1
le fusiller ou le décorer, avouant ainsi qu’elle
ne
sait plus quelle est sa juste place dans la cité. On lui a donné, au
2
. Mais jamais son langage d’artiste ou de penseur
n’
avait été plus éloigné du lieu commun, de ce que peuvent entendre et c
3
ique et paulinienne : « Soyez dans le monde comme
n’
étant pas du monde. » Et cette formule, me semble-t-il, fournit la clé
4
clé. Précisément parce que la place de l’écrivain
n’
est plus, n’est pas clairement marquée dans la cité, parce qu’il ne sa
5
ment parce que la place de l’écrivain n’est plus,
n’
est pas clairement marquée dans la cité, parce qu’il ne sait plus où s
6
pas clairement marquée dans la cité, parce qu’il
ne
sait plus où s’asseoir, parce qu’il n’est pas intégré sans question n
7
arce qu’il ne sait plus où s’asseoir, parce qu’il
n’
est pas intégré sans question ni contradiction dans la structure socia
8
é. Sa vraie fonction dans la cité serait ainsi de
n’
en point avoir de nécessaire, de n’être point totalement absorbé par l
9
erait ainsi de n’en point avoir de nécessaire, de
n’
être point totalement absorbé par le social, de rester par définition
10
un et de ses conditions pour tous. Au monde comme
n’
étant pas du monde, dans la cité, oui, mais comme un problème vivant,
11
anières de perdre la liberté : la première est de
ne
pas l’exercer en actes ; la seconde, d’en supprimer les conditions. L
12
retrait hors du monde où nous sommes vivants. Je
ne
crois pas à une « littérature engagée », selon l’expression qui train
13
ession qui traine partout : une telle littérature
n’
existe pas, n’a jamais existé, ou bien elle se confond avec la propaga
14
ine partout : une telle littérature n’existe pas,
n’
a jamais existé, ou bien elle se confond avec la propagande. Mais je c
15
gagement personnel de l’écrivain comme tel. Et il
n’
est pas question non plus de réduire la littérature au témoignage soci
16
t la seule existence modifie quelque chose, un je
ne
sais quoi dans l’atmosphère qui peut se révéler décisif pour beaucoup
17
lamer d’une de ces voix mornes et droguées, qu’on
ne
reconnaît plus pour la sienne, la louange de leur police d’État. Cont
18
toute couleur des certitudes de propagande, ou je
ne
sais quelle mystique qui serait, au mieux, un peu plus virulente que
19
otidiennes. La question « Que faire de ma vie ? »
ne
sera plus réprimée par cette réponse, plusieurs fois millénaire : « L
20
s bien l’aspect théorique de ces calculs ; qu’ils
ne
s’appliquent vraiment qu’au type occidental de vie ; qu’ils supposent
21
echnique les libère subitement à ce degré-là ? Je
n’
en sais rien. Savait-on beaucoup mieux, aux environs de 1830, ce qu’al
22
les refouler parce qu’ils donnent le vertige. Je
n’
entends pas peindre ici quelque utopie qui pourrait amuser nos descend
23
ite de facteurs matériels que j’aurais oubliés ou
ne
saurais prévoir, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce n’est pas l
24
prévoir, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce
n’
est pas l’invention de la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu
25
ité relative de cette invasion de la culture, nul
ne
saurait en préjuger : je dis seulement que tout y mène pour le meille
26
nique nous ramène à la religion Car la culture
n’
est, en fin de compte, qu’un prisme diffracteur du sentiment religieux
27
us ramènera demain aux options religieuses. Et je
n’
imagine pas de drogue assez puissante pour en détourner le genre humai
28
des hérésies et gnoses qui vont paraître : elles
ne
feraient autrement que répéter de l’ancien qui n’a pas disparu sans r
29
ne feraient autrement que répéter de l’ancien qui
n’
a pas disparu sans raison, ou ressusciter des doctrines dont le style
30
s dont le style créateur a fait son temps5. Et je
ne
dis pas qu’elles s’en priveront. Mais je vois aussi que la culture ré
31
de ce genre de réalités certaines curiosités qui
ne
s’arrêteront pas là. La télévision, la radio, apportant le monde à do
32
sait, d’autre part, que la passion pour l’occulte
ne
cesse de grandir dans nos villes, occupant rapidement le vide de l’âm
33
s’imaginent l’homme comme une sorte de ballon qui
ne
demande qu’à « s’élever » dès qu’il est délivré des soucis quotidiens
34
st délivré des soucis quotidiens. La preuve qu’il
n’
en est rien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans les pir
35
ns les pires conditions matérielles. La technique
ne
peut rien faire pour l’Esprit, ni le défaut de « confort » n’a rien p
36
faire pour l’Esprit, ni le défaut de « confort »
n’
a rien pu contre lui. Je dis seulement qu’elle va nous jeter dans une
37
stions religieuses deviendront plus sérieuses que
ne
le sont aujourd’hui les questions matérielles, les « lois » économiqu
38
rel (qu’il soit appelé loisir ou travail). 3. Je
ne
parle pas ici de la télévision, qui nous apporte des pays lointains,
39
Le mépris affiché pour les questions religieuses
n’
aura été qu’un phénomène transitoire de notre civilisation occidentale
40
mondial jusqu’à la dernière guerre. André Breton
n’
a pas cessé de chercher une vision religieuse du monde et de la vie, b
41
littérature occidentale s’est amorcé dès 1919, et
n’
a pas cessé de s’amplifier. 5. Nos sectes orientalistes me font parfo
42
l’Afrique et l’Asie, la civilisation occidentale
n’
a pas encore de successeur (21 septembre 1960)d e La civilisation n
43
frons d’une espèce d’inquiétude essentielle. Nous
ne
cessons de parler du « désarroi de l’époque ». Nous avons l’impressio
44
lleurs esprits déplorent depuis des siècles ? Ils
ne
peuvent être accidentels. Je pense même qu’ils remontent aux sources
45
chrétien. Il peut lire dans les Écritures « qu’il
n’
y a pas un juste, pas même un seul » et que pourtant il devrait être s
46
iental pose la question de savoir si l’Occidental
ne
préférerait pas la recherche à la pleine possession de la vérité. On
47
berté. Liberté pour tous, il va de soi, mais cela
n’
a de sens concret que pour chacun. L’unité de mesure, ou mieux : l’org
48
’on tente d’en mesurer les effets historiques. Il
n’
en serait pas moins vain d’imaginer qu’on puisse l’éliminer ou l’oubli
49
rmant, ait « infecté » le monde entier : le monde
ne
s’en guérira plus. À supposer qu’il la refoule un jour, elle renaîtra
50
irrésistiblement du sentiment de l’Histoire qu’on
ne
peut plus effacer, du mouvement de la science qu’on ne peut pas achev
51
ut plus effacer, du mouvement de la science qu’on
ne
peut pas achever et, enfin, de la Technique, dont l’Asie et l’Afrique
52
enfin, de la Technique, dont l’Asie et l’Afrique
ne
paraissent nullement disposées à refuser les dons ambigus. Mais l’Eur
53
sont bel et bien nées en Europe, encore qu’elles
n’
aient vraiment déployé leurs effets que dans les grands espaces humain
54
comme extraites de leur contexte original, elles
n’
étaient plus mises en échec par trop de coutumes anciennes ou de limit
55
encore le sens d’un équilibre intime : si ce sens
n’
était pas blessé, rien ne réagirait ; s’il est blessé et réagit, c’est
56
ibre intime : si ce sens n’était pas blessé, rien
ne
réagirait ; s’il est blessé et réagit, c’est qu’il existe. J’essaiera
57
en définir la nature et les exigences. L’Occident
n’
est pas né comme on nous dit que naissent les grandes cultures et civi
58
semble ou d’un appel monté du monde antique : nul
ne
peut démontrer qu’il soit venu « à son heure ». Il porte à l’origine
59
mates du réel, et non pas les signes du mythe. Il
n’
est pas vraisemblable ; il est vrai. On ne l’attendait pas, il est là.
60
the. Il n’est pas vraisemblable ; il est vrai. On
ne
l’attendait pas, il est là. Ainsi naît l’Occident : comme un drame, d
61
basée sur le rite, et dans le monde magique elle
n’
est que rite. Seule la croyance moderne aux « lois de la science » et
62
iscutablement sa transgression. La faute commise
ne
peut relever ni de l’opinion, ni d’un jury. Elle est plutôt comme une
63
e montage ou d’aiguillage, c’est-à-dire qu’elle «
ne
pardonne pas » : elle suspend le cours normal de la vie, elle exclut
64
e du Rite à l’Amour. « Tout est permis, mais tout
n’
édifie pas », « Rien n’est impur en soi », mais « Tout est pur aux pur
65
Tout est permis, mais tout n’édifie pas », « Rien
n’
est impur en soi », mais « Tout est pur aux purs ». Semblablement, sai
66
les impliquent, en effet, que la valeur d’un acte
ne
peut être jugée par sa conformité avec les règles du sacré ou du soci
67
l’amour, s’il édifie. Pourtant la voie chrétienne
n’
est pas tout l’Occident. Elle prend son point de départ dans le choc d
68
cidentale de l’homme ». Certes la voie chrétienne
n’
y est pas seule active, mais elle fut décisive et reste axiale : c’est
69
gile et menacé, mortel et ignorant, il sait qu’il
n’
est pas dieu, ne rêve pas de le devenir, mais se sent d’autant plus dé
70
mortel et ignorant, il sait qu’il n’est pas dieu,
ne
rêve pas de le devenir, mais se sent d’autant plus décidé à tirer le
71
ui sont en supposant qu’elles sont, de celles qui
ne
sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge de tout, on le voi
72
, de celles qui ne sont pas en supposant qu’elles
ne
sont pas ». Juge de tout, on le voit, même des dieux. D’où le sens de
73
, même des dieux. D’où le sens de sa dignité, qui
ne
tient à rien qu’à lui-même, au seul fait qu’il existe, distinct. D’où
74
se résume dans le terme viril de citoyen. L’homme
ne
tient plus sa dignité unique de quelque essence indestructible, mais
75
sein de cette société dont les structures rigides
n’
encadrent plus qu’une anarchie latente, parce que ces disciplines ne s
76
u’une anarchie latente, parce que ces disciplines
ne
sont pas celles de l’âme, que naît et se répand le christianisme. Ap
77
yable » de la vérité. Car la vérité, pour la foi,
ne
peut être que celle de Dieu, même quand elle semble nuire au groupe,
78
des quelques derniers siècles, quelque chose qui
n’
a pas de précédent ? » Alexandre n’avait conquis qu’un quart des conti
79
lque chose qui n’a pas de précédent ? » Alexandre
n’
avait conquis qu’un quart des continents alors connus. S’il a cru que
80
tait le monde, il s’est trompé. Mais cette erreur
ne
peut être la nôtre. Qu’a fait l’Europe du xve siècle jusqu’à nos jou
81
Diadoques et les Khans mongols), mais encore elle
n’
a pas cessé de maintenir sur toutes les civilisations différentes de l
82
ériorité intellectuelle et technique que personne
ne
lui contestait. Si, aujourd’hui, les peuples affectés par ses méthode
83
décisive de leur succès. Les Grecs et les Romains
ne
disposaient pas d’une marge de supériorité incontestable sur les Hind
84
égrer l’autre (mais au prix de sacrifices dont il
n’
est pas du tout certain qu’ils seraient féconds), ou bien il faut cher
85
résent de l’Aventure occidentale, on dirait qu’il
n’
est plus qu’un seul des rêves constants de l’humanité qui ne soit pas
86
qu’un seul des rêves constants de l’humanité qui
ne
soit pas théoriquement réalisable : connaître l’au-delà de la mort. M
87
la terre, même lorsqu’ils enseignaient que la vie
n’
est qu’illusion. Mais aucun ne devint immortel. Nous cherchons plutôt
88
ignaient que la vie n’est qu’illusion. Mais aucun
ne
devint immortel. Nous cherchons plutôt les moyens de gagner du temps,
89
entales préparent au loisir et le supposent, mais
n’
ont pu le procurer au grand nombre. Au moment même où l’Occident serai
90
duit dans un « champ » au sein duquel agissent on
ne
sait quels archétypes formateurs… Le monde phénoménal n’est plus qu’u
91
quels archétypes formateurs… Le monde phénoménal
n’
est plus qu’une apparence flottant sur l’océan sans rivages et sans fo
92
s derrière ce voile, qu’y a-t-il ? Cette question
n’
a pas de sens, nous dit-on. Dans l’univers d’Einstein (illimité-fini)
93
vous verrez bientôt que la question d’un au-delà
ne
se pose plus. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaître et de Ga
94
qui reviendra peut-être à son point initial, vous
n’
irez pas plus loin ni plus longtemps que la plus extrême galaxie. Mais
95
out cela se meut-il ? Il est vrai que la question
n’
a pas de sens : rien « au monde » ne peut y répondre ; mais aussi, ell
96
e la question n’a pas de sens : rien « au monde »
ne
peut y répondre ; mais aussi, elle dépasse le monde : rien en lui ne
97
; mais aussi, elle dépasse le monde : rien en lui
ne
peut m’empêcher, ni moi-même, de me la poser. C’est ainsi que notre e
98
le à l’anéantissement par une force étrangère. Je
n’
ai pas eu d’autre intention que de mieux définir la question, en cela
99
de la trouver lui-même, dès lors qu’il sait qu’il
n’
en est point de vraiment générale et transposable — il quitterait en e
100
l’Afrique et l’Asie, la civilisation occidentale
n’
a pas encore de successeur », Arts, Paris, 21 septembre 1960, p. 1 et
101
me est sérieux, complexe et encombrant. Mais cela
n’
est vrai qu’en Occident, car on n’observe rien de tel en Inde, en Chin
102
rant. Mais cela n’est vrai qu’en Occident, car on
n’
observe rien de tel en Inde, en Chine ou en Afrique. Comment nous expl
103
s grande des trois, c’est l’Amour ». Et celui qui
n’
a pas l’Amour « n’est qu’une cymbale qui retentit ». 2. Parce qu’il es
104
, c’est l’Amour ». Et celui qui n’a pas l’Amour «
n’
est qu’une cymbale qui retentit ». 2. Parce qu’il est religion de l’Am
105
mour total (amour de Dieu, de Soi et du Prochain)
n’
a pas de livre sacré sur l’Amour. Dans cet ensemble infiniment varié d
106
s par des moines et à l’usage des confesseurs, on
ne
voit pas un seul équivalent chrétien — existant ou imaginable — du «
107
ce et peut conduire à des révélations. « La chair
ne
sert de rien » (quant au salut) déclare saint Paul. Et l’on eut bien
108
ale ou sacrée comme dans les autres religions. Il
n’
en est que plus frappant d’observer à quel point les motivations spiri
109
. Tantôt, et plus souvent, il réduit le mariage à
n’
être qu’une concession à la nature, une discipline contre l’incontinen
110
inence : « Je pense qu’il est bon pour l’homme de
ne
point toucher sa femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que chac
111
ait son mari… Je dis cela par condescendance, je
n’
en fais pas un ordre. Car il vaut mieux se marier que de brûler. » Il
112
. Car il vaut mieux se marier que de brûler. » Il
n’
en reste pas moins qu’aux yeux de l’Apôtre, la chasteté et le célibat
113
uiraient seuls à la vie spirituelle : « Celui qui
n’
est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur
114
ché et de la grâce, et valorisé à l’extrême. Ceci
ne
pouvait se produire — et ne s’est pas produit — en dehors de la sphèr
115
isé à l’extrême. Ceci ne pouvait se produire — et
ne
s’est pas produit — en dehors de la sphère d’influence du christianis
116
uan (l’une au-delà et l’autre en deçà du mariage)
ne
devait développer toutes ses complexités que dans une Europe travaill
117
et longtemps confondue avec « la chrétienté ». On
ne
saurait donc interpréter ce phénomène — dans son évolution au cours d
118
l au désir sexuel. Ce phénomène mille fois décrit
n’
en demeure pas moins stupéfiant par sa soudaineté et son ampleur. Il e
119
aux prises et peut entrer en polémique intime. Ce
n’
est pas l’immoralité plus ou moins grave de ce siècle qui la concerne,
120
e sens réel du phénomène que j’ai rappelé, et qui
n’
est guère en soi que l’écume d’une vague profonde surgie de l’âme coll
121
e victorienne, qu’après tout la jeunesse actuelle
n’
a pas connue dans sa vigueur, et dont elle n’a guère pu souffrir. Il e
122
elle n’a pas connue dans sa vigueur, et dont elle
n’
a guère pu souffrir. Il est vrai qu’une révolution n’éclate jamais qu’
123
guère pu souffrir. Il est vrai qu’une révolution
n’
éclate jamais qu’après la mort des vrais tyrans, contre leurs héritier
124
re leurs héritiers débiles et qui assurent que ce
n’
est pas de leur faute. Mais de quoi la morale victorienne est-elle mor
125
ilitaire et laborieuse, dont la plus haute valeur
n’
est pas l’union mystique mais la sobriété spirituelle, elle a voulu fe
126
ait certains troubles par cela justement dont nul
n’
osait parler. Brochant sur la mauvaise conscience d’une bourgeoise qui
127
t sur la mauvaise conscience d’une bourgeoise qui
n’
avait plus le courage de ses partis pris, la vulgarisation de la psych
128
usage des disciplines éducatives élémentaires. Ce
n’
est plus la licence qui est l’ennemi mais le refoulement générateur de
129
ée « se déchaîne » ? Bien sûr que non. L’instinct
ne
dépend pas des modes ni la nature de la culture — du moins pas si dir
130
r à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce
n’
est donc pas le sexe, mais l’érotisme, ni la sensualité, mais son aveu
131
Rimbaud. Cette espèce-là de révolution psychique
n’
a qu’un précédent dans l’histoire de la culture occidentale : il se si
132
iie siècle. Depuis la fin de l’Empire romain, on
n’
avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traités de mystiques originau
133
emblait réduite à l’obscure animalité. Le mariage
ne
posait que des problèmes d’héritages et de consanguinités souvent inv
134
ale et spirituelle devait prendre des siècles, et
n’
est pas terminé. Car la révolution que nous sommes en train de vivre r
135
opagée. L’imprimé bon marché, le film et la radio
ne
laissent plus de délais ni d’angles morts. Les effets atteignent nos
136
Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durrel, pour
ne
citer que très peu de noms des plus connus ; sans oublier la fameuse
137
es fous à la fois ridicules et dangereux. Mais je
n’
oublie pas que sans la discipline sexuelle que les tendances dites pur
138
nt su nous imposer dès les débuts de l’Europe, il
n’
y aurait rien de plus dans notre civilisation que dans celles des nati
139
on dit sous-développées, et sans doute moins : il
n’
y aurait pas le travail, l’effort organisé, ni la technique, qui ont f
140
ni la technique, qui ont fait le monde actuel. Il
n’
y aurait pas non plus le problème de l’érotisme ! Les auteurs érotique
141
réalités psychologiques que la morale bourgeoise
ne
voulait en connaître, et que le puritanisme n’en tolère. Or, ces réal
142
se ne voulait en connaître, et que le puritanisme
n’
en tolère. Or, ces réalités, quoi qu’on en juge, sont au moins aussi q
143
reconnues, elles nous posent des problèmes qu’on
ne
résoudra plus en les niant. Les découvertes de l’analyse des profonde
144
térature érotique réagit à des phénomènes qu’elle
n’
a pas provoqués, qui la dépassent, mais dont elle tente de formuler et
145
itable résultant d’une évolution aussi rapide, on
ne
pourra sortir qu’en avant, et non point par des retours aux disciplin
146
vide, nous marchions sur du vide et vers le vide,
n’
étant nous même que furtifs agrégats d’infimes tourbillons statistique
147
la souple résistance de la chair, et le désir qui
ne
s’arrêtera plus dans sa lancée vers un au-delà de plénitude, vers le
148
ôme. Car cette nature qui nous paraît miraculeuse
n’
est encore qu’un mirage reflété sur le Vide, si elle n’est pas une par
149
encore qu’un mirage reflété sur le Vide, si elle
n’
est pas une parabole de l’éternel. Ces formes demeurent allusives, ces
150
? Qu’avait-il vu ? Quel autre monde ? Et pourquoi
n’
y en aurait-il qu’un ? Il y a le monde du Vide, l’autre monde de la sc
151
t tout autour de nous, ici et maintenant, et nous
ne
le voyons pas, quoique étant assurés de sa présence instante. Il n’es
152
quoique étant assurés de sa présence instante. Il
n’
est pas nous. Mais il y a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’est
153
Mais il y a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui
n’
est pas de ce monde », et qui pourtant est « au-dedans de nous », car
154
(les anges) peuvent habiter sous son ombre. » Il
n’
est pas dans l’espace et le temps, qui étendent le Vide aux dimensions
155
étendent le Vide aux dimensions de l’univers ; il
n’
est pas loin d’ici ou d’à présent, du monde des formes, qui est la Nat
156
pose le Vide : Pourquoi pas rien ? — si la pensée
ne
trouve pas de réponse, elle se rend au vide et s’annule. Ce qui peut
157
ous. L’amour seul explique tout, et l’être-en-soi
n’
est qu’un mot désignant l’inconcevable : ce qui serait sans l’amour, «
158
ur seul peut donc dire : je suis. Sans l’amour il
n’
y aurait pas même le vide. L’amour a créé le vide en déployant l’attra
159
signe ou sens manifeste l’amour ; et rien d’autre
n’
importe en vérité ; rien d’autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter
160
autre n’importe en vérité ; rien d’autre au monde
ne
m’appelle. J’ai pu douter de l’être et du devenir, et de toutes nos i
161
devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je
n’
ai jamais douté de l’amour même. J’ai pu douter jusqu’au vertige de pr
162
uccessivement démontrées par nos sciences ; et je
ne
cesse de douter de notre image du monde, du vide et des distances inc
163
ccourcis, et qu’on trouvera !) Mais je crois bien
n’
avoir jamais douté de tout cela, qu’en vertu et au nom de l’Amour. Il
164
u nom de l’Amour. Il est la grâce indubitable. Je
n’
ai pas d’autre foi certaine, d’autre espérance, et je ne vois pas de s
165
as d’autre foi certaine, d’autre espérance, et je
ne
vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres raisons de douter, je veux
166
l’axe d’efficacité majeure, est la prière. Prier
n’
est pas demander mais s’orienter, de manière à recevoir et à réaliser.
167
is devine aussitôt dans l’autre, la personne. Nul
ne
peut distinguer le bien d’autrui s’il n’a su distinguer d’abord son p
168
nne. Nul ne peut distinguer le bien d’autrui s’il
n’
a su distinguer d’abord son propre bien. Qui s’aime mal, comme l’égoïs
169
son propre bien. Qui s’aime mal, comme l’égoïste,
ne
peut que mal aimer les autres et penser que « l’enfer c’est les autre
170
able et se voudrait (inconsciemment) anéanti. Nul
ne
voit la personne chez autrui s’il ne l’a vu d’abord en soi : or, aime
171
anéanti. Nul ne voit la personne chez autrui s’il
ne
l’a vu d’abord en soi : or, aimer c’est vouloir que la personne uniqu
172
it physique, je crois que l’amour émotif animique
n’
apparaît pas sans que l’ait éveillé un regard de l’intuition. Les très
173
ct, à l’âme et à l’imaginaire et qu’en tant qu’il
ne
serait qu’un instinct animal, il n’aurait rien à voir avec l’amour. L
174
en tant qu’il ne serait qu’un instinct animal, il
n’
aurait rien à voir avec l’amour. Les animaux ne font pas l’amour, mais
175
il n’aurait rien à voir avec l’amour. Les animaux
ne
font pas l’amour, mais subissent la sexualité quand vient son temps.
176
instinct, elle s’ordonne à des fins nouvelles qui
ne
sont plus celles de l’espèce mais de la personne, la sexualité mérite
177
ndant. Il demeure dans les sphères périssables et
ne
peut en sortir quand il veut. (Chandogya upanishad, 7, 25.) Pensez-v
178
emble de ses facultés.) La sexualité en elle-même
ne
me paraît pas indifférente pour l’esprit. Mais elle n’est ni mauvaise
179
paraît pas indifférente pour l’esprit. Mais elle
n’
est ni mauvaise ni bonne : en tant que fonction, je la verrais moralem
180
L’Énergie cosmique, dernière forme de l’amour
n’
est atteinte que par la pensée, mais à travers le monde des sensations
181
s à jouer, au moins de vue, mais presque personne
ne
prend la peine ou le plaisir d’en déchiffrer l’idéogramme. C’est trop
182
sérieux pour les joueurs, et pour les sérieux ce
n’
est qu’un jeu. Pourtant, si l’on regarde un moment, mais sans jouer, l
183
, les « couleurs » du jeu de cartes ordinaire, on
ne
tardera à découvrir qu’elles correspondent trait pour trait aux quatr
184
er (et si l’on remonte aux tarots, on verra qu’il
ne
s’agit pas d’un hasard ou d’une fantaisie, comme l’ont montré les bel
185
n de l’amour : un roi de pique dira que « l’Amour
n’
est pas un sentiment, mais la situation totale de celui qui aime, orie
186
auvais sens, est celui qui est coupé de l’âme, ou
ne
sait qu’en faire et la nie). Conception de l’amour : l’équilibre exi
187
Je viens de passer deux mois aux États-Unis. On
n’
y parle que du miracle européen. Journaux, hebdos, revues, gros livres
188
tous « enchaînés, humiliés, malades de peur ». Ce
n’
est pas un expert, esclave des faits, qui nous dit cela, mais un éloqu
189
oquent moraliste, Jean-Paul Sartre ; et sa fureur
ne
jaillit pas d’un quelconque examen des évidences, mais de la lecture
190
e l’homme », et nous serons ainsi du bon côté. Je
n’
invente pas : je cite et je condense cette dialectique humanitaire qui
191
tous passer dans le camp de ses ennemis. Ceux-ci
n’
auront qu’à nous assassiner « pour devenir hommes », on le précise à l
192
ommes », on le précise à la page 17. Au pire, ils
n’
auront plus personne sur qui tirer. D’où fin des guerres. Ce nouveau p
193
Ce ton est neuf. » Moi, ce qui m’impressionne, ce
n’
est pas le ton, guère plus neuf que la propagande communiste depuis un
194
: tout y est faux. La colonisation par les Blancs
n’
a pas duré « des siècles » en Afrique, mais environ, et en moyenne, qu
195
es neuf dixièmes du continent. Cette colonisation
n’
a pas été faite au nom d’une « prétendue aventure spirituelle » — null
196
ais pour d’autres raisons plus grossières, et qui
ne
sont pas toutes honteuses pour nous. La première et la plus important
197
tant tout simplement un état de fait que l’Europe
n’
avait pas créé, et qui, loin de résulter de la colonisation, comme M.
198
e chez les cannibales ? Vous voulez rire, et vous
n’
y arrivez pas. M. Fanon, et J.-P. Sartre derrière lui, ont grand tort
199
ces humains. Il a une armée de femmes. Le Dahomey
n’
a pas 1 million d’habitants, dont 20 000 à peine sont libres. La Franc
200
tre et Fanon le soin de démontrer que cet exemple
n’
infirme en rien leurs thèses, ou ne compte pas. Je leur laisse à démon
201
ue cet exemple n’infirme en rien leurs thèses, ou
ne
compte pas. Je leur laisse à démontrer dialectiquement que le royaume
202
ement que le royaume de Ghana et l’empire du Mali
n’
ont pas été détruits par les Arabes almoravides puis par les sultans m
203
ltans marocains, mais par les Européens, lesquels
n’
ont occupé, plusieurs siècles plus tard et pendant soixante-dix ans, q
204
onformément à leur thèse préférée qui, autrement,
ne
vaut plus grand-chose. Ils n’en feront rien, car la passion ne s’emba
205
rée qui, autrement, ne vaut plus grand-chose. Ils
n’
en feront rien, car la passion ne s’embarrasse pas de faits et leur pa
206
grand-chose. Ils n’en feront rien, car la passion
ne
s’embarrasse pas de faits et leur passion veut la mort du pécheur, qu
207
tion du tiers-monde », écrit Fanon. Ses richesses
ne
proviendraient que de ses vols, c’est-à-dire de son exploitation du s
208
pour y croire : p. 23). D’ailleurs, « l’Européen
n’
a pu se faire homme qu’en fabriquant des esclaves » (eh quoi ! n’était
209
homme qu’en fabriquant des esclaves » (eh quoi !
n’
était-il pas humain avant le xvie siècle ?) En quittant le tiers-mond
210
t que, de leur union naissante — le Marché commun
n’
a que deux ans — a résulté presque aussitôt une prospérité stupéfiante
211
que aussitôt une prospérité stupéfiante. L’Europe
n’
est pas « finie », n’en déplaise à nos furieux, mais elle commence à p
212
périté stupéfiante. L’Europe n’est pas « finie »,
n’
en déplaise à nos furieux, mais elle commence à peine et grandit puiss
213
s hargnes provinciales. Quand il écrit Europe, il
ne
pense que France, et quand il pense France, il ne voit que le drame a
214
ne pense que France, et quand il pense France, il
ne
voit que le drame algérien. « Quittons notre province, je veux dire n
215
e notre nation », voudrait-on lui répéter ; et ce
n’
est pas ma faute si cette phrase est de Michel Debré dans son Projet d
216
ec sa diatribe contre un régime que plus personne
ne
défend, pas même les Russes, qui le pratiquent encore. Sa préface ne
217
les Russes, qui le pratiquent encore. Sa préface
ne
représente, en fait, qu’un appendice pour le moins superflu à la long
218
— en garde contre notre expansion inévitable. Ils
n’
ont sauvé de la sorte que nos principes, compromis ou trahis par nos p
219
colonialiste a pris fin, pour des raisons qu’ils
ne
pouvaient prévoir. Pourquoi crier encore, sinon pour le plaisir de se
220
-monde, devant la crise morale de l’URSS, l’heure
n’
est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au
221
ers-monde et pour l’Europe qui doit l’aider. Nous
n’
avons pas le droit de frustrer la jeunesse soviétique, et les autres,
222
ous devons offrir au monde et à nos fils, non, ce
n’
est pas notre mauvaise conscience, notre rage autopunitive ou l’allian
223
pagée sans prudence ni plan d’ensemble, dont elle
n’
est plus propriétaire, mais dont elle garde encore certains secrets vi
224
ont elle garde encore certains secrets vitaux. Je
n’
aurai pas trop de quatre leçons pour établir cette thèse centrale, cet
225
’Europe a découvert la terre entière, et personne
n’
est jamais venu la découvrir. 2. L’Europe a dominé sur tous les contin
226
dominé sur tous les continents successivement, et
n’
a jamais été dominée jusqu’ici par une seule puissance d’outre-mer. 3.
227
ntier est en train d’imiter, tandis que l’inverse
ne
s’est jamais produit. Le phénomène unique au monde que dénotent ces c
228
précédent et sans parallèle dans l’histoire, nous
n’
arriverons jamais à le comprendre dans son mouvement, sa signification
229
re sol, l’histoire mondiale qui sera la nôtre. On
ne
peut y lire un destin. Chaque géographe en tire d’ailleurs ce qu’il l
230
Paris en 1816, reconnaît que l’Europe historique
n’
est pas née de sa géographie. Je me plais à citer sa description de l’
231
nent, d’un appendice occidental de l’Asie », mais
n’
en serait pas moins « la partie précieuse de l’univers terrestre, la p
232
ant des mains de la nature, notre partie du monde
n’
avait reçu aucun titre à cette glorieuse prééminence qui la distingue
233
possède le moins de richesses territoriales… nous
ne
sommes riches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’espri
234
r de l’esprit humain : cette région que la nature
n’
avait ornée que de forêts immenses s’est peuplée de nations puissantes
235
n des deux mondes ; cette étroite presqu’île, qui
ne
figure sur le globe que comme un appendice de l’Asie, devenue la métr
236
bien moins peuplée que la Chine et que l’Inde, et
ne
subissait aucune pression démographique, même dans ses pays les plus
237
ions. Le grand essor démographique de nos nations
ne
date que du xixe siècle. Comment se fait-il alors que l’Inde, autre
238
en plus riche en hommes et en matières premières,
n’
offre guère aux yeux de l’historien qu’une décadence millénaire, dans
239
qui en sont encore près du quart aujourd’hui (ils
n’
en seront sans doute plus que moins du cinquième en l’an 2000, selon l
240
donc le contraire de ce que l’Occident craint !),
n’
aient guère participé à l’histoire du monde que par leur faculté de se
241
s ou Mongols ? Les causes physiques et naturelles
ne
pouvant rendre compte des destins de l’Europe, faudra-t-il leur cherc
242
a contrastent même avec l’Asie, mais cette Europe
ne
connaît pas encore le christianisme. L’expansion missionnaire des chr
243
la prétention universelle du christianisme, et ce
n’
est pas définir l’Europe, puisque ce serait la définir par une vérité
244
rait la définir par une vérité éternelle, qu’elle
n’
a pas mérité d’incarner, sur laquelle elle n’a pas de copyright… Reste
245
elle n’a pas mérité d’incarner, sur laquelle elle
n’
a pas de copyright… Reste le fait que le christianisme a très puissamm
246
onnées ont agi, chacune à sa manière, mais aucune
n’
apparaît suffisante pour rendre compte du phénomène global que l’histo
247
e phénomène tel qu’il apparaît dans les faits. Ce
n’
est pas le déroulement logique d’une série de causes naturelles produi
248
es produisant des effets où elles s’épuisent : ce
n’
est pas le déroulement d’un plan, dont nul ne voit qui l’aurait calcul
249
: ce n’est pas le déroulement d’un plan, dont nul
ne
voit qui l’aurait calculé et imposé. Et ce n’est pas l’incarnation de
250
nul ne voit qui l’aurait calculé et imposé. Et ce
n’
est pas l’incarnation de quelque idée platonicienne, ni la démonstrati
251
couvert qu’un phénomène, individuel ou collectif,
ne
pouvait être bien saisi que dans son mouvement créateur, dans son arc
252
nts du bois et du rocher » (comme dit Vigny) dont
ne
nous restent plus que les peintures rupestres de Lascaux et d’Altamir
253
nder à l’oracle de Delphes : Où est Europe ? « Tu
ne
la trouveras pas, répondit la Pythie. Suis plutôt une vache et pousse
254
et par les Arabes au sud-ouest. Christophe Colomb
n’
est pas parti pour trouver l’Amérique, car il n’y croyait pas et ne po
255
b n’est pas parti pour trouver l’Amérique, car il
n’
y croyait pas et ne pouvait donc la chercher. Il est parti pour trouve
256
our trouver l’Amérique, car il n’y croyait pas et
ne
pouvait donc la chercher. Il est parti pour trouver l’Inde fabuleuse,
257
e rapide vers le sol. Mais ce retour du satellite
n’
est pas un échec ! D’innombrables connaissances ont été récoltées en r
258
ique, et pas plus grande, notons-le bien, qu’elle
ne
le fut au Moyen Âge. Elle reste le cœur d’un Occident né de ses œuvre
259
ournant l’islam et financer la dernière croisade,
ne
furent pas résolus par son expédition. Il trouva d’autres terres, d’a
260
tes contemporains — avec leur homme synthétique —
ne
font en somme pas autre chose que Colomb et qu’Ulysse avant lui : ils
261
aphes. L’autre moitié du globe, ainsi déterminée,
ne
contient donc que 6 % des habitants et 2 % de la production du monde,
262
% des habitants et 2 % de la production du monde,
n’
étant guère occupée que par les océans, le continent antarctique, la P
263
e du point de vue correspondant aux antipodes, on
ne
verrait que de l’eau et des déserts, et seulement sur les bords, des
264
l’œuvre humaine. Voici donc un fait mesurable qui
ne
dépend ni de notre orgueil ni de notre humilité d’Européens, un fait
265
sément traversables. En proportion de sa surface,
n’
oublions pas que l’Europe a les plus longues côtes (7 000 km de plus q
266
lement le plus égal : c’est le seul continent qui
n’
ait point de déserts. Plaines conquises sur la mer, fleuves aux méandr
267
ntrées. Anciens villages et villes d’Europe, vous
n’
en trouverez pas deux dont les plans soient superposables. S’ils se re
268
e long des routes frayées par les pionniers : ils
ne
sont guère enracinés, ils sont en marche. Ces maisons boisées, espacé
269
— dont il serait toujours facile de dire qu’elles
n’
ont guère été mises en pratique et qu’il s’agit d’une Europe idéale, q
270
morphologie. La tentative est assez nouvelle, et
ne
nous dissimulons pas ses risques, mais il se peut qu’elle donne quelq
271
de la place communale. Nos villes et nos villages
ne
sont pas nés autour de places préalablement dessinées, mais bien plut
272
dement de notre civilisation. On sent bien que ce
ne
sont pas des masses informes, ni des masses militarisées — la populac
273
s ces espaces mesurés par l’usage. Les dictatures
ne
font que de la géométrie, alignent des façades bureaucratiques autour
274
ne, puis sur la place des communes médiévales. Il
n’
est pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la
275
pas de démocratie, au sens européen du terme, qui
ne
repose sur la libre discussion, sur le libre jeu des partis, et sur l
276
enfin sortie des cabinets d’études et de l’école.
N’
oublions donc pas, sur la place, la présence du kiosque à journaux, po
277
se passe-t-il dans cette église, et que l’Orient
n’
a jamais connu ? Le prêtre parle, entonne, et le peuple répond, et le
278
cation. (L’Orient et les cultures traditionnelles
n’
ont guère connu jusqu’à nos jours d’autre forme d’éducation qu’initiat
279
histoire plus intense, violente et polémique que
n’
en relatent les chroniques d’aucune autre région du monde. Quand les a
280
r une institution, ou assurée par une méthode qui
ne
supprime pas la tension mais la maîtrise, évitant à la fois le lugubr
281
Dans la mesure où cet immense complexe de tension
n’
est pas trop déprimé ou dévasté par les guerres, les dictatures et les
282
courts-circuits ; dans la mesure ou se développe,
ne
fût-ce qu’une part du potentiel accumulé par ces tensions, on conçoit
283
ls ? Plus sérieusement : la technique triomphante
ne
va-t-elle pas rapidement effacer nos plus fécondes diversités et impo
284
ont aux trois quarts vides dans nos villages, qui
n’
en possèdent pourtant qu’une seule le plus souvent, alors qu’en Amériq
285
es humanités, et d’une pédagogie plus ferme, pour
ne
pas dire autoritaire, si bien que l’Europe redevient le modèle d’un m
286
uvoirs locaux, apparus depuis la dernière guerre,
ne
livrent pas un combat d’arrière-garde contre l’État, mais au contrair
287
, qui occupe le centre de la place, on sait qu’il
n’
a jamais été plus prospère qu’aujourd’hui, et cela dans tous nos pays,
288
les secrets de l’Europe. L’Europe sans sa culture
n’
est qu’un cap de l’Asie, assez pauvre en richesses naturelles, et moin
289
ure intensive (c au carré). (Je précise bien — on
ne
sait jamais… — qu’il ne s’agit pas là d’une démonstration faussement
290
é). (Je précise bien — on ne sait jamais… — qu’il
ne
s’agit pas là d’une démonstration faussement mathématique, mais seule
291
inte peu à peu à tenir compte du milieu humain, à
ne
pas se comporter comme l’éléphant dans le magasin de porcelaine ou le
292
dans un verger. Certes, les freins et les écluses
n’
ont pas toujours joué à temps, et la conscience sociale a été lente à
293
trielle, celle qui tirait son énergie du charbon,
n’
a pas seulement créé le décor sale et sans âme des faubourgs de nos ca
294
us épouvantent aujourd’hui. (Seulement, la presse
n’
en parlait pas, et ses effets se sont étalés sur un siècle.) Mais en d
295
’usine transparente entourée de verdure, l’Europe
n’
a pas seulement rapproché la technique de sa vraie fin, qui est de lib
296
s de penser qu’il se portera beaucoup mieux qu’on
ne
le dit, et que souvent il ne le pense lui-même. Mais veut-il vivre ?
297
beaucoup mieux qu’on ne le dit, et que souvent il
ne
le pense lui-même. Mais veut-il vivre ? Saura-t-il rassembler à temps
298
phénomènes, ou si plutôt, comme je le crois, ils
ne
résultent pas tous les deux d’une seule et même évolution dialectique
299
le réveil des projets d’union. Accessoirement, il
ne
serait pas sans intérêt de souligner que les défaitistes européens, n
300
qui soutenaient depuis cinquante ans que l’Europe
n’
était riche que de l’exploitation des colonies, disaient les uns, de l
301
ensemble du continent. Jamais notre cap de l’Asie
n’
avait connu croissance économique aussi rapide que depuis qu’il a reno
302
, d’autant de méfaits que de bienfaits. Mais ceci
n’
empêche pas qu’elle soit la seule qui ait su se rendre transportable e
303
le dès la Renaissance, et par quels procédés, qui
ne
furent pas tous chrétiens. Animés par les ambitions les plus diverses
304
itaux, répandent des théories humanitaires qu’ils
ne
pratiquent pas toujours sans réserve, emprisonnent ceux qui osent s’e
305
d aujourd’hui dans un seul mot : colonialisme. Je
n’
en connais pas de plus injuste, puisqu’il ne veut retenir que l’injust
306
e. Je n’en connais pas de plus injuste, puisqu’il
ne
veut retenir que l’injustice, dans l’immense processus chargé d’human
307
e bilan est encore très loin d’être fait. Et rien
ne
prouve que ce bilan sera finalement négatif : c’est en somme celui du
308
ui dénoncent l’Occident. Nulle autre civilisation
n’
avait été mondiale de cette manière. Là-dessus, l’historien Toynbee m’
309
ormais dans toutes ses dimensions physiques, nous
ne
pouvons plus faire d’erreurs de cette taille ; son histoire également
310
par leurs peuples que nos armées et nos missions
n’
en ont jamais détruites ou dénaturées. Mais alors, le retrait de l’Eur
311
e retrait de l’Europe qu’on nomme décolonisation,
ne
va-t-il pas entraîner l’effacement progressif de cette « européisatio
312
lonies libérées. Le retrait des Anglais de l’Inde
n’
a pas été suivi par le rejet du parlementarisme britannique, aussitôt
313
tion trois fois millénaire à laquelle les Anglais
n’
avaient jamais touché. Les partis politiques prolifèrent, l’industrie
314
eut bien plus anglaise, donc plus occidentale que
n’
était l’Inde colonisée. Elle a peut-être tort, mais c’est ainsi. En Af
315
ue coloniale, seule l’élite sait notre langue… On
n’
apprend plus le français dans ces pays parce qu’on y est obligé, mais
316
les de l’Occident. Bien plus, ces administrateurs
ne
sont partis qu’en vertu d’idéaux européens adoptés par l’élite indigè
317
: c’est qu’ils valaient sans doute mieux que nous
ne
l’avions cru, et mieux que nous : tant pis pour nous, et tant mieux p
318
pis pour nous, et tant mieux pour nos idéaux ! Je
ne
les vois, pour ma part, nullement menacés par la décolonisation, bien
319
! Jamais l’Europe, jamais l’Occident tout entier
n’
ont autant progressé dans l’âme et dans les mœurs des peuples hier enc
320
’abord. Car il est évident que notre civilisation
ne
s’est rendue assimilable et transportable qu’au prix d’une périlleuse
321
cial et moral que purement matériel. Les premiers
n’
ont pas les scrupules et la mauvaise conscience qui étaient le fait de
322
colonisation et le respect des cultures indigènes
n’
a jamais arrêté les seconds, pas plus dans leur empire qu’en Afrique o
323
monde les accueille sans méfiance de principe. Il
ne
dit pas de leurs dons, comme il le dit des nôtres : « C’est du néo-co
324
ce militaire et politique, une bureaucratie qu’on
ne
pourra plus extirper, la multiplication des besoins nouveaux, une con
325
re à ceux qui nous tiennent ce langage : pourquoi
n’
avez-vous pas adopté nos vertus, dont la liste est aussi facile à fair
326
que commet le tiers-monde quand il nous juge. Ce
ne
sont pas nos meilleurs représentants, les plus conscients des vraies
327
utes nos rivalités, des assistants techniques qui
ne
savent pas grand-chose du milieu où ils vont agir, et moins encore de
328
se met à l’école de notre civilisation ; mais il
n’
en tire pas le meilleur, loin de là, et nous méprise autant qu’il nous
329
use. C’est en fin de compte notre faute, car nous
n’
avons jamais conçu une politique de civilisation répondant à l’ampleur
330
nsi l’opinion de l’historien Adolphe Thiers : Il
n’
y a plus que deux peuples. La Russie, c’est barbare encore, mais c’est
331
asée entre deux colosses plus petits qu’elle, qui
n’
atteindraient même pas sa taille en montant l’un sur l’autre. Mais vou
332
vous me direz que la puissance réelle de l’Europe
n’
est pas en proportion de sa population. C’est exact en ce sens que, pa
333
aisée. Voici cependant un exemple chiffré, et qui
ne
me paraît pas dénué de toute signification : production de savants de
334
à me sentir écrasé. » C’est vrai. C’est que vous
ne
vous sentez pas encore le citoyen d’une nation de 335 millions, voire
335
toyen d’un petit État de 10 ou de 50 millions qui
n’
est plus à l’échelle du monde nouveau. C’est que l’Europe unie n’est p
336
échelle du monde nouveau. C’est que l’Europe unie
n’
est pas faite et qu’il nous faut donc absolument la faire, pour que no
337
t culturel. Cependant, le sort d’une civilisation
ne
dépend pas seulement de cette espèce-là de chance. Il dépend tout aut
338
civilisations qui prétendent à sa succession. Je
ne
vous apprendrai rien en vous rappelant qu’une bonne partie de l’élite
339
est en pleine décadence morale, et surtout qu’il
n’
a plus d’idéal à opposer aux valeurs neuves et conquérantes du communi
340
’Occident et sa vitalité intellectuelle, que rien
ne
dépasse et n’atteint même de loin, ni en Orient, ni en Afrique, indiq
341
a vitalité intellectuelle, que rien ne dépasse et
n’
atteint même de loin, ni en Orient, ni en Afrique, indiquent une renai
342
te le communisme russe. Je demande à voir — et je
ne
vois rien de neuf. Qu’est-ce, au total, que le communisme soviétique
343
plus ou moins fidèlement appliqué. Or le marxisme
n’
est tout de même pas d’invention russe. Ce n’est pas Popov qui l’a cré
344
isme n’est tout de même pas d’invention russe. Ce
n’
est pas Popov qui l’a créé, mais c’est Karl Marx. Et qui était Marx ?
345
le flambeau de la civilisation » ? Là encore, je
ne
le distingue pas. Je ne vois pas une seule culture, indépendante de l
346
isation » ? Là encore, je ne le distingue pas. Je
ne
vois pas une seule culture, indépendante de la nôtre, foncièrement di
347
Où trouver, dans tout cela, nos successeurs ? Je
ne
vois que des imitateurs un peu en retard qui, bien souvent, caricatur
348
ouvent, caricaturent nos pires défauts. Non, nous
n’
échapperons pas à notre vocation en prétextant notre faiblesse, ou ces
349
nous tient pour responsables. Car cette faiblesse
ne
traduit rien qu’une division de nos forces — et nous sommes en bon tr
350
’assumer face au monde une vocation dont personne
ne
saurait la relever, dont nulle autre culture et nul autre régime ne m
351
ver, dont nulle autre culture et nul autre régime
ne
me paraissent posséder les moyens de se charger, si l’Europe s’y déro
352
ignent le même taux, cependant que les États-Unis
ne
dépendent du reste du monde que pour 5 % au maximum de leur produit n
353
it national. Le monde est vital pour l’Europe, il
ne
l’est guère pour les États-Unis, bien moins encore pour la Russie act
354
me et parfois surtout différentes des nôtres : ce
n’
est point par hasard que l’Europe a créé l’ethnographie et l’archéolog
355
e, et la science des religions comparées, dont on
ne
trouve pas une trace avant elle sur Terre. L’Amérique, en tout cela,
356
un des droits « souverains » qu’aucun de nos pays
n’
est plus en mesure d’exercer à lui seul, dans le monde actuel. La voca
357
, dans l’Europe fédérée, modèle mondial. Le temps
n’
est plus de douter sans vergogne de nos valeurs occidentales. Au contr
358
t venu de les prendre nous-mêmes au sérieux. Nous
n’
avons pas simplement le droit de répondre à l’attente des jeunes natio
359
dent, par un tardif et impuissant mea culpa. Nous
ne
sommes pas seuls en cause dans cette affaire. Nous sommes pour les au
360
sommes pour les autres un espoir, qu’il s’agit de
ne
pas frustrer. L’avenir de l’Europe est gagé sur de grands faits géoéc
361
ié du xxe siècle. Les vraies chances de l’Europe
ne
dépendent pas d’une juste prévision de ce que d’autres feront. Elles
362
dent de l’esprit agissant par nos mains. Le temps
n’
est plus pour nous de chercher anxieusement à deviner le cours prochai
363
que le concevaient nos grands-parents, mais rien
ne
permet de réduire « l’Amour » à ce cliché d’époque. L’érotisme peut t
364
l et Justine en livre de poche aux États-Unis. Il
ne
faudrait tout de même pas oublier que ces ouvrages datent du xviiie
365
e siècle de Voltaire les avait négligés ; mais il
n’
eût pas mieux accueilli les romans catholiques et les Vies de Jésus do
366
que tout cela — qui relève parfois de la mode et
n’
engage pas toujours une politique morale — les cours d’éducation sexue
367
s. Les audaces de nos écrivains, de nos cinéastes
ne
sont pas les produits de cet instinct universel et primordial : elles
368
on dit, mais restent sans pouvoir sur lui, et il
ne
va pas « déborder » pour si peu qu’une augmentation du tirage des cla
369
é, le lecteur pudique pourra se convaincre que je
n’
ai pas reculé devant la discussion avec une jeune fille de tels sujets
370
prême, l’accomplissement de la personne totale.
Ne
pas refouler l’instinct Si quelque chose se « déchaîne » de nos jo
371
Si quelque chose se « déchaîne » de nos jours, ce
ne
peut donc pas être l’instinct, et ce n’est pas la passion, on le sait
372
jours, ce ne peut donc pas être l’instinct, et ce
n’
est pas la passion, on le sait de reste. C’est l’érotisme, c’est-à-dir
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isirs érotiques ont leurs lois très subtiles, qui
ne
sont pas celles de la technique et de ses horaires, mais plutôt celle
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et bras à occuper) dès les environs de l’an 2000,
n’
est pas sans déclencher des mécanismes psychophysiologiques d’autorégu
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uvent entraîner sa mort. Les freins traditionnels
ne
fonctionnent plus. La peste, la famine et la guerre déjà neutralisées
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lusions ou contacts, le jeune homme d’aujourd’hui
ne
produit plus son type de femme dans son désir : il le reçoit de la pu
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le reçoit de la publicité et il subit un rêve qui
n’
est plus le sien. Va-t-il découvrir l’érotisme par le biais d’un probl
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cédant à quelque ruse de l’espèce, ou parce qu’il
n’
aura pu choisir entre ceux qui se figurent encore que le péché origine
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qui pensent avec un certain évêque bogomile qu’il
n’
y a « pas de péché au-dessous du nombril », ou ceux qui croient bonnem
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bonnement avec un chansonnier de mes amis « qu’il
n’
y a pas de mal à se faire du bien » ? Ou encore — hypothèse optimiste
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giénique, où le problème numéro un de la jeunesse
ne
sera plus du tout la sexualité mais par exemple le choix d’une vocati
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culturel européen, de même que la faim et la peur
ne
sont plus, dans nos pays riches, des problèmes fondamentaux, liés com
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les évolutions que je viens de décrire, la police
n’
a pas plus de prise que sur les marées. Elle peut nuire à la diffusion
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sculpté au fronton de leurs temples, pour que nul
n’
en ignore s’il désire la sagesse. Mais la censure ne saurait empêcher
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en ignore s’il désire la sagesse. Mais la censure
ne
saurait empêcher l’instauration d’un vaste programme de recherches, d