1
l en chômage (août 1937)a Tolstoï disait, vers
la
fin du siècle dernier : « L’artiste de l’avenir vivra la vie ordinair
2
Tolstoï disait, vers la fin du siècle dernier : «
L’
artiste de l’avenir vivra la vie ordinaire des hommes, gagnant son pai
3
t, vers la fin du siècle dernier : « L’artiste de
l’
avenir vivra la vie ordinaire des hommes, gagnant son pain par un méti
4
du siècle dernier : « L’artiste de l’avenir vivra
la
vie ordinaire des hommes, gagnant son pain par un métier quelconque.
5
agnant son pain par un métier quelconque. » C’est
le
contraire qui m’est arrivé : j’ai perdu mon « métier quelconque », et
6
t qui m’a permis de partager, pendant deux ans, «
la
vie ordinaire des hommes ». Cas plus rare qu’on ne le pense pour un i
7
ie ordinaire des hommes ». Cas plus rare qu’on ne
le
pense pour un intellectuel. À Paris, on fréquente et on ignore qui l’
8
ellectuel. À Paris, on fréquente et on ignore qui
l’
on veut. On se fait très facilement sa vie et son milieu parmi des gen
9
imple fait suffit à distinguer un tel milieu de «
la
vie ordinaire » — la vie de la grande majorité des hommes. Or, en mêm
10
istinguer un tel milieu de « la vie ordinaire » —
la
vie de la grande majorité des hommes. Or, en même temps que mon gagne
11
un tel milieu de « la vie ordinaire » — la vie de
la
grande majorité des hommes. Or, en même temps que mon gagne-pain, j’a
12
, en même temps que mon gagne-pain, j’avais perdu
la
possibilité de vivre à Paris. J’eus l’idée de demander autour de moi
13
vais perdu la possibilité de vivre à Paris. J’eus
l’
idée de demander autour de moi si l’on ne connaissait pas une maison v
14
Paris. J’eus l’idée de demander autour de moi si
l’
on ne connaissait pas une maison vide quelque part… On me la trouva bi
15
nnaissait pas une maison vide quelque part… On me
la
trouva bien vite : au bout du monde, dans une île de la côte Atlantiq
16
uva bien vite : au bout du monde, dans une île de
la
côte Atlantique. J’allai m’y installer avec ma femme, au mois de nove
17
femme, au mois de novembre, et j’y restai jusqu’à
l’
été. L’année suivante, ce fut le Midi : là encore une maison abandonné
18
au mois de novembre, et j’y restai jusqu’à l’été.
L’
année suivante, ce fut le Midi : là encore une maison abandonnée qu’on
19
’y restai jusqu’à l’été. L’année suivante, ce fut
le
Midi : là encore une maison abandonnée qu’on nous prêtait. Il y en a
20
mme cela des centaines, des milliers, dans toutes
les
provinces de la France. (Tandis que dans les villes, les jeunes ménag
21
aines, des milliers, dans toutes les provinces de
la
France. (Tandis que dans les villes, les jeunes ménages se ruinent à
22
utes les provinces de la France. (Tandis que dans
les
villes, les jeunes ménages se ruinent à payer leurs « petits deux-piè
23
vinces de la France. (Tandis que dans les villes,
les
jeunes ménages se ruinent à payer leurs « petits deux-pièces », agrém
24
payer leurs « petits deux-pièces », agrémentés de
la
TSF des voisins.) Chômeur, je me trouvais cependant rendu à mon trava
25
eur, je me trouvais cependant rendu à mon travail
le
plus réel, qui est d’écrire. Cette situation paradoxale m’a fait déco
26
vrir tout un monde. Elle m’a confronté au réel, à
la
vie quotidienne d’un peuple qui se trouvait tout ignorer de ma « qual
27
intellectuel. Elle m’a posé et reposé chaque jour
le
problème des relations possibles entre l’écrivain et le peuple, et au
28
ue jour le problème des relations possibles entre
l’
écrivain et le peuple, et aussi le « problème des gens », c’est-à-dire
29
blème des relations possibles entre l’écrivain et
le
peuple, et aussi le « problème des gens », c’est-à-dire des voisins,
30
possibles entre l’écrivain et le peuple, et aussi
le
« problème des gens », c’est-à-dire des voisins, des autres, avec les
31
quels on se voit contraint de vivre sans avoir pu
les
choisir à son goût. J’ai traité ces deux grandes questions de la cult
32
n goût. J’ai traité ces deux grandes questions de
la
culture et de la communauté dans un ouvrage théorique intitulé Pense
33
té ces deux grandes questions de la culture et de
la
communauté dans un ouvrage théorique intitulé Penser avec les mains
34
ue j’y travaillais, je m’amusais à noter, au jour
le
jour, des anecdotes, des observations, des réflexions, déduites du dé
35
déduites du détail quotidien de mes contacts avec
les
gens, ou des soucis de mon état. Je ne pensais pas en faire un livre.
36
il me posait. Je m’exerçais à cette discipline de
la
description objective, qui est devenue tellement étrangère aux romant
37
» que nous sommes tous plus ou moins. Peu à peu,
les
feuillets s’entassaient… Si j’en publie une partie aujourd’hui, ce n’
38
ans quelques intentions précises. D’abord montrer
l’
origine concrète des idées que j’exposais ailleurs sous une forme plus
39
une forme plus générale. Il ne s’agit ici que de
la
vie « commune », au double sens de ce mot ; il s’agit du réel que tou
40
le monde vit. Je crois que c’est là seulement que
les
idées deviennent graves. Il m’a paru aussi que les façons de vivre et
41
es idées deviennent graves. Il m’a paru aussi que
les
façons de vivre et de penser des hommes réels, peuplant la France rée
42
de vivre et de penser des hommes réels, peuplant
la
France réelle, étaient en somme peu connues : ni les romans, ni les j
43
France réelle, étaient en somme peu connues : ni
les
romans, ni les journaux, ni les théories politiques ne m’en avaient d
44
étaient en somme peu connues : ni les romans, ni
les
journaux, ni les théories politiques ne m’en avaient donné la moindre
45
peu connues : ni les romans, ni les journaux, ni
les
théories politiques ne m’en avaient donné la moindre idée exacte. J’a
46
ni les théories politiques ne m’en avaient donné
la
moindre idée exacte. J’ai décrit les paysans parmi lesquels je vivais
47
avaient donné la moindre idée exacte. J’ai décrit
les
paysans parmi lesquels je vivais, quelques instituteurs, des chauffeu
48
tout près. Il est au cœur même de leur vie et ils
l’
ignorent le plus souvent. Quand on s’en aperçoit, on commence à compre
49
Il est au cœur même de leur vie et ils l’ignorent
le
plus souvent. Quand on s’en aperçoit, on commence à comprendre la por
50
Quand on s’en aperçoit, on commence à comprendre
la
portée infinie de cette parole si simple : « Ne jugez pas. » On est d
51
mple : « Ne jugez pas. » On est déjà tout près de
l’
amour. On touche la vie, le grain de l’existence. Et c’est cela que je
52
as. » On est déjà tout près de l’amour. On touche
la
vie, le grain de l’existence. Et c’est cela que je voudrais faire tou
53
est déjà tout près de l’amour. On touche la vie,
le
grain de l’existence. Et c’est cela que je voudrais faire toucher. J’
54
ut près de l’amour. On touche la vie, le grain de
l’
existence. Et c’est cela que je voudrais faire toucher. J’ai tenté d’é
55
chapper aux villes inhumaines. Et j’ai trouvé que
la
province ne vaut guère mieux, dans son état présent. Partout les jeun
56
vaut guère mieux, dans son état présent. Partout
les
jeunes vous disent : « C’est mort ici ! » Phrase si courante qu’on a
57
ci ! » Phrase si courante qu’on a cessé de sentir
le
drame immense qu’elle trahit. Province morte, et villes mortelles ! C
58
mais seulement des « voisins inévitables » (comme
l’
a si bien dit Keyserling). En relisant mes notes, je m’aperçois que c’
59
). En relisant mes notes, je m’aperçois que c’est
la
nostalgie d’une vraie communauté qui constitue leur trame profonde. M
60
constitue leur trame profonde. Mais il y a aussi
la
nature, l’océan et les landes désertes, et ces olivettes moirant les
61
leur trame profonde. Mais il y a aussi la nature,
l’
océan et les landes désertes, et ces olivettes moirant les dernières p
62
profonde. Mais il y a aussi la nature, l’océan et
les
landes désertes, et ces olivettes moirant les dernières pentes des Cé
63
et les landes désertes, et ces olivettes moirant
les
dernières pentes des Cévennes. Il y a aussi de ces rencontres qui sou
64
— est-ce trop dire ? — une sorte de confiance en
l’
homme. Il y a la liberté qu’assure la pauvreté. Ce goût qu’elle donne
65
ire ? — une sorte de confiance en l’homme. Il y a
la
liberté qu’assure la pauvreté. Ce goût qu’elle donne à l’attente du l
66
confiance en l’homme. Il y a la liberté qu’assure
la
pauvreté. Ce goût qu’elle donne à l’attente du lendemain et des signe
67
té qu’assure la pauvreté. Ce goût qu’elle donne à
l’
attente du lendemain et des signes providentiels. Et toutes les joies
68
lendemain et des signes providentiels. Et toutes
les
joies qui n’ont pas de nom et dont personne ne songerait à parler, co
69
personne ne songerait à parler, contemplation de
la
terre, ou d’une bestiole à son travail, sentiment de la journée vide,
70
re, ou d’une bestiole à son travail, sentiment de
la
journée vide, du temps qui a pris le rythme des vies simples. Et la n
71
sentiment de la journée vide, du temps qui a pris
le
rythme des vies simples. Et la nuit retrouvée, la vraie nuit noire et
72
u temps qui a pris le rythme des vies simples. Et
la
nuit retrouvée, la vraie nuit noire et muette où rôdent les grandes m
73
le rythme des vies simples. Et la nuit retrouvée,
la
vraie nuit noire et muette où rôdent les grandes menaces originelles
74
etrouvée, la vraie nuit noire et muette où rôdent
les
grandes menaces originelles ! On l’avait oubliée dans les villes. ⁂ L
75
te où rôdent les grandes menaces originelles ! On
l’
avait oubliée dans les villes. ⁂ Là où l’on a coutume de placer dans u
76
des menaces originelles ! On l’avait oubliée dans
les
villes. ⁂ Là où l’on a coutume de placer dans un « journal » des effu
77
les ! On l’avait oubliée dans les villes. ⁂ Là où
l’
on a coutume de placer dans un « journal » des effusions lyriques, des
78
idique. Je ne serais donc pas fâché qu’au lieu de
le
juger bien ou mal, on le considère tout simplement comme une « recett
79
pas fâché qu’au lieu de le juger bien ou mal, on
le
considère tout simplement comme une « recette pour vivre de peu ».
80
rnal d’un intellectuel en chômage », Bulletin de
la
Guilde du livre, Lausanne, août 1937, p. 126-128.
81
sont peu de chose », s’écrie Bossuet (Sermon sur
la
mort, 22 mars 1662). Que dirions-nous alors du sort fait à celui qui
82
er aux hommes tel qu’il est ? S’entendre dire que
l’
homme en général est peu de chose n’est pas trop humiliant pour qui se
83
ur qui se flatte d’une image de soi composée dans
la
solitude : tant qu’on ne s’est pas avoué devant les autres, on peut t
84
a solitude : tant qu’on ne s’est pas avoué devant
les
autres, on peut toujours s’estimer singulier, c’est-à-dire supérieur
85
urs s’estimer singulier, c’est-à-dire supérieur à
la
masse. Et ce n’est pas encore franchement s’avouer que de se comparer
86
s’avouer que de se comparer aux seuls humains que
le
métier ou notre rang social nous met en mesure d’approcher. L’épreuve
87
notre rang social nous met en mesure d’approcher.
L’
épreuve décisive est celle que l’on subit au contact de voisins que ri
88
ure d’approcher. L’épreuve décisive est celle que
l’
on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notre v
89
Ce n’est qu’au prix d’un désordre social — selon
les
préjugés du régime établi — que ces rencontres deviennent possibles,
90
t à la fois se reconnaître en vérité et rejoindre
l’
humanité. ⁂ Chômage. — On dit souvent qu’il faut à l’homme un minimum
91
manité. ⁂ Chômage. — On dit souvent qu’il faut à
l’
homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour pouvoir réflé
92
intellectuel » au chômage absolu, c’est-à-dire à
l’
arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel es
93
el » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’arrêt de
la
pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce certai
94
t-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de
la
pensée créatrice. Mais quel est ce certain degré ? À quel niveau plac
95
? À quel niveau placer cette limite inférieure ?
La
question paraît insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’une vie
96
férieure ? La question paraît insoluble dès qu’on
la
pose dans le concret d’une vie connue. Prenons deux hommes qui furent
97
question paraît insoluble dès qu’on la pose dans
le
concret d’une vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de
98
qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes en
l’
espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier était riche e
99
il ne lui restait plus même une chemise entière :
les
morceaux du bras ayant servi à rapiécer les épaules et le plastron. L
100
ère : les morceaux du bras ayant servi à rapiécer
les
épaules et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur
101
aux du bras ayant servi à rapiécer les épaules et
le
plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à paye
102
yant servi à rapiécer les épaules et le plastron.
Le
peu d’argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuse
103
sent concevoir d’autres buts à leur existence que
la
recherche d’un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il f
104
ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler que
la
recherche du confort est ce qui s’oppose le plus radicalement à toute
105
r que la recherche du confort est ce qui s’oppose
le
plus radicalement à toute culture véritable. ⁂ Île de R. — La nuit !
106
alement à toute culture véritable. ⁂ Île de R. —
La
nuit ! Je l’avais oubliée à Paris. La nuit des villes n’est pas cette
107
te culture véritable. ⁂ Île de R. — La nuit ! Je
l’
avais oubliée à Paris. La nuit des villes n’est pas cette mort opaque
108
Île de R. — La nuit ! Je l’avais oubliée à Paris.
La
nuit des villes n’est pas cette mort opaque dont il faut redouter je
109
ge et circulante, pleine de rumeurs, comparable à
la
fièvre. Plus lucide souvent que les jours. Ici, tout repose complètem
110
, comparable à la fièvre. Plus lucide souvent que
les
jours. Ici, tout repose complètement. Un silence implacable et mat en
111
omplètement. Un silence implacable et mat enserre
l’
homme qui chemine sur la route incertaine, au milieu des menaces origi
112
implacable et mat enserre l’homme qui chemine sur
la
route incertaine, au milieu des menaces originelles. Par temps clair,
113
milieu des menaces originelles. Par temps clair,
les
étoiles sont très grosses et molles au-dessus du jardin. Mais il arri
114
et molles au-dessus du jardin. Mais il arrive que
le
noir soit compact. Je me dirige à peu près le long de l’allée unique,
115
soit compact. Je me dirige à peu près le long de
l’
allée unique, entre les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la
116
irige à peu près le long de l’allée unique, entre
les
rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la porte du fond, dans l’o
117
e unique, entre les rosiers. Je trouve, à tâtons,
le
verrou de la porte du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici le
118
re les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de
la
porte du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici les rues du vil
119
ve, à tâtons, le verrou de la porte du fond, dans
l’
odeur des lauriers épais. Voici les rues du village, illuminées comme
120
e du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici
les
rues du village, illuminées comme un décor blanc et vert. Des chiens
121
soudain en gémissant. J’ai des lettres à porter à
l’
autobus. Il faut s’éloigner du village. De nouveau le noir, et l’écho
122
utobus. Il faut s’éloigner du village. De nouveau
le
noir, et l’écho de mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me
123
aut s’éloigner du village. De nouveau le noir, et
l’
écho de mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me glisse dans
124
. De nouveau le noir, et l’écho de mes pas contre
les
murs des maisons mortes. Je me glisse dans le hangar de la grosse voi
125
re les murs des maisons mortes. Je me glisse dans
le
hangar de la grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’à ce que je renc
126
es maisons mortes. Je me glisse dans le hangar de
la
grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ouver
127
re et tâte ses flancs jusqu’à ce que je rencontre
l’
ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantas
128
flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ouverture de
la
boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les bec
129
tre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin,
le
village apparaît fantastique : les becs de gaz, très bas, éclairent q
130
ttres. De loin, le village apparaît fantastique :
les
becs de gaz, très bas, éclairent quelques façades blanches, carrés et
131
arrés et rectangles détachés violemment au bas de
l’
énorme nuit. On ne voit que ces figures géométriques, dominées par le
132
e voit que ces figures géométriques, dominées par
le
clocher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’arbres devant
133
, et des fragments de silhouettes d’arbres devant
les
maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Puis c’est de nouve
134
ments de silhouettes d’arbres devant les maisons.
La
rumeur de la mer arrive par bouffées. Puis c’est de nouveau cet étran
135
ouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de
la
mer arrive par bouffées. Puis c’est de nouveau cet étrange écho des p
136
nouveau cet étrange écho des pas, si proche dans
les
rues vides, et ces mêmes chiens qui reviennent, et pas une âme. — « V
137
ens qui reviennent, et pas une âme. — « Vallée de
l’
ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » — Jamais plus q
138
iennent, et pas une âme. — « Vallée de l’ombre de
la
mort… étranger et voyageur sur la terre… » — Jamais plus que dans cet
139
e de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur
la
terre… » — Jamais plus que dans cette nuit. ⁂ Fin de séjour à A… (Ga
140
Gard). — Tout est en place. Je garderai toutefois
le
plan d’aménagement et de décoration des trois chambres du premier éta
141
ois chambres du premier étage, on ne sait jamais…
Les
vingt-deux pièces du dessus de cheminée ont été replacées au millimèt
142
llimètre, dans une symétrie impeccable. Mais tout
l’
effet de notre labeur risque d’être détruit par une odieuse malice du
143
euxième un lourd sommier, pour en faire un divan.
L’
escalier est étroit. La descente s’était opérée sans trop de mal, lors
144
r, pour en faire un divan. L’escalier est étroit.
La
descente s’était opérée sans trop de mal, lors de notre arrivée. Mais
145
rs de notre arrivée. Mais nous n’avions pas prévu
la
remontée ! Épuisés par une demi-heure d’efforts haletants, qui n’ont
146
’efforts haletants, qui n’ont abouti qu’à coincer
le
sommier au tournant, entre la balustrade et les parois de la cage d’e
147
abouti qu’à coincer le sommier au tournant, entre
la
balustrade et les parois de la cage d’escalier — au surplus fortement
148
er le sommier au tournant, entre la balustrade et
les
parois de la cage d’escalier — au surplus fortement rayées — nous avo
149
au tournant, entre la balustrade et les parois de
la
cage d’escalier — au surplus fortement rayées — nous avons couru impl
150
plus fortement rayées — nous avons couru implorer
l’
aide de Simard. « Ce cochon-là » refuse, prétextant une hernie ; sa fe
151
sa jambe « coupée ». (Bonne occasion pourtant de
la
décrocher un peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien fa
152
t de la décrocher un peu pour toucher davantage à
l’
assurance !) Il a bien fallu se rendre à l’évidence : ce sommier impla
153
tage à l’assurance !) Il a bien fallu se rendre à
l’
évidence : ce sommier implacable restera dans l’escalier comme témoin
154
à l’évidence : ce sommier implacable restera dans
l’
escalier comme témoin des bouleversements que nous avons infligés à la
155
oin des bouleversements que nous avons infligés à
la
maison. Pas question d’aller quérir du renfort à A. Il faut encore bo
156
ler quérir du renfort à A. Il faut encore boucler
les
valises, descendre mes caisses de livres à la gare, etc., et le train
157
er les valises, descendre mes caisses de livres à
la
gare, etc., et le train part dans une heure. Quand la propriétaire re
158
scendre mes caisses de livres à la gare, etc., et
le
train part dans une heure. Quand la propriétaire reviendra pour l’été
159
are, etc., et le train part dans une heure. Quand
la
propriétaire reviendra pour l’été, elle se heurtera à ce sommier monu
160
s une heure. Quand la propriétaire reviendra pour
l’
été, elle se heurtera à ce sommier monumental dans sa pose scandaleuse
161
te des « gens » en général — quand je ne fais que
les
jauger d’un regard — et sympathie violente, « élan vers », dès que mo
162
n visage, au corps et aux vêtements, aux mains, à
l’
attitude distraite et vraie d’un être isolé près de moi. Je prends le
163
e et vraie d’un être isolé près de moi. Je prends
le
métro, malgré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains
164
tre isolé près de moi. Je prends le métro, malgré
l’
odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femme
165
arder des êtres, et vivre un moment auprès d’eux,
le
temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un échang
166
moment auprès d’eux, le temps de trois stations,
le
temps d’imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces décou
167
lescent — et sûrement ce serait bien autre chose…
La
femme descend sans se retourner ; l’homme déplie un journal que je n’
168
autre chose… La femme descend sans se retourner ;
l’
homme déplie un journal que je n’aime pas, qu’il a peut-être acheté to
169
plus pourquoi j’ai eu ce fort désir soudain, dans
le
métro, de tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner o
170
le maintenant que j’écris, que c’est profondément
le
même mouvement, l’amour. La même déception de l’amour, parce que rien
171
’écris, que c’est profondément le même mouvement,
l’
amour. La même déception de l’amour, parce que rien ne s’est produit,
172
ue c’est profondément le même mouvement, l’amour.
La
même déception de l’amour, parce que rien ne s’est produit, rien ne p
173
le même mouvement, l’amour. La même déception de
l’
amour, parce que rien ne s’est produit, rien ne peut se produire, pour
174
es que nous tous. — Et alors, dira-t-on : « Faire
la
révolution ! » — Ce substitut, ce renvoi aux calendes de la Grande Co
175
ion ! » — Ce substitut, ce renvoi aux calendes de
la
Grande Communication… ⁂ Montparnasse. — Stupidité triste, parfois in
176
, « bagnoles », « Paris-Soir », « on se défend… »
La
grosse petite bonne qui tire sa robe à fleurs sur le quai désert du m
177
grosse petite bonne qui tire sa robe à fleurs sur
le
quai désert du métro, enfin un être vrai. ⁂ (Conclusion.) — S’occupe
178
uper des « petits-faits-vrais » vaut mieux que de
les
ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec force
179
faits-vrais » vaut mieux que de les ignorer. Mais
l’
excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec force, une fois qu’on
180
es ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à
les
ignorer avec force, une fois qu’on les a bien connus, dans leur réali
181
parvenir à les ignorer avec force, une fois qu’on
les
a bien connus, dans leur réalité sordide. Un petit fait vrai vaut plu
182
embrassée avec force au mépris de soi-même et de
l’
utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’y a
183
e soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir
le
fait dominateur. En vérité, il n’y a pas de faits grands ou petits en
184
eu près digne de ce nom un fait qui commande tous
les
autres et qui est la mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accept
185
m un fait qui commande tous les autres et qui est
la
mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es le seul à l
186
les autres et qui est la mesure de tout. Quand tu
l’
auras connu et accepté — tu es le seul à le connaître — lève-toi et re
187
e tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es
le
seul à le connaître — lève-toi et regarde les choses, les gestes inco
188
and tu l’auras connu et accepté — tu es le seul à
le
connaître — lève-toi et regarde les choses, les gestes incongrus et m
189
u es le seul à le connaître — lève-toi et regarde
les
choses, les gestes incongrus et mécaniques des autres ; écoute bien c
190
à le connaître — lève-toi et regarde les choses,
les
gestes incongrus et mécaniques des autres ; écoute bien ce qu’ils dis
191
s autres ; écoute bien ce qu’ils disent à travers
les
paroles qu’ils croient dire ; essaie de les comprendre quand ils se p
192
avers les paroles qu’ils croient dire ; essaie de
les
comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verras,
193
qui est plus fort que toi. Car il est tout ce que
le
monde attend, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi seu
194
est ta foi. ⁂ Post-scriptum. — En même temps que
les
épreuves de mon journal, je reçois une note à l’encre rouge, signée d
195
les épreuves de mon journal, je reçois une note à
l’
encre rouge, signée du correcteur de l’imprimerie. Je la recopie : « “
196
une note à l’encre rouge, signée du correcteur de
l’
imprimerie. Je la recopie : « “Épicerie et spécialiste”2 — L’auteur pa
197
e rouge, signée du correcteur de l’imprimerie. Je
la
recopie : « “Épicerie et spécialiste”2 — L’auteur paraît croire à un
198
e. Je la recopie : « “Épicerie et spécialiste”2 —
L’
auteur paraît croire à un rapprochement absurde. Il fait erreur. Nous
199
chement absurde. Il fait erreur. Nous sommes dans
le
Midi, où un sentiment obscur de latinité a survécu. Et épices (d’où é
200
(d’où épicerie) et espèce (d’où spécialiste) sont
le
même mot. Tous deux remontent à species (latin). — Les espèces, deven
201
ême mot. Tous deux remontent à species (latin). —
Les
espèces, devenues épices, étaient : gingembre, muscade, cannelle, poi
202
étaient : gingembre, muscade, cannelle, poivre. “
Les
quatre espèces” (épices). J’amenderais cette partie, si j’étais l’aut
203
” (épices). J’amenderais cette partie, si j’étais
l’
auteur, esprit remarquable. » (Merci au correcteur ! Mais on ne pouvai
204
au correcteur ! Mais on ne pouvait plus modifier
la
mise en pages.) 1. Kierkegaard avait déposé sa fortune, réalisée en
205
était adversaire du prêt à intérêt, condamné par
l’
église primitive. Il donnait à qui voulait. Après sa mort, on s’aperçu
206
t, on s’aperçut qu’il ne restait que 250 fr. dans
le
coffre. 2. Voir la page 140 de l’édition de la Guilde du Livre. b.
207
l ne restait que 250 fr. dans le coffre. 2. Voir
la
page 140 de l’édition de la Guilde du Livre. b. Rougemont Denis de,
208
e 250 fr. dans le coffre. 2. Voir la page 140 de
l’
édition de la Guilde du Livre. b. Rougemont Denis de, « Pages inédit
209
s le coffre. 2. Voir la page 140 de l’édition de
la
Guilde du Livre. b. Rougemont Denis de, « Pages inédites du Journal
210
rnal d’un intellectuel en chômage », Bulletin de
la
Guilde du livre, Lausanne, octobre 1937, p. 150-153.
211
istoire ! Je vivais ignorée et sereine. C’est par
la
faute de mon auteur que j’ai paru dans toutes les feuilles, et je me
212
la faute de mon auteur que j’ai paru dans toutes
les
feuilles, et je me vengerais bien si ce n’était de lui que dépend, ap
213
tence. Ont-ils pu se moquer de mon aventure, tous
les
feuilletonistes indiscrets auxquels ce satané Journal livrait ma vi
214
crets auxquels ce satané Journal livrait ma vie
la
plus intime ! Vous allez pouvoir en juger. Dans un grand quotidien de
215
is colonnes — et j’en sens ma crête en rougir — «
La
poule de M. de Rougemont ». Voici le début de ce libelle : Dans le l
216
n rougir — « La poule de M. de Rougemont ». Voici
le
début de ce libelle : Dans le livre si… si… et si… (je supprime des
217
Rougemont ». Voici le début de ce libelle : Dans
le
livre si… si… et si… (je supprime des adjectifs élogieux, tout à fait
218
s dit-on, dont nous faisons connaissance page 92.
L’
auteur habite avec sa femme une maison prêtée ; avec la maison, il y a
219
eur habite avec sa femme une maison prêtée ; avec
la
maison, il y a un jardin ; au fond du jardin, cette poule. Elle n’a p
220
tte poule. Elle n’a pas fait parler d’elle depuis
le
mois de novembre. Soudain, le 10 avril, elle se met à pondre, et avec
221
arler d’elle depuis le mois de novembre. Soudain,
le
10 avril, elle se met à pondre, et avec tant d’ardeur que, dès le 16,
222
e se met à pondre, et avec tant d’ardeur que, dès
le
16, elle a treize gros œufs, que sans désemparer elle se met à couver
223
ette que M. de Rougemont ne nous ait pas présenté
le
coq, même par la plus discrète allusion. Puis on attend. M. de Rougem
224
ugemont ne nous ait pas présenté le coq, même par
la
plus discrète allusion. Puis on attend. M. de Rougemont écrit des pag
225
t écrit des pages pénétrantes à propos de Goethe.
La
poule couve, la poule couve toujours. 14 mai, 16 mai, 21 mai, rien, t
226
s pénétrantes à propos de Goethe. La poule couve,
la
poule couve toujours. 14 mai, 16 mai, 21 mai, rien, toujours rien. M.
227
ugemont cite Spinoza — mais il est inquiet : dans
la
nuit du 21 mai, n’y tenant plus, il retourne au poulailler, dérange l
228
y tenant plus, il retourne au poulailler, dérange
la
poule, aperçoit enfin un poulet… « C’est beau. C’est fascinant. C’est
229
rois semaines est en effet assez mystérieuse… Et
l’
article se termine par une nouvelle impertinence à mon égard : le crit
230
rmine par une nouvelle impertinence à mon égard :
le
critique prétend que ce livre peut introduire le lecteur « dans un mo
231
le critique prétend que ce livre peut introduire
le
lecteur « dans un monde où l’on pardonnera aux poules d’avoir des mœu
232
vre peut introduire le lecteur « dans un monde où
l’
on pardonnera aux poules d’avoir des mœurs un peu bizarres, parce que
233
ules d’avoir des mœurs un peu bizarres, parce que
les
hommes en auront de plus naturelles et de plus droites ». Voyez-vous
234
cela : « des mœurs bizarres » ! Quel toupet ! Et
le
plus révoltant de l’affaire, c’est que mon auteur a ri très fort de c
235
izarres » ! Quel toupet ! Et le plus révoltant de
l’
affaire, c’est que mon auteur a ri très fort de cet article et s’est l
236
e cet article et s’est lâchement refusé à prendre
la
défense de ma vertu et de mon honneur vilipendés. Il s’en fiche, il s
237
e, il s’amuse à mes dépens après m’avoir livrée à
la
risée publique ! Comme si le ridicule jeté sur moi ne l’atteignait pa
238
rès m’avoir livrée à la risée publique ! Comme si
le
ridicule jeté sur moi ne l’atteignait pas, lui aussi ! Mais, chômeurs
239
e publique ! Comme si le ridicule jeté sur moi ne
l’
atteignait pas, lui aussi ! Mais, chômeurs ou non, — j’y reviendrai —
240
: que je n’avais donc pas eu à fabriquer moi-même
les
treize œufs et que cette histoire honteuse et scandaleuse des prétend
241
er ses dates ! Enfin, mon innocence éclate à tous
les
yeux. Ce qu’on me reproche n’est imputable en vérité qu’à l’ignorance
242
qu’on me reproche n’est imputable en vérité qu’à
l’
ignorance presque touchante de ce critique aussi présomptueux que bord
243
s. Que dire des autres ! Figurez-vous que j’ai eu
la
curiosité d’aller picorer parmi les dossiers de mon auteur, épars sur
244
us que j’ai eu la curiosité d’aller picorer parmi
les
dossiers de mon auteur, épars sur son bureau, sur son divan, et jusqu
245
pars sur son bureau, sur son divan, et jusque sur
le
sol de la pièce où il travaille (toujours ce désordre !). À ma stupéf
246
on bureau, sur son divan, et jusque sur le sol de
la
pièce où il travaille (toujours ce désordre !). À ma stupéfaction, j’
247
guère aux yeux d’une poule. Ce qui compte, c’est
l’
énorme étude de neuf colonnes parue, pour ma vengeance, dans Curieux.
248
pour ma vengeance, dans Curieux. Nul n’ignore que
l’
hebdomadaire neuchâtelois a obtenu le concours régulier du plus fameux
249
n’ignore que l’hebdomadaire neuchâtelois a obtenu
le
concours régulier du plus fameux critique de Romorantin (Loir-et-Cher
250
ritique de Romorantin (Loir-et-Cher). Non pas que
la
Suisse romande manque de critiques très qualifiés, mais quand on a l’
251
nque de critiques très qualifiés, mais quand on a
l’
aubaine de publier des pages signées V. Meylan-Malécot, il convient de
252
lécot, il convient de faire passer au second plan
les
considérations locales, toujours un peu mesquines. Donc, cette dame d
253
et, s’adressant courageusement à mon auteur, elle
l’
apostrophe dans ces termes : Il y a d’autres choses bien instructives
254
s » est ironique) — dans votre expérience. Témoin
la
fameuse poule noire et ses treize poussins. Certains en sourient, de
255
. Ce qu’on peut critiquer chez vous, ce n’est pas
le
sujet, c’est votre manière par trop naïve et enfantine de le traiter.
256
’est votre manière par trop naïve et enfantine de
le
traiter. Est-ce que, par hasard, il n’y aurait pas de poules dans vot
257
ules dans votre pays ? Ou bien est-ce que vous ne
les
aviez jamais regardées qu’il vous faille aller en Vendée pour voir éc
258
des poussins ? Voilà ! « Par trop naïf », c’est
le
mot qu’il fallait dire. Et l’on reconnaît enfin que moi, poule noire,
259
trop naïf », c’est le mot qu’il fallait dire. Et
l’
on reconnaît enfin que moi, poule noire, j’étais « un sujet substantie
260
ulu que j’aie tenté aussi un auteur qui « malmène
les
mots » à tel point que Mme Meylan peut écrire de son livre : « Il est
261
» Ça c’est tapé ! Je n’aurais pas dit mieux. Mais
la
dame critique de Romorantin (Loir-et-Cher) ne se contente pas de fust
262
tin (Loir-et-Cher) ne se contente pas de fustiger
les
apparences du vice : allant droit au fait, elle distingue à l’origine
263
du vice : allant droit au fait, elle distingue à
l’
origine du livre de mon persécuteur la haine farouche de tout ce qui e
264
distingue à l’origine du livre de mon persécuteur
la
haine farouche de tout ce qui est beau et noble. Le génie seul a les
265
haine farouche de tout ce qui est beau et noble.
Le
génie seul a les yeux si perçants, le génie seul pouvait déjouer la r
266
de tout ce qui est beau et noble. Le génie seul a
les
yeux si perçants, le génie seul pouvait déjouer la ruse infâme de mon
267
u et noble. Le génie seul a les yeux si perçants,
le
génie seul pouvait déjouer la ruse infâme de mon auteur. Car, sous pr
268
s yeux si perçants, le génie seul pouvait déjouer
la
ruse infâme de mon auteur. Car, sous prétexte de décrire une poule no
269
noire, savez-vous qu’il s’en prenait en vérité à
la
petite épargne, aux petits rentiers ! C’est ce que personne n’avait s
270
ait su deviner, avant Mme Malécot. « Mais vous ne
les
aurez pas, ces petits rentiers ! » clame-t-elle. Et pour le coup, je
271
as, ces petits rentiers ! » clame-t-elle. Et pour
le
coup, je m’y reconnais : cette logique est celle de la race. On sent
272
up, je m’y reconnais : cette logique est celle de
la
race. On sent des siècles de cartésianisme derrière ce cri sublime et
273
on auteur, une fois de plus, a cru devoir hausser
les
épaules. Dans le fond de son cœur, toutefois, il a dû se sentir attei
274
s de plus, a cru devoir hausser les épaules. Dans
le
fond de son cœur, toutefois, il a dû se sentir atteint. Et comment ne
275
a dû se sentir atteint. Et comment ne pas admirer
le
courage de cette Française4 qui, du fond de son Romorantin, se dresse
276
de son Romorantin, se dresse, seule, contre toute
l’
opinion — quitte à passer pour Dieu sait quoi — et rive son clou à l’i
277
à passer pour Dieu sait quoi — et rive son clou à
l’
insolent Helvète ! J’ai eu un autre vengeur en la personne de M. Franç
278
l’insolent Helvète ! J’ai eu un autre vengeur en
la
personne de M. François Porché. Mais j’avoue que cet article de Paris
279
rticle de Parisien est moins heureux que celui de
la
Romorantine. M. Porché estime que dans le Journal « tout est faux-s
280
elui de la Romorantine. M. Porché estime que dans
le
Journal « tout est faux-semblant, illusion… » et « demeure en dehor
281
À quoi j’applaudis des deux pattes. Mais voici où
les
choses se gâtent. L’auteur, conclut M. Porché, « a joué à la pauvreté
282
deux pattes. Mais voici où les choses se gâtent.
L’
auteur, conclut M. Porché, « a joué à la pauvreté ; quel sacrilège ! »
283
e gâtent. L’auteur, conclut M. Porché, « a joué à
la
pauvreté ; quel sacrilège ! » Or, sacrilège veut dire : qui lèse le s
284
sacrilège ! » Or, sacrilège veut dire : qui lèse
le
sacré. On en déduit que M. Porché tient la pauvreté pour sacrée. Là,
285
i lèse le sacré. On en déduit que M. Porché tient
la
pauvreté pour sacrée. Là, j’avoue que je ne puis le suivre. Ce serait
286
pauvreté pour sacrée. Là, j’avoue que je ne puis
le
suivre. Ce serait donner dans les pires utopies. Et mon auteur lui-mê
287
e que je ne puis le suivre. Ce serait donner dans
les
pires utopies. Et mon auteur lui-même n’a pas été si loin : il s’est
288
té de se débrouiller avec sa pauvreté et, loin de
la
croire sacrée, il a essayé d’en sortir. Je signale le cas de M. Porch
289
roire sacrée, il a essayé d’en sortir. Je signale
le
cas de M. Porché à la vigilance de Mme Meylan, défenseur des rentes.
290
ayé d’en sortir. Je signale le cas de M. Porché à
la
vigilance de Mme Meylan, défenseur des rentes. Pour finir, je vous co
291
de critiques ont accusé mon auteur d’avoir usurpé
le
« titre » de chômeur (comme l’écrit curieusement M. Brasillach). Ils
292
eur d’avoir usurpé le « titre » de chômeur (comme
l’
écrit curieusement M. Brasillach). Ils disaient qu’un intellectuel ne
293
e, et donc travaille toujours. Mais c’était faire
la
part trop belle à mon auteur ! Je puis affirmer, d’après mon expérien
294
mon expérience, qu’il est plus paresseux qu’on ne
le
croit. Ne passait-il pas des heures entières à nous regarder amoureus
295
uses de ma poule noire ? Ce ne sont pas seulement
les
poules qui jouissent de cette faculté. Il y a plus de mots que d’idée
296
ées fécondes dans ce monde. 4. Il est vrai qu’on
la
dit Lausannoise, mais enfin le journal Curieux a présenté sa lettre c
297
Il est vrai qu’on la dit Lausannoise, mais enfin
le
journal Curieux a présenté sa lettre comme celle d’une Française offe
298
Caquets d’une vieille poule noire », Bulletin de
la
Guilde du livre, Lausanne, août 1938, p. 115-117. d. Précédé du chap
299
8, p. 115-117. d. Précédé du chapeau suivant : «
L’
auteur du Journal d’un intellectuel en chômage nous remet ces pages
300
avoir été écrites (ou, comme on dit, pondues) par
la
vieille poule noire mise en scène p. 92 de son livre. Nos lecteurs ju
301
euve nouvelle d’une grossière supercherie. » Dans
l’
édition Albin Michel que nous avons mis en ligne, c’est en pages 98-99
302
ligne, c’est en pages 98-99 qu’est mise en scène
la
poule noire.
303
un camarade. — Pas trop. Mais pour sûr on y est !
L’
impression générale, c’est qu’on nous a « mis dedans ». (Je dis on, je
304
ns ». (Je dis on, je ne sais pas qui c’est. Comme
le
brave paysan vaudois, après la grêle, qui désignait d’un doigt le cie
305
s qui c’est. Comme le brave paysan vaudois, après
la
grêle, qui désignait d’un doigt le ciel coupable : « Je n’accuse pers
306
vaudois, après la grêle, qui désignait d’un doigt
le
ciel coupable : « Je n’accuse personne, mais c’est dégoûtant ! ») Nou
307
’est dégoûtant ! ») Nous voilà faits, refaits par
l’
événement, plongés d’un coup dans le détail technique de ces grandes c
308
, refaits par l’événement, plongés d’un coup dans
le
détail technique de ces grandes choses terribles qu’on imaginait, qu’
309
i nous trouvent sans peur et sans préparation dès
l’
instant qu’elles deviennent présentes, cessent d’être imaginées, ou mê
310
même imaginables. Tout de même, après huit jours,
les
choses commencent à se situer. Les grandes masses de l’Europe, les gr
311
ès huit jours, les choses commencent à se situer.
Les
grandes masses de l’Europe, les grandes lignes de la guerre, et çà et
312
ses commencent à se situer. Les grandes masses de
l’
Europe, les grandes lignes de la guerre, et çà et là, dans nos frontiè
313
cent à se situer. Les grandes masses de l’Europe,
les
grandes lignes de la guerre, et çà et là, dans nos frontières, des se
314
grandes masses de l’Europe, les grandes lignes de
la
guerre, et çà et là, dans nos frontières, des secteurs minuscules, co
315
tandis qu’Albert Mermoud, en travers de son lit,
les
hottes pendantes, dépouille le courrier de la Guilde… Je ne puis pas
316
avers de son lit, les hottes pendantes, dépouille
le
courrier de la Guilde… Je ne puis pas vous dire où cela se trouve san
317
t, les hottes pendantes, dépouille le courrier de
la
Guilde… Je ne puis pas vous dire où cela se trouve sans contrevenir a
318
ire où cela se trouve sans contrevenir aux ordres
les
plus stricts, mais c’est très bien ainsi, Denis de Rougemont et le di
319
mais c’est très bien ainsi, Denis de Rougemont et
le
directeur de la Guilde « en campagne », car nous sommes n’importe où,
320
bien ainsi, Denis de Rougemont et le directeur de
la
Guilde « en campagne », car nous sommes n’importe où, sans raison rai
321
raison raisonnable ou prévisible. J’aime beaucoup
les
adresses militaires. Deux ou trois chiffres pour les initiés, et cett
322
adresses militaires. Deux ou trois chiffres pour
les
initiés, et cette mention si belle, quand on y pense, dans son élémen
323
ndeur : En campagne. Entendez : quelque part dans
le
pays, dans les champs anonymes, sous la pluie, dans les vergers où l’
324
pagne. Entendez : quelque part dans le pays, dans
les
champs anonymes, sous la pluie, dans les vergers où l’on écrase des p
325
part dans le pays, dans les champs anonymes, sous
la
pluie, dans les vergers où l’on écrase des pommes mal mûres, dans des
326
ys, dans les champs anonymes, sous la pluie, dans
les
vergers où l’on écrase des pommes mal mûres, dans des cuisines de fer
327
amps anonymes, sous la pluie, dans les vergers où
l’
on écrase des pommes mal mûres, dans des cuisines de ferme, dans cette
328
ibliques, lettres d’argent et myosotis, autour de
la
photo jaunie du Chœur mixte en 1913. Deux bons lits de bois aux « duv
329
bons lits de bois aux « duvets » écrasants. Pour
le
reste, un désordre exemplaire, courroies, bandes molletières, cigaret
330
s alignés au cordeau. Partirons-nous au milieu de
la
nuit ? Ou passerons-nous l’hiver ici ? Plus rien ne dépend de nous. C
331
ons-nous au milieu de la nuit ? Ou passerons-nous
l’
hiver ici ? Plus rien ne dépend de nous. C’est notre liberté. Pendant
332
ai bien envie de vous dire un peu de quoi se fait
la
vie à l’armée, dans les débuts d’une mobilisation. Les dames croient
333
nvie de vous dire un peu de quoi se fait la vie à
l’
armée, dans les débuts d’une mobilisation. Les dames croient volontier
334
ire un peu de quoi se fait la vie à l’armée, dans
les
débuts d’une mobilisation. Les dames croient volontiers que c’est par
335
ie à l’armée, dans les débuts d’une mobilisation.
Les
dames croient volontiers que c’est parades et bottes, fanfares, rythm
336
ythmes virils, flatteuses géométries garantissant
l’
ordre social contre le mystérieux Esprit de subversion. Ces dames sont
337
ses géométries garantissant l’ordre social contre
le
mystérieux Esprit de subversion. Ces dames sont en retard d’au moins
338
erres ou victimes d’expressions telles que « sous
les
drapeaux ». En vérité, l’armée c’est tout d’abord un cliquetis de cas
339
ions telles que « sous les drapeaux ». En vérité,
l’
armée c’est tout d’abord un cliquetis de casques et d’ustensiles gross
340
ant une sombre confusion qui se révèle ordonnée à
l’
heure H ; et beaucoup de choses très lourdes, bouclées et trimballées
341
al réveillés vers des attentes inexplicables sous
la
pluie. Mangeailles, arrêts, ahans, monotonie, ignorance des ensembles
342
ensembles, objets numérotés, perdus, récupérés à
la
volée, c’est tout ce que l’homme dans le rang peut constater, si tout
343
, perdus, récupérés à la volée, c’est tout ce que
l’
homme dans le rang peut constater, si toutefois la fatigue lui laisse
344
upérés à la volée, c’est tout ce que l’homme dans
le
rang peut constater, si toutefois la fatigue lui laisse la faculté de
345
l’homme dans le rang peut constater, si toutefois
la
fatigue lui laisse la faculté de constater quoi que ce soit, hors l’e
346
eut constater, si toutefois la fatigue lui laisse
la
faculté de constater quoi que ce soit, hors l’envie de boire et de se
347
se la faculté de constater quoi que ce soit, hors
l’
envie de boire et de se coucher. Eh bien ! de tout cela se dégage un l
348
rien de spectaculaire, qui n’a pas sa photo dans
les
feuilles et qu’on peut seulement ressentir quand on a les pieds dans
349
lles et qu’on peut seulement ressentir quand on a
les
pieds dans la boue, vers quatre heures du matin, après l’alarme. La p
350
eut seulement ressentir quand on a les pieds dans
la
boue, vers quatre heures du matin, après l’alarme. La plupart des hom
351
dans la boue, vers quatre heures du matin, après
l’
alarme. La plupart des hommes le ressentent, presque aucun n’oserait l
352
s du matin, après l’alarme. La plupart des hommes
le
ressentent, presque aucun n’oserait l’avouer. On croit que la poésie
353
des hommes le ressentent, presque aucun n’oserait
l’
avouer. On croit que la poésie n’existe qu’héroïque ou sentimentale, e
354
t, presque aucun n’oserait l’avouer. On croit que
la
poésie n’existe qu’héroïque ou sentimentale, et l’on ne sait plus la
355
a poésie n’existe qu’héroïque ou sentimentale, et
l’
on ne sait plus la reconnaître au ras du sol, au niveau des choses bru
356
qu’héroïque ou sentimentale, et l’on ne sait plus
la
reconnaître au ras du sol, au niveau des choses brutes et brutales. P
357
rien n’est plus poétique qu’un rassemblement dans
la
nuit, grouillant de casques, de reflets sourds et de gamelles entrech
358
les entrechoquées. Et, plus tard, au matin, quand
l’
attaque se prépare, un « à terre » prolongé à la lisière d’un bois, ce
359
d l’attaque se prépare, un « à terre » prolongé à
la
lisière d’un bois, cela peut être un des plus beaux moments de notre
360
une pluie fine. Ce n’est pas seulement à cause de
la
saison qu’il convient de parler de la pluie. C’est à cause d’une prof
361
à cause de la saison qu’il convient de parler de
la
pluie. C’est à cause d’une profonde affinité entre la vie en uniforme
362
luie. C’est à cause d’une profonde affinité entre
la
vie en uniforme et ce que l’on nomme par convention le mauvais temps.
363
fonde affinité entre la vie en uniforme et ce que
l’
on nomme par convention le mauvais temps. La pluie en ville et la plui
364
e en uniforme et ce que l’on nomme par convention
le
mauvais temps. La pluie en ville et la pluie « en campagne » sont deu
365
e que l’on nomme par convention le mauvais temps.
La
pluie en ville et la pluie « en campagne » sont deux phénomènes bien
366
convention le mauvais temps. La pluie en ville et
la
pluie « en campagne » sont deux phénomènes bien distincts, aussi dist
367
ux phénomènes bien distincts, aussi distincts que
la
vie civile et la vie militaire en général. La pluie civile n’est guèr
368
n distincts, aussi distincts que la vie civile et
la
vie militaire en général. La pluie civile n’est guère qu’un embêtemen
369
que la vie civile et la vie militaire en général.
La
pluie civile n’est guère qu’un embêtement dont on se préserve comme s
370
’isole avec soin, avec dédain, des éléments. Mais
la
pluie militaire, comment dire, c’est quelque chose d’immense et de sé
371
tout son corps, de tout son sentiment charnel, on
l’
accepte avec toute la nature, sans préjugés ni fausse pudeur. Couché d
372
ut son sentiment charnel, on l’accepte avec toute
la
nature, sans préjugés ni fausse pudeur. Couché dans l’herbe grasse, é
373
ture, sans préjugés ni fausse pudeur. Couché dans
l’
herbe grasse, écrasé par son sac, l’homme observe l’avant-terrain par-
374
. Couché dans l’herbe grasse, écrasé par son sac,
l’
homme observe l’avant-terrain par-dessous la visière d’acier régulière
375
herbe grasse, écrasé par son sac, l’homme observe
l’
avant-terrain par-dessous la visière d’acier régulièrement ourlée de g
376
sac, l’homme observe l’avant-terrain par-dessous
la
visière d’acier régulièrement ourlée de gouttes. Le vent siffle à tra
377
visière d’acier régulièrement ourlée de gouttes.
Le
vent siffle à travers les trous du casque. L’homme tire la toile de t
378
ement ourlée de gouttes. Le vent siffle à travers
les
trous du casque. L’homme tire la toile de tente qui couvre ses épaule
379
es. Le vent siffle à travers les trous du casque.
L’
homme tire la toile de tente qui couvre ses épaules et cherche à la ca
380
iffle à travers les trous du casque. L’homme tire
la
toile de tente qui couvre ses épaules et cherche à la caler sous son
381
oile de tente qui couvre ses épaules et cherche à
la
caler sous son coude droit. Il sait que, d’une seconde à l’autre, peu
382
Il sait que, d’une seconde à l’autre, peut venir
l’
ordre de bondir. Ça ne l’empêche pas de s’installer comme s’il n’avait
383
de à l’autre, peut venir l’ordre de bondir. Ça ne
l’
empêche pas de s’installer comme s’il n’avait rien d’autre à faire pen
384
faire pendant des heures. (Est-ce une parabole de
la
vie ?) Il est bien. Merveilleusement bien. Libéré. Sans passé, sans a
385
ement bien. Libéré. Sans passé, sans avenir. Tout
le
présent limité par ces herbes où circulent des bestioles maladroites.
386
es herbes où circulent des bestioles maladroites.
Le
drap du pantalon colle au mollet, les doigts sont rouges sur le fusil
387
maladroites. Le drap du pantalon colle au mollet,
les
doigts sont rouges sur le fusil luisant. Les gouttes de la visière gl
388
talon colle au mollet, les doigts sont rouges sur
le
fusil luisant. Les gouttes de la visière glissent d’un coup sur la ga
389
let, les doigts sont rouges sur le fusil luisant.
Les
gouttes de la visière glissent d’un coup sur la gauche quand on lève
390
sont rouges sur le fusil luisant. Les gouttes de
la
visière glissent d’un coup sur la gauche quand on lève un peu le nez
391
Les gouttes de la visière glissent d’un coup sur
la
gauche quand on lève un peu le nez pour voir si rien ne vient. Non, r
392
sent d’un coup sur la gauche quand on lève un peu
le
nez pour voir si rien ne vient. Non, rien ne vient. Grisaille, monoto
393
en ne vient. Grisaille, monotonie, envoûtement de
l’
esprit par le corps – pourvu que ça dure encore quelques secondes, ça
394
Grisaille, monotonie, envoûtement de l’esprit par
le
corps – pourvu que ça dure encore quelques secondes, ça ressemble tel
395
, ça ressemble tellement au bonheur ! Un cri dans
le
vent va tout détruire. Oui, c’est bien ça, c’est toujours ça, le bonh
396
détruire. Oui, c’est bien ça, c’est toujours ça,
le
bonheur : un instant de répit sous la menace. Alors on vit à plein. O
397
oujours ça, le bonheur : un instant de répit sous
la
menace. Alors on vit à plein. On sent le goût des choses. Et l’on est
398
pit sous la menace. Alors on vit à plein. On sent
le
goût des choses. Et l’on est prêt à tout abandonner au premier signe
399
rs on vit à plein. On sent le goût des choses. Et
l’
on est prêt à tout abandonner au premier signe du destin, parce qu’on
400
ier signe du destin, parce qu’on vient de remplir
les
limites du réel et d’accomplir un seul instant parfait. e. Rougemo
401
e, « Puisque je suis un militaire… », Bulletin de
la
Guilde du livre, Lausanne, septembre 1939, p. 131-133.
402
Billet d’aller et retour (décembre 1939)f Je
l’
ai pourtant quittée, cette chambre paysanne, mais j’y suis pour peu qu
403
pour peu que j’y pense, et c’est souvent. Faites
le
compte de vos heures et vous découvrirez que tout homme rêve une bonn
404
ope qui ne sait plus répondre aux menaces que par
l’
extinction des lumières, — de toutes les lumières humaines. J’avais qu
405
es que par l’extinction des lumières, — de toutes
les
lumières humaines. J’avais quitté mon train pendant l’arrêt, à la rec
406
mières humaines. J’avais quitté mon train pendant
l’
arrêt, à la recherche d’un buffet quelconque, et je n’avais trouvé qu’
407
ines. J’avais quitté mon train pendant l’arrêt, à
la
recherche d’un buffet quelconque, et je n’avais trouvé qu’un abri sou
408
bri souterrain au bout du quai. Pendant ce temps,
l’
express avait changé de voie. Dans la bleuâtre obscurité, nul écriteau
409
nt ce temps, l’express avait changé de voie. Dans
la
bleuâtre obscurité, nul écriteau lisible et nul visage reconnaissable
410
naissable. Une course haletante et bousculée dans
le
dédale des passages sous voie encombrés de sacs de sable, au long d’é
411
ù je coudoyais des soldats sourds et muets — tous
les
numéros arrachés — tandis que des sifflets annonçaient un départ. À l
412
tandis que des sifflets annonçaient un départ. À
la
fin, je retrouve un wagon qui me paraît être le mien, mais je l’avais
413
ouve un wagon qui me paraît être le mien, mais je
l’
avais quitté presque vide et il est plein de dormeurs débraillés, de m
414
t de masques à gaz. Déjà nous roulons lourdement.
Le
nom de cette gare — comme de toutes les autres — était camouflé, illi
415
ourdement. Le nom de cette gare — comme de toutes
les
autres — était camouflé, illisible. Je ne saurai jamais si j’ai rêvé.
416
rêvé. Mais au matin, oui, c’était bien Paris, et
les
sirènes d’une fin d’alerte. ⁂ Imaginez un Paris englouti dans l’épais
417
e fin d’alerte. ⁂ Imaginez un Paris englouti dans
l’
épaisse nuit des campagnes, mais une nuit sans clair de lune, sans arb
418
res et sans abois lointains. On y rôde en frôlant
les
murs, heurtant des corps, guettant des phares sans reflet sur le maca
419
nt des corps, guettant des phares sans reflet sur
le
macadam. Tout au bas, tout au fond de l’ombre, dans la pierre et dans
420
flet sur le macadam. Tout au bas, tout au fond de
l’
ombre, dans la pierre et dans les vestiges d’une civilisation qui dése
421
cadam. Tout au bas, tout au fond de l’ombre, dans
la
pierre et dans les vestiges d’une civilisation qui déserte… Je me sui
422
, tout au fond de l’ombre, dans la pierre et dans
les
vestiges d’une civilisation qui déserte… Je me suis enfermé dans ma c
423
eut-être plus, qui était réduit à se défendre par
le
suicide, la Hollande inondée, disait-on. ⁂ Et voici sous la pluie et
424
s, qui était réduit à se défendre par le suicide,
la
Hollande inondée, disait-on. ⁂ Et voici sous la pluie et la brume, à
425
, la Hollande inondée, disait-on. ⁂ Et voici sous
la
pluie et la brume, à l’horizon des marécages, une confusion de silhou
426
e inondée, disait-on. ⁂ Et voici sous la pluie et
la
brume, à l’horizon des marécages, une confusion de silhouettes griffu
427
isait-on. ⁂ Et voici sous la pluie et la brume, à
l’
horizon des marécages, une confusion de silhouettes griffues : moulins
428
e briques et de verreries. C’est Rotterdam. C’est
le
chaos d’une Renaissance américanisée ! Le train passe au-dessus des p
429
. C’est le chaos d’une Renaissance américanisée !
Le
train passe au-dessus des ports, dans la puissante vibration d’un pon
430
anisée ! Le train passe au-dessus des ports, dans
la
puissante vibration d’un pont de fer, au-dessus de canaux reflétant l
431
n d’un pont de fer, au-dessus de canaux reflétant
les
décors d’une grandiose activité marchande. Ici, les sirènes annoncent
432
s décors d’une grandiose activité marchande. Ici,
les
sirènes annoncent l’approche des richesses de la terre. ⁂ Une connais
433
se activité marchande. Ici, les sirènes annoncent
l’
approche des richesses de la terre. ⁂ Une connaissance intime et perso
434
les sirènes annoncent l’approche des richesses de
la
terre. ⁂ Une connaissance intime et personnelle de ce que l’on appell
435
Une connaissance intime et personnelle de ce que
l’
on appellera l’âme hollandaise, je doute qu’elle en apprenne au voyage
436
ce intime et personnelle de ce que l’on appellera
l’
âme hollandaise, je doute qu’elle en apprenne au voyageur davantage qu
437
antage qu’une vision intense du paysage urbain de
la
Hollande. Tout ce que je sais de ce pays, après deux semaines de voya
438
voyage et une centaine de conversations, je puis
le
lire et le relire dans l’architecture d’Amsterdam, de Rotterdam, ou d
439
une centaine de conversations, je puis le lire et
le
relire dans l’architecture d’Amsterdam, de Rotterdam, ou des petites
440
conversations, je puis le lire et le relire dans
l’
architecture d’Amsterdam, de Rotterdam, ou des petites cités du centre
441
cités du centre. Je vois côte à côte un palais de
la
Renaissance flamande, un hôtel du xviiie siècle, un gratte-ciel et d
442
formes ultramodernes, puis se perd peu à peu dans
la
campagne, par des courbes douces et nettes. Nul disparate en tout cel
443
ces et nettes. Nul disparate en tout cela : voilà
le
miracle hollandais. Je ne crois pas que la lumière fauve et le grenat
444
voilà le miracle hollandais. Je ne crois pas que
la
lumière fauve et le grenat des façades de briques renversées dans l’e
445
llandais. Je ne crois pas que la lumière fauve et
le
grenat des façades de briques renversées dans l’eau jaune des canaux
446
le grenat des façades de briques renversées dans
l’
eau jaune des canaux suffisent à expliquer cette harmonie solide, luxu
447
xueusement nourrie de contrastes et de surprises.
Le
grand secret de ce pays, ce qu’il faut lire sur ces façades à la fois
448
ades à la fois patinées et toujours neuves, c’est
la
continuité d’une tradition et d’une volonté créatrice qui n’ont jamai
449
et d’une volonté créatrice qui n’ont jamais perdu
la
mesure de l’humain. Point de coupure ici, point de Révolution, point
450
nté créatrice qui n’ont jamais perdu la mesure de
l’
humain. Point de coupure ici, point de Révolution, point de scission d
451
re ici, point de Révolution, point de scission de
l’
Histoire et de la nation en deux camps longuement irréductibles et app
452
Révolution, point de scission de l’Histoire et de
la
nation en deux camps longuement irréductibles et appauvris chacun de
453
acun de tout ce que l’autre annexe. Ce mariage de
l’
ancien et du moderne n’est pas seulement une réussite technique, une h
454
té si intérieure à chaque individu qu’elle permet
la
plus grande diversité dans les formes qui la manifestent. Quand je so
455
vidu qu’elle permet la plus grande diversité dans
les
formes qui la manifestent. Quand je songe à l’ennui, au désespoir qu’
456
rmet la plus grande diversité dans les formes qui
la
manifestent. Quand je songe à l’ennui, au désespoir qu’expriment les
457
s les formes qui la manifestent. Quand je songe à
l’
ennui, au désespoir qu’expriment les quartiers ouvriers les plus moder
458
and je songe à l’ennui, au désespoir qu’expriment
les
quartiers ouvriers les plus modernes des villes allemandes, je compre
459
au désespoir qu’expriment les quartiers ouvriers
les
plus modernes des villes allemandes, je comprends, que dis-je : je vo
460
es allemandes, je comprends, que dis-je : je vois
l’
opposition tragique dont cette guerre est sortie, et qui est celle des
461
t qui est celle des deux grandes conceptions de «
l’
ordre » qui se partagent notre Europe : harmonie intérieure ou uniform
462
ralisme ou totalitarisme. Je comprends et je vois
le
secret de la paix : c’est une victoire de tous les jours, et de chacu
463
talitarisme. Je comprends et je vois le secret de
la
paix : c’est une victoire de tous les jours, et de chacun, sur l’espr
464
le secret de la paix : c’est une victoire de tous
les
jours, et de chacun, sur l’esprit de laisser-aller d’où naissent les
465
une victoire de tous les jours, et de chacun, sur
l’
esprit de laisser-aller d’où naissent les réactions désespérées, les m
466
acun, sur l’esprit de laisser-aller d’où naissent
les
réactions désespérées, les mises au pas brutalisantes et le triomphe
467
er-aller d’où naissent les réactions désespérées,
les
mises au pas brutalisantes et le triomphe des caporaux autodidactes e
468
ns désespérées, les mises au pas brutalisantes et
le
triomphe des caporaux autodidactes et simplificateurs. Les petits peu
469
phe des caporaux autodidactes et simplificateurs.
Les
petits peuples protestants de l’Europe ont réalisé ce miracle de l’éq
470
implificateurs. Les petits peuples protestants de
l’
Europe ont réalisé ce miracle de l’équilibre entre l’Un et le Divers.
471
protestants de l’Europe ont réalisé ce miracle de
l’
équilibre entre l’Un et le Divers. Ils ont la charge de créer les seul
472
t réalisé ce miracle de l’équilibre entre l’Un et
le
Divers. Ils ont la charge de créer les seules bases vivantes de la pa
473
e de l’équilibre entre l’Un et le Divers. Ils ont
la
charge de créer les seules bases vivantes de la paix. Ils ont la char
474
tre l’Un et le Divers. Ils ont la charge de créer
les
seules bases vivantes de la paix. Ils ont la charge de tout le xxe s
475
t la charge de créer les seules bases vivantes de
la
paix. Ils ont la charge de tout le xxe siècle. Mais nous reparlerons
476
éer les seules bases vivantes de la paix. Ils ont
la
charge de tout le xxe siècle. Mais nous reparlerons de toutes ces ch
477
es vivantes de la paix. Ils ont la charge de tout
le
xxe siècle. Mais nous reparlerons de toutes ces choses. Et de la Sui
478
Mais nous reparlerons de toutes ces choses. Et de
la
Suisse, telle qu’on la voit de loin, dans sa vérité séculaire. La dép
479
e toutes ces choses. Et de la Suisse, telle qu’on
la
voit de loin, dans sa vérité séculaire. La déprimante architecture de
480
qu’on la voit de loin, dans sa vérité séculaire.
La
déprimante architecture de notre Palais fédéral — où je termine ces n
481
ir. On dirait une école primaire démesurée. C’est
le
contraire de ce qui fonde nos vraies valeurs et notre raison d’être ;
482
nos vraies valeurs et notre raison d’être ; c’est
l’
image même en pierre verdâtre, de ce qu’il nous faut combattre impitoy
483
nis de, « Billet d’aller et retour », Bulletin de
la
Guilde du livre, Lausanne, décembre 1939, p. 190-191.
484
Beekman Place (octobre 1946)g h Parallèle à
l’
East-River dont la sépare une rangée d’hôtels particuliers à cinq étag
485
octobre 1946)g h Parallèle à l’East-River dont
la
sépare une rangée d’hôtels particuliers à cinq étages, cette rue très
486
fois ne portent pas de numéro et ne coupent point
les
avenues à angle droit. Hors-série, modèle de grand luxe, elle s’orne
487
grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant
l’
été, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la 51e rue, en
488
bleue, pendant l’été, emplit cet espace fermé par
les
hauts bâtiments de la 51e rue, en brique vernie, tous luisants de fen
489
mplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de
la
51e rue, en brique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’orn
490
d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où
l’
exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’il y trouve un char
491
un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est
l’
Europe ! » parce qu’il y trouve un charme, simplement. Mais quand je l
492
’il y trouve un charme, simplement. Mais quand je
la
vois du haut de mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’as
493
… Si je me retourne un peu sur ma terrasse, voici
la
perspective de l’East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de m
494
e un peu sur ma terrasse, voici la perspective de
l’
East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. L
495
Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau.
La
rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’étai
496
queurs toussotants, luit d’un éclat d’étain pâli.
Les
ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’un kilomètre, tout
497
ont une dentelle d’un kilomètre, toute menue dans
la
distance. Cheminées, mâts, clochers, usines plates, basses, et réclam
498
es, basses, et réclames lumineuses en plein jour.
Le
seul vestige de nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces t
499
es en plein jour. Le seul vestige de nature — car
l’
eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couver
500
eux petits phares dont clignotent irrégulièrement
le
feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sep
501
nt le feu vert — cinq secondes de révolution — et
le
feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embrasse mon regard, tou
502
e mon regard, tout est fait de main d’homme, sauf
les
mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fat
503
miques et de leurs fatales réalités : car ce sont
les
réalités d’un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti
504
les réalités d’un monde tout artificiel que nous,
les
hommes, avons bâti selon nos caprices, nos passions et nos raisons fo
505
e paysage se transformerait. Si je me tourne vers
le
nord, je vois un monde de terrasses, du dixième au trentième étage du
506
xième au trentième étage du River Club, où vivent
les
milliardaires et les acteurs. Et tout près, ces jardins suspendus où
507
age du River Club, où vivent les milliardaires et
les
acteurs. Et tout près, ces jardins suspendus où circulent de jeunes f
508
es… Quelques jeunes gens viennent boire un verre,
le
soir. Un violoniste s’escrime à vingt reprises sur le deuxième Concer
509
artèlent ce Tchaïkovski qu’on entend siffler dans
la
rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà co
510
r dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous
les
yeux : je le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour
511
Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je
le
vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe. J
512
j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me
le
rappellerai, une fois de retour en Europe. J’en connais par avance la
513
fois de retour en Europe. J’en connais par avance
la
nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’
514
en Europe. J’en connais par avance la nostalgie.
Le
soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’é
515
d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur
les
fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteignent, le s
516
sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent,
les
ponts s’éteignent, le sommet des gratte-ciel se met à luire sous la l
517
ines. Des fumées traînent, les ponts s’éteignent,
le
sommet des gratte-ciel se met à luire sous la lune, au-dessus des pre
518
nt, le sommet des gratte-ciel se met à luire sous
la
lune, au-dessus des premiers nuages. Une grande nuit s’ouvre au trava
519
t sors. Je me promène sur cette terrasse qui fait
le
tour de mes chambres blanches, posées sur le onzième étage et festonn
520
nzième étage et festonnées de tuiles provençales.
La
brique est chaude encore sous mes pieds nus. À ma hauteur, et un peu
521
un peu plus bas, et puis beaucoup plus bas, dans
les
buildings voisins séparés de ma terrasse par un gouffre profond mais
522
, en peignoir rose, ouvre son frigidaire, sort de
la
glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent
523
ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin
le
peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent d’une terrasse obscu
524
asse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans
les
highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Petits matins déjà doux de
525
s. Petits matins déjà doux des terrasses, moments
les
plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les s
526
éjà doux des terrasses, moments les plus aigus de
la
vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hier c
527
la vie, au jour qui point, quand toutes choses et
les
souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouette
528
s d’hier changent de poids et de millésime, quand
les
mouettes éclosent du rocher, quand les premiers remorqueurs se metten
529
miers remorqueurs se mettent à souffler fort dans
la
brume d’été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vi
530
à souffler fort dans la brume d’été flottant sur
la
rivière… Une langue de lumière orangée vient râper doucement le crépi
531
e langue de lumière orangée vient râper doucement
le
crépi des murs bas, sur la terrasse toute voisine. Un autre jour, le
532
vient râper doucement le crépi des murs bas, sur
la
terrasse toute voisine. Un autre jour, le même amour, mais le cœur s’
533
as, sur la terrasse toute voisine. Un autre jour,
le
même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est l’heure du pardon déliv
534
toute voisine. Un autre jour, le même amour, mais
le
cœur s’ouvre — l’aube est l’heure du pardon délivrant — et je me donn
535
autre jour, le même amour, mais le cœur s’ouvre —
l’
aube est l’heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américai
536
le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est
l’
heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américain ! Sur le
537
élivrant — et je me donne au jour américain ! Sur
le
grand fond sonore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sir
538
onore à bouche fermée des usines de l’autre rive,
les
sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux dés
539
tre, de faux désastre et d’appel commercial, dans
le
matin strident de l’East River. Un quadrimoteur argenté passait très
540
et d’appel commercial, dans le matin strident de
l’
East River. Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux tours
541
r arroser au tuyau ses arbustes. Soudain, passant
la
tranche ocrée d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la ri
542
d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur
la
rivière, une proue grise et ses canons glissait sans bruit, un énorme
543
ait sans bruit, un énorme croiseur défilait, tout
l’
équipage en fête saluant New York d’adieux, filant pavois au vent vers
544
ant New York d’adieux, filant pavois au vent vers
l’
Europe et la guerre… g. Rougemont Denis de, « Beekman Place », Bull
545
d’adieux, filant pavois au vent vers l’Europe et
la
guerre… g. Rougemont Denis de, « Beekman Place », Bulletin de la G
546
ougemont Denis de, « Beekman Place », Bulletin de
la
Guilde du livre, Lausanne, octobre 1946, p. 243-245. h. Précédé de l
547
ausanne, octobre 1946, p. 243-245. h. Précédé de
la
note suivante : « Fragment du Journal des deux mondes qui paraîtra
548
gment du Journal des deux mondes qui paraîtra à
la
Guilde du Livre. »
549
plateaux onduleux et livrés aux chevaux, jusqu’à
l’
horizon bleu des Appalaches. Pendant que nous roulons sur une route de
550
ns sur une route de campagne, au creux des haies,
le
ciel se couvre. « C’est là-haut, me dit-on, à mi-pente des coteaux. »
551
ngue pas encore cette maison célèbre, cachée dans
les
bosquets au bout d’une longue allée qui monte entre des barrières bla
552
! C’est sa manière de se venger de J. car c’était
la
maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment
553
ar c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle
la
déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… » L’auto s’arrête deva
554
déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… »
L’
auto s’arrête devant un haut portique. Deux colonnes blanches entre de
555
s du deuxième étage. Une odeur écœurante vient de
la
porte dont un battant s’entrouvre devant nous. Trois grands longs chi
556
e devant nous. Trois grands longs chiens sortent,
le
museau bas, et l’un vient vomir à nos pieds des morceaux de cire mal
557
eds des morceaux de cire mal mâchés. Une servante
les
poursuit armée d’une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de ma
558
vache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger
les
bougies du carrosse de George Washington. (C’est une pièce de musée q
559
pièce de musée que nous allons voir, remisée sous
la
colonnade des écuries.) Nous pénétrons dans un vestibule sombre. La m
560
curies.) Nous pénétrons dans un vestibule sombre.
La
maîtresse de maison est sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendan
561
de maison est sortie à cheval. Promenons-nous en
l’
attendant. L’odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fumoir,
562
t sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendant.
L’
odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fumoir, à droite, en
563
-nous en l’attendant. L’odeur des chiens imprègne
les
corridors. Dans un fumoir, à droite, en contrebas, deux hommes en ves
564
whiskies, sans se déranger. Nous traversons toute
la
maison, puis une large galerie ouverte, encombrée de vieux meubles et
565
et là, des statues de faunes et de chiens gisent
le
nez dans l’herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre su
566
statues de faunes et de chiens gisent le nez dans
l’
herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur la cour sa
567
isent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé.
Le
pré s’élève et s’ouvre sur la cour sablée des écuries. Celles-ci se d
568
s d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur
la
cour sablée des écuries. Celles-ci se déploient en demi-cercle, ornée
569
une colonnade et d’un clocheton de brique portant
l’
œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’aba
570
que portant l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici
le
carrosse de Washington, à l’abandon. La peinture craquelée tombe par
571
énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à
l’
abandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, les coussins de vel
572
an. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon.
La
peinture craquelée tombe par morceaux, les coussins de velours rouge
573
bandon. La peinture craquelée tombe par morceaux,
les
coussins de velours rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel est
574
de velours rouge sont moisis. Nous redescendons.
Le
ciel est devenu noir. Du portique, entre les hautes colonnes blanches
575
dons. Le ciel est devenu noir. Du portique, entre
les
hautes colonnes blanches et ces ifs dramatiques, on domine un paysage
576
s. Soudain, un coup de vent violent a jeté contre
la
façade et nos visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes
577
euilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de
l’
automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs
578
gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fall,
la
Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par
579
trée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme ils
l’
appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par la charmille, où il
580
hute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs sur
les
prairies. Par la charmille, où il fait presque nuit — mais on devine
581
appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par
la
charmille, où il fait presque nuit — mais on devine encore quelques s
582
re quelques statues décapitées ou renversées dans
les
branchages — nous arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le c
583
us arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est
le
chenil. Le parc s’arrête ici, et s’ouvrent les espaces de pâturages n
584
au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil.
Le
parc s’arrête ici, et s’ouvrent les espaces de pâturages nus, en pent
585
est le chenil. Le parc s’arrête ici, et s’ouvrent
les
espaces de pâturages nus, en pente douce. Très loin, en silhouette su
586
nus, en pente douce. Très loin, en silhouette sur
la
crête d’une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparais
587
me. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle tient
la
bride d’une main et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle mo
588
qu’elle mord en galopant. Nouveaux éclairs. Tous
les
chiens du chenil se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’a
589
s du chenil se sont mis à hurler ensemble. Est-ce
l’
orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et
590
se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou
l’
approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent
591
Est-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse ?
Les
cavaliers ralentissent et s’arrêtent devant la barre du portail. Elle
592
? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent devant
la
barre du portail. Elle pousse son cheval, le portail cède et lui livr
593
vant la barre du portail. Elle pousse son cheval,
le
portail cède et lui livre passage. C’est une grande femme bottée, sau
594
aît nu dans un fin sweater jaune. Elle rit, jette
la
pomme, et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur s
595
jaune. Elle rit, jette la pomme, et nous salue de
la
main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considère a
596
le rit, jette la pomme, et nous salue de la main.
Le
jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considère avec hosti
597
r son cheval, nous considère avec hostilité. Il a
les
yeux d’un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence nous s
598
alué. Son silence nous supprime. C’est sans doute
le
nouvel intendant. « Je vous retrouve à la maison ! », crie-t-elle. Et
599
s doute le nouvel intendant. « Je vous retrouve à
la
maison ! », crie-t-elle. Et, piquant son cheval, penchée sur l’encolu
600
crie-t-elle. Et, piquant son cheval, penchée sur
l’
encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une
601
eval, penchée sur l’encolure, elle disparaît dans
le
tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les t
602
sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de
la
charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élan
603
harmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes
les
tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’une pièce vaste
604
te lampe fait une flaque rose. « Je ne trouve pas
les
prises ! explique-t-elle, je ne mets jamais les pieds dans ce dégoûta
605
s les prises ! explique-t-elle, je ne mets jamais
les
pieds dans ce dégoûtant salon ! » Des éclairs illuminent longuement l
606
ûtant salon ! » Des éclairs illuminent longuement
les
meubles lourds, une bibliothèque, des boiseries. Le lustre enfin s’al
607
meubles lourds, une bibliothèque, des boiseries.
Le
lustre enfin s’allume par degrés. Elle court aux fenêtres et ferme av
608
intérieurs, en chêne clair, puis elle tire encore
les
rideaux. « Les orages me rendent folle, j’ai tellement peur, et vous
609
chêne clair, puis elle tire encore les rideaux. «
Les
orages me rendent folle, j’ai tellement peur, et vous ? Vous êtes mue
610
r, et vous ? Vous êtes muets ? Vous avez soif ? »
Les
coups de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois les lumières va
611
s de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois
les
lumières vacillent, baissent, remontent… Paraît dans la porte du fond
612
ières vacillent, baissent, remontent… Paraît dans
la
porte du fond un homme en veste de chasse qui tient des verres de whi
613
veste de chasse qui tient des verres de whisky à
la
main. Deux femmes blondes entrent et vont s’asseoir un peu à l’écart
614
femmes blondes entrent et vont s’asseoir un peu à
l’
écart de notre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoi
615
tre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On
le
renvoie chercher des verres et des bouteilles. Qui sont ces gens ? El
616
outeilles. Qui sont ces gens ? Elle dit : « Je ne
le
sais pas plus que vous. Ils sont dans la maison depuis deux ou trois
617
« Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dans
la
maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Jim. — Mai
618
la maison depuis deux ou trois jours et se disent
les
amis de Jim. — Mais où est Jim ? — Je ne sais pas ? Il est parti. » J
619
im ? — Je ne sais pas ? Il est parti. » Jim était
l’
intendant, une sorte de géant toujours en bottes, qu’elle emmenait par
620
egard d’acier du jeune homme silencieux de tout à
l’
heure. Des chiens se glissent entre les meubles, humides et tremblants
621
x de tout à l’heure. Des chiens se glissent entre
les
meubles, humides et tremblants. « Mais je ne sais pas recevoir ! dit-
622
peur… » — Eh bien ? m’ont demandé mes amis dans
la
voiture qui nous emporte sous la pluie, qu’en pensez-vous ? — J’ai pe
623
dé mes amis dans la voiture qui nous emporte sous
la
pluie, qu’en pensez-vous ? — J’ai pensé que, pour la première fois de
624
remière fois de ma vie, je me sens tenté d’écrire
la
suite du roman. i. Rougemont Denis de, « Souvenir d’un orage en Vi
625
« Souvenir d’un orage en Virginie », Bulletin de
la
Guilde du livre, Lausanne, novembre 1946, p. 282-284.
626
k (décembre 1946)j New York, 15 décembre 1945.
Le
1er décembre au matin, la ruée vers les magasins s’est déclenchée dan
627
York, 15 décembre 1945. Le 1er décembre au matin,
la
ruée vers les magasins s’est déclenchée dans toute l’Amérique, inaugu
628
mbre 1945. Le 1er décembre au matin, la ruée vers
les
magasins s’est déclenchée dans toute l’Amérique, inaugurant officiell
629
uée vers les magasins s’est déclenchée dans toute
l’
Amérique, inaugurant officiellement le Yuletide, la saison de Noël. No
630
dans toute l’Amérique, inaugurant officiellement
le
Yuletide, la saison de Noël. Nous sommes le 15 et les rayons de jouet
631
’Amérique, inaugurant officiellement le Yuletide,
la
saison de Noël. Nous sommes le 15 et les rayons de jouets sont déjà p
632
ement le Yuletide, la saison de Noël. Nous sommes
le
15 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. Cet an
633
Yuletide, la saison de Noël. Nous sommes le 15 et
les
rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. Cet an de grâce
634
nnée 1945 se termine en pleine équivoque : est-ce
la
paix déjà ? La guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d
635
rmine en pleine équivoque : est-ce la paix déjà ?
La
guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’appétits ranim
636
mertumes durables. Et Noël va tomber au milieu de
l’
An Un d’une ère de paix profonde sur la plus grande menace de toute l’
637
milieu de l’An Un d’une ère de paix profonde sur
la
plus grande menace de toute l’Histoire. Les enfants, comme les gouver
638
paix profonde sur la plus grande menace de toute
l’
Histoire. Les enfants, comme les gouvernements, demandent pour leur No
639
de sur la plus grande menace de toute l’Histoire.
Les
enfants, comme les gouvernements, demandent pour leur Noël de petites
640
de menace de toute l’Histoire. Les enfants, comme
les
gouvernements, demandent pour leur Noël de petites bombes atomiques.
641
re blessés sérieusement, en jouant à faire sauter
le
monde. Les trois Grands, à Moscou, seront-ils plus adroits dans ce mê
642
sérieusement, en jouant à faire sauter le monde.
Les
trois Grands, à Moscou, seront-ils plus adroits dans ce même jeu ? On
643
seront-ils plus adroits dans ce même jeu ? On ne
le
croirait pas, à les voir. Curieux trio : un loup déguisé en mouton et
644
roits dans ce même jeu ? On ne le croirait pas, à
les
voir. Curieux trio : un loup déguisé en mouton et deux moutons vêtus
645
ons vêtus de leur vraie peau. Mais rien n’empêche
le
Waldorf-Astoria d’annoncer que sa nuit de l’An « promet d’être la plu
646
êche le Waldorf-Astoria d’annoncer que sa nuit de
l’
An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à pa
647
ia d’annoncer que sa nuit de l’An « promet d’être
la
plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de $ 20 la place
648
it de l’An « promet d’être la plus grande nuit de
l’
histoire de l’hôtel — à partir de $ 20 la place ». Nous fûmes hier che
649
romet d’être la plus grande nuit de l’histoire de
l’
hôtel — à partir de $ 20 la place ». Nous fûmes hier chez Schwartz, gr
650
nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de $ 20
la
place ». Nous fûmes hier chez Schwartz, grand magasin de jouets de la
651
suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de
la
bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche, pui
652
i ressemble à un modèle de la bombe atomique pour
les
enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche, puis ses yeux s’écarquillèr
653
modèle de la bombe atomique pour les enfants ? »
La
vendeuse ouvrit la bouche, puis ses yeux s’écarquillèrent largement :
654
atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit
la
bouche, puis ses yeux s’écarquillèrent largement : devant nous venait
655
visage anguleux et couvert de taches de rousseur,
la
tête serrée dans un foulard de soie rose feu. « Papa, me dit mon peti
656
rn ! » — « C’est moi ! », dit-elle en lui pinçant
la
joue, et la vendeuse nous planta là. Il neigeait sur la Cinquième Av
657
’est moi ! », dit-elle en lui pinçant la joue, et
la
vendeuse nous planta là. Il neigeait sur la Cinquième Avenue, sur le
658
nta là. Il neigeait sur la Cinquième Avenue, sur
les
paquets enrubannés, sur les fourrures, sur l’arbre immense du Rockefe
659
Cinquième Avenue, sur les paquets enrubannés, sur
les
fourrures, sur l’arbre immense du Rockefeller Plaza, transporté avec
660
ur les paquets enrubannés, sur les fourrures, sur
l’
arbre immense du Rockefeller Plaza, transporté avec toutes ses racines
661
sait. Des haut-parleurs répandaient sans relâche
l’
Adeste Fideles et des carols transformés en jazz hot par les klaxons d
662
Fideles et des carols transformés en jazz hot par
les
klaxons d’interminables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait l
663
ables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait
le
rêve américain, le clinquant, l’irréel, le rose et le doré. Rêve d’en
664
rafic. Aux vitrines triomphait le rêve américain,
le
clinquant, l’irréel, le rose et le doré. Rêve d’enfance et d’innocenc
665
rines triomphait le rêve américain, le clinquant,
l’
irréel, le rose et le doré. Rêve d’enfance et d’innocence universelle,
666
mphait le rêve américain, le clinquant, l’irréel,
le
rose et le doré. Rêve d’enfance et d’innocence universelle, bercé de
667
êve américain, le clinquant, l’irréel, le rose et
le
doré. Rêve d’enfance et d’innocence universelle, bercé de musiques no
668
ercé de musiques nostalgiques. Noël, ici, devient
la
fête du Bébé Cadum des réclames et non plus de cet Enfant vrai qui na
669
cet Enfant vrai qui naquit tant bien que mal dans
la
paille, sous le souffle d’un bœuf malodorant. Plus que dix jours pour
670
qui naquit tant bien que mal dans la paille, sous
le
souffle d’un bœuf malodorant. Plus que dix jours pour acquérir dans c
671
jours pour acquérir dans cette aimable bousculade
la
bonne conscience que représente une table de famille chargée de cadea
672
en souvenir du seul cadeau de paix jamais fait à
l’
humanité ? Ou bien cette fièvre de rivaliser dans la dépense, en fin d
673
humanité ? Ou bien cette fièvre de rivaliser dans
la
dépense, en fin d’année, est-elle comme chez les primitifs une manièr
674
s la dépense, en fin d’année, est-elle comme chez
les
primitifs une manière de conjurer le sort et de se rendre l’an nouvea
675
comme chez les primitifs une manière de conjurer
le
sort et de se rendre l’an nouveau propice ? Plus que dix jours pour s
676
s une manière de conjurer le sort et de se rendre
l’
an nouveau propice ? Plus que dix jours pour s’assurer une place dans
677
Plus que dix jours pour s’assurer une place dans
le
monde des familles, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui se
678
une place dans le monde des familles, un droit à
la
chaleur des groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n’ap
679
ppartiennent pas à une cellule sociale, formeront
la
foule de Times Square. Le coudoiement universel leur tiendra lieu d’i
680
lule sociale, formeront la foule de Times Square.
Le
coudoiement universel leur tiendra lieu d’intimité… Pour moi, j’irai
681
d’intimité… Pour moi, j’irai comme chaque année à
la
messe de minuit des protestants, dans la plus grande église gothique
682
année à la messe de minuit des protestants, dans
la
plus grande église gothique du monde, la Cathédrale de Saint-Jean-de-
683
ts, dans la plus grande église gothique du monde,
la
Cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New Y
684
de, la Cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de
l’
évêque anglican de New York. Dix mille personnes y chanteront des caro
685
Dix mille personnes y chanteront des carols avant
la
procession du chœur et du clergé, précédée de porteurs de torches à l
686
r et du clergé, précédée de porteurs de torches à
la
Burne Jones. Et, comme chaque année, j’entendrai le Credo de Gretchan
687
Burne Jones. Et, comme chaque année, j’entendrai
le
Credo de Gretchaninov et le motet de Prætorius, Une rose est née… Et
688
ue année, j’entendrai le Credo de Gretchaninov et
le
motet de Prætorius, Une rose est née… Et je me dirai que l’Amérique n
689
e Prætorius, Une rose est née… Et je me dirai que
l’
Amérique n’a pas encore très bien compris les traditions, parce qu’ell
690
i que l’Amérique n’a pas encore très bien compris
les
traditions, parce qu’elle les respecte un peu trop… Times Square, tou
691
e très bien compris les traditions, parce qu’elle
les
respecte un peu trop… Times Square, tous ses feux rallumés, semblera
692
lera célébrer un V Day, une nouvelle victoire sur
le
temps, comme si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’app
693
mps, comme si ce n’était pas lui qui gagne à tous
les
coups. Qu’apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guard
694
pportera cette fin d’année ? Un dernier speech de
La
Guardia à la radio, révélant une dernière recette aux ménagères pour
695
e fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à
la
radio, révélant une dernière recette aux ménagères pour cuire la dind
696
ant une dernière recette aux ménagères pour cuire
la
dinde. Politicien rusé autant qu’honnête, gros petit homme à la face
697
ticien rusé autant qu’honnête, gros petit homme à
la
face de clown, Fiorello, la Fleurette ou le Chapeau, comme le peuple
698
e, gros petit homme à la face de clown, Fiorello,
la
Fleurette ou le Chapeau, comme le peuple l’a baptisé, saisissant la b
699
mme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette ou
le
Chapeau, comme le peuple l’a baptisé, saisissant la baguette des main
700
lown, Fiorello, la Fleurette ou le Chapeau, comme
le
peuple l’a baptisé, saisissant la baguette des mains du chef dirigera
701
ello, la Fleurette ou le Chapeau, comme le peuple
l’
a baptisé, saisissant la baguette des mains du chef dirigera pour la d
702
Chapeau, comme le peuple l’a baptisé, saisissant
la
baguette des mains du chef dirigera pour la dernière fois l’orchestre
703
des mains du chef dirigera pour la dernière fois
l’
orchestre ou la fanfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le
704
hef dirigera pour la dernière fois l’orchestre ou
la
fanfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, no
705
l’orchestre ou la fanfare d’un grand meeting. Sur
le
coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de Ne
706
anfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit,
le
31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York. Tammany rev
707
le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons
le
meilleur maire de New York. Tammany reviendra au pouvoir. Et Roosevel
708
uvoir. Et Roosevelt n’est pas remplacé… Et toutes
les
utopies prévues par l’avant-guerre entreront dans la voie des réalisa
709
t pas remplacé… Et toutes les utopies prévues par
l’
avant-guerre entreront dans la voie des réalisations. Déjà l’on met en
710
utopies prévues par l’avant-guerre entreront dans
la
voie des réalisations. Déjà l’on met en vente la « bicyclette du ciel
711
rre entreront dans la voie des réalisations. Déjà
l’
on met en vente la « bicyclette du ciel », un petit avion de 1000 doll
712
la voie des réalisations. Déjà l’on met en vente
la
« bicyclette du ciel », un petit avion de 1000 dollars. Déjà les banq
713
e du ciel », un petit avion de 1000 dollars. Déjà
les
banques de Buffalo ouvrent des guichets extérieurs où l’on peut dépos
714
ues de Buffalo ouvrent des guichets extérieurs où
l’
on peut déposer de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les bic
715
t des guichets extérieurs où l’on peut déposer de
l’
argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims sont
716
er de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà
les
biches et les daims sont amenés dans les forêts de chasse au moyen de
717
sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et
les
daims sont amenés dans les forêts de chasse au moyen de taxis aériens
718
re. Déjà les biches et les daims sont amenés dans
les
forêts de chasse au moyen de taxis aériens. Déjà la télévision en cou
719
forêts de chasse au moyen de taxis aériens. Déjà
la
télévision en couleurs prouve qu’elle ne le cède en rien à la photogr
720
Déjà la télévision en couleurs prouve qu’elle ne
le
cède en rien à la photographie pour « le brillant et la précision du
721
n en couleurs prouve qu’elle ne le cède en rien à
la
photographie pour « le brillant et la précision du détail », qualités
722
’elle ne le cède en rien à la photographie pour «
le
brillant et la précision du détail », qualités préférées de l’América
723
e en rien à la photographie pour « le brillant et
la
précision du détail », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’on n
724
t la précision du détail », qualités préférées de
l’
Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bom
725
détail », qualités préférées de l’Américain. Déjà
l’
on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le
726
à l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur
la
bombe atomique, où le love interest ne manquera pas ; cependant que d
727
Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où
le
love interest ne manquera pas ; cependant que déjà le New Yorker se m
728
ove interest ne manquera pas ; cependant que déjà
le
New Yorker se moque des clichés à la mode au sujet de cette invention
729
ant que déjà le New Yorker se moque des clichés à
la
mode au sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’humanité
730
a mode au sujet de cette invention « qui signifie
la
fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le S
731
sujet de cette invention « qui signifie la fin de
l’
humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le Syndicat de
732
invention « qui signifie la fin de l’humanité ou
l’
aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le Syndicat des ouvriers de
733
té ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà,
le
Syndicat des ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford un contr
734
à votre choix. Déjà, le Syndicat des ouvriers de
l’
industrie automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protéger
735
automobile offre à Ford un contrat collectif qui
le
protégera, lui le patron, contre les grèves irrégulières. Car la forc
736
à Ford un contrat collectif qui le protégera, lui
le
patron, contre les grèves irrégulières. Car la force et l’initiative
737
collectif qui le protégera, lui le patron, contre
les
grèves irrégulières. Car la force et l’initiative ont changé de camp,
738
ui le patron, contre les grèves irrégulières. Car
la
force et l’initiative ont changé de camp, et les vainqueurs se montre
739
, contre les grèves irrégulières. Car la force et
l’
initiative ont changé de camp, et les vainqueurs se montrent généreux.
740
r la force et l’initiative ont changé de camp, et
les
vainqueurs se montrent généreux. Et déjà les pasteurs et les prêtres
741
, et les vainqueurs se montrent généreux. Et déjà
les
pasteurs et les prêtres se préparent à parler du message de Noël aux
742
urs se montrent généreux. Et déjà les pasteurs et
les
prêtres se préparent à parler du message de Noël aux « hommes de bonn
743
ec M. Romains une grave erreur de traduction. Car
l’
Évangile dans le texte original dit simplement : « Paix sur la terre,
744
e grave erreur de traduction. Car l’Évangile dans
le
texte original dit simplement : « Paix sur la terre, bonne volonté (d
745
ans le texte original dit simplement : « Paix sur
la
terre, bonne volonté (de Dieu) envers les hommes ». Est-il besoin de
746
Paix sur la terre, bonne volonté (de Dieu) envers
les
hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine e
747
é (de Dieu) envers les hommes ». Est-il besoin de
la
bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre end
748
. Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de
la
famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et d
749
et des grèves, et de la famine européenne, et de
la
guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur
750
e européenne, et de la guerre endémique dans tout
l’
Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux
751
de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de
la
méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nat
752
mique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de
la
peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de l’anti
753
ues qui président aux rapports des nations, et de
l’
antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’E
754
apports des nations, et de l’antisémitisme, et de
l’
antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’Europe, pour que nous co
755
de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de
l’
antiaméricanisme de l’Europe, pour que nous comprenions que les hommes
756
de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de
l’
Europe, pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bonne
757
anisme de l’Europe, pour que nous comprenions que
les
hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart sont involontaires.
758
nt que subir leur condition. À Times Square, dans
la
foule compacte et lente, dans la rumeur assourdissante des petites tr
759
mes Square, dans la foule compacte et lente, dans
la
rumeur assourdissante des petites trompettes de foire et des crécelle
760
tes trompettes de foire et des crécelles, GI Joe,
le
combattant moyen, se dira : « Well, c’était donc pour tout cela… »
761
gemont Denis de, « Noël à New York », Bulletin de
la
Guilde du livre, Lausanne, décembre 1946, p. 295-296.
762
Slums (janvier 1947)k l
La
75e rue n’a rien de particulier. Elle part luxueusement de la Cinquiè
763
enue et de Central Park, traverse en direction de
l’
est de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, chan
764
n Avenue, perd toute tenue dès qu’elle a traversé
les
piliers du métro aérien qui longe encore la Troisième Avenue, s’anime
765
piers sales, pour s’ouvrir enfin toute béante sur
les
fumées de l’East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomè
766
our s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de
l’
East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomètre et demi,
767
ilomètre et demi, sans changer de largeur. (Seuls
les
trottoirs se rétrécissent.) Cette rue, comme cent autres pareilles, f
768
, comme cent autres pareilles, fait voir en coupe
la
société américaine. C’est une coupe mégaloscopique — le contraire de
769
iété américaine. C’est une coupe mégaloscopique —
le
contraire de microscopique — permettant l’examen à l’œil nu. Décrivon
770
ique — le contraire de microscopique — permettant
l’
examen à l’œil nu. Décrivons sa partie inférieure. La rue huileuse, p
771
ontraire de microscopique — permettant l’examen à
l’
œil nu. Décrivons sa partie inférieure. La rue huileuse, parsemée de
772
amen à l’œil nu. Décrivons sa partie inférieure.
La
rue huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’écl
773
tas de neige noircissent au rebord des trottoirs.
Les
enfants qui ne jouent plus à la balle parce que la nuit vient de desc
774
d des trottoirs. Les enfants qui ne jouent plus à
la
balle parce que la nuit vient de descendre — depuis cinq ans que je c
775
s enfants qui ne jouent plus à la balle parce que
la
nuit vient de descendre — depuis cinq ans que je circule dans cette v
776
mmenses cartonnages goudronnés. Flammes gaies sur
le
couchant rose et fuligineux, en rectangle au bout de la rue, légèreme
777
chant rose et fuligineux, en rectangle au bout de
la
rue, légèrement mordue par la silhouette des escaliers de sauvetage.
778
ectangle au bout de la rue, légèrement mordue par
la
silhouette des escaliers de sauvetage. Ces grands seaux à ordures en
779
ment ou mal vidés dans ce quartier, débordent sur
la
neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes
780
és dans ce quartier, débordent sur la neige entre
les
escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes d’entrée. Porte
781
nds où deux personnes peuvent à peine se croiser.
L’
angoisse me prend chaque fois que j’y pénètre. (Rappel inconscient de
782
aque fois que j’y pénètre. (Rappel inconscient de
la
naissance, me dirait un psychanalyste.) Les boîtes à lettres portent
783
ent de la naissance, me dirait un psychanalyste.)
Les
boîtes à lettres portent des noms en cek, nous sommes dans le quartie
784
lettres portent des noms en cek, nous sommes dans
le
quartier slovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au troisième. La porte
785
nous sommes dans le quartier slovaque. Je gravis
l’
escalier jusqu’au troisième. La porte donne dans la cuisine. En face d
786
lovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au troisième.
La
porte donne dans la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui est c
787
’escalier jusqu’au troisième. La porte donne dans
la
cuisine. En face du fourneau à charbon, qui est censé chauffer l’appa
788
ace du fourneau à charbon, qui est censé chauffer
l’
appartement, une espèce de baignoire couverte et fort étroite se dress
789
faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De
la
cuisine, on passe par une baie sans porte dans le front room, qui don
790
la cuisine, on passe par une baie sans porte dans
le
front room, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux
791
baie sans porte dans le front room, qui donne sur
la
rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtr
792
nt room, qui donne sur la rue. De l’autre côté de
la
cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni portes, suivies d’une
793
portes, suivies d’une autre pièce plus large sur
la
cour. Ce logis, qui n’est guère qu’un corridor légèrement cloisonné,
794
’un corridor légèrement cloisonné, s’annonce dans
les
journaux : « cinq pièces, eau chaude et bains ». Il existe dans Manha
795
reliées par deux ou trois alvéoles aveugles. Tout
l’
East Side populaire est ainsi, sur une vingtaine de kilomètres. Je me
796
, sur une vingtaine de kilomètres. Je me penche à
la
fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol est jonché de plâtras, de journ
797
lomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de
la
cour. Le sol est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui boug
798
Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour.
Le
sol est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou c
799
sont peut-être des chats. Des cordes tendues sur
l’
abîme supportent des lessives et de grands draps claquants. Du haut en
800
. Du haut en bas des façades de brique zigzaguent
les
noirs escaliers de sauvetage. Dans un sous-sol violemment éclairé, je
801
se femme en peignoir qui se farde à gestes menus.
Le
concierge irlandais hurle dans l’escalier. Des enfants pleurent parmi
802
à gestes menus. Le concierge irlandais hurle dans
l’
escalier. Des enfants pleurent parmi les radios nostalgiques, des fenê
803
hurle dans l’escalier. Des enfants pleurent parmi
les
radios nostalgiques, des fenêtres s’allument et s’éteignent. On peut
804
ais dans un cadre strictement rectangulaire. Tous
les
objets qu’on voit sont des rectangles, à part les chiffons et les cha
805
les objets qu’on voit sont des rectangles, à part
les
chiffons et les chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumièr
806
voit sont des rectangles, à part les chiffons et
les
chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes
807
des rectangles, à part les chiffons et les chats.
Les
façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes du soir, s’
808
t de scènes du soir, s’étagent en silhouettes sur
le
ciel rouge. Une radio clame Amapola, plus fort que tout, dans la cour
809
Une radio clame Amapola, plus fort que tout, dans
la
cour où les draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York
810
lame Amapola, plus fort que tout, dans la cour où
les
draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York possède aus
811
ew York possède aussi deux-cents gratte-ciel pour
les
bureaux, et quelques belles avenues de résidences pour les directeurs
812
ux, et quelques belles avenues de résidences pour
les
directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’étranger. k. Ro
813
directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de
l’
étranger. k. Rougemont Denis de, « Slums », Bulletin de la Guilde d
814
k. Rougemont Denis de, « Slums », Bulletin de
la
Guilde du livre, Lausanne, janvier 1947, p. 15-16. l. Précédé de la
815
Lausanne, janvier 1947, p. 15-16. l. Précédé de
la
note suivante : « Extrait du Journal des deux mondes . »
816
Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle ? Et
les
tristes discours… … Est-ce quelque dédale où ta raison perdue Ne se r
817
e se retrouve pas ? Malherbe Différence entre
les
Accusations et les Calomnies. On ne peut donner aux gardiens de la li
818
Malherbe Différence entre les Accusations et
les
Calomnies. On ne peut donner aux gardiens de la liberté d’un État un
819
les Calomnies. On ne peut donner aux gardiens de
la
liberté d’un État un droit plus utile et plus nécessaire que celui de
820
essaire que celui de pouvoir accuser, soit devant
le
peuple, soit devant un magistrat ou tribunal quelconque, les citoyens
821
soit devant un magistrat ou tribunal quelconque,
les
citoyens qui auraient commis un délit contre cette liberté… Mais auta
822
cusations sont utiles dans une république, autant
les
calomnies sont dangereuses et sans but… On accuse les citoyens devant
823
calomnies sont dangereuses et sans but… On accuse
les
citoyens devant les magistrats, on les calomnie sur les places publiq
824
reuses et sans but… On accuse les citoyens devant
les
magistrats, on les calomnie sur les places publiques, dans les assemb
825
On accuse les citoyens devant les magistrats, on
les
calomnie sur les places publiques, dans les assemblées particulières.
826
toyens devant les magistrats, on les calomnie sur
les
places publiques, dans les assemblées particulières. Machiavel : Dis
827
s, on les calomnie sur les places publiques, dans
les
assemblées particulières. Machiavel : Discours sur la Première Décad
828
ade de Tite-Live, chap. VII. Une accusation
Le
13 novembre 1947, on pouvait lire dans notre presse de copieux compte
829
re dans notre presse de copieux comptes rendus de
la
plaidoirie prononcée par Me Duperrier lors du procès de son client Ge
830
rocès de son client Georges Oltramare. Ainsi dans
la
Gazette de Lausanne : Un rapprochement surprenant Me Duperrier, br
831
approchement surprenant Me Duperrier, brandissant
le
livre de Denis de Rougemont, Journal des deux mondes , se lance alor
832
dans une accusation qui ne laisse pas de susciter
l’
étonnement de l’auditoire. Après s’être livré à quelques persiflages d
833
ion qui ne laisse pas de susciter l’étonnement de
l’
auditoire. Après s’être livré à quelques persiflages de fort mauvais g
834
quelques persiflages de fort mauvais goût contre
l’
écrivain neuchâtelois auquel il décerne faussement le titre de corresp
835
crivain neuchâtelois auquel il décerne faussement
le
titre de correspondant attitré de notre journal, il lit à la cour l’a
836
correspondant attitré de notre journal, il lit à
la
cour l’admirable morceau que de Rougemont a dédié à Paris envahi par
837
ondant attitré de notre journal, il lit à la cour
l’
admirable morceau que de Rougemont a dédié à Paris envahi par les Alle
838
rceau que de Rougemont a dédié à Paris envahi par
les
Allemands et qui, paru dans la Gazette en juin 1940, lui valut une sa
839
Paris envahi par les Allemands et qui, paru dans
la
Gazette en juin 1940, lui valut une sanction de la censure. L’écrivai
840
a Gazette en juin 1940, lui valut une sanction de
la
censure. L’écrivain ayant quitté peu après la Suisse pour les États-U
841
juin 1940, lui valut une sanction de la censure.
L’
écrivain ayant quitté peu après la Suisse pour les États-Unis, l’avoca
842
de la censure. L’écrivain ayant quitté peu après
la
Suisse pour les États-Unis, l’avocat se croit dès lors fondé à assimi
843
L’écrivain ayant quitté peu après la Suisse pour
les
États-Unis, l’avocat se croit dès lors fondé à assimiler sa situation
844
t quitté peu après la Suisse pour les États-Unis,
l’
avocat se croit dès lors fondé à assimiler sa situation à celle de son
845
deux hommes ont pris ensuite des chemins opposés,
le
départ est le même », affirme l’avocat qui cite longuement les passag
846
t pris ensuite des chemins opposés, le départ est
le
même », affirme l’avocat qui cite longuement les passages où Denis de
847
chemins opposés, le départ est le même », affirme
l’
avocat qui cite longuement les passages où Denis de Rongement relate s
848
t le même », affirme l’avocat qui cite longuement
les
passages où Denis de Rongement relate son activité d’homme de lettres
849
ongement relate son activité d’homme de lettres à
la
radio américaine. J’ai l’honneur, M. le procureur général, s’écrie Me
850
té d’homme de lettres à la radio américaine. J’ai
l’
honneur, M. le procureur général, s’écrie Me Duperrier, de me faire ic
851
lettres à la radio américaine. J’ai l’honneur, M.
le
procureur général, s’écrie Me Duperrier, de me faire ici le dénonciat
852
ur général, s’écrie Me Duperrier, de me faire ici
le
dénonciateur de Denis de Rougemont. et dans la Feuille d’Avis de Neu
853
i le dénonciateur de Denis de Rougemont. et dans
la
Feuille d’Avis de Neuchâtel : Les plaidoiries au procès Oltramare :
854
emont. et dans la Feuille d’Avis de Neuchâtel :
Les
plaidoiries au procès Oltramare : où il est question de Denis de Roug
855
ramare : où il est question de Denis de Rougemont
L’
avocat fait ensuite un parallèle entre l’attitude de son client et cel
856
ougemont L’avocat fait ensuite un parallèle entre
l’
attitude de son client et celle de l’écrivain Denis de Rougemont qui,
857
allèle entre l’attitude de son client et celle de
l’
écrivain Denis de Rougemont qui, constate le défenseur d’Oltramare, es
858
le de l’écrivain Denis de Rougemont qui, constate
le
défenseur d’Oltramare, est allé se mettre au service de la BBO. Il se
859
eur d’Oltramare, est allé se mettre au service de
la
BBO. Il se demande si, ce faisant, Denis de Rougemont n’a pas mis la
860
de si, ce faisant, Denis de Rougemont n’a pas mis
la
sécurité du pays en danger. Une calomnie Peu de temps auparava
861
ger. Une calomnie Peu de temps auparavant,
les
Éditions Fontaine, à Paris, avaient publié le recueil des conférences
862
t, les Éditions Fontaine, à Paris, avaient publié
le
recueil des conférences prononcées l’hiver dernier en Sorbonne sous l
863
ient publié le recueil des conférences prononcées
l’
hiver dernier en Sorbonne sous les auspices de l’Unesco. À la page 100
864
ences prononcées l’hiver dernier en Sorbonne sous
les
auspices de l’Unesco. À la page 100 de ce recueil, M. Aragon déclare
865
l’hiver dernier en Sorbonne sous les auspices de
l’
Unesco. À la page 100 de ce recueil, M. Aragon déclare que je n’ai « j
866
nier en Sorbonne sous les auspices de l’Unesco. À
la
page 100 de ce recueil, M. Aragon déclare que je n’ai « jamais cessé
867
nce », et il insinue que si j’attaque aujourd’hui
le
nationalisme, c’est pour mieux « passer sous silence l’hitlérisme ».
868
ionalisme, c’est pour mieux « passer sous silence
l’
hitlérisme ». Qui croire ? Ainsi donc, selon Me Duperrier, j’ai
869
e ? Ainsi donc, selon Me Duperrier, j’ai passé
le
temps de la guerre à « mettre en danger la sécurité de mon pays », et
870
donc, selon Me Duperrier, j’ai passé le temps de
la
guerre à « mettre en danger la sécurité de mon pays », et cela par mo
871
passé le temps de la guerre à « mettre en danger
la
sécurité de mon pays », et cela par mon activité antinazie, tandis qu
872
nazie, tandis que, d’après Aragon, j’aurais passé
le
même temps à « passer sous silence » le nazisme et l’antisémitisme, e
873
ais passé le même temps à « passer sous silence »
le
nazisme et l’antisémitisme, et cela pour publier mes livres sous Vich
874
ême temps à « passer sous silence » le nazisme et
l’
antisémitisme, et cela pour publier mes livres sous Vichy, c’est-à-dir
875
tribunal, a brandi ses preuves : mon Journal dans
l’
édition reliée de la Guilde. Tandis que M. Aragon, devant une « assemb
876
es preuves : mon Journal dans l’édition reliée de
la
Guilde. Tandis que M. Aragon, devant une « assemblée particulière »,
877
Avec Tite-Live et son commentateur, je suis pour
les
accusations mais contre les calomnies, parce que je suis pour la libe
878
ntateur, je suis pour les accusations mais contre
les
calomnies, parce que je suis pour la liberté qui est du courage mais
879
mais contre les calomnies, parce que je suis pour
la
liberté qui est du courage mais contre la licence qui est du fanatism
880
is pour la liberté qui est du courage mais contre
la
licence qui est du fanatisme, ou de la lâcheté, ou simplement (reston
881
ais contre la licence qui est du fanatisme, ou de
la
lâcheté, ou simplement (restons courtois) de l’étourderie. Où je m
882
e la lâcheté, ou simplement (restons courtois) de
l’
étourderie. Où je me vois sommé de répondre Lorsque j’ai lu de q
883
vois sommé de répondre Lorsque j’ai lu de quoi
l’
on accusait Georges Oltramare, quelques jours avant son procès, je me
884
me suis dit, songeant à ma propre action pendant
la
guerre : « Quel curieux parallèle et quel joli contraste ! Se trouver
885
joli contraste ! Se trouvera-t-il quelqu’un pour
les
relever ? » Et puis les circonstances de ma vie ne m’ont plus laissé
886
uvera-t-il quelqu’un pour les relever ? » Et puis
les
circonstances de ma vie ne m’ont plus laissé le loisir d’y penser, ni
887
les circonstances de ma vie ne m’ont plus laissé
le
loisir d’y penser, ni même de bien lire les journaux. Mais voici ce m
888
laissé le loisir d’y penser, ni même de bien lire
les
journaux. Mais voici ce matin sur mon bureau une de ces lettres-éclai
889
une de ces lettres-éclair de notre directeur : «
Les
journalistes, dit-il, m’accablent de téléphones et dérangent mon trav
890
emander mon opinion sur cette affaire… » Il joint
l’
extrait de la Gazette qu’on vient de lire et m’enjoint de « saisir l
891
pinion sur cette affaire… » Il joint l’extrait de
la
Gazette qu’on vient de lire et m’enjoint de « saisir l’occasion d’u
892
tte qu’on vient de lire et m’enjoint de « saisir
l’
occasion d’un papier ». Si je comprends bien, il veut sa paix, et me l
893
je comprends bien, il veut sa paix, et me laisse
le
soin de répondre aux téléphones. OK ! disent les Américains. Pendant
894
e le soin de répondre aux téléphones. OK ! disent
les
Américains. Pendant qu’il administre, amusons-nous. Où je réponds
895
ministre, amusons-nous. Où je réponds Voici
le
raisonnement qu’a tenu devant la cour le bouillant Me Duperrier : — R
896
réponds Voici le raisonnement qu’a tenu devant
la
cour le bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’est mis au service d’u
897
Voici le raisonnement qu’a tenu devant la cour
le
bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’est mis au service d’une propa
898
pagande étrangère, comme Oltramare ; il a parlé à
la
radio, comme Oltramare ; et hors de Suisse, comme Oltramare encore. L
899
mare ; et hors de Suisse, comme Oltramare encore.
Les
deux cas étant identiques, il faut donc condamner Rougemont, mais il
900
n est pas un, mais combine deux absurdités. 1. Si
l’
on admet avec cet avocat que j’ai vraiment agi comme son client, l’alt
901
et avocat que j’ai vraiment agi comme son client,
l’
alternative est la suivante : ou bien je suis coupable, mais alors Olt
902
vraiment agi comme son client, l’alternative est
la
suivante : ou bien je suis coupable, mais alors Oltramare l’est aussi
903
: ou bien je suis coupable, mais alors Oltramare
l’
est aussi, la plaidoirie devient un réquisitoire, et l’avocat fait une
904
suis coupable, mais alors Oltramare l’est aussi,
la
plaidoirie devient un réquisitoire, et l’avocat fait une drôle de fig
905
aussi, la plaidoirie devient un réquisitoire, et
l’
avocat fait une drôle de figure. Ou bien il faut acquitter Oltramare,
906
ce discours retombe à plat, et notre avocat perd
la
face. 2. Mais où est l’homme sain d’esprit qui peut admettre que j’a
907
at, et notre avocat perd la face. 2. Mais où est
l’
homme sain d’esprit qui peut admettre que j’aie vraiment agi comme Olt
908
ie vraiment agi comme Oltramare ? Nous avons tous
les
deux écrit pour la radio, hors de Suisse, sur la politique. Soit. Mai
909
e Oltramare ? Nous avons tous les deux écrit pour
la
radio, hors de Suisse, sur la politique. Soit. Mais un avocat qui veu
910
les deux écrit pour la radio, hors de Suisse, sur
la
politique. Soit. Mais un avocat qui veut s’en tenir à la seule ressem
911
tique. Soit. Mais un avocat qui veut s’en tenir à
la
seule ressemblance des mots tombe dans le calembour juridique. Car il
912
tenir à la seule ressemblance des mots tombe dans
le
calembour juridique. Car il est vrai que les deux cas s’énoncent et s
913
dans le calembour juridique. Car il est vrai que
les
deux cas s’énoncent et se prononcent de même, mais par ce procédé l’o
914
ent et se prononcent de même, mais par ce procédé
l’
on pourrait accuser la ville de Lyon des méfaits d’un lion du désert,
915
e même, mais par ce procédé l’on pourrait accuser
la
ville de Lyon des méfaits d’un lion du désert, et Malherbe d’avoir co
916
consolé Duperrier — celui qui a perdu son procès.
La
seule question sérieuse qui se posait, notre avocat s’est bien gardé
917
e qui se posait, notre avocat s’est bien gardé de
la
formuler : c’est celle du contenu des émissions. Oltramare a parlé en
918
nazis, ennemis jurés de toute démocratie, donc de
la
Suisse. J’écrivais contre les nazis, pour les démocraties, donc pour
919
démocratie, donc de la Suisse. J’écrivais contre
les
nazis, pour les démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’é
920
c de la Suisse. J’écrivais contre les nazis, pour
les
démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’évidence que je f
921
contre les nazis, pour les démocraties, donc pour
la
Suisse. Il en résulte à l’évidence que je faisais en Amérique exactem
922
démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à
l’
évidence que je faisais en Amérique exactement le contraire d’Oltramar
923
l’évidence que je faisais en Amérique exactement
le
contraire d’Oltramare à Paris. Si Me Duperrier ne sent pas la différe
924
d’Oltramare à Paris. Si Me Duperrier ne sent pas
la
différence, essayons de l’éclairer par une fable. Fable J’ai ta
925
Duperrier ne sent pas la différence, essayons de
l’
éclairer par une fable. Fable J’ai tant et si bien parlé à la ra
926
e fable. Fable J’ai tant et si bien parlé à
la
radio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà c
927
tant et si bien parlé à la radio américaine, qu’à
la
fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ramèn
928
si bien parlé à la radio américaine, qu’à la fin
les
nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ramène sous b
929
adio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé
la
Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ramène sous bonne escorte. Le Gau
930
ce que c’est ! On m’y ramène sous bonne escorte.
Le
Gauleiter, un nommé Oltramare, me fait emprisonner, puis juger sommai
931
ond que ça ne prend pas, que j’ai fait exactement
le
contraire. On me fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur de
932
fait exactement le contraire. On me fusille et on
le
pend d’office. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà… Les
933
ire. On me fusille et on le pend d’office. Fin de
la
douleur de Duperrier. Mais voilà… Les Américains ont gagné la g
934
Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà…
Les
Américains ont gagné la guerre. La Suisse subsiste, intacte et libre.
935
rrier. Mais voilà… Les Américains ont gagné
la
guerre. La Suisse subsiste, intacte et libre. On n’a pas fusillé Oltr
936
ais voilà… Les Américains ont gagné la guerre.
La
Suisse subsiste, intacte et libre. On n’a pas fusillé Oltramare, on s
937
e. On n’a pas fusillé Oltramare, on s’est borné à
le
punir un peu. Son avocat garde le droit de me dénoncer pour avoir com
938
n s’est borné à le punir un peu. Son avocat garde
le
droit de me dénoncer pour avoir combattu l’hitlérisme, et Aragon le d
939
garde le droit de me dénoncer pour avoir combattu
l’
hitlérisme, et Aragon le droit de me calomnier sous un prétexte exacte
940
oncer pour avoir combattu l’hitlérisme, et Aragon
le
droit de me calomnier sous un prétexte exactement inverse. Je garde l
941
ier sous un prétexte exactement inverse. Je garde
le
droit de répondre, et même de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le
942
, et même de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez
le
droit de juger toute cette affaire, mon livre en main, selon votre co
943
re en main, selon votre conscience de citoyens de
la
plus vieille démocratie du monde. Jugez donc ! et dites avec moi que
944
du monde. Jugez donc ! et dites avec moi que nous
l’
avons échappé belle ! Et que le désordre tolérable et tolérant où nous
945
avec moi que nous l’avons échappé belle ! Et que
le
désordre tolérable et tolérant où nous voici tout de même encore viva
946
els esclaves honteux de vivre. À Ferney-Voltaire,
le
20 novembre 1947. m. Rougemont Denis de, « Consolation à Me Duper
947
à Me Duperrier sur un procès perdu », Bulletin de
la
Guilde du livre, Lausanne, décembre 1947, p. 326‑328.
948
ux rives glauques ! sans rien d’alpestre, et dont
les
eaux, comme celles d’un marécage, longtemps se mêlent à la terre, et
949
comme celles d’un marécage, longtemps se mêlent à
la
terre, et filtrent entre les roseaux. L’Immoraliste. Près de ces ea
950
longtemps se mêlent à la terre, et filtrent entre
les
roseaux. L’Immoraliste. Près de ces eaux, ma vie sentimentale est n
951
êlent à la terre, et filtrent entre les roseaux.
L’
Immoraliste. Près de ces eaux, ma vie sentimentale est née. Et depuis
952
depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur de
l’
eau pour toute la vie », écrivait un Paysan du Danube , et vingt ans
953
est restée lacustre. « Odeur de l’eau pour toute
la
vie », écrivait un Paysan du Danube , et vingt ans ne l’ont pas déme
954
, écrivait un Paysan du Danube , et vingt ans ne
l’
ont pas démenti. Je dénombre mes lacs et ne puis retrouver que du bonh
955
Non qu’ils me parlent tous de jours heureux, mais
la
mémoire des plus amers ou des plus seuls a gardé le charme des eaux.
956
mémoire des plus amers ou des plus seuls a gardé
le
charme des eaux. Faut-il penser que la souffrance au bord d’un lac n’
957
ls a gardé le charme des eaux. Faut-il penser que
la
souffrance au bord d’un lac n’est jamais sans quelque douceur ? Cherc
958
erchant d’où vient cet agrément, et pourquoi dans
le
monde lacustre on ressent la vie mieux qu’ailleurs, plus savoureuse e
959
nt, et pourquoi dans le monde lacustre on ressent
la
vie mieux qu’ailleurs, plus savoureuse et plus présente, je me dis :
960
un vrai lac est un univers clos, si grands soient
les
miroirs qu’il offre aux ciels changeants, et si profonds ses lointain
961
ngeants, et si profonds ses lointains de lumière.
La
pente derrière moi, l’horizon des collines, sont le cadre qui donne a
962
ses lointains de lumière. La pente derrière moi,
l’
horizon des collines, sont le cadre qui donne au tableau sa significat
963
pente derrière moi, l’horizon des collines, sont
le
cadre qui donne au tableau sa signification privilégiée. Ici le cœur
964
onne au tableau sa signification privilégiée. Ici
le
cœur et l’âme ont leur théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue
965
leau sa signification privilégiée. Ici le cœur et
l’
âme ont leur théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue à l’infini.
966
r théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue à
l’
infini. Ici la joie trouve un espace où se déployer sans se perdre, la
967
où tout est sens, écho, dialogue à l’infini. Ici
la
joie trouve un espace où se déployer sans se perdre, la méditation de
968
e trouve un espace où se déployer sans se perdre,
la
méditation des ciels bas, la passion des orages complets, et la peine
969
oyer sans se perdre, la méditation des ciels bas,
la
passion des orages complets, et la peine une baie secrète, où les cri
970
des ciels bas, la passion des orages complets, et
la
peine une baie secrète, où les cris des oiseaux dans la brume s’occup
971
orages complets, et la peine une baie secrète, où
les
cris des oiseaux dans la brume s’occupent d’une vie bien différente…
972
ne une baie secrète, où les cris des oiseaux dans
la
brume s’occupent d’une vie bien différente… Enfin la variété des obje
973
brume s’occupent d’une vie bien différente… Enfin
la
variété des objets, des lumières, des premiers plans et des éloigneme
974
raster, de voiler puis de découvrir, de plonger à
l’
abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer,
975
des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où
l’
on a reconnu l’amour, comme il aime à s’y retrouver. Je nage à Baveno
976
mparer, de contempler sans fin, où l’on a reconnu
l’
amour, comme il aime à s’y retrouver. Je nage à Baveno dans l’eau tièd
977
me il aime à s’y retrouver. Je nage à Baveno dans
l’
eau tiède et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l
978
Je nage à Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est
la
fin de l’après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rê
979
Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est la fin de
l’
après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nom
980
de et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant
la
proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés d
981
c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de
l’
Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés de dieux, pas
982
ssus de jardins en terrasses pleins de lucioles à
la
nuit, quand les violoneux du village viennent donner la sérénade. Et
983
en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand
les
violoneux du village viennent donner la sérénade. Et nous montons à c
984
t, quand les violoneux du village viennent donner
la
sérénade. Et nous montons à ce balcon sur l’eau, accroché aux très ha
985
nner la sérénade. Et nous montons à ce balcon sur
l’
eau, accroché aux très hautes murailles qui sans raison, grandiloquent
986
railles qui sans raison, grandiloquentes, bordent
la
rive. (Elles furent élevées, dit-on, par un ministre fou.) Cyprès au
987
hautes pentes, échevelées de châtaigniers. Contre
les
flancs du noir Monte Baldo coiffé de neige, sur l’autre rive, un orag
988
re rive, un orage s’illumine par moments, et dans
l’
échappée vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit ph
989
e s’illumine par moments, et dans l’échappée vers
la
plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie d
990
ar moments, et dans l’échappée vers la plaine, où
l’
eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Su
991
échappée vers la plaine, où l’eau rejoint presque
le
ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de
992
vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel,
le
petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse
993
l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de
la
baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous a
994
ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur
les
lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous allions ramer vers minuit,
995
e de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de
la
Prusse-Orientale, nous allions ramer vers minuit, heure où le crépusc
996
ientale, nous allions ramer vers minuit, heure où
le
crépuscule enfin se meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et de l
997
inuit, heure où le crépuscule enfin se meurt dans
l’
aube, à l’horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au
998
re où le crépuscule enfin se meurt dans l’aube, à
l’
horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la
999
e meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et de
la
mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient de
1000
et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de
la
vallée, où tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac de plaine
1001
l à Vevey, à Montreux, patries du roman russe. Et
le
bleu de l’air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintil
1002
à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de
l’
air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintillement des
1003
ries du roman russe. Et le bleu de l’air matinal,
l’
argent transparent des montagnes, le scintillement des eaux sous la br
1004
’air matinal, l’argent transparent des montagnes,
le
scintillement des eaux sous la brume légère, tout était si pur et si
1005
ent des montagnes, le scintillement des eaux sous
la
brume légère, tout était si pur et si frais qu’il semblait que le mon
1006
tout était si pur et si frais qu’il semblait que
le
monde venait de s’éveiller, luisant et neuf, de la première nuit… Et
1007
re nuit… Et ces deux grands étés américains, dans
les
demeures trop vastes du Lake George, nommé jadis lac du Saint Sacreme
1008
George, nommé jadis lac du Saint Sacrement « pour
la
pureté lustrale de ses eaux »… Il me rappelait un peu de tous mes aut
1009
con et du dernier des Mohicans de mon enfance. Je
le
trouvais bien beau. Pourquoi l’ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamai
1010
e mon enfance. Je le trouvais bien beau. Pourquoi
l’
ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamais au lac d’Amatitlan, au pied du
1011
au pied du fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je
l’
emporte avec les autres sans remords, s’il est vrai que d’aucuns je n’
1012
uleux volcan de Sant’Anna, mais je l’emporte avec
les
autres sans remords, s’il est vrai que d’aucuns je n’ai su tant d’his
1013
certains de mes secrets. Je dénombre mes lacs, et
la
mémoire encore investit du charme des eaux l’adolescence même, aux ch
1014
et la mémoire encore investit du charme des eaux
l’
adolescence même, aux chagrins taciturnes. Souffrir auprès d’un lac n’
1015
s d’un lac n’est jamais sans douceur. Je suis sur
la
jetée, près du hangar des trams, et l’eau n’est pas plus noire que mo
1016
e suis sur la jetée, près du hangar des trams, et
l’
eau n’est pas plus noire que mon cœur humilié. Dans ce « local » empua
1017
de pipes et de bière renversée, je viens de subir
l’
épreuve d’initiation d’une société de collégiens. J’ai refusé de racon
1018
raconter devant tous, debout sur un tonneau comme
le
veut la coutume, l’histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué.
1019
devant tous, debout sur un tonneau comme le veut
la
coutume, l’histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué. J’ai 16
1020
, debout sur un tonneau comme le veut la coutume,
l’
histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué. J’ai 16 ans. C’est h
1021
rrible. Mon seul amour doit rester mon secret. Je
la
guette à midi, quand elle descend dans le cortège des jeunes filles s
1022
ret. Je la guette à midi, quand elle descend dans
le
cortège des jeunes filles sortant de l’école des Terreaux. Nous, les
1023
cend dans le cortège des jeunes filles sortant de
l’
école des Terreaux. Nous, les garçons, tenons notre « colloque » sur l
1024
nes filles sortant de l’école des Terreaux. Nous,
les
garçons, tenons notre « colloque » sur la place de l’Hôtel-de-Ville.
1025
Nous, les garçons, tenons notre « colloque » sur
la
place de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’
1026
arçons, tenons notre « colloque » sur la place de
l’
Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’un air de ne
1027
nous d’un air grave, d’un air de ne pas regarder
les
filles qui passent, mais je la vois venir de loin. Elle porte un gran
1028
e ne pas regarder les filles qui passent, mais je
la
vois venir de loin. Elle porte un grand chapeau flottant d’un rose so
1029
un grand chapeau flottant d’un rose sombre. Tout
la
distingue infiniment du troupeau bavardant de ses compagnes. Si je re
1030
-je, et si elle devinait mon sentiment ? Pourtant
la
semaine prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur de l’eau qui dort, p
1031
it mon sentiment ? Pourtant la semaine prochaine,
l’
épreuve recommencera. Odeur de l’eau qui dort, pénétrante, amicale. Un
1032
maine prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur de
l’
eau qui dort, pénétrante, amicale. Un poisson saute et ride un moment
1033
ante, amicale. Un poisson saute et ride un moment
le
miroir… Non, je ne vais pas me suicider. Je mentirai ! Je suis assis
1034
entirai ! Je suis assis sur un banc près du port,
la
promenade est déserte et mon cœur assoiffé. Personne ne passe jamais,
1035
on cœur assoiffé. Personne ne passe jamais, voilà
la
vie ! Mais si ce soir une femme venait à moi comme le miracle que j’a
1036
ie ! Mais si ce soir une femme venait à moi comme
le
miracle que j’attends, je lui dirais : c’est un malentendu. Je suis d
1037
passez, Madame… J’ai 19 ans. Je n’aime encore que
la
nature, et ma solitude avec elle. Et vraiment, à cet âge, elle me l’a
1038
litude avec elle. Et vraiment, à cet âge, elle me
l’
a bien rendu. (Quand on revient la voir à deux, plus tard, aux mêmes l
1039
et âge, elle me l’a bien rendu. (Quand on revient
la
voir à deux, plus tard, aux mêmes lieux, elle se réserve… Elle ne ser
1040
soir, elle est encore d’une présence envoûtante.
Le
soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur d
1041
ésence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière
le
Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée, de vague e
1042
soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne.
La
grande rougeur du lac s’est retirée, de vague en vague vers l’autre r
1043
vague vers l’autre rive. Elle caresse en passant
l’
épaule des collines, elle monte, elle embrase longtemps d’une sereine
1044
lle embrase longtemps d’une sereine incandescence
les
Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’où l’on voit l’Italie… Et
1045
les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’où
l’
on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temp
1046
déployées au fond du ciel. Sommets d’où l’on voit
l’
Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temps diaphane
1047
fond du ciel. Sommets d’où l’on voit l’Italie… Et
le
rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temps diaphane à l’horizon.
1048
eint, guirlande morte, un peu de temps diaphane à
l’
horizon. Paysage emphatique et sombre, tout cerné de prodiges sévères,
1049
que et sombre, tout cerné de prodiges sévères, et
l’
œil ne s’en évade au bas du ciel — vers l’ouest — que par cet or loint
1050
res, et l’œil ne s’en évade au bas du ciel — vers
l’
ouest — que par cet or lointain que l’eau n’a point doublé, déjà prise
1051
ciel — vers l’ouest — que par cet or lointain que
l’
eau n’a point doublé, déjà prise de nuit, rêvant jusqu’à mes pieds. Pa
1052
handail au col roulé, pédale à longues pesées sur
le
chemin de la plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est im
1053
l roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de
la
plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est imminent. Notre
1054
n de la plaine, luttant contre un vent impétueux.
L’
orage est imminent. Notre héros, qui paraît âgé d’une vingtaine d’anné
1055
raît âgé d’une vingtaine d’années, se dirige vers
le
lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et dont les longues vagues li
1056
nnées, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre
les
peupliers, et dont les longues vagues limoneuses accablent sans relâc
1057
e lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et dont
les
longues vagues limoneuses accablent sans relâche les roseaux de la ba
1058
longues vagues limoneuses accablent sans relâche
les
roseaux de la baie. Des nuées menaçantes courent très bas, tirant des
1059
limoneuses accablent sans relâche les roseaux de
la
baie. Des nuées menaçantes courent très bas, tirant des pluies au lar
1060
courent très bas, tirant des pluies au large, et
le
cœur du jeune homme bondit dans sa poitrine, exalté par l’effort et l
1061
u jeune homme bondit dans sa poitrine, exalté par
l’
effort et la vitesse. Mais soudain la tempête a fait silence autour de
1062
e bondit dans sa poitrine, exalté par l’effort et
la
vitesse. Mais soudain la tempête a fait silence autour de lui, et seu
1063
, exalté par l’effort et la vitesse. Mais soudain
la
tempête a fait silence autour de lui, et seul reste distinct le bruit
1064
ait silence autour de lui, et seul reste distinct
le
bruit profond des vagues. Il roule maintenant dans l’ombre tiède et a
1065
ruit profond des vagues. Il roule maintenant dans
l’
ombre tiède et abritée d’un bois de pins. Que vient-il donc chercher s
1066
ent-il donc chercher sur ces rivages désertés par
le
crépuscule ? Quelle est cette hâte inconnue, qu’il se flattait de n’é
1067
t-ce qu’il m’arrive ? se dit-il. Il faut en avoir
le
cœur net. (Tout son orgueil réside en la maîtrise de soi, idéal de sp
1068
en avoir le cœur net. (Tout son orgueil réside en
la
maîtrise de soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit,
1069
s que de puritain.) Il ralentit, pose un pied sur
le
sol, et s’appuie de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est
1070
ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de
la
main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’atten
1071
c d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme
l’
attente du pays sous le ciel orageux. Oui, c’est bien cela qu’il sent,
1072
arrive est solennel, comme l’attente du pays sous
le
ciel orageux. Oui, c’est bien cela qu’il sent, il ne peut s’y tromper
1073
st bien cela qu’il sent, il ne peut s’y tromper :
la
brûlure douce au cœur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample d
1074
l ne peut s’y tromper : la brûlure douce au cœur,
le
sang plus vite, le soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce
1075
er : la brûlure douce au cœur, le sang plus vite,
le
soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce que disent les poèt
1076
, le sang plus vite, le soulèvement plus ample de
la
respiration. Tout ce que disent les poètes qu’il dédaigne, tous leurs
1077
plus ample de la respiration. Tout ce que disent
les
poètes qu’il dédaigne, tous leurs clichés, c’était donc vrai ? Il ne
1078
hés, c’était donc vrai ? Il ne sait quelle ardeur
le
pénètre… Mais il sent qu’il va dire les grands mots impossibles, dans
1079
lle ardeur le pénètre… Mais il sent qu’il va dire
les
grands mots impossibles, dans un fol abandon, et ce sera vrai. Comme
1080
sera vrai. Comme tout est facile et violent quand
les
portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre, le ciel
1081
le et violent quand les portes du cœur ont cédé !
Le
lac était d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur
1082
ur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre,
le
ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et le jeune
1083
ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient dans
la
nue, et le jeune homme savait en repartant sur le sentier obscur, ver
1084
es éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et
le
jeune homme savait en repartant sur le sentier obscur, vers les rosea
1085
la nue, et le jeune homme savait en repartant sur
le
sentier obscur, vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’av
1086
e savait en repartant sur le sentier obscur, vers
les
roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’avait rejoint, c’était cett
1087
sur le sentier obscur, vers les roseaux, qu’avant
le
rendez-vous ce qui l’avait rejoint, c’était cette chose absurde et ma
1088
vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui
l’
avait rejoint, c’était cette chose absurde et magnifique, entre haut m
1089
ut mal et bien suprême, qu’on nomme si légèrement
l’
amour. n. Rougemont Denis de, « Lacs », Bulletin de la Guilde du li
1090
. n. Rougemont Denis de, « Lacs », Bulletin de
la
Guilde du livre, Lausanne, août 1948, p. 192-194. o. Le titre appell
1091
de du livre, Lausanne, août 1948, p. 192-194. o.
Le
titre appelle cette note de la rédaction : « Tiré de Suite neuchâtel
1092
8, p. 192-194. o. Le titre appelle cette note de
la
rédaction : « Tiré de Suite neuchâteloise , admirablement édité par