1
un métier quelconque. » C’est le contraire qui m’
est
arrivé : j’ai perdu mon « métier quelconque », et c’est cela justemen
2
mme, au mois de novembre, et j’y restai jusqu’à l’
été
. L’année suivante, ce fut le Midi : là encore une maison abandonnée q
3
et j’y restai jusqu’à l’été. L’année suivante, ce
fut
le Midi : là encore une maison abandonnée qu’on nous prêtait. Il y en
4
s cependant rendu à mon travail le plus réel, qui
est
d’écrire. Cette situation paradoxale m’a fait découvrir tout un monde
5
e pensais pas en faire un livre. Et pourtant ce n’
était
pas du tout ce qu’on nomme un « journal intime ». Je n’y parlais pas
6
cette discipline de la description objective, qui
est
devenue tellement étrangère aux romantiques, aux partisans, aux « enf
7
ntiques, aux partisans, aux « enfermés » que nous
sommes
tous plus ou moins. Peu à peu, les feuillets s’entassaient… Si j’en p
8
ient… Si j’en publie une partie aujourd’hui, ce n’
est
pas sans quelques intentions précises. D’abord montrer l’origine conc
9
nser des hommes réels, peuplant la France réelle,
étaient
en somme peu connues : ni les romans, ni les journaux, ni les théorie
10
de ménage, des communistes, des propriétaires… Ce
sont
des êtres mystérieux. Mais leur mystère n’apparaît que de tout près.
11
, des communistes, des propriétaires… Ce sont des
êtres
mystérieux. Mais leur mystère n’apparaît que de tout près. Il est au
12
Mais leur mystère n’apparaît que de tout près. Il
est
au cœur même de leur vie et ils l’ignorent le plus souvent. Quand on
13
de cette parole si simple : « Ne jugez pas. » On
est
déjà tout près de l’amour. On touche la vie, le grain de l’existence.
14
i de ces rencontres qui soudain vous rendraient —
est
-ce trop dire ? — une sorte de confiance en l’homme. Il y a la liberté
15
ons lyriques, des analyses du moi, j’ai cru qu’il
serait
plus discret de donner, par exemple, mes comptes, ou quelques chiffre
16
le, mes comptes, ou quelques chiffres qui peuvent
être
utiles à ceux qui voudraient vivre cette vie-là. Mon livre est véridi
17
ceux qui voudraient vivre cette vie-là. Mon livre
est
véridique. Je ne serais donc pas fâché qu’au lieu de le juger bien ou
18
ivre cette vie-là. Mon livre est véridique. Je ne
serais
donc pas fâché qu’au lieu de le juger bien ou mal, on le considère to
19
reprise hardie que d’aller dire aux hommes qu’ils
sont
peu de chose », s’écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars 1662). Q
20
à celui qui doit se montrer aux hommes tel qu’il
est
? S’entendre dire que l’homme en général est peu de chose n’est pas t
21
u’il est ? S’entendre dire que l’homme en général
est
peu de chose n’est pas trop humiliant pour qui se flatte d’une image
22
re dire que l’homme en général est peu de chose n’
est
pas trop humiliant pour qui se flatte d’une image de soi composée dan
23
e soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’
est
pas avoué devant les autres, on peut toujours s’estimer singulier, c’
24
ulier, c’est-à-dire supérieur à la masse. Et ce n’
est
pas encore franchement s’avouer que de se comparer aux seuls humains
25
ous met en mesure d’approcher. L’épreuve décisive
est
celle que l’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien
26
dans notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce n’
est
qu’au prix d’un désordre social — selon les préjugés du régime établi
27
, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel
est
ce certain degré ? À quel niveau placer cette limite inférieure ? La
28
concret d’une vie connue. Prenons deux hommes qui
furent
tous deux de prodigieux producteurs d’idées ; deux hommes qui ont écr
29
de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier
était
riche et dépensait sans compter1. Le second était si pauvre, au momen
30
était riche et dépensait sans compter1. Le second
était
si pauvre, au moment où il écrivit ses plus grandes œuvres, qu’il ne
31
contre ses effroyables maux de tête. De plus, il
était
à demi aveugle… ⁂ Confort et culture. — À ceux qui n’ont rien, il fa
32
ose, il faut rappeler que la recherche du confort
est
ce qui s’oppose le plus radicalement à toute culture véritable. ⁂ Îl
33
Je l’avais oubliée à Paris. La nuit des villes n’
est
pas cette mort opaque dont il faut redouter je ne sais quelle invisib
34
menaces originelles. Par temps clair, les étoiles
sont
très grosses et molles au-dessus du jardin. Mais il arrive que le noi
35
s au-dessus du jardin. Mais il arrive que le noir
soit
compact. Je me dirige à peu près le long de l’allée unique, entre les
36
cette nuit. ⁂ Fin de séjour à A… (Gard). — Tout
est
en place. Je garderai toutefois le plan d’aménagement et de décoratio
37
… Les vingt-deux pièces du dessus de cheminée ont
été
replacées au millimètre, dans une symétrie impeccable. Mais tout l’ef
38
cable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’
être
détruit par une odieuse malice du sort. Nous avions descendu du deuxi
39
lourd sommier, pour en faire un divan. L’escalier
est
étroit. La descente s’était opérée sans trop de mal, lors de notre ar
40
re un divan. L’escalier est étroit. La descente s’
était
opérée sans trop de mal, lors de notre arrivée. Mais nous n’avions pa
41
une heure. Quand la propriétaire reviendra pour l’
été
, elle se heurtera à ce sommier monumental dans sa pose scandaleuse, e
42
mental dans sa pose scandaleuse, et ma réputation
sera
faite ! Fuyons, fuyons ! ⁂ (Été à Paris.) Impossibilité du libre-éch
43
t ma réputation sera faite ! Fuyons, fuyons ! ⁂ (
Été
à Paris.) Impossibilité du libre-échange humain. — Considération irri
44
, aux mains, à l’attitude distraite et vraie d’un
être
isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buanderie et
45
ins parfums de femmes, rien que pour regarder des
êtres
, et vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temp
46
ai sans doute vécues, adolescent — et sûrement ce
serait
bien autre chose… La femme descend sans se retourner ; l’homme déplie
47
rs, je pense à autre chose, à quelque chose qui n’
est
pas d’ici. Et déjà je ne comprends plus pourquoi j’ai eu ce fort dési
48
ans le métro, de tutoyer mes compagnons de route.
Était
-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écr
49
La même déception de l’amour, parce que rien ne s’
est
produit, rien ne peut se produire, pour tant de mauvaises raisons qui
50
t se produire, pour tant de mauvaises raisons qui
sont
plus fortes que nous tous. — Et alors, dira-t-on : « Faire la révolut
51
be à fleurs sur le quai désert du métro, enfin un
être
vrai. ⁂ (Conclusion.) — S’occuper des « petits-faits-vrais » vaut mi
52
pas qu’il vaut moins qu’un grand fait vrai, comme
serait
, par exemple, une grande idée embrassée avec force au mépris de soi-m
53
e nom un fait qui commande tous les autres et qui
est
la mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es le seul
54
e de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu
es
le seul à le connaître — lève-toi et regarde les choses, les gestes i
55
jamais qu’un appel à devenir toi-même ce fait qui
est
plus fort que toi. Car il est tout ce que le monde attend, attend de
56
oi-même ce fait qui est plus fort que toi. Car il
est
tout ce que le monde attend, attend de toute éternité pour aujourd’hu
57
à un rapprochement absurde. Il fait erreur. Nous
sommes
dans le Midi, où un sentiment obscur de latinité a survécu. Et épices
58
ices (d’où épicerie) et espèce (d’où spécialiste)
sont
le même mot. Tous deux remontent à species (latin). — Les espèces, de
59
species (latin). — Les espèces, devenues épices,
étaient
: gingembre, muscade, cannelle, poivre. “Les quatre espèces” (épices)
60
spèces” (épices). J’amenderais cette partie, si j’
étais
l’auteur, esprit remarquable. » (Merci au correcteur ! Mais on ne pou
61
alisée en argent liquide, chez son beau-frère. Il
était
adversaire du prêt à intérêt, condamné par l’église primitive. Il don
62
tes les feuilles, et je me vengerais bien si ce n’
était
de lui que dépend, après tout, mon existence. Ont-ils pu se moquer de
63
ours rien. M. de Rougemont cite Spinoza — mais il
est
inquiet : dans la nuit du 21 mai, n’y tenant plus, il retourne au pou
64
ères accomplissent généralement en trois semaines
est
en effet assez mystérieuse… Et l’article se termine par une nouvelle
65
que mon auteur a ri très fort de cet article et s’
est
lâchement refusé à prendre la défense de ma vertu et de mon honneur v
66
eurs ou non, — j’y reviendrai — ces intellectuels
sont
sans pitié et par surcroît ne sont pas bien malins ! Il était si faci
67
intellectuels sont sans pitié et par surcroît ne
sont
pas bien malins ! Il était si facile de répliquer à mon calomniateur
68
itié et par surcroît ne sont pas bien malins ! Il
était
si facile de répliquer à mon calomniateur bordelais que c’est lui qui
69
ce éclate à tous les yeux. Ce qu’on me reproche n’
est
imputable en vérité qu’à l’ignorance presque touchante de ce critique
70
cles pleins d’éloges pour ce maudit Journal . Il
est
vrai qu’ils étaient signés de noms que je crois fort obscurs, comme M
71
oges pour ce maudit Journal . Il est vrai qu’ils
étaient
signés de noms que je crois fort obscurs, comme Mauriac, Ramuz, Halév
72
tres choses bien instructives — (« instructives »
est
ironique) — dans votre expérience. Témoin la fameuse poule noire et s
73
auteurs. Ce qu’on peut critiquer chez vous, ce n’
est
pas le sujet, c’est votre manière par trop naïve et enfantine de le t
74
anière par trop naïve et enfantine de le traiter.
Est
-ce que, par hasard, il n’y aurait pas de poules dans votre pays ? Ou
75
’y aurait pas de poules dans votre pays ? Ou bien
est
-ce que vous ne les aviez jamais regardées qu’il vous faille aller en
76
. Et l’on reconnaît enfin que moi, poule noire, j’
étais
« un sujet substantiel, et qui a tenté de fort bons auteurs ». Mon ma
77
nt que Mme Meylan peut écrire de son livre : « Il
est
difficile d’accumuler plus d’âneries en moins de phrases. » Ça c’est
78
mon persécuteur la haine farouche de tout ce qui
est
beau et noble. Le génie seul a les yeux si perçants, le génie seul po
79
Et pour le coup, je m’y reconnais : cette logique
est
celle de la race. On sent des siècles de cartésianisme derrière ce cr
80
Porché. Mais j’avoue que cet article de Parisien
est
moins heureux que celui de la Romorantine. M. Porché estime que dans
81
ne. M. Porché estime que dans le Journal « tout
est
faux-semblant, illusion… » et « demeure en dehors des conditions norm
82
e : qui lèse le sacré. On en déduit que M. Porché
tient
la pauvreté pour sacrée. Là, j’avoue que je ne puis le suivre. Ce ser
83
sacrée. Là, j’avoue que je ne puis le suivre. Ce
serait
donner dans les pires utopies. Et mon auteur lui-même n’a pas été si
84
les pires utopies. Et mon auteur lui-même n’a pas
été
si loin : il s’est contenté de se débrouiller avec sa pauvreté et, lo
85
Et mon auteur lui-même n’a pas été si loin : il s’
est
contenté de se débrouiller avec sa pauvreté et, loin de la croire sac
86
! Je puis affirmer, d’après mon expérience, qu’il
est
plus paresseux qu’on ne le croit. Ne passait-il pas des heures entièr
87
sement, moi et mes poussins ? Je sais bien que je
suis
un « sujet substantiel », mais tout de même… Je croyais qu’un intelle
88
éclarations judicieuses de ma poule noire ? Ce ne
sont
pas seulement les poules qui jouissent de cette faculté. Il y a plus
89
e mots que d’idées fécondes dans ce monde. 4. Il
est
vrai qu’on la dit Lausannoise, mais enfin le journal Curieux a présen
90
e Française offensée, et moi je crois tout ce qui
est
imprimé. c. Rougemont Denis de, « Caquets d’une vieille poule noire
91
chômage nous remet ces pages qu’il prétend avoir
été
écrites (ou, comme on dit, pondues) par la vieille poule noire mise e
92
nous avons mis en ligne, c’est en pages 98-99 qu’
est
mise en scène la poule noire.
93
Puisque je
suis
un militaire… (septembre 1939)e Puisque je suis un militaire, Il
94
is un militaire… (septembre 1939)e Puisque je
suis
un militaire, Il faut bien faire mon état. Chanson du xviiie siècle.
95
? dit un camarade. — Pas trop. Mais pour sûr on y
est
! L’impression générale, c’est qu’on nous a « mis dedans ». (Je dis o
96
’instant qu’elles deviennent présentes, cessent d’
être
imaginées, ou même imaginables. Tout de même, après huit jours, les c
97
directeur de la Guilde « en campagne », car nous
sommes
n’importe où, sans raison raisonnable ou prévisible. J’aime beaucoup
98
tre le mystérieux Esprit de subversion. Ces dames
sont
en retard d’au moins deux guerres ou victimes d’expressions telles qu
99
ue lui laisse la faculté de constater quoi que ce
soit
, hors l’envie de boire et de se coucher. Eh bien ! de tout cela se dé
100
u des choses brutes et brutales. Pourtant, rien n’
est
plus poétique qu’un rassemblement dans la nuit, grouillant de casques
101
erre » prolongé à la lisière d’un bois, cela peut
être
un des plus beaux moments de notre furtive existence. Surtout quand i
102
ence. Surtout quand il tombe une pluie fine. Ce n’
est
pas seulement à cause de la saison qu’il convient de parler de la plu
103
ps. La pluie en ville et la pluie « en campagne »
sont
deux phénomènes bien distincts, aussi distincts que la vie civile et
104
et la vie militaire en général. La pluie civile n’
est
guère qu’un embêtement dont on se préserve comme sans y penser. On ou
105
n’avait rien d’autre à faire pendant des heures. (
Est
-ce une parabole de la vie ?) Il est bien. Merveilleusement bien. Libé
106
des heures. (Est-ce une parabole de la vie ?) Il
est
bien. Merveilleusement bien. Libéré. Sans passé, sans avenir. Tout le
107
. Le drap du pantalon colle au mollet, les doigts
sont
rouges sur le fusil luisant. Les gouttes de la visière glissent d’un
108
vit à plein. On sent le goût des choses. Et l’on
est
prêt à tout abandonner au premier signe du destin, parce qu’on vient
109
t parfait. e. Rougemont Denis de, « Puisque je
suis
un militaire… », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, septembre
110
ourtant quittée, cette chambre paysanne, mais j’y
suis
pour peu que j’y pense, et c’est souvent. Faites le compte de vos heu
111
aussi que certains rêves, et certains cauchemars,
soient
vécus ; j’ai connu cela trois jours plus tard, dans une grande gare d
112
art. À la fin, je retrouve un wagon qui me paraît
être
le mien, mais je l’avais quitté presque vide et il est plein de dorme
113
e mien, mais je l’avais quitté presque vide et il
est
plein de dormeurs débraillés, de musettes et de masques à gaz. Déjà n
114
nom de cette gare — comme de toutes les autres —
était
camouflé, illisible. Je ne saurai jamais si j’ai rêvé. Mais au matin,
115
es vestiges d’une civilisation qui déserte… Je me
suis
enfermé dans ma chambre d’hôtel et j’ai écrit pendant deux jours ces
116
, dans un pays qui n’existait peut-être plus, qui
était
réduit à se défendre par le suicide, la Hollande inondée, disait-on.
117
re annexe. Ce mariage de l’ancien et du moderne n’
est
pas seulement une réussite technique, une habileté des architectes. I
118
: je vois l’opposition tragique dont cette guerre
est
sortie, et qui est celle des deux grandes conceptions de « l’ordre »
119
ion tragique dont cette guerre est sortie, et qui
est
celle des deux grandes conceptions de « l’ordre » qui se partagent no
120
ce qui fonde nos vraies valeurs et notre raison d’
être
; c’est l’image même en pierre verdâtre, de ce qu’il nous faut combat
121
particuliers à cinq étages, cette rue très courte
est
l’une des rares — j’en connais trois dans Manhattan — qui à la fois n
122
ands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’
été
, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la 51e rue, en br
123
de fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place
est
un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce
124
jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même
est
canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouett
125
ige de nature — car l’eau même est canalisée — ce
sont
ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes et signalés par d
126
pt secondes. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout
est
fait de main d’homme, sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des l
127
économiques et de leurs fatales réalités : car ce
sont
les réalités d’un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons b
128
ge et festonnées de tuiles provençales. La brique
est
chaude encore sous mes pieds nus. À ma hauteur, et un peu plus bas, e
129
queurs se mettent à souffler fort dans la brume d’
été
flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper do
130
our, le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube
est
l’heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américain ! Sur
131
dans un vestibule sombre. La maîtresse de maison
est
sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendant. L’odeur des chiens im
132
tombe par morceaux, les coussins de velours rouge
sont
moisis. Nous redescendons. Le ciel est devenu noir. Du portique, entr
133
urs rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel
est
devenu noir. Du portique, entre les hautes colonnes blanches et ces i
134
un homme. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle
tient
la bride d’une main et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle
135
t. Nouveaux éclairs. Tous les chiens du chenil se
sont
mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse
136
s chiens du chenil se sont mis à hurler ensemble.
Est
-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentisse
137
endent folle, j’ai tellement peur, et vous ? Vous
êtes
muets ? Vous avez soif ? » Les coups de tonnerre se succèdent sans ré
138
la porte du fond un homme en veste de chasse qui
tient
des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes entrent et vont s
139
envoie chercher des verres et des bouteilles. Qui
sont
ces gens ? Elle dit : « Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dan
140
Elle dit : « Je ne le sais pas plus que vous. Ils
sont
dans la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Ji
141
ois jours et se disent les amis de Jim. — Mais où
est
Jim ? — Je ne sais pas ? Il est parti. » Jim était l’intendant, une s
142
est Jim ? — Je ne sais pas ? Il est parti. » Jim
était
l’intendant, une sorte de géant toujours en bottes, qu’elle emmenait
143
er décembre au matin, la ruée vers les magasins s’
est
déclenchée dans toute l’Amérique, inaugurant officiellement le Yuleti
144
ficiellement le Yuletide, la saison de Noël. Nous
sommes
le 15 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. Cet
145
e Noël. Nous sommes le 15 et les rayons de jouets
sont
déjà presque vides à New York. Cet an de grâce rationnée 1945 se term
146
e rationnée 1945 se termine en pleine équivoque :
est
-ce la paix déjà ? La guerre encore ? Interférences de disette et de l
147
miques. Trois d’entre eux, à Brooklyn, viennent d’
être
blessés sérieusement, en jouant à faire sauter le monde. Les trois Gr
148
aire sauter le monde. Les trois Grands, à Moscou,
seront
-ils plus adroits dans ce même jeu ? On ne le croirait pas, à les voir
149
Astoria d’annoncer que sa nuit de l’An « promet d’
être
la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de $ 20 la pl
150
re de l’hôtel — à partir de $ 20 la place ». Nous
fûmes
hier chez Schwartz, grand magasin de jouets de la Cinquième Avenue. «
151
ransporté avec toutes ses racines d’un parc où il
sera
replanté dès janvier, n’ayant coûté que 100 dollars de location à Mr.
152
gent et mordorés. Pourquoi ces échanges éperdus ?
Est
-ce en souvenir du seul cadeau de paix jamais fait à l’humanité ? Ou b
153
vre de rivaliser dans la dépense, en fin d’année,
est
-elle comme chez les primitifs une manière de conjurer le sort et de s
154
s, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui
seront
laissés dehors, ceux qui n’appartiennent pas à une cellule sociale, f
155
le de Times Square. Le coudoiement universel leur
tiendra
lieu d’intimité… Pour moi, j’irai comme chaque année à la messe de mi
156
e Gretchaninov et le motet de Prætorius, Une rose
est
née… Et je me dirai que l’Amérique n’a pas encore très bien compris l
157
une nouvelle victoire sur le temps, comme si ce n’
était
pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’apportera cette fin d’année ?
158
ork. Tammany reviendra au pouvoir. Et Roosevelt n’
est
pas remplacé… Et toutes les utopies prévues par l’avant-guerre entrer
159
endre de sa voiture. Déjà les biches et les daims
sont
amenés dans les forêts de chasse au moyen de taxis aériens. Déjà la t
160
rre, bonne volonté (de Dieu) envers les hommes ».
Est
-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et
161
hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart
sont
involontaires. Ils ne font que subir leur condition. À Times Square,
162
ue et de Central Park, traverse en direction de l’
est
de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, change
163
s que je circule dans cette ville, je n’ai jamais
été
touché, ils sont d’une folle brutalité, mais surpassée par leur adres
164
dans cette ville, je n’ai jamais été touché, ils
sont
d’une folle brutalité, mais surpassée par leur adresse — allument des
165
es boîtes à lettres portent des noms en cek, nous
sommes
dans le quartier slovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au troisième. L
166
ns la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui
est
censé chauffer l’appartement, une espèce de baignoire couverte et for
167
tre pièce plus large sur la cour. Ce logis, qui n’
est
guère qu’un corridor légèrement cloisonné, s’annonce dans les journau
168
ois alvéoles aveugles. Tout l’East Side populaire
est
ainsi, sur une vingtaine de kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au
169
penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol
est
jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont p
170
tras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce
sont
peut-être des chats. Des cordes tendues sur l’abîme supportent des le
171
ctement rectangulaire. Tous les objets qu’on voit
sont
des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les façades, hauts
172
perdu (décembre 1947)m Ta douleur, du Périer,
sera
donc éternelle ? Et les tristes discours… … Est-ce quelque dédale où
173
sera donc éternelle ? Et les tristes discours… …
Est
-ce quelque dédale où ta raison perdue Ne se retrouve pas ? Malherbe
174
et plus nécessaire que celui de pouvoir accuser,
soit
devant le peuple, soit devant un magistrat ou tribunal quelconque, le
175
celui de pouvoir accuser, soit devant le peuple,
soit
devant un magistrat ou tribunal quelconque, les citoyens qui auraient
176
contre cette liberté… Mais autant ces accusations
sont
utiles dans une république, autant les calomnies sont dangereuses et
177
utiles dans une république, autant les calomnies
sont
dangereuses et sans but… On accuse les citoyens devant les magistrats
178
de susciter l’étonnement de l’auditoire. Après s’
être
livré à quelques persiflages de fort mauvais goût contre l’écrivain n
179
s ont pris ensuite des chemins opposés, le départ
est
le même », affirme l’avocat qui cite longuement les passages où Denis
180
el : Les plaidoiries au procès Oltramare : où il
est
question de Denis de Rougemont L’avocat fait ensuite un parallèle ent
181
Rougemont qui, constate le défenseur d’Oltramare,
est
allé se mettre au service de la BBO. Il se demande si, ce faisant, De
182
re que je n’ai « jamais cessé au temps de Vichy d’
être
publié en France », et il insinue que si j’attaque aujourd’hui le nat
183
rien brandi du tout, ni rien prouvé, et il en eût
été
bien empêché, car si quelqu’un n’a pas cessé d’être publié sous Vichy
184
té bien empêché, car si quelqu’un n’a pas cessé d’
être
publié sous Vichy, c’est lui et non pas moi ; et si quelqu’un a vu se
185
n pas lui. Avec Tite-Live et son commentateur, je
suis
pour les accusations mais contre les calomnies, parce que je suis pou
186
cusations mais contre les calomnies, parce que je
suis
pour la liberté qui est du courage mais contre la licence qui est du
187
calomnies, parce que je suis pour la liberté qui
est
du courage mais contre la licence qui est du fanatisme, ou de la lâch
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rté qui est du courage mais contre la licence qui
est
du fanatisme, ou de la lâcheté, ou simplement (restons courtois) de l
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Oltramare, quelques jours avant son procès, je me
suis
dit, songeant à ma propre action pendant la guerre : « Quel curieux p
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s. Où je réponds Voici le raisonnement qu’a
tenu
devant la cour le bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’est mis au s
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la cour le bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’
est
mis au service d’une propagande étrangère, comme Oltramare ; il a par
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s de Suisse, comme Oltramare encore. Les deux cas
étant
identiques, il faut donc condamner Rougemont, mais il faut acquitter
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? Ni moi non plus. C’est que ce raisonnement n’en
est
pas un, mais combine deux absurdités. 1. Si l’on admet avec cet avoca
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j’ai vraiment agi comme son client, l’alternative
est
la suivante : ou bien je suis coupable, mais alors Oltramare l’est au
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lient, l’alternative est la suivante : ou bien je
suis
coupable, mais alors Oltramare l’est aussi, la plaidoirie devient un
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ou bien je suis coupable, mais alors Oltramare l’
est
aussi, la plaidoirie devient un réquisitoire, et l’avocat fait une dr
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à plat, et notre avocat perd la face. 2. Mais où
est
l’homme sain d’esprit qui peut admettre que j’aie vraiment agi comme
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pour la radio, hors de Suisse, sur la politique.
Soit
. Mais un avocat qui veut s’en tenir à la seule ressemblance des mots
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la politique. Soit. Mais un avocat qui veut s’en
tenir
à la seule ressemblance des mots tombe dans le calembour juridique. C
200
es mots tombe dans le calembour juridique. Car il
est
vrai que les deux cas s’énoncent et se prononcent de même, mais par c
201
e question sérieuse qui se posait, notre avocat s’
est
bien gardé de la formuler : c’est celle du contenu des émissions. Olt
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acte et libre. On n’a pas fusillé Oltramare, on s’
est
borné à le punir un peu. Son avocat garde le droit de me dénoncer pou
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et libres, vaut mieux que leur « ordre » où nous
serions
des morts, ou je ne sais quels esclaves honteux de vivre. À Ferney-Vo
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moraliste. Près de ces eaux, ma vie sentimentale
est
née. Et depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur de l’eau pour t
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ma vie sentimentale est née. Et depuis lors elle
est
restée lacustre. « Odeur de l’eau pour toute la vie », écrivait un P
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ut-il penser que la souffrance au bord d’un lac n’
est
jamais sans quelque douceur ? Cherchant d’où vient cet agrément, et p
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t plus présente, je me dis : c’est qu’un vrai lac
est
un univers clos, si grands soient les miroirs qu’il offre aux ciels c
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est qu’un vrai lac est un univers clos, si grands
soient
les miroirs qu’il offre aux ciels changeants, et si profonds ses loin
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e. La pente derrière moi, l’horizon des collines,
sont
le cadre qui donne au tableau sa signification privilégiée. Ici le cœ
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ci le cœur et l’âme ont leur théâtre pur, où tout
est
sens, écho, dialogue à l’infini. Ici la joie trouve un espace où se d
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raison, grandiloquentes, bordent la rive. (Elles
furent
élevées, dit-on, par un ministre fou.) Cyprès au pied des Alpes, tend
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pointues et de valses aux jardins publics — là j’
étais
seul… Rade de Genève par un beau temps cruel, qui faisait fête à des
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scintillement des eaux sous la brume légère, tout
était
si pur et si frais qu’il semblait que le monde venait de s’éveiller,
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rappelait un peu de tous mes autres lacs, mais il
était
surtout celui d’Œil de faucon et du dernier des Mohicans de mon enfan
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s je l’emporte avec les autres sans remords, s’il
est
vrai que d’aucuns je n’ai su tant d’histoires et qu’il détient certai
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x chagrins taciturnes. Souffrir auprès d’un lac n’
est
jamais sans douceur. Je suis sur la jetée, près du hangar des trams,
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rir auprès d’un lac n’est jamais sans douceur. Je
suis
sur la jetée, près du hangar des trams, et l’eau n’est pas plus noire
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ur la jetée, près du hangar des trams, et l’eau n’
est
pas plus noire que mon cœur humilié. Dans ce « local » empuanti de ta
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rtant de l’école des Terreaux. Nous, les garçons,
tenons
notre « colloque » sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons ent
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Non, je ne vais pas me suicider. Je mentirai ! Je
suis
assis sur un banc près du port, la promenade est déserte et mon cœur
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suis assis sur un banc près du port, la promenade
est
déserte et mon cœur assoiffé. Personne ne passe jamais, voilà la vie
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’attends, je lui dirais : c’est un malentendu. Je
suis
dépareillé, passons, passez, Madame… J’ai 19 ans. Je n’aime encore qu
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s tard, aux mêmes lieux, elle se réserve… Elle ne
sera
plus jamais tout à fait comme avant.) Ce soir, elle est encore d’une
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us jamais tout à fait comme avant.) Ce soir, elle
est
encore d’une présence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière le T
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est encore d’une présence envoûtante. Le soleil s’
est
caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est r
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le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’
est
retirée, de vague en vague vers l’autre rive. Elle caresse en passant
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plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage
est
imminent. Notre héros, qui paraît âgé d’une vingtaine d’années, se di
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r ces rivages désertés par le crépuscule ? Quelle
est
cette hâte inconnue, qu’il se flattait de n’éprouver jamais, bien au
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e crier : « J’accours ! Attends !… » Ah ! mais qu’
est
-ce qu’il m’arrive ? se dit-il. Il faut en avoir le cœur net. (Tout so
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e de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive
est
solennel, comme l’attente du pays sous le ciel orageux. Oui, c’est bi
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ands mots impossibles, dans un fol abandon, et ce
sera
vrai. Comme tout est facile et violent quand les portes du cœur ont c
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dans un fol abandon, et ce sera vrai. Comme tout
est
facile et violent quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’
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iolent quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac
était
d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaien