1
ômage (août 1937)a Tolstoï disait, vers la fin
du
siècle dernier : « L’artiste de l’avenir vivra la vie ordinaire des h
2
écrivent ou qui lisent des livres, ou qui savent
du
moins — ou croient savoir — ce que c’est que d’écrire des livres. Ce
3
dotes, des observations, des réflexions, déduites
du
détail quotidien de mes contacts avec les gens, ou des soucis de mon
4
pas en faire un livre. Et pourtant ce n’était pas
du
tout ce qu’on nomme un « journal intime ». Je n’y parlais pas de mes
5
« commune », au double sens de ce mot ; il s’agit
du
réel que tout le monde vit. Je crois que c’est là seulement que les i
6
re la pauvreté. Ce goût qu’elle donne à l’attente
du
lendemain et des signes providentiels. Et toutes les joies qui n’ont
7
iole à son travail, sentiment de la journée vide,
du
temps qui a pris le rythme des vies simples. Et la nuit retrouvée, la
8
« journal » des effusions lyriques, des analyses
du
moi, j’ai cru qu’il serait plus discret de donner, par exemple, mes c
9
intellectuel en chômage », Bulletin de la Guilde
du
livre, Lausanne, août 1937, p. 126-128.
10
Pages inédites
du
Journal d’un intellectuel en chômage (octobre 1937)b Note pour un
11
ur la mort, 22 mars 1662). Que dirions-nous alors
du
sort fait à celui qui doit se montrer aux hommes tel qu’il est ? S’en
12
au prix d’un désordre social — selon les préjugés
du
régime établi — que ces rencontres deviennent possibles, se multiplie
13
tait plus même une chemise entière : les morceaux
du
bras ayant servi à rapiécer les épaules et le plastron. Le peu d’arge
14
culture. — À ceux qui n’ont rien, il faut donner
du
confort, afin qu’ils puissent concevoir d’autres buts à leur existenc
15
quelque chose, il faut rappeler que la recherche
du
confort est ce qui s’oppose le plus radicalement à toute culture véri
16
les étoiles sont très grosses et molles au-dessus
du
jardin. Mais il arrive que le noir soit compact. Je me dirige à peu p
17
siers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la porte
du
fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici les rues du village, ill
18
, dans l’odeur des lauriers épais. Voici les rues
du
village, illuminées comme un décor blanc et vert. Des chiens surgisse
19
lettres à porter à l’autobus. Il faut s’éloigner
du
village. De nouveau le noir, et l’écho de mes pas contre les murs des
20
d’aménagement et de décoration des trois chambres
du
premier étage, on ne sait jamais… Les vingt-deux pièces du dessus de
21
r étage, on ne sait jamais… Les vingt-deux pièces
du
dessus de cheminée ont été replacées au millimètre, dans une symétrie
22
beur risque d’être détruit par une odieuse malice
du
sort. Nous avions descendu du deuxième un lourd sommier, pour en fair
23
une odieuse malice du sort. Nous avions descendu
du
deuxième un lourd sommier, pour en faire un divan. L’escalier est étr
24
infligés à la maison. Pas question d’aller quérir
du
renfort à A. Il faut encore boucler les valises, descendre mes caisse
25
Fuyons, fuyons ! ⁂ (Été à Paris.) Impossibilité
du
libre-échange humain. — Considération irritée et décevante des « gens
26
onne qui tire sa robe à fleurs sur le quai désert
du
métro, enfin un être vrai. ⁂ (Conclusion.) — S’occuper des « petits-
27
urnal, je reçois une note à l’encre rouge, signée
du
correcteur de l’imprimerie. Je la recopie : « “Épicerie et spécialist
28
liquide, chez son beau-frère. Il était adversaire
du
prêt à intérêt, condamné par l’église primitive. Il donnait à qui vou
29
e. 2. Voir la page 140 de l’édition de la Guilde
du
Livre. b. Rougemont Denis de, « Pages inédites du Journal d’un inte
30
Livre. b. Rougemont Denis de, « Pages inédites
du
Journal d’un intellectuel en chômage », Bulletin de la Guilde du liv
31
intellectuel en chômage », Bulletin de la Guilde
du
livre, Lausanne, octobre 1937, p. 150-153.
32
êtée ; avec la maison, il y a un jardin ; au fond
du
jardin, cette poule. Elle n’a pas fait parler d’elle depuis le mois d
33
cite Spinoza — mais il est inquiet : dans la nuit
du
21 mai, n’y tenant plus, il retourne au poulailler, dérange la poule,
34
adaire neuchâtelois a obtenu le concours régulier
du
plus fameux critique de Romorantin (Loir-et-Cher). Non pas que la Sui
35
er) ne se contente pas de fustiger les apparences
du
vice : allant droit au fait, elle distingue à l’origine du livre de m
36
allant droit au fait, elle distingue à l’origine
du
livre de mon persécuteur la haine farouche de tout ce qui est beau et
37
e pas admirer le courage de cette Française4 qui,
du
fond de son Romorantin, se dresse, seule, contre toute l’opinion — qu
38
’une vieille poule noire », Bulletin de la Guilde
du
livre, Lausanne, août 1938, p. 115-117. d. Précédé du chapeau suivan
39
vre, Lausanne, août 1938, p. 115-117. d. Précédé
du
chapeau suivant : « L’auteur du Journal d’un intellectuel en chômage
40
-117. d. Précédé du chapeau suivant : « L’auteur
du
Journal d’un intellectuel en chômage nous remet ces pages qu’il pré
41
n militaire, Il faut bien faire mon état. Chanson
du
xviiie siècle. — Tu te rends compte ? dit un camarade. — Pas trop.
42
s d’argent et myosotis, autour de la photo jaunie
du
Chœur mixte en 1913. Deux bons lits de bois aux « duvets » écrasants.
43
d on a les pieds dans la boue, vers quatre heures
du
matin, après l’alarme. La plupart des hommes le ressentent, presque a
44
ntale, et l’on ne sait plus la reconnaître au ras
du
sol, au niveau des choses brutes et brutales. Pourtant, rien n’est pl
45
ée de gouttes. Le vent siffle à travers les trous
du
casque. L’homme tire la toile de tente qui couvre ses épaules et cher
46
s où circulent des bestioles maladroites. Le drap
du
pantalon colle au mollet, les doigts sont rouges sur le fusil luisant
47
l’on est prêt à tout abandonner au premier signe
du
destin, parce qu’on vient de remplir les limites du réel et d’accompl
48
destin, parce qu’on vient de remplir les limites
du
réel et d’accomplir un seul instant parfait. e. Rougemont Denis de
49
ue je suis un militaire… », Bulletin de la Guilde
du
livre, Lausanne, septembre 1939, p. 131-133.
50
renne au voyageur davantage qu’une vision intense
du
paysage urbain de la Hollande. Tout ce que je sais de ce pays, après
51
e d’Amsterdam, de Rotterdam, ou des petites cités
du
centre. Je vois côte à côte un palais de la Renaissance flamande, un
52
te un palais de la Renaissance flamande, un hôtel
du
xviiie siècle, un gratte-ciel et des entrepôts de marchandises venue
53
ce que l’autre annexe. Ce mariage de l’ancien et
du
moderne n’est pas seulement une réussite technique, une habileté des
54
Billet d’aller et retour », Bulletin de la Guilde
du
livre, Lausanne, décembre 1939, p. 190-191.
55
ouve un charme, simplement. Mais quand je la vois
du
haut de mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte e
56
urne vers le nord, je vois un monde de terrasses,
du
dixième au trentième étage du River Club, où vivent les milliardaires
57
monde de terrasses, du dixième au trentième étage
du
River Club, où vivent les milliardaires et les acteurs. Et tout près,
58
oids et de millésime, quand les mouettes éclosent
du
rocher, quand les premiers remorqueurs se mettent à souffler fort dan
59
amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est l’heure
du
pardon délivrant — et je me donne au jour américain ! Sur le grand fo
60
enis de, « Beekman Place », Bulletin de la Guilde
du
livre, Lausanne, octobre 1946, p. 243-245. h. Précédé de la note sui
61
245. h. Précédé de la note suivante : « Fragment
du
Journal des deux mondes qui paraîtra à la Guilde du Livre. »
62
Journal des deux mondes qui paraîtra à la Guilde
du
Livre. »
63
vu d’aussi grands, ils montent jusqu’aux fenêtres
du
deuxième étage. Une odeur écœurante vient de la porte dont un battant
64
crie qu’ils viennent encore de manger les bougies
du
carrosse de George Washington. (C’est une pièce de musée que nous all
65
illés sur un pré d’un vert sombre enclos de murs.
Du
lierre partout. Çà et là, des statues de faunes et de chiens gisent l
66
isis. Nous redescendons. Le ciel est devenu noir.
Du
portique, entre les hautes colonnes blanches et ces ifs dramatiques,
67
rd en galopant. Nouveaux éclairs. Tous les chiens
du
chenil se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’approche de
68
aliers ralentissent et s’arrêtent devant la barre
du
portail. Elle pousse son cheval, le portail cède et lui livre passage
69
illent, baissent, remontent… Paraît dans la porte
du
fond un homme en veste de chasse qui tient des verres de whisky à la
70
ait partout avec elle. Je pense au regard d’acier
du
jeune homme silencieux de tout à l’heure. Des chiens se glissent entr
71
! dit-elle moqueuse. Voulez-vous que je vous joue
du
piano ? Pour faire croire que je n’ai pas peur… » — Eh bien ? m’ont
72
ois de ma vie, je me sens tenté d’écrire la suite
du
roman. i. Rougemont Denis de, « Souvenir d’un orage en Virginie »,
73
r d’un orage en Virginie », Bulletin de la Guilde
du
livre, Lausanne, novembre 1946, p. 282-284.
74
nrubannés, sur les fourrures, sur l’arbre immense
du
Rockefeller Plaza, transporté avec toutes ses racines d’un parc où il
75
musiques nostalgiques. Noël, ici, devient la fête
du
Bébé Cadum des réclames et non plus de cet Enfant vrai qui naquit tan
76
ourquoi ces échanges éperdus ? Est-ce en souvenir
du
seul cadeau de paix jamais fait à l’humanité ? Ou bien cette fièvre d
77
protestants, dans la plus grande église gothique
du
monde, la Cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglica
78
onnes y chanteront des carols avant la procession
du
chœur et du clergé, précédée de porteurs de torches à la Burne Jones.
79
teront des carols avant la procession du chœur et
du
clergé, précédée de porteurs de torches à la Burne Jones. Et, comme c
80
ple l’a baptisé, saisissant la baguette des mains
du
chef dirigera pour la dernière fois l’orchestre ou la fanfare d’un gr
81
lisations. Déjà l’on met en vente la « bicyclette
du
ciel », un petit avion de 1000 dollars. Déjà les banques de Buffalo o
82
a photographie pour « le brillant et la précision
du
détail », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’on nous annonce d
83
les pasteurs et les prêtres se préparent à parler
du
message de Noël aux « hommes de bonne volonté », répétant sans scrupu
84
is de, « Noël à New York », Bulletin de la Guilde
du
livre, Lausanne, décembre 1946, p. 295-296.
85
rd toute tenue dès qu’elle a traversé les piliers
du
métro aérien qui longe encore la Troisième Avenue, s’anime alors dang
86
ré, je vois quelques Chinois courbés qui empilent
du
linge ; au cinquième, une grosse femme en peignoir qui se farde à ges
87
hauts rectangles troués de lumières et de scènes
du
soir, s’étagent en silhouettes sur le ciel rouge. Une radio clame Ama
88
gemont Denis de, « Slums », Bulletin de la Guilde
du
livre, Lausanne, janvier 1947, p. 15-16. l. Précédé de la note suiva
89
5-16. l. Précédé de la note suivante : « Extrait
du
Journal des deux mondes . »
90
un procès perdu (décembre 1947)m Ta douleur,
du
Périer, sera donc éternelle ? Et les tristes discours… … Est-ce quelq
91
de la plaidoirie prononcée par Me Duperrier lors
du
procès de son client Georges Oltramare. Ainsi dans la Gazette de Lau
92
isant, Denis de Rougemont n’a pas mis la sécurité
du
pays en danger. Une calomnie Peu de temps auparavant, les Édit
93
pour publier mes livres sous Vichy, c’est-à-dire
du
côté d’Oltramare. Ces deux griefs s’accordant mal, qui devons-nous cr
94
t une « assemblée particulière », n’a rien brandi
du
tout, ni rien prouvé, et il en eût été bien empêché, car si quelqu’un
95
omnies, parce que je suis pour la liberté qui est
du
courage mais contre la licence qui est du fanatisme, ou de la lâcheté
96
qui est du courage mais contre la licence qui est
du
fanatisme, ou de la lâcheté, ou simplement (restons courtois) de l’ét
97
it accuser la ville de Lyon des méfaits d’un lion
du
désert, et Malherbe d’avoir consolé Duperrier — celui qui a perdu son
98
cat s’est bien gardé de la formuler : c’est celle
du
contenu des émissions. Oltramare a parlé en faveur des nazis, ennemis
99
science de citoyens de la plus vieille démocratie
du
monde. Jugez donc ! et dites avec moi que nous l’avons échappé belle
100
rier sur un procès perdu », Bulletin de la Guilde
du
livre, Lausanne, décembre 1947, p. 326‑328.
101
de l’eau pour toute la vie », écrivait un Paysan
du
Danube , et vingt ans ne l’ont pas démenti. Je dénombre mes lacs et n
102
ti. Je dénombre mes lacs et ne puis retrouver que
du
bonheur à ces souvenirs. Non qu’ils me parlent tous de jours heureux,
103
pleins de lucioles à la nuit, quand les violoneux
du
village viennent donner la sérénade. Et nous montons à ce balcon sur
104
es, échevelées de châtaigniers. Contre les flancs
du
noir Monte Baldo coiffé de neige, sur l’autre rive, un orage s’illumi
105
ur un balcon d’hôtel à Vevey, à Montreux, patries
du
roman russe. Et le bleu de l’air matinal, l’argent transparent des mo
106
ds étés américains, dans les demeures trop vastes
du
Lake George, nommé jadis lac du Saint Sacrement « pour la pureté lust
107
eures trop vastes du Lake George, nommé jadis lac
du
Saint Sacrement « pour la pureté lustrale de ses eaux »… Il me rappel
108
s, mais il était surtout celui d’Œil de faucon et
du
dernier des Mohicans de mon enfance. Je le trouvais bien beau. Pourqu
109
t nous n’irons jamais au lac d’Amatitlan, au pied
du
fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je l’emporte avec les autres sans
110
dénombre mes lacs, et la mémoire encore investit
du
charme des eaux l’adolescence même, aux chagrins taciturnes. Souffrir
111
t jamais sans douceur. Je suis sur la jetée, près
du
hangar des trams, et l’eau n’est pas plus noire que mon cœur humilié.
112
nt d’un rose sombre. Tout la distingue infiniment
du
troupeau bavardant de ses compagnes. Si je rencontrais ses yeux, que
113
der. Je mentirai ! Je suis assis sur un banc près
du
port, la promenade est déserte et mon cœur assoiffé. Personne ne pass
114
derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur
du
lac s’est retirée, de vague en vague vers l’autre rive. Elle caresse
115
sereine incandescence les Alpes déployées au fond
du
ciel. Sommets d’où l’on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande
116
, rêvant jusqu’à mes pieds. Par une chaude soirée
du
mois d’août 192…, un jeune homme, simplement vêtu d’un pantalon de fl
117
très bas, tirant des pluies au large, et le cœur
du
jeune homme bondit dans sa poitrine, exalté par l’effort et la vitess
118
. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’attente
du
pays sous le ciel orageux. Oui, c’est bien cela qu’il sent, il ne peu
119
Comme tout est facile et violent quand les portes
du
cœur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre, le ciel bas, des
120
ugemont Denis de, « Lacs », Bulletin de la Guilde
du
livre, Lausanne, août 1948, p. 192-194. o. Le titre appelle cette no