont créées par la nature même
de
nos certitudes. Ce paradoxe s’explique d’une manière assez simple. Pr
217
re même de nos certitudes. Ce paradoxe s’explique
d’
une manière assez simple. Prenons l’exemple de l’homme chrétien. Il pe
218
que d’une manière assez simple. Prenons l’exemple
de
l’homme chrétien. Il peut lire dans les Écritures « qu’il n’y a pas u
219
aint. Il sait que le péché consiste à être séparé
de
la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il cherche d
220
eurs. Il cherche donc. Il cherche à se rapprocher
de
la Vérité et de la sainteté. Dans cet effort sans fin ni cesse, il es
221
donc. Il cherche à se rapprocher de la Vérité et
de
la sainteté. Dans cet effort sans fin ni cesse, il est pourtant soute
222
c un inquiet perpétuel, mais qui sait les raisons
de
son inquiétude ; il sait qu’elle est normale, et non désespérée, puis
223
-dire par sa certitude. Prenons ensuite l’exemple
de
l’homme scientifique. Celui-ci lit l’histoire des sciences. Elle lui
224
es l’une après l’autre, et que pourtant la raison
d’
être de la science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effor
225
e après l’autre, et que pourtant la raison d’être
de
la science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sans
226
t que pourtant la raison d’être de la science est
de
saisir des vérités certaines. Dans cet effort sans fin ni cesse — ici
227
sans fin ni cesse — ici encore — pour s’approcher
d’
un but toujours fuyant, il est soutenu par sa confiance en la raison e
228
ison et l’expérience vérifiante. La même exigence
de
rigueur qui, d’une part, sans relâche, vient remettre en question les
229
l’on croyait acquises, d’autre part, est le gage
d’
un progrès vers le vrai. Ainsi donc, du désordre vers un certain ordre
230
veau désordre, vers une nouvelle façon plus large
de
l’interpréter, la science avance. La passion de la recherche L’O
231
de l’interpréter, la science avance. La passion
de
la recherche L’Oriental pose la question de savoir si l’Occidental
232
on de la recherche L’Oriental pose la question
de
savoir si l’Occidental ne préférerait pas la recherche à la pleine po
233
éférerait pas la recherche à la pleine possession
de
la vérité. On serait tenté de répondre qu’il en est bien ainsi, quand
234
a pleine possession de la vérité. On serait tenté
de
répondre qu’il en est bien ainsi, quand on entend les intellectuels l
235
ainsi, quand on entend les intellectuels libéraux
d’
aujourd’hui adresser aux orthodoxes de toutes observances le reproche,
236
ls libéraux d’aujourd’hui adresser aux orthodoxes
de
toutes observances le reproche, à leurs yeux rédhibitoire, d’être des
237
servances le reproche, à leurs yeux rédhibitoire,
d’
être des hommes « qui ont cessé de chercher » et « qui se croient les
238
x rédhibitoire, d’être des hommes « qui ont cessé
de
chercher » et « qui se croient les détenteurs de la vérité absolue ».
239
de chercher » et « qui se croient les détenteurs
de
la vérité absolue ». Il serait peut-être erroné d’en déduire que l’Oc
240
e la vérité absolue ». Il serait peut-être erroné
d’
en déduire que l’Occidental nie l’existence d’une vérité en soi : simp
241
oné d’en déduire que l’Occidental nie l’existence
d’
une vérité en soi : simplement, il se refuse à croire qu’un homme puis
242
vraiment y accéder (l’Hindou le croit). L’intérêt
de
l’histoire pour l’Occident, c’est le Progrès. Mais quel Progrès ? C’e
243
ogrès. Mais quel Progrès ? C’est qu’il y ait plus
de
sens dans nos vies personnelles : plus de joie à avoir ce qu’on a, à
244
Progrès ? C’est qu’il y ait plus de sens dans nos
vies
personnelles : plus de joie à avoir ce qu’on a, à être ce qu’on est,
245
it plus de sens dans nos vies personnelles : plus
de
joie à avoir ce qu’on a, à être ce qu’on est, à faire ce que l’on veu
246
ue l’on veut, à aimer ce que l’on aime, donc plus
de
liberté. Liberté pour tous, il va de soi, mais cela n’a de sens concr
247
é. Liberté pour tous, il va de soi, mais cela n’a
de
sens concret que pour chacun. L’unité de mesure, ou mieux : l’organe
248
cela n’a de sens concret que pour chacun. L’unité
de
mesure, ou mieux : l’organe de sensibilité à la liberté véritable, re
249
ur chacun. L’unité de mesure, ou mieux : l’organe
de
sensibilité à la liberté véritable, restant le moi distinct, la perso
250
inition par la technique : produire toujours plus
de
machines. Mais parmi ces machines, il s’en trouve une qui peut causer
251
chines, il s’en trouve une qui peut causer en peu
d’
instants la mort certaine de notre civilisation. Définition par la cul
252
ui peut causer en peu d’instants la mort certaine
de
notre civilisation. Définition par la culture : multiplier et popular
253
la culture : multiplier et populariser les moyens
de
la créer et de l’assimiler. Mais les plus grands succès quantitatifs
254
ltiplier et populariser les moyens de la créer et
de
l’assimiler. Mais les plus grands succès quantitatifs allant régulièr
255
à se freiner lui-même, voire à subitement changer
de
signe pour aller vers l’anti-culture. Définition par la religion : re
256
taurer une commune mesure valable pour l’ensemble
d’
une civilisation et garantissant l’harmonie de nos moyens actuels et d
257
ble d’une civilisation et garantissant l’harmonie
de
nos moyens actuels et de nos buts derniers. Mais toutes les tentative
258
garantissant l’harmonie de nos moyens actuels et
de
nos buts derniers. Mais toutes les tentatives faites de nos jours pou
259
buts derniers. Mais toutes les tentatives faites
de
nos jours pour imposer un principe d’harmonie ont causé le maximum de
260
ives faites de nos jours pour imposer un principe
d’
harmonie ont causé le maximum de désordre sanglant et aggravé le chaos
261
poser un principe d’harmonie ont causé le maximum
de
désordre sanglant et aggravé le chaos mondial. Ainsi l’idée de Progrè
262
anglant et aggravé le chaos mondial. Ainsi l’idée
de
Progrès semble contradictoire dès qu’on tente d’en mesurer les effets
263
de Progrès semble contradictoire dès qu’on tente
d’
en mesurer les effets historiques. Il n’en serait pas moins vain d’ima
264
effets historiques. Il n’en serait pas moins vain
d’
imaginer qu’on puisse l’éliminer ou l’oublier. Admettons que l’Europe,
265
ur, elle renaîtrait irrésistiblement du sentiment
de
l’Histoire qu’on ne peut plus effacer, du mouvement de la science qu’
266
Histoire qu’on ne peut plus effacer, du mouvement
de
la science qu’on ne peut pas achever et, enfin, de la Technique, dont
267
e la science qu’on ne peut pas achever et, enfin,
de
la Technique, dont l’Asie et l’Afrique ne paraissent nullement dispos
268
user les dons ambigus. Mais l’Europe, responsable
de
l’idée du Progrès, est responsable aussi de sa rectification. Toutes
269
sable de l’idée du Progrès, est responsable aussi
de
sa rectification. Toutes les « hérésies du Progrès » sont bel et bien
270
dans les grands espaces humains des Amériques et
de
l’URSS. Là, comme extraites de leur contexte original, elles n’étaien
271
s des Amériques et de l’URSS. Là, comme extraites
de
leur contexte original, elles n’étaient plus mises en échec par trop
272
nal, elles n’étaient plus mises en échec par trop
de
coutumes anciennes ou de limitations posées en partie par des excès c
273
mises en échec par trop de coutumes anciennes ou
de
limitations posées en partie par des excès contraires. Si l’Europe d’
274
s en partie par des excès contraires. Si l’Europe
d’
aujourd’hui s’effraye de constater ce que l’Amérique a fait de certain
275
s contraires. Si l’Europe d’aujourd’hui s’effraye
de
constater ce que l’Amérique a fait de certaines techniques (taylorism
276
i s’effraye de constater ce que l’Amérique a fait
de
certaines techniques (taylorisme ou psychanalyse), ce que les Soviets
277
sme ou psychanalyse), ce que les Soviets ont fait
de
la croyance en l’Histoire, et ce que les peuples de l’Orient proche e
278
la croyance en l’Histoire, et ce que les peuples
de
l’Orient proche et lointain risquent de faire du nationalisme — j’y v
279
s peuples de l’Orient proche et lointain risquent
de
faire du nationalisme — j’y vois le signe que l’Europe détient encore
280
vois le signe que l’Europe détient encore le sens
d’
un équilibre intime : si ce sens n’était pas blessé, rien ne réagirait
281
é et réagit, c’est qu’il existe. J’essaierai donc
d’
en définir la nature et les exigences. L’Occident n’est pas né comme o
282
un sort inaccepté. Il est né comme une aventure,
d’
un fait très insolite et peu croyable, survenu au carrefour hasardeux
283
e et peu croyable, survenu au carrefour hasardeux
de
traditions diverses, parfois incompatibles. Et ce fait initial nous s
284
us semble accidentel, j’entends qu’il serait vain
d’
essayer de le déduire d’une certaine situation d’ensemble ou d’un appe
285
accidentel, j’entends qu’il serait vain d’essayer
de
le déduire d’une certaine situation d’ensemble ou d’un appel monté du
286
entends qu’il serait vain d’essayer de le déduire
d’
une certaine situation d’ensemble ou d’un appel monté du monde antique
287
d’essayer de le déduire d’une certaine situation
d’
ensemble ou d’un appel monté du monde antique : nul ne peut démontrer
288
le déduire d’une certaine situation d’ensemble ou
d’
un appel monté du monde antique : nul ne peut démontrer qu’il soit ven
289
drame, dont on peut contester après coup l’unité
d’
action, non le choc. Car il y eut un choc initial, un commencement sou
290
l, un commencement soudain, une grande libération
d’
énergie spirituelle et morale, provoquée par l’intégration instantanée
291
t morale, provoquée par l’intégration instantanée
de
deux réalités radicalement distinctes : le Verbe divin et la chair. P
292
e Verbe divin et la chair. Pour mesurer l’ampleur
de
cette révolution, il faut imaginer ce qu’était le sacré, ce qu’il est
293
st que rite. Seule la croyance moderne aux « lois
de
la science » et aux « nécessités techniques » en général peut nous do
294
s techniques » en général peut nous donner l’idée
de
ce que représente alors l’évidence magico-religieuse, et de ce qu’ent
295
représente alors l’évidence magico-religieuse, et
de
ce qu’entraîne indiscutablement sa transgression. La faute commise n
296
ansgression. La faute commise ne peut relever ni
de
l’opinion, ni d’un jury. Elle est plutôt comme une grossière erreur d
297
faute commise ne peut relever ni de l’opinion, ni
d’
un jury. Elle est plutôt comme une grossière erreur de calcul, de mont
298
jury. Elle est plutôt comme une grossière erreur
de
calcul, de montage ou d’aiguillage, c’est-à-dire qu’elle « ne pardonn
299
est plutôt comme une grossière erreur de calcul,
de
montage ou d’aiguillage, c’est-à-dire qu’elle « ne pardonne pas » : e
300
mme une grossière erreur de calcul, de montage ou
d’
aiguillage, c’est-à-dire qu’elle « ne pardonne pas » : elle suspend le
301
ne pardonne pas » : elle suspend le cours normal
de
la vie, elle exclut le fautif de la réalité, elle appelle à grands cr
302
rdonne pas » : elle suspend le cours normal de la
vie
, elle exclut le fautif de la réalité, elle appelle à grands cris non
303
le cours normal de la vie, elle exclut le fautif
de
la réalité, elle appelle à grands cris non point sa repentance mais l
304
oint sa repentance mais le châtiment restaurateur
de
l’ordre. Tel est le cadre antique, traditionnel (au sens oriental de
305
le cadre antique, traditionnel (au sens oriental
de
ce mot) que le message chrétien va bouleverser. Avec saint Paul, nous
306
saint Paul, nous passons d’un seul coup du règne
de
la Loi à celui de la Foi, c’est-à-dire du Rite à l’Amour. « Tout est
307
passons d’un seul coup du règne de la Loi à celui
de
la Foi, c’est-à-dire du Rite à l’Amour. « Tout est permis, mais tout
308
nnelle. Elles impliquent, en effet, que la valeur
d’
un acte ne peut être jugée par sa conformité avec les règles du sacré
309
s du sacré ou du social, mais que son sens dépend
d’
une attitude intime, d’une libre appréciation de la personne quant à s
310
, mais que son sens dépend d’une attitude intime,
d’
une libre appréciation de la personne quant à savoir si l’acte exprime
311
d d’une attitude intime, d’une libre appréciation
de
la personne quant à savoir si l’acte exprime l’amour, s’il édifie. Po
312
e n’est pas tout l’Occident. Elle prend son point
de
départ dans le choc décisif duquel nous datons notre histoire. Mais e
313
, et l’ordre impérial des Romains. Utilisant l’un
de
ces éléments, écartant l’autre, annexant au passage un troisième et s
314
ble, jusqu’à nous, c’est l’« Aventure occidentale
de
l’homme ». Certes la voie chrétienne n’y est pas seule active, mais e
315
es, les apports étrangers, les progrès, la dérive
de
notre culture. Dialectique grecque et juridisme romain, catalysés par
316
des sont entrées elles aussi en symbiose, et cela
d’
une manière manifeste dès l’époque des conciles œcuméniques. Apport g
317
norant, il sait qu’il n’est pas dieu, ne rêve pas
de
le devenir, mais se sent d’autant plus décidé à tirer le meilleur par
318
pas dieu, ne rêve pas de le devenir, mais se sent
d’
autant plus décidé à tirer le meilleur parti de sa condition. Entrepre
319
nt d’autant plus décidé à tirer le meilleur parti
de
sa condition. Entreprenant, curieux jusqu’au défi, navigateur, spécul
320
us égards celui qui définit — l’homme du Verbe et
de
l’épithète, « la mesure de toutes choses », dira Protagoras, « de cel
321
— l’homme du Verbe et de l’épithète, « la mesure
de
toutes choses », dira Protagoras, « de celles qui sont en supposant q
322
la mesure de toutes choses », dira Protagoras, «
de
celles qui sont en supposant qu’elles sont, de celles qui ne sont pas
323
« de celles qui sont en supposant qu’elles sont,
de
celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge de t
324
ont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge
de
tout, on le voit, même des dieux. D’où le sens de sa dignité, qui ne
325
pas ». Juge de tout, on le voit, même des dieux.
D’
où le sens de sa dignité, qui ne tient à rien qu’à lui-même, au seul f
326
de tout, on le voit, même des dieux. D’où le sens
de
sa dignité, qui ne tient à rien qu’à lui-même, au seul fait qu’il exi
327
’à lui-même, au seul fait qu’il existe, distinct.
D’
où son orgueil aussi, son astuce égoïste et, finalement, cette anarchi
328
sée » à la brutale mise au pas du Romain. Apport
de
Rome. — Il se résume dans le terme viril de citoyen. L’homme ne tient
329
pport de Rome. — Il se résume dans le terme viril
de
citoyen. L’homme ne tient plus sa dignité unique de quelque essence i
330
citoyen. L’homme ne tient plus sa dignité unique
de
quelque essence indestructible, mais du personnage qu’il revêt dans l
331
s. Ce puritanisme social, cette morale du service
de
l’État, fera la grandeur de l’Empire et la pauvreté d’âme de ses suje
332
tte morale du service de l’État, fera la grandeur
de
l’Empire et la pauvreté d’âme de ses sujets. Si la dissociation menaç
333
État, fera la grandeur de l’Empire et la pauvreté
d’
âme de ses sujets. Si la dissociation menaçait en permanence la cité g
334
fera la grandeur de l’Empire et la pauvreté d’âme
de
ses sujets. Si la dissociation menaçait en permanence la cité grecque
335
la sclérose collectiviste qui va causer la chute
de
Rome. C’est au sein de cette société dont les structures rigides n’en
336
nte, parce que ces disciplines ne sont pas celles
de
l’âme, que naît et se répand le christianisme. Apport chrétien. — La
337
re tout homme, noble ou esclave, des liens sacrés
de
la caste ou du clan ; en même temps, elle le met au service du procha
338
sclave y trouve la dignité morale qui était celle
de
l’individu selon les Grecs, et l’honneur de servir, qui était celui d
339
celle de l’individu selon les Grecs, et l’honneur
de
servir, qui était celui du citoyen romain. Il devient donc un paradox
340
, dans son équilibre en tension, unit le meilleur
de
Rome et de la Grèce, elle est aussi menacée, dans le monde du péché,
341
équilibre en tension, unit le meilleur de Rome et
de
la Grèce, elle est aussi menacée, dans le monde du péché, par un doub
342
e du péché, par un double péril simultané : celui
de
la fuite vers le salut individuel, et celui de l’abandon au sacré col
343
ui de la fuite vers le salut individuel, et celui
de
l’abandon au sacré collectif — maladie « grecque » et maladie « romai
344
ctif — maladie « grecque » et maladie « romaine »
de
la personne. Ainsi, c’est dans la mesure où le christianisme a signif
345
signifié la fin des religions et des magies, nées
de
la peur, qu’il a permis le développement de la Science, recherche « i
346
nées de la peur, qu’il a permis le développement
de
la Science, recherche « impitoyable » de la vérité. Car la vérité, po
347
oppement de la Science, recherche « impitoyable »
de
la vérité. Car la vérité, pour la foi, ne peut être que celle de Dieu
348
ar la vérité, pour la foi, ne peut être que celle
de
Dieu, même quand elle semble nuire au groupe, à la tribu, à leurs loi
349
e l’on prend pour l’Ordre et le Bien. L’« eppur »
de
Galilée me paraît plus « chrétien » que l’indignation de ses juges. S
350
lée me paraît plus « chrétien » que l’indignation
de
ses juges. Suivons ici l’exégèse magistrale qu’a donnée de la pensée
351
ges. Suivons ici l’exégèse magistrale qu’a donnée
de
la pensée nietzschéenne Karl Jaspers : Si les Grecs, qui fondèrent l
352
t manqué. Au contraire, le chrétien a été capable
de
faire avancer cette science, grâce à son christianisme et ensuite con
353
s objectives que celui-ci a pu revêtir. Essayons
de
mesurer l’envergure du succès de l’Occident dans l’ère moderne. Toynb
354
vêtir. Essayons de mesurer l’envergure du succès
de
l’Occident dans l’ère moderne. Toynbee nous met en garde contre les i
355
e. Toynbee nous met en garde contre les illusions
de
ce qu’on pourrait appeler le narcissisme culturel. Mais comment le su
356
culturel. Mais comment le suivre, lorsqu’il tire
de
l’exemple du monde gréco-romain des raisons de réfuter la croyance qu
357
re de l’exemple du monde gréco-romain des raisons
de
réfuter la croyance que « nous aurions fait dans le monde, au cours d
358
lques derniers siècles, quelque chose qui n’a pas
de
précédent ? » Alexandre n’avait conquis qu’un quart des continents al
359
r la totalité — enfin connue, et par elle seule —
de
la planète : elle a non seulement influencé, colonisé ou vassalisé se
360
colonisé ou vassalisé selon les cas, la totalité
de
l’Afrique, des deux Amériques et de l’Océanie, et la partie sud de l’
361
, la totalité de l’Afrique, des deux Amériques et
de
l’Océanie, et la partie sud de l’Asie (à des degrés divers, mais pour
362
deux Amériques et de l’Océanie, et la partie sud
de
l’Asie (à des degrés divers, mais pour le moins égaux à ceux qu’avaie
363
es Khans mongols), mais encore elle n’a pas cessé
de
maintenir sur toutes les civilisations différentes de la sienne une s
364
aintenir sur toutes les civilisations différentes
de
la sienne une supériorité intellectuelle et technique que personne ne
365
ujourd’hui, les peuples affectés par ses méthodes
de
pensée, de production matérielle ou d’organisation de l’État, se rend
366
les peuples affectés par ses méthodes de pensée,
de
production matérielle ou d’organisation de l’État, se rendent politiq
367
s méthodes de pensée, de production matérielle ou
d’
organisation de l’État, se rendent politiquement indépendants, j’y voi
368
ensée, de production matérielle ou d’organisation
de
l’État, se rendent politiquement indépendants, j’y vois bien moins le
369
uement indépendants, j’y vois bien moins le signe
d’
une révolte contre ses méthodes importées, que la preuve décisive de l
370
re ses méthodes importées, que la preuve décisive
de
leur succès. Les Grecs et les Romains ne disposaient pas d’une marge
371
ccès. Les Grecs et les Romains ne disposaient pas
d’
une marge de supériorité incontestable sur les Hindous et les Chinois.
372
ecs et les Romains ne disposaient pas d’une marge
de
supériorité incontestable sur les Hindous et les Chinois. Mais où tro
373
e siècle une autre civilisation qui soit en état
de
surpasser celle qu’a répandue l’Occident ? En même temps qu’il devien
374
fait, que l’Asie s’industrialise, et que le temps
de
voyages cesse de nous séparer (nous faisons en un jour d’avion un tra
375
s’industrialise, et que le temps de voyages cesse
de
nous séparer (nous faisons en un jour d’avion un trajet qui prenait d
376
es cesse de nous séparer (nous faisons en un jour
d’
avion un trajet qui prenait deux ans du temps de Plan Carpin et de Mar
377
r d’avion un trajet qui prenait deux ans du temps
de
Plan Carpin et de Marco Polo), il devient urgent de corriger les aber
378
t qui prenait deux ans du temps de Plan Carpin et
de
Marco Polo), il devient urgent de corriger les aberrations résultante
379
Plan Carpin et de Marco Polo), il devient urgent
de
corriger les aberrations résultantes de contacts anarchiques dans tou
380
nt urgent de corriger les aberrations résultantes
de
contacts anarchiques dans tous les ordres. Tout échange est ambivalen
381
Il peut détruire autant que féconder. L’adoption
de
machines et de certaines croyances, déduites de notre science de la m
382
re autant que féconder. L’adoption de machines et
de
certaines croyances, déduites de notre science de la matière, peut fa
383
n de machines et de certaines croyances, déduites
de
notre science de la matière, peut faire dépérir dans d’autres civilis
384
de certaines croyances, déduites de notre science
de
la matière, peut faire dépérir dans d’autres civilisations le dévelop
385
ns d’autres civilisations le développement normal
de
leurs sciences spirituelles ou physio-psychologiques. Et cela, au mom
386
et même devenir vitales. L’Aventure s’approchant
de
la Voie, l’une doit intégrer l’autre (mais au prix de sacrifices dont
387
Jung en Europe, ou un Aurobindo en Inde, a tenté
d’
entrevoir la nature. Au stade présent de l’Aventure occidentale, on di
388
, a tenté d’entrevoir la nature. Au stade présent
de
l’Aventure occidentale, on dirait qu’il n’est plus qu’un seul des rêv
389
t qu’il n’est plus qu’un seul des rêves constants
de
l’humanité qui ne soit pas théoriquement réalisable : connaître l’au-
390
as théoriquement réalisable : connaître l’au-delà
de
la mort. Mais presque tous les autres : voler dans la hauteur, nager
391
er dans la hauteur, nager au fond des mers, faire
de
l’or, rajeunir, voyager dans la lune, lire les pensées, tuer ou guéri
392
métaux, dépassons la vitesse du son, prolongeons
de
deux à trois fois la durée moyenne de la vie, voyons ce qui se passe
393
prolongeons de deux à trois fois la durée moyenne
de
la vie, voyons ce qui se passe aux antipodes, parlons avec des invisi
394
geons de deux à trois fois la durée moyenne de la
vie
, voyons ce qui se passe aux antipodes, parlons avec des invisibles, t
395
té à l’Orient, l’Occident apparaît comme le monde
de
la preuve, par l’effet matériel : les miracles d’abord (changer l’eau
396
uantes (l’avion vole, la bombe éclate au centième
de
seconde prévu) ; dans les deux cas, l’effet probant est de nature tan
397
e prévu) ; dans les deux cas, l’effet probant est
de
nature tangible ou mesurable. Les Orientaux ont multiplié les recette
398
lié les recettes (psychosomatiques, dirions-nous)
d’
immortalité sur la terre, même lorsqu’ils enseignaient que la vie n’es
399
sur la terre, même lorsqu’ils enseignaient que la
vie
n’est qu’illusion. Mais aucun ne devint immortel. Nous cherchons plut
400
devint immortel. Nous cherchons plutôt les moyens
de
gagner du temps, et les trouvons par la technique. Sur quoi le mandar
401
(Mais lui, s’il devenait immortel ?) Le problème
de
l’emploi du temps libre se posera donc demain. Par notre fait, dans l
402
’efficience en un mot, qui ont permis au problème
de
se poser, sont précisément les qualités et attitudes qui prédisposent
403
re. Au moment même où l’Occident serait en mesure
d’
en instituer les conditions pour tous, il se voit appauvri spirituelle
404
besoin… L’âge des miracles Au stade présent
de
l’Aventure occidentale, dont la science est la pointe extrême en notr
405
ère, qui était pourtant devenue l’objet principal
de
la science, nous butons contre le mystère que cette science avait cru
406
Le Cosmos tout entier se résout en un voile tissé
d’
ondes animant le Vide. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la matière c
407
animant le Vide. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent
de
la matière cosmique consistent en hydrogène et en hélium, produit à p
408
hélium, produit à partir de l’hydrogène. Le noyau
de
l’hydrogène est un proton. Cet ultime substrat de l’univers physique
409
de l’hydrogène est un proton. Cet ultime substrat
de
l’univers physique est un « nœud d’énergie » qui se produit dans un «
410
time substrat de l’univers physique est un « nœud
d’
énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel agissent on
411
ce flottant sur l’océan sans rivages et sans fond
de
l’immatérielle Énergie. Voici donc retrouvée la Maya des hindous, au
412
oici donc retrouvée la Maya des hindous, au terme
d’
un voyage dont l’impulsion première avait pris pour tremplin la très f
413
our tremplin la très ferme croyance en la réalité
de
la matière ! Mais derrière ce voile, qu’y a-t-il ? Cette question n’a
414
re ce voile, qu’y a-t-il ? Cette question n’a pas
de
sens, nous dit-on. Dans l’univers d’Einstein (illimité-fini) vous iri
415
tion n’a pas de sens, nous dit-on. Dans l’univers
d’
Einstein (illimité-fini) vous iriez aussi loin et longtemps que vous v
416
devant vous, pour revenir au même point. Essayez
de
penser cela, et vous verrez bientôt que la question d’un au-delà ne s
417
nser cela, et vous verrez bientôt que la question
d’
un au-delà ne se pose plus. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lema
418
delà ne se pose plus. Dans l’univers en expansion
de
l’abbé Lemaître et de Gamov, né d’une explosion primitive, et qui rev
419
Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaître et
de
Gamov, né d’une explosion primitive, et qui reviendra peut-être à son
420
s en expansion de l’abbé Lemaître et de Gamov, né
d’
une explosion primitive, et qui reviendra peut-être à son point initia
421
se meut-il ? Il est vrai que la question n’a pas
de
sens : rien « au monde » ne peut y répondre ; mais aussi, elle dépass
422
de : rien en lui ne peut m’empêcher, ni moi-même,
de
me la poser. C’est ainsi que notre esprit sans relâche vient buter co
423
Si l’on demande où elle va, qu’on regarde d’abord
d’
où elle vient, et comment, jusqu’ici, elle est allée. On verra que la
424
lée. On verra que la question même est spécifique
de
l’Occident. Toute réponse décisive annoncerait donc la fin de notre c
425
t. Toute réponse décisive annoncerait donc la fin
de
notre civilisation, son épuisement intime, et toujours préalable à l’
426
tissement par une force étrangère. Je n’ai pas eu
d’
autre intention que de mieux définir la question, en cela fidèle à l’O
427
e étrangère. Je n’ai pas eu d’autre intention que
de
mieux définir la question, en cela fidèle à l’Occident qui m’a formé.
428
i voudrait à tout prix une réponse, et refuserait
de
la trouver lui-même, dès lors qu’il sait qu’il n’en est point de vrai
429
ui-même, dès lors qu’il sait qu’il n’en est point
de
vraiment générale et transposable — il quitterait en esprit cette exp
430
destins, mais aussi fomenté les libres vocations
de
la race blanche, aventureuse moitié du monde. La Quête est notre form
431
tureuse moitié du monde. La Quête est notre forme
d’
exister. d. Rougemont Denis de, « Remise en question par l’Afrique
432
est notre forme d’exister. d. Rougemont Denis
de
, « Remise en question par l’Afrique et l’Asie, la civilisation occide
433
’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore
de
successeur », Arts, Paris, 21 septembre 1960, p. 1 et 15. e. Cet art
434
bre 1960, p. 1 et 15. e. Cet article fait partie
d’
un dossier de la revue Arts intitulé : « Quel est l’avenir de la race
435
1 et 15. e. Cet article fait partie d’un dossier
de
la revue Arts intitulé : « Quel est l’avenir de la race blanche ? »
436
r de la revue Arts intitulé : « Quel est l’avenir
de
la race blanche ? »
437
n’est vrai qu’en Occident, car on n’observe rien
de
tel en Inde, en Chine ou en Afrique. Comment nous expliquer ce fait ?
438
t ? Et pourquoi l’érotisme est-il devenu synonyme
de
perversité non seulement dans le jargon des lois de l’État laïque, ma
439
perversité non seulement dans le jargon des lois
de
l’État laïque, mais aux yeux des chrétiens exigeants et sincères, dep
440
cles ? Pour comprendre la situation problématique
de
notre temps, il faut remonter aux origines du christianisme. 1. Le ch
441
hristianisme. 1. Le christianisme est la religion
de
l’Amour. Religion d’un Dieu que l’Ancien Testament définissait comme
442
hristianisme est la religion de l’Amour. Religion
d’
un Dieu que l’Ancien Testament définissait comme l’Être originel, le C
443
Être originel, le Créateur du monde et le sauveur
d’
Israël, mais que le Nouveau Testament révèle au cœur de tous les homme
444
aël, mais que le Nouveau Testament révèle au cœur
de
tous les hommes, et d’une manière radicalement nouvelle : « Dieu est
445
u Testament révèle au cœur de tous les hommes, et
d’
une manière radicalement nouvelle : « Dieu est Amour », répète saint J
446
», répète saint Jean. Religion créée par un acte
de
l’amour « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… »
447
omme toi-même ». Religion qui met au premier rang
de
toutes les vertus, l’Amour : « Maintenant ces trois choses demeurent
448
mbale qui retentit ». 2. Parce qu’il est religion
de
l’Amour, le christianisme implique et pose la réalité de la personne.
449
our, le christianisme implique et pose la réalité
de
la personne. Les relations qu’il définit entre l’homme et « son » Die
450
lles. Dieu est personnel. La Trinité est composée
de
trois personnes. Le modèle de toute personne humaine est donné par l’
451
rinité est composée de trois personnes. Le modèle
de
toute personne humaine est donné par l’incarnation du Christ, fils de
452
maine est donné par l’incarnation du Christ, fils
de
Dieu, en Jésus, fils de Marie — Jésus Christ étant à la fois « vrai D
453
carnation du Christ, fils de Dieu, en Jésus, fils
de
Marie — Jésus Christ étant à la fois « vrai Dieu et vrai homme » selo
454
fois « vrai Dieu et vrai homme » selon le Credo.
D’
où suit immédiatement que tout homme converti, recréé par l’Amour divi
455
é par l’Amour divin, va devenir, dans l’imitation
de
Jésus-Christ, vraie vocation et vrai individu, c’est-à-dire, une pers
456
distingue. Car pour aimer, il faut être distinct
de
l’objet même de l’amour, auquel on voudrait être uni. Et pour que l’h
457
pour aimer, il faut être distinct de l’objet même
de
l’amour, auquel on voudrait être uni. Et pour que l’homme puisse aime
458
l’homme nouveau, recréé par l’appel qu’il reçoit
de
l’Amour. Cet appel est sa vocation, la vie nouvelle de sa personne. C
459
reçoit de l’Amour. Cet appel est sa vocation, la
vie
nouvelle de sa personne. Cette vie demeure en partie mystérieuse, éta
460
Amour. Cet appel est sa vocation, la vie nouvelle
de
sa personne. Cette vie demeure en partie mystérieuse, étant « cachée
461
a vocation, la vie nouvelle de sa personne. Cette
vie
demeure en partie mystérieuse, étant « cachée avec le Christ en Dieu
462
ste par des actes, dans l’amour du prochain comme
de
soi-même. 3. Cette religion de l’Amour total (amour de Dieu, de Soi
463
du prochain comme de soi-même. 3. Cette religion
de
l’Amour total (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livre
464
-même. 3. Cette religion de l’Amour total (amour
de
Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livre sacré sur l’Amour. Dans
465
. Cette religion de l’Amour total (amour de Dieu,
de
Soi et du Prochain) n’a pas de livre sacré sur l’Amour. Dans cet ense
466
al (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas
de
livre sacré sur l’Amour. Dans cet ensemble infiniment varié de phénom
467
é sur l’Amour. Dans cet ensemble infiniment varié
de
phénomènes que l’Europe seule a désigné par le seul et même terme d’a
468
’Europe seule a désigné par le seul et même terme
d’
amour, considérons les raies extrêmes du spectre : l’ultraviolet du sp
469
t l’infrarouge du sexuel. Notre mystique, science
de
l’amour divin, s’est développée très tardivement, dans des formes et
470
es les sociétés constituées. En dépit des traités
de
quelque Père de l’Église (prohibant telle posture sexuelle parce que
471
ue contraire à la fécondation) et des gros livres
de
casuistiques des xvie et xviie siècles, la plupart des écrits par d
472
u imaginable — du « Kamasutra », des « tantras »,
de
tant d’autres traités d’érotisme dans les Vedas et les upanishads, re
473
utra », des « tantras », de tant d’autres traités
d’
érotisme dans les Vedas et les upanishads, reliant le sexuel au divin
474
ux façades des grands temples hindous, illustrant
de
la manière la plus précise les unions des dieux et de leurs femmes, à
475
a manière la plus précise les unions des dieux et
de
leurs femmes, à des fins didactiques et religieuses. Point de méthode
476
mes, à des fins didactiques et religieuses. Point
de
méthodes secrètes ni de magie sexuelle, point de physiologie du pèler
477
ues et religieuses. Point de méthodes secrètes ni
de
magie sexuelle, point de physiologie du pèlerinage mystique, comme ce
478
de méthodes secrètes ni de magie sexuelle, point
de
physiologie du pèlerinage mystique, comme celle que nous décrivent sa
479
epuis mille ans les traités du hatha yoga. Et pas
de
traces non plus, dans le christianisme, de ces cérémonies initiatique
480
Et pas de traces non plus, dans le christianisme,
de
ces cérémonies initiatiques, comme à la plupart des autres religions,
481
endocrine, le christianisme puritain se contente
de
conseils moraux très sévères et de conseils d’hygiène vagues ou aberr
482
in se contente de conseils moraux très sévères et
de
conseils d’hygiène vagues ou aberrants. D’un côté, le rite et les sév
483
te de conseils moraux très sévères et de conseils
d’
hygiène vagues ou aberrants. D’un côté, le rite et les sévices physiqu
484
res et de conseils d’hygiène vagues ou aberrants.
D’
un côté, le rite et les sévices physiques, qui règlent tout ; de l’aut
485
rite et les sévices physiques, qui règlent tout ;
de
l’autre, les problèmes et les tortures morales… Les Églises chrétienn
486
ut conduire à des révélations. « La chair ne sert
de
rien » (quant au salut) déclare saint Paul. Et l’on eut bien vite fai
487
t) déclare saint Paul. Et l’on eut bien vite fait
de
réduire au sexuel le sens de « chair » qui, pour l’Apôtre, désignait
488
n eut bien vite fait de réduire au sexuel le sens
de
« chair » qui, pour l’Apôtre, désignait le tout de l’homme (corps, âm
489
e « chair » qui, pour l’Apôtre, désignait le tout
de
l’homme (corps, âme et intellect) dans sa réalité naturelle et déchue
490
dans l’ensemble définissent une éthique cohérente
de
type personnaliste, et non plus sociale ou sacrée comme dans les autr
491
s autres religions. Il n’en est que plus frappant
d’
observer à quel point les motivations spirituelles du mariage diffèren
492
edisent chez saint Paul. Tantôt il pose une sorte
d’
analogie mystique entre l’amour des sexes dans le mariage et l’amour d
493
ntre l’amour des sexes dans le mariage et l’amour
de
Jésus pour l’ensemble des âmes croyantes : « Maris, aimez vos femmes
494
ontinence : « Je pense qu’il est bon pour l’homme
de
ne point toucher sa femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que c
495
ais pas un ordre. Car il vaut mieux se marier que
de
brûler. » Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de l’Apôtre, la chastet
496
la chasteté et le célibat conduiraient seuls à la
vie
spirituelle : « Celui qui n’est pas marié s’inquiète du Seigneur, des
497
’est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens
de
plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du m
498
marié s’inquiète des choses du monde, des moyens
de
plaire à sa femme. » 4. Ainsi donc, exalté d’une part comme l’image d
499
» 4. Ainsi donc, exalté d’une part comme l’image
de
l’amour divin, mais vilipendé, d’autre part, comme l’ennemi de la vie
500
vin, mais vilipendé, d’autre part, comme l’ennemi
de
la vie spirituelle, toléré finalement mais dans les seules limites du
501
ais vilipendé, d’autre part, comme l’ennemi de la
vie
spirituelle, toléré finalement mais dans les seules limites du mariag
502
riche et très sommairement condamné sous les noms
de
luxure et d’impudicité ou de « prostitution spirituelle », l’amour hu
503
sommairement condamné sous les noms de luxure et
d’
impudicité ou de « prostitution spirituelle », l’amour humain devait f
504
ndamné sous les noms de luxure et d’impudicité ou
de
« prostitution spirituelle », l’amour humain devait fatalement deveni
505
devait fatalement devenir une source intarissable
de
problèmes, tant pour la société que pour l’individu. Au surplus, lié
506
ividu. Au surplus, lié dès l’origine à la réalité
de
la personne, l’amour sexuel, sentimental ou spirituel (amour des corp
507
la dialectique du salut, c’est-à-dire du péché et
de
la grâce, et valorisé à l’extrême. Ceci ne pouvait se produire — et n
508
et ne s’est pas produit — en dehors de la sphère
d’
influence du christianisme. C’est pourquoi le phénomène que je nomme é
509
omène que je nomme érotisme, englobant le mariage
d’
amour, la passion mystique de Tristan et la licence impie de Don Juan
510
englobant le mariage d’amour, la passion mystique
de
Tristan et la licence impie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en
511
a passion mystique de Tristan et la licence impie
de
Don Juan (l’une au-delà et l’autre en deçà du mariage) ne devait déve
512
— qu’à la lumière de ses origines religieuses et
de
ses fins transnaturelles. Chrétiens traditionnels, moralistes laïques
513
es orthodoxes s’unissent pour déplorer l’invasion
de
nos vies d’une sexualité « obsédante » : les affiches dans les rues,
514
odoxes s’unissent pour déplorer l’invasion de nos
vies
d’une sexualité « obsédante » : les affiches dans les rues, les burea
515
s s’unissent pour déplorer l’invasion de nos vies
d’
une sexualité « obsédante » : les affiches dans les rues, les bureaux,
516
trés et les films, les romans noirs et les albums
de
nus, les journaux populaires et les bandes dessinées, les chansons à
517
laires et les bandes dessinées, les chansons à la
mode
, les danses et les strip-teases : il suffit de regarder le décor des
518
mode, les danses et les strip-teases : il suffit
de
regarder le décor des journées et des nuits citadines pour vérifier l
519
des nuits citadines pour vérifier l’omniprésence
de
l’appel au désir sexuel. Ce phénomène mille fois décrit n’en demeure
520
vait des parallèles en d’autres temps, ses moyens
d’
expression, eux, sont sans précédent. La culture commercialisée, qui e
521
t quantitatif et plus encore qualitatif des temps
de
loisir, accroît aussi comme l’avait dit Baudelaire avec plus de préci
522
roît aussi comme l’avait dit Baudelaire avec plus
de
précision que le proverbe antique sur l’oisiveté mère des vices — les
523
l’oisiveté mère des vices — les chances pratiques
de
l’érotisme. Déplorer le phénomène est donc vain. Il s’agit de compren
524
e. Déplorer le phénomène est donc vain. Il s’agit
de
comprendre ses causes, et sur tout ce dont il est signe. Et d’abord,
525
tout ce dont il est signe. Et d’abord, il s’agit
de
lui donner son vrai nom. C’est l’érotisme qui travaille les sociétés
526
érotisme qui travaille les sociétés occidentales,
de
l’ouest à l’est, non pas la sexualité proprement dite, instinctive et
527
dite, instinctive et procréatrice. Et les moyens
de
l’érotisme sont la littérature, les « salles obscures », les arts pla
528
s : milieux par excellence où agissent les mythes
de
l’âme. C’est donc avec ces mythes, non pas avec l’instinct ou avec «
529
me. Ce n’est pas l’immoralité plus ou moins grave
de
ce siècle qui la concerne, mais bien les attitudes (religieuses sans
530
tte immoralité ; enfin, ce sont certaines notions
de
l’homme, qu’une élite inconnue de la foule élabore à l’abri de toute
531
rtaines notions de l’homme, qu’une élite inconnue
de
la foule élabore à l’abri de toute sanction sociale car c’est là qu’o
532
u’une élite inconnue de la foule élabore à l’abri
de
toute sanction sociale car c’est là qu’on peut voir apparaître le sen
533
ai rappelé, et qui n’est guère en soi que l’écume
d’
une vague profonde surgie de l’âme collective. Derrière les apparences
534
re en soi que l’écume d’une vague profonde surgie
de
l’âme collective. Derrière les apparences de la rue, derrière la tolé
535
rgie de l’âme collective. Derrière les apparences
de
la rue, derrière la tolérance déjà presque sans bornes accordée à ce
536
éritiers débiles et qui assurent que ce n’est pas
de
leur faute. Mais de quoi la morale victorienne est-elle morte ? Sans
537
qui assurent que ce n’est pas de leur faute. Mais
de
quoi la morale victorienne est-elle morte ? Sans doute et tout d’abor
538
enne est-elle morte ? Sans doute et tout d’abord,
d’
avoir eu peur de l’instinct qu’elle voulait réprimer. Au lieu de justi
539
rte ? Sans doute et tout d’abord, d’avoir eu peur
de
l’instinct qu’elle voulait réprimer. Au lieu de justifier ses rigueur
540
r les yeux sur la réalité même du sexe : interdit
d’
en parler, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom d’impureté.
541
même du sexe : interdit d’en parler, sauf du haut
de
la chaire, et sous le seul nom d’impureté. C’était vider la morale pu
542
r, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom
d’
impureté. C’était vider la morale puritaine de sa vertu, moins religie
543
nom d’impureté. C’était vider la morale puritaine
de
sa vertu, moins religieuse d’ailleurs que civilisatrice. D’où l’effet
544
u, moins religieuse d’ailleurs que civilisatrice.
D’
où l’effet de révélation que produisit l’œuvre de Freud, l’impression
545
gieuse d’ailleurs que civilisatrice. D’où l’effet
de
révélation que produisit l’œuvre de Freud, l’impression qu’elle « exp
546
D’où l’effet de révélation que produisit l’œuvre
de
Freud, l’impression qu’elle « expliquait tout », parce qu’elle expliq
547
osait parler. Brochant sur la mauvaise conscience
d’
une bourgeoise qui n’avait plus le courage de ses partis pris, la vulg
548
ence d’une bourgeoise qui n’avait plus le courage
de
ses partis pris, la vulgarisation de la psychanalyse a beaucoup fait
549
s le courage de ses partis pris, la vulgarisation
de
la psychanalyse a beaucoup fait pour dévaloriser les notions mêmes de
550
beaucoup fait pour dévaloriser les notions mêmes
de
répression et de censure. Les abus dénoncés par Freud nous ont rendus
551
ur dévaloriser les notions mêmes de répression et
de
censure. Les abus dénoncés par Freud nous ont rendus méfiants quant à
552
e qui est l’ennemi mais le refoulement générateur
de
complexes et de névroses. D’où la tolérance que j’ai dite, et qui eff
553
mi mais le refoulement générateur de complexes et
de
névroses. D’où la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’obse
554
foulement générateur de complexes et de névroses.
D’
où la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’observateurs. Ava
555
ù la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant
d’
observateurs. Avant de nous effrayer à notre tour essayons de bien voi
556
urs. Avant de nous effrayer à notre tour essayons
de
bien voir ce qui se passe quand les censures officielles périclitent.
557
? Bien sûr que non. L’instinct ne dépend pas des
modes
ni la nature de la culture — du moins pas si directement. Ce qui se t
558
. L’instinct ne dépend pas des modes ni la nature
de
la culture — du moins pas si directement. Ce qui se trouve libéré c’e
559
i se trouve libéré c’est l’expression, la manière
de
parler des choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou de les mon
560
est l’expression, la manière de parler des choses
de
l’amour, de spéculer à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce
561
sion, la manière de parler des choses de l’amour,
de
spéculer à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce n’est donc p
562
s choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou
de
les montrer sur l’écran. Ce n’est donc pas le sexe, mais l’érotisme,
563
t à réinventer », disait Rimbaud. Cette espèce-là
de
révolution psychique n’a qu’un précédent dans l’histoire de la cultur
564
ion psychique n’a qu’un précédent dans l’histoire
de
la culture occidentale : il se situe de la manière la plus précise au
565
’histoire de la culture occidentale : il se situe
de
la manière la plus précise au xiie siècle. Depuis la fin de l’Empire
566
re la plus précise au xiie siècle. Depuis la fin
de
l’Empire romain, on n’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traité
567
la fin de l’Empire romain, on n’avait plus écrit
de
poèmes d’amour ni de traités de mystiques originaux. La vie sexuelle
568
l’Empire romain, on n’avait plus écrit de poèmes
d’
amour ni de traités de mystiques originaux. La vie sexuelle semblait r
569
omain, on n’avait plus écrit de poèmes d’amour ni
de
traités de mystiques originaux. La vie sexuelle semblait réduite à l’
570
’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traités
de
mystiques originaux. La vie sexuelle semblait réduite à l’obscure ani
571
d’amour ni de traités de mystiques originaux. La
vie
sexuelle semblait réduite à l’obscure animalité. Le mariage ne posait
572
animalité. Le mariage ne posait que des problèmes
d’
héritages et de consanguinités souvent invraisemblables, justifiant de
573
ariage ne posait que des problèmes d’héritages et
de
consanguinités souvent invraisemblables, justifiant des divorces caus
574
ublimé, Saint Bernard de Clairvaux et la mystique
d’
amour, Héloïse et la passion vécue, Tristan et la passion rêvée, le cu
575
sion vécue, Tristan et la passion rêvée, le culte
de
la Dame et le culte de la Vierge, les hérésies gnostiques ravivées et
576
la passion rêvée, le culte de la Dame et le culte
de
la Vierge, les hérésies gnostiques ravivées et le cynisme libertin na
577
in naissant, le célibat des prêtres et les « Lois
d’
Amour », bref, le lyrisme, l’érotisme et la mystique déchaînés sur l’E
578
ongleurs et prédicateurs étant les seuls « moyens
de
diffusion » permettant de toucher les peuples. Cette première grande
579
tant les seuls « moyens de diffusion » permettant
de
toucher les peuples. Cette première grande révolution de l’Amour, si
580
her les peuples. Cette première grande révolution
de
l’Amour, si soudaine dans son explosion, fut lente à propager ses eff
581
propager ses effets bouleversants dans les mœurs
de
la masse inculte et dans les habitudes de pensée. Le travail de décan
582
s mœurs de la masse inculte et dans les habitudes
de
pensée. Le travail de décantation, d’adaptation psychologique et de r
583
culte et dans les habitudes de pensée. Le travail
de
décantation, d’adaptation psychologique et de remise en ordre morale
584
s habitudes de pensée. Le travail de décantation,
d’
adaptation psychologique et de remise en ordre morale et spirituelle d
585
ail de décantation, d’adaptation psychologique et
de
remise en ordre morale et spirituelle devait prendre des siècles, et
586
tie celle du xiie siècle, submerge quelques-unes
de
ses conquêtes, mais surtout la déborde largement. Elle éclate dans un
587
bon marché, le film et la radio ne laissent plus
de
délais ni d’angles morts. Les effets atteignent nos sens avant que le
588
le film et la radio ne laissent plus de délais ni
d’
angles morts. Les effets atteignent nos sens avant que les causes aien
589
nt que les causes aient émergé à nos consciences.
D’
où le scandale, et c’est peu dire — d’où l’angoisse et la mauvaise con
590
onsciences. D’où le scandale, et c’est peu dire —
d’
où l’angoisse et la mauvaise conscience qui caractérisent à la fois ce
591
illeurs croyant ou non, plus ou moins respectueux
de
la science et du progrès, donc normal et moyen selon les standards du
592
-le avec les œuvres apparues depuis cinquante ans
de
Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H.
593
uante ans de Freud et des écoles qui en dérivent,
de
Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breto
594
Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust et
de
Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Rober
595
es écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce,
de
D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d
596
vent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et
de
Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de L
597
et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt,
d’
André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durrel,
598
. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et
de
Robert Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durrel, pour ne citer que
599
de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil,
d’
Henry Miller et de Lawrence Durrel, pour ne citer que très peu de noms
600
ndré Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et
de
Lawrence Durrel, pour ne citer que très peu de noms des plus connus ;
601
es plus connus ; sans oublier la fameuse Histoire
d’
O, les essais de Georges Bataille et de Pierre Klossowski pour les ini
602
sans oublier la fameuse Histoire d’O, les essais
de
Georges Bataille et de Pierre Klossowski pour les initiés ; les roman
603
e Histoire d’O, les essais de Georges Bataille et
de
Pierre Klossowski pour les initiés ; les romans policiers de l’école
604
lossowski pour les initiés ; les romans policiers
de
l’école « noire » et les films des metteurs en scène suédois, françai
605
, pour le grand public. Que verra dans tout cela,
de
prime abord, le témoin normal et moyen ? La libido partout à l’œuvre,
606
, la névrose prise pour thème normal, la négation
de
l’innocence, même enfantine : la pariade primitive, ou, au contraire,
607
homosexualité et l’inceste ; et toutes les formes
d’
exhibitionnisme et de raffinement pervers qui attendent encore leur no
608
ceste ; et toutes les formes d’exhibitionnisme et
de
raffinement pervers qui attendent encore leur nom : bref, la luxure,
609
re chose qu’une immense dépravation, qu’un manque
de
tenue mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gaul
610
nse dépravation, qu’un manque de tenue mais aussi
de
légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gauloiserie » ? Et comme
611
on, qu’un manque de tenue mais aussi de légèreté,
de
vraie tendresse mais de « saine gauloiserie » ? Et comment pourrait-o
612
e mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais
de
« saine gauloiserie » ? Et comment pourrait-on y voir ce « soulèvemen
613
? Et comment pourrait-on y voir ce « soulèvement
de
l’âme », ce retour des pouvoirs animiques — étouffés depuis des siècl
614
s, quoique ces derniers aient les motifs inverses
d’
être indignés, inquiets ou angoissés. Les deux camps se rendent bien l
615
mps se rendent bien leur mépris, et chacun refuse
de
tolérer fût-ce un instant, par simple hypothèse de dialogue, les bonn
616
e tolérer fût-ce un instant, par simple hypothèse
de
dialogue, les bonnes raisons que peut invoquer l’autre. J’entends bie
617
tes puritaines ont su nous imposer dès les débuts
de
l’Europe, il n’y aurait rien de plus dans notre civilisation que dans
618
de actuel. Il n’y aurait pas non plus le problème
de
l’érotisme ! Les auteurs érotiques l’oublient très naïvement, tout à
619
ux que celle qu’un Staline et qu’un Mao ont tenté
d’
imposer par décrets ? Elle serait strictement adaptée à la production
620
ns souvent. La littérature érotique embrasse plus
de
réalités psychologiques que la morale bourgeoise ne voulait en connaî
621
dans une certaine mesure, comme le confort dépend
de
notre psychologie. Une fois reconnues, elles nous posent des problème
622
on ne résoudra plus en les niant. Les découvertes
de
l’analyse des profondeurs, l’affaiblissement des tabous sexuels, l’ac
623
provoqués, qui la dépassent, mais dont elle tente
de
formuler et d’illustrer les exigences encore désordonnées. Et je vois
624
la dépassent, mais dont elle tente de formuler et
d’
illustrer les exigences encore désordonnées. Et je vois bien que du dé
625
je vois bien que du désordre inévitable résultant
d’
une évolution aussi rapide, on ne pourra sortir qu’en avant, et non po
626
ant, et non point par des retours aux disciplines
d’
antan. Il s’agit d’expliciter des motifs religieux généralement refoul
627
ar des retours aux disciplines d’antan. Il s’agit
d’
expliciter des motifs religieux généralement refoulés ou tout simpleme
628
ut simplement ignorés. Méthode exactement inverse
de
celle de Freud, mais qui lui est par là même comparable. Entre les si
629
ment ignorés. Méthode exactement inverse de celle
de
Freud, mais qui lui est par là même comparable. Entre les siècles du
630
comparable. Entre les siècles du corps et celles
de
l’esprit, entre la biologie et la morale sociale, au-delà des nécessi
631
ogie et la morale sociale, au-delà des nécessités
de
l’espèce, mais en deçà du bien et du mal. Apprendre à lire en filigra
632
complexités et les intrigues apparemment insanes
de
l’érotique contemporaine. Je propose une mythanalyse, qui puisse être
633
non seulement aux personnes, mais aux personnages
de
l’art, et à certaines formules de vie ; l’objet immédiat d’une telle
634
aux personnages de l’art, et à certaines formules
de
vie ; l’objet immédiat d’une telle méthode étant d’élucider les motif
635
personnages de l’art, et à certaines formules de
vie
; l’objet immédiat d’une telle méthode étant d’élucider les motifs de
636
et à certaines formules de vie ; l’objet immédiat
d’
une telle méthode étant d’élucider les motifs de nos choix et leurs im
637
vie ; l’objet immédiat d’une telle méthode étant
d’
élucider les motifs de nos choix et leurs implications trop souvent in
638
t d’une telle méthode étant d’élucider les motifs
de
nos choix et leurs implications trop souvent inconsciemment spirituel
639
us connaîtrons mieux les mythes qui nous tentent,
d’
où ils viennent et vers quoi leur logique nous conduit, peut-être sero
640
uit, peut-être serons-nous un peu mieux en mesure
de
courir notre risque personnel, d’assumer notre amour et d’aller vers
641
mieux en mesure de courir notre risque personnel,
d’
assumer notre amour et d’aller vers nous-mêmes. Peut-être serons-nous
642
notre risque personnel, d’assumer notre amour et
d’
aller vers nous-mêmes. Peut-être serons-nous un peu plus libres. f.
643
ns-nous un peu plus libres. f. Rougemont Denis
de
, « L’Amour en cause », Arts, Paris, 1–6 février 1961, p. 1 et 4. g.
644
1 et 4. g. Présenté par cette note : « Le succès
de
notre série “Les idées qui mènent le monde” nous amène, à la demande
645
ées qui mènent le monde” nous amène, à la demande
de
nombreux lecteurs, à traiter aussi complètement que possible d’un suj
646
cteurs, à traiter aussi complètement que possible
d’
un sujet sous ses divers aspects. Denis de Rougemont, auteur de L’Amo
647
us ses divers aspects. Denis de Rougemont, auteur
de
L’Amour et l’Occident a bien voulu accepter de participer à l’étude
648
de L’Amour et l’Occident a bien voulu accepter
de
participer à l’étude que nous commençons cette semaine sur l’évolutio
649
ns cette semaine sur l’évolution du mythe moderne
de
l’amour. Denis de Rougemont se propose de publier prochainement un ou
650
moderne de l’amour. Denis de Rougemont se propose
de
publier prochainement un ouvrage : Comme toi-même (Albin Michel) qu
651
(Albin Michel) qui présentera une interprétation
de
l’amour moderne à la lumière des mythes majeurs de l’érotique occiden
652
e l’amour moderne à la lumière des mythes majeurs
de
l’érotique occidentale : Don Juan et Tristan, en suivant leurs métamo
653
t Tristan, en suivant leurs métamorphoses dans la
vie
et l’œuvre de Kierkegaard, Nietzsche et Gide et dans la création des
654
uivant leurs métamorphoses dans la vie et l’œuvre
de
Kierkegaard, Nietzsche et Gide et dans la création des personnages im
655
s le vide, n’étant nous même que furtifs agrégats
d’
infimes tourbillons statistiques ; que tout soit vide en vérité de sci
656
llons statistiques ; que tout soit vide en vérité
de
science, dans les dimensions de l’Univers (millions d’années-lumière
657
it vide en vérité de science, dans les dimensions
de
l’Univers (millions d’années-lumière dans l’espace, milliards d’année
658
ience, dans les dimensions de l’Univers (millions
d’
années-lumière dans l’espace, milliards d’années terrestres dans le te
659
illions d’années-lumière dans l’espace, milliards
d’
années terrestres dans le temps), et qu’au fond du réel calculé soit l
660
l calculé soit le Vide — mais que, scintillements
d’
une seconde dans l’histoire de ce grain, notre Terre, des civilisation
661
que, scintillements d’une seconde dans l’histoire
de
ce grain, notre Terre, des civilisations passées nous apparaissent gr
662
grandes et majestueuses, bien plus, qu’au détour
d’
un sentier suivi dans la forêt d’avril nous attende une révélation du
663
us, qu’au détour d’un sentier suivi dans la forêt
d’
avril nous attende une révélation du bonheur pur : qu’il ait suffi de
664
e une révélation du bonheur pur : qu’il ait suffi
de
l’inflexion d’une voix pour que cette rencontre, demain, soit soudain
665
n du bonheur pur : qu’il ait suffi de l’inflexion
d’
une voix pour que cette rencontre, demain, soit soudain le point de la
666
ue cette rencontre, demain, soit soudain le point
de
la vie ; qu’il y ait tels moments où nous sommes convaincus que « tou
667
te rencontre, demain, soit soudain le point de la
vie
; qu’il y ait tels moments où nous sommes convaincus que « tout » dép
668
nts où nous sommes convaincus que « tout » dépend
d’
une décision à prendre ; qu’un monde coloré, déployé, dense et stable
669
, mais le vide, tout cela dans le vide et composé
de
vide, compénétré et imprégné de vacuité, ce vertige accompagne en sil
670
e vide et composé de vide, compénétré et imprégné
de
vacuité, ce vertige accompagne en silence la pensée des hommes d’aujo
671
ertige accompagne en silence la pensée des hommes
d’
aujourd’hui et leur action. Le miracle est qu’il y ait des formes ! Qu
672
Le miracle est qu’il y ait des formes ! Qu’il ait
de
la consistance, des paysages, des visages, une Nature autour de nous,
673
ui fait ma joie et c’est le passage du tourbillon
de
billions d’agrégats divisibles au désir d’un corps animé, d’une forme
674
oie et c’est le passage du tourbillon de billions
d’
agrégats divisibles au désir d’un corps animé, d’une forme libérée pou
675
billon de billions d’agrégats divisibles au désir
d’
un corps animé, d’une forme libérée pour un peu de temps de cette tran
676
d’agrégats divisibles au désir d’un corps animé,
d’
une forme libérée pour un peu de temps de cette transparence incolore
677
d’un corps animé, d’une forme libérée pour un peu
de
temps de cette transparence incolore qui est la malédiction originell
678
s animé, d’une forme libérée pour un peu de temps
de
cette transparence incolore qui est la malédiction originelle, l’enfe
679
vue lointaine et la musique, la souple résistance
de
la chair, et le désir qui ne s’arrêtera plus dans sa lancée vers un a
680
ne s’arrêtera plus dans sa lancée vers un au-delà
de
plénitude, vers le Plérôme. Car cette nature qui nous paraît miracule
681
flété sur le Vide, si elle n’est pas une parabole
de
l’éternel. Ces formes demeurent allusives, ces corps souffrent et meu
682
s nous voulons l’au-delà, et non pas le contraire
de
nos angoisses et de nos joies, l’au-delà qui transforme et non pas un
683
delà, et non pas le contraire de nos angoisses et
de
nos joies, l’au-delà qui transforme et non pas un reflet ! Un poète m
684
et non pas un reflet ! Un poète mineur et parfait
de
ce temps l’a découvert un jour non sans stupeur : « Il y a un autre m
685
il qu’un ? Il y a le monde du Vide, l’autre monde
de
la science ; il est là, parmi nous et tout autour de nous, ici et mai
686
, et nous ne le voyons pas, quoique étant assurés
de
sa présence instante. Il n’est pas nous. Mais il y a en nous le Royau
687
a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’est pas
de
ce monde », et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il est plu
688
us nous-mêmes que nous, parce qu’il est en chacun
de
ceux qui le reçoivent « le Fils de Dieu », la part céleste, le répond
689
est en chacun de ceux qui le reçoivent « le Fils
de
Dieu », la part céleste, le répondant de l’Ange qui sera « notre effi
690
le Fils de Dieu », la part céleste, le répondant
de
l’Ange qui sera « notre effigie » au cercle de feu qu’a vu Dante. Et
691
nt de l’Ange qui sera « notre effigie » au cercle
de
feu qu’a vu Dante. Et par quelle parabole le représenterons-nous ? «
692
présenterons-nous ? « Il est semblable à un grain
de
sénevé, la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre,
693
st semblable à un grain de sénevé, la plus petite
de
toutes les semences qui sont sur la terre, mais lorsqu’il a été semé,
694
e, mais lorsqu’il a été semé, il monte… et pousse
de
grandes branches, en sorte que les oiseaux du ciel (les anges) peuven
695
et le temps, qui étendent le Vide aux dimensions
de
l’univers ; il n’est pas loin d’ici ou d’à présent, du monde des form
696
ensions de l’univers ; il n’est pas loin d’ici ou
d’
à présent, du monde des formes, qui est la Nature, la Parabole — mais
697
i-même. Le Royaume du ciel est un point, le point
d’
éternité posé dans toi, la semeuse du Plérôme à venir, quand « la figu
698
la semeuse du Plérôme à venir, quand « la figure
de
ce monde passera », et que l’invisible sera vu. Quand tu le sais, l’a
699
Pourquoi pas rien ? — si la pensée ne trouve pas
de
réponse, elle se rend au vide et s’annule. Ce qui peut la retenir au
700
etenir au bord du rien, c’est l’intuition directe
de
l’amour. C’est à cause de l’amour qu’il y a quelque chose, que le vid
701
à tout : au vide cosmique où danse tel brouillard
d’
électrons empruntés à droite et à gauche et qui tout d’un coup peut di
702
ctrons empruntés à droite et à gauche et qui tout
d’
un coup peut dire moi, peut dire toi quand il voit le moi dans l’autre
703
autre, peut dire : je suis ; mais aussi à ce coin
de
sentier perdu dans la forêt d’avril, petit monde complexe et fortuit,
704
is aussi à ce coin de sentier perdu dans la forêt
d’
avril, petit monde complexe et fortuit, terre et pierres, herbe humide
705
i-je aimé ? Pourquoi pas rien ? Parce que ce coin
de
sentier m’a fait un signe et fut un signe à cet instant pour moi, exi
706
ue tout signe ou sens manifeste l’amour ; et rien
d’
autre n’importe en vérité ; rien d’autre au monde ne m’appelle. J’ai p
707
mour ; et rien d’autre n’importe en vérité ; rien
d’
autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter de l’être et du devenir, e
708
ien d’autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter
de
l’être et du devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai ja
709
pelle. J’ai pu douter de l’être et du devenir, et
de
toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais douté de l’amour même.
710
utes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais douté
de
l’amour même. J’ai pu douter jusqu’au vertige de presque toutes les v
711
de l’amour même. J’ai pu douter jusqu’au vertige
de
presque toutes les vérités de la morale et de la culture occidentale,
712
er jusqu’au vertige de presque toutes les vérités
de
la morale et de la culture occidentale, avant d’en retrouver quelques
713
ige de presque toutes les vérités de la morale et
de
la culture occidentale, avant d’en retrouver quelques-unes mieux comp
714
de la morale et de la culture occidentale, avant
d’
en retrouver quelques-unes mieux comprises, au retour d’un Orient de l
715
etrouver quelques-unes mieux comprises, au retour
d’
un Orient de l’esprit. J’ai douté de la plupart des vérités successive
716
lques-unes mieux comprises, au retour d’un Orient
de
l’esprit. J’ai douté de la plupart des vérités successivement démontr
717
es, au retour d’un Orient de l’esprit. J’ai douté
de
la plupart des vérités successivement démontrées par nos sciences ; e
718
ment démontrées par nos sciences ; et je ne cesse
de
douter de notre image du monde, du vide et des distances inconcevable
719
trées par nos sciences ; et je ne cesse de douter
de
notre image du monde, du vide et des distances inconcevables calculée
720
lculées à partir de nos formes. (Je pressens trop
de
raccourcis, et qu’on trouvera !) Mais je crois bien n’avoir jamais do
721
ouvera !) Mais je crois bien n’avoir jamais douté
de
tout cela, qu’en vertu et au nom de l’Amour. Il est la grâce indubita
722
l’Amour. Il est la grâce indubitable. Je n’ai pas
d’
autre foi certaine, d’autre espérance, et je ne vois pas de sens hors
723
ce indubitable. Je n’ai pas d’autre foi certaine,
d’
autre espérance, et je ne vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres ra
724
oi certaine, d’autre espérance, et je ne vois pas
de
sens hors d’elle, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de ch
725
d’autre espérance, et je ne vois pas de sens hors
d’
elle, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de chercher jusqu’
726
vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres raisons
de
douter, je veux dire : de chercher jusqu’au bout ce qu’un jour nous p
727
le, ni d’autres raisons de douter, je veux dire :
de
chercher jusqu’au bout ce qu’un jour nous pourrons aimer de tout notr
728
r jusqu’au bout ce qu’un jour nous pourrons aimer
de
tout notre être enfin réalisé dans le Tout enfin contemplé. Quand l’A
729
l’Amour sera tout en tous, lors du renouvellement
de
toutes les choses. L’amour étant l’initiateur de tout ce qui existe,
730
de toutes les choses. L’amour étant l’initiateur
de
tout ce qui existe, on appellera néant l’absence d’amour. L’amour div
731
tout ce qui existe, on appellera néant l’absence
d’
amour. L’amour divin, venant de Dieu retourne à Dieu, posant en son po
732
ra néant l’absence d’amour. L’amour divin, venant
de
Dieu retourne à Dieu, posant en son point de réflexion et de résonanc
733
nant de Dieu retourne à Dieu, posant en son point
de
réflexion et de résonance dans la créature, un moi nouveau qui transc
734
ourne à Dieu, posant en son point de réflexion et
de
résonance dans la créature, un moi nouveau qui transcende l’ancien pa
735
e totalise et l’ordonne à l’esprit. (Cette action
d’
ordonnance, d’orientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est
736
l’ordonne à l’esprit. (Cette action d’ordonnance,
d’
orientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est la prière. Pri
737
esprit. (Cette action d’ordonnance, d’orientation
de
soi dans l’axe d’efficacité majeure, est la prière. Prier n’est pas d
738
ion d’ordonnance, d’orientation de soi dans l’axe
d’
efficacité majeure, est la prière. Prier n’est pas demander mais s’ori
739
r et à réaliser.) Le mot posé, quelle est la voie
de
l’amour en l’homme ? L’expérience méditée, — et que j’espère banale (
740
tre états que l’on peut distinguer par leur ordre
d’
apparition. Ils se mêleront et combineront dans l’homme achevé. La vi
741
dans l’homme achevé. La vision intuitive, forme
de
l’amour est l’acte de l’esprit ; et elle est connaissance active en m
742
La vision intuitive, forme de l’amour est l’acte
de
l’esprit ; et elle est connaissance active en même temps que reconnai
743
utre, la personne. Nul ne peut distinguer le bien
d’
autrui s’il n’a su distinguer d’abord son propre bien. Qui s’aime mal,
744
onne unique s’édifie dans l’individu. Cette règle
d’
or est la norme morale, par excellence, en tout domaine, bien dans cel
745
par excellence, en tout domaine, bien dans celui
de
l’érotique que l’éducation, l’amitié et le mariage. L’émotion, ou l’É
746
t le mariage. L’émotion, ou l’Éros, seconde forme
de
l’amour procède de l’âme. Dans sa genèse, elle correspond, quel que s
747
tion, ou l’Éros, seconde forme de l’amour procède
de
l’âme. Dans sa genèse, elle correspond, quel que soit l’âge, à l’état
748
e, elle correspond, quel que soit l’âge, à l’état
de
première adolescence, quand l’amour « point le cœur », oppresse le so
749
oppresse le souffle, brûle en rêve, et reste loin
d’
imaginer la possession. Mais s’il précède le désir dit physique, je c
750
e n’apparaît pas sans que l’ait éveillé un regard
de
l’intuition. Les très jeunes gens l’ignorent encore ; la plupart des
751
gnorent encore ; la plupart des adultes ont cessé
de
le sentir ; mais un homme qui se connaît bien et les femmes surtout s
752
rtaine perception instantanée du secret singulier
de
l’autre — et surtout s’il paraît lui-même l’ignorer — est la conditio
753
lui-même l’ignorer — est la condition nécessaire
de
l’émotion vraiment envahissante. Dans ce domaine de l’âme intermédiai
754
l’émotion vraiment envahissante. Dans ce domaine
de
l’âme intermédiaire entre le spirituel et le sensuel, les risques d’e
755
ire entre le spirituel et le sensuel, les risques
d’
erreur sont plus grands, parce que l’émotion la plus vive peut bien se
756
n se suffire en soi. La sexualité mérite le nom
d’
amour Le plaisir sexuel, troisième forme de l’amour est dit physiq
757
om d’amour Le plaisir sexuel, troisième forme
de
l’amour est dit physique, encore que nous sachions très bien que le s
758
e est lié comme nulle autre fonction à la volonté
de
l’intellect, à l’âme et à l’imaginaire et qu’en tant qu’il ne serait
759
a sexualité quand vient son temps. Les confusions
de
notre langage courant semblent parfois assimiler l’amour au sexe, mai
760
assimiler l’amour au sexe, mais elles proviennent
d’
une contamination en sens inverse : si la sexualité peut signifier l’a
761
onne à des fins nouvelles qui ne sont plus celles
de
l’espèce mais de la personne, la sexualité mérite ce nom d’amour que
762
ouvelles qui ne sont plus celles de l’espèce mais
de
la personne, la sexualité mérite ce nom d’amour que lui donne l’Occid
763
e mais de la personne, la sexualité mérite ce nom
d’
amour que lui donne l’Occident moderne — quoi qu’en pense la morale mo
764
ue rationnelle et « scientifique », elle se garde
de
la déclarer, mais trahit constamment son intime conviction par des ju
765
que la comparaison qui est faite ici entre l’acte
de
la connaissance religieuse et l’acte de l’union sexuelle, rabaisse le
766
re l’acte de la connaissance religieuse et l’acte
de
l’union sexuelle, rabaisse le spirituel ou élève l’érotique ? (J’ente
767
l’homme spirituel doit atteindre avec l’ensemble
de
ses facultés.) La sexualité en elle-même ne me paraît pas indifférent
768
re. Et cependant, dès qu’elle accède à la liberté
de
l’érotisme (qui transcende la fonction naturelle et vitale) elle devi
769
lle et vitale) elle devient justiciable à la fois
de
la morale et de l’esprit, comme tout autre élément impliqué dans la s
770
lle devient justiciable à la fois de la morale et
de
l’esprit, comme tout autre élément impliqué dans la synthèse de la pe
771
omme tout autre élément impliqué dans la synthèse
de
la personne. L’amour qui meut le soleil et les étoiles L’Énerg
772
es étoiles L’Énergie cosmique, dernière forme
de
l’amour n’est atteinte que par la pensée, mais à travers le monde des
773
elà des corps à notre échelle, au-delà du domaine
de
l’individuation, au-delà même de la matière que l’on dit brute, mais
774
-delà du domaine de l’individuation, au-delà même
de
la matière que l’on dit brute, mais encore tangible et sensible, elle
775
elle découvre, et mesure l’énergie et le mystère
de
l’attraction universelle. Et il est beau que l’aventure de l’intellec
776
action universelle. Et il est beau que l’aventure
de
l’intellect, descendant des clartés instantanées de l’esprit intuitif
777
l’intellect, descendant des clartés instantanées
de
l’esprit intuitif au clair-obscur de l’âme, à l’obscur de la chair, à
778
instantanées de l’esprit intuitif au clair-obscur
de
l’âme, à l’obscur de la chair, à l’opaque de la matière et au noir ab
779
rit intuitif au clair-obscur de l’âme, à l’obscur
de
la chair, à l’opaque de la matière et au noir absolu de l’espace élec
780
scur de l’âme, à l’obscur de la chair, à l’opaque
de
la matière et au noir absolu de l’espace électronique, débouche enfin
781
chair, à l’opaque de la matière et au noir absolu
de
l’espace électronique, débouche enfin sur des lueurs nouvelles qui so
782
sont peut-être celles qu’entrevoyaient les sages
de
l’Inde et de la Grèce, et que Dante dit avoir contemplées au prix de
783
re celles qu’entrevoyaient les sages de l’Inde et
de
la Grèce, et que Dante dit avoir contemplées au prix de sa vue « cons
784
ma volonté étaient mus — comme une roue tournant
d’
une manière uniforme — par l’Amour qui meut aussi le soleil et les aut
785
iles. L’extrême : la vue mystique La forme
de
pensée qui se révèle ici transcende la recherche moderne des secrets
786
e ici transcende la recherche moderne des secrets
d’
un champ unifié. Elle implique l’équation plus générale encore qui emb
787
les lois cosmiques, et l’amour créateur. Théorie
de
l’amour unifiant c’est autant dire de l’amour même. La science nature
788
ur. Théorie de l’amour unifiant c’est autant dire
de
l’amour même. La science naturelle, guidée par l’intuition d’Einstein
789
ême. La science naturelle, guidée par l’intuition
d’
Einstein, conçoit déjà la possibilité d’une explication unitaire des p
790
intuition d’Einstein, conçoit déjà la possibilité
d’
une explication unitaire des phénomènes énergétiques et magnétiques, m
791
ulations créatrices. Déjà, les grandes « écoles »
de
mathématiciens, de physiciens et d’astronomes, reconnaissent qu’elles
792
. Déjà, les grandes « écoles » de mathématiciens,
de
physiciens et d’astronomes, reconnaissent qu’elles diffèrent essentie
793
es « écoles » de mathématiciens, de physiciens et
d’
astronomes, reconnaissent qu’elles diffèrent essentiellement par leurs
794
par leurs options métaphysiques. Ainsi l’extrême
de
l’amour cognitif, de la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’
795
taphysiques. Ainsi l’extrême de l’amour cognitif,
de
la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’y soumettre la pensée
796
insi l’extrême de l’amour cognitif, de la passion
de
savoir, d’inventer le savoir et d’y soumettre la pensée, poussé jusqu
797
ême de l’amour cognitif, de la passion de savoir,
d’
inventer le savoir et d’y soumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier
798
de la passion de savoir, d’inventer le savoir et
d’
y soumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier degré de l’abstraction
799
oumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier degré
de
l’abstraction et de l’audace logique, semble en voie de rejoindre en
800
poussé jusqu’au dernier degré de l’abstraction et
de
l’audace logique, semble en voie de rejoindre en perspective l’extrêm
801
bstraction et de l’audace logique, semble en voie
de
rejoindre en perspective l’extrême de l’amour intuitif : la vue mysti
802
ble en voie de rejoindre en perspective l’extrême
de
l’amour intuitif : la vue mystique. Les cartes de l’amour Tout
803
l’amour intuitif : la vue mystique. Les cartes
de
l’amour Tout le monde connaît les cartes à jouer, au moins de vue,
804
out le monde connaît les cartes à jouer, au moins
de
vue, mais presque personne ne prend la peine ou le plaisir d’en déchi
805
presque personne ne prend la peine ou le plaisir
d’
en déchiffrer l’idéogramme. C’est trop sérieux pour les joueurs, et po
806
moment, mais sans jouer, les « couleurs » du jeu
de
cartes ordinaire, on ne tardera à découvrir qu’elles correspondent tr
807
rait pour trait aux quatre amours que nous venons
d’
identifier (et si l’on remonte aux tarots, on verra qu’il ne s’agit pa
808
remonte aux tarots, on verra qu’il ne s’agit pas
d’
un hasard ou d’une fantaisie, comme l’ont montré les belles études de
809
rots, on verra qu’il ne s’agit pas d’un hasard ou
d’
une fantaisie, comme l’ont montré les belles études de l’indianiste He
810
e fantaisie, comme l’ont montré les belles études
de
l’indianiste Heinrich Zimmer). On aura reconnu au passage les quatre
811
nnu au passage les quatre fonctions fondamentales
de
C. G. Jung : pensée, sensation, intuition, sentiments, bien que placé
812
raduisant la logique particulière et l’ontogenèse
de
l’amour. Ces quatre fonctions coexistent dans la vie de tout homme no
813
l’amour. Ces quatre fonctions coexistent dans la
vie
de tout homme normal, mais l’une, en général, est dominante, plus for
814
mour. Ces quatre fonctions coexistent dans la vie
de
tout homme normal, mais l’une, en général, est dominante, plus fortem
815
dans l’inconscient la fonction la plus différente
d’
elle-même. Les couples d’opposés décrits par Jung : intuition-sensatio
816
ction la plus différente d’elle-même. Les couples
d’
opposés décrits par Jung : intuition-sensation (signes noirs du jeu de
817
r Jung : intuition-sensation (signes noirs du jeu
de
cartes) et sentiment-pensée (signes rouges) se retrouvent. Cœur
818
me. (Seul celui qui a une âme, et le sait, a lieu
d’
être masochiste et de s’en réjouir). Goût de la mort à deux. Paranoïa.
819
une âme, et le sait, a lieu d’être masochiste et
de
s’en réjouir). Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’amo
820
lieu d’être masochiste et de s’en réjouir). Goût
de
la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’amour : « La beauté fait p
821
r). Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception
de
l’amour : « La beauté fait pleurer les meilleures larmes » — Tristan.
822
mbre 1. Elle suggère : pénétrer, traverser, voler
d’
un trait, blesser, tuer, féconder. Correspond à l’Esprit et à l’intuit
823
sme et sadisme, ou à l’inverse, ascétisme et goût
de
l’autosacrifice vers l’autre : crime, vers soi : suicide. Conception
824
l’autre : crime, vers soi : suicide. Conception
de
l’amour : un roi de pique dira que « l’Amour n’est pas un sentiment,
825
rs soi : suicide. Conception de l’amour : un roi
de
pique dira que « l’Amour n’est pas un sentiment, mais la situation to
826
n’est pas un sentiment, mais la situation totale
de
celui qui aime, orienté vers la vérité. » Preuve de validité de cet a
827
celui qui aime, orienté vers la vérité. » Preuve
de
validité de cet amour : le regard juste. Trèfle La forme indi
828
ime, orienté vers la vérité. » Preuve de validité
de
cet amour : le regard juste. Trèfle La forme indique le nombr
829
sation. (« Toute chair est comme l’herbe. » Amour
de
la chair pour ce qui la transcende et l’anime, car la poussée vient d
830
ui la transcende et l’anime, car la poussée vient
d’
en bas, mais l’éclosion et l’épanouissement dépendent de la lumière re
831
as, mais l’éclosion et l’épanouissement dépendent
de
la lumière reçue, de l’air et de la rosée. Tempérament : sensuel-imp
832
t l’épanouissement dépendent de la lumière reçue,
de
l’air et de la rosée. Tempérament : sensuel-impulsif-curieux ; préda
833
sement dépendent de la lumière reçue, de l’air et
de
la rosée. Tempérament : sensuel-impulsif-curieux ; prédateur-exclusi
834
mpulsif-curieux ; prédateur-exclusif-fabricateur (
d’
objets, non de concepts). Déviations typiques : Don Juan. Aberrations
835
x ; prédateur-exclusif-fabricateur (d’objets, non
de
concepts). Déviations typiques : Don Juan. Aberrations de l’instinct
836
ts). Déviations typiques : Don Juan. Aberrations
de
l’instinct. Naturisme mystique. (C’est l’utopie magique, quelquefois
837
du trèfle à quatre feuilles : transformer la tige
de
l’instinct en quatrième feuille). Conception de l’amour : la gourman
838
de l’instinct en quatrième feuille). Conception
de
l’amour : la gourmandise. « Ce qui est vrai, ce qui est beau, c’est c
839
és, rappelant que ce carré fut d’abord un carreau
d’
arbalète, une flèche à quatre pans), contredire et mettre en parallèle
840
u »), abstracteur, classique, impudent, inventif (
de
structures et de concepts). Déviations typiques : Schizophrénie. Goû
841
, classique, impudent, inventif (de structures et
de
concepts). Déviations typiques : Schizophrénie. Goût du viol. Impuis
842
. Goût du viol. Impuissance sexuelle par méfiance
de
l’âme. (L’Intellectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé de l
843
lectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé
de
l’âme, ou ne sait qu’en faire et la nie). Conception de l’amour : l’
844
e, ou ne sait qu’en faire et la nie). Conception
de
l’amour : l’équilibre exigeant l’échange, le maintien de chacun dans
845
our : l’équilibre exigeant l’échange, le maintien
de
chacun dans ses justes limites. h. Rougemont Denis de, « Les qua
846
dans ses justes limites. h. Rougemont Denis
de
, « Les quatre amours », Arts, Paris, 9 mai 1961, p. 1, 4 et 5. i. Pr
847
un homme moderne ? Comment l’intelligence nourrie
de
science peut-elle réagir devant le vide qui lui est révélé lorsqu’ell
848
e qui lui est révélé lorsqu’elle pose le problème
de
Dieu ? Dans notre série sur “les Religions au xxe siècle”, nous prés
849
e siècle”, nous présentons une remarquable étude
de
Denis de Rougemont sur les valeurs de l’amour, force de révélation, b
850
uable étude de Denis de Rougemont sur les valeurs
de
l’amour, force de révélation, base de la vie, de l’art et de la foi.
851
is de Rougemont sur les valeurs de l’amour, force
de
révélation, base de la vie, de l’art et de la foi. L’auteur publiera
852
les valeurs de l’amour, force de révélation, base
de
la vie, de l’art et de la foi. L’auteur publiera prochainement sous l
853
leurs de l’amour, force de révélation, base de la
vie
, de l’art et de la foi. L’auteur publiera prochainement sous le titre
854
de l’amour, force de révélation, base de la vie,
de
l’art et de la foi. L’auteur publiera prochainement sous le titre de
855
force de révélation, base de la vie, de l’art et
de
la foi. L’auteur publiera prochainement sous le titre de Comme toi-m
856
oi. L’auteur publiera prochainement sous le titre
de
Comme toi-même un important ouvrage aux Éditions Albin Michel.
857
res, milieux universitaires et milieux dirigeants
de
Washington ; ils découvrent l’Europe unie. À les entendre, on croirai
858
ment alertés. Le Marché commun, c’est la création
de
Jean Monnet, pensent-ils en simplifiant un peu. Or le Marché commun f
859
agne, après l’avoir traité par le mépris, supplie
d’
y entrer. Donc c’est Jean Monnet qui a vu juste. Donc il faut voir l’E
860
uste. Donc il faut voir l’Europe comme il l’a vue
d’
avance : première étape d’une organisation mondiale dont elle serait à
861
Europe comme il l’a vue d’avance : première étape
d’
une organisation mondiale dont elle serait à la fois le centre d’anima
862
ion mondiale dont elle serait à la fois le centre
d’
animation et l’organe d’équilibre. Je reviens en Europe, « notre patri
863
erait à la fois le centre d’animation et l’organe
d’
équilibre. Je reviens en Europe, « notre patrie » — comme disait Æneas
864
écrit sur ce sujet ? Je trouve plusieurs dizaines
d’
ouvrages publiés en deux mois, dans toutes nos langues, sur l’intégrat
865
mois, dans toutes nos langues, sur l’intégration
de
l’Europe et sur les relations nouvelles à établir entre une Europe un
866
r entre une Europe unie et le tiers-monde. Pleins
d’
idées et de chiffres, d’un optimisme sobre, d’un réalisme constructif.
867
Europe unie et le tiers-monde. Pleins d’idées et
de
chiffres, d’un optimisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux d
868
et le tiers-monde. Pleins d’idées et de chiffres,
d’
un optimisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux d’accroissemen
869
ins d’idées et de chiffres, d’un optimisme sobre,
d’
un réalisme constructif. Les taux d’accroissement de la production et
870
imisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux
d’
accroissement de la production et de l’exportation battent tous nos re
871
un réalisme constructif. Les taux d’accroissement
de
la production et de l’exportation battent tous nos records. Sauf en I
872
tif. Les taux d’accroissement de la production et
de
l’exportation battent tous nos records. Sauf en Italie, le chômage a
873
talie, le chômage a disparu, en dépit des progrès
de
l’automation. Une confiance nouvelle, née des promesses du Marché com
874
e nouvelle, née des promesses du Marché commun et
de
ses premiers succès, permet de multiplier les ententes industrielles,
875
u Marché commun et de ses premiers succès, permet
de
multiplier les ententes industrielles, sans plus tenir compte des fro
876
frontières. L’OCDE annonce une expansion globale
de
50 % pour l’ensemble atlantique d’ici dix ans… L’Amérique avait donc
877
ope est « foutue », qu’elle est « en grand danger
de
crever », qu’elle « agonise », qu’elle a fait « eau de toutes parts »
878
ue nous voici tous « enchaînés, humiliés, malades
de
peur ». Ce n’est pas un expert, esclave des faits, qui nous dit cela,
879
e, Jean-Paul Sartre ; et sa fureur ne jaillit pas
d’
un quelconque examen des évidences, mais de la lecture d’un pamphlet q
880
it pas d’un quelconque examen des évidences, mais
de
la lecture d’un pamphlet qui l’a mis dans tous ses états. Il le préfa
881
elconque examen des évidences, mais de la lecture
d’
un pamphlet qui l’a mis dans tous ses états. Il le préface et il exhor
882
pousse à la révolution ; or la révolution guérit
de
tous les maux par la violence qu’elle fait subir à leurs fauteurs et
883
leurs fauteurs et qu’elle permet à leurs victimes
de
libérer. Joignons donc le FLN, les Angolais et autres Balubas qui « m
884
ropéens ». Car, ce faisant, « ils font l’histoire
de
l’homme », et nous serons ainsi du bon côté. Je n’invente pas : je ci
885
dialectique humanitaire qui nous offre « un moyen
de
guérir l’Europe » en nous faisant tous passer dans le camp de ses enn
886
Europe » en nous faisant tous passer dans le camp
de
ses ennemis. Ceux-ci n’auront qu’à nous assassiner « pour devenir hom
887
u pire, ils n’auront plus personne sur qui tirer.
D’
où fin des guerres. Ce nouveau plan de paix perpétuelle est fait pour
888
qui tirer. D’où fin des guerres. Ce nouveau plan
de
paix perpétuelle est fait pour éblouir par sa logique brutale certain
889
par sa logique brutale certaine jeunesse dégoûtée
de
nos « valeurs » et qui exige grands cris son lavage de cerveau. « Voi
890
s « valeurs » et qui exige grands cris son lavage
de
cerveau. « Voici des siècles qu’au nom d’une prétendue aventure spiri
891
re spirituelle l’Europe étouffe la quasi-totalité
de
l’humanité. » Cette phrase résume la thèse de l’auteur du volume, le
892
ité de l’humanité. » Cette phrase résume la thèse
de
l’auteur du volume, le Martiniquais Frantz Fanon. Sartre la cite et i
893
e la propagande communiste depuis une quarantaine
d’
années, mais c’est le contenu de la phrase : tout y est faux. La colon
894
s une quarantaine d’années, mais c’est le contenu
de
la phrase : tout y est faux. La colonisation par les Blancs n’a pas d
895
mais environ, et en moyenne, quatre-vingts ans —
de
1882 à nos jours pour les neuf dixièmes du continent. Cette colonisat
896
la plus importante étant tout simplement un état
de
fait que l’Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter de la co
897
Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter
de
la colonisation, comme M. Fanon le répète, la rendit possible, voire
898
endit possible, voire inévitable : je veux parler
de
l’état d’arriération économique, sociale et politique des régions qui
899
ible, voire inévitable : je veux parler de l’état
d’
arriération économique, sociale et politique des régions qui devinrent
900
nnent sous nos yeux leur essor, après des siècles
d’
immobilité ou de continuelle décadence. Qu’est-ce que l’Europe a « éto
901
eux leur essor, après des siècles d’immobilité ou
de
continuelle décadence. Qu’est-ce que l’Europe a « étouffé » dans le t
902
est fort loin de représenter « la quasi-totalité
de
l’humanité », mais un tiers au plus, durant la période considérée.) L
903
u plus, durant la période considérée.) La culture
de
l’Inde ? L’Europe l’a sauvée. L’industrie africaine ? Elle l’a fondée
904
ustrie africaine ? Elle l’a fondée. La démocratie
de
l’Arabie saoudite ou du Yémen ? Le respect de la personne humaine che
905
tie de l’Arabie saoudite ou du Yémen ? Le respect
de
la personne humaine chez les cannibales ? Vous voulez rire, et vous n
906
non, et J.-P. Sartre derrière lui, ont grand tort
de
crier aux « siècles d’oppression ». Avant de leur laisser faire l’His
907
rrière lui, ont grand tort de crier aux « siècles
d’
oppression ». Avant de leur laisser faire l’Histoire, on leur conseill
908
eur laisser faire l’Histoire, on leur conseillera
de
l’apprendre. Voyons celle de l’une des nations récemment libérées de
909
on leur conseillera de l’apprendre. Voyons celle
de
l’une des nations récemment libérées de « l’exploitation » européenne
910
ons celle de l’une des nations récemment libérées
de
« l’exploitation » européenne : le Dahomey. Les premiers contacts du
911
ent à 1729, lorsque le roi Agadja et son régiment
de
femmes, ayant battu les Popos aidés par l’Anglais Testefole, s’empare
912
s Popos aidés par l’Anglais Testefole, s’emparent
de
Ouidah, port de mer. Ils massacrent tout ce qui s’y trouve et institu
913
r l’Anglais Testefole, s’emparent de Ouidah, port
de
mer. Ils massacrent tout ce qui s’y trouve et instituent une nouvelle
914
l faut lire tout cela dans l’Histoire des peuples
de
l’Afrique noire que publie Robert Corvenin.) Les successeurs d’Agadja
915
oire que publie Robert Corvenin.) Les successeurs
d’
Agadja s’enrichissent par le commerce des esclaves, dont ils se fourni
916
ériodiquement les Popos. En 1884, le dictionnaire
de
Grégoire décrit ainsi l’état du pays : « Le sol, extrêmement fertile,
917
pays : « Le sol, extrêmement fertile, est couvert
de
forêts. Malheureusement, l’industrie et l’agriculture sont étouffées
918
uquel le pays est soumis. Le roi, qui est l’objet
d’
une espèce d’adoration, se signale par d’horribles sacrifices humains.
919
est soumis. Le roi, qui est l’objet d’une espèce
d’
adoration, se signale par d’horribles sacrifices humains. Il a une arm
920
l’objet d’une espèce d’adoration, se signale par
d’
horribles sacrifices humains. Il a une armée de femmes. Le Dahomey n’a
921
ar d’horribles sacrifices humains. Il a une armée
de
femmes. Le Dahomey n’a pas 1 million d’habitants, dont 20 000 à peine
922
une armée de femmes. Le Dahomey n’a pas 1 million
d’
habitants, dont 20 000 à peine sont libres. La France y a un établisse
923
a un établissement sur la côte ». La colonisation
de
cet heureux pays date de 1892. Elle se termine en 1960 par la créatio
924
côte ». La colonisation de cet heureux pays date
de
1892. Elle se termine en 1960 par la création d’une république souver
925
de 1892. Elle se termine en 1960 par la création
d’
une république souveraine et démocratique de plus de 2 millions d’habi
926
une république souveraine et démocratique de plus
de
2 millions d’habitants, dont le président est reçu en grande pompe à
927
souveraine et démocratique de plus de 2 millions
d’
habitants, dont le président est reçu en grande pompe à l’Élysée en 19
928
en 1961. Je laisse à MM. Sartre et Fanon le soin
de
démontrer que cet exemple n’infirme en rien leurs thèses, ou ne compt
929
laisse à démontrer dialectiquement que le royaume
de
Ghana et l’empire du Mali n’ont pas été détruits par les Arabes almor
930
tard et pendant soixante-dix ans, que les restes
de
ces États préalablement envahis et soumis par les Touareg et par les
931
n feront rien, car la passion ne s’embarrasse pas
de
faits et leur passion veut la mort du pécheur, qui est uniquement l’E
932
La vérité, selon les faits et dans la perspective
de
l’histoire, c’est que le colonialisme, malgré ses crimes, a réveillé
933
s peuples du tiers-monde dans le très bref espace
de
deux générations. Il leur a présenté des possibilités de développemen
934
générations. Il leur a présenté des possibilités
de
développement telles qu’ils ont découvert qu’ils étouffaient dans leu
935
rs régimes traditionnels. Au nom de quelques-unes
de
nos valeurs (telles que l’égalité, la liberté, la dignité, la personn
936
a personne et le droit à l’éducation), mais aussi
de
nos folies les plus contagieuses, le nationalisme et la fureur idéolo
937
s peuples se sont mis à revendiquer les avantages
de
notre civilisation et la souveraineté de leurs États. Quant aux natio
938
vantages de notre civilisation et la souveraineté
de
leurs États. Quant aux nations colonialistes de l’Europe — sept sur v
939
é de leurs États. Quant aux nations colonialistes
de
l’Europe — sept sur vingt-six à la fin de la guerre — presque ruinées
940
alistes de l’Europe — sept sur vingt-six à la fin
de
la guerre — presque ruinées à deux reprises par leur délire nationali
941
x reprises par leur délire nationaliste, obligées
de
refaire leur bilan, cédant à la triple pression d’une opinion mondial
942
e refaire leur bilan, cédant à la triple pression
d’
une opinion mondiale formée par leurs principes, d’une classe nouvelle
943
’une opinion mondiale formée par leurs principes,
d’
une classe nouvelle éduquée par leurs soins dans les pays colonisés, e
944
uquée par leurs soins dans les pays colonisés, et
de
leurs intérêts mieux compris — un peu poussées aussi par les États-Un
945
s aussi par les États-Unis, qui les sauvent alors
de
la faillite — elles ont, l’une après l’autre, « décroché ». Qu’est-il
946
une après l’autre, « décroché ». Qu’est-il advenu
de
l’Europe considérée dans son ensemble ? « L’Europe est littéralement
947
écrit Fanon. Ses richesses ne proviendraient que
de
ses vols, c’est-à-dire de son exploitation du sol africain et du sol
948
s ne proviendraient que de ses vols, c’est-à-dire
de
son exploitation du sol africain et du sol asiatique : or, métaux, pé
949
role, caoutchouc (le paysan serait-il la création
de
sa terre et des richesses qu’elle contient ?). Sartre renchérit : c’e
950
tiers-monde, l’Europe aurait donc signé son arrêt
de
mort économique et de rapide déshumanisation ? Les adversaires du col
951
aurait donc signé son arrêt de mort économique et
de
rapide déshumanisation ? Les adversaires du colonialisme auraient don
952
nialisme auraient donc été les avocats du suicide
de
l’Europe ? Mais au nom de quelles valeurs plus chères que leur vie mê
953
is au nom de quelles valeurs plus chères que leur
vie
même ? De leurs valeurs européennes « pourries » ou de quelles autres
954
e quelles valeurs plus chères que leur vie même ?
De
leurs valeurs européennes « pourries » ou de quelles autres ? Laisson
955
me ? De leurs valeurs européennes « pourries » ou
de
quelles autres ? Laissons là ces divagations. Revenons aux faits. Les
956
ent que les nations européennes, à peine libérées
de
la charge écrasante de leurs colonies, ont commencé à découvrir l’Eur
957
opéennes, à peine libérées de la charge écrasante
de
leurs colonies, ont commencé à découvrir l’Europe et la nécessité de
958
ont commencé à découvrir l’Europe et la nécessité
de
son union. Et que, de leur union naissante — le Marché commun n’a que
959
ir l’Europe et la nécessité de son union. Et que,
de
leur union naissante — le Marché commun n’a que deux ans — a résulté
960
d’ailleurs emprunté à l’Europe. Mais qu’en est-il
de
Sartre en cette lugubre affaire ? Il nous faut expliquer l’anachronis
961
er ; et ce n’est pas ma faute si cette phrase est
de
Michel Debré dans son Projet de pacte pour les États-Unis d’Europe, p
962
cette phrase est de Michel Debré dans son Projet
de
pacte pour les États-Unis d’Europe, publié en 1950 chez Nagel. Sartre
963
, Rousseau, Herder, Fichte, Bentham. À l’encontre
de
Hegel, qui tenait l’Europe pour « la vraie fin de l’Histoire », et d’
964
de Hegel, qui tenait l’Europe pour « la vraie fin
de
l’Histoire », et d’Auguste Comte qui voyait en elle « le privilège ef
965
l’Europe pour « la vraie fin de l’Histoire », et
d’
Auguste Comte qui voyait en elle « le privilège effectif du principal
966
ontre notre expansion inévitable. Ils n’ont sauvé
de
la sorte que nos principes, compromis ou trahis par nos pratiques. L’
967
oir. Pourquoi crier encore, sinon pour le plaisir
de
se vautrer dans son masochisme, ou simplement pour embêter de Gaulle,
968
urtant présidé non sans grandeur à la liquidation
d’
un empire colonial ? Nous avons mieux à faire qu’un mea culpa traduisa
969
tionaliste du tiers-monde, devant la crise morale
de
l’URSS, l’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les pre
970
vant la crise morale de l’URSS, l’heure n’est pas
de
cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et
971
’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais
de
les prendre nous-mêmes au sérieux et d’en tirer les conséquences prat
972
urs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et
d’
en tirer les conséquences pratiques, pour le tiers-monde et pour l’Eur
973
urope qui doit l’aider. Nous n’avons pas le droit
de
frustrer la jeunesse soviétique, et les autres, au moment où elles se
974
conscience, notre rage autopunitive ou l’alliance
de
nos reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nation
975
lliance de nos reniements, mais un exemple réussi
de
dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — p
976
reniements, mais un exemple réussi de dépassement
de
l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’u
977
si de dépassement de l’ère nationaliste — et donc
de
l’ère colonialiste — par le moyen d’une grande fédération. Ceux qui p
978
te — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen
d’
une grande fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux de l’histoir
979
de fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux
de
l’histoire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe est finie, qua
980
t dit que l’Europe est finie, quand il s’agissait
de
la faire. j. Rougemont Denis de, « Sartre contre l’Europe », Arts,
981
il s’agissait de la faire. j. Rougemont Denis
de
, « Sartre contre l’Europe », Arts, Paris, 17 janvier 1962, p. 1 et 4.
982
créé le monde civilisé (6 juin 1962)k L’avenir
de
l’Europe est une aventure décisive pour l’humanité tout entière. L’Eu
983
monde qui a fait « le Monde », ayant été le foyer
de
l’idée de « genre humain », ayant été aussi la condition instrumental
984
a fait « le Monde », ayant été le foyer de l’idée
de
« genre humain », ayant été aussi la condition instrumentale et néces
985
té aussi la condition instrumentale et nécessaire
d’
une véritable histoire universelle, celle où nous sommes bel et bien e
986
e moitié du xxe siècle, en sorte que les chances
de
l’Europe dans l’avenir se confondent pratiquement, désormais, avec ce
987
e confondent pratiquement, désormais, avec celles
de
la civilisation née de ses œuvres, qu’elle a propagée sans prudence n
988
nt, désormais, avec celles de la civilisation née
de
ses œuvres, qu’elle a propagée sans prudence ni plan d’ensemble, dont
989
œuvres, qu’elle a propagée sans prudence ni plan
d’
ensemble, dont elle n’est plus propriétaire, mais dont elle garde enco
990
core certains secrets vitaux. Je n’aurai pas trop
de
quatre leçons pour établir cette thèse centrale, cette définition de
991
ur établir cette thèse centrale, cette définition
de
l’Europe par sa fonction mondialisante. Car cela revient en somme à d
992
ets, alors qu’on s’est toujours efforcé jusqu’ici
de
l’expliquer par certaines causes, qui seraient tantôt, selon les aute
993
i seraient tantôt, selon les auteurs et selon les
modes
, géographiques ou climatiques, économiques ou démographiques. Ce que
994
ais été dominée jusqu’ici par une seule puissance
d’
outre-mer. 3. L’Europe a produit une civilisation que le monde entier
995
le en partant des données physiques et naturelles
de
notre petit continent, comme le veut une pensée héritée d’un xixe si
996
petit continent, comme le veut une pensée héritée
d’
un xixe siècle scientiste et dans l’ensemble, sans le savoir, plus ma
997
s pour rendre compte du phénomène dans ce qu’il a
de
spécifique.) Certes, le découpage profond des côtes, propice à la nav
998
par montagnes et fleuves favorisant la formation
de
communautés bien distinctes et solidement enracinées, le climat tempé
999
dans le centre du moins, permettant une économie
d’
énergies fondamentales, ce sont là des atouts, mais qui sont loin d’in
1000
ntales, ce sont là des atouts, mais qui sont loin
d’
inscrire, dans notre sol, l’histoire mondiale qui sera la nôtre. On ne
1001
ndis qu’en Europe, dit-il, « les passages rapides
d’
un extrême à l’autre stimulent les esprits et les arrachent à l’insouc
1002
— « semble avoir tout fait pour hâter les progrès
de
la civilisation ». Plus réaliste, la Géographie universelle, de Mante
1003
tion ». Plus réaliste, la Géographie universelle,
de
Mantelle et Brun, publiée à Paris en 1816, reconnaît que l’Europe his
1004
, reconnaît que l’Europe historique n’est pas née
de
sa géographie. Je me plais à citer sa description de l’Europe, dont V
1005
sa géographie. Je me plais à citer sa description
de
l’Europe, dont Valéry me paraît bien s’être inspiré dans le passage f
1006
s’être inspiré dans le passage fameux où il parle
de
l’Europe comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’un appendic
1007
le passage fameux où il parle de l’Europe comme «
d’
une sorte de cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’As
1008
ameux où il parle de l’Europe comme « d’une sorte
de
cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’Asie », mais n
1009
pe comme « d’une sorte de cap du vieux continent,
d’
un appendice occidental de l’Asie », mais n’en serait pas moins « la p
1010
cap du vieux continent, d’un appendice occidental
de
l’Asie », mais n’en serait pas moins « la partie précieuse de l’unive
1011
mais n’en serait pas moins « la partie précieuse
de
l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste cor
1012
partie précieuse de l’univers terrestre, la perle
de
la sphère, le cerveau d’un vaste corps ». Voici le passage : En sort
1013
vers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau
d’
un vaste corps ». Voici le passage : En sortant des mains de la natur
1014
corps ». Voici le passage : En sortant des mains
de
la nature, notre partie du monde n’avait reçu aucun titre à cette glo
1015
aujourd’hui. Petit continent qui possède le moins
de
richesses territoriales… nous ne sommes riches que d’emprunts. Tel es
1016
ichesses territoriales… nous ne sommes riches que
d’
emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humain : cette régi
1017
ches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir
de
l’esprit humain : cette région que la nature n’avait ornée que de for
1018
in : cette région que la nature n’avait ornée que
de
forêts immenses s’est peuplée de nations puissantes, s’est couverte d
1019
’avait ornée que de forêts immenses s’est peuplée
de
nations puissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s’est enrich
1020
est peuplée de nations puissantes, s’est couverte
de
cités magnifiques, s’est enrichie du butin des deux mondes ; cette ét
1021
qui ne figure sur le globe que comme un appendice
de
l’Asie, devenue la métropole du genre humain. Voilà donc l’importanc
1022
tropole du genre humain. Voilà donc l’importance
de
la géographie et du climat minimisée, presque niée. Serait-ce alors à
1023
mographie qu’il faudrait aller demander le secret
de
l’expansion européenne ? Un coup d’œil sur la carte des densités de p
1024
opéenne ? Un coup d’œil sur la carte des densités
de
peuplement de la terre nous fait voir que l’humanité s’est concentrée
1025
oup d’œil sur la carte des densités de peuplement
de
la terre nous fait voir que l’humanité s’est concentrée depuis longte
1026
hacune, au xxe siècle, entre 500 et 600 millions
d’
habitants (soit ensemble à peu près 60 % de la population du globe sur
1027
llions d’habitants (soit ensemble à peu près 60 %
de
la population du globe sur 15 % de sa superficie solide). Mais l’Eur
1028
peu près 60 % de la population du globe sur 15 %
de
sa superficie solide). Mais l’Europe de la Renaissance, celle des gr
1029
nce, celle des grandes découvertes précisément et
de
l’expansion vers le monde, était bien moins peuplée que la Chine et q
1030
pays les plus prospères et entreprenants. Ainsi,
de
1328 à 1700, selon Charles Morazé, la France compte à peu près le mêm
1031
orazé, la France compte à peu près le même nombre
d’
habitants, c’est-à-dire six à dix millions. Le grand essor démographiq
1032
six à dix millions. Le grand essor démographique
de
nos nations ne date que du xixe siècle. Comment se fait-il alors que
1033
ment se fait-il alors que l’Inde, autre péninsule
de
l’Asie, à peu près comparable en étendue à l’Europe de l’Ouest, mais
1034
r du monde et dominait sur la plupart des nations
de
l’époque, Inde comprise ? Comment se fait-il que les Chinois, qui éta
1035
il que les Chinois, qui étaient pourtant le tiers
de
l’humanité vers 1850, et qui en sont encore près du quart aujourd’hui
1036
les démographes — qui prédisent donc le contraire
de
ce que l’Occident craint !), n’aient guère participé à l’histoire du
1037
ticipé à l’histoire du monde que par leur faculté
de
se laisser conquérir, et d’absorber leurs conquérants, Huns ou Mongol
1038
que par leur faculté de se laisser conquérir, et
d’
absorber leurs conquérants, Huns ou Mongols ? Les causes physiques et
1039
t naturelles ne pouvant rendre compte des destins
de
l’Europe, faudra-t-il leur chercher des causes spirituelles ? L’Europ
1040
nisme, comme le soutient une très nombreuse école
d’
excellents historiens catholiques contemporains ? Cela se discute. Hip
1041
si Hérodote, Platon et Aristote nous parlent déjà
d’
une Europe et la contrastent même avec l’Asie, mais cette Europe ne co
1042
naire des chrétiens, durant le premier millénaire
de
notre ère, obéit à l’ordre du Christ : Allez et évangélisez toutes le
1043
en Afrique du Nord, en Inde du Sud — sur la côte
de
Malabar — et jusqu’en Extrême-Orient — on compte plus de soixante évê
1044
bar — et jusqu’en Extrême-Orient — on compte plus
de
soixante évêchés nestoriens dans la Chine du ixe siècle, sous la dyn
1045
n colonialiste, du xviiie au xxe siècle, a été,
de
toute évidence, plus européenne que chrétienne. Assimiler l’Europe au
1046
par une vérité éternelle, qu’elle n’a pas mérité
d’
incarner, sur laquelle elle n’a pas de copyright… Reste le fait que le
1047
pas mérité d’incarner, sur laquelle elle n’a pas
de
copyright… Reste le fait que le christianisme a très puissamment cont
1048
nt contribué à la synthèse européenne. Notre idée
de
la science en dérive, comme l’a montré Jaspers, commentant Nietzsche
1049
s principes politiques en dérivent. Or notre idée
de
la science et nos principes d’égalité, de liberté et de justice ont s
1050
ent. Or notre idée de la science et nos principes
d’
égalité, de liberté et de justice ont sans doute été décisifs dans l’a
1051
re idée de la science et nos principes d’égalité,
de
liberté et de justice ont sans doute été décisifs dans l’aventure mon
1052
science et nos principes d’égalité, de liberté et
de
justice ont sans doute été décisifs dans l’aventure mondiale de l’Eur
1053
sans doute été décisifs dans l’aventure mondiale
de
l’Europe. Retenons donc, de cette rapide enquête sur la genèse du phé
1054
s l’aventure mondiale de l’Europe. Retenons donc,
de
cette rapide enquête sur la genèse du phénomène Europe, le christiani
1055
ligion, venue d’ailleurs, du Proche-Orient et non
d’
elle-même ? Existait-il une prédisposition européenne au christianisme
1056
re nous oblige à constater : la fonction mondiale
de
l’Europe. Décrivons donc maintenant ce phénomène tel qu’il apparaît d
1057
ns les faits. Ce n’est pas le déroulement logique
d’
une série de causes naturelles produisant des effets où elles s’épuise
1058
. Ce n’est pas le déroulement logique d’une série
de
causes naturelles produisant des effets où elles s’épuisent : ce n’es
1059
où elles s’épuisent : ce n’est pas le déroulement
d’
un plan, dont nul ne voit qui l’aurait calculé et imposé. Et ce n’est
1060
calculé et imposé. Et ce n’est pas l’incarnation
de
quelque idée platonicienne, ni la démonstration d’un esprit hégélien
1061
e quelque idée platonicienne, ni la démonstration
d’
un esprit hégélien marchant au pas rythmé de la dialectique — thèse, a
1062
ation d’un esprit hégélien marchant au pas rythmé
de
la dialectique — thèse, antithèse, une, deux, une, deux. C’est au con
1063
traduit une certaine attitude constante devant la
vie
. L’explication d’un phénomène par ses causes a dominé notre xixe siè
1064
e attitude constante devant la vie. L’explication
d’
un phénomène par ses causes a dominé notre xixe siècle, mais c’était
1065
hétype, dans son mythe. Or, ce mouvement créateur
de
l’Europe, je le trouve d’abord et déjà dans la légende originelle de
1066
trouve d’abord et déjà dans la légende originelle
de
l’Enlèvement d’Europe par Zeus. C’est dans un bond vers l’ouest, la m
1067
t déjà dans la légende originelle de l’Enlèvement
d’
Europe par Zeus. C’est dans un bond vers l’ouest, la mer et l’aventure
1068
ue l’Europe légendaire prend son départ. Le mythe
de
l’enlèvement d’une princesse de Tyr par le grand dieu des Grecs, tran
1069
ndaire prend son départ. Le mythe de l’enlèvement
d’
une princesse de Tyr par le grand dieu des Grecs, transformé en taurea
1070
ne nous restent plus que les peintures rupestres
de
Lascaux et d’Altamira, l’Europe a été lentement repeuplée par des col
1071
nt plus que les peintures rupestres de Lascaux et
d’
Altamira, l’Europe a été lentement repeuplée par des colons venus d’un
1072
ntement repeuplée par des colons venus d’une part
de
l’Asie Mineure le long du Vardar et du Danube, jusqu’en Rhénanie et e
1073
tagne. Elle est née à la civilisation par l’effet
d’
apports successifs intellectuels, techniques et religieux, créés en Mé
1074
créés en Mésopotamie, en Égypte et en Phénicie et
de
là transférés en Crète d’abord — où la princesse Europe engendra une
1075
les Minoens — puis, par la mer Égée en Grèce, et
de
là, sur les terres du Couchant, que les langues sémitiques nomment Er
1076
ues nomment Ereb, très probable étymologie du nom
d’
Europe. Plus tard, sa religion dominante lui viendra du pays le plus p
1077
dra du pays le plus proche de ce rivage phénicien
d’
où avait été enlevée l’héroïne éponyme, celle qui donna son nom au con
1078
ent. On sait cela, mais on connaît moins la suite
de
ce rapt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement d’Europe, à laque
1079
s la suite de ce rapt créateur, la suite du mythe
de
l’enlèvement d’Europe, à laquelle j’attache, pour ma part, la plus gr
1080
rapt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement
d’
Europe, à laquelle j’attache, pour ma part, la plus grande importance
1081
ande importance symbolique. Europe était la fille
d’
Agénor, roi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cinq fils de partir à
1082
oi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cinq fils
de
partir à la quête de leur sœur enlevée. Chacun fit voile dans une dir
1083
onna l’ordre à ses cinq fils de partir à la quête
de
leur sœur enlevée. Chacun fit voile dans une direction différente. Et
1084
que d’autres découvraient les rives du continent,
de
l’Espagne au Caucase. Cadmus enfin, le plus fameux, s’en fut à Rhodes
1085
Rhodes, puis en Thrace ; et comme il désespérait
de
retrouver sa sœur pour la ramener aux rives maternelles de l’Asie, il
1086
ver sa sœur pour la ramener aux rives maternelles
de
l’Asie, il alla demander à l’oracle de Delphes : Où est Europe ? « Tu
1087
aternelles de l’Asie, il alla demander à l’oracle
de
Delphes : Où est Europe ? « Tu ne la trouveras pas, répondit la Pythi
1088
ne vache et pousse-la devant toi sans lui laisser
de
répit : là où elle tombera d’épuisement, bâtis une ville ! » Ainsi Ca
1089
oi sans lui laisser de répit : là où elle tombera
d’
épuisement, bâtis une ville ! » Ainsi Cadmus fonda Thèbes. Fable ambig
1090
outes les choses divines, ménageant notre liberté
d’
interprétation et de décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est
1091
ines, ménageant notre liberté d’interprétation et
de
décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est en poursuivant l’im
1092
en tirer : c’est en poursuivant l’image mythique
de
l’Europe que les navigateurs phéniciens découvrirent sa réalité géogr
1093
elle était dans son souvenir que Cadmus entreprit
de
la construire. On voit combien, dès ces temps fabuleux, il semble dif
1094
bien, dès ces temps fabuleux, il semble difficile
de
savoir « où est l’Europe », si l’on entend seulement la ramener un be
1095
a seconde légende relative à ses origines : celle
de
Japhet. Selon la Genèse commentée par les Pères de l’Église primitive
1096
, l’Afrique mais aussi l’esclavage, pour le punir
d’
avoir surpris son père en pleine ivresse sans songer comme ses frères
1097
ivresse sans songer comme ses frères à le couvrir
d’
un manteau ; à Sem, l’Asie et la vie spirituelle ; à Japhet, l’Europe
1098
s à le couvrir d’un manteau ; à Sem, l’Asie et la
vie
spirituelle ; à Japhet, l’Europe et les armes, et la promesse d’une e
1099
; à Japhet, l’Europe et les armes, et la promesse
d’
une expansion indéfinie : dilatatio, latitudo, selon la Vulgate et les
1100
c’est le mot-clé. Retraçons maintenant les étapes
de
cette expansion planétaire. Vues dans le raccourci des siècles, elles
1101
courci des siècles, elles évoquent les mouvements
de
systole et de diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales de dur
1102
cles, elles évoquent les mouvements de systole et
de
diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier mo
1103
évoquent les mouvements de systole et de diastole
d’
un cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier mouvement : co
1104
diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales
de
durée. Premier mouvement : concentration des valeurs religieuses et c
1105
et culturelles du Proche-Orient dans la péninsule
d’
Occident. Nous avons vu que les populations, les religions, les procéd
1106
ligions, les procédés techniques et les rudiments
de
la science, tout est venu de l’Est vers l’Europe, tout s’est lentemen
1107
, tout s’est lentement concentré dans cette sorte
d’
impasse au-delà de laquelle on croyait que le monde finissait. Une pre
1108
ment concentré dans cette sorte d’impasse au-delà
de
laquelle on croyait que le monde finissait. Une première culture orig
1109
culture originale se constitue en Grèce. L’Empire
de
Rome la diffuse et la transforme. À l’individualisme qui régnait dans
1110
it dans les cités grecques, il substitue le culte
de
l’État et des grandes institutions centralisées, et il étend leur aut
1111
rité sur toute l’Europe de l’Ouest. Dans le cadre
de
cet empire se trouvent inclus des Celtes, des Germains et des Slaves,
1112
aves, des « barbares » toujours plus nombreux, et
de
traditions très opposées à celles de Rome, mais progressivement intég
1113
nombreux, et de traditions très opposées à celles
de
Rome, mais progressivement intégrés. Enfin, c’est dans le cadre de l’
1114
gressivement intégrés. Enfin, c’est dans le cadre
de
l’empire que se répand très rapidement une religion qui, elle aussi,
1115
par la Méditerranée : le christianisme. À la fin
de
l’Empire, aux débuts du haut Moyen Âge, sous Charlemagne, la péninsul
1116
la péninsule européenne est donc devenue le lieu
de
rencontre de sept ou huit traditions différentes : orientales et nord
1117
européenne est donc devenue le lieu de rencontre
de
sept ou huit traditions différentes : orientales et nordiques, contin
1118
stes et magiques. Et c’est l’Église qui va tenter
d’
opérer la synthèse improbable de toutes ces forces en conflit latent o
1119
ise qui va tenter d’opérer la synthèse improbable
de
toutes ces forces en conflit latent ou en guerre ouverte. L’Europe e
1120
erre ouverte. L’Europe et sa culture résulteront
de
cette fusion jamais achevée, toujours instable, et dont la grande ori
1121
rande originalité — si on la compare aux cultures
de
l’Asie — est justement d’être un mélange dynamique d’éléments de prov
1122
la compare aux cultures de l’Asie — est justement
d’
être un mélange dynamique d’éléments de provenances diverses et de ten
1123
’Asie — est justement d’être un mélange dynamique
d’
éléments de provenances diverses et de tendances contradictoires. Pend
1124
justement d’être un mélange dynamique d’éléments
de
provenances diverses et de tendances contradictoires. Pendant tout le
1125
e dynamique d’éléments de provenances diverses et
de
tendances contradictoires. Pendant tout le Moyen Âge et ses luttes me
1126
tation se poursuit en vase clos : dans une espèce
de
creuset d’alchimiste, où s’opèrent les transmutations les plus imprév
1127
oursuit en vase clos : dans une espèce de creuset
d’
alchimiste, où s’opèrent les transmutations les plus imprévues. Vraime
1128
tes vers l’Orient. Les Européens se voient coupés
de
toutes communications régulières avec les civilisations de l’Inde et
1129
communications régulières avec les civilisations
de
l’Inde et de la Chine, dont quelques rares voyageurs — Marco Polo, Ru
1130
ns régulières avec les civilisations de l’Inde et
de
la Chine, dont quelques rares voyageurs — Marco Polo, Rubrukis ou Jea
1131
ades, et ils ont échoué. Comment forcer le verrou
de
l’islam ? Comment apporter la Bonne Nouvelle aux peuplades païennes d
1132
apporter la Bonne Nouvelle aux peuplades païennes
de
l’Asie et de l’Afrique ? Comment échapper à ces guerres sans fin, à c
1133
onne Nouvelle aux peuplades païennes de l’Asie et
de
l’Afrique ? Comment échapper à ces guerres sans fin, à ces querelles
1134
omment réaliser les ambitions impériales héritées
de
Rome, les rêveries enfiévrées des savants cosmographes, la vocation m
1135
voies terrestres sont barrées. Restent les voies
de
l’Océan. C’est ici que l’aventure mondiale de l’Europe prend son dépa
1136
ies de l’Océan. C’est ici que l’aventure mondiale
de
l’Europe prend son départ, au matin de Palos de Moguer, sur les petit
1137
e mondiale de l’Europe prend son départ, au matin
de
Palos de Moguer, sur les petites caravelles de Colomb. La période des
1138
in de Palos de Moguer, sur les petites caravelles
de
Colomb. La période des grandes découvertes fut une sorte d’explosion
1139
La période des grandes découvertes fut une sorte
d’
explosion du composé Europe, macéré depuis près de mille ans dans les
1140
i pour trouver l’Inde fabuleuse, aux cités pavées
d’
or, disait-on, et pour en ramener les trésors avec lesquels son roi co
1141
et délivrer Jérusalem. C’est tout un arrière-plan
de
foi religieuse, de chances et de malchances géographiques, d’ambition
1142
em. C’est tout un arrière-plan de foi religieuse,
de
chances et de malchances géographiques, d’ambitions impériales, de sc
1143
un arrière-plan de foi religieuse, de chances et
de
malchances géographiques, d’ambitions impériales, de science mythique
1144
ieuse, de chances et de malchances géographiques,
d’
ambitions impériales, de science mythique et de nostalgie de la quête
1145
malchances géographiques, d’ambitions impériales,
de
science mythique et de nostalgie de la quête que résume d’un seul cou
1146
s, d’ambitions impériales, de science mythique et
de
nostalgie de la quête que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire
1147
s impériales, de science mythique et de nostalgie
de
la quête que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire de cet Ulyss
1148
e que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire
de
cet Ulysse au cœur chrétien, probablement juif d’origine, et fondateu
1149
de cet Ulysse au cœur chrétien, probablement juif
d’
origine, et fondateur d’empire — mais pour d’autres… Tout en lui, et d
1150
rétien, probablement juif d’origine, et fondateur
d’
empire — mais pour d’autres… Tout en lui, et d’abord son vrai nom qui
1151
hristophe, porteur du Christ — en vérité, porteur
de
l’histoire du monde ! — tout en lui me semble illustrer les traits fo
1152
n lui me semble illustrer les traits fondamentaux
de
notre Europe, légendaire, historique, physique, païenne et chrétienne
1153
a fois : l’homme du mythe, le marin, le chercheur
de
trésors, le missionnaire et le croisé. Pour qu’apparût l’aventurier f
1154
iévreux qui allait revêtir les titres prestigieux
de
« vice-roi des Îles qui ont été découvertes dans les Indes » et de «
1155
Îles qui ont été découvertes dans les Indes » et
de
« Grand amiral de la mer Océane », il fallait que Jason eût été en Co
1156
découvertes dans les Indes » et de « Grand amiral
de
la mer Océane », il fallait que Jason eût été en Colchide à la poursu
1157
lait que Jason eût été en Colchide à la poursuite
d’
une chimère dorée, que le continent de l’Ouest fût lié plus qu’un autr
1158
a poursuite d’une chimère dorée, que le continent
de
l’Ouest fût lié plus qu’un autre aux mers, que son sol fût pauvre en
1159
occupât Byzance après Jérusalem, barrant la route
de
l’Asie, que les rois catholiques eussent besoin d’or non pour eux-mêm
1160
e l’Asie, que les rois catholiques eussent besoin
d’
or non pour eux-mêmes mais pour payer une dernière croisade utopique.
1161
nière croisade utopique. Derrière l’audace inouïe
de
Colomb, nous retrouvons ainsi le jeu complexe, le conflit perpétuel,
1162
u complexe, le conflit perpétuel, souvent fécond,
de
toutes les forces créatrices de l’Occident : la Grèce, Rome et Jérusa
1163
, souvent fécond, de toutes les forces créatrices
de
l’Occident : la Grèce, Rome et Jérusalem, la magie celte, l’inquiétud
1164
erte par erreur des Amériques, et ce fut le début
de
l’expansion séculaire, économique, politique et religieuse, d’un peti
1165
n séculaire, économique, politique et religieuse,
d’
un petit cap de l’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de
1166
que et religieuse, d’un petit cap de l’Asie rongé
de
mers et de Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui
1167
gieuse, d’un petit cap de l’Asie rongé de mers et
de
Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui allait conq
1168
’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins
de
5 % des terres du globe et qui allait conquérir, tour à tour, toutes
1169
ur à tour, toutes les autres. L’aventure mondiale
de
l’Europe se déroule, à partir de Colomb, sur un rythme assez comparab
1170
de Colomb, sur un rythme assez comparable à celui
d’
une fusée porteuse de satellite : départ très lent, accélération crois
1171
hme assez comparable à celui d’une fusée porteuse
de
satellite : départ très lent, accélération croissante, mise à feu d’é
1172
rt très lent, accélération croissante, mise à feu
d’
étages successifs, mise en orbite, et après quelques tours de la Terre
1173
ccessifs, mise en orbite, et après quelques tours
de
la Terre, retombée rapide vers le sol. Mais ce retour du satellite n’
1174
Mais ce retour du satellite n’est pas un échec !
D’
innombrables connaissances ont été récoltées en route, elles font déso
1175
route, elles font désormais partie non seulement
de
la science, mais de la conscience du genre humain, agrandies et modif
1176
ésormais partie non seulement de la science, mais
de
la conscience du genre humain, agrandies et modifiées à jamais. Ces é
1177
. Ces étages mis à feu successivement, ces étapes
de
la conquête de l’espace terrestre par les Européens, c’est d’abord le
1178
s à feu successivement, ces étapes de la conquête
de
l’espace terrestre par les Européens, c’est d’abord le premier tour d
1179
, accompli par Magellan, puis ce sont la conquête
de
l’Amérique du Sud, le peuplement de l’Amérique du Nord, la découverte
1180
t la conquête de l’Amérique du Sud, le peuplement
de
l’Amérique du Nord, la découverte des côtes africaines, la soumission
1181
roche-Orient puis des Indes au xviiie siècle, et
de
l’Indonésie, la colonisation de l’immense Sibérie par les Russes, l’o
1182
viiie siècle, et de l’Indonésie, la colonisation
de
l’immense Sibérie par les Russes, l’ouverture de l’Extrême-Orient à l
1183
de l’immense Sibérie par les Russes, l’ouverture
de
l’Extrême-Orient à la civilisation européenne au milieu du xixe sièc
1184
au milieu du xixe siècle, enfin la colonisation
de
l’Afrique noire à partir des années 1880 à 1900. Au début de notre xx
1185
e noire à partir des années 1880 à 1900. Au début
de
notre xxe siècle, on peut dire que l’Europe a placé sur orbite sa ci
1186
placé sur orbite sa civilisation. Mais les étages
de
la fusée porteuse sont retombés l’un après l’autre : c’était la conqu
1187
r économique ou politique, enfin la colonisation.
De
siècle en siècle, les continents découverts et régis par l’Europe se
1188
découverts et régis par l’Europe se sont libérés
de
sa tutelle. L’Amérique du Nord la première, dès la fin du xviiie siè
1189
ud-Est asiatique et le Proche-Orient au lendemain
de
la Deuxième Guerre mondiale, puis presque toute l’Afrique vers 1960.
1190
ommencé par mettre en relation toutes les parties
de
la terre qui, avant elle, vivaient dans l’ignorance la plus complète
1191
s unes des autres. Elle avait permis à l’humanité
de
prendre conscience de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même d
1192
e avait permis à l’humanité de prendre conscience
de
son unité. L’idée d’universalité, l’idée même de genre humain — genus
1193
manité de prendre conscience de son unité. L’idée
d’
universalité, l’idée même de genre humain — genus humanum — sont des c
1194
de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même
de
genre humain — genus humanum — sont des créations de l’Europe gréco-r
1195
genre humain — genus humanum — sont des créations
de
l’Europe gréco-romaine, puis de l’Europe chrétienne, puis de l’Europe
1196
ont des créations de l’Europe gréco-romaine, puis
de
l’Europe chrétienne, puis de l’Europe technicienne. Dans ce sens, on
1197
gréco-romaine, puis de l’Europe chrétienne, puis
de
l’Europe technicienne. Dans ce sens, on peut dire que l’Europe « a fa
1198
s’est révolté contre elle au nom même des valeurs
de
liberté, de justice et d’égalité pour tous les peuples, et de respect
1199
é contre elle au nom même des valeurs de liberté,
de
justice et d’égalité pour tous les peuples, et de respect pour toutes
1200
au nom même des valeurs de liberté, de justice et
d’
égalité pour tous les peuples, et de respect pour toutes les personnes
1201
de justice et d’égalité pour tous les peuples, et
de
respect pour toutes les personnes, qu’elle avait elle-même formulées
1202
ici réduite à elle-même, ramenée dans les limites
de
son cap asiatique, et pas plus grande, notons-le bien, qu’elle ne le
1203
u’elle ne le fut au Moyen Âge. Elle reste le cœur
d’
un Occident né de ses œuvres, mais où deux grands empires lui disputen
1204
au Moyen Âge. Elle reste le cœur d’un Occident né
de
ses œuvres, mais où deux grands empires lui disputent la primauté — l
1205
s que l’Afrique, l’Asie et le monde arabe tentent
de
grouper leurs forces renaissantes contre l’Occident divisé. Serait-ce
1206
santes contre l’Occident divisé. Serait-ce la fin
de
l’aventure occidentale, qui aurait donc consisté, dans l’ensemble et
1207
ire contre l’Occident ? Il semble qu’un des héros
de
la plus ancienne poésie grecque symbolise au mieux la passion qui ani
1208
édent : l’Ulysse homérique, le personnage central
de
l’Odyssée. Son départ pour une sorte de croisade contre Troie, ville
1209
e central de l’Odyssée. Son départ pour une sorte
de
croisade contre Troie, ville du Proche-Orient, afin de sauver l’honne
1210
he-Orient, afin de sauver l’honneur occidental et
de
reconquérir Hélène, symbole de la vertu et de la beauté, préfigure l’
1211
neur occidental et de reconquérir Hélène, symbole
de
la vertu et de la beauté, préfigure l’idéal missionnaire qui sera, qu
1212
et de reconquérir Hélène, symbole de la vertu et
de
la beauté, préfigure l’idéal missionnaire qui sera, quinze à vingt si
1213
qui sera, quinze à vingt siècles plus tard, celui
de
l’Église primitive, envoyant ses évangélistes jusqu’en Chine, vers l’
1214
’ouest, jusqu’en Islande et aux côtes atlantiques
de
l’Amérique. La victoire militaire des Grecs sur les Troyens préfigure
1215
autres continents. Cela, c’est l’Iliade, « poème
de
la force » comme l’a bien nommé Simone Weil. Mais ce qu’il y a de plu
1216
ues, c’est la suite, c’est l’aventure personnelle
d’
Ulysse : l’Odyssée, cet interminable voyage vers la sagesse originelle
1217
elon le sens latin du mot. Tout se passe, au long
de
l’épopée, comme si Ulysse, le courageux et le rusé, préférait secrète
1218
ait secrètement le voyage à son but, les épreuves
de
la route à l’arrivée heureuse, et les risques sans cesse renouvelés a
1219
a, identiquement, la passion des grands créateurs
de
la culture occidentale. L’Occidental est l’homme qui va toujours plus
1220
à des traditions fixées par les ancêtres, au-delà
de
lui-même enfin, — à l’aventure ! Transcendant son destin, et même ses
1221
ue son Dieu, sa vérité la plus intime, lui disait
de
marcher vers l’inconnu. Il trouva le pays que Dieu lui réservait, et
1222
ays que Dieu lui réservait, et ce fut là le terme
de
son aventure, mais le début d’une autre histoire, dont nous sommes bi
1223
ce fut là le terme de son aventure, mais le début
d’
une autre histoire, dont nous sommes bien loin d’être quittes. Christo
1224
d’une autre histoire, dont nous sommes bien loin
d’
être quittes. Christophe Colomb, le père des Découvreurs, croyait savo
1225
tint, car les deux grands problèmes qu’il tentait
de
résoudre : atteindre l’Inde en contournant l’islam et financer la der
1226
r mesuré les conséquences lointaines, indéfinies,
de
découvertes matérielles qui changeraient la conscience de l’homme, —
1227
vertes matérielles qui changeraient la conscience
de
l’homme, — sans que nul pût prévoir comment… Dans cette imprévision,
1228
risque assumé, je vois la parabole la plus exacte
de
l’aventure occidentale, sur tous les plans. Les savants de l’Occident
1229
ture occidentale, sur tous les plans. Les savants
de
l’Occident, de Kepler à Einstein, de Léonard — avec son homme volant
1230
e, sur tous les plans. Les savants de l’Occident,
de
Kepler à Einstein, de Léonard — avec son homme volant — aux biologist
1231
Les savants de l’Occident, de Kepler à Einstein,
de
Léonard — avec son homme volant — aux biologistes contemporains — ave
1232
ient avec précision, ils se trompent sur les buts
de
leurs voyages, ou sur le nom et la nature de leur objet. Et ce qu’ils
1233
buts de leurs voyages, ou sur le nom et la nature
de
leur objet. Et ce qu’ils trouvent pose de nouveaux problèmes, tous im
1234
nature de leur objet. Et ce qu’ils trouvent pose
de
nouveaux problèmes, tous imprévus, compromet les anciens équilibres,
1235
ques toujours plus grands. Chercher plus loin, et
de
la sorte créer autant de risques qu’on résout de problèmes, telle est
1236
. Chercher plus loin, et de la sorte créer autant
de
risques qu’on résout de problèmes, telle est, je crois, la vraie form
1237
de la sorte créer autant de risques qu’on résout
de
problèmes, telle est, je crois, la vraie formule du Progrès, dans sa
1238
Et l’on voit qu’elle est ambiguë : qu’il suffise
de
citer, pour l’illustrer, l’ambiguïté de notre essor technique : nous
1239
l suffise de citer, pour l’illustrer, l’ambiguïté
de
notre essor technique : nous allons toujours plus vite, mais vers quo
1240
ous augmentons notre puissance, mais qu’en est-il
de
nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à la jus
1241
notre puissance, mais qu’en est-il de nos moyens
de
la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à la justice, à la sag
1242
ais qu’en est-il de nos moyens de la maîtriser et
de
la faire servir au bonheur, à la justice, à la sagesse ? Préférer la
1243
, à la sagesse ? Préférer la poursuite passionnée
de
vérités partielles, advienne que pourra, préférer le risque créateur
1244
férer le risque créateur à la méditation prudente
d’
une sagesse immuable, c’est tout le génie de l’Occident, et c’est par
1245
dente d’une sagesse immuable, c’est tout le génie
de
l’Occident, et c’est par là que l’Occident, aventureuse moitié du mon
1246
du monde, s’oppose le plus radicalement au génie
de
l’Orient métaphysique. k. Rougemont Denis de, « L’aventure de l’Eu
1247
e de l’Orient métaphysique. k. Rougemont Denis
de
, « L’aventure de l’Europe commence : le miracle européen a créé le mo
1248
aphysique. k. Rougemont Denis de, « L’aventure
de
l’Europe commence : le miracle européen a créé le monde civilisé », A
1249
L’Europe détient les secrets
de
l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? (13 juin 1962)l Tout
1250
les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté
de
vivre ? (13 juin 1962)l Tout pronostic relatif à l’Europe7 doit se
1251
ic relatif à l’Europe7 doit se baser sur l’examen
de
trois facteurs déterminants pour ses chances d’avenir : sa vitalité i
1252
n de trois facteurs déterminants pour ses chances
d’
avenir : sa vitalité intrinsèque, sa volonté de vivre, enfin sa foncti
1253
es d’avenir : sa vitalité intrinsèque, sa volonté
de
vivre, enfin sa fonction dans le monde ou vocation. La situation géo
1254
le monde ou vocation. La situation géoéconomique
de
notre petit continent, au point présent de l’évolution du monde est p
1255
omique de notre petit continent, au point présent
de
l’évolution du monde est plus centrale que jamais, si bizarre que pui
1256
seul ! — qui se trouve contenir à la fois le 94 %
de
l’humanité actuelle et le 98 % de la production totale du monde. De l
1257
la fois le 94 % de l’humanité actuelle et le 98 %
de
la production totale du monde. De là le nom d’hémisphère privilégié q
1258
elle et le 98 % de la production totale du monde.
De
là le nom d’hémisphère privilégié que lui ont donné les géographes. L
1259
% de la production totale du monde. De là le nom
d’
hémisphère privilégié que lui ont donné les géographes. L’autre moitié
1260
ée, ne contient donc que 6 % des habitants et 2 %
de
la production du monde, n’étant guère occupée que par les océans, le
1261
r voici le fait qui me frappe : c’est que le pôle
de
cet hémisphère tombe en Europe, exactement au sud de Nantes. Ainsi, d
1262
cet hémisphère tombe en Europe, exactement au sud
de
Nantes. Ainsi, d’un point choisi au zénith de Nantes, assez loin de l
1263
be en Europe, exactement au sud de Nantes. Ainsi,
d’
un point choisi au zénith de Nantes, assez loin de la Terre pour qu’av
1264
sud de Nantes. Ainsi, d’un point choisi au zénith
de
Nantes, assez loin de la Terre pour qu’avec l’aide d’un télescope le
1265
antes, assez loin de la Terre pour qu’avec l’aide
d’
un télescope le regard embrasse tout l’hémisphère privilégié, on pourr
1266
gié, on pourrait observer pratiquement les 19/20e
de
l’humanité, tandis que du point de vue correspondant aux antipodes, o
1267
ue correspondant aux antipodes, on ne verrait que
de
l’eau et des déserts, et seulement sur les bords, des traces de l’œuv
1268
s déserts, et seulement sur les bords, des traces
de
l’œuvre humaine. Voici donc un fait mesurable qui ne dépend ni de not
1269
ne. Voici donc un fait mesurable qui ne dépend ni
de
notre orgueil ni de notre humilité d’Européens, un fait aisément véri
1270
it mesurable qui ne dépend ni de notre orgueil ni
de
notre humilité d’Européens, un fait aisément vérifiable et dont les d
1271
e dépend ni de notre orgueil ni de notre humilité
d’
Européens, un fait aisément vérifiable et dont les données objectives
1272
s mappemondes et cartes économiques, en attendant
d’
être photographiées par quelque satellite artificiel : L’Europe est b
1273
ométrique, le carrefour naturel des grandes voies
de
communication maritimes et surtout aériennes qui ont permis au genre
1274
surtout aériennes qui ont permis au genre humain
de
vérifier son unité concrète, et d’en prendre une conscience utile, op
1275
u genre humain de vérifier son unité concrète, et
d’
en prendre une conscience utile, opérative. Au cœur de l’hémisphère pr
1276
prendre une conscience utile, opérative. Au cœur
de
l’hémisphère privilégié apparaît donc clairement, comme en graphique,
1277
irement, comme en graphique, la fonction mondiale
de
l’Europe. Et voilà qui est déterminant, pour qui suppute les chances
1278
déterminant, pour qui suppute les chances futures
de
l’Occident et de l’esprit européen, constater que l’Europe actuelle,
1279
qui suppute les chances futures de l’Occident et
de
l’esprit européen, constater que l’Europe actuelle, amputée des plain
1280
che, ce plus petit continent est le plus complexe
de
tous : le plus profondément découpé par les mers et le plus richement
1281
plus richement cloisonné par des plis montagneux
de
moyenne altitude et des fleuves aisément traversables. En proportion
1282
des fleuves aisément traversables. En proportion
de
sa surface, n’oublions pas que l’Europe a les plus longues côtes (7 0
1283
les ports les plus nombreux, le plus riche réseau
de
voies d’eau (fleuves et canaux), la plus grande densité de villes et
1284
les plus nombreux, le plus riche réseau de voies
d’
eau (fleuves et canaux), la plus grande densité de villes et de villag
1285
d’eau (fleuves et canaux), la plus grande densité
de
villes et de villages, et le peuplement le plus égal : c’est le seul
1286
s et canaux), la plus grande densité de villes et
de
villages, et le peuplement le plus égal : c’est le seul continent qui
1287
us égal : c’est le seul continent qui n’ait point
de
déserts. Plaines conquises sur la mer, fleuves aux méandres simplifié
1288
ni des campagnes. Regardez à la loupe cette photo
d’
une région qui peut être allemande, française, luxembourgeoise, belge
1289
êts et des champs quadrillés — partout les traces
de
l’homme et du travail humain, et nulle part aussi concentrées. Ancien
1290
art aussi concentrées. Anciens villages et villes
d’
Europe, vous n’en trouverez pas deux dont les plans soient superposabl
1291
, c’est par leur complication ou par leur manière
d’
être différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra
1292
leur manière d’être différents : première formule
de
l’unité paradoxale qui permettra de définir l’Europe. Une unité non p
1293
mière formule de l’unité paradoxale qui permettra
de
définir l’Europe. Une unité non point faite d’uniformité, mais au con
1294
ra de définir l’Europe. Une unité non point faite
d’
uniformité, mais au contraire de variété des formes, de complexité des
1295
formité, mais au contraire de variété des formes,
de
complexité des structures. En Amérique, les villages naissent comme a
1296
rrêtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé
d’
en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique
1297
les clairières ou s’égrènent le long de la berge
d’
un fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancré
1298
ge d’un fleuve. L’Europe seule présente un réseau
de
communautés bien ancrées, bien nettement individuelles et pourtant ri
1299
e résume en un coup d’œil. Car autour de la place
d’
un simple village d’Europe vous trouvez l’église et la mairie, souvent
1300
d’œil. Car autour de la place d’un simple village
d’
Europe vous trouvez l’église et la mairie, souvent l’école et les café
1301
place, banale et donc typique, un savant débarqué
de
Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les struct
1302
le et donc typique, un savant débarqué de Mars ou
de
Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les structures essent
1303
Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop
d’
erreurs les structures essentielles de notre civilisation. Un service
1304
r sans trop d’erreurs les structures essentielles
de
notre civilisation. Un service religieux, une séance du conseil munic
1305
gieux, une séance du conseil municipal, une heure
de
classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’un étalage
1306
ipal, une heure de classe, les discussions autour
d’
une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de tr
1307
ure de classe, les discussions autour d’une table
de
bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelqu
1308
les discussions autour d’une table de bistrot ou
d’
un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des sec
1309
ons autour d’une table de bistrot ou d’un étalage
de
marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secrets (pour no
1310
strot ou d’un étalage de marché lui permettraient
de
trouver quelques-uns des secrets (pour nous trop évidents) du dynamis
1311
’est-à-dire : la communauté spirituelle, le règne
de
la loi, le respect général et tacite des institutions, l’éducation pu
1312
n publique, l’échange des opinions individuelles (
de
préférence contradictoires et subversives) et l’échange des produits
1313
il — toute une vitalité librement ordonnée, faite
de
tensions multiples, entrecroisées. Esquissons ce portrait de l’Europe
1314
multiples, entrecroisées. Esquissons ce portrait
de
l’Europe telle que chacun de nous peut la voir, ce portrait composé n
1315
quissons ce portrait de l’Europe telle que chacun
de
nous peut la voir, ce portrait composé non point à partir de définiti
1316
rait composé non point à partir de définitions et
d’
analyses intellectuelles de principes et de doctrines — dont il serait
1317
rtir de définitions et d’analyses intellectuelles
de
principes et de doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu
1318
ons et d’analyses intellectuelles de principes et
de
doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu’elles n’ont guè
1319
et de doctrines — dont il serait toujours facile
de
dire qu’elles n’ont guère été mises en pratique et qu’il s’agit d’une
1320
n’ont guère été mises en pratique et qu’il s’agit
d’
une Europe idéale, qu’on refuse de reconnaître, qui est celle des autr
1321
et qu’il s’agit d’une Europe idéale, qu’on refuse
de
reconnaître, qui est celle des autres, de l’autre école ou de l’autre
1322
refuse de reconnaître, qui est celle des autres,
de
l’autre école ou de l’autre parti — mais à partir des réalités visibl
1323
re, qui est celle des autres, de l’autre école ou
de
l’autre parti — mais à partir des réalités visibles et tangibles, qui
1324
réalités visibles et tangibles, qui sont le cadre
de
nos vies. Europe présentée non point par sa philosophie mais bien par
1325
s visibles et tangibles, qui sont le cadre de nos
vies
. Europe présentée non point par sa philosophie mais bien par sa morph
1326
l se peut qu’elle donne quelques idées fécondes à
de
jeunes sociologues qui la pousseraient plus loin, et qu’elle suggère
1327
plus loin, et qu’elle suggère une méthode inédite
d’
un enseignement de notre vie civique, basée sur la photo et sur le fil
1328
lle suggère une méthode inédite d’un enseignement
de
notre vie civique, basée sur la photo et sur le film, et permettant b
1329
re une méthode inédite d’un enseignement de notre
vie
civique, basée sur la photo et sur le film, et permettant beaucoup de
1330
c la réalité des autres continents. Essayons donc
de
reconstruire l’Europe en partant de la place communale. Nos villes et
1331
Essayons donc de reconstruire l’Europe en partant
de
la place communale. Nos villes et nos villages ne sont pas nés autour
1332
préalablement dessinées, mais bien plutôt autour
d’
une citadelle, d’un Burg, défendant un lieu stratégique ; toutefois, c
1333
ssinées, mais bien plutôt autour d’une citadelle,
d’
un Burg, défendant un lieu stratégique ; toutefois, c’est bien la créa
1334
que ; toutefois, c’est bien la création organique
de
la Place dans les faubourgs — fori burgus, lieux hors du bourg origin
1335
s Européens à la réalité communautaire, fondement
de
notre civilisation. On sent bien que ce ne sont pas des masses inform
1336
s mesurés par l’usage. Les dictatures ne font que
de
la géométrie, alignent des façades bureaucratiques autour d’un cercle
1337
trie, alignent des façades bureaucratiques autour
d’
un cercle vide ou d’un quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout
1338
açades bureaucratiques autour d’un cercle vide ou
d’
un quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout au contraire : la Pl
1339
ur d’un cercle vide ou d’un quadrilatère évoquant
de
lourdes parades. Tout au contraire : la Place centrale de nos villes
1340
es parades. Tout au contraire : la Place centrale
de
nos villes et villages est rarement régulière, hors des périodes de r
1341
illages est rarement régulière, hors des périodes
de
relâchement civique, précisément, c’est-à-dire d’étatisme au cordeau,
1342
de relâchement civique, précisément, c’est-à-dire
d’
étatisme au cordeau, de tyrannie. Le square anglais, malgré son nom, r
1343
précisément, c’est-à-dire d’étatisme au cordeau,
de
tyrannie. Le square anglais, malgré son nom, répugne autant à l’angle
1344
ioria ou le forum romain lui-même, ancêtre commun
de
nos places, Platze, plazas, praças, piazze, ou Pleins selon le pays.
1345
l se trouve qu’elle l’est en général — c’est bien
de
là qu’elle tire son sens originel. Les partis qui décident de la comp
1346
e tire son sens originel. Les partis qui décident
de
la composition des conseils de la cité, se forment tout d’abord sur l
1347
artis qui décident de la composition des conseils
de
la cité, se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum de la Rome
1348
se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum
de
la Rome républicaine, puis sur la place des communes médiévales. Il n
1349
ur la place des communes médiévales. Il n’est pas
de
démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la libre dis
1350
n, sur le libre jeu des partis, et sur la liberté
de
l’opposition, majorité possible de demain… Or les partis et l’opinion
1351
sur la liberté de l’opposition, majorité possible
de
demain… Or les partis et l’opinion, et l’opposition notamment, se man
1352
se manifestent par la Presse, dans l’ère moderne
de
l’Europe ; et la presse, dès le début, fut étroitement liée à cet aut
1353
t étroitement liée à cet autre élément nécessaire
de
toute place digne du nom : le café. C’est là qu’elle se parle d’abord
1354
rit bien souvent, et se lit. C’est dans les cafés
de
Hollande que se réunissent les réfugiés qui créeront les fameuses gaz
1355
sées dans l’Europe entière, en dépit des censures
de
l’absolutisme, et qui préparent le siècle des Lumières et la Révoluti
1356
itoriaux du journal que Daniel Defoe rédige seul,
de
1704 à 1713. Et c’est encore dans les cafés que le Spectator d’Addiso
1357
ectator d’Addison, un peu plus tard, a l’ambition
de
faire pénétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets d’études et
1358
énétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets
d’
études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence d
1359
hilosophie, enfin sortie des cabinets d’études et
de
l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence du kiosque à
1360
a place, la présence du kiosque à journaux, point
d’
insertion de la rumeur du monde, entre le café et le marché. Face à l’
1361
présence du kiosque à journaux, point d’insertion
de
la rumeur du monde, entre le café et le marché. Face à l’hôtel de vil
1362
ée et non plus temple), représentent l’autre pôle
de
la cité : celui de l’unanimité fondamentale, qui doit transcender les
1363
le), représentent l’autre pôle de la cité : celui
de
l’unanimité fondamentale, qui doit transcender les partis, les ambiti
1364
grandeur et son drame. Il serait tentant, partant
de
là, de reconstituer toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire
1365
r et son drame. Il serait tentant, partant de là,
de
reconstituer toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire de l’i
1366
rtant de là, de reconstituer toute la philosophie
de
la personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois autonome et engagé
1367
toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire
de
l’individu à la fois autonome et engagé — engagé, dans la communauté…
1368
la communauté… Mais cette démonstration sortirait
de
mon sujet. Je signale simplement qu’elle pourrait être faite presque
1369
pourrait être faite presque aussi bien en partant
de
l’école, autre bâtiment de la place. L’école est issue de l’Église,
1370
aussi bien en partant de l’école, autre bâtiment
de
la place. L’école est issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la R
1371
e, autre bâtiment de la place. L’école est issue
de
l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Réforme et des Ordres, à la Renai
1372
’école est issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis
de
la Réforme et des Ordres, à la Renaissance. Aujourd’hui, ses institut
1373
nce. Aujourd’hui, ses instituteurs, qui dépendent
de
la mairie, sont souvent plus sensibles aux débats du café qu’aux obju
1374
sensibles aux débats du café qu’aux objurgations
de
la chaire. Voici donc une nouvelle tension qui s’institue. Mais la fo
1375
nouvelle tension qui s’institue. Mais la fonction
de
l’école est demeurée la même : elle doit d’une part communiquer les c
1376
u nom des principes qu’elle enseigne. La fonction
de
l’école dans la cité se résume donc par les deux termes l’initiation
1377
tion et l’initiative, qui marquent les deux pôles
de
notre éducation. (L’Orient et les cultures traditionnelles n’ont guèr
1378
aditionnelles n’ont guère connu jusqu’à nos jours
d’
autre forme d’éducation qu’initiatique.) Quant au marché, qui occupe l
1379
n’ont guère connu jusqu’à nos jours d’autre forme
d’
éducation qu’initiatique.) Quant au marché, qui occupe le centre de la
1380
itiatique.) Quant au marché, qui occupe le centre
de
la place, lieu de rencontre des produits de la campagne et des besoin
1381
au marché, qui occupe le centre de la place, lieu
de
rencontre des produits de la campagne et des besoins de la ville, et
1382
entre de la place, lieu de rencontre des produits
de
la campagne et des besoins de la ville, et en même temps figuration v
1383
contre des produits de la campagne et des besoins
de
la ville, et en même temps figuration vivante de la loi de l’offre et
1384
de la ville, et en même temps figuration vivante
de
la loi de l’offre et de la demande, il a fourni la désinence symboliq
1385
le, et en même temps figuration vivante de la loi
de
l’offre et de la demande, il a fourni la désinence symbolique de tout
1386
temps figuration vivante de la loi de l’offre et
de
la demande, il a fourni la désinence symbolique de toute l’économie e
1387
e la demande, il a fourni la désinence symbolique
de
toute l’économie européenne jusqu’à nos jours. (Même après que le por
1388
nos jours. (Même après que le port eut pris plus
d’
importance pour le commerce que le marché citadin-rural.) Ici se noue
1389
du consommateur, des droits acquis et des règles
d’
arbitrage, des initiatives et des coutumes, des conditions locales et
1390
ons elles-mêmes, mais aussi entre la commune (née
de
leur composition locale) et la région, puis entre la région et la nat
1391
ences — fussent-elles représentées par la révolte
d’
un seul, d’un génie ou d’un saint contre toute une cité, au nom de ses
1392
sent-elles représentées par la révolte d’un seul,
d’
un génie ou d’un saint contre toute une cité, au nom de ses principes
1393
résentées par la révolte d’un seul, d’un génie ou
d’
un saint contre toute une cité, au nom de ses principes indiscutés. Vo
1394
randes civilisations traditionnelles et statiques
de
l’Asie, et aussi de l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’êtr
1395
traditionnelles et statiques de l’Asie, et aussi
de
l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’être les régimes totali
1396
et comme veulent l’être les régimes totalitaires
de
notre temps. Civilisation à base d’antagonismes, de conflits toujours
1397
totalitaires de notre temps. Civilisation à base
d’
antagonismes, de conflits toujours renouvelés ; civilisation de discus
1398
notre temps. Civilisation à base d’antagonismes,
de
conflits toujours renouvelés ; civilisation de discussion et de conte
1399
s, de conflits toujours renouvelés ; civilisation
de
discussion et de contestation dont la passion maîtresse paraît bien ê
1400
ujours renouvelés ; civilisation de discussion et
de
contestation dont la passion maîtresse paraît bien être la remise en
1401
s et des relations humaines, du Destin et du sens
de
vie. Quand l’une des réalités antagonistes — la liberté ou l’autorité
1402
t des relations humaines, du Destin et du sens de
vie
. Quand l’une des réalités antagonistes — la liberté ou l’autorité, l’
1403
ruire l’autre au nom d’un ordre simplificateur ou
d’
une doctrine prétendument totale et unitaire, il en résulte guerres, r
1404
sulte guerres, révolutions, massacres, explosions
d’
anarchie suivies de dictatures — une histoire plus intense, violente e
1405
lutions, massacres, explosions d’anarchie suivies
de
dictatures — une histoire plus intense, violente et polémique que n’e
1406
nte et polémique que n’en relatent les chroniques
d’
aucune autre région du monde. Quand les antagonismes se composent en u
1407
alors paraissent les créations les plus typiques
de
la culture européenne, non seulement dans les arts, mais dans la soci
1408
té. On les dirait formées sur le modèle du chœur,
de
l’harmonie des sons complémentaires, voire de la dissonance calculée
1409
ur, de l’harmonie des sons complémentaires, voire
de
la dissonance calculée et dirigée vers une « résolution » future. Ain
1410
et dirigée vers une « résolution » future. Ainsi
de
la commune, de la fédération, du parlement et du régime bicaméral, de
1411
s une « résolution » future. Ainsi de la commune,
de
la fédération, du parlement et du régime bicaméral, des syndicats et
1412
améral, des syndicats et des coopératives ; ainsi
de
l’éducation elle-même et, finalement, de l’idée du progrès. Dans la m
1413
; ainsi de l’éducation elle-même et, finalement,
de
l’idée du progrès. Dans la mesure où cet immense complexe de tension
1414
u progrès. Dans la mesure où cet immense complexe
de
tension n’est pas trop déprimé ou dévasté par les guerres, les dictat
1415
on conçoit qu’il fonctionne alors comme le foyer
d’
une expansion énergétique irrésistible. Tel est le secret du dynamisme
1416
t le secret du dynamisme européen et des périodes
de
diastole planétaire de notre civilisation. Sommes-nous au seuil d’une
1417
e européen et des périodes de diastole planétaire
de
notre civilisation. Sommes-nous au seuil d’une telle période ? Ou au
1418
taire de notre civilisation. Sommes-nous au seuil
d’
une telle période ? Ou au contraire, l’état de santé de l’Europe est-i
1419
uil d’une telle période ? Ou au contraire, l’état
de
santé de l’Europe est-il aussi mauvais que le proclament une bonne pa
1420
telle période ? Ou au contraire, l’état de santé
de
l’Europe est-il aussi mauvais que le proclament une bonne partie de n
1421
aussi mauvais que le proclament une bonne partie
de
nos intellectuels ? Plus sérieusement : la technique triomphante ne v
1422
roducteur moyen russe ou américain ? Les éléments
d’
une réponse motivée à cette question — trop souvent et trop facilement
1423
urnis par une auscultation des organes principaux
de
la cité, c’est-à-dire des institutions traditionnelles que concrétise
1424
l’ère technique ? Les églises d’abord, par ordre
d’
ancienneté. La plupart sont aux trois quarts vides dans nos villages,
1425
al quatre ou cinq pour une commune rurale moyenne
de
2000 à 3000 habitants. L’église, en Amérique, est restée mieux que ch
1426
mérique, est restée mieux que chez nous le centre
de
la vie sociale d’un village. Elle y joue un grand rôle politique et c
1427
e, est restée mieux que chez nous le centre de la
vie
sociale d’un village. Elle y joue un grand rôle politique et civique.
1428
e mieux que chez nous le centre de la vie sociale
d’
un village. Elle y joue un grand rôle politique et civique. Mais c’est
1429
ue. Mais c’est peut-être aux dépens de la rigueur
d’
une doctrine et d’une vie spirituelle que l’Europe a mieux su mainteni
1430
t-être aux dépens de la rigueur d’une doctrine et
d’
une vie spirituelle que l’Europe a mieux su maintenir face à l’État et
1431
aux dépens de la rigueur d’une doctrine et d’une
vie
spirituelle que l’Europe a mieux su maintenir face à l’État et face a
1432
pe a mieux su maintenir face à l’État et face aux
modes
du jour. Les Américains le sentent bien, et c’est pourquoi leurs past
1433
eurs et leurs prêtres s’inspirent de plus en plus
de
nos théologiens. Prenons ensuite l’école, l’enseignement. On les disa
1434
fiée. Mais, en Amérique, on redécouvre les vertus
de
la culture générale et des humanités, et d’une pédagogie plus ferme,
1435
ertus de la culture générale et des humanités, et
d’
une pédagogie plus ferme, pour ne pas dire autoritaire, si bien que l’
1436
ritaire, si bien que l’Europe redevient le modèle
d’
un meilleur équilibre, si relatif soit-il, entre les exigences immédia
1437
i relatif soit-il, entre les exigences immédiates
de
l’instruction de techniciens et la stratégie à long terme de la forma
1438
, entre les exigences immédiates de l’instruction
de
techniciens et la stratégie à long terme de la formation des esprits.
1439
ction de techniciens et la stratégie à long terme
de
la formation des esprits. L’URSS elle-même, qui avait tout sacrifié p
1440
ales et se rapproche, dans cette mesure du moins,
de
nos formules européennes. Passons à la mairie, symbole de la commune,
1441
ormules européennes. Passons à la mairie, symbole
de
la commune, qui est le cadre concret du civisme. Elle a survécu, tant
1442
ivisme. Elle a survécu, tant bien que mal, à plus
d’
un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique d
1443
a survécu, tant bien que mal, à plus d’un siècle
d’
empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemb
1444
t bien que mal, à plus d’un siècle d’empiètements
de
l’État et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays.
1445
l, à plus d’un siècle d’empiètements de l’État et
de
centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvait c
1446
et de centralisation systématique dans l’ensemble
de
nos pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui est celle des pl
1447
plans à grande échelle, allait lui porter le coup
de
grâce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé de l’économie tech
1448
râce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé
de
l’économie technicienne, selon ses meilleurs spécialistes, veulent à
1449
industriels et une répartition plus décentralisée
de
la production, poussant à la mise en valeur, par l’intermédiaire des
1450
plus centralisées, comme la France, le mouvement
de
restauration des compétences communales se prononce chaque année plus
1451
tement. Au plan européen, le Conseil des communes
d’
Europe, l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus depuis la d
1452
puis la dernière guerre, ne livrent pas un combat
d’
arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les pionniers d’un
1453
ntre l’État, mais au contraire sont les pionniers
d’
un renouveau de l’autonomie municipale. Quant au marché, qui occupe le
1454
is au contraire sont les pionniers d’un renouveau
de
l’autonomie municipale. Quant au marché, qui occupe le centre de la p
1455
municipale. Quant au marché, qui occupe le centre
de
la place, on sait qu’il n’a jamais été plus prospère qu’aujourd’hui,
1456
pays, qu’il s’agisse du Marché commun des Six, ou
de
l’économie des pays neutres. Quant à la presse, enfin, et au café don
1457
afé dont elle est née, je dirai que la prospérité
d’
une presse libre et le prestige des cafés littéraires dans nos grandes
1458
dans nos grandes villes, ces deux faits, inégaux
d’
importance mais très typiques de notre Europe, restent des signes peu
1459
ux faits, inégaux d’importance mais très typiques
de
notre Europe, restent des signes peu trompeurs de la vitalité d’une c
1460
de notre Europe, restent des signes peu trompeurs
de
la vitalité d’une culture moderne, mêlée à l’existence sociale, capab
1461
, restent des signes peu trompeurs de la vitalité
d’
une culture moderne, mêlée à l’existence sociale, capable de critique,
1462
ure moderne, mêlée à l’existence sociale, capable
de
critique, donc de renouvellement. Or la culture, au sens large du ter
1463
à l’existence sociale, capable de critique, donc
de
renouvellement. Or la culture, au sens large du terme : l’apport de l
1464
Or la culture, au sens large du terme : l’apport
de
l’homme à la nature, résume les secrets de l’Europe. L’Europe sans sa
1465
apport de l’homme à la nature, résume les secrets
de
l’Europe. L’Europe sans sa culture n’est qu’un cap de l’Asie, assez p
1466
ine et une inquiétude religieuses, par des formes
de
pensée philosophique, et par une volonté d’aventure rationnelle d’où
1467
rmes de pensée philosophique, et par une volonté
d’
aventure rationnelle d’où sont issues la science et la technique, et d
1468
hique, et par une volonté d’aventure rationnelle
d’
où sont issues la science et la technique, et des arts florissants, et
1469
s florissants, et des institutions, et des formes
d’
existence sociale, et une puissance économique sans précédent, c’est c
1470
’équation la plus célèbre du siècle, qu’est celle
d’
Einstein : E = mc2, ou E signifie l’énergie, m la masse, c la vitesse
1471
ou E signifie l’énergie, m la masse, c la vitesse
de
la lumière. Je la transpose terme à terme en désignant naturellement
1472
ien — on ne sait jamais… — qu’il ne s’agit pas là
d’
une démonstration faussement mathématique, mais seulement d’une illust
1473
nstration faussement mathématique, mais seulement
d’
une illustration…) C’est grâce à cette densité remarquable d’instituti
1474
tration…) C’est grâce à cette densité remarquable
d’
institutions pluralistes en tension, et à cette lutte toujours ouverte
1475
et innovation, que l’Europe s’est montrée capable
d’
intégrer un peu mieux que d’autres la technique. Ailleurs, en Amérique
1476
e. En Europe, elle est née dans un contexte serré
de
principes vénérés et de droits garantis, dans un fouillis de coutumes
1477
ée dans un contexte serré de principes vénérés et
de
droits garantis, dans un fouillis de coutumes séculaires, artisanales
1478
s vénérés et de droits garantis, dans un fouillis
de
coutumes séculaires, artisanales et paysannes, de chicanes légales ou
1479
de coutumes séculaires, artisanales et paysannes,
de
chicanes légales ou fiscales, de fronde populaire et de revendication
1480
es et paysannes, de chicanes légales ou fiscales,
de
fronde populaire et de revendications, qui l’ont freinée dans son éla
1481
canes légales ou fiscales, de fronde populaire et
de
revendications, qui l’ont freinée dans son élan et l’ont contrainte p
1482
pas se comporter comme l’éléphant dans le magasin
de
porcelaine ou le bulldozer dans un verger. Certes, les freins et les
1483
ment créé le décor sale et sans âme des faubourgs
de
nos capitales, elle a créé le prolétariat, elle a soumis toute une cl
1484
éé le prolétariat, elle a soumis toute une classe
d’
hommes à la machine encore très imparfaite, faisant de l’ouvrier, comm
1485
mmes à la machine encore très imparfaite, faisant
de
l’ouvrier, comme l’a dit Marx, « le complément vivant d’un mécanisme
1486
vrier, comme l’a dit Marx, « le complément vivant
d’
un mécanisme mort », et l’obligeant à travailler quinze heures par jou
1487
r, dans des conditions inhumaines du point de vue
de
l’hygiène autant que de la morale. Cette première explosion de la te
1488
nhumaines du point de vue de l’hygiène autant que
de
la morale. Cette première explosion de la technique a fait beaucoup
1489
utant que de la morale. Cette première explosion
de
la technique a fait beaucoup plus de mal à notre espèce que les explo
1490
re explosion de la technique a fait beaucoup plus
de
mal à notre espèce que les explosions nucléaires qui nous épouvantent
1491
sant son emploi par les lois sociales, en passant
de
l’époque noire du charbon, de la mine et des fabriques enfumées, à l’
1492
ociales, en passant de l’époque noire du charbon,
de
la mine et des fabriques enfumées, à l’époque blanche et propre de l’
1493
fabriques enfumées, à l’époque blanche et propre
de
l’électricité, de l’aviation, et de l’usine transparente entourée de
1494
s, à l’époque blanche et propre de l’électricité,
de
l’aviation, et de l’usine transparente entourée de verdure, l’Europe
1495
che et propre de l’électricité, de l’aviation, et
de
l’usine transparente entourée de verdure, l’Europe n’a pas seulement
1496
e l’aviation, et de l’usine transparente entourée
de
verdure, l’Europe n’a pas seulement rapproché la technique de sa vrai
1497
l’Europe n’a pas seulement rapproché la technique
de
sa vraie fin, qui est de libérer l’homme du travail servile, elle a p
1498
t rapproché la technique de sa vraie fin, qui est
de
libérer l’homme du travail servile, elle a pris conscience la premièr
1499
spirituels qu’une technique et une science, nées
de
ses œuvres, posent désormais à tous les hommes. Elle a formulé, la pr
1500
a première par ses meilleurs esprits, le problème
de
l’équilibre indispensable entre la tradition et l’innovation, et c’es
1501
et l’innovation, et c’est le problème fondamental
de
notre temps. Or elle est seule à disposer, pour le résoudre, d’une ex
1502
. Or elle est seule à disposer, pour le résoudre,
d’
une expérience séculaire. Si l’on ausculte les organes du patient nomm
1503
métabolisme, il y a toutes les raisons objectives
de
penser qu’il se portera beaucoup mieux qu’on ne le dit, et que souven
1504
lles tâches mondiales que lui impose la diffusion
de
sa propre civilisation et de ses propres idéaux ? Saura-t-il, enfin,
1505
impose la diffusion de sa propre civilisation et
de
ses propres idéaux ? Saura-t-il, enfin, prévenir ces affreux accident
1506
Saura-t-il, enfin, prévenir ces affreux accidents
de
sa santé mentale et de son existence physique que symbolise, sur la p
1507
enir ces affreux accidents de sa santé mentale et
de
son existence physique que symbolise, sur la place du village, un mon
1508
qui réintroduit dans le tableau toute l’absurdité
de
l’Histoire en même temps que la notion d’un sacré national et non chr
1509
surdité de l’Histoire en même temps que la notion
d’
un sacré national et non chrétien, dans beaucoup de pays voisins du nô
1510
es ? 7. Voir Arts n° 872. l. Rougemont Denis
de
, « L’Europe détient les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté
1511
ougemont Denis de, « L’Europe détient les secrets
de
l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? », Arts, Paris, 13 juin
1512
les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté
de
vivre ? », Arts, Paris, 13 juin 1962, p. 2.
1513
res, que l’Europe s’est mise à s’unir. Les dates
de
la décolonisation successive du Proche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est
1514
de la décolonisation successive du Proche-Orient,
de
l’Inde, du Sud-Est asiatique, et de l’Afrique, sont les mêmes dates,
1515
roche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est asiatique, et
de
l’Afrique, sont les mêmes dates, exactement, que celles de nos premiè
1516
que, sont les mêmes dates, exactement, que celles
de
nos premières étapes vers l’union 1945 à 1962, et tout porte à prévoi
1517
nnées, l’un par l’indépendance des derniers îlots
de
colonies subsistants, et l’autre par la mise en place d’institutions
1518
nies subsistants, et l’autre par la mise en place
d’
institutions politiques communes. Coïncidence très remarquable, et qui
1519
. Coïncidence très remarquable, et qui mériterait
de
susciter des études sérieuses. Il y aurait lieu de vérifier d’abord s
1520
e susciter des études sérieuses. Il y aurait lieu
de
vérifier d’abord s’il existe des liens latéraux de cause à effet entr
1521
e vérifier d’abord s’il existe des liens latéraux
de
cause à effet entre les deux phénomènes, ou si plutôt, comme je le cr
1522
e je le crois, ils ne résultent pas tous les deux
d’
une seule et même évolution dialectique : celle du nationalisme. Dès l
1523
isme. Dès la fin du xviiie siècle, les disciples
de
Rousseau, puis Herder, Bentham et Fichte avaient dénoncé l’expansion
1524
noncé l’expansion coloniale comme un péché mortel
de
l’Europe, en ce sens qu’il devait aggraver la dissolution du corps eu
1525
solution du corps européen en nations rivales. Et
de
fait, la nécessité alléguée par les États colonialistes de s’ouvrir d
1526
la nécessité alléguée par les États colonialistes
de
s’ouvrir des débouchés outre-mer — un espace vital, dira Hitler — a j
1527
Mais ces mêmes guerres ont déclenché deux séries
de
réactions de sens contraire : d’une part, elles ont répandu aux quatr
1528
es guerres ont déclenché deux séries de réactions
de
sens contraire : d’une part, elles ont répandu aux quatre coins de la
1529
: d’une part, elles ont répandu aux quatre coins
de
la terre l’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, idée au
1530
e la terre l’idée du droit des peuples à disposer
d’
eux-mêmes, idée au nom de laquelle les Alliés s’étaient battus, et ava
1531
s s’étaient battus, et avaient conclu les traités
de
1919, et ceci devait amener les colonies à réclamer leur émancipation
1532
t fait comprendre aux Européens qu’il était temps
de
juguler leurs sanglants chauvinismes, et cela devait amener, nous l’a
1533
it amener, nous l’avons vu, le réveil des projets
d’
union. Accessoirement, il ne serait pas sans intérêt de souligner que
1534
on. Accessoirement, il ne serait pas sans intérêt
de
souligner que les défaitistes européens, nationalistes ou marxistes,
1535
puis cinquante ans que l’Europe n’était riche que
de
l’exploitation des colonies, disaient les uns, de leur pillage, disai
1536
de l’exploitation des colonies, disaient les uns,
de
leur pillage, disaient les autres, sont en train de recevoir un démen
1537
cevoir un démenti tel que l’histoire en offre peu
d’
exemples. Car en effet, s’ils avaient eu raison, le retrait colonial e
1538
raison, le retrait colonial eût signifié l’arrêt
de
mort de notre économie. Or ce retrait se trouve coïncider non seuleme
1539
le retrait colonial eût signifié l’arrêt de mort
de
notre économie. Or ce retrait se trouve coïncider non seulement avec
1540
re union, mais avec une prospérité sans précédent
de
l’ensemble du continent. Jamais notre cap de l’Asie n’avait connu cro
1541
il a renoncé, bon gré, mal gré, à ses possessions
d’
outre-mer. Décolonisation, union, prospérité simultanées. Ce premier f
1542
tanées. Ce premier fait, définissant les rapports
de
l’Europe avec le monde actuel, je me l’explique, en résumé, comme sui
1543
ue, en résumé, comme suit : L’expansion coloniale
d’
États rivaux, pour criminelle qu’on veuille la juger, a réveillé en fa
1544
rs régimes traditionnels. Au nom de quelques-unes
de
nos plus vraies valeurs — la liberté, la dignité de la personne, l’ég
1545
nos plus vraies valeurs — la liberté, la dignité
de
la personne, l’égalité des peuples et des races — mais aussi de quelq
1546
, l’égalité des peuples et des races — mais aussi
de
quelques-unes de nos folies les plus contagieuses, comme le nationali
1547
euples et des races — mais aussi de quelques-unes
de
nos folies les plus contagieuses, comme le nationalisme, ils se sont
1548
isme, ils se sont mis à revendiquer les avantages
de
notre civilisation et la souveraineté de leurs États, pour la plupart
1549
vantages de notre civilisation et la souveraineté
de
leurs États, pour la plupart créés par nous. Quant aux nations coloni
1550
t créés par nous. Quant aux nations colonialistes
de
l’Europe, presque ruinées à deux reprises par le délire nationaliste,
1551
eux reprises par le délire nationaliste, obligées
de
refaire leur bilan, cédant à la pression d’une opinion mondiale formé
1552
igées de refaire leur bilan, cédant à la pression
d’
une opinion mondiale formée par leurs principes, d’une classe nouvelle
1553
’une opinion mondiale formée par leurs principes,
d’
une classe nouvelle éduquée par leurs soins dans les pays colonisés, e
1554
uquée par leurs soins dans les pays colonisés, et
de
leur intérêt mieux compris — un peu poussées aussi par les États-Unis
1555
aussi par les États-Unis, qui les sauvaient alors
de
la faillite —, elles ont l’une après l’autre « décroché ». Mais dans
1556
raisons, elles ont compris ce qu’elles refusaient
de
comprendre depuis près de six-cent-cinquante ans : la nécessité de le
1557
uis près de six-cent-cinquante ans : la nécessité
de
leur union. Elles ont perdu le monde et retrouvé l’Europe. Mais voici
1558
qui domine notre situation : le retrait politique
de
l’Europe coïncide avec l’adoption accélérée de notre civilisation par
1559
ue de l’Europe coïncide avec l’adoption accélérée
de
notre civilisation par le tiers-monde. L’Europe a fait le monde, et
1560
, est tenue pour responsable, à tort ou à raison,
d’
autant de méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle so
1561
ue pour responsable, à tort ou à raison, d’autant
de
méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle soit la seu
1562
able, à tort ou à raison, d’autant de méfaits que
de
bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle soit la seule qui ait su s
1563
ndre transportable et intégrable hors du contexte
de
ses origines raciales, politiques et religieuses. Nous savons tous au
1564
s Européens, en désordre, et sans le moindre plan
d’
ensemble, du xvie au xixe siècle fondent sur tous les continents des
1565
bitués depuis des siècles aux plus cruels régimes
d’
oppression autochtone. C’est tout cela que l’on confond aujourd’hui da
1566
que l’injustice, dans l’immense processus chargé
d’
humanité et de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d
1567
ce, dans l’immense processus chargé d’humanité et
de
charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’une aventure
1568
argé d’humanité et de charité héroïque autant que
de
crimes et de cupidité, d’une aventure dont le bilan est encore très l
1569
té et de charité héroïque autant que de crimes et
de
cupidité, d’une aventure dont le bilan est encore très loin d’être fa
1570
ité héroïque autant que de crimes et de cupidité,
d’
une aventure dont le bilan est encore très loin d’être fait. Et rien n
1571
d’une aventure dont le bilan est encore très loin
d’
être fait. Et rien ne prouve que ce bilan sera finalement négatif : c’
1572
nt. Nulle autre civilisation n’avait été mondiale
de
cette manière. Là-dessus, l’historien Toynbee m’arrête : Alexandre le
1573
Cook suffirait aujourd’hui à les mettre à l’abri
de
ce genre d’illusion. La Terre est connue désormais dans toutes ses di
1574
ait aujourd’hui à les mettre à l’abri de ce genre
d’
illusion. La Terre est connue désormais dans toutes ses dimensions phy
1575
dimensions physiques, nous ne pouvons plus faire
d’
erreurs de cette taille ; son histoire également est explorée dans tou
1576
s physiques, nous ne pouvons plus faire d’erreurs
de
cette taille ; son histoire également est explorée dans toutes ses gr
1577
e occidentale ressuscite inlassablement bien plus
de
traditions oubliées par leurs peuples que nos armées et nos missions
1578
s détruites ou dénaturées. Mais alors, le retrait
de
l’Europe qu’on nomme décolonisation, ne va-t-il pas entraîner l’effac
1579
ne va-t-il pas entraîner l’effacement progressif
de
cette « européisation » de la planète ? Il est difficile d’en juger,
1580
’effacement progressif de cette « européisation »
de
la planète ? Il est difficile d’en juger, puisque le retrait s’achève
1581
européisation » de la planète ? Il est difficile
d’
en juger, puisque le retrait s’achève à peine. Mais tous les signes vé
1582
indiquent une tendance prononcée vers l’expansion
de
notre culture dans les colonies libérées. Le retrait des Anglais de l
1583
res culturelles françaises, qui disait en janvier
de
cette année : Au Cambodge, toute la jeunesse parle le français, alor
1584
français, alors que dans la génération des hommes
de
quarante à cinquante ans, celle de l’époque coloniale, seule l’élite
1585
ion des hommes de quarante à cinquante ans, celle
de
l’époque coloniale, seule l’élite sait notre langue… On n’apprend plu
1586
rce qu’on y est obligé, mais parce qu’on a besoin
de
cette langue, qu’elle est devenue un facteur de cohésion nationale, q
1587
n de cette langue, qu’elle est devenue un facteur
de
cohésion nationale, qu’elle constitue en outre un moyen d’accès aisé
1588
on nationale, qu’elle constitue en outre un moyen
d’
accès aisé à la vie internationale… L’intérêt paraît ici, comme ailleu
1589
lle constitue en outre un moyen d’accès aisé à la
vie
internationale… L’intérêt paraît ici, comme ailleurs, plus efficace q
1590
lent, pour que soit décrétée l’adoption immédiate
de
mesures politiques et sociales, hygiéniques, urbanistes, techniques,
1591
industrielles, tout simplement copiées sur celles
de
l’Occident. Bien plus, ces administrateurs ne sont partis qu’en vertu
1592
e sagesse régulatrice. Il en résulte deux séries
de
conséquences qui risquent d’être aussi fâcheuses pour nous, Européens
1593
résulte deux séries de conséquences qui risquent
d’
être aussi fâcheuses pour nous, Européens, que pour les peuples du tie
1594
st rendue assimilable et transportable qu’au prix
d’
une périlleuse disjonction entre ses produits de tous ordres et ses va
1595
x d’une périlleuse disjonction entre ses produits
de
tous ordres et ses valeurs fondamentales. Le monde accepte nos machin
1596
es. Le monde accepte nos machines et quelques-uns
de
nos slogans, mais non pas l’arrière-plan religieux, philosophique et
1597
leur intégration, bon an mal an, dans le complexe
de
nos coutumes et de nos équilibres humains. Il faut l’admettre : les v
1598
on an mal an, dans le complexe de nos coutumes et
de
nos équilibres humains. Il faut l’admettre : les versions simplifiées
1599
ns. Il faut l’admettre : les versions simplifiées
de
la civilisation occidentale se prêtent mieux à l’exportation que la v
1600
t mieux à l’exportation que la version originale.
D’
où l’avantage incontestable des Américains, et surtout des Soviétiques
1601
ins, et surtout des Soviétiques, lorsqu’il s’agit
de
moderniser — c’est-à-dire d’occidentaliser — d’une manière rapide et
1602
es, lorsqu’il s’agit de moderniser — c’est-à-dire
d’
occidentaliser — d’une manière rapide et massive, les colonies récemme
1603
t de moderniser — c’est-à-dire d’occidentaliser —
d’
une manière rapide et massive, les colonies récemment libérées. Ces no
1604
des élites européennes pendant les derniers temps
de
la colonisation et le respect des cultures indigènes n’a jamais arrêt
1605
ôtres. Le tiers-monde les accueille sans méfiance
de
principe. Il ne dit pas de leurs dons, comme il le dit des nôtres : «
1606
ccueille sans méfiance de principe. Il ne dit pas
de
leurs dons, comme il le dit des nôtres : « C’est du néo-colonialisme
1607
le découvrent. Mais aussitôt, ils nous accablent
de
reproches. Un professeur indien, le Dr Raghavan Iyer, enseignant à Ox
1608
n, le Dr Raghavan Iyer, enseignant à Oxford, lors
d’
un tout récent congrès européen, entendait se faire l’écho des ressent
1609
ents du tiers-monde à l’égard de notre culture et
de
sa diffusion désordonnée. Rappelant que les pays sous-développés imit
1610
ident, ce professeur rendait l’Europe responsable
de
tous les maux qui en résultent, et de la reviviscence, en Asie et en
1611
responsable de tous les maux qui en résultent, et
de
la reviviscence, en Asie et en Afrique, de ce qu’il appelait « les co
1612
nt, et de la reviviscence, en Asie et en Afrique,
de
ce qu’il appelait « les conceptions partielles ou discréditées de l’e
1613
lait « les conceptions partielles ou discréditées
de
l’esprit européen ». Il en donnait l’impressionnante liste que voici
1614
ssianique, un libéralisme à la Hayek, l’adoration
de
la puissance militaire et politique, une bureaucratie qu’on ne pourra
1615
listinisme culturel. C’est une assez bonne liste
de
nos vices, tels qu’ils se sont manifestés, du moins à partir des débu
1616
se sont manifestés, du moins à partir des débuts
de
l’ère industrielle. Il serait trop facile de répondre à ceux qui nous
1617
buts de l’ère industrielle. Il serait trop facile
de
répondre à ceux qui nous tiennent ce langage : pourquoi n’avez-vous p
1618
nes, que nous envoyons outre-mer, mais des agents
de
nos États et de nos firmes, qui transportent là-bas toutes nos rivali
1619
voyons outre-mer, mais des agents de nos États et
de
nos firmes, qui transportent là-bas toutes nos rivalités, des assista
1620
chose du milieu où ils vont agir, et moins encore
de
ce que l’Europe peut signifier dans son ensemble et vue de loin, des
1621
l’Europe peut signifier dans son ensemble et vue
de
loin, des agitateurs politiques, des commerçants incultes et nos plus
1622
ni pour la nôtre. Telle est la situation concrète
de
l’Europe dans le monde actuel. Je la résume : la décolonisation, loin
1623
sans précédent ; le monde entier se met à l’école
de
notre civilisation ; mais il n’en tire pas le meilleur, loin de là, e
1624
aute, car nous n’avons jamais conçu une politique
de
civilisation répondant à l’ampleur des exigences du siècle et de nos
1625
répondant à l’ampleur des exigences du siècle et
de
nos responsabilités mondiales. La question qui se pose est dès lors l
1626
ses slogans les plus démagogiques, au seul profit
de
leurs exploitants ou exploiteurs, plus efficaces ? Va-t-elle être évi
1627
oyens matériels et moraux ? m. Rougemont Denis
de
, « Le monde entier irrite l’Europe et la méprise autant qu’il la jalo
1628
s, il est vrai, s’opposent encore quand il s’agit
d’
en venir à l’union politique. Celle de l’alliance des États, celle de
1629
d il s’agit d’en venir à l’union politique. Celle
de
l’alliance des États, celle de l’intégration totale, et celle de la f
1630
n politique. Celle de l’alliance des États, celle
de
l’intégration totale, et celle de la fédération. Mais une raison nouv
1631
es États, celle de l’intégration totale, et celle
de
la fédération. Mais une raison nouvelle doit forcer leur accord : c’e
1632
accord : c’est la nécessité matérielle et morale
de
répondre aux appels que le monde nous adresse, par sa faim, par sa pe
1633
sa peur, et même par sa haine. C’est la nécessité
de
nous porter enfin à la hauteur de notre vocation universelle. »
1634
st la nécessité de nous porter enfin à la hauteur
de
notre vocation universelle. »
1635
juin 1962)o p Un certain défaitisme européen,
de
Spengler à Toynbee et de Sorel à Sartre, semble avoir persuadé nos él
1636
ain défaitisme européen, de Spengler à Toynbee et
de
Sorel à Sartre, semble avoir persuadé nos élites comme nos masses que
1637
ine de Russie le baron Grimm, gazetier littéraire
de
Paris, à la veille de la révolution : Deux empires se partageront (l
1638
Grimm, gazetier littéraire de Paris, à la veille
de
la révolution : Deux empires se partageront (le monde) : la Russie d
1639
du côté de l’Orient, et l’Amérique, devenue libre
de
nos jours, du côté de l’Occident ; et nous autres, peuple du noyau, n
1640
té. En 1847, Sainte-Beuve résume ainsi l’opinion
de
l’historien Adolphe Thiers : Il n’y a plus que deux peuples. La Russ
1641
l’ascension des deux grands, qui date exactement
de
la fin de la dernière guerre, et au plan mondial. L’Europe se sentait
1642
on des deux grands, qui date exactement de la fin
de
la dernière guerre, et au plan mondial. L’Europe se sentait écrasée e
1643
it jeu graphique, très simple. Prenez une feuille
de
papier quadrillé. Dessinez trois rectangles verticaux posés côte à cô
1644
à côte, ayant chacun pour base dix carrés. Celui
de
gauche a dix-huit carrés de hauteur, celui de droite vingt-deux carré
1645
ase dix carrés. Celui de gauche a dix-huit carrés
de
hauteur, celui de droite vingt-deux carrés et celui du milieu quarant
1646
lui de gauche a dix-huit carrés de hauteur, celui
de
droite vingt-deux carrés et celui du milieu quarante-cinq carrés. Il
1647
deux grands ». Chaque carré représente un million
d’
habitants. L’Europe à l’ouest du rideau de fer en compte 335 millions
1648
million d’habitants. L’Europe à l’ouest du rideau
de
fer en compte 335 millions ; les sept États européens actuellement so
1649
ette quantité démographique les qualités humaines
de
l’Européen, qui est encore le meilleur ouvrier, le meilleur philosoph
1650
autre. Mais vous me direz que la puissance réelle
de
l’Europe n’est pas en proportion de sa population. C’est exact en ce
1651
ssance réelle de l’Europe n’est pas en proportion
de
sa population. C’est exact en ce sens que, par tête d’habitant, la pr
1652
population. C’est exact en ce sens que, par tête
d’
habitant, la production américaine dépasse encore celle de l’Europe. M
1653
nt, la production américaine dépasse encore celle
de
l’Europe. Mais le rythme d’accroissement est beaucoup plus rapide en
1654
dépasse encore celle de l’Europe. Mais le rythme
d’
accroissement est beaucoup plus rapide en Europe qu’aux États-Unis. Et
1655
’Europe occupe le premier rang pour la production
de
l’acier, de la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait
1656
pe le premier rang pour la production de l’acier,
de
la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait — produits d
1657
rang pour la production de l’acier, de la fonte,
de
la houille, du ciment, du beurre et du lait — produits de base — les
1658
uille, du ciment, du beurre et du lait — produits
de
base — les États-Unis tenant le deuxième rang et l’URSS le troisième.
1659
un exemple chiffré, et qui ne me paraît pas dénué
de
toute signification : production de savants de premier ordre, calculé
1660
aît pas dénué de toute signification : production
de
savants de premier ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences de
1661
ué de toute signification : production de savants
de
premier ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences de 1901 — dat
1662
r ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences
de
1901 — date la création du prix — à 1961 : Russie et démocratie popul
1663
est que vous ne vous sentez pas encore le citoyen
d’
une nation de 335 millions, voire de 430 millions d’habitants (en comp
1664
ne vous sentez pas encore le citoyen d’une nation
de
335 millions, voire de 430 millions d’habitants (en comptant les sate
1665
re le citoyen d’une nation de 335 millions, voire
de
430 millions d’habitants (en comptant les satellites européens de l’U
1666
une nation de 335 millions, voire de 430 millions
d’
habitants (en comptant les satellites européens de l’URSS), mais seule
1667
d’habitants (en comptant les satellites européens
de
l’URSS), mais seulement le citoyen d’un petit État de 10 ou de 50 mil
1668
s européens de l’URSS), mais seulement le citoyen
d’
un petit État de 10 ou de 50 millions qui n’est plus à l’échelle du mo
1669
’URSS), mais seulement le citoyen d’un petit État
de
10 ou de 50 millions qui n’est plus à l’échelle du monde nouveau. C’e
1670
ais seulement le citoyen d’un petit État de 10 ou
de
50 millions qui n’est plus à l’échelle du monde nouveau. C’est que l’
1671
qu’il faut pour être encore la première puissance
de
la Terre, non par ses dimensions, mais par son potentiel démographiqu
1672
hique, économique et culturel. Cependant, le sort
d’
une civilisation ne dépend pas seulement de cette espèce-là de chance.
1673
e sort d’une civilisation ne dépend pas seulement
de
cette espèce-là de chance. Il dépend tout autant de sa vocation nativ
1674
sation ne dépend pas seulement de cette espèce-là
de
chance. Il dépend tout autant de sa vocation native — j’entends de la
1675
cette espèce-là de chance. Il dépend tout autant
de
sa vocation native — j’entends de la prise de conscience de cette voc
1676
end tout autant de sa vocation native — j’entends
de
la prise de conscience de cette vocation assumée par ceux qui en sont
1677
tion native — j’entends de la prise de conscience
de
cette vocation assumée par ceux qui en sont les responsables — et d’a
1678
x qui en sont les responsables — et d’autre part,
de
la puissance d’autres cultures ou civilisations qui prétendent à sa s
1679
endrai rien en vous rappelant qu’une bonne partie
de
l’élite intellectuelle occidentale désespère bruyamment de nos valeur
1680
e intellectuelle occidentale désespère bruyamment
de
nos valeurs et dénie toute espèce de vocation à l’Occident, tel que l
1681
e bruyamment de nos valeurs et dénie toute espèce
de
vocation à l’Occident, tel que le représentent l’Europe en train de s
1682
train de s’unir et les États-Unis. Il est courant
d’
entendre que l’Occident est en pleine décadence morale, et surtout qu’
1683
leine décadence morale, et surtout qu’il n’a plus
d’
idéal à opposer aux valeurs neuves et conquérantes du communisme. À ce
1684
aits, une fois de plus : la prospérité économique
de
l’Occident et sa vitalité intellectuelle, que rien ne dépasse et n’at
1685
llectuelle, que rien ne dépasse et n’atteint même
de
loin, ni en Orient, ni en Afrique, indiquent une renaissance et non u
1686
: on nous dit que les valeurs nouvelles capables
d’
entraîner le monde et de lui rendre un idéal sont celles que représent
1687
aleurs nouvelles capables d’entraîner le monde et
de
lui rendre un idéal sont celles que représente le communisme russe. J
1688
sme russe. Je demande à voir — et je ne vois rien
de
neuf. Qu’est-ce, au total, que le communisme soviétique ? Un mélange
1689
total, que le communisme soviétique ? Un mélange
de
50 % de tradition proprement russes et même tsaristes, comme le rôle
1690
que le communisme soviétique ? Un mélange de 50 %
de
tradition proprement russes et même tsaristes, comme le rôle de la po
1691
roprement russes et même tsaristes, comme le rôle
de
la police et des fonctionnaires, ou l’habitude de réécrire l’histoire
1692
de la police et des fonctionnaires, ou l’habitude
de
réécrire l’histoire tous les vingt-cinq ans pour justifier la politiq
1693
n ou du parti au pouvoir ; à quoi s’ajoutent 50 %
de
marxisme plus ou moins fidèlement appliqué. Or le marxisme n’est tout
1694
t appliqué. Or le marxisme n’est tout de même pas
d’
invention russe. Ce n’est pas Popov qui l’a créé, mais c’est Karl Marx
1695
bune. (Ces articles, réunis plus tard, ont fourni
de
nombreux chapitres de Das Kapital.) Marx est l’un des produits les pl
1696
éunis plus tard, ont fourni de nombreux chapitres
de
Das Kapital.) Marx est l’un des produits les plus typiques des débats
1697
simplifiées et appauvries d’ailleurs, sous le nom
de
marxisme dialectique. Qu’en serait-il alors d’un autre successeur, hy
1698
om de marxisme dialectique. Qu’en serait-il alors
d’
un autre successeur, hypothétique, reprenant de nos mains débiles ce q
1699
rs d’un autre successeur, hypothétique, reprenant
de
nos mains débiles ce qu’on appelait jadis « le flambeau de la civilis
1700
ins débiles ce qu’on appelait jadis « le flambeau
de
la civilisation » ? Là encore, je ne le distingue pas. Je ne vois pas
1701
s. Je ne vois pas une seule culture, indépendante
de
la nôtre, foncièrement différente de la nôtre, qui serait mieux capab
1702
indépendante de la nôtre, foncièrement différente
de
la nôtre, qui serait mieux capable que nous d’exercer la fonction pla
1703
te de la nôtre, qui serait mieux capable que nous
d’
exercer la fonction planétaire unifiante qui sera désormais, dans l’èr
1704
mais, dans l’ère technique, l’obligation première
d’
une civilisation. Un regard sur le globe nous fait voir, au contraire,
1705
une phrase, voici ce que je constate. Le Sud-Est
de
l’Asie jalouse la Chine et voudrait secrètement l’imiter ; mais la Ch
1706
Amérique — laquelle est, après tout, une création
de
l’Europe ! Le cycle se referme, nous ramenant à l’Europe. Où trouver,
1707
tion en prétextant notre faiblesse, ou ces crimes
d’
un passé récent dont le tiers-monde nous tient pour responsables. Car
1708
r cette faiblesse ne traduit rien qu’une division
de
nos forces — et nous sommes en bon train de les unir — mais non pas u
1709
ision de nos forces — et nous sommes en bon train
de
les unir — mais non pas une absence de forces potentielle. Et ces cri
1710
bon train de les unir — mais non pas une absence
de
forces potentielle. Et ces crimes, qui furent ceux de nos nationalism
1711
orces potentielle. Et ces crimes, qui furent ceux
de
nos nationalismes, du racisme, et, dans une certaine mesure, du colon
1712
ans une certaine mesure, du colonialisme, exigent
de
nous bien autre chose qu’un mea culpa rageur et masochiste, tellement
1713
plus facile que l’action. Les vertus et les vices
de
l’Europe, son passé et son expérience, la rendent doublement responsa
1714
responsable — au sens actif du mot, cette fois —
d’
assumer face au monde une vocation dont personne ne saurait la relever
1715
autre régime ne me paraissent posséder les moyens
de
se charger, si l’Europe s’y dérobe. Cette vocation, ou cette fonction
1716
échanges mondiaux tout d’abord. Pour les échanges
de
biens matériels cela va de soi, puisque l’Europe les a créés, ces éch
1717
s techniques qu’elle a su inventer sont en mesure
de
les entretenir. L’Europe reste le cœur de tout système d’échanges mon
1718
mesure de les entretenir. L’Europe reste le cœur
de
tout système d’échanges mondiaux et cela, non seulement à cause de la
1719
ntretenir. L’Europe reste le cœur de tout système
d’
échanges mondiaux et cela, non seulement à cause de la place qu’elle o
1720
ment à cause de la place qu’elle occupe au centre
de
l’hémisphère privilégié, mais parce que son commerce international re
1721
international représente en valeur plus du double
de
celui des États-Unis, et près de dix fois celui de l’URSS. La vocatio
1722
e celui des États-Unis, et près de dix fois celui
de
l’URSS. La vocation mondiale de l’Europe est inscrite dans des faits
1723
de dix fois celui de l’URSS. La vocation mondiale
de
l’Europe est inscrite dans des faits de ce genre : Nos exportations r
1724
mondiale de l’Europe est inscrite dans des faits
de
ce genre : Nos exportations représentent à peu près 40 % de notre com
1725
e : Nos exportations représentent à peu près 40 %
de
notre commerce et nos importations atteignent le même taux, cependant
1726
pendent du reste du monde que pour 5 % au maximum
de
leur produit national. Le monde est vital pour l’Europe, il ne l’est
1727
d. Tout, et d’abord nos traditions, non seulement
de
curiosité mais de respect des valeurs spirituelles, même et parfois s
1728
d nos traditions, non seulement de curiosité mais
de
respect des valeurs spirituelles, même et parfois surtout différentes
1729
aide puissante, mais les initiatives sont venues
de
l’Europe, et c’est vers elle, naturellement, que je vois se tourner l
1730
pe qu’elles conçoivent la nécessité et les moyens
de
dialoguer, non seulement avec nous, mais entre elles. Équilibrer les
1731
ibrer les créations humaines est le second aspect
de
la vocation de l’Europe. Équilibrer technique et tradition, par exemp
1732
ions humaines est le second aspect de la vocation
de
l’Europe. Équilibrer technique et tradition, par exemple. C’est en Al
1733
s ont obligées lentement à s’intégrer aux rythmes
de
la vie. Adaptation très lente dans l’ensemble, mais non moins dramati
1734
obligées lentement à s’intégrer aux rythmes de la
vie
. Adaptation très lente dans l’ensemble, mais non moins dramatique dan
1735
re les machines à tisser, puis contre les chaînes
de
production en Amérique et, récemment, contre l’automation à Coventry
1736
achines, sans se douter qu’elles peuvent détruire
de
proche en proche ses traditions les plus valables et ses équilibres p
1737
bles et ses équilibres psychiques, par les champs
de
force invisibles qu’elles transportent, à la manière du cheval de Tro
1738
les qu’elles transportent, à la manière du cheval
de
Troie. Et cela nous conduit naturellement au troisième verbe typique
1739
conduit naturellement au troisième verbe typique
de
notre vocation, qui est fédérer. Défendre et illustrer le fédéralisme
1740
t soit responsable à l’égard du tiers-monde comme
de
lui-même. Car c’est l’Europe qui a répandu dans le monde entier le vi
1741
itiques visiblement indéfendables du point de vue
de
leurs propres intérêts, mais qu’ils s’imposent pour le prestige. Sous
1742
Sous prétexte de se libérer des dernières traces
de
notre impérialisme, ils copient puérilement ses tares les plus visibl
1743
es tares les plus visibles. L’Europe se doit donc
de
produire, d’attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel,
1744
plus visibles. L’Europe se doit donc de produire,
d’
attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xi
1745
L’Europe se doit donc de produire, d’attester et
de
diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xixe siècle. Or
1746
produire, d’attester et de diffuser les anticorps
de
ce virus mortel, hérité du xixe siècle. Or, l’antidote du nationalis
1747
mise en commun des droits « souverains » qu’aucun
de
nos pays n’est plus en mesure d’exercer à lui seul, dans le monde act
1748
rains » qu’aucun de nos pays n’est plus en mesure
d’
exercer à lui seul, dans le monde actuel. La vocation de l’Europe, auj
1749
cer à lui seul, dans le monde actuel. La vocation
de
l’Europe, aujourd’hui pour demain, c’est donc offrir au monde nouveau
1750
est donc offrir au monde nouveau l’exemple réussi
d’
une grande fédération. Dans la coïncidence que j’ai relevée entre la f
1751
Dans la coïncidence que j’ai relevée entre la fin
de
notre impérialisme colonial, les débuts de notre union fédérale, et l
1752
la fin de notre impérialisme colonial, les débuts
de
notre union fédérale, et l’essor de notre économie, il y a sans doute
1753
l, les débuts de notre union fédérale, et l’essor
de
notre économie, il y a sans doute une grande leçon pour le tiers-mond
1754
mais aussi et, peut-être d’abord, pour l’ensemble
de
l’Occident — Amérique et Russie comprises — pour l’ensemble d’un Occi
1755
— Amérique et Russie comprises — pour l’ensemble
d’
un Occident, s’il veut enfin se réconcilier avec lui-même. Nous pourro
1756
ns voir cela, dans cette génération, si l’Europe,
d’
où le mal est venu, réussit à s’unir librement, achevant ainsi son ave
1757
rope fédérée, modèle mondial. Le temps n’est plus
de
douter sans vergogne de nos valeurs occidentales. Au contraire, le te
1758
dial. Le temps n’est plus de douter sans vergogne
de
nos valeurs occidentales. Au contraire, le temps est venu de les pren
1759
au sérieux. Nous n’avons pas simplement le droit
de
répondre à l’attente des jeunes nations et de la jeunesse soviétique,
1760
oit de répondre à l’attente des jeunes nations et
de
la jeunesse soviétique, obscurément tournées vers l’Occident, par un
1761
us sommes pour les autres un espoir, qu’il s’agit
de
ne pas frustrer. L’avenir de l’Europe est gagé sur de grands faits gé
1762
espoir, qu’il s’agit de ne pas frustrer. L’avenir
de
l’Europe est gagé sur de grands faits géoéconomiques d’une portée dés
1763
e pas frustrer. L’avenir de l’Europe est gagé sur
de
grands faits géoéconomiques d’une portée désormais mondiale. Il me pa
1764
urope est gagé sur de grands faits géoéconomiques
d’
une portée désormais mondiale. Il me paraît ensuite gagé sur une fonct
1765
onction universelle, qui l’enracine dans le passé
de
notre culture, dans les données constitutives de l’Occident, et que t
1766
de notre culture, dans les données constitutives
de
l’Occident, et que tout appelle dans le monde de cette seconde moitié
1767
de l’Occident, et que tout appelle dans le monde
de
cette seconde moitié du xxe siècle. Les vraies chances de l’Europe n
1768
seconde moitié du xxe siècle. Les vraies chances
de
l’Europe ne dépendent pas d’une juste prévision de ce que d’autres fe
1769
. Les vraies chances de l’Europe ne dépendent pas
d’
une juste prévision de ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’es
1770
e l’Europe ne dépendent pas d’une juste prévision
de
ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’esprit agissant par nos
1771
vision de ce que d’autres feront. Elles dépendent
de
l’esprit agissant par nos mains. Le temps n’est plus pour nous de che
1772
sant par nos mains. Le temps n’est plus pour nous
de
chercher anxieusement à deviner le cours prochain de notre histoire :
1773
chercher anxieusement à deviner le cours prochain
de
notre histoire : c’est à la faire que nous sommes appelés.8 8. Ces
1774
paraîtront, en volume, en septembre aux Éditions
de
la Baconnière et chez Albin Michel. o. Rougemont Denis de, « L’Euro
1775
nnière et chez Albin Michel. o. Rougemont Denis
de
, « L’Europe est un colosse qui s’ignore (encore) », Arts, Paris, 27 j
1776
», Arts, Paris, 27 juin 1962, p. 2. p. Une note
de
la rédaction précise : « Une coquille nous a fait écrire que le chiff
1777
« Une coquille nous a fait écrire que le chiffre
de
la population de l’Europe de l’Ouest était de 355 millions alors qu’i
1778
ous a fait écrire que le chiffre de la population
de
l’Europe de l’Ouest était de 355 millions alors qu’il est de 335 mill
1779
fre de la population de l’Europe de l’Ouest était
de
355 millions alors qu’il est de 335 millions : ce qui fait au total a
1780
de l’Ouest était de 355 millions alors qu’il est
de
335 millions : ce qui fait au total avec ses satellites : 430 million
1781
Un refus
d’
aimer (3 octobre 1962)q r Le prestige généralisé de l’érotisme est
1782
mer (3 octobre 1962)q r Le prestige généralisé
de
l’érotisme est indubitable dans l’Occident contemporain. Il est attes
1783
attesté par le cinéma, la publicité, et le succès
de
vente des auteurs qui en parlent. Il est donc en partie mesurable. En
1784
nc en partie mesurable. En revanche, la décadence
de
l’amour est une hypothèse absolument invérifiable. (Je réitère : de q
1785
hypothèse absolument invérifiable. (Je réitère :
de
quel amour s’agit-il ? vécu par qui ? rêvé par qui ?) Les enquêtes su
1786
ont concluantes, donnent des indications inverses
de
celles qu’on tirerait de Sagan. L’érotisme traduit certainement une d
1787
des indications inverses de celles qu’on tirerait
de
Sagan. L’érotisme traduit certainement une décadence de l’amour idéal
1788
an. L’érotisme traduit certainement une décadence
de
l’amour idéalisé, tel que le concevaient nos grands-parents, mais rie
1789
ncevaient nos grands-parents, mais rien ne permet
de
réduire « l’Amour » à ce cliché d’époque. L’érotisme peut traduire un
1790
rien ne permet de réduire « l’Amour » à ce cliché
d’
époque. L’érotisme peut traduire un refus d’aimer, ou, au contraire, u
1791
liché d’époque. L’érotisme peut traduire un refus
d’
aimer, ou, au contraire, une prise de conscience plus vraie de l’amour
1792
au contraire, une prise de conscience plus vraie
de
l’amour. Cela s’opère et se décide au secret d’une personne, et donc
1793
e de l’amour. Cela s’opère et se décide au secret
d’
une personne, et donc échappe, par nature, à toute espèce de généralis
1794
onne, et donc échappe, par nature, à toute espèce
de
généralisation ou de statistique. Les attitudes que la majorité de no
1795
, par nature, à toute espèce de généralisation ou
de
statistique. Les attitudes que la majorité de nos contemporains sont
1796
ou de statistique. Les attitudes que la majorité
de
nos contemporains sont censés adopter vis-à-vis de l’érotisme m’indif
1797
lque répugnance à y songer. q. Rougemont Denis
de
, « [Réponse à une enquête] Un refus d’aimer », Arts, Paris, 3 octobre
1798
mont Denis de, « [Réponse à une enquête] Un refus
d’
aimer », Arts, Paris, 3 octobre 1962, p. 18. r. Il s’agit d’une répon
1799
Arts, Paris, 3 octobre 1962, p. 18. r. Il s’agit
d’
une réponse à une enquête sur l’érotisme, introduite par ces mots : «
1800
Le déferlement
de
l’érotisme : pour une nouvelle théologie (5-11 mai 1965)s t Pour i
1801
ai 1965)s t Pour illustrer l’invasion du monde
d’
aujourd’hui par la « sexualité déchaînée », on cite le triomphe en lib
1802
ité déchaînée », on cite le triomphe en librairie
de
Fanny Hill et Justine en livre de poche aux États-Unis. Il ne faudrai
1803
he en librairie de Fanny Hill et Justine en livre
de
poche aux États-Unis. Il ne faudrait tout de même pas oublier que ces
1804
st nouveau, c’est leur succès relatif : le siècle
de
Voltaire les avait négligés ; mais il n’eût pas mieux accueilli les r
1805
pas mieux accueilli les romans catholiques et les
Vies
de Jésus dont les tirages dominent notre marché du livre, sans que pe
1806
ieux accueilli les romans catholiques et les Vies
de
Jésus dont les tirages dominent notre marché du livre, sans que perso
1807
rché du livre, sans que personne y voie la preuve
d’
une sanctification quelconque de notre époque. Reste que l’étalage étu
1808
y voie la preuve d’une sanctification quelconque
de
notre époque. Reste que l’étalage étudié du nu « suggestif » dans nos
1809
dans nos rues et au cinéma, les scènes obligées «
d’
amour » physique dans les romans de série, noire ou autre, la suppress
1810
nes obligées « d’amour » physique dans les romans
de
série, noire ou autre, la suppression des « pudeurs de langage », mai
1811
rie, noire ou autre, la suppression des « pudeurs
de
langage », mais plus que tout cela — qui relève parfois de la mode et
1812
e », mais plus que tout cela — qui relève parfois
de
la mode et n’engage pas toujours une politique morale — les cours d’é
1813
ais plus que tout cela — qui relève parfois de la
mode
et n’engage pas toujours une politique morale — les cours d’éducation
1814
age pas toujours une politique morale — les cours
d’
éducation sexuelle dans les écoles, enfin les grands débats sur la con
1815
es grands débats sur la contraception, l’ensemble
de
ces traits frappe les auscultateurs de notre époque, au point que cer
1816
l’ensemble de ces traits frappe les auscultateurs
de
notre époque, au point que certains ont parlé d’une révolution dans l
1817
de notre époque, au point que certains ont parlé
d’
une révolution dans les mœurs. C’est beaucoup dire pour un peu plus de
1818
s les mœurs. C’est beaucoup dire pour un peu plus
de
nudité, mais non pour la contraception discutée au concile du Vatican
1819
n intensité depuis deux siècles, sous l’effet des
modes
culturelles. Les audaces de nos écrivains, de nos cinéastes ne sont p
1820
, sous l’effet des modes culturelles. Les audaces
de
nos écrivains, de nos cinéastes ne sont pas les produits de cet insti
1821
modes culturelles. Les audaces de nos écrivains,
de
nos cinéastes ne sont pas les produits de cet instinct universel et p
1822
ivains, de nos cinéastes ne sont pas les produits
de
cet instinct universel et primordial : elles y font appel, comme on d
1823
irage des classiques libertins dans quelques pays
de
l’Occident. En revanche, nos manières de parler des choses du sexe et
1824
ues pays de l’Occident. En revanche, nos manières
de
parler des choses du sexe et de l’érotisme ont entièrement changé en
1825
che, nos manières de parler des choses du sexe et
de
l’érotisme ont entièrement changé en un demi-siècle. En 1906, Freud c
1826
s le petit ouvrage qu’il publie sur le traitement
de
Dora « les rapports sexuels sont franchement discutés ; les fonctions
1827
reculé devant la discussion avec une jeune fille
de
tels sujets et en un tel langage. Faut-il me justifier aussi de cette
1828
et en un tel langage. Faut-il me justifier aussi
de
cette accusation ? » Entre de tels scrupules et le battage publicitai
1829
me justifier aussi de cette accusation ? » Entre
de
tels scrupules et le battage publicitaire fait autour du rapport de K
1830
et le battage publicitaire fait autour du rapport
de
Kinsey, entre la Porte étroite et Notre-Dame des Fleurs ou Le Silence
1831
te étroite et Notre-Dame des Fleurs ou Le Silence
de
Bergman, ce qui s’est passé d’important se situe au niveau proprement
1832
eurs ou Le Silence de Bergman, ce qui s’est passé
d’
important se situe au niveau proprement culturel qui est celui de l’ét
1833
situe au niveau proprement culturel qui est celui
de
l’étude et de l’expression des réalités de la « chair », dans leurs a
1834
u proprement culturel qui est celui de l’étude et
de
l’expression des réalités de la « chair », dans leurs aspects physio-
1835
celui de l’étude et de l’expression des réalités
de
la « chair », dans leurs aspects physio-psychologiques. Mais cela s’e
1836
s’est produit dans un très grand désordre, créant
de
fortes inégalités d’information et par suite de jugement parmi les mo
1837
très grand désordre, créant de fortes inégalités
d’
information et par suite de jugement parmi les moralistes, eux-mêmes m
1838
s en question, et dans le public cultivé. Je suis
de
la première génération qui a découvert la psychanalyse à 20 ans, insc
1839
ait à s’orienter. Mais quatre-vingt-dix pour cent
de
nos plus de 60 ans confondent encore freudisme et pornographie. D’étr
1840
nter. Mais quatre-vingt-dix pour cent de nos plus
de
60 ans confondent encore freudisme et pornographie. D’étranges mépris
1841
ans confondent encore freudisme et pornographie.
D’
étranges méprises persistent chez des esprits formés par les catégorie
1842
morales du xixe . Ainsi le Sexe demeure synonyme
de
péché pour Mauriac, et d’amour pour Simone de Beauvoir, si j’en juge
1843
e Sexe demeure synonyme de péché pour Mauriac, et
d’
amour pour Simone de Beauvoir, si j’en juge par leurs derniers écrits.
1844
us jeunes, combien savent distinguer la sexualité
de
l’érotisme et la passion de l’amour vrai ? Cette turbulence de défis
1845
stinguer la sexualité de l’érotisme et la passion
de
l’amour vrai ? Cette turbulence de défis parfois sadiques, de préjugé
1846
et la passion de l’amour vrai ? Cette turbulence
de
défis parfois sadiques, de préjugés plus ou moins masochistes, de déc
1847
rai ? Cette turbulence de défis parfois sadiques,
de
préjugés plus ou moins masochistes, de découvertes excitantes et de p
1848
sadiques, de préjugés plus ou moins masochistes,
de
découvertes excitantes et de problématiques libérations appelle une m
1849
u moins masochistes, de découvertes excitantes et
de
problématiques libérations appelle une mise en ordre, et d’abord séma
1850
’écrivain peut commencer à parler quand il s’agit
d’
érotisme, il devient éloquent quand il s’agit de passion (tout le roma
1851
t d’érotisme, il devient éloquent quand il s’agit
de
passion (tout le romantisme de la Nouvelle Héloïse au milieu du xxe
1852
nt quand il s’agit de passion (tout le romantisme
de
la Nouvelle Héloïse au milieu du xxe siècle), et tout d’un coup il s
1853
uvelle Héloïse au milieu du xxe siècle), et tout
d’
un coup il s’aperçoit que l’amour seul poussait à dire, à chanter, à e
1854
sait à dire, à chanter, à exprimer, et permettait
de
communiquer, et cela des troubadours jusqu’aux surréalistes. La sexua
1855
sme est le plaisir pris pour fin, non comme moyen
de
l’acte procréateur. La passion est le désir infini, lié à un individu
1856
Et l’amour est la fin suprême, l’accomplissement
de
la personne totale. Ne pas refouler l’instinct Si quelque chose
1857
er l’instinct Si quelque chose se « déchaîne »
de
nos jours, ce ne peut donc pas être l’instinct, et ce n’est pas la pa
1858
’instinct, et ce n’est pas la passion, on le sait
de
reste. C’est l’érotisme, c’est-à-dire l’usage non biologique de la se
1859
t l’érotisme, c’est-à-dire l’usage non biologique
de
la sexualité au service du plaisir, des beaux-arts, et surtout de la
1860
au service du plaisir, des beaux-arts, et surtout
de
la littérature. Quelles sont les causes de ce phénomène ? En voici tr
1861
urtout de la littérature. Quelles sont les causes
de
ce phénomène ? En voici trois, prises à dessein dans des domaines abs
1862
lyse quand son succès devint public, au lendemain
de
la Première Guerre mondiale. Bien moins peut-être par le prétexte sci
1863
satisfaction — est un des mécanismes fondamentaux
de
toute culture, et que la culture occidentale en particulier doit beau
1864
leurs lois très subtiles, qui ne sont pas celles
de
la technique et de ses horaires, mais plutôt celles du rêve et de ses
1865
btiles, qui ne sont pas celles de la technique et
de
ses horaires, mais plutôt celles du rêve et de ses associations. Disa
1866
et de ses horaires, mais plutôt celles du rêve et
de
ses associations. Disant la menace de l’ère technologique imminente,
1867
du rêve et de ses associations. Disant la menace
de
l’ère technologique imminente, l’inconscient occidental fit déferler
1868
tal fit déferler dans les années 1920 « une vague
de
rêves », selon le titre de l’un des manifestes surréalistes. Freud, l
1869
nnées 1920 « une vague de rêves », selon le titre
de
l’un des manifestes surréalistes. Freud, lui aussi, était parti du rê
1870
aussi, était parti du rêve pour étudier les ruses
de
la libido. Et Jung élargissait au monde entier des cultures et des my
1871
e Fourier, qui fut le premier, je crois, à parler
d’
une « question sexuelle » durant le premier tiers du xixe . (Il avait
1872
emier tiers du xixe . (Il avait formé le projet «
d’
organiser les libertés amoureuses », et distingué cent-quatorze espèce
1873
amoureuses », et distingué cent-quatorze espèces
d’
adultères, dans sa Hiérarchie du cocuage.) 3. Enfin, la perspective d’
1874
Hiérarchie du cocuage.) 3. Enfin, la perspective
d’
une densité moyenne de trois hommes au mètre carré dans quelques siècl
1875
.) 3. Enfin, la perspective d’une densité moyenne
de
trois hommes au mètre carré dans quelques siècles, et en tout cas d’u
1876
mètre carré dans quelques siècles, et en tout cas
d’
un doublement de l’humanité (bouches à nourrir et bras à occuper) dès
1877
quelques siècles, et en tout cas d’un doublement
de
l’humanité (bouches à nourrir et bras à occuper) dès les environs de
1878
hes à nourrir et bras à occuper) dès les environs
de
l’an 2000, n’est pas sans déclencher des mécanismes psychophysiologiq
1879
ns déclencher des mécanismes psychophysiologiques
d’
autorégulation démographique. Question de vie ou de mort pour l’espèce
1880
logiques d’autorégulation démographique. Question
de
vie ou de mort pour l’espèce, s’il est vrai que trop de vies peuvent
1881
iques d’autorégulation démographique. Question de
vie
ou de mort pour l’espèce, s’il est vrai que trop de vies peuvent entr
1882
’autorégulation démographique. Question de vie ou
de
mort pour l’espèce, s’il est vrai que trop de vies peuvent entraîner
1883
ou de mort pour l’espèce, s’il est vrai que trop
de
vies peuvent entraîner sa mort. Les freins traditionnels ne fonctionn
1884
de mort pour l’espèce, s’il est vrai que trop de
vies
peuvent entraîner sa mort. Les freins traditionnels ne fonctionnent p
1885
famine et la guerre déjà neutralisées ou en voie
de
l’être, restent les disciplines contraceptives et certains phénomènes
1886
ves et certains phénomènes encore très mal connus
de
réduction spontanée d’une espèce, que certains biologistes américains
1887
nes encore très mal connus de réduction spontanée
d’
une espèce, que certains biologistes américains étudient notamment sur
1888
cains étudient notamment sur les rats, si proches
de
l’homme à tant d’égards. Or, tout cela joue au bénéfice de l’érotisme
1889
amment sur les rats, si proches de l’homme à tant
d’
égards. Or, tout cela joue au bénéfice de l’érotisme, auquel la sexual
1890
e à tant d’égards. Or, tout cela joue au bénéfice
de
l’érotisme, auquel la sexualité tend à se subordonner, comme la natur
1891
leur rôle physiologique. Mais voilà, l’importance
de
ce rôle va sans doute diminuer, pour les raisons que j’ai dites, et l
1892
uer, pour les raisons que j’ai dites, et le seuil
de
l’érotisme va s’abaisser d’autant. Je vois venir le temps du changeme
1893
ai dites, et le seuil de l’érotisme va s’abaisser
d’
autant. Je vois venir le temps du changement des problèmes. Où mes aîn
1894
e. Attaqué de toutes parts, bombardé sexuellement
de
visions, rythmes, littérature, photos, allusions ou contacts, le jeun
1895
re, photos, allusions ou contacts, le jeune homme
d’
aujourd’hui ne produit plus son type de femme dans son désir : il le r
1896
eune homme d’aujourd’hui ne produit plus son type
de
femme dans son désir : il le reçoit de la publicité et il subit un rê
1897
s son type de femme dans son désir : il le reçoit
de
la publicité et il subit un rêve qui n’est plus le sien. Va-t-il déco
1898
e sien. Va-t-il découvrir l’érotisme par le biais
d’
un problème sexuel très nouveau, né de la dégradation des obstacles so
1899
ar le biais d’un problème sexuel très nouveau, né
de
la dégradation des obstacles sociaux comme des interdits de la morale
1900
adation des obstacles sociaux comme des interdits
de
la morale ? Va-t-il sombrer dans l’apathie sexuelle, cédant à quelque
1901
er dans l’apathie sexuelle, cédant à quelque ruse
de
l’espèce, ou parce qu’il n’aura pu choisir entre ceux qui se figurent
1902
igurent encore que le péché originel est « l’acte
de
chair », ceux qui pensent avec un certain évêque bogomile qu’il n’y a
1903
avec un certain évêque bogomile qu’il n’y a « pas
de
péché au-dessous du nombril », ou ceux qui croient bonnement avec un
1904
ou ceux qui croient bonnement avec un chansonnier
de
mes amis « qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien » ? Ou encore —
1905
avec un chansonnier de mes amis « qu’il n’y a pas
de
mal à se faire du bien » ? Ou encore — hypothèse optimiste — allons-n
1906
entifique et hygiénique, où le problème numéro un
de
la jeunesse ne sera plus du tout la sexualité mais par exemple le cho
1907
us du tout la sexualité mais par exemple le choix
d’
une vocation, où ces tortures morales seront une bizarrerie du passé c
1908
s que je viens de décrire, la police n’a pas plus
de
prise que sur les marées. Elle peut nuire à la diffusion commerciale
1909
arées. Elle peut nuire à la diffusion commerciale
de
la pornographie. Ce dont elle interdit la vue aux moins de 18 ans dan
1910
nographie. Ce dont elle interdit la vue aux moins
de
18 ans dans la plupart de nos pays, et à tout le monde en France, les
1911
e en France, les Hindous l’ont sculpté au fronton
de
leurs temples, pour que nul n’en ignore s’il désire la sagesse. Mais
1912
ais la censure ne saurait empêcher l’instauration
d’
un vaste programme de recherches, dans lequel l’Amérique nous précède
1913
rait empêcher l’instauration d’un vaste programme
de
recherches, dans lequel l’Amérique nous précède depuis une trentaine
1914
quel l’Amérique nous précède depuis une trentaine
d’
années. Les aspects littéraires de l’érotisme sont à peu près les seul
1915
s une trentaine d’années. Les aspects littéraires
de
l’érotisme sont à peu près les seuls qui aient retenu l’attention du
1916
tre jour un psychiatre américain, une « théologie
de
l’érotisme ». Car l’érotisme dépend, en fin de compte, du religieux a
1917
ins autant que du sexuel. s. Rougemont Denis
de
, « Pour une nouvelle théologie », Arts, Paris, 5–11 mai 1965, p. 2.
1918
», Arts, Paris, 5–11 mai 1965, p. 2. t. Précédé
de
la note suivante : « Denis de Rougemont, dont on connaît les remarqua
1919
connaît les remarquables essais sur les problèmes
de
civilisations, a montré dans L’Amour et l’Occident comment le mythe
1920
tré dans L’Amour et l’Occident comment le mythe
de
l’amour s’est formé en Europe au Moyen Âge et a distingué dans Comme