1 1937, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Introduction au Journal d’un intellectuel en chômage (août 1937)
1 plus rare qu’on ne le pense pour un intellectuel. À Paris, on fréquente et on ignore qui l’on veut. On se fait très facil
2 st que d’écrire des livres. Ce simple fait suffit à distinguer un tel milieu de « la vie ordinaire » — la vie de la grand
3 gagne-pain, j’avais perdu la possibilité de vivre à Paris. J’eus l’idée de demander autour de moi si l’on ne connaissait
4 a femme, au mois de novembre, et j’y restai jusqu’ à l’été. L’année suivante, ce fut le Midi : là encore une maison abando
5 ue dans les villes, les jeunes ménages se ruinent à payer leurs « petits deux-pièces », agrémentés de la TSF des voisins.
6 voisins.) Chômeur, je me trouvais cependant rendu à mon travail le plus réel, qui est d’écrire. Cette situation paradoxal
7 ouvrir tout un monde. Elle m’a confronté au réel, à la vie quotidienne d’un peuple qui se trouvait tout ignorer de ma « q
8 voit contraint de vivre sans avoir pu les choisir à son goût. J’ai traité ces deux grandes questions de la culture et de
9 s . Mais tandis que j’y travaillais, je m’amusais à noter, au jour le jour, des anecdotes, des observations, des réflexio
10 e et des questions qu’il me posait. Je m’exerçais à cette discipline de la description objective, qui est devenue telleme
11 plus souvent. Quand on s’en aperçoit, on commence à comprendre la portée infinie de cette parole si simple : « Ne jugez p
12 erté qu’assure la pauvreté. Ce goût qu’elle donne à l’attente du lendemain et des signes providentiels. Et toutes les joi
13 ui n’ont pas de nom et dont personne ne songerait à parler, contemplation de la terre, ou d’une bestiole à son travail, s
14 ler, contemplation de la terre, ou d’une bestiole à son travail, sentiment de la journée vide, du temps qui a pris le ryt
15 tes, ou quelques chiffres qui peuvent être utiles à ceux qui voudraient vivre cette vie-là. Mon livre est véridique. Je n
2 1937, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Pages inédites du Journal d’un intellectuel en chômage (octobre 1937)
16 2 mars 1662). Que dirions-nous alors du sort fait à celui qui doit se montrer aux hommes tel qu’il est ? S’entendre dire
17 jours s’estimer singulier, c’est-à-dire supérieur à la masse. Et ce n’est pas encore franchement s’avouer que de se compa
18 humanité. ⁂ Chômage. — On dit souvent qu’il faut à l’homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour pouvoir ré
19 « intellectuel » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel
20 ensée créatrice. Mais quel est ce certain degré ? À quel niveau placer cette limite inférieure ? La question paraît insol
21 hemise entière : les morceaux du bras ayant servi à rapiécer les épaules et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite d
22 peu d’argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses successives, et des remèdes contre ses effroyables
23 e ses effroyables maux de tête. De plus, il était à demi aveugle… ⁂ Confort et culture. — À ceux qui n’ont rien, il faut
24 il était à demi aveugle… ⁂ Confort et culture. — À ceux qui n’ont rien, il faut donner du confort, afin qu’ils puissent
25 ort, afin qu’ils puissent concevoir d’autres buts à leur existence que la recherche d’un gain précaire. Mais à ceux qui o
26 istence que la recherche d’un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler que la recherche du conf
27 confort est ce qui s’oppose le plus radicalement à toute culture véritable. ⁂ Île de R. — La nuit ! Je l’avais oubliée
28 able. ⁂ Île de R. — La nuit ! Je l’avais oubliée à Paris. La nuit des villes n’est pas cette mort opaque dont il faut re
29 ouge et circulante, pleine de rumeurs, comparable à la fièvre. Plus lucide souvent que les jours. Ici, tout repose complè
30 de l’allée unique, entre les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la porte du fond, dans l’odeur des lauriers épai
31 et fuient soudain en gémissant. J’ai des lettres à porter à l’autobus. Il faut s’éloigner du village. De nouveau le noir
32 t soudain en gémissant. J’ai des lettres à porter à l’autobus. Il faut s’éloigner du village. De nouveau le noir, et l’éc
33 gar de la grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’ à ce que je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le
34 ces figures géométriques, dominées par le clocher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’arbres devant les maison
35 Jamais plus que dans cette nuit. ⁂ Fin de séjour à A… (Gard). — Tout est en place. Je garderai toutefois le plan d’aména
36 mi-heure d’efforts haletants, qui n’ont abouti qu’ à coincer le sommier au tournant, entre la balustrade et les parois de
37 ant de la décrocher un peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien fallu se rendre à l’évidence : ce sommier im
38 antage à l’assurance !) Il a bien fallu se rendre à l’évidence : ce sommier implacable restera dans l’escalier comme témo
39 émoin des bouleversements que nous avons infligés à la maison. Pas question d’aller quérir du renfort à A. Il faut encore
40 la maison. Pas question d’aller quérir du renfort à A. Il faut encore boucler les valises, descendre mes caisses de livre
41 cler les valises, descendre mes caisses de livres à la gare, etc., et le train part dans une heure. Quand la propriétaire
42 opriétaire reviendra pour l’été, elle se heurtera à ce sommier monumental dans sa pose scandaleuse, et ma réputation sera
43 réputation sera faite ! Fuyons, fuyons ! ⁂ (Été à Paris.) Impossibilité du libre-échange humain. — Considération irrité
44 », dès que mon regard s’attache un peu longuement à un visage, au corps et aux vêtements, aux mains, à l’attitude distrai
45 un visage, au corps et aux vêtements, aux mains, à l’attitude distraite et vraie d’un être isolé près de moi. Je prends
46 ut-être acheté tout par hasard, comme il m’arrive à moi aussi, mais on se juge tout de même là-dessus… Je sors, je pense
47 se juge tout de même là-dessus… Je sors, je pense à autre chose, à quelque chose qui n’est pas d’ici. Et déjà je ne compr
48 même là-dessus… Je sors, je pense à autre chose, à quelque chose qui n’est pas d’ici. Et déjà je ne comprends plus pourq
49 défend… » La grosse petite bonne qui tire sa robe à fleurs sur le quai désert du métro, enfin un être vrai. ⁂ (Conclusio
50 les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec force, une fois qu’on les a bien connus, dans leur r
51 Quand tu l’auras connu et accepté — tu es le seul à le connaître — lève-toi et regarde les choses, les gestes incongrus e
52 entendras et tu ne comprendras jamais qu’un appel à devenir toi-même ce fait qui est plus fort que toi. Car il est tout c
53 e les épreuves de mon journal, je reçois une note à l’encre rouge, signée du correcteur de l’imprimerie. Je la recopie :
54 picerie et spécialiste”2 — L’auteur paraît croire à un rapprochement absurde. Il fait erreur. Nous sommes dans le Midi, o
55 pécialiste) sont le même mot. Tous deux remontent à species (latin). — Les espèces, devenues épices, étaient : gingembre,
56 érêt, condamné par l’église primitive. Il donnait à qui voulait. Après sa mort, on s’aperçut qu’il ne restait que 250 fr.
3 1938, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Caquets d’une vieille poule noire (août 1938)
57 et si… (je supprime des adjectifs élogieux, tout à fait déplacés à mon avis) de M. de Rougemont, Journal d’un intellect
58 rime des adjectifs élogieux, tout à fait déplacés à mon avis) de M. de Rougemont, Journal d’un intellectuel en chômage ,
59 is de novembre. Soudain, le 10 avril, elle se met à pondre, et avec tant d’ardeur que, dès le 16, elle a treize gros œufs
60 treize gros œufs, que sans désemparer elle se met à couver. On regrette que M. de Rougemont ne nous ait pas présenté le c
61 stérieux… » Cette poule qui met trente-huit jours à une tâche que ses congénères accomplissent généralement en trois sema
62 ’article se termine par une nouvelle impertinence à mon égard : le critique prétend que ce livre peut introduire le lecte
63 rès fort de cet article et s’est lâchement refusé à prendre la défense de ma vertu et de mon honneur vilipendés. Il s’en
64 mon honneur vilipendés. Il s’en fiche, il s’amuse à mes dépens après m’avoir livrée à la risée publique ! Comme si le rid
65 che, il s’amuse à mes dépens après m’avoir livrée à la risée publique ! Comme si le ridicule jeté sur moi ne l’atteignait
66 pas bien malins ! Il était si facile de répliquer à mon calomniateur bordelais que c’est lui qui ne connaît rien aux mœur
67 fs « garantis fécondés » que nos maîtres achètent à cet effet : que je n’avais donc pas eu à fabriquer moi-même les treiz
68 achètent à cet effet : que je n’avais donc pas eu à fabriquer moi-même les treize œufs et que cette histoire honteuse et
69 vérifier ses dates ! Enfin, mon innocence éclate à tous les yeux. Ce qu’on me reproche n’est imputable en vérité qu’à l’
70 Ce qu’on me reproche n’est imputable en vérité qu’ à l’ignorance presque touchante de ce critique aussi présomptueux que b
71 a pièce où il travaille (toujours ce désordre !). À ma stupéfaction, j’ai trouvé des dizaines d’articles pleins d’éloges
72 ma cause méprisée et, s’adressant courageusement à mon auteur, elle l’apostrophe dans ces termes : Il y a d’autres chos
73 ie tenté aussi un auteur qui « malmène les mots » à tel point que Mme Meylan peut écrire de son livre : « Il est difficil
74 es du vice : allant droit au fait, elle distingue à l’origine du livre de mon persécuteur la haine farouche de tout ce qu
75 le noire, savez-vous qu’il s’en prenait en vérité à la petite épargne, aux petits rentiers ! C’est ce que personne n’avai
76 se dresse, seule, contre toute l’opinion — quitte à passer pour Dieu sait quoi — et rive son clou à l’insolent Helvète !
77 e à passer pour Dieu sait quoi — et rive son clou à l’insolent Helvète ! J’ai eu un autre vengeur en la personne de M. Fr
78 s normales, composé, arrangé, factice, bizarre ». À quoi j’applaudis des deux pattes. Mais voici où les choses se gâtent.
79 se gâtent. L’auteur, conclut M. Porché, « a joué à la pauvreté ; quel sacrilège ! » Or, sacrilège veut dire : qui lèse l
80 ssayé d’en sortir. Je signale le cas de M. Porché à la vigilance de Mme Meylan, défenseur des rentes. Pour finir, je vous
81 e toujours. Mais c’était faire la part trop belle à mon auteur ! Je puis affirmer, d’après mon expérience, qu’il est plus
82 e le croit. Ne passait-il pas des heures entières à nous regarder amoureusement, moi et mes poussins ? Je sais bien que j
4 1939, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Puisque je suis un militaire… (septembre 1939)
83 de même, après huit jours, les choses commencent à se situer. Les grandes masses de l’Europe, les grandes lignes de la g
84 envie de vous dire un peu de quoi se fait la vie à l’armée, dans les débuts d’une mobilisation. Les dames croient volont
85 ssant une sombre confusion qui se révèle ordonnée à l’heure H ; et beaucoup de choses très lourdes, bouclées et trimballé
86 es ensembles, objets numérotés, perdus, récupérés à la volée, c’est tout ce que l’homme dans le rang peut constater, si t
87 tard, au matin, quand l’attaque se prépare, un «  à terre » prolongé à la lisière d’un bois, cela peut être un des plus b
88 and l’attaque se prépare, un « à terre » prolongé à la lisière d’un bois, cela peut être un des plus beaux moments de not
89 aison qu’il convient de parler de la pluie. C’est à cause d’une profonde affinité entre la vie en uniforme et ce que l’on
90 toile de tente qui couvre ses épaules et cherche à la caler sous son coude droit. Il sait que, d’une seconde à l’autre,
91 sous son coude droit. Il sait que, d’une seconde à l’autre, peut venir l’ordre de bondir. Ça ne l’empêche pas de s’insta
92 as de s’installer comme s’il n’avait rien d’autre à faire pendant des heures. (Est-ce une parabole de la vie ?) Il est bi
93 un instant de répit sous la menace. Alors on vit à plein. On sent le goût des choses. Et l’on est prêt à tout abandonner
5 1939, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Billet d’aller et retour (décembre 1939)
94 maines. J’avais quitté mon train pendant l’arrêt, à la recherche d’un buffet quelconque, et je n’avais trouvé qu’un abri
95 — tandis que des sifflets annonçaient un départ. À la fin, je retrouve un wagon qui me paraît être le mien, mais je l’av
96 de dormeurs débraillés, de musettes et de masques à gaz. Déjà nous roulons lourdement. Le nom de cette gare — comme de to
97 s qui n’existait peut-être plus, qui était réduit à se défendre par le suicide, la Hollande inondée, disait-on. ⁂ Et voic
98 disait-on. ⁂ Et voici sous la pluie et la brume, à l’horizon des marécages, une confusion de silhouettes griffues : moul
99 renversées dans l’eau jaune des canaux suffisent à expliquer cette harmonie solide, luxueusement nourrie de contrastes e
100 sises religieuses fondant une unité si intérieure à chaque individu qu’elle permet la plus grande diversité dans les form
101 ans les formes qui la manifestent. Quand je songe à l’ennui, au désespoir qu’expriment les quartiers ouvriers les plus mo
6 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Beekman Place (octobre 1946)
102 Beekman Place (octobre 1946)g h Parallèle à l’East-River dont la sépare une rangée d’hôtels particuliers à cinq é
103 r dont la sépare une rangée d’hôtels particuliers à cinq étages, cette rue très courte est l’une des rares — j’en connais
104 ent pas de numéro et ne coupent point les avenues à angle droit. Hors-série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres,
105 rasse, voici la perspective de l’East River jusqu’ à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La rivière, sillonn
106 boire un verre, le soir. Un violoniste s’escrime à vingt reprises sur le deuxième Concerto brandebourgeois, mais deux ra
107 nts s’éteignent, le sommet des gratte-ciel se met à luire sous la lune, au-dessus des premiers nuages. Une grande nuit s’
108 . La brique est chaude encore sous mes pieds nus. À ma hauteur, et un peu plus bas, et puis beaucoup plus bas, dans les b
109 rocher, quand les premiers remorqueurs se mettent à souffler fort dans la brume d’été flottant sur la rivière… Une langue
110 onne au jour américain ! Sur le grand fond sonore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sirènes des ferry-boats
111 la tranche ocrée d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses canons glissait sa
112 ragment du Journal des deux mondes qui paraîtra à la Guilde du Livre. »
7 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Souvenir d’un orage en Virginie (novembre 1946)
113 ds plateaux onduleux et livrés aux chevaux, jusqu’ à l’horizon bleu des Appalaches. Pendant que nous roulons sur une route
114 s, le ciel se couvre. « C’est là-haut, me dit-on, à mi-pente des coteaux. » On ne distingue pas encore cette maison célèb
115 nger de J. car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… » L’auto
116 hiens sortent, le museau bas, et l’un vient vomir à nos pieds des morceaux de cire mal mâchés. Une servante les poursuit
117 stibule sombre. La maîtresse de maison est sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendant. L’odeur des chiens imprègne le
118 es chiens imprègne les corridors. Dans un fumoir, à droite, en contrebas, deux hommes en veste de chasse et deux jeunes f
119 n énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, les coussins de
120 lle tient la bride d’une main et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle mord en galopant. Nouveaux éclairs. Tous
121 ux éclairs. Tous les chiens du chenil se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les
122 ans doute le nouvel intendant. « Je vous retrouve à la maison ! », crie-t-elle. Et, piquant son cheval, penchée sur l’enc
123 en veste de chasse qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes entrent et vont s’asseoir un peu à l’éca
124 x femmes blondes entrent et vont s’asseoir un peu à l’écart de notre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le ren
125 regard d’acier du jeune homme silencieux de tout à l’heure. Des chiens se glissent entre les meubles, humides et trembla
8 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Noël à New York (décembre 1946)
126 Noël à New York (décembre 1946)j New York, 15 décembre 1945. Le 1er décem
127 5 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. Cet an de grâce rationnée 1945 se termine en pleine équivoq
128 l de petites bombes atomiques. Trois d’entre eux, à Brooklyn, viennent d’être blessés sérieusement, en jouant à faire sau
129 , viennent d’être blessés sérieusement, en jouant à faire sauter le monde. Les trois Grands, à Moscou, seront-ils plus ad
130 jouant à faire sauter le monde. Les trois Grands, à Moscou, seront-ils plus adroits dans ce même jeu ? On ne le croirait
131 adroits dans ce même jeu ? On ne le croirait pas, à les voir. Curieux trio : un loup déguisé en mouton et deux moutons vê
132 is-je d’un ton suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de la bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvri
133 anvier, n’ayant coûté que 100 dollars de location à Mr. John D. Rockefeller, car tout se sait. Des haut-parleurs répandai
134 ce en souvenir du seul cadeau de paix jamais fait à l’humanité ? Ou bien cette fièvre de rivaliser dans la dépense, en fi
135 er une place dans le monde des familles, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n
136 ront laissés dehors, ceux qui n’appartiennent pas à une cellule sociale, formeront la foule de Times Square. Le coudoieme
137 u d’intimité… Pour moi, j’irai comme chaque année à la messe de minuit des protestants, dans la plus grande église gothiq
138 œur et du clergé, précédée de porteurs de torches à la Burne Jones. Et, comme chaque année, j’entendrai le Credo de Gretc
139 r le temps, comme si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de
140 tte fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recette aux ménagères pour cuire la d
141 liticien rusé autant qu’honnête, gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette ou le Chapeau, comme le peup
142 ion en couleurs prouve qu’elle ne le cède en rien à la photographie pour « le brillant et la précision du détail », quali
143 ndant que déjà le New Yorker se moque des clichés à la mode au sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’humani
144 ie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le Syndicat des ouvriers de l’industrie automobile
145 icat des ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protégera, lui le patron, contre les
146 Et déjà les pasteurs et les prêtres se préparent à parler du message de Noël aux « hommes de bonne volonté », répétant s
147 olontaires. Ils ne font que subir leur condition. À Times Square, dans la foule compacte et lente, dans la rumeur assourd
148 our tout cela… » j. Rougemont Denis de, « Noël à New York », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, décembre 1946,
9 1947, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Slums (janvier 1947)
149 contraire de microscopique — permettant l’examen à l’œil nu. Décrivons sa partie inférieure. La rue huileuse, parsemée
150 ord des trottoirs. Les enfants qui ne jouent plus à la balle parce que la nuit vient de descendre — depuis cinq ans que j
151 ette des escaliers de sauvetage. Ces grands seaux à ordures en métal, rarement ou mal vidés dans ce quartier, débordent s
152 aissance, me dirait un psychanalyste.) Les boîtes à lettres portent des noms en cek, nous sommes dans le quartier slovaqu
153 porte donne dans la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui est censé chauffer l’appartement, une espèce de baignoir
154 si, sur une vingtaine de kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol est jonché de plâtras, de jo
155 quième, une grosse femme en peignoir qui se farde à gestes menus. Le concierge irlandais hurle dans l’escalier. Des enfan
10 1947, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu (décembre 1947)
156 Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu (décembre 1947)m Ta douleur, du
157 gemont, Journal des deux mondes , se lance alors à corps perdu dans une accusation qui ne laisse pas de susciter l’étonn
158 r l’étonnement de l’auditoire. Après s’être livré à quelques persiflages de fort mauvais goût contre l’écrivain neuchâtel
159 de correspondant attitré de notre journal, il lit à la cour l’admirable morceau que de Rougemont a dédié à Paris envahi p
160 cour l’admirable morceau que de Rougemont a dédié à Paris envahi par les Allemands et qui, paru dans la Gazette en juin 1
161 les États-Unis, l’avocat se croit dès lors fondé à assimiler sa situation à celle de son client. « Si ces deux hommes on
162 se croit dès lors fondé à assimiler sa situation à celle de son client. « Si ces deux hommes ont pris ensuite des chemin
163 Rongement relate son activité d’homme de lettres à la radio américaine. J’ai l’honneur, M. le procureur général, s’écrie
164 Peu de temps auparavant, les Éditions Fontaine, à Paris, avaient publié le recueil des conférences prononcées l’hiver d
165 ernier en Sorbonne sous les auspices de l’Unesco. À la page 100 de ce recueil, M. Aragon déclare que je n’ai « jamais ces
166 on Me Duperrier, j’ai passé le temps de la guerre à « mettre en danger la sécurité de mon pays », et cela par mon activit
167 que, d’après Aragon, j’aurais passé le même temps à « passer sous silence » le nazisme et l’antisémitisme, et cela pour p
168 jours avant son procès, je me suis dit, songeant à ma propre action pendant la guerre : « Quel curieux parallèle et quel
169 ropagande étrangère, comme Oltramare ; il a parlé à la radio, comme Oltramare ; et hors de Suisse, comme Oltramare encore
170 pas lieu de me dénoncer, tout ce discours retombe à plat, et notre avocat perd la face. 2. Mais où est l’homme sain d’es
171 litique. Soit. Mais un avocat qui veut s’en tenir à la seule ressemblance des mots tombe dans le calembour juridique. Car
172 s démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’évidence que je faisais en Amérique exactement le contraire d’Oltra
173 s en Amérique exactement le contraire d’Oltramare à Paris. Si Me Duperrier ne sent pas la différence, essayons de l’éclai
174 une fable. Fable J’ai tant et si bien parlé à la radio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voil
175 i tant et si bien parlé à la radio américaine, qu’ à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ra
176 bre. On n’a pas fusillé Oltramare, on s’est borné à le punir un peu. Son avocat garde le droit de me dénoncer pour avoir
177 s, ou je ne sais quels esclaves honteux de vivre. À Ferney-Voltaire, le 20 novembre 1947. m. Rougemont Denis de, « Co
178 re 1947. m. Rougemont Denis de, « Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu », Bulletin de la Guilde du livre, L
11 1948, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Lacs (août 1948)
179 , comme celles d’un marécage, longtemps se mêlent à la terre, et filtrent entre les roseaux. L’Immoraliste. Près de ces
180 mbre mes lacs et ne puis retrouver que du bonheur à ces souvenirs. Non qu’ils me parlent tous de jours heureux, mais la m
181 eur théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue à l’infini. Ici la joie trouve un espace où se déployer sans se perdre,
182 ntraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de compare
183 ans fin, où l’on a reconnu l’amour, comme il aime à s’y retrouver. Je nage à Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est la f
184 u l’amour, comme il aime à s’y retrouver. Je nage à Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devan
185 dessus de jardins en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand les violoneux du village viennent donner la sérénade.
186 lage viennent donner la sérénade. Et nous montons à ce balcon sur l’eau, accroché aux très hautes murailles qui sans rais
187 eure où le crépuscule enfin se meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de
188 Genève par un beau temps cruel, qui faisait fête à des adieux… Petits déjeuners suisses sur un balcon d’hôtel à Vevey, à
189 x… Petits déjeuners suisses sur un balcon d’hôtel à Vevey, à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de l’air matina
190 déjeuners suisses sur un balcon d’hôtel à Vevey, à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de l’air matinal, l’arge
191 n seul amour doit rester mon secret. Je la guette à midi, quand elle descend dans le cortège des jeunes filles sortant de
192 , voilà la vie ! Mais si ce soir une femme venait à moi comme le miracle que j’attends, je lui dirais : c’est un malenten
193 la nature, et ma solitude avec elle. Et vraiment, à cet âge, elle me l’a bien rendu. (Quand on revient la voir à deux, pl
194 elle me l’a bien rendu. (Quand on revient la voir à deux, plus tard, aux mêmes lieux, elle se réserve… Elle ne sera plus
195 x, elle se réserve… Elle ne sera plus jamais tout à fait comme avant.) Ce soir, elle est encore d’une présence envoûtante
196 éteint, guirlande morte, un peu de temps diaphane à l’horizon. Paysage emphatique et sombre, tout cerné de prodiges sévèr
197 ’a point doublé, déjà prise de nuit, rêvant jusqu’ à mes pieds. Par une chaude soirée du mois d’août 192…, un jeune homme,
198 nelle grise et d’un chandail au col roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de la plaine, luttant contre un vent imp