1 1937, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Introduction au Journal d’un intellectuel en chômage (août 1937)
1 Introduction au Journal d’un intellectuel en chômage (août 1937)a Tolstoï disait,
2 Atlantique. J’allai m’y installer avec ma femme, au mois de novembre, et j’y restai jusqu’à l’été. L’année suivante, ce f
3 fait découvrir tout un monde. Elle m’a confronté au réel, à la vie quotidienne d’un peuple qui se trouvait tout ignorer d
4 tandis que j’y travaillais, je m’amusais à noter, au jour le jour, des anecdotes, des observations, des réflexions, déduit
5 rale. Il ne s’agit ici que de la vie « commune », au double sens de ce mot ; il s’agit du réel que tout le monde vit. Je c
6 leur mystère n’apparaît que de tout près. Il est au cœur même de leur vie et ils l’ignorent le plus souvent. Quand on s’e
7 e peu ». a. Rougemont Denis de, « Introduction au Journal d’un intellectuel en chômage  », Bulletin de la Guilde du liv
2 1937, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Pages inédites du Journal d’un intellectuel en chômage (octobre 1937)
8 cher. L’épreuve décisive est celle que l’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notre vie n’attend
9 otre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’ au prix d’un désordre social — selon les préjugés du régime établi — que
10 re physique condamnerait même un « intellectuel » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de
11 ux pièces du dessus de cheminée ont été replacées au millimètre, dans une symétrie impeccable. Mais tout l’effet de notre
12 letants, qui n’ont abouti qu’à coincer le sommier au tournant, entre la balustrade et les parois de la cage d’escalier — a
13 balustrade et les parois de la cage d’escalier — au surplus fortement rayées — nous avons couru implorer l’aide de Simard
14 n regard s’attache un peu longuement à un visage, au corps et aux vêtements, aux mains, à l’attitude distraite et vraie d’
15 par exemple, une grande idée embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dom
16 si j’étais l’auteur, esprit remarquable. » (Merci au correcteur ! Mais on ne pouvait plus modifier la mise en pages.) 1.
3 1938, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Caquets d’une vieille poule noire (août 1938)
17 aison prêtée ; avec la maison, il y a un jardin ; au fond du jardin, cette poule. Elle n’a pas fait parler d’elle depuis l
18 s la nuit du 21 mai, n’y tenant plus, il retourne au poulailler, dérange la poule, aperçoit enfin un poulet… « C’est beau.
19 es V. Meylan-Malécot, il convient de faire passer au second plan les considérations locales, toujours un peu mesquines. Do
20 de fustiger les apparences du vice : allant droit au fait, elle distingue à l’origine du livre de mon persécuteur la haine
4 1939, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Puisque je suis un militaire… (septembre 1939)
21 ns nos frontières, des secteurs minuscules, comme au hasard, qu’on voit d’un coup avec une précision quasi absurde. Cette
22 s journées de discipline et de paquetages alignés au cordeau. Partirons-nous au milieu de la nuit ? Ou passerons-nous l’hi
23 sentimentale, et l’on ne sait plus la reconnaître au ras du sol, au niveau des choses brutes et brutales. Pourtant, rien n
24 t l’on ne sait plus la reconnaître au ras du sol, au niveau des choses brutes et brutales. Pourtant, rien n’est plus poéti
25 urds et de gamelles entrechoquées. Et, plus tard, au matin, quand l’attaque se prépare, un « à terre » prolongé à la lisiè
26 bestioles maladroites. Le drap du pantalon colle au mollet, les doigts sont rouges sur le fusil luisant. Les gouttes de l
27 encore quelques secondes, ça ressemble tellement au bonheur ! Un cri dans le vent va tout détruire. Oui, c’est bien ça, c
28 ût des choses. Et l’on est prêt à tout abandonner au premier signe du destin, parce qu’on vient de remplir les limites du
5 1939, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Billet d’aller et retour (décembre 1939)
29 es passages sous voie encombrés de sacs de sable, au long d’étroits couloirs où je coudoyais des soldats sourds et muets —
30 illisible. Je ne saurai jamais si j’ai rêvé. Mais au matin, oui, c’était bien Paris, et les sirènes d’une fin d’alerte. ⁂
31 res sans reflet sur le macadam. Tout au bas, tout au fond de l’ombre, dans la pierre et dans les vestiges d’une civilisati
32 a l’âme hollandaise, je doute qu’elle en apprenne au voyageur davantage qu’une vision intense du paysage urbain de la Holl
33 mes qui la manifestent. Quand je songe à l’ennui, au désespoir qu’expriment les quartiers ouvriers les plus modernes des v
34 ’où naissent les réactions désespérées, les mises au pas brutalisantes et le triomphe des caporaux autodidactes et simplif
6 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Beekman Place (octobre 1946)
35 e nord, je vois un monde de terrasses, du dixième au trentième étage du River Club, où vivent les milliardaires et les act
36 ssus des premiers nuages. Une grande nuit s’ouvre au travail paisible. D’heure en heure, je me lève et sors. Je me promène
37 des terrasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hier changent
38 est l’heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américain ! Sur le grand fond sonore à bouche fermée des usines
39 robe de chambre, un vieux monsieur, pour arroser au tuyau ses arbustes. Soudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment d
40 en fête saluant New York d’adieux, filant pavois au vent vers l’Europe et la guerre… g. Rougemont Denis de, « Beekman
7 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Souvenir d’un orage en Virginie (novembre 1946)
41 ndant que nous roulons sur une route de campagne, au creux des haies, le ciel se couvre. « C’est là-haut, me dit-on, à mi-
42 ou renversées dans les branchages — nous arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici, e
43 la crête d’une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparaissent dans un vallonnement, et maintenant remonten
44 s les tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’une pièce vaste et noire une petite lampe fait une flaque rose
45 tes, qu’elle emmenait partout avec elle. Je pense au regard d’acier du jeune homme silencieux de tout à l’heure. Des chien
8 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Noël à New York (décembre 1946)
46 )j New York, 15 décembre 1945. Le 1er décembre au matin, la ruée vers les magasins s’est déclenchée dans toute l’Amériq
47 : devant nous venait d’apparaître une jeune femme au visage anguleux et couvert de taches de rousseur, la tête serrée dans
48 le meilleur maire de New York. Tammany reviendra au pouvoir. Et Roosevelt n’est pas remplacé… Et toutes les utopies prévu
9 1947, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Slums (janvier 1947)
49 et astiqué, change subitement d’aspect et tourne au populaire un demi-block après Lexington Avenue, perd toute tenue dès
50 s’anime alors dangereusement d’enfants s’exerçant au base-ball parmi des seaux d’ordures plus hauts qu’eux et des tourbill
51 nfin toute béante sur les fumées de l’East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomètre et demi, sans changer d
52 t d’éclats de verre. Des tas de neige noircissent au rebord des trottoirs. Les enfants qui ne jouent plus à la balle parce
53 le quartier slovaque. Je gravis l’escalier jusqu’ au troisième. La porte donne dans la cuisine. En face du fourneau à char
54 quelques Chinois courbés qui empilent du linge ; au cinquième, une grosse femme en peignoir qui se farde à gestes menus.
55 la, plus fort que tout, dans la cour où les draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York possède aussi deux-c
10 1947, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu (décembre 1947)
56 la Feuille d’Avis de Neuchâtel : Les plaidoiries au procès Oltramare : où il est question de Denis de Rougemont L’avocat
57 tate le défenseur d’Oltramare, est allé se mettre au service de la BBO. Il se demande si, ce faisant, Denis de Rougemont n
58 le bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’est mis au service d’une propagande étrangère, comme Oltramare ; il a parlé à la
11 1948, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Lacs (août 1948)
59 , l’horizon des collines, sont le cadre qui donne au tableau sa signification privilégiée. Ici le cœur et l’âme ont leur t
60 ieux, passagers immobiles, un bras levé… J’habite au lac de Garde un palais délabré, au-dessus de jardins en terrasses ple
61 ent élevées, dit-on, par un ministre fou.) Cyprès au pied des Alpes, tendresse des collines et brusque sauvagerie des haut
62 des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac
63 ourquoi l’ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamais au lac d’Amatitlan, au pied du fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je l’e
64 té ? … Et nous n’irons jamais au lac d’Amatitlan, au pied du fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je l’emporte avec les autr
65 s d’une sereine incandescence les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’où l’on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, g
66 d’un pantalon de flanelle grise et d’un chandail au col roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de la plaine, luttan
67 es menaçantes courent très bas, tirant des pluies au large, et le cœur du jeune homme bondit dans sa poitrine, exalté par
68 , pose un pied sur le sol, et s’appuie de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’attente du pa
69 l sent, il ne peut s’y tromper : la brûlure douce au cœur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample de la respiration.