1 1952, Arts, articles (1952-1965). Appel à ceux qui osent être différents (22 mai 1952)
1 paulinienne : « Soyez dans le monde comme n’étant pas du monde. » Et cette formule, me semble-t-il, fournit la clé. Précisé
2 arce que la place de l’écrivain n’est plus, n’est pas clairement marquée dans la cité, parce qu’il ne sait plus où s’asseoi
3 u’il ne sait plus où s’asseoir, parce qu’il n’est pas intégré sans question ni contradiction dans la structure sociale, com
4 ses conditions pour tous. Au monde comme n’étant pas du monde, dans la cité, oui, mais comme un problème vivant, comme une
5 ères de perdre la liberté : la première est de ne pas l’exercer en actes ; la seconde, d’en supprimer les conditions. La pr
6 hors du monde où nous sommes vivants. Je ne crois pas à une « littérature engagée », selon l’expression qui traine partout 
7 i traine partout : une telle littérature n’existe pas , n’a jamais existé, ou bien elle se confond avec la propagande. Mais
8 nt personnel de l’écrivain comme tel. Et il n’est pas question non plus de réduire la littérature au témoignage social et p
9 ces deux périls, il importe de se rassembler. Non pas du tout, non pas un seul instant dans l’idée qui m’est répugnante de
10 il importe de se rassembler. Non pas du tout, non pas un seul instant dans l’idée qui m’est répugnante de constituer un fro
11 isparaîtraient tous les visages particuliers. Non pas du tout, non pas un seul instant dans l’idée d’opposer à ces totalita
12 us les visages particuliers. Non pas du tout, non pas un seul instant dans l’idée d’opposer à ces totalitaires de toute cou
2 1957, Arts, articles (1952-1965). L’ère des loisirs commence (10 avril 1957)
13 ler parce qu’ils donnent le vertige. Je n’entends pas peindre ici quelque utopie qui pourrait amuser nos descendants. Tout
14 r, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce n’est pas l’invention de la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu’un peu
15 a demain aux options religieuses. Et je n’imagine pas de drogue assez puissante pour en détourner le genre humain4. Je sais
16 eraient autrement que répéter de l’ancien qui n’a pas disparu sans raison, ou ressusciter des doctrines dont le style créat
17 le style créateur a fait son temps5. Et je ne dis pas qu’elles s’en priveront. Mais je vois aussi que la culture répand déj
18 réalités certaines curiosités qui ne s’arrêteront pas là. La télévision, la radio, apportant le monde à domicile, et les sp
19 l soit appelé loisir ou travail). 3. Je ne parle pas ici de la télévision, qui nous apporte des pays lointains, sans leur
20 dial jusqu’à la dernière guerre. André Breton n’a pas cessé de chercher une vision religieuse du monde et de la vie, bien p
21 érature occidentale s’est amorcé dès 1919, et n’a pas cessé de s’amplifier. 5. Nos sectes orientalistes me font parfois pe
3 1960, Arts, articles (1952-1965). Remise en question par l’Afrique et l’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur (21 septembre 1960)
22 frique et l’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur (21 septembre 1960)d e La civilisation née en
23 en. Il peut lire dans les Écritures « qu’il n’y a pas un juste, pas même un seul » et que pourtant il devrait être saint. I
24 re dans les Écritures « qu’il n’y a pas un juste, pas même un seul » et que pourtant il devrait être saint. Il sait que le
25 question de savoir si l’Occidental ne préférerait pas la recherche à la pleine possession de la vérité. On serait tenté de
26 en mesurer les effets historiques. Il n’en serait pas moins vain d’imaginer qu’on puisse l’éliminer ou l’oublier. Admettons
27 effacer, du mouvement de la science qu’on ne peut pas achever et, enfin, de la Technique, dont l’Asie et l’Afrique ne parai
28 e sens d’un équilibre intime : si ce sens n’était pas blessé, rien ne réagirait ; s’il est blessé et réagit, c’est qu’il ex
29 inir la nature et les exigences. L’Occident n’est pas né comme on nous dit que naissent les grandes cultures et civilisatio
30 l porte à l’origine les stigmates du réel, et non pas les signes du mythe. Il n’est pas vraisemblable ; il est vrai. On ne
31 du réel, et non pas les signes du mythe. Il n’est pas vraisemblable ; il est vrai. On ne l’attendait pas, il est là. Ainsi
32 as vraisemblable ; il est vrai. On ne l’attendait pas , il est là. Ainsi naît l’Occident : comme un drame, dont on peut cont
33 d’aiguillage, c’est-à-dire qu’elle « ne pardonne pas  » : elle suspend le cours normal de la vie, elle exclut le fautif de
34 à l’Amour. « Tout est permis, mais tout n’édifie pas  », « Rien n’est impur en soi », mais « Tout est pur aux purs ». Sembl
35 r, s’il édifie. Pourtant la voie chrétienne n’est pas tout l’Occident. Elle prend son point de départ dans le choc décisif
36 e de l’homme ». Certes la voie chrétienne n’y est pas seule active, mais elle fut décisive et reste axiale : c’est par rapp
37 t menacé, mortel et ignorant, il sait qu’il n’est pas dieu, ne rêve pas de le devenir, mais se sent d’autant plus décidé à
38 t ignorant, il sait qu’il n’est pas dieu, ne rêve pas de le devenir, mais se sent d’autant plus décidé à tirer le meilleur
39 en supposant qu’elles sont, de celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge de tout, on le voit, même d
40 les qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas  ». Juge de tout, on le voit, même des dieux. D’où le sens de sa digni
41 livrera la cité « atomisée » à la brutale mise au pas du Romain. Apport de Rome. — Il se résume dans le terme viril de cit
42 archie latente, parce que ces disciplines ne sont pas celles de l’âme, que naît et se répand le christianisme. Apport chré
43 quelques derniers siècles, quelque chose qui n’a pas de précédent ? » Alexandre n’avait conquis qu’un quart des continents
44 oques et les Khans mongols), mais encore elle n’a pas cessé de maintenir sur toutes les civilisations différentes de la sie
45 r succès. Les Grecs et les Romains ne disposaient pas d’une marge de supériorité incontestable sur les Hindous et les Chino
46 l’autre (mais au prix de sacrifices dont il n’est pas du tout certain qu’ils seraient féconds), ou bien il faut chercher un
47 eul des rêves constants de l’humanité qui ne soit pas théoriquement réalisable : connaître l’au-delà de la mort. Mais presq
48 rrière ce voile, qu’y a-t-il ? Cette question n’a pas de sens, nous dit-on. Dans l’univers d’Einstein (illimité-fini) vous
49 iendra peut-être à son point initial, vous n’irez pas plus loin ni plus longtemps que la plus extrême galaxie. Mais dans qu
50 cela se meut-il ? Il est vrai que la question n’a pas de sens : rien « au monde » ne peut y répondre ; mais aussi, elle dép
51 l’anéantissement par une force étrangère. Je n’ai pas eu d’autre intention que de mieux définir la question, en cela fidèle
52 frique et l’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur », Arts, Paris, 21 septembre 1960, p. 1 et 15.
4 1961, Arts, articles (1952-1965). L’Amour en cause (1er février 1961)
53 ande des trois, c’est l’Amour ». Et celui qui n’a pas l’Amour « n’est qu’une cymbale qui retentit ». 2. Parce qu’il est rel
54 total (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livre sacré sur l’Amour. Dans cet ensemble infiniment varié de phé
55 s moines et à l’usage des confesseurs, on ne voit pas un seul équivalent chrétien — existant ou imaginable — du « Kamasutra
56 er depuis mille ans les traités du hatha yoga. Et pas de traces non plus, dans le christianisme, de ces cérémonies initiati
57 ari… Je dis cela par condescendance, je n’en fais pas un ordre. Car il vaut mieux se marier que de brûler. » Il n’en reste
58 ut mieux se marier que de brûler. » Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de l’Apôtre, la chasteté et le célibat conduiraient
59 nt seuls à la vie spirituelle : « Celui qui n’est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et ce
60 xtrême. Ceci ne pouvait se produire — et ne s’est pas produit — en dehors de la sphère d’influence du christianisme. C’est
61 xuel. Ce phénomène mille fois décrit n’en demeure pas moins stupéfiant par sa soudaineté et son ampleur. Il est daté du pre
62 es sociétés occidentales, de l’ouest à l’est, non pas la sexualité proprement dite, instinctive et procréatrice. Et les moy
63 mythes de l’âme. C’est donc avec ces mythes, non pas avec l’instinct ou avec « l’éternelle luxure » sans horizon que la pe
64 ises et peut entrer en polémique intime. Ce n’est pas l’immoralité plus ou moins grave de ce siècle qui la concerne, mais b
65 ctorienne, qu’après tout la jeunesse actuelle n’a pas connue dans sa vigueur, et dont elle n’a guère pu souffrir. Il est vr
66 rs héritiers débiles et qui assurent que ce n’est pas de leur faute. Mais de quoi la morale victorienne est-elle morte ? Sa
67 re et laborieuse, dont la plus haute valeur n’est pas l’union mystique mais la sobriété spirituelle, elle a voulu fermer le
68 chaîne » ? Bien sûr que non. L’instinct ne dépend pas des modes ni la nature de la culture — du moins pas si directement. C
69 s des modes ni la nature de la culture — du moins pas si directement. Ce qui se trouve libéré c’est l’expression, la manièr
70 opos ou de les montrer sur l’écran. Ce n’est donc pas le sexe, mais l’érotisme, ni la sensualité, mais son aveu public, sa
71 spirituelle devait prendre des siècles, et n’est pas terminé. Car la révolution que nous sommes en train de vivre renouvel
72 la fois ridicules et dangereux. Mais je n’oublie pas que sans la discipline sexuelle que les tendances dites puritaines on
73 -développées, et sans doute moins : il n’y aurait pas le travail, l’effort organisé, ni la technique, qui ont fait le monde
74 ique, qui ont fait le monde actuel. Il n’y aurait pas non plus le problème de l’érotisme ! Les auteurs érotiques l’oublient
75 ture érotique réagit à des phénomènes qu’elle n’a pas provoqués, qui la dépassent, mais dont elle tente de formuler et d’il
5 1961, Arts, articles (1952-1965). Les quatre amours (9 mai 1961)
76 e qu’un mirage reflété sur le Vide, si elle n’est pas une parabole de l’éternel. Ces formes demeurent allusives, ces corps
77 re en creux ? Mais nous voulons l’au-delà, et non pas le contraire de nos angoisses et de nos joies, l’au-delà qui transfor
78 et de nos joies, l’au-delà qui transforme et non pas un reflet ! Un poète mineur et parfait de ce temps l’a découvert un j
79 de nous, ici et maintenant, et nous ne le voyons pas , quoique étant assurés de sa présence instante. Il n’est pas nous. Ma
80 e étant assurés de sa présence instante. Il n’est pas nous. Mais il y a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’est pas de
81 l y a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’est pas de ce monde », et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il est
82 anges) peuvent habiter sous son ombre. » Il n’est pas dans l’espace et le temps, qui étendent le Vide aux dimensions de l’u
83 nt le Vide aux dimensions de l’univers ; il n’est pas loin d’ici ou d’à présent, du monde des formes, qui est la Nature, la
84 question fondamentale que pose le Vide : Pourquoi pas rien ? — si la pensée ne trouve pas de réponse, elle se rend au vide
85 de : Pourquoi pas rien ? — si la pensée ne trouve pas de réponse, elle se rend au vide et s’annule. Ce qui peut la retenir
86 t donc dire : je suis. Sans l’amour il n’y aurait pas même le vide. L’amour a créé le vide en déployant l’attrait, que l’on
87 , nulle part, et pourquoi l’ai-je aimé ? Pourquoi pas rien ? Parce que ce coin de sentier m’a fait un signe et fut un signe
88 de l’Amour. Il est la grâce indubitable. Je n’ai pas d’autre foi certaine, d’autre espérance, et je ne vois pas de sens ho
89 re foi certaine, d’autre espérance, et je ne vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de
90 d’efficacité majeure, est la prière. Prier n’est pas demander mais s’orienter, de manière à recevoir et à réaliser.) Le mo
91 , je crois que l’amour émotif animique n’apparaît pas sans que l’ait éveillé un regard de l’intuition. Les très jeunes gens
92 ait rien à voir avec l’amour. Les animaux ne font pas l’amour, mais subissent la sexualité quand vient son temps. Les confu
93 facultés.) La sexualité en elle-même ne me paraît pas indifférente pour l’esprit. Mais elle n’est ni mauvaise ni bonne : en
94 l’on remonte aux tarots, on verra qu’il ne s’agit pas d’un hasard ou d’une fantaisie, comme l’ont montré les belles études
95 ’amour : un roi de pique dira que « l’Amour n’est pas un sentiment, mais la situation totale de celui qui aime, orienté ver
6 1962, Arts, articles (1952-1965). Sartre contre l’Europe (17 janvier 1962)
96  enchaînés, humiliés, malades de peur ». Ce n’est pas un expert, esclave des faits, qui nous dit cela, mais un éloquent mor
97 liste, Jean-Paul Sartre ; et sa fureur ne jaillit pas d’un quelconque examen des évidences, mais de la lecture d’un pamphle
98 », et nous serons ainsi du bon côté. Je n’invente pas  : je cite et je condense cette dialectique humanitaire qui nous offre
99 est neuf. » Moi, ce qui m’impressionne, ce n’est pas le ton, guère plus neuf que la propagande communiste depuis une quara
100 ut y est faux. La colonisation par les Blancs n’a pas duré « des siècles » en Afrique, mais environ, et en moyenne, quatre-
101 euf dixièmes du continent. Cette colonisation n’a pas été faite au nom d’une « prétendue aventure spirituelle » — nullement
102 d’autres raisons plus grossières, et qui ne sont pas toutes honteuses pour nous. La première et la plus importante étant t
103 t simplement un état de fait que l’Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter de la colonisation, comme M. Fanon le
104 annibales ? Vous voulez rire, et vous n’y arrivez pas . M. Fanon, et J.-P. Sartre derrière lui, ont grand tort de crier aux
105 humains. Il a une armée de femmes. Le Dahomey n’a pas 1 million d’habitants, dont 20 000 à peine sont libres. La France y a
106 mple n’infirme en rien leurs thèses, ou ne compte pas . Je leur laisse à démontrer dialectiquement que le royaume de Ghana e
107 que le royaume de Ghana et l’empire du Mali n’ont pas été détruits par les Arabes almoravides puis par les sultans marocain
108 n’en feront rien, car la passion ne s’embarrasse pas de faits et leur passion veut la mort du pécheur, qui est uniquement
109 n fabriquant des esclaves » (eh quoi ! n’était-il pas humain avant le xvie siècle ?) En quittant le tiers-monde, l’Europe
110 ssitôt une prospérité stupéfiante. L’Europe n’est pas « finie », n’en déplaise à nos furieux, mais elle commence à peine et
111 e nation », voudrait-on lui répéter ; et ce n’est pas ma faute si cette phrase est de Michel Debré dans son Projet de pacte
112 ibe contre un régime que plus personne ne défend, pas même les Russes, qui le pratiquent encore. Sa préface ne représente,
113 onialisme à l’état naissant, et qui le firent non pas contre l’Europe, mais au nom des valeurs européennes : Voltaire, Rous
114 , devant la crise morale de l’URSS, l’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux
115 e et pour l’Europe qui doit l’aider. Nous n’avons pas le droit de frustrer la jeunesse soviétique, et les autres, au moment
116 vons offrir au monde et à nos fils, non, ce n’est pas notre mauvaise conscience, notre rage autopunitive ou l’alliance de n
7 1962, Arts, articles (1952-1965). Le miracle européen a créé le monde civilisé (6 juin 1962)
117 garde encore certains secrets vitaux. Je n’aurai pas trop de quatre leçons pour établir cette thèse centrale, cette défini
118 en 1816, reconnaît que l’Europe historique n’est pas née de sa géographie. Je me plais à citer sa description de l’Europe,
119 ppendice occidental de l’Asie », mais n’en serait pas moins « la partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de la sp
120 nt même avec l’Asie, mais cette Europe ne connaît pas encore le christianisme. L’expansion missionnaire des chrétiens, dura
121 tention universelle du christianisme, et ce n’est pas définir l’Europe, puisque ce serait la définir par une vérité éternel
122 la définir par une vérité éternelle, qu’elle n’a pas mérité d’incarner, sur laquelle elle n’a pas de copyright… Reste le f
123 n’a pas mérité d’incarner, sur laquelle elle n’a pas de copyright… Reste le fait que le christianisme a très puissamment c
124 omène tel qu’il apparaît dans les faits. Ce n’est pas le déroulement logique d’une série de causes naturelles produisant de
125 duisant des effets où elles s’épuisent : ce n’est pas le déroulement d’un plan, dont nul ne voit qui l’aurait calculé et im
126 voit qui l’aurait calculé et imposé. Et ce n’est pas l’incarnation de quelque idée platonicienne, ni la démonstration d’un
127 la démonstration d’un esprit hégélien marchant au pas rythmé de la dialectique — thèse, antithèse, une, deux, une, deux. C’
128 de Delphes : Où est Europe ? « Tu ne la trouveras pas , répondit la Pythie. Suis plutôt une vache et pousse-la devant toi sa
129 parti pour trouver l’Amérique, car il n’y croyait pas et ne pouvait donc la chercher. Il est parti pour trouver l’Inde fabu
130 de vers le sol. Mais ce retour du satellite n’est pas un échec ! D’innombrables connaissances ont été récoltées en route, e
131 ramenée dans les limites de son cap asiatique, et pas plus grande, notons-le bien, qu’elle ne le fut au Moyen Âge. Elle res
132 islam et financer la dernière croisade, ne furent pas résolus par son expédition. Il trouva d’autres terres, d’autres îles,
133 — avec leur homme synthétique — ne font en somme pas autre chose que Colomb et qu’Ulysse avant lui : ils partent vers des
8 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe détient les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? (13 juin 1962)
134 ersables. En proportion de sa surface, n’oublions pas que l’Europe a les plus longues côtes (7 000 km de plus que l’Afrique
135 villages et villes d’Europe, vous n’en trouverez pas deux dont les plans soient superposables. S’ils se ressemblent, c’est
136 tative est assez nouvelle, et ne nous dissimulons pas ses risques, mais il se peut qu’elle donne quelques idées fécondes à
137 ace communale. Nos villes et nos villages ne sont pas nés autour de places préalablement dessinées, mais bien plutôt autour
138 e notre civilisation. On sent bien que ce ne sont pas des masses informes, ni des masses militarisées — la populace ni le d
139 is sur la place des communes médiévales. Il n’est pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la libre
140 cabinets d’études et de l’école. N’oublions donc pas , sur la place, la présence du kiosque à journaux, point d’insertion d
141 finie par ses formes une Europe pluraliste et non pas unitaire dans son principe comme le furent les grandes civilisations
142 ution, ou assurée par une méthode qui ne supprime pas la tension mais la maîtrise, évitant à la fois le lugubre unisson et
143 a mesure où cet immense complexe de tension n’est pas trop déprimé ou dévasté par les guerres, les dictatures et les nation
144 ieusement : la technique triomphante ne va-t-elle pas rapidement effacer nos plus fécondes diversités et imposer au contine
145 humanités, et d’une pédagogie plus ferme, pour ne pas dire autoritaire, si bien que l’Europe redevient le modèle d’un meill
146 ux, apparus depuis la dernière guerre, ne livrent pas un combat d’arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les p
147 écise bien — on ne sait jamais… — qu’il ne s’agit pas là d’une démonstration faussement mathématique, mais seulement d’une
148 e peu à peu à tenir compte du milieu humain, à ne pas se comporter comme l’éléphant dans le magasin de porcelaine ou le bul
149 n verger. Certes, les freins et les écluses n’ont pas toujours joué à temps, et la conscience sociale a été lente à s’éveil
150 lle, celle qui tirait son énergie du charbon, n’a pas seulement créé le décor sale et sans âme des faubourgs de nos capital
151 t aujourd’hui. (Seulement, la presse n’en parlait pas , et ses effets se sont étalés sur un siècle.) Mais en développant la
152 ne transparente entourée de verdure, l’Europe n’a pas seulement rapproché la technique de sa vraie fin, qui est de libérer
9 1962, Arts, articles (1952-1965). Le monde entier irrite l’Europe et la méprise autant qu’il la jalouse ! (20 juin 1962)
153 ou si plutôt, comme je le crois, ils ne résultent pas tous les deux d’une seule et même évolution dialectique : celle du na
154 des projets d’union. Accessoirement, il ne serait pas sans intérêt de souligner que les défaitistes européens, nationaliste
155 de méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle soit la seule qui ait su se rendre transportable et intégrabl
156 Renaissance, et par quels procédés, qui ne furent pas tous chrétiens. Animés par les ambitions les plus diverses : missionn
157 nt des théories humanitaires qu’ils ne pratiquent pas toujours sans réserve, emprisonnent ceux qui osent s’en réclamer cont
158 dans un seul mot : colonialisme. Je n’en connais pas de plus injuste, puisqu’il ne veut retenir que l’injustice, dans l’im
159 e l’Europe qu’on nomme décolonisation, ne va-t-il pas entraîner l’effacement progressif de cette « européisation » de la pl
160 es libérées. Le retrait des Anglais de l’Inde n’a pas été suivi par le rejet du parlementarisme britannique, aussitôt adopt
161 machines et quelques-uns de nos slogans, mais non pas l’arrière-plan religieux, philosophique et culturel qui a permis non
162 t moral que purement matériel. Les premiers n’ont pas les scrupules et la mauvaise conscience qui étaient le fait des élite
163 cultures indigènes n’a jamais arrêté les seconds, pas plus dans leur empire qu’en Afrique ou en Asie. Donc, à court terme,
164 es accueille sans méfiance de principe. Il ne dit pas de leurs dons, comme il le dit des nôtres : « C’est du néo-colonialis
165 i nous tiennent ce langage : pourquoi n’avez-vous pas adopté nos vertus, dont la liste est aussi facile à faire ? Et pourqu
166 aide matérielle que vous exigez à grands cris, et pas du tout nos missionnaires ? Cette réponse serait trop facile, car nou
167 met le tiers-monde quand il nous juge. Ce ne sont pas nos meilleurs représentants, les plus conscients des vraies valeurs e
168 ivalités, des assistants techniques qui ne savent pas grand-chose du milieu où ils vont agir, et moins encore de ce que l’E
169 l’école de notre civilisation ; mais il n’en tire pas le meilleur, loin de là, et nous méprise autant qu’il nous jalouse. C
10 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe est un colosse qui s’ignore (encore) (27 juin 1962)
170 ses plus petits qu’elle, qui n’atteindraient même pas sa taille en montant l’un sur l’autre. Mais vous me direz que la puis
171 e direz que la puissance réelle de l’Europe n’est pas en proportion de sa population. C’est exact en ce sens que, par tête
172 cependant un exemple chiffré, et qui ne me paraît pas dénué de toute signification : production de savants de premier ordre
173 rasé. » C’est vrai. C’est que vous ne vous sentez pas encore le citoyen d’une nation de 335 millions, voire de 430 millions
174 e du monde nouveau. C’est que l’Europe unie n’est pas faite et qu’il nous faut donc absolument la faire, pour que notre cap
175 . Cependant, le sort d’une civilisation ne dépend pas seulement de cette espèce-là de chance. Il dépend tout autant de sa v
176 ement appliqué. Or le marxisme n’est tout de même pas d’invention russe. Ce n’est pas Popov qui l’a créé, mais c’est Karl M
177 ’est tout de même pas d’invention russe. Ce n’est pas Popov qui l’a créé, mais c’est Karl Marx. Et qui était Marx ? Un juif
178 la civilisation » ? Là encore, je ne le distingue pas . Je ne vois pas une seule culture, indépendante de la nôtre, foncière
179 » ? Là encore, je ne le distingue pas. Je ne vois pas une seule culture, indépendante de la nôtre, foncièrement différente
180 turent nos pires défauts. Non, nous n’échapperons pas à notre vocation en prétextant notre faiblesse, ou ces crimes d’un pa
181 t nous sommes en bon train de les unir — mais non pas une absence de forces potentielle. Et ces crimes, qui furent ceux de
182 cience des religions comparées, dont on ne trouve pas une trace avant elle sur Terre. L’Amérique, en tout cela, apporte une
183 e les prendre nous-mêmes au sérieux. Nous n’avons pas simplement le droit de répondre à l’attente des jeunes nations et de
184 un tardif et impuissant mea culpa. Nous ne sommes pas seuls en cause dans cette affaire. Nous sommes pour les autres un esp
185 mes pour les autres un espoir, qu’il s’agit de ne pas frustrer. L’avenir de l’Europe est gagé sur de grands faits géoéconom
186 ècle. Les vraies chances de l’Europe ne dépendent pas d’une juste prévision de ce que d’autres feront. Elles dépendent de l
11 1965, Arts, articles (1952-1965). Le déferlement de l’érotisme : pour une nouvelle théologie (5-11 mai 1965)
187 poche aux États-Unis. Il ne faudrait tout de même pas oublier que ces ouvrages datent du xviiie siècle. Ce qui est nouveau
188 le de Voltaire les avait négligés ; mais il n’eût pas mieux accueilli les romans catholiques et les Vies de Jésus dont les
189 cela — qui relève parfois de la mode et n’engage pas toujours une politique morale — les cours d’éducation sexuelle dans l
190 udaces de nos écrivains, de nos cinéastes ne sont pas les produits de cet instinct universel et primordial : elles y font a
191 t, mais restent sans pouvoir sur lui, et il ne va pas « déborder » pour si peu qu’une augmentation du tirage des classiques
192 lecteur pudique pourra se convaincre que je n’ai pas reculé devant la discussion avec une jeune fille de tels sujets et en
193 me, l’accomplissement de la personne totale. Ne pas refouler l’instinct Si quelque chose se « déchaîne » de nos jours,
194 ose se « déchaîne » de nos jours, ce ne peut donc pas être l’instinct, et ce n’est pas la passion, on le sait de reste. C’e
195 ce ne peut donc pas être l’instinct, et ce n’est pas la passion, on le sait de reste. C’est l’érotisme, c’est-à-dire l’usa
196 otiques ont leurs lois très subtiles, qui ne sont pas celles de la technique et de ses horaires, mais plutôt celles du rêve
197 s à occuper) dès les environs de l’an 2000, n’est pas sans déclencher des mécanismes psychophysiologiques d’autorégulation
198 ent avec un certain évêque bogomile qu’il n’y a «  pas de péché au-dessous du nombril », ou ceux qui croient bonnement avec
199 ent avec un chansonnier de mes amis « qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien » ? Ou encore — hypothèse optimiste — allon
200 évolutions que je viens de décrire, la police n’a pas plus de prise que sur les marées. Elle peut nuire à la diffusion comm