1
s, « la vie ordinaire des hommes ». Cas plus rare
qu’
on ne le pense pour un intellectuel. À Paris, on fréquente et on ignor
2
, ou qui savent du moins — ou croient savoir — ce
que
c’est que d’écrire des livres. Ce simple fait suffit à distinguer un
3
avent du moins — ou croient savoir — ce que c’est
que
d’écrire des livres. Ce simple fait suffit à distinguer un tel milieu
4
ce fut le Midi : là encore une maison abandonnée
qu’
on nous prêtait. Il y en a comme cela des centaines, des milliers, dan
5
e un livre. Et pourtant ce n’était pas du tout ce
qu’
on nomme un « journal intime ». Je n’y parlais pas de mes sentiments,
6
entiments, mais de mon entourage et des questions
qu’
il me posait. Je m’exerçais à cette discipline de la description objec
7
aux romantiques, aux partisans, aux « enfermés »
que
nous sommes tous plus ou moins. Peu à peu, les feuillets s’entassaien
8
ses. D’abord montrer l’origine concrète des idées
que
j’exposais ailleurs sous une forme plus générale. Il ne s’agit ici qu
9
rs sous une forme plus générale. Il ne s’agit ici
que
de la vie « commune », au double sens de ce mot ; il s’agit du réel q
10
e », au double sens de ce mot ; il s’agit du réel
que
tout le monde vit. Je crois que c’est là seulement que les idées devi
11
il s’agit du réel que tout le monde vit. Je crois
que
c’est là seulement que les idées deviennent graves. Il m’a paru aussi
12
out le monde vit. Je crois que c’est là seulement
que
les idées deviennent graves. Il m’a paru aussi que les façons de vivr
13
ue les idées deviennent graves. Il m’a paru aussi
que
les façons de vivre et de penser des hommes réels, peuplant la France
14
es êtres mystérieux. Mais leur mystère n’apparaît
que
de tout près. Il est au cœur même de leur vie et ils l’ignorent le pl
15
he la vie, le grain de l’existence. Et c’est cela
que
je voudrais faire toucher. J’ai tenté d’échapper aux villes inhumaine
16
d’échapper aux villes inhumaines. Et j’ai trouvé
que
la province ne vaut guère mieux, dans son état présent. Partout les j
17
disent : « C’est mort ici ! » Phrase si courante
qu’
on a cessé de sentir le drame immense qu’elle trahit. Province morte,
18
courante qu’on a cessé de sentir le drame immense
qu’
elle trahit. Province morte, et villes mortelles ! C’est qu’on ne sait
19
ahit. Province morte, et villes mortelles ! C’est
qu’
on ne sait plus y trouver son prochain, mais seulement des « voisins i
20
Keyserling). En relisant mes notes, je m’aperçois
que
c’est la nostalgie d’une vraie communauté qui constitue leur trame pr
21
sorte de confiance en l’homme. Il y a la liberté
qu’
assure la pauvreté. Ce goût qu’elle donne à l’attente du lendemain et
22
Il y a la liberté qu’assure la pauvreté. Ce goût
qu’
elle donne à l’attente du lendemain et des signes providentiels. Et to
23
effusions lyriques, des analyses du moi, j’ai cru
qu’
il serait plus discret de donner, par exemple, mes comptes, ou quelque
24
livre est véridique. Je ne serais donc pas fâché
qu’
au lieu de le juger bien ou mal, on le considère tout simplement comme
25
pour une préface. — « C’est une entreprise hardie
que
d’aller dire aux hommes qu’ils sont peu de chose », s’écrie Bossuet (
26
une entreprise hardie que d’aller dire aux hommes
qu’
ils sont peu de chose », s’écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars
27
écrie Bossuet (Sermon sur la mort, 22 mars 1662).
Que
dirions-nous alors du sort fait à celui qui doit se montrer aux homme
28
t fait à celui qui doit se montrer aux hommes tel
qu’
il est ? S’entendre dire que l’homme en général est peu de chose n’est
29
ontrer aux hommes tel qu’il est ? S’entendre dire
que
l’homme en général est peu de chose n’est pas trop humiliant pour qui
30
une image de soi composée dans la solitude : tant
qu’
on ne s’est pas avoué devant les autres, on peut toujours s’estimer si
31
asse. Et ce n’est pas encore franchement s’avouer
que
de se comparer aux seuls humains que le métier ou notre rang social n
32
ent s’avouer que de se comparer aux seuls humains
que
le métier ou notre rang social nous met en mesure d’approcher. L’épre
33
mesure d’approcher. L’épreuve décisive est celle
que
l’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notr
34
ve est celle que l’on subit au contact de voisins
que
rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce
35
’on subit au contact de voisins que rien en nous,
que
rien dans notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix
36
s notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est
qu’
au prix d’un désordre social — selon les préjugés du régime établi — q
37
re social — selon les préjugés du régime établi —
que
ces rencontres deviennent possibles, se multiplient : se « déclasser
38
ejoindre l’humanité. ⁂ Chômage. — On dit souvent
qu’
il faut à l’homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour p
39
r des problèmes nouveaux, créer… D’où résulterait
qu’
un certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même u
40
au moment où il écrivit ses plus grandes œuvres,
qu’
il ne lui restait plus même une chemise entière : les morceaux du bras
41
puissent concevoir d’autres buts à leur existence
que
la recherche d’un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, i
42
is à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler
que
la recherche du confort est ce qui s’oppose le plus radicalement à to
43
eurs, comparable à la fièvre. Plus lucide souvent
que
les jours. Ici, tout repose complètement. Un silence implacable et ma
44
ses et molles au-dessus du jardin. Mais il arrive
que
le noir soit compact. Je me dirige à peu près le long de l’allée uniq
45
e la grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’à ce
que
je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village
46
és violemment au bas de l’énorme nuit. On ne voit
que
ces figures géométriques, dominées par le clocher à toit plat, et des
47
tranger et voyageur sur la terre… » — Jamais plus
que
dans cette nuit. ⁂ Fin de séjour à A… (Gard). — Tout est en place. J
48
demi-heure d’efforts haletants, qui n’ont abouti
qu’
à coincer le sommier au tournant, entre la balustrade et les parois de
49
dans l’escalier comme témoin des bouleversements
que
nous avons infligés à la maison. Pas question d’aller quérir du renfo
50
evante des « gens » en général — quand je ne fais
que
les jauger d’un regard — et sympathie violente, « élan vers », dès qu
51
ent de fauves de certains parfums de femmes, rien
que
pour regarder des êtres, et vivre un moment auprès d’eux, le temps de
52
ntané, une de ces découvertes frémissantes telles
que
j’en ai sans doute vécues, adolescent — et sûrement ce serait bien au
53
end sans se retourner ; l’homme déplie un journal
que
je n’aime pas, qu’il a peut-être acheté tout par hasard, comme il m’a
54
er ; l’homme déplie un journal que je n’aime pas,
qu’
il a peut-être acheté tout par hasard, comme il m’arrive à moi aussi,
55
e donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant
que
j’écris, que c’est profondément le même mouvement, l’amour. La même d
56
e recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris,
que
c’est profondément le même mouvement, l’amour. La même déception de l
57
ur tant de mauvaises raisons qui sont plus fortes
que
nous tous. — Et alors, dira-t-on : « Faire la révolution ! » — Ce sub
58
— S’occuper des « petits-faits-vrais » vaut mieux
que
de les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer ave
59
eur réalité sordide. Un petit fait vrai vaut plus
que
dix grandes idées discutables. Mais n’oublions pas qu’il vaut moins q
60
ix grandes idées discutables. Mais n’oublions pas
qu’
il vaut moins qu’un grand fait vrai, comme serait, par exemple, une gr
61
discutables. Mais n’oublions pas qu’il vaut moins
qu’
un grand fait vrai, comme serait, par exemple, une grande idée embrass
62
congrus et mécaniques des autres ; écoute bien ce
qu’
ils disent à travers les paroles qu’ils croient dire ; essaie de les c
63
coute bien ce qu’ils disent à travers les paroles
qu’
ils croient dire ; essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou
64
erras, tu n’entendras et tu ne comprendras jamais
qu’
un appel à devenir toi-même ce fait qui est plus fort que toi. Car il
65
ppel à devenir toi-même ce fait qui est plus fort
que
toi. Car il est tout ce que le monde attend, attend de toute éternité
66
ait qui est plus fort que toi. Car il est tout ce
que
le monde attend, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi
67
onnait à qui voulait. Après sa mort, on s’aperçut
qu’
il ne restait que 250 fr. dans le coffre. 2. Voir la page 140 de l’éd
68
ait. Après sa mort, on s’aperçut qu’il ne restait
que
250 fr. dans le coffre. 2. Voir la page 140 de l’édition de la Guild
69
orée et sereine. C’est par la faute de mon auteur
que
j’ai paru dans toutes les feuilles, et je me vengerais bien si ce n’é
70
les, et je me vengerais bien si ce n’était de lui
que
dépend, après tout, mon existence. Ont-ils pu se moquer de mon aventu
71
vril, elle se met à pondre, et avec tant d’ardeur
que
, dès le 16, elle a treize gros œufs, que sans désemparer elle se met
72
d’ardeur que, dès le 16, elle a treize gros œufs,
que
sans désemparer elle se met à couver. On regrette que M. de Rougemont
73
sans désemparer elle se met à couver. On regrette
que
M. de Rougemont ne nous ait pas présenté le coq, même par la plus dis
74
Cette poule qui met trente-huit jours à une tâche
que
ses congénères accomplissent généralement en trois semaines est en ef
75
le impertinence à mon égard : le critique prétend
que
ce livre peut introduire le lecteur « dans un monde où l’on pardonner
76
toupet ! Et le plus révoltant de l’affaire, c’est
que
mon auteur a ri très fort de cet article et s’est lâchement refusé à
77
facile de répliquer à mon calomniateur bordelais
que
c’est lui qui ne connaît rien aux mœurs des poules ! Que nous n’avons
78
st lui qui ne connaît rien aux mœurs des poules !
Que
nous n’avons pas besoin d’un coq pour pondre un œuf quand cela nous c
79
coq pour pondre un œuf quand cela nous chante3 ;
que
nous ne couvons jamais nos propres œufs dans ce bon pays des Charente
80
arentes, mais bien des œufs « garantis fécondés »
que
nos maîtres achètent à cet effet : que je n’avais donc pas eu à fabri
81
fécondés » que nos maîtres achètent à cet effet :
que
je n’avais donc pas eu à fabriquer moi-même les treize œufs et que ce
82
nc pas eu à fabriquer moi-même les treize œufs et
que
cette histoire honteuse et scandaleuse des prétendus trente-huit jour
83
dus trente-huit jours de couvée prouve simplement
que
mon auteur a négligé de vérifier ses dates ! Enfin, mon innocence écl
84
! Enfin, mon innocence éclate à tous les yeux. Ce
qu’
on me reproche n’est imputable en vérité qu’à l’ignorance presque touc
85
x. Ce qu’on me reproche n’est imputable en vérité
qu’
à l’ignorance presque touchante de ce critique aussi présomptueux que
86
esque touchante de ce critique aussi présomptueux
que
bordelais. Que dire des autres ! Figurez-vous que j’ai eu la curiosit
87
de ce critique aussi présomptueux que bordelais.
Que
dire des autres ! Figurez-vous que j’ai eu la curiosité d’aller picor
88
que bordelais. Que dire des autres ! Figurez-vous
que
j’ai eu la curiosité d’aller picorer parmi les dossiers de mon auteur
89
ns d’éloges pour ce maudit Journal . Il est vrai
qu’
ils étaient signés de noms que je crois fort obscurs, comme Mauriac, R
90
urnal . Il est vrai qu’ils étaient signés de noms
que
je crois fort obscurs, comme Mauriac, Ramuz, Halévy, Duhamel. Tout ce
91
ue, pour ma vengeance, dans Curieux. Nul n’ignore
que
l’hebdomadaire neuchâtelois a obtenu le concours régulier du plus fam
92
ux critique de Romorantin (Loir-et-Cher). Non pas
que
la Suisse romande manque de critiques très qualifiés, mais quand on a
93
stantiel, et qui a tenté de fort bons auteurs. Ce
qu’
on peut critiquer chez vous, ce n’est pas le sujet, c’est votre manièr
94
par trop naïve et enfantine de le traiter. Est-ce
que
, par hasard, il n’y aurait pas de poules dans votre pays ? Ou bien es
95
it pas de poules dans votre pays ? Ou bien est-ce
que
vous ne les aviez jamais regardées qu’il vous faille aller en Vendée
96
ien est-ce que vous ne les aviez jamais regardées
qu’
il vous faille aller en Vendée pour voir éclore des poussins ? Voilà
97
ussins ? Voilà ! « Par trop naïf », c’est le mot
qu’
il fallait dire. Et l’on reconnaît enfin que moi, poule noire, j’étais
98
e mot qu’il fallait dire. Et l’on reconnaît enfin
que
moi, poule noire, j’étais « un sujet substantiel, et qui a tenté de f
99
tenté de fort bons auteurs ». Mon malheur a voulu
que
j’aie tenté aussi un auteur qui « malmène les mots » à tel point que
100
si un auteur qui « malmène les mots » à tel point
que
Mme Meylan peut écrire de son livre : « Il est difficile d’accumuler
101
s prétexte de décrire une poule noire, savez-vous
qu’
il s’en prenait en vérité à la petite épargne, aux petits rentiers ! C
102
la petite épargne, aux petits rentiers ! C’est ce
que
personne n’avait su deviner, avant Mme Malécot. « Mais vous ne les au
103
n la personne de M. François Porché. Mais j’avoue
que
cet article de Parisien est moins heureux que celui de la Romorantine
104
oue que cet article de Parisien est moins heureux
que
celui de la Romorantine. M. Porché estime que dans le Journal « tou
105
eux que celui de la Romorantine. M. Porché estime
que
dans le Journal « tout est faux-semblant, illusion… » et « demeure
106
ilège veut dire : qui lèse le sacré. On en déduit
que
M. Porché tient la pauvreté pour sacrée. Là, j’avoue que je ne puis l
107
Porché tient la pauvreté pour sacrée. Là, j’avoue
que
je ne puis le suivre. Ce serait donner dans les pires utopies. Et mon
108
l’écrit curieusement M. Brasillach). Ils disaient
qu’
un intellectuel ne peut chômer totalement, puisqu’il pense, et donc tr
109
uteur ! Je puis affirmer, d’après mon expérience,
qu’
il est plus paresseux qu’on ne le croit. Ne passait-il pas des heures
110
d’après mon expérience, qu’il est plus paresseux
qu’
on ne le croit. Ne passait-il pas des heures entières à nous regarder
111
amoureusement, moi et mes poussins ? Je sais bien
que
je suis un « sujet substantiel », mais tout de même… Je croyais qu’un
112
ujet substantiel », mais tout de même… Je croyais
qu’
un intellectuel, c’était au moins un monsieur sérieux. Pour copie cert
113
i jouissent de cette faculté. Il y a plus de mots
que
d’idées fécondes dans ce monde. 4. Il est vrai qu’on la dit Lausanno
114
e d’idées fécondes dans ce monde. 4. Il est vrai
qu’
on la dit Lausannoise, mais enfin le journal Curieux a présenté sa let
115
’un intellectuel en chômage nous remet ces pages
qu’
il prétend avoir été écrites (ou, comme on dit, pondues) par la vieill
116
ssière supercherie. » Dans l’édition Albin Michel
que
nous avons mis en ligne, c’est en pages 98-99 qu’est mise en scène la
117
que nous avons mis en ligne, c’est en pages 98-99
qu’
est mise en scène la poule noire.
118
pour sûr on y est ! L’impression générale, c’est
qu’
on nous a « mis dedans ». (Je dis on, je ne sais pas qui c’est. Comme
119
détail technique de ces grandes choses terribles
qu’
on imaginait, qu’on redoutait, qu’on croyait préparer, et qui nous tro
120
de ces grandes choses terribles qu’on imaginait,
qu’
on redoutait, qu’on croyait préparer, et qui nous trouvent sans peur e
121
hoses terribles qu’on imaginait, qu’on redoutait,
qu’
on croyait préparer, et qui nous trouvent sans peur et sans préparatio
122
uvent sans peur et sans préparation dès l’instant
qu’
elles deviennent présentes, cessent d’être imaginées, ou même imaginab
123
tières, des secteurs minuscules, comme au hasard,
qu’
on voit d’un coup avec une précision quasi absurde. Cette chambre pays
124
d’une mobilisation. Les dames croient volontiers
que
c’est parades et bottes, fanfares, rythmes virils, flatteuses géométr
125
ins deux guerres ou victimes d’expressions telles
que
« sous les drapeaux ». En vérité, l’armée c’est tout d’abord un cliqu
126
otés, perdus, récupérés à la volée, c’est tout ce
que
l’homme dans le rang peut constater, si toutefois la fatigue lui lais
127
ulaire, qui n’a pas sa photo dans les feuilles et
qu’
on peut seulement ressentir quand on a les pieds dans la boue, vers qu
128
ntent, presque aucun n’oserait l’avouer. On croit
que
la poésie n’existe qu’héroïque ou sentimentale, et l’on ne sait plus
129
oserait l’avouer. On croit que la poésie n’existe
qu’
héroïque ou sentimentale, et l’on ne sait plus la reconnaître au ras d
130
s et brutales. Pourtant, rien n’est plus poétique
qu’
un rassemblement dans la nuit, grouillant de casques, de reflets sourd
131
fine. Ce n’est pas seulement à cause de la saison
qu’
il convient de parler de la pluie. C’est à cause d’une profonde affini
132
profonde affinité entre la vie en uniforme et ce
que
l’on nomme par convention le mauvais temps. La pluie en ville et la p
133
t deux phénomènes bien distincts, aussi distincts
que
la vie civile et la vie militaire en général. La pluie civile n’est g
134
militaire en général. La pluie civile n’est guère
qu’
un embêtement dont on se préserve comme sans y penser. On ouvre un par
135
cherche à la caler sous son coude droit. Il sait
que
, d’une seconde à l’autre, peut venir l’ordre de bondir. Ça ne l’empêc
136
ie, envoûtement de l’esprit par le corps – pourvu
que
ça dure encore quelques secondes, ça ressemble tellement au bonheur !
137
e, cette chambre paysanne, mais j’y suis pour peu
que
j’y pense, et c’est souvent. Faites le compte de vos heures et vous d
138
aites le compte de vos heures et vous découvrirez
que
tout homme rêve une bonne part de sa vie. Mais il arrive aussi que ce
139
ve une bonne part de sa vie. Mais il arrive aussi
que
certains rêves, et certains cauchemars, soient vécus ; j’ai connu cel
140
ette Europe qui ne sait plus répondre aux menaces
que
par l’extinction des lumières, — de toutes les lumières humaines. J’a
141
rche d’un buffet quelconque, et je n’avais trouvé
qu’
un abri souterrain au bout du quai. Pendant ce temps, l’express avait
142
et j’ai écrit pendant deux jours ces conférences
que
j’allais faire, absurdement, dans un pays qui n’existait peut-être pl
143
e. ⁂ Une connaissance intime et personnelle de ce
que
l’on appellera l’âme hollandaise, je doute qu’elle en apprenne au voy
144
ce que l’on appellera l’âme hollandaise, je doute
qu’
elle en apprenne au voyageur davantage qu’une vision intense du paysag
145
e doute qu’elle en apprenne au voyageur davantage
qu’
une vision intense du paysage urbain de la Hollande. Tout ce que je sa
146
intense du paysage urbain de la Hollande. Tout ce
que
je sais de ce pays, après deux semaines de voyage et une centaine de
147
la : voilà le miracle hollandais. Je ne crois pas
que
la lumière fauve et le grenat des façades de briques renversées dans
148
s et de surprises. Le grand secret de ce pays, ce
qu’
il faut lire sur ces façades à la fois patinées et toujours neuves, c’
149
ment irréductibles et appauvris chacun de tout ce
que
l’autre annexe. Ce mariage de l’ancien et du moderne n’est pas seulem
150
fondant une unité si intérieure à chaque individu
qu’
elle permet la plus grande diversité dans les formes qui la manifesten
151
nifestent. Quand je songe à l’ennui, au désespoir
qu’
expriment les quartiers ouvriers les plus modernes des villes allemand
152
lus modernes des villes allemandes, je comprends,
que
dis-je : je vois l’opposition tragique dont cette guerre est sortie,
153
rons de toutes ces choses. Et de la Suisse, telle
qu’
on la voit de loin, dans sa vérité séculaire. La déprimante architectu
154
re ; c’est l’image même en pierre verdâtre, de ce
qu’
il nous faut combattre impitoyablement si nous voulons mériter notre p
155
— et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce
qu’
embrasse mon regard, tout est fait de main d’homme, sauf les mouettes.
156
tout est fait de main d’homme, sauf les mouettes.
Qu’
on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fatales réalités
157
r ce sont les réalités d’un monde tout artificiel
que
nous, les hommes, avons bâti selon nos caprices, nos passions et nos
158
rgeois, mais deux radios martèlent ce Tchaïkovski
qu’
on entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les
159
entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce
que
j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellerai, une
160
entre des barrières blanches. « Et vous verrez ce
qu’
elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de J. car c’était la ma
161
res, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment
que
ses chevaux… » L’auto s’arrête devant un haut portique. Deux colonnes
162
ante les poursuit armée d’une cravache. Elle crie
qu’
ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washin
163
e de George Washington. (C’est une pièce de musée
que
nous allons voir, remisée sous la colonnade des écuries.) Nous pénétr
164
uivie d’un homme. Comme ils s’approchent, on voit
qu’
elle tient la bride d’une main et de l’autre porte à sa bouche une pom
165
ne main et de l’autre porte à sa bouche une pomme
qu’
elle mord en galopant. Nouveaux éclairs. Tous les chiens du chenil se
166
intendant, une sorte de géant toujours en bottes,
qu’
elle emmenait partout avec elle. Je pense au regard d’acier du jeune h
167
ais pas recevoir ! dit-elle moqueuse. Voulez-vous
que
je vous joue du piano ? Pour faire croire que je n’ai pas peur… » —
168
ous que je vous joue du piano ? Pour faire croire
que
je n’ai pas peur… » — Eh bien ? m’ont demandé mes amis dans la voitu
169
s dans la voiture qui nous emporte sous la pluie,
qu’
en pensez-vous ? — J’ai pensé que, pour la première fois de ma vie, je
170
e sous la pluie, qu’en pensez-vous ? — J’ai pensé
que
, pour la première fois de ma vie, je me sens tenté d’écrire la suite
171
Mais rien n’empêche le Waldorf-Astoria d’annoncer
que
sa nuit de l’An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de
172
rc où il sera replanté dès janvier, n’ayant coûté
que
100 dollars de location à Mr. John D. Rockefeller, car tout se sait.
173
aille, sous le souffle d’un bœuf malodorant. Plus
que
dix jours pour acquérir dans cette aimable bousculade la bonne consci
174
dans cette aimable bousculade la bonne conscience
que
représente une table de famille chargée de cadeaux enveloppés de papi
175
sort et de se rendre l’an nouveau propice ? Plus
que
dix jours pour s’assurer une place dans le monde des familles, un dro
176
et de Prætorius, Une rose est née… Et je me dirai
que
l’Amérique n’a pas encore très bien compris les traditions, parce qu’
177
si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups.
Qu’
apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la rad
178
gères pour cuire la dinde. Politicien rusé autant
qu’
honnête, gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette o
179
is aériens. Déjà la télévision en couleurs prouve
qu’
elle ne le cède en rien à la photographie pour « le brillant et la pré
180
éricanisme de l’Europe, pour que nous comprenions
que
les hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart sont involontai
181
onté ? La plupart sont involontaires. Ils ne font
que
subir leur condition. À Times Square, dans la foule compacte et lente
182
au base-ball parmi des seaux d’ordures plus hauts
qu’
eux et des tourbillons fous de papiers sales, pour s’ouvrir enfin tout
183
que la nuit vient de descendre — depuis cinq ans
que
je circule dans cette ville, je n’ai jamais été touché, ils sont d’un
184
plus large sur la cour. Ce logis, qui n’est guère
qu’
un corridor légèrement cloisonné, s’annonce dans les journaux : « cinq
185
cadre strictement rectangulaire. Tous les objets
qu’
on voit sont des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les faç
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le ciel rouge. Une radio clame Amapola, plus fort
que
tout, dans la cour où les draps au vent font de grands gestes frénéti
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sidences pour les directeurs de bureaux. C’est ce
qu’
on en voit de l’étranger. k. Rougemont Denis de, « Slums », Bulleti
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d’un État un droit plus utile et plus nécessaire
que
celui de pouvoir accuser, soit devant le peuple, soit devant un magis
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tre journal, il lit à la cour l’admirable morceau
que
de Rougemont a dédié à Paris envahi par les Allemands et qui, paru da
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o. À la page 100 de ce recueil, M. Aragon déclare
que
je n’ai « jamais cessé au temps de Vichy d’être publié en France », e
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de Vichy d’être publié en France », et il insinue
que
si j’attaque aujourd’hui le nationalisme, c’est pour mieux « passer s
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accordant mal, qui devons-nous croire ? Remarquez
que
Me Duperrier, en me dénonçant devant un tribunal, a brandi ses preuve
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tte affaire… » Il joint l’extrait de la Gazette
qu’
on vient de lire et m’enjoint de « saisir l’occasion d’un papier ». Si
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s-nous. Où je réponds Voici le raisonnement
qu’
a tenu devant la cour le bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’est mi
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Vous n’y comprenez rien ? Ni moi non plus. C’est
que
ce raisonnement n’en est pas un, mais combine deux absurdités. 1. Si
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deux absurdités. 1. Si l’on admet avec cet avocat
que
j’ai vraiment agi comme son client, l’alternative est la suivante : o
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is où est l’homme sain d’esprit qui peut admettre
que
j’aie vraiment agi comme Oltramare ? Nous avons tous les deux écrit p
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ombe dans le calembour juridique. Car il est vrai
que
les deux cas s’énoncent et se prononcent de même, mais par ce procédé
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, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’évidence
que
je faisais en Amérique exactement le contraire d’Oltramare à Paris. S
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J’ai tant et si bien parlé à la radio américaine,
qu’
à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y r
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à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce
que
c’est ! On m’y ramène sous bonne escorte. Le Gauleiter, un nommé Oltr
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Duperrier se voit chargé d’office de ma défense.
Que
va-t-il dire ? Il n’hésite pas : il dit que j’ai fait comme Oltramare
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ense. Que va-t-il dire ? Il n’hésite pas : il dit
que
j’ai fait comme Oltramare, notre infaillible führer suisse. On lui ré
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e, notre infaillible führer suisse. On lui répond
que
ça ne prend pas, que j’ai fait exactement le contraire. On me fusille
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führer suisse. On lui répond que ça ne prend pas,
que
j’ai fait exactement le contraire. On me fusille et on le pend d’offi
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mocratie du monde. Jugez donc ! et dites avec moi
que
nous l’avons échappé belle ! Et que le désordre tolérable et tolérant
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ites avec moi que nous l’avons échappé belle ! Et
que
le désordre tolérable et tolérant où nous voici tout de même encore v
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tout de même encore vivants et libres, vaut mieux
que
leur « ordre » où nous serions des morts, ou je ne sais quels esclave
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émenti. Je dénombre mes lacs et ne puis retrouver
que
du bonheur à ces souvenirs. Non qu’ils me parlent tous de jours heure
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uis retrouver que du bonheur à ces souvenirs. Non
qu’
ils me parlent tous de jours heureux, mais la mémoire des plus amers o
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seuls a gardé le charme des eaux. Faut-il penser
que
la souffrance au bord d’un lac n’est jamais sans quelque douceur ? Ch
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oi dans le monde lacustre on ressent la vie mieux
qu’
ailleurs, plus savoureuse et plus présente, je me dis : c’est qu’un vr
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us savoureuse et plus présente, je me dis : c’est
qu’
un vrai lac est un univers clos, si grands soient les miroirs qu’il of
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est un univers clos, si grands soient les miroirs
qu’
il offre aux ciels changeants, et si profonds ses lointains de lumière
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lumières, des premiers plans et des éloignements
qu’
un peu de vent déplace, illumine ou éteint, voilà qui satisfait comme
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us la brume légère, tout était si pur et si frais
qu’
il semblait que le monde venait de s’éveiller, luisant et neuf, de la
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ère, tout était si pur et si frais qu’il semblait
que
le monde venait de s’éveiller, luisant et neuf, de la première nuit…
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porte avec les autres sans remords, s’il est vrai
que
d’aucuns je n’ai su tant d’histoires et qu’il détient certains de mes
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vrai que d’aucuns je n’ai su tant d’histoires et
qu’
il détient certains de mes secrets. Je dénombre mes lacs, et la mémoir
220
u hangar des trams, et l’eau n’est pas plus noire
que
mon cœur humilié. Dans ce « local » empuanti de tabac de pipes et de
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ant de ses compagnes. Si je rencontrais ses yeux,
que
deviendrais-je, et si elle devinait mon sentiment ? Pourtant la semai
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i ce soir une femme venait à moi comme le miracle
que
j’attends, je lui dirais : c’est un malentendu. Je suis dépareillé, p
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ns, passez, Madame… J’ai 19 ans. Je n’aime encore
que
la nature, et ma solitude avec elle. Et vraiment, à cet âge, elle me
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œil ne s’en évade au bas du ciel — vers l’ouest —
que
par cet or lointain que l’eau n’a point doublé, déjà prise de nuit, r
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du ciel — vers l’ouest — que par cet or lointain
que
l’eau n’a point doublé, déjà prise de nuit, rêvant jusqu’à mes pieds.
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é d’une vingtaine d’années, se dirige vers le lac
qu’
on aperçoit entre les peupliers, et dont les longues vagues limoneuses
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dans l’ombre tiède et abritée d’un bois de pins.
Que
vient-il donc chercher sur ces rivages désertés par le crépuscule ? Q
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r le crépuscule ? Quelle est cette hâte inconnue,
qu’
il se flattait de n’éprouver jamais, bien au contraire, avant un rende
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e de crier : « J’accours ! Attends !… » Ah ! mais
qu’
est-ce qu’il m’arrive ? se dit-il. Il faut en avoir le cœur net. (Tout
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: « J’accours ! Attends !… » Ah ! mais qu’est-ce
qu’
il m’arrive ? se dit-il. Il faut en avoir le cœur net. (Tout son orgue
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side en la maîtrise de soi, idéal de sportif plus
que
de puritain.) Il ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de la
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u pays sous le ciel orageux. Oui, c’est bien cela
qu’
il sent, il ne peut s’y tromper : la brûlure douce au cœur, le sang pl
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soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce
que
disent les poètes qu’il dédaigne, tous leurs clichés, c’était donc vr
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de la respiration. Tout ce que disent les poètes
qu’
il dédaigne, tous leurs clichés, c’était donc vrai ? Il ne sait quelle
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Il ne sait quelle ardeur le pénètre… Mais il sent
qu’
il va dire les grands mots impossibles, dans un fol abandon, et ce ser
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epartant sur le sentier obscur, vers les roseaux,
qu’
avant le rendez-vous ce qui l’avait rejoint, c’était cette chose absur
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de et magnifique, entre haut mal et bien suprême,
qu’
on nomme si légèrement l’amour. n. Rougemont Denis de, « Lacs », Bu