1 1937, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Introduction au Journal d’un intellectuel en chômage (août 1937)
1 encore une maison abandonnée qu’on nous prêtait. Il y en a comme cela des centaines, des milliers, dans toutes les provin
2 tion paradoxale m’a fait découvrir tout un monde. Elle m’a confronté au réel, à la vie quotidienne d’un peuple qui se trouva
3 it tout ignorer de ma « qualité » d’intellectuel. Elle m’a posé et reposé chaque jour le problème des relations possibles en
4 iments, mais de mon entourage et des questions qu’ il me posait. Je m’exerçais à cette discipline de la description objecti
5 j’exposais ailleurs sous une forme plus générale. Il ne s’agit ici que de la vie « commune », au double sens de ce mot ; i
6 de la vie « commune », au double sens de ce mot ; il s’agit du réel que tout le monde vit. Je crois que c’est là seulement
7 est là seulement que les idées deviennent graves. Il m’a paru aussi que les façons de vivre et de penser des hommes réels,
8 x. Mais leur mystère n’apparaît que de tout près. Il est au cœur même de leur vie et ils l’ignorent le plus souvent. Quand
9 de tout près. Il est au cœur même de leur vie et ils l’ignorent le plus souvent. Quand on s’en aperçoit, on commence à com
10 rante qu’on a cessé de sentir le drame immense qu’ elle trahit. Province morte, et villes mortelles ! C’est qu’on ne sait plu
11 y a la liberté qu’assure la pauvreté. Ce goût qu’ elle donne à l’attente du lendemain et des signes providentiels. Et toutes
12 usions lyriques, des analyses du moi, j’ai cru qu’ il serait plus discret de donner, par exemple, mes comptes, ou quelques
2 1937, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Pages inédites du Journal d’un intellectuel en chômage (octobre 1937)
13 entreprise hardie que d’aller dire aux hommes qu’ ils sont peu de chose », s’écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars 166
14 ait à celui qui doit se montrer aux hommes tel qu’ il est ? S’entendre dire que l’homme en général est peu de chose n’est p
15 indre l’humanité. ⁂ Chômage. — On dit souvent qu’ il faut à l’homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour pou
16 compter1. Le second était si pauvre, au moment où il écrivit ses plus grandes œuvres, qu’il ne lui restait plus même une c
17 moment où il écrivit ses plus grandes œuvres, qu’ il ne lui restait plus même une chemise entière : les morceaux du bras a
18 des contre ses effroyables maux de tête. De plus, il était à demi aveugle… ⁂ Confort et culture. — À ceux qui n’ont rien,
19 … ⁂ Confort et culture. — À ceux qui n’ont rien, il faut donner du confort, afin qu’ils puissent concevoir d’autres buts
20 ui n’ont rien, il faut donner du confort, afin qu’ ils puissent concevoir d’autres buts à leur existence que la recherche d’
21 gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler que la recherche du confort est ce qui s’oppose le plus
22 nuit des villes n’est pas cette mort opaque dont il faut redouter je ne sais quelle invisible et brusque vie tout près. N
23 très grosses et molles au-dessus du jardin. Mais il arrive que le noir soit compact. Je me dirige à peu près le long de l
24 gémissant. J’ai des lettres à porter à l’autobus. Il faut s’éloigner du village. De nouveau le noir, et l’écho de mes pas
25 er un peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien fallu se rendre à l’évidence : ce sommier implacable restera d
26 eure. Quand la propriétaire reviendra pour l’été, elle se heurtera à ce sommier monumental dans sa pose scandaleuse, et ma r
27 ; l’homme déplie un journal que je n’aime pas, qu’ il a peut-être acheté tout par hasard, comme il m’arrive à moi aussi, ma
28 , qu’il a peut-être acheté tout par hasard, comme il m’arrive à moi aussi, mais on se juge tout de même là-dessus… Je sors
29 route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’est profondément le même mouv
30 grandes idées discutables. Mais n’oublions pas qu’ il vaut moins qu’un grand fait vrai, comme serait, par exemple, une gran
31 force au mépris de soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’y a pas de faits gra
32 elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’y a pas de faits grands ou petits en soi et par comparaison. Il y a
33 grus et mécaniques des autres ; écoute bien ce qu’ ils disent à travers les paroles qu’ils croient dire ; essaie de les comp
34 te bien ce qu’ils disent à travers les paroles qu’ ils croient dire ; essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou qua
35 ils croient dire ; essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verras, tu n’entendras et tu
36 de les comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verras, tu n’entendras et tu ne comprendras jamais qu’u
37 r toi-même ce fait qui est plus fort que toi. Car il est tout ce que le monde attend, attend de toute éternité pour aujour
38 ’auteur paraît croire à un rapprochement absurde. Il fait erreur. Nous sommes dans le Midi, où un sentiment obscur de lati
39 réalisée en argent liquide, chez son beau-frère. Il était adversaire du prêt à intérêt, condamné par l’église primitive.
40 prêt à intérêt, condamné par l’église primitive. Il donnait à qui voulait. Après sa mort, on s’aperçut qu’il ne restait q
41 ait à qui voulait. Après sa mort, on s’aperçut qu’ il ne restait que 250 fr. dans le coffre. 2. Voir la page 140 de l’édit
3 1938, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Caquets d’une vieille poule noire (août 1938)
42 le poule noire (août 1938)c d Eh bien ! en ont- ils fait des histoires sur ma petite histoire ! Je vivais ignorée et sere
43 de lui que dépend, après tout, mon existence. Ont- ils pu se moquer de mon aventure, tous les feuilletonistes indiscrets aux
44 ir en juger. Dans un grand quotidien de Bordeaux, il a paru tout un article intitulé sur trois colonnes — et j’en sens ma
45 l y a un jardin ; au fond du jardin, cette poule. Elle n’a pas fait parler d’elle depuis le mois de novembre. Soudain, le 10
46 u jardin, cette poule. Elle n’a pas fait parler d’ elle depuis le mois de novembre. Soudain, le 10 avril, elle se met à pondr
47 depuis le mois de novembre. Soudain, le 10 avril, elle se met à pondre, et avec tant d’ardeur que, dès le 16, elle a treize
48 t à pondre, et avec tant d’ardeur que, dès le 16, elle a treize gros œufs, que sans désemparer elle se met à couver. On regr
49 16, elle a treize gros œufs, que sans désemparer elle se met à couver. On regrette que M. de Rougemont ne nous ait pas prés
50 oujours rien. M. de Rougemont cite Spinoza — mais il est inquiet : dans la nuit du 21 mai, n’y tenant plus, il retourne au
51 nquiet : dans la nuit du 21 mai, n’y tenant plus, il retourne au poulailler, dérange la poule, aperçoit enfin un poulet… «
52 défense de ma vertu et de mon honneur vilipendés. Il s’en fiche, il s’amuse à mes dépens après m’avoir livrée à la risée p
53 ertu et de mon honneur vilipendés. Il s’en fiche, il s’amuse à mes dépens après m’avoir livrée à la risée publique ! Comme
54 s pitié et par surcroît ne sont pas bien malins ! Il était si facile de répliquer à mon calomniateur bordelais que c’est l
55 ur son divan, et jusque sur le sol de la pièce où il travaille (toujours ce désordre !). À ma stupéfaction, j’ai trouvé de
56 rticles pleins d’éloges pour ce maudit Journal . Il est vrai qu’ils étaient signés de noms que je crois fort obscurs, com
57 d’éloges pour ce maudit Journal . Il est vrai qu’ ils étaient signés de noms que je crois fort obscurs, comme Mauriac, Ramu
58 e de publier des pages signées V. Meylan-Malécot, il convient de faire passer au second plan les considérations locales, t
59 isée et, s’adressant courageusement à mon auteur, elle l’apostrophe dans ces termes : Il y a d’autres choses bien instructi
60 enfantine de le traiter. Est-ce que, par hasard, il n’y aurait pas de poules dans votre pays ? Ou bien est-ce que vous ne
61 est-ce que vous ne les aviez jamais regardées qu’ il vous faille aller en Vendée pour voir éclore des poussins ? Voilà !
62 ins ? Voilà ! « Par trop naïf », c’est le mot qu’ il fallait dire. Et l’on reconnaît enfin que moi, poule noire, j’étais «
63 point que Mme Meylan peut écrire de son livre : «  Il est difficile d’accumuler plus d’âneries en moins de phrases. » Ça c’
64 er les apparences du vice : allant droit au fait, elle distingue à l’origine du livre de mon persécuteur la haine farouche d
65 rétexte de décrire une poule noire, savez-vous qu’ il s’en prenait en vérité à la petite épargne, aux petits rentiers ! C’e
66 ne les aurez pas, ces petits rentiers ! » clame-t- elle . Et pour le coup, je m’y reconnais : cette logique est celle de la ra
67 les épaules. Dans le fond de son cœur, toutefois, il a dû se sentir atteint. Et comment ne pas admirer le courage de cette
68 ies. Et mon auteur lui-même n’a pas été si loin : il s’est contenté de se débrouiller avec sa pauvreté et, loin de la croi
69 er avec sa pauvreté et, loin de la croire sacrée, il a essayé d’en sortir. Je signale le cas de M. Porché à la vigilance d
70 ômeur (comme l’écrit curieusement M. Brasillach). Ils disaient qu’un intellectuel ne peut chômer totalement, puisqu’il pens
71 un intellectuel ne peut chômer totalement, puisqu’ il pense, et donc travaille toujours. Mais c’était faire la part trop be
72 ur ! Je puis affirmer, d’après mon expérience, qu’ il est plus paresseux qu’on ne le croit. Ne passait-il pas des heures en
73 est plus paresseux qu’on ne le croit. Ne passait- il pas des heures entières à nous regarder amoureusement, moi et mes pou
74 s de mots que d’idées fécondes dans ce monde. 4. Il est vrai qu’on la dit Lausannoise, mais enfin le journal Curieux a pr
75 intellectuel en chômage nous remet ces pages qu’ il prétend avoir été écrites (ou, comme on dit, pondues) par la vieille
76 2 de son livre. Nos lecteurs jugeront eux-mêmes s’ il faut voir là une preuve nouvelle d’une grossière supercherie. » Dans
4 1939, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Puisque je suis un militaire… (septembre 1939)
77 eptembre 1939)e Puisque je suis un militaire, Il faut bien faire mon état. Chanson du xviiie siècle. — Tu te rends c
78 nt sans peur et sans préparation dès l’instant qu’ elles deviennent présentes, cessent d’être imaginées, ou même imaginables.
79 moments de notre furtive existence. Surtout quand il tombe une pluie fine. Ce n’est pas seulement à cause de la saison qu’
80 e. Ce n’est pas seulement à cause de la saison qu’ il convient de parler de la pluie. C’est à cause d’une profonde affinité
81 aules et cherche à la caler sous son coude droit. Il sait que, d’une seconde à l’autre, peut venir l’ordre de bondir. Ça n
82 ondir. Ça ne l’empêche pas de s’installer comme s’ il n’avait rien d’autre à faire pendant des heures. (Est-ce une parabole
83 ant des heures. (Est-ce une parabole de la vie ?) Il est bien. Merveilleusement bien. Libéré. Sans passé, sans avenir. Tou
5 1939, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Billet d’aller et retour (décembre 1939)
84 ue tout homme rêve une bonne part de sa vie. Mais il arrive aussi que certains rêves, et certains cauchemars, soient vécus
85 e le mien, mais je l’avais quitté presque vide et il est plein de dormeurs débraillés, de musettes et de masques à gaz. Dé
86 que l’on appellera l’âme hollandaise, je doute qu’ elle en apprenne au voyageur davantage qu’une vision intense du paysage ur
87 t de surprises. Le grand secret de ce pays, ce qu’ il faut lire sur ces façades à la fois patinées et toujours neuves, c’es
88 réussite technique, une habileté des architectes. Il suppose une culture profonde et populaire, et plus encore, un arrière
89 dant une unité si intérieure à chaque individu qu’ elle permet la plus grande diversité dans les formes qui la manifestent. Q
90 e miracle de l’équilibre entre l’Un et le Divers. Ils ont la charge de créer les seules bases vivantes de la paix. Ils ont
91 ge de créer les seules bases vivantes de la paix. Ils ont la charge de tout le xxe siècle. Mais nous reparlerons de toutes
92 ; c’est l’image même en pierre verdâtre, de ce qu’ il nous faut combattre impitoyablement si nous voulons mériter notre pai
6 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Beekman Place (octobre 1946)
93 à angle droit. Hors-série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée
94 xilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’ il y trouve un charme, simplement. Mais quand je la vois du haut de mon
95 où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunettes noires…
96 t de bain. Elles se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunettes noires… Quelques jeunes gens viennent boire un
97 gidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent d’une terrasse obscure, un clique
7 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Souvenir d’un orage en Virginie (novembre 1946)
98 re des barrières blanches. « Et vous verrez ce qu’ elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de J. car c’était la maison
99 J. car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… » L’auto s’arrête d
100 a maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… » L’auto s’arrête devant un haut por
101 iles noires. Je n’en ai jamais vu d’aussi grands, ils montent jusqu’aux fenêtres du deuxième étage. Une odeur écœurante vie
102 . Une servante les poursuit armée d’une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de Geor
103 e les poursuit armée d’une cravache. Elle crie qu’ ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washingto
104 . Entrée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par la charmille, où
105 rs éclairs sur les prairies. Par la charmille, où il fait presque nuit — mais on devine encore quelques statues décapitées
106 d’une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparaissent dans un vallonnement, et maintenant remontent vers nous
107 tir. Une femme en jaune, suivie d’un homme. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’une main et de l’autre
108 ie d’un homme. Comme ils s’approchent, on voit qu’ elle tient la bride d’une main et de l’autre porte à sa bouche une pomme q
109 main et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’ elle mord en galopant. Nouveaux éclairs. Tous les chiens du chenil se sont
110 tissent et s’arrêtent devant la barre du portail. Elle pousse son cheval, le portail cède et lui livre passage. C’est une gr
111 et son torse paraît nu dans un fin sweater jaune. Elle rit, jette la pomme, et nous salue de la main. Le jeune homme mince,
112 le sur son cheval, nous considère avec hostilité. Il a les yeux d’un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence
113 tilité. Il a les yeux d’un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence nous supprime. C’est sans doute le nouvel
114 ndant. « Je vous retrouve à la maison ! », crie-t- elle . Et, piquant son cheval, penchée sur l’encolure, elle disparaît dans
115 . Et, piquant son cheval, penchée sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chie
116 rose. « Je ne trouve pas les prises ! explique-t- elle , je ne mets jamais les pieds dans ce dégoûtant salon ! » Des éclairs
117 s boiseries. Le lustre enfin s’allume par degrés. Elle court aux fenêtres et ferme avec fracas des volets intérieurs, en chê
118 racas des volets intérieurs, en chêne clair, puis elle tire encore les rideaux. « Les orages me rendent folle, j’ai tellemen
119 des verres et des bouteilles. Qui sont ces gens ? Elle dit : « Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dans la maison depu
120 s ? Elle dit : « Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dans la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis
121 is de Jim. — Mais où est Jim ? — Je ne sais pas ? Il est parti. » Jim était l’intendant, une sorte de géant toujours en bo
122 endant, une sorte de géant toujours en bottes, qu’ elle emmenait partout avec elle. Je pense au regard d’acier du jeune homme
123 toujours en bottes, qu’elle emmenait partout avec elle . Je pense au regard d’acier du jeune homme silencieux de tout à l’heu
124 tremblants. « Mais je ne sais pas recevoir ! dit- elle moqueuse. Voulez-vous que je vous joue du piano ? Pour faire croire q
8 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Noël à New York (décembre 1946)
125 uter le monde. Les trois Grands, à Moscou, seront- ils plus adroits dans ce même jeu ? On ne le croirait pas, à les voir. Cu
126 on, c’est Miss Hepburn ! » — « C’est moi ! », dit- elle en lui pinçant la joue, et la vendeuse nous planta là. Il neigeait s
127 pinçant la joue, et la vendeuse nous planta là. Il neigeait sur la Cinquième Avenue, sur les paquets enrubannés, sur les
128 , transporté avec toutes ses racines d’un parc où il sera replanté dès janvier, n’ayant coûté que 100 dollars de location
129 de rivaliser dans la dépense, en fin d’année, est- elle comme chez les primitifs une manière de conjurer le sort et de se ren
130 encore très bien compris les traditions, parce qu’ elle les respecte un peu trop… Times Square, tous ses feux rallumés, sembl
131 aériens. Déjà la télévision en couleurs prouve qu’ elle ne le cède en rien à la photographie pour « le brillant et la précisi
132 bonne volonté (de Dieu) envers les hommes ». Est- il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de
133 de bonne volonté ? La plupart sont involontaires. Ils ne font que subir leur condition. À Times Square, dans la foule compa
9 1947, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Slums (janvier 1947)
134 r 1947)k l La 75e rue n’a rien de particulier. Elle part luxueusement de la Cinquième Avenue et de Central Park, traverse
135 k après Lexington Avenue, perd toute tenue dès qu’ elle a traversé les piliers du métro aérien qui longe encore la Troisième
136 cule dans cette ville, je n’ai jamais été touché, ils sont d’une folle brutalité, mais surpassée par leur adresse — allumen
137 ort étroite se dresse sur quatre pieds de fonte : il faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De la cuisine, on passe
138 journaux : « cinq pièces, eau chaude et bains ». Il existe dans Manhattan des centaines de milliers de logis construits s
10 1947, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu (décembre 1947)
139 auvais goût contre l’écrivain neuchâtelois auquel il décerne faussement le titre de correspondant attitré de notre journal
140 titre de correspondant attitré de notre journal, il lit à la cour l’admirable morceau que de Rougemont a dédié à Paris en
141 hâtel : Les plaidoiries au procès Oltramare : où il est question de Denis de Rougemont L’avocat fait ensuite un parallèle
142 tramare, est allé se mettre au service de la BBO. Il se demande si, ce faisant, Denis de Rougemont n’a pas mis la sécurité
143 é au temps de Vichy d’être publié en France », et il insinue que si j’attaque aujourd’hui le nationalisme, c’est pour mieu
144 re », n’a rien brandi du tout, ni rien prouvé, et il en eût été bien empêché, car si quelqu’un n’a pas cessé d’être publié
145 parallèle et quel joli contraste ! Se trouvera-t- il quelqu’un pour les relever ? » Et puis les circonstances de ma vie ne
146 lair de notre directeur : « Les journalistes, dit- il , m’accablent de téléphones et dérangent mon travail pour me demander
147 pour me demander mon opinion sur cette affaire… » Il joint l’extrait de la Gazette qu’on vient de lire et m’enjoint de «
148 r l’occasion d’un papier ». Si je comprends bien, il veut sa paix, et me laisse le soin de répondre aux téléphones. OK ! d
149 éléphones. OK ! disent les Américains. Pendant qu’ il administre, amusons-nous. Où je réponds Voici le raisonnement q
150 ice d’une propagande étrangère, comme Oltramare ; il a parlé à la radio, comme Oltramare ; et hors de Suisse, comme Oltram
151 Oltramare encore. Les deux cas étant identiques, il faut donc condamner Rougemont, mais il faut acquitter Oltramare. Vous
152 dentiques, il faut donc condamner Rougemont, mais il faut acquitter Oltramare. Vous n’y comprenez rien ? Ni moi non plus.
153 re, et l’avocat fait une drôle de figure. Ou bien il faut acquitter Oltramare, mais alors il n’y avait pas lieu de me déno
154 . Ou bien il faut acquitter Oltramare, mais alors il n’y avait pas lieu de me dénoncer, tout ce discours retombe à plat, e
155 e des mots tombe dans le calembour juridique. Car il est vrai que les deux cas s’énoncent et se prononcent de même, mais p
156 nazis, pour les démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’évidence que je faisais en Amérique exactement le cont
157 r se voit chargé d’office de ma défense. Que va-t- il dire ? Il n’hésite pas : il dit que j’ai fait comme Oltramare, notre
158 chargé d’office de ma défense. Que va-t-il dire ? Il n’hésite pas : il dit que j’ai fait comme Oltramare, notre infaillibl
159 ma défense. Que va-t-il dire ? Il n’hésite pas : il dit que j’ai fait comme Oltramare, notre infaillible führer suisse. O
11 1948, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Lacs (août 1948)
160 eaux, ma vie sentimentale est née. Et depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur de l’eau pour toute la vie », écrivait u
161 retrouver que du bonheur à ces souvenirs. Non qu’ ils me parlent tous de jours heureux, mais la mémoire des plus amers ou d
162 u des plus seuls a gardé le charme des eaux. Faut- il penser que la souffrance au bord d’un lac n’est jamais sans quelque d
163 un univers clos, si grands soient les miroirs qu’ il offre aux ciels changeants, et si profonds ses lointains de lumière.
164 empler sans fin, où l’on a reconnu l’amour, comme il aime à s’y retrouver. Je nage à Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’e
165 i sans raison, grandiloquentes, bordent la rive. ( Elles furent élevées, dit-on, par un ministre fou.) Cyprès au pied des Alpe
166 la brume légère, tout était si pur et si frais qu’ il semblait que le monde venait de s’éveiller, luisant et neuf, de la pr
167 acrement « pour la pureté lustrale de ses eaux »… Il me rappelait un peu de tous mes autres lacs, mais il était surtout ce
168 me rappelait un peu de tous mes autres lacs, mais il était surtout celui d’Œil de faucon et du dernier des Mohicans de mon
169 mais je l’emporte avec les autres sans remords, s’ il est vrai que d’aucuns je n’ai su tant d’histoires et qu’il détient ce
170 ai que d’aucuns je n’ai su tant d’histoires et qu’ il détient certains de mes secrets. Je dénombre mes lacs, et la mémoire
171 oit rester mon secret. Je la guette à midi, quand elle descend dans le cortège des jeunes filles sortant de l’école des Terr
172 illes qui passent, mais je la vois venir de loin. Elle porte un grand chapeau flottant d’un rose sombre. Tout la distingue i
173 e rencontrais ses yeux, que deviendrais-je, et si elle devinait mon sentiment ? Pourtant la semaine prochaine, l’épreuve rec
174 n’aime encore que la nature, et ma solitude avec elle . Et vraiment, à cet âge, elle me l’a bien rendu. (Quand on revient la
175 et ma solitude avec elle. Et vraiment, à cet âge, elle me l’a bien rendu. (Quand on revient la voir à deux, plus tard, aux m
176 vient la voir à deux, plus tard, aux mêmes lieux, elle se réserve… Elle ne sera plus jamais tout à fait comme avant.) Ce soi
177 eux, plus tard, aux mêmes lieux, elle se réserve… Elle ne sera plus jamais tout à fait comme avant.) Ce soir, elle est encor
178 ra plus jamais tout à fait comme avant.) Ce soir, elle est encore d’une présence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière
179 est retirée, de vague en vague vers l’autre rive. Elle caresse en passant l’épaule des collines, elle monte, elle embrase lo
180 e. Elle caresse en passant l’épaule des collines, elle monte, elle embrase longtemps d’une sereine incandescence les Alpes d
181 sse en passant l’épaule des collines, elle monte, elle embrase longtemps d’une sereine incandescence les Alpes déployées au
182 seul reste distinct le bruit profond des vagues. Il roule maintenant dans l’ombre tiède et abritée d’un bois de pins. Que
183 bre tiède et abritée d’un bois de pins. Que vient- il donc chercher sur ces rivages désertés par le crépuscule ? Quelle est
184 e crépuscule ? Quelle est cette hâte inconnue, qu’ il se flattait de n’éprouver jamais, bien au contraire, avant un rendez-
185 « J’accours ! Attends !… » Ah ! mais qu’est-ce qu’ il m’arrive ? se dit-il. Il faut en avoir le cœur net. (Tout son orgueil
186  !… » Ah ! mais qu’est-ce qu’il m’arrive ? se dit- il . Il faut en avoir le cœur net. (Tout son orgueil réside en la maîtris
187 » Ah ! mais qu’est-ce qu’il m’arrive ? se dit-il. Il faut en avoir le cœur net. (Tout son orgueil réside en la maîtrise de
188 e de soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de la main au tronc d’
189 ays sous le ciel orageux. Oui, c’est bien cela qu’ il sent, il ne peut s’y tromper : la brûlure douce au cœur, le sang plus
190 le ciel orageux. Oui, c’est bien cela qu’il sent, il ne peut s’y tromper : la brûlure douce au cœur, le sang plus vite, le
191 la respiration. Tout ce que disent les poètes qu’ il dédaigne, tous leurs clichés, c’était donc vrai ? Il ne sait quelle a
192 dédaigne, tous leurs clichés, c’était donc vrai ? Il ne sait quelle ardeur le pénètre… Mais il sent qu’il va dire les gran
193 vrai ? Il ne sait quelle ardeur le pénètre… Mais il sent qu’il va dire les grands mots impossibles, dans un fol abandon,
194 ne sait quelle ardeur le pénètre… Mais il sent qu’ il va dire les grands mots impossibles, dans un fol abandon, et ce sera