1
la cité. On lui a donné, au cours du xxe siècle,
des
moyens formidables de communiquer avec les couches sociales les plus
2
oilà qui constitue pour l’écrivain de notre temps
un
défi d’une ampleur inconnue jusqu’alors, une possibilité sans précéde
3
onstitue pour l’écrivain de notre temps un défi d’
une
ampleur inconnue jusqu’alors, une possibilité sans précédent de jouer
4
temps un défi d’une ampleur inconnue jusqu’alors,
une
possibilité sans précédent de jouer un rôle public, ou tout au moins,
5
ns, de contribuer dans l’immédiat à la création d’
un
climat non seulement intellectuel, mais civique, mais moral, et enfin
6
-nous dépasser, surmonter ces contradictions, par
un
effort de libre création ? L’écrivain, ferment de liberté Notre
7
s cette situation. Et je l’accepte. Je lui trouve
une
certaine analogie avec la situation du chrétien dans le monde, selon
8
ion dans la structure sociale, comme ceux qui ont
une
fonction économique ou politique bien définie, précisément à cause de
9
récisément à cause de cela, l’écrivain représente
un
élément de jeu entre les rouages, un élément de liberté. Sa vraie fon
10
n représente un élément de jeu entre les rouages,
un
élément de liberté. Sa vraie fonction dans la cité serait ainsi de n’
11
étant pas du monde, dans la cité, oui, mais comme
un
problème vivant, comme une insatiable question, voilà cet écrivain, v
12
a cité, oui, mais comme un problème vivant, comme
une
insatiable question, voilà cet écrivain, voilà sa liberté, qu’il s’ag
13
s’agit maintenant d’assumer, et de défendre. Car
un
double péril la menace, l’un intérieur, l’autre extérieur à la cité d
14
u monde où nous sommes vivants. Je ne crois pas à
une
« littérature engagée », selon l’expression qui traine partout : une
15
ngagée », selon l’expression qui traine partout :
une
telle littérature n’existe pas, n’a jamais existé, ou bien elle se co
16
e vois d’autre part que ces forces furent d’abord
des
idées, sont nées d’œuvres écrites. Le nationalisme qui nous étrique e
17
qui nous étrique et qui paralyse encore le régime
des
échanges de tout ordre en Europe, le nationalisme fut une création d’
18
nges de tout ordre en Europe, le nationalisme fut
une
création d’écrivains, de poètes, hélas ! et de philosophes. Ceci pour
19
ur nous ; et, de l’autre côté, d’immenses pays et
des
centaines de millions d’hommes subissent aujourd’hui un régime issu d
20
taines de millions d’hommes subissent aujourd’hui
un
régime issu de gros ouvrages savants, de petits traités polémiques, d
21
cafés, régime donc fabriqué de toutes pièces par
des
intellectuels invétérés. Comment fermer les yeux devant ces faits ? C
22
monde, j’entends de préparer, et parfois de créer
des
conditions intellectuelles et morales qui ménagent soit l’acceptation
23
lles et morales qui ménagent soit l’acceptation d’
une
tyrannie, à force de mensonges tolérés en silence (on nous en abreuve
24
euve ces jours-ci !), soit au contraire de former
une
équipe, modeste et dure, de résistants, dont la seule existence modif
25
s, dont la seule existence modifie quelque chose,
un
je ne sais quoi dans l’atmosphère qui peut se révéler décisif pour be
26
uniquement du monde, de leur monde, et à clamer d’
une
de ces voix mornes et droguées, qu’on ne reconnaît plus pour la sienn
27
mporte de se rassembler. Non pas du tout, non pas
un
seul instant dans l’idée qui m’est répugnante de constituer un front
28
nt dans l’idée qui m’est répugnante de constituer
un
front commun, sous lequel disparaîtraient tous les visages particulie
29
es visages particuliers. Non pas du tout, non pas
un
seul instant dans l’idée d’opposer à ces totalitaires de toute couleu
30
dée d’opposer à ces totalitaires de toute couleur
des
certitudes de propagande, ou je ne sais quelle mystique qui serait, a
31
je ne sais quelle mystique qui serait, au mieux,
un
peu plus virulente que la leur. Un congrès d’écrivains, aujourd’hui,
32
ait, au mieux, un peu plus virulente que la leur.
Un
congrès d’écrivains, aujourd’hui, ou bien c’est une opération de poli
33
n congrès d’écrivains, aujourd’hui, ou bien c’est
une
opération de police d’État, ou bien c’est un rassemblement d’hommes a
34
est une opération de police d’État, ou bien c’est
un
rassemblement d’hommes attachés au droit fondamental de différer. Mai
35
ences, mais à cause d’elles. Je pressens, je sens
une
grande force dans ce rassemblement d’hommes qui préfèrent le droit de
36
L’ère
des
loisirs commence (10 avril 1957)b c Nous sommes au seuil des temps
37
mmence (10 avril 1957)b c Nous sommes au seuil
des
temps où la culture va devenir le sérieux de la vie. (Elle l’a toujou
38
trente ans, selon certains experts, il suffira qu’
un
tiers de la population (fortement accrue) de la planète donne 4 heure
39
t qu’au type occidental de vie ; qu’ils supposent
une
distribution socialisée des biens produits en abondance à très bas pr
40
ie ; qu’ils supposent une distribution socialisée
des
biens produits en abondance à très bas prix ; que la mise en valeur d
41
; que la mise en valeur de l’Afrique, de l’Asie,
des
régions polaires offrira de nouvelles « occasions de travail »2 ; et
42
e la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu’
un
peuple a décidé d’en faire : chars et wagons en Occident, jouets et o
43
certain, c’est que le progrès technique va faire
un
saut sans précédent, créant une situation où nos vrais vœux, nos vrai
44
technique va faire un saut sans précédent, créant
une
situation où nos vrais vœux, nos vraies orientations, nos vraies opti
45
ientations, nos vraies options se manifesteront d’
une
manière transparente et seront suivis d’effets presque immédiats. Ce
46
nduire de notre état d’esprit actuel. L’exemple
des
pays nordiques Libéré du labeur matériel, l’Occident se tourne imm
47
, le sport, les jeux, et l’érotisme. L’expérience
des
vacances payées nous l’a fait voir à une échelle réduite, mais dans u
48
périence des vacances payées nous l’a fait voir à
une
échelle réduite, mais dans un temps trop court pour qu’on distingue l
49
us l’a fait voir à une échelle réduite, mais dans
un
temps trop court pour qu’on distingue la suite. Une expérience un peu
50
n temps trop court pour qu’on distingue la suite.
Une
expérience un peu plus longue nous est donnée par les populations du
51
urt pour qu’on distingue la suite. Une expérience
un
peu plus longue nous est donnée par les populations du cercle arctiqu
52
instruction publique est heureusement doublée par
des
centaines d’ouvrages de vulgarisation qui permettent aux Occidentaux,
53
pour la première fois dans l’Histoire, de prendre
une
vue d’ensemble de leur propre aventure : sentiment de l’histoire, déc
54
pour le pire. C’est dire que tout nous mène vers
une
ère religieuse. La technique nous ramène à la religion Car la c
55
ion Car la culture n’est, en fin de compte, qu’
un
prisme diffracteur du sentiment religieux dans nos activités dites cr
56
nt religieux dans nos activités dites créatrices,
des
mathématiques pures à la poterie, et de la métaphysique à la sculptur
57
la poterie, et de la métaphysique à la sculpture
des
meubles. C’est ainsi que la technique, pratiquement, comme la science
58
oyens.) On voit donc mal, à première vue, comment
une
ère technique conduirait aux religions. L’ascèse était en fait une ré
59
conduirait aux religions. L’ascèse était en fait
une
résistance à la technique sous ses formes primitives, comme la mystiq
60
us ses formes primitives, comme la mystique était
un
mouvement de dépassement ou de retrait en deçà du dogme formulé ; mai
61
de demain pourra difficilement prendre la forme d’
un
retour à la nature — au métier à tisser de Gandhi, par exemple — puis
62
t il est imprégné. Voilà pourquoi la connaissance
des
dogmes et des opinions premières de nos religions sera demain la prem
63
gné. Voilà pourquoi la connaissance des dogmes et
des
opinions premières de nos religions sera demain la première condition
64
e nos religions sera demain la première condition
des
hérésies et gnoses qui vont paraître : elles ne feraient autrement qu
65
n qui n’a pas disparu sans raison, ou ressusciter
des
doctrines dont le style créateur a fait son temps5. Et je ne dis pas
66
ais je vois aussi que la culture répand déjà dans
un
public naguère totalement ignorant de ce genre de réalités certaines
67
le sport préparent les masses et les individus à
des
liturgies imprévues. Les religions de « divertissement » — au sens pa
68
aucoup d’esprits légers s’imaginent l’homme comme
une
sorte de ballon qui ne demande qu’à « s’élever » dès qu’il est délivr
69
e demande qu’à « s’élever » dès qu’il est délivré
des
soucis quotidiens. La preuve qu’il n’en est rien, c’est que nos plus
70
lui. Je dis seulement qu’elle va nous jeter dans
une
époque où les questions religieuses deviendront plus sérieuses que ne
71
Art lui-même. Quant à savoir si cela représentera
un
progrès ou un risque nouveau, voilà qui nous oblige à reconsidérer le
72
Quant à savoir si cela représentera un progrès ou
un
risque nouveau, voilà qui nous oblige à reconsidérer le sens et la na
73
ue le travail est le vrai temps. Cette hiérarchie
des
valeurs a dominé jusqu’à nos jours. Elle explique en partie la résist
74
nos jours. Elle explique en partie la résistance
des
syndicats aux techniques créatrices de loisirs (automation) c’est-à-d
75
ribués aux ouvriers non seulement sous la forme d’
une
diminution des heures de travail, mais sous la forme d’une diminution
76
iers non seulement sous la forme d’une diminution
des
heures de travail, mais sous la forme d’une diminution du prix de la
77
ution des heures de travail, mais sous la forme d’
une
diminution du prix de la vie, compensant au moins les heures de salai
78
ndispensable au rendement, comme à la répartition
des
produits, des usines automatisées devrait augmenter dans une proporti
79
u rendement, comme à la répartition des produits,
des
usines automatisées devrait augmenter dans une proportion presque inf
80
s, des usines automatisées devrait augmenter dans
une
proportion presque infinie : or elle peut à peine doubler (Cf. Le Gra
81
0). Cependant, l’augmentation « tertiaire », donc
des
activités intellectuelles, aux dépens des activités manuelles et méca
82
», donc des activités intellectuelles, aux dépens
des
activités manuelles et mécaniques, entraîne et suppose un progrès cul
83
ités manuelles et mécaniques, entraîne et suppose
un
progrès culturel (qu’il soit appelé loisir ou travail). 3. Je ne par
84
parle pas ici de la télévision, qui nous apporte
des
pays lointains, sans leur odeur ni leur température, sans le goût de
85
iché pour les questions religieuses n’aura été qu’
un
phénomène transitoire de notre civilisation occidentale. (Voir plus h
86
’intelligentsia berlinoise, puis new-yorkaise, et
une
partie de la parisienne, au xxe siècle, se crurent et furent dans un
87
re guerre. André Breton n’a pas cessé de chercher
une
vision religieuse du monde et de la vie, bien plus antichrétien par c
88
e la vie, bien plus antichrétien par cela même qu’
un
J.-P. Sartre, qui se place au niveau de la morale dans le prolongemen
89
place au niveau de la morale dans le prolongement
des
exigences « existentielles » d’une éthique protestante-libérale — que
90
e prolongement des exigences « existentielles » d’
une
éthique protestante-libérale — quel que soit par ailleurs son athéism
91
e font parfois penser à quelqu’un qui inventerait
une
machine à monter les escaliers, au lieu de prendre l’ascenseur. 6. D
92
re l’ascenseur. 6. D’où le succès sans précédent
des
livres proposant des recettes de bonheur, de télépathie, d’érotisme,
93
’où le succès sans précédent des livres proposant
des
recettes de bonheur, de télépathie, d’érotisme, de paix de l’âme ou d
94
tisme, de paix de l’âme ou d’exaltation ; demain,
des
règles de yoga « scientifique », à l’Occidentale. b. Rougemont Deni
95
à l’Occidentale. b. Rougemont Denis de, « L’ère
des
loisirs commence », Arts, Paris, 10 avril 1957, p. 1 et 5. c. Texte
96
ght Denis de Rougemont. Cette étude paraîtra dans
un
essai publié aux Éditions Albin Michel sous le titre L’Aventure occi
97
ilisation née en Europe a dominé le monde pendant
des
siècles. Elle est encore, à notre époque, celle qu’on imite partout m
98
ue par deux grands traits généralement tenus pour
des
causes de faiblesse : je veux parler d’une inquiétude fondamentale et
99
s pour des causes de faiblesse : je veux parler d’
une
inquiétude fondamentale et d’un désordre permanent. Les Chinois et le
100
je veux parler d’une inquiétude fondamentale et d’
un
désordre permanent. Les Chinois et les Égyptiens, les Sumériens et le
101
Romains, les Aztèques et les Mayas, avaient créé
des
ordres stables. Leurs prêtres et leurs princes avaient réponse à tout
102
Europe bien plus qu’en Amérique, nous souffrons d’
une
espèce d’inquiétude essentielle. Nous ne cessons de parler du « désar
103
l’époque ». Nous avons l’impression de vivre dans
un
chaos sans cesse croissant, dans un maquis de contradictions morales,
104
de vivre dans un chaos sans cesse croissant, dans
un
maquis de contradictions morales, intellectuelles et pratiques. D’où
105
anent, que les meilleurs esprits déplorent depuis
des
siècles ? Ils ne peuvent être accidentels. Je pense même qu’ils remon
106
même de nos certitudes. Ce paradoxe s’explique d’
une
manière assez simple. Prenons l’exemple de l’homme chrétien. Il peut
107
Il peut lire dans les Écritures « qu’il n’y a pas
un
juste, pas même un seul » et que pourtant il devrait être saint. Il s
108
es Écritures « qu’il n’y a pas un juste, pas même
un
seul » et que pourtant il devrait être saint. Il sait que le péché co
109
ant soutenu par sa foi dans la grâce. Il est donc
un
inquiet perpétuel, mais qui sait les raisons de son inquiétude ; il s
110
de l’homme scientifique. Celui-ci lit l’histoire
des
sciences. Elle lui fait voir que toutes les « vérités » qu’établissen
111
tant la raison d’être de la science est de saisir
des
vérités certaines. Dans cet effort sans fin ni cesse — ici encore — p
112
ns fin ni cesse — ici encore — pour s’approcher d’
un
but toujours fuyant, il est soutenu par sa confiance en la raison et
113
’on croyait acquises, d’autre part, est le gage d’
un
progrès vers le vrai. Ainsi donc, du désordre vers un certain ordre,
114
rogrès vers le vrai. Ainsi donc, du désordre vers
un
certain ordre, puis un nouveau désordre, vers une nouvelle façon plus
115
nsi donc, du désordre vers un certain ordre, puis
un
nouveau désordre, vers une nouvelle façon plus large de l’interpréter
116
un certain ordre, puis un nouveau désordre, vers
une
nouvelle façon plus large de l’interpréter, la science avance. La p
117
es le reproche, à leurs yeux rédhibitoire, d’être
des
hommes « qui ont cessé de chercher » et « qui se croient les détenteu
118
é d’en déduire que l’Occidental nie l’existence d’
une
vérité en soi : simplement, il se refuse à croire qu’un homme puisse
119
ité en soi : simplement, il se refuse à croire qu’
un
homme puisse vraiment y accéder (l’Hindou le croit). L’intérêt de l’h
120
. Toutes les définitions concrètes du Progrès ont
un
caractère commun : elles aboutissent à des antinomies flagrantes auss
121
rès ont un caractère commun : elles aboutissent à
des
antinomies flagrantes aussitôt qu’elles sont appliquées. Le progrè
122
machines. Mais parmi ces machines, il s’en trouve
une
qui peut causer en peu d’instants la mort certaine de notre civilisat
123
i-culture. Définition par la religion : restaurer
une
commune mesure valable pour l’ensemble d’une civilisation et garantis
124
urer une commune mesure valable pour l’ensemble d’
une
civilisation et garantissant l’harmonie de nos moyens actuels et de n
125
s les tentatives faites de nos jours pour imposer
un
principe d’harmonie ont causé le maximum de désordre sanglant et aggr
126
ne s’en guérira plus. À supposer qu’il la refoule
un
jour, elle renaîtrait irrésistiblement du sentiment de l’Histoire qu’
127
leurs effets que dans les grands espaces humains
des
Amériques et de l’URSS. Là, comme extraites de leur contexte original
128
anciennes ou de limitations posées en partie par
des
excès contraires. Si l’Europe d’aujourd’hui s’effraye de constater ce
129
is le signe que l’Europe détient encore le sens d’
un
équilibre intime : si ce sens n’était pas blessé, rien ne réagirait ;
130
es grandes cultures et civilisations, animées par
un
rêve qui fait leur destinée et qui compense d’abord un sort inaccepté
131
ve qui fait leur destinée et qui compense d’abord
un
sort inaccepté. Il est né comme une aventure, d’un fait très insolite
132
mpense d’abord un sort inaccepté. Il est né comme
une
aventure, d’un fait très insolite et peu croyable, survenu au carrefo
133
n sort inaccepté. Il est né comme une aventure, d’
un
fait très insolite et peu croyable, survenu au carrefour hasardeux de
134
tends qu’il serait vain d’essayer de le déduire d’
une
certaine situation d’ensemble ou d’un appel monté du monde antique :
135
déduire d’une certaine situation d’ensemble ou d’
un
appel monté du monde antique : nul ne peut démontrer qu’il soit venu
136
ait pas, il est là. Ainsi naît l’Occident : comme
un
drame, dont on peut contester après coup l’unité d’action, non le cho
137
coup l’unité d’action, non le choc. Car il y eut
un
choc initial, un commencement soudain, une grande libération d’énergi
138
ction, non le choc. Car il y eut un choc initial,
un
commencement soudain, une grande libération d’énergie spirituelle et
139
l y eut un choc initial, un commencement soudain,
une
grande libération d’énergie spirituelle et morale, provoquée par l’in
140
e sacré, ce qu’il est encore en Orient. La morale
des
Anciens est basée sur le rite, et dans le monde magique elle n’est qu
141
ute commise ne peut relever ni de l’opinion, ni d’
un
jury. Elle est plutôt comme une grossière erreur de calcul, de montag
142
de l’opinion, ni d’un jury. Elle est plutôt comme
une
grossière erreur de calcul, de montage ou d’aiguillage, c’est-à-dire
143
elle. Elles impliquent, en effet, que la valeur d’
un
acte ne peut être jugée par sa conformité avec les règles du sacré ou
144
du sacré ou du social, mais que son sens dépend d’
une
attitude intime, d’une libre appréciation de la personne quant à savo
145
mais que son sens dépend d’une attitude intime, d’
une
libre appréciation de la personne quant à savoir si l’acte exprime l’
146
tons notre histoire. Mais elle s’est engagée dans
un
monde bien réel, déjà fortement structuré à la fois par la pensée gre
147
religieuses du Proche-Orient, et l’ordre impérial
des
Romains. Utilisant l’un de ces éléments, écartant l’autre, annexant a
148
s sont entrées elles aussi en symbiose, et cela d’
une
manière manifeste dès l’époque des conciles œcuméniques. Apport grec
149
ose, et cela d’une manière manifeste dès l’époque
des
conciles œcuméniques. Apport grec. — L’homme se détache du corps mag
150
les ne sont pas ». Juge de tout, on le voit, même
des
dieux. D’où le sens de sa dignité, qui ne tient à rien qu’à lui-même,
151
que se perdra la révérence à l’égard des dieux et
des
lois, livrera la cité « atomisée » à la brutale mise au pas du Romain
152
dans la cité maintenue par les cadres du Droit et
des
Institutions dûment hiérarchisées. Ce puritanisme social, cette moral
153
é dont les structures rigides n’encadrent plus qu’
une
anarchie latente, parce que ces disciplines ne sont pas celles de l’â
154
dividuelle — libère tout homme, noble ou esclave,
des
liens sacrés de la caste ou du clan ; en même temps, elle le met au s
155
elle le met au service du prochain. Entrant dans
une
communauté chrétienne, l’esclave y trouve la dignité morale qui était
156
ui était celui du citoyen romain. Il devient donc
un
paradoxe vivant : à la fois libre et responsable, vraiment distinct e
157
le est aussi menacée, dans le monde du péché, par
un
double péril simultané : celui de la fuite vers le salut individuel,
158
s la mesure où le christianisme a signifié la fin
des
religions et des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développe
159
christianisme a signifié la fin des religions et
des
magies, nées de la peur, qu’il a permis le développement de la Scienc
160
ontre son christianisme — du moins contre chacune
des
formes objectives que celui-ci a pu revêtir. Essayons de mesurer l’e
161
lorsqu’il tire de l’exemple du monde gréco-romain
des
raisons de réfuter la croyance que « nous aurions fait dans le monde,
162
e que « nous aurions fait dans le monde, au cours
des
quelques derniers siècles, quelque chose qui n’a pas de précédent ? »
163
pas de précédent ? » Alexandre n’avait conquis qu’
un
quart des continents alors connus. S’il a cru que c’était le monde, i
164
écédent ? » Alexandre n’avait conquis qu’un quart
des
continents alors connus. S’il a cru que c’était le monde, il s’est tr
165
assalisé selon les cas, la totalité de l’Afrique,
des
deux Amériques et de l’Océanie, et la partie sud de l’Asie (à des deg
166
es et de l’Océanie, et la partie sud de l’Asie (à
des
degrés divers, mais pour le moins égaux à ceux qu’avaient atteints da
167
toutes les civilisations différentes de la sienne
une
supériorité intellectuelle et technique que personne ne lui contestai
168
ment indépendants, j’y vois bien moins le signe d’
une
révolte contre ses méthodes importées, que la preuve décisive de leur
169
ès. Les Grecs et les Romains ne disposaient pas d’
une
marge de supériorité incontestable sur les Hindous et les Chinois. Ma
170
ois. Mais où trouver dans le monde du xxe siècle
une
autre civilisation qui soit en état de surpasser celle qu’a répandue
171
e dialogue apparaît nécessaire. Et j’entends bien
un
vrai dialogue au niveau des religions et des philosophies, c’est-à-di
172
ire. Et j’entends bien un vrai dialogue au niveau
des
religions et des philosophies, c’est-à-dire au niveau créateur des ci
173
bien un vrai dialogue au niveau des religions et
des
philosophies, c’est-à-dire au niveau créateur des civilisations et de
174
des philosophies, c’est-à-dire au niveau créateur
des
civilisations et des cultures. Dès lors que les échanges se multiplie
175
st-à-dire au niveau créateur des civilisations et
des
cultures. Dès lors que les échanges se multiplient en fait, que l’Asi
176
de voyages cesse de nous séparer (nous faisons en
un
jour d’avion un trajet qui prenait deux ans du temps de Plan Carpin e
177
de nous séparer (nous faisons en un jour d’avion
un
trajet qui prenait deux ans du temps de Plan Carpin et de Marco Polo)
178
u’ils seraient féconds), ou bien il faut chercher
un
principe transcendant, dont un C. G. Jung en Europe, ou un Aurobindo
179
n il faut chercher un principe transcendant, dont
un
C. G. Jung en Europe, ou un Aurobindo en Inde, a tenté d’entrevoir la
180
pe transcendant, dont un C. G. Jung en Europe, ou
un
Aurobindo en Inde, a tenté d’entrevoir la nature. Au stade présent de
181
enture occidentale, on dirait qu’il n’est plus qu’
un
seul des rêves constants de l’humanité qui ne soit pas théoriquement
182
ccidentale, on dirait qu’il n’est plus qu’un seul
des
rêves constants de l’humanité qui ne soit pas théoriquement réalisabl
183
les autres : voler dans la hauteur, nager au fond
des
mers, faire de l’or, rajeunir, voyager dans la lune, lire les pensées
184
oyons ce qui se passe aux antipodes, parlons avec
des
invisibles, tuons à grande distance, et dialoguons avec la lune. Conf
185
miracles d’abord (changer l’eau en vin, ou guérir
un
paralytique) puis les expériences concluantes (l’avion vole, la bombe
186
hniques, l’attitude utilitariste, l’efficience en
un
mot, qui ont permis au problème de se poser, sont précisément les qua
187
dont nous aurions le plus grand besoin… L’âge
des
miracles Au stade présent de l’Aventure occidentale, dont la scien
188
voir éliminer. Le Cosmos tout entier se résout en
un
voile tissé d’ondes animant le Vide. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent
189
artir de l’hydrogène. Le noyau de l’hydrogène est
un
proton. Cet ultime substrat de l’univers physique est un « nœud d’éne
190
on. Cet ultime substrat de l’univers physique est
un
« nœud d’énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel ag
191
que est un « nœud d’énergie » qui se produit dans
un
« champ » au sein duquel agissent on ne sait quels archétypes formate
192
pes formateurs… Le monde phénoménal n’est plus qu’
une
apparence flottant sur l’océan sans rivages et sans fond de l’immatér
193
mmatérielle Énergie. Voici donc retrouvée la Maya
des
hindous, au terme d’un voyage dont l’impulsion première avait pris po
194
ci donc retrouvée la Maya des hindous, au terme d’
un
voyage dont l’impulsion première avait pris pour tremplin la très fer
195
er cela, et vous verrez bientôt que la question d’
un
au-delà ne se pose plus. Dans l’univers en expansion de l’abbé Lemaît
196
en expansion de l’abbé Lemaître et de Gamov, né d’
une
explosion primitive, et qui reviendra peut-être à son point initial,
197
ime, et toujours préalable à l’anéantissement par
une
force étrangère. Je n’ai pas eu d’autre intention que de mieux défini
198
’Occident qui m’a formé. Qui voudrait à tout prix
une
réponse, et refuserait de la trouver lui-même, dès lors qu’il sait qu
199
e 1960, p. 1 et 15. e. Cet article fait partie d’
un
dossier de la revue Arts intitulé : « Quel est l’avenir de la race bl
200
en cause (1er février 1961)f g Éros, qui était
un
dieu pour les Anciens, est un problème pour les Modernes. Le dieu éta
201
Éros, qui était un dieu pour les Anciens, est
un
problème pour les Modernes. Le dieu était ailé, charmant, et secondai
202
nonyme de perversité non seulement dans le jargon
des
lois de l’État laïque, mais aux yeux des chrétiens exigeants et sincè
203
e jargon des lois de l’État laïque, mais aux yeux
des
chrétiens exigeants et sincères, depuis des siècles ? Pour comprendre
204
yeux des chrétiens exigeants et sincères, depuis
des
siècles ? Pour comprendre la situation problématique de notre temps,
205
istianisme est la religion de l’Amour. Religion d’
un
Dieu que l’Ancien Testament définissait comme l’Être originel, le Cré
206
Testament révèle au cœur de tous les hommes, et d’
une
manière radicalement nouvelle : « Dieu est Amour », répète saint Jean
207
st Amour », répète saint Jean. Religion créée par
un
acte de l’amour « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils un
208
Foi, l’Espérance et l’Amour : mais la plus grande
des
trois, c’est l’Amour ». Et celui qui n’a pas l’Amour « n’est qu’une c
209
’Amour ». Et celui qui n’a pas l’Amour « n’est qu’
une
cymbale qui retentit ». 2. Parce qu’il est religion de l’Amour, le ch
210
t, vraie vocation et vrai individu, c’est-à-dire,
une
personne distincte, mais reliée en même temps par ce qui la distingue
211
c le Christ en Dieu », mais elle se manifeste par
des
actes, dans l’amour du prochain comme de soi-même. 3. Cette religion
212
ur divin, s’est développée très tardivement, dans
des
formes et selon des voies presque toujours suspectes aux yeux de l’or
213
loppée très tardivement, dans des formes et selon
des
voies presque toujours suspectes aux yeux de l’orthodoxie. Notre éthi
214
sexuelle parce que contraire à la fécondation) et
des
gros livres de casuistiques des xvie et xviie siècles, la plupart d
215
a fécondation) et des gros livres de casuistiques
des
xvie et xviie siècles, la plupart des écrits par des moines et à l’
216
vie et xviie siècles, la plupart des écrits par
des
moines et à l’usage des confesseurs, on ne voit pas un seul équivalen
217
la plupart des écrits par des moines et à l’usage
des
confesseurs, on ne voit pas un seul équivalent chrétien — existant ou
218
ines et à l’usage des confesseurs, on ne voit pas
un
seul équivalent chrétien — existant ou imaginable — du « Kamasutra »,
219
tien — existant ou imaginable — du « Kamasutra »,
des
« tantras », de tant d’autres traités d’érotisme dans les Vedas et le
220
shads, reliant le sexuel au divin ; encore moins,
des
célèbres sculptures aux façades des grands temples hindous, illustran
221
encore moins, des célèbres sculptures aux façades
des
grands temples hindous, illustrant de la manière la plus précise les
222
lustrant de la manière la plus précise les unions
des
dieux et de leurs femmes, à des fins didactiques et religieuses. Poin
223
récise les unions des dieux et de leurs femmes, à
des
fins didactiques et religieuses. Point de méthodes secrètes ni de mag
224
s et de conseils d’hygiène vagues ou aberrants. D’
un
côté, le rite et les sévices physiques, qui règlent tout ; de l’autre
225
es, voire hérétiques) pour cultiver et ordonner à
des
buts spirituels, l’érotisme même dans les limites du mariage. C’est q
226
l’Éros divinise sans la grâce et peut conduire à
des
révélations. « La chair ne sert de rien » (quant au salut) déclare sa
227
développé dès la première génération apostolique
une
doctrine du mariage tout à fait spécifique, et que la Gnose ignore, s
228
ificativement. Elle se fonde sur quelques versets
des
épîtres et des évangiles qui dans l’ensemble définissent une éthique
229
Elle se fonde sur quelques versets des épîtres et
des
évangiles qui dans l’ensemble définissent une éthique cohérente de ty
230
et des évangiles qui dans l’ensemble définissent
une
éthique cohérente de type personnaliste, et non plus sociale ou sacré
231
e se contredisent chez saint Paul. Tantôt il pose
une
sorte d’analogie mystique entre l’amour des sexes dans le mariage et
232
pose une sorte d’analogie mystique entre l’amour
des
sexes dans le mariage et l’amour de Jésus pour l’ensemble des âmes cr
233
ns le mariage et l’amour de Jésus pour l’ensemble
des
âmes croyantes : « Maris, aimez vos femmes comme Christ a aimé l’Égli
234
et plus souvent, il réduit le mariage à n’être qu’
une
concession à la nature, une discipline contre l’incontinence : « Je p
235
e mariage à n’être qu’une concession à la nature,
une
discipline contre l’incontinence : « Je pense qu’il est bon pour l’ho
236
Je dis cela par condescendance, je n’en fais pas
un
ordre. Car il vaut mieux se marier que de brûler. » Il n’en reste pas
237
Celui qui n’est pas marié s’inquiète du Seigneur,
des
moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des c
238
re au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète
des
choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. » 4. Ainsi donc, ex
239
lui qui est marié s’inquiète des choses du monde,
des
moyens de plaire à sa femme. » 4. Ainsi donc, exalté d’une part comme
240
uelle », l’amour humain devait fatalement devenir
une
source intarissable de problèmes, tant pour la société que pour l’ind
241
, l’amour sexuel, sentimental ou spirituel (amour
des
corps, des âmes ou des esprits selon la tripartition traditionnelle e
242
exuel, sentimental ou spirituel (amour des corps,
des
âmes ou des esprits selon la tripartition traditionnelle et non moins
243
mental ou spirituel (amour des corps, des âmes ou
des
esprits selon la tripartition traditionnelle et non moins paulinienne
244
devait développer toutes ses complexités que dans
une
Europe travaillée par la doctrine et la morale chrétiennes, séculaire
245
ns cesse mieux codifiées par les casuistes), dans
une
Europe formée par l’Église ou contre elle, et longtemps confondue ave
246
préter ce phénomène — dans son évolution au cours
des
siècles et dans sa situation contemporaine — qu’à la lumière de ses o
247
s’unissent pour déplorer l’invasion de nos vies d’
une
sexualité « obsédante » : les affiches dans les rues, les bureaux, le
248
es rues, les bureaux, les métros, et tout au long
des
autostrades, les magazines illustrés et les films, les romans noirs e
249
les strip-teases : il suffit de regarder le décor
des
journées et des nuits citadines pour vérifier l’omniprésence de l’app
250
: il suffit de regarder le décor des journées et
des
nuits citadines pour vérifier l’omniprésence de l’appel au désir sexu
251
tiers du xxe siècle, et même si on lui trouvait
des
parallèles en d’autres temps, ses moyens d’expression, eux, sont sans
252
croissement quantitatif et plus encore qualitatif
des
temps de loisir, accroît aussi comme l’avait dit Baudelaire avec plus
253
ision que le proverbe antique sur l’oisiveté mère
des
vices — les chances pratiques de l’érotisme. Déplorer le phénomène es
254
« l’éternelle luxure » sans horizon que la pensée
des
spirituels se trouve aux prises et peut entrer en polémique intime. C
255
; enfin, ce sont certaines notions de l’homme, qu’
une
élite inconnue de la foule élabore à l’abri de toute sanction sociale
256
rappelé, et qui n’est guère en soi que l’écume d’
une
vague profonde surgie de l’âme collective. Derrière les apparences de
257
naguère pornographie, il y a tout autre chose qu’
une
réaction contre la période victorienne, qu’après tout la jeunesse act
258
t dont elle n’a guère pu souffrir. Il est vrai qu’
une
révolution n’éclate jamais qu’après la mort des vrais tyrans, contre
259
u’une révolution n’éclate jamais qu’après la mort
des
vrais tyrans, contre leurs héritiers débiles et qui assurent que ce n
260
ait parler. Brochant sur la mauvaise conscience d’
une
bourgeoise qui n’avait plus le courage de ses partis pris, la vulgari
261
ar Freud nous ont rendus méfiants quant à l’usage
des
disciplines éducatives élémentaires. Ce n’est plus la licence qui est
262
ne » ? Bien sûr que non. L’instinct ne dépend pas
des
modes ni la nature de la culture — du moins pas si directement. Ce qu
263
e libéré c’est l’expression, la manière de parler
des
choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou de les montrer sur l’
264
ection devant nous qui soudain, nous provoquent à
une
prise de conscience trop longtemps différée. C’est l’amour qui est re
265
d. Cette espèce-là de révolution psychique n’a qu’
un
précédent dans l’histoire de la culture occidentale : il se situe de
266
e à l’obscure animalité. Le mariage ne posait que
des
problèmes d’héritages et de consanguinités souvent invraisemblables,
267
nsanguinités souvent invraisemblables, justifiant
des
divorces causés par l’intérêt mais jamais par le sentiment. Et, subit
268
ivées et le cynisme libertin naissant, le célibat
des
prêtres et les « Lois d’Amour », bref, le lyrisme, l’érotisme et la m
269
stique déchaînés sur l’Europe entière, et parlant
une
même langue nouvelle, rénovant d’un seul coup pour des siècles la mus
270
ême langue nouvelle, rénovant d’un seul coup pour
des
siècles la musique et la poésie, le roman, la piété et les mœurs. Tou
271
ise en ordre morale et spirituelle devait prendre
des
siècles, et n’est pas terminé. Car la révolution que nous sommes en t
272
is surtout la déborde largement. Elle éclate dans
une
société beaucoup moins cloisonnée et protégée, et où toute pulsation
273
ution et ceux qui en subissent les effets. Prenez
un
Européen cultivé — homme ou femme — formé par la morale bourgeoise, d
274
œuvres apparues depuis cinquante ans de Freud et
des
écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et d
275
wrence Durrel, pour ne citer que très peu de noms
des
plus connus ; sans oublier la fameuse Histoire d’O, les essais de Geo
276
omans policiers de l’école « noire » et les films
des
metteurs en scène suédois, français et italiens, pour le grand public
277
distinguerait-il, dans tout cela, autre chose qu’
une
immense dépravation, qu’un manque de tenue mais aussi de légèreté, de
278
cela, autre chose qu’une immense dépravation, qu’
un
manque de tenue mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de «
279
-on y voir ce « soulèvement de l’âme », ce retour
des
pouvoirs animiques — étouffés depuis des siècles entre l’esprit et la
280
e retour des pouvoirs animiques — étouffés depuis
des
siècles entre l’esprit et la matière, le physique et le spirituel — d
281
st aussi ce qui le tente. Devant « l’indiscipline
des
mœurs » et la « pornographie » qui en serait la cause, il se sent ind
282
dispositions se trouvent être les mêmes que celle
des
acteurs érotiques, quoique ces derniers aient les motifs inverses d’ê
283
n leur mépris, et chacun refuse de tolérer fût-ce
un
instant, par simple hypothèse de dialogue, les bonnes raisons que peu
284
emporaine méprise les puritains et les tient pour
des
fous à la fois ridicules et dangereux. Mais je n’oublie pas que sans
285
n de plus dans notre civilisation que dans celles
des
nations qu’on dit sous-développées, et sans doute moins : il n’y aura
286
e, notre culture vaudrait-elle mieux que celle qu’
un
Staline et qu’un Mao ont tenté d’imposer par décrets ? Elle serait st
287
vaudrait-elle mieux que celle qu’un Staline et qu’
un
Mao ont tenté d’imposer par décrets ? Elle serait strictement adaptée
288
sychologie. Une fois reconnues, elles nous posent
des
problèmes qu’on ne résoudra plus en les niant. Les découvertes de l’a
289
a plus en les niant. Les découvertes de l’analyse
des
profondeurs, l’affaiblissement des tabous sexuels, l’accroissement du
290
s de l’analyse des profondeurs, l’affaiblissement
des
tabous sexuels, l’accroissement du confort et des loisirs, le birth c
291
des tabous sexuels, l’accroissement du confort et
des
loisirs, le birth control, les mass médias, tout agit dans le même se
292
vois bien qu’en remettant en question l’ensemble
des
rapports personnels et sociaux, éthiques et spirituels qui constituen
293
tituent l’amour, la littérature érotique réagit à
des
phénomènes qu’elle n’a pas provoqués, qui la dépassent, mais dont ell
294
vois bien que du désordre inévitable résultant d’
une
évolution aussi rapide, on ne pourra sortir qu’en avant, et non point
295
on ne pourra sortir qu’en avant, et non point par
des
retours aux disciplines d’antan. Il s’agit d’expliciter des motifs re
296
s aux disciplines d’antan. Il s’agit d’expliciter
des
motifs religieux généralement refoulés ou tout simplement ignorés. Mé
297
, entre la biologie et la morale sociale, au-delà
des
nécessités de l’espèce, mais en deçà du bien et du mal. Apprendre à l
298
n et du mal. Apprendre à lire en filigrane le jeu
des
mythes, dans les troubles complexités et les intrigues apparemment in
299
t insanes de l’érotique contemporaine. Je propose
une
mythanalyse, qui puisse être appliquée non seulement aux personnes, m
300
à certaines formules de vie ; l’objet immédiat d’
une
telle méthode étant d’élucider les motifs de nos choix et leurs impli
301
leur logique nous conduit, peut-être serons-nous
un
peu mieux en mesure de courir notre risque personnel, d’assumer notre
302
et d’aller vers nous-mêmes. Peut-être serons-nous
un
peu plus libres. f. Rougemont Denis de, « L’Amour en cause », Arts
303
eurs, à traiter aussi complètement que possible d’
un
sujet sous ses divers aspects. Denis de Rougemont, auteur de L’Amour
304
de Rougemont se propose de publier prochainement
un
ouvrage : Comme toi-même (Albin Michel) qui présentera une interpré
305
: Comme toi-même (Albin Michel) qui présentera
une
interprétation de l’amour moderne à la lumière des mythes majeurs de
306
ierkegaard, Nietzsche et Gide et dans la création
des
personnages imaginaires des plus grands romans contemporains. »
307
e et dans la création des personnages imaginaires
des
plus grands romans contemporains. »
308
matière du cosmos, rassemblée, puisse tenir dans
un
dé ; que sur cette petite Terre suspendue dans le vide, nous marchion
309
calculé soit le Vide — mais que, scintillements d’
une
seconde dans l’histoire de ce grain, notre Terre, des civilisations p
310
seconde dans l’histoire de ce grain, notre Terre,
des
civilisations passées nous apparaissent grandes et majestueuses, bien
311
randes et majestueuses, bien plus, qu’au détour d’
un
sentier suivi dans la forêt d’avril nous attende une révélation du bo
312
sentier suivi dans la forêt d’avril nous attende
une
révélation du bonheur pur : qu’il ait suffi de l’inflexion d’une voix
313
du bonheur pur : qu’il ait suffi de l’inflexion d’
une
voix pour que cette rencontre, demain, soit soudain le point de la vi
314
s où nous sommes convaincus que « tout » dépend d’
une
décision à prendre ; qu’un monde coloré, déployé, dense et stable s’é
315
que « tout » dépend d’une décision à prendre ; qu’
un
monde coloré, déployé, dense et stable s’étende autour de nous qui al
316
cuité, ce vertige accompagne en silence la pensée
des
hommes d’aujourd’hui et leur action. Le miracle est qu’il y ait des f
317
rd’hui et leur action. Le miracle est qu’il y ait
des
formes ! Qu’il ait de la consistance, des paysages, des visages, une
318
l y ait des formes ! Qu’il ait de la consistance,
des
paysages, des visages, une Nature autour de nous, qui apparaît désorm
319
rmes ! Qu’il ait de la consistance, des paysages,
des
visages, une Nature autour de nous, qui apparaît désormais grâce et d
320
ait de la consistance, des paysages, des visages,
une
Nature autour de nous, qui apparaît désormais grâce et don, miraculeu
321
la vacuité ait pu donner naissance à la plénitude
des
corps, que la lumière soit devenue vision, l’énergie sentiment, la st
322
llon de billions d’agrégats divisibles au désir d’
un
corps animé, d’une forme libérée pour un peu de temps de cette transp
323
’agrégats divisibles au désir d’un corps animé, d’
une
forme libérée pour un peu de temps de cette transparence incolore qui
324
désir qui ne s’arrêtera plus dans sa lancée vers
un
au-delà de plénitude, vers le Plérôme. Car cette nature qui nous para
325
ature qui nous paraît miraculeuse n’est encore qu’
un
mirage reflété sur le Vide, si elle n’est pas une parabole de l’étern
326
’un mirage reflété sur le Vide, si elle n’est pas
une
parabole de l’éternel. Ces formes demeurent allusives, ces corps souf
327
meurent, ces sentiments s’égarent, ce désir exige
un
Ailleurs où la possession soit entière. Certes, la science nous donn
328
. Certes, la science nous donne, dès maintenant,
des
« ailleurs » dont les siècles derniers croyaient avoir banni jusqu’à
329
de nos joies, l’au-delà qui transforme et non pas
un
reflet ! Un poète mineur et parfait de ce temps l’a découvert un jour
330
, l’au-delà qui transforme et non pas un reflet !
Un
poète mineur et parfait de ce temps l’a découvert un jour non sans st
331
poète mineur et parfait de ce temps l’a découvert
un
jour non sans stupeur : « Il y a un autre monde, mais il est dans cel
332
l’a découvert un jour non sans stupeur : « Il y a
un
autre monde, mais il est dans celui-là. » Qu’entendait-il ? Qu’avait-
333
uel autre monde ? Et pourquoi n’y en aurait-il qu’
un
? Il y a le monde du Vide, l’autre monde de la science ; il est là, p
334
ole le représenterons-nous ? « Il est semblable à
un
grain de sénevé, la plus petite de toutes les semences qui sont sur l
335
il n’est pas loin d’ici ou d’à présent, du monde
des
formes, qui est la Nature, la Parabole — mais ici, maintenant, et en
336
aintenant, et en toi-même. Le Royaume du ciel est
un
point, le point d’éternité posé dans toi, la semeuse du Plérôme à ven
337
que le vide s’anime et se différencie, qu’il y a
des
forces qui s’attirent et se repoussent, donc se composent, qu’il y a
338
our seul explique tout, et l’être-en-soi n’est qu’
un
mot désignant l’inconcevable : ce qui serait sans l’amour, « ce qui e
339
l’ordre physique ou animique. Et cela seul donne
un
sens à tout : au vide cosmique où danse tel brouillard d’électrons em
340
rons empruntés à droite et à gauche et qui tout d’
un
coup peut dire moi, peut dire toi quand il voit le moi dans l’autre,
341
l clair entre les branches, aubépines, profondeur
des
bois, ici, nulle part, et pourquoi l’ai-je aimé ? Pourquoi pas rien ?
342
pas rien ? Parce que ce coin de sentier m’a fait
un
signe et fut un signe à cet instant pour moi, existant dans ma re-con
343
e que ce coin de sentier m’a fait un signe et fut
un
signe à cet instant pour moi, existant dans ma re-connaissance, et qu
344
rouver quelques-unes mieux comprises, au retour d’
un
Orient de l’esprit. J’ai douté de la plupart des vérités successiveme
345
sse de douter de notre image du monde, du vide et
des
distances inconcevables calculées à partir de nos formes. (Je pressen
346
r, je veux dire : de chercher jusqu’au bout ce qu’
un
jour nous pourrons aimer de tout notre être enfin réalisé dans le Tou
347
nt de réflexion et de résonance dans la créature,
un
moi nouveau qui transcende l’ancien parce qu’il le totalise et l’ordo
348
if animique n’apparaît pas sans que l’ait éveillé
un
regard de l’intuition. Les très jeunes gens l’ignorent encore ; la pl
349
plupart des adultes ont cessé de le sentir ; mais
un
homme qui se connaît bien et les femmes surtout savent cela : une cer
350
connaît bien et les femmes surtout savent cela :
une
certaine perception instantanée du secret singulier de l’autre — et s
351
t à l’imaginaire et qu’en tant qu’il ne serait qu’
un
instinct animal, il n’aurait rien à voir avec l’amour. Les animaux ne
352
similer l’amour au sexe, mais elles proviennent d’
une
contamination en sens inverse : si la sexualité peut signifier l’amou
353
mme, autre chose que l’instinct, elle s’ordonne à
des
fins nouvelles qui ne sont plus celles de l’espèce mais de la personn
354
difiée, longuement invétérée) qui forme le climat
des
milieux bien-pensants dans le peuple et la bourgeoisie, catholiques,
355
sexe pour mauvais en principe. Comme elle sent qu’
une
telle attitude est plus hérétique que chrétienne, ou plus religieuse
356
mais trahit constamment son intime conviction par
des
jugements et des indignations qui ressemblent à s’y méprendre à des r
357
amment son intime conviction par des jugements et
des
indignations qui ressemblent à s’y méprendre à des réflexes condition
358
es indignations qui ressemblent à s’y méprendre à
des
réflexes conditionnels. Voici un test : à la lecture des phrases suiv
359
s’y méprendre à des réflexes conditionnels. Voici
un
test : à la lecture des phrases suivantes comment allez-vous réagir ?
360
lexes conditionnels. Voici un test : à la lecture
des
phrases suivantes comment allez-vous réagir ? Celui qui voit, qui co
361
teinte que par la pensée, mais à travers le monde
des
sensations, lorsque au-delà des corps à notre échelle, au-delà du dom
362
travers le monde des sensations, lorsque au-delà
des
corps à notre échelle, au-delà du domaine de l’individuation, au-delà
363
st beau que l’aventure de l’intellect, descendant
des
clartés instantanées de l’esprit intuitif au clair-obscur de l’âme, à
364
solu de l’espace électronique, débouche enfin sur
des
lueurs nouvelles qui sont peut-être celles qu’entrevoyaient les sages
365
déjà mon désir et ma volonté étaient mus — comme
une
roue tournant d’une manière uniforme — par l’Amour qui meut aussi le
366
a volonté étaient mus — comme une roue tournant d’
une
manière uniforme — par l’Amour qui meut aussi le soleil et les autres
367
qui se révèle ici transcende la recherche moderne
des
secrets d’un champ unifié. Elle implique l’équation plus générale enc
368
ici transcende la recherche moderne des secrets d’
un
champ unifié. Elle implique l’équation plus générale encore qui embra
369
tuition d’Einstein, conçoit déjà la possibilité d’
une
explication unitaire des phénomènes énergétiques et magnétiques, mais
370
it déjà la possibilité d’une explication unitaire
des
phénomènes énergétiques et magnétiques, mais elle met que l’affectif
371
l’affectif demeure pour elle le plus impénétrable
des
mystères. Il est capital qu’elle l’admette. Ce qui était écarté depui
372
tal qu’elle l’admette. Ce qui était écarté depuis
des
siècles, renvoyé au chapitre des magies puériles, redevient l’objet f
373
it écarté depuis des siècles, renvoyé au chapitre
des
magies puériles, redevient l’objet fascinant des spéculations créatri
374
des magies puériles, redevient l’objet fascinant
des
spéculations créatrices. Déjà, les grandes « écoles » de mathématicie
375
pour les joueurs, et pour les sérieux ce n’est qu’
un
jeu. Pourtant, si l’on regarde un moment, mais sans jouer, les « coul
376
eux ce n’est qu’un jeu. Pourtant, si l’on regarde
un
moment, mais sans jouer, les « couleurs » du jeu de cartes ordinaire,
377
emonte aux tarots, on verra qu’il ne s’agit pas d’
un
hasard ou d’une fantaisie, comme l’ont montré les belles études de l’
378
ts, on verra qu’il ne s’agit pas d’un hasard ou d’
une
fantaisie, comme l’ont montré les belles études de l’indianiste Heinr
379
, intuition, sentiments, bien que placés ici dans
une
succession différente, traduisant la logique particulière et l’ontoge
380
ilater, être vulnérable ou blessé, transpercé par
une
pique (« Une épée te transpercera l’âme », dit Siméon à Marie). Corre
381
vulnérable ou blessé, transpercé par une pique («
Une
épée te transpercera l’âme », dit Siméon à Marie). Correspond à l’Âme
382
viations typiques : Masochisme. (Seul celui qui a
une
âme, et le sait, a lieu d’être masochiste et de s’en réjouir). Goût d
383
re 1. Elle suggère : pénétrer, traverser, voler d’
un
trait, blesser, tuer, féconder. Correspond à l’Esprit et à l’intuitio
384
ime, vers soi : suicide. Conception de l’amour :
un
roi de pique dira que « l’Amour n’est pas un sentiment, mais la situa
385
ur : un roi de pique dira que « l’Amour n’est pas
un
sentiment, mais la situation totale de celui qui aime, orienté vers l
386
gles aiguisés, rappelant que ce carré fut d’abord
un
carreau d’arbalète, une flèche à quatre pans), contredire et mettre e
387
t que ce carré fut d’abord un carreau d’arbalète,
une
flèche à quatre pans), contredire et mettre en parallèle, opposer pou
388
note : « Qu’est-ce que “le Royaume du ciel” pour
un
Occidental ? Qu’est-ce que la Communion pour un homme moderne ? Comme
389
r un Occidental ? Qu’est-ce que la Communion pour
un
homme moderne ? Comment l’intelligence nourrie de science peut-elle r
390
r “les Religions au xxe siècle”, nous présentons
une
remarquable étude de Denis de Rougemont sur les valeurs de l’amour, f
391
a prochainement sous le titre de Comme toi-même
un
important ouvrage aux Éditions Albin Michel.
392
éation de Jean Monnet, pensent-ils en simplifiant
un
peu. Or le Marché commun fonctionne, puisque la Grande-Bretagne, aprè
393
rope comme il l’a vue d’avance : première étape d’
une
organisation mondiale dont elle serait à la fois le centre d’animatio
394
pe et sur les relations nouvelles à établir entre
une
Europe unie et le tiers-monde. Pleins d’idées et de chiffres, d’un op
395
le tiers-monde. Pleins d’idées et de chiffres, d’
un
optimisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux d’accroissement
396
s d’idées et de chiffres, d’un optimisme sobre, d’
un
réalisme constructif. Les taux d’accroissement de la production et de
397
a disparu, en dépit des progrès de l’automation.
Une
confiance nouvelle, née des promesses du Marché commun et de ses prem
398
grès de l’automation. Une confiance nouvelle, née
des
promesses du Marché commun et de ses premiers succès, permet de multi
399
es ententes industrielles, sans plus tenir compte
des
frontières. L’OCDE annonce une expansion globale de 50 % pour l’ensem
400
plus tenir compte des frontières. L’OCDE annonce
une
expansion globale de 50 % pour l’ensemble atlantique d’ici dix ans… L
401
ix ans… L’Amérique avait donc raison ? Mais voici
un
ouvrage, un seul, qui contredit brutalement tout le reste. Il proclam
402
érique avait donc raison ? Mais voici un ouvrage,
un
seul, qui contredit brutalement tout le reste. Il proclame que l’Euro
403
haînés, humiliés, malades de peur ». Ce n’est pas
un
expert, esclave des faits, qui nous dit cela, mais un éloquent morali
404
alades de peur ». Ce n’est pas un expert, esclave
des
faits, qui nous dit cela, mais un éloquent moraliste, Jean-Paul Sartr
405
xpert, esclave des faits, qui nous dit cela, mais
un
éloquent moraliste, Jean-Paul Sartre ; et sa fureur ne jaillit pas d’
406
Jean-Paul Sartre ; et sa fureur ne jaillit pas d’
un
quelconque examen des évidences, mais de la lecture d’un pamphlet qui
407
t sa fureur ne jaillit pas d’un quelconque examen
des
évidences, mais de la lecture d’un pamphlet qui l’a mis dans tous ses
408
conque examen des évidences, mais de la lecture d’
un
pamphlet qui l’a mis dans tous ses états. Il le préface et il exhorte
409
se cette dialectique humanitaire qui nous offre «
un
moyen de guérir l’Europe » en nous faisant tous passer dans le camp d
410
ls n’auront plus personne sur qui tirer. D’où fin
des
guerres. Ce nouveau plan de paix perpétuelle est fait pour éblouir pa
411
exige grands cris son lavage de cerveau. « Voici
des
siècles qu’au nom d’une prétendue aventure spirituelle l’Europe étouf
412
avage de cerveau. « Voici des siècles qu’au nom d’
une
prétendue aventure spirituelle l’Europe étouffe la quasi-totalité de
413
ère plus neuf que la propagande communiste depuis
une
quarantaine d’années, mais c’est le contenu de la phrase : tout y est
414
ux. La colonisation par les Blancs n’a pas duré «
des
siècles » en Afrique, mais environ, et en moyenne, quatre-vingts ans
415
nt. Cette colonisation n’a pas été faite au nom d’
une
« prétendue aventure spirituelle » — nullement « prétendue » d’ailleu
416
mière et la plus importante étant tout simplement
un
état de fait que l’Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter
417
at d’arriération économique, sociale et politique
des
régions qui devinrent pour un temps colonies, et qui prennent sous no
418
ciale et politique des régions qui devinrent pour
un
temps colonies, et qui prennent sous nos yeux leur essor, après des s
419
, et qui prennent sous nos yeux leur essor, après
des
siècles d’immobilité ou de continuelle décadence. Qu’est-ce que l’Eur
420
ésenter « la quasi-totalité de l’humanité », mais
un
tiers au plus, durant la période considérée.) La culture de l’Inde ?
421
conseillera de l’apprendre. Voyons celle de l’une
des
nations récemment libérées de « l’exploitation » européenne : le Daho
422
s massacrent tout ce qui s’y trouve et instituent
une
nouvelle charge dans l’État, celle du Yévogan (« celui qui s’occupe d
423
ns l’État, celle du Yévogan (« celui qui s’occupe
des
Blancs »), titre que l’on a traduit, « avec toute l’emphase diplomati
424
ngères ». (Il faut lire tout cela dans l’Histoire
des
peuples de l’Afrique noire que publie Robert Corvenin.) Les successeu
425
ccesseurs d’Agadja s’enrichissent par le commerce
des
esclaves, dont ils se fournissent chez le voisin, payent un tribut au
426
s, dont ils se fournissent chez le voisin, payent
un
tribut aux Yorubas, se rattrapent en imposant les Houédas et en batta
427
uel le pays est soumis. Le roi, qui est l’objet d’
une
espèce d’adoration, se signale par d’horribles sacrifices humains. Il
428
signale par d’horribles sacrifices humains. Il a
une
armée de femmes. Le Dahomey n’a pas 1 million d’habitants, dont 20 00
429
s, dont 20 000 à peine sont libres. La France y a
un
établissement sur la côte ». La colonisation de cet heureux pays date
430
e 1892. Elle se termine en 1960 par la création d’
une
république souveraine et démocratique de plus de 2 millions d’habitan
431
t la violence, et elle seule, qui a libéré l’Inde
des
Anglais, conformément à leur thèse préférée qui, autrement, ne vaut p
432
ef espace de deux générations. Il leur a présenté
des
possibilités de développement telles qu’ils ont découvert qu’ils étou
433
refaire leur bilan, cédant à la triple pression d’
une
opinion mondiale formée par leurs principes, d’une classe nouvelle éd
434
ne opinion mondiale formée par leurs principes, d’
une
classe nouvelle éduquée par leurs soins dans les pays colonisés, et d
435
s colonisés, et de leurs intérêts mieux compris —
un
peu poussées aussi par les États-Unis, qui les sauvent alors de la fa
436
c (le paysan serait-il la création de sa terre et
des
richesses qu’elle contient ?). Sartre renchérit : c’est avec cela que
437
l’Européen n’a pu se faire homme qu’en fabriquant
des
esclaves » (eh quoi ! n’était-il pas humain avant le xvie siècle ?)
438
mun n’a que deux ans — a résulté presque aussitôt
une
prospérité stupéfiante. L’Europe n’est pas « finie », n’en déplaise à
439
aut expliquer l’anachronisme. Sartre se meut dans
un
village intellectuel et projette sur l’« Europe » des hargnes provinc
440
village intellectuel et projette sur l’« Europe »
des
hargnes provinciales. Quand il écrit Europe, il ne pense que France,
441
’Europe, publié en 1950 chez Nagel. Sartre arrive
un
peu tard avec sa diatribe contre un régime que plus personne ne défen
442
Sartre arrive un peu tard avec sa diatribe contre
un
régime que plus personne ne défend, pas même les Russes, qui le prati
443
ent encore. Sa préface ne représente, en fait, qu’
un
appendice pour le moins superflu à la longue tradition des excellents
444
dice pour le moins superflu à la longue tradition
des
excellents esprits qui surent condamner le colonialisme à l’état nais
445
ui le firent non pas contre l’Europe, mais au nom
des
valeurs européennes : Voltaire, Rousseau, Herder, Fichte, Bentham. À
446
os pratiques. L’ère colonialiste a pris fin, pour
des
raisons qu’ils ne pouvaient prévoir. Pourquoi crier encore, sinon pou
447
tant présidé non sans grandeur à la liquidation d’
un
empire colonial ? Nous avons mieux à faire qu’un mea culpa traduisant
448
’un empire colonial ? Nous avons mieux à faire qu’
un
mea culpa traduisant nos complexes personnels. Devant la crise économ
449
utopunitive ou l’alliance de nos reniements, mais
un
exemple réussi de dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’èr
450
— et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’
une
grande fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux de l’histoire,
451
vilisé (6 juin 1962)k L’avenir de l’Europe est
une
aventure décisive pour l’humanité tout entière. L’Europe est cette pa
452
aussi la condition instrumentale et nécessaire d’
une
véritable histoire universelle, celle où nous sommes bel et bien enga
453
sivement, et n’a jamais été dominée jusqu’ici par
une
seule puissance d’outre-mer. 3. L’Europe a produit une civilisation q
454
eule puissance d’outre-mer. 3. L’Europe a produit
une
civilisation que le monde entier est en train d’imiter, tandis que l’
455
signification et sa tendance générale en partant
des
données physiques et naturelles de notre petit continent, comme le ve
456
aturelles de notre petit continent, comme le veut
une
pensée héritée d’un xixe siècle scientiste et dans l’ensemble, sans
457
tit continent, comme le veut une pensée héritée d’
un
xixe siècle scientiste et dans l’ensemble, sans le savoir, plus marx
458
te que scientifique. (Non que je nie l’importance
des
données naturelles : je les trouve simplement insuffisantes pour rend
459
il a de spécifique.) Certes, le découpage profond
des
côtes, propice à la navigation, le cloisonnement des terres par monta
460
côtes, propice à la navigation, le cloisonnement
des
terres par montagnes et fleuves favorisant la formation de communauté
461
imat tempéré, dans le centre du moins, permettant
une
économie d’énergies fondamentales, ce sont là des atouts, mais qui so
462
une économie d’énergies fondamentales, ce sont là
des
atouts, mais qui sont loin d’inscrire, dans notre sol, l’histoire mon
463
ire mondiale qui sera la nôtre. On ne peut y lire
un
destin. Chaque géographe en tire d’ailleurs ce qu’il lui plaît. C’est
464
au ve siècle avant J.-C. explique la supériorité
des
Européens sur les Asiatiques par le fait que les Asiatiques vivaient
465
ques par le fait que les Asiatiques vivaient dans
un
climat trop égal, tandis qu’en Europe, dit-il, « les passages rapides
466
is qu’en Europe, dit-il, « les passages rapides d’
un
extrême à l’autre stimulent les esprits et les arrachent à l’insoucia
467
esprits et les arrachent à l’insouciance ». Mais
un
autre Grec, Strabon, écrivant sous Tibère, attribue au contraire cett
468
ère, attribue au contraire cette même supériorité
des
Européens au climat tempéré qui — je le cite — « semble avoir tout fa
469
passage fameux où il parle de l’Europe comme « d’
une
sorte de cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’Asie
470
comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’
un
appendice occidental de l’Asie », mais n’en serait pas moins « la par
471
rs terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’
un
vaste corps ». Voici le passage : En sortant des mains de la nature,
472
’un vaste corps ». Voici le passage : En sortant
des
mains de la nature, notre partie du monde n’avait reçu aucun titre à
473
rte de cités magnifiques, s’est enrichie du butin
des
deux mondes ; cette étroite presqu’île, qui ne figure sur le globe qu
474
presqu’île, qui ne figure sur le globe que comme
un
appendice de l’Asie, devenue la métropole du genre humain. Voilà don
475
er demander le secret de l’expansion européenne ?
Un
coup d’œil sur la carte des densités de peuplement de la terre nous f
476
expansion européenne ? Un coup d’œil sur la carte
des
densités de peuplement de la terre nous fait voir que l’humanité s’es
477
solide). Mais l’Europe de la Renaissance, celle
des
grandes découvertes précisément et de l’expansion vers le monde, étai
478
emières, n’offre guère aux yeux de l’historien qu’
une
décadence millénaire, dans le temps même où l’Europe faisait le tour
479
physiques et naturelles ne pouvant rendre compte
des
destins de l’Europe, faudra-t-il leur chercher des causes spirituelle
480
es destins de l’Europe, faudra-t-il leur chercher
des
causes spirituelles ? L’Europe serait-elle, par exemple, une création
481
spirituelles ? L’Europe serait-elle, par exemple,
une
création du christianisme, comme le soutient une très nombreuse école
482
une création du christianisme, comme le soutient
une
très nombreuse école d’excellents historiens catholiques contemporain
483
Hérodote, Platon et Aristote nous parlent déjà d’
une
Europe et la contrastent même avec l’Asie, mais cette Europe ne conna
484
encore le christianisme. L’expansion missionnaire
des
chrétiens, durant le premier millénaire de notre ère, obéit à l’ordre
485
Amérique du Nord, peut-être même jusqu’au Yucatan
des
Mayas et jusqu’au Pérou des Incas. Mais c’est une expansion chrétienn
486
même jusqu’au Yucatan des Mayas et jusqu’au Pérou
des
Incas. Mais c’est une expansion chrétienne et non spécifiquement euro
487
des Mayas et jusqu’au Pérou des Incas. Mais c’est
une
expansion chrétienne et non spécifiquement européenne. En revanche l’
488
éfinir l’Europe, puisque ce serait la définir par
une
vérité éternelle, qu’elle n’a pas mérité d’incarner, sur laquelle ell
489
du Proche-Orient et non d’elle-même ? Existait-il
une
prédisposition européenne au christianisme ? Ceci nous laisse en plei
490
les autres explications du phénomène européen par
des
données physiques et matérielles nous laissent en pleine ambiguïté :
491
les faits. Ce n’est pas le déroulement logique d’
une
série de causes naturelles produisant des effets où elles s’épuisent
492
gique d’une série de causes naturelles produisant
des
effets où elles s’épuisent : ce n’est pas le déroulement d’un plan, d
493
elles s’épuisent : ce n’est pas le déroulement d’
un
plan, dont nul ne voit qui l’aurait calculé et imposé. Et ce n’est pa
494
quelque idée platonicienne, ni la démonstration d’
un
esprit hégélien marchant au pas rythmé de la dialectique — thèse, ant
495
pas rythmé de la dialectique — thèse, antithèse,
une
, deux, une, deux. C’est au contraire une aventure indéfinie, mais qui
496
de la dialectique — thèse, antithèse, une, deux,
une
, deux. C’est au contraire une aventure indéfinie, mais qui traduit un
497
tithèse, une, deux, une, deux. C’est au contraire
une
aventure indéfinie, mais qui traduit une certaine attitude constante
498
ontraire une aventure indéfinie, mais qui traduit
une
certaine attitude constante devant la vie. L’explication d’un phénomè
499
attitude constante devant la vie. L’explication d’
un
phénomène par ses causes a dominé notre xixe siècle, mais c’était au
500
, qu’on voyait mal. Le xxe siècle a découvert qu’
un
phénomène, individuel ou collectif, ne pouvait être bien saisi que da
501
lle de l’Enlèvement d’Europe par Zeus. C’est dans
un
bond vers l’ouest, la mer et l’aventure que l’Europe légendaire prend
502
aire prend son départ. Le mythe de l’enlèvement d’
une
princesse de Tyr par le grand dieu des Grecs, transformé en taureau,
503
lèvement d’une princesse de Tyr par le grand dieu
des
Grecs, transformé en taureau, traduit l’Histoire : notre Europe est e
504
che-Orient. Après la disparition presque totale «
des
premiers habitants du bois et du rocher » (comme dit Vigny) dont ne n
505
’Altamira, l’Europe a été lentement repeuplée par
des
colons venus d’une part de l’Asie Mineure le long du Vardar et du Dan
506
n Crète d’abord — où la princesse Europe engendra
une
dynastie, les Minoens — puis, par la mer Égée en Grèce, et de là, sur
507
quête de leur sœur enlevée. Chacun fit voile dans
une
direction différente. Et l’un fonda Carthage, tandis que d’autres déc
508
la trouveras pas, répondit la Pythie. Suis plutôt
une
vache et pousse-la devant toi sans lui laisser de répit : là où elle
509
de répit : là où elle tombera d’épuisement, bâtis
une
ville ! » Ainsi Cadmus fonda Thèbes. Fable ambiguë, comme toutes les
510
t l’Europe », si l’on entend seulement la ramener
un
beau jour toute faite et donnée par l’histoire : car c’est sa quête e
511
resse sans songer comme ses frères à le couvrir d’
un
manteau ; à Sem, l’Asie et la vie spirituelle ; à Japhet, l’Europe et
512
à Japhet, l’Europe et les armes, et la promesse d’
une
expansion indéfinie : dilatatio, latitudo, selon la Vulgate et les Pè
513
ette expansion planétaire. Vues dans le raccourci
des
siècles, elles évoquent les mouvements de systole et de diastole d’un
514
oquent les mouvements de systole et de diastole d’
un
cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier mouvement : conc
515
gales de durée. Premier mouvement : concentration
des
valeurs religieuses et culturelles du Proche-Orient dans la péninsule
516
ités grecques, il substitue le culte de l’État et
des
grandes institutions centralisées, et il étend leur autorité sur tout
517
t. Dans le cadre de cet empire se trouvent inclus
des
Celtes, des Germains et des Slaves, des « barbares » toujours plus no
518
adre de cet empire se trouvent inclus des Celtes,
des
Germains et des Slaves, des « barbares » toujours plus nombreux, et d
519
re se trouvent inclus des Celtes, des Germains et
des
Slaves, des « barbares » toujours plus nombreux, et de traditions trè
520
nt inclus des Celtes, des Germains et des Slaves,
des
« barbares » toujours plus nombreux, et de traditions très opposées à
521
e cadre de l’empire que se répand très rapidement
une
religion qui, elle aussi, vient du Proche-Orient par la Méditerranée
522
are aux cultures de l’Asie — est justement d’être
un
mélange dynamique d’éléments de provenances diverses et de tendances
523
ette fermentation se poursuit en vase clos : dans
une
espèce de creuset d’alchimiste, où s’opèrent les transmutations les p
524
ériales héritées de Rome, les rêveries enfiévrées
des
savants cosmographes, la vocation missionnaire des croyants ? Les voi
525
es savants cosmographes, la vocation missionnaire
des
croyants ? Les voies terrestres sont barrées. Restent les voies de l’
526
sur les petites caravelles de Colomb. La période
des
grandes découvertes fut une sorte d’explosion du composé Europe, macé
527
de Colomb. La période des grandes découvertes fut
une
sorte d’explosion du composé Europe, macéré depuis près de mille ans
528
ultime croisade et délivrer Jérusalem. C’est tout
un
arrière-plan de foi religieuse, de chances et de malchances géographi
529
lait revêtir les titres prestigieux de « vice-roi
des
Îles qui ont été découvertes dans les Indes » et de « Grand amiral de
530
it que Jason eût été en Colchide à la poursuite d’
une
chimère dorée, que le continent de l’Ouest fût lié plus qu’un autre a
531
orée, que le continent de l’Ouest fût lié plus qu’
un
autre aux mers, que son sol fût pauvre en métaux, que l’islam occupât
532
nt besoin d’or non pour eux-mêmes mais pour payer
une
dernière croisade utopique. Derrière l’audace inouïe de Colomb, nous
533
ude hébraïque, la science allemande, l’exaltation
des
Ibériques. Tous ces motifs mêlés eurent pour effet la découverte par
534
mêlés eurent pour effet la découverte par erreur
des
Amériques, et ce fut le début de l’expansion séculaire, économique, p
535
séculaire, économique, politique et religieuse, d’
un
petit cap de l’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de 5
536
ongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de 5 %
des
terres du globe et qui allait conquérir, tour à tour, toutes les autr
537
e de l’Europe se déroule, à partir de Colomb, sur
un
rythme assez comparable à celui d’une fusée porteuse de satellite : d
538
Colomb, sur un rythme assez comparable à celui d’
une
fusée porteuse de satellite : départ très lent, accélération croissan
539
ers le sol. Mais ce retour du satellite n’est pas
un
échec ! D’innombrables connaissances ont été récoltées en route, elle
540
e peuplement de l’Amérique du Nord, la découverte
des
côtes africaines, la soumission du Proche-Orient puis des Indes au xv
541
s africaines, la soumission du Proche-Orient puis
des
Indes au xviiie siècle, et de l’Indonésie, la colonisation de l’imme
542
enfin la colonisation de l’Afrique noire à partir
des
années 1880 à 1900. Au début de notre xxe siècle, on peut dire que l
543
vaient dans l’ignorance la plus complète les unes
des
autres. Elle avait permis à l’humanité de prendre conscience de son u
544
’idée même de genre humain — genus humanum — sont
des
créations de l’Europe gréco-romaine, puis de l’Europe chrétienne, pui
545
u. Le monde s’est révolté contre elle au nom même
des
valeurs de liberté, de justice et d’égalité pour tous les peuples, et
546
elle ne le fut au Moyen Âge. Elle reste le cœur d’
un
Occident né de ses œuvres, mais où deux grands empires lui disputent
547
rs, c’est-à-dire contre l’Occident ? Il semble qu’
un
des héros de la plus ancienne poésie grecque symbolise au mieux la pa
548
c’est-à-dire contre l’Occident ? Il semble qu’un
des
héros de la plus ancienne poésie grecque symbolise au mieux la passio
549
personnage central de l’Odyssée. Son départ pour
une
sorte de croisade contre Troie, ville du Proche-Orient, afin de sauve
550
atlantiques de l’Amérique. La victoire militaire
des
Grecs sur les Troyens préfigure les expéditions militaires des Europé
551
les Troyens préfigure les expéditions militaires
des
Européens sur les quatre autres continents. Cela, c’est l’Iliade, « p
552
vagabondage, cette longue errance, qui est aussi
une
longue « erreur », selon le sens latin du mot. Tout se passe, au long
553
Maîtriser les éléments, mesurer ses forces contre
des
adversaires visibles ou invisibles, aller toujours plus loin dans l’i
554
nt avec astuce entre les Charybdes et les Scyllas
des
excès contraires, telle est la passion maîtresse d’Ulysse et ce sera,
555
se d’Ulysse et ce sera, identiquement, la passion
des
grands créateurs de la culture occidentale. L’Occidental est l’homme
556
al est l’homme qui va toujours plus loin, au-delà
des
conditions données par la nature, au-delà des traditions fixées par l
557
elà des conditions données par la nature, au-delà
des
traditions fixées par les ancêtres, au-delà de lui-même enfin, — à l’
558
endant son destin, et même ses intérêts, au nom d’
une
vocation universelle. Abraham, « le père des croyants » était parti s
559
om d’une vocation universelle. Abraham, « le père
des
croyants » était parti sans savoir où il allait, parce que son Dieu,
560
fut là le terme de son aventure, mais le début d’
une
autre histoire, dont nous sommes bien loin d’être quittes. Christophe
561
n loin d’être quittes. Christophe Colomb, le père
des
Découvreurs, croyait savoir où il allait, et ce qu’il cherchait : il
562
Colomb et qu’Ulysse avant lui : ils partent vers
des
buts proches ou lointains qu’ils rêvaient avec précision, ils se trom
563
rer le risque créateur à la méditation prudente d’
une
sagesse immuable, c’est tout le génie de l’Occident, et c’est par là
564
oyons donc les faits mesurables. Parmi l’infinité
des
hémisphères qu’on peut tracer sur notre globe, il en existe un — et u
565
s qu’on peut tracer sur notre globe, il en existe
un
— et un seul ! — qui se trouve contenir à la fois le 94 % de l’humani
566
peut tracer sur notre globe, il en existe un — et
un
seul ! — qui se trouve contenir à la fois le 94 % de l’humanité actue
567
globe, ainsi déterminée, ne contient donc que 6 %
des
habitants et 2 % de la production du monde, n’étant guère occupée que
568
en Europe, exactement au sud de Nantes. Ainsi, d’
un
point choisi au zénith de Nantes, assez loin de la Terre pour qu’avec
569
tes, assez loin de la Terre pour qu’avec l’aide d’
un
télescope le regard embrasse tout l’hémisphère privilégié, on pourrai
570
dant aux antipodes, on ne verrait que de l’eau et
des
déserts, et seulement sur les bords, des traces de l’œuvre humaine. V
571
l’eau et des déserts, et seulement sur les bords,
des
traces de l’œuvre humaine. Voici donc un fait mesurable qui ne dépend
572
bords, des traces de l’œuvre humaine. Voici donc
un
fait mesurable qui ne dépend ni de notre orgueil ni de notre humilité
573
e notre orgueil ni de notre humilité d’Européens,
un
fait aisément vérifiable et dont les données objectives se lisent sur
574
humain, le lieu géométrique, le carrefour naturel
des
grandes voies de communication maritimes et surtout aériennes qui ont
575
n de vérifier son unité concrète, et d’en prendre
une
conscience utile, opérative. Au cœur de l’hémisphère privilégié appar
576
uropéen, constater que l’Europe actuelle, amputée
des
plaines russes, tiendrait près de neuf fois dans l’Asie, et six fois
577
é par les mers et le plus richement cloisonné par
des
plis montagneux de moyenne altitude et des fleuves aisément traversab
578
né par des plis montagneux de moyenne altitude et
des
fleuves aisément traversables. En proportion de sa surface, n’oublion
579
s sur la mer, fleuves aux méandres simplifiés par
des
canaux, tunnels routiers et ferroviaires, innombrables ponts et chaus
580
, innombrables ponts et chaussées, travail infini
des
campagnes. Regardez à la loupe cette photo d’une région qui peut être
581
des campagnes. Regardez à la loupe cette photo d’
une
région qui peut être allemande, française, luxembourgeoise, belge ou
582
embourgeoise, belge ou suisse : vous y distinguez
des
villages, des petites villes et des fermes isolées, des châteaux et d
583
belge ou suisse : vous y distinguez des villages,
des
petites villes et des fermes isolées, des châteaux et des usines, des
584
y distinguez des villages, des petites villes et
des
fermes isolées, des châteaux et des usines, des routes, des voies fer
585
llages, des petites villes et des fermes isolées,
des
châteaux et des usines, des routes, des voies ferrées et des canaux,
586
tes villes et des fermes isolées, des châteaux et
des
usines, des routes, des voies ferrées et des canaux, des forêts et de
587
t des fermes isolées, des châteaux et des usines,
des
routes, des voies ferrées et des canaux, des forêts et des champs qua
588
isolées, des châteaux et des usines, des routes,
des
voies ferrées et des canaux, des forêts et des champs quadrillés — pa
589
x et des usines, des routes, des voies ferrées et
des
canaux, des forêts et des champs quadrillés — partout les traces de l
590
nes, des routes, des voies ferrées et des canaux,
des
forêts et des champs quadrillés — partout les traces de l’homme et du
591
s, des voies ferrées et des canaux, des forêts et
des
champs quadrillés — partout les traces de l’homme et du travail humai
592
ité paradoxale qui permettra de définir l’Europe.
Une
unité non point faite d’uniformité, mais au contraire de variété des
593
faite d’uniformité, mais au contraire de variété
des
formes, de complexité des structures. En Amérique, les villages naiss
594
au contraire de variété des formes, de complexité
des
structures. En Amérique, les villages naissent comme au hasard, le lo
595
en marche. Ces maisons boisées, espacées, bordant
une
route, on dirait les wagons couverts des pionniers arrêtés un soir, à
596
bordant une route, on dirait les wagons couverts
des
pionniers arrêtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé d’en res
597
dirait les wagons couverts des pionniers arrêtés
un
soir, à l’étape, et qui auraient décidé d’en rester là. En Asie, les
598
es clairières ou s’égrènent le long de la berge d’
un
fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancrées
599
de la berge d’un fleuve. L’Europe seule présente
un
réseau de communautés bien ancrées, bien nettement individuelles et p
600
nalement fédérées. Et voici que tout se résume en
un
coup d’œil. Car autour de la place d’un simple village d’Europe vous
601
résume en un coup d’œil. Car autour de la place d’
un
simple village d’Europe vous trouvez l’église et la mairie, souvent l
602
À partir de cette place, banale et donc typique,
un
savant débarqué de Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d
603
es structures essentielles de notre civilisation.
Un
service religieux, une séance du conseil municipal, une heure de clas
604
lles de notre civilisation. Un service religieux,
une
séance du conseil municipal, une heure de classe, les discussions aut
605
rvice religieux, une séance du conseil municipal,
une
heure de classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’u
606
al, une heure de classe, les discussions autour d’
une
table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouv
607
es discussions autour d’une table de bistrot ou d’
un
étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secre
608
marché lui permettraient de trouver quelques-uns
des
secrets (pour nous trop évidents) du dynamisme européen. C’est-à-dire
609
le règne de la loi, le respect général et tacite
des
institutions, l’éducation publique, l’échange des opinions individuel
610
des institutions, l’éducation publique, l’échange
des
opinions individuelles (de préférence contradictoires et subversives)
611
ence contradictoires et subversives) et l’échange
des
produits du travail — toute une vitalité librement ordonnée, faite de
612
ves) et l’échange des produits du travail — toute
une
vitalité librement ordonnée, faite de tensions multiples, entrecroisé
613
ont guère été mises en pratique et qu’il s’agit d’
une
Europe idéale, qu’on refuse de reconnaître, qui est celle des autres,
614
déale, qu’on refuse de reconnaître, qui est celle
des
autres, de l’autre école ou de l’autre parti — mais à partir des réal
615
l’autre école ou de l’autre parti — mais à partir
des
réalités visibles et tangibles, qui sont le cadre de nos vies. Europe
616
qui la pousseraient plus loin, et qu’elle suggère
une
méthode inédite d’un enseignement de notre vie civique, basée sur la
617
us loin, et qu’elle suggère une méthode inédite d’
un
enseignement de notre vie civique, basée sur la photo et sur le film,
618
coup de comparaisons révélatrices avec la réalité
des
autres continents. Essayons donc de reconstruire l’Europe en partant
619
réalablement dessinées, mais bien plutôt autour d’
une
citadelle, d’un Burg, défendant un lieu stratégique ; toutefois, c’es
620
inées, mais bien plutôt autour d’une citadelle, d’
un
Burg, défendant un lieu stratégique ; toutefois, c’est bien la créati
621
utôt autour d’une citadelle, d’un Burg, défendant
un
lieu stratégique ; toutefois, c’est bien la création organique de la
622
défensif — qui a marqué et manifesté l’accession
des
Européens à la réalité communautaire, fondement de notre civilisation
623
tre civilisation. On sent bien que ce ne sont pas
des
masses informes, ni des masses militarisées — la populace ni le despo
624
t bien que ce ne sont pas des masses informes, ni
des
masses militarisées — la populace ni le despote — qui ont aménagé au
625
populace ni le despote — qui ont aménagé au cours
des
siècles ces espaces mesurés par l’usage. Les dictatures ne font que d
626
dictatures ne font que de la géométrie, alignent
des
façades bureaucratiques autour d’un cercle vide ou d’un quadrilatère
627
ie, alignent des façades bureaucratiques autour d’
un
cercle vide ou d’un quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout au
628
ades bureaucratiques autour d’un cercle vide ou d’
un
quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout au contraire : la Plac
629
s villes et villages est rarement régulière, hors
des
périodes de relâchement civique, précisément, c’est-à-dire d’étatisme
630
uant à l’ancêtre du forum lui-même, c’est l’agora
des
Grecs, où naquit le civisme occidental. Que la mairie (l’hôtel de vil
631
iginel. Les partis qui décident de la composition
des
conseils de la cité, se forment tout d’abord sur l’agora, sur le foru
632
forum de la Rome républicaine, puis sur la place
des
communes médiévales. Il n’est pas de démocratie, au sens européen du
633
repose sur la libre discussion, sur le libre jeu
des
partis, et sur la liberté de l’opposition, majorité possible de demai
634
ures de l’absolutisme, et qui préparent le siècle
des
Lumières et la Révolution française. C’est dans les tavernes anglaise
635
encore dans les cafés que le Spectator d’Addison,
un
peu plus tard, a l’ambition de faire pénétrer la philosophie, enfin s
636
on de faire pénétrer la philosophie, enfin sortie
des
cabinets d’études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, l
637
de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Réforme et
des
Ordres, à la Renaissance. Aujourd’hui, ses instituteurs, qui dépenden
638
café qu’aux objurgations de la chaire. Voici donc
une
nouvelle tension qui s’institue. Mais la fonction de l’école est deme
639
muniquer les connaissances acquises et le respect
des
valeurs communes, et elle doit d’autre part éveiller le sens critique
640
ut critiquer pour les garder vivants, mais au nom
des
principes qu’elle enseigne. La fonction de l’école dans la cité se ré
641
i occupe le centre de la place, lieu de rencontre
des
produits de la campagne et des besoins de la ville, et en même temps
642
lieu de rencontre des produits de la campagne et
des
besoins de la ville, et en même temps figuration vivante de la loi de
643
e marché citadin-rural.) Ici se noue le jeu serré
des
intérêts contradictoires mais solidaires du producteur et du consomm
644
ais solidaires du producteur et du consommateur,
des
droits acquis et des règles d’arbitrage, des initiatives et des coutu
645
ducteur et du consommateur, des droits acquis et
des
règles d’arbitrage, des initiatives et des coutumes, des conditions l
646
eur, des droits acquis et des règles d’arbitrage,
des
initiatives et des coutumes, des conditions locales et des exigences
647
uis et des règles d’arbitrage, des initiatives et
des
coutumes, des conditions locales et des exigences collectives — en pe
648
les d’arbitrage, des initiatives et des coutumes,
des
conditions locales et des exigences collectives — en perpétuelle tens
649
atives et des coutumes, des conditions locales et
des
exigences collectives — en perpétuelle tension, lutte et conciliation
650
ces — fussent-elles représentées par la révolte d’
un
seul, d’un génie ou d’un saint contre toute une cité, au nom de ses p
651
nt-elles représentées par la révolte d’un seul, d’
un
génie ou d’un saint contre toute une cité, au nom de ses principes in
652
sentées par la révolte d’un seul, d’un génie ou d’
un
saint contre toute une cité, au nom de ses principes indiscutés. Voic
653
d’un seul, d’un génie ou d’un saint contre toute
une
cité, au nom de ses principes indiscutés. Voici donc définie par ses
654
pes indiscutés. Voici donc définie par ses formes
une
Europe pluraliste et non pas unitaire dans son principe comme le fure
655
paraît bien être la remise en question permanente
des
données naturelles et des relations humaines, du Destin et du sens de
656
en question permanente des données naturelles et
des
relations humaines, du Destin et du sens de vie. Quand l’une des réal
657
umaines, du Destin et du sens de vie. Quand l’une
des
réalités antagonistes — la liberté ou l’autorité, l’autonomie locale
658
tend s’imposer seule et détruire l’autre au nom d’
un
ordre simplificateur ou d’une doctrine prétendument totale et unitair
659
ire l’autre au nom d’un ordre simplificateur ou d’
une
doctrine prétendument totale et unitaire, il en résulte guerres, révo
660
es, explosions d’anarchie suivies de dictatures —
une
histoire plus intense, violente et polémique que n’en relatent les ch
661
du monde. Quand les antagonismes se composent en
une
conciliation pratique, gagée par une institution, ou assurée par une
662
composent en une conciliation pratique, gagée par
une
institution, ou assurée par une méthode qui ne supprime pas la tensio
663
atique, gagée par une institution, ou assurée par
une
méthode qui ne supprime pas la tension mais la maîtrise, évitant à la
664
ait formées sur le modèle du chœur, de l’harmonie
des
sons complémentaires, voire de la dissonance calculée et dirigée vers
665
, voire de la dissonance calculée et dirigée vers
une
« résolution » future. Ainsi de la commune, de la fédération, du parl
666
fédération, du parlement et du régime bicaméral,
des
syndicats et des coopératives ; ainsi de l’éducation elle-même et, fi
667
arlement et du régime bicaméral, des syndicats et
des
coopératives ; ainsi de l’éducation elle-même et, finalement, de l’id
668
ts ; dans la mesure ou se développe, ne fût-ce qu’
une
part du potentiel accumulé par ces tensions, on conçoit qu’il fonctio
669
n conçoit qu’il fonctionne alors comme le foyer d’
une
expansion énergétique irrésistible. Tel est le secret du dynamisme eu
670
tible. Tel est le secret du dynamisme européen et
des
périodes de diastole planétaire de notre civilisation. Sommes-nous au
671
ire de notre civilisation. Sommes-nous au seuil d’
une
telle période ? Ou au contraire, l’état de santé de l’Europe est-il a
672
versités et imposer au continent et à ses peuples
un
visage uniforme et anonyme, comparable au portrait-robot du producteu
673
ducteur moyen russe ou américain ? Les éléments d’
une
réponse motivée à cette question — trop souvent et trop facilement tr
674
s ou progressistes — pourraient être fournis par
une
auscultation des organes principaux de la cité, c’est-à-dire des inst
675
s — pourraient être fournis par une auscultation
des
organes principaux de la cité, c’est-à-dire des institutions traditio
676
n des organes principaux de la cité, c’est-à-dire
des
institutions traditionnelles que concrétisent nos bâtiments — symbole
677
dans nos villages, qui n’en possèdent pourtant qu’
une
seule le plus souvent, alors qu’en Amérique elles sont pleines chaque
678
e, et on en trouve en général quatre ou cinq pour
une
commune rurale moyenne de 2000 à 3000 habitants. L’église, en Amériqu
679
mieux que chez nous le centre de la vie sociale d’
un
village. Elle y joue un grand rôle politique et civique. Mais c’est p
680
entre de la vie sociale d’un village. Elle y joue
un
grand rôle politique et civique. Mais c’est peut-être aux dépens de l
681
. Mais c’est peut-être aux dépens de la rigueur d’
une
doctrine et d’une vie spirituelle que l’Europe a mieux su maintenir f
682
être aux dépens de la rigueur d’une doctrine et d’
une
vie spirituelle que l’Europe a mieux su maintenir face à l’État et fa
683
n redécouvre les vertus de la culture générale et
des
humanités, et d’une pédagogie plus ferme, pour ne pas dire autoritair
684
tus de la culture générale et des humanités, et d’
une
pédagogie plus ferme, pour ne pas dire autoritaire, si bien que l’Eur
685
taire, si bien que l’Europe redevient le modèle d’
un
meilleur équilibre, si relatif soit-il, entre les exigences immédiate
686
iens et la stratégie à long terme de la formation
des
esprits. L’URSS elle-même, qui avait tout sacrifié pendant la période
687
é pendant la période stalinienne à l’enseignement
des
techniques, revient aux études générales et se rapproche, dans cette
688
isme. Elle a survécu, tant bien que mal, à plus d’
un
siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique dan
689
pouvait croire que l’ère technique, qui est celle
des
plans à grande échelle, allait lui porter le coup de grâce. Bien au c
690
lon ses meilleurs spécialistes, veulent à la fois
des
regroupements industriels et une répartition plus décentralisée de la
691
eulent à la fois des regroupements industriels et
une
répartition plus décentralisée de la production, poussant à la mise e
692
poussant à la mise en valeur, par l’intermédiaire
des
communes, des régions défavorisées du territoire. Même dans les natio
693
mise en valeur, par l’intermédiaire des communes,
des
régions défavorisées du territoire. Même dans les nations les plus ce
694
es, comme la France, le mouvement de restauration
des
compétences communales se prononce chaque année plus nettement. Au pl
695
nnée plus nettement. Au plan européen, le Conseil
des
communes d’Europe, l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus
696
ropéen, le Conseil des communes d’Europe, l’Union
des
villes et des pouvoirs locaux, apparus depuis la dernière guerre, ne
697
seil des communes d’Europe, l’Union des villes et
des
pouvoirs locaux, apparus depuis la dernière guerre, ne livrent pas un
698
apparus depuis la dernière guerre, ne livrent pas
un
combat d’arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les pion
699
re l’État, mais au contraire sont les pionniers d’
un
renouveau de l’autonomie municipale. Quant au marché, qui occupe le c
700
ns tous nos pays, qu’il s’agisse du Marché commun
des
Six, ou de l’économie des pays neutres. Quant à la presse, enfin, et
701
agisse du Marché commun des Six, ou de l’économie
des
pays neutres. Quant à la presse, enfin, et au café dont elle est née,
702
é dont elle est née, je dirai que la prospérité d’
une
presse libre et le prestige des cafés littéraires dans nos grandes vi
703
e la prospérité d’une presse libre et le prestige
des
cafés littéraires dans nos grandes villes, ces deux faits, inégaux d’
704
tance mais très typiques de notre Europe, restent
des
signes peu trompeurs de la vitalité d’une culture moderne, mêlée à l’
705
restent des signes peu trompeurs de la vitalité d’
une
culture moderne, mêlée à l’existence sociale, capable de critique, do
706
ts de l’Europe. L’Europe sans sa culture n’est qu’
un
cap de l’Asie, assez pauvre en richesses naturelles, et moins peuplé,
707
, longuement travaillés, tourmentés, fécondés par
une
doctrine et une inquiétude religieuses, par des formes de pensée phil
708
vaillés, tourmentés, fécondés par une doctrine et
une
inquiétude religieuses, par des formes de pensée philosophique, et pa
709
r une doctrine et une inquiétude religieuses, par
des
formes de pensée philosophique, et par une volonté d’aventure ration
710
s, par des formes de pensée philosophique, et par
une
volonté d’aventure rationnelle d’où sont issues la science et la tec
711
e d’où sont issues la science et la technique, et
des
arts florissants, et des institutions, et des formes d’existence soci
712
ence et la technique, et des arts florissants, et
des
institutions, et des formes d’existence sociale, et une puissance éco
713
et des arts florissants, et des institutions, et
des
formes d’existence sociale, et une puissance économique sans précéden
714
stitutions, et des formes d’existence sociale, et
une
puissance économique sans précédent, c’est cela l’Europe, c’est cela
715
le monde. L’Europe, c’est très peu de choses plus
une
culture. Cette définition simple me rappelle l’équation la plus célèb
716
n — on ne sait jamais… — qu’il ne s’agit pas là d’
une
démonstration faussement mathématique, mais seulement d’une illustrat
717
tration faussement mathématique, mais seulement d’
une
illustration…) C’est grâce à cette densité remarquable d’institutions
718
on, que l’Europe s’est montrée capable d’intégrer
un
peu mieux que d’autres la technique. Ailleurs, en Amérique et en Russ
719
echnique. Ailleurs, en Amérique et en Russie, sur
des
grandes plaines, peu peuplées, voire des déserts, la civilisation tec
720
sie, sur des grandes plaines, peu peuplées, voire
des
déserts, la civilisation technologique a pu développer ses effets san
721
omme sur table rase. En Europe, elle est née dans
un
contexte serré de principes vénérés et de droits garantis, dans un fo
722
de principes vénérés et de droits garantis, dans
un
fouillis de coutumes séculaires, artisanales et paysannes, de chicane
723
ans le magasin de porcelaine ou le bulldozer dans
un
verger. Certes, les freins et les écluses n’ont pas toujours joué à t
724
n’a pas seulement créé le décor sale et sans âme
des
faubourgs de nos capitales, elle a créé le prolétariat, elle a soumis
725
, elle a créé le prolétariat, elle a soumis toute
une
classe d’hommes à la machine encore très imparfaite, faisant de l’ouv
726
ier, comme l’a dit Marx, « le complément vivant d’
un
mécanisme mort », et l’obligeant à travailler quinze heures par jour,
727
ligeant à travailler quinze heures par jour, dans
des
conditions inhumaines du point de vue de l’hygiène autant que de la m
728
’en parlait pas, et ses effets se sont étalés sur
un
siècle.) Mais en développant la technique par la science, en humanisa
729
ssant de l’époque noire du charbon, de la mine et
des
fabriques enfumées, à l’époque blanche et propre de l’électricité, de
730
avail servile, elle a pris conscience la première
des
problèmes sociaux et moraux, éducatifs et spirituels qu’une technique
731
mes sociaux et moraux, éducatifs et spirituels qu’
une
technique et une science, nées de ses œuvres, posent désormais à tous
732
raux, éducatifs et spirituels qu’une technique et
une
science, nées de ses œuvres, posent désormais à tous les hommes. Elle
733
Or elle est seule à disposer, pour le résoudre, d’
une
expérience séculaire. Si l’on ausculte les organes du patient nommé E
734
physique que symbolise, sur la place du village,
un
monument qui réintroduit dans le tableau toute l’absurdité de l’Histo
735
rdité de l’Histoire en même temps que la notion d’
un
sacré national et non chrétien, dans beaucoup de pays voisins du nôtr
736
de pays voisins du nôtre — le monument aux morts
des
dernières guerres ? 7. Voir Arts n° 872. l. Rougemont Denis de,
737
e, provoqué par nos œuvres, atteint l’Europe dans
une
situation qui me paraît définie par trois grands faits dont je voudra
738
e et les relations. Premier fait : c’est au cours
des
quinze années pendant lesquelles nos États ont perdu leurs empires, q
739
nt d’ici quelques années, l’un par l’indépendance
des
derniers îlots de colonies subsistants, et l’autre par la mise en pla
740
e très remarquable, et qui mériterait de susciter
des
études sérieuses. Il y aurait lieu de vérifier d’abord s’il existe de
741
Il y aurait lieu de vérifier d’abord s’il existe
des
liens latéraux de cause à effet entre les deux phénomènes, ou si plut
742
je le crois, ils ne résultent pas tous les deux d’
une
seule et même évolution dialectique : celle du nationalisme. Dès la f
743
ichte avaient dénoncé l’expansion coloniale comme
un
péché mortel de l’Europe, en ce sens qu’il devait aggraver la dissolu
744
alléguée par les États colonialistes de s’ouvrir
des
débouchés outre-mer — un espace vital, dira Hitler — a joué un rôle i
745
lonialistes de s’ouvrir des débouchés outre-mer —
un
espace vital, dira Hitler — a joué un rôle important à l’origine des
746
ira Hitler — a joué un rôle important à l’origine
des
deux guerres mondiales. Mais ces mêmes guerres ont déclenché deux sér
747
andu aux quatre coins de la terre l’idée du droit
des
peuples à disposer d’eux-mêmes, idée au nom de laquelle les Alliés s’
748
et cela devait amener, nous l’avons vu, le réveil
des
projets d’union. Accessoirement, il ne serait pas sans intérêt de sou
749
que l’Europe n’était riche que de l’exploitation
des
colonies, disaient les uns, de leur pillage, disaient les autres, son
750
e, disaient les autres, sont en train de recevoir
un
démenti tel que l’histoire en offre peu d’exemples. Car en effet, s’i
751
ïncider non seulement avec notre union, mais avec
une
prospérité sans précédent de l’ensemble du continent. Jamais notre ca
752
la liberté, la dignité de la personne, l’égalité
des
peuples et des races — mais aussi de quelques-unes de nos folies les
753
dignité de la personne, l’égalité des peuples et
des
races — mais aussi de quelques-unes de nos folies les plus contagieus
754
ées de refaire leur bilan, cédant à la pression d’
une
opinion mondiale formée par leurs principes, d’une classe nouvelle éd
755
ne opinion mondiale formée par leurs principes, d’
une
classe nouvelle éduquée par leurs soins dans les pays colonisés, et d
756
ays colonisés, et de leur intérêt mieux compris —
un
peu poussées aussi par les États-Unis, qui les sauvaient alors de la
757
au xixe siècle fondent sur tous les continents
des
églises et des comptoirs, des cités et des industries, des écoles et
758
le fondent sur tous les continents des églises et
des
comptoirs, des cités et des industries, des écoles et des plantations
759
tous les continents des églises et des comptoirs,
des
cités et des industries, des écoles et des plantations, des journaux
760
inents des églises et des comptoirs, des cités et
des
industries, des écoles et des plantations, des journaux et des parlem
761
es et des comptoirs, des cités et des industries,
des
écoles et des plantations, des journaux et des parlements. S’imposant
762
toirs, des cités et des industries, des écoles et
des
plantations, des journaux et des parlements. S’imposant par la force
763
et des industries, des écoles et des plantations,
des
journaux et des parlements. S’imposant par la force ou reçus comme de
764
s, des écoles et des plantations, des journaux et
des
parlements. S’imposant par la force ou reçus comme des dieux — ainsi
765
arlements. S’imposant par la force ou reçus comme
des
dieux — ainsi Cortés à Mexico —, voulant sauver des âmes ou exploiter
766
s dieux — ainsi Cortés à Mexico —, voulant sauver
des
âmes ou exploiter des mines, ils conquièrent, civilisent, pillent, év
767
à Mexico —, voulant sauver des âmes ou exploiter
des
mines, ils conquièrent, civilisent, pillent, évangélisent, font trafi
768
t, civilisent, pillent, évangélisent, font trafic
des
esclaves, ouvrent des hôpitaux, répandent des théories humanitaires q
769
, évangélisent, font trafic des esclaves, ouvrent
des
hôpitaux, répandent des théories humanitaires qu’ils ne pratiquent pa
770
fic des esclaves, ouvrent des hôpitaux, répandent
des
théories humanitaires qu’ils ne pratiquent pas toujours sans réserve,
771
réclamer contre eux, mais libèrent en même temps
des
peuples entiers, habitués depuis des siècles aux plus cruels régimes
772
n même temps des peuples entiers, habitués depuis
des
siècles aux plus cruels régimes d’oppression autochtone. C’est tout c
773
C’est tout cela que l’on confond aujourd’hui dans
un
seul mot : colonialisme. Je n’en connais pas de plus injuste, puisqu’
774
é héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’
une
aventure dont le bilan est encore très loin d’être fait. Et rien ne p
775
peine. Mais tous les signes vérifiables indiquent
une
tendance prononcée vers l’expansion de notre culture dans les colonie
776
re culture dans les colonies libérées. Le retrait
des
Anglais de l’Inde n’a pas été suivi par le rejet du parlementarisme b
777
adopté tel quel, mais bien par l’abolition légale
des
castes, tradition trois fois millénaire à laquelle les Anglais n’avai
778
ent, l’industrie lourde se développe, le contrôle
des
naissances s’acclimate… Au total, l’Inde indépendante se veut bien pl
779
bérée, la culture et les langues européennes font
des
progrès spectaculaires. Je cite le directeur des affaires culturelles
780
des progrès spectaculaires. Je cite le directeur
des
affaires culturelles françaises, qui disait en janvier de cette année
781
e parle le français, alors que dans la génération
des
hommes de quarante à cinquante ans, celle de l’époque coloniale, seul
782
’on a besoin de cette langue, qu’elle est devenue
un
facteur de cohésion nationale, qu’elle constitue en outre un moyen d’
783
de cohésion nationale, qu’elle constitue en outre
un
moyen d’accès aisé à la vie internationale… L’intérêt paraît ici, com
784
ont autant progressé dans l’âme et dans les mœurs
des
peuples hier encore colonisés. Mais voici le troisième grand fait : n
785
rendue assimilable et transportable qu’au prix d’
une
périlleuse disjonction entre ses produits de tous ordres et ses valeu
786
version originale. D’où l’avantage incontestable
des
Américains, et surtout des Soviétiques, lorsqu’il s’agit de modernise
787
avantage incontestable des Américains, et surtout
des
Soviétiques, lorsqu’il s’agit de moderniser — c’est-à-dire d’occident
788
de moderniser — c’est-à-dire d’occidentaliser — d’
une
manière rapide et massive, les colonies récemment libérées. Ces nouve
789
érées. Ces nouveaux venus dans le tiers-monde ont
des
notions beaucoup plus simples du progrès, tant social et moral que pu
790
les et la mauvaise conscience qui étaient le fait
des
élites européennes pendant les derniers temps de la colonisation et l
791
s derniers temps de la colonisation et le respect
des
cultures indigènes n’a jamais arrêté les seconds, pas plus dans leur
792
ipe. Il ne dit pas de leurs dons, comme il le dit
des
nôtres : « C’est du néo-colonialisme ! » Et pourtant, le tiers-monde,
793
. Mais aussitôt, ils nous accablent de reproches.
Un
professeur indien, le Dr Raghavan Iyer, enseignant à Oxford, lors d’u
794
le Dr Raghavan Iyer, enseignant à Oxford, lors d’
un
tout récent congrès européen, entendait se faire l’écho des ressentim
795
écent congrès européen, entendait se faire l’écho
des
ressentiments du tiers-monde à l’égard de notre culture et de sa diff
796
ci : L’évangile du progrès matériel automatique,
un
nationalisme agressif, voire une haine raciale à peine dissimulée, un
797
riel automatique, un nationalisme agressif, voire
une
haine raciale à peine dissimulée, un utilitarisme à la Bentham, un co
798
ssif, voire une haine raciale à peine dissimulée,
un
utilitarisme à la Bentham, un collectivisme militant et un socialisme
799
à peine dissimulée, un utilitarisme à la Bentham,
un
collectivisme militant et un socialisme messianique, un libéralisme à
800
arisme à la Bentham, un collectivisme militant et
un
socialisme messianique, un libéralisme à la Hayek, l’adoration de la
801
lectivisme militant et un socialisme messianique,
un
libéralisme à la Hayek, l’adoration de la puissance militaire et poli
802
adoration de la puissance militaire et politique,
une
bureaucratie qu’on ne pourra plus extirper, la multiplication des bes
803
qu’on ne pourra plus extirper, la multiplication
des
besoins nouveaux, une consommation stupéfiante, la passion du bizarre
804
extirper, la multiplication des besoins nouveaux,
une
consommation stupéfiante, la passion du bizarre, des prétentions à l’
805
consommation stupéfiante, la passion du bizarre,
des
prétentions à l’exclusivité dans le domaine religieux, un fanatisme i
806
ntions à l’exclusivité dans le domaine religieux,
un
fanatisme idéologique, un athéisme arrogant, le culte du cynisme, la
807
s le domaine religieux, un fanatisme idéologique,
un
athéisme arrogant, le culte du cynisme, la concurrence sans frein et
808
e sans frein et le philistinisme culturel. C’est
une
assez bonne liste de nos vices, tels qu’ils se sont manifestés, du mo
809
tels qu’ils se sont manifestés, du moins à partir
des
débuts de l’ère industrielle. Il serait trop facile de répondre à ceu
810
op facile, car nous sommes largement responsables
des
erreurs que commet le tiers-monde quand il nous juge. Ce ne sont pas
811
nos meilleurs représentants, les plus conscients
des
vraies valeurs européennes, que nous envoyons outre-mer, mais des age
812
rs européennes, que nous envoyons outre-mer, mais
des
agents de nos États et de nos firmes, qui transportent là-bas toutes
813
es, qui transportent là-bas toutes nos rivalités,
des
assistants techniques qui ne savent pas grand-chose du milieu où ils
814
peut signifier dans son ensemble et vue de loin,
des
agitateurs politiques, des commerçants incultes et nos plus mauvais f
815
semble et vue de loin, des agitateurs politiques,
des
commerçants incultes et nos plus mauvais films. Nous exportons pêle-m
816
uiner, coïncide avec notre union, laquelle promet
une
prospérité sans précédent ; le monde entier se met à l’école de notre
817
compte notre faute, car nous n’avons jamais conçu
une
politique de civilisation répondant à l’ampleur des exigences du sièc
818
e politique de civilisation répondant à l’ampleur
des
exigences du siècle et de nos responsabilités mondiales. La question
819
ugemont : « L’Europe est en train de s’unir, pour
des
raisons à la fois séculaires et modernes. Trois écoles, il est vrai,
820
en venir à l’union politique. Celle de l’alliance
des
États, celle de l’intégration totale, et celle de la fédération. Mais
821
tégration totale, et celle de la fédération. Mais
une
raison nouvelle doit forcer leur accord : c’est la nécessité matériel
822
L’Europe est
un
colosse qui s’ignore (encore) (27 juin 1962)o p Un certain défaiti
823
olosse qui s’ignore (encore) (27 juin 1962)o p
Un
certain défaitisme européen, de Spengler à Toynbee et de Sorel à Sart
824
uadé nos élites comme nos masses que l’Europe est
une
pauvre chose écrasée entre deux colosses. Cette conviction, ou cette
825
goisse, m’apparaissent curieusement indépendantes
des
faits. Dès le xviiie siècle, elle hantait nos esprits. Voici ce qu’é
826
gradés, trop avilis pour savoir autrement que par
une
vague et stupide tradition ce que nous avons été. En 1847, Sainte-Be
827
tout le xixe siècle, donc bien avant l’ascension
des
deux grands, qui date exactement de la fin de la dernière guerre, et
828
ont là. Mesurons leur taille réelle. J’ai inventé
un
petit jeu graphique, très simple. Prenez une feuille de papier quadri
829
venté un petit jeu graphique, très simple. Prenez
une
feuille de papier quadrillé. Dessinez trois rectangles verticaux posé
830
ntre les « deux grands ». Chaque carré représente
un
million d’habitants. L’Europe à l’ouest du rideau de fer en compte 33
831
ise est évidemment plus malaisée. Voici cependant
un
exemple chiffré, et qui ne me paraît pas dénué de toute signification
832
t que vous ne vous sentez pas encore le citoyen d’
une
nation de 335 millions, voire de 430 millions d’habitants (en comptan
833
européens de l’URSS), mais seulement le citoyen d’
un
petit État de 10 ou de 50 millions qui n’est plus à l’échelle du mond
834
que, économique et culturel. Cependant, le sort d’
une
civilisation ne dépend pas seulement de cette espèce-là de chance. Il
835
e de loin, ni en Orient, ni en Afrique, indiquent
une
renaissance et non une décadence. Mais il y a plus : on nous dit que
836
, ni en Afrique, indiquent une renaissance et non
une
décadence. Mais il y a plus : on nous dit que les valeurs nouvelles c
837
es capables d’entraîner le monde et de lui rendre
un
idéal sont celles que représente le communisme russe. Je demande à vo
838
’est-ce, au total, que le communisme soviétique ?
Un
mélange de 50 % de tradition proprement russes et même tsaristes, com
839
et même tsaristes, comme le rôle de la police et
des
fonctionnaires, ou l’habitude de réécrire l’histoire tous les vingt-c
840
a créé, mais c’est Karl Marx. Et qui était Marx ?
Un
juif allemand, dont le père s’était fait protestant, et qui écrivait
841
it fait protestant, et qui écrivait en Angleterre
des
articles pour le New York Herald Tribune. (Ces articles, réunis plus
842
nombreux chapitres de Das Kapital.) Marx est l’un
des
produits les plus typiques des débats philosophiques, théologiques et
843
al.) Marx est l’un des produits les plus typiques
des
débats philosophiques, théologiques et politiques qui définissent l’e
844
t l’esprit européen au xixe siècle. Ce sont donc
des
valeurs qui nous sont propres que les Russes nous renvoient aujourd’h
845
de marxisme dialectique. Qu’en serait-il alors d’
un
autre successeur, hypothétique, reprenant de nos mains débiles ce qu’
846
Là encore, je ne le distingue pas. Je ne vois pas
une
seule culture, indépendante de la nôtre, foncièrement différente de l
847
is, dans l’ère technique, l’obligation première d’
une
civilisation. Un regard sur le globe nous fait voir, au contraire, qu
848
hnique, l’obligation première d’une civilisation.
Un
regard sur le globe nous fait voir, au contraire, que les peuples nou
849
nd ils l’injurient en la copiant. Pour le dire en
une
phrase, voici ce que je constate. Le Sud-Est de l’Asie jalouse la Chi
850
mieux que l’Amérique — laquelle est, après tout,
une
création de l’Europe ! Le cycle se referme, nous ramenant à l’Europe.
851
dans tout cela, nos successeurs ? Je ne vois que
des
imitateurs un peu en retard qui, bien souvent, caricaturent nos pires
852
, nos successeurs ? Je ne vois que des imitateurs
un
peu en retard qui, bien souvent, caricaturent nos pires défauts. Non,
853
on en prétextant notre faiblesse, ou ces crimes d’
un
passé récent dont le tiers-monde nous tient pour responsables. Car ce
854
ponsables. Car cette faiblesse ne traduit rien qu’
une
division de nos forces — et nous sommes en bon train de les unir — ma
855
us sommes en bon train de les unir — mais non pas
une
absence de forces potentielle. Et ces crimes, qui furent ceux de nos
856
colonialisme, exigent de nous bien autre chose qu’
un
mea culpa rageur et masochiste, tellement plus facile que l’action. L
857
ctif du mot, cette fois — d’assumer face au monde
une
vocation dont personne ne saurait la relever, dont nulle autre cultur
858
créés, ces échanges, les a institués au lendemain
des
grandes découvertes, et que seules les techniques qu’elle a su invent
859
onal représente en valeur plus du double de celui
des
États-Unis, et près de dix fois celui de l’URSS. La vocation mondiale
860
a vocation mondiale de l’Europe est inscrite dans
des
faits de ce genre : Nos exportations représentent à peu près 40 % de
861
les mettre en mouvement et pour les orienter vers
un
dialogue fécond. Tout, et d’abord nos traditions, non seulement de cu
862
tions, non seulement de curiosité mais de respect
des
valeurs spirituelles, même et parfois surtout différentes des nôtres
863
spirituelles, même et parfois surtout différentes
des
nôtres : ce n’est point par hasard que l’Europe a créé l’ethnographie
864
éé l’ethnographie et l’archéologie, et la science
des
religions comparées, dont on ne trouve pas une trace avant elle sur T
865
ce des religions comparées, dont on ne trouve pas
une
trace avant elle sur Terre. L’Amérique, en tout cela, apporte une aid
866
elle sur Terre. L’Amérique, en tout cela, apporte
une
aide puissante, mais les initiatives sont venues de l’Europe, et c’es
867
xixe siècle : c’est aussi là qu’elles ont trouvé
des
résistances traditionnelles et coutumières qui les ont obligées lente
868
re l’automation à Coventry : tout cela représente
une
expérience humaine dont le tiers-monde devrait beaucoup apprendre, lu
869
e, les pousse aux pires excès du chauvinisme et à
des
mesures économiques ou politiques visiblement indéfendables du point
870
ent pour le prestige. Sous prétexte de se libérer
des
dernières traces de notre impérialisme, ils copient puérilement ses t
871
du chauvinisme, racial ou partisan, et finalement
des
dictatures totalitaires qui en sont l’aboutissement logique dans notr
872
s : l’union dans la diversité, l’équilibre vivant
des
libertés locales et des obligations communautaires et la mise en comm
873
rsité, l’équilibre vivant des libertés locales et
des
obligations communautaires et la mise en commun des droits « souverai
874
s obligations communautaires et la mise en commun
des
droits « souverains » qu’aucun de nos pays n’est plus en mesure d’exe
875
t donc offrir au monde nouveau l’exemple réussi d’
une
grande fédération. Dans la coïncidence que j’ai relevée entre la fin
876
, et l’essor de notre économie, il y a sans doute
une
grande leçon pour le tiers-monde, mais aussi et, peut-être d’abord, p
877
Amérique et Russie comprises — pour l’ensemble d’
un
Occident, s’il veut enfin se réconcilier avec lui-même. Nous pourrons
878
s pas simplement le droit de répondre à l’attente
des
jeunes nations et de la jeunesse soviétique, obscurément tournées ver
879
étique, obscurément tournées vers l’Occident, par
un
tardif et impuissant mea culpa. Nous ne sommes pas seuls en cause dan
880
e dans cette affaire. Nous sommes pour les autres
un
espoir, qu’il s’agit de ne pas frustrer. L’avenir de l’Europe est gag
881
ope est gagé sur de grands faits géoéconomiques d’
une
portée désormais mondiale. Il me paraît ensuite gagé sur une fonction
882
désormais mondiale. Il me paraît ensuite gagé sur
une
fonction universelle, qui l’enracine dans le passé de notre culture,
883
Les vraies chances de l’Europe ne dépendent pas d’
une
juste prévision de ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’espri
884
n Michel. o. Rougemont Denis de, « L’Europe est
un
colosse qui s’ignore (encore) », Arts, Paris, 27 juin 1962, p. 2. p.
885
(encore) », Arts, Paris, 27 juin 1962, p. 2. p.
Une
note de la rédaction précise : « Une coquille nous a fait écrire que
886
2, p. 2. p. Une note de la rédaction précise : «
Une
coquille nous a fait écrire que le chiffre de la population de l’Euro
887
Un
refus d’aimer (3 octobre 1962)q r Le prestige généralisé de l’érot
888
ar le cinéma, la publicité, et le succès de vente
des
auteurs qui en parlent. Il est donc en partie mesurable. En revanche,
889
surable. En revanche, la décadence de l’amour est
une
hypothèse absolument invérifiable. (Je réitère : de quel amour s’agit
890
faible mesure où elles sont concluantes, donnent
des
indications inverses de celles qu’on tirerait de Sagan. L’érotisme tr
891
irerait de Sagan. L’érotisme traduit certainement
une
décadence de l’amour idéalisé, tel que le concevaient nos grands-pare
892
» à ce cliché d’époque. L’érotisme peut traduire
un
refus d’aimer, ou, au contraire, une prise de conscience plus vraie d
893
peut traduire un refus d’aimer, ou, au contraire,
une
prise de conscience plus vraie de l’amour. Cela s’opère et se décide
894
de l’amour. Cela s’opère et se décide au secret d’
une
personne, et donc échappe, par nature, à toute espèce de généralisati
895
y songer. q. Rougemont Denis de, « [Réponse à
une
enquête] Un refus d’aimer », Arts, Paris, 3 octobre 1962, p. 18. r.
896
q. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête]
Un
refus d’aimer », Arts, Paris, 3 octobre 1962, p. 18. r. Il s’agit d’
897
ts, Paris, 3 octobre 1962, p. 18. r. Il s’agit d’
une
réponse à une enquête sur l’érotisme, introduite par ces mots : « Den
898
ctobre 1962, p. 18. r. Il s’agit d’une réponse à
une
enquête sur l’érotisme, introduite par ces mots : « Denis de Rougemon
899
omme toi-même ), adopte, vis-à-vis de l’érotisme,
une
attitude plus nuancée. »
900
Le déferlement de l’érotisme : pour
une
nouvelle théologie (5-11 mai 1965)s t Pour illustrer l’invasion du
901
hé du livre, sans que personne y voie la preuve d’
une
sanctification quelconque de notre époque. Reste que l’étalage étudié
902
s romans de série, noire ou autre, la suppression
des
« pudeurs de langage », mais plus que tout cela — qui relève parfois
903
elève parfois de la mode et n’engage pas toujours
une
politique morale — les cours d’éducation sexuelle dans les écoles, en
904
e notre époque, au point que certains ont parlé d’
une
révolution dans les mœurs. C’est beaucoup dire pour un peu plus de nu
905
ié en intensité depuis deux siècles, sous l’effet
des
modes culturelles. Les audaces de nos écrivains, de nos cinéastes ne
906
lui, et il ne va pas « déborder » pour si peu qu’
une
augmentation du tirage des classiques libertins dans quelques pays de
907
order » pour si peu qu’une augmentation du tirage
des
classiques libertins dans quelques pays de l’Occident. En revanche, n
908
e l’Occident. En revanche, nos manières de parler
des
choses du sexe et de l’érotisme ont entièrement changé en un demi-siè
909
u sexe et de l’érotisme ont entièrement changé en
un
demi-siècle. En 1906, Freud croit devoir préciser que dans le petit o
910
que je n’ai pas reculé devant la discussion avec
une
jeune fille de tels sujets et en un tel langage. Faut-il me justifier
911
cussion avec une jeune fille de tels sujets et en
un
tel langage. Faut-il me justifier aussi de cette accusation ? » Entre
912
t de Kinsey, entre la Porte étroite et Notre-Dame
des
Fleurs ou Le Silence de Bergman, ce qui s’est passé d’important se si
913
turel qui est celui de l’étude et de l’expression
des
réalités de la « chair », dans leurs aspects physio-psychologiques. M
914
ysio-psychologiques. Mais cela s’est produit dans
un
très grand désordre, créant de fortes inégalités d’information et par
915
t la psychanalyse à 20 ans, inscrite au programme
des
études et formant une part importante du donné intellectuel dans lequ
916
ans, inscrite au programme des études et formant
une
part importante du donné intellectuel dans lequel l’étudiant avait à
917
pornographie. D’étranges méprises persistent chez
des
esprits formés par les catégories morales du xixe . Ainsi le Sexe dem
918
citantes et de problématiques libérations appelle
une
mise en ordre, et d’abord sémantique. Laissant l’étude du sexe au bio
919
elle Héloïse au milieu du xxe siècle), et tout d’
un
coup il s’aperçoit que l’amour seul poussait à dire, à chanter, à exp
920
à exprimer, et permettait de communiquer, et cela
des
troubadours jusqu’aux surréalistes. La sexualité, c’est l’instinct or
921
rocréateur. La passion est le désir infini, lié à
un
individu. Et l’amour est la fin suprême, l’accomplissement de la pers
922
biologique de la sexualité au service du plaisir,
des
beaux-arts, et surtout de la littérature. Quelles sont les causes de
923
phénomène ? En voici trois, prises à dessein dans
des
domaines absolument indépendants. 1. L’autorisation initiale et décis
924
ine équivalait à « refouler l’instinct », à créer
des
névroses, à « donner des complexes ». Ces expressions erronées répand
925
er l’instinct », à créer des névroses, à « donner
des
complexes ». Ces expressions erronées répandirent la terreur chez les
926
n moins que son inverse, l’autosatisfaction — est
un
des mécanismes fondamentaux de toute culture, et que la culture occid
927
oins que son inverse, l’autosatisfaction — est un
des
mécanismes fondamentaux de toute culture, et que la culture occidenta
928
nt occidental fit déferler dans les années 1920 «
une
vague de rêves », selon le titre de l’un des manifestes surréalistes.
929
20 « une vague de rêves », selon le titre de l’un
des
manifestes surréalistes. Freud, lui aussi, était parti du rêve pour é
930
de la libido. Et Jung élargissait au monde entier
des
cultures et des mythes l’empire des archétypes illustrés par le rêve.
931
Jung élargissait au monde entier des cultures et
des
mythes l’empire des archétypes illustrés par le rêve. Nous voilà loin
932
monde entier des cultures et des mythes l’empire
des
archétypes illustrés par le rêve. Nous voilà loin de Fourier, qui fut
933
Fourier, qui fut le premier, je crois, à parler d’
une
« question sexuelle » durant le premier tiers du xixe . (Il avait for
934
iérarchie du cocuage.) 3. Enfin, la perspective d’
une
densité moyenne de trois hommes au mètre carré dans quelques siècles,
935
tre carré dans quelques siècles, et en tout cas d’
un
doublement de l’humanité (bouches à nourrir et bras à occuper) dès le
936
environs de l’an 2000, n’est pas sans déclencher
des
mécanismes psychophysiologiques d’autorégulation démographique. Quest
937
s encore très mal connus de réduction spontanée d’
une
espèce, que certains biologistes américains étudient notamment sur le
938
ûr pour l’individu. « L’érotisme, c’est l’affaire
des
vieux », disent beaucoup de jeunes autour de moi. Et, à vrai dire, c’
939
p de jeunes autour de moi. Et, à vrai dire, c’est
une
affaire complexe et lente, quand la sexualité était simple et rapide
940
la sexualité était simple et rapide ; et surtout
une
affaire gratuite, bonne pour ceux qui ont rempli leur rôle physiologi
941
er d’autant. Je vois venir le temps du changement
des
problèmes. Où mes aînés redoutaient la tentation, c’est l’échec qui f
942
désir : il le reçoit de la publicité et il subit
un
rêve qui n’est plus le sien. Va-t-il découvrir l’érotisme par le biai
943
sien. Va-t-il découvrir l’érotisme par le biais d’
un
problème sexuel très nouveau, né de la dégradation des obstacles soci
944
roblème sexuel très nouveau, né de la dégradation
des
obstacles sociaux comme des interdits de la morale ? Va-t-il sombrer
945
né de la dégradation des obstacles sociaux comme
des
interdits de la morale ? Va-t-il sombrer dans l’apathie sexuelle, céd
946
el est « l’acte de chair », ceux qui pensent avec
un
certain évêque bogomile qu’il n’y a « pas de péché au-dessous du nomb
947
du nombril », ou ceux qui croient bonnement avec
un
chansonnier de mes amis « qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien »
948
u encore — hypothèse optimiste — allons-nous vers
une
ère classique, scientifique et hygiénique, où le problème numéro un d
949
scientifique et hygiénique, où le problème numéro
un
de la jeunesse ne sera plus du tout la sexualité mais par exemple le
950
du tout la sexualité mais par exemple le choix d’
une
vocation, où ces tortures morales seront une bizarrerie du passé cult
951
ix d’une vocation, où ces tortures morales seront
une
bizarrerie du passé culturel européen, de même que la faim et la peur
952
im et la peur ne sont plus, dans nos pays riches,
des
problèmes fondamentaux, liés comme tels à la spiritualité, à la tenta
953
largies qu’il faut juger les efforts déployés par
une
censure conditionnée par la morale victorienne, préfreudienne. Sur le
954
s la censure ne saurait empêcher l’instauration d’
un
vaste programme de recherches, dans lequel l’Amérique nous précède de
955
rches, dans lequel l’Amérique nous précède depuis
une
trentaine d’années. Les aspects littéraires de l’érotisme sont à peu
956
français et par suite de la censure. Mais ce sont
des
études sociologiques et biologiques sur les relations entre l’érotism
957
audrait entreprendre désormais, en même temps que
des
études psychologiques et éthiques, voire, comme le demandait l’autre
958
éthiques, voire, comme le demandait l’autre jour
un
psychiatre américain, une « théologie de l’érotisme ». Car l’érotisme
959
e demandait l’autre jour un psychiatre américain,
une
« théologie de l’érotisme ». Car l’érotisme dépend, en fin de compte,
960
que du sexuel. s. Rougemont Denis de, « Pour
une
nouvelle théologie », Arts, Paris, 5–11 mai 1965, p. 2. t. Précédé d