1 1937, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Introduction au Journal d’un intellectuel en chômage (août 1937)
1 in par un métier quelconque. » C’est le contraire qui m’est arrivé : j’ai perdu mon « métier quelconque », et c’est cela ju
2 on « métier quelconque », et c’est cela justement qui m’a permis de partager, pendant deux ans, « la vie ordinaire des homm
3 intellectuel. À Paris, on fréquente et on ignore qui l’on veut. On se fait très facilement sa vie et son milieu parmi des
4 ès facilement sa vie et son milieu parmi des gens qui écrivent ou qui lisent des livres, ou qui savent du moins — ou croien
5 vie et son milieu parmi des gens qui écrivent ou qui lisent des livres, ou qui savent du moins — ou croient savoir — ce qu
6 es gens qui écrivent ou qui lisent des livres, ou qui savent du moins — ou croient savoir — ce que c’est que d’écrire des l
7 uvais cependant rendu à mon travail le plus réel, qui est d’écrire. Cette situation paradoxale m’a fait découvrir tout un m
8 nfronté au réel, à la vie quotidienne d’un peuple qui se trouvait tout ignorer de ma « qualité » d’intellectuel. Elle m’a p
9 s à cette discipline de la description objective, qui est devenue tellement étrangère aux romantiques, aux partisans, aux «
10 ois que c’est la nostalgie d’une vraie communauté qui constitue leur trame profonde. Mais il y a aussi la nature, l’océan e
11 ntes des Cévennes. Il y a aussi de ces rencontres qui soudain vous rendraient — est-ce trop dire ? — une sorte de confiance
12 et des signes providentiels. Et toutes les joies qui n’ont pas de nom et dont personne ne songerait à parler, contemplatio
13 n travail, sentiment de la journée vide, du temps qui a pris le rythme des vies simples. Et la nuit retrouvée, la vraie nui
14 r, par exemple, mes comptes, ou quelques chiffres qui peuvent être utiles à ceux qui voudraient vivre cette vie-là. Mon liv
15 quelques chiffres qui peuvent être utiles à ceux qui voudraient vivre cette vie-là. Mon livre est véridique. Je ne serais
2 1937, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Pages inédites du Journal d’un intellectuel en chômage (octobre 1937)
16 662). Que dirions-nous alors du sort fait à celui qui doit se montrer aux hommes tel qu’il est ? S’entendre dire que l’homm
17 al est peu de chose n’est pas trop humiliant pour qui se flatte d’une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on n
18 le concret d’une vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux producteurs d’idées ; deux hommes qui
19 x de prodigieux producteurs d’idées ; deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes en l’espace de dix ans : Ki
20 t à demi aveugle… ⁂ Confort et culture. — À ceux qui n’ont rien, il faut donner du confort, afin qu’ils puissent concevoir
21 que la recherche d’un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler que la recherche du confort est c
22 faut rappeler que la recherche du confort est ce qui s’oppose le plus radicalement à toute culture véritable. ⁂ Île de R.
23 ent. Un silence implacable et mat enserre l’homme qui chemine sur la route incertaine, au milieu des menaces originelles. P
24 i proche dans les rues vides, et ces mêmes chiens qui reviennent, et pas une âme. — « Vallée de l’ombre de la mort… étrange
25 ! Épuisés par une demi-heure d’efforts haletants, qui n’ont abouti qu’à coincer le sommier au tournant, entre la balustrade
26 Je sors, je pense à autre chose, à quelque chose qui n’est pas d’ici. Et déjà je ne comprends plus pourquoi j’ai eu ce for
27 peut se produire, pour tant de mauvaises raisons qui sont plus fortes que nous tous. — Et alors, dira-t-on : « Faire la ré
28 -Soir », « on se défend… » La grosse petite bonne qui tire sa robe à fleurs sur le quai désert du métro, enfin un être vrai
29 ue vie d’homme à peu près digne de ce nom un fait qui commande tous les autres et qui est la mesure de tout. Quand tu l’aur
30 de ce nom un fait qui commande tous les autres et qui est la mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es le s
31 ras jamais qu’un appel à devenir toi-même ce fait qui est plus fort que toi. Car il est tout ce que le monde attend, attend
32 êt, condamné par l’église primitive. Il donnait à qui voulait. Après sa mort, on s’aperçut qu’il ne restait que 250 fr. dan
3 1938, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Caquets d’une vieille poule noire (août 1938)
33 scinant. C’est grave et mystérieux… » Cette poule qui met trente-huit jours à une tâche que ses congénères accomplissent gé
34 liquer à mon calomniateur bordelais que c’est lui qui ne connaît rien aux mœurs des poules ! Que nous n’avons pas besoin d’
35 out cela ne compte guère aux yeux d’une poule. Ce qui compte, c’est l’énorme étude de neuf colonnes parue, pour ma vengeanc
36 iculière. Voilà au moins un sujet substantiel, et qui a tenté de fort bons auteurs. Ce qu’on peut critiquer chez vous, ce n
37 , poule noire, j’étais « un sujet substantiel, et qui a tenté de fort bons auteurs ». Mon malheur a voulu que j’aie tenté a
38 n malheur a voulu que j’aie tenté aussi un auteur qui « malmène les mots » à tel point que Mme Meylan peut écrire de son li
39 e de mon persécuteur la haine farouche de tout ce qui est beau et noble. Le génie seul a les yeux si perçants, le génie seu
40 ent ne pas admirer le courage de cette Française4 qui , du fond de son Romorantin, se dresse, seule, contre toute l’opinion
41 té ; quel sacrilège ! » Or, sacrilège veut dire : qui lèse le sacré. On en déduit que M. Porché tient la pauvreté pour sacr
42 s. Pour finir, je vous confierai un renseignement qui a bien son prix. Beaucoup de critiques ont accusé mon auteur d’avoir
43 poule noire ? Ce ne sont pas seulement les poules qui jouissent de cette faculté. Il y a plus de mots que d’idées fécondes
44 d’une Française offensée, et moi je crois tout ce qui est imprimé. c. Rougemont Denis de, « Caquets d’une vieille poule n
4 1939, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Puisque je suis un militaire… (septembre 1939)
45 nous a « mis dedans ». (Je dis on, je ne sais pas qui c’est. Comme le brave paysan vaudois, après la grêle, qui désignait d
46 t. Comme le brave paysan vaudois, après la grêle, qui désignait d’un doigt le ciel coupable : « Je n’accuse personne, mais
47 nait, qu’on redoutait, qu’on croyait préparer, et qui nous trouvent sans peur et sans préparation dès l’instant qu’elles de
48 usques en tout sens, tissant une sombre confusion qui se révèle ordonnée à l’heure H ; et beaucoup de choses très lourdes,
49 ut cela se dégage un lyrisme. De cela précisément qui n’a pas de nom, qui n’a rien de spectaculaire, qui n’a pas sa photo d
50 lyrisme. De cela précisément qui n’a pas de nom, qui n’a rien de spectaculaire, qui n’a pas sa photo dans les feuilles et
51 ui n’a pas de nom, qui n’a rien de spectaculaire, qui n’a pas sa photo dans les feuilles et qu’on peut seulement ressentir
52 s trous du casque. L’homme tire la toile de tente qui couvre ses épaules et cherche à la caler sous son coude droit. Il sai
5 1939, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Billet d’aller et retour (décembre 1939)
53 s plus tard, dans une grande gare de cette Europe qui ne sait plus répondre aux menaces que par l’extinction des lumières,
54 nçaient un départ. À la fin, je retrouve un wagon qui me paraît être le mien, mais je l’avais quitté presque vide et il est
55 la pierre et dans les vestiges d’une civilisation qui déserte… Je me suis enfermé dans ma chambre d’hôtel et j’ai écrit pen
56 ces que j’allais faire, absurdement, dans un pays qui n’existait peut-être plus, qui était réduit à se défendre par le suic
57 ment, dans un pays qui n’existait peut-être plus, qui était réduit à se défendre par le suicide, la Hollande inondée, disai
58 inuité d’une tradition et d’une volonté créatrice qui n’ont jamais perdu la mesure de l’humain. Point de coupure ici, point
59 e permet la plus grande diversité dans les formes qui la manifestent. Quand je songe à l’ennui, au désespoir qu’expriment l
60 osition tragique dont cette guerre est sortie, et qui est celle des deux grandes conceptions de « l’ordre » qui se partagen
61 celle des deux grandes conceptions de « l’ordre » qui se partagent notre Europe : harmonie intérieure ou uniformité géométr
62 cole primaire démesurée. C’est le contraire de ce qui fonde nos vraies valeurs et notre raison d’être ; c’est l’image même
6 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Beekman Place (octobre 1946)
63 e des rares — j’en connais trois dans Manhattan — qui à la fois ne portent pas de numéro et ne coupent point les avenues à
64 me lève et sors. Je me promène sur cette terrasse qui fait le tour de mes chambres blanches, posées sur le onzième étage et
65 rasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hier changent de poids
66 uivante : « Fragment du Journal des deux mondes qui paraîtra à la Guilde du Livre. »
7 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Souvenir d’un orage en Virginie (novembre 1946)
67 chée dans les bosquets au bout d’une longue allée qui monte entre des barrières blanches. « Et vous verrez ce qu’elle en a
68 C’est une grande femme bottée, sauvage et belle, qui mord une pomme, et son torse paraît nu dans un fin sweater jaune. Ell
69 dans la porte du fond un homme en veste de chasse qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes entrent et
70 le renvoie chercher des verres et des bouteilles. Qui sont ces gens ? Elle dit : « Je ne le sais pas plus que vous. Ils son
71 Eh bien ? m’ont demandé mes amis dans la voiture qui nous emporte sous la pluie, qu’en pensez-vous ? — J’ai pensé que, pou
8 1946, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Noël à New York (décembre 1946)
72 Auriez-vous, dis-je d’un ton suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de la bombe atomique pour les enfants ? » La ve
73 Cadum des réclames et non plus de cet Enfant vrai qui naquit tant bien que mal dans la paille, sous le souffle d’un bœuf ma
74 illes, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n’appartiennent pas à une cellule soc
75 groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n’appartiennent pas à une cellule sociale, formeront la foule de Time
76 ictoire sur le temps, comme si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’apportera cette fin d’année ? Un dernier s
77 s clichés à la mode au sujet de cette invention «  qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix
78 trie automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protégera, lui le patron, contre les grèves irrégulières. Car la f
79 ient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de l’antisémitisme, et de l’an
9 1947, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Slums (janvier 1947)
80 ès qu’elle a traversé les piliers du métro aérien qui longe encore la Troisième Avenue, s’anime alors dangereusement d’enfa
81 noircissent au rebord des trottoirs. Les enfants qui ne jouent plus à la balle parce que la nuit vient de descendre — depu
82 ur la neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes d’entrée. Portes étroites, ouvrant sur des coul
83 e dans la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui est censé chauffer l’appartement, une espèce de baignoire couverte et
84 passe par une baie sans porte dans le front room, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambre
85 une autre pièce plus large sur la cour. Ce logis, qui n’est guère qu’un corridor légèrement cloisonné, s’annonce dans les j
86 l est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont peut-être des chats. Des cordes tendues sur l’abî
87 lemment éclairé, je vois quelques Chinois courbés qui empilent du linge ; au cinquième, une grosse femme en peignoir qui se
88 inge ; au cinquième, une grosse femme en peignoir qui se farde à gestes menus. Le concierge irlandais hurle dans l’escalier
10 1947, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu (décembre 1947)
89 un magistrat ou tribunal quelconque, les citoyens qui auraient commis un délit contre cette liberté… Mais autant ces accusa
90 se lance alors à corps perdu dans une accusation qui ne laisse pas de susciter l’étonnement de l’auditoire. Après s’être l
91 emont a dédié à Paris envahi par les Allemands et qui , paru dans la Gazette en juin 1940, lui valut une sanction de la cens
92 pposés, le départ est le même », affirme l’avocat qui cite longuement les passages où Denis de Rongement relate son activit
93 client et celle de l’écrivain Denis de Rougemont qui , constate le défenseur d’Oltramare, est allé se mettre au service de
94 ur mieux « passer sous silence l’hitlérisme ». Qui croire ? Ainsi donc, selon Me Duperrier, j’ai passé le temps de la
95 ôté d’Oltramare. Ces deux griefs s’accordant mal, qui devons-nous croire ? Remarquez que Me Duperrier, en me dénonçant deva
96 les calomnies, parce que je suis pour la liberté qui est du courage mais contre la licence qui est du fanatisme, ou de la
97 liberté qui est du courage mais contre la licence qui est du fanatisme, ou de la lâcheté, ou simplement (restons courtois)
98 rd la face. 2. Mais où est l’homme sain d’esprit qui peut admettre que j’aie vraiment agi comme Oltramare ? Nous avons tou
99 de Suisse, sur la politique. Soit. Mais un avocat qui veut s’en tenir à la seule ressemblance des mots tombe dans le calemb
100 rt, et Malherbe d’avoir consolé Duperrier — celui qui a perdu son procès. La seule question sérieuse qui se posait, notre a
101 ui a perdu son procès. La seule question sérieuse qui se posait, notre avocat s’est bien gardé de la formuler : c’est celle
11 1948, Bulletin de la Guilde du livre, articles (1937–1948). Lacs (août 1948)
102 rrière moi, l’horizon des collines, sont le cadre qui donne au tableau sa signification privilégiée. Ici le cœur et l’âme o
103 un peu de vent déplace, illumine ou éteint, voilà qui satisfait comme nul autre paysage ce goût profond de composer, de con
104 con sur l’eau, accroché aux très hautes murailles qui sans raison, grandiloquentes, bordent la rive. (Elles furent élevées,
105 ais seul… Rade de Genève par un beau temps cruel, qui faisait fête à des adieux… Petits déjeuners suisses sur un balcon d’h
106 air grave, d’un air de ne pas regarder les filles qui passent, mais je la vois venir de loin. Elle porte un grand chapeau f
107 prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur de l’eau qui dort, pénétrante, amicale. Un poisson saute et ride un moment le miro
108 ent impétueux. L’orage est imminent. Notre héros, qui paraît âgé d’une vingtaine d’années, se dirige vers le lac qu’on aper
109 sol, et s’appuie de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’attente du pays sous le ciel orageux
110 cur, vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’avait rejoint, c’était cette chose absurde et magnifique, entre hau