1 1952, Arts, articles (1952-1965). Appel à ceux qui osent être différents (22 mai 1952)
1 ontemporain — alternativement ou simultané­ment — qu’ il soit prêtre et iconoclaste, directeur de cons­cience et mauvaise tê
2 devrait le fusiller ou le décorer, avouant ainsi qu’ elle ne sait plus quelle est sa juste place dans la cité. On lui a don
3 ur n’avait été plus éloigné du lieu commun, de ce que peuvent entendre et comprendre ces masses. Voilà qui constitue pour l
4 e question, voilà cet écrivain, voilà sa liberté, qu’ il s’agit maintenant d’assumer, et de défendre. Car un double péril la
5 es qui mènent le monde. Mais je vois d’autre part que ces forces furent d’abord des idées, sont nées d’œuvres écrites. Le n
6 et à clamer d’une de ces voix mornes et droguées, qu’ on ne reconnaît plus pour la sienne, la louange de leur police d’État.
7 tique qui serait, au mieux, un peu plus virulente que la leur. Un congrès d’écrivains, aujourd’hui, ou bien c’est une opéra
8 r. Mais c’est pour sauver, précisément, ce droit, que nous sommes ensemble, non point malgré nos différences, mais à cause
2 1957, Arts, articles (1952-1965). L’ère des loisirs commence (10 avril 1957)
9 mps de nos existences quotidiennes. La question «  Que faire de ma vie ? » ne sera plus réprimée par cette réponse, plusieur
10 ou trente ans, selon certains experts, il suffira qu’ un tiers de la population (fortement accrue) de la planète donne 4 heu
11 ns « matériels » soient satisfaits (et bien mieux qu’ aujourd’hui) : alimentation et transports, habitation, hygiène, et dis
12 Je vois bien l’aspect théorique de ces calculs ; qu’ ils ne s’appliquent vraiment qu’au type occidental de vie ; qu’ils sup
13 de ces calculs ; qu’ils ne s’appliquent vraiment qu’ au type occidental de vie ; qu’ils supposent une distribution socialis
14 ppliquent vraiment qu’au type occidental de vie ; qu’ ils supposent une distribution socialisée des biens produits en abonda
15 des biens produits en abondance à très bas prix ; que la mise en valeur de l’Afrique, de l’Asie, des régions polaires offri
16 frira de nouvelles « occasions de travail »2 ; et qu’ enfin la guerre atomique peut tout compromettre dans l’œuf. Mais l’œuf
17 à, portant son germe et notre avenir : cet avenir qu’ il nous faut accepter de dévisager hardiment. On dit : Que feront les
18 us faut accepter de dévisager hardiment. On dit : Que feront les masses si vraiment la technique les libère subitement à ce
19 avait-on beaucoup mieux, aux environs de 1830, ce qu’ allait produire la technique ? Il s’agit cette fois-ci de mieux voir l
20 i peu, bien moins par suite de facteurs matériels que j’aurais oubliés ou ne saurais prévoir, qu’en vertu de nos libres déc
21 riels que j’aurais oubliés ou ne saurais prévoir, qu’ en vertu de nos libres décisions. (Ce n’est pas l’invention de la roue
22 n de la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu’ un peuple a décidé d’en faire : chars et wagons en Occident, jouets et
23 nts chez les Aztèques.) Ce qui est certain, c’est que le progrès technique va faire un saut sans précédent, créant une situ
24 e immédiats. Ce sont ces vœux et ces orientations que l’on peut essayer d’induire de notre état d’esprit actuel. L’exempl
25 ent vers la culture. Or, il se trouve précisément que l’Occident a décuplé ou centuplé pendant ce siècle les instruments et
26 et moyens de culture. On y publie plus de livres que jamais et à vil prix : les bibliothèques et les foyers de culture loc
27 et techniques, politiques, religions3… C’est dire que nous multiplions déjà — comme en vue de lendemains qui auront le temp
28 re, nul ne saurait en préjuger : je dis seulement que tout y mène pour le meilleur et pour le pire. C’est dire que tout nou
29 mène pour le meilleur et pour le pire. C’est dire que tout nous mène vers une ère religieuse. La technique nous ramène à
30 ligion Car la culture n’est, en fin de compte, qu’ un prisme diffracteur du sentiment religieux dans nos activités dites
31 aphysique à la sculpture des meubles. C’est ainsi que la technique, pratiquement, comme la science, nous ramènera demain au
32 pour en détourner le genre humain4. Je sais bien que la vie religieuse la plus intense a signifié longtemps ascèse et reno
33  mystique à l’état sauvage » — selon l’expression que Claudel appliquait au cas de Rimbaud — vit simplement sur les reliefs
34 s qui vont paraître : elles ne feraient autrement que répéter de l’ancien qui n’a pas disparu sans raison, ou ressusciter d
35 tyle créateur a fait son temps5. Et je ne dis pas qu’ elles s’en priveront. Mais je vois aussi que la culture répand déjà da
36 s pas qu’elles s’en priveront. Mais je vois aussi que la culture répand déjà dans un public naguère totalement ignorant de
37 nt très certainement. Et l’on sait, d’autre part, que la passion pour l’occulte ne cesse de grandir dans nos villes, occupa
38 l’homme comme une sorte de ballon qui ne demande qu’ à « s’élever » dès qu’il est délivré des soucis quotidiens. La preuve
39 u’il est délivré des soucis quotidiens. La preuve qu’ il n’en est rien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans le
40 quotidiens. La preuve qu’il n’en est rien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans les pires conditions matériel
41 onfort » n’a rien pu contre lui. Je dis seulement qu’ elle va nous jeter dans une époque où les questions religieuses devien
42 questions religieuses deviendront plus sérieuses que ne le sont aujourd’hui les questions matérielles, les « lois » économ
43 oisir comme « le temps vuide ». Elle suppose donc que le travail est le vrai temps. Cette hiérarchie des valeurs a dominé j
44 isirs (automation) c’est-à-dire de « temps vide » que l’on appelle chômage. On refuse de considérer le loisir comme le but
45 aniques, entraîne et suppose un progrès culturel ( qu’ il soit appelé loisir ou travail). 3. Je ne parle pas ici de la télév
46 affiché pour les questions religieuses n’aura été qu’ un phénomène transitoire de notre civilisation occidentale. (Voir plus
47 otre civilisation occidentale. (Voir plus haut ce que j’ai dit sur le matérialisme.) L’intelligentsia berlinoise, puis new-
48 t de la vie, bien plus antichrétien par cela même qu’ un J.-P. Sartre, qui se place au niveau de la morale dans le prolongem
49 elles » d’une éthique protestante-libérale — quel que soit par ailleurs son athéisme. Le retour aux problèmes religieux dan
3 1960, Arts, articles (1952-1965). Remise en question par l’Afrique et l’Asie, la civilisation occidentale n’a pas encore de successeur (21 septembre 1960)
50 s siècles. Elle est encore, à notre époque, celle qu’ on imite partout même quand on la combat. Elle est donc encore la plus
51 passées, présentes ou en formation, on s’aperçoit qu’ elle s’en distingue par deux grands traits généralement tenus pour des
52 au contraire, en Occident, et en Europe bien plus qu’ en Amérique, nous souffrons d’une espèce d’inquiétude essentielle. Nou
53 inquiétude fondamentale et ce désordre permanent, que les meilleurs esprits déplorent depuis des siècles ? Ils ne peuvent ê
54  ? Ils ne peuvent être accidentels. Je pense même qu’ ils remontent aux sources vives de notre civilisation, et qu’ils en so
55 ntent aux sources vives de notre civilisation, et qu’ ils en sont inséparables. Je les rattache à nos plus grandes tradition
56 homme chrétien. Il peut lire dans les Écritures «  qu’ il n’y a pas un juste, pas même un seul » et que pourtant il devrait ê
57 « qu’il n’y a pas un juste, pas même un seul » et que pourtant il devrait être saint. Il sait que le péché consiste à être
58  » et que pourtant il devrait être saint. Il sait que le péché consiste à être séparé de la Vérité vivante, et que tous les
59 é consiste à être séparé de la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il cherche donc. Il cherche à se rappr
60 qui sait les raisons de son inquiétude ; il sait qu’ elle est normale, et non désespérée, puisqu’elle est produite par sa f
61 i lit l’histoire des sciences. Elle lui fait voir que toutes les « vérités » qu’établissent les écoles successives sont rel
62 es. Elle lui fait voir que toutes les « vérités » qu’ établissent les écoles successives sont relatives et provisoires, ont
63 soires, ont été dépassées l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’être de la science est de saisir des vérités cer
64 elâche, vient remettre en question les certitudes que l’on croyait acquises, d’autre part, est le gage d’un progrès vers le
65 session de la vérité. On serait tenté de répondre qu’ il en est bien ainsi, quand on entend les intellectuels libéraux d’auj
66 bsolue ». Il serait peut-être erroné d’en déduire que l’Occidental nie l’existence d’une vérité en soi : simplement, il se
67 vérité en soi : simplement, il se refuse à croire qu’ un homme puisse vraiment y accéder (l’Hindou le croit). L’intérêt de l
68 dent, c’est le Progrès. Mais quel Progrès ? C’est qu’ il y ait plus de sens dans nos vies personnelles : plus de joie à avoi
69 s nos vies personnelles : plus de joie à avoir ce qu’ on a, à être ce qu’on est, à faire ce que l’on veut, à aimer ce que l’
70 lles : plus de joie à avoir ce qu’on a, à être ce qu’ on est, à faire ce que l’on veut, à aimer ce que l’on aime, donc plus
71 avoir ce qu’on a, à être ce qu’on est, à faire ce que l’on veut, à aimer ce que l’on aime, donc plus de liberté. Liberté po
72 e qu’on est, à faire ce que l’on veut, à aimer ce que l’on aime, donc plus de liberté. Liberté pour tous, il va de soi, mai
73 tous, il va de soi, mais cela n’a de sens concret que pour chacun. L’unité de mesure, ou mieux : l’organe de sensibilité à
74 aboutissent à des antinomies flagrantes aussitôt qu’ elles sont appliquées. Le progrès défini Définition par la techn
75 oriques. Il n’en serait pas moins vain d’imaginer qu’ on puisse l’éliminer ou l’oublier. Admettons que l’Europe, en la forma
76 r qu’on puisse l’éliminer ou l’oublier. Admettons que l’Europe, en la formant, ait « infecté » le monde entier : le monde n
77 ntier : le monde ne s’en guérira plus. À supposer qu’ il la refoule un jour, elle renaîtrait irrésistiblement du sentiment d
78 trait irrésistiblement du sentiment de l’Histoire qu’ on ne peut plus effacer, du mouvement de la science qu’on ne peut pas
79 ne peut plus effacer, du mouvement de la science qu’ on ne peut pas achever et, enfin, de la Technique, dont l’Asie et l’Af
80 Progrès » sont bel et bien nées en Europe, encore qu’ elles n’aient vraiment déployé leurs effets que dans les grands espace
81 re qu’elles n’aient vraiment déployé leurs effets que dans les grands espaces humains des Amériques et de l’URSS. Là, comme
82 l’Europe d’aujourd’hui s’effraye de constater ce que l’Amérique a fait de certaines techniques (taylorisme ou psychanalyse
83 aines techniques (taylorisme ou psychanalyse), ce que les Soviets ont fait de la croyance en l’Histoire, et ce que les peup
84 iets ont fait de la croyance en l’Histoire, et ce que les peuples de l’Orient proche et lointain risquent de faire du natio
85 uent de faire du nationalisme — j’y vois le signe que l’Europe détient encore le sens d’un équilibre intime : si ce sens n’
86 n ne réagirait ; s’il est blessé et réagit, c’est qu’ il existe. J’essaierai donc d’en définir la nature et les exigences. L
87 gences. L’Occident n’est pas né comme on nous dit que naissent les grandes cultures et civilisations, animées par un rêve q
88 ce fait initial nous semble accidentel, j’entends qu’ il serait vain d’essayer de le déduire d’une certaine situation d’ense
89 el monté du monde antique : nul ne peut démontrer qu’ il soit venu « à son heure ». Il porte à l’origine les stigmates du ré
90 ’ampleur de cette révolution, il faut imaginer ce qu’ était le sacré, ce qu’il est encore en Orient. La morale des Anciens e
91 lution, il faut imaginer ce qu’était le sacré, ce qu’ il est encore en Orient. La morale des Anciens est basée sur le rite,
92 sur le rite, et dans le monde magique elle n’est que rite. Seule la croyance moderne aux « lois de la science » et aux « n
93 niques » en général peut nous donner l’idée de ce que représente alors l’évidence magico-religieuse, et de ce qu’entraîne i
94 ente alors l’évidence magico-religieuse, et de ce qu’ entraîne indiscutablement sa transgression. La faute commise ne peut
95 calcul, de montage ou d’aiguillage, c’est-à-dire qu’ elle « ne pardonne pas » : elle suspend le cours normal de la vie, ell
96 ntique, traditionnel (au sens oriental de ce mot) que le message chrétien va bouleverser. Avec saint Paul, nous passons d’u
97 ent, saint Augustin dira : « Aime Dieu et fais ce que tu voudras. » Or, ces phrases invalident, du point de vue spirituel,
98 uelle ou rationnelle. Elles impliquent, en effet, que la valeur d’un acte ne peut être jugée par sa conformité avec les règ
99 rmité avec les règles du sacré ou du social, mais que son sens dépend d’une attitude intime, d’une libre appréciation de la
100 cisive et reste axiale : c’est par rapport à elle que nous pourrons mesurer nos oscillations pendulaires, les apports étran
101 e, fragile et menacé, mortel et ignorant, il sait qu’ il n’est pas dieu, ne rêve pas de le devenir, mais se sent d’autant pl
102 ira Protagoras, « de celles qui sont en supposant qu’ elles sont, de celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pa
103 lles sont, de celles qui ne sont pas en supposant qu’ elles ne sont pas ». Juge de tout, on le voit, même des dieux. D’où le
104 . D’où le sens de sa dignité, qui ne tient à rien qu’ à lui-même, au seul fait qu’il existe, distinct. D’où son orgueil auss
105 , qui ne tient à rien qu’à lui-même, au seul fait qu’ il existe, distinct. D’où son orgueil aussi, son astuce égoïste et, fi
106 uelque essence indestructible, mais du personnage qu’ il revêt dans la cité maintenue par les cadres du Droit et des Institu
107 iété dont les structures rigides n’encadrent plus qu’ une anarchie latente, parce que ces disciplines ne sont pas celles de
108 que ces disciplines ne sont pas celles de l’âme, que naît et se répand le christianisme. Apport chrétien. — La conversion
109 fin des religions et des magies, nées de la peur, qu’ il a permis le développement de la Science, recherche « impitoyable »
110 vérité. Car la vérité, pour la foi, ne peut être que celle de Dieu, même quand elle semble nuire au groupe, à la tribu, à
111 pe, à la tribu, à leurs lois et coutumes sacrées, que l’on prend pour l’Ordre et le Bien. L’« eppur » de Galilée me paraît
112 ’« eppur » de Galilée me paraît plus « chrétien » que l’indignation de ses juges. Suivons ici l’exégèse magistrale qu’a don
113 on de ses juges. Suivons ici l’exégèse magistrale qu’ a donnée de la pensée nietzschéenne Karl Jaspers : Si les Grecs, qui
114 oré la science universelle proprement dite, c’est que les mobiles spirituels et les impulsions morales nécessaires leur ont
115 e — du moins contre chacune des formes objectives que celui-ci a pu revêtir. Essayons de mesurer l’envergure du succès de
116 nbee nous met en garde contre les illusions de ce qu’ on pourrait appeler le narcissisme culturel. Mais comment le suivre, l
117 e gréco-romain des raisons de réfuter la croyance que « nous aurions fait dans le monde, au cours des quelques derniers siè
118 ’a pas de précédent ? » Alexandre n’avait conquis qu’ un quart des continents alors connus. S’il a cru que c’était le monde,
119 ’un quart des continents alors connus. S’il a cru que c’était le monde, il s’est trompé. Mais cette erreur ne peut être la
120 trompé. Mais cette erreur ne peut être la nôtre. Qu’ a fait l’Europe du xve siècle jusqu’à nos jours ? Elle a non seulemen
121 es degrés divers, mais pour le moins égaux à ceux qu’ avaient atteints dans leurs empires les Diadoques et les Khans mongols
122 ienne une supériorité intellectuelle et technique que personne ne lui contestait. Si, aujourd’hui, les peuples affectés par
123 igne d’une révolte contre ses méthodes importées, que la preuve décisive de leur succès. Les Grecs et les Romains ne dispos
124 civilisation qui soit en état de surpasser celle qu’ a répandue l’Occident ? En même temps qu’il devient possible, le dialo
125 Dès lors que les échanges se multiplient en fait, que l’Asie s’industrialise, et que le temps de voyages cesse de nous sépa
126 ltiplient en fait, que l’Asie s’industrialise, et que le temps de voyages cesse de nous séparer (nous faisons en un jour d’
127 t échange est ambivalent. Il peut détruire autant que féconder. L’adoption de machines et de certaines croyances, déduites
128 u moment même où l’Occident commence à soupçonner que ces autres sciences peuvent être « vraies » aussi, et même devenir vi
129 x de sacrifices dont il n’est pas du tout certain qu’ ils seraient féconds), ou bien il faut chercher un principe transcenda
130 tade présent de l’Aventure occidentale, on dirait qu’ il n’est plus qu’un seul des rêves constants de l’humanité qui ne soit
131 ’Aventure occidentale, on dirait qu’il n’est plus qu’ un seul des rêves constants de l’humanité qui ne soit pas théoriquemen
132 talité sur la terre, même lorsqu’ils enseignaient que la vie n’est qu’illusion. Mais aucun ne devint immortel. Nous chercho
133 re, même lorsqu’ils enseignaient que la vie n’est qu’ illusion. Mais aucun ne devint immortel. Nous cherchons plutôt les moy
134 tant nos usines : Quand vous aurez tout le temps, qu’ en ferez-vous ? (Mais lui, s’il devenait immortel ?) Le problème de l’
135 ipal de la science, nous butons contre le mystère que cette science avait cru pouvoir éliminer. Le Cosmos tout entier se ré
136 étypes formateurs… Le monde phénoménal n’est plus qu’ une apparence flottant sur l’océan sans rivages et sans fond de l’imma
137 a réalité de la matière ! Mais derrière ce voile, qu’ y a-t-il ? Cette question n’a pas de sens, nous dit-on. Dans l’univers
138 illimité-fini) vous iriez aussi loin et longtemps que vous voulez, droit devant vous, pour revenir au même point. Essayez d
139 t. Essayez de penser cela, et vous verrez bientôt que la question d’un au-delà ne se pose plus. Dans l’univers en expansion
140 tial, vous n’irez pas plus loin ni plus longtemps que la plus extrême galaxie. Mais dans quoi tout cela se meut-il ? Il est
141 Mais dans quoi tout cela se meut-il ? Il est vrai que la question n’a pas de sens : rien « au monde » ne peut y répondre ;
142 mpêcher, ni moi-même, de me la poser. C’est ainsi que notre esprit sans relâche vient buter contre la transcendance. L’Aven
143 Aventure se poursuit. Si l’on demande où elle va, qu’ on regarde d’abord d’où elle vient, et comment, jusqu’ici, elle est al
144 , et comment, jusqu’ici, elle est allée. On verra que la question même est spécifique de l’Occident. Toute réponse décisive
145 force étrangère. Je n’ai pas eu d’autre intention que de mieux définir la question, en cela fidèle à l’Occident qui m’a for
146 erait de la trouver lui-même, dès lors qu’il sait qu’ il n’en est point de vraiment générale et transposable — il quitterait
4 1961, Arts, articles (1952-1965). L’Amour en cause (1er février 1961)
147 eux, complexe et encombrant. Mais cela n’est vrai qu’ en Occident, car on n’observe rien de tel en Inde, en Chine ou en Afri
148 me est la religion de l’Amour. Religion d’un Dieu que l’Ancien Testament définissait comme l’Être originel, le Créateur du
149 le Créateur du monde et le sauveur d’Israël, mais que le Nouveau Testament révèle au cœur de tous les hommes, et d’une mani
150 ar un acte de l’amour « Dieu a tant aimé le monde qu’ il a donné son Fils unique… » Religion dont toute la Loi est résumée p
151 t l’Amour ». Et celui qui n’a pas l’Amour « n’est qu’ une cymbale qui retentit ». 2. Parce qu’il est religion de l’Amour, le
152 et pose la réalité de la personne. Les relations qu’ il définit entre l’homme et « son » Dieu sont personnelles. Dieu est p
153 i homme » selon le Credo. D’où suit immédiatement que tout homme converti, recréé par l’Amour divin, va devenir, dans l’imi
154 aimer Dieu et tout d’abord en être aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’il soit « tout autre » que l’homme. Et enfi
155 en être aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’ il soit « tout autre » que l’homme. Et enfin pour que l’homme puisse s
156 Dieu soit personnel et qu’il soit « tout autre » que l’homme. Et enfin pour que l’homme puisse s’aimer lui-même, il faut q
157 pour que l’homme puisse s’aimer lui-même, il faut qu’ il y ait en lui dualité entre l’homme naturel et l’homme nouveau, recr
158 me naturel et l’homme nouveau, recréé par l’appel qu’ il reçoit de l’Amour. Cet appel est sa vocation, la vie nouvelle de sa
159 Dans cet ensemble infiniment varié de phénomènes que l’Europe seule a désigné par le seul et même terme d’amour, considéro
160 emps réduite à quelques interdits élémentaires et que l’on trouve dans presque toutes les sociétés constituées. En dépit de
161 e physiologie du pèlerinage mystique, comme celle que nous décrivent sans varier depuis mille ans les traités du hatha yoga
162 la plupart des autres religions, et où l’on sait que les relations entre les sexes jouent un rôle décisif, minutieusement
163 forts pour réprimer et contenir l’instinct sexuel que dans leurs tentatives (rares et périphériques, voire hérétiques) pour
164 ’érotisme même dans les limites du mariage. C’est que les théologiens redoutaient avant tout qu’on pût croire que l’Éros di
165 C’est que les théologiens redoutaient avant tout qu’ on pût croire que l’Éros divinise sans la grâce et peut conduire à des
166 éologiens redoutaient avant tout qu’on pût croire que l’Éros divinise sans la grâce et peut conduire à des révélations. « L
167 ne doctrine du mariage tout à fait spécifique, et que la Gnose ignore, significativement. Elle se fonde sur quelques verset
168 crée comme dans les autres religions. Il n’en est que plus frappant d’observer à quel point les motivations spirituelles du
169 t, et plus souvent, il réduit le mariage à n’être qu’ une concession à la nature, une discipline contre l’incontinence : « J
170 une discipline contre l’incontinence : « Je pense qu’ il est bon pour l’homme de ne point toucher sa femme. Toutefois, pour
171 er sa femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que chacun ait sa femme, et que chaque femme ait son mari… Je dis cela pa
172 éviter l’impudicité, que chacun ait sa femme, et que chaque femme ait son mari… Je dis cela par condescendance, je n’en fa
173 en fais pas un ordre. Car il vaut mieux se marier que de brûler. » Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de l’Apôtre, la chas
174 e marier que de brûler. » Il n’en reste pas moins qu’ aux yeux de l’Apôtre, la chasteté et le célibat conduiraient seuls à l
175 e intarissable de problèmes, tant pour la société que pour l’individu. Au surplus, lié dès l’origine à la réalité de la per
176 partition traditionnelle et non moins paulinienne que gnostique, soulignons-le) se trouvait lié du même coup à la dialectiq
177 nce du christianisme. C’est pourquoi le phénomène que je nomme érotisme, englobant le mariage d’amour, la passion mystique
178 iage) ne devait développer toutes ses complexités que dans une Europe travaillée par la doctrine et la morale chrétiennes,
179 des siècles et dans sa situation contemporaine — qu’ à la lumière de ses origines religieuses et de ses fins transnaturelle
180 mme l’avait dit Baudelaire avec plus de précision que le proverbe antique sur l’oisiveté mère des vices — les chances prati
181 se, et même certaines philosophies plus poétiques que systématiques : milieux par excellence où agissent les mythes de l’âm
182 tinct ou avec « l’éternelle luxure » sans horizon que la pensée des spirituels se trouve aux prises et peut entrer en polém
183 té ; enfin, ce sont certaines notions de l’homme, qu’ une élite inconnue de la foule élabore à l’abri de toute sanction soci
184 e à l’abri de toute sanction sociale car c’est là qu’ on peut voir apparaître le sens réel du phénomène que j’ai rappelé, et
185 on peut voir apparaître le sens réel du phénomène que j’ai rappelé, et qui n’est guère en soi que l’écume d’une vague profo
186 omène que j’ai rappelé, et qui n’est guère en soi que l’écume d’une vague profonde surgie de l’âme collective. Derrière les
187 tolérance déjà presque sans bornes accordée à ce que l’on appelait naguère pornographie, il y a tout autre chose qu’une ré
188 ait naguère pornographie, il y a tout autre chose qu’ une réaction contre la période victorienne, qu’après tout la jeunesse
189 se qu’une réaction contre la période victorienne, qu’ après tout la jeunesse actuelle n’a pas connue dans sa vigueur, et don
190 , et dont elle n’a guère pu souffrir. Il est vrai qu’ une révolution n’éclate jamais qu’après la mort des vrais tyrans, cont
191 ir. Il est vrai qu’une révolution n’éclate jamais qu’ après la mort des vrais tyrans, contre leurs héritiers débiles et qui
192 s, contre leurs héritiers débiles et qui assurent que ce n’est pas de leur faute. Mais de quoi la morale victorienne est-el
193 te et tout d’abord, d’avoir eu peur de l’instinct qu’ elle voulait réprimer. Au lieu de justifier ses rigueurs en décrivant
194 s rigueurs en décrivant dans sa réalité le danger que la licence sexuelle fait courir à toute société militaire et laborieu
195 uritaine de sa vertu, moins religieuse d’ailleurs que civilisatrice. D’où l’effet de révélation que produisit l’œuvre de Fr
196 urs que civilisatrice. D’où l’effet de révélation que produisit l’œuvre de Freud, l’impression qu’elle « expliquait tout »,
197 tion que produisit l’œuvre de Freud, l’impression qu’ elle « expliquait tout », parce qu’elle expliquait certains troubles p
198 ur de complexes et de névroses. D’où la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’observateurs. Avant de nous effrayer
199 ériclitent. Est-il vrai, comme on nous le répète, que « la sensualité envahit tout » et que la sexualité défoulée « se déch
200 le répète, que « la sensualité envahit tout » et que la sexualité défoulée « se déchaîne » ? Bien sûr que non. L’instinct
201 la sexualité défoulée « se déchaîne » ? Bien sûr que non. L’instinct ne dépend pas des modes ni la nature de la culture —
202 baud. Cette espèce-là de révolution psychique n’a qu’ un précédent dans l’histoire de la culture occidentale : il se situe d
203 duite à l’obscure animalité. Le mariage ne posait que des problèmes d’héritages et de consanguinités souvent invraisemblabl
204 siècles, et n’est pas terminé. Car la révolution que nous sommes en train de vivre renouvelle en partie celle du xiie siè
205 Henry Miller et de Lawrence Durrel, pour ne citer que très peu de noms des plus connus ; sans oublier la fameuse Histoire d
206 dois, français et italiens, pour le grand public. Que verra dans tout cela, de prime abord, le témoin normal et moyen ? La
207 mme distinguerait-il, dans tout cela, autre chose qu’ une immense dépravation, qu’un manque de tenue mais aussi de légèreté,
208 out cela, autre chose qu’une immense dépravation, qu’ un manque de tenue mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de
209 ns esprits aberrants osent parler ? Lui dira-t-on qu’ il y a bien autre chose que la pédérastie dans Proust, l’inceste dans
210 parler ? Lui dira-t-on qu’il y a bien autre chose que la pédérastie dans Proust, l’inceste dans Musil, la luxure dans Mille
211 e. Or ces dispositions se trouvent être les mêmes que celle des acteurs érotiques, quoique ces derniers aient les motifs in
212 simple hypothèse de dialogue, les bonnes raisons que peut invoquer l’autre. J’entends bien que la littérature contemporain
213 fois ridicules et dangereux. Mais je n’oublie pas que sans la discipline sexuelle que les tendances dites puritaines ont su
214 s je n’oublie pas que sans la discipline sexuelle que les tendances dites puritaines ont su nous imposer dès les débuts de
215 l n’y aurait rien de plus dans notre civilisation que dans celles des nations qu’on dit sous-développées, et sans doute moi
216 ns notre civilisation que dans celles des nations qu’ on dit sous-développées, et sans doute moins : il n’y aurait pas le tr
217 ure. En revanche, sans l’érotisme et les libertés qu’ il suppose, notre culture vaudrait-elle mieux que celle qu’un Staline
218 qu’il suppose, notre culture vaudrait-elle mieux que celle qu’un Staline et qu’un Mao ont tenté d’imposer par décrets ? El
219 pose, notre culture vaudrait-elle mieux que celle qu’ un Staline et qu’un Mao ont tenté d’imposer par décrets ? Elle serait
220 re vaudrait-elle mieux que celle qu’un Staline et qu’ un Mao ont tenté d’imposer par décrets ? Elle serait strictement adapt
221 érotique embrasse plus de réalités psychologiques que la morale bourgeoise ne voulait en connaître, et que le puritanisme n
222 la morale bourgeoise ne voulait en connaître, et que le puritanisme n’en tolère. Or, ces réalités, quoi qu’on en juge, son
223 e, sont au moins aussi quotidiennes et obsédantes que les réalités économiques qui, d’ailleurs, en dépendent dans une certa
224 e fois reconnues, elles nous posent des problèmes qu’ on ne résoudra plus en les niant. Les découvertes de l’analyse des pro
225 , la littérature érotique réagit à des phénomènes qu’ elle n’a pas provoqués, qui la dépassent, mais dont elle tente de form
226 d’une évolution aussi rapide, on ne pourra sortir qu’ en avant, et non point par des retours aux disciplines d’antan. Il s’a
227 s trop souvent inconsciemment spirituelles autant que sociales. Quand nous connaîtrons mieux les mythes qui nous tentent, d
228 e nombreux lecteurs, à traiter aussi complètement que possible d’un sujet sous ses divers aspects. Denis de Rougemont, aute
229 nt a bien voulu accepter de participer à l’étude que nous commençons cette semaine sur l’évolution du mythe moderne de l’a
5 1961, Arts, articles (1952-1965). Les quatre amours (9 mai 1961)
230 Les quatre amours (9 mai 1961)h i Que toute la matière du cosmos, rassemblée, puisse tenir dans un dé ; que
231 du cosmos, rassemblée, puisse tenir dans un dé ; que sur cette petite Terre suspendue dans le vide, nous marchions sur du
232 ns sur du vide et vers le vide, n’étant nous même que furtifs agrégats d’infimes tourbillons statistiques ; que tout soit v
233 ifs agrégats d’infimes tourbillons statistiques ; que tout soit vide en vérité de science, dans les dimensions de l’Univers
234 milliards d’années terrestres dans le temps), et qu’ au fond du réel calculé soit le Vide — mais que, scintillements d’une
235 et qu’au fond du réel calculé soit le Vide — mais que , scintillements d’une seconde dans l’histoire de ce grain, notre Terr
236 apparaissent grandes et majestueuses, bien plus, qu’ au détour d’un sentier suivi dans la forêt d’avril nous attende une ré
237 vril nous attende une révélation du bonheur pur : qu’ il ait suffi de l’inflexion d’une voix pour que cette rencontre, demai
238 contre, demain, soit soudain le point de la vie ; qu’ il y ait tels moments où nous sommes convaincus que « tout » dépend d’
239 u’il y ait tels moments où nous sommes convaincus que « tout » dépend d’une décision à prendre ; qu’un monde coloré, déploy
240 us que « tout » dépend d’une décision à prendre ; qu’ un monde coloré, déployé, dense et stable s’étende autour de nous qui
241 ’étende autour de nous qui allons dans sa durée ; qu’ il y ait donc tout cela, mais le vide, tout cela dans le vide et compo
242 mmes d’aujourd’hui et leur action. Le miracle est qu’ il y ait des formes ! Qu’il ait de la consistance, des paysages, des v
243 r action. Le miracle est qu’il y ait des formes ! Qu’ il ait de la consistance, des paysages, des visages, une Nature autour
244 apparaît désormais grâce et don, miraculeuse ; et que la vacuité ait pu donner naissance à la plénitude des corps, que la l
245 ait pu donner naissance à la plénitude des corps, que la lumière soit devenue vision, l’énergie sentiment, la structure myt
246 e nature qui nous paraît miraculeuse n’est encore qu’ un mirage reflété sur le Vide, si elle n’est pas une parabole de l’éte
247 u’à la possibilité : elle les calcule exactement. Que sont-ils pour notre désir ? Ce vide qui baigne tout ? L’antimatière ?
248 y a un autre monde, mais il est dans celui-là. » Qu’ entendait-il ? Qu’avait-il vu ? Quel autre monde ? Et pourquoi n’y en
249 e, mais il est dans celui-là. » Qu’entendait-il ? Qu’ avait-il vu ? Quel autre monde ? Et pourquoi n’y en aurait-il qu’un ?
250 ? Quel autre monde ? Et pourquoi n’y en aurait-il qu’ un ? Il y a le monde du Vide, l’autre monde de la science ; il est là,
251 « au-dedans de nous », car il est plus nous-mêmes que nous, parce qu’il est en chacun de ceux qui le reçoivent « le Fils de
252 ’Ange qui sera « notre effigie » au cercle de feu qu’ a vu Dante. Et par quelle parabole le représenterons-nous ? « Il est s
253 enir, quand « la figure de ce monde passera », et que l’invisible sera vu. Quand tu le sais, l’amour commence, l’amour a dé
254 qui le sait dans toi. À la question fondamentale que pose le Vide : Pourquoi pas rien ? — si la pensée ne trouve pas de ré
255 tion directe de l’amour. C’est à cause de l’amour qu’ il y a quelque chose, que le vide s’anime et se différencie, qu’il y a
256 C’est à cause de l’amour qu’il y a quelque chose, que le vide s’anime et se différencie, qu’il y a des forces qui s’attiren
257 que chose, que le vide s’anime et se différencie, qu’ il y a des forces qui s’attirent et se repoussent, donc se composent,
258 i s’attirent et se repoussent, donc se composent, qu’ il y a par suite forme et mouvement proche et lointain dans l’espace e
259 ’amour seul explique tout, et l’être-en-soi n’est qu’ un mot désignant l’inconcevable : ce qui serait sans l’amour, « ce qui
260 e. L’amour a créé le vide en déployant l’attrait, que l’on nomme énergie ou désir, selon l’ordre physique ou animique. Et c
261 nt pour moi, existant dans ma re-connaissance, et que tout signe ou sens manifeste l’amour ; et rien d’autre n’importe en v
262 e nos formes. (Je pressens trop de raccourcis, et qu’ on trouvera !) Mais je crois bien n’avoir jamais douté de tout cela, q
263 je crois bien n’avoir jamais douté de tout cela, qu’ en vertu et au nom de l’Amour. Il est la grâce indubitable. Je n’ai pa
264 uter, je veux dire : de chercher jusqu’au bout ce qu’ un jour nous pourrons aimer de tout notre être enfin réalisé dans le T
265 e l’amour en l’homme ? L’expérience méditée, — et que j’espère banale (au sens propre), dans sa forme du moins — me suggère
266 dans sa forme du moins — me suggère quatre états que l’on peut distinguer par leur ordre d’apparition. Ils se mêleront et
267 re bien. Qui s’aime mal, comme l’égoïste, ne peut que mal aimer les autres et penser que « l’enfer c’est les autres » : c’e
268 oïste, ne peut que mal aimer les autres et penser que « l’enfer c’est les autres » : c’est qu’il se croit inacceptable et s
269 t penser que « l’enfer c’est les autres » : c’est qu’ il se croit inacceptable et se voudrait (inconsciemment) anéanti. Nul
270 e l’a vu d’abord en soi : or, aimer c’est vouloir que la personne unique s’édifie dans l’individu. Cette règle d’or est la
271 e, en tout domaine, bien dans celui de l’érotique que l’éducation, l’amitié et le mariage. L’émotion, ou l’Éros, seconde fo
272 e de l’âme. Dans sa genèse, elle correspond, quel que soit l’âge, à l’état de première adolescence, quand l’amour « point l
273 Mais s’il précède le désir dit physique, je crois que l’amour émotif animique n’apparaît pas sans que l’ait éveillé un rega
274 oisième forme de l’amour est dit physique, encore que nous sachions très bien que le sexe est lié comme nulle autre fonctio
275 onté de l’intellect, à l’âme et à l’imaginaire et qu’ en tant qu’il ne serait qu’un instinct animal, il n’aurait rien à voir
276 e et à l’imaginaire et qu’en tant qu’il ne serait qu’ un instinct animal, il n’aurait rien à voir avec l’amour. Les animaux
277 ’est parce qu’elle est, chez l’homme, autre chose que l’instinct, elle s’ordonne à des fins nouvelles qui ne sont plus cell
278 e la personne, la sexualité mérite ce nom d’amour que lui donne l’Occident moderne — quoi qu’en pense la morale moyenne (tr
279 le sexe pour mauvais en principe. Comme elle sent qu’ une telle attitude est plus hérétique que chrétienne, ou plus religieu
280 lle sent qu’une telle attitude est plus hérétique que chrétienne, ou plus religieuse que rationnelle et « scientifique », e
281 plus hérétique que chrétienne, ou plus religieuse que rationnelle et « scientifique », elle se garde de la déclarer, mais t
282 veut. (Chandogya upanishad, 7, 25.) Pensez-vous que la comparaison qui est faite ici entre l’acte de la connaissance reli
283 osmique, dernière forme de l’amour n’est atteinte que par la pensée, mais à travers le monde des sensations, lorsque au-del
284 ne de l’individuation, au-delà même de la matière que l’on dit brute, mais encore tangible et sensible, elle découvre, et m
285 stère de l’attraction universelle. Et il est beau que l’aventure de l’intellect, descendant des clartés instantanées de l’e
286 ur des lueurs nouvelles qui sont peut-être celles qu’ entrevoyaient les sages de l’Inde et de la Grèce, et que Dante dit avo
287 revoyaient les sages de l’Inde et de la Grèce, et que Dante dit avoir contemplées au prix de sa vue « consumée » mais déjà
288 omènes énergétiques et magnétiques, mais elle met que l’affectif demeure pour elle le plus impénétrable des mystères. Il es
289 le plus impénétrable des mystères. Il est capital qu’ elle l’admette. Ce qui était écarté depuis des siècles, renvoyé au cha
290 ens, de physiciens et d’astronomes, reconnaissent qu’ elles diffèrent essentiellement par leurs options métaphysiques. Ainsi
291 ux pour les joueurs, et pour les sérieux ce n’est qu’ un jeu. Pourtant, si l’on regarde un moment, mais sans jouer, les « co
292 eu de cartes ordinaire, on ne tardera à découvrir qu’ elles correspondent trait pour trait aux quatre amours que nous venons
293 correspondent trait pour trait aux quatre amours que nous venons d’identifier (et si l’on remonte aux tarots, on verra qu’
294 entifier (et si l’on remonte aux tarots, on verra qu’ il ne s’agit pas d’un hasard ou d’une fantaisie, comme l’ont montré le
295 de. Conception de l’amour : un roi de pique dira que « l’Amour n’est pas un sentiment, mais la situation totale de celui q
296 t, dans tous les sens (angles aiguisés, rappelant que ce carré fut d’abord un carreau d’arbalète, une flèche à quatre pans)
297 ens, est celui qui est coupé de l’âme, ou ne sait qu’ en faire et la nie). Conception de l’amour : l’équilibre exigeant l’é
298 61, p. 1, 4 et 5. i. Présenté par cette note : «  Qu’ est-ce que “le Royaume du ciel” pour un Occidental ? Qu’est-ce que la
299 4 et 5. i. Présenté par cette note : « Qu’est-ce que “le Royaume du ciel” pour un Occidental ? Qu’est-ce que la Communion
300 -ce que “le Royaume du ciel” pour un Occidental ? Qu’ est-ce que la Communion pour un homme moderne ? Comment l’intelligence
301 e Royaume du ciel” pour un Occidental ? Qu’est-ce que la Communion pour un homme moderne ? Comment l’intelligence nourrie d
6 1962, Arts, articles (1952-1965). Sartre contre l’Europe (17 janvier 1962)
302 de passer deux mois aux États-Unis. On n’y parle que du miracle européen. Journaux, hebdos, revues, gros livres, milieux u
303 uvrent l’Europe unie. À les entendre, on croirait qu’ elle est faite. La candidature anglaise au Marché commun les a subitem
304 rie » — comme disait Æneas Sivius au xve siècle. Qu’ est-ce qu’on y écrit sur ce sujet ? Je trouve plusieurs dizaines d’ouv
305 mme disait Æneas Sivius au xve siècle. Qu’est-ce qu’ on y écrit sur ce sujet ? Je trouve plusieurs dizaines d’ouvrages publ
306 contredit brutalement tout le reste. Il proclame que l’Europe est « foutue », qu’elle est « en grand danger de crever », q
307 e reste. Il proclame que l’Europe est « foutue », qu’ elle est « en grand danger de crever », qu’elle « agonise », qu’elle a
308 tue », qu’elle est « en grand danger de crever », qu’ elle « agonise », qu’elle a fait « eau de toutes parts », qu’elle est
309 en grand danger de crever », qu’elle « agonise », qu’ elle a fait « eau de toutes parts », qu’elle est « au plus bas », que
310 gonise », qu’elle a fait « eau de toutes parts », qu’ elle est « au plus bas », que « c’est la fin » et que nous voici tous
311 u de toutes parts », qu’elle est « au plus bas », que « c’est la fin » et que nous voici tous « enchaînés, humiliés, malade
312 elle est « au plus bas », que « c’est la fin » et que nous voici tous « enchaînés, humiliés, malades de peur ». Ce n’est pa
313 évolution guérit de tous les maux par la violence qu’ elle fait subir à leurs fauteurs et qu’elle permet à leurs victimes de
314 a violence qu’elle fait subir à leurs fauteurs et qu’ elle permet à leurs victimes de libérer. Joignons donc le FLN, les Ang
315 ser dans le camp de ses ennemis. Ceux-ci n’auront qu’ à nous assassiner « pour devenir hommes », on le précise à la page 17.
316 s cris son lavage de cerveau. « Voici des siècles qu’ au nom d’une prétendue aventure spirituelle l’Europe étouffe la quasi-
317 mpressionne, ce n’est pas le ton, guère plus neuf que la propagande communiste depuis une quarantaine d’années, mais c’est
318 importante étant tout simplement un état de fait que l’Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter de la colonisatio
319 siècles d’immobilité ou de continuelle décadence. Qu’ est-ce que l’Europe a « étouffé » dans le tiers-monde colonisé ? (Qui
320 immobilité ou de continuelle décadence. Qu’est-ce que l’Europe a « étouffé » dans le tiers-monde colonisé ? (Qui est fort l
321 évogan (« celui qui s’occupe des Blancs »), titre que l’on a traduit, « avec toute l’emphase diplomatique réglementaire, pa
322 la dans l’Histoire des peuples de l’Afrique noire que publie Robert Corvenin.) Les successeurs d’Agadja s’enrichissent par
323 laisse à MM. Sartre et Fanon le soin de démontrer que cet exemple n’infirme en rien leurs thèses, ou ne compte pas. Je leur
324 e pas. Je leur laisse à démontrer dialectiquement que le royaume de Ghana et l’empire du Mali n’ont pas été détruits par le
325 rs siècles plus tard et pendant soixante-dix ans, que les restes de ces États préalablement envahis et soumis par les Touar
326 — mais ils auront beaucoup à faire, décidément — que c’est la violence, et elle seule, qui a libéré l’Inde des Anglais, co
327 faits et dans la perspective de l’histoire, c’est que le colonialisme, malgré ses crimes, a réveillé les peuples du tiers-m
328 présenté des possibilités de développement telles qu’ ils ont découvert qu’ils étouffaient dans leurs régimes traditionnels.
329 ités de développement telles qu’ils ont découvert qu’ ils étouffaient dans leurs régimes traditionnels. Au nom de quelques-u
330 s. Au nom de quelques-unes de nos valeurs (telles que l’égalité, la liberté, la dignité, la personne et le droit à l’éducat
331 e — elles ont, l’une après l’autre, « décroché ». Qu’ est-il advenu de l’Europe considérée dans son ensemble ? « L’Europe es
332 e », écrit Fanon. Ses richesses ne proviendraient que de ses vols, c’est-à-dire de son exploitation du sol africain et du s
333 erait-il la création de sa terre et des richesses qu’ elle contient ?). Sartre renchérit : c’est avec cela que l’Europe a fa
334 e contient ?). Sartre renchérit : c’est avec cela que l’Europe a fait non seulement ses capitales industrielles, mais ses c
335 ). D’ailleurs, « l’Européen n’a pu se faire homme qu’ en fabriquant des esclaves » (eh quoi ! n’était-il pas humain avant le
336 rope ? Mais au nom de quelles valeurs plus chères que leur vie même ? De leurs valeurs européennes « pourries » ou de quell
337 ions. Revenons aux faits. Les faits nous montrent que les nations européennes, à peine libérées de la charge écrasante de l
338 couvrir l’Europe et la nécessité de son union. Et que , de leur union naissante — le Marché commun n’a que deux ans — a résu
339 e, de leur union naissante — le Marché commun n’a que deux ans — a résulté presque aussitôt une prospérité stupéfiante. L’E
340 n marxisme — d’ailleurs emprunté à l’Europe. Mais qu’ en est-il de Sartre en cette lugubre affaire ? Il nous faut expliquer
341 provinciales. Quand il écrit Europe, il ne pense que France, et quand il pense France, il ne voit que le drame algérien. «
342 que France, et quand il pense France, il ne voit que le drame algérien. « Quittons notre province, je veux dire notre nati
343 ive un peu tard avec sa diatribe contre un régime que plus personne ne défend, pas même les Russes, qui le pratiquent encor
344 iquent encore. Sa préface ne représente, en fait, qu’ un appendice pour le moins superflu à la longue tradition des excellen
345 expansion inévitable. Ils n’ont sauvé de la sorte que nos principes, compromis ou trahis par nos pratiques. L’ère coloniali
346 . L’ère colonialiste a pris fin, pour des raisons qu’ ils ne pouvaient prévoir. Pourquoi crier encore, sinon pour le plaisir
347 n d’un empire colonial ? Nous avons mieux à faire qu’ un mea culpa traduisant nos complexes personnels. Devant la crise écon
348 nt où elles se tournent obscurément vers nous. Ce que nous devons offrir au monde et à nos fils, non, ce n’est pas notre ma
349 yeux de l’histoire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe est finie, quand il s’agissait de la faire. j. Rougemont
7 1962, Arts, articles (1952-1965). Le miracle européen a créé le monde civilisé (6 juin 1962)
350 avec celles de la civilisation née de ses œuvres, qu’ elle a propagée sans prudence ni plan d’ensemble, dont elle n’est plus
351 ou climatiques, économiques ou démographiques. Ce que j’appelle le phénomène européen se signale, dans l’histoire du monde,
352 outre-mer. 3. L’Europe a produit une civilisation que le monde entier est en train d’imiter, tandis que l’inverse ne s’est
353 ’est jamais produit. Le phénomène unique au monde que dénotent ces constatations — tellement simples et tellement évidentes
354 ations — tellement simples et tellement évidentes que la plupart des historiens me paraissent les avoir négligées jusqu’ici
355 et dans l’ensemble, sans le savoir, plus marxiste que scientifique. (Non que je nie l’importance des données naturelles : j
356 s le savoir, plus marxiste que scientifique. (Non que je nie l’importance des données naturelles : je les trouve simplement
357 ffisantes pour rendre compte du phénomène dans ce qu’ il a de spécifique.) Certes, le découpage profond des côtes, propice à
358 un destin. Chaque géographe en tire d’ailleurs ce qu’ il lui plaît. C’est ainsi qu’Hippocrate, au ve siècle avant J.-C. exp
359 n tire d’ailleurs ce qu’il lui plaît. C’est ainsi qu’ Hippocrate, au ve siècle avant J.-C. explique la supériorité des Euro
360 rité des Européens sur les Asiatiques par le fait que les Asiatiques vivaient dans un climat trop égal, tandis qu’en Europe
361 telle et Brun, publiée à Paris en 1816, reconnaît que l’Europe historique n’est pas née de sa géographie. Je me plais à cit
362 de richesses territoriales… nous ne sommes riches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humain : cette r
363 oins le pouvoir de l’esprit humain : cette région que la nature n’avait ornée que de forêts immenses s’est peuplée de natio
364 humain : cette région que la nature n’avait ornée que de forêts immenses s’est peuplée de nations puissantes, s’est couvert
365 te étroite presqu’île, qui ne figure sur le globe que comme un appendice de l’Asie, devenue la métropole du genre humain.
366 e, presque niée. Serait-ce alors à la démographie qu’ il faudrait aller demander le secret de l’expansion européenne ? Un co
367 densités de peuplement de la terre nous fait voir que l’humanité s’est concentrée depuis longtemps dans trois régions privi
368 expansion vers le monde, était bien moins peuplée que la Chine et que l’Inde, et ne subissait aucune pression démographique
369 e monde, était bien moins peuplée que la Chine et que l’Inde, et ne subissait aucune pression démographique, même dans ses
370 grand essor démographique de nos nations ne date que du xixe siècle. Comment se fait-il alors que l’Inde, autre péninsule
371 premières, n’offre guère aux yeux de l’historien qu’ une décadence millénaire, dans le temps même où l’Europe faisait le to
372 s de l’époque, Inde comprise ? Comment se fait-il que les Chinois, qui étaient pourtant le tiers de l’humanité vers 1850, e
373 uart aujourd’hui (ils n’en seront sans doute plus que moins du cinquième en l’an 2000, selon les démographes — qui prédisen
374 mographes — qui prédisent donc le contraire de ce que l’Occident craint !), n’aient guère participé à l’histoire du monde q
375 !), n’aient guère participé à l’histoire du monde que par leur faculté de se laisser conquérir, et d’absorber leurs conquér
376 siècle, a été, de toute évidence, plus européenne que chrétienne. Assimiler l’Europe au christianisme, comme voulut le fair
377 ue ce serait la définir par une vérité éternelle, qu’ elle n’a pas mérité d’incarner, sur laquelle elle n’a pas de copyright
378 laquelle elle n’a pas de copyright… Reste le fait que le christianisme a très puissamment contribué à la synthèse européenn
379 Mais non sans nous poser cette question difficile que je vais laisser sans réponse : — Pourquoi l’Europe a-t-elle été la se
380 suffisante pour rendre compte du phénomène global que l’histoire nous oblige à constater : la fonction mondiale de l’Europe
381 urope. Décrivons donc maintenant ce phénomène tel qu’ il apparaît dans les faits. Ce n’est pas le déroulement logique d’une
382 dépens de la compréhension du phénomène lui-même, qu’ on voyait mal. Le xxe siècle a découvert qu’un phénomène, individuel
383 ême, qu’on voyait mal. Le xxe siècle a découvert qu’ un phénomène, individuel ou collectif, ne pouvait être bien saisi que
384 dividuel ou collectif, ne pouvait être bien saisi que dans son mouvement créateur, dans son archétype, dans son mythe. Or,
385 t dans un bond vers l’ouest, la mer et l’aventure que l’Europe légendaire prend son départ. Le mythe de l’enlèvement d’une
386 her » (comme dit Vigny) dont ne nous restent plus que les peintures rupestres de Lascaux et d’Altamira, l’Europe a été lent
387 e en Grèce, et de là, sur les terres du Couchant, que les langues sémitiques nomment Ereb, très probable étymologie du nom
388 liberté d’interprétation et de décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est en poursuivant l’image mythique de l’Europ
389 c’est en poursuivant l’image mythique de l’Europe que les navigateurs phéniciens découvrirent sa réalité géographique. Mais
390 Mais c’est aussi en renonçant à la trouver telle qu’ elle était dans son souvenir que Cadmus entreprit de la construire. On
391 la trouver telle qu’elle était dans son souvenir que Cadmus entreprit de la construire. On voit combien, dès ces temps fab
392 existe dans sa recherche à l’infini, et c’est ce que je nomme Aventure. Mais elle est autre chose encore, si l’on en croit
393 rient dans la péninsule d’Occident. Nous avons vu que les populations, les religions, les procédés techniques et les rudime
394 te sorte d’impasse au-delà de laquelle on croyait que le monde finissait. Une première culture originale se constitue en Gr
395 intégrés. Enfin, c’est dans le cadre de l’empire que se répand très rapidement une religion qui, elle aussi, vient du Proc
396 barrées. Restent les voies de l’Océan. C’est ici que l’aventure mondiale de l’Europe prend son départ, au matin de Palos d
397 , de science mythique et de nostalgie de la quête que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire de cet Ulysse au cœur chr
398 de « Grand amiral de la mer Océane », il fallait que Jason eût été en Colchide à la poursuite d’une chimère dorée, que le
399 é en Colchide à la poursuite d’une chimère dorée, que le continent de l’Ouest fût lié plus qu’un autre aux mers, que son so
400 e dorée, que le continent de l’Ouest fût lié plus qu’ un autre aux mers, que son sol fût pauvre en métaux, que l’islam occup
401 ent de l’Ouest fût lié plus qu’un autre aux mers, que son sol fût pauvre en métaux, que l’islam occupât Byzance après Jérus
402 autre aux mers, que son sol fût pauvre en métaux, que l’islam occupât Byzance après Jérusalem, barrant la route de l’Asie,
403 ance après Jérusalem, barrant la route de l’Asie, que les rois catholiques eussent besoin d’or non pour eux-mêmes mais pour
404 1900. Au début de notre xxe siècle, on peut dire que l’Europe a placé sur orbite sa civilisation. Mais les étages de la fu
405 l’Europe technicienne. Dans ce sens, on peut dire que l’Europe « a fait le monde ». Mais une fois le monde fait par elle, e
406 peuples, et de respect pour toutes les personnes, qu’ elle avait elle-même formulées et diffusés sans en calculer leurs cons
407 ap asiatique, et pas plus grande, notons-le bien, qu’ elle ne le fut au Moyen Âge. Elle reste le cœur d’un Occident né de se
408 teurs, c’est-à-dire contre l’Occident ? Il semble qu’ un des héros de la plus ancienne poésie grecque symbolise au mieux la
409 force » comme l’a bien nommé Simone Weil. Mais ce qu’ il y a de plus typiquement occidental dans les poèmes homériques, c’es
410 sait de marcher vers l’inconnu. Il trouva le pays que Dieu lui réservait, et ce fut là le terme de son aventure, mais le dé
411 s Découvreurs, croyait savoir où il allait, et ce qu’ il cherchait : il avait calculé qu’il y serait en trente jours. Mais t
412 allait, et ce qu’il cherchait : il avait calculé qu’ il y serait en trente jours. Mais tous ses calculs étaient faux, il tr
413 ule qui le soutint, car les deux grands problèmes qu’ il tentait de résoudre : atteindre l’Inde en contournant l’islam et fi
414 me synthétique — ne font en somme pas autre chose que Colomb et qu’Ulysse avant lui : ils partent vers des buts proches ou
415  — ne font en somme pas autre chose que Colomb et qu’ Ulysse avant lui : ils partent vers des buts proches ou lointains qu’i
416  : ils partent vers des buts proches ou lointains qu’ ils rêvaient avec précision, ils se trompent sur les buts de leurs voy
417 , ou sur le nom et la nature de leur objet. Et ce qu’ ils trouvent pose de nouveaux problèmes, tous imprévus, compromet les
418 les anciens équilibres, oblige à repenser tout ce qu’ on tenait pour acquis, et à chercher toujours plus loin, au prix de ri
419 plus loin, et de la sorte créer autant de risques qu’ on résout de problèmes, telle est, je crois, la vraie formule du Progr
420 rès, dans sa définition occidentale. Et l’on voit qu’ elle est ambiguë : qu’il suffise de citer, pour l’illustrer, l’ambiguï
421 n occidentale. Et l’on voit qu’elle est ambiguë : qu’ il suffise de citer, pour l’illustrer, l’ambiguïté de notre essor tech
422 aire quoi ? Nous augmentons notre puissance, mais qu’ en est-il de nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonhe
423 rsuite passionnée de vérités partielles, advienne que pourra, préférer le risque créateur à la méditation prudente d’une sa
424 ’est tout le génie de l’Occident, et c’est par là que l’Occident, aventureuse moitié du monde, s’oppose le plus radicalemen
8 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe détient les secrets de l’avenir, mais a-t-elle la volonté de vivre ? (13 juin 1962)
425 présent de l’évolution du monde est plus centrale que jamais, si bizarre que puisse apparaître l’expression. Voyons donc le
426 du monde est plus centrale que jamais, si bizarre que puisse apparaître l’expression. Voyons donc les faits mesurables. Par
427 aits mesurables. Parmi l’infinité des hémisphères qu’ on peut tracer sur notre globe, il en existe un — et un seul ! — qui s
428 le du monde. De là le nom d’hémisphère privilégié que lui ont donné les géographes. L’autre moitié du globe, ainsi détermin
429 itié du globe, ainsi déterminée, ne contient donc que 6 % des habitants et 2 % de la production du monde, n’étant guère occ
430 de la production du monde, n’étant guère occupée que par les océans, le continent antarctique, la Patagonie et l’Australie
431 ridionale. Or voici le fait qui me frappe : c’est que le pôle de cet hémisphère tombe en Europe, exactement au sud de Nante
432 de vue correspondant aux antipodes, on ne verrait que de l’eau et des déserts, et seulement sur les bords, des traces de l’
433 de l’Occident et de l’esprit européen, constater que l’Europe actuelle, amputée des plaines russes, tiendrait près de neuf
434 bles. En proportion de sa surface, n’oublions pas que l’Europe a les plus longues côtes (7 000 km de plus que l’Afrique), l
435 Europe a les plus longues côtes (7 000 km de plus que l’Afrique), les ports les plus nombreux, le plus riche réseau de voie
436 ement reliées et régionalement fédérées. Et voici que tout se résume en un coup d’œil. Car autour de la place d’un simple v
437 roisées. Esquissons ce portrait de l’Europe telle que chacun de nous peut la voir, ce portrait composé non point à partir d
438 octrines — dont il serait toujours facile de dire qu’ elles n’ont guère été mises en pratique et qu’il s’agit d’une Europe i
439 ire qu’elles n’ont guère été mises en pratique et qu’ il s’agit d’une Europe idéale, qu’on refuse de reconnaître, qui est ce
440 en pratique et qu’il s’agit d’une Europe idéale, qu’ on refuse de reconnaître, qui est celle des autres, de l’autre école o
441 nous dissimulons pas ses risques, mais il se peut qu’ elle donne quelques idées fécondes à de jeunes sociologues qui la pous
442 nes sociologues qui la pousseraient plus loin, et qu’ elle suggère une méthode inédite d’un enseignement de notre vie civiqu
443 paces mesurés par l’usage. Les dictatures ne font que de la géométrie, alignent des façades bureaucratiques autour d’un cer
444 s, malgré son nom, répugne autant à l’angle droit que le Palio de Sienne, la Piazza Signioria ou le forum romain lui-même,
445 agora des Grecs, où naquit le civisme occidental. Que la mairie (l’hôtel de ville, le municipio, le Rathaus) soit ou non bâ
446 soit ou non bâtie sur la place — et il se trouve qu’ elle l’est en général — c’est bien de là qu’elle tire son sens origine
447 rouve qu’elle l’est en général — c’est bien de là qu’ elle tire son sens originel. Les partis qui décident de la composition
448 e de toute place digne du nom : le café. C’est là qu’ elle se parle d’abord, s’écrit bien souvent, et se lit. C’est dans les
449 vent, et se lit. C’est dans les cafés de Hollande que se réunissent les réfugiés qui créeront les fameuses gazettes françai
450 tion française. C’est dans les tavernes anglaises que se lisent à haute voix les éditoriaux du journal que Daniel Defoe réd
451 se lisent à haute voix les éditoriaux du journal que Daniel Defoe rédige seul, de 1704 à 1713. Et c’est encore dans les ca
452 l, de 1704 à 1713. Et c’est encore dans les cafés que le Spectator d’Addison, un peu plus tard, a l’ambition de faire pénét
453 visibles — comme j’entends le faire aujourd’hui — que se passe-t-il dans cette église, et que l’Orient n’a jamais connu ? L
454 urd’hui — que se passe-t-il dans cette église, et que l’Orient n’a jamais connu ? Le prêtre parle, entonne, et le peuple ré
455 ion sortirait de mon sujet. Je signale simplement qu’ elle pourrait être faite presque aussi bien en partant de l’école, aut
456 e, sont souvent plus sensibles aux débats du café qu’ aux objurgations de la chaire. Voici donc une nouvelle tension qui s’i
457 individu, mais le conduire à lui-même tout autant qu’ aux grands lieux communs qui ont formé la cité, qui la maintiennent, e
458 ns qui ont formé la cité, qui la maintiennent, et qu’ il faut critiquer pour les garder vivants, mais au nom des principes q
459 our les garder vivants, mais au nom des principes qu’ elle enseigne. La fonction de l’école dans la cité se résume donc par
460 connu jusqu’à nos jours d’autre forme d’éducation qu’ initiatique.) Quant au marché, qui occupe le centre de la place, lieu
461 port eut pris plus d’importance pour le commerce que le marché citadin-rural.) Ici se noue le jeu serré des intérêts contr
462 une histoire plus intense, violente et polémique que n’en relatent les chroniques d’aucune autre région du monde. Quand le
463 cuits ; dans la mesure ou se développe, ne fût-ce qu’ une part du potentiel accumulé par ces tensions, on conçoit qu’il fonc
464 u potentiel accumulé par ces tensions, on conçoit qu’ il fonctionne alors comme le foyer d’une expansion énergétique irrésis
465 l’état de santé de l’Europe est-il aussi mauvais que le proclament une bonne partie de nos intellectuels ? Plus sérieuseme
466 té, c’est-à-dire des institutions traditionnelles que concrétisent nos bâtiments — symboles réunis autour de la place. Comm
467 es dans nos villages, qui n’en possèdent pourtant qu’ une seule le plus souvent, alors qu’en Amérique elles sont pleines cha
468 abitants. L’église, en Amérique, est restée mieux que chez nous le centre de la vie sociale d’un village. Elle y joue un gr
469 a rigueur d’une doctrine et d’une vie spirituelle que l’Europe a mieux su maintenir face à l’État et face aux modes du jour
470 ue dans l’ensemble de nos pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui est celle des plans à grande échelle, allait lui
471 marché, qui occupe le centre de la place, on sait qu’ il n’a jamais été plus prospère qu’aujourd’hui, et cela dans tous nos
472 place, on sait qu’il n’a jamais été plus prospère qu’ aujourd’hui, et cela dans tous nos pays, qu’il s’agisse du Marché comm
473 spère qu’aujourd’hui, et cela dans tous nos pays, qu’ il s’agisse du Marché commun des Six, ou de l’économie des pays neutre
474 se, enfin, et au café dont elle est née, je dirai que la prospérité d’une presse libre et le prestige des cafés littéraires
475 crets de l’Europe. L’Europe sans sa culture n’est qu’ un cap de l’Asie, assez pauvre en richesses naturelles, et moins peupl
476 hesses naturelles, et moins peuplé, je le répète, que l’Inde ou que la Chine. Mais ce cap et ses habitants, longuement trav
477 les, et moins peuplé, je le répète, que l’Inde ou que la Chine. Mais ce cap et ses habitants, longuement travaillés, tourme
478 me rappelle l’équation la plus célèbre du siècle, qu’ est celle d’Einstein : E = mc2, ou E signifie l’énergie, m la masse, c
479 u carré). (Je précise bien — on ne sait jamais… — qu’ il ne s’agit pas là d’une démonstration faussement mathématique, mais
480 e toujours ouverte entre tradition et innovation, que l’Europe s’est montrée capable d’intégrer un peu mieux que d’autres l
481 ope s’est montrée capable d’intégrer un peu mieux que d’autres la technique. Ailleurs, en Amérique et en Russie, sur des gr
482 ns inhumaines du point de vue de l’hygiène autant que de la morale. Cette pre­mière explosion de la technique a fait beauco
483 hnique a fait beaucoup plus de mal à notre espèce que les explosions nucléaires qui nous épouvantent aujourd’hui. (Seulemen
484 blèmes sociaux et moraux, éducatifs et spirituels qu’ une technique et une science, nées de ses œuvres, posent désormais à t
485 e, il y a toutes les raisons objectives de penser qu’ il se portera beaucoup mieux qu’on ne le dit, et que souvent il ne le
486 ectives de penser qu’il se portera beaucoup mieux qu’ on ne le dit, et que souvent il ne le pense lui-même. Mais veut-il viv
487 ’il se portera beaucoup mieux qu’on ne le dit, et que souvent il ne le pense lui-même. Mais veut-il vivre ? Saura-t-il rass
488 iques — mais aussi aux nouvelles tâches mondiales que lui impose la diffusion de sa propre civilisation et de ses propres i
489 de sa santé mentale et de son existence physique que symbolise, sur la place du village, un monument qui réintroduit dans
9 1962, Arts, articles (1952-1965). Le monde entier irrite l’Europe et la méprise autant qu’il la jalouse ! (20 juin 1962)
490 monde entier irrite l’Europe et la méprise autant qu’ il la jalouse ! (20 juin 1962)m n L’appel du monde, provoqué par no
491 ant lesquelles nos États ont perdu leurs empires, que l’Europe s’est mise à s’unir. Les dates de la décolonisation success
492 t de l’Afrique, sont les mêmes dates, exactement, que celles de nos premières étapes vers l’union 1945 à 1962, et tout port
493 vers l’union 1945 à 1962, et tout porte à prévoir que les deux processus s’achèveront simultanément d’ici quelques années,
494 ale comme un péché mortel de l’Europe, en ce sens qu’ il devait aggraver la dissolution du corps européen en nations rivales
495 s mêmes guerres ont fait comprendre aux Européens qu’ il était temps de juguler leurs sanglants chauvinismes, et cela devait
496 ement, il ne serait pas sans intérêt de souligner que les défaitistes européens, nationalistes ou marxistes, qui soutenaien
497 u marxistes, qui soutenaient depuis cinquante ans que l’Europe n’était riche que de l’exploitation des colonies, disaient l
498 t depuis cinquante ans que l’Europe n’était riche que de l’exploitation des colonies, disaient les uns, de leur pillage, di
499 autres, sont en train de recevoir un démenti tel que l’histoire en offre peu d’exemples. Car en effet, s’ils avaient eu ra
500 n’avait connu croissance économique aussi rapide que depuis qu’il a renoncé, bon gré, mal gré, à ses possessions d’outre-m
501 nnu croissance économique aussi rapide que depuis qu’ il a renoncé, bon gré, mal gré, à ses possessions d’outre-mer. Décolon
502 pansion coloniale d’États rivaux, pour criminelle qu’ on veuille la juger, a réveillé en fait les peuples du tiers-monde. Il
503 ait les peuples du tiers-monde. Ils ont découvert qu’ ils étouffaient dans leurs régimes traditionnels. Au nom de quelques-u
504 , et pour les mêmes raisons, elles ont compris ce qu’ elles refusaient de comprendre depuis près de six-cent-cinquante ans :
505 ponsable, à tort ou à raison, d’autant de méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle soit la seule qui ait s
506 méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’ elle soit la seule qui ait su se rendre transportable et intégrable ho
507 des hôpitaux, répandent des théories humanitaires qu’ ils ne pratiquent pas toujours sans réserve, emprisonnent ceux qui ose
508 régimes d’oppression autochtone. C’est tout cela que l’on confond aujourd’hui dans un seul mot : colonialisme. Je n’en con
509 is pas de plus injuste, puisqu’il ne veut retenir que l’injustice, dans l’immense processus chargé d’humanité et de charité
510 s chargé d’humanité et de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’une aventure dont le bilan est encore trè
511 t encore très loin d’être fait. Et rien ne prouve que ce bilan sera finalement négatif : c’est en somme celui du Progrès, s
512 t les empereurs chinois s’imaginaient, eux aussi, qu’ ils dominaient le monde entier. Eh bien ! ils se trompaient tout simpl
513 ien plus de traditions oubliées par leurs peuples que nos armées et nos missions n’en ont jamais détruites ou dénaturées. M
514 ou dénaturées. Mais alors, le retrait de l’Europe qu’ on nomme décolonisation, ne va-t-il pas entraîner l’effacement progres
515 se veut bien plus anglaise, donc plus occidentale que n’était l’Inde colonisée. Elle a peut-être tort, mais c’est ainsi. En
516 bligé, mais parce qu’on a besoin de cette langue, qu’ elle est devenue un facteur de cohésion nationale, qu’elle constitue e
517 lle est devenue un facteur de cohésion nationale, qu’ elle constitue en outre un moyen d’accès aisé à la vie internationale…
518 intérêt paraît ici, comme ailleurs, plus efficace que la contrainte. Et partout, dans les nations neuves du tiers-monde, i
519 ans les nations neuves du tiers-monde, il a suffi que nos administrateurs civils et militaires s’en aillent, pour que soit
520 nt. Bien plus, ces administrateurs ne sont partis qu’ en vertu d’idéaux européens adoptés par l’élite indigène. Ces idéaux,
521 ntre nos pratiques trop souvent immorales : c’est qu’ ils valaient sans doute mieux que nous ne l’avions cru, et mieux que n
522 mmorales : c’est qu’ils valaient sans doute mieux que nous ne l’avions cru, et mieux que nous : tant pis pour nous, et tant
523 ns doute mieux que nous ne l’avions cru, et mieux que nous : tant pis pour nous, et tant mieux pour nos idéaux ! Je ne les
524 uent d’être aussi fâcheuses pour nous, Européens, que pour les peuples du tiers-monde. Fâcheuses pour nous d’abord. Car il
525 . Fâcheuses pour nous d’abord. Car il est évident que notre civilisation ne s’est rendue assimilable et transportable qu’au
526 tion ne s’est rendue assimilable et transportable qu’ au prix d’une périlleuse disjonction entre ses produits de tous ordres
527 tion occidentale se prêtent mieux à l’exportation que la version originale. D’où l’avantage incontestable des Américains, e
528 oup plus simples du progrès, tant social et moral que purement matériel. Les premiers n’ont pas les scrupules et la mauvais
529 ais arrêté les seconds, pas plus dans leur empire qu’ en Afrique ou en Asie. Donc, à court terme, il peut sembler que leurs
530 ou en Asie. Donc, à court terme, il peut sembler que leurs chances soient meilleures que les nôtres. Le tiers-monde les ac
531 peut sembler que leurs chances soient meilleures que les nôtres. Le tiers-monde les accueille sans méfiance de principe. I
532 ers-monde, en cette affaire, a bien plus à perdre que nous. Ses meilleurs esprits le découvrent. Mais aussitôt, ils nous ac
533 culture et de sa diffusion désordonnée. Rappelant que les pays sous-développés imitent maladroitement tout ce qu’a fait l’O
534 ys sous-développés imitent maladroitement tout ce qu’ a fait l’Occident, ce professeur rendait l’Europe responsable de tous
535 de la reviviscence, en Asie et en Afrique, de ce qu’ il appelait « les conceptions partielles ou discréditées de l’esprit e
536 européen ». Il en donnait l’impressionnante liste que voici : L’évangile du progrès matériel automatique, un nationalisme
537 uissance militaire et politique, une bureaucratie qu’ on ne pourra plus extirper, la multiplication des besoins nouveaux, un
538 . C’est une assez bonne liste de nos vices, tels qu’ ils se sont manifestés, du moins à partir des débuts de l’ère industri
539 e matérialisme, quand c’est notre aide matérielle que vous exigez à grands cris, et pas du tout nos missionnaires ? Cette r
540 ar nous sommes largement responsables des erreurs que commet le tiers-monde quand il nous juge. Ce ne sont pas nos meilleur
541 s plus conscients des vraies valeurs européennes, que nous envoyons outre-mer, mais des agents de nos États et de nos firme
542 du milieu où ils vont agir, et moins encore de ce que l’Europe peut signifier dans son ensemble et vue de loin, des agitate
543 s le meilleur, loin de là, et nous méprise autant qu’ il nous jalouse. C’est en fin de compte notre faute, car nous n’avons
544 monde entier irrite l’Europe et la méprise autant qu’ il la jalouse ! », Arts, Paris, 20 juin 1962, p. 2. n. Précédé du cha
545 ssité matérielle et morale de répondre aux appels que le monde nous adresse, par sa faim, par sa peur, et même par sa haine
10 1962, Arts, articles (1952-1965). L’Europe est un colosse qui s’ignore (encore) (27 juin 1962)
546 semble avoir persuadé nos élites comme nos masses que l’Europe est une pauvre chose écrasée entre deux colosses. Cette conv
547 viiie siècle, elle hantait nos esprits. Voici ce qu’ écrit à Catherine de Russie le baron Grimm, gazetier littéraire de Par
548 trop dégradés, trop avilis pour savoir autrement que par une vague et stupide tradition ce que nous avons été. En 1847, S
549 trement que par une vague et stupide tradition ce que nous avons été. En 1847, Sainte-Beuve résume ainsi l’opinion de l’hi
550 on de l’historien Adolphe Thiers : Il n’y a plus que deux peuples. La Russie, c’est barbare encore, mais c’est grand… La v
551 te-cinq carrés. Il est donc à lui seul plus grand que les deux autres additionnés. Question : Que signifie ce rectangle du
552 grand que les deux autres additionnés. Question : Que signifie ce rectangle du milieu ? Réponse : C’est l’Europe entre les
553 philosophe et le meilleur artiste — vous avouerez qu’ il est au moins curieux que l’Europe se sente écrasée entre deux colos
554 rtiste — vous avouerez qu’il est au moins curieux que l’Europe se sente écrasée entre deux colosses plus petits qu’elle, qu
555 se sente écrasée entre deux colosses plus petits qu’ elle, qui n’atteindraient même pas sa taille en montant l’un sur l’aut
556 e en montant l’un sur l’autre. Mais vous me direz que la puissance réelle de l’Europe n’est pas en proportion de sa populat
557 oportion de sa population. C’est exact en ce sens que , par tête d’habitant, la production américaine dépasse encore celle d
558 ’accroissement est beaucoup plus rapide en Europe qu’ aux États-Unis. Et quant aux chiffres absolus, l’Europe occupe le prem
559 persiste à me sentir écrasé. » C’est vrai. C’est que vous ne vous sentez pas encore le citoyen d’une nation de 335 million
560 ui n’est plus à l’échelle du monde nouveau. C’est que l’Europe unie n’est pas faite et qu’il nous faut donc absolument la f
561 uveau. C’est que l’Europe unie n’est pas faite et qu’ il nous faut donc absolument la faire, pour que notre capacité globale
562 s, mais dans notre conscience. L’Europe a tout ce qu’ il faut pour être encore la première puissance de la Terre, non par se
563 ion. Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant qu’ une bonne partie de l’élite intellectuelle occidentale désespère bruya
564 dénie toute espèce de vocation à l’Occident, tel que le représentent l’Europe en train de s’unir et les États-Unis. Il est
565 unir et les États-Unis. Il est courant d’entendre que l’Occident est en pleine décadence morale, et surtout qu’il n’a plus
566 cident est en pleine décadence morale, et surtout qu’ il n’a plus d’idéal à opposer aux valeurs neuves et conquérantes du co
567 ique de l’Occident et sa vitalité intellectuelle, que rien ne dépasse et n’atteint même de loin, ni en Orient, ni en Afriqu
568 non une décadence. Mais il y a plus : on nous dit que les valeurs nouvelles capables d’entraîner le monde et de lui rendre
569 er le monde et de lui rendre un idéal sont celles que représente le communisme russe. Je demande à voir — et je ne vois rie
570 . Je demande à voir — et je ne vois rien de neuf. Qu’ est-ce, au total, que le communisme soviétique ? Un mélange de 50 % de
571 et je ne vois rien de neuf. Qu’est-ce, au total, que le communisme soviétique ? Un mélange de 50 % de tradition proprement
572 e. Ce sont donc des valeurs qui nous sont propres que les Russes nous renvoient aujourd’hui, fort simplifiées et appauvries
573 d’ailleurs, sous le nom de marxisme dialectique. Qu’ en serait-il alors d’un autre successeur, hypothétique, reprenant de n
574 , hypothétique, reprenant de nos mains débiles ce qu’ on appelait jadis « le flambeau de la civilisation » ? Là encore, je n
575 différente de la nôtre, qui serait mieux capable que nous d’exercer la fonction planétaire unifiante qui sera désormais, d
576 regard sur le globe nous fait voir, au contraire, que les peuples nouveaux se tournent vers l’Europe, même quand ils l’inju
577 la copiant. Pour le dire en une phrase, voici ce que je constate. Le Sud-Est de l’Asie jalouse la Chine et voudrait secrèt
578 terrain ; et la Russie proclame depuis trente ans qu’ elle fera mieux que l’Amérique — laquelle est, après tout, une créatio
579 sie proclame depuis trente ans qu’elle fera mieux que l’Amérique — laquelle est, après tout, une création de l’Europe ! Le
580 ver, dans tout cela, nos successeurs ? Je ne vois que des imitateurs un peu en retard qui, bien souvent, caricaturent nos p
581 responsables. Car cette faiblesse ne traduit rien qu’ une division de nos forces — et nous sommes en bon train de les unir —
582 du colonialisme, exigent de nous bien autre chose qu’ un mea culpa rageur et masochiste, tellement plus facile que l’action.
583 culpa rageur et masochiste, tellement plus facile que l’action. Les vertus et les vices de l’Europe, son passé et son expér
584 nstitués au lendemain des grandes découvertes, et que seules les techniques qu’elle a su inventer sont en mesure de les ent
585 grandes découvertes, et que seules les techniques qu’ elle a su inventer sont en mesure de les entretenir. L’Europe reste le
586 ndiaux et cela, non seulement à cause de la place qu’ elle occupe au centre de l’hémisphère privilégié, mais parce que son c
587 que les États-Unis ne dépendent du reste du monde que pour 5 % au maximum de leur produit national. Le monde est vital pour
588 ifférentes des nôtres : ce n’est point par hasard que l’Europe a créé l’ethnographie et l’archéologie, et la science des re
589 s de l’Europe, et c’est vers elle, naturellement, que je vois se tourner les élites du tiers-monde : c’est à travers l’Euro
590 élites du tiers-monde : c’est à travers l’Europe qu’ elles conçoivent la nécessité et les moyens de dialoguer, non seulemen
591 en Allemagne, en Angleterre, en France, en Suisse que les techniques industrielles ont pris le départ à l’orée du xixe siè
592 départ à l’orée du xixe siècle : c’est aussi là qu’ elles ont trouvé des résistances traditionnelles et coutumières qui le
593 t à tout prix nos belles machines, sans se douter qu’ elles peuvent détruire de proche en proche ses traditions les plus val
594 es psychiques, par les champs de force invisibles qu’ elles transportent, à la manière du cheval de Troie. Et cela nous cond
595 s du point de vue de leurs propres intérêts, mais qu’ ils s’imposent pour le prestige. Sous prétexte de se libérer des derni
596 es et la mise en commun des droits « souverains » qu’ aucun de nos pays n’est plus en mesure d’exercer à lui seul, dans le m
597 ussi d’une grande fédération. Dans la coïncidence que j’ai relevée entre la fin de notre impérialisme colonial, les débuts
598 : à faire le monde en se faisant. Le nouvel idéal que réclame la jeunesse, il est là, dans l’Europe fédérée, modèle mondial
599 e affaire. Nous sommes pour les autres un espoir, qu’ il s’agit de ne pas frustrer. L’avenir de l’Europe est gagé sur de gra
600 dans les données constitutives de l’Occident, et que tout appelle dans le monde de cette seconde moitié du xxe siècle. Le
601 rope ne dépendent pas d’une juste prévision de ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’esprit agissant par nos mains.
602 urs prochain de notre histoire : c’est à la faire que nous sommes appelés.8 8. Ces textes paraîtront, en volume, en sept
603 ction précise : « Une coquille nous a fait écrire que le chiffre de la population de l’Europe de l’Ouest était de 355 milli
11 1962, Arts, articles (1952-1965). Un refus d’aimer (3 octobre 1962)
604 antes, donnent des indications inverses de celles qu’ on tirerait de Sagan. L’érotisme traduit certainement une décadence de
605 rtainement une décadence de l’amour idéalisé, tel que le concevaient nos grands-parents, mais rien ne permet de réduire « l
606 e généralisation ou de statistique. Les attitudes que la majorité de nos contemporains sont censés adopter vis-à-vis de l’é
12 1965, Arts, articles (1952-1965). Le déferlement de l’érotisme : pour une nouvelle théologie (5-11 mai 1965)
607 ats-Unis. Il ne faudrait tout de même pas oublier que ces ouvrages datent du xviiie siècle. Ce qui est nouveau, c’est leur
608 sanctification quelconque de notre époque. Reste que l’étalage étudié du nu « suggestif » dans nos rues et au cinéma, les
609 suppression des « pudeurs de langage », mais plus que tout cela — qui relève parfois de la mode et n’engage pas toujours un
610 rappe les auscultateurs de notre époque, au point que certains ont parlé d’une révolution dans les mœurs. C’est beaucoup di
611 e a changé ; mais quoi ? Il est peu vraisemblable que l’énergie sexuelle ait varié en intensité depuis deux siècles, sous l
612 demi-siècle. En 1906, Freud croit devoir préciser que dans le petit ouvrage qu’il publie sur le traitement de Dora « les ra
613 d croit devoir préciser que dans le petit ouvrage qu’ il publie sur le traitement de Dora « les rapports sexuels sont franch
614 n exposé, le lecteur pudique pourra se convaincre que je n’ai pas reculé devant la discussion avec une jeune fille de tels
615 du xxe siècle), et tout d’un coup il s’aperçoit que l’amour seul poussait à dire, à chanter, à exprimer, et permettait de
616 Bien moins peut-être par le prétexte scientifique qu’ y trouvaient les auteurs érotiques, que par le grand malentendu né du
617 ientifique qu’y trouvaient les auteurs érotiques, que par le grand malentendu né du mot « refoulement », mal compris. Les é
618 nt », mal compris. Les éducateurs se persuadèrent que la moindre défense ou discipline équivalait à « refouler l’instinct »
619 cultivés et chez les moralistes oublieux du fait que le refoulement — non moins que son inverse, l’autosatisfaction — est
620 s oublieux du fait que le refoulement — non moins que son inverse, l’autosatisfaction — est un des mécanismes fondamentaux
621 des mécanismes fondamentaux de toute culture, et que la culture occidentale en particulier doit beaucoup de son dynamisme
622 on de vie ou de mort pour l’espèce, s’il est vrai que trop de vies peuvent entraîner sa mort. Les freins traditionnels ne f
623 s mal connus de réduction spontanée d’une espèce, que certains biologistes américains étudient notamment sur les rats, si p
624 ser en Occident correspondrait pour l’espèce à ce qu’ est l’âge mûr pour l’individu. « L’érotisme, c’est l’affaire des vieux
625 ce rôle va sans doute diminuer, pour les raisons que j’ai dites, et le seuil de l’érotisme va s’abaisser d’autant. Je vois
626 aura pu choisir entre ceux qui se figurent encore que le péché originel est « l’acte de chair », ceux qui pensent avec un c
627 ceux qui pensent avec un certain évêque bogomile qu’ il n’y a « pas de péché au-dessous du nombril », ou ceux qui croient b
628 oient bonnement avec un chansonnier de mes amis «  qu’ il n’y a pas de mal à se faire du bien » ? Ou encore — hypothèse optim
629 , au péché ? C’est dans ces perspectives élargies qu’ il faut juger les efforts déployés par une censure conditionnée par la
630 le victorienne, préfreudienne. Sur les évolutions que je viens de décrire, la police n’a pas plus de prise que sur les maré
631 viens de décrire, la police n’a pas plus de prise que sur les marées. Elle peut nuire à la diffusion commerciale de la porn
632 les relations entre l’érotisme et la démographie qu’ il faudrait entreprendre désormais, en même temps que des études psych
633 d, en fin de compte, du religieux au moins autant que du sexuel. s. Rougemont Denis de, « Pour une nouvelle théologie