1 1937, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Introduction au Journal d’un intellectuel en chômage (août 1937)
1 Introduction au Journal d’ un intellectuel en chômage (août 1937)a Tolstoï disait, vers la fin
2 l en chômage (août 1937)a Tolstoï disait, vers la fin du siècle dernier : « L’artiste de l’avenir vivra la vie ordinair
3 Tolstoï disait, vers la fin du siècle dernier : «  L’ artiste de l’avenir vivra la vie ordinaire des hommes, gagnant son pai
4 sait, vers la fin du siècle dernier : « L’artiste de l’avenir vivra la vie ordinaire des hommes, gagnant son pain par un m
5 t, vers la fin du siècle dernier : « L’artiste de l’ avenir vivra la vie ordinaire des hommes, gagnant son pain par un méti
6 du siècle dernier : « L’artiste de l’avenir vivra la vie ordinaire des hommes, gagnant son pain par un métier quelconque. 
7 agnant son pain par un métier quelconque. » C’est le contraire qui m’est arrivé : j’ai perdu mon « métier quelconque », et
8 lconque », et c’est cela justement qui m’a permis de partager, pendant deux ans, « la vie ordinaire des hommes ». Cas plus
9 t qui m’a permis de partager, pendant deux ans, «  la vie ordinaire des hommes ». Cas plus rare qu’on ne le pense pour un i
10 ie ordinaire des hommes ». Cas plus rare qu’on ne le pense pour un intellectuel. À Paris, on fréquente et on ignore qui l’
11 ellectuel. À Paris, on fréquente et on ignore qui l’ on veut. On se fait très facilement sa vie et son milieu parmi des gen
12 t du moins — ou croient savoir — ce que c’est que d’ écrire des livres. Ce simple fait suffit à distinguer un tel milieu de
13 Ce simple fait suffit à distinguer un tel milieu de « la vie ordinaire » — la vie de la grande majorité des hommes. Or, e
14 imple fait suffit à distinguer un tel milieu de «  la vie ordinaire » — la vie de la grande majorité des hommes. Or, en mêm
15 istinguer un tel milieu de « la vie ordinaire » — la vie de la grande majorité des hommes. Or, en même temps que mon gagne
16 er un tel milieu de « la vie ordinaire » — la vie de la grande majorité des hommes. Or, en même temps que mon gagne-pain,
17 un tel milieu de « la vie ordinaire » — la vie de la grande majorité des hommes. Or, en même temps que mon gagne-pain, j’a
18 , en même temps que mon gagne-pain, j’avais perdu la possibilité de vivre à Paris. J’eus l’idée de demander autour de moi
19 que mon gagne-pain, j’avais perdu la possibilité de vivre à Paris. J’eus l’idée de demander autour de moi si l’on ne conn
20 vais perdu la possibilité de vivre à Paris. J’eus l’ idée de demander autour de moi si l’on ne connaissait pas une maison v
21 rdu la possibilité de vivre à Paris. J’eus l’idée de demander autour de moi si l’on ne connaissait pas une maison vide que
22 Paris. J’eus l’idée de demander autour de moi si l’ on ne connaissait pas une maison vide quelque part… On me la trouva bi
23 nnaissait pas une maison vide quelque part… On me la trouva bien vite : au bout du monde, dans une île de la côte Atlantiq
24 trouva bien vite : au bout du monde, dans une île de la côte Atlantique. J’allai m’y installer avec ma femme, au mois de n
25 uva bien vite : au bout du monde, dans une île de la côte Atlantique. J’allai m’y installer avec ma femme, au mois de nove
26 que. J’allai m’y installer avec ma femme, au mois de novembre, et j’y restai jusqu’à l’été. L’année suivante, ce fut le Mi
27 femme, au mois de novembre, et j’y restai jusqu’à l’ été. L’année suivante, ce fut le Midi : là encore une maison abandonné
28 au mois de novembre, et j’y restai jusqu’à l’été. L’ année suivante, ce fut le Midi : là encore une maison abandonnée qu’on
29 ’y restai jusqu’à l’été. L’année suivante, ce fut le Midi : là encore une maison abandonnée qu’on nous prêtait. Il y en a
30 mme cela des centaines, des milliers, dans toutes les provinces de la France. (Tandis que dans les villes, les jeunes ménag
31 entaines, des milliers, dans toutes les provinces de la France. (Tandis que dans les villes, les jeunes ménages se ruinent
32 aines, des milliers, dans toutes les provinces de la France. (Tandis que dans les villes, les jeunes ménages se ruinent à
33 utes les provinces de la France. (Tandis que dans les villes, les jeunes ménages se ruinent à payer leurs « petits deux-piè
34 vinces de la France. (Tandis que dans les villes, les jeunes ménages se ruinent à payer leurs « petits deux-pièces », agrém
35 à payer leurs « petits deux-pièces », agrémentés de la TSF des voisins.) Chômeur, je me trouvais cependant rendu à mon tr
36 payer leurs « petits deux-pièces », agrémentés de la TSF des voisins.) Chômeur, je me trouvais cependant rendu à mon trava
37 eur, je me trouvais cependant rendu à mon travail le plus réel, qui est d’écrire. Cette situation paradoxale m’a fait déco
38 pendant rendu à mon travail le plus réel, qui est d’ écrire. Cette situation paradoxale m’a fait découvrir tout un monde. E
39 vrir tout un monde. Elle m’a confronté au réel, à la vie quotidienne d’un peuple qui se trouvait tout ignorer de ma « qual
40 Elle m’a confronté au réel, à la vie quotidienne d’ un peuple qui se trouvait tout ignorer de ma « qualité » d’intellectue
41 tidienne d’un peuple qui se trouvait tout ignorer de ma « qualité » d’intellectuel. Elle m’a posé et reposé chaque jour le
42 le qui se trouvait tout ignorer de ma « qualité » d’ intellectuel. Elle m’a posé et reposé chaque jour le problème des rela
43 intellectuel. Elle m’a posé et reposé chaque jour le problème des relations possibles entre l’écrivain et le peuple, et au
44 ue jour le problème des relations possibles entre l’ écrivain et le peuple, et aussi le « problème des gens », c’est-à-dire
45 blème des relations possibles entre l’écrivain et le peuple, et aussi le « problème des gens », c’est-à-dire des voisins,
46 possibles entre l’écrivain et le peuple, et aussi le « problème des gens », c’est-à-dire des voisins, des autres, avec les
47 s, des autres, avec lesquels on se voit contraint de vivre sans avoir pu les choisir à son goût. J’ai traité ces deux gran
48 quels on se voit contraint de vivre sans avoir pu les choisir à son goût. J’ai traité ces deux grandes questions de la cult
49 son goût. J’ai traité ces deux grandes questions de la culture et de la communauté dans un ouvrage théorique intitulé Pe
50 n goût. J’ai traité ces deux grandes questions de la culture et de la communauté dans un ouvrage théorique intitulé Pense
51 raité ces deux grandes questions de la culture et de la communauté dans un ouvrage théorique intitulé Penser avec les mai
52 té ces deux grandes questions de la culture et de la communauté dans un ouvrage théorique intitulé Penser avec les mains
53 ue j’y travaillais, je m’amusais à noter, au jour le jour, des anecdotes, des observations, des réflexions, déduites du dé
54 ons, des réflexions, déduites du détail quotidien de mes contacts avec les gens, ou des soucis de mon état. Je ne pensais
55 déduites du détail quotidien de mes contacts avec les gens, ou des soucis de mon état. Je ne pensais pas en faire un livre.
56 dien de mes contacts avec les gens, ou des soucis de mon état. Je ne pensais pas en faire un livre. Et pourtant ce n’était
57 n nomme un « journal intime ». Je n’y parlais pas de mes sentiments, mais de mon entourage et des questions qu’il me posai
58 ime ». Je n’y parlais pas de mes sentiments, mais de mon entourage et des questions qu’il me posait. Je m’exerçais à cette
59 qu’il me posait. Je m’exerçais à cette discipline de la description objective, qui est devenue tellement étrangère aux rom
60 il me posait. Je m’exerçais à cette discipline de la description objective, qui est devenue tellement étrangère aux romant
61  » que nous sommes tous plus ou moins. Peu à peu, les feuillets s’entassaient… Si j’en publie une partie aujourd’hui, ce n’
62 ans quelques intentions précises. D’abord montrer l’ origine concrète des idées que j’exposais ailleurs sous une forme plus
63 ous une forme plus générale. Il ne s’agit ici que de la vie « commune », au double sens de ce mot ; il s’agit du réel que
64 une forme plus générale. Il ne s’agit ici que de la vie « commune », au double sens de ce mot ; il s’agit du réel que tou
65 git ici que de la vie « commune », au double sens de ce mot ; il s’agit du réel que tout le monde vit. Je crois que c’est
66 le monde vit. Je crois que c’est là seulement que les idées deviennent graves. Il m’a paru aussi que les façons de vivre et
67 es idées deviennent graves. Il m’a paru aussi que les façons de vivre et de penser des hommes réels, peuplant la France rée
68 viennent graves. Il m’a paru aussi que les façons de vivre et de penser des hommes réels, peuplant la France réelle, étaie
69 ves. Il m’a paru aussi que les façons de vivre et de penser des hommes réels, peuplant la France réelle, étaient en somme
70 de vivre et de penser des hommes réels, peuplant la France réelle, étaient en somme peu connues : ni les romans, ni les j
71 France réelle, étaient en somme peu connues : ni les romans, ni les journaux, ni les théories politiques ne m’en avaient d
72 étaient en somme peu connues : ni les romans, ni les journaux, ni les théories politiques ne m’en avaient donné la moindre
73 peu connues : ni les romans, ni les journaux, ni les théories politiques ne m’en avaient donné la moindre idée exacte. J’a
74 ni les théories politiques ne m’en avaient donné la moindre idée exacte. J’ai décrit les paysans parmi lesquels je vivais
75 avaient donné la moindre idée exacte. J’ai décrit les paysans parmi lesquels je vivais, quelques instituteurs, des chauffeu
76 je vivais, quelques instituteurs, des chauffeurs d’ autocars, un pasteur, une femme de ménage, des communistes, des propri
77 des chauffeurs d’autocars, un pasteur, une femme de ménage, des communistes, des propriétaires… Ce sont des êtres mystéri
78 tres mystérieux. Mais leur mystère n’apparaît que de tout près. Il est au cœur même de leur vie et ils l’ignorent le plus
79 n’apparaît que de tout près. Il est au cœur même de leur vie et ils l’ignorent le plus souvent. Quand on s’en aperçoit, o
80 tout près. Il est au cœur même de leur vie et ils l’ ignorent le plus souvent. Quand on s’en aperçoit, on commence à compre
81 Il est au cœur même de leur vie et ils l’ignorent le plus souvent. Quand on s’en aperçoit, on commence à comprendre la por
82 Quand on s’en aperçoit, on commence à comprendre la portée infinie de cette parole si simple : « Ne jugez pas. » On est d
83 rçoit, on commence à comprendre la portée infinie de cette parole si simple : « Ne jugez pas. » On est déjà tout près de l
84 mple : « Ne jugez pas. » On est déjà tout près de l’ amour. On touche la vie, le grain de l’existence. Et c’est cela que je
85 as. » On est déjà tout près de l’amour. On touche la vie, le grain de l’existence. Et c’est cela que je voudrais faire tou
86 est déjà tout près de l’amour. On touche la vie, le grain de l’existence. Et c’est cela que je voudrais faire toucher. J’
87 tout près de l’amour. On touche la vie, le grain de l’existence. Et c’est cela que je voudrais faire toucher. J’ai tenté
88 ut près de l’amour. On touche la vie, le grain de l’ existence. Et c’est cela que je voudrais faire toucher. J’ai tenté d’é
89 st cela que je voudrais faire toucher. J’ai tenté d’ échapper aux villes inhumaines. Et j’ai trouvé que la province ne vaut
90 chapper aux villes inhumaines. Et j’ai trouvé que la province ne vaut guère mieux, dans son état présent. Partout les jeun
91 vaut guère mieux, dans son état présent. Partout les jeunes vous disent : « C’est mort ici ! » Phrase si courante qu’on a
92 est mort ici ! » Phrase si courante qu’on a cessé de sentir le drame immense qu’elle trahit. Province morte, et villes mor
93 ci ! » Phrase si courante qu’on a cessé de sentir le drame immense qu’elle trahit. Province morte, et villes mortelles ! C
94 mais seulement des « voisins inévitables » (comme l’ a si bien dit Keyserling). En relisant mes notes, je m’aperçois que c’
95 ). En relisant mes notes, je m’aperçois que c’est la nostalgie d’une vraie communauté qui constitue leur trame profonde. M
96 t mes notes, je m’aperçois que c’est la nostalgie d’ une vraie communauté qui constitue leur trame profonde. Mais il y a au
97 constitue leur trame profonde. Mais il y a aussi la nature, l’océan et les landes désertes, et ces olivettes moirant les
98 leur trame profonde. Mais il y a aussi la nature, l’ océan et les landes désertes, et ces olivettes moirant les dernières p
99 profonde. Mais il y a aussi la nature, l’océan et les landes désertes, et ces olivettes moirant les dernières pentes des Cé
100 et les landes désertes, et ces olivettes moirant les dernières pentes des Cévennes. Il y a aussi de ces rencontres qui sou
101 t les dernières pentes des Cévennes. Il y a aussi de ces rencontres qui soudain vous rendraient — est-ce trop dire ? — une
102 vous rendraient — est-ce trop dire ? — une sorte de confiance en l’homme. Il y a la liberté qu’assure la pauvreté. Ce goû
103 — est-ce trop dire ? — une sorte de confiance en l’ homme. Il y a la liberté qu’assure la pauvreté. Ce goût qu’elle donne
104 ire ? — une sorte de confiance en l’homme. Il y a la liberté qu’assure la pauvreté. Ce goût qu’elle donne à l’attente du l
105 confiance en l’homme. Il y a la liberté qu’assure la pauvreté. Ce goût qu’elle donne à l’attente du lendemain et des signe
106 té qu’assure la pauvreté. Ce goût qu’elle donne à l’ attente du lendemain et des signes providentiels. Et toutes les joies
107 lendemain et des signes providentiels. Et toutes les joies qui n’ont pas de nom et dont personne ne songerait à parler, co
108 providentiels. Et toutes les joies qui n’ont pas de nom et dont personne ne songerait à parler, contemplation de la terre
109 ont personne ne songerait à parler, contemplation de la terre, ou d’une bestiole à son travail, sentiment de la journée vi
110 personne ne songerait à parler, contemplation de la terre, ou d’une bestiole à son travail, sentiment de la journée vide,
111 songerait à parler, contemplation de la terre, ou d’ une bestiole à son travail, sentiment de la journée vide, du temps qui
112 terre, ou d’une bestiole à son travail, sentiment de la journée vide, du temps qui a pris le rythme des vies simples. Et l
113 re, ou d’une bestiole à son travail, sentiment de la journée vide, du temps qui a pris le rythme des vies simples. Et la n
114 sentiment de la journée vide, du temps qui a pris le rythme des vies simples. Et la nuit retrouvée, la vraie nuit noire et
115 u temps qui a pris le rythme des vies simples. Et la nuit retrouvée, la vraie nuit noire et muette où rôdent les grandes m
116 le rythme des vies simples. Et la nuit retrouvée, la vraie nuit noire et muette où rôdent les grandes menaces originelles 
117 etrouvée, la vraie nuit noire et muette où rôdent les grandes menaces originelles ! On l’avait oubliée dans les villes. ⁂ L
118 te où rôdent les grandes menaces originelles ! On l’ avait oubliée dans les villes. ⁂ Là où l’on a coutume de placer dans u
119 des menaces originelles ! On l’avait oubliée dans les villes. ⁂ Là où l’on a coutume de placer dans un « journal » des effu
120 les ! On l’avait oubliée dans les villes. ⁂ Là où l’ on a coutume de placer dans un « journal » des effusions lyriques, des
121 t oubliée dans les villes. ⁂ Là où l’on a coutume de placer dans un « journal » des effusions lyriques, des analyses du mo
122 alyses du moi, j’ai cru qu’il serait plus discret de donner, par exemple, mes comptes, ou quelques chiffres qui peuvent êt
123 idique. Je ne serais donc pas fâché qu’au lieu de le juger bien ou mal, on le considère tout simplement comme une « recett
124 pas fâché qu’au lieu de le juger bien ou mal, on le considère tout simplement comme une « recette pour vivre de peu ».
125 re tout simplement comme une « recette pour vivre de peu ». a. Rougemont Denis de, « Introduction au Journal d’un intel
126 ecette pour vivre de peu ». a. Rougemont Denis de , « Introduction au Journal d’un intellectuel en chômage  », Bulletin
127 a. Rougemont Denis de, « Introduction au Journal d’ un intellectuel en chômage  », Bulletin de la Guilde du livre, Lausann
128 Journal d’un intellectuel en chômage  », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, août 1937, p. 126-128.
129 rnal d’un intellectuel en chômage  », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, août 1937, p. 126-128.
2 1937, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Pages inédites du Journal d’un intellectuel en chômage (octobre 1937)
130 Pages inédites du Journal d’ un intellectuel en chômage (octobre 1937)b Note pour une préface.
131 une préface. — « C’est une entreprise hardie que d’ aller dire aux hommes qu’ils sont peu de chose », s’écrie Bossuet (Ser
132 sont peu de chose », s’écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars 1662). Que dirions-nous alors du sort fait à celui qui
133 er aux hommes tel qu’il est ? S’entendre dire que l’ homme en général est peu de chose n’est pas trop humiliant pour qui se
134 chose n’est pas trop humiliant pour qui se flatte d’ une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas a
135 pas trop humiliant pour qui se flatte d’une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas avoué devant
136 ur qui se flatte d’une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas avoué devant les autres, on peut t
137 a solitude : tant qu’on ne s’est pas avoué devant les autres, on peut toujours s’estimer singulier, c’est-à-dire supérieur
138 urs s’estimer singulier, c’est-à-dire supérieur à la masse. Et ce n’est pas encore franchement s’avouer que de se comparer
139 . Et ce n’est pas encore franchement s’avouer que de se comparer aux seuls humains que le métier ou notre rang social nous
140 s’avouer que de se comparer aux seuls humains que le métier ou notre rang social nous met en mesure d’approcher. L’épreuve
141 le métier ou notre rang social nous met en mesure d’ approcher. L’épreuve décisive est celle que l’on subit au contact de v
142 notre rang social nous met en mesure d’approcher. L’ épreuve décisive est celle que l’on subit au contact de voisins que ri
143 ure d’approcher. L’épreuve décisive est celle que l’ on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notre v
144 euve décisive est celle que l’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait et ne p
145 n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix d’ un désordre social — selon les préjugés du régime établi — que ces ren
146 Ce n’est qu’au prix d’un désordre social — selon les préjugés du régime établi — que ces rencontres deviennent possibles,
147 t à la fois se reconnaître en vérité et rejoindre l’ humanité. ⁂ Chômage. — On dit souvent qu’il faut à l’homme un minimum
148 manité. ⁂ Chômage. — On dit souvent qu’il faut à l’ homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour pouvoir réflé
149 — On dit souvent qu’il faut à l’homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des
150 ent qu’il faut à l’homme un minimum de confort ou d’ aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des problèmes nouv
151 éfléchir, se poser des problèmes nouveaux, créer… D’ où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique c
152 eaux, créer… D’où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même un « intellectuel »
153 où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même un « intellectuel » au chômage abso
154  intellectuel » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’ arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel es
155 ctuel » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce cer
156 el » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce certai
157 ’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce certain degré ? À quel niveau p
158 t-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce certain degré ? À quel niveau plac
159  ? À quel niveau placer cette limite inférieure ? La question paraît insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’une vie
160 férieure ? La question paraît insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’une vie connue. Prenons deux hommes qui furent
161 question paraît insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’une vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de
162 araît insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’ une vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux
163 connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux producteurs d’idées ; deux hommes qui ont écrit chacun une
164 es qui furent tous deux de prodigieux producteurs d’ idées ; deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes en l
165  ; deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes en l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier
166 qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes en l’ espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier était riche e
167 écrit chacun une vingtaine de volumes en l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier était riche et dépensa
168 il ne lui restait plus même une chemise entière : les morceaux du bras ayant servi à rapiécer les épaules et le plastron. L
169 ère : les morceaux du bras ayant servi à rapiécer les épaules et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur
170 aux du bras ayant servi à rapiécer les épaules et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à paye
171 yant servi à rapiécer les épaules et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuse
172 rvi à rapiécer les épaules et le plastron. Le peu d’ argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses succe
173 iécer les épaules et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses successives, e
174 es et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses successives, et des remèdes c
175 sent concevoir d’autres buts à leur existence que la recherche d’un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il f
176 r d’autres buts à leur existence que la recherche d’ un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler
177 ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler que la recherche du confort est ce qui s’oppose le plus radicalement à toute
178 r que la recherche du confort est ce qui s’oppose le plus radicalement à toute culture véritable. ⁂ Île de R. — La nuit !
179 alement à toute culture véritable. ⁂ Île de R. —  La nuit ! Je l’avais oubliée à Paris. La nuit des villes n’est pas cette
180 te culture véritable. ⁂ Île de R. — La nuit ! Je l’ avais oubliée à Paris. La nuit des villes n’est pas cette mort opaque
181 Île de R. — La nuit ! Je l’avais oubliée à Paris. La nuit des villes n’est pas cette mort opaque dont il faut redouter je
182 rès. Nuit des villes, rouge et circulante, pleine de rumeurs, comparable à la fièvre. Plus lucide souvent que les jours. I
183 ge et circulante, pleine de rumeurs, comparable à la fièvre. Plus lucide souvent que les jours. Ici, tout repose complètem
184 , comparable à la fièvre. Plus lucide souvent que les jours. Ici, tout repose complètement. Un silence implacable et mat en
185 omplètement. Un silence implacable et mat enserre l’ homme qui chemine sur la route incertaine, au milieu des menaces origi
186 implacable et mat enserre l’homme qui chemine sur la route incertaine, au milieu des menaces originelles. Par temps clair,
187 milieu des menaces originelles. Par temps clair, les étoiles sont très grosses et molles au-dessus du jardin. Mais il arri
188 et molles au-dessus du jardin. Mais il arrive que le noir soit compact. Je me dirige à peu près le long de l’allée unique,
189 soit compact. Je me dirige à peu près le long de l’ allée unique, entre les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la
190 irige à peu près le long de l’allée unique, entre les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la porte du fond, dans l’o
191 e unique, entre les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la porte du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici le
192 entre les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la porte du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici les rues du
193 re les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la porte du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici les rues du vil
194 ve, à tâtons, le verrou de la porte du fond, dans l’ odeur des lauriers épais. Voici les rues du village, illuminées comme
195 e du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici les rues du village, illuminées comme un décor blanc et vert. Des chiens
196 or blanc et vert. Des chiens surgissent des coins d’ ombre, aboient horriblement, tournent autour de moi, me flairent avec
197 soudain en gémissant. J’ai des lettres à porter à l’ autobus. Il faut s’éloigner du village. De nouveau le noir, et l’écho
198 utobus. Il faut s’éloigner du village. De nouveau le noir, et l’écho de mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me
199 aut s’éloigner du village. De nouveau le noir, et l’ écho de mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me glisse dans
200 loigner du village. De nouveau le noir, et l’écho de mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me glisse dans le hang
201 . De nouveau le noir, et l’écho de mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me glisse dans le hangar de la grosse voi
202 re les murs des maisons mortes. Je me glisse dans le hangar de la grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’à ce que je renc
203 s des maisons mortes. Je me glisse dans le hangar de la grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ou
204 es maisons mortes. Je me glisse dans le hangar de la grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ouver
205 re et tâte ses flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantas
206 es flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les
207 flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les bec
208 je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les becs de gaz, très bas, éc
209 tre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les becs de gaz, très bas, éclairent q
210 ttres. De loin, le village apparaît fantastique : les becs de gaz, très bas, éclairent quelques façades blanches, carrés et
211 arrés et rectangles détachés violemment au bas de l’ énorme nuit. On ne voit que ces figures géométriques, dominées par le
212 e voit que ces figures géométriques, dominées par le clocher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’arbres devant
213 nées par le clocher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive p
214 cher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’ arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Pu
215 , et des fragments de silhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Puis c’est de nouve
216 ments de silhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Puis c’est de nouveau cet étran
217 ilhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Puis c’est de nouveau cet étrange écho de
218 ouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Puis c’est de nouveau cet étrange écho des p
219 nouveau cet étrange écho des pas, si proche dans les rues vides, et ces mêmes chiens qui reviennent, et pas une âme. — « V
220 chiens qui reviennent, et pas une âme. — « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » — Jamais plu
221 ens qui reviennent, et pas une âme. — « Vallée de l’ ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » — Jamais plus q
222 reviennent, et pas une âme. — « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » — Jamais plus que dans
223 iennent, et pas une âme. — « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » — Jamais plus que dans cet
224 e de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » — Jamais plus que dans cette nuit. ⁂ Fin de séjour à A… (Ga
225 erre… » — Jamais plus que dans cette nuit. ⁂ Fin de séjour à A… (Gard). — Tout est en place. Je garderai toutefois le pla
226 Gard). — Tout est en place. Je garderai toutefois le plan d’aménagement et de décoration des trois chambres du premier éta
227  Tout est en place. Je garderai toutefois le plan d’ aménagement et de décoration des trois chambres du premier étage, on n
228 e. Je garderai toutefois le plan d’aménagement et de décoration des trois chambres du premier étage, on ne sait jamais… Le
229 ois chambres du premier étage, on ne sait jamais… Les vingt-deux pièces du dessus de cheminée ont été replacées au millimèt
230 n ne sait jamais… Les vingt-deux pièces du dessus de cheminée ont été replacées au millimètre, dans une symétrie impeccabl
231 llimètre, dans une symétrie impeccable. Mais tout l’ effet de notre labeur risque d’être détruit par une odieuse malice du
232 , dans une symétrie impeccable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’être détruit par une odieuse malice du sort. No
233 eccable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’ être détruit par une odieuse malice du sort. Nous avions descendu du d
234 euxième un lourd sommier, pour en faire un divan. L’ escalier est étroit. La descente s’était opérée sans trop de mal, lors
235 r, pour en faire un divan. L’escalier est étroit. La descente s’était opérée sans trop de mal, lors de notre arrivée. Mais
236 est étroit. La descente s’était opérée sans trop de mal, lors de notre arrivée. Mais nous n’avions pas prévu la remontée 
237 rs de notre arrivée. Mais nous n’avions pas prévu la remontée ! Épuisés par une demi-heure d’efforts haletants, qui n’ont
238 as prévu la remontée ! Épuisés par une demi-heure d’ efforts haletants, qui n’ont abouti qu’à coincer le sommier au tournan
239 ’efforts haletants, qui n’ont abouti qu’à coincer le sommier au tournant, entre la balustrade et les parois de la cage d’e
240 abouti qu’à coincer le sommier au tournant, entre la balustrade et les parois de la cage d’escalier — au surplus fortement
241 er le sommier au tournant, entre la balustrade et les parois de la cage d’escalier — au surplus fortement rayées — nous avo
242 er au tournant, entre la balustrade et les parois de la cage d’escalier — au surplus fortement rayées — nous avons couru i
243 au tournant, entre la balustrade et les parois de la cage d’escalier — au surplus fortement rayées — nous avons couru impl
244 plus fortement rayées — nous avons couru implorer l’ aide de Simard. « Ce cochon-là » refuse, prétextant une hernie ; sa fe
245 rtement rayées — nous avons couru implorer l’aide de Simard. « Ce cochon-là » refuse, prétextant une hernie ; sa femme aus
246 ant sa jambe « coupée ». (Bonne occasion pourtant de la décrocher un peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien
247 sa jambe « coupée ». (Bonne occasion pourtant de la décrocher un peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien fa
248 t de la décrocher un peu pour toucher davantage à l’ assurance !) Il a bien fallu se rendre à l’évidence : ce sommier impla
249 tage à l’assurance !) Il a bien fallu se rendre à l’ évidence : ce sommier implacable restera dans l’escalier comme témoin
250 à l’évidence : ce sommier implacable restera dans l’ escalier comme témoin des bouleversements que nous avons infligés à la
251 oin des bouleversements que nous avons infligés à la maison. Pas question d’aller quérir du renfort à A. Il faut encore bo
252 que nous avons infligés à la maison. Pas question d’ aller quérir du renfort à A. Il faut encore boucler les valises, desce
253 ler quérir du renfort à A. Il faut encore boucler les valises, descendre mes caisses de livres à la gare, etc., et le train
254 encore boucler les valises, descendre mes caisses de livres à la gare, etc., et le train part dans une heure. Quand la pro
255 er les valises, descendre mes caisses de livres à la gare, etc., et le train part dans une heure. Quand la propriétaire re
256 scendre mes caisses de livres à la gare, etc., et le train part dans une heure. Quand la propriétaire reviendra pour l’été
257 are, etc., et le train part dans une heure. Quand la propriétaire reviendra pour l’été, elle se heurtera à ce sommier monu
258 s une heure. Quand la propriétaire reviendra pour l’ été, elle se heurtera à ce sommier monumental dans sa pose scandaleuse
259 te des « gens » en général — quand je ne fais que les jauger d’un regard — et sympathie violente, « élan vers », dès que mo
260 ns » en général — quand je ne fais que les jauger d’ un regard — et sympathie violente, « élan vers », dès que mon regard s
261 n visage, au corps et aux vêtements, aux mains, à l’ attitude distraite et vraie d’un être isolé près de moi. Je prends le
262 ments, aux mains, à l’attitude distraite et vraie d’ un être isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buand
263 e et vraie d’un être isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains
264 tre isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’ odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femme
265 é près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien
266 e métro, malgré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des être
267 algré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des êtres, et vivr
268 nderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des êtres, et vivre un moment auprès d
269 our regarder des êtres, et vivre un moment auprès d’ eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un
270 arder des êtres, et vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un échang
271 êtres, et vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un échange spontan
272 moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces décou
273 uprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’ imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes fr
274 ’imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes frémissantes telles que j’en ai sans doute vécues, ad
275 lescent — et sûrement ce serait bien autre chose… La femme descend sans se retourner ; l’homme déplie un journal que je n’
276 autre chose… La femme descend sans se retourner ; l’ homme déplie un journal que je n’aime pas, qu’il a peut-être acheté to
277 plus pourquoi j’ai eu ce fort désir soudain, dans le métro, de tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner o
278 uoi j’ai eu ce fort désir soudain, dans le métro, de tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recev
279 soudain, dans le métro, de tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble mainten
280 e tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’es
281 compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’est profondémen
282 le maintenant que j’écris, que c’est profondément le même mouvement, l’amour. La même déception de l’amour, parce que rien
283 ’écris, que c’est profondément le même mouvement, l’ amour. La même déception de l’amour, parce que rien ne s’est produit,
284 ue c’est profondément le même mouvement, l’amour. La même déception de l’amour, parce que rien ne s’est produit, rien ne p
285 ent le même mouvement, l’amour. La même déception de l’amour, parce que rien ne s’est produit, rien ne peut se produire, p
286 le même mouvement, l’amour. La même déception de l’ amour, parce que rien ne s’est produit, rien ne peut se produire, pour
287 es que nous tous. — Et alors, dira-t-on : « Faire la révolution ! » — Ce substitut, ce renvoi aux calendes de la Grande Co
288 lution ! » — Ce substitut, ce renvoi aux calendes de la Grande Communication… ⁂ Montparnasse. — Stupidité triste, parfois
289 ion ! » — Ce substitut, ce renvoi aux calendes de la Grande Communication… ⁂ Montparnasse. — Stupidité triste, parfois in
290 — Stupidité triste, parfois insolente, et lourde, de cette population de mannequins vides et mal truqués. Figures grises d
291 parfois insolente, et lourde, de cette population de mannequins vides et mal truqués. Figures grises devant des mentes fau
292 , « bagnoles », « Paris-Soir », « on se défend… » La grosse petite bonne qui tire sa robe à fleurs sur le quai désert du m
293 grosse petite bonne qui tire sa robe à fleurs sur le quai désert du métro, enfin un être vrai. ⁂ (Conclusion.) — S’occupe
294 occuper des « petits-faits-vrais » vaut mieux que de les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec f
295 uper des « petits-faits-vrais » vaut mieux que de les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec force
296 faits-vrais » vaut mieux que de les ignorer. Mais l’ excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec force, une fois qu’on
297 mieux que de les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec force, une fois qu’on les a bien connus,
298 es ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec force, une fois qu’on les a bien connus, dans leur réali
299 parvenir à les ignorer avec force, une fois qu’on les a bien connus, dans leur réalité sordide. Un petit fait vrai vaut plu
300 e, une grande idée embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. E
301 dée embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’
302 embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’ utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’y a
303 e soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’y a pas de faits grands ou petits en
304 venir le fait dominateur. En vérité, il n’y a pas de faits grands ou petits en soi et par comparaison. Il y a dans chaque
305 en soi et par comparaison. Il y a dans chaque vie d’ homme à peu près digne de ce nom un fait qui commande tous les autres
306 . Il y a dans chaque vie d’homme à peu près digne de ce nom un fait qui commande tous les autres et qui est la mesure de t
307 eu près digne de ce nom un fait qui commande tous les autres et qui est la mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accept
308 m un fait qui commande tous les autres et qui est la mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es le seul à l
309 qui commande tous les autres et qui est la mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es le seul à le connaîtr
310 les autres et qui est la mesure de tout. Quand tu l’ auras connu et accepté — tu es le seul à le connaître — lève-toi et re
311 e tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es le seul à le connaître — lève-toi et regarde les choses, les gestes inco
312 and tu l’auras connu et accepté — tu es le seul à le connaître — lève-toi et regarde les choses, les gestes incongrus et m
313 u es le seul à le connaître — lève-toi et regarde les choses, les gestes incongrus et mécaniques des autres ; écoute bien c
314 à le connaître — lève-toi et regarde les choses, les gestes incongrus et mécaniques des autres ; écoute bien ce qu’ils dis
315 s autres ; écoute bien ce qu’ils disent à travers les paroles qu’ils croient dire ; essaie de les comprendre quand ils se p
316 travers les paroles qu’ils croient dire ; essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verr
317 avers les paroles qu’ils croient dire ; essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verras,
318 qui est plus fort que toi. Car il est tout ce que le monde attend, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi seu
319 i. Car il est tout ce que le monde attend, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi seul — et c’est ta foi. ⁂
320 end, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi seul — et c’est ta foi. ⁂ Post-scriptum. — En même temps que les
321 est ta foi. ⁂ Post-scriptum. — En même temps que les épreuves de mon journal, je reçois une note à l’encre rouge, signée d
322 Post-scriptum. — En même temps que les épreuves de mon journal, je reçois une note à l’encre rouge, signée du correcteur
323 les épreuves de mon journal, je reçois une note à l’ encre rouge, signée du correcteur de l’imprimerie. Je la recopie : « “
324 is une note à l’encre rouge, signée du correcteur de l’imprimerie. Je la recopie : « “Épicerie et spécialiste”2 — L’auteur
325 une note à l’encre rouge, signée du correcteur de l’ imprimerie. Je la recopie : « “Épicerie et spécialiste”2 — L’auteur pa
326 e rouge, signée du correcteur de l’imprimerie. Je la recopie : « “Épicerie et spécialiste”2 — L’auteur paraît croire à un
327 e. Je la recopie : « “Épicerie et spécialiste”2 — L’ auteur paraît croire à un rapprochement absurde. Il fait erreur. Nous
328 chement absurde. Il fait erreur. Nous sommes dans le Midi, où un sentiment obscur de latinité a survécu. Et épices (d’où é
329 Nous sommes dans le Midi, où un sentiment obscur de latinité a survécu. Et épices (d’où épicerie) et espèce (d’où spécial
330 entiment obscur de latinité a survécu. Et épices ( d’ où épicerie) et espèce (d’où spécialiste) sont le même mot. Tous deux
331 é a survécu. Et épices (d’où épicerie) et espèce ( d’ où spécialiste) sont le même mot. Tous deux remontent à species (latin
332 (d’où épicerie) et espèce (d’où spécialiste) sont le même mot. Tous deux remontent à species (latin). — Les espèces, deven
333 ême mot. Tous deux remontent à species (latin). —  Les espèces, devenues épices, étaient : gingembre, muscade, cannelle, poi
334 étaient : gingembre, muscade, cannelle, poivre. “ Les quatre espèces” (épices). J’amenderais cette partie, si j’étais l’aut
335 ” (épices). J’amenderais cette partie, si j’étais l’ auteur, esprit remarquable. » (Merci au correcteur ! Mais on ne pouvai
336 au correcteur ! Mais on ne pouvait plus modifier la mise en pages.) 1. Kierkegaard avait déposé sa fortune, réalisée en
337 était adversaire du prêt à intérêt, condamné par l’ église primitive. Il donnait à qui voulait. Après sa mort, on s’aperçu
338 t, on s’aperçut qu’il ne restait que 250 fr. dans le coffre. 2. Voir la page 140 de l’édition de la Guilde du Livre. b.
339 l ne restait que 250 fr. dans le coffre. 2. Voir la page 140 de l’édition de la Guilde du Livre. b. Rougemont Denis de,
340 que 250 fr. dans le coffre. 2. Voir la page 140 de l’édition de la Guilde du Livre. b. Rougemont Denis de, « Pages iné
341 e 250 fr. dans le coffre. 2. Voir la page 140 de l’ édition de la Guilde du Livre. b. Rougemont Denis de, « Pages inédit
342 dans le coffre. 2. Voir la page 140 de l’édition de la Guilde du Livre. b. Rougemont Denis de, « Pages inédites du Jour
343 s le coffre. 2. Voir la page 140 de l’édition de la Guilde du Livre. b. Rougemont Denis de, « Pages inédites du Journal
344 ition de la Guilde du Livre. b. Rougemont Denis de , « Pages inédites du Journal d’un intellectuel en chômage  », Bulleti
345 Rougemont Denis de, « Pages inédites du Journal d’ un intellectuel en chômage  », Bulletin de la Guilde du livre, Lausann
346 Journal d’un intellectuel en chômage  », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, octobre 1937, p. 150-153.
347 rnal d’un intellectuel en chômage  », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, octobre 1937, p. 150-153.
3 1938, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Caquets d’une vieille poule noire (août 1938)
348 Caquets d’ une vieille poule noire (août 1938)c d Eh bien ! en ont-ils fait de
349 istoire ! Je vivais ignorée et sereine. C’est par la faute de mon auteur que j’ai paru dans toutes les feuilles, et je me
350 la faute de mon auteur que j’ai paru dans toutes les feuilles, et je me vengerais bien si ce n’était de lui que dépend, ap
351 s feuilles, et je me vengerais bien si ce n’était de lui que dépend, après tout, mon existence. Ont-ils pu se moquer de mo
352 , après tout, mon existence. Ont-ils pu se moquer de mon aventure, tous les feuilletonistes indiscrets auxquels ce satané
353 tence. Ont-ils pu se moquer de mon aventure, tous les feuilletonistes indiscrets auxquels ce satané Journal livrait ma vi
354 crets auxquels ce satané Journal livrait ma vie la plus intime ! Vous allez pouvoir en juger. Dans un grand quotidien de
355 s allez pouvoir en juger. Dans un grand quotidien de Bordeaux, il a paru tout un article intitulé sur trois colonnes — et
356 is colonnes — et j’en sens ma crête en rougir — «  La poule de M. de Rougemont ». Voici le début de ce libelle : Dans le l
357 es — et j’en sens ma crête en rougir — « La poule de M. de Rougemont ». Voici le début de ce libelle : Dans le livre si…
358 n rougir — « La poule de M. de Rougemont ». Voici le début de ce libelle : Dans le livre si… si… et si… (je supprime des
359 — « La poule de M. de Rougemont ». Voici le début de ce libelle : Dans le livre si… si… et si… (je supprime des adjectifs
360 Rougemont ». Voici le début de ce libelle : Dans le livre si… si… et si… (je supprime des adjectifs élogieux, tout à fait
361 ectifs élogieux, tout à fait déplacés à mon avis) de M. de Rougemont, Journal d’un intellectuel en chômage , il y a une p
362 déplacés à mon avis) de M. de Rougemont, Journal d’ un intellectuel en chômage , il y a une poule. C’est une poule noire,
363 s dit-on, dont nous faisons connaissance page 92. L’ auteur habite avec sa femme une maison prêtée ; avec la maison, il y a
364 eur habite avec sa femme une maison prêtée ; avec la maison, il y a un jardin ; au fond du jardin, cette poule. Elle n’a p
365 du jardin, cette poule. Elle n’a pas fait parler d’ elle depuis le mois de novembre. Soudain, le 10 avril, elle se met à p
366 tte poule. Elle n’a pas fait parler d’elle depuis le mois de novembre. Soudain, le 10 avril, elle se met à pondre, et avec
367 e. Elle n’a pas fait parler d’elle depuis le mois de novembre. Soudain, le 10 avril, elle se met à pondre, et avec tant d’
368 arler d’elle depuis le mois de novembre. Soudain, le 10 avril, elle se met à pondre, et avec tant d’ardeur que, dès le 16,
369 , le 10 avril, elle se met à pondre, et avec tant d’ ardeur que, dès le 16, elle a treize gros œufs, que sans désemparer el
370 e se met à pondre, et avec tant d’ardeur que, dès le 16, elle a treize gros œufs, que sans désemparer elle se met à couver
371 ette que M. de Rougemont ne nous ait pas présenté le coq, même par la plus discrète allusion. Puis on attend. M. de Rougem
372 ugemont ne nous ait pas présenté le coq, même par la plus discrète allusion. Puis on attend. M. de Rougemont écrit des pag
373 t écrit des pages pénétrantes à propos de Goethe. La poule couve, la poule couve toujours. 14 mai, 16 mai, 21 mai, rien, t
374 s pénétrantes à propos de Goethe. La poule couve, la poule couve toujours. 14 mai, 16 mai, 21 mai, rien, toujours rien. M.
375 ugemont cite Spinoza — mais il est inquiet : dans la nuit du 21 mai, n’y tenant plus, il retourne au poulailler, dérange l
376 y tenant plus, il retourne au poulailler, dérange la poule, aperçoit enfin un poulet… « C’est beau. C’est fascinant. C’est
377 rois semaines est en effet assez mystérieuse… Et l’ article se termine par une nouvelle impertinence à mon égard : le crit
378 rmine par une nouvelle impertinence à mon égard : le critique prétend que ce livre peut introduire le lecteur « dans un mo
379 le critique prétend que ce livre peut introduire le lecteur « dans un monde où l’on pardonnera aux poules d’avoir des mœu
380 vre peut introduire le lecteur « dans un monde où l’ on pardonnera aux poules d’avoir des mœurs un peu bizarres, parce que
381 eur « dans un monde où l’on pardonnera aux poules d’ avoir des mœurs un peu bizarres, parce que les hommes en auront de plu
382 ules d’avoir des mœurs un peu bizarres, parce que les hommes en auront de plus naturelles et de plus droites ». Voyez-vous
383 cela : « des mœurs bizarres » ! Quel toupet ! Et le plus révoltant de l’affaire, c’est que mon auteur a ri très fort de c
384 s bizarres » ! Quel toupet ! Et le plus révoltant de l’affaire, c’est que mon auteur a ri très fort de cet article et s’es
385 izarres » ! Quel toupet ! Et le plus révoltant de l’ affaire, c’est que mon auteur a ri très fort de cet article et s’est l
386 de l’affaire, c’est que mon auteur a ri très fort de cet article et s’est lâchement refusé à prendre la défense de ma vert
387 e cet article et s’est lâchement refusé à prendre la défense de ma vertu et de mon honneur vilipendés. Il s’en fiche, il s
388 hement refusé à prendre la défense de ma vertu et de mon honneur vilipendés. Il s’en fiche, il s’amuse à mes dépens après
389 e, il s’amuse à mes dépens après m’avoir livrée à la risée publique ! Comme si le ridicule jeté sur moi ne l’atteignait pa
390 rès m’avoir livrée à la risée publique ! Comme si le ridicule jeté sur moi ne l’atteignait pas, lui aussi ! Mais, chômeurs
391 e publique ! Comme si le ridicule jeté sur moi ne l’ atteignait pas, lui aussi ! Mais, chômeurs ou non, — j’y reviendrai —
392 roît ne sont pas bien malins ! Il était si facile de répliquer à mon calomniateur bordelais que c’est lui qui ne connaît r
393 ux mœurs des poules ! Que nous n’avons pas besoin d’ un coq pour pondre un œuf quand cela nous chante3 ; que nous ne couvon
394 : que je n’avais donc pas eu à fabriquer moi-même les treize œufs et que cette histoire honteuse et scandaleuse des prétend
395 se et scandaleuse des prétendus trente-huit jours de couvée prouve simplement que mon auteur a négligé de vérifier ses dat
396 couvée prouve simplement que mon auteur a négligé de vérifier ses dates ! Enfin, mon innocence éclate à tous les yeux. Ce
397 er ses dates ! Enfin, mon innocence éclate à tous les yeux. Ce qu’on me reproche n’est imputable en vérité qu’à l’ignorance
398 qu’on me reproche n’est imputable en vérité qu’à l’ ignorance presque touchante de ce critique aussi présomptueux que bord
399 able en vérité qu’à l’ignorance presque touchante de ce critique aussi présomptueux que bordelais. Que dire des autres ! F
400 s. Que dire des autres ! Figurez-vous que j’ai eu la curiosité d’aller picorer parmi les dossiers de mon auteur, épars sur
401 es autres ! Figurez-vous que j’ai eu la curiosité d’ aller picorer parmi les dossiers de mon auteur, épars sur son bureau,
402 us que j’ai eu la curiosité d’aller picorer parmi les dossiers de mon auteur, épars sur son bureau, sur son divan, et jusqu
403 u la curiosité d’aller picorer parmi les dossiers de mon auteur, épars sur son bureau, sur son divan, et jusque sur le sol
404 pars sur son bureau, sur son divan, et jusque sur le sol de la pièce où il travaille (toujours ce désordre !). À ma stupéf
405 r son bureau, sur son divan, et jusque sur le sol de la pièce où il travaille (toujours ce désordre !). À ma stupéfaction,
406 on bureau, sur son divan, et jusque sur le sol de la pièce où il travaille (toujours ce désordre !). À ma stupéfaction, j’
407 e !). À ma stupéfaction, j’ai trouvé des dizaines d’ articles pleins d’éloges pour ce maudit Journal . Il est vrai qu’ils
408 ction, j’ai trouvé des dizaines d’articles pleins d’ éloges pour ce maudit Journal . Il est vrai qu’ils étaient signés de
409 udit Journal . Il est vrai qu’ils étaient signés de noms que je crois fort obscurs, comme Mauriac, Ramuz, Halévy, Duhamel
410 lévy, Duhamel. Tout cela ne compte guère aux yeux d’ une poule. Ce qui compte, c’est l’énorme étude de neuf colonnes parue,
411 guère aux yeux d’une poule. Ce qui compte, c’est l’ énorme étude de neuf colonnes parue, pour ma vengeance, dans Curieux.
412 d’une poule. Ce qui compte, c’est l’énorme étude de neuf colonnes parue, pour ma vengeance, dans Curieux. Nul n’ignore qu
413 pour ma vengeance, dans Curieux. Nul n’ignore que l’ hebdomadaire neuchâtelois a obtenu le concours régulier du plus fameux
414 n’ignore que l’hebdomadaire neuchâtelois a obtenu le concours régulier du plus fameux critique de Romorantin (Loir-et-Cher
415 tenu le concours régulier du plus fameux critique de Romorantin (Loir-et-Cher). Non pas que la Suisse romande manque de cr
416 ritique de Romorantin (Loir-et-Cher). Non pas que la Suisse romande manque de critiques très qualifiés, mais quand on a l’
417 ir-et-Cher). Non pas que la Suisse romande manque de critiques très qualifiés, mais quand on a l’aubaine de publier des pa
418 nque de critiques très qualifiés, mais quand on a l’ aubaine de publier des pages signées V. Meylan-Malécot, il convient de
419 itiques très qualifiés, mais quand on a l’aubaine de publier des pages signées V. Meylan-Malécot, il convient de faire pas
420 des pages signées V. Meylan-Malécot, il convient de faire passer au second plan les considérations locales, toujours un p
421 lécot, il convient de faire passer au second plan les considérations locales, toujours un peu mesquines. Donc, cette dame d
422 et, s’adressant courageusement à mon auteur, elle l’ apostrophe dans ces termes : Il y a d’autres choses bien instructives
423 s » est ironique) — dans votre expérience. Témoin la fameuse poule noire et ses treize poussins. Certains en sourient, de
424 ire et ses treize poussins. Certains en sourient, de votre poule noire ; moi, je lui trouve une vertu particulière. Voilà
425 ilà au moins un sujet substantiel, et qui a tenté de fort bons auteurs. Ce qu’on peut critiquer chez vous, ce n’est pas le
426 . Ce qu’on peut critiquer chez vous, ce n’est pas le sujet, c’est votre manière par trop naïve et enfantine de le traiter.
427 , c’est votre manière par trop naïve et enfantine de le traiter. Est-ce que, par hasard, il n’y aurait pas de poules dans
428 ’est votre manière par trop naïve et enfantine de le traiter. Est-ce que, par hasard, il n’y aurait pas de poules dans vot
429 raiter. Est-ce que, par hasard, il n’y aurait pas de poules dans votre pays ? Ou bien est-ce que vous ne les aviez jamais
430 ules dans votre pays ? Ou bien est-ce que vous ne les aviez jamais regardées qu’il vous faille aller en Vendée pour voir éc
431 des poussins ? Voilà ! « Par trop naïf », c’est le mot qu’il fallait dire. Et l’on reconnaît enfin que moi, poule noire,
432 trop naïf », c’est le mot qu’il fallait dire. Et l’ on reconnaît enfin que moi, poule noire, j’étais « un sujet substantie
433 e, j’étais « un sujet substantiel, et qui a tenté de fort bons auteurs ». Mon malheur a voulu que j’aie tenté aussi un aut
434 ulu que j’aie tenté aussi un auteur qui « malmène les mots » à tel point que Mme Meylan peut écrire de son livre : « Il est
435 les mots » à tel point que Mme Meylan peut écrire de son livre : « Il est difficile d’accumuler plus d’âneries en moins de
436 lan peut écrire de son livre : « Il est difficile d’ accumuler plus d’âneries en moins de phrases. » Ça c’est tapé ! Je n’a
437 e son livre : « Il est difficile d’accumuler plus d’ âneries en moins de phrases. » Ça c’est tapé ! Je n’aurais pas dit mie
438 est difficile d’accumuler plus d’âneries en moins de phrases. » Ça c’est tapé ! Je n’aurais pas dit mieux. Mais la dame cr
439 » Ça c’est tapé ! Je n’aurais pas dit mieux. Mais la dame critique de Romorantin (Loir-et-Cher) ne se contente pas de fust
440 Je n’aurais pas dit mieux. Mais la dame critique de Romorantin (Loir-et-Cher) ne se contente pas de fustiger les apparenc
441 e de Romorantin (Loir-et-Cher) ne se contente pas de fustiger les apparences du vice : allant droit au fait, elle distingu
442 tin (Loir-et-Cher) ne se contente pas de fustiger les apparences du vice : allant droit au fait, elle distingue à l’origine
443 du vice : allant droit au fait, elle distingue à l’ origine du livre de mon persécuteur la haine farouche de tout ce qui e
444 roit au fait, elle distingue à l’origine du livre de mon persécuteur la haine farouche de tout ce qui est beau et noble. L
445 distingue à l’origine du livre de mon persécuteur la haine farouche de tout ce qui est beau et noble. Le génie seul a les
446 ine du livre de mon persécuteur la haine farouche de tout ce qui est beau et noble. Le génie seul a les yeux si perçants,
447 haine farouche de tout ce qui est beau et noble. Le génie seul a les yeux si perçants, le génie seul pouvait déjouer la r
448 de tout ce qui est beau et noble. Le génie seul a les yeux si perçants, le génie seul pouvait déjouer la ruse infâme de mon
449 u et noble. Le génie seul a les yeux si perçants, le génie seul pouvait déjouer la ruse infâme de mon auteur. Car, sous pr
450 s yeux si perçants, le génie seul pouvait déjouer la ruse infâme de mon auteur. Car, sous prétexte de décrire une poule no
451 nts, le génie seul pouvait déjouer la ruse infâme de mon auteur. Car, sous prétexte de décrire une poule noire, savez-vous
452 noire, savez-vous qu’il s’en prenait en vérité à la petite épargne, aux petits rentiers ! C’est ce que personne n’avait s
453 ait su deviner, avant Mme Malécot. « Mais vous ne les aurez pas, ces petits rentiers ! » clame-t-elle. Et pour le coup, je
454 as, ces petits rentiers ! » clame-t-elle. Et pour le coup, je m’y reconnais : cette logique est celle de la race. On sent
455 coup, je m’y reconnais : cette logique est celle de la race. On sent des siècles de cartésianisme derrière ce cri sublime
456 up, je m’y reconnais : cette logique est celle de la race. On sent des siècles de cartésianisme derrière ce cri sublime et
457 logique est celle de la race. On sent des siècles de cartésianisme derrière ce cri sublime et désintéressé. Naturellement,
458 on auteur, une fois de plus, a cru devoir hausser les épaules. Dans le fond de son cœur, toutefois, il a dû se sentir attei
459 s de plus, a cru devoir hausser les épaules. Dans le fond de son cœur, toutefois, il a dû se sentir atteint. Et comment ne
460 s, a cru devoir hausser les épaules. Dans le fond de son cœur, toutefois, il a dû se sentir atteint. Et comment ne pas adm
461 a dû se sentir atteint. Et comment ne pas admirer le courage de cette Française4 qui, du fond de son Romorantin, se dresse
462 tir atteint. Et comment ne pas admirer le courage de cette Française4 qui, du fond de son Romorantin, se dresse, seule, co
463 mirer le courage de cette Française4 qui, du fond de son Romorantin, se dresse, seule, contre toute l’opinion — quitte à p
464 de son Romorantin, se dresse, seule, contre toute l’ opinion — quitte à passer pour Dieu sait quoi — et rive son clou à l’i
465 à passer pour Dieu sait quoi — et rive son clou à l’ insolent Helvète ! J’ai eu un autre vengeur en la personne de M. Franç
466 l’insolent Helvète ! J’ai eu un autre vengeur en la personne de M. François Porché. Mais j’avoue que cet article de Paris
467 Helvète ! J’ai eu un autre vengeur en la personne de M. François Porché. Mais j’avoue que cet article de Parisien est moin
468 M. François Porché. Mais j’avoue que cet article de Parisien est moins heureux que celui de la Romorantine. M. Porché est
469 t article de Parisien est moins heureux que celui de la Romorantine. M. Porché estime que dans le Journal « tout est fau
470 rticle de Parisien est moins heureux que celui de la Romorantine. M. Porché estime que dans le Journal « tout est faux-s
471 elui de la Romorantine. M. Porché estime que dans le Journal « tout est faux-semblant, illusion… » et « demeure en dehor
472 À quoi j’applaudis des deux pattes. Mais voici où les choses se gâtent. L’auteur, conclut M. Porché, « a joué à la pauvreté
473 deux pattes. Mais voici où les choses se gâtent. L’ auteur, conclut M. Porché, « a joué à la pauvreté ; quel sacrilège ! »
474 e gâtent. L’auteur, conclut M. Porché, « a joué à la pauvreté ; quel sacrilège ! » Or, sacrilège veut dire : qui lèse le s
475 sacrilège ! » Or, sacrilège veut dire : qui lèse le sacré. On en déduit que M. Porché tient la pauvreté pour sacrée. Là,
476 i lèse le sacré. On en déduit que M. Porché tient la pauvreté pour sacrée. Là, j’avoue que je ne puis le suivre. Ce serait
477 pauvreté pour sacrée. Là, j’avoue que je ne puis le suivre. Ce serait donner dans les pires utopies. Et mon auteur lui-mê
478 e que je ne puis le suivre. Ce serait donner dans les pires utopies. Et mon auteur lui-même n’a pas été si loin : il s’est
479 lui-même n’a pas été si loin : il s’est contenté de se débrouiller avec sa pauvreté et, loin de la croire sacrée, il a es
480 té de se débrouiller avec sa pauvreté et, loin de la croire sacrée, il a essayé d’en sortir. Je signale le cas de M. Porch
481 auvreté et, loin de la croire sacrée, il a essayé d’ en sortir. Je signale le cas de M. Porché à la vigilance de Mme Meylan
482 roire sacrée, il a essayé d’en sortir. Je signale le cas de M. Porché à la vigilance de Mme Meylan, défenseur des rentes.
483 acrée, il a essayé d’en sortir. Je signale le cas de M. Porché à la vigilance de Mme Meylan, défenseur des rentes. Pour fi
484 ayé d’en sortir. Je signale le cas de M. Porché à la vigilance de Mme Meylan, défenseur des rentes. Pour finir, je vous co
485 ir. Je signale le cas de M. Porché à la vigilance de Mme Meylan, défenseur des rentes. Pour finir, je vous confierai un re
486 prix. Beaucoup de critiques ont accusé mon auteur d’ avoir usurpé le « titre » de chômeur (comme l’écrit curieusement M. Br
487 de critiques ont accusé mon auteur d’avoir usurpé le « titre » de chômeur (comme l’écrit curieusement M. Brasillach). Ils
488 ont accusé mon auteur d’avoir usurpé le « titre » de chômeur (comme l’écrit curieusement M. Brasillach). Ils disaient qu’u
489 eur d’avoir usurpé le « titre » de chômeur (comme l’ écrit curieusement M. Brasillach). Ils disaient qu’un intellectuel ne
490 e, et donc travaille toujours. Mais c’était faire la part trop belle à mon auteur ! Je puis affirmer, d’après mon expérien
491 mon expérience, qu’il est plus paresseux qu’on ne le croit. Ne passait-il pas des heures entières à nous regarder amoureus
492 orme : Denis de Rougemont. 3. Me permettra-t-on d’ ajouter ma petite remarque aux déclarations judicieuses de ma poule no
493 r ma petite remarque aux déclarations judicieuses de ma poule noire ? Ce ne sont pas seulement les poules qui jouissent de
494 uses de ma poule noire ? Ce ne sont pas seulement les poules qui jouissent de cette faculté. Il y a plus de mots que d’idée
495 Ce ne sont pas seulement les poules qui jouissent de cette faculté. Il y a plus de mots que d’idées fécondes dans ce monde
496 oules qui jouissent de cette faculté. Il y a plus de mots que d’idées fécondes dans ce monde. 4. Il est vrai qu’on la dit
497 uissent de cette faculté. Il y a plus de mots que d’ idées fécondes dans ce monde. 4. Il est vrai qu’on la dit Lausannoise
498 ées fécondes dans ce monde. 4. Il est vrai qu’on la dit Lausannoise, mais enfin le journal Curieux a présenté sa lettre c
499 Il est vrai qu’on la dit Lausannoise, mais enfin le journal Curieux a présenté sa lettre comme celle d’une Française offe
500 journal Curieux a présenté sa lettre comme celle d’ une Française offensée, et moi je crois tout ce qui est imprimé. c.
501 ois tout ce qui est imprimé. c. Rougemont Denis de , « Caquets d’une vieille poule noire », Bulletin de la Guilde du livr
502 i est imprimé. c. Rougemont Denis de, « Caquets d’ une vieille poule noire », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, a
503 , « Caquets d’une vieille poule noire », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, août 1938, p. 115-117. d. Précédé du c
504  Caquets d’une vieille poule noire », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, août 1938, p. 115-117. d. Précédé du chap
505 8, p. 115-117. d. Précédé du chapeau suivant : «  L’ auteur du Journal d’un intellectuel en chômage nous remet ces pages
506 écédé du chapeau suivant : « L’auteur du Journal d’ un intellectuel en chômage nous remet ces pages qu’il prétend avoir é
507 avoir été écrites (ou, comme on dit, pondues) par la vieille poule noire mise en scène p. 92 de son livre. Nos lecteurs ju
508 s) par la vieille poule noire mise en scène p. 92 de son livre. Nos lecteurs jugeront eux-mêmes s’il faut voir là une preu
509 t eux-mêmes s’il faut voir là une preuve nouvelle d’ une grossière supercherie. » Dans l’édition Albin Michel que nous avon
510 euve nouvelle d’une grossière supercherie. » Dans l’ édition Albin Michel que nous avons mis en ligne, c’est en pages 98-99
511 ligne, c’est en pages 98-99 qu’est mise en scène la poule noire.
4 1939, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Puisque je suis un militaire… (septembre 1939)
512 un camarade. — Pas trop. Mais pour sûr on y est ! L’ impression générale, c’est qu’on nous a « mis dedans ». (Je dis on, je
513 ns ». (Je dis on, je ne sais pas qui c’est. Comme le brave paysan vaudois, après la grêle, qui désignait d’un doigt le cie
514 s qui c’est. Comme le brave paysan vaudois, après la grêle, qui désignait d’un doigt le ciel coupable : « Je n’accuse pers
515 ave paysan vaudois, après la grêle, qui désignait d’ un doigt le ciel coupable : « Je n’accuse personne, mais c’est dégoûta
516 vaudois, après la grêle, qui désignait d’un doigt le ciel coupable : « Je n’accuse personne, mais c’est dégoûtant ! ») Nou
517 ’est dégoûtant ! ») Nous voilà faits, refaits par l’ événement, plongés d’un coup dans le détail technique de ces grandes c
518 ous voilà faits, refaits par l’événement, plongés d’ un coup dans le détail technique de ces grandes choses terribles qu’on
519 , refaits par l’événement, plongés d’un coup dans le détail technique de ces grandes choses terribles qu’on imaginait, qu’
520 ement, plongés d’un coup dans le détail technique de ces grandes choses terribles qu’on imaginait, qu’on redoutait, qu’on
521 i nous trouvent sans peur et sans préparation dès l’ instant qu’elles deviennent présentes, cessent d’être imaginées, ou mê
522 l’instant qu’elles deviennent présentes, cessent d’ être imaginées, ou même imaginables. Tout de même, après huit jours, l
523 même imaginables. Tout de même, après huit jours, les choses commencent à se situer. Les grandes masses de l’Europe, les gr
524 ès huit jours, les choses commencent à se situer. Les grandes masses de l’Europe, les grandes lignes de la guerre, et çà et
525 choses commencent à se situer. Les grandes masses de l’Europe, les grandes lignes de la guerre, et çà et là, dans nos fron
526 ses commencent à se situer. Les grandes masses de l’ Europe, les grandes lignes de la guerre, et çà et là, dans nos frontiè
527 cent à se situer. Les grandes masses de l’Europe, les grandes lignes de la guerre, et çà et là, dans nos frontières, des se
528 es grandes masses de l’Europe, les grandes lignes de la guerre, et çà et là, dans nos frontières, des secteurs minuscules,
529 grandes masses de l’Europe, les grandes lignes de la guerre, et çà et là, dans nos frontières, des secteurs minuscules, co
530 secteurs minuscules, comme au hasard, qu’on voit d’ un coup avec une précision quasi absurde. Cette chambre paysanne ou j’
531 r quadrillé, tandis qu’Albert Mermoud, en travers de son lit, les hottes pendantes, dépouille le courrier de la Guilde… Je
532 tandis qu’Albert Mermoud, en travers de son lit, les hottes pendantes, dépouille le courrier de la Guilde… Je ne puis pas
533 avers de son lit, les hottes pendantes, dépouille le courrier de la Guilde… Je ne puis pas vous dire où cela se trouve san
534 lit, les hottes pendantes, dépouille le courrier de la Guilde… Je ne puis pas vous dire où cela se trouve sans contreveni
535 t, les hottes pendantes, dépouille le courrier de la Guilde… Je ne puis pas vous dire où cela se trouve sans contrevenir a
536 ire où cela se trouve sans contrevenir aux ordres les plus stricts, mais c’est très bien ainsi, Denis de Rougemont et le di
537 mais c’est très bien ainsi, Denis de Rougemont et le directeur de la Guilde « en campagne », car nous sommes n’importe où,
538 ès bien ainsi, Denis de Rougemont et le directeur de la Guilde « en campagne », car nous sommes n’importe où, sans raison
539 bien ainsi, Denis de Rougemont et le directeur de la Guilde « en campagne », car nous sommes n’importe où, sans raison rai
540 raison raisonnable ou prévisible. J’aime beaucoup les adresses militaires. Deux ou trois chiffres pour les initiés, et cett
541 adresses militaires. Deux ou trois chiffres pour les initiés, et cette mention si belle, quand on y pense, dans son élémen
542 ndeur : En campagne. Entendez : quelque part dans le pays, dans les champs anonymes, sous la pluie, dans les vergers où l’
543 pagne. Entendez : quelque part dans le pays, dans les champs anonymes, sous la pluie, dans les vergers où l’on écrase des p
544 part dans le pays, dans les champs anonymes, sous la pluie, dans les vergers où l’on écrase des pommes mal mûres, dans des
545 ys, dans les champs anonymes, sous la pluie, dans les vergers où l’on écrase des pommes mal mûres, dans des cuisines de fer
546 amps anonymes, sous la pluie, dans les vergers où l’ on écrase des pommes mal mûres, dans des cuisines de ferme, dans cette
547 on écrase des pommes mal mûres, dans des cuisines de ferme, dans cette chambre boisée… Confort paysan, seul authentique en
548 pays. Aux parois, des versets bibliques, lettres d’ argent et myosotis, autour de la photo jaunie du Chœur mixte en 1913.
549 ibliques, lettres d’argent et myosotis, autour de la photo jaunie du Chœur mixte en 1913. Deux bons lits de bois aux « duv
550 oto jaunie du Chœur mixte en 1913. Deux bons lits de bois aux « duvets » écrasants. Pour le reste, un désordre exemplaire,
551 bons lits de bois aux « duvets » écrasants. Pour le reste, un désordre exemplaire, courroies, bandes molletières, cigaret
552 courroies, bandes molletières, cigarettes, boîtes de conserve, tuniques mouillées, paperasses. Revanche sur des journées d
553 mouillées, paperasses. Revanche sur des journées de discipline et de paquetages alignés au cordeau. Partirons-nous au mil
554 asses. Revanche sur des journées de discipline et de paquetages alignés au cordeau. Partirons-nous au milieu de la nuit ?
555 s alignés au cordeau. Partirons-nous au milieu de la nuit ? Ou passerons-nous l’hiver ici ? Plus rien ne dépend de nous. C
556 ons-nous au milieu de la nuit ? Ou passerons-nous l’ hiver ici ? Plus rien ne dépend de nous. C’est notre liberté. Pendant
557 passerons-nous l’hiver ici ? Plus rien ne dépend de nous. C’est notre liberté. Pendant que Mermoud compose son Bulletin d
558 liberté. Pendant que Mermoud compose son Bulletin de guerre, j’ai bien envie de vous dire un peu de quoi se fait la vie à
559 d compose son Bulletin de guerre, j’ai bien envie de vous dire un peu de quoi se fait la vie à l’armée, dans les débuts d’
560 ai bien envie de vous dire un peu de quoi se fait la vie à l’armée, dans les débuts d’une mobilisation. Les dames croient
561 nvie de vous dire un peu de quoi se fait la vie à l’ armée, dans les débuts d’une mobilisation. Les dames croient volontier
562 ire un peu de quoi se fait la vie à l’armée, dans les débuts d’une mobilisation. Les dames croient volontiers que c’est par
563 de quoi se fait la vie à l’armée, dans les débuts d’ une mobilisation. Les dames croient volontiers que c’est parades et bo
564 ie à l’armée, dans les débuts d’une mobilisation. Les dames croient volontiers que c’est parades et bottes, fanfares, rythm
565 ythmes virils, flatteuses géométries garantissant l’ ordre social contre le mystérieux Esprit de subversion. Ces dames sont
566 ses géométries garantissant l’ordre social contre le mystérieux Esprit de subversion. Ces dames sont en retard d’au moins
567 issant l’ordre social contre le mystérieux Esprit de subversion. Ces dames sont en retard d’au moins deux guerres ou victi
568 ux Esprit de subversion. Ces dames sont en retard d’ au moins deux guerres ou victimes d’expressions telles que « sous les
569 ont en retard d’au moins deux guerres ou victimes d’ expressions telles que « sous les drapeaux ». En vérité, l’armée c’est
570 erres ou victimes d’expressions telles que « sous les drapeaux ». En vérité, l’armée c’est tout d’abord un cliquetis de cas
571 ions telles que « sous les drapeaux ». En vérité, l’ armée c’est tout d’abord un cliquetis de casques et d’ustensiles gross
572 n vérité, l’armée c’est tout d’abord un cliquetis de casques et d’ustensiles grossiers ; des mouvements brusques en tout s
573 mée c’est tout d’abord un cliquetis de casques et d’ ustensiles grossiers ; des mouvements brusques en tout sens, tissant u
574 ant une sombre confusion qui se révèle ordonnée à l’ heure H ; et beaucoup de choses très lourdes, bouclées et trimballées
575 trimballées dans une hâte hargneuse et fouaillée de jurons, précipitant des hommes mal réveillés vers des attentes inexpl
576 al réveillés vers des attentes inexplicables sous la pluie. Mangeailles, arrêts, ahans, monotonie, ignorance des ensembles
577 ensembles, objets numérotés, perdus, récupérés à la volée, c’est tout ce que l’homme dans le rang peut constater, si tout
578 , perdus, récupérés à la volée, c’est tout ce que l’ homme dans le rang peut constater, si toutefois la fatigue lui laisse
579 upérés à la volée, c’est tout ce que l’homme dans le rang peut constater, si toutefois la fatigue lui laisse la faculté de
580 l’homme dans le rang peut constater, si toutefois la fatigue lui laisse la faculté de constater quoi que ce soit, hors l’e
581 eut constater, si toutefois la fatigue lui laisse la faculté de constater quoi que ce soit, hors l’envie de boire et de se
582 er, si toutefois la fatigue lui laisse la faculté de constater quoi que ce soit, hors l’envie de boire et de se coucher. E
583 se la faculté de constater quoi que ce soit, hors l’ envie de boire et de se coucher. Eh bien ! de tout cela se dégage un l
584 culté de constater quoi que ce soit, hors l’envie de boire et de se coucher. Eh bien ! de tout cela se dégage un lyrisme.
585 stater quoi que ce soit, hors l’envie de boire et de se coucher. Eh bien ! de tout cela se dégage un lyrisme. De cela préc
586 hors l’envie de boire et de se coucher. Eh bien ! de tout cela se dégage un lyrisme. De cela précisément qui n’a pas de no
587 her. Eh bien ! de tout cela se dégage un lyrisme. De cela précisément qui n’a pas de nom, qui n’a rien de spectaculaire, q
588 égage un lyrisme. De cela précisément qui n’a pas de nom, qui n’a rien de spectaculaire, qui n’a pas sa photo dans les feu
589 cela précisément qui n’a pas de nom, qui n’a rien de spectaculaire, qui n’a pas sa photo dans les feuilles et qu’on peut s
590 rien de spectaculaire, qui n’a pas sa photo dans les feuilles et qu’on peut seulement ressentir quand on a les pieds dans
591 lles et qu’on peut seulement ressentir quand on a les pieds dans la boue, vers quatre heures du matin, après l’alarme. La p
592 eut seulement ressentir quand on a les pieds dans la boue, vers quatre heures du matin, après l’alarme. La plupart des hom
593 dans la boue, vers quatre heures du matin, après l’ alarme. La plupart des hommes le ressentent, presque aucun n’oserait l
594 s du matin, après l’alarme. La plupart des hommes le ressentent, presque aucun n’oserait l’avouer. On croit que la poésie
595 des hommes le ressentent, presque aucun n’oserait l’ avouer. On croit que la poésie n’existe qu’héroïque ou sentimentale, e
596 t, presque aucun n’oserait l’avouer. On croit que la poésie n’existe qu’héroïque ou sentimentale, et l’on ne sait plus la
597 a poésie n’existe qu’héroïque ou sentimentale, et l’ on ne sait plus la reconnaître au ras du sol, au niveau des choses bru
598 qu’héroïque ou sentimentale, et l’on ne sait plus la reconnaître au ras du sol, au niveau des choses brutes et brutales. P
599 rien n’est plus poétique qu’un rassemblement dans la nuit, grouillant de casques, de reflets sourds et de gamelles entrech
600 ique qu’un rassemblement dans la nuit, grouillant de casques, de reflets sourds et de gamelles entrechoquées. Et, plus tar
601 assemblement dans la nuit, grouillant de casques, de reflets sourds et de gamelles entrechoquées. Et, plus tard, au matin,
602 nuit, grouillant de casques, de reflets sourds et de gamelles entrechoquées. Et, plus tard, au matin, quand l’attaque se p
603 les entrechoquées. Et, plus tard, au matin, quand l’ attaque se prépare, un « à terre » prolongé à la lisière d’un bois, ce
604 d l’attaque se prépare, un « à terre » prolongé à la lisière d’un bois, cela peut être un des plus beaux moments de notre
605 se prépare, un « à terre » prolongé à la lisière d’ un bois, cela peut être un des plus beaux moments de notre furtive exi
606 un bois, cela peut être un des plus beaux moments de notre furtive existence. Surtout quand il tombe une pluie fine. Ce n’
607 une pluie fine. Ce n’est pas seulement à cause de la saison qu’il convient de parler de la pluie. C’est à cause d’une prof
608 pas seulement à cause de la saison qu’il convient de parler de la pluie. C’est à cause d’une profonde affinité entre la vi
609 ent à cause de la saison qu’il convient de parler de la pluie. C’est à cause d’une profonde affinité entre la vie en unifo
610 à cause de la saison qu’il convient de parler de la pluie. C’est à cause d’une profonde affinité entre la vie en uniforme
611 ’il convient de parler de la pluie. C’est à cause d’ une profonde affinité entre la vie en uniforme et ce que l’on nomme pa
612 luie. C’est à cause d’une profonde affinité entre la vie en uniforme et ce que l’on nomme par convention le mauvais temps.
613 fonde affinité entre la vie en uniforme et ce que l’ on nomme par convention le mauvais temps. La pluie en ville et la plui
614 e en uniforme et ce que l’on nomme par convention le mauvais temps. La pluie en ville et la pluie « en campagne » sont deu
615 e que l’on nomme par convention le mauvais temps. La pluie en ville et la pluie « en campagne » sont deux phénomènes bien
616 convention le mauvais temps. La pluie en ville et la pluie « en campagne » sont deux phénomènes bien distincts, aussi dist
617 ux phénomènes bien distincts, aussi distincts que la vie civile et la vie militaire en général. La pluie civile n’est guèr
618 n distincts, aussi distincts que la vie civile et la vie militaire en général. La pluie civile n’est guère qu’un embêtemen
619 que la vie civile et la vie militaire en général. La pluie civile n’est guère qu’un embêtement dont on se préserve comme s
620 ’isole avec soin, avec dédain, des éléments. Mais la pluie militaire, comment dire, c’est quelque chose d’immense et de sé
621 luie militaire, comment dire, c’est quelque chose d’ immense et de sérieux. On y pénètre de tout son corps, de tout son sen
622 e, comment dire, c’est quelque chose d’immense et de sérieux. On y pénètre de tout son corps, de tout son sentiment charne
623 elque chose d’immense et de sérieux. On y pénètre de tout son corps, de tout son sentiment charnel, on l’accepte avec tout
624 se et de sérieux. On y pénètre de tout son corps, de tout son sentiment charnel, on l’accepte avec toute la nature, sans p
625 tout son corps, de tout son sentiment charnel, on l’ accepte avec toute la nature, sans préjugés ni fausse pudeur. Couché d
626 ut son sentiment charnel, on l’accepte avec toute la nature, sans préjugés ni fausse pudeur. Couché dans l’herbe grasse, é
627 ture, sans préjugés ni fausse pudeur. Couché dans l’ herbe grasse, écrasé par son sac, l’homme observe l’avant-terrain par-
628 . Couché dans l’herbe grasse, écrasé par son sac, l’ homme observe l’avant-terrain par-dessous la visière d’acier régulière
629 herbe grasse, écrasé par son sac, l’homme observe l’ avant-terrain par-dessous la visière d’acier régulièrement ourlée de g
630 sac, l’homme observe l’avant-terrain par-dessous la visière d’acier régulièrement ourlée de gouttes. Le vent siffle à tra
631 me observe l’avant-terrain par-dessous la visière d’ acier régulièrement ourlée de gouttes. Le vent siffle à travers les tr
632 r-dessous la visière d’acier régulièrement ourlée de gouttes. Le vent siffle à travers les trous du casque. L’homme tire l
633 visière d’acier régulièrement ourlée de gouttes. Le vent siffle à travers les trous du casque. L’homme tire la toile de t
634 ement ourlée de gouttes. Le vent siffle à travers les trous du casque. L’homme tire la toile de tente qui couvre ses épaule
635 es. Le vent siffle à travers les trous du casque. L’ homme tire la toile de tente qui couvre ses épaules et cherche à la ca
636 iffle à travers les trous du casque. L’homme tire la toile de tente qui couvre ses épaules et cherche à la caler sous son
637 ravers les trous du casque. L’homme tire la toile de tente qui couvre ses épaules et cherche à la caler sous son coude dro
638 oile de tente qui couvre ses épaules et cherche à la caler sous son coude droit. Il sait que, d’une seconde à l’autre, peu
639 che à la caler sous son coude droit. Il sait que, d’ une seconde à l’autre, peut venir l’ordre de bondir. Ça ne l’empêche p
640 Il sait que, d’une seconde à l’autre, peut venir l’ ordre de bondir. Ça ne l’empêche pas de s’installer comme s’il n’avait
641 que, d’une seconde à l’autre, peut venir l’ordre de bondir. Ça ne l’empêche pas de s’installer comme s’il n’avait rien d’
642 de à l’autre, peut venir l’ordre de bondir. Ça ne l’ empêche pas de s’installer comme s’il n’avait rien d’autre à faire pen
643 peut venir l’ordre de bondir. Ça ne l’empêche pas de s’installer comme s’il n’avait rien d’autre à faire pendant des heure
644 mpêche pas de s’installer comme s’il n’avait rien d’ autre à faire pendant des heures. (Est-ce une parabole de la vie ?) Il
645 à faire pendant des heures. (Est-ce une parabole de la vie ?) Il est bien. Merveilleusement bien. Libéré. Sans passé, san
646 faire pendant des heures. (Est-ce une parabole de la vie ?) Il est bien. Merveilleusement bien. Libéré. Sans passé, sans a
647 ement bien. Libéré. Sans passé, sans avenir. Tout le présent limité par ces herbes où circulent des bestioles maladroites.
648 es herbes où circulent des bestioles maladroites. Le drap du pantalon colle au mollet, les doigts sont rouges sur le fusil
649 maladroites. Le drap du pantalon colle au mollet, les doigts sont rouges sur le fusil luisant. Les gouttes de la visière gl
650 talon colle au mollet, les doigts sont rouges sur le fusil luisant. Les gouttes de la visière glissent d’un coup sur la ga
651 let, les doigts sont rouges sur le fusil luisant. Les gouttes de la visière glissent d’un coup sur la gauche quand on lève
652 gts sont rouges sur le fusil luisant. Les gouttes de la visière glissent d’un coup sur la gauche quand on lève un peu le n
653 sont rouges sur le fusil luisant. Les gouttes de la visière glissent d’un coup sur la gauche quand on lève un peu le nez
654 fusil luisant. Les gouttes de la visière glissent d’ un coup sur la gauche quand on lève un peu le nez pour voir si rien ne
655 Les gouttes de la visière glissent d’un coup sur la gauche quand on lève un peu le nez pour voir si rien ne vient. Non, r
656 sent d’un coup sur la gauche quand on lève un peu le nez pour voir si rien ne vient. Non, rien ne vient. Grisaille, monoto
657 rien ne vient. Grisaille, monotonie, envoûtement de l’esprit par le corps – pourvu que ça dure encore quelques secondes,
658 en ne vient. Grisaille, monotonie, envoûtement de l’ esprit par le corps – pourvu que ça dure encore quelques secondes, ça
659 Grisaille, monotonie, envoûtement de l’esprit par le corps – pourvu que ça dure encore quelques secondes, ça ressemble tel
660 , ça ressemble tellement au bonheur ! Un cri dans le vent va tout détruire. Oui, c’est bien ça, c’est toujours ça, le bonh
661 détruire. Oui, c’est bien ça, c’est toujours ça, le bonheur : un instant de répit sous la menace. Alors on vit à plein. O
662 en ça, c’est toujours ça, le bonheur : un instant de répit sous la menace. Alors on vit à plein. On sent le goût des chose
663 oujours ça, le bonheur : un instant de répit sous la menace. Alors on vit à plein. On sent le goût des choses. Et l’on est
664 pit sous la menace. Alors on vit à plein. On sent le goût des choses. Et l’on est prêt à tout abandonner au premier signe
665 rs on vit à plein. On sent le goût des choses. Et l’ on est prêt à tout abandonner au premier signe du destin, parce qu’on
666 ier signe du destin, parce qu’on vient de remplir les limites du réel et d’accomplir un seul instant parfait. e. Rougemo
667 rce qu’on vient de remplir les limites du réel et d’ accomplir un seul instant parfait. e. Rougemont Denis de, « Puisque
668 ir un seul instant parfait. e. Rougemont Denis de , « Puisque je suis un militaire… », Bulletin de la Guilde du livre, L
669 s de, « Puisque je suis un militaire… », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, septembre 1939, p. 131-133.
670 e, « Puisque je suis un militaire… », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, septembre 1939, p. 131-133.
5 1939, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Billet d’aller et retour (décembre 1939)
671 Billet d’ aller et retour (décembre 1939)f Je l’ai pourtant quittée, cette ch
672 Billet d’aller et retour (décembre 1939)f Je l’ ai pourtant quittée, cette chambre paysanne, mais j’y suis pour peu qu
673 pour peu que j’y pense, et c’est souvent. Faites le compte de vos heures et vous découvrirez que tout homme rêve une bonn
674 que j’y pense, et c’est souvent. Faites le compte de vos heures et vous découvrirez que tout homme rêve une bonne part de
675 us découvrirez que tout homme rêve une bonne part de sa vie. Mais il arrive aussi que certains rêves, et certains cauchema
676 cela trois jours plus tard, dans une grande gare de cette Europe qui ne sait plus répondre aux menaces que par l’extincti
677 ope qui ne sait plus répondre aux menaces que par l’ extinction des lumières, — de toutes les lumières humaines. J’avais qu
678 aux menaces que par l’extinction des lumières, —  de toutes les lumières humaines. J’avais quitté mon train pendant l’arrê
679 es que par l’extinction des lumières, — de toutes les lumières humaines. J’avais quitté mon train pendant l’arrêt, à la rec
680 mières humaines. J’avais quitté mon train pendant l’ arrêt, à la recherche d’un buffet quelconque, et je n’avais trouvé qu’
681 ines. J’avais quitté mon train pendant l’arrêt, à la recherche d’un buffet quelconque, et je n’avais trouvé qu’un abri sou
682 quitté mon train pendant l’arrêt, à la recherche d’ un buffet quelconque, et je n’avais trouvé qu’un abri souterrain au bo
683 bri souterrain au bout du quai. Pendant ce temps, l’ express avait changé de voie. Dans la bleuâtre obscurité, nul écriteau
684 du quai. Pendant ce temps, l’express avait changé de voie. Dans la bleuâtre obscurité, nul écriteau lisible et nul visage
685 nt ce temps, l’express avait changé de voie. Dans la bleuâtre obscurité, nul écriteau lisible et nul visage reconnaissable
686 naissable. Une course haletante et bousculée dans le dédale des passages sous voie encombrés de sacs de sable, au long d’é
687 e dans le dédale des passages sous voie encombrés de sacs de sable, au long d’étroits couloirs où je coudoyais des soldats
688 e dédale des passages sous voie encombrés de sacs de sable, au long d’étroits couloirs où je coudoyais des soldats sourds
689 ges sous voie encombrés de sacs de sable, au long d’ étroits couloirs où je coudoyais des soldats sourds et muets — tous le
690 ù je coudoyais des soldats sourds et muets — tous les numéros arrachés — tandis que des sifflets annonçaient un départ. À l
691 tandis que des sifflets annonçaient un départ. À la fin, je retrouve un wagon qui me paraît être le mien, mais je l’avais
692 ouve un wagon qui me paraît être le mien, mais je l’ avais quitté presque vide et il est plein de dormeurs débraillés, de m
693 is je l’avais quitté presque vide et il est plein de dormeurs débraillés, de musettes et de masques à gaz. Déjà nous roulo
694 sque vide et il est plein de dormeurs débraillés, de musettes et de masques à gaz. Déjà nous roulons lourdement. Le nom de
695 est plein de dormeurs débraillés, de musettes et de masques à gaz. Déjà nous roulons lourdement. Le nom de cette gare — c
696 t de masques à gaz. Déjà nous roulons lourdement. Le nom de cette gare — comme de toutes les autres — était camouflé, illi
697 sques à gaz. Déjà nous roulons lourdement. Le nom de cette gare — comme de toutes les autres — était camouflé, illisible.
698 roulons lourdement. Le nom de cette gare — comme de toutes les autres — était camouflé, illisible. Je ne saurai jamais si
699 ourdement. Le nom de cette gare — comme de toutes les autres — était camouflé, illisible. Je ne saurai jamais si j’ai rêvé.
700 rêvé. Mais au matin, oui, c’était bien Paris, et les sirènes d’une fin d’alerte. ⁂ Imaginez un Paris englouti dans l’épais
701 au matin, oui, c’était bien Paris, et les sirènes d’ une fin d’alerte. ⁂ Imaginez un Paris englouti dans l’épaisse nuit des
702 oui, c’était bien Paris, et les sirènes d’une fin d’ alerte. ⁂ Imaginez un Paris englouti dans l’épaisse nuit des campagnes
703 e fin d’alerte. ⁂ Imaginez un Paris englouti dans l’ épaisse nuit des campagnes, mais une nuit sans clair de lune, sans arb
704 res et sans abois lointains. On y rôde en frôlant les murs, heurtant des corps, guettant des phares sans reflet sur le maca
705 nt des corps, guettant des phares sans reflet sur le macadam. Tout au bas, tout au fond de l’ombre, dans la pierre et dans
706 reflet sur le macadam. Tout au bas, tout au fond de l’ombre, dans la pierre et dans les vestiges d’une civilisation qui d
707 flet sur le macadam. Tout au bas, tout au fond de l’ ombre, dans la pierre et dans les vestiges d’une civilisation qui dése
708 cadam. Tout au bas, tout au fond de l’ombre, dans la pierre et dans les vestiges d’une civilisation qui déserte… Je me sui
709 , tout au fond de l’ombre, dans la pierre et dans les vestiges d’une civilisation qui déserte… Je me suis enfermé dans ma c
710 d de l’ombre, dans la pierre et dans les vestiges d’ une civilisation qui déserte… Je me suis enfermé dans ma chambre d’hôt
711 n qui déserte… Je me suis enfermé dans ma chambre d’ hôtel et j’ai écrit pendant deux jours ces conférences que j’allais fa
712 eut-être plus, qui était réduit à se défendre par le suicide, la Hollande inondée, disait-on. ⁂ Et voici sous la pluie et
713 s, qui était réduit à se défendre par le suicide, la Hollande inondée, disait-on. ⁂ Et voici sous la pluie et la brume, à
714 , la Hollande inondée, disait-on. ⁂ Et voici sous la pluie et la brume, à l’horizon des marécages, une confusion de silhou
715 e inondée, disait-on. ⁂ Et voici sous la pluie et la brume, à l’horizon des marécages, une confusion de silhouettes griffu
716 isait-on. ⁂ Et voici sous la pluie et la brume, à l’ horizon des marécages, une confusion de silhouettes griffues : moulins
717 a brume, à l’horizon des marécages, une confusion de silhouettes griffues : moulins, clochers, grues, cheminées, au-dessus
718  : moulins, clochers, grues, cheminées, au-dessus de faubourgs luisants de briques et de verreries. C’est Rotterdam. C’est
719 grues, cheminées, au-dessus de faubourgs luisants de briques et de verreries. C’est Rotterdam. C’est le chaos d’une Renais
720 es, au-dessus de faubourgs luisants de briques et de verreries. C’est Rotterdam. C’est le chaos d’une Renaissance américan
721 e briques et de verreries. C’est Rotterdam. C’est le chaos d’une Renaissance américanisée ! Le train passe au-dessus des p
722 et de verreries. C’est Rotterdam. C’est le chaos d’ une Renaissance américanisée ! Le train passe au-dessus des ports, dan
723 . C’est le chaos d’une Renaissance américanisée ! Le train passe au-dessus des ports, dans la puissante vibration d’un pon
724 anisée ! Le train passe au-dessus des ports, dans la puissante vibration d’un pont de fer, au-dessus de canaux reflétant l
725 au-dessus des ports, dans la puissante vibration d’ un pont de fer, au-dessus de canaux reflétant les décors d’une grandio
726 des ports, dans la puissante vibration d’un pont de fer, au-dessus de canaux reflétant les décors d’une grandiose activit
727 a puissante vibration d’un pont de fer, au-dessus de canaux reflétant les décors d’une grandiose activité marchande. Ici,
728 n d’un pont de fer, au-dessus de canaux reflétant les décors d’une grandiose activité marchande. Ici, les sirènes annoncent
729 de fer, au-dessus de canaux reflétant les décors d’ une grandiose activité marchande. Ici, les sirènes annoncent l’approch
730 s décors d’une grandiose activité marchande. Ici, les sirènes annoncent l’approche des richesses de la terre. ⁂ Une connais
731 se activité marchande. Ici, les sirènes annoncent l’ approche des richesses de la terre. ⁂ Une connaissance intime et perso
732 i, les sirènes annoncent l’approche des richesses de la terre. ⁂ Une connaissance intime et personnelle de ce que l’on app
733 les sirènes annoncent l’approche des richesses de la terre. ⁂ Une connaissance intime et personnelle de ce que l’on appell
734 a terre. ⁂ Une connaissance intime et personnelle de ce que l’on appellera l’âme hollandaise, je doute qu’elle en apprenne
735 Une connaissance intime et personnelle de ce que l’ on appellera l’âme hollandaise, je doute qu’elle en apprenne au voyage
736 ce intime et personnelle de ce que l’on appellera l’ âme hollandaise, je doute qu’elle en apprenne au voyageur davantage qu
737 davantage qu’une vision intense du paysage urbain de la Hollande. Tout ce que je sais de ce pays, après deux semaines de v
738 antage qu’une vision intense du paysage urbain de la Hollande. Tout ce que je sais de ce pays, après deux semaines de voya
739 aysage urbain de la Hollande. Tout ce que je sais de ce pays, après deux semaines de voyage et une centaine de conversatio
740 ut ce que je sais de ce pays, après deux semaines de voyage et une centaine de conversations, je puis le lire et le relire
741 ys, après deux semaines de voyage et une centaine de conversations, je puis le lire et le relire dans l’architecture d’Ams
742 voyage et une centaine de conversations, je puis le lire et le relire dans l’architecture d’Amsterdam, de Rotterdam, ou d
743 une centaine de conversations, je puis le lire et le relire dans l’architecture d’Amsterdam, de Rotterdam, ou des petites
744 conversations, je puis le lire et le relire dans l’ architecture d’Amsterdam, de Rotterdam, ou des petites cités du centre
745 je puis le lire et le relire dans l’architecture d’ Amsterdam, de Rotterdam, ou des petites cités du centre. Je vois côte
746 ire et le relire dans l’architecture d’Amsterdam, de Rotterdam, ou des petites cités du centre. Je vois côte à côte un pal
747 es cités du centre. Je vois côte à côte un palais de la Renaissance flamande, un hôtel du xviiie siècle, un gratte-ciel e
748 cités du centre. Je vois côte à côte un palais de la Renaissance flamande, un hôtel du xviiie siècle, un gratte-ciel et d
749 u xviiie siècle, un gratte-ciel et des entrepôts de marchandises venues des Indes. Cette même rue se prolonge par des vil
750 Indes. Cette même rue se prolonge par des villas d’ une incroyable variété de formes ultramodernes, puis se perd peu à peu
751 prolonge par des villas d’une incroyable variété de formes ultramodernes, puis se perd peu à peu dans la campagne, par de
752 formes ultramodernes, puis se perd peu à peu dans la campagne, par des courbes douces et nettes. Nul disparate en tout cel
753 ces et nettes. Nul disparate en tout cela : voilà le miracle hollandais. Je ne crois pas que la lumière fauve et le grenat
754 voilà le miracle hollandais. Je ne crois pas que la lumière fauve et le grenat des façades de briques renversées dans l’e
755 llandais. Je ne crois pas que la lumière fauve et le grenat des façades de briques renversées dans l’eau jaune des canaux
756 pas que la lumière fauve et le grenat des façades de briques renversées dans l’eau jaune des canaux suffisent à expliquer
757 le grenat des façades de briques renversées dans l’ eau jaune des canaux suffisent à expliquer cette harmonie solide, luxu
758 iquer cette harmonie solide, luxueusement nourrie de contrastes et de surprises. Le grand secret de ce pays, ce qu’il faut
759 nie solide, luxueusement nourrie de contrastes et de surprises. Le grand secret de ce pays, ce qu’il faut lire sur ces faç
760 xueusement nourrie de contrastes et de surprises. Le grand secret de ce pays, ce qu’il faut lire sur ces façades à la fois
761 ie de contrastes et de surprises. Le grand secret de ce pays, ce qu’il faut lire sur ces façades à la fois patinées et tou
762 ades à la fois patinées et toujours neuves, c’est la continuité d’une tradition et d’une volonté créatrice qui n’ont jamai
763 patinées et toujours neuves, c’est la continuité d’ une tradition et d’une volonté créatrice qui n’ont jamais perdu la mes
764 rs neuves, c’est la continuité d’une tradition et d’ une volonté créatrice qui n’ont jamais perdu la mesure de l’humain. Po
765 et d’une volonté créatrice qui n’ont jamais perdu la mesure de l’humain. Point de coupure ici, point de Révolution, point
766 olonté créatrice qui n’ont jamais perdu la mesure de l’humain. Point de coupure ici, point de Révolution, point de scissio
767 nté créatrice qui n’ont jamais perdu la mesure de l’ humain. Point de coupure ici, point de Révolution, point de scission d
768 i n’ont jamais perdu la mesure de l’humain. Point de coupure ici, point de Révolution, point de scission de l’Histoire et
769 a mesure de l’humain. Point de coupure ici, point de Révolution, point de scission de l’Histoire et de la nation en deux c
770 Point de coupure ici, point de Révolution, point de scission de l’Histoire et de la nation en deux camps longuement irréd
771 upure ici, point de Révolution, point de scission de l’Histoire et de la nation en deux camps longuement irréductibles et
772 re ici, point de Révolution, point de scission de l’ Histoire et de la nation en deux camps longuement irréductibles et app
773 de Révolution, point de scission de l’Histoire et de la nation en deux camps longuement irréductibles et appauvris chacun
774 Révolution, point de scission de l’Histoire et de la nation en deux camps longuement irréductibles et appauvris chacun de
775 amps longuement irréductibles et appauvris chacun de tout ce que l’autre annexe. Ce mariage de l’ancien et du moderne n’es
776 chacun de tout ce que l’autre annexe. Ce mariage de l’ancien et du moderne n’est pas seulement une réussite technique, un
777 acun de tout ce que l’autre annexe. Ce mariage de l’ ancien et du moderne n’est pas seulement une réussite technique, une h
778 té si intérieure à chaque individu qu’elle permet la plus grande diversité dans les formes qui la manifestent. Quand je so
779 vidu qu’elle permet la plus grande diversité dans les formes qui la manifestent. Quand je songe à l’ennui, au désespoir qu’
780 rmet la plus grande diversité dans les formes qui la manifestent. Quand je songe à l’ennui, au désespoir qu’expriment les
781 s les formes qui la manifestent. Quand je songe à l’ ennui, au désespoir qu’expriment les quartiers ouvriers les plus moder
782 and je songe à l’ennui, au désespoir qu’expriment les quartiers ouvriers les plus modernes des villes allemandes, je compre
783 au désespoir qu’expriment les quartiers ouvriers les plus modernes des villes allemandes, je comprends, que dis-je : je vo
784 es allemandes, je comprends, que dis-je : je vois l’ opposition tragique dont cette guerre est sortie, et qui est celle des
785 ie, et qui est celle des deux grandes conceptions de « l’ordre » qui se partagent notre Europe : harmonie intérieure ou un
786 t qui est celle des deux grandes conceptions de «  l’ ordre » qui se partagent notre Europe : harmonie intérieure ou uniform
787 ralisme ou totalitarisme. Je comprends et je vois le secret de la paix : c’est une victoire de tous les jours, et de chacu
788 totalitarisme. Je comprends et je vois le secret de la paix : c’est une victoire de tous les jours, et de chacun, sur l’e
789 talitarisme. Je comprends et je vois le secret de la paix : c’est une victoire de tous les jours, et de chacun, sur l’espr
790 je vois le secret de la paix : c’est une victoire de tous les jours, et de chacun, sur l’esprit de laisser-aller d’où nais
791 le secret de la paix : c’est une victoire de tous les jours, et de chacun, sur l’esprit de laisser-aller d’où naissent les
792 a paix : c’est une victoire de tous les jours, et de chacun, sur l’esprit de laisser-aller d’où naissent les réactions dés
793 une victoire de tous les jours, et de chacun, sur l’ esprit de laisser-aller d’où naissent les réactions désespérées, les m
794 ire de tous les jours, et de chacun, sur l’esprit de laisser-aller d’où naissent les réactions désespérées, les mises au p
795 ours, et de chacun, sur l’esprit de laisser-aller d’ où naissent les réactions désespérées, les mises au pas brutalisantes
796 acun, sur l’esprit de laisser-aller d’où naissent les réactions désespérées, les mises au pas brutalisantes et le triomphe
797 er-aller d’où naissent les réactions désespérées, les mises au pas brutalisantes et le triomphe des caporaux autodidactes e
798 ns désespérées, les mises au pas brutalisantes et le triomphe des caporaux autodidactes et simplificateurs. Les petits peu
799 phe des caporaux autodidactes et simplificateurs. Les petits peuples protestants de l’Europe ont réalisé ce miracle de l’éq
800 t simplificateurs. Les petits peuples protestants de l’Europe ont réalisé ce miracle de l’équilibre entre l’Un et le Diver
801 implificateurs. Les petits peuples protestants de l’ Europe ont réalisé ce miracle de l’équilibre entre l’Un et le Divers.
802 es protestants de l’Europe ont réalisé ce miracle de l’équilibre entre l’Un et le Divers. Ils ont la charge de créer les s
803 protestants de l’Europe ont réalisé ce miracle de l’ équilibre entre l’Un et le Divers. Ils ont la charge de créer les seul
804 t réalisé ce miracle de l’équilibre entre l’Un et le Divers. Ils ont la charge de créer les seules bases vivantes de la pa
805 e de l’équilibre entre l’Un et le Divers. Ils ont la charge de créer les seules bases vivantes de la paix. Ils ont la char
806 ilibre entre l’Un et le Divers. Ils ont la charge de créer les seules bases vivantes de la paix. Ils ont la charge de tout
807 tre l’Un et le Divers. Ils ont la charge de créer les seules bases vivantes de la paix. Ils ont la charge de tout le xxe s
808 ont la charge de créer les seules bases vivantes de la paix. Ils ont la charge de tout le xxe siècle. Mais nous reparler
809 t la charge de créer les seules bases vivantes de la paix. Ils ont la charge de tout le xxe siècle. Mais nous reparlerons
810 éer les seules bases vivantes de la paix. Ils ont la charge de tout le xxe siècle. Mais nous reparlerons de toutes ces ch
811 ules bases vivantes de la paix. Ils ont la charge de tout le xxe siècle. Mais nous reparlerons de toutes ces choses. Et d
812 es vivantes de la paix. Ils ont la charge de tout le xxe siècle. Mais nous reparlerons de toutes ces choses. Et de la Sui
813 rge de tout le xxe siècle. Mais nous reparlerons de toutes ces choses. Et de la Suisse, telle qu’on la voit de loin, dans
814 e. Mais nous reparlerons de toutes ces choses. Et de la Suisse, telle qu’on la voit de loin, dans sa vérité séculaire. La
815 Mais nous reparlerons de toutes ces choses. Et de la Suisse, telle qu’on la voit de loin, dans sa vérité séculaire. La dép
816 e toutes ces choses. Et de la Suisse, telle qu’on la voit de loin, dans sa vérité séculaire. La déprimante architecture de
817 ces choses. Et de la Suisse, telle qu’on la voit de loin, dans sa vérité séculaire. La déprimante architecture de notre P
818 qu’on la voit de loin, dans sa vérité séculaire. La déprimante architecture de notre Palais fédéral — où je termine ces n
819 s sa vérité séculaire. La déprimante architecture de notre Palais fédéral — où je termine ces notes de voyage — me découra
820 de notre Palais fédéral — où je termine ces notes de voyage — me décourage un peu, ce soir. On dirait une école primaire d
821 ir. On dirait une école primaire démesurée. C’est le contraire de ce qui fonde nos vraies valeurs et notre raison d’être ;
822 une école primaire démesurée. C’est le contraire de ce qui fonde nos vraies valeurs et notre raison d’être ; c’est l’imag
823 e ce qui fonde nos vraies valeurs et notre raison d’ être ; c’est l’image même en pierre verdâtre, de ce qu’il nous faut co
824 nos vraies valeurs et notre raison d’être ; c’est l’ image même en pierre verdâtre, de ce qu’il nous faut combattre impitoy
825 n d’être ; c’est l’image même en pierre verdâtre, de ce qu’il nous faut combattre impitoyablement si nous voulons mériter
826 voulons mériter notre paix. f. Rougemont Denis de , « Billet d’aller et retour », Bulletin de la Guilde du livre, Lausan
827 er notre paix. f. Rougemont Denis de, « Billet d’ aller et retour », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, décembre
828 Denis de, « Billet d’aller et retour », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, décembre 1939, p. 190-191.
829 nis de, « Billet d’aller et retour », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, décembre 1939, p. 190-191.
6 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Beekman Place (octobre 1946)
830 Beekman Place (octobre 1946)g h Parallèle à l’ East-River dont la sépare une rangée d’hôtels particuliers à cinq étag
831 octobre 1946)g h Parallèle à l’East-River dont la sépare une rangée d’hôtels particuliers à cinq étages, cette rue très
832 arallèle à l’East-River dont la sépare une rangée d’ hôtels particuliers à cinq étages, cette rue très courte est l’une des
833 ois dans Manhattan — qui à la fois ne portent pas de numéro et ne coupent point les avenues à angle droit. Hors-série, mod
834 fois ne portent pas de numéro et ne coupent point les avenues à angle droit. Hors-série, modèle de grand luxe, elle s’orne
835 int les avenues à angle droit. Hors-série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers ga
836 it. Hors-série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’ arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pen
837 érie, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été
838 e grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été, emplit cet e
839 grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’ été, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la 51e rue, en
840 bleue, pendant l’été, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la 51e rue, en brique vernie, tous luisants de fen
841 , emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la 51e rue, en brique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’
842 mplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la 51e rue, en brique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’orn
843 ts de la 51e rue, en brique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où
844 ique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’ ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Ma
845 tres dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’il
846 d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’ exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’il y trouve un char
847 un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est l’ Europe ! » parce qu’il y trouve un charme, simplement. Mais quand je l
848 ’il y trouve un charme, simplement. Mais quand je la vois du haut de mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’as
849 charme, simplement. Mais quand je la vois du haut de mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de bri
850 mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’ asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est b
851 étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est bien New York…
852 … Si je me retourne un peu sur ma terrasse, voici la perspective de l’East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de m
853 urne un peu sur ma terrasse, voici la perspective de l’East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau
854 e un peu sur ma terrasse, voici la perspective de l’ East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. L
855 l’East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, l
856 usqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’ eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat
857 Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’étai
858 mmense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’étain pâli. Les ponts imme
859 vière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’ un éclat d’étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une den
860 onnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’ étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’un
861 queurs toussotants, luit d’un éclat d’étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’un kilomètre, tout
862 ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’ un kilomètre, toute menue dans la distance. Cheminées, mâts, clochers,
863 ont une dentelle d’un kilomètre, toute menue dans la distance. Cheminées, mâts, clochers, usines plates, basses, et réclam
864 es, basses, et réclames lumineuses en plein jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces t
865 éclames lumineuses en plein jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de gr
866 es en plein jour. Le seul vestige de nature — car l’ eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couver
867 ’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes et signalés par deux petits phares d
868 — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes et signalés par deux petits phares dont clignotent irréguliè
869 eux petits phares dont clignotent irrégulièrement le feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sep
870 otent irrégulièrement le feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embra
871 nt le feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embrasse mon regard, tou
872 es. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main d’homme, sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois écon
873 ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main d’ homme, sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois économiques
874 e mon regard, tout est fait de main d’homme, sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fat
875 s. Qu’on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’un monde tout art
876 miques et de leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti
877 leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’ un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti selon nos ca
878 les réalités d’un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti selon nos caprices, nos passions et nos raisons fo
879 et nos raisons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne ve
880 ons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne vers le nord,
881 e paysage se transformerait. Si je me tourne vers le nord, je vois un monde de terrasses, du dixième au trentième étage du
882 t. Si je me tourne vers le nord, je vois un monde de terrasses, du dixième au trentième étage du River Club, où vivent les
883 xième au trentième étage du River Club, où vivent les milliardaires et les acteurs. Et tout près, ces jardins suspendus où
884 age du River Club, où vivent les milliardaires et les acteurs. Et tout près, ces jardins suspendus où circulent de jeunes f
885 Et tout près, ces jardins suspendus où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniu
886 uspendus où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunet
887 es… Quelques jeunes gens viennent boire un verre, le soir. Un violoniste s’escrime à vingt reprises sur le deuxième Concer
888 artèlent ce Tchaïkovski qu’on entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà co
889 qu’on entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellera
890 r dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour
891 Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe. J
892 j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe. J’en connais par avance la
893 le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient
894 fois de retour en Europe. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’
895 en Europe. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’é
896 a nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain d’ ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usine
897 ie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fu
898 r vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’ argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traîn
899 un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’ éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les pont
900 méricain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’ or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteig
901 d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteignent, le s
902 sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteignent, le sommet des gratte-ciel se met à luire sous la l
903 ines. Des fumées traînent, les ponts s’éteignent, le sommet des gratte-ciel se met à luire sous la lune, au-dessus des pre
904 nt, le sommet des gratte-ciel se met à luire sous la lune, au-dessus des premiers nuages. Une grande nuit s’ouvre au trava
905 ges. Une grande nuit s’ouvre au travail paisible. D’ heure en heure, je me lève et sors. Je me promène sur cette terrasse q
906 t sors. Je me promène sur cette terrasse qui fait le tour de mes chambres blanches, posées sur le onzième étage et festonn
907 Je me promène sur cette terrasse qui fait le tour de mes chambres blanches, posées sur le onzième étage et festonnées de t
908 anches, posées sur le onzième étage et festonnées de tuiles provençales. La brique est chaude encore sous mes pieds nus. À
909 nzième étage et festonnées de tuiles provençales. La brique est chaude encore sous mes pieds nus. À ma hauteur, et un peu
910 un peu plus bas, et puis beaucoup plus bas, dans les buildings voisins séparés de ma terrasse par un gouffre profond mais
911 coup plus bas, dans les buildings voisins séparés de ma terrasse par un gouffre profond mais étroit, je vois des couples e
912 née, en peignoir rose, ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires vienne
913 , en peignoir rose, ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent
914 ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent d’une terrasse obscu
915 peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent d’ une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highball
916 res viennent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Pe
917 ent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Petits mati
918 asse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Petits matins déjà doux de
919 s. Petits matins déjà doux des terrasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les s
920 s déjà doux des terrasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hie
921 éjà doux des terrasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hier c
922 la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouette
923 r qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’ hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du
924 nd toutes choses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand l
925 oses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand les premiers
926 s d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand les premiers remorqueurs se metten
927 miers remorqueurs se mettent à souffler fort dans la brume d’été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vi
928 orqueurs se mettent à souffler fort dans la brume d’ été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper
929 à souffler fort dans la brume d’été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper doucement le crépi
930 a brume d’été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper doucement le crépi des murs bas, sur la t
931 e langue de lumière orangée vient râper doucement le crépi des murs bas, sur la terrasse toute voisine. Un autre jour, le
932 vient râper doucement le crépi des murs bas, sur la terrasse toute voisine. Un autre jour, le même amour, mais le cœur s’
933 as, sur la terrasse toute voisine. Un autre jour, le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est l’heure du pardon déliv
934 toute voisine. Un autre jour, le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est l’heure du pardon délivrant — et je me donn
935 autre jour, le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’ aube est l’heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américai
936 le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est l’ heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américain ! Sur le
937 élivrant — et je me donne au jour américain ! Sur le grand fond sonore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sir
938 r le grand fond sonore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de dés
939 onore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux dés
940 les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strid
941 des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East
942 saient leur solo de désastre, de faux désastre et d’ appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimot
943 tre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimoteur argenté passait très
944 tre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux to
945 et d’appel commercial, dans le matin strident de l’ East River. Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux tours
946 r arroser au tuyau ses arbustes. Soudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la ri
947 u ses arbustes. Soudain, passant la tranche ocrée d’ un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue
948 . Soudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses c
949 d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses canons glissait sans bruit, un énorme
950 ait sans bruit, un énorme croiseur défilait, tout l’ équipage en fête saluant New York d’adieux, filant pavois au vent vers
951 éfilait, tout l’équipage en fête saluant New York d’ adieux, filant pavois au vent vers l’Europe et la guerre… g. Rougem
952 ant New York d’adieux, filant pavois au vent vers l’ Europe et la guerre… g. Rougemont Denis de, « Beekman Place », Bull
953 d’adieux, filant pavois au vent vers l’Europe et la guerre… g. Rougemont Denis de, « Beekman Place », Bulletin de la G
954 vers l’Europe et la guerre… g. Rougemont Denis de , « Beekman Place », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, octobre
955 Rougemont Denis de, « Beekman Place », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, octobre 1946, p. 243-245. h. Précédé d
956 ougemont Denis de, « Beekman Place », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, octobre 1946, p. 243-245. h. Précédé de l
957 , Lausanne, octobre 1946, p. 243-245. h. Précédé de la note suivante : « Fragment du Journal des deux mondes qui paraît
958 ausanne, octobre 1946, p. 243-245. h. Précédé de la note suivante : « Fragment du Journal des deux mondes qui paraîtra
959 gment du Journal des deux mondes qui paraîtra à la Guilde du Livre. »
7 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Souvenir d’un orage en Virginie (novembre 1946)
960 Souvenir d’ un orage en Virginie (novembre 1946)i Grands plateaux onduleux et l
961 plateaux onduleux et livrés aux chevaux, jusqu’à l’ horizon bleu des Appalaches. Pendant que nous roulons sur une route de
962 ppalaches. Pendant que nous roulons sur une route de campagne, au creux des haies, le ciel se couvre. « C’est là-haut, me
963 ns sur une route de campagne, au creux des haies, le ciel se couvre. « C’est là-haut, me dit-on, à mi-pente des coteaux. »
964 ngue pas encore cette maison célèbre, cachée dans les bosquets au bout d’une longue allée qui monte entre des barrières bla
965 us verrez ce qu’elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de J. car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la
966 qu’elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de J. car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Ell
967 ! C’est sa manière de se venger de J. car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment
968 manière de se venger de J. car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses ch
969 ar c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… » L’auto s’arrête deva
970 déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… » L’ auto s’arrête devant un haut portique. Deux colonnes blanches entre de
971 nts, comme des ailes noires. Je n’en ai jamais vu d’ aussi grands, ils montent jusqu’aux fenêtres du deuxième étage. Une od
972 s du deuxième étage. Une odeur écœurante vient de la porte dont un battant s’entrouvre devant nous. Trois grands longs chi
973 e devant nous. Trois grands longs chiens sortent, le museau bas, et l’un vient vomir à nos pieds des morceaux de cire mal
974 bas, et l’un vient vomir à nos pieds des morceaux de cire mal mâchés. Une servante les poursuit armée d’une cravache. Elle
975 eds des morceaux de cire mal mâchés. Une servante les poursuit armée d’une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de ma
976 cire mal mâchés. Une servante les poursuit armée d’ une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger les bougies d
977 d’une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washington. (C’est une pièce
978 vache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washington. (C’est une pièce de musée q
979 viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washington. (C’est une pièce de musée que nous allons voir, re
980 u carrosse de George Washington. (C’est une pièce de musée que nous allons voir, remisée sous la colonnade des écuries.) N
981 pièce de musée que nous allons voir, remisée sous la colonnade des écuries.) Nous pénétrons dans un vestibule sombre. La m
982 curies.) Nous pénétrons dans un vestibule sombre. La maîtresse de maison est sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendan
983 de maison est sortie à cheval. Promenons-nous en l’ attendant. L’odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fumoir,
984 t sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendant. L’ odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fumoir, à droite, en
985 -nous en l’attendant. L’odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fumoir, à droite, en contrebas, deux hommes en ves
986 oir, à droite, en contrebas, deux hommes en veste de chasse et deux jeunes femmes très blondes boivent des whiskies, sans
987 whiskies, sans se déranger. Nous traversons toute la maison, puis une large galerie ouverte, encombrée de vieux meubles et
988 maison, puis une large galerie ouverte, encombrée de vieux meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’églises, aigl
989 ge galerie ouverte, encombrée de vieux meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’églises, aigles de lutrin. De nou
990 ouverte, encombrée de vieux meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’églises, aigles de lutrin. De nouveau des i
991 x meubles et de pièces de bois sculptées, stalles d’ églises, aigles de lutrin. De nouveau des ifs non taillés sur un pré d
992 èces de bois sculptées, stalles d’églises, aigles de lutrin. De nouveau des ifs non taillés sur un pré d’un vert sombre en
993 lutrin. De nouveau des ifs non taillés sur un pré d’ un vert sombre enclos de murs. Du lierre partout. Çà et là, des statue
994 fs non taillés sur un pré d’un vert sombre enclos de murs. Du lierre partout. Çà et là, des statues de faunes et de chiens
995 de murs. Du lierre partout. Çà et là, des statues de faunes et de chiens gisent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé
996 ierre partout. Çà et là, des statues de faunes et de chiens gisent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’él
997 et là, des statues de faunes et de chiens gisent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre su
998 statues de faunes et de chiens gisent le nez dans l’ herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur la cour sa
999 nes et de chiens gisent le nez dans l’herbe, près d’ un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur la cour sablée des écuri
1000 isent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur la cour sablée des écuries. Celles-ci se d
1001 s d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur la cour sablée des écuries. Celles-ci se déploient en demi-cercle, ornée
1002 es. Celles-ci se déploient en demi-cercle, ornées d’ une colonnade et d’un clocheton de brique portant l’œil blanc d’un éno
1003 ploient en demi-cercle, ornées d’une colonnade et d’ un clocheton de brique portant l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici l
1004 -cercle, ornées d’une colonnade et d’un clocheton de brique portant l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de W
1005 une colonnade et d’un clocheton de brique portant l’ œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’aba
1006 e et d’un clocheton de brique portant l’œil blanc d’ un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon. La pei
1007 que portant l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon. La peinture craquelée tombe par
1008 l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, le
1009 énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’ abandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, les coussins de vel
1010 an. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, les coussins de velours rouge
1011 bandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, les coussins de velours rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel est
1012 inture craquelée tombe par morceaux, les coussins de velours rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel est devenu noir
1013 de velours rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel est devenu noir. Du portique, entre les hautes colonnes blanches
1014 dons. Le ciel est devenu noir. Du portique, entre les hautes colonnes blanches et ces ifs dramatiques, on domine un paysage
1015 ches et ces ifs dramatiques, on domine un paysage de pluies lointaines et de prairies dorées. Soudain, un coup de vent vio
1016 ues, on domine un paysage de pluies lointaines et de prairies dorées. Soudain, un coup de vent violent a jeté contre la fa
1017 s. Soudain, un coup de vent violent a jeté contre la façade et nos visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes
1018 eté contre la façade et nos visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fa
1019 açade et nos visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fall, la Chute, c
1020 e feuilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclai
1021 euilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de l’ automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs
1022 gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par
1023 trée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’ appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par la charmille, où il
1024 hute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par la charmille, où il fait presque nuit — mais on devine
1025 appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par la charmille, où il fait presque nuit — mais on devine encore quelques s
1026 re quelques statues décapitées ou renversées dans les branchages — nous arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le c
1027 rsées dans les branchages — nous arrivons au coin d’ un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici, et s’ouvr
1028 branchages — nous arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici, et s’ouvrent les espace
1029 us arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici, et s’ouvrent les espaces de pâturages n
1030 au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici, et s’ouvrent les espaces de pâturages nus, en pent
1031 est le chenil. Le parc s’arrête ici, et s’ouvrent les espaces de pâturages nus, en pente douce. Très loin, en silhouette su
1032 l. Le parc s’arrête ici, et s’ouvrent les espaces de pâturages nus, en pente douce. Très loin, en silhouette sur la crête
1033 nus, en pente douce. Très loin, en silhouette sur la crête d’une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparais
1034 ente douce. Très loin, en silhouette sur la crête d’ une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparaissent dans
1035 rs nous sans ralentir. Une femme en jaune, suivie d’ un homme. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’une
1036 me. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’une main et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle mo
1037 ils s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’ une main et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle mord en gal
1038 ent, on voit qu’elle tient la bride d’une main et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle mord en galopant. Nouveau
1039 qu’elle mord en galopant. Nouveaux éclairs. Tous les chiens du chenil se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’a
1040 s du chenil se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’ orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et
1041 se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’ approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent
1042 s à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent devant la b
1043 Est-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent devant la barre du portail. Elle
1044 ? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent devant la barre du portail. Elle pousse son cheval, le portail cède et lui livr
1045 vant la barre du portail. Elle pousse son cheval, le portail cède et lui livre passage. C’est une grande femme bottée, sau
1046 aît nu dans un fin sweater jaune. Elle rit, jette la pomme, et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur s
1047 er jaune. Elle rit, jette la pomme, et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considèr
1048 jaune. Elle rit, jette la pomme, et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considère a
1049 le rit, jette la pomme, et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considère avec hosti
1050 r son cheval, nous considère avec hostilité. Il a les yeux d’un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence nous s
1051 val, nous considère avec hostilité. Il a les yeux d’ un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence nous supprime.
1052 alué. Son silence nous supprime. C’est sans doute le nouvel intendant. « Je vous retrouve à la maison ! », crie-t-elle. Et
1053 s doute le nouvel intendant. « Je vous retrouve à la maison ! », crie-t-elle. Et, piquant son cheval, penchée sur l’encolu
1054 crie-t-elle. Et, piquant son cheval, penchée sur l’ encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une
1055 eval, penchée sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les t
1056 hée sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’é
1057 sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élan
1058 ns le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au f
1059 el de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’une
1060 harmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’une pièce vaste
1061 illes s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’ une pièce vaste et noire une petite lampe fait une flaque rose. « Je n
1062 te lampe fait une flaque rose. « Je ne trouve pas les prises ! explique-t-elle, je ne mets jamais les pieds dans ce dégoûta
1063 s les prises ! explique-t-elle, je ne mets jamais les pieds dans ce dégoûtant salon ! » Des éclairs illuminent longuement l
1064 ûtant salon ! » Des éclairs illuminent longuement les meubles lourds, une bibliothèque, des boiseries. Le lustre enfin s’al
1065 meubles lourds, une bibliothèque, des boiseries. Le lustre enfin s’allume par degrés. Elle court aux fenêtres et ferme av
1066 intérieurs, en chêne clair, puis elle tire encore les rideaux. « Les orages me rendent folle, j’ai tellement peur, et vous 
1067 chêne clair, puis elle tire encore les rideaux. «  Les orages me rendent folle, j’ai tellement peur, et vous ? Vous êtes mue
1068 r, et vous ? Vous êtes muets ? Vous avez soif ? » Les coups de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois les lumières va
1069  ? Vous êtes muets ? Vous avez soif ? » Les coups de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois les lumières vacillent,
1070 s de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois les lumières vacillent, baissent, remontent… Paraît dans la porte du fond
1071 ières vacillent, baissent, remontent… Paraît dans la porte du fond un homme en veste de chasse qui tient des verres de whi
1072 t… Paraît dans la porte du fond un homme en veste de chasse qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes
1073 un homme en veste de chasse qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes entrent et vont s’asseoir un pe
1074 veste de chasse qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes entrent et vont s’asseoir un peu à l’écart
1075 femmes blondes entrent et vont s’asseoir un peu à l’ écart de notre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoi
1076 londes entrent et vont s’asseoir un peu à l’écart de notre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoie cherch
1077 tre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoie chercher des verres et des bouteilles. Qui sont ces gens ? El
1078 outeilles. Qui sont ces gens ? Elle dit : « Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dans la maison depuis deux ou trois
1079 « Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dans la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Jim. — Mai
1080 la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Jim. — Mais où est Jim ? — Je ne sais pas ? Il est parti. » J
1081 depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Jim. — Mais où est Jim ? — Je ne sais pas ? Il est parti. » Jim était
1082 im ? — Je ne sais pas ? Il est parti. » Jim était l’ intendant, une sorte de géant toujours en bottes, qu’elle emmenait par
1083 Il est parti. » Jim était l’intendant, une sorte de géant toujours en bottes, qu’elle emmenait partout avec elle. Je pens
1084 le emmenait partout avec elle. Je pense au regard d’ acier du jeune homme silencieux de tout à l’heure. Des chiens se gliss
1085 pense au regard d’acier du jeune homme silencieux de tout à l’heure. Des chiens se glissent entre les meubles, humides et
1086 egard d’acier du jeune homme silencieux de tout à l’ heure. Des chiens se glissent entre les meubles, humides et tremblants
1087 x de tout à l’heure. Des chiens se glissent entre les meubles, humides et tremblants. « Mais je ne sais pas recevoir ! dit-
1088 peur… » — Eh bien ? m’ont demandé mes amis dans la voiture qui nous emporte sous la pluie, qu’en pensez-vous ? — J’ai pe
1089 dé mes amis dans la voiture qui nous emporte sous la pluie, qu’en pensez-vous ? — J’ai pensé que, pour la première fois de
1090 ez-vous ? — J’ai pensé que, pour la première fois de ma vie, je me sens tenté d’écrire la suite du roman. i. Rougemont
1091 pour la première fois de ma vie, je me sens tenté d’ écrire la suite du roman. i. Rougemont Denis de, « Souvenir d’un or
1092 remière fois de ma vie, je me sens tenté d’écrire la suite du roman. i. Rougemont Denis de, « Souvenir d’un orage en Vi
1093 d’écrire la suite du roman. i. Rougemont Denis de , « Souvenir d’un orage en Virginie », Bulletin de la Guilde du livre,
1094 te du roman. i. Rougemont Denis de, « Souvenir d’ un orage en Virginie », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, nove
1095 de, « Souvenir d’un orage en Virginie », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, novembre 1946, p. 282-284.
1096 « Souvenir d’un orage en Virginie », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, novembre 1946, p. 282-284.
8 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Noël à New York (décembre 1946)
1097 k (décembre 1946)j New York, 15 décembre 1945. Le 1er décembre au matin, la ruée vers les magasins s’est déclenchée dan
1098 York, 15 décembre 1945. Le 1er décembre au matin, la ruée vers les magasins s’est déclenchée dans toute l’Amérique, inaugu
1099 mbre 1945. Le 1er décembre au matin, la ruée vers les magasins s’est déclenchée dans toute l’Amérique, inaugurant officiell
1100 uée vers les magasins s’est déclenchée dans toute l’ Amérique, inaugurant officiellement le Yuletide, la saison de Noël. No
1101 dans toute l’Amérique, inaugurant officiellement le Yuletide, la saison de Noël. Nous sommes le 15 et les rayons de jouet
1102 ’Amérique, inaugurant officiellement le Yuletide, la saison de Noël. Nous sommes le 15 et les rayons de jouets sont déjà p
1103 inaugurant officiellement le Yuletide, la saison de Noël. Nous sommes le 15 et les rayons de jouets sont déjà presque vid
1104 ement le Yuletide, la saison de Noël. Nous sommes le 15 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. Cet an
1105 Yuletide, la saison de Noël. Nous sommes le 15 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. Cet an de grâce
1106 a saison de Noël. Nous sommes le 15 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. Cet an de grâce rationnée
1107 jouets sont déjà presque vides à New York. Cet an de grâce rationnée 1945 se termine en pleine équivoque : est-ce la paix
1108 nnée 1945 se termine en pleine équivoque : est-ce la paix déjà ? La guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d
1109 rmine en pleine équivoque : est-ce la paix déjà ? La guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’appétits ranim
1110 e la paix déjà ? La guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’appétits ranimés et d’amertumes durables. Et No
1111  ? La guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’appétits ranimés et d’amertumes durables. Et Noël va tomber a
1112 rre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’ appétits ranimés et d’amertumes durables. Et Noël va tomber au milieu
1113 nces de disette et de luxe, d’appétits ranimés et d’ amertumes durables. Et Noël va tomber au milieu de l’An Un d’une ère d
1114 mertumes durables. Et Noël va tomber au milieu de l’ An Un d’une ère de paix profonde sur la plus grande menace de toute l’
1115 durables. Et Noël va tomber au milieu de l’An Un d’ une ère de paix profonde sur la plus grande menace de toute l’Histoire
1116 Et Noël va tomber au milieu de l’An Un d’une ère de paix profonde sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les enfa
1117 milieu de l’An Un d’une ère de paix profonde sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les enfants, comme les gouver
1118 ne ère de paix profonde sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les enfants, comme les gouvernements, demandent pou
1119 paix profonde sur la plus grande menace de toute l’ Histoire. Les enfants, comme les gouvernements, demandent pour leur No
1120 de sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les enfants, comme les gouvernements, demandent pour leur Noël de petites
1121 de menace de toute l’Histoire. Les enfants, comme les gouvernements, demandent pour leur Noël de petites bombes atomiques.
1122 comme les gouvernements, demandent pour leur Noël de petites bombes atomiques. Trois d’entre eux, à Brooklyn, viennent d’ê
1123 tomiques. Trois d’entre eux, à Brooklyn, viennent d’ être blessés sérieusement, en jouant à faire sauter le monde. Les troi
1124 re blessés sérieusement, en jouant à faire sauter le monde. Les trois Grands, à Moscou, seront-ils plus adroits dans ce mê
1125 sérieusement, en jouant à faire sauter le monde. Les trois Grands, à Moscou, seront-ils plus adroits dans ce même jeu ? On
1126 seront-ils plus adroits dans ce même jeu ? On ne le croirait pas, à les voir. Curieux trio : un loup déguisé en mouton et
1127 roits dans ce même jeu ? On ne le croirait pas, à les voir. Curieux trio : un loup déguisé en mouton et deux moutons vêtus
1128 : un loup déguisé en mouton et deux moutons vêtus de leur vraie peau. Mais rien n’empêche le Waldorf-Astoria d’annoncer qu
1129 ons vêtus de leur vraie peau. Mais rien n’empêche le Waldorf-Astoria d’annoncer que sa nuit de l’An « promet d’être la plu
1130 raie peau. Mais rien n’empêche le Waldorf-Astoria d’ annoncer que sa nuit de l’An « promet d’être la plus grande nuit de l’
1131 empêche le Waldorf-Astoria d’annoncer que sa nuit de l’An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à
1132 êche le Waldorf-Astoria d’annoncer que sa nuit de l’ An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à pa
1133 f-Astoria d’annoncer que sa nuit de l’An « promet d’ être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de $ 20 l
1134 ia d’annoncer que sa nuit de l’An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de $ 20 la place
1135 nuit de l’An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de $ 20 la place ». Nous fûmes hier
1136 it de l’An « promet d’être la plus grande nuit de l’ histoire de l’hôtel — à partir de $ 20 la place ». Nous fûmes hier che
1137 « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de $ 20 la place ». Nous fûmes hier chez Schwartz,
1138 romet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’ hôtel — à partir de $ 20 la place ». Nous fûmes hier chez Schwartz, gr
1139 nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de $ 20 la place ». Nous fûmes hier chez Schwartz, grand magasin de jouets de la
1140 e ». Nous fûmes hier chez Schwartz, grand magasin de jouets de la Cinquième Avenue. « Auriez-vous, dis-je d’un ton suave,
1141 fûmes hier chez Schwartz, grand magasin de jouets de la Cinquième Avenue. « Auriez-vous, dis-je d’un ton suave, quelque ch
1142 ets de la Cinquième Avenue. « Auriez-vous, dis-je d’ un ton suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de la bombe atom
1143 on suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de la bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche,
1144 suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de la bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche, pui
1145 i ressemble à un modèle de la bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche, puis ses yeux s’écarquillèr
1146 modèle de la bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche, puis ses yeux s’écarquillèrent largement :
1147 atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche, puis ses yeux s’écarquillèrent largement : devant nous venait
1148 x s’écarquillèrent largement : devant nous venait d’ apparaître une jeune femme au visage anguleux et couvert de taches de
1149 tre une jeune femme au visage anguleux et couvert de taches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu.
1150 une femme au visage anguleux et couvert de taches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu. « Papa, me
1151 visage anguleux et couvert de taches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu. « Papa, me dit mon peti
1152 aches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu. « Papa, me dit mon petit garçon, c’est Miss Hepburn ! 
1153 rn ! » — « C’est moi ! », dit-elle en lui pinçant la joue, et la vendeuse nous planta là. Il neigeait sur la Cinquième Av
1154 ’est moi ! », dit-elle en lui pinçant la joue, et la vendeuse nous planta là. Il neigeait sur la Cinquième Avenue, sur le
1155 nta là. Il neigeait sur la Cinquième Avenue, sur les paquets enrubannés, sur les fourrures, sur l’arbre immense du Rockefe
1156 Cinquième Avenue, sur les paquets enrubannés, sur les fourrures, sur l’arbre immense du Rockefeller Plaza, transporté avec
1157 ur les paquets enrubannés, sur les fourrures, sur l’ arbre immense du Rockefeller Plaza, transporté avec toutes ses racines
1158 efeller Plaza, transporté avec toutes ses racines d’ un parc où il sera replanté dès janvier, n’ayant coûté que 100 dollars
1159 planté dès janvier, n’ayant coûté que 100 dollars de location à Mr. John D. Rockefeller, car tout se sait. Des haut-parleu
1160 sait. Des haut-parleurs répandaient sans relâche l’ Adeste Fideles et des carols transformés en jazz hot par les klaxons d
1161 Fideles et des carols transformés en jazz hot par les klaxons d’interminables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait l
1162 es carols transformés en jazz hot par les klaxons d’ interminables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait le rêve amér
1163 jazz hot par les klaxons d’interminables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait le rêve américain, le clinquant, l’ir
1164 ables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait le rêve américain, le clinquant, l’irréel, le rose et le doré. Rêve d’en
1165 rafic. Aux vitrines triomphait le rêve américain, le clinquant, l’irréel, le rose et le doré. Rêve d’enfance et d’innocenc
1166 rines triomphait le rêve américain, le clinquant, l’ irréel, le rose et le doré. Rêve d’enfance et d’innocence universelle,
1167 mphait le rêve américain, le clinquant, l’irréel, le rose et le doré. Rêve d’enfance et d’innocence universelle, bercé de
1168 êve américain, le clinquant, l’irréel, le rose et le doré. Rêve d’enfance et d’innocence universelle, bercé de musiques no
1169 le clinquant, l’irréel, le rose et le doré. Rêve d’ enfance et d’innocence universelle, bercé de musiques nostalgiques. No
1170 , l’irréel, le rose et le doré. Rêve d’enfance et d’ innocence universelle, bercé de musiques nostalgiques. Noël, ici, devi
1171 Rêve d’enfance et d’innocence universelle, bercé de musiques nostalgiques. Noël, ici, devient la fête du Bébé Cadum des r
1172 ercé de musiques nostalgiques. Noël, ici, devient la fête du Bébé Cadum des réclames et non plus de cet Enfant vrai qui na
1173 nt la fête du Bébé Cadum des réclames et non plus de cet Enfant vrai qui naquit tant bien que mal dans la paille, sous le
1174 cet Enfant vrai qui naquit tant bien que mal dans la paille, sous le souffle d’un bœuf malodorant. Plus que dix jours pour
1175 qui naquit tant bien que mal dans la paille, sous le souffle d’un bœuf malodorant. Plus que dix jours pour acquérir dans c
1176 tant bien que mal dans la paille, sous le souffle d’ un bœuf malodorant. Plus que dix jours pour acquérir dans cette aimabl
1177 jours pour acquérir dans cette aimable bousculade la bonne conscience que représente une table de famille chargée de cadea
1178 lade la bonne conscience que représente une table de famille chargée de cadeaux enveloppés de papiers brillants, verts, ro
1179 ience que représente une table de famille chargée de cadeaux enveloppés de papiers brillants, verts, rouges, argent et mor
1180 ne table de famille chargée de cadeaux enveloppés de papiers brillants, verts, rouges, argent et mordorés. Pourquoi ces éc
1181 anges éperdus ? Est-ce en souvenir du seul cadeau de paix jamais fait à l’humanité ? Ou bien cette fièvre de rivaliser dan
1182 en souvenir du seul cadeau de paix jamais fait à l’ humanité ? Ou bien cette fièvre de rivaliser dans la dépense, en fin d
1183 x jamais fait à l’humanité ? Ou bien cette fièvre de rivaliser dans la dépense, en fin d’année, est-elle comme chez les pr
1184 humanité ? Ou bien cette fièvre de rivaliser dans la dépense, en fin d’année, est-elle comme chez les primitifs une manièr
1185 cette fièvre de rivaliser dans la dépense, en fin d’ année, est-elle comme chez les primitifs une manière de conjurer le so
1186 s la dépense, en fin d’année, est-elle comme chez les primitifs une manière de conjurer le sort et de se rendre l’an nouvea
1187 ée, est-elle comme chez les primitifs une manière de conjurer le sort et de se rendre l’an nouveau propice ? Plus que dix
1188 comme chez les primitifs une manière de conjurer le sort et de se rendre l’an nouveau propice ? Plus que dix jours pour s
1189 les primitifs une manière de conjurer le sort et de se rendre l’an nouveau propice ? Plus que dix jours pour s’assurer un
1190 s une manière de conjurer le sort et de se rendre l’ an nouveau propice ? Plus que dix jours pour s’assurer une place dans
1191 Plus que dix jours pour s’assurer une place dans le monde des familles, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui se
1192 une place dans le monde des familles, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n’ap
1193 ppartiennent pas à une cellule sociale, formeront la foule de Times Square. Le coudoiement universel leur tiendra lieu d’i
1194 ent pas à une cellule sociale, formeront la foule de Times Square. Le coudoiement universel leur tiendra lieu d’intimité…
1195 lule sociale, formeront la foule de Times Square. Le coudoiement universel leur tiendra lieu d’intimité… Pour moi, j’irai
1196 quare. Le coudoiement universel leur tiendra lieu d’ intimité… Pour moi, j’irai comme chaque année à la messe de minuit des
1197 d’intimité… Pour moi, j’irai comme chaque année à la messe de minuit des protestants, dans la plus grande église gothique
1198 é… Pour moi, j’irai comme chaque année à la messe de minuit des protestants, dans la plus grande église gothique du monde,
1199 année à la messe de minuit des protestants, dans la plus grande église gothique du monde, la Cathédrale de Saint-Jean-de-
1200 ts, dans la plus grande église gothique du monde, la Cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New Y
1201 us grande église gothique du monde, la Cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New York. Dix mille
1202 monde, la Cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New York. Dix mille personnes y chanteront des c
1203 de, la Cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’ évêque anglican de New York. Dix mille personnes y chanteront des caro
1204 de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New York. Dix mille personnes y chanteront des carols avant la proces
1205 Dix mille personnes y chanteront des carols avant la procession du chœur et du clergé, précédée de porteurs de torches à l
1206 ant la procession du chœur et du clergé, précédée de porteurs de torches à la Burne Jones. Et, comme chaque année, j’enten
1207 ssion du chœur et du clergé, précédée de porteurs de torches à la Burne Jones. Et, comme chaque année, j’entendrai le Cred
1208 r et du clergé, précédée de porteurs de torches à la Burne Jones. Et, comme chaque année, j’entendrai le Credo de Gretchan
1209 Burne Jones. Et, comme chaque année, j’entendrai le Credo de Gretchaninov et le motet de Prætorius, Une rose est née… Et
1210 nes. Et, comme chaque année, j’entendrai le Credo de Gretchaninov et le motet de Prætorius, Une rose est née… Et je me dir
1211 ue année, j’entendrai le Credo de Gretchaninov et le motet de Prætorius, Une rose est née… Et je me dirai que l’Amérique n
1212 j’entendrai le Credo de Gretchaninov et le motet de Prætorius, Une rose est née… Et je me dirai que l’Amérique n’a pas en
1213 e Prætorius, Une rose est née… Et je me dirai que l’ Amérique n’a pas encore très bien compris les traditions, parce qu’ell
1214 i que l’Amérique n’a pas encore très bien compris les traditions, parce qu’elle les respecte un peu trop… Times Square, tou
1215 e très bien compris les traditions, parce qu’elle les respecte un peu trop… Times Square, tous ses feux rallumés, semblera
1216 lera célébrer un V Day, une nouvelle victoire sur le temps, comme si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’app
1217 mps, comme si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guard
1218 ui gagne à tous les coups. Qu’apportera cette fin d’ année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une derni
1219 u’apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recette aux ménagères po
1220 pportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recette aux ménagères pour
1221 e fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recette aux ménagères pour cuire la dind
1222 ant une dernière recette aux ménagères pour cuire la dinde. Politicien rusé autant qu’honnête, gros petit homme à la face
1223 ticien rusé autant qu’honnête, gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette ou le Chapeau, comme le peuple
1224 usé autant qu’honnête, gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette ou le Chapeau, comme le peuple l’a bapt
1225 e, gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette ou le Chapeau, comme le peuple l’a baptisé, saisissant la b
1226 mme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette ou le Chapeau, comme le peuple l’a baptisé, saisissant la baguette des main
1227 lown, Fiorello, la Fleurette ou le Chapeau, comme le peuple l’a baptisé, saisissant la baguette des mains du chef dirigera
1228 ello, la Fleurette ou le Chapeau, comme le peuple l’ a baptisé, saisissant la baguette des mains du chef dirigera pour la d
1229 Chapeau, comme le peuple l’a baptisé, saisissant la baguette des mains du chef dirigera pour la dernière fois l’orchestre
1230 des mains du chef dirigera pour la dernière fois l’ orchestre ou la fanfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le
1231 hef dirigera pour la dernière fois l’orchestre ou la fanfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, no
1232 a pour la dernière fois l’orchestre ou la fanfare d’ un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons
1233 l’orchestre ou la fanfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de Ne
1234 tre ou la fanfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York.
1235 anfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York. Tammany rev
1236 le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York. Tammany reviendra au pouvoir. Et Roosevel
1237 , le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York. Tammany reviendra au pouvoir. Et Roosevelt n’est pas rempla
1238 uvoir. Et Roosevelt n’est pas remplacé… Et toutes les utopies prévues par l’avant-guerre entreront dans la voie des réalisa
1239 t pas remplacé… Et toutes les utopies prévues par l’ avant-guerre entreront dans la voie des réalisations. Déjà l’on met en
1240 utopies prévues par l’avant-guerre entreront dans la voie des réalisations. Déjà l’on met en vente la « bicyclette du ciel
1241 rre entreront dans la voie des réalisations. Déjà l’ on met en vente la « bicyclette du ciel », un petit avion de 1000 doll
1242 la voie des réalisations. Déjà l’on met en vente la « bicyclette du ciel », un petit avion de 1000 dollars. Déjà les banq
1243 n vente la « bicyclette du ciel », un petit avion de 1000 dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent des guichets extéri
1244 e du ciel », un petit avion de 1000 dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent des guichets extérieurs où l’on peut dépos
1245 un petit avion de 1000 dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent des guichets extérieurs où l’on peut déposer de l’arg
1246 ues de Buffalo ouvrent des guichets extérieurs où l’ on peut déposer de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les bic
1247 rent des guichets extérieurs où l’on peut déposer de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims s
1248 t des guichets extérieurs où l’on peut déposer de l’ argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims sont
1249 s où l’on peut déposer de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims sont amenés dans les forêts
1250 er de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims sont amenés dans les forêts de chasse au moyen de
1251 sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims sont amenés dans les forêts de chasse au moyen de taxis aériens
1252 re. Déjà les biches et les daims sont amenés dans les forêts de chasse au moyen de taxis aériens. Déjà la télévision en cou
1253 s biches et les daims sont amenés dans les forêts de chasse au moyen de taxis aériens. Déjà la télévision en couleurs prou
1254 forêts de chasse au moyen de taxis aériens. Déjà la télévision en couleurs prouve qu’elle ne le cède en rien à la photogr
1255 Déjà la télévision en couleurs prouve qu’elle ne le cède en rien à la photographie pour « le brillant et la précision du
1256 n en couleurs prouve qu’elle ne le cède en rien à la photographie pour « le brillant et la précision du détail », qualités
1257 ’elle ne le cède en rien à la photographie pour «  le brillant et la précision du détail », qualités préférées de l’América
1258 e en rien à la photographie pour « le brillant et la précision du détail », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’on n
1259 t et la précision du détail », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la
1260 t la précision du détail », qualités préférées de l’ Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bom
1261 détail », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’ on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le
1262 préférées de l’Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le love interest ne
1263 à l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le love interest ne manquera pas ; cependant que d
1264 Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le love interest ne manquera pas ; cependant que déjà le New Yorker se m
1265 ove interest ne manquera pas ; cependant que déjà le New Yorker se moque des clichés à la mode au sujet de cette invention
1266 ant que déjà le New Yorker se moque des clichés à la mode au sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’humanité
1267 a mode au sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le S
1268 au sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le Syndicat
1269 sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’ humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le Syndicat de
1270 invention « qui signifie la fin de l’humanité ou l’ aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le Syndicat des ouvriers de
1271 ion « qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’ un âge d’or » à votre choix. Déjà, le Syndicat des ouvriers de l’indus
1272 signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’ or » à votre choix. Déjà, le Syndicat des ouvriers de l’industrie auto
1273 té ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le Syndicat des ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford un contr
1274 r » à votre choix. Déjà, le Syndicat des ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford un contrat collectif qui le proté
1275 à votre choix. Déjà, le Syndicat des ouvriers de l’ industrie automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protéger
1276 automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protégera, lui le patron, contre les grèves irrégulières. Car la forc
1277 à Ford un contrat collectif qui le protégera, lui le patron, contre les grèves irrégulières. Car la force et l’initiative
1278 collectif qui le protégera, lui le patron, contre les grèves irrégulières. Car la force et l’initiative ont changé de camp,
1279 ui le patron, contre les grèves irrégulières. Car la force et l’initiative ont changé de camp, et les vainqueurs se montre
1280 , contre les grèves irrégulières. Car la force et l’ initiative ont changé de camp, et les vainqueurs se montrent généreux.
1281 gulières. Car la force et l’initiative ont changé de camp, et les vainqueurs se montrent généreux. Et déjà les pasteurs et
1282 r la force et l’initiative ont changé de camp, et les vainqueurs se montrent généreux. Et déjà les pasteurs et les prêtres
1283 , et les vainqueurs se montrent généreux. Et déjà les pasteurs et les prêtres se préparent à parler du message de Noël aux
1284 urs se montrent généreux. Et déjà les pasteurs et les prêtres se préparent à parler du message de Noël aux « hommes de bonn
1285 s et les prêtres se préparent à parler du message de Noël aux « hommes de bonne volonté », répétant sans scrupules avec M.
1286 réparent à parler du message de Noël aux « hommes de bonne volonté », répétant sans scrupules avec M. Romains une grave er
1287 t sans scrupules avec M. Romains une grave erreur de traduction. Car l’Évangile dans le texte original dit simplement : « 
1288 ec M. Romains une grave erreur de traduction. Car l’ Évangile dans le texte original dit simplement : « Paix sur la terre,
1289 e grave erreur de traduction. Car l’Évangile dans le texte original dit simplement : « Paix sur la terre, bonne volonté (d
1290 ans le texte original dit simplement : « Paix sur la terre, bonne volonté (de Dieu) envers les hommes ». Est-il besoin de
1291 simplement : « Paix sur la terre, bonne volonté ( de Dieu) envers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves,
1292 Paix sur la terre, bonne volonté (de Dieu) envers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine e
1293 onté (de Dieu) envers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre
1294 é (de Dieu) envers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre end
1295 s ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, e
1296 . Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et d
1297 be, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la pe
1298 et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur
1299 e européenne, et de la guerre endémique dans tout l’ Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux
1300 et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des
1301 de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nat
1302 ndémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de l’a
1303 mique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de l’anti
1304 roques qui président aux rapports des nations, et de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de
1305 ues qui président aux rapports des nations, et de l’ antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’E
1306 x rapports des nations, et de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’Europe, pour que nous
1307 apports des nations, et de l’antisémitisme, et de l’ antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’Europe, pour que nous co
1308 et de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’Europe, pour que nous comprenions que les hom
1309 de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’ antiaméricanisme de l’Europe, pour que nous comprenions que les hommes
1310 et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’Europe, pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bo
1311 de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’ Europe, pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bonne
1312 anisme de l’Europe, pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart sont involontaires.
1313 nt que subir leur condition. À Times Square, dans la foule compacte et lente, dans la rumeur assourdissante des petites tr
1314 mes Square, dans la foule compacte et lente, dans la rumeur assourdissante des petites trompettes de foire et des crécelle
1315 s la rumeur assourdissante des petites trompettes de foire et des crécelles, GI Joe, le combattant moyen, se dira : « Well
1316 tes trompettes de foire et des crécelles, GI Joe, le combattant moyen, se dira : « Well, c’était donc pour tout cela… »
1317 tait donc pour tout cela… » j. Rougemont Denis de , « Noël à New York », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, décem
1318 Rougemont Denis de, « Noël à New York », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, décembre 1946, p. 295-296.
1319 gemont Denis de, « Noël à New York », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, décembre 1946, p. 295-296.
9 1947, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Slums (janvier 1947)
1320 Slums (janvier 1947)k l La 75e rue n’a rien de particulier. Elle part luxueusement de la Cinquiè
1321 Slums (janvier 1947)k l La 75e rue n’a rien de particulier. Elle part luxueusement de la Cinquième Avenue et de Cent
1322 e n’a rien de particulier. Elle part luxueusement de la Cinquième Avenue et de Central Park, traverse en direction de l’es
1323 Elle part luxueusement de la Cinquième Avenue et de Central Park, traverse en direction de l’est de beaux quartiers gris
1324 Avenue et de Central Park, traverse en direction de l’est de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, c
1325 enue et de Central Park, traverse en direction de l’ est de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, chan
1326 t de Central Park, traverse en direction de l’est de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, change sub
1327 direction de l’est de beaux quartiers gris clair d’ un gothique sobre et astiqué, change subitement d’aspect et tourne au
1328 d’un gothique sobre et astiqué, change subitement d’ aspect et tourne au populaire un demi-block après Lexington Avenue, pe
1329 n Avenue, perd toute tenue dès qu’elle a traversé les piliers du métro aérien qui longe encore la Troisième Avenue, s’anime
1330 la Troisième Avenue, s’anime alors dangereusement d’ enfants s’exerçant au base-ball parmi des seaux d’ordures plus hauts q
1331 d’enfants s’exerçant au base-ball parmi des seaux d’ ordures plus hauts qu’eux et des tourbillons fous de papiers sales, po
1332 ordures plus hauts qu’eux et des tourbillons fous de papiers sales, pour s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de l’E
1333 piers sales, pour s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de l’East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomè
1334 , pour s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de l’East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomètre et dem
1335 our s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de l’ East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomètre et demi,
1336 e béante sur les fumées de l’East River, au terme d’ un parcours rectiligne d’un kilomètre et demi, sans changer de largeur
1337 e l’East River, au terme d’un parcours rectiligne d’ un kilomètre et demi, sans changer de largeur. (Seuls les trottoirs se
1338 s rectiligne d’un kilomètre et demi, sans changer de largeur. (Seuls les trottoirs se rétrécissent.) Cette rue, comme cent
1339 ilomètre et demi, sans changer de largeur. (Seuls les trottoirs se rétrécissent.) Cette rue, comme cent autres pareilles, f
1340 , comme cent autres pareilles, fait voir en coupe la société américaine. C’est une coupe mégaloscopique — le contraire de
1341 iété américaine. C’est une coupe mégaloscopique — le contraire de microscopique — permettant l’examen à l’œil nu. Décrivon
1342 ne. C’est une coupe mégaloscopique — le contraire de microscopique — permettant l’examen à l’œil nu. Décrivons sa partie i
1343 ique — le contraire de microscopique — permettant l’ examen à l’œil nu. Décrivons sa partie inférieure. La rue huileuse, p
1344 ontraire de microscopique — permettant l’examen à l’ œil nu. Décrivons sa partie inférieure. La rue huileuse, parsemée de
1345 amen à l’œil nu. Décrivons sa partie inférieure. La rue huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’écl
1346 sa partie inférieure. La rue huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de n
1347 . La rue huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au r
1348 huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des
1349 parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’ éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des trottoirs.
1350 de vieilles lettres, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des trottoirs. Les enfa
1351 s, de bouts de bois et d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des trottoirs. Les enfants qui ne jouent
1352 tas de neige noircissent au rebord des trottoirs. Les enfants qui ne jouent plus à la balle parce que la nuit vient de desc
1353 d des trottoirs. Les enfants qui ne jouent plus à la balle parce que la nuit vient de descendre — depuis cinq ans que je c
1354 s enfants qui ne jouent plus à la balle parce que la nuit vient de descendre — depuis cinq ans que je circule dans cette v
1355 cette ville, je n’ai jamais été touché, ils sont d’ une folle brutalité, mais surpassée par leur adresse — allument des fe
1356 leur adresse — allument des feux avec des arbres de Noël roussis, des morceaux de caisses, d’immenses cartonnages goudron
1357 eux avec des arbres de Noël roussis, des morceaux de caisses, d’immenses cartonnages goudronnés. Flammes gaies sur le couc
1358 arbres de Noël roussis, des morceaux de caisses, d’ immenses cartonnages goudronnés. Flammes gaies sur le couchant rose et
1359 mmenses cartonnages goudronnés. Flammes gaies sur le couchant rose et fuligineux, en rectangle au bout de la rue, légèreme
1360 chant rose et fuligineux, en rectangle au bout de la rue, légèrement mordue par la silhouette des escaliers de sauvetage.
1361 ectangle au bout de la rue, légèrement mordue par la silhouette des escaliers de sauvetage. Ces grands seaux à ordures en
1362 légèrement mordue par la silhouette des escaliers de sauvetage. Ces grands seaux à ordures en métal, rarement ou mal vidés
1363 ment ou mal vidés dans ce quartier, débordent sur la neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes
1364 és dans ce quartier, débordent sur la neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes d’entrée. Porte
1365 rtier, débordent sur la neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes d’entrée. Portes étroites, o
1366 liers de quatre marches qui conduisent aux portes d’ entrée. Portes étroites, ouvrant sur des couloirs hauts et profonds où
1367 nds où deux personnes peuvent à peine se croiser. L’ angoisse me prend chaque fois que j’y pénètre. (Rappel inconscient de
1368 chaque fois que j’y pénètre. (Rappel inconscient de la naissance, me dirait un psychanalyste.) Les boîtes à lettres porte
1369 aque fois que j’y pénètre. (Rappel inconscient de la naissance, me dirait un psychanalyste.) Les boîtes à lettres portent
1370 ent de la naissance, me dirait un psychanalyste.) Les boîtes à lettres portent des noms en cek, nous sommes dans le quartie
1371 lettres portent des noms en cek, nous sommes dans le quartier slovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au troisième. La porte
1372 nous sommes dans le quartier slovaque. Je gravis l’ escalier jusqu’au troisième. La porte donne dans la cuisine. En face d
1373 lovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au troisième. La porte donne dans la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui est c
1374 ’escalier jusqu’au troisième. La porte donne dans la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui est censé chauffer l’appa
1375 ace du fourneau à charbon, qui est censé chauffer l’ appartement, une espèce de baignoire couverte et fort étroite se dress
1376 qui est censé chauffer l’appartement, une espèce de baignoire couverte et fort étroite se dresse sur quatre pieds de font
1377 uverte et fort étroite se dresse sur quatre pieds de fonte : il faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De la cuisin
1378 il faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De la cuisine, on passe par une baie sans porte dans le front room, qui
1379 faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De la cuisine, on passe par une baie sans porte dans le front room, qui don
1380 la cuisine, on passe par une baie sans porte dans le front room, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux
1381 baie sans porte dans le front room, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtr
1382 s porte dans le front room, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni po
1383 front room, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni portes, suivies d’
1384 nt room, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni portes, suivies d’une
1385 petites chambres sans fenêtres ni portes, suivies d’ une autre pièce plus large sur la cour. Ce logis, qui n’est guère qu’u
1386 portes, suivies d’une autre pièce plus large sur la cour. Ce logis, qui n’est guère qu’un corridor légèrement cloisonné,
1387 ’un corridor légèrement cloisonné, s’annonce dans les journaux : « cinq pièces, eau chaude et bains ». Il existe dans Manha
1388 t bains ». Il existe dans Manhattan des centaines de milliers de logis construits sur ce même type : deux pièces claires s
1389 l existe dans Manhattan des centaines de milliers de logis construits sur ce même type : deux pièces claires sur cour et s
1390 reliées par deux ou trois alvéoles aveugles. Tout l’ East Side populaire est ainsi, sur une vingtaine de kilomètres. Je me
1391 ’East Side populaire est ainsi, sur une vingtaine de kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol e
1392 , sur une vingtaine de kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol est jonché de plâtras, de journ
1393 kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui b
1394 lomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui boug
1395 Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou c
1396 fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont peut-être d
1397 -dessus de la cour. Le sol est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont peut-être des chats. De
1398 cour. Le sol est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont peut-être des chats. Des cordes tend
1399 sont peut-être des chats. Des cordes tendues sur l’ abîme supportent des lessives et de grands draps claquants. Du haut en
1400 es tendues sur l’abîme supportent des lessives et de grands draps claquants. Du haut en bas des façades de brique zigzague
1401 rands draps claquants. Du haut en bas des façades de brique zigzaguent les noirs escaliers de sauvetage. Dans un sous-sol
1402 . Du haut en bas des façades de brique zigzaguent les noirs escaliers de sauvetage. Dans un sous-sol violemment éclairé, je
1403 façades de brique zigzaguent les noirs escaliers de sauvetage. Dans un sous-sol violemment éclairé, je vois quelques Chin
1404 se femme en peignoir qui se farde à gestes menus. Le concierge irlandais hurle dans l’escalier. Des enfants pleurent parmi
1405 à gestes menus. Le concierge irlandais hurle dans l’ escalier. Des enfants pleurent parmi les radios nostalgiques, des fenê
1406 hurle dans l’escalier. Des enfants pleurent parmi les radios nostalgiques, des fenêtres s’allument et s’éteignent. On peut
1407 ais dans un cadre strictement rectangulaire. Tous les objets qu’on voit sont des rectangles, à part les chiffons et les cha
1408 les objets qu’on voit sont des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumièr
1409 voit sont des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes
1410 des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes du soir, s’
1411 t les chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes du soir, s’étagent en silhouettes sur le ciel r
1412 s façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes du soir, s’étagent en silhouettes sur le ciel rouge. Une radio
1413 t de scènes du soir, s’étagent en silhouettes sur le ciel rouge. Une radio clame Amapola, plus fort que tout, dans la cour
1414 Une radio clame Amapola, plus fort que tout, dans la cour où les draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York
1415 lame Amapola, plus fort que tout, dans la cour où les draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York possède aus
1416 que tout, dans la cour où les draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York possède aussi deux-cents gratte-c
1417 ew York possède aussi deux-cents gratte-ciel pour les bureaux, et quelques belles avenues de résidences pour les directeurs
1418 ciel pour les bureaux, et quelques belles avenues de résidences pour les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de
1419 ux, et quelques belles avenues de résidences pour les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’étranger. k. Ro
1420 belles avenues de résidences pour les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’étranger. k. Rougemont Denis
1421 les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’étranger. k. Rougemont Denis de, « Slums », Bulletin de la Guild
1422 directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’ étranger. k. Rougemont Denis de, « Slums », Bulletin de la Guilde d
1423 u’on en voit de l’étranger. k. Rougemont Denis de , « Slums », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, janvier 1947, p
1424 er. k. Rougemont Denis de, « Slums », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, janvier 1947, p. 15-16. l. Précédé de
1425 k. Rougemont Denis de, « Slums », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, janvier 1947, p. 15-16. l. Précédé de la
1426 re, Lausanne, janvier 1947, p. 15-16. l. Précédé de la note suivante : « Extrait du Journal des deux mondes . »
1427 Lausanne, janvier 1947, p. 15-16. l. Précédé de la note suivante : « Extrait du Journal des deux mondes . »
10 1947, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu (décembre 1947)
1428 Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle ? Et les tristes discours… … Est-ce quelque dédale où ta raison perdue Ne se r
1429 e se retrouve pas ? Malherbe Différence entre les Accusations et les Calomnies. On ne peut donner aux gardiens de la li
1430 Malherbe Différence entre les Accusations et les Calomnies. On ne peut donner aux gardiens de la liberté d’un État un
1431 et les Calomnies. On ne peut donner aux gardiens de la liberté d’un État un droit plus utile et plus nécessaire que celui
1432 les Calomnies. On ne peut donner aux gardiens de la liberté d’un État un droit plus utile et plus nécessaire que celui de
1433 ies. On ne peut donner aux gardiens de la liberté d’ un État un droit plus utile et plus nécessaire que celui de pouvoir ac
1434 un droit plus utile et plus nécessaire que celui de pouvoir accuser, soit devant le peuple, soit devant un magistrat ou t
1435 essaire que celui de pouvoir accuser, soit devant le peuple, soit devant un magistrat ou tribunal quelconque, les citoyens
1436 soit devant un magistrat ou tribunal quelconque, les citoyens qui auraient commis un délit contre cette liberté… Mais auta
1437 cusations sont utiles dans une république, autant les calomnies sont dangereuses et sans but… On accuse les citoyens devant
1438 calomnies sont dangereuses et sans but… On accuse les citoyens devant les magistrats, on les calomnie sur les places publiq
1439 reuses et sans but… On accuse les citoyens devant les magistrats, on les calomnie sur les places publiques, dans les assemb
1440 On accuse les citoyens devant les magistrats, on les calomnie sur les places publiques, dans les assemblées particulières.
1441 toyens devant les magistrats, on les calomnie sur les places publiques, dans les assemblées particulières. Machiavel : Dis
1442 s, on les calomnie sur les places publiques, dans les assemblées particulières. Machiavel : Discours sur la Première Décad
1443 res. Machiavel : Discours sur la Première Décade de Tite-Live, chap. VII. Une accusation Le 13 novembre 1947, on po
1444 ade de Tite-Live, chap. VII. Une accusation Le 13 novembre 1947, on pouvait lire dans notre presse de copieux compte
1445 novembre 1947, on pouvait lire dans notre presse de copieux comptes rendus de la plaidoirie prononcée par Me Duperrier lo
1446 lire dans notre presse de copieux comptes rendus de la plaidoirie prononcée par Me Duperrier lors du procès de son client
1447 re dans notre presse de copieux comptes rendus de la plaidoirie prononcée par Me Duperrier lors du procès de son client Ge
1448 idoirie prononcée par Me Duperrier lors du procès de son client Georges Oltramare. Ainsi dans la Gazette de Lausanne  :
1449 rocès de son client Georges Oltramare. Ainsi dans la Gazette de Lausanne  : Un rapprochement surprenant Me Duperrier, br
1450 client Georges Oltramare. Ainsi dans la Gazette de Lausanne  : Un rapprochement surprenant Me Duperrier, brandissant le
1451 approchement surprenant Me Duperrier, brandissant le livre de Denis de Rougemont, Journal des deux mondes , se lance alor
1452 ent surprenant Me Duperrier, brandissant le livre de Denis de Rougemont, Journal des deux mondes , se lance alors à corps
1453 corps perdu dans une accusation qui ne laisse pas de susciter l’étonnement de l’auditoire. Après s’être livré à quelques p
1454 dans une accusation qui ne laisse pas de susciter l’ étonnement de l’auditoire. Après s’être livré à quelques persiflages d
1455 sation qui ne laisse pas de susciter l’étonnement de l’auditoire. Après s’être livré à quelques persiflages de fort mauvai
1456 ion qui ne laisse pas de susciter l’étonnement de l’ auditoire. Après s’être livré à quelques persiflages de fort mauvais g
1457 itoire. Après s’être livré à quelques persiflages de fort mauvais goût contre l’écrivain neuchâtelois auquel il décerne fa
1458 quelques persiflages de fort mauvais goût contre l’ écrivain neuchâtelois auquel il décerne faussement le titre de corresp
1459 crivain neuchâtelois auquel il décerne faussement le titre de correspondant attitré de notre journal, il lit à la cour l’a
1460 euchâtelois auquel il décerne faussement le titre de correspondant attitré de notre journal, il lit à la cour l’admirable
1461 erne faussement le titre de correspondant attitré de notre journal, il lit à la cour l’admirable morceau que de Rougemont
1462 correspondant attitré de notre journal, il lit à la cour l’admirable morceau que de Rougemont a dédié à Paris envahi par
1463 ondant attitré de notre journal, il lit à la cour l’ admirable morceau que de Rougemont a dédié à Paris envahi par les Alle
1464 rceau que de Rougemont a dédié à Paris envahi par les Allemands et qui, paru dans la Gazette en juin 1940, lui valut une sa
1465 Paris envahi par les Allemands et qui, paru dans la Gazette en juin 1940, lui valut une sanction de la censure. L’écrivai
1466 s la Gazette en juin 1940, lui valut une sanction de la censure. L’écrivain ayant quitté peu après la Suisse pour les État
1467 a Gazette en juin 1940, lui valut une sanction de la censure. L’écrivain ayant quitté peu après la Suisse pour les États-U
1468 juin 1940, lui valut une sanction de la censure. L’ écrivain ayant quitté peu après la Suisse pour les États-Unis, l’avoca
1469 de la censure. L’écrivain ayant quitté peu après la Suisse pour les États-Unis, l’avocat se croit dès lors fondé à assimi
1470 L’écrivain ayant quitté peu après la Suisse pour les États-Unis, l’avocat se croit dès lors fondé à assimiler sa situation
1471 t quitté peu après la Suisse pour les États-Unis, l’ avocat se croit dès lors fondé à assimiler sa situation à celle de son
1472 t dès lors fondé à assimiler sa situation à celle de son client. « Si ces deux hommes ont pris ensuite des chemins opposés
1473 deux hommes ont pris ensuite des chemins opposés, le départ est le même », affirme l’avocat qui cite longuement les passag
1474 t pris ensuite des chemins opposés, le départ est le même », affirme l’avocat qui cite longuement les passages où Denis de
1475 chemins opposés, le départ est le même », affirme l’ avocat qui cite longuement les passages où Denis de Rongement relate s
1476 t le même », affirme l’avocat qui cite longuement les passages où Denis de Rongement relate son activité d’homme de lettres
1477 assages où Denis de Rongement relate son activité d’ homme de lettres à la radio américaine. J’ai l’honneur, M. le procureu
1478 où Denis de Rongement relate son activité d’homme de lettres à la radio américaine. J’ai l’honneur, M. le procureur généra
1479 ongement relate son activité d’homme de lettres à la radio américaine. J’ai l’honneur, M. le procureur général, s’écrie Me
1480 té d’homme de lettres à la radio américaine. J’ai l’ honneur, M. le procureur général, s’écrie Me Duperrier, de me faire ic
1481 lettres à la radio américaine. J’ai l’honneur, M. le procureur général, s’écrie Me Duperrier, de me faire ici le dénonciat
1482 r, M. le procureur général, s’écrie Me Duperrier, de me faire ici le dénonciateur de Denis de Rougemont. et dans la Feuil
1483 ur général, s’écrie Me Duperrier, de me faire ici le dénonciateur de Denis de Rougemont. et dans la Feuille d’Avis de Neu
1484 rie Me Duperrier, de me faire ici le dénonciateur de Denis de Rougemont. et dans la Feuille d’Avis de Neuchâtel : Les pl
1485 i le dénonciateur de Denis de Rougemont. et dans la Feuille d’Avis de Neuchâtel : Les plaidoiries au procès Oltramare :
1486 iateur de Denis de Rougemont. et dans la Feuille d’ Avis de Neuchâtel : Les plaidoiries au procès Oltramare : où il est q
1487 de Denis de Rougemont. et dans la Feuille d’Avis de Neuchâtel : Les plaidoiries au procès Oltramare : où il est question
1488 emont. et dans la Feuille d’Avis de Neuchâtel : Les plaidoiries au procès Oltramare : où il est question de Denis de Roug
1489 idoiries au procès Oltramare : où il est question de Denis de Rougemont L’avocat fait ensuite un parallèle entre l’attitud
1490 ramare : où il est question de Denis de Rougemont L’ avocat fait ensuite un parallèle entre l’attitude de son client et cel
1491 ougemont L’avocat fait ensuite un parallèle entre l’ attitude de son client et celle de l’écrivain Denis de Rougemont qui,
1492 avocat fait ensuite un parallèle entre l’attitude de son client et celle de l’écrivain Denis de Rougemont qui, constate le
1493 parallèle entre l’attitude de son client et celle de l’écrivain Denis de Rougemont qui, constate le défenseur d’Oltramare,
1494 allèle entre l’attitude de son client et celle de l’ écrivain Denis de Rougemont qui, constate le défenseur d’Oltramare, es
1495 le de l’écrivain Denis de Rougemont qui, constate le défenseur d’Oltramare, est allé se mettre au service de la BBO. Il se
1496 ain Denis de Rougemont qui, constate le défenseur d’ Oltramare, est allé se mettre au service de la BBO. Il se demande si,
1497 enseur d’Oltramare, est allé se mettre au service de la BBO. Il se demande si, ce faisant, Denis de Rougemont n’a pas mis
1498 eur d’Oltramare, est allé se mettre au service de la BBO. Il se demande si, ce faisant, Denis de Rougemont n’a pas mis la
1499 de si, ce faisant, Denis de Rougemont n’a pas mis la sécurité du pays en danger. Une calomnie Peu de temps auparava
1500 ger. Une calomnie Peu de temps auparavant, les Éditions Fontaine, à Paris, avaient publié le recueil des conférences
1501 t, les Éditions Fontaine, à Paris, avaient publié le recueil des conférences prononcées l’hiver dernier en Sorbonne sous l
1502 ient publié le recueil des conférences prononcées l’ hiver dernier en Sorbonne sous les auspices de l’Unesco. À la page 100
1503 ences prononcées l’hiver dernier en Sorbonne sous les auspices de l’Unesco. À la page 100 de ce recueil, M. Aragon déclare
1504 ées l’hiver dernier en Sorbonne sous les auspices de l’Unesco. À la page 100 de ce recueil, M. Aragon déclare que je n’ai
1505 l’hiver dernier en Sorbonne sous les auspices de l’ Unesco. À la page 100 de ce recueil, M. Aragon déclare que je n’ai « j
1506 nier en Sorbonne sous les auspices de l’Unesco. À la page 100 de ce recueil, M. Aragon déclare que je n’ai « jamais cessé
1507 onne sous les auspices de l’Unesco. À la page 100 de ce recueil, M. Aragon déclare que je n’ai « jamais cessé au temps de
1508 lare que je n’ai « jamais cessé au temps de Vichy d’ être publié en France », et il insinue que si j’attaque aujourd’hui le
1509 nce », et il insinue que si j’attaque aujourd’hui le nationalisme, c’est pour mieux « passer sous silence l’hitlérisme ».
1510 ionalisme, c’est pour mieux « passer sous silence l’ hitlérisme ». Qui croire ? Ainsi donc, selon Me Duperrier, j’ai
1511 e ? Ainsi donc, selon Me Duperrier, j’ai passé le temps de la guerre à « mettre en danger la sécurité de mon pays », et
1512 nsi donc, selon Me Duperrier, j’ai passé le temps de la guerre à « mettre en danger la sécurité de mon pays », et cela par
1513 donc, selon Me Duperrier, j’ai passé le temps de la guerre à « mettre en danger la sécurité de mon pays », et cela par mo
1514 passé le temps de la guerre à « mettre en danger la sécurité de mon pays », et cela par mon activité antinazie, tandis qu
1515 mps de la guerre à « mettre en danger la sécurité de mon pays », et cela par mon activité antinazie, tandis que, d’après A
1516 nazie, tandis que, d’après Aragon, j’aurais passé le même temps à « passer sous silence » le nazisme et l’antisémitisme, e
1517 ais passé le même temps à « passer sous silence » le nazisme et l’antisémitisme, et cela pour publier mes livres sous Vich
1518 ême temps à « passer sous silence » le nazisme et l’ antisémitisme, et cela pour publier mes livres sous Vichy, c’est-à-dir
1519 blier mes livres sous Vichy, c’est-à-dire du côté d’ Oltramare. Ces deux griefs s’accordant mal, qui devons-nous croire ? R
1520 tribunal, a brandi ses preuves : mon Journal dans l’ édition reliée de la Guilde. Tandis que M. Aragon, devant une « assemb
1521 i ses preuves : mon Journal dans l’édition reliée de la Guilde. Tandis que M. Aragon, devant une « assemblée particulière 
1522 es preuves : mon Journal dans l’édition reliée de la Guilde. Tandis que M. Aragon, devant une « assemblée particulière »,
1523 été bien empêché, car si quelqu’un n’a pas cessé d’ être publié sous Vichy, c’est lui et non pas moi ; et si quelqu’un a v
1524 Avec Tite-Live et son commentateur, je suis pour les accusations mais contre les calomnies, parce que je suis pour la libe
1525 ntateur, je suis pour les accusations mais contre les calomnies, parce que je suis pour la liberté qui est du courage mais
1526 mais contre les calomnies, parce que je suis pour la liberté qui est du courage mais contre la licence qui est du fanatism
1527 is pour la liberté qui est du courage mais contre la licence qui est du fanatisme, ou de la lâcheté, ou simplement (reston
1528 e mais contre la licence qui est du fanatisme, ou de la lâcheté, ou simplement (restons courtois) de l’étourderie. Où j
1529 ais contre la licence qui est du fanatisme, ou de la lâcheté, ou simplement (restons courtois) de l’étourderie. Où je m
1530 u de la lâcheté, ou simplement (restons courtois) de l’étourderie. Où je me vois sommé de répondre Lorsque j’ai lu d
1531 e la lâcheté, ou simplement (restons courtois) de l’ étourderie. Où je me vois sommé de répondre Lorsque j’ai lu de q
1532 courtois) de l’étourderie. Où je me vois sommé de répondre Lorsque j’ai lu de quoi l’on accusait Georges Oltramare,
1533 ù je me vois sommé de répondre Lorsque j’ai lu de quoi l’on accusait Georges Oltramare, quelques jours avant son procès
1534 vois sommé de répondre Lorsque j’ai lu de quoi l’ on accusait Georges Oltramare, quelques jours avant son procès, je me
1535 me suis dit, songeant à ma propre action pendant la guerre : « Quel curieux parallèle et quel joli contraste ! Se trouver
1536 joli contraste ! Se trouvera-t-il quelqu’un pour les relever ? » Et puis les circonstances de ma vie ne m’ont plus laissé
1537 uvera-t-il quelqu’un pour les relever ? » Et puis les circonstances de ma vie ne m’ont plus laissé le loisir d’y penser, ni
1538 un pour les relever ? » Et puis les circonstances de ma vie ne m’ont plus laissé le loisir d’y penser, ni même de bien lir
1539 les circonstances de ma vie ne m’ont plus laissé le loisir d’y penser, ni même de bien lire les journaux. Mais voici ce m
1540 nstances de ma vie ne m’ont plus laissé le loisir d’ y penser, ni même de bien lire les journaux. Mais voici ce matin sur m
1541 e m’ont plus laissé le loisir d’y penser, ni même de bien lire les journaux. Mais voici ce matin sur mon bureau une de ces
1542 laissé le loisir d’y penser, ni même de bien lire les journaux. Mais voici ce matin sur mon bureau une de ces lettres-éclai
1543 journaux. Mais voici ce matin sur mon bureau une de ces lettres-éclair de notre directeur : « Les journalistes, dit-il, m
1544 ce matin sur mon bureau une de ces lettres-éclair de notre directeur : « Les journalistes, dit-il, m’accablent de téléphon
1545 une de ces lettres-éclair de notre directeur : «  Les journalistes, dit-il, m’accablent de téléphones et dérangent mon trav
1546 recteur : « Les journalistes, dit-il, m’accablent de téléphones et dérangent mon travail pour me demander mon opinion sur
1547 emander mon opinion sur cette affaire… » Il joint l’ extrait de la Gazette qu’on vient de lire et m’enjoint de « saisir l
1548 n opinion sur cette affaire… » Il joint l’extrait de la Gazette qu’on vient de lire et m’enjoint de « saisir l’occasion
1549 pinion sur cette affaire… » Il joint l’extrait de la Gazette qu’on vient de lire et m’enjoint de « saisir l’occasion d’u
1550 de la Gazette qu’on vient de lire et m’enjoint de « saisir l’occasion d’un papier ». Si je comprends bien, il veut sa p
1551 tte qu’on vient de lire et m’enjoint de « saisir l’ occasion d’un papier ». Si je comprends bien, il veut sa paix, et me l
1552 vient de lire et m’enjoint de « saisir l’occasion d’ un papier ». Si je comprends bien, il veut sa paix, et me laisse le so
1553 je comprends bien, il veut sa paix, et me laisse le soin de répondre aux téléphones. OK ! disent les Américains. Pendant
1554 rends bien, il veut sa paix, et me laisse le soin de répondre aux téléphones. OK ! disent les Américains. Pendant qu’il ad
1555 e le soin de répondre aux téléphones. OK ! disent les Américains. Pendant qu’il administre, amusons-nous. Où je réponds
1556 ministre, amusons-nous. Où je réponds Voici le raisonnement qu’a tenu devant la cour le bouillant Me Duperrier : — R
1557 réponds Voici le raisonnement qu’a tenu devant la cour le bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’est mis au service d’u
1558 Voici le raisonnement qu’a tenu devant la cour le bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’est mis au service d’une propa
1559 t Me Duperrier : — Rougemont s’est mis au service d’ une propagande étrangère, comme Oltramare ; il a parlé à la radio, com
1560 pagande étrangère, comme Oltramare ; il a parlé à la radio, comme Oltramare ; et hors de Suisse, comme Oltramare encore. L
1561 mare ; et hors de Suisse, comme Oltramare encore. Les deux cas étant identiques, il faut donc condamner Rougemont, mais il
1562 n est pas un, mais combine deux absurdités. 1. Si l’ on admet avec cet avocat que j’ai vraiment agi comme son client, l’alt
1563 et avocat que j’ai vraiment agi comme son client, l’ alternative est la suivante : ou bien je suis coupable, mais alors Olt
1564 vraiment agi comme son client, l’alternative est la suivante : ou bien je suis coupable, mais alors Oltramare l’est aussi
1565  : ou bien je suis coupable, mais alors Oltramare l’ est aussi, la plaidoirie devient un réquisitoire, et l’avocat fait une
1566 suis coupable, mais alors Oltramare l’est aussi, la plaidoirie devient un réquisitoire, et l’avocat fait une drôle de fig
1567 aussi, la plaidoirie devient un réquisitoire, et l’ avocat fait une drôle de figure. Ou bien il faut acquitter Oltramare,
1568 vient un réquisitoire, et l’avocat fait une drôle de figure. Ou bien il faut acquitter Oltramare, mais alors il n’y avait
1569 itter Oltramare, mais alors il n’y avait pas lieu de me dénoncer, tout ce discours retombe à plat, et notre avocat perd la
1570 ce discours retombe à plat, et notre avocat perd la face. 2. Mais où est l’homme sain d’esprit qui peut admettre que j’a
1571 at, et notre avocat perd la face. 2. Mais où est l’ homme sain d’esprit qui peut admettre que j’aie vraiment agi comme Olt
1572 avocat perd la face. 2. Mais où est l’homme sain d’ esprit qui peut admettre que j’aie vraiment agi comme Oltramare ? Nous
1573 ie vraiment agi comme Oltramare ? Nous avons tous les deux écrit pour la radio, hors de Suisse, sur la politique. Soit. Mai
1574 e Oltramare ? Nous avons tous les deux écrit pour la radio, hors de Suisse, sur la politique. Soit. Mais un avocat qui veu
1575 les deux écrit pour la radio, hors de Suisse, sur la politique. Soit. Mais un avocat qui veut s’en tenir à la seule ressem
1576 tique. Soit. Mais un avocat qui veut s’en tenir à la seule ressemblance des mots tombe dans le calembour juridique. Car il
1577 tenir à la seule ressemblance des mots tombe dans le calembour juridique. Car il est vrai que les deux cas s’énoncent et s
1578 dans le calembour juridique. Car il est vrai que les deux cas s’énoncent et se prononcent de même, mais par ce procédé l’o
1579 ent et se prononcent de même, mais par ce procédé l’ on pourrait accuser la ville de Lyon des méfaits d’un lion du désert,
1580 e même, mais par ce procédé l’on pourrait accuser la ville de Lyon des méfaits d’un lion du désert, et Malherbe d’avoir co
1581 ais par ce procédé l’on pourrait accuser la ville de Lyon des méfaits d’un lion du désert, et Malherbe d’avoir consolé Dup
1582 ’on pourrait accuser la ville de Lyon des méfaits d’ un lion du désert, et Malherbe d’avoir consolé Duperrier — celui qui a
1583 Lyon des méfaits d’un lion du désert, et Malherbe d’ avoir consolé Duperrier — celui qui a perdu son procès. La seule quest
1584 consolé Duperrier — celui qui a perdu son procès. La seule question sérieuse qui se posait, notre avocat s’est bien gardé
1585 euse qui se posait, notre avocat s’est bien gardé de la formuler : c’est celle du contenu des émissions. Oltramare a parlé
1586 e qui se posait, notre avocat s’est bien gardé de la formuler : c’est celle du contenu des émissions. Oltramare a parlé en
1587 ramare a parlé en faveur des nazis, ennemis jurés de toute démocratie, donc de la Suisse. J’écrivais contre les nazis, pou
1588 es nazis, ennemis jurés de toute démocratie, donc de la Suisse. J’écrivais contre les nazis, pour les démocraties, donc po
1589 nazis, ennemis jurés de toute démocratie, donc de la Suisse. J’écrivais contre les nazis, pour les démocraties, donc pour
1590 démocratie, donc de la Suisse. J’écrivais contre les nazis, pour les démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’é
1591 c de la Suisse. J’écrivais contre les nazis, pour les démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’évidence que je f
1592 contre les nazis, pour les démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’évidence que je faisais en Amérique exactem
1593 démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’ évidence que je faisais en Amérique exactement le contraire d’Oltramar
1594 l’évidence que je faisais en Amérique exactement le contraire d’Oltramare à Paris. Si Me Duperrier ne sent pas la différe
1595 ue je faisais en Amérique exactement le contraire d’ Oltramare à Paris. Si Me Duperrier ne sent pas la différence, essayons
1596 d’Oltramare à Paris. Si Me Duperrier ne sent pas la différence, essayons de l’éclairer par une fable. Fable J’ai ta
1597 Me Duperrier ne sent pas la différence, essayons de l’éclairer par une fable. Fable J’ai tant et si bien parlé à la
1598 Duperrier ne sent pas la différence, essayons de l’ éclairer par une fable. Fable J’ai tant et si bien parlé à la ra
1599 e fable. Fable J’ai tant et si bien parlé à la radio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà c
1600 tant et si bien parlé à la radio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ramèn
1601 si bien parlé à la radio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ramène sous b
1602 adio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ramène sous bonne escorte. Le Gau
1603 ce que c’est ! On m’y ramène sous bonne escorte. Le Gauleiter, un nommé Oltramare, me fait emprisonner, puis juger sommai
1604 uger sommairement, et Me Duperrier se voit chargé d’ office de ma défense. Que va-t-il dire ? Il n’hésite pas : il dit que
1605 airement, et Me Duperrier se voit chargé d’office de ma défense. Que va-t-il dire ? Il n’hésite pas : il dit que j’ai fait
1606 ond que ça ne prend pas, que j’ai fait exactement le contraire. On me fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur de
1607 fait exactement le contraire. On me fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà… Les
1608 ctement le contraire. On me fusille et on le pend d’ office. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà… Les Américai
1609 traire. On me fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà… Les Américains ont gagné l
1610 ire. On me fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà… Les Américains ont gagné la g
1611 fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà… Les Américains ont gagné la guerre. La S
1612 Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà… Les Américains ont gagné la guerre. La Suisse subsiste, intacte et libre.
1613 rrier. Mais voilà… Les Américains ont gagné la guerre. La Suisse subsiste, intacte et libre. On n’a pas fusillé Oltr
1614 ais voilà… Les Américains ont gagné la guerre. La Suisse subsiste, intacte et libre. On n’a pas fusillé Oltramare, on s
1615 e. On n’a pas fusillé Oltramare, on s’est borné à le punir un peu. Son avocat garde le droit de me dénoncer pour avoir com
1616 n s’est borné à le punir un peu. Son avocat garde le droit de me dénoncer pour avoir combattu l’hitlérisme, et Aragon le d
1617 orné à le punir un peu. Son avocat garde le droit de me dénoncer pour avoir combattu l’hitlérisme, et Aragon le droit de m
1618 garde le droit de me dénoncer pour avoir combattu l’ hitlérisme, et Aragon le droit de me calomnier sous un prétexte exacte
1619 oncer pour avoir combattu l’hitlérisme, et Aragon le droit de me calomnier sous un prétexte exactement inverse. Je garde l
1620 r avoir combattu l’hitlérisme, et Aragon le droit de me calomnier sous un prétexte exactement inverse. Je garde le droit d
1621 ier sous un prétexte exactement inverse. Je garde le droit de répondre, et même de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le
1622 un prétexte exactement inverse. Je garde le droit de répondre, et même de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le droit de
1623 t inverse. Je garde le droit de répondre, et même de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le droit de juger toute cette af
1624 , et même de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le droit de juger toute cette affaire, mon livre en main, selon votre co
1625 de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le droit de juger toute cette affaire, mon livre en main, selon votre conscience
1626 ffaire, mon livre en main, selon votre conscience de citoyens de la plus vieille démocratie du monde. Jugez donc ! et dite
1627 livre en main, selon votre conscience de citoyens de la plus vieille démocratie du monde. Jugez donc ! et dites avec moi q
1628 re en main, selon votre conscience de citoyens de la plus vieille démocratie du monde. Jugez donc ! et dites avec moi que
1629 du monde. Jugez donc ! et dites avec moi que nous l’ avons échappé belle ! Et que le désordre tolérable et tolérant où nous
1630 avec moi que nous l’avons échappé belle ! Et que le désordre tolérable et tolérant où nous voici tout de même encore viva
1631 s des morts, ou je ne sais quels esclaves honteux de vivre. À Ferney-Voltaire, le 20 novembre 1947. m. Rougemont Denis
1632 els esclaves honteux de vivre. À Ferney-Voltaire, le 20 novembre 1947. m. Rougemont Denis de, « Consolation à Me Duper
1633 aire, le 20 novembre 1947. m. Rougemont Denis de , « Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu », Bulletin de la G
1634 on à Me Duperrier sur un procès perdu », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, décembre 1947, p. 326‑328.
1635 à Me Duperrier sur un procès perdu », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, décembre 1947, p. 326‑328.
11 1948, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Lacs (août 1948)
1636 ien j’aimai ce lac aux rives glauques ! sans rien d’ alpestre, et dont les eaux, comme celles d’un marécage, longtemps se m
1637 ux rives glauques ! sans rien d’alpestre, et dont les eaux, comme celles d’un marécage, longtemps se mêlent à la terre, et
1638 s rien d’alpestre, et dont les eaux, comme celles d’ un marécage, longtemps se mêlent à la terre, et filtrent entre les ros
1639 comme celles d’un marécage, longtemps se mêlent à la terre, et filtrent entre les roseaux. L’Immoraliste. Près de ces ea
1640 longtemps se mêlent à la terre, et filtrent entre les roseaux. L’Immoraliste. Près de ces eaux, ma vie sentimentale est n
1641 êlent à la terre, et filtrent entre les roseaux. L’ Immoraliste. Près de ces eaux, ma vie sentimentale est née. Et depuis
1642 Et depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur de l’eau pour toute la vie », écrivait un Paysan du Danube , et vingt a
1643 depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur de l’ eau pour toute la vie », écrivait un Paysan du Danube , et vingt ans
1644 est restée lacustre. « Odeur de l’eau pour toute la vie », écrivait un Paysan du Danube , et vingt ans ne l’ont pas déme
1645 , écrivait un Paysan du Danube , et vingt ans ne l’ ont pas démenti. Je dénombre mes lacs et ne puis retrouver que du bonh
1646 nheur à ces souvenirs. Non qu’ils me parlent tous de jours heureux, mais la mémoire des plus amers ou des plus seuls a gar
1647 Non qu’ils me parlent tous de jours heureux, mais la mémoire des plus amers ou des plus seuls a gardé le charme des eaux.
1648 mémoire des plus amers ou des plus seuls a gardé le charme des eaux. Faut-il penser que la souffrance au bord d’un lac n’
1649 ls a gardé le charme des eaux. Faut-il penser que la souffrance au bord d’un lac n’est jamais sans quelque douceur ? Cherc
1650 lac n’est jamais sans quelque douceur ? Cherchant d’ où vient cet agrément, et pourquoi dans le monde lacustre on ressent l
1651 erchant d’où vient cet agrément, et pourquoi dans le monde lacustre on ressent la vie mieux qu’ailleurs, plus savoureuse e
1652 nt, et pourquoi dans le monde lacustre on ressent la vie mieux qu’ailleurs, plus savoureuse et plus présente, je me dis :
1653 un vrai lac est un univers clos, si grands soient les miroirs qu’il offre aux ciels changeants, et si profonds ses lointain
1654 ux ciels changeants, et si profonds ses lointains de lumière. La pente derrière moi, l’horizon des collines, sont le cadre
1655 ngeants, et si profonds ses lointains de lumière. La pente derrière moi, l’horizon des collines, sont le cadre qui donne a
1656 ses lointains de lumière. La pente derrière moi, l’ horizon des collines, sont le cadre qui donne au tableau sa significat
1657 pente derrière moi, l’horizon des collines, sont le cadre qui donne au tableau sa signification privilégiée. Ici le cœur
1658 onne au tableau sa signification privilégiée. Ici le cœur et l’âme ont leur théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue
1659 leau sa signification privilégiée. Ici le cœur et l’ âme ont leur théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue à l’infini.
1660 r théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue à l’ infini. Ici la joie trouve un espace où se déployer sans se perdre, la
1661 où tout est sens, écho, dialogue à l’infini. Ici la joie trouve un espace où se déployer sans se perdre, la méditation de
1662 e trouve un espace où se déployer sans se perdre, la méditation des ciels bas, la passion des orages complets, et la peine
1663 oyer sans se perdre, la méditation des ciels bas, la passion des orages complets, et la peine une baie secrète, où les cri
1664 des ciels bas, la passion des orages complets, et la peine une baie secrète, où les cris des oiseaux dans la brume s’occup
1665 orages complets, et la peine une baie secrète, où les cris des oiseaux dans la brume s’occupent d’une vie bien différente…
1666 ne une baie secrète, où les cris des oiseaux dans la brume s’occupent d’une vie bien différente… Enfin la variété des obje
1667 où les cris des oiseaux dans la brume s’occupent d’ une vie bien différente… Enfin la variété des objets, des lumières, de
1668 brume s’occupent d’une vie bien différente… Enfin la variété des objets, des lumières, des premiers plans et des éloigneme
1669 satisfait comme nul autre paysage ce goût profond de composer, de contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’
1670 me nul autre paysage ce goût profond de composer, de contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, d
1671 ysage ce goût profond de composer, de contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de
1672 rofond de composer, de contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de bo
1673 oser, de contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux,
1674 raster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’ abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer,
1675 ler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler
1676 couvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l
1677 plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l’on a reconn
1678 née, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l’on a reconnu l’amour, comme il
1679 rter, de revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l’on a reconnu l’amour, comme il aime à s’y r
1680 des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l’ on a reconnu l’amour, comme il aime à s’y retrouver. Je nage à Baveno
1681 mparer, de contempler sans fin, où l’on a reconnu l’ amour, comme il aime à s’y retrouver. Je nage à Baveno dans l’eau tièd
1682 me il aime à s’y retrouver. Je nage à Baveno dans l’ eau tiède et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l
1683 Je nage à Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rê
1684 à Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux
1685 Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est la fin de l’ après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nom
1686 de et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés d
1687 ée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés de dieux,
1688 c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l’ Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés de dieux, pas
1689 -midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés de dieux, passagers immobiles, un bra
1690 ella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés de dieux, passagers immobiles, un bras levé… J’habite au lac de Garde un
1691 assagers immobiles, un bras levé… J’habite au lac de Garde un palais délabré, au-dessus de jardins en terrasses pleins de
1692 bite au lac de Garde un palais délabré, au-dessus de jardins en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand les violoneu
1693 délabré, au-dessus de jardins en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand les violoneux du village viennent donner la
1694 ssus de jardins en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand les violoneux du village viennent donner la sérénade. Et
1695 en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand les violoneux du village viennent donner la sérénade. Et nous montons à c
1696 t, quand les violoneux du village viennent donner la sérénade. Et nous montons à ce balcon sur l’eau, accroché aux très ha
1697 nner la sérénade. Et nous montons à ce balcon sur l’ eau, accroché aux très hautes murailles qui sans raison, grandiloquent
1698 railles qui sans raison, grandiloquentes, bordent la rive. (Elles furent élevées, dit-on, par un ministre fou.) Cyprès au
1699 brusque sauvagerie des hautes pentes, échevelées de châtaigniers. Contre les flancs du noir Monte Baldo coiffé de neige,
1700 hautes pentes, échevelées de châtaigniers. Contre les flancs du noir Monte Baldo coiffé de neige, sur l’autre rive, un orag
1701 ers. Contre les flancs du noir Monte Baldo coiffé de neige, sur l’autre rive, un orage s’illumine par moments, et dans l’é
1702 re rive, un orage s’illumine par moments, et dans l’ échappée vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit ph
1703 e s’illumine par moments, et dans l’échappée vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie d
1704 ar moments, et dans l’échappée vers la plaine, où l’ eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Su
1705 échappée vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de
1706 vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse
1707 où l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nou
1708 l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous a
1709 ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous allions ramer vers minuit,
1710 hare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous allions ramer vers minuit, heure où le crép
1711 e de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous allions ramer vers minuit, heure où le crépusc
1712 ientale, nous allions ramer vers minuit, heure où le crépuscule enfin se meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et de l
1713 inuit, heure où le crépuscule enfin se meurt dans l’ aube, à l’horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au
1714 re où le crépuscule enfin se meurt dans l’aube, à l’ horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la
1715 n se meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient
1716 e meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient de
1717 des et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac de plai
1718 et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac de plaine
1719 ù tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac de plaine aux eaux fades, environné de collines pointues et de valses au
1720 Balaton, lac de plaine aux eaux fades, environné de collines pointues et de valses aux jardins publics — là j’étais seul…
1721 aux eaux fades, environné de collines pointues et de valses aux jardins publics — là j’étais seul… Rade de Genève par un b
1722 alses aux jardins publics — là j’étais seul… Rade de Genève par un beau temps cruel, qui faisait fête à des adieux… Petits
1723 es adieux… Petits déjeuners suisses sur un balcon d’ hôtel à Vevey, à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de l’air
1724 l à Vevey, à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de l’air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintil
1725 y, à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de l’air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintillement d
1726 à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de l’ air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintillement des
1727 ries du roman russe. Et le bleu de l’air matinal, l’ argent transparent des montagnes, le scintillement des eaux sous la br
1728 ’air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintillement des eaux sous la brume légère, tout était si pur et si
1729 ent des montagnes, le scintillement des eaux sous la brume légère, tout était si pur et si frais qu’il semblait que le mon
1730 tout était si pur et si frais qu’il semblait que le monde venait de s’éveiller, luisant et neuf, de la première nuit… Et
1731 e le monde venait de s’éveiller, luisant et neuf, de la première nuit… Et ces deux grands étés américains, dans les demeur
1732 re nuit… Et ces deux grands étés américains, dans les demeures trop vastes du Lake George, nommé jadis lac du Saint Sacreme
1733 George, nommé jadis lac du Saint Sacrement « pour la pureté lustrale de ses eaux »… Il me rappelait un peu de tous mes aut
1734 lac du Saint Sacrement « pour la pureté lustrale de ses eaux »… Il me rappelait un peu de tous mes autres lacs, mais il é
1735 tous mes autres lacs, mais il était surtout celui d’ Œil de faucon et du dernier des Mohicans de mon enfance. Je le trouvai
1736 es autres lacs, mais il était surtout celui d’Œil de faucon et du dernier des Mohicans de mon enfance. Je le trouvais bien
1737 celui d’Œil de faucon et du dernier des Mohicans de mon enfance. Je le trouvais bien beau. Pourquoi l’ai-je quitté ? … Et
1738 con et du dernier des Mohicans de mon enfance. Je le trouvais bien beau. Pourquoi l’ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamai
1739 e mon enfance. Je le trouvais bien beau. Pourquoi l’ ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamais au lac d’Amatitlan, au pied du
1740 l’ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamais au lac d’ Amatitlan, au pied du fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je l’emporte
1741 is au lac d’Amatitlan, au pied du fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je l’emporte avec les autres sans remords, s’il est v
1742 au pied du fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je l’ emporte avec les autres sans remords, s’il est vrai que d’aucuns je n’
1743 uleux volcan de Sant’Anna, mais je l’emporte avec les autres sans remords, s’il est vrai que d’aucuns je n’ai su tant d’his
1744 e avec les autres sans remords, s’il est vrai que d’ aucuns je n’ai su tant d’histoires et qu’il détient certains de mes se
1745 mords, s’il est vrai que d’aucuns je n’ai su tant d’ histoires et qu’il détient certains de mes secrets. Je dénombre mes la
1746 ’ai su tant d’histoires et qu’il détient certains de mes secrets. Je dénombre mes lacs, et la mémoire encore investit du c
1747 certains de mes secrets. Je dénombre mes lacs, et la mémoire encore investit du charme des eaux l’adolescence même, aux ch
1748 et la mémoire encore investit du charme des eaux l’ adolescence même, aux chagrins taciturnes. Souffrir auprès d’un lac n’
1749 ce même, aux chagrins taciturnes. Souffrir auprès d’ un lac n’est jamais sans douceur. Je suis sur la jetée, près du hangar
1750 s d’un lac n’est jamais sans douceur. Je suis sur la jetée, près du hangar des trams, et l’eau n’est pas plus noire que mo
1751 e suis sur la jetée, près du hangar des trams, et l’ eau n’est pas plus noire que mon cœur humilié. Dans ce « local » empua
1752 que mon cœur humilié. Dans ce « local » empuanti de tabac de pipes et de bière renversée, je viens de subir l’épreuve d’i
1753 cœur humilié. Dans ce « local » empuanti de tabac de pipes et de bière renversée, je viens de subir l’épreuve d’initiation
1754 . Dans ce « local » empuanti de tabac de pipes et de bière renversée, je viens de subir l’épreuve d’initiation d’une socié
1755 de pipes et de bière renversée, je viens de subir l’ épreuve d’initiation d’une société de collégiens. J’ai refusé de racon
1756 t de bière renversée, je viens de subir l’épreuve d’ initiation d’une société de collégiens. J’ai refusé de raconter devant
1757 nversée, je viens de subir l’épreuve d’initiation d’ une société de collégiens. J’ai refusé de raconter devant tous, debout
1758 ens de subir l’épreuve d’initiation d’une société de collégiens. J’ai refusé de raconter devant tous, debout sur un tonnea
1759 itiation d’une société de collégiens. J’ai refusé de raconter devant tous, debout sur un tonneau comme le veut la coutume,
1760 raconter devant tous, debout sur un tonneau comme le veut la coutume, l’histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué.
1761 devant tous, debout sur un tonneau comme le veut la coutume, l’histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué. J’ai 16
1762 , debout sur un tonneau comme le veut la coutume, l’ histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué. J’ai 16 ans. C’est h
1763 r un tonneau comme le veut la coutume, l’histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué. J’ai 16 ans. C’est horrible. Mo
1764 rrible. Mon seul amour doit rester mon secret. Je la guette à midi, quand elle descend dans le cortège des jeunes filles s
1765 ret. Je la guette à midi, quand elle descend dans le cortège des jeunes filles sortant de l’école des Terreaux. Nous, les
1766 descend dans le cortège des jeunes filles sortant de l’école des Terreaux. Nous, les garçons, tenons notre « colloque » su
1767 cend dans le cortège des jeunes filles sortant de l’ école des Terreaux. Nous, les garçons, tenons notre « colloque » sur l
1768 nes filles sortant de l’école des Terreaux. Nous, les garçons, tenons notre « colloque » sur la place de l’Hôtel-de-Ville.
1769 Nous, les garçons, tenons notre « colloque » sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’
1770 s garçons, tenons notre « colloque » sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’un air de
1771 arçons, tenons notre « colloque » sur la place de l’ Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’un air de ne
1772 lace de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’ un air grave, d’un air de ne pas regarder les filles qui passent, mais
1773 de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’ un air de ne pas regarder les filles qui passent, mais je la vois veni
1774 Nous parlons entre nous d’un air grave, d’un air de ne pas regarder les filles qui passent, mais je la vois venir de loin
1775 nous d’un air grave, d’un air de ne pas regarder les filles qui passent, mais je la vois venir de loin. Elle porte un gran
1776 e ne pas regarder les filles qui passent, mais je la vois venir de loin. Elle porte un grand chapeau flottant d’un rose so
1777 nir de loin. Elle porte un grand chapeau flottant d’ un rose sombre. Tout la distingue infiniment du troupeau bavardant de
1778 un grand chapeau flottant d’un rose sombre. Tout la distingue infiniment du troupeau bavardant de ses compagnes. Si je re
1779 out la distingue infiniment du troupeau bavardant de ses compagnes. Si je rencontrais ses yeux, que deviendrais-je, et si
1780 -je, et si elle devinait mon sentiment ? Pourtant la semaine prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur de l’eau qui dort, p
1781 it mon sentiment ? Pourtant la semaine prochaine, l’ épreuve recommencera. Odeur de l’eau qui dort, pénétrante, amicale. Un
1782 semaine prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur de l’eau qui dort, pénétrante, amicale. Un poisson saute et ride un mome
1783 maine prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur de l’ eau qui dort, pénétrante, amicale. Un poisson saute et ride un moment
1784 ante, amicale. Un poisson saute et ride un moment le miroir… Non, je ne vais pas me suicider. Je mentirai ! Je suis assis
1785 entirai ! Je suis assis sur un banc près du port, la promenade est déserte et mon cœur assoiffé. Personne ne passe jamais,
1786 on cœur assoiffé. Personne ne passe jamais, voilà la vie ! Mais si ce soir une femme venait à moi comme le miracle que j’a
1787 ie ! Mais si ce soir une femme venait à moi comme le miracle que j’attends, je lui dirais : c’est un malentendu. Je suis d
1788 passez, Madame… J’ai 19 ans. Je n’aime encore que la nature, et ma solitude avec elle. Et vraiment, à cet âge, elle me l’a
1789 litude avec elle. Et vraiment, à cet âge, elle me l’ a bien rendu. (Quand on revient la voir à deux, plus tard, aux mêmes l
1790 et âge, elle me l’a bien rendu. (Quand on revient la voir à deux, plus tard, aux mêmes lieux, elle se réserve… Elle ne ser
1791 out à fait comme avant.) Ce soir, elle est encore d’ une présence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière le Trou de Bou
1792 soir, elle est encore d’une présence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur d
1793 ésence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée, de vague e
1794 nvoûtante. Le soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée, de vague en vague
1795 soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée, de vague en vague vers l’autre r
1796 ourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée, de vague en vague vers l’autre rive. Elle caresse en passant l’épaule de
1797 vague vers l’autre rive. Elle caresse en passant l’ épaule des collines, elle monte, elle embrase longtemps d’une sereine
1798 des collines, elle monte, elle embrase longtemps d’ une sereine incandescence les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets
1799 lle embrase longtemps d’une sereine incandescence les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’où l’on voit l’Italie… Et
1800 ence les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’ où l’on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de
1801 les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’où l’ on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temp
1802 déployées au fond du ciel. Sommets d’où l’on voit l’ Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temps diaphane
1803 fond du ciel. Sommets d’où l’on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temps diaphane à l’horizon.
1804 eint, guirlande morte, un peu de temps diaphane à l’ horizon. Paysage emphatique et sombre, tout cerné de prodiges sévères,
1805 horizon. Paysage emphatique et sombre, tout cerné de prodiges sévères, et l’œil ne s’en évade au bas du ciel — vers l’oues
1806 que et sombre, tout cerné de prodiges sévères, et l’ œil ne s’en évade au bas du ciel — vers l’ouest — que par cet or loint
1807 res, et l’œil ne s’en évade au bas du ciel — vers l’ ouest — que par cet or lointain que l’eau n’a point doublé, déjà prise
1808 ciel — vers l’ouest — que par cet or lointain que l’ eau n’a point doublé, déjà prise de nuit, rêvant jusqu’à mes pieds. Pa
1809 r lointain que l’eau n’a point doublé, déjà prise de nuit, rêvant jusqu’à mes pieds. Par une chaude soirée du mois d’août
1810 jusqu’à mes pieds. Par une chaude soirée du mois d’ août 192…, un jeune homme, simplement vêtu d’un pantalon de flanelle g
1811 mois d’août 192…, un jeune homme, simplement vêtu d’ un pantalon de flanelle grise et d’un chandail au col roulé, pédale à
1812 2…, un jeune homme, simplement vêtu d’un pantalon de flanelle grise et d’un chandail au col roulé, pédale à longues pesées
1813 implement vêtu d’un pantalon de flanelle grise et d’ un chandail au col roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de la
1814 handail au col roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de la plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est im
1815 col roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de la plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est imminent. No
1816 l roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de la plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est imminent. Notre
1817 n de la plaine, luttant contre un vent impétueux. L’ orage est imminent. Notre héros, qui paraît âgé d’une vingtaine d’anné
1818 L’orage est imminent. Notre héros, qui paraît âgé d’ une vingtaine d’années, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre les
1819 nent. Notre héros, qui paraît âgé d’une vingtaine d’ années, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et d
1820 raît âgé d’une vingtaine d’années, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et dont les longues vagues li
1821 nnées, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et dont les longues vagues limoneuses accablent sans relâc
1822 e lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et dont les longues vagues limoneuses accablent sans relâche les roseaux de la ba
1823 longues vagues limoneuses accablent sans relâche les roseaux de la baie. Des nuées menaçantes courent très bas, tirant des
1824 ues limoneuses accablent sans relâche les roseaux de la baie. Des nuées menaçantes courent très bas, tirant des pluies au
1825 limoneuses accablent sans relâche les roseaux de la baie. Des nuées menaçantes courent très bas, tirant des pluies au lar
1826 courent très bas, tirant des pluies au large, et le cœur du jeune homme bondit dans sa poitrine, exalté par l’effort et l
1827 u jeune homme bondit dans sa poitrine, exalté par l’ effort et la vitesse. Mais soudain la tempête a fait silence autour de
1828 e bondit dans sa poitrine, exalté par l’effort et la vitesse. Mais soudain la tempête a fait silence autour de lui, et seu
1829 , exalté par l’effort et la vitesse. Mais soudain la tempête a fait silence autour de lui, et seul reste distinct le bruit
1830 ait silence autour de lui, et seul reste distinct le bruit profond des vagues. Il roule maintenant dans l’ombre tiède et a
1831 ruit profond des vagues. Il roule maintenant dans l’ ombre tiède et abritée d’un bois de pins. Que vient-il donc chercher s
1832 Il roule maintenant dans l’ombre tiède et abritée d’ un bois de pins. Que vient-il donc chercher sur ces rivages désertés p
1833 aintenant dans l’ombre tiède et abritée d’un bois de pins. Que vient-il donc chercher sur ces rivages désertés par le crép
1834 ent-il donc chercher sur ces rivages désertés par le crépuscule ? Quelle est cette hâte inconnue, qu’il se flattait de n’é
1835 Quelle est cette hâte inconnue, qu’il se flattait de n’éprouver jamais, bien au contraire, avant un rendez-vous ? Cette en
1836 au contraire, avant un rendez-vous ? Cette envie de crier : « J’accours ! Attends !… » Ah ! mais qu’est-ce qu’il m’arrive
1837 t-ce qu’il m’arrive ? se dit-il. Il faut en avoir le cœur net. (Tout son orgueil réside en la maîtrise de soi, idéal de sp
1838 en avoir le cœur net. (Tout son orgueil réside en la maîtrise de soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit,
1839 cœur net. (Tout son orgueil réside en la maîtrise de soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit, pose un pie
1840 t son orgueil réside en la maîtrise de soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit, pose un pied sur le sol,
1841 en la maîtrise de soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de la ma
1842 s que de puritain.) Il ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est
1843 Il ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’at
1844 ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’atten
1845 pied sur le sol, et s’appuie de la main au tronc d’ un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’attente du pays sous l
1846 c d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’ attente du pays sous le ciel orageux. Oui, c’est bien cela qu’il sent,
1847 arrive est solennel, comme l’attente du pays sous le ciel orageux. Oui, c’est bien cela qu’il sent, il ne peut s’y tromper
1848 st bien cela qu’il sent, il ne peut s’y tromper : la brûlure douce au cœur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample d
1849 l ne peut s’y tromper : la brûlure douce au cœur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce
1850 er : la brûlure douce au cœur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce que disent les poèt
1851 œur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce que disent les poètes qu’il dédaigne, tous le
1852 , le sang plus vite, le soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce que disent les poètes qu’il dédaigne, tous leurs
1853 plus ample de la respiration. Tout ce que disent les poètes qu’il dédaigne, tous leurs clichés, c’était donc vrai ? Il ne
1854 hés, c’était donc vrai ? Il ne sait quelle ardeur le pénètre… Mais il sent qu’il va dire les grands mots impossibles, dans
1855 lle ardeur le pénètre… Mais il sent qu’il va dire les grands mots impossibles, dans un fol abandon, et ce sera vrai. Comme
1856 sera vrai. Comme tout est facile et violent quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre, le ciel
1857 le et violent quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur
1858 quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’ un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient d
1859 ur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et le jeune
1860 t d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et le jeune homme savait en repartan
1861 ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et le jeune homme savait en repartant sur le sentier obscur, ver
1862 es éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et le jeune homme savait en repartant sur le sentier obscur, vers les rosea
1863 la nue, et le jeune homme savait en repartant sur le sentier obscur, vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’av
1864 e savait en repartant sur le sentier obscur, vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’avait rejoint, c’était cett
1865 sur le sentier obscur, vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’avait rejoint, c’était cette chose absurde et ma
1866 vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’ avait rejoint, c’était cette chose absurde et magnifique, entre haut m
1867 ut mal et bien suprême, qu’on nomme si légèrement l’ amour. n. Rougemont Denis de, « Lacs », Bulletin de la Guilde du li
1868 omme si légèrement l’amour. n. Rougemont Denis de , « Lacs », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, août 1948, p. 19
1869 our. n. Rougemont Denis de, « Lacs », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, août 1948, p. 192-194. o. Le titre app
1870 . n. Rougemont Denis de, « Lacs », Bulletin de la Guilde du livre, Lausanne, août 1948, p. 192-194. o. Le titre appell
1871 de du livre, Lausanne, août 1948, p. 192-194. o. Le titre appelle cette note de la rédaction : « Tiré de Suite neuchâtel
1872 1948, p. 192-194. o. Le titre appelle cette note de la rédaction : « Tiré de Suite neuchâteloise , admirablement édité p
1873 8, p. 192-194. o. Le titre appelle cette note de la rédaction : « Tiré de Suite neuchâteloise , admirablement édité par
1874 titre appelle cette note de la rédaction : « Tiré de Suite neuchâteloise , admirablement édité par Ides et Calendes. »